apport de la protéine p63 dans le diagnostic du carcinome tubuleux mammaire

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Ann Pathol 2004 ; 24 : 319-23 © Masson, Paris, 2004 319 Article original Accepté pour publication le 9 mars 2004 Tirés à part : J.-C. Noël, voir l’adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Apport de la protéine p63 dans le diagnostic du carcinome tubuleux mammaire Jean-Christophe Noël, Isabelle Fayt, Sergio Fernandez-Aguilar Service d’Anatomie Pathologique, Clinique de Gynécopathologie et de Sénologie, Hôpital Universitaire Erasme, Université Libre de Bruxelles (ULB), Route de Lennik 808, 1070 Bruxelles. Noël J-C, Fayt I, Fernandez-Aguilar S. Apport de la protéine P63 dans le diagnostic du carcinome tubuleux mammaire. Ann Pathol 2004 ; 24 : 319-23. Summary P63 protein in the diagnosis of breast tubular carcinoma Aims: To study and compare the expression of p63 protein and smooth muscle actin in breast tubular car- cinoma (TC) and its main differential diagnoses, radial scar (RS)/complex sclerosing lesion (CSL). Materials and methods: Immunohistochemistry techniques were used to search for p63 protein and smooth muscle actin antibodies in 10 patients with TC and fifteen with RS/CSL. Results: Myoepythelial cells were diffusely positive for both actin and p63 protein with a cytoplasmic (actin) or nuclear (p63) pattern in all patients with RS/CSL. Inversely, all TC were negative for p63. Actin antibodies failed to label myoepithelial cells in TC, but both vessels and stromal myoblasts were actin-positive, creating difficult interpretation situa- tions. By contrast, p63 was consistently negative in these structures. Conclusion: For the differential diagnosis between TG and CR/LSC, smooth muscle actin and p63 pro- tein demonstrate equivalent sensitivity for the detec- tion of myoepithelial cells. However, the nuclear pattern of p63 labeling gives a “cleaner” stain. In addition, p63 enables distinction between myoepi- thelial cells and myofibroblasts/vascular smooth muscle cells, offering increased specificity. Key words: tubular carcinoma, radial scar, complex sclerosing lesion, p63 protein, smooth muscle actin, breast. Résumé Objectifs : Évaluer l’expression de la protéine p63 par rapport à l’actine musculaire lisse dans les carcinomes tubuleux (CT) mammaires et ses principaux diagnostics différentiels majeurs, à savoir les lésions de cicatrice radiaire (CR)/lésion sclérosante complexe (LSC). Matériel et méthodes : Dix cas de CT et 15 cas de CR/LSC ont été teste par immunohistochimie avec la protéine p63 et l’actine musculaire lisse. Résultats : Tous les cas de CR/LSC contenaient des cellules myoépithéliales exprimant de manière diffuse l’actine et la protéine p63. L’immunomarquage anti p63 présentait une localisation nucléaire. À l’opposé, aucun mar- quage pour la p63 n’a pu être démontré dans tous les cas de CT. Le marquage pour l’actine musculaire n’a pas identifié de cellules myoé- pithéliales dans les cas de CT mais s’est cependant révélée positif dans les structures vasculaires et les myofibroblastes du stroma péritumoral, rendant l’interprétation mor- phologique plus délicate. Conclusions : La sensibilité de la protéine p63 et de l’actine musculaire lisse est équivalente dans le diagnostic différentiel entre le CT et les lésions de CR/LSC. La spécificité de la protéine p63 apparaît cependant supérieure à l’actine musculaire lisse car elle ne marque ni les myo- fibroblastes ni les muscles lisses des vaisseaux. Cette spécificité accrue, associée aux avan- tages d’un marquage nucléaire avec cette pro- téine, rend le diagnostic différentiel entre le CT et les lésions de CR/LSC plus aisé. Mots-clés : carcinome tubuleux, actine musculaire lisse, protéine p63, cicatrice radiaire, lésion sclérosante complexe, sein. Introduction Le carcinome tubuleux mammaire est une variante morphologique de carci- nome infiltrant bien différencié, caracté- risé par une prolifération de structures tubulaires, ovales ou rondes, parfois « anguleuses », entourées par un stroma cellulaire desmoplasique [1]. Ces struc- tures sont revêtues d’une assise simple de cellules épithéliales de petite taille,

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Page 1: Apport de la protéine p63 dans le diagnostic du carcinome tubuleux mammaire

A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 3 1 9 - 2 3

© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 4 319

Article original

Accepté pour publication le 9 mars 2004

Tirés à part : J.-C. Noël, voir l’adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Apport de la protéine p63 dans le diagnostic du carcinome tubuleux mammaire

Jean-Christophe Noël, Isabelle Fayt, Sergio Fernandez-Aguilar

Service d’Anatomie Pathologique, Clinique de Gynécopathologie et de Sénologie, Hôpital Universitaire Erasme, Université Libre de Bruxelles (ULB), Route de Lennik 808, 1070 Bruxelles.

