antimanuel de marketing

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Ouvrage conçu et coordonné par Gilles M ARION Avec la collaboration de Robert R EVAT Frank A ZIMONT Philippe P ORTIER François M AYAUX Daniel M ICHEL Antimanuel de marketing Troisième édition Nouvelle présentation © Éditions d’Organisation, 1990, 1998, 2003 ISBN : 2-7081-2896-5

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Ouvrage conçu et coordonné parGilles M

ARION

Avec la collaboration deRobert R

EVAT

Frank A

ZIMONT

Philippe P

ORTIER

François M

AYAUX

Daniel M

ICHEL

Antimanuelde marketing

Troisième éditionNouvelle présentation

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© Éditions d’Organisation, 1990, 1998, 2003

ISBN : 2-7081-2896-5

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CHAPITRE 1

Marketing : objet,

démarche et débats

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Cet antimanuel du marketing vise à fournir, en mêmetemps, un mode d’emploi du marketing et des repèresquant à ses précautions d’emploi. Un mode d’emploicomplet comporte, en effet, non seulement des indi-cations d’usage, c’est-à-dire : « comment appliquer lemarketing ? », mais aussi des précautions d’usage, enl’occurrence : « quelles sont ses ambiguïtés ? ». Le mar-keting est, certes, une discipline remarquablementplastique susceptible d’adapter ses formalisations à dessituations et des époques variées. Toutefois, on ne peutpasser sous silence ce que savent la plupart des prati-ciens et ce que pressentent la plupart des néophytes :le marketing n’est pas une construction résultantdéductivement d’une théorie scientifique, c’est une pra-tique théorisée qui tient son efficacité et sa légitimitéde ce pragmatisme même. Ce premier chapitre abordesix thèmes principaux.

• Le but du marketing et la définition du marketingconcept : l’orientation client.

• La démarche du marketer et les concepts-clés du mar-keting.

• Le marketing et la diversité des organisations.

• La mondialisation des marchés.

• La place du marketing dans l’organisation.

• Les débats et controverses suscités par le marketing.

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But et définition du marketing

Le marketing, en tant que pratique théorisée, est constitué par unensemble d’instruments de gestion propre aux entreprises : la seg-mentation, les études de marché, les tests, la vente, la publicité,etc. Tous ces outils ont un seul but : le pilotage de l’échange marchanden situation concurrentielle. Pourquoi disons-nous pilotage ? Parce quec’est probablement la moins mauvaise traduction de management,dans l’expression marketing management. Pourquoi échange marchand ?Parce que c’est, pour nous, l’objet focal du marketing. Parlerd’échange marchand, c’est souligner le fait que le marketer s’intéresseà ce qui peut être vendu et acheté et non à n’importe quel échange.On peut, en effet, échanger beaucoup de choses (des biens et desservices, mais aussi des politesses, des regards, des coups…). Deplus, le marché n’est que l’une des solutions par opposition au trocou au don, voire au partage. Enfin, parler de situation concurrentielle,c’est mettre l’accent sur le secteur privé marchand (les entreprises),voire le secteur public marchand (les entreprises nationalisées), etnon sur le secteur public non marchand (les administrations publi-ques), même si parfois ces organisations s’efforcent d’imiter les pra-tiques du secteur privé. Marché concurrentiel et entreprise privéese présupposent réciproquement : pas de marché concurrentiel sansentreprises et pas d’entreprises sans marché concurrentiel. Une tellesituation, l’économie de marché, est le fruit du libéralisme qui asubstitué les « lois » du marché aux commandements de l’ordreféodal traditionnel et a permis l’extension du commerce.

Quant au secteur privé non marchand (les organisations à but nonlucratif), il relève d’une approche spécifique que nous présenteronsplus loin. Depuis longtemps, la résonance des techniques du mar-keting, notamment la vente et la publicité, encourage la tentation

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d’en faire une catégorie universelle de l’action humaine. D’autantplus que le marketing est capable, peut-être plus que d’autres dis-ciplines, de faire son auto-promotion en appliquant ses proprespréceptes à lui-même. Ce n’est pas là notre ambition. La pratiquedu marketing concerne d’abord la gestion de l’entreprise. Elle peutavec prudence être mise en œuvre dans d’autres organisations maisil faut, alors, adapter ses principes et ses instruments.

Définition du marketing concept : l’orientation client

Le marketer a une conception particulière de la relation marchande.Sa grille de lecture particulière, sa « manière de voir », consiste àprivilégier le point de vue de la demande, donc du client, pourconcevoir l’action commerciale au lieu de privilégier le point devue de l’offre, c’est-à-dire celui de l’entreprise. Ce retournementconstitue l’élément fondamental de la logique d’action du marketer :

• selon le marketing concept, l’entreprise est orientée par leclient, elle a pour objectif de répondre à la demande (auxbesoins, aux désirs) du client,

• cet objectif doit être commun à tous les membres de l’entre-prise pour, notamment, se traduire par la conception et lamise en marché d’une ou plusieurs offres susceptibles del’emporter sur la concurrence.

Conformément à la logique économique libérale, c’est la rencontrede ces deux intérêts égoïstes (celui du client et celui du fournisseur)qui donne lieu à l’échange et met au jour la valeur de l’objet del’échange, c’est-à-dire du produit (un bien ou un service). Mais lemarketing concept souligne la singularité de la grille de lecture du

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marketer : il considère que l’échange doit être polarisé par le client,c’est-à-dire par des demandes individuelles et non par l’offre d’unmonopole, la décision d’un centre planificateur, voire d’un dictateur.C’est ce qu’on désigne par l’orientation client (customer orientation,customer focus). Subordonner la réalisation des profits à la satisfactiondu client, soumettre la gestion de toute entreprise à l’observationméthodique du marché, donc engager tous les autres services del’organisation vers ce but commun, n’est pas une idée nouvelle.Mais, à partir des années 1960, la reprise systématique et enthou-siaste de cette idée par les milieux d’affaires américains, puis inter-nationaux, voilà la nouveauté.

Le système des relations offre/demande

Pour le marketer, l’environnement de l’entreprise est essentiellementconstitué, du côté de la demande, par des clients actuels et potentielset, du côté de l’offre, par des concurrents actuels et potentiels. L’undes points-clés du marketing consiste alors à mobiliser des ressourcesde telle sorte que le système concurrentiel soit modifié à l’avantagede l’entreprise. La schématisation de l’encadré 1.1. présente le sys-tème des relations entre l’offre et la demande du point de vue dumarketer. Les vendeurs, qui constituent l’offre d’un secteur d’activitésont en relation avec les acheteurs, qui constituent la demande, aumoyen de quatre processus. Les vendeurs fournissent des biens et/ou des services aux acheteurs en échange d’argent, le plus souventau moyen d’intermédiaires : les détaillants, les distributeurs, lesentreprises de commerce… Ces vendeurs communiquent sur leursproduits par divers moyens (marque, publicité, emballage, actioncommerciale…), tandis que les acheteurs émettent des signaux quiconstituent pour les vendeurs autant d’informations (achats, con-naissance de la marque, opinions sur les produits…).

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Encadré 1.1. Schématisation du système offre/demande pour le marketer

Cette schématisation du système offre/demande permet de mettreen évidence les éléments essentiels de la « boîte à outils » du marketer.Celui-ci utilise un ensemble d’instruments pour :

• rassembler et interpréter de l’information afin de compren-dre la structure et l’évolution de la demande (l’étude dumarché),

• construire une représentation pertinente des clients actuelset potentiels (la segmentation du marché) et de la concurrence(l’analyse concurrentielle),

• développer une ou plusieurs offres adéquates et rentables(biens et/ou service), concevoir et mettre en œuvre uneaction commerciale pour accéder au marché, communiqueravec les clients et l’emporter sur la concurrence.

Un ensemble de vendeurs

Un ensemble d’acheteurs

Biens/Services

Argent

Communication et action

commerciale

Information

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Quelle traduction en langue française ?

Le choix d’un terme en langue française pour traduire marketingsoulève d’emblée la question de sa définition. Or, une définitionprécise et stable de cette notion, au sein même de sa langue d’origine,l’anglo-américain, demeure introuvable. Elle varie selon les époques,les auteurs et les associations professionnelles. Une rapide analysede contenu permet de voir que le mot marketing désigne : desméthodes, des techniques, des processus, des pratiques, une ou desthéories, une « science » sociale, une fonction au sein des organi-sations, un art, un état d’esprit, voire une « philosophie » à l’inten-tion de l’entreprise et même de l’ensemble des acteurs sociaux.Pour tenter de résoudre cette difficulté, le dictionnaire français pro-pose de définir le marketing comme un ensemble de techniqueset de méthodes et de traduire ce terme par commercialisation. Ilpropose aussi deux autres vocables afin probablement de distinguerla théorie et la pratique : mercatique pour désigner l’étude théoriqueet générale de la commercialisation, et marchéage pour désigner sestechniques d’application pratique. Mais ces termes n’ont pas étéadoptés par les praticiens.

Résumons. Au sein de l’entreprise, le marketing a plusieurs visages.C’est d’abord une logique d’action. Une logique pour, d’un côté,penser le marché et agir sur ses acteurs, de l’autre, penser l’orga-nisation et agir sur ses membres. C’est aussi un ensemble de tech-niques pour construire et gérer de l’information, concevoir des offressous forme de biens et de services, et bâtir des modes d’accès à lademande. Quant au marketing management, c’est une doctrine nor-mative qui vise à prescrire les décisions stratégiques et opération-nelles qui incombent au marketer.

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La doctrine du marketing management traditionnel

Le marketing management a été lentement formalisé au cours de lapremière moitié du XXe siècle. Toutefois, l’essor de sa diffusion auxÉtats-Unis comme en Europe date véritablement des années 1960(Marion, 1995). Sa définition du marketing est alors : une démarchede recherche des besoins du consommateurs et acheteurs afin de définir l’offrede l’entreprise en termes de produit, de distribution et de prix en fonctionde ces besoins, puis de faire connaître et apprécier cette offre à travers desactions de communication. Une telle définition met l’accent sur lafacette déductive et adaptative du marketing : les besoins apparais-sent comme des « données » et l’entreprise doit les identifier pourles satisfaire. Mais, cette acception du marketing pose au moinsdeux problèmes fondamentaux. La démarche proposée est d’aborddéductive : il faudrait partir des besoins pour aller aux produits.Or, nous verrons 1) que la relation besoin/produit est en fait inte-ractive, 2) que la notion de besoin est particulièrement floue (cf.chap. 2). La démarche proposée est aussi adaptative : il suffirait,pour réussir, de lire les signaux de la demande afin de répondrepar une offre que l’on fera connaître et apprécier. Or, 1) à nouveauil faut souligner que la relation entre demande et offre est interactive.La demande est en permanence transformée par le jeu concurrentiel,dès lors les signaux de la demande sont aussi les réactions desclients aux diverses offres qui elles-mêmes résultent des réactionsdes clients, etc., 2) les entreprises ne se contentent pas de faireconnaître ou faire « apprécier » leur offre, elles influencent dans lesens de leurs objectifs les conditions mêmes de l’échange.

La doctrine traditionnelle présente toujours l’orientation clientcomme capable de conduire, presque magiquement, à un doublerésultat positif : la satisfaction du client et la performance de l’entre-prise. Mais c’est oublier que l’orientation client peut conduire le

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vendeur à ne voir le monde qu’au travers des yeux des clientsactuels et à vivre dans la « tyrannie des marchés servis » (Hamelet Prahalad, 1991). En cas de changement brutal du contexte,l’extrême adaptation à l’environnement peut être préjudiciable. C’estpourquoi la doctrine du marketing traditionnel se transforme gra-duellement. Ses auteurs phares reconnaissent désormais (Kumar,Sheer, Kotler, 2000) que l’introduction des discontinuités que sontles innovations consiste à inventer, en même temps, de nouveauxobjets et de nouveaux clients, la solution et le problème, et non às’adapter dans le court terme à une demande manifeste. Pour prendreun exemple, ancien mais bien étudié, lorsque George Eastmaninvente l’appareil Kodak permettant à chacun de prendre une pho-tographie, il invente en même temps un groupe social : celui desphotographes amateurs. L’appareil et ses utilisateurs sont inventés,construits et définis en même temps. Dès lors « satisfaire le client »signifie aussi bien « réagir aux exigences manifestes d’un cahier des chargesconstruit par un client compétent » que « anticiper les “besoins latents”d’un consommateur moyen ». Le marketing consiste tout autant à servirle marché en s’adaptant à la demande d’un client-roi (to be marketdriven) qu’à façonner et conduire le marché (to drive market) en met-tant en évidence un problème inaperçu jusqu’alors et à avancer unesolution. L’innovation invente, déplace une valeur. C’est là uneévidence que rappellent toutes les innovations radicales : le Walk-man de Sony aussi bien que le Post-it de 3M ; mais c’est aussi vraid’innovations plus incrémentales : un baume pour cheveux quidevient un « vitaliseur » ou un fromage frais qui devient « de l’éner-gie pour les petits malins ». Il est probable que les entreprises lesplus performantes sont celles qui sont capables d’équilibrer ces deuxprocessus (market driven et market driving) en fonction du contexte,voire d’opérer simultanément selon ces deux modes.

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Le mythe du « client-roi »

La notion de « client-roi » mérite quelques éclaircissements. Prenonsun exemple : a-t-on le sentiment d’être un roi dans un hypermarché ?Sans doute non, mais l’addition y est moins lourde qu’ailleurs et,jusqu’ici, cela justifie largement le déplacement pour une clientèletrès large. Le marketing concept prescrit que l’entreprise atteint sespropres objectifs au moyen de la satisfaction du client, mais il nes’agit pas pour elle de s’adapter à toutes les demandes. Certainesne sont pas solvables ou constituent des particularismes non ren-tables, d’autres ne coïncident pas avec les ressources et compétencesde l’entreprise ou avec ses priorités, certains produits sont conce-vables mais techniquement non réalisables. De nombreuses con-traintes (techniques, financières, culturelles, sociales, légales…)limitent donc, de fait, une conception naïve du marketing quilaisserait à penser que l’entreprise vise toujours à satisfaire chaqueclient considéré isolément.

Une entreprise qui décide de fournir une offre unique et peu dif-férenciée à un très grand nombre de clients fera un usage exemplairedu concept de marketing si, par là même, elle est capable de tenirune position concurrentielle. La notion de « client-roi » est doncun moyen commode pour passer des clients réels, en chair et enos, au « client » représentatif de la multiplicité des individus, etrepérable comme une sorte de « moyenne » des clients réels. Ce« client » est « roi » dans la mesure où il est construit commecelui qui va orienter l’activité économique en manifestant ses désirs,c’est-à-dire en fournissant des signaux d’acceptation ou de refus. Ilest ainsi postulé que le « client » a des « besoins » et que le butde la production consiste à les identifier afin de les satisfaire. Le« client-roi » est donc une fiction, mais c’est une fiction efficaceet convaincante car :

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• elle permet l’application des méthodes statistiques fondéessur la loi des grands nombres,

• elle fournit le fondement d’une interprétation parcimo-nieuse et pédagogique de la mission de l’entreprise,

• elle permet de légitimer une organisation vis-à-vis de sonenvironnement et donc de ses membres.

En près d’un siècle les marketers ont su construire une discipline,à mi-chemin entre les sciences sociales et la pratique entrepreneu-riale, dont l’ambition est d’organiser une sorte de « dialogue » entreproduction et consommation, où le marketer s’efforce de prendre enmain la relation marchande. Ce faisant il peut : « suivre » le marché(la tactique des marques de distributeurs est un cas typique),« façonner » le marché, c’est-à-dire influencer sa structure même(Microsoft est un cas typique), « interagir » avec le marché (la tac-tique des marques de la mode vestimentaire est un cas typique),voire « s’isoler » du marché (les secteurs en stagnation ou les entre-prises en redressement constituent des cas typiques). On passe, ainsi,de la métaphore de la main invisible (Adam Smith) à celle de lamain visible des marketers (Chandler, 1977).

Les confusions habituelles : vente, publicité, et études de marché

Le marketing est parfois réduit à l’une de ses manifestations : lavente ou la publicité et les études de marché. Ces réductions per-mettent de critiquer à bon compte les marketers soit pour pointerleur excès de pouvoir, soit pour en montrer les limites. Mais, bienque ces confusions renvoient à des interrogations légitimes, elledemeurent souvent de courte vue.

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La vente est une notion différente du marketing. L’objectif du vendeurest de « faire du chiffre d’affaires » en cherchant à recruter desclients pour une offre déjà constituée. Ce n’est donc là qu’un momentdans la mise en œuvre d’une stratégie marketing. Il demeure quec’est un moment indispensable et il est excessif de déclarer que« le but du marketing est de rendre la vente superflue ». La logique dela vente n’est ni inférieure ni supérieure à la logique marketing,elle signifie simplement que le vendeur n’entend pas négocier surd’autres dimensions de son offre que celles habituellement consti-tuées par ses conditions de vente. On comprend alors que des conflitspuissent apparaître entre les porteurs de la logique de la vente etcelle du marketing. D’une part, le vendeur considère comme légi-time la poursuite d’objectifs à court terme car « il faut bien remplirle carnet de commandes ». D’autre part, le marketer s’efforce de préserverla position concurrentielle à plus long terme car « il faut bien préserverla qualité de l’image et le niveau des profits ». Pour dépasser ces oppo-sitions, le marketer s’efforce d’articuler les contraintes et les infor-mations quotidiennes avec les tendances et les ambitions sur pluslongue période. Bien souvent c’est le vendeur qui, le premier, repèrechez ses clients les signaux faibles témoignant de l’insuffisance d’unestratégie. C’est là une information précieuse mais qui nécessite uneinterprétation. L’évolution à court terme du chiffre d’affaires n’estqu’un indicateur parmi d’autres des tendances à venir. La prise encompte des exigences immédiates des clients n’est donc, pour lemarketer, que l’une des contraintes à analyser.

La publicité est, pour l’entreprise, une forme particulière de ventequi substitue au vendeur en chair et en os un dispositif de diffusionde messages informatifs et persuasifs au travers des médias disposantde larges audiences. C’est la forme la plus visible du marketingdans le champ des produits de grande consommation. C’est pourquoiles observateurs extérieurs à cette pratique, qu’ils soient critiques

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ou non, perçoivent de manière fragmentaire la logique qui sous-tend les choix en matière de dépenses et de contenu de lacommunication vers le marché. Si bien que, même au sein de l’entre-prise, certains considèrent qu’on ne fait du marketing qu’à conditionde réaliser des campagnes publicitaires. Réciproquement, toute orga-nisation (association, service public, collectivité territoriale, établis-sement public, institution religieuse, parti politique), qui empruntela voie des grands médias est soupçonnée de faire du marketing.Ces naïvetés, qui entretiennent la confusion entre publicité et mar-keting, conduisent à occulter les problèmes concrets que pose, ausein des organisations, la double ambition du marketer : intervenirau niveau opérationnel et au niveau stratégique. En s’efforçant derepérer et comprendre les attentes du client, le marketer met souventen évidence la nécessité d’adapter non seulement les modes d’accèsau marché (une nouvelle technique de vente, le choix d’un médiapublicitaire…), mais aussi des éléments plus déterminants de laqualité et de la nature de l’offre : la configuration du produit (bienset/ou services), et les processus internes qui sous-tendent sacompétitivité. Dès lors, ceci le conduit à proposer des changementsqui touchent, à divers degrés, à la mission et au métier de l’entre-prise, à son organisation, et à l’attitude de l’ensemble de ses mem-bres. Certains ajustements retentissent peu sur l’ensemble del’organisation (un changement marginal sur un emballage par exem-ple), mais d’autres impliquent des éléments qui tiennent à l’identitémême de l’organisation (une nouvelle ligne de produits à l’intentiond’un nouveau segment de marché par exemple).

Les études de marché sont assez souvent d’une certaine utilité mais,en pratique comme en théorie, elles ne constituent pas un passageobligé de la démarche marketing. Heureusement pour les entre-preneurs, l’intuition est aussi une manière de construire une offreet une action commerciale. Quelques succès célèbres comme le

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Post-it, le Walkman de Sony ou la Swatch montrent que la réussiten’est pas forcément le résultat d’une étude préalable du marché.Certains considèrent même avec beaucoup de suspicion les étudesfondées sur les réactions de clients potentiels (Ries et Trout, 1989).D’abord parce que de nombreux clients manquent de compétencepour évaluer voire comprendre ce dont on leur parle. Ensuite,parce les études commerciales sont le plus souvent consacrées àl’examen du passé (ce que les consommateurs font ou ont fait) etnon au futur (ce que les consommateurs vont faire). On doit toujoursexaminer les résultats d’une étude de marché en se souvenant quel’art du marketing concerne le futur et qu’il s’agit parfois de créerle futur. On objectera que certaines études prospectives visent àmettre au jour des tendances. Certes, mais les « vendeurs detendances » vendent d’abord des études ou des articles pour lesmédias. Chaque usager de ces études constatera que, selon elles,le monde change aussi vite que les vagues de l’océan. Or, ce quecherche le marketer c’est une lecture des grands courants de moyenou long terme et non les engouements éphémères. D’une part,donc, on peut faire du marketing sans faire des études systématiquesauprès du client et, d’autre part, le marketing va toujours au-delàd’une séquence d’études commerciales qui visent à structurer lademande ou à tester telle ou telle hypothèse d’offre. Le marketingconsiste plus largement à comprendre un marché pour choisir unecible, positionner un produit, le distribuer, le vendre et commu-niquer sur lui.

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La démarche du marketer et ses concepts-clés

La mise en œuvre des instruments du marketer renvoie, tradition-nellement, à deux rôles complémentaires dans l’entreprise : le mar-keting opérationnel et le marketing stratégique (encadré 1.2.).

Le marketing opérationnel désigne les actions commerciales qui s’effor-cent de réaliser un chiffre d’affaires en s’appuyant sur des moyenstactiques. Ces moyens relèvent de choix concernant partiellementle produit et, principalement, le prix, la distribution et la commu-nication (les éléments du marketing mix). Il s’agit de vendre le pluspossible en utilisant au mieux ces moyens tactiques, c’est-à-dire lesmoyens dont le rapport coût-efficacité est le plus favorable à courtterme. La qualité du marketing opérationnel est un facteur décisifde la performance de l’entreprise. Aussi excellent soit-il, un bienou un service doit avoir un prix acceptable et accepté, et être dis-ponible dans les lieux de ventes appropriés. Cette présence suppose,le plus souvent, une équipe de vente performante et le soutien d’unecommunication publicitaire afin de le faire connaître et de le valoriser

Encadré 1.2. L’articulation des concepts-clés du marketing

Marketing stratégique SegmentationCiblagePositionnement

Marketing opérationnel Marketing mixAction commerciale

Le champ concurrentiel Analyse des forces concurrentielles

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aux yeux de ses acheteurs potentiels. Les questions-clés du marketingopérationnel s’énoncent donc en termes d’action commerciale (vente,promotion des produits, animation des points de vente, stimulationdes achats…), d’approvisionnement et de logistique (prévisions devente, gestion des stocks, disponibilité des produits…). Mais il nesaurait y avoir de mise en œuvre opérationnelle efficace sans deschoix stratégiques solides.

Le marketing stratégique désigne la démarche qui, à partir de l’analysedu marché, permet, 1) d’identifier différents segments actuels oupotentiels de la demande et de repérer les positions des concurrents,2) de choisir le ou les segments-cibles et de sélectionner la ou lesdifférence(s) qui singularisera l’offre pour, 3) définir un positionne-ment. Cette séquence (segmentation, ciblage, positionnement), vise à mettreau jour la ou les meilleures opportunités à moyen terme. Que leproduit soit « aspiré par le marché » (market pull) ou « poussé par latechnologie » (technology push), le rôle du marketer est d’évaluer lemieux possible les conditions de sa viabilité commerciale, son poten-tiel de croissance, et de fournir les éléments d’analyse de sa rentabilitéfinancière. Ainsi, le marketing stratégique construit des élémentsessentiels pour déterminer les caractéristiques de l’offre en adéquationavec des segments cibles, constituer le portefeuille de produits, etcontribuer à l’orientation de la stratégie générale de l’entreprise.

Ce découpage traditionnel pourrait laisser penser que le marketer apour unique préoccupation le client, et que la prise en compte dela concurrence n’est qu’un épisode secondaire de sa démarche. Enfait, le champ concurrentiel détermine largement ses marges de manœu-vre, c’est pourquoi l’analyse concurrentielle constitue le cadre per-manent et incontournable de sa démarche.

Le noyau dur de cette démarche est la notion de positionnement et,plus spécifiquement, la position voulue par l’entreprise dans l’esprit

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du client vis-à-vis de la concurrence. En effet, la situation contem-poraine de la consommation se caractérise par la multitude des mes-sages, des marques, et des produits proposée au consommateur. Parconséquent, une position claire et distinctive est indispensable pourémerger du « concert » publicitaire (Ries et Trout, 1981). On trouveradans l’encadré 1.3. une schématisation de la démarche stratégiquegénérale du marketer qui le conduit des premières étapes (segmentationet analyse concurrentielle) à l’énoncé d’une position voulue dansl’espoir d’obtenir une position perçue favorable. Nous verrons quela notion de positionnement condense l’ensemble des questions stra-tégiques-clés : quoi ? (c’est-à-dire que veut-on proposer au marché ?),qui ? (à qui veut-on s’adresser ?), pourquoi ? (pour quel(s) motif(s)notre offre sera-t-elle préférée à celle des concurrents ?).

Encadré 1.3. La démarche stratégique du marketer

Position perçue

Position voulue

Mise en œuvre du positionnement.

Marketing mix

SegmentationAnalyse

concurrentielle

Choix d’une cible

Ressources et compétences

Choix d’une différence

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La segmentation du marché

La première étape de la démarche consiste en une étude systématiquedu marché et de son environnement au moyen des techniques d’étudeet de recherche commerciale, voire d’un système d’information mar-keting. L’environnement est constitué par les nombreux facteurs(économique, social, culturel, technologique, réglementaire, juridi-que…) qui s’imposent à l’entreprise et évoluent constamment. C’estpourquoi le marketer doit observer en permanence ces facteurs, puis-que ce sont eux qui déterminent la dynamique de ses marchés.

Qu’est-ce qu’un marché ?

Traditionnellement un marché est le lieu concret (en anglais la« market place ») où acheteurs et vendeurs se rencontrent pour effec-tuer des échanges : la place du marché, le supermarché ou l’hyper-marché, le marché aux puces, etc. Mais le marketer utilise le plussouvent le mot marché pour désigner l’ensemble des clients, actuelset potentiels, d’un secteur donné. Pour désigner l’ensemble desclients actuels et potentiels d’un véhicule automobile, d’un vêtementou d’un hôtel…, il parle alors du marché de l’automobile, du marchédes vêtements ou du marché de l’hôtellerie. Ce faisant, il prendaussi le point de vue de l’offre et désigne, tout autant, lui-mêmeet l’ensemble des concurrents qu’il doit affronter : tous les cons-tructeurs automobiles, tous les fabricants de vêtements ou toutesles enseignes d’hôtellerie. De manière plus lâche, le marketer utiliseaussi le terme marché pour désigner une certaine manière de regrou-per les consommateurs : en termes d’âge, de sexe, de revenu (lemarché du troisième âge, des enfants, des femmes, des hauts reve-nus…), en termes géographiques (le marché parisien, européen,asiatique…), en termes de pratiques de consommation (le marché

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du sport, des vacances, de la forme, du bricolage…), etc. De plus,au-delà de la consommation des ménages, d’autres échanges relèventd’un marché et sont donc susceptibles d’une approche marketing :le marché de l’emploi ou du travail, le marché financier, le marchédes matières premières, etc. L’entreprise est, en effet, soumise à demultiples pressions non seulement consuméristes, mais aussi syn-dicales, sociales, politiques… Toutefois, le marketer et ses outilsprivilégient d’abord les pressions qui résultent des clients. Ce n’estque par extension, parfois discutable, que ces outils sont mobilisésdans le champ social ou politique.

