analyse et calcul scientifique - cermicscermics.enpc.fr/~stoltz/cours/anacs/anacs_exos.pdf ·...

91
Gabriel Stoltz Analyse et Calcul Scientifique 8 juillet 2015 Ecole des Ponts - 1ère année

Upload: dangtruc

Post on 15-Sep-2018

238 views

Category:

Documents


5 download

TRANSCRIPT

Page 1: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Gabriel Stoltz

Analyse et Calcul Scientifique

8 juillet 2015

Ecole des Ponts - 1ère année

Page 2: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 3: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Organisation du cours

Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique ?

Si tout se passe bien, vous saurez à la fin de ce cours utiliser à bon escient et dans des cas simplesdeux méthodes numériques fondamentales pour l’ingénieur : les différences finies pour l’intégrationen temps des équations d’évolution, et les éléments finis pour la résolution des problèmes varia-tionnels typiquement rencontrés en mécanique. Vous serez également capables de déterminer si lesproblèmes à résoudre sont bien posés d’un point de vue théorique (en vérifiant que les conditionsd’application des théorèmes d’existence/unicité des solutions sont remplies).

Ce module est un cours d’introduction accessible à toute la promotion, donnant une premièreidée de la force et des limites des méthodes mathématiques et numériques dans la résolution deproblèmes scientifiques concrets. C’est également un cours fondamental, à approfondir, pour lesétudiants souhaitant par la suite utiliser, voire développer, des méthodes numériques. Pour allerplus loin, on pourra consulter les ouvrages de la bibliographie (en analyse [1, 6, 9, 8] ou calculscientifique [2, 3, 4, 5, 7]).

Modalités générales

Il est essentiel d’insister sur le fait que les mathématiques appliquées ne sont pas un sportde spectateur ! Il faut pratiquer, par des exercices ou résolutions théoriques ou en effectuant dessimulations, et dans tous les cas pousser les raisonnements et/ou les ordinateurs dans leurs derniersretranchements pour vraiment comprendre ce qui est vrai/faux/simulable, etc. Tout a toujours l’airbeaucoup trop simple lorsque c’est l’enseignant qui le fait... Alors, à vous de jouer !

Pour vous rendre moteurs, ce cours est enseigné en “pédagogie active” (un mode connu sous lenom de “classe inversée”) : le cours est appris à la maison par les étudiants, et les séances de courssont réservées à des discussions sur des points techniques fins (discussions lancées à l’initiativedes étudiants, s’ils ont préparé des questions), et à la résolution d’exercices en groupes librementcomposés de 3/4 personnes. Un des intérêts du travail de groupe est de vous pousser à vousexpliquer vos raisonnements les uns les autres – selon l’adage que l’on comprend mieux quelquechose quand on l’a expliqué...

Ce cours est valorisé à 3,5 ECTS, ce qui signifie que, selon les normes de la commission eu-ropéenne, vous devriez travailler en moyenne 85 h sur le semestre pour cet enseignement. Il fautdonc compter environ 2 à 3h de travail régulier par semaine pour ce cours, plus quelques révisionsspécifiques aux examens. L’idée est qu’un travail sérieux et continu, surtout en début de semestre,vous permettra de limiter les révisions des examens, et vous permettra une meilleure assimilationdu matériau présenté.

De manière pratique, en arrivant, vous commencerez par placer les tables dans la bonne configu-ration (en les remettant en fin de séance). Il n’y a pas de pause officielle mais des pauses “volantes” :c’est à chacun de s’échapper en fonction de ses besoins pour le temps qu’il faut.