Noël J-C, Fayt I, Fernandez-Aguilar S. Apport de la protéine P63 dans le diagnostic du carcinome tubuleuxmammaire. Ann Pathol 2004 ; 24 : 319-23.

SummaryP63 protein in the diagnosis of breast tubular carcinoma

Aims: To study and compare the expression of p63protein and smooth muscle actin in breast tubular car-cinoma (TC) and its main differential diagnoses,radial scar (RS)/complex sclerosing lesion (CSL).Materials and methods: Immunohistochemistrytechniques were used to search for p63 protein andsmooth muscle actin antibodies in 10 patients withTC and fifteen with RS/CSL.Results: Myoepythelial cells were diffusely positivefor both actin and p63 protein with a cytoplasmic(actin) or nuclear (p63) pattern in all patients withRS/CSL. Inversely, all TC were negative for p63.

Actin antibodies failed to label myoepithelial cells inTC, but both vessels and stromal myoblasts wereactin-positive, creating difficult interpretation situa-tions. By contrast, p63 was consistently negative inthese structures.Conclusion: For the differential diagnosis betweenTG and CR/LSC, smooth muscle actin and p63 pro-tein demonstrate equivalent sensitivity for the detec-tion of myoepithelial cells. However, the nuclearpattern of p63 labeling gives a “cleaner” stain. Inaddition, p63 enables distinction between myoepi-thelial cells and myofibroblasts/vascular smoothmuscle cells, offering increased specificity. ✦

Key words: tubular carcinoma, radial scar, complexsclerosing lesion, p63 protein, smooth muscle actin,breast.

Résumé

Objectifs : Évaluer l’expression de la protéinep63 par rapport à l’actine musculaire lisse dansles carcinomes tubuleux (CT) mammaires etses principaux diagnostics différentielsmajeurs, à savoir les lésions de cicatrice radiaire(CR)/lésion sclérosante complexe (LSC).Matériel et méthodes : Dix cas de CT et 15 cas deCR/LSC ont été teste par immunohistochimieavec la protéine p63 et l’actine musculaire lisse.Résultats : Tous les cas de CR/LSC contenaientdes cellules myoépithéliales exprimant demanière diffuse l’actine et la protéine p63.L’immunomarquage anti p63 présentait unelocalisation nucléaire. À l’opposé, aucun mar-quage pour la p63 n’a pu être démontré danstous les cas de CT. Le marquage pour l’actinemusculaire n’a pas identifié de cellules myoé-

pithéliales dans les cas de CT mais s’estcependant révélée positif dans les structuresvasculaires et les myofibroblastes du stromapéritumoral, rendant l’interprétation mor-phologique plus délicate.Conclusions : La sensibilité de la protéine p63et de l’actine musculaire lisse est équivalentedans le diagnostic différentiel entre le CT et leslésions de CR/LSC. La spécificité de la protéinep63 apparaît cependant supérieure à l’actinemusculaire lisse car elle ne marque ni les myo-fibroblastes ni les muscles lisses des vaisseaux.Cette spécificité accrue, associée aux avan-tages d’un marquage nucléaire avec cette pro-téine, rend le diagnostic différentiel entre leCT et les lésions de CR/LSC plus aisé. ✦

Mots-clés : carcinome tubuleux, actine musculairelisse, protéine p63, cicatrice radiaire, lésion sclérosantecomplexe, sein.