Le processus de segmentation

Le processus de segmentation est l’un des noyaux durs de la logiquemarketing. L’hypothèse de ce processus, désormais banale, c’est quechaque client est singulier. Par conséquent, la segmentation consisteà repérer des groupes de clients homogènes du point de vue del’entreprise. Le marketer cherche à découper l’ensemble des clientspotentiels en groupes plus réduits de telle sorte que les individusd’un même groupe aient des caractéristiques sinon identiques dumoins très proches. Il présuppose donc :

• que le marché est hétérogène, c’est-à-dire que les clientspotentiels et les offres en présence ne sont pas largementsubstituables,

• qu’il est possible et rentable pour l’entreprise de répondreà la demande spécifique de segments d’une taille et d’unestabilité suffisantes,

• que l’entreprise dispose des moyens lui permettant d’accé-der à cette cible en construisant des actions commercialeset de communication spécifiques.

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Quel est l’intérêt d’une telle opération ? A priori, vendre un produitlargement standardisé à un vaste ensemble de clients le plus homo-gène possible semble plus profitable. On sait que Henry Ford avendu plus de 15 millions de Fords T entre 1908 et 1927, avecun seul modèle proposé uniquement en couleur noire. On sait aussique de 1886 à 1936, Coca-Cola a vendu un seul produit au prixunique de 5 cents (Tedlow, 1990). Ces deux entreprises ont misen œuvre une stratégie de masse permettant de fixer des prix basgrâce aux économies d’échelle. Un choix stratégique cohérent avecl’état de leur marché à l’époque. En revanche, la fragmentation dela plupart des marchés contemporains encourage les stratégies desegmentation pour :

• mieux connaître les clients auxquels on veut s’adresser,• suggérer des adaptations spécifiques de l’offre à la cible

visée (caractéristiques du produit, services associés, prix),voire lui proposer de nouveaux produits,

• orienter l’action commerciale (choix de l’accès au marché,des lieux de vente, des audiences de la publicité),

• distinguer dans le portefeuille de produits ceux qui serontprivilégiés et recevront une attention et des ressources par-ticulières.

Cette découpe du marché peut être plus ou moins fine. À la limite,dès qu’il existe au moins deux clients potentiels sur un marché ildevient possible de le segmenter. La micro-segmentation consiste àisoler des clients individuels pour construire des offres sur mesureà leur intention. C’est une pratique fréquente en milieu industrielà cause du faible effectif de la population des clients. C’est aussiune tendance au sein de la grande consommation au moyen de lapersonnalisation des offres (customization). La macro-segmentationconsiste à repérer un segment cible plus ample afin de proposer

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une offre prédéterminée à un client typique. De tels choix fontvarier les coûts de l’entreprise : stocks plus ou moins lourds, sériesplus ou moins longues, production et commercialisation plus oumoins complexes. C’est pourquoi certains considèrent l’hyper seg-mentation comme un excès, dans la mesure où elle entraîne la pro-lifération de produits dotés de variantes mineures. Certainesentreprises s’engagent alors dans une stratégie de simplification deleur gamme de produits au moyen de la contre-segmentation. Cettemanœuvre consiste à négliger certaines différences entre divers seg-ments pour proposer une offre dépouillée des adaptations antérieures.C’est une sorte de retour vers plus de standardisation : des produitsmoins adaptés à des segments spécifiques permettent, en effet, deréduire les coûts de production et de commercialisation. Ce gainpeut être répercuté en partie au niveau des clients par une baissedes prix de vente. C’est sur ce raisonnement qu’est fondée la stratégiedes « hard discounters » en Europe (Aldi, Lidl) : proposer au clientun peu moins que ce qu’il avait l’habitude d’accepter en échangede prix plus bas. C’est aussi ce qui a sous-tendu l’apparition denombreux produits dits « 2 en 1 ».

Comment découper le marché ? De multiples critères permettentd’effectuer cette opération. L’adoption de l’orientation client conduitd’emblée à segmenter le marché du point de vue de la demandemais, en pratique, trois familles de critères sont repérables : ceuxqui permettent la structuration des offres, ceux qui permettent lastructuration de la demande, et ceux qui permettent la structurationde la perception des offres par les clients, c’est-à-dire ceux quiconcernent les relations entre l’offre et la demande (encadré 1.4.).

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• Les caractéristiques intrinsèques des offres (taille, volume,composition, matière, encombrement, résistance, puissance,etc.), et le niveau relatif de leur prix (bas de gamme, milieude gamme, haut de gamme, par exemple), constituent unepremière source. C’est la réponse à la question : quellessont les caractéristiques intrinsèques d’une offre qui fontque celle-ci est différente des autres ?

• Les caractéristiques qui visent à décrire les clients (individus,ménages, organisations…), constituent une seconde source.Les individus ou ménages sont repérables en fonction decritères sociodémographiques (âge, sexe, profession,revenu…), de localisation géographique (habitat, région,pays…), de mode de vie (équipements, loisirs, activités…)et de styles de vie, appelé parfois « psychographiques »,(opinions, intérêts, attitudes). Lorsque les clients sont desorganisations on peut repérer leur localisation géographi-que, leur secteur d’activité, leur taille, leur appartenanceà un groupe multinational… C’est la réponse à la question :

Encadré 1.4. Les sources principales de critères de segmentation

Caractéristiques des offres

Caractéristiques des clients

Caractéristiques des relations

• intrinsèques• prix

• sociodémographiques• géographiques• mode de vie• style de vie

• bénéfices recher-chés

• préférences pour un type de points de vente, une caté-gorie, une marque

• comportements passés

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quelles sont les caractéristiques qui permettent de distin-guer les acteurs de la demande ?

Les critères de segmentation les plus pertinents sont ceux qui sai-sissent la relation des clients et des produits : la segmentation parbénéfice recherché (benefit segmentation) et la segmentation compor-tementale.

• La segmentation par bénéfice recherché (ou segmentation paravantage) consiste à mettre en évidence les diverses valo-risations suscitées par une offre. Par exemple, un produitalimentaire peut être valorisé pour son goût, son caractèrediététique ou énergétique, la praticité de son emballage,son faible coût, etc. Autant de bénéfices pour le client.De même, un lubrifiant industriel peut être valorisé poursa polyvalence, la constance de ses caractéristiques, sa con-formité aux normes ou les services qui lui sont associés,etc. Les études commerciales vont donc s’attacher à mettreen évidence les caractéristiques sociodémographiques et lecomportement vis-à-vis des médias des groupes typiquesvalorisant de manière identique un même produit, c’est-à-dire recherchant le même bénéfice ou avantage. L’entre-prise pourra ainsi concevoir une stratégie marketing, etnotamment une campagne publicitaire, adaptée à ce groupe.

• La segmentation comportementale est une démarche voisinequi s’attache à l’histoire des relations des clients avec leproduit. Deux voies principales sont alors possibles : lamise en évidence des préférences pour un type de points devente, une catégorie de produits ou une marque ; et l’analysedes comportements passés au moyen du repérage de la fréquenced’achat ou de consommation, et des quantités achetées(petit, moyen, gros consommateurs).

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La segmentation est donc une manière de représenter la demande.C’est pourquoi la combinaison de multiples critères permet de voiret d’interpréter le marché de différentes façons, il y a donc plusieurslectures possibles de la demande. Dans l’idéal du marketer, lameilleure est celle qui permet de prédire les comportements d’achat,de mesurer la taille des segments, et de concevoir une stratégiepermettant d’y promouvoir son offre. Mais, bien souvent, il nedispose pas de l’information nécessaire à la construction de variablesprédictives des relations. Pour repérer ses cibles, il est donc contraintde se retourner vers les deux premières familles de critères : cellesqui permettent de décrire les offres et les clients.

Limites et ambiguïtés de la segmentation

Un segment n’est pas une « réalité ». C’est une construction dumarketer qui définit ainsi un espace économique fermé (un cadrede référence) qu’il considère temporairement comme stable et indé-pendant afin de simplifier son analyse. Il isole un îlot de cohérenceau sein de la fragmentation chaotique du marché pour pouvoirraisonner en négligeant la porosité avec les segments adjacents.Mais, ce découpage sur le papier ne doit pas faire oublier que la« clôture » des segments est une simplification. Les frontières quiséparent les segments sont non seulement poreuses mais aussi pro-visoires. À tout moment la dynamique générale de l’offre et de lademande peut les déplacer. Du côté de l’offre, de nouvelles tech-nologies et de nouveaux concurrents peuvent bouleverser le paysage.Par exemple, on constate une atténuation grandissante de la frontièreentre informatique et télécommunications, aliments et médicaments(avec l’émergence des « alicaments ») ou entre banque et assurance.De même, du côté de la demande, la gestion du budget des ménagesest de moins en moins cloisonnée. Les choix fondés sur la recherche

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de plaisir (un bijou fantaisie est en concurrence avec une paired’escarpins), l’imitation de pratiques exotiques (le restaurant scolairedécouvre la concurrence de McDonald’s) ou la pratique des cadeaux(un voyage de noces est en concurrence avec un diamant), inscriventdans un même espace concurrentiel des biens et des services appar-tenant à des segments et des secteurs que l’on considérait tradi-tionnellement comme étanches les uns par rapport aux autres. D’oùl’idée que la segmentation serait un concept dépassé. Plusieurs voiesse dessinent pour faire face à cette question :

• une segmentation de plus en plus fine favorisée, d’une part,par la flexibilité des système de production et, d’autre part,le couplage de cette flexibilité avec une approche individua-lisée des clients. C’est la tendance à la micro-segmentation,voire à l’hyper segmentation, et au sur mesure de masse (masscustomization) par la personnalisation des offres (customization).Dell Computer, fournisseur de micro-ordinateurs, est lafigure emblématique d’une telle révolution : proposer à cha-cun un ordinateur sur mesure qui ne sera mis en fabricationque lorsque la commande spécifique du client parviendra àla chaîne de production. Les constructeurs automobiles, lesleaders de la chaussure de sport (Nike) ou de la mode ves-timentaire s’efforcent de suivre un tel modèle,

• le recours à la notion de segmentation situationnelle qui reposesur l’idée qu’un même individu participe de plusieurs seg-ments de marché selon le moment et le lieu de sa consom-mation. Les compagnies aériennes ou de location de voitureset les grandes enseignes d’hôtellerie savent depuis longtempsque les désirs de leurs clients varient selon qu’ils voyagentpour affaires (seuls) ou pour leur plaisir (en famille) ; lesindustries de l’apparence (vêtements, cosmétiques,parfums…), savent aussi qu’une même cliente cherche à

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construire des apparences diverses selon les rôles qu’elle doitjouer dans diverses situations sociales : le travail, la sortiede l’école, les loisirs, un cocktail, etc. (cf. chap. 2). Toutel’industrie agroalimentaire est de plus en plus sensible audéveloppement de la consommation hors domicile, etc. Parconséquent il est aussi possible de segmenter un marchéselon le moment et le lieu de la consommation : à la maison,au travail, dans les transports individuels ou collectifs, envacances…,

• la prise en compte de l’affinité de certains médias spécialisésavec des cibles particulières. La multiplication des chaînesde télévision thématique, des sites spécialisés sur la toile,des magazines visant des « micro-publics », conduit àreconnaître aussi dans la consommation des médias uncomportement « tribal ». Il s’ensuit que le marketer prendcomme point de départ le comportement vis-à-vis desmédias pour remonter aux comportements d’achat et deconsommation. À la place d’un ciblage sociodémographi-que, il substitue un ciblage par « affinité-médias » et adaptesa stratégie de communication, voire son offre, à des groupesd’individus qui partagent la même conduite vis-à-vis desévénements et des médias (cf. chap. 9),

• une conception renouvelée de la marque. Au lieu deconsidérer celle-ci comme un simple signe ajouté à l’offrede l’entreprise, le marketer peut la définir comme unsystème fédérant un ensemble de produits et des services.La marque n’est plus alors seulement un signal permet-tant de garantir l’origine du produit et de le différencier.C’est un système identitaire dans lequel les produits vien-nent s’insérer. L’entreprise cherche donc à construire un« territoire imaginaire » spécifique pour ses offres. Une

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sorte de conception du monde et d’elle-même, qui nerepose exclusivement ni sur l’homogénéité des bénéficesproposés par ses produits, ni sur celle des métiers etprocessus de production qu’elle maîtrise, ni sur les con-currents qu’elle entend affronter. C’est ainsi que l’onpeut comprendre la stratégie de Virgin et de nombreusesentreprises œuvrant dans le champ de la mode, du luxe(Hermès, Chanel), et des pratiques sportives (Salomon).Pour ces entreprises la marque n’est pas un attribut duproduit mais, au contraire, chaque produit est un attributde la marque (cf. chap. 4).

L’analyse concurrentielle

Pour le marketer, la prise en compte de l’environnement consistenon seulement à repérer les tendances lourdes, voire les cycles éco-nomiques, qui déterminent la demande, mais aussi à concentrerson analyse sur le champ concurrentiel (Porter, 1980), afin de saisirla dynamique propre à son secteur d’activité. Le secteur d’une entre-prise, son industry au sens de Porter, est défini comme « l’ensembledes firmes qui fabriquent des produits étroitement substituables ». C’estlà une définition un peu floue mais qui demeure utile.

Dans la schématisation présentée par l’encadré 1.5. le secteur,considéré comme l’ensemble des entreprises en rivalité directe,occupe le centre du champ concurrentiel. Ce dernier est un espacemarchand qui implique aussi toutes les organisations avec lesquellesl’entreprise entretient des relations d’échange (clients, fournisseurs)ou de concurrence (entrants potentiels ou fournisseurs de substituts).

Les concurrents directs sont les entreprises qui définissent leurs activitésde manière comparable à l’entreprise considérée (l’ensemble des

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fabricants de lessive par exemple). Ils s’adressent à peu près auxmêmes clients, en utilisant à peu près les mêmes technologies oules mêmes savoir-faire. L’intensité concurrentielle à ce niveau dépendprincipalement des acteurs de l’offre (nombre et diversité des con-currents, puissance relative, degré de différenciation…), et du tauxde croissance de la demande. Une demande forte autorise un certainespace pour le développement de chaque entreprise en présence, etles efforts de chacune d’elle contribuent à dynamiser collectivementla demande. Inversement, un marché en stagnation ou en reculaugmente la probabilité des affrontements et réduit la possibilitéde dégager des profits. C’est, le plus souvent, à ce niveau que l’ons’efforce de repérer les positions concurrentielles et, comme nousle verrons plus loin, de construire une carte perceptuelle du marché(encadré 1.8.). Mais, en fait, la position de l’entreprise ou de lamarque dépend aussi d’autres forces concurrentielles.

Encadré 1.5. Le secteur dans son champ concurrentiel

Fournisseurs

Entrants potentiels

Fabricants de substituts

Clients

Barrières à l’entrée

Concurrence directe au sein du secteur

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Les clients peuvent disposer d’un fort pouvoir de négociation etl’exercer pour réduire les prix, donc les marges, de leurs fournisseurs,voire placer ceux-ci dans une position de forte dépendance. Leurpouvoir de négociation est d’autant plus grand que les achats sontconcentrés, que les produits sont indifférenciés, et que les risquesd’intégration ou de quasi intégration vers l’amont sont élevés. Lesrelations entre les fabricants et les grandes entreprises de commerce,telles que les enseignes d’hypermarchés, illustrent clairement cetype de situations. La concurrence des marques de distributeurs enest la manifestation la plus forte.

Les fournisseurs peuvent chercher à intégrer des activités situées enaval de leur propre activité ou, plus simplement, réduire par leurpuissance les marges bénéficiaires de leurs clients. Leur pouvoir denégociation est d’autant plus grand que l’offre est concentrée, qu’ilexiste des risques de pénurie de l’offre, et que les risques d’inté-gration ou de quasi-intégration vers l’aval sont élevés. Les réseauxde « station-service », constitués par les pétroliers pour la distri-bution de leurs carburants, relèvent d’une telle stratégie et placentleurs clients directs dans une situation de dépendance.

Les nouveaux entrants constituent un risque qui dépend des attraitsd’un secteur et des barrières à l’entrée. Ces dernières sont autantd’obstacles qui réduisent l’accessibilité d’un secteur. Par exemplele niveau d’un investissement industriel ou l’importance de l’inves-tissement publicitaire ou encore la durée d’un apprentissage. Lesnouveaux entrants peuvent entraîner une réduction des marges béné-ficiaires du secteur soit en favorisant la guerre des prix, soit enprovoquant une augmentation des coûts liés à la riposte des entre-prises du secteur.

Les produits de substitution exercent une menace sur l’ensemble d’unsecteur lorsqu’ils proposent un meilleur rapport performance/prix.

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Ils peuvent donc influencer fortement l’évolution de la demandeglobale ou provoquer une baisse des marges suscitée par la ripostedes entreprises du secteur. Ainsi, par exemple, le plastique se déve-loppe au dépens du bois (dans le bâtiment), de l’acier (dans laconstruction automobile) ou du cuir (dans la chaussure).

Au total, selon Porter, la pression exercée par le jeu de ces cinqforces concurrentielles affecte plus ou moins la rentabilité potentiellemoyenne du secteur considéré, et détermine donc en large part sonattrait. Une telle analyse concurrentielle élargie permet de repérerla force des positions de la concurrence et les menaces qui pèsentsur la ou les positions tenues et défendues par l’entreprise. Le cou-plage d’un tel diagnostic avec les résultats du processus de seg-mentation constitue l’ingrédient central de l’étape suivante : leciblage.

Le ciblage

Le plus souvent l’entreprise ne peut prétendre servir tous les segmentsdu marché. Une dimension-clé de l’art du marketing consiste pré-cisément à trouver l’ajustement le plus étroit possible entre une offresingulière, donc différenciée, et un segment spécifique de clients.Dès lors, le marketer doit faire le choix d’un segment cible pour :

• piloter l’adaptation de l’offre à tel ou tel segment ou laconception d’une offre nouvelle,

• mettre en œuvre une action commerciale adaptée aux atten-tes et comportements spécifiques du segment cible visé.

Pour effectuer ce choix, c’est-à-dire le ciblage, il importe de mettreen évidence des critères de sélection en raison des atouts dont l’entre-prise dispose pour l’emporter sur la concurrence, et des attraitsintrinsèques des segments.

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• Les atouts sont l’expression des forces et faiblesses de l’entre-prise vis-à-vis de la concurrence. Ces éléments sont trèsnombreux et on ne saurait donc disposer d’une liste toutefaite. Par conséquent, le marketer doit chercher à identifier,au cas par cas, les éléments déterminants que l’entrepriseva s’efforcer de maîtriser. En pratique, il retient souventdes indicateurs tels que : la qualité et l’originalité des pro-duits, le savoir-faire technologique et logistique, les coûtset la capacité à jouer sur les prix, la maîtrise d’un moded’accès au marché, l’image d’une marque, le savoir-fairedes équipes de vente…

• Les attraits sont l’expression des opportunités et menacesrencontrées dans l’environnement. Là encore, le marketerne saurait disposer d’une liste toute faite. Il doit doncchercher, parmi tous les facteurs peu maîtrisables parl’entreprise, les éléments-clés. Ceux-ci peuvent avoir traità la demande, la situation concurrentielle, la technologie,et l’environnement économique, social et réglementaire.En pratique, il retient souvent des indicateurs tels que :la taille de la demande, en volume et en valeur, le tauxde croissance de la demande, l’intensité concurrentielle, lesbarrières à l’entrée et à la sortie, les prix moyens pratiquéset les marges dégagées, la saisonnalité et les mouvementscycliques, la localisation géographique des clients…

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Encadré 1.6. Une matrice atouts/attraits

Il est alors possible d’évaluer l’opportunité de choisir tel ou telsegment cible. Pour ce faire, le marketer peut visualiser les choixpossibles au sein d’une matrice atouts/attraits qui synthétise les juge-ments effectués. La rencontre de faibles atouts vis-à-vis d’une ciblepeu attractive conduira à éliminer un tel choix, inversement unsegment cible très attractif pour lequel l’entreprise dispose de sérieuxatouts va suggérer de parier sur une telle possibilité. Cette matricepeut être construite de multiples manières : les atouts en verticalou en horizontal, les jugements articulés sur une échelle ordinale(élevés, moyens, faibles) ou une échelle de notation allant de 1 à10. Quoi qu’il en soit, il s’agit de visualiser de manière expressive

élevés moyens faibles

Atouts de l’entreprise

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Développement

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le résultat du travail d’analyse qui conduit à la hiérarchisation descibles (encadré 1.6.). On retrouvera ce type d’approche au sein duchapitre 10 dans la section consacrée à la segmentation stratégique.Nous allons illustrer ici, au moyen d’un exemple, l’application d’unetelle grille au choix d’un groupe de client.

Encadré 1.7. Une matrice atouts/attraits pour les téléphones mobiles

Soit une entreprise œuvrant dans le secteur des téléphones mobiles.L’examen des critères d’achat des clients potentiels montre la diver-sité des attentes et des attitudes vis-à-vis de ce produit. Pour lesuns (les professionnels), c’est un instrument de travail qui leur estquasiment imposé par leur activité professionnelle. Ils sont trèsexigeants et peu sensibles au prix car leur entreprise assure le finan-cement de l’achat de l’appareil et le coût de son utilisation. Pourd’autres (les frimeurs), il s’agit d’un instrument de prestige social.Ils sont très attachés à la « fonction signe » de cet objet et portentune attention soutenue à la visibilité de l’appareil. Pour les plus

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jeunes (les jeunes adultes), il s’agit d’un substitut à l’appareil tradi-tionnel (l’appareil fixe). Ils portent une forte attention au prix d’achatde l’appareil et au coût de son utilisation. Supposons que le marchésoit constitué par ces trois segments. Faut-il aborder indistinctementces trois segments ? Faut-il choisir une cible prioritaire ? Il estprobable que la taille et la rentabilité de chaque segment sont trèsdifférentes, autrement dit chaque segment ne présente pas les mêmesattraits. Il est probable, aussi, que des offres différentes et une com-munication différente seront nécessaires pour servir chacun de cessegments. Or, l’entreprise dispose, vis-à-vis de la concurrence etde chaque segment, d’un certain nombre d’atouts : elle peut accéderplus facilement à tel type de point de vente, la notoriété et l’imagede sa marque sont plus fortes auprès de tel segment, etc. Par con-séquent, le marketer peut élaborer une matrice atouts/attraits pours’efforcer d’objectiver ses priorités et les visualiser. Dans l’exempleprésenté (encadré 1.7.), le segment des professionnels constitue lameilleure opportunité pour l’entreprise. Aussi stylisé soit-il, cetexemple indique que le marketer doit hiérarchiser ses cibles poten-tielles en fonction des savoir-faire de son entreprise. Autrementdit, il doit filtrer ses diverses possibilités d’action au travers desressources et compétences de l’entreprise.

Les ressources et compétences

Le savoir-faire d’une entreprise est constitué de ressources et de com-pétences (capabilitiy). Une innovation, qu’elle soit radicale ou incré-mentale, est une nouvelle combinaison de ressources, découverteau sein de l’organisation, capable de produire de la valeur ajoutée(en réduisant les coûts ou en augmentant la demande). Ce sont ceséléments qui constituent la singularité d’une entreprise (Penrose,1959 ; Durand, 2000).

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• Les ressources sont des « stocks » d’éléments matériels (usi-nes, équipements, systèmes d’information, capacité definancement, etc.), et immatériels (savoir-faire, brevets,marques, réputation, etc.), spécifiques à l’entreprise.

• Les compétences sont des « flux », des « routines » propresà une organisation, qui permettent de mobiliser ces res-sources. Cet ensemble d’aptitudes et de savoirs organisa-tionnels se construit dans le temps et repose sur le travailen commun.

Les ressources et compétences résultent de l’accumulation d’un savoirspécifique au moyen des expériences passées. C’est dans l’actionque les membres de l’entreprise apprennent collectivement àdéployer des ressources. C’est dans la durée et collectivement quel’on apprend à faire des extensions de gamme, à construire et protégerun capital de marque, à développer un mode d’accès original aumarché ou à bâtir une équipe de vente performante.

Ainsi, une entreprise peut l’emporter sur la concurrence non seulementparce qu’elle dispose de plus de ressources, mais aussi parce qu’elleutilise mieux ses ressources grâce à ses compétences. Et elle enrichitses compétences parce qu’elle est engagée dans un processus permanentd’apprentissage collectif. Ce qui fait la valeur d’une ressource ou d’unecompétence c’est sa rareté et son caractère tacite (c’est-à-dire peuexplicite, peu formalisée et difficile à observer). Elle est donc difficileà imiter, à transférer ou à acheter et ceci protège l’entreprise desconcurrents qui se contentent d’imiter. Il ne suffit pas, par exemple,d’imiter platement ce que n’importe quel client d’Ikea constate dansses points de vente pour identifier les ressources et compétences decette entreprise. Il ne suffit pas de faire un stage de trois mois chezL’Oréal pour identifier ses ressources et compétences. Plus encore, iln’est pas évident que l’entreprise soit transparente à elle-même et

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sache exprimer ce qu’elle sait faire. Pour le dire autrement, une entre-prise « sait » plus de choses qu’elle ne peut en « dire ». En dépit deces difficultés, le marketer doit évaluer les savoir-faire de son entrepriseavant de l’engager dans le choix volontaire de telle ou telle positionvis-à-vis de la concurrence, c’est-à-dire un positionnement.

Le positionnement

Le terme positionnement, traduction littérale de positioning, recouvreen fait trois idées : une intention, un processus et un résultat.

• C’est une intention, puisque c’est un énoncé qui définitla place souhaitée pour la marque et le produit dans l’espritdes futurs client, c’est-à-dire la position voulue et donc visée.

• C’est aussi un processus, puisque cet énoncé va inspirer lamise en œuvre de plusieurs décisions : caractéristiques duproduit, détermination de son prix, choix de ses points devente, élaboration de sa stratégie de communication…

• C’est enfin un résultat, puisque c’est la place occupée parun produit ou une marque dans l’esprit du client, vis-à-vis de la concurrence : c’est-à-dire la position perçue.

Il est possible de visualiser la position perçue au moyen d’une carteperceptuelle (un mapping). Il s’agit de construire un système d’axesafin d’y repérer la position respective des marques selon leur res-semblance (encadré 1.8.). Un traitement supplémentaire peut mettreen évidence leur proximité avec tel ou tel bénéfice. Cette opérationpeut s’effectuer soit intuitivement à partir de l’expertise du marketer,soit statistiquement en interrogeant un échantillon de clients(cf. chap. 3).