Concrètement, votre travail d’une semaine à l’autre consistera à :

Page 4: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

VI Organisation du cours

(1) lire les pages du poly qui seront demandées. La version électronique du poly est disponible àl’adresse

http : //cermics.enpc.fr/∼stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf

Les sections à lire portent sur des notions qui seront mises en oeuvre la semaine suivante. At-tention, “lire” veut dire bien apprendre par coeur toutes les définitions, comprendre le contenudes résultats (théorèmes, propositions, etc), et avoir un minimum réfléchi à l’articulation des-dits résultats. Il vaut mieux prévoir plusieurs (re)lectures du matériau, espacées dans le temps,copieusement annoter le poly, mettre en évidence les résultats importants, refaire les petitscalculs qui sont menés, et éventuellement produire des fiches de synthèse à usage personnel ;

(2) voir le corrigé des exercices de la semaine précédente sur le poly mis à jour chaque semaine, àl’adresse

http : //cermics.enpc.fr/∼stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_corrige.pdf

C’est en particulier l’occasion de comparer votre rédaction à celle que nous proposons. Il estessentiel que vous compreniez parfaitement la résolution des exercices. Le corrigé proposeégalement quelques compléments techniques qui intéresseront ceux qui souhaitent continuerleurs études en mathématiques.

Nous ferons de temps en temps, en fin de séance et en amphi pour la promo entière, des tempsde restructuration permettant de mieux organiser les concepts et idées nouvelles que vous aurezappréhendés lors des séances précédentes.

Il y aura également une heure de type “office hour” par semaine, typiquement le vendredi. Votreparticipation est sur la base du volontariat. L’enseignant responsable, Gabriel Stoltz, sera présentpour répondre à vos questions – sur le cours, les exercices, leur corrigé, etc. Certaines “office hours”seront dédiées à un support technique pour des rendus de TP informatique. Dans tous les cas,vous êtes vivement encouragés à venir avec des questions préparées.

Contacter les enseignants

Le mode de contact que nous préférons de loin est le mail. En ce qui concerne l’enseignantresponsable, vous pouvez le joindre à l’adresse [email protected]. Son bureau est situé au3eme étage du bâtiment Coriolis (B306).

Evaluation

La note finale sera obtenue de la manière suivante :• examen de mi-parcours : 6 points. Le poly de cours et les notes personnelles sont autori-

sées. Insistons de suite sur l’importance que nous accordons à la rédaction dans ce cours etdonc à l’examen : une réponse n’est correcte que lorsqu’elle est bien rédigée. Rien ne nousinsupporte plus qu’une suite d’équations mathématiques sans texte ni marque de raisonne-ment/progression. Ce n’est pas au correcteur de combler les blancs et vides de la rédaction.C’est à l’étudiant de s’inspirer des rédactions modèles des corrigés écrits mis en ligne chaquesemaine. Pas de tentative de bluff, ou de raisonnement “par hasard” (on liste tous les argu-ments, il y en a bien un qui donne le résultat que souhaite le prof : on ne dégaine pas si onne tire pas !).

• examen final : 6 points. Mêmes documents autorisés que ci-dessus.• contrôle continu : 8 points. La note du contrôle continu sera obtenue à partir des notes de

(i) rendus de deux TPs informatiques réalisés en binôme, avec discussion avec l’enseignantde votre groupe qui vérifiera que les deux membres du binôme ont bien compris tout cequi avait été fait (ce, afin d’éviter les passagers clandestins...) ;

Page 5: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Organisation du cours VII

(ii) un certain nombre de quizz surprises (de l’ordre de 4 à 6), durant 10 minutes, et ayanten tout début de séance, directement après les réponses à vos questions portant sur lecours de la semaine précédente ou sur les pages du poly à lire pour la séance. Ce testpourra comporter des questions ouvertes (du type “donner la définition de...” ou “donnerun exemple de...”), ou se présenter sous forme de QCM. Attention, si vous êtes en retardou absent sans excuse valable, votre temps de composition sera réduit voire vous aureztout simplement 0.

La moyenne de la note de contrôle continu sera la moyenne des notes des différents travaux.Si vous avez eu deux absences non-justifiées/non-excusées ou plus, nous retirerons 2 pointsde la note de contrôle continu. Nous vous rappelons par ailleurs que la plus élémentairepolitesse consiste à prévenir l’enseignant de votre petite classe à l’avance de vos absences enles justifiant.