Introduction

Le carcinome tubuleux mammaire estune variante morphologique de carci-nome infiltrant bien différencié, caracté-

risé par une prolifération de structurestubulaires, ovales ou rondes, parfois« anguleuses », entourées par un stromacellulaire desmoplasique [1]. Ces struc-tures sont revêtues d’une assise simplede cellules épithéliales de petite taille,

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régulières et relativement monomorphes [2].Considérées longtemps comme rares carasymptomatiques du fait de leur petite taille(généralement inférieure à 10 mm), cestumeurs ont vu leur incidence augmenter cesdernières années du fait du dépistage mam-mographique (5 à 10 % des cancers dans lamajorité des séries) [3-6]. Si cette tumeur pré-sente des caractéristiques morphologiquespropres, son diagnostic différentiel en particu-lier avec les lésions bénignes de cicatriceradiaire/lésion sclérosante complexe, restedélicat et repose principalement sur la mise enévidence des cellules myoépithéliales parimmunohistochimie en utilisant comme mar-queur l’actine musculaire lisse [1, 2]. Cetimmunomarquage, dans un certain nombre decas, est cependant difficile à interpréter du faitde la positivité des myofibroblastes stromauxsouvent présents dans les carcinomes tubu-leux, qui peuvent donner des résultats fausse-ment positifs [1, 7, 8]. Afin de contourner ceproblème, d’autres anticorps marquant les cel-lules myoépithéliales ont été proposées,comme la protéine S100, le 34BE12, les cytoké-ratines 5/6, la chaîne lourde de la myosinemusculaire lisse, la calponine, le CD10 et lamaspine avec des résultats variables dans la lit-térature [9-16]. Récemment, il a été montréque la protéine p63, un homologue de la pro-téine p53, nécessaire au maintien des popula-tions de cellules souches épithéliales, estexprimée de manière constitutive dans les cel-lules basales des épithélia cutanés, prostati-ques ou respiratoires, dans les cellulescytotrophoblastiques, dans de rares celluleslymphoïdes au niveau des follicules lymphoï-des mais également dans les cellules myoépi-théliales des glandes salivaires et mammaires[16-23]. La protéine p63 joue d’ailleurs unrôle fondamental dans le développementmammaire durant l’embryogénèse (les sou-ris Knock-out p63 n’ont aucun développe-ment mammaire et la mutation du gène p63chez l’homme est responsable à la fois demalformation faciale et d’une hypoplasie-aplasie mammaire) [22]. La protéine p63 al’avantage de donner, contrairement à tousles autres marqueurs myoépithéliaux précé-demment décrits, une immunoréactiviténucléaire rendant son interprétation plusaisée [16, 19].Le but de ce travail est de comparer l’expres-sion immunohistochimique de la protéinep63 avec l’actine musculaire lisse, dans lescarcinomes tubuleux mammaires, et sesprincipaux diagnostics différentiels, à savoirles lésions de cicatrice radiaire/lésion sclé-rosante complexe.

Matériel et méthodes

Dix cas de carcinomes tubuleux et 15 casde cicatrices radiaires/lésions sclérosantescomplexes ont été étudiés.Pour les carcinomes tubuleux, l’âge despatientes était compris entre 34 et 71 ans(âge moyen : 59 ans) et la taille des lésionsvariait de 0,5 à 1,5 cm (moyenne 0,8 cm).Aucune de ces tumeurs n’a entraîné demétastase ganglionnaire ou de métastase àdistance. Pour les cas de cicatrice radiaire/lésion sclérosante complexe, l’âge despatientes était compris entre 42 et 67 ans(âge moyen : 56 ans) et la taille des lésionsvariait de 0,4 cm à 2,5 cm. Les pièces opéra-toires ont été fixées dans du formol à 10 %tamponné pendant 24 heures. Pour l’immu-nohistochimie anti p63, un prétraitementau bain marie à la température de 98°, tam-pon EDTA pH 9,0 d’une durée de 60minutes suivi d’un refroidissement d’unedurée de 30 minutes a été effectué. Pourl’immunomarquage anti actine, aucun pré-traitement n’a été réalisé. Les caracté-ristiques de ces deux anticorps sont lessuivantes : protéine 63 (clone monoclonal4A4, Dakocytomation dilué au 1/500e) ;actine musculaire lisse (clone monoclonalHHF35, Biogenex, dilué au 1/50e). Le tempsd’incubation pour ces deux anticorps étaitde 60 minutes. Le kit de révélation immuno-histochimique utilisé était le Vectastain Elite(ABC) (Vector).