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Encadré 1.8. Une carte perceptuelle : les batteries électriques en Europe.

Pour orienter ses choix, le marketer s’efforce donc de définir la posi-tion visée par son offre. Cet énoncé (positioning statement) va mettrenotamment l’accent, mais pas seulement, sur un point de différence :une caractéristique intrinsèque de l’offre ou l’un de ses bénéfices,c’est-à-dire l’un de ses avantages pour le client.

Le choix d’une différence

Lorsque le produit dispose d’une caractéristique intrinsèque quiconstitue une différence fortement valorisée par les clients il n’estguère difficile de faire un choix : plus durable, moins lourd, plusrésistant, moins encombrant, plus puissant, moins fragile, plusrapide, moins cher, etc. Mais, le plus souvent, les éléments de

Économique à l’usage

Moins économique à l’usage

Ne dure pas longtemps Dure vraiment plus longtemps

DuracellMarques de distributeurs

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Marque C

Marque D

Marque E

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différenciation sont plus ténus. Le marketer s’efforce de mettre enévidence une différence moins centrale. C’est par exemple le casde Domino’s pizza qui s’est focalisé sur « la garantie d’une pizzalivrée à domicile en moins de trente minutes » en écartant de sonactivité toute autre prestation : ni la consommation sur place, nila livraison de hamburgers ou de hot-dogs. On voit par cet exempleque l’art de la différenciation repose sur la sélection d’un point dedifférence qui singularise clairement et simplement l’offre par rap-port à la concurrence, même s’il s’agit d’une variable périphérique.Au sein des marchés de grande consommation où les concurrentsne manquent pas, le marketing est un jeu où les idées simples etévidentes l’emportent sur les idées complexes, un jeu où le spécialistel’emporte sur le généraliste.

L’énoncé de la position voulue (positioning statement)

La plupart des marketers utilisent un outil qui guide durablement sesactions : l’énoncé de la position voulue (positioning statement). Pourrédiger cet énoncé il convient de répondre à trois questions-clés :

• Pour qui ? (quelle est la cible, quand et où achète-t-elle,consomme-t-elle, utilise-t-elle ?)

• Quoi ? (Que proposons-nous, quelle est la catégorie àlaquelle appartient notre offre, son cadre de référence ?)

• Pourquoi ? (Pour quel motif, quelle raison, notre offre sera-t-elle préférée à celle de la concurrence).

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Prenons quelques exemples :

« Pour toutes les personnes sensibles aux dents tachées, Dazzle est la crèmedentifrice blanchissante qui, mieux que les autres, enlève les taches sansabîmer l’émail des dents. »

«Pour toute la famille, Actimel est le geste santé du matin qui aide àrenforcer l’organisme.»

« Tang est une boisson instantanée pour le petit déjeuner de ceux quicherchent un coup de fouet matinal. »

Dans ces trois exemples on retrouvent les éléments majeurs d’uneposition voulue :

• Une affiliation claire du produit à une catégorie que lesclients sont capables d’identifier immédiatement (le quoi ?).Le marketer dispose d’une marge de manœuvre importantesur cette question. Par exemple un chewing-gum peut êtreprésenté comme une confiserie, un substitut du dentifriceou un substitut de la cigarette. Une marque de biscuitpeut se présenter comme le spécialiste du goûter ou l’expertde la nutrition des enfants. Un fromage frais peut êtreproposé comme un dessert savoureux ou un en-cas pourles repas hors domicile, etc.

• Une cible précise (le qui ?). Rappelons qu’il s’agit autantde définir des individus (enfants, adolescents, adultes, hom-mes, femmes, famille…) que des moments et des lieux deconsommation.

• Un élément de différenciation (le pourquoi ?). C’est-à-direun argument intéressant pour le client mais aussi originalvis-à-vis de la concurrence.

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Cet énoncé va inspirer la cohérence de l’ensemble des actions misesen œuvre par l’entreprise pour positionner son offre, c’est-à-diredéfinir les éléments du marketing mix. Résumons la démarche quipermet de construire une position voulue pertinente pour une offredonnée :

• quelles sont les offres (marques, produits), que les clientscomparent lors de leur choix (c’est ce qu’on appelle :l’ensemble de considération ou ensemble évoqué) ?

• comment les distinguent-ils (quels attributs, caractéristi-ques et bénéfices, utilisent-ils pour faire des différencesentre les offres) ?

• quels sont les attributs déterminants des choix ?• comment se situent les différentes offres par rapport à ces

attributs ?• quelle position est souhaitable pour l’offre de l’entreprise ?• quels attributs de l’offre privilégier dans la

communication ?• quelle stratégie de communication mettre en œuvre ?

Le repositionnement

On appelle repositionnement d’une marque ou d’un produit, le pro-cessus qui consiste à viser une position plus enviable et à traduirecette intention stratégique par de nouveaux choix. L’entreprise peutlimiter ces changements à la publicité et à l’emballage ou agir plusprofondément sur la distribution et/ou le prix, voire modifier radi-calement son offre en changeant les caractéristiques intrinsèquesdu produit (performance, durabilité, design…), et/ou des services(prise de commande, livraison, installation, après-vente…). Un repo-sitionnement est une opération délicate qui ne doit s’effectuer qu’en

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raison de tendances lourdes. Elle peut être motivée par plusieursraisons : se déplacer vers un groupe de clients plus attractifs (plusnombreux, plus riches, plus jeunes…), éviter la concurrence frontaleavec un adversaire puissant, attaquer délibérément une positionadverse (cf. chap. 10) ou un changement important dans la tech-nologie. Une telle manœuvre est donc l’exception et non la règlecar l’une des qualités d’un bon positionnement c’est son caractèredurable. C’est, bien souvent, parce qu’un diagnostic a mis en évi-dence un écart grandissant entre la position voulue et la positionperçue que l’on s’engage dans une telle opération.

Limites et ambiguïtés du positionnement

Certains marketers s’efforcent, de distinguer le positionnement fondésur un bénéfice pour le client, et le positionnement fondé sur unecomparaison vis-à-vis de la concurrence. Cette distinction semblerelativement stérile. La notion même de position renvoie à l’idéequ’il s’agit d’occuper un espace spécifique dans les représentationsmentales que les clients se sont forgées. Par conséquent, viser uneposition consiste toujours, à des degrés plus ou moins explicites,à se situer par rapport à des concurrents directs ou à des substituts.La comparaison est le fondement même de la notion de position-nement, c’est là son apport et son originalité.

Une précaution importante dans l’emploi de la notion de position-nement consiste à ne pas confondre position voulue et position perçue.Ce qui sépare la position voulue (souhaitée par le marketer) et laposition perçue par les acteurs du marché (clients et intermédiaires),c’est le processus même de positionnement. C’est-à-dire un ensemblede tâches concrètes, quotidiennes, et collectives pour mettre enœuvre un plan permettant d’occuper la position visée. En pratique

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on constate souvent que ces activités relèvent autant d’une projectionvers l’avenir (la position visée), que d’un processus « essais eterreurs ». Autrement dit, il ne suffit pas au marketer d’énoncer clai-rement une position voulue et de déclarer que cet enjeu est stra-tégique pour assister à la mise en œuvre du processus depositionnement. L’histoire de la conquête du marché américain dela motocyclette par Honda constitue un exemple intéressant (Pascale,1984). Contrairement au mythe de la stratégie rationnelle et pré-méditée, le succès de Honda n’a pas résulté de la vision préalable(une position visée) de quelque marketer perspicace du siège del’entreprise. Il fut, au contraire, le résultat de l’action collectivesur le terrain de « petits cerveaux » : deux cadres fraîchement débar-qués du Japon, parlant mal l’anglais et n’ayant d’autre stratégieque de voir s’ils pouvaient vendre quelque chose sur le marchéaméricain ; quelques vendeurs à la recherche de revendeurs, et unepoignée de responsables de la qualité des produits. De plus, unétudiant de UCLA proposa dans le cadre de ses études une remar-quable campagne publicitaire qui fut retenue un peu au hasard parHonda. Ce que les Japonais de Honda ont su valoriser, ce ne futpas un discours stratégique très formalisé a priori, mais la capacitéde l’organisation à faire monter les idées de la base vers le sommet,puis de les faire redescendre.

Cette histoire montre que dans toute manœuvre stratégique, les choixdélibérés et intentionnels se combinent avec des phénomènes émer-gents et incontrôlés (cf. chap. 10). Dès lors, bien qu’une représentationconvenable de la position perçue et la définition claire d’une positionvoulue réaliste soient des outils pertinents pour éviter l’autosatisfac-tion, elles ne garantissent pas, pour autant, la réussite de la mise enœuvre. En réalité, le marketer ne positionne pas sa marque ou sonproduit, ce sont les clients qui décident collectivement ce qu’il fauten penser. L’art du positionnement ressemble à l’art de courtiser. On

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peut influencer les pensées et les sentiments d’autrui mais on nepeut décider unilatéralement qu’il ou elle tombera amoureux. Pourpositionner, comme pour séduire, il faut être cohérent, persuasif etinspirer durablement confiance. Celui ou celle qui réussit à faire celasuffisamment bien et suffisamment longtemps pourra éventuellementséduire. On le voit, la cohérence et la constance voire l’obsession,sont deux caractéristiques fondamentales de la bonne mise en œuvred’un processus de positionnement.

La mise en œuvre : le marketing mix

La traduction d’une stratégie commerciale en un plan d’actionconsiste à définir les caractéristiques spécifiques de l’offre (le produitet son prix), et les modes d’accès au marché (la distribution et lacommunication). Ces quatre éléments (produit, prix, distribution,communication) constituent un ensemble de moyens d’action, maî-trisables par l’entreprise, qu’on appelle le marketing mix. Si le posi-tionnement est le clou, le marketing mix est le marteau. Cettenotion rend compte de manière simple et pédagogique de la diversitédes combinaisons. Par exemple, on constate que les produits demaquillage sont commercialisés en grandes surfaces, en parfumerie,via les esthéticiennes, en pharmacie, en vente par correspondanceou en vente à domicile. Chacune de ces situations s’accompagned’un ensemble de choix spécifiques : un certain type de marqueset d’emballages, un niveau typique de prix et de marges consentiesaux intermédiaires, un niveau typique de dépenses publicitaires…Ces différences sont le reflet de la position voulue par chaque entre-prise qui combine ces ingrédients selon un dosage qui lui est propre.D’où l’apparition de cette métaphore, le « mix », pour rendrecompte du résultat obtenu par une combinaison spécifique demoyens, un « mélange » particulier des ingrédients.

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Les éléments du marketing mix

En anglais on désigne ces éléments par une formulemnémotechnique : les 4 P’s. Il s’agit de l’abréviation de Product,Price, Place, Promotion. En fait, chacune de ces rubriques constitueen elle-même une combinaison de moyens. On peut en effet repérerun « mix produit », un « mix prix », un « mix distribution », etun « mix communication ». La simplicité commode des 4 P’s mas-que, en effet, la liste indénombrable d’outils que l’entreprise entendmaîtriser pour piloter la relation d’échange. De plus chaque entre-prise puise dans un ensemble de variables spécifiques selon la naturede :

• ses activités (vente aux intermédiaires du commerce oudirectement au client final, entreprise de commerce ouentreprise de fabrication, etc.),

• ses produits (fongible ou durable, bien ou service),• ses clients (individus, ménages, organisations).

Plusieurs chapitres sont consacrés spécifiquement à chacun de ceséléments, c’est pourquoi on se contentera, ici, de fournir un courtinventaire (encadré 1.9.) permettant de repérer grossièrement leurextension. D’un côté les éléments liés à l’offre, de l’autre les élémentsliés à l’action commerciale pour accéder au marché.

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Les caractéristiques d’un marketing mix efficace

Pour apprécier la pertinence d’un marketing mix (cf. encadré 1.10.pour un exemple) on dispose de quelques critères généraux : sacohérence, sa distinction, et sa compatibilité.

Encadré 1.9. Un inventaire des éléments du marketing mix

L’offre

Produit (product) Prix (price)

• bien et/ou service• concept et caractéristiques• bénéfices et attributs• services associés• emballage et nom• etc.

• niveau relatif• coûts, marges, remises, ris-

tournes• tarif• crédit• délais de payement• etc.

L’action commerciale

Distribution (place) Communication (promotion)

• type de circuit• sélective ou non• directe ou via intermédiaire• localisation• etc.

• publicité et promotion des ven-tes

• relations publiques• force de vente et personnel en

contact, aides à la vente• etc.

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Encadré 1.10. Le marketing mix de Gillette Sensor en janvier 1990

• Marché potentiel : le rasage dans le monde.• Segmentation : rasage humide ou rasage électrique, systèmes ou

rasoirs jetables.• Cible : tout le rasage humide (600 millions d’hommes utilisant en

moyenne 12 lames par an), soit 4300 millions de $. Priorité à 19 pays situés en Amérique du Nord et en Europe.

• Objectif : 7 % du marché, soit 300 millions de $ prix public.• Chiffre d’affaires prévisionnel : 150 millions de $ (marge des inter-

médiaires 50%), soit 20 millions de rasoirs et 300 millions de lames en 1990.

• Positionnement : un nouveau système de rasage révolutionnaire qui procure un rasage de plus près, plus doux et plus sûr que jamais.

• Marque : Gillette Sensor.• Produits : à partir de l’innovation du GII (1970), fondée sur le prin-

cipe de l’hystérésis (la première lame tire le poil, la deuxième le coupe avant qu’il ne se rétracte), les deux lames sont montées individuellement sur ressorts. Chaque lame détecte en perma-nence les moindres courbes et détails du visage et s’y adapte automatiquement.

• Prix : 20 % au-dessus de la concurrence, 3,75 $ le rasoir et 75 cents la lame aux États-Unis.

• Distribution : 80 % des points de vente du secteur.• Publicité : budget publicitaire de 100 millions de $ pour une cam-

pagne mondiale « The best a man can get » (La perfection au masculin), couverture de 500 millions de personnes dans le monde, agence BBDO. Budget promotionnel 8 millions de $, cou-pons de réductions et échantillons gratuits.

• Résultats : 24 millions de rasoirs et 350 millions de cartouches, 9 % du marché. Coût total du lancement 198 millions de $, perte de 48 millions de $ en 1990, profit de 40 millions de $ en 1991.

Adapté de Assael H. Marketing: Principles and Strategy, 2nd ed. The Dryden Press,

1993.

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• Sa cohérence, puisque ces éléments seront appréciés globa-lement par le client. Il importe donc que les choix soientharmonieux du point de vue du segment cible. Ainsi, ilest évident qu’un produit « haut de gamme » ne peut êtrevendu dans n’importe quel point de vente et à n’importequel prix. Le marketing mix est un système dont la valeurdépend de l’intégration harmonieuse de ses composantes.

• Son caractère distinctif vis-à-vis de la concurrence, puisqueces éléments seront évalués relativement aux autres offresproposées et à leurs substituts. Cette distinction est l’expres-sion d’une stratégie de différenciation vise à donner au clientle sentiment que l’entreprise lui propose quelque chosed’unique.

• Sa compatibilité avec les ressources et compétences de l’entre-prise et son critère de rentabilité, puisque l’efficacité dela mise en œuvre en dépend. Cette efficacité relève d’unepart, des aptitudes et des savoir-faire organisationnels et,d’autre part, du « réglage » du niveau des moyens mis enœuvre : le montant des dépenses de publicité, la taille del’équipe de vente, le prix relativement aux coûts et à laconcurrence, etc.

Limites et ambiguïtés du marketing mix

Une première limite concerne la nature de ces variables. Si l’ondéclare, comme de nombreux auteurs traditionnels, que le marketingmix est constitué de variables contrôlables par l’entreprise, on pourras’étonner de voir figurer la distribution parmi ces variables alorsque ces intermédiaires auraient plutôt tendance à contrôler de nom-breuses situations plutôt qu’à être contrôlés. Il suffit de comparerle chiffre d’affaires d’une entreprise de commerce internationale

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avec la moyenne des chiffres d’affaires des fabricants pour constaterle poids écrasant des grandes enseignes de distribution (cf. chap.7). Par ailleurs, au sein de l’entreprise ces variables sont elles con-trôlables entièrement par le seul marketer ? Ce dernier ne maîtrisebien souvent qu’une partie des éléments liés à l’offre. D’autresacteurs, tels que les ingénieurs chargés de la recherche et du déve-loppement, les responsables de la production ou de la logistique,et les responsables d’exploitation d’une activité de service, sontaussi évidemment détenteurs d’un pouvoir. Enfin, on pourra s’éton-ner de ne pas voir figurer dans la liste des éléments du mix, uningrédient aussi essentiel que la marque quand on connaît l’intérêtque lui accordent fabricants, distributeurs, consommateurs et ana-lystes financiers (cf. chap. 4).

Une seconde critique du marketing mix provient des spécialistesdu marketing industriel, Business to Business (Michel, Salle et Valla,1996). Le découpage en quatre éléments d’action, constituantautant de stimulus susceptibles de déclencher les réponses adéquatesde la demande, ne semble pas décrire convenablement les tâchesd’un fournisseur du milieu industriel. En pratique, celui-ci s’efforcecontinuellement d’adapter son marketing mix pour certains clientset pas pour d’autres. Il ne sélectionne pas des combinaisons destimuli pour obtenir des réactions de la part d’un client typiqueet anonyme. Au contraire, il cherche à gérer des interactions avecdes clients éminemment actifs et nommément repérés. Il faudraitintroduire dans la liste des éléments du marketing mix des ingré-dients tels que « l’ensemble des personnes qui contribuent à l’éla-boration d’une solution et à son transfert chez le client » ou,« l’ensemble des signes qui contribuent à la construction de l’imaged’un fournisseur », pour adapter la notion de marketing mix aumilieu industriel. Mais, alors, on se sera éloigné de la préoccupation

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mnémotechnique des promoteurs initiaux de ce vocable (le mar-keting industriel fait l’objet d’une prochaine section).

Une troisième critique provient des spécialistes du marketing desservices (Grönross, 1994). Parce que les actes de service sont imma-tériels, non stockables et non transportables, et parce qu’ils résultentde la coproduction du fournisseur et du client, d’autres élémentsdevraient apparaître dans la liste du marketing mix. Notamment,plus un service est immatériel plus il est nécessaire de fournir desindices matériels de sa qualité. Par exemple, l’accueil du personnelen contact, l’environnement physique et l’ambiance d’un hôtel, d’unrestaurant ou d’une banque, exercent un rôle décisif sur la perceptiondu « produit ». Au total, le marketing des services, comme le mar-keting en milieu industriel, souligne de manière convaincante quela qualité de relations durables est plus importante que l’obtentiond’une vente à court terme, et qu’il est difficile de séparer la fonctionmarketing du management général de l’entreprise.

L’histoire de la notion de marketing mix permet de mettre enévidence les raisons de ces critiques. Cette notion apparaît aux États-Unis, dans les années cinquante, sous la plume d’un spécialiste dela publicité et des produits de grande consommation. Elle émergedonc dans des conditions historiques particulières : marché de masse,distribution de masse, et médias de masse, puis s’est simplifiée aufil du temps sous la forme des 4 P’s. C’est alors que la vertu decette métaphore pédagogique a pris toute sa valeur. D’une part,les décideurs peuvent facilement se l’approprier et l’utiliser pourdécrire et communiquer l’essentiel de leur stratégie de manièresimple et organisée. D’autre part, le non-spécialiste identifie faci-lement dans sa vie quotidienne les manifestations d’un marketingde masse dont le marketing mix fourni une description simplisteet parcimonieuse. Selon cette représentation, la relation marchande

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prend place dans un marché atomisé, composé de clients considéréscomme des agents passifs, seulement capables de répondre aux sti-muli délivrés par les signaux du marketing mix des entreprisesproposant des offres concurrentes. Ce mécanisme stimulus-réponse estl’un des fondements de la doctrine traditionnelle du marketing mana-gement. Pour elle, tout se passe comme si le marketer pouvait faireagir de grandes masses anonymes, et maîtrisait au sein de son serviceles leviers essentiels de l’action vers le marché. Atomisation, tran-sactions singulières et indépendantes, stimulus-réponse et domina-tion de la coalition des marketers, constituent les prémisses dumarketing management traditionnel. On sait aujourd’hui que, commetoute bonne métaphore, le marketing mix rend compte de beaucoupde choses mais en masque tout autant. Si cette métaphore est par-ticulièrement expressive dans le champ du marketing de masse,elle est peu pertinente, voire nuisible, lorsqu’on la transpose pla-tement à n’importe quelle situation. D’où l’émergence d’une d’écolede pensée concurrente : le marketing relationnel.

Le marketing relationnel

L’école de pensée du marketing relationnel repose sur une critiquedes présupposés de la doctrine majoritaire et relativise la notionde marketing mix. Pour ce faire, elle s’efforce de proposer unenouvelle description de l’échange. Cette grille de lecture, d’abordélaborée à l’intention du milieu industriel (Häkansson, 1982), estfondée sur le changement de perspective suivant :

• non pas un mécanisme stimulus-réponse entre les variablesdu marketing mix et la demande (c’est-à-dire une concep-tion béhavioriste du pilotage de l’échange), mais une relation

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interactive entre fournisseur et client où chacun des acteursde l’échange est actif,

• non pas seulement des épisodes transactionnels, où four-nisseurs et clients perdent très vite la mémoire des échangespassés, mais aussi une relation à long terme chargée du poidsde l’histoire (l’image de l’entreprise ou la réputation dufournisseur en sont des manifestations),

• non pas une conception atomisée du marché composéd’agents autonomes et anonymes, mais des réseaux d’acteursinscrits dans le social,

• non pas la séparation de la fonction marketing au sein del’organisation mais son intégration au sein de multiples pro-cessus.

En fait, le marketing relationnel reconnaît un continuum de situa-tions. Car, pour lui, tout échange marchand n’est pas inscrit de lamême manière dans un système relationnel.

• À l’une des extrémités de ce continuum, se trouvent lessituations où la relation avec des clients très nombreux(souvent plusieurs millions) est très simple et typée. Lorsde la conception de l’objet d’échange, le marketer se fondesur un simulacre d’interaction avec quelques échantillonsde la population visée. Cette démarche permet au fournis-seur (souvent une grande marque) d’anticiper la relation :il peut prédéterminer et standardiser son offre et mettreen œuvre des moyens de masse pour accéder au marché.Chaque client ne peut, à titre individuel, négocier avec lefournisseur. Le marketer pilote une relation fortement typée,avec un client typique, qu’il appelle « Le » consommateur.Mais ce dernier n’est pas un consommateur en chair et enos, c’est une construction « sur le papier ». Ces situations

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sont celles des produits de masse de la grande consomma-tion et la métaphore du marketing mix y conserve unecertaine pertinence.

• À l’autre extrémité du continuum, se trouvent les situationsoù la relation avec le client relève d’une riche interactiondirecte. Celle-ci ouvre la possibilité d’une négociation avecun client actif et d’une coconstruction de l’offre et desconditions de l’échange. C’est une situation typique dansle domaine du Business to Business où le fournisseur estconfronté à un client souvent très compétent vis-à-visduquel il doit consentir de multiples adaptations. Le dépar-tement marketing, quand il existe, est alors loin de détenirtous les leviers de l’action sur le marché. On rencontre cessituations non seulement dans les biens et servicescomplexes dédiés aux organisations, mais aussi dans lesgrands projets architecturaux ou l’artisanat de luxe.

Entre ces deux extrémités, se trouvent une grande diversité desituations où se combinent à divers degrés la standardisation etle sur mesure : biens d’équipements sur catalogue (pour les entre-prises ou les particuliers), matières premières, biens et servicesmodulables ou à la carte, services professionnels de santé ou deconseil… Ces situations entraînent un pilotage particulier de larelation client-fournisseur qui diffère de celle qui prévaut tradi-tionnellement pour les biens fongibles de grande consommation.Mais, ceci n’est qu’une photographie de la diversité des relationsd’échange. Quelle est la dynamique de leur évolution ? Allonsnous vers plus de situations d’interaction ou vers plus de situationsoù la relation est prédéterminée et standardisée ? L’évolution destechnologies de l’information et de la communication semble favo-riser la première hypothèse par l’élargissement du nombre des

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situations d’interactions, directes ou virtuelles. Un bref rappel del’histoire des médias permet de comprendre une telle évolution.

• Initialement, la présence de quelques rares grands médias(la radio dans les années trente aux USA, deux ou troisgrands networks dans les années soixante, une ou deux chaî-nes de télévision en France à la même époque…) imposeun certain type de relation avec l’audience : une relationquasi passive où la part d’autonomie du récepteur se résumeà la sélectivité de son attention.

• La fragmentation de l’audience des médias, la multiplica-tion des chaînes de radio et de télévision, l’apparition dela télécommande introduisent un premier typed’interaction : la réactivité qui consiste à « zapper ». Mais,c’est là une interaction de commande, où la part d’autonomiedu récepteur demeure encore largement contrainte parl’émetteur et le média.

• Les possibilités contemporaines de l’Internet autorise uneinteractivité conversationnelle où l’autonomie de chacun estouverte. Difficile dès lors de continuer à parler d’audience,la relation est beaucoup plus symétrique : chacun est proactif, tantôt émetteur et tantôt récepteur. Dans une tellesituation, les présupposés du marketing mix sont largementremis en cause. Les possibilités offertes par le réseau Internetet, notamment le fait que tout acteur (fournisseur et client)peut être actif dans le choix de son mode relationnel laisseentrevoir les futures possibilités d’interaction (cf. chap. 7).Le client dispose de possibilités plus ouvertes. Au lieu d’adop-ter une conduite réactive au système de marketing direct dufournisseur (publipostage, téléphone, catalogue papier ouélectronique…), il peut être pro actif, au sein de « la toile »,prendre l’initiative de chercher le site qui l’intéresse et se

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connecter avec le fournisseur de son choix, et ce, dans lemonde entier. Il peut, au sein de groupes de discussion,mettre très rapidement en cause tel ou tel produit ou entre-prise. Bref, l’évolution des technologies de l’information etde la communication bouleverse les représentations tradi-tionnelles de la relation fournisseur-client. De plus, commenous le verrons en conclusion du prochain chapitre on assisteà une demande grandissante d’appropriation de la part desconsommateurs. Quelle est la réponse actuelle des marketers ?

La gestion des relations-client – C R M

La gestion des relations-client (Customer Relationships Management –C.R.M.) désigne principalement un ensemble d’outils, fondés surles nouvelles technologies de l’information et de la communication,commercialisés par les consultants spécialisés dans les systèmesd’information. Ceux-ci proposent des outils pour :

• repérer les clients les plus intéressants en se fondant surdes méthodes de scoring,

• retenir ces clients par une individualisation des relations,et un programme de fidélisation.