Programme du cours

La première partie du cours (4 séances approximativement) se concentre sur la notion de com-plétude et les espaces de Banach (en se focalisant sur des exemples importants, par exemple l’espacedes fonctions continues). Concernant les méthodes numériques, on considère l’approximation parles méthodes à un pas des équations différentielles ordinaires.

Dans la seconde partie du cours (8 séances approximativement), on étudie les espaces de Hilbert,notamment L2. On introduit également les distributions en dimension un d’espace. Cela permetde poser les problèmes variationnels et de les résoudre par le biais du théorème de Lax Milgram.Ce dernier théorème donne également le cadre théorique adéquat pour l’approximation numériquepar la méthodes des éléments finis (P1 en dimension 1).

Comment ce cours a été ressenti par le passé...

D’une manière générale vos camarades des années précédentes ont apprécié les enseignementsen pédagogie active. Les remarques des élèves nous ont conduit à introduire les temps de re-structuration, prévus dans le planning ou faits à la demande des élèves en “office hour”. Quelquesétudiants préféreraient un cours au tableau : l’expérience montre qu’une majorité d’élèves entremieux dans la compréhension des concepts par le travail en groupe sur les exercices. Les résultatsen fin de module sont en moyenne meilleurs avec cette pédagogie. Les quizz surprise ont pu pa-raitre infantilisants à certains de vos camarades. Nous faisons le choix de les conserver pour vousinciter fortement au travail régulier. Le travail à la maison est nécessaire et, dans cette pédagogie,la lecture du poly doit impérativement précéder le travail en classe. Les quizz répondent d’ailleursà la demande d’autres élèves qui reconnaissent avoir besoin d’incitations pour réguler leur travailpersonnel.

Champs-sur-Marne, 02 juillet 2015

Gabriel Stoltz

Page 6: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

VIII Organisation du cours

Plan et contenu des séances

La nomenclature est la suivante :• Lire sections.... : à faire avant la séance en question (pas pendant). Il s’agit de travailler

les pages correspondantes en se concentrant sur les définitions et les résultats importantsénoncés sous forme de théorème, proposition, etc. Attention, il ne suffit pas de lire ces pagesen dilettante, il faut vraiment chercher à mémoriser les définitions, se demander si on a biencompris les résultats énoncés et leurs articulations. Il n’est en revanche bien sûr pas nécessairede lire les énonces des exercices. Les sections notées “complément” peuvent également êtreomises, et les remarques sont moins importantes que le reste du contenu.

• EO signifie “exercices obligatoires”, ceux à traiter en séance et exigibles à l’examen. Si vousn’avez pas eu le temps de les résoudre en séance, vous devez absolument travailler le corrigé ;

• EC signifie “exercices complémentaires”, à traiter en séance une fois que vous avez traitétous les exercices obligatoires, ou chez vous pour vous entraîner. Ces exercices sont dansl’ensemble plutôt faciles une fois les exercices obligatoires maîtrisés, et permettent de mieuxappréhender les concepts du cours. Ces exercices ne sont pas toujours corrigés ;

• ES signifie “exercices supplémentaires”, plus difficiles, à traiter à la maison, plutôt pour lesétudiants se destinant à faire des mathématiques dans la suite de leur cursus. Ces exercicesne sont pas toujours corrigés.