Résultats

Les 15 cas (100 %) de lésion de cicatriceradiaire/lésions sclérosantes complexes,présentaient un immunomarquage positifpour la protéine p63 et pour l’actine muscu-laire lisse. L’immunomarquage anti p63 serévélant de manière généralement disconti-nuela couche des cellules myoépithélialesbasales (figure 1). Cette discontinuité demarquage n’entraînait cependant pas de dif-ficulté d’interprétation notable. À l’opposé,aucun des cas de carcinome tubuleux neprésentait d’expression détectable de laprotéine p63. L’actine musculaire lissedémontrait également l’absence de cellulesmyoépithéliales dans les cas de carcinometubuleux, mais se révélait fortement positivetant au niveau des structures vasculairesqu’au niveau des myofibroblastes du stromapéritumoral. Cette positivité rendait l’inter-prétation du marquage par cet anticorpsparfois délicate (figure 2a). La protéine p63

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Protéine p63 et carcinome tubuleux mammaire.

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au contraire ne marquait ni les myofibro-blastes ni les fibres musculaires lisses desvaisseaux (figure 2b). Dans le sein normal,l’ensemble des myoépithéliales des unitésductulo-lobulaires étaient systématique-ment positives pour la p63 (pas de fauxnégatif). À l’opposé, aucun immunomar-quage dans les cellules épithéliale n’a puêtre détecté.

Discussion

Ces dernières années, le dépistage mammo-graphique a permis d’accroître l’incidencede détection des cicatrices radiaires/lésionssclérosantes complexes et des carcinomestubuleux. Ces deux entités représententchacune 5 à 10 % des biopsies/exérèsesmammaires selon les programmes de dépis-tage [3-6, 24]. Macroscopiquement, ces deux

lésions sont relativement similaires et seprésentent sous la forme de petites forma-tions tumorales étoilées et spiculées, s’éten-dant dans le tissu adipeux. L’examenmicroscopique montre que les lésions de cica-trice radiaire/lésions sclérosantes complexeset les carcinomes tubuleux présentent descaractéristiques propres (les signes évoca-teurs des lésions de cicatrice radiaire/lésionsclérosante complexe sont : la dispositioncentripède ; tubes étirés et déformés, par-tiellement collabés ; absence de lésion decarcinome in situ adjacent). Pour le carci-nome tubuleux, les signes évocateurs sont :la disposition centrifuge ; les tubes peudéformés à lumière ouverte ; la présence delésions de carcinome in situ associées dans70 % des cas. Le diagnostic différentiel for-mel entre ces deux entités est parfois diffi-cile et repose sur la mise en évidence decellules myoépithéliales. Celle-ci n’estcependant malheureusement pas toujoursaisée à l’examen microscopique. Dès lors,une confirmation immunohistochimique dela présence de cellules myoépithéliales encomplément de l’examen morphologiques’avère indispensable [1, 2]. Dans ce but,l’anticorps le plus souvent utilisé est l’actinemusculaire lisse, qui est extrêmement sen-sible, mais qui présente l’inconvénient demarquer non seulement les cellules myo-épithéliales, mais également les myofibro-blastes ainsi que les fibres musculaires lissesdes structures vasculaires présentes dans lestroma adjacent [1]. Cette particularité rendle diagnostic différentiel de certains carci-nome tubuleux difficile, en particulier s’ilexiste une réponse desmoplasique impor-tante avec de nombreux myofibroblastes ous’il existe des structures vasculaires nom-breuses autour du carcinome invasif. Afinde contourner cette difficulté, d’autres mar-

FIG. 1. — Expression de la protéine p63 dans un cas de cicatrice radiaire. Marquage nucléaire discontinu des cellules myoépithéliales.

FIG. 1. — Expression of p63 in a case of radial scar. Disconti-nuous labeling of myoepithelial cells.

a b

FIG. 2. — Comparaison de l’expression de la protéine p63 et de l’actine musculaire lisse dans un carcinome tubuleux. L’actine musculairelisse démontre l’absence de cellule myoépithéliale mais est positive dans les myofibroblastes et les vaisseaux péritumoraux rendant le diagnos-tic plus difficile (a). La protéine p63 est négative dans ces mêmes structures (b).

FIG. 2. — Comparison of p63 and smooth muscle actin in tubular carcinoma. Smooth muscle action is positive in myophoblasts and peri-tumor vessels, p63 is negative in such structures.