Par exemple, dans l’idéal, l’application de tels outils devrait conduireà la situation suivante. Un client appelle l’entreprise pour fairepart d’un problème. Avant même que quiconque ait décroché, l’ordi-nateur surpuissant de l’entreprise a identifié le correspondant et aanticipé les raisons de son appel. Par conséquent, il dirige immé-diatement la demande vers l’interlocuteur compétent. Ce derniervoit apparaître sur son écran toutes les informations utiles sur leclient et toute l’histoire récente de ses relations avec l’entreprise.De plus, des informations concernant les produits que ce client

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peut probablement acheter apparaissent au même moment. Il resteà la personne en contact à vendre ces produits après avoir résolule problème. Rien moins.

Cette petite anecdote est en partie réelle, notamment dans lesbanques les plus orientées client. Mais, le chemin semble bienlong pour d’autres entreprises. Quoi qu’il en soit, la rhétoriquedu marketing « One to One » et du « marketing sur bases dedonnées » met l’accent sur la personnalisation des messages etdes offres (biens ou services), destinés à un client individualisé.Grâce à l’existence de fichiers bien renseignés, le marketer estsusceptible de planifier sa communication et ses offres à partirde la définition du profil de chaque client et de ses réactionssuccessives (ses feedbacks). Il devrait ainsi « cibler » la relationavec chaque individu et ce pour un grand nombre de clients. LaC.R.M. utilise le vocable interaction pour pointer deux caracté-ristiques du processus de communication : la capacité à s’adresserà un individu singulier et la capacité à mémoriser ses réactionsau fil du temps. À partir d’un profil particulier, constitué parl’histoire des contacts avec chaque individu éventuellement enre-gistré via un « cookie », il devient, en effet, possible de mettreen œuvre trois catégories de tactiques relationnelles :

• assurer une certaine continuité des transactions, par exempleune carte de « fidélité » donne droit à des offres spéciales,des réductions de prix, des cadeaux par cumul de points,etc.,

• individualiser des messages publicitaires puisqu’une seg-mentation plus fine, au moyen des bases de données, permetde sélectionner des adresses et de construire des opérationspromotionnelles plus ciblées, voire de proposer des conseilsd’achat sur mesure,

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• personnaliser les offres au moyen d’une proposition « surmesure », doublée éventuellement d’une relation inter-personnelle entre le consommateur et un acteur humain(le personnel en contact) ou non humain (par exemple unsite Web), de l’entreprise.

Les tactiques relationnelles du premier type ne sont guère nouvelles.Dès lors que le marketer dispose d’un fichier convenablement ren-seigné, il lui est possible de réaliser des opérations de marketingdirect. Depuis de nombreuses années, les détaillants de multiplessecteurs (musique enregistrée, vêtement, épicerie, hôtellerie, trans-port aérien, etc.) utilisent de tels moyens. C’est la diminution ducoût de gestion des adresses et la possibilité d’enrichir en permanenced’amples bases de données qui expliquent le renouveau de ces ques-tions.

Les tactiques relationnelles du second type sont plus récentes etrésultent directement de la puissance des bases de données désormaisdisponibles. On lui doit, par exemple, le développement de la seg-mentation comportementale dans le secteur bancaire ou la sélectiond’un « groupe cible » au sein des abonnés d’une chaîne du câbleou du satellite pour leur adresser un message publicitaire particulier(par exemple, les foyers avec enfants qui résident à moins de centkilomètres d’un parc de loisirs).

Avec les tactiques relationnelles du troisième type, le marketer doit,dans l’idéal, être capable de concevoir des offres adaptées à chaqueindividu. C’est alors que se posent vraiment des questions nouvelles.La conception d’une offre et d’un message spécifiques à chaqueclient a, en général, pour conséquence d’augmenter le nombre etla diversité des adaptations ce qui implique des coûts supplémen-taires. Pour faire face à ces coûts d’adaptation, le marketer n’a, tra-ditionnellement, d’autres solutions que de s’en tenir à une logique

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bien connue : regrouper ces individus au sein de segments qu’il vaconsidérer comme homogènes. C’est alors, que les outils de la C.R.M.peuvent permettre de résoudre autrement ce type de problème.

Grâce à une base de données relationnelle, le fournisseur qui saitgérer de manière flexible des assortiments de produits ou de com-posants peut mettre en œuvre de nouvelles solutions. Typique decette application est le site Amazon.com qui « personnalise » desrecommandations concernant de nouveaux ouvrages littéraires. Dèsqu’un client a effectué un premier achat, on lui recommande d’autreslivres en comparant sa demande avec celle des autres clients quiont effectué un achat identique ainsi que d’autres achats. L’hypothèseest que ces choix se ressemblent et qu’il est opportun d’informerce client sur cette ressemblance. Autrement dit, on utilise la cor-rélation entre l’achat d’un client et les achats d’autres clients afinde « relancer » le premier. C’est ce que fait un bon libraire lorsqu’ilconseille un livre en rapprochant le profil d’un client de celui desclients qui lui ressemblent. Une base de données relationnelle per-met donc de proposer des éléments complémentaires à une demandespécifique. Une autre application typique consiste à mémoriser leprocessus de recherche d’un client afin de lui épargner le travailqui consiste à faire de nouveau une recherche identique. De mêmequ’un bon vendeur se souvient de qui est le client et pourquoi ilrevient.

Quel est le point commun de ces techniques ? Elles améliorent laproductivité de la gestion des contacts en utilisant une base dedonnées dotée d’une structure relationnelle. C’est-à-dire une basecomposée de plusieurs fichiers reliés entre eux par des clés permet-tant de les mettre en relation, par exemple : un fichier de personnes,un fichier de transactions, un fichier historique sur les réactionsdes destinataires, et un fichier géographique. Une telle base de

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données peut donc permettre de proposer rapidement une amplecombinaison de produits ou de composants, et peut conserver enmémoire de nombreuses informations. Bien qu’un vendeur tradi-tionnel sache effectuer de telles tâches, il ne peut le faire de manièreaussi ample et rapide que la machine. De plus, il ne saurait disposerd’une capacité cognitive suffisante pour garder tout cela en mémoire.La mise en relation des bases de données peut améliorer la pro-ductivité de la gestion des contacts en diminuant le coût de rechercheet de traitement de l’information par le client, en augmentant lavitesse et l’amplitude des combinaisons virtuelles effectuées par lefournisseur, et en mémorisant l’histoire des transactions et des réac-tions de chaque client. Bref, pour le dire autrement, ces évolutionstransforment la structure des « coûts d’interaction », voire leur dimi-nution.

Mais, au total, rien de bien nouveau dans les « astuces » permettantde retenir un client ou d’interroger une poignée de consommateurspour prédéfinir une offre ou un marketing mix. Le marketing tra-ditionnel suggère, en effet, cela depuis longtemps. Beaucoup denouveautés, par contre, du côté des technologies qui accélèrent lamise en relation de multiples informations à propos d’un client« de papier » ou d’un client électronique. Une telle performancen’est pas une réponse à la demande du client, c’est l’effet de lamise en œuvre de nouvelles techniques pour gérer des contacts. Ils’ensuit que la réussite de telles opérations va dépendre d’une part,de la capacité et de la volonté d’apprentissage du client et, d’autrepart, de la capacité et de la volonté d’apprentissage du fournisseur,et notamment de ses vendeurs ou, plus généralement, de son per-sonnel en contact. Il s’ensuit que ce dernier doit investir dans :

• un système permettant de gérer une base de données rela-tionnelle,

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• un système d’acteurs non humains qui vont se substituerou se combiner avec le personnel en contact avec le con-sommateur,

• l’information et la formation des consommateurs et du per-sonnel en contact.

Ces enjeux relèvent d’un ensemble de fonctions auparavant séparéesau sein de l’entreprise et constituent une opportunité pour le marketer.Mais ils transforment aussi la structure des coûts et des valeurs ajoutéeset génèrent une incertitude accrue vis-à-vis de la capacité d’appren-tissage de l’entreprise qui permettrait des gains de productivité. Ledéveloppement des outils de la gestion des relations-client (C.R.M.)résulte peu d’une demande des clients ou des consommateurs. Il résulteprincipalement des conditions contemporaines de l’échange, suscitéespar les technologies de l’information et de la communication (Marion,2001). C’est pourquoi de nombreuses entreprises témoignent de leurdéconvenue vis-à-vis de tels outils. Pourtant, le souci de différenciationdes marketers et la réussite de certaines entreprises (Dell Computer,par exemple) vont continuer à favoriser la diffusion de tels outils.

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Le marketing et la diversité des organisations

La classification des champs du marketing a fait couler beaucoupd’encre, et pourtant on ne dispose toujours pas d’une taxinomielargement acceptée. Pour simplifier nous tiendrons compte de deuxvariables-clés (encadré 1.11.) : la nature des acteurs en présence(individus/ménages ou organisations) et la nature de l’objet del’échange (biens ou services).

Ainsi, le champ des produits de grande consommation (fongiblesou durables) est constitué par l’échange de biens entre un fournisseuret un individu ou un ménage. C’est le champ qui nous a princi-palement servi de référence pour décrire la démarche du marketeret ses concepts-clés. Mais, d’autres champs nécessitent de sérieusesadaptations : celui du milieu industriel, constitué par l’échange debiens entre un fournisseur et une entreprise ou une organisation,et le champ des services destinés soit aux particuliers soit aux entre-prises.

Encadré 1.11. Quelques champs typiques du marketing

Biens Services

Individus, ménages Grande consommation

Services aux particuliers

Entreprises, organisations

Milieu industriel Services aux entreprises

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Le marketing des produits industriels

Le milieu industriel se caractérise d’abord par la nature des acteursde l’échange : ce sont, le plus souvent, deux entreprises qui sonten relation. D’où l’expression « Business to Business » parfois utiliséepour désigner ces situations. Il faut tirer toutes les conséquencesd’un tel constat. Contrairement à la grande consommation, les obli-gations réciproques sont fortement personnalisées et leur définitionest négociée au sein d’une relation fournisseur-client singulière oùchaque acteur se voit attribuer un rôle actif dans la constructionde l’échange.

Une relation interactive

Les solutions délivrées par le fournisseur ne sont que partiellementprédéterminées car client et fournisseurs sont supposés interagirconcrètement et directement pour déterminer l’objet d’échange. Lesdeux organisations sont en relation interactive, c’est pourquoi onparle aussi de marketing inter-organisationnel. Leur identité estclairement repérée, la raison sociale (corporate name), du fournisseuret du client est prise en considération, car la qualité du fournisseuren tant qu’organisation importe autant, voire plus, que la seulequalité du produit. Les termes de l’échange sont supposés coconstruits et suscitent, de part et d’autre, des processus d’adaptationà partir d’une offre de base. L’interaction fournisseur-client se mani-feste par la confrontation d’un centre de vente (ingénieur commer-cial, service de maintenance, bureau d’études, service après-vente…),avec un centre d’achat (acheteur, responsable de la production, ser-vice qualité, responsable financier…).

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Dans les filières industrielles la performance d’une entreprise estconditionnée par celle de nombreuses autres entreprises, situées enamont ou en aval, dans un système de relations de dépendance etde complémentarité constituant de multiples réseaux. Les alliances,les ruptures, les conflits et les coopérations peuvent apparaître detoute part, menaçant ou confortant la position de chaque entrepriseau sein de ses réseaux. Dès lors, la position d’un fournisseur vis-à-vis d’un client est non seulement conditionnée par la positionde l’un et de l’autre vis-à-vis de leur marché respectif, mais aussipar leur position vis-à-vis de l’ensemble des acteurs constituant lesréseaux et les filières. La gestion de la position relève donc devariables qui ne sauraient être à la seule discrétion d’un départementmarketing.

De plus, un grand nombre de marketers « à temps partiel », situésdans d’autres fonctions que la fonction marketing, sont en interac-tion directe avec le client (d’où la notion de centre de vente). Ledéveloppement d’un nouveau produit n’est donc pas piloté par ununique chef de produit et celui-ci n’est même pas, très souvent,membre du département marketing. Par ailleurs, les tests auprèsd’échantillons représentatifs sont plus rares à cause du faible effectifdes populations considérées. Les budgets publicitaires sont beaucoupplus réduits et l’usage des grands médias exceptionnel.

En grande consommation, la division traditionnelle du travail entreproducteur et consommateur confie au marketer le soin de rassemblerde l’information sur le marché au travers d’une analyse de la demandeet, dans le meilleur des cas, d’une analyse plus fine des usages,attentes, attitudes et comportements des clients potentiels. La dis-tribution de cette information auprès de plusieurs autres fonctionsde l’entreprise, et notamment auprès des responsables de la rechercheet du développement des produits (R & D), permet la conception,

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puis la mise en production d’une nouvelle offre qui peut être alorsproposée au marché. Une telle démarche se caractérise par un pro-cessus séquentiel. Les étapes de construction de l’information, dedissémination de cette information, et de réponse à cette informationconstituent des moments séparés dans le temps et dans l’espace.On peut certes parler dans ce cas d’interaction entre le fournisseuret le client, mais il s’agit d’une interaction limitée et les tâchesdu marketer sont alors éclatées entre diverses phases. D’abord laconstruction de l’information : qui consomme quoi, combien,quand, comment, pourquoi, etc. ? Ensuite la phase de disséminationde cette information : « briefs » pour la R&D, le design, le gra-phisme, la publicité, l’argumentaire, etc. Enfin, de multiples acti-vités de coordination pour piloter le développement de la nouvelleoffre : tests divers, prévisions des volumes, fixation des prix, calen-drier de mise en marché, etc. L’encadré 1.12. propose une repré-sentation simplifiée d’un tel processus.

Encadré 1.12. La relation fournisseur-client en tant que processus séquentiel

Dans les situations Business to Business, caractérisée par une inte-raction approfondie, les processus de ce cheminement séquentielsont compressés dans le temps et dans l’espace. Ils sont simultanés.Les processus de marketing (construction et dissémination de l’infor-mation, pilotage de la réponse de l’entreprise), de conception (quel

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matériau, quel principe fonctionnel, quelle forme, quel design,etc. ?), de production (quelle quantité, à quel rythme, à quel prix,etc. ?), et de consommation (quels usages, quels résultats, quellessatisfactions et insatisfactions, etc. ?) se recouvrent largement lesuns les autres dans le temps et dans l’espace. Il est moins questionde créer de la valeur pour le client que de créer de la valeur avecle client. Ce que le fabricant apporte c’est un complément auxsavoirs, aux ressources et aux équipements déjà possédés par leclient. Ce que le client apporte c’est sa compétence. Fournisseuret client sont dans une relation interactive approfondie et concrète(encadré 1.13.).

Encadré 1.13. La relation fournisseur-client en tant que processus simultanés d’interaction

Il s’ensuit que le service marketing et, plus généralement la coalitiondes marketers, disposent d’un pouvoir moindre au sein de l’organi-sation. Ils doivent, en permanence, apporter des preuves convain-cantes de la nécessité de leur contribution, alors que les instruments

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de mesure dont ils disposent demeurent très parcellaires. Dans cer-taines entreprises les contributions du département marketing peu-vent se cantonner à des ingrédients très périphériques : un logotype,une brochure commerciale, un publipostage… Dans d’autres entre-prises, au contraire, l’orientation client fait largement partie de laculture de l’entreprise. À l’examen de cette diversité, on comprendqu’on ne saurait définir normativement la place du marketing dansl’organigramme des entreprises œuvrant en milieu industriel.

Une relation sélective : le portefeuille de clients

Le faible effectif de la population des clients (en milieu industrielon les compte par dizaines, centaines ou milliers ; en grandeconsommation par millions, dizaines, voire centaines de millions),et la possibilité d’entériner leur hétérogénéité (taille, activité,compétence, nationalité), expliquent en large part la diversité desrelations. Toutefois, le recours au négoce industriel permet delimiter la diversité des adaptations et des négociations du pointde vue du fournisseur. Ce choix lui permet de couvrir un marchédiffus en reportant sur un distributeur la fourniture de servicescomplémentaires : stockage, livraison, finition, installation, main-tenance. Le fournisseur réduit ainsi la diversité de ses relationset limite l’ampleur des adaptations et des négociations à consentir.Dès lors, la plupart des fournisseurs constituent et gèrent unportefeuille de clients. La position de ces derniers y est hiérarchisée,de fait ou par choix, en raison de leurs attraits et des atouts dontdispose le fournisseur. Cette position conditionne la sélectivitéde l’émission des messages et de l’allocation des ressources dufournisseur : suivi spécifique par un vendeur, invitation person-nelle dans un salon professionnel, publipostage ciblé, adaptationspécifique. De son côté, de fait ou par choix, le client gère un

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portefeuille de fournisseurs. Il s’ensuit que cette relation donne lejour à une construction sociale particulière : le couple fournisseur-client. Les contacts seront récurrents ou épisodiques en fonctiondu cycle de vie et de l’atmosphère de la relation : phase pré rela-tionnelle où les deux parties s’évaluent mutuellement ; phase d’ini-tiation, scandée par des épisodes critiques tels que des essaistechniques ou des commandes d’essai ; phase de développement,où des adaptations sont effectuées de part et d’autre (caractéris-tiques du produit, ordonnancement, logistique) ; stabilisationvoire institutionnalisation de la relation ou questionnement, voirerupture. Ces épisodes s’inscrivent dans un système social concret :manifestations professionnelles (salons, colloques, réunions), récep-tion des représentants, implication des centres d’achat et de ventedans les processus d’adaptation. Des ajustements réciproques, telsque le « juste à temps » ou le développement conjoint d’uneinnovation, donnent lieu à d’amples investissements spécifiqueset durables.

Du coup, les relations fournisseur-client sont entretenues par unréseau de relations personnelles. C’est l’ensemble de cette dynami-que, et sa cohérence, qui favorise ou non la qualité« psychosociologique » de la relation, c’est-à-dire son atmosphère.Les relations sont largement personnalisées : visite, courrier, télé-phone, télécopie. Des médias spécialisés (presse professionnelle,annuaires, bases de données), permettant de véhiculer une infor-mation plus approfondie qu’en grande consommation, constituentune sorte de mémoire externe à l’usage de l’ensemble des acteurs.Les dispositifs de transfert de la solution peuvent nécessiter desinvestissements de la part du fournisseur et du client : emballages,modes de livraison ou de stockage, organisation de la production,actions de formation, conditions de règlement. Souvent, des pro-cédures spécifiques sont mises en place (homologation ISO, délé-

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gation de contrôle, assurance qualité, flux tendu, Échange deDonnées Informatisées). Ces dispositifs manifestent le degré de dépen-dance dans la relation fournisseur-client. Chaque organisations’efforce de réduire les risques par un ajustement mutuel permanent.Au-delà de l’offre de base, une solution et son transfert sont adaptéset négociés de manière sélective. Autrement dit, les adaptations pos-sibles ne seront consenties qu’en raison du degré souhaité d’impli-cation dans la relation. Selon le rang de cette relation dans la hiérarchiede chacun, des marges de manœuvre pourront être plus ou moinsutilisées. Un fournisseur pourra consentir, vis-à-vis d’un client« cible », un seuil particulier de mise en production, une formespécifique de livraison ou une procédure ad-hoc de facturation

Des indicateurs différents

Les indicateurs de performance utilisés sont moins quantitatifs,moins « universels », et reposent rarement sur une collecte de don-nées fondée sur des échantillons prélevés dans une population nom-breuse et homogène. De plus, ils visent à rendre compte del’évaluation par les clients non seulement de l’objet d’échange (leproduit et/ou le service fourni), mais surtout de la qualité de l’orga-nisation qui en assure la fourniture. Le plus souvent, le nombre defournisseurs en présence chez un client donné, leur « taux depénétration » et leur statut (principal, petit mais innovateur, decomplément), sont préférés à la part de marché. Les bases de donnéesad hoc, les banques de données, et les sources d’informations four-nissant des données « secondaires » sont de fréquents substituts àl’interrogation directe des clients. La veille concurrentielle metautant l’accent sur la capacité des organisations concurrentes (niveaudes coûts, capacité de production, dépôts de brevets), que sur laperformance de leurs produits et de leurs marques. La taille modeste

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des budgets de publicité limite largement les procédures d’évalua-tion et de contrôle de ces actions. La diversité des clients, desacteurs de la décision d’achat, des technologies et des applicationscomplexifie la mise au jour des attributs déterminants, des images,des positions perçues et des niveaux de satisfaction. La durée desrelations, les étapes de leur cycle de vie, leur atmosphère, constituentdes indicateurs plus difficiles à appréhender par des indicateursstatistiques.

Cette description à grands traits des interactions du milieu industrielne concerne cependant qu’une partie des relations inter-organisa-tionnelles. D’autres terrains tels que le marketing de l’innovationtechnologique ou le marketing de projets nécessiteraient des déve-loppements plus amples. Nous renvoyons donc au ouvrages spé-cialisés pour l’approfondissement de ces thèmes (Michel, Salle etValla, 1996). De plus, les relations fabricants-distributeurs sontaussi, évidemment, des relations inter-organisationnelles. Il s’ensuitque ce qu’on appelle le Trade Marketing, c’est-à-dire le pilotage parun fabricant de ses échanges avec une entreprise de commerce (cf.chap. 7) peut sans doute s’inspirer de ce type d’approche.

Le marketing des services

L’intérêt porté aux services se développe fortement depuis la findes années 1970. Trois éléments principaux permettent d’expliquercette tendance. Premièrement, le poids économique des activitésde service devient dominant dans la plupart des pays dits développés.On parle de tertiarisation de l’économie pour décrire cette évolution.De nombreux économistes et sociologues tentent d’expliquer cephénomène : Gershuny (1978) ou Delaunay et Gadrey (1992), pro-posent diverses hypothèses, tantôt opposées et tantôt convergentes,

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pour expliquer la croissance des services. Il demeure que, dans unepériode économique où la création d’emplois est un enjeu majeur,la réflexion sur le développement des services s’avère particulière-ment d’actualité. Deuxièmement, un certain nombre de thèmescristallisent l’attention à la fois des praticiens d’entreprises, despouvoirs publics, et des clients. Ainsi, la question de la qualité deservices constitue un sujet crucial pour les entreprises. Elles y voientun levier stratégique dès lors que l’on assiste à une banalisationaccrue des offres. De même, les pouvoirs publics accordent del’importance à ce thème à la fois pour l’image de leur pays (accueilde visiteurs étrangers par exemple), et dans une perspective dedéveloppement économique. De plus, les consommateurs semblentmanifester une exigence de plus en plus grande à ce niveau. D’autresthèmes suscitent aussi l’intérêt des différents acteurs économiquestels que la place et l’évolution des services publics ou encore lerôle des services dans l’aménagement du territoire et dans la viesociale. Enfin, les modèles et outils du marketing traditionnel, issuspour l’essentiel des pratiques de la grande consommation, ne peuventsouvent fournir ni une description satisfaisante des problèmes ren-contrés dans les services, ni des guides d’action totalement adaptésà ce contexte.

La spécificité des services

De nombreux auteurs s’accordent pour souligner un certain nombred’éléments permettant de distinguer les services des biens : ils sontimmatériels, donc difficiles à présenter, à normer et à représenter.Ils ne peuvent être stockés. Ils impliquent la participation du clientet, le plus souvent, d’un personnel en contact avec le client. Deuxéléments principaux résument et expliquent l’ensemble de ceséléments :

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• l’immatérialité (ou intangibilité) des services : « Un produitest un objet, une chose, un moyen ; un service est un acte, uneexécution, un effort. » (Berry, 1980),

• la non-séparabilité entre production et consommation : unservice ne suit pas la séquence chronologique classique pro-duction-distribution-consommation, mais est généralementproduit et consommé simultanément dans le cadre d’unerelation directe entre l’entreprise et le client. Eiglier etLangeard (1987), utilisent le terme servuction pour rendrecompte de ce processus particulier : la servuction est auxservices, ce que la production est aux produits.

L’importance du personnel en contact

Cette spécificité a pour conséquence essentielle de mettre l’élémenthumain et les facteurs relationnels au cœur du marketing des ser-vices. Il faut donc souligner l’importance numérique et stratégiquedu personnel en contact avec la clientèle. Celui-ci doit souvent à lafois vendre et réaliser le service, d’où l’intérêt porté à la notion demarketing interne. Il faut aussi examiner le rôle des clients lorsqu’ilsparticipent à la réalisation du service, véritables « coproducteurs »de la prestation. Pour mettre l’accent sur l’importance des interac-tions entre ces deux acteurs principaux du service on utilise l’expres-sion « moment de vérité » (Normann, 1984), afin de désigner cettephase de l’interaction où se cristallisent les évaluations par le clientde l’offre de service, du personnel en contact, et de l’entrepriseelle-même.

Le rôle joué par le personnel en contact d’une part, et par le clientd’autre part, constitue l’une des sources essentielles de la non-repro-ductibilité à l’identique d’un acte de service. D’ou la variabilité

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d’une même prestation dans le temps et dans l’espace. Ce constateffectué, les prescriptions divergent : faut-il tenter de normer, stan-dardiser au maximum la prestation, « d’industrialiser le service »ou doit-on au contraire reconnaître, voire stimuler, une certainepersonnalisation (customization) de la prestation ? En fait, ces deuxpositions semblent constituer les deux extrêmes d’un même conti-nuum. De plus, elles sont partiellement conciliables si l’entrepriseest capable de segmenter finement son marché. En pratique, unetendance vers plus de normalisation et de standardisation semblese manifester et l’engouement des entreprises de services pour lacertification de la qualité en est un indice.

Au-delà des spécificités liées aux caractéristiques de l’offre proposée,le marketing des services se nourrit des méthodes élaborées soitpour les produits de grande consommation, soit pour les produitsindustriels, selon qu’il s’agit de prestations destinées aux ménagesou aux organisations (Dumoulin et Flipo, 1991). La nature du clientparaît donc plus déterminante que celle de l’offre pour caractériserla diversité des pratiques, d’autant que les entreprises de productionintègrent de plus en plus de services au sein de leurs offres.

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La mondialisation des marchés

Il faut souligner la diversité des réponses des entreprises aux enjeuxde la mondialisation des marchés. Pour faire simple, on opposetraditionnellement deux positions extrêmes : l’adaptation aux marchéslocaux ou la standardisation mondiale de la stratégie. En fait, cetteopposition est quelque peu caricaturale : certains segments d’unmarché peuvent appartenir à l’un des pôles et d’autres au secondsans que ceci soit stable dans le temps. Il convient plutôt de parlerde degré de mondialisation.

La mondialisation des échanges se manifeste par la planétarisationéconomique et financière des marchés, des firmes, des institutions(FMI, Banque mondiale, ONU, ONG, etc.), et des technologiesde l’information et de la communication (Internet, la télévisionpar satellites, etc.). Elle s’accompagne d’une part de la dématéria-lisation des objets, des acteurs et des processus d’échange et, d’autrepart, d’une accélération de la création d’offres, de leur diffusion, etde la circulation de l’information. L’atténuation des frontières entremarchés nationaux donne naissance à un espace économique mondial(globalization) qui se caractérise par une tendance à l’homogénéisa-tion des offres et des demandes, l’abaissement graduel des barrièrescommerciales, et une concurrence exacerbée. Mais, ces tendancesne se manifestent pas de la même manière dans tous les secteurs.