Séance 1 (14 septembre) Espaces de BanachPrésentation du contrat pédagogiqueEO : 1.1, 1.2, 1.4, 1.9, 1.14EC : 1.5, 1.6, 1.8, 1.10, 1.11, 1.13, 1.15ES : 1.3, 1.7, 1.12

Séance 2 (21 septembre) Applications dans les espaces de BanachLire Chapitre 1 et Section 2.1Quizz blancRestructurationEO : 1.16, 1.19, 2.1, 2.5EC : 2.2, 2.4, 2.6, 2.7ES : 1.17, 1.18, 2.3

Séance 3 (28 septembre) Théorème de point fixeLire Sections 2.2, 2.3, 2.4, 3.2.1EO : 2.8, 2.13, 2.14, 3.1EC : 2.11, 2.15ES : 2.9, 2.10, 2.12

Séance 4 (5 octobre) Intégration des équations différentielles ordinairesLire Sections 3.3 et 3.4RestructurationDistribution des sujets de TPsEO : 3.2, 3.3, 3.7EC : 3.4, 3.5ES : 3.6, 3.8

Séance 5 (12 octobre) Espaces de HilbertLire Chapitre 4EO : 4.1, 4.3, 4.5, 4.6EC : 4.2, 4.4ES : 4.7

Page 7: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Organisation du cours IX

Séance 6 (19 octobre) Espaces de LebesgueLire Chapitre 5RestructurationEO : 5.2, 5.8, 5.9, 5.12EC : 5.1, 5.4, 5.5, 5.7, 5.11, 5.14ES : 5.3, 5.6, 5.10, 5.13

(date à préciser) Examen de mi-parcours

Séance 7 (16 novembre) Distributions (1)Lire Sections 6.1, 6.2EO : 6.1, 6.2, 6.6, 6.8, 6.9, 6.10, 6.15EC : 6.3, 6.4, 6.12ES : 6.5, 6.7, 6.11, 6.13, 6.14

Séance 8 (23 novembre) Distributions (2)Lire Sections 6.3, 6.4RestructurationEO : 6.16, 6.17, 6.19, 6.21, 6.23, 6.25, 6.28, 6.30EC : 6.18, 6.24, 6.26ES : 6.20, 6.22, 6.27, 6.29, 6.31

Séance 9 (30 novembre) Espaces de SobolevLire Chapitre 7EO : 7.1, 7.2, 7.6, 7.9, 7.12, 7.14EC : 7.7, 7.10, 7.11, 7.15ES : 7.3, 7.4, 7.5, 7.8, 7.13

Séance 10 (7 décembre) Formulations variationnellesLire Sections 8.1, 8.2.1RestructurationEO : 8.1, 8.3, 8.4, 8.5EC : 8.6, 8.7, 8.9ES : 8.2, 8.8, 8.10

Séance 11 (14 décembre) Méthode de GalerkineLire Sections 9.1, 9.2, 9.3.1 et 9.3.2Distribution des sujets de TPsEO : 9.1, 9.2, 9.3, 9.4, 9.5, 9.6ES : 9.7

Séance 12 (4 janvier) Méthode des éléments finisLire Section 9.3.3RestructurationRévisionsEO : 9.8, 9.9, 9.10ES : 9.11

(date à préciser) Examen final

Page 8: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 9: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Table des matières

Partie I Des espaces de Banach à l’intégration des équations différentielles ordinaires

1 Espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.1 Espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.1.1 Normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.1.2 Topologie des espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.1.3 Équivalence de normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

1.2 Espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.2.1 Suites de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.2.2 Espaces complets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.3 Exemples d’espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.4 Contre-exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2.5 Séries normalement convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

2 Applications continues dans les espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.1 Applications linéaires : définition et premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.2 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.3 Applications linéaires continues dans les espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.4 Applications non-linéaires : théorème du point fixe de Picard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires . . . . . . . . . . . . . . . 173.1 Motivation : dynamique céleste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.2 Etude du problème continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

3.2.1 Existence et unicité locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193.2.2 Existence et unicité globales (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

3.3 Approximation par les méthodes à un pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213.3.1 Principe de l’approximation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213.3.2 Exemples de méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213.3.3 Implémentation pratique des schémas implicites (complément) . . . . . . . . . . . 22

3.4 Analyse d’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223.4.1 Erreur de troncature locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233.4.2 Stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243.4.3 Convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Partie II Des distributions à la méthode des éléments finis