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queurs de cellules myoépithéliales ont étéproposés, comme les cytokératines de type5/6, le 34BE12, la protéine S100, le CD10, lacalponine, la maspine ou encore la chaînelourde de la myosine musculaire lisse. Cesdifférents anticorps présentent malheureu-sement, soit des problèmes de sensibilité,soit des problèmes de spécificité [10-16]. Parexemple, des études récentes ont montréque la calponine ou les chaînes lourdes dela myosine musculaire lisse, précédemmentdécrites comme spécifiques des cellulesmyoépithéliales, sont également malheu-reusement positives dans les myofibro-blastes et les fibres musculaires lisses desvaisseaux péritumoraux [16]. Par ailleurs,l’ensemble de ces antigènes, y comprisl’actine musculaire lisse, sont tous des mar-queurs membranaires ou cytoplasmiques,parfois difficile à interpréter. Récemment, ila été démontré que les noyaux des cellulesmyoépithéliales mammaires expriment demanière constitutive, la protéine p63 [16-23].Cette protéine est un homologue de la pro-téine p53, et possède des propriétés derégulation de l’apoptose. Elle est expriméedans les cellules basales des épithélia cuta-nés, prostatiques ou respiratoires et est con-sidérée comme un marqueur potentiel descellules « souches» (« stem cells ») ou descellules de réserve [22,23].En pathologie mammaire, des études récentesont démontré que cette protéine a une sen-sibilité équivalente à l’actine musculairelisse dans la détection des cellules myoépi-théliales dans les carcinomes in situ ou dansles pathologies bénignes (adénose,…) [16,17]. Par ailleurs, elle s’est révélée négativedans les carcinomes canalaires invasifs degrade I ou de grade II histologique, dans lescarcinomes lobulaires invasifs, dans les car-cinomes médullaires, ainsi que dans les car-cinomes tubuleux (tableau I) [16-18]. Il fauttoutefois remarquer que la protéine p63 estexprimée également dans 15 à 20 % des car-cinomes canalaires infiltrants de grade IIIhistologique ou dans les carcinomes méta-plasiques, mais dans ces cas, le caractèreinfiltrant des lésions ne pose aucun pro-blème diagnostique [18, 25]. Certainsauteurs ont également rapporté quel’immunomarquage anti p63 pouvait, dansles lésions de carcinome in situ ou dansles entités bénignes, se présenter sous laforme d’un marquage discontinu, du faitque le noyau d’une cellule myoépithélialedonnée n’est pas évidemment pas, danstous les cas, immédiatement juxtaposé aunoyau de sa voisine la plus proche [19]. Cecaractère focalement discontinu de l’immu-nomarquage ne présente cependant pas de

difficulté d’interprétation majeure [16]. Undes grands avantages de la protéine p63 estsa spécificité. Cette protéine n’est expri-mée ni par les myofibroblastes, ni par lescellules musculaires lisses des vaisseaux[16]. Dans le cas précis des carcinomes tubu-leux, cette spécificité est extrêmement utileau diagnostic, car une prolifération de myofi-broblastes actine positifs est souvent intime-ment mêlée aux structures tubulairesmalignes. Cette particularité peut rendre lediagnostic de carcinome tubulaire difficile,en particulier sur biopsies true-cut(figure 2).En conclusion, la protéine p63 présente ànotre avis, une sensibilité équivalente àcelle de l’actine musculaire lisse dans le dia-gnostic des carcinomes tubuleux. Cepen-dant, contrairement à cette dernière, elleprésente les avantages d’un marquagenucléaire plus facilement interprétable etd’une grande spécificité pour les cellulesmyoépithéliales. Le diagnostic différentielentre le carcinome tubuleux et les lésionsde cicatrice radiaire/lésions sclérosantescomplexes est aussi rendu plus facile. ■

Références

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TABLEAU I. — Analyse de la réactivité de la protéine p63 dans les carcinomes tubuleux et dans les lésions de cicatrice radiaire/lésions sclérosantes complexes. Résultats exprimés en nombre de cas positifs.TABLE I. — Analysis of p63 expression in tubular carcinoma and in benign lesions (number of positive cases).

Auteurset références

Carcinomes tubuleux

Cicatrice radiaire/lésion sclérosante

complexe

Ribeiro — Silva et al. [18]

0/8 Non testé

Werling et al. [16] Non testé 5/5

Barbareschi et al.[17]

0/10 5/5

Étude présente 0/10 15/15

Total : 0/28 (0 %) 25/25 (100 %)

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