La dialectique du « mondial » et du « local »

De multiples travaux sur les stratégies internationales (Porter, 1986 ;Prahalad et Doz, 1987 ; Bartlett et Ghoshal, 1989) s’efforcent de

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comprendre les familles de facteurs qui expliquent ces tendances.Du point de vue des entreprises, tout semble se passer comme siun ensemble de « forces » exerçaient des pressions en faveur ou endéfaveur de la mondialisation :

• d’un côté des forces incitent à l’intégration et à la coordinationmondiale des activités géographiquement dispersées : éco-nomies d’échelle, taille critique de l’unité de production,intensité des investissements, intensité de la R&D par rap-port au chiffre d’affaires, pression sur les coûts, avantagecomparatif d’un pays, coûts de transport,

• d’un autre côté des forces incitent à s’adapter à la demandeet aux contraintes locales : barrières douanières, obstaclesnon tarifaires tels que les quotas, les normes, lesformalités… ; poids des marchés publics, diversité des goûtsdu consommateur, effets liés à l’origine nationale de l’offre,diversité des circuits de distribution, position historiquede certaines entreprise, prédominance des acheteurs locaux.

Il s’ensuit que chaque secteur est soumis à divers degrés à cesdifférents facteurs. Dès lors, certains secteurs sont mondialisés parceque la pression des forces de coordination et d’intégration est forteet que les forces d’adaptation locales sont négligeables (les compo-sants électroniques, les chaussures de sport). À l’opposé, certainssecteurs sont « domestiques » parce que les forces d’intégration et decoordination sont faibles, tandis que la pression des forces d’adap-tation locales est forte (les produits alimentaires ultra-frais, la char-cuterie). Entre ces deux situations, on trouve un très grand nombrede secteurs « mixtes » : certains sont plutôt « multidomestiques »,parce que l’ensemble des facteurs exercent une pression faible ;d’autres sont plutôt « transnationaux », parce que l’ensemble desfacteurs exercent des pressions fortes.

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Le rôle du consommateur et des goûts

Le succès de certaines grandes marques mondiales, le plus souventaméricaines, semble indiquer une tendance générale vers une mon-dialisation des comportements de consommation. De même, lesproduits de luxe constituent un exemple commode pour illustrercette tendance à l’homogénéisation. Une Mercedes, un foulard Her-mès ou un sac Vuitton visent une même clientèle en Amériquedu Nord, en Argentine ou à Singapour : celle qui dispose de revenussupérieurs, est mobile et bien informée. Mais, c’est là une analysede courte vue. Il faut, au contraire, s’efforcer de repérer, du pointde vue des goûts, les secteurs les plus favorables à la mondialisation :

• ceux qui se nourrissent de la dissémination de valeursnouvelles aux dépens des valeurs héritées localement. Autravers de Coca-Cola, Levi’s ou Nike, les adolescentsconsomment les signes du mythe américain. Au traversdes griffes du luxe à la française ou celles du raffinementitalien, les « élites » mondiales consomment les signesde la distinction. Au travers du « made in Germany » lesclients consomment le stéréotype de la solidité et de laperformance. Barilla, producteur de pâtes et Ily produc-teur de café expresso vendent à travers le monde la qualitétypiquement italienne. Marks et Spencer répand laconception anglaise de la qualité et du confort. Les vinsfrançais bénéficient de la tradition de qualité de leurorigine, comme Volvo est indiscutablement suédois. Danstous ces cas, on voit combien l’identité nationale et géo-graphique de l’émetteur joue un rôle déterminant,

• ceux qui se nourrissent du changement technologique etsuscitent la création d’un ensemble de valeurs radicale-ment nouvelles. Les marques issues de la « Hi-Tech. »,

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de l’informatique, de l’électronique, des télécommunica-tions, construisent non seulement les marchés, mais aussiles repères qui les constituent. Leurs produits s’inscriventd’emblée dans une perspective mondiale qui s’impose àtous les producteurs (micro-informatique, consoles de jeuxélectroniques, téléphonie mobile…). Les jeunes généra-tions semblent beaucoup plus sensibles que leurs aînéesà ces nouveaux produits, qui constituent « leur univers »de consommation. Dans le champ de l’alimentation, pour-tant très ancrée dans les traditions culturelles, l’innovationdans le segment des barres chocolatées favorise aussi cetype de consommation. Les produits peu coûteux, quiconcernent des usages « universels » et pour lesquels leprix est largement dépendant de l’effet de volume (briquetjetable, instruments d’écriture à faible prix, rasoir méca-nique…) bénéficient aussi de cette tendance,

• ceux qui, particulièrement dans le champ des services, senourrissent de la mobilité et du cosmopolitisme des clients(location de voiture, transport aérien, hôtellerie, restaura-tion, tourisme...).

Bien que l’homogénéisation des modes de vie et des styles de viede la planète encourage la recherche de ces segments de marché,il ne s’ensuit pas automatiquement que des segments universelss’imposent à toutes les entreprises. La dynamique de la mondiali-sation ne conduit pas seulement à plus d’homogénéité et de gigan-tisme. Elle suscite, dialectiquement chez le consommateur, larecherche de proximité, d’enracinement, de valeurs singulières età taille humaine. Pour le dire autrement, les tendances à l’univer-salisme qui accompagnent la mondialisation nourrissent, en mêmetemps, le regain des phénomènes communautaires : le clan, la tribu,

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la bande, la clique, voire la secte ou la mafia. D’où les limites dela mondialisation des marques situées dans certains secteurs :

• ceux qui sont très enracinés dans les pratiques culturelles.C’est d’abord le cas du secteur alimentaire. En dépit de laprésence mondiale de Coca-Cola ou de McDonald’s, forceest de constater que les rayons alimentaires des supermar-chés varient fortement d’un pays à l’autre. Il suffit de com-parer Paris, Barcelone, Londres et Genève pour constaterque la structure du petit déjeuner, la place de l’assaison-nement ou du sucre, le rôle du fromage, etc. sont radica-lement différents dans les pratiques familiales. Certainsloisirs sont eux aussi fortement ancrés dans la tradition etles systèmes de valeurs : Club Med, en dépit de ses effortspour universaliser son concept, se heurte depuis longtempsà la « résistance » germanique ou nord-américaine. La presseet l’édition, pour des raisons qui tiennent évidemment àla langue mais aussi à l’histoire, demeurent encore peumondialisées. En dépit du succès des Jeux olympiques etde la coupe du monde de football, il demeure que certainespratiques sportives et les loisirs qui s’y rattachent demeu-rent enracinés dans un espace limité culturellement (le base-ball), et géographiquement (la mer, la montagne). Du coup,des marchés majoritairement locaux perdurent et permet-tent une prédominance des acteurs nationaux, voire régio-naux,

• ceux qui sont très liés à la structure des modes de vie et,notamment, le secteur du commerce de détail et de lavente par correspondance (en large partie déterminé par lastructure de l’habitat, le degré d’urbanisation, la réglemen-tation des horaires d’ouverture ou les autorisations de loca-lisation). En dépit des ajustement progressifs de la

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législation européenne, on constate des variations extrême-ment fortes dans la dispersion des tailles de points de venteentre le Nord et le Sud de l’Europe. Une formule de venteaussi « rodée » que l’hypermarché à la française doit s’adap-ter dès lors qu’elle se présente sur le marché espagnol, lerôle des petits commerces est essentiel dans tous les paysen voie de développement, etc.

Entre ces deux espaces, les marchés en voie de mondialisation se défi-nissent comme des univers où de fortes traditions historiques secombinent avec des économies d’échelle et des effets d’expériencequi favorisent les entreprises capables de mettre en œuvre des stra-tégies au plan mondial. Le marché automobile ne cesse de se mon-dialiser sous la poussée des constructeurs. Le rôle initial de l’industriejaponaise est aujourd’hui repris par tous les autres constructeurs.Cette progression vers la mondialisation s’observe aussi dans le maté-riel électroménager, le cinéma, le mobilier de prix moyen, les sup-ports de musique enregistrée, etc. Sur tous ces marchés, on assisteau renforcement des acteurs globaux aux dépens des acteurs locaux.Par contre, la mondialisation de certains secteurs se heurte à desobstacles plus difficiles à surmonter. Notamment ceux où les écartsde prix entre les différentes zones géographiques influencent for-tement le positionnement de la marque et sa qualité relative perçue.Aux États-Unis, ni Levi’s ni Arrow ne disposent d’une position« haut de gamme », contrairement à la situation européenne. Demême, le prix moyen d’Évian ou Perrier aux États-Unis donne àces marques une position assez différente de celle dont elles disposenten Europe.

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Les stratégies internationales

On l’aura compris, les variations de goûts ne sont que l’un desfacteurs, favorable ou défavorable, du processus de mondialisation.Si de nombreux marchés évoluent progressivement vers un degréplus élevé de « globalization » c’est que des forces puissantes sontexploitées par les stratèges et les marketers pour rationaliser leuraction. Toutefois, les organisations ne sont pas seulement influencéespar les exigences de leur environnement et la nature de leur secteur(mondial, domestique, multidomestiques), ni non plus par la volontédes dirigeants. Elles le sont aussi par leur héritage culturel et his-torique. Selon Bartlett et Ghoshal (1989), l’analyse comparée desentreprises européennes et des entreprises japonaises montre que,historiquement, les premières ont donné souvent naissance à desfédérations d’entités largement indépendantes (un modèle « fédératifdécentralisé » qui s’accompagne d’une stratégie multinationale),tandis que les secondes ont donné naissance à un système « rayonnantcentralisé » où le contrôle est étroit et les décisions centralisées(Kœnig, 1996). Il faut, donc, s’efforcer de caractériser les stratégiesinternationales typiques à la lumière de l’ensemble de ces éléments.

Une stratégie mondiale repose sur l’idée que la position concurrentielledans un pays est largement influencée par la position concurrentielledans d’autres pays. C’est le cas de secteurs tels que les télécom-munications, la pharmacie, les composants électroniques ou, de plusen plus, les services bancaires. La prise en compte de l’interdépen-dance entre les pays, et la volonté de rationaliser la stratégie dansune perspective mondiale s’accompagnent alors des décisionssuivantes :

• une offre standardisée et une communication standardisée fon-dées sur l’idée que les attentes des clients sont homogènes,

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ou homogénéisables, quel que soit le territoire géographiqueconsidéré. Coca-Cola, McDonald’s ou Microsoft exploitentsystématiquement cette idée,

• un engagement significatif dans tous les marchés nationauxmajeurs pour obtenir des volumes et des synergies. Un telengagement permet à l’entreprise de s’appuyer sur les ten-dances de consommation et/ou les changements technolo-giques qui traversent la diversité des situationsgéographiques,

• une concentration des activités créatrices de valeur dans quel-ques sites géographiques (la recherche et développement,la fabrication, les campagnes publicitaires), de manière àobtenir des économies d’échelle et/ou bénéficier des avan-tages d’une localisation particulière,

• la construction cohérente d’un avantage concurrentiel signifi-catif et durable pour assurer une position mondiale avanta-geuse, et la conduite de manœuvres stratégiques concertéesentre les principaux pays pour anticiper les interdépendances.

Une stratégie « multidomestique » consiste à investir sélectivementdans quelques pays. Chaque filiale conserve une large autonomieet le siège joue principalement un rôle de société holding. Unevariante est constituée par la focalisation sur le marché historiquede l’entreprise, et donc « domestique », qui s’accompagne le plussouvent de quelques opérations d’exportation de proximité oud’opportunité. Une très grande partie des entreprises françaises del’habillement dans le milieu de gamme relève d’un tel type.

Une stratégie multinationale se caractérise par l’action indépendantede plusieurs filiales situées sur des zones géographique de fortecroissance ou d’intensité concurrentielle faible sur leur propre mar-ché. Le quartier général d’une multinationale assure la coordination

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financière, l’unification de quelques éléments tels que la politiquede marque, et centralise assez fortement la recherche et dévelop-pement. Elle peut procéder par investissement direct pour implanterdes unités locales ou procéder à des transferts de technologie auprèsde partenaires qui en sont dépourvus.

Une stratégie transnationale vise à concilier les forces d’intégrationglobale avec la nécessité de différencier les offres par pays. SelonBartlett et Ghoshal (1989) l’organisation transnationale est un réseauasymétrique d’unités dans lequel le centre (le siège social) ne dominepas outre mesure les unités locales. Des flux importants de com-pétences circulent entre le siège et les filiales, mais aussi entre lesfiliales sans passer par le siège. Ce type de stratégie serait particu-lièrement adaptée aux secteurs « mixtes » (c’est-à-dire les plus nom-breux) dans lesquels les forces d’intégration globale et les forcesde différenciation locales sont élevées.

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La place du marketing dans l’organisation

L’illusion qu’il suffit de nommer ou de débaucher, un directeur dumarketing pour injecter l’orientation client dans l’organisationrepose sur l’idée que le marketing est une fonction séparée, vague-ment reliée à la recherche et développement, à la production ou àla vente. Lorsque cette conception prévaut, la responsabilité duservice marketing se cantonne souvent aux études de marché et àla publicité. Il intervient peu sur des éléments aussi essentiels quela conception des offres, le niveau de qualité, la fixation des prix,le choix des clients, etc. La dimension stratégique du marketingest ainsi occultée. On voit alors des entreprises disposant de grosservices marketing peiner pour s’adapter au changement, tandisqu’une petite entreprise dépourvue de tout département marketingpourra modifier son cap avec un remarquable à propos. Autrementdit, l’apparition d’un service spécialisé dans l’organigramme ne suffitpas pour énoncer que l’entreprise est orientée par le client.

Il convient donc de distinguer deux perspectives pour comprendrela nature et l’évolution des structures organisationnelles. Le mar-keting en tant que groupe fonctionnel au sein de l’organisation(un service, un département, bref une entité organisationnelle dis-tincte), et le marketing en tant qu’ensemble d’activités (la publicité,la gestion des produits, la vente, les études commerciales…). Dansune perspective fonctionnelle, il faut analyser le pouvoir de cetteentité (le département marketing) c’est-à-dire le poids relatif deson influence sur les enjeux stratégiques de l’unité considérée(l’entreprise, l’une de ses divisions, une filiale géographique, etc.).Nous verrons que le secteur d’activité (grande consommation versus

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Business to Business) et le poids de la technologie jouent un rôleimportant dans ce domaine. Nous verrons aussi que l’un des enjeuxmajeurs concerne la coexistence de la vente et du marketing. Enfin,nous pointerons le paradoxe de la diffusion de l’orientation marché :plus est grand le nombre d’acteurs qui dans l’entreprise sont impli-qués dans des relations avec les clients plus le pouvoir de l’entitémarketing décroît.

Les contours d’un département marketing

La structure formelle de l’entreprise la plus classique est fondéesur une répartition fonctionnelle : vente, marketing, gestion de laproduction ou des opérations, gestion financière, gestion des res-sources humaines, recherche et développement, etc.). Par directioncommerciale ou direction des ventes, on entend alors l’ensemble desunités qui regroupent les divers métiers spécifiques de la vente(directeur des ventes, chef de secteur, attaché commercial, merchan-diser, responsable de compte-clé…), tandis que la direction marketing,lorsqu’elle existe, regroupe les chefs de produit, parfois sous laresponsabilité d’un chef de groupe de produits, et les assistantschefs de produit (A.C.P.) et souvent le ou les chargé(s) d’étudescommerciales (encadré 1.14.). Cette structure, dite par chefs deproduit (Product managers, Brand managers), est la plus courantedans les entreprises de grande consommation si bien qu’elle estdevenue la norme voire, pour certains, le synonyme d’une orientationclient. On en vient à considérer que l’entreprise ne saurait faire dumarketing en l’absence d’un département spécifique constitué deplusieurs chefs de produit sous la responsabilité d’un directeur dumarketing. Mais, en pratique, ce type d’organisation concerne sur-tout les entreprises de biens de grande consommation. De plus, la

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définition du poste de chef de produit est très variable au seinmême de ce type d’organisation. Le chef de produit n’a pas d’autoritéhiérarchique vis-à-vis des autres services avec lesquels il travaille.Il occupe une position à la frontière de plusieurs systèmes : la recher-che et développement, la production, les achats, le contrôle de ges-tion, la comptabilité, les ventes. Il joue, de ce fait, un rôle decoordination et de traduction de logiques différentes et parfois con-tradictoires. C’est pourquoi son rôle varie largement d’une organi-sation à une autre.

Encadré 1.14. Une organisation typique de la fonction marketing

Les entreprises de services et les entreprises du milieu industrieladoptent bien souvent des structures moins normées. Le servicemarketing ne manipule alors qu’une partie des variables d’actionpropres au marketing. Plusieurs marketers « à temps partiel », situésdans d’autres fonctions et d’autres services (recherche, méthodes,fabrication, exploitation, etc.), sont en interaction avec les clients.

Secrétariat Études commerciales

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Chef de produit 1

A.C.P.

Chef de produit 2

Chef de Groupe 1 Chef de Groupe 2

Directeur Marketing

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Toutefois, un grand nombre d’ingénieurs, œuvrant quotidiennementpour fournir des solutions aux clients, ne reconnaissent pas toujoursque leur activité relève du marketing. De plus, dans ces entreprisesles promoteurs de la logique marketing peuvent porter des titresdivers : directeur du marketing, responsable du département mar-keting, directeur commercial, directeur des ventes…, et peuventappartenir à d’autres services que celui qui porte l’étiquette« marketing » ou « commercial ». Autrement dit, on observe unedispersion plus ou moins grande des activités marketing au seinde l’organisation. Enfin, dans les entreprises plus petites, il estrelativement fréquent de constater une large dispersion des activitésmarketing entre divers services.

Le rôle du chef de produit

L’organisation traditionnelle d’une multinationale œuvrant dans lesproduits de grande consommation est calquée sur la structure parchefs de produit initiée en 1931 par Procter et Gamble et largementdiffusée à partir des années 1950 (Low et Fullerton, 1994). Ce choixorganisationnel résultait de la multiplication des marques et desproduits et de la complexification de l’organisation des grandes entre-prises. Si bien que 84 % des fabricants de la grande consommationdisposaient de chefs de produit en 1967 (Buell, 1975). Le chef deproduit apparaît alors comme une sorte de « pivot », commeun « mini general manager » dont les responsabilités typiques consis-tent à :

• construire un plan de marketing et un budget marketing(cf. chap. 5) : volume de ventes, chiffre d’affaires,« contribution » marketing, dépenses d’études, de publi-cité, et de promotion,

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• coordonner la mise en œuvre du marketing opérationnel(extensions de gamme, modifications de produits et de prix,actions promotionnelles, stratégie publicitaire…). De cepoint de vue, le chef de produit est en contact avec denombreuses autres fonctions (R & D, production, finance,logistique…), sans avoir aucune autorité hiérarchique surses interlocuteurs. Il doit convaincre par sa compétence etla qualité de son expertise. Il est aussi chargé de la coor-dination des relations avec l’agence de publicité et des socié-tés d’études ou du service études si celui-ci existe,

• suivre finement la position concurrentielle de ses produitset l’évolution de la demande au moyens des panels, desétudes, des statistiques professionnelles, etc.

Un chef de produit est donc partie prenante de plusieurs systèmesd’action en relation les uns avec les autres. Il joue, de ce fait unrôle important d’intermédiaire et d’interprète entre des logiquesd’action différentes, voire contradictoires (clients, production,agence de publicité, sociétés d’études…). Il est soumis à de multiplespressions internes et externes et, pour faire face à l’incertitude, ildoit disposer d’un système d’information pertinent concernant lesclients, la demande et la concurrence. La structure typique d’undépartement marketing traditionnel découle de l’apparition du chefde produit. Celui-ci peut dépendre d’un chef de groupe coordinateurde plusieurs lignes de produits, qui lui-même dépend du directeurmarketing ou du directeur de la division. La trajectoire traditionnelledu marketer est ainsi tracée : d’abord assistant chef de produit, puischef de produit, chef de groupe et, enfin, directeur du marketing.

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L’évolution des métiers du marketing

En pratique, la fonction chef de produit est extrêmement diverseau sein des organisations et les contours de ses responsabilités opé-rationnelles fluctuent largement d’une entreprise à une autre. Dès1973, de très grandes entreprises comme Pepsi-Cola, Heinz ouHeublein mettent en cause la pertinence du brand manager au profitd’autres choix organisationnels : category manager, chef de marché,directeur de petites divisions, travail en équipe… Les chefs de pro-duit eux-mêmes manifestent une certaine lassitude vis-à-vis de cer-taines de leurs responsabilités (la promotion des ventes, la prévisiondes ventes, la gestion budgétaire) qui se développent aux dépensd’activités plus « passionnantes » telles que la stratégie publicitaireou le pilotage des nouveaux produits (Quelch, Farris et Olver, 1987).Du coup, un certain nombre de critiques sont adressées aux chefsde produit eux-mêmes : trop jeunes et inexpérimentés, trop carrié-ristes (la rotation moyenne aux USA serait de dix-huit mois), tropcentrés sur leur service et certaines activités comme la publicitéou la promotion… Bref, une vision trop fragmentaire et réductrice,alors que des enjeux importants les dépassent largement : la marqueest un actif trop précieux pour que celle-ci soit confiée à un chefde produit, le développement d’une offre européenne voire mondialedoit résulter d’un travail pluridisciplinaire, les relations avec lesgrandes enseignes de distribution relèvent du « trade marketer »…D’où l’émergence de nouvelles solutions organisationnelles.

Ces nouvelles solutions sont suscitées par la prise en compte d’unensemble de tendances lourdes : la mondialisation des activités, lamontée en puissance des entreprises de commerce, la diffusion destechnologies de l’information qui permettent au Top Manager dedisposer rapidement d’une information ad hoc au plan mondial,l’horizontalisation de l’entreprise autour des notions de chaîne de

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valeur et de gestion par les processus. Le « nouveau » chef de produitapparaît plus alors comme un manager expérimenté (senior), ungénéraliste qui domine les frontières traditionnelles entre les fonc-tions verticales de l’entreprise : le maître mot de ce nouveau profilest intégration et s’oppose à l’approche fonctionnelle traditionnelle.En d’autres termes, chaque marketer sera moins un membre du« département » marketing qu’une compétence au sein de l’entre-prise. Divers types de compétences sont alors repérables (George,Freeling et Court, 1994) :

• une compétence centrée sur un segment du marché final (leresponsable marketing du marché hispanique chez Kraft,le directeur d’un hypermarché chez Carrefour, le responsabledu segment « professions libérales » dans une banque…).Une telle compétence repose sur une connaissance fine d’ungroupe de clients homogène et vise à déployer les ressourcesde l’entreprise sous la formes de produits et de servicesadaptés à ce segment,

• une compétence centrée sur un certain type de client direct(le responsable grand compte, le directeur d’enseigne, leKey Account Manager, le trade marketer, le responsable d’unaccès sélectif au marché : duty free shop, parfumeries, phar-macies…). Cette compétence repose sur l’aptitude à analyserfinement les interactions fournisseur-client, à partir desmodèles développés pour le Business to Business (cf. chap. 7),et à conduire des stratégies d’adaptation, voire d’alliance,vis-à-vis des centrales d’achat et des grandes enseignes,

• une compétence centrée sur un certain type de produits (leresponsable d’un bouquet de nouvelles formes d’assurances,le Category Manager, le responsable du projet Twingo…).Cette compétence est typiquement transversale et relèveplus de la conduite de projet que du rattachement à un

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service particulier. Elle repose sur une forte expérience desdifférentes fonctions de l’entreprise et permet de conduiredes actions mobilisant des ressources et des compétencestrès diverses (chercheurs, vendeurs, financiers, hommes deproduction…). Comme pour la conduite d’un projet, lacompétence principale ne se situe pas dans une expertisespécialisée mais dans l’aptitude à mobiliser des compétencescollectives,

• une compétence centrée sur une technique marketing (le mar-keting direct, le pilotage des prix, la publicité, le merchan-dising, l’analyse des données, la gestion de bases de données,le E-Commerce…).

Aujourd’hui, au sein même des entreprises de grande consommation,on constate donc une remise en cause grandissante de la structuretraditionnelle par chefs de produit. De plus, la mondialisation conduitles grandes entreprises certes à adapter leur structure en raison desexigences de l’action locale (afin d’adapter les offres), mais surtout àtenir compte des impératifs d’une stratégie mondiale (afin de préserverune marque unique et une offre standardisée et de négocier avec desenseignes elle-mêmes mondiales). On observe alors une réduction durôles des directions locales, c’est-à-dire au niveau d’un pays.

Au total, on dispose de moins en moins d’une définition simpleet normée de la structure marketing. Les solutions organisationnellesapparaissent toujours comme le fruit provisoire d’exigences parnature contradictoires : mission ou métier, centralisation ou décen-tralisation, locale ou mondiale, formelle ou informelle… Avant demettre en évidence la diversité des structures organisationnelles etles facteurs qui expliquent cette diversité, il convient de soulignerla prégnance de deux évolutions fondamentales : le rôle de l’approchepar les processus et l’impact de la chronocompétition.

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Le marketing au sein des processus : la chaîne de valeur

L’analyse de l’entreprise en termes de processus propose une grillede lecture originale pour décrire ses activités, c’est-à-dire les modesde transformation de ses ressources en résultats. Le succès, au moinsmédiatique, des opérations de Business Process Reengineering a renforcéla volonté de briser les chapelles fonctionnelles (functional silos) pourleur substituer une réflexion en termes de processus-clés. On entendpar processus (sous-entendu transversal), un ensemble d’activités,reliées entre elles par des flux d’information, qui se combinent pourfournir un résultat défini. Le « processus de fabrication » a pour résul-tat un produit fini, le « processus de commande/livraison/facturation »a pour résultat l’émission d’une facture, le « processus d’achat » apour résultat une commande, le « processus de conception » a pourrésultat un concept de produit que l’on peut fabriquer et vendre.Une telle définition des activités de l’entreprise est différente duregard traditionnel hérité de la doctrine de Fayol (qui remonte à1917), où le personnel est réparti verticalement en groupes distinctsselon sa fonction (technique, commerciale, financière, comptable…),et son niveau hiérarchique. L’analyse par les processus fait, au contraire,apparaître transversalement les liens entre la valeur délivrée par l’entre-prise et l’action de chaque individu ou équipe. Elle essaie ainsi dedépasser les obstacles introduits par la division taylorienne du travailen prenant systématiquement comme référence le jugement final duclient sur la valeur du résultat de ces processus.

Cette approche est au fondement de plusieurs outils, notammentles notions de chaîne de valeur (Porter, 1980), de qualité totale,et de reconfiguration des processus (Business Process Reengineering).Elle met l’accent sur la recherche d’une efficacité opérationnelle

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supérieure à la concurrence : soit en délivrant une valeur supérieureau client qui sera alors prêt à payer un prix supérieur, soit encréant une valeur comparable à un coût inférieur. L’efficience del’entreprise, mesurée par les différences de prix ou de coût vis-à-vis de la concurrence, résulte des centaines d’activités que néces-sitent la conception, la production, et la vente de biens et deservices. C’est donc l’ensemble de ce système, et non pas telleou telle activité, qui détermine la compétitivité de l’entreprise.Par conséquent, il convient de raisonner sur l’articulation desactivités au sein de processus interdépendants. Par exemple, ausein du processus logistico-industriel de fabrication, le contrôlequalité sur les achats permet de réduire les incidents de productionou le taux de rebuts. Ou encore, la gestion fine du planning demise en fabrication, grâce à un bon système d’information, permetde réduire les stocks sans provoquer de rupture dans les livraisons.