Page 10: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

XII Table des matières

4 Espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294.1 Définitions et premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

4.1.1 Espaces euclidiens et hermitiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294.1.2 Inégalité de Cauchy-Schwarz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304.1.3 Espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4.2 Théorème de projection orthogonale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314.3 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324.4 Théorème de Riesz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

5 Espaces de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355.1 Fonctions égales presque partout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355.2 Espace L1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

5.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365.2.2 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5.3 Espace L2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385.4 Espace L∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395.5 Autres espaces Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

5.5.1 Relations entre les espaces Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415.5.2 Dualité entre les espaces Lp (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415.5.3 Espaces Lp

loc (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

6 Distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436.1 Fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

6.1.1 Définition des fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446.1.2 Quelques propriétés des fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

6.2 Définition des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 456.2.1 Quelques exemples importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466.2.2 Fonctions localement intégrables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466.2.3 Multiplication par une fonction C∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

6.3 Dérivation au sens des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486.3.1 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486.3.2 Dérivation en dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

6.4 Convergence des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506.4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506.4.2 Lien avec la convergence presque partout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516.4.3 Cas des distributions induites par des fonctions Lp

loc (complément) . . . . . . . . 51

7 Espaces de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537.1 Espaces Hk(Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537.2 Espace H1

0 (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547.2.1 Définition abstraite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547.2.2 Inégalité de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 557.2.3 Caractérisation alternative des espaces H1

0 (]a, b[) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567.3 Espace H−1(Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

8 Formulations faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578.1 Théorème de Lax-Milgram . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 588.2 Résolution de problèmes aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

8.2.1 Problème de Poisson (régularisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 598.2.2 Advection-diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 618.2.3 Autres exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Page 11: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Table des matières XIII

9 Méthode des éléments finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 659.1 Motivation : des problèmes issus de la mécanique et de la thermique . . . . . . . . . . . . 65

9.1.1 Transferts thermiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 669.1.2 Équilibre d’une membrane élastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

9.2 La méthode de Galerkine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.2 Estimation d’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.3 Système linéaire associé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

9.3 Éléments finis en dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699.3.1 Maillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699.3.2 Élément fini de Lagrange P1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 709.3.3 Application au problème de Dirichlet (9.1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Partie III Appendice

Rappels de théorie de la mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

Page 12: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 13: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Partie I

Des espaces de Banach à l’intégration des équations

différentielles ordinaires

Page 14: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 15: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

1

Espaces de Banach

1.1 Espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.1.1 Normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.1.2 Topologie des espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.1.3 Équivalence de normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

1.2 Espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.2.1 Suites de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.2.2 Espaces complets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.3 Exemples d’espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.4 Contre-exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2.5 Séries normalement convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Les espaces de Banach sont des espaces vectoriels de dimension finie ou infinie jouissant depropriétés particulières. À travers l’étude des exemples présentés, on retiendra avant tout le faitque certains résultats bien connus en dimension finie ne sont plus valables en dimension infinie, cequi justifie l’emploi de nouveaux concepts.

1.1 Espaces vectoriels normés

Cette section contient essentiellement des rappels sur les normes. Dans un premier temps, nousne considérerons que deux exemples d’espaces vectoriels de dimension infinie : les espaces Ck dontles éléments sont des fonctions suffisamment régulières et les espaces ℓp dont les éléments sont dessuites. Notre “collection” d’espaces vectoriels normés de dimension infinie s’enrichira au fil de lalecture de cet ouvrage.

1.1.1 Normes

Soit K un corps qu’on prendra égal à R ou C. Pour x ∈ K, on notera |x| sa valeur absolue six ∈ R et son module si x ∈ C. Par ailleurs, on utilisera l’abréviation K-ev pour désigner un espacevectoriel sur K.

Définition 1.1. Soit V un K-ev. Une norme est une application définie sur V à valeurs dans R+,notée ‖ · ‖V , et satisfaisant les trois propriétés suivantes :

(i) ‖v‖V = 0 ⇐⇒ v = 0,

(ii) ∀λ ∈ K, ∀v ∈ V , ‖λv‖V = |λ| ‖v‖V ,

(iii) inégalité triangulaire : ∀(v, w) ∈ V × V , ‖v + w‖V 6 ‖v‖V + ‖w‖V .

Page 16: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

4 1 Espaces de Banach

Exemple 1.1 (Espaces de dimension finie). Soit un entier d > 1. On considère le K-ev Kd de

dimension finie d. On pose, pour tout réel p tel que 1 6 p <∞,

∀v = (v1, . . . , vd) ∈ Kd, ‖v‖p =

(d∑

i=1

|vi|p)1/p

, (1.1)

et pour p = ∞,∀v = (v1, . . . , vd) ∈ K

d, ‖v‖∞ = max16i6d

|vi|. (1.2)

On vérifie facilement que ‖ · ‖p, 1 6 p 6 ∞, définit une norme sur Kd. Le seul point technique

consiste à montrer l’inégalité triangulaire, qui est prouvée dans un cas plus général dans l’Exer-cice 1.4. ⊓⊔

Présentons à présent deux exemples importants d’espaces vectoriels de dimension infinie.

Exemple 1.2 (Espaces Ck). Soit [a, b] un intervalle de R et C0([a, b]) l’espace vectoriel constituédes fonctions continues sur [a, b] à valeurs dans K. L’application ‖ · ‖C0([a,b]) qui à f ∈ C0([a, b])associe

‖f‖C0([a,b]) = supt∈[a,b]

|f(t)|, (1.3)

définit une norme sur C0([a, b]). Plus généralement, pour un entier k > 0, on note Ck([a, b])l’espace vectoriel constitué des fonctions k fois continûment dérivables sur [a, b] à valeurs dans K.L’application ‖ · ‖Ck([a,b]) qui à f ∈ Ck([a, b]) associe

‖f‖Ck([a,b]) = max06l6k

supt∈[a,b]

∣∣∣f (l)(t)∣∣∣ , (1.4)

définit une norme sur Ck([a, b]). On définit de manière similaire les espaces Ck(R). ⊓⊔

Exercice 1.1. Vérifier que (1.3) définit bien une norme sur C0([a, b]).

Exercice 1.2. Vérifier que l’application f 7→ ‖f‖L1 =´ b

a|f(x)| dx définit bien une norme sur

C0([a, b]).

Exercice 1.3. Vérifier que (1.4) définit bien une norme sur Ck([a, b]) pour tout k ∈ N. Montrerégalement que l’application f 7→ |f(0)|+

´ b

a|f ′(s)| ds définit également une norme sur C1([a, b]).

Exemple 1.3 (Espaces ℓp). On considère des espaces de suites u = (ui)i>0 ∈ KN à valeurs

dans K. Pour 1 6 p 6 ∞, on considère l’ensemble

ℓp =u ∈ K

N, ‖u‖ℓp < +∞,

où on a introduit

‖u‖ℓp =

Ñ

i>0

|ui|pé1/p

, 1 6 p <∞, (1.5)

et‖u‖ℓ∞ = max

i>0|ui|. (1.6)

On vérifie que ℓp est un K-espace vectoriel et que ‖ · ‖ℓp définit bien une norme sur ℓp (voirExercice 1.4). ⊓⊔

Page 17: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

1.1 Espaces vectoriels normés 5

Exercice 1.4. L’objet de cet exercice est de montrer que les ℓp sont bien des espaces vectoriels nor-més. Le point technique principal consiste à établir l’inégalité triangulaire, qui est une conséquencedirecte de l’inégalité de Minkowski :