Le marketer peut jouer un rôle important au sein de deux processus-clés : le processus qui conduit d’une commande à la facturation et leprocessus de conception et de développement des nouveaux produits. Cesdeux processus recouvrent en partie ce que l’opposition marketingopérationnel et marketing stratégique entend distinguer.

• Le processus commande/livraison/facturation est constitué pardes activités réparties traditionnellement dans des fonctionsséparées verticalement (direction des ventes, planificationdes commandes, administration des ventes, services logis-tiques, responsables de la production, facturation etcomptabilité). Dans le secteur automobile un tel processuspeut être décrit comme l’enchaînement suivant : actionpublicitaire et promotionnelle, prise de commande, négo-ciation d’un prix et de conditions de règlement, réceptiond’une commande, programmation de la livraison, fabrication

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ou sortie de stocks, préparation de la livraison, transport,facturation, encaissement, services associés à la livraison etmise à disposition du véhicule. L’horizon de planificationest très proche, et on se situe dans le champ des décisionscourantes. Trois conséquences importantes sont attenduesde l’amélioration de ce processus : la satisfaction des clients(commandes livrées plus rapidement et plus précisément,respect des engagements), la diminution des conflits entrefonctions, et l’amélioration de la productivité.

• Le processus de conception et de développement des nouveaux pro-duits est constitué traditionnellement par un enchaînementlinéaire d’étapes articulant les activités d’acteurs séparés :le marketer, les ingénieurs de recherche et développement,le responsable des achats, celui de la production, la directionfinancière… Toutefois, les processus linéaires sont souventremis en cause dans les situations d’innovation complexes.Il s’ensuit de profondes perturbations dans les organisationsde grande taille où les services sont cloisonnés, l’action fine-ment planifiée, et la structure très hiérarchisée (cf. chap.5). Quoi qu’il en soit, l’horizon de planification est pluslointain que dans le processus précédent. On se situe dansle champ des décisions stratégiques. L’un des enjeux lesplus importants de ce processus concerne le choix effectuépar l’entreprise sur le continuum standardisation/sur mesure.Entre la standardisation pure (dont la Ford T est le prototypehistorique et McDonald’s la version contemporaine), et lesur mesure intégral (le bijoutier de la place Vendôme oul’architecte qui crée pour un client unique), il existe demultiples voies où se combinent la modularité et la stan-dardisation à tous les niveaux du développement d’un nou-veau produit : conception, fabrication, assemblage et vente.

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La chronocompétition

Au cours des années 1970, l’industrie automobile japonaise a faitde la flexibilité et de la vitesse d’exécution (time to market) l’unede ses compétences distinctives. Ce que l’on appelle le « toyotisme »,c’est-à-dire la généralisation de la démarche organisationnelle miseen place par Toyota (le « juste à temps », le contrôle permanentet autonome des défauts, la flexibilité du travail, et la « créativité- invention » de tous les opérateurs concernés) se traduit notammentpar une gestion différente du temps. Toyota aurait, ainsi, réduitd’une part, la durée du développement d’un nouveau véhicule de5 ans à 3 ans, notamment en créant des équipes projets auto-orga-nisées et en impliquant très tôt ses fournisseurs dans le processus.D’autre part, elle aurait réduit le cycle de production de 5 joursà 2 jours et le processus de commande de 5 jours à 1 jour. Ce sontlà les effets de la chronocompétition, c’est-à-dire l’utilisation du tempscomme arme concurrentielle.

De même, le temps est une variable concurrentielle de premièreimportance pour les entreprises qui opèrent dans le textile-habille-ment puisqu’une offre trop précoce est génératrice de stocks, tandisqu’une offre trop tardive sera soit soldée, soit invendable. Plusgénéralement, la concurrence fondée sur la gestion rapide des pro-cessus est exacerbée dans tous les secteurs où se manifeste uneaccélération de l’obsolescence des produits (automobiles, électroni-que, vêtements, etc.). Les avantages d’une mise en marché rapidesont en effet nombreux car l’entreprise peut alors :

• vendre plus cher,• accroître sa part de marché,• collecter plus vite de l’information (prévisions des ventes,

qualité attendue…),

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• enclencher plus vite des économies d’échelle ou une courbed’apprentissage (cf. chap. 10),

• introduire plus vite des innovations incrémentales,• susciter une animation dans les points de vente,• en revanche, une mise en marché rapide peut entraîner des

problèmes de qualité et augmenter les coûts de dévelop-pement d’un nouveau produit.

La chronocompétition est donc un enjeu grandissant qui conduitles entreprises à imiter tout ou partie des « pratiques japonaises ».Par ailleurs, la valorisation de leur propre temps par certains clients(homme d’affaires pressé, mère de famille impliquée dans un travailsalarié…) suscite de nouvelles opportunités pour les aider à gagnerdu temps. Ainsi, l’élasticité du prix par rapport au temps peutconstituer un critère de segmentation complémentaire. Ce critèresemble particulièrement utile dans le champ des services.

La diversité des structures organisationnelles

La structure d’une organisation est constituée par le champ desrelations entre les différentes composantes de son gouvernement :répartition des responsabilités, configuration des pouvoirs, rapportsd’autorité. On peut la décrire selon sa complexité (nombre deniveaux hiérarchiques, dispersion géographique…), sa formalisation(standardisation des définitions de postes, explicitation des procé-dures et de la distribution du pouvoir…), et son degré de centra-lisation. La place du marketing dans l’organisation reflète soninfluence.

Toutefois, les grandes organisations manifestent une forte diversitéde leur structure dans l’espace et dans le temps. D’abord, une certainediversité selon les activités, les fonctions, et les pays. En 1987, au

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sein d’Unilever, les activités chimiques de l’entreprises relevaientd’une forte coordination internationale, tandis que pour les produitsde consommation alimentaires le degré de coordination demeuraittrès modeste, les lessives occupant une position intermédiaire. Ausein des activités de lessives, la fonction R&D était amplementcoordonnée au plan mondial, tandis que la fonction vente étaitlargement adaptée aux exigences locales, la fonction marketing occu-pant une position intermédiaire. Au sein de la fonction marketing,les marchés allemand et français faisaient l’objet d’une forte co-ordination, tandis que pour le Brésil et l’Inde la coordination étaittrès faible, la Suisse, la Hollande, et la Suède occupant une positionintermédiaire (Bartlett et Ghoshal, 1989). On voit donc qu’à unmoment donné, une même entreprise manifeste une ample diversitéorganisationnelle.

De plus, l’observation dans le temps montre, le plus souvent, qu’undispositif organisationnel résulte de mouvements multiples relevantmoins d’un plan général et délibéré que d’un incrémentalisme logi-que, c’est-à-dire un processus caractérisé par une série d’étapes visantà prendre en charge des conditions spécifiques. Entre 1960 et 1987,IBM a réorganisé quatre fois ses équipes commerciales : d’abordselon une logique produit, puis selon une logique client/produit,puis selon la taille des clients, enfin selon une logique géographique(Cespedes, 1990). Avant de clarifier les raisons de cette diversité,présentons d’abord les grandes formes organisationnelles.

Les grandes formes organisationnelles

L’adaptation de la structure organisationnelle de l’entreprise auxchangements de son environnement est un levier puissant pour la

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mise en œuvre de la stratégie. L’analyse historique de Chandler(1962) fournit une première catégorisation.

• La structure fonctionnelle ou unifiée (U) apparaît au seindes premières grandes entreprises. Celles-ci sont le plussouvent monoproduit (acier, tabac, pétrole…) et les servicesfonctionnels (production, vente, finance…) constituent lesunités opérationnelles sous la direction d’un « patron ».L’information et la répartition des tâches sont fortementcentralisées (top down). Lorsque la croissance s’accompagned’une multiplication des produits et des marchés (notam-ment géographiques), le sommet stratégique (Top Mana-gement) peut difficilement traiter toute l’information et êtreattentif, en même temps, aux enjeux stratégiques et auxenjeux opérationnels. Accroître la participation des respon-sables fonctionnels aux décisions stratégiques n’est guèresatisfaisant car ceux-ci risquent de privilégier leur proprefonction aux dépens de l’ensemble de l’organisation.

• La forme multidivisionnelle (M) apparaît au début des années1920. Elle consiste à établir des niveaux intermédiaires dehiérarchie et de contrôle : les divisions. Celles-ci constituentdes unités se comportant comme une quasi-entreprise ausein du groupe (un centre de profit ayant la responsabilitéde ses objectifs et résultats). Chez Du Pont de Nemoursil s’agissait de résoudre la question de la surcharge desdirigeants (Top Management), au sein d’une structure unifiée.Chez General Motors il s’agissait plutôt des coordonnerdes entités au départ indépendantes (Buick, Cadillac, Olds-mobile, Pontiac, Chevrolet) progressivement agrégées ausein de l’entreprise. La forme multidivionnelle est doncaussi une manière de faire évoluer la forme holding versune intégration renforcée des entités opérationnelles.

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• La forme holding (H) consiste à laisser une grande indé-pendance aux filiales et à ne contrôler que leurs résultats.

Depuis les premiers travaux de Chandler, l’ajustement de la structurerepose sur un adage dominant « la structure suit la stratégie », autre-ment dit une modification dans la stratégie doit entraîner une révi-sion de la structure. Cependant, de nombreux travaux contemporainsindiquent aussi que la structure conditionne la stratégie. De plus,les multiples observations empiriques échouent à isoler les structuresformelles efficaces au plan international qui garantiraient à la foisl’efficience d’ensemble de l’entreprise et la sensibilité aux enjeuxlocaux. En pratique, pour évaluer un dispositif organisationnel con-cret il est nécessaire de compléter la vue d’ensemble que procurentles grandes formes (U, M, ou H) par des observations plus finessur les relations entre les diverses unités et le « quartier général ».

On constate alors que l’opposition entre les formes centralisées (quiaccompagnent une stratégie globale) et les formes fédérales (quiaccompagnent une stratégie multinationale) semble s’atténuer(Kœnig, 1996). La tendance actuelle ferait plutôt apparaître uneconvergence progressive des modes d’organisation de la présence inter-nationale des grands groupes. La dialectique des exigencescontemporaines vis-à-vis du « global » et du « local » conduit lesentreprises fédératives à renforcer leur intégration, tandis que les fir-mes centralisées s’ouvrent aux demandes locales. L’organisation« transnationale » (Bartlett et Ghoshal, 1989) serait la forme viséepar la plupart des entreprises. Dans ce type de structure organisa-tionnelle, et de stratégie, toutes les filiales ne sont pas traitées de lamême manière et l’autonomie d’une unité locale est proportionnelleà son importance stratégique. Certaines fonctions sont concentrées,d’autres sont coordonnées, d’autres encore ont une forte autonomielocale. De multiples équipes-projets horizontales et transnationales

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complètent la structure hiérarchique, voire s’y substituent. Une typo-logie des localisations de la vente et du marketing va permettre declarifier les facteurs qui expliquent cette diversité (Workman et al.,1998 ; Homburg et al., 2000).

L’organisation fonctionnelle au sein d’une unité autonome

Dans cette forme organisationnelle, chacune des fonctions majeuresde l’entreprise (ventes, marketing, opérations ou production,Recherche et Développement, R&D) rapporte à la direction généralede l’entreprise, de l’unité, de la filiale… (encadré 1.15.). Le servicemarketing peut être plus ou moins étoffé, voire quasi inexistant.C’est une forme fréquente dans les petites entreprises peut inter-nationalisées. Dans un grand groupe à la structure mutidivisionnelle,ce type de service partage peu de relations avec d’autres unités.Parfois, notamment aux États-Unis, la direction des ventes et ladirection marketing rapporte à un échelon intermédiaire tel quele Vice President of Sales and Marketing.

Encadré 1.15. La vente et le marketing au sein d’un unité autonome

Marketing VentesOpérations Production R & D

Direction générale

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L’organisation fonctionnelle articulée avec un service central

Dans ce type d’organisation l’entreprise (dans nos schémas : LeGroupe) est divisée en unités en général spécialisées par type deproduit. La différence majeure entre cette forme et la précédenteest la présence d’un service central du marketing au niveau duGroupe auquel appartient l’unité (encadré 1.16.). D’un côté, chaqueunité, ou presque, dispose de ses propre ressources pour contrôlerla conception de ses produits, la production, le marketing, et lavente. Mais, de l’autre, un service situé au niveau de la directiondu groupe coordonne le marketing stratégique des diverses unitéset centralise certaines activités transversales spécialisées notammentdans les études commerciales et dans l’achat d’espace publicitairesauprès des médias, mais aussi le dépôt des marques ou la veillejuridique.

Encadré 1.16. Une organisation fonctionnelle et un service central

Unité 1 Unité 2 Unité 3Marketing Groupe

Direction Groupe

Marketing Ventes Production R & D

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Dans le cas des unités plus petites, qui peuvent difficilement disposerdes moyens leur permettant de construire leurs propres équipes demarketing et de R&D (notamment les petites filiales géographi-ques), apparaît alors la fonction de chef de marché. Un chef de marchésert de relais entre les chefs de produits centraux (en charge dumarketing stratégique, quels que soient les marchés géographiques)et les enjeux spécifiques du marché local.

Plusieurs organisations fonctionnelles partagent une même force de vente

Certaines organisation ont regroupé toutes leurs forces de vente enune seule équipe localisée dans une unité séparée qui assure lavente de tout ou partie des produits du groupe (encadré 1.17.). Lapremière raison d’un tel regroupement tient à l’amélioration de laproductivité des équipes lorsque les produits sont reliés entre eux.C’est donc le fait des grandes organisations qui cherchent à susciterdes synergies entre leurs diverses activités.

Deux autres facteurs renforcent ce choix : le désir de mettre l’accentsur des relations à long terme avec les clients directs et la nécessitéde coordonner l’action commerciale vis-à-vis des plus gros clients.Dans cette situation chaque unité perd un peu plus de son auto-nomie. De nombreux chefs de produits de la grande consommationsont placés dans ce type de situation : ils ont la responsabilité desprofits et pertes de leurs produits sans cependant avoir le contrôlede la force de vente. Il en va souvent de même dans les entreprisesdu milieu industriel. Dans tous ces cas on assiste à une concurrenceinterne pour retenir l’attention des vendeurs. L’une des solutionsà cette situation consiste à créer un poste de coordination entre leschefs de produit et les équipes de vente pour équilibrer les activitésde cette dernière, voire déterminer des quotas de ventes.

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Encadré 1.17. Trois unités qui partagent une force vente unique

Une unité spécialisée dans le marketing et la vente

Certaines entreprises ont regroupé dans une ou plusieurs unité(s)spécialisée(s) les activités de marketing, de vente et de services auxclients (encadré 1.18.). Un tel regroupement concerne souvent, etd’abord, une cible géographique particulière de clients. Un telregroupement peut aussi reposer sur des critères qui reposent nonpas sur la localisation géographique des clients mais sur leur naturemême. Par exemple un découpage de la clientèle par type d’activité :tous les artisans ou toutes les professions libérales. Une telle unitéest donc spécialisée dans l’accès à un segment du marché et aumarketing spécifique qu’il implique. Relativement aux services cen-traux du Groupe, elle dispose de faibles ressources propres en R&Dou en production pour adapter les offres. Elle peut, par contredisposer de ressources consacrées aux supports techniques : forma-tion, maintenance, service après-vente, etc.

Unité 1 Unité 2 Unité 3Force de vente

Groupe

Direction Groupe

Marketing Production R & D

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Encadré 1.18. Une unité spécialisée dans l’accès à un segment de marché

Des unités « produits » fournisseurs d’unités « marchés »

Dans un même Groupe peuvent coexister des unités dédiées à laR&D, la production et au marketing stratégique d’une famille deproduit tandis que d’autres sont spécialisées sur un segment dumarché (encadré 1.19.).

Les premières sont les fournisseurs des secondes et ces dernières appa-raissent comme des prestataires de services vis-à-vis des premières.Dans cette forme organisationnelle des activités marketing se retrou-vent dans chaque type d’unité : les unes dites « stratégiques » dansles unités « produit », et les autres dites « supports » dans les unités« marché ».

R & D Groupe

Production Groupe

Direction Groupe

Marketing VentesSupports

techniques

Marketing et Ventes Groupe

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Encadré 1.19. Des unités produits et des unités marchés

Bien entendu, de nombreuses formes hybrides apparaissent. Notam-ment, certaines entreprises multinationales organisent leurs activitésmarketing sous la forme de filiales de distribution pour la plupartde leurs marchés géographiques étrangers mais utilisent une struc-ture fonctionnelle plus autonome pour leur marché domestique.De plus, plusieurs formes organisationnelles peuvent coexister : desunités « marché » spécialisées pour les grandes catégories de clientset une unité plus « généraliste » pour le reste des clients.

Quels sont les facteurs qui motivent telle ou telle forme et, notam-ment, qu’est-ce qui explique la dispersion ou la non-dispersion des

Unité 1 Produit

Unité C Marché

Unité 2 Produit

Unité 3 Produit

Unité A Marché

Unité B Marché

Groupe

Marketing Stratégique

Production

R & D

Ventes

Services

Marketing Support

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activités marketing entre divers services ou départements au seinde l’entreprise ? Trois familles de facteurs sont à considérer :

• des facteurs liés à l’entreprise dans son ensemble : d’abordsa taille, puisque les grandes entreprises sont à la recherchede synergie entre leurs diverses unités, ensuite la proximitéde ses produits et des activités marketing et de vente d’uneunité à une autre. Plus faible sera cette proximité et plusfréquente sera l’apparition de formes autonomes.

• des facteurs d’environnement : l’incertitude liée au marché(c’est-à-dire le caractère plus ou moins imprévisible de sonévolution : préférences des clients, actions des concurrents,évolutions de la distribution…) et l’incertitude liée à latechnologie (c’est-à-dire la rapidité et le caractère peu pré-visible du changement technologique). Ces deux facteursaugmentent la dispersion des activités marketing. Toute-fois, alors que l’incertitude liée au marché accroît le pouvoird’influence du marketing dans l’organisation, l’incertitudeliée à la technologie (comme c’est souvent le cas des entre-prises de la haute technologie) diminue ce pouvoir au profitde la R&D. Par ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà soulignéplusieurs fois, la dispersion des activités marketing est beau-coup plus grande dans le secteur des produits industrielsque dans celui des produits de grande consommation. Parailleurs, il est probable que d’un pays à l’autre ou d’uncontinent à l’autre des variables socioculturelles favorisenttelle ou telle forme organisationnelle.

• des facteurs liés à chacune des unités : certaines unités sontfocalisées sur des stratégies de domination par les coûts(cf. chap. 10) alors que d’autres mettent l’accent sur ladifférenciation de leur offre. Ce sont ces dernières qui, d’unepart, dispersent plus leurs activités marketing et, d’autre

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part, accordent plus de pouvoir d’influence au marketing.Par ailleurs, la concentration du portefeuille de clients,c’est-à-dire lorsque l’unité a peu de gros clients, favorisela dispersion des activités marketing puisque de nombreuxmarketers « à temps partiel » interviennent dans les relationsavec les clients. Il s’ensuit que dans cette situation le pouvoird’influence du marketing est plus faible.

On le voit de multiples facteurs peuvent expliquer le choix d’uneforme organisationnelle. Ces facteurs tiennent non seulement àl’environnement de l’entreprise mais aussi à des aspects historiquesqui se sont institutionnalisés dans l’entreprise. Il s’ensuit que lepouvoir d’influence du marketing dans l’entreprise est non seule-ment propre à chaque organisation mais qu’il varie plus ou moinsgraduellement au fil du temps. Doit-on abandonner toute tentativepour dégager une tendance générale ? Pas tout à fait.

On observe en effet une tendance générale des entreprises à organiserleurs unités d’action selon une logique qui les focalise sur un groupede clients homogène du point de vue de leur secteur, des usageset applications d’un produit ou toute autre similarité en dehors deleur localisation géographique. Par conséquent, elles abandonnentprogressivement des regroupements par famille de produits ou parzones géographiques (encadré 1.20.), d’autant plus que les systèmesd’information modernes favorisent cette dispersion géographique.

Les conséquences d’un tel mouvement sont nombreuses. Les marketersdoivent notamment apprendre à agir dans des organisations pluscomplexes, au sein d’équipes pluri-fonctionnelles. Il s’ensuit aussique les systèmes comptables et les systèmes de rémunération setransforment pour mettre en évidence une rentabilité par client ougroupes de clients.

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Encadré 1.20. Le glissement des formes organisationnelles

Le plan de marketing

Quelle que soit la forme organisationnelle retenue par l’entreprise,elle s’efforce de formaliser ses actions dans un plan afin de lesprogrammer et de les contrôler. Toutefois, certains dirigeants pra-tiquent le tâtonnement systématique et prennent leurs décisionsau jour le jour, ou pour quelques mois, sans aucune évaluation.D’autres engagent leurs équipes dans l’élaboration de plans soi-gneusement chiffrés et à long terme et font contrôler régulièrementla réalisation de ce plan. Entre ces deux extrêmes on pourra ren-contrer (Atamer et Calori, 2003) :

Focalisation sur des familles

de produit

Focalisation sur des zones géographiques

Focalisation sur des groupes de clients

Évolution des formes

organisationnelles

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• une équipe dirigeante qui se contente d’une vision approxi-mative du futur pour guider l’action quotidienne de l’entre-prise,

• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédentsquelques méthodes simples d’évaluation et de prévision àcourt terme (budget annuel, contrôle budgétaire, pland’activité annuel…),

• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédentsune prévision à moyen terme, un plan pluriannuel (3 à5 ans), glissant ou non, et des plans plus détaillés à courtterme, dont le plan de marketing,

• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédentsla simulation de scénarios et de plans contingents en fonc-tion de plusieurs versions de futurs possibles.

Il s’ensuit que la rédaction d’un plan de marketing, et notammentdes plans de lancement de nouveaux produits, peut faire l’objetd’une formalisation plus ou moins grande en raison de la taille del’entreprise, de la diversité de ses activités, de son horizon straté-gique, et du degré de turbulence de l’environnement. De plus, leplan de marketing peut être désigné par plusieurs vocables : businessplan, plan d’action commerciale, plan de vente…, et comporterdivers documents : budget annuel, compte de résultats prévisonnels,revue de marque, product fact book, etc. Le plan type d’un tel docu-ment devrait comporter les rubriques suivantes :

• une synthèse managériale (executive summary) qui résumeles grandes lignes du plan,

• une analyse de la situation actuelle : historique des ventes,du chiffre d’affaires, de la position concurrentielle…,

• une présentation des opportunités et des enjeux : forces etfaiblesses, menaces et opportunités (cf. chap. 10),

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• les objectifs de vente et de profits,• les grands axes de la stratégie marketing,• les divers programmes d’actions et plans d’actions priori-

taires,• le compte de résultats prévisionnels,• les instruments et indicateurs de contrôle.

En fait, chaque entreprise adopte des présentations particulières etdes niveaux de précisions très variables. Quoi qu’il en soit, la for-malisation d’un plan devrait être un processus itératif (où l’on revientsur les prémisses et les objectifs en fonction des résultats attendus),et un processus interactif (associant à la conception du plan lesresponsables de son application). La planification est de peu d’utilitési elle demeure un simple acte formel. Cela dit, le style de mana-gement de l’entreprise peut favoriser divers types de processus :

• le style autocratique implique peu les niveaux hiérarchiquesinférieurs lors de l’identification des problèmes, et pas dutout lors de l’élaboration des décisions et du contrôle desréalisations,

• le style consultatif implique les niveaux hiérarchiques infé-rieurs lors de l’identification des problèmes, et les impliquepeu lors de l’élaboration des décisions et du contrôle desréalisations,

• le style participatif implique les niveaux hiérarchiques infé-rieurs lors de l’ensemble des étapes.

Plusieurs recherches convergent pour conclure aux limites d’un pro-cessus autocratique. C’est une formule rapide, mais qui négligebeaucoup de facteurs dans la résolution d’un problème. À l’autreextrême, un processus totalement démocratique allonge le tempsde réponse et exige un sens peu commun du collectif. Les processusconsultatifs et participatifs permettent la réduction des « biais

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cognitifs du chef » lors du diagnostic, mobilisent la créativité dechacun, et contribuent à la motivation des personnes (Atamer etCalori, 2003). Par exemple, si le directeur du marketing et le direc-teur des ventes sont d’accord sur l’importance d’un nouveau produit,l’animation des vendeurs et la construction du plan de marketingtraduiront en termes concrets ce consensus. Il en va de même pourla relation avec les autres fonctions de l’entreprise : achats, produc-tion, finance… C’est dire que la qualité du travail collectif estessentielle tout au long du processus. En d’autres termes, le planlui-même compte moins que le processus de concertation qui luidonne forme. Il demeure que la formalisation écrite d’un plan estune contrainte salutaire. Elle permet de conserver la trace des déci-sions prises et de leurs fondements. La formalisation est d’autantplus importante que le retour sur investissement est à plus longterme.

Dans une unité complexe, le plan de marketing d’ensemble del’unité sera la synthèse des plans de marketing rédigés pour lesproduits ou les marques. En outre, si l’entreprise est en relationavec des « grands comptes » (centrale d’achat d’une entreprise decommerce ou d’un réseau de détaillants indépendants), le plan demarketing de l’unité comportera un plan établi par les gestionnairesde comptes-clés. Un plan de marketing international, intégrera ladimension géographique et la gestion d’une position concurrentielleinternationale comportant une répartition des efforts entre des zoneset des pays.

Évidemment, un plan ne peut pas tout prévoir, et l’entreprise doitdonc laisser ouverte la possibilité de réagir rapidement à des oppor-tunités ou des menaces nouvelles. Pour ne pas transformer la miseen œuvre du plan de marketing en un instrument bureaucratique,mais en faire le lieu de rassemblement des intelligences et des

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énergies, il convient de laisser des marges de manœuvre aux opé-rationnels. Il convient aussi de disposer d’un système d’information(cf. chap. 3) capable de mettre en évidence des signaux faibles dontla signification, parfois ambiguë, exige une analyse collective. Cessignaux sont rarement quantitatifs et tiennent parfois plus de larumeur que des faits. D’autre discontinuités peuvent aussi se mani-fester par des effets importants et rapides : lancement d’un produitpar la concurrence, déréférencement chez un distributeur, actiond’une association de consommateurs… Dans les deux cas, c’est laqualité du système d’information qui permettra à l’entreprise dereconsidérer d’une manière adaptée les actions en cours.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un plan ne doit pas être troprigide, laissant aux responsables locaux la possibilité de prendredes décisions permettant de faire face aux problèmes spécifiquesde leur situation. Ces résolutions de problème « sur le tas » cons-tituent souvent une « déviation » par rapport au plan initial. Pour-tant, lorsqu’elles sont repérées, expliquées, et exploitées, ellesconstituent autant de sources d’innovation qui contribuent àl’apprentissage organisationnel. On ne saurait tout prévoir, mais ilest possible d’apprendre plus vite que les autres. Nous aborderonsce point dans une prochaine section.

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Débats et controverses

Périodiquement le marketing fait l’objet de réévaluations plus oumoins aimables. La presse d’affaires internationale accueille des arti-cles proposant tantôt qu’on enterre le marketing, tantôt qu’on leredécouvre. Ici on l’accuse de porter atteinte à la liberté du client,là d’être incapable de susciter de véritables innovations. Autrementdit, le marketing cristallise de nombreuses controverses. On peutles classer en trois grandes familles. Celles qui concernent la relationentre l’orientation client et la performance de l’entreprise. Cellesqui concernent le pouvoir de marché de l’entreprise. Enfin, cellesqui concernent l’élargissement du domaine d’application dumarketing : assiste-ton à son triomphe ou est-il en crise ?

L’impact du marketing sur la performance de l’entreprise

On cherche depuis longtemps, mais avec un succès mitigé, s’ilexiste une relation de cause à effet, entre l’emploi de techniquesde marketing (études de marché, publicité, techniques de ventes…),et la rentabilité de l’entreprise. En fait, ces ingrédients ne sont quedes symptômes qui jouent un rôle partiel dans la performance del’entreprise. D’abord, parce que des facteurs externes tels que ladynamique du marché (stable ou en croissance, prévisible ou non)et l’intensité concurrentielle jouent un rôle déterminant. Ensuiteparce que le savoir-faire des marketers n’est que l’une des compétencesde l’entreprise en combinaison avec l’ensemble des ressources etcompétences de l’entreprise. Dès lors, celle-ci peut adopter diversesattitudes marketing en raison des diverses représentations qu’elle peut

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se donner de ses relations avec son marché. Ces attitudes étantimbriquées au sein de son attitude stratégique. L’histoire de l’entreprisesédimentée dans sa culture contribuent à forger de telles représen-tations collectives.

Les attitudes stratégiques

La logique marketing est solidaire d’une conception de l’entreprisequi privilégie ses relations avec l’extérieur pour piloter l’organisa-tion. Pour le marketer, l’art de la stratégie consiste à être présentdans les secteurs et les segments de marché les plus attractifs etchaque secteur ou segment est un champ concurrentiel où l’entre-prise devra faire valoir son aptitude à exploiter ses ressources etses compétences. Mais, toutes les entreprises n’adoptent pas la mêmeattitude vis-à-vis d’un champ concurrentiel. Une typologie des atti-tudes stratégiques permet de repérer quatre grands modes (Mileset Snow, 1978) : le mode défensif (defenders), le mode entrepreneurial(prospectors), le mode analytique (analysers), le mode réactif (reactors).La dimension principale de cette typologie est constituée par lerythme des changements de produits et de segments de marchéeffectués par l’entreprise.

• Les « défenseurs » maintiennent leurs activités dans un péri-mètre étroit. Ils surveillent finement leur « niche » et necherchent pas de nouvelles opportunités à l’extérieur de cepérimètre.

• Les « entrepreneurs » sont sans cesse à la recherche de nou-velles opportunités et, ce faisant, alimentent les change-ments au sein de leur secteur d’activité.

• Les « analyseurs » adoptent une attitude qui combine leséléments précédents. Pour la part des activités stables, ils

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tirent partie de l’expérience accumulée en les gérant aumieux. Pour les activités plus turbulentes, ils surveillentétroitement les concurrents et adoptent rapidement les nou-velles idées prometteuses.

• Les « réactifs » n’entreprennent aucune adaptation à moinsd’être contraints par des pressions extérieures.

Un secteur d’activité est donc une sorte d’arène dans laquelle plu-sieurs entreprises participent au jeu concurrentiel et la dynamiqued’un champ concurrentiel peut être plus ou moins contraignante.Un puissant déterminisme de l’environnement et des marges demanœuvre stratégiques peu nombreuses imposent à l’entreprise unealternative brutale : s’adapter ou disparaître. Par contre, lorsqu’elledispose d’un avantage de coûts ou de possibilités de différenciation,elle peut s’engager, de manière pro active, dans la constructiond’une position concurrentielle favorable sur le marché, et s’efforcerde choisir une attitude marketing.

Les attitudes marketing

Par principe, l’orientation marketing s’oppose à l’attitude stratégi-que « réactive ». Néanmoins, il y a plusieurs manières d’être proactif. Plusieurs « attitudes » marketing typiques sont repérables enfonction de la représentation du marché et de la concurrence que sedonne le marketer. Certes, le succès de l’entreprise repose sur lasatisfaction du client, mais cette assertion est ambiguë. Cette satis-faction est-elle un moyen pour l’entreprise d’atteindre ses propresbuts (maximiser son profit, dégager un profit satisfaisant, assurersa survie…) ou s’agit-il d’une fin en soi ? Nous connaissons laréponse : l’entreprise est conduite par un but égoïste et non parun quelconque altruisme. Mais alors, une entreprise peut l’emporter

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sur la concurrence sans satisfaire pleinement le client, il lui suffitd’être meilleure (ou moins mauvaise), que ses concurrentes. Réci-proquement, une entreprise peut satisfaire le client et ne pas l’empor-ter sur la concurrence, il suffit qu’un concurrent fasse aussi bienqu’elle à un coût inférieur. En somme, la satisfaction du client estune notion très relative. Il s’ensuit que toute entreprise porte atten-tion, à divers degré, aux informations provenant du client et à celleprovenant de la concurrence (encadré 1.21.).

Chaque entreprise manifeste ainsi une attitude marketing particu-lière. Certaines veillent minutieusement aux satisfactions et insa-tisfactions du client, ce qui les conduit parfois à constater troptardivement les discontinuités suscités par une offre de substitution.D’autres veillent attentivement à la concurrence, ce qui peut lesenfermer dans une conduite, au mieux, réactive et, au pire, passive.La notion de market driven organization (organisation orientée parle marché), propose de trouver un équilibre entre la perspectiveclient et la perspective concurrentielle, afin d’éviter les biais en

Encadré 1.21. Quatre « attitudes » marketing typiques

Perspective client

Non privilégiée Privilégiée

Perspectiveconcurrentielle

Non privilégiéeOrientationAutocentrée

Orientation par le client

PrivilégiéeOrientation par la concurrence

Orientation par le marché

Adapté de Day G.S. et Nedungadi P. « Managerial Representations of Competitive

Advantage » Journal of Marketing, 58, April 1994, 31-44.

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faveur de tel ou tel acteur. On voit que la représentation que lemarketer se donne du marché oriente la sélection et le traitementde l’information. Celui qui privilégie le comportement des clientsconsacrera de l’argent et des efforts pour acquérir de l’informationauprès des acheteurs actuels et potentiels. Celui qui privilégie lecomportement des concurrents construira autrement son systèmed’information. Chaque représentation se manifeste donc par unesélectivité de l’attention aux signaux du marché et par uneconstruction particulière du système d’information de l’entreprise.

Au moyen de cette schématisation des attitudes marketing, on peutaussi analyser plus finement certaines manœuvres stratégiques. Soit,par exemple, à expliquer pourquoi une grande marque de couches-culottes est passée de la double gamme (rose pour les filles et bleuepour les garçons) à la gamme unisexe. Pendant de longues années,cette marque a cherché à persuader les jeunes mères que la mor-phologie différentes des petites filles et des petits garçons justifiaitdes couches-culottes différentes. Aujourd’hui, le discours estinversé : la couche universelle est arrivée. Justifier un tel changementpar l’évolution des « besoins » de la cliente serait, pour le moins,discutable. La manière la plus simple d’expliquer cette manœuvreconsiste surtout à prendre en compte le changement dans la tech-nologie des produits et l’intensité concurrentielle. Les « besoins »de la maman apparaissant plutôt comme l’alibi d’un tel changement.

Le poids de l’histoire et de la culture d’entreprise

Quels sont les déterminants de telle ou telle attitude marketing ?L’histoire de l’entreprise, sédimentée dans sa culture, permet derepérer des éléments importants. Les organisations ne produisentpas seulement des biens et des services. Elles produisent, au fil du

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temps, des normes de comportement plus ou moins explicites, quireposent sur des valeurs (des croyances durables) et se manifestentde multiples manières : un vocabulaire particulier, des rites, desmythes, des tabous… Ces éléments constituent une forme spécifiquedu lien social : la culture de l’entreprise. La culture a une fonctionde régulation, c’est un mécanisme qui permet d’unir les individusdans une structure sociale, elle-même plongée dans un contextesocioculturel plus large. La culture est aussi un système de repré-sentations. C’est, d’une part, une manière de concevoir l’image queles salariés ont d’eux-mêmes en tant que membres d’un groupesocial et, d’autre part, une manière de percevoir l’environnementet les autres parties prenantes (stakeholders) de l’entreprise : clients,actionnaires, pouvoirs publics… Ces représentations partagées per-mettent aux membres de l’organisation de comprendre son fonc-tionnement, de repérer les conduites de réussite, les comportementsefficaces, et les attitudes recevables. Elles leur fournissent donc desnormes de comportement pour coordonner leurs actions.

Prenons quelques exemples qui concernent le marketing. Dans cer-taines entreprises on a la conviction que la mondialisation doitconduire à négliger les frontières politiques et socioculturelles auprofit d’une forte standardisation internationale de la stratégie etdes offres (Coca-Cola, Marlboro, McDonald’s). Dans d’autres onconsidère, au contraire, qu’il importe de laisser plus de marge demanœuvre à l’adaptation locale. Certaines ont la conviction qu’onne peut faire du marketing sans un emploi systématique et minu-tieux des études et des tests (Procter et Gamble). D’autres (Nike,Benetton), leur accordent moins de mérites. Dans certaines orga-nisations, le département marketing est singularisé et puissant ;d’autres, au contraire, sont réduits à un rôle mineur.

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Plus encore, pour comprendre certains conflits entre le départementmarketing et d’autres coalitions au sein de l’organisation (la rechercheet développement, la vente ou la production) il importe de repérerles caractéristiques des micro-cultures spécifiques qui les caracté-risent. Dans certaines entreprises les membres de la coalition mar-keting sont sélectionnés, recrutés, formés avec soin et, pluslargement, le processus de socialisation de tout nouveau venu favorisesystématiquement le contact avec les clients et met l’accent sur lanécessité de sa satisfaction. Alors que dans d’autres entreprises, plusproches d’une technologie particulière (la pharmacie, l’électronique,l’informatique…), on valorise des parcours différents. La cultured’entreprise serait moins ce qui caractérise globalement une orga-nisation que la coexistence de micro-cultures particulières, voirede clans.

Les comportements et la culture associés à l’orientation marché

Plusieurs études témoignent d’une relation positive entre une orien-tation marché et une performance supérieure. Narver et Slater(1990), Kohli et Jaworski (1990), ont été les initiateurs de cestravaux. Aussi étonnant cela soit-il, ce n’est qu’au début des années1990 que sont apparus les premiers travaux pour mesurer conve-nablement le concept d’orientation marché et appréhender lecontexte plus ou moins favorable à son adoption. Jusqu’ici on s’étaitcontenté de mettre l’accent sur une sorte de « philosophie » générale– composée de l’orientation client, de la recherche de la profitabilitéet de la coordination interne – sans spécifier clairement les activitésconcrètes propres à mettre cette philosophie en pratique. Pour cecourant de recherche, la profitabilité ne fait pas partie de l’orien-tation marketing, elle en est la conséquence. De plus, l’expression

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orientation marché est préférée à orientation marketing parce qu’elleest moins politiquement chargée et met l’accent sur le fait que desfonctions autres que le marketing participent au processus marke-ting. Orientation marché est aussi, comme nous l’avons vu, préféréeà orientation client parce qu’elle met l’accent sur le marché (c’est-à-dire le clients et toutes les forces qui pèsent sur lui) et pas seu-lement les préférences verbalisées du client.

Pour décrire et mesurer l’orientation marché deux grandes pers-pectives sont disponibles : une approche comportementale et uneapproche culturelle. La première vise à saisir des comportementsspécifiques, tandis que la seconde se penche sur des caractéristiquesplus fondamentales de l’organisation : valeurs, normes. Par exempleMarkor (Kholi et al, 1993) est un instrument qui mesure troiscomposantes comportementales de l’orientation marché :

• la production permanente d’informations pour comprendreles clients et les concurrents, market intelligence generation,(réunion avec des clients, études commerciales, études desatisfaction…),

• la diffusion rapide de cette information au sein de l’entre-prise, market intelligence dissemination, (réunion fréquentesentre services, diffusion rapide des résultats marchés, dif-fusion rapide des menaces concurrentielles…),

• l’utilisation de cette information pour construire desactions, responsiveness to market intelligence, (réaction rapideaux demandes des clients, aux menaces des concurrents,analyse périodique des processus de développement des nou-veaux produits…).

L’approche culturelle (Homburg et Pflesser, 2000) s’efforce de mesu-rer non seulement les comportements favorables à l’orientation mar-ché mais aussi le partage de valeurs de base favorables (l’accent sur

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l’innovativité ou la créativité, l’ouverture à la communicationinterne, le niveau de coopération entre fonctions…) et la présencede normes favorables (indicateurs marchés régulièrement utilisés,diffusion systématique des informations marché, groupes interfonc-tionnels pour développer les nouveaux produits…). Quel que soitle type d’échelle de mesure utilisée, de plus en plus d’études mettenten évidence une relation positive entre l’orientation marché et uneperformance supérieure de l’entreprise. Cependant, deux facteursd’environnement modèrent cette relations : les turbulences dans lemarché et dans la technologie.

Mais la question-clé demeure : comment susciter une « orientationmarché » ? La réponse classique du marketer consiste à proposer sapropre « boîte à outils » pour la promouvoir : c’est-à-dire mettreen œuvre une stratégie de marketing interne.

Le marketing interne pour changer culture et comportements ?

Il y a plusieurs acceptions de la notion de marketing interne. Samise en œuvre systématique s’est d’abord effectuée dans les entre-prises de services. Pour les promoteurs du marketing des services,chaque salarié doit mettre en œuvre les promesses faites au clientlors des « moments de vérité » que constituent toute interactionclient-fournisseur. Dès lors le comportement du personnel, etnotamment du personnel en contact, est un atout majeur de laréussite. Celui-ci doit être doté de compétences, d’aptitudes, et demotivations visant à renforcer une « culture de service », c’est-à-dire fondamentalement une orientation de tous ses comportementspar le désir de servir au mieux le client.

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Dans la mesure où l’offre de toutes les entreprises comporte à diversdegrés une composante service, le marketing interne serait un prérequis incontournable d’un marketing externe efficace. Produits etservices devraient être « vendus » en interne avant d’être vendusen externe (Grönross, 1990). Mais, cette ambition très globale peutse traduire par des pratiques très diverses. Le marketing internepeut se manifester comme :

• une stratégie mise en œuvre par un service ou une fonction,pour légitimer son existence auprès des autres entités. Leservice marketing est bien armé pour promouvoir ses pro-pres valeurs et ses hommes au sein de l’organisation. Mais,parfois, il peut s’agir simplement d’une lutte pour laconquête du pouvoir. C’est là, sans doute l’ambition despremiers tenants de la « révolution marketing » (Keith,1960 et Marion, 1995, pour une critique de cette concep-tion),

• une stratégie d’information et de communication initiée par lesommet stratégique (Top management) pour promouvoir desmessages normatifs. Cette stratégie de persuasion ayantpour but de transformer le comportement des salariés parla standardisation de leurs représentations, afin de renforcerla cohésion. Une stratégie paradoxale qui « prêche » l’auto-nomie en laissant peu de place à l’initiative locale,

• un mode de coordination par la création d’un espace marchandau sein même de l’organisation. Dans cette perspective,tous les services et tous les membres de l’organisation sontà la fois clients et fournisseurs au sein de processus trans-versaux. L’organisation est considérée comme une sorte demarché, afin de compenser les insuffisances des procéduresstandardisées ou des relations normées. Dès lors, il ne s’agitpas simplement de l’application de quelques techniques

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de communication, mais d’une approche globale du mana-gement des ressources humaines fondée sur une régulationmarchande. Le client se trouve au sommet d’une organi-sation dont tous les membres se comportent sur le modede la relation client-fournisseur. Cette troisième acceptiondu marketing interne mérite un examen plus approfondi.

Généraliser la relation client-fournisseur dans l’entreprise ?

Poussée à sa limite, la généralisation de la perspective marketingau sein de l’entreprise transforme tous les membres de l’organisationen fournisseur et client. Mais, généraliser cette logique au seinmême de l’organisation, n’est-ce pas nier ce qui fait la spécificitéde l’entreprise, c’est-à-dire s’opposer au marché (Coase, 1937) ? Sion accepte totalement la notion de client « interne », il faudra alorsfaire face aux conséquences d’un tel choix.

L’une des premières conséquences est que le « client dansl’entreprise », comme le « client dans le marché », aura toute libertépour choisir un fournisseur en raison de son intérêt individuel.Conséquence concrète : chaque membre de l’entreprise pourra entoute indépendance, soit passer commande en interne, soit sous-traiter à l’extérieur. On voit poindre les limites d’une telleconception : fragmentation de l’organisation, marchandage perma-nent, opportunisme éventuel des acteurs, et montée des coûts detransactions.

Une seconde conséquence, et non des moindres, c’est le risquede détruire les conditions mêmes de l’innovation. On est en effetloin d’avoir démontré que la systématisation d’une relation client-fournisseur au sein de l’entreprise contribue à la circulation de

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l’information, favorise la motivation et, surtout, suscite l’innova-tion. Bien au contraire, une innovation est une nouvelle combi-naison de ressources qui, par définition, n’est pas disponible surle marché ou alors c’est une imitation. Faire de chaque membrede l’entreprise le client de son voisin de bureau, c’est renvoyertoujours sur d’autres la source de l’innovation. Attendre les inno-vations d’un fournisseur, c’est condamner l’entreprise à imiter ouacheter les nouveaux produits et les nouveaux process créés pard’autres.

En résumé, la généralisation de la relation fournisseur-client seheurte aux limites de l’identité même de l’entreprise. Celle-ci estun lieu d’identification pour chacun de ses membres principalementpour deux raisons :

• elle définit les conventions et les règles qui permettent lacoordination et la prise de décision individuelle et collec-tive,

• les interactions sociales en son sein favorisent non seulementla communication et la coordination, mais aussi l’appren-tissage organisationnel et les processus d’innovation.

Si l’on accepte cette représentation de l’entreprise, il paraît difficilede la transformer radicalement en un « marché interne », carl’apprentissage collectif c’est plus que la somme des apprentissagesindividuels. Il est le fruit d’une expérience collective et est incorporédans des dispositifs techniques (base de données, système d’infor-mation, système de communication), des procédures plus ou moinsformalisées, une habitude du travail en commun (les routines), etdes valeurs partagées. Dès lors, si l’ambition du marketer ne peutêtre de transformer l’entreprise en un marché, quelle peut être lacontribution du marketing ?

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Le marketing et l’apprentissage organisationnel

Bien qu’on sache encore peu de choses sur la manière de susciterune orientation par le marché, on peut cependant souligner lacontribution des marketers au processus d’apprentissage organisa-tionnel. Au sein de marchés dynamiques, voire turbulents, l’aptitudede l’organisation à apprendre plus vite que les concurrents et sa volontéd’entreprendre, pourrait bien être le seul avantage concurrentiel dura-ble (Slater et Narver, 1995).

Apprendre plus vite

Une orientation marché constitue un ingrédient indispensable del’apprentissage organisationnel parce qu’elle est l’inspiratrice d’unsystème d’information plus riche. La notion d’entreprise apprenantemontre combien la compréhension d’un marché ne saurait seule-ment relever du hasard ou de quelques études de marché spora-diques fournies par un chargé d’études ou une société spécialisée.L’apprentissage d’un marché s’effectue par un système d’informa-tion comportant de multiples voies plus ou moins formelles : nonseulement les vendeurs mais aussi tout le personnel en contactavec les clients, non seulement les statistiques professionnelles maisaussi toutes les rumeurs, non seulement la veille technologique etconcurrentielle mais aussi un étalonnage large et systématique enregard de la concurrence (benchmarking). Beaucoup d’organisationsne savent pas ce qu’elles savent parce que leur système d’informationest conçu seulement pour traiter quelques données « dures » plusou moins bien choisies (statistiques de ventes, état des stocks,éléments comptables…), et qu’il leur est impossible de repérerqui sait quoi au sein de services trop cloisonnés.

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Par ailleurs, avant d’utiliser une information, toute organisationdoit la classer, l’organiser, et la simplifier. Les changements qui semanifestent à un acteur ne se présentent pas dotés d’une étiquetteprécisant leur nature et spécifiant comment ils doivent être inter-prétés. Il est nécessaire qu’une représentation leur donne du sens.De nombreux auteurs (Weick, 1979 ; Pfeffer et Salancik, 1978),montrent que les « cartes mentales » ou « cognitives » de chacunjouent un rôle décisif pour structurer l’information et construiredes représentations partagées. D’une part, ces cartes fournissent unordre pour classer et penser les relations de l’entreprise avec sonmarché, d’autre part, elles polarisent l’attention des membres del’organisation sur les signaux importants. Le danger de telles repré-sentations ne réside pas dans leur véracité ou leur fausseté puisquetout modèle est une simplification. Le danger tient plutôt à leurcaractère implicite, puisqu’alors il n’est pas possible de les remettreen cause. La myopie collective d’une organisation est particulière-ment marquée lorsqu’une forte division du travail et une segmen-tation fine du marché renforcent l’incertitude.

Les cartes mentales des décideurs influencent aussi leur jugement surles fondements de leur avantage concurrentiel, nous avons vu (encadré1.21.) qu’elles sous-tendaient des « attitudes » marketing typiques. Unelongue histoire fondée sur une avance technologique encourage unereprésentation de l’innovation « poussée par la technologie » (technologypush) et minimise la saisie des signaux faibles en provenance des clients.Une longue histoire fondée sur l’adaptation aux demandes des clientsactuels et directs (market pull) encourage l’apparition d’innovations incré-mentales. Mais, les deux voies sont recevables. Toutes les études lemontrent, l’innovation peut provenir de toute part, dès lors le décloi-sonnement de l’organisation est un moteur puissant de la capacité inno-vatrice. L’apprentissage organisationnel repose d’abord sur la capacitéà « désapprendre » les savoirs obsolètes pour pouvoir entreprendre.

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L’esprit d’entreprendre

Une orientation par le marché n’est qu’un point de départ. Il nesuffit pas d’apprendre plus vite des clients et des concurrents, encorefaut-il que l’esprit d’entreprendre soit renforcé par une culture d’entre-prise, des normes et des structures organisationnelles favorables. Laprise de risque, inhérente à toute démarche entrepreneuriale, peutêtre étouffée par la bureaucratisation de l’organisation. Plus encore,une focalisation trop étroite sur le marché servi et les concurrentsactuels peut conduire à un aveuglement vis-à-vis des marchés oudes concurrents émergents, et renforcer une attitude trop adaptative(en se contentant d’élargir une gamme de produits avec des variantesmineures), voire réactive (en se contentant d’ajouter des produits« me-too »). A contrario, une culture entrepreneuriale valorise la tolé-rance à la prise de risque, la réceptivité à l’innovation, les attitudespro actives, le décloisonnement des fonctions, et la résistance activeà la bureaucratisation. L’apprentissage par essais et erreurs, fondésur l’expérimentation, présuppose une culture entrepreneuriale oùles échecs comme les réussites font l’objet d’une analyse qui visemoins à sanctionner qu’à apprendre.

L’orientation marché et la finalité de l’entreprise

Au fond, les études relatives à la relation entre l’orientation marchéet la performance de l’entreprise abordent la question de la finalitéet de l’identité de l’entreprise, c’est-à-dire le but commun qu’ellepropose à ses membres : pour quoi existe-t-elle, quelle est sa raisond’être, quelle est sa mission, quel est son métier ? En pratiqueplusieurs possibilités sont offertes aux dirigeants pour énoncer lesobjectifs majeurs, les finalités, d’une organisation :

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• satisfaire spécifiquement l’une de ses parties prenantes : lesactionnaires, les clients, les salariés, voire une fractiond’entre eux, les dirigeants eux-mêmes,

• s’efforcer de trouver un équilibre entre la satisfaction deses diverses parties prenantes

• énoncer un principe supérieur, une mission ou une ambi-tion.

La première possibilité offre plusieurs hypothèses. Satisfaire lesactionnaires, est la plus simple, la plus facile à mettre en œuvresi l’on souhaite disposer de critères explicites et mesurables, et laplus commune dans les entreprises qui sont dirigés par leur pro-priétaire. Mais, cette solution est souvent accusée de conduire àdes décisions de très court terme aux dépens de l’avenir de l’entre-prise. De plus, il semblerait que les entreprises « visionnaires »retiennent rarement la maximisation des profits comme un objectifexplicite. La deuxième, satisfaire uniquement les clients, n’est cohé-rente qu’avec un système coopératif ou mutualiste. La troisième,satisfaire uniquement les salariés, conduit à une certaine myopievis-à-vis de l’environnement. On connaît les dangers de la dernière,satisfaire les dirigeants eux-mêmes, au travers de divers scandalesfinanciers. Examinons maintenant les deux autres possibilités.

Orientation marché, mission et métier de l’entreprise

Selon l’orientation marché, l’entreprise ne se définit pas selon lesproduits qu’elle vend mais selon les marchés dont elle dépend. Lesquestions sont alors : quels sont nos clients, à quel besoin répondnotre offre ? La logique inverse, parfois appelée orientation production,conduit selon Levitt (1960), à la « myopie » de dirigeants incapables

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de prendre en compte les évolutions de la demande et celles de laconcurrence, notamment l’apparition de substituts. Pour cet auteur,une compagnie de chemin de fer ne saurait définir sa mission commela gestion d’un réseau ferroviaire, elle doit la considérer comme unservice de transport, en concurrence avec la route et les airs. Prenonsun autre exemple plus récent : un fabricant de films photographiquesest un fournisseur d’images et, si l’image devient électronique,Kodak doit transformer son offre et ses savoir-faire. Généralisons :une offre (bien et/ou un service), est un ensemble d’éléments, maté-riels et immatériels que le client va transformer en valeur d’usage.Si les exigences du client se modifient ou si d’autres solutionstechnologiques apparaissent, la position concurrentielle de l’entre-prise est remise en cause. Pour reprendre une phrase forte desmarketers : ceux qui vendent des forets de 8 mm vendent en fait des trousde 8 mm. Aussi séduisant soit-il, un tel mot d’ordre n’est pas suffisantpour définir la raison d’être d’une entreprise.

Mission et métier

Le métier d’une entreprise consiste à gérer un ensemble de ressourceset de compétences particulières afin de fournir des produits et desprestations. Reprenons l’exemple d’une compagnie de chemin defer. Son métier consiste à fournir un service de transport « par fer »et non par les airs ou sur la route. C’est ce qui définit sa spécificitéet lui permettra de concevoir un train à grande vitesse ou desliaisons intra-régionales. Elle ne fait pas le même métier qu’unecompagnie aérienne, une société de location de voiture ou une com-pagnie de taxis. Force est de constater que la logique du marchéservi n’est que l’une des logiques de l’entreprise, sinon on ne pourraitcomprendre pourquoi les fabricants de tentes de camping ne pro-posent pas aussi d’autres solutions pour s’abriter pendant les

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vacances : des caravanes, des bateaux habitables, de l’hôtellerie, voiredes résidences secondaires. Alors, doit-on raisonner selon la logiquedu métier ou celle de la mission ? Perdre de vue la mission c’estcroire que le client a accepté pour toujours la solution proposéepar l’entreprise. Perdre de vue le métier, c’est croire que les ressourceset compétences de l’entreprises sont sans limites ou, au moins, trèsadaptables ; et qu’il est facile de faire un produit si on a un client,voire qu’il suffit d’énoncer la mission pour que toute l’entreprisesuive. Dans un monde où les préférences comme les technologiessont très changeantes, la polarisation de l’activité par le seul marchésuffit-elle ?