∀u, v ∈ ℓp, 1 6 p <∞,

(+∞∑

i=1

|ui + vi|p)1/p

6

(+∞∑

i=1

|ui|p)1/p

+

(+∞∑

i=1

|vi|p)1/p

. (1.7)

(1) Montrer que ℓ∞ est un espace vectoriel et que (1.6) définit une norme. On se limite donc dansla suite à 1 6 p < +∞ ;

(2) Vérifier que ℓp est un espace vectoriel ;

(3) Soient 1 6 p, p′ 6 ∞ avec1

p+

1

p′= 1. En utilisant la concavité de la fonction f : R+ → R

définie par f(t) = ln t, montrer que pour x et y réels positifs, on a l’inégalité de Young

xy 6xp

p+yp

p′. (1.8)

(4) Montrer l’inégalité de Hölder

∀(u, v) ∈ ℓp × ℓp′

,+∞∑

i=1

|uivi| 6(

+∞∑

i=1

|ui|p)1/p( N∑

i=1

|vi|p′

)1/p′

. (1.9)

Indication : on appliquera l’inégalité (1.8) à xi = |ui|/‖u‖p et yi = |vi|/‖v‖p′ ;

(5) Prouver l’inégalité de Minkowski. Indication : remarquer que |ui + vi|p 6 |ui| |ui + vi|p−1 +|vi| |ui + vi|p−1, et appliquer l’inégalité de Hölder (1.9) aux deux termes du membre de droitede l’inégalité.

Nous introduirons d’autres espaces vectoriels normés de dimension infinie, plus intéressantspour l’analyse des problèmes posés en sciences de l’ingénieur (EDP, analyse harmonique, ...) lorsquenous disposerons des notions d’intégrale de Lebesgue et de distribution.

1.1.2 Topologie des espaces vectoriels normés

Cette section rappelle brièvement diverses notions d’analyse vues en premier cycle universitaire.

Définition 1.2. Soit V un K-ev normé équipé d’une norme ‖ · ‖V . On dit qu’un ensemble O ⊂ Vest ouvert dans V si

∀x ∈ O, ∃r > 0 tel que Bx(r) ⊂ O,

où Bx(r) = y ∈ V, ‖y − x‖V < r est la boule ouverte de centre x et de rayon r. On dit qu’unensemble F ⊂ V est fermé dans V si l’ensemble V \ F est ouvert dans V .

L’ensemble des ouverts de V selon la définition ci-dessus est appelé la topologie de V induitepar la norme ‖ ·‖V . Lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté, on dira simplement qu’un ensemble est ouvertou fermé, sans préciser “dans V ”.

Proposition 1.1. Soit V un K-ev normé équipé d’une norme ‖ · ‖V . Soit F un fermé dans V etsoit (un)n>0 une suite d’éléments de F . Alors, si (un)n>0 converge dans V , sa limite est dans F .

Preuve. Le complémentaire de F étant ouvert, la limite de la suite (un)n>0 ne peut s’y trouver. ⊓⊔Définition 1.3. Soit V un K-ev normé équipé d’une norme ‖·‖V et A un ensemble inclus dans V .

On définit l’adhérence de l’ensemble A dans V et on note AV

l’ensemble des points de V qui sontlimites de points de A.

Proposition 1.2. L’ensemble F est fermé dans V si et seulement si F = FV.

Exercice 1.5. Ecrire la preuve de la Proposition 1.2.

Définition 1.4. On dit qu’un ensemble A ⊂ V est dense dans V si AV= V .

Page 18: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6 1 Espaces de Banach

1.1.3 Équivalence de normes

Sur un espace vectoriel, on peut considérer plusieurs normes et il est légitime de se demandersi les topologies induites sont les mêmes. Pour cela, nous introduisons la notion d’équivalence denormes.

Définition 1.5. Soit V un K-ev. On dit que deux normes ‖ · ‖V,1 et ‖ · ‖V,2 sont équivalentes surV s’il existe deux constantes c−, c+ > telles que

∀v ∈ V, c− ‖v‖V,2 6 ‖v‖V,1 6 c+ ‖v‖V,2. (1.10)

L’importance de la Définition 1.5 provient du fait que si deux normes sont équivalentes, ellesinduisent la même topologie, au sens suivant.