La solution proposée par l’orientation marché est beaucoup troplarge et allusive pour apporter des réponses précises sur le déploie-ment des ressources ou l’acquisition de ressources et de compétencesnouvelles. Une compagnie de chemin de fer est peut être plus apteà développer et gérer des réseaux de fibres optiques, qu’à se diversifierdans le transport par route ou par air. En exploitant systématique-ment son savoir-faire dans le domaine des colles et adhésifs, 3M asu s’ouvrir de multiples marchés. Elle a notamment créé un marché(le Post-it), là ou certains ne voyaient qu’une fausse bonne idée.Alors, à qui donner raison ?

Encadré 1.22. Deux façons de décrire l’activité d’une entreprise

MissionMétier

Clients et marchés

Produits, prestationsRessources et compétences

Adapté de Koenig, 1996.

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En fait, mission et métier sont deux manières de décrire l’activitéd’une entreprise (encadré 1.22.). Ce sont les deux facettes d’une mêmeréalité en interaction dynamique. La maîtrise d’un métier peut trouverà se valoriser dans des marchés peu familiers à l’entreprise. L’évolutiondes exigences du client peut conduire à l’enrichissement d’une missionet à l’acquisition de compétences nouvelles, donc à la transformationd’un métier. Bref, un métier peut ouvrir sur de nouvelles missions,et la mission peut conduire à de nouveaux métiers. Cette interactiondynamique de la mission et du métier peut entraîner des désajuste-ments transitoires, voire conduire à une crise interne. Mais, renoncerà affronter un tel décalage, c’est condamner l’entreprise à défendresa position de manière trop statique (Kœnig, 1996).

L’examen des Corporate Mission Statements, c’est-à-dire les énoncés dela raison d’être de chaque entreprise qui apparaissent le plus souventdans le rapport annuel, montre que ceux-ci s’efforcent d’articulertout ou partie des éléments suivants : une cible de clients, une iden-tification des produits principaux (bien et/ou services), une perspectivegéographique, les technologies du cœur de métier, une ambitionéconomique (croissance, rentabilité, voire survie), des principes éthi-ques, l’image que l’entreprise se fait d’elle-même, et l’image qu’ellesouhaite avoir dans l’esprit du public. Autrement dit, les dirigeantssemblent chercher un équilibre entre trois parties prenantes-cléslorsqu’ils énoncent la raison d’être de l’entreprise. Une entrepriseorientée marché serait capable de concilier les attentes des clients,des salariés, et des actionnaires. Elle se caractériserait d’abord commeune organisation capable de lire les attentes plus ou moins articuléespar ses clients et de satisfaire ces attentes mieux que les concurrents.Pour ce faire, elles valoriseraient ses employés, c’est-à-dire ceux quicréent la valeur pour le client. Enfin, les actionnaires bénéficieraientde l’aptitude singulière, rare et difficile à imiter, qui est à la sourcede l’avantage concurrentielle de l’entreprise.

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Pouvoir de marché et marketing

Certains accordent aux entreprises une influence puissante sur lesconsommateurs résultant de l’expertise des marketers. Ils s’efforcentde montrer, d’une part les effets du pouvoir de marché des entreprises(attachement des consommateurs à la marque, moindre sensibilitéau prix, barrières à l’entrée de nouveaux concurrents, concentrationde l’offre…) et, d’autre part, les effets généraux sur la vie socialeet la culture (déformation des systèmes de valeurs, frustration etaliénation des consommateurs, encouragement au matérialisme,affaiblissement de la démocratie, émergence d’une culture de masseet de la société de consommation et du spectacle, etc.). Une tellecritique se ramène à poser la question des besoins (cf. chap. 2) etcelle de la légitimité de la référence à l’opinion publique (Lauferet Paradeise, 1982). Une réflexion plus approfondie conduit à ques-tionner le rôle du marché, et de l’entreprise, dans la mise en œuvredu progrès économique. Au-delà, ou en deçà, du marketing c’estdonc l’organisation de la vie économique et sociale qui se trouvequestionnée et notamment les « effets de composition », c’est-à-dire les effets pervers de grande ampleur. Par exemple si chacunchoisit, en poursuivant son intérêt propre, d’acheter et d’utiliserune automobile, le résultat agrégé de ces choix (stationnement,urbanisme, pollution…), peut apparaître bien pire pour chacunque le renoncement à la voiture. L’exercice de la liberté individuelleferait ainsi obstacle à la liberté réelle ou, pour le dire en termeséconomiques, l’existence d’externalités fait que la rationalité indi-viduelle conduit à l’irrationalité collective.

Si on se penche de manière superficielle sur le pouvoir de marchéd’une entreprise, on pourra soit se féliciter de l’image de sa marqueet de son efficacité commerciale, soit faire le procès de sa publicitéet ses techniques de vente. Mais ces constats convenus n’apprennent

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guère plus. Il faut de plus observer que, d’une part la précisiondes actions commerciales des entreprises demeure très modérée et,d’autre part, qu’il n’est guère possible de mettre en évidence des« recettes marketing » universelles. En dépit de la sophisticationcroissante des études de marché et du marketing direct – qui reposesur la gestion de fichiers larges et amplement renseignés – l’analysede situations concrètes montre les nombreuses imprécisions liées àla mise en œuvre. Supposons une entreprise en position de satisfaireune demande potentielle. Le marketer s’efforce alors de déterminerla taille du marché potentiel, l’identité des clients les plus probables,le prix qu’ils seraient prêts à payer, et s’il est rentable pour l’entre-prise de saisir cette opportunité. Supposons ce travail réalisé avecune haute précision – ce qui ne va pas déjà de soi – il demeureque, lors de la mise en œuvre, de fortes dérives vont apparaître.La distribution du produit sera inégale, d’autant plus que le pouvoirde négociation des clients directs ne cesse de croître, et l’audiencedes actions publicitaires ou de marketing direct débordera le plussouvent la « cible utile ». Si en théorie le pouvoir d’influence dumarketing peut être élevé, en pratique, du fait du pouvoir desintermédiaires et de la structure de l’audience des médias, ce pouvoirdemeure limité. On comprend alors pourquoi la publicité peut« agacer » les nombreux individus qui sont récepteurs d’actionspublicitaires ou promotionnelles dont ils ne sont pas les destina-taires.

Pour le second point, celui des « recettes marketing », il doit êtredésormais évident au lecteur de ce chapitre qu’elles n’existent paspour la simple raison que la capacité d’une entreprise à l’emportersur la concurrence dépend de facteurs spécifiques à une situationdonnée. Face à la diversité des mises en œuvres observables surles marchés, le marketer est continuellement sollicité par une foulede phénomènes particuliers et, quand il s’efforce de dégager les

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facteurs-clés de succès (sur les FCS, cf. chap. 10), il opère le plussouvent par essais et erreurs. Certes, la tendance à la concentrationque l’on observe dans de multiples secteurs semble indiquer quele pouvoir de marché des grandes multinationales est croissantpuisqu’il se manifeste par des parts de marché dominantes, desmarques puissantes, et des ressources financières importantes. Pour-tant, dans le même temps, de nombreux secteurs se transformentet permettent l’apparition de nouveaux leaders (qui aurait prévul’apparition de Nike, Microsoft, Nokia ou Swatch ?). L’économieet la société sont puissamment transformées par l’action des entre-prises depuis de nombreuses années et réciproquement.

L’élargissement du domaine d’application du marketing

Les tenants du « tout marketing » (Kotler et Levy, 1969), se sontefforcés d’élargir son domaine à de nombreuses sphères sociales afind’y inclure d’autres organisations que les entreprises : les servicesde police, les musées, les écoles, les partis politiques, les églisesou les organisations caritatives. Ce qui sous-tend un tel élargisse-ment, c’est l’idée qu’aller à l’église, voter ou militer, n’est pas dif-férent d’aller au supermarché, acheter ou consommer. Dès lors, del’homme de Neandertal au consommateur contemporain, tout indi-vidu relèverait du marketing en tant que catégorie universelle del’action humaine. Une telle ambition mégalomaniaque conduit viteà réduire tout ce qui peut motiver les individus à l’intérêt écono-mique, c’est-à-dire à un profit. Cet « économicisme » consiste àconsidérer que les règles de fonctionnement de l’un des champssociaux, le champ économique, valent pour tous les autres champs :artistique, culturel, domestique, politique, etc. Pour les tenants del’utilitarisme libéral l’intérêt économique est, en effet, le but ultime

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des acteurs. Cette assertion est convaincante dans la mesure où lecapital économique est à la base de la constitution des autres capi-taux. Dès lors, toute conduite relèverait des « lois » du marchédécrites par la « science » économique.

Cependant, chaque sphère sociale comporte des enjeux et des intérêtsspécifiques, dont notamment la recherche de « gains » symboliques.De plus, le repérage du marché, et notamment la distinction four-nisseur/client, ne vont pas toujours de soi. La question est, alors,de mettre en évidence le marché, constitué de clients et de four-nisseurs et le mode spécifique du calcul de l’intérêt individuel dansune sphère sociale donnée. Or, pour l’essentiel, le marketer ne voitdans la société que des clients et des fournisseurs et propose, voireimpose, un mode de calcul fondé sur l’analyse coût/avantage, quelleque soit la sphère sociale envisagée. Dès lors, si le marketing veutprendre pour objet toute activité sociale (artistique, caritative, reli-gieuse…) alors il doit changer l’un de ses présupposés fondamentaux,la notion d’intérêt lucratif. Et, en toute rigueur, si son objet n’estplus l’échange marchand, il devrait aussi changer de nom.

Dès les années 1970, on a cherché à promouvoir les techniques demarketing dans d’autres organisations que les entreprises (Lovelocket Weinberg, 1990). Mais plusieurs enjeux distinguent la situationdes organisations à but non lucratif de celles des entreprises dusecteur privé marchand : la question de leur finalité et la diversitéde leurs parties prenantes.

La finalité des organisations à but non lucratif (O.B.N.L.)

À l’évidence les O.B.N.L. n’ont pas pour finalité première de gagnerde l’argent. Leur efficacité ne peut donc s’analyser uniquement en

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termes de profit et doit prendre en compte d’autres indicateurs.Le plus souvent il s’agira d’intégrer des indicateurs sociaux et descontraintes financières. Ce constat conduit à deux enjeux majeurs :

• Quelle définition retenir pour la mission de l’organisation :pour quoi existe-t-elle ?

• Comment intégrer les contraintes financières afin d’assurerla survie de l’organisation?

La première question met l’accent sur la tension entre mission etsatisfaction du client. Alors que l’orientation client insiste sur lanécessité de privilégier la satisfaction du client, la mission d’uneO.B.N.L. peut aller à l’encontre des aspirations à court terme deses « clients ». Ainsi, la mission d’une Église entraînera des sacrificeset des renoncements personnels pour ses fidèles. Une O.B.N.L. dansle domaine culturel peut chercher à promouvoir des formes artis-tiques (peinture, théâtre, musique), nécessitant un effort d’adapta-tion de la part de ses membres. L’affirmation durable d’une missionsera donc soumise à des tensions, voire des conflits, manifestantles écarts entre sa mission et la demande de ses « clients ».

De plus, l’offre de la plupart des O.B.N.L. est constituée par desservices et non par des biens. L’action marketing de ces organisationspeut donc s’inspirer largement des outils fournis par le marketingdes services. Mais, certaines O.B.N.L. se donnent pour mission lamodification de comportements sociaux : arrêter de fumer, protégerun site, être plus solidaire. De tels enjeux ne renvoient pas seulementà un pur choix de consommation individuelle. Pour un individu,les coûts d’un changement de comportement peuvent être plusélevés à court terme que les bénéfices retirés. De plus, certainescauses sont controversées (avortement, nucléaire), et suscitent desdébats et des conflits difficiles à gérer.

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La diversité des parties prenantes des O.B.N.L.

Alors que les clients d’une entreprise payent pour acquérir ses pro-duits, les « clients » bénéficiant des services d’une O.B.N.L. sontsouvent différents des donateurs ou subventionneurs qui financentl’organisation. Dès lors, il s’agit de mettre en place deux typesd’action marketing concernant d’une part, la collecte de subventions(fund raising) et, d’autre part, les prestations de services. Cette dis-tinction n’est pas encore suffisante : des mécènes, des sponsors, desemployés, des bénévoles, et beaucoup d’autres interlocuteurs peuventaussi constituer des parties prenantes décisives. Certes, une entre-prise doit tout autant gérer des échanges avec une diversité departies prenantes : salariés, clients, actionnaires, organismes publics,etc. Cependant, pour la plupart des O.B.N.L. cette diversité estexacerbée. Leur réussite et leur développement dépendent d’un trèsgrand nombre de détenteurs d’enjeux autres que les clients, et lemarché de leurs produits ou services n’est pas la contrainte prin-cipale.

De nombreuses O.B.N.L. font appel à la générosité de chacun,utilisent des fonds publics et tissent des liens avec la sphère poli-tique. Dès lors, elles doivent faire face à la surveillance de l’opinionpublique et des médias. Plusieurs scandales mettant en cause desorganisations caritatives ou des associations proches de sectes illus-trent bien cet aspect. Les contraintes sont donc moins liées à unelutte concurrentielle sur un marché donné qu’à des pressions poli-tiques, au contrôle des pouvoirs publics, et à la suspicion de l’opinionpublique.

Au total, il faut s’interroger sur la pertinence du terme client dansun contexte associatif. Quels sont les clients d’un groupe descoutisme ? Les enfants, les parents, la municipalité qui prête des

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locaux, la collectivité locale qui subventionne ? Puisque la finalitéd’une O.B.N.L. n’est pas la recherche de profits, elle peut servir,voire rechercher, des publics non solvables pour lesquels l’appellationde client semble impropre et la notion même de marché inadaptée.Une O.B.N.L. se trouve plutôt imbriquée dans un réseau relationnelet il importe de disposer d’un outil pour mettre au jour un telréseau. L’explicitation de la mission et l’accord entre bénévoles etsalariés sur un tel énoncé, constituent aussi des enjeux importants.On trouvera dans Mayaux et Revat (1993), une approche opéra-tionnelle du marketing adaptée à la situation particulière des asso-ciations.

Triomphe ou crise du marketing ?

Nous venons de le voir, on constate, en même temps, une diffusiongrandissante de l’idéologie marketing, de ses concepts, et de sesoutils, et un développement de la critique à son égard.

Brève histoire du marketing

Les mots utilisés pour exprimer des concepts apparaissent souventpostérieurement aux pratiques, ainsi le mot « comptabilité » n’appa-raît dans le lexique français qu’en 1579, et le mot « commerçant »qu’en 1727. Or, évidemment, la pratique de la comptabilité et ducommerce était antérieure à ces dates. La théorisation des pratiquescommerciales a vu le jour avant l’officialisation du vocable« marketing » par des universitaires américains. On en trouve desolides traces dans les travaux de l’école historienne allemande appli-quée à l’économie à la fin du XIXe siècle et aussi dans Le parfaitnégociant ouvrage édité à Paris en 1675. La date de naissance dumarketing fait donc problème dans la mesure où la vie sociale a

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été, depuis fort longtemps, scandée par des échanges marchands.Mais, si l’on s’en tient au vocable, celui-ci apparaît au tournant dusiècle en Amérique du Nord et demeure ignoré en France jusqu’auxannées 1950. Il ne fait son apparition dans les établissements d’ensei-gnement de la gestion en France qu’au début des années 1960.Progressivement, l’importation des techniques américaines va impo-ser ce mot aux dépens des termes utilisés précédemment :commercialisation, action commerciale, gestion commerciale, fonc-tion vente, sans se substituer totalement à eux. On ne peut doncfaire coïncider l’essence du marketing, ni avec l’apparition de larelation d’échange, c’est-à-dire les premiers âges de l’humanité, niavec celle d’échange marchand, ni avec celle des premiers manuelsécrits pour son enseignement. On oublierait, ainsi, de considérerles conditions historiques de son émergence. Plusieurs interpréta-tions de sa naissance peuvent être avancées selon que l’on la faitcoïncider avec :

• l’économie de marché, c’est-à-dire le recul progressif del’autoconsommation au profit de la mise en place des mar-chés élémentaires (le commerce villageois, l’artisan itiné-rant, le colporteur,...), puis l’élargissement (à partir duXVe siècle en Europe), de l’économie marchande,

• la montée du capitalisme, dont la constitution historiques’entremêle avec celle de l’économie de marché, mais queBraudel (1985) nous invite à distinguer avec soin. Il sou-haite ainsi souligner le rôle dominant des négociants-capi-talistes (gros marchand, armateur, banquier, entrepreneurindustriel, exploitant agricole, etc.), pour insérer du capitaldans le processus de production,

• la révolution industrielle, qui voit le jour en Grande-Bre-tagne autour de 1750, mais n’émergera qu’au début duXXe siècle sous la forme, entre autres, d’une production et

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d’une consommation de masse, avec l’apparition de lagrande entreprise (Chandler, 1990),

• la formalisation d’un ensemble d’outils et de principes pourpermettre à la firme d’évaluer, mesurer, influencer, et satis-faire la demande. À partir de 1913 et surtout entre 1930et 1960, ce travail de formalisation donnera le jour aumarketing concept, au marketing management, à la professionde marketer et au métier d’enseignant de marketing etd’auteur de manuels (Marion, 1993 ; Cochoy, 1995).

Décrivons les grandes articulations de cette formalisation. Demanière approximative, elle se contente parfois d’une périodisationdes « ères économiques » selon laquelle le « sens de l’histoire »conduirait les entreprises à connaître d’abord « l’orientationproduction », puis « l’orientation vente », enfin « l’orientationmarketing ». Cette présentation n’est guère attestée pas les travauxdes historiens pour qui, « l’ère de la production » est un mythe,même si Tedlow (1990) propose trois phases historiques pour lirel’émergence du marketing aux États-Unis :

• la fragmentation. Jusqu’en 1880, des coûts de transport élevéset une circulation lente de l’information n’autorisent, surle territoire nord-américain, que des marchés locaux et depetite taille. Les volumes de production sont faibles et lesmarges sont élevées,

• l’unification. De 1880 à 1950 un marché unifié se constituesur l’ensemble du pays avec l’émergence progressive d’uneproduction de masse, d’une distribution de masse, d’unecommunication de masse, et d’une consommation de masse.Il s’ensuit que les volumes sont importants et les margesunitaires peu élevées,

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• la segmentation. Depuis 1950 la multiplication des offresadressées à des groupes de consommateur plus réduitss’accompagne de la recherche de critères permettant desingulariser les cibles visées et de positionner les produitset les marques,

• la micro-segmentation est, pour Tedlow, la phase actuelle dumarketing. Elle résulte du développement des technologiesde l’information et de la communication et tend vers unesituation de personnalisation (customization), où chaqueclient individuel constituerait un segment.

Quelle que soit la périodisation retenue, il demeure qu’on ne peutfaire coïncider le marketing avec l’apparition de l’échange marchand.Cela conduirait, en effet, à admettre que toute économie marchande,même embryonnaire, relève du marketing. Cette notion a été forgéeprogressivement à partir des pratiques de la grande entreprise.Comme l’entreprise n’est pas constituée dans toute économie mar-chande (Chandler, 1977), il convient de s’en tenir à une « date denaissance » compatible avec le présupposé de l’existence de cetteorganisation particulière qu’on appelle la grande entreprise au seind’un système économique qu’on appelle le capitalisme ou, plutôt,les capitalismes, c’est-à-dire la fin du XIXe ou le début du XXe siècleaux États-Unis.

Crise du marketing ?

Les inquiétudes des uns concernant le pouvoir publicitaire, le maté-rialisme des échanges, et les excès de la société de consommation,font écho aux lamentations des autres sur l’inconstance du consom-mateur, l’inefficacité publicitaire, et la « déconsommation ». Bref,le marketing serait en crise. Mais un discours de plus sur « la

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crise », passée ou à venir, ne suffit pas à l’analyse. S’agit-il, eneffet, de rendre compte de l’évolution des pratiques, c’est-à-dire com-ment se comportent les acteurs de l’échange (clients et marketers) ?S’agit-il de rendre compte de l’évolution des modèles, c’est-à-diredes principes qui permettent d’expliquer, rationaliser, et légitimerdes comportements ? Ou s’agit-il de questionner les axiomes surlesquels sont fondés ces modèles, c’est-à-dire les convictions et lescroyances qui permettent de justifier les comportements ?

Appliquons ces catégories à l’évolution du marketing. Premier cons-tat, depuis des siècles les pratiques de l’échange marchand se trans-forment en permanence, et la « mondialisation » est une étiquettecommode pour caractériser le changement contemporain. S’agit-ild’une rupture ou manquons-nous de recul ? Les historiens dirontsi les discontinuités de la « turbulence » actuelle sont plus consi-dérables que celles de la « grande dépression » ou des deux dernièresguerres mondiales. Deuxième constat, les modèles, les schématisa-tions, les concepts que se donne le marketing évoluent au gré dethéorisations parcellaires, souvent contradictoires d’une période àune autre, et peu susceptibles de s’intégrer dans une théorie générale(Marion, 1999). Disons-le autrement, en tant que pratique théorisée,le marketing est un savoir remarquablement plastique. Ses modèlesne sont pas rigoureusement déduits d’un corps parcimonieux d’axio-mes explicites. Alors qu’en science économique l’homo œconomicusest rigoureusement défini comme un individu autonome, rationnel,et informé, en marketing la définition du client ou du consommateurvarie en permanence dès lors qu’on le dote de dimensions résultantdu regard d’autres disciplines : psychologie, sociologie, psychologiesociale, ethnologie, sémiotique, etc. La plupart des querelles théo-riques, à propos des pratiques et phénomènes du marketing, résul-tent de la confrontation de grilles de lecture fournies par desdisciplines différentes. Chacune opposant moins différentes réponses

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à une même question, que différentes définitions de ce qui constituela « réalité » et notamment la « réalité » de la « nature humaine ».

Le marketing, en tant que produit de l’idéologie des libéraux,s’adosse à l’un de ses principes majeurs pour définir cette « réalité »qu’il appelle le client ou le consommateur : la recherche, par chacun,de son intérêt. Certes, comme le dit Manent (1986, p. 20), « on aenvie d’écrire en marge de leur copie : vrai mais vague », car ce principepassablement abstrait recouvre des formes d’intérêt très diverses.Ce qui fait « marcher » le patron d’une entreprise n’est pas le mêmeintérêt que celui qui fait « marcher » l’artiste ou le scientifique.Mais il demeure que ce principe constitue un ressort puissant etuniversel de l’action des individus. Au fond, ce qui importe n’estpas que les théorisations du marketing soient vraies ou fausses,mais qu’elles soient convaincantes. Elles demeureront convaincantessi tout le monde (client et marketer), a intérêt à ce qu’elles le soient,c’est-à-dire si chacun s’accorde à reconnaître que c’est ainsi quedoit se dérouler l’échange. Ajoutons donc en marge de la copie deslibéraux « vague mais convaincant ». Le marketing est une conventionfondamentale de notre système économique. C’est la conviction,partagée par l’ensemble des acteurs, que c’est ainsi que doit s’effec-tuer l’échange marchand (Marion et Gomez, 1992 ; Marion 1997).

Les convictions et les croyances qui lui sont attachées apparaissentaujourd’hui comme un ensemble de lieux communs : « satisfairele client est indispensable », « le client a la liberté de choix »,« tous clients et fournisseurs », par exemple. C’est précisémentleur statut de lieu commun qui fait l’efficacité des justificationsfondées sur ces croyances. Il serait, en effet, extrêmement coûteuxpour toute personne de remettre en question, lors des conversationscourantes, l’enchaînement des arguments qui ont conduit à detelles « évidences ». Le marché constitue la forme institutionnelle

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dominante dans l’économie contemporaine pour coordonner l’actiondes individus. Le concept d’institution est ici entendu comme unensemble de pratiques sociales dotées d’une certaine régularité :des modes de comportement habituels, attendus et auto-réalisa-teurs. Le marketing est l’art de piloter les échanges marchands.Les marchés et les clients ne sont pas créés par Dieu ou par lanature mais par des personnes et notamment des marketers sanscesse à la recherche d’opportunités dans les marchés ou dans denouvelles sphères jusque-là non marchandes.

Toutefois, le marketer n’est pas un dictateur qui cherche à tromperle client ou un devin qui saurait mieux que les consommateurseux-mêmes ce qu’ils désirent, il entend agir légitimement sur leconsommateur en lui proposant des produits et des discours quil’incitent à se « gouverner » lui-même comme un hédoniste pourqui plaisir, bonheur et bien sont une seule et même chose. Lorsquele marketing fait l’objet d’une suspicion, il se transforme en aug-mentant sa cohérence notamment par la récupération des critiquesqui peuvent donner naissance à de nouvelles offres répondant àune demande solvable. L’activité des marketers dans l’entreprise etdans la société se transforme donc non seulement par le jeu con-currentiel mais aussi par le jeu de la critique (Boltanski et Chiapello,1999). De plus, la doctrine majoritaire est nourrie, depuis plusde cinquante ans, par des schématisations largement diffusées dansles entreprises et les Business Schools et donc ancrées fortement dansleur habitudes et traditions. L’idée que les multinationales de lalessive constituent une « université » du marketing mettra dutemps à disparaître. Le fait que les ouvrages et les revues de mar-keting dominants proviennent exclusivement, ou presque, desÉtats-Unis ne saurait se modifier à court terme. Le marketing mana-gement, en tant qu’énoncé plus ou moins solidaire de la convention

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libérale, devrait donc résister fermement à la suspicion jetée pard’autres approches.

Enfin, le marketing est solidaire d’une dynamique peu susceptiblede s’affaiblir : celle de la production scientifique contemporaine.C’est, en effet, le système scientifico-technique qui, à la demandedes grandes unités actives que sont les entreprises multinationales,suscite en permanence le changement technologique et l’apparitionde nouveaux produits. Comme nous le verrons (chap. 2), le vieuxproblème des vrais et des faux besoins est dépassé. La dominationde l’activité scientifique par les enjeux concurrentiels conduit àorienter le développement scientifique et technique vers la créationconstante de nouveaux besoins. Cette situation, les chercheurs scien-tifiques du siècle dernier la connaissaient beaucoup moins.Aujourd’hui, à peine une nouveauté est-elle assimilée, qu’une autredoit être proposée. Le principal rôle assigné à la science contem-poraine, et aux produits qui en découlent, est de servir l’économieet permettre à une entreprise ou à une nation de rester dans « lepeloton de tête ». À cet égard, le marketer-entrepreneur a encore debeaux jours devant lui.

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