Proposition 1.3. Soit V un K-ev équipé de deux normes équivalentes ‖ · ‖V,1 et ‖ · ‖V,2. SoitO ⊂ V . Alors, O est ouvert pour ‖ · ‖V,1 si et seulement si O est ouvert pour ‖ · ‖V,2.

Exercice 1.6. Ecrire la preuve de la Proposition 1.3.

Proposition 1.4. Si V est un K-ev de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes.

Exercice 1.7. L’objectif de cet exercice est de prouver la Proposition 1.4. Soit (e1, . . . , ed) unebase de V . Pour v ∈ V , on note (v1, . . . , vd) les coordonnées de v dans cette base.

(1) Vérifier qu’il suffit de montrer que toutes les normes de V sont équivalentes à la norme ‖ · ‖∞donnée par (1.2) ;

(2) Soit ‖·‖V une norme de V . De l’inégalité triangulaire, déduire qu’il existe une constante K > 0telle que ∀v ∈ V , ‖v‖V 6 K ‖v‖∞ ;

(3) Soit B∞ la boule unité (fermée) de V pour la norme ‖ · ‖∞. Déduire de la question précédenteque l’application

id : (B∞, ‖ · ‖∞) → (B∞, ‖ · ‖V )v 7→ v,

est continue ;

(4) En utilisant un argument de compacité, montrer qu’il existe une constante C > 0 telle que∀v ∈ V , ‖v‖∞ 6 C ‖v‖V .

La Proposition 1.4 ne s’étend pas aux espaces vectoriels normés de dimension infinie. Nousprésentons quelques contre-exemples.

Contre-exemple 1.1 (Non-équivalence de normes sur C0). Sur C0([0, 1]), l’application f 7→‖f‖L1 =

´ 1

0|f(s)| ds définit bien une norme (voir Exercice 1.2), mais celle-ci n’est pas équivalente

à la norme ‖ · ‖C0([0,1]). Plus précisément, on a clairement la majoration ‖f‖L1 6 ‖f‖C0 pour toutf ∈ C0([0, 1]). En revanche, il n’existe pas de constante c ∈ R+ telle que ‖f‖C0 6 c ‖f‖L1 . Onpeut en effet considérer pour tout ε > 0, les fonctions fε définies par fε(t) = 1− t/ε pour t ∈ [0, ε]et fε(t) = 0 sinon (voir Figure 1.1). Ces fonctions satisfont ‖fε‖C0 = 1 alors que ‖fε‖L1 = ε/2.

Contre-exemple 1.2 (Non-équivalence de normes sur C1). Sur C1([0, 1]), ‖·‖C0([0,1]) définitbien une norme mais qui n’est pas équivalente à la norme ‖ · ‖C1([0,1]).

Exercice 1.8. Construire un tel contre-exemple.

Contre-exemple 1.3 (Non-équivalence de normes sur ℓ1). Sur ℓ1, l’application

‖ · ‖h : u 7→ ‖u‖h =∑

i>0

|ui|i+ 1

,

définit une norme et on a clairement ‖u‖h 6 ‖u‖l1 pour tout u ∈ ℓ1. En revanche, cette normen’est pas équivalente à la norme ℓ1, comme le montre l’exercice suivant.

Page 19: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

1.2 Espaces de Banach 7

0 1

1

ε

Fig. 1.1. Contre-exemple pour l’équivalence des normes en dimension infinie.

Exercice 1.9. Montrer qu’il n’existe pas de constante c > 0 telle que pour tout u ∈ ℓ1, on ait‖u‖ℓ1 6 c ‖u‖h. On pourra considérer, pour tout entier N > 0, la suite uN ∈ ℓ1 telle que uNi = 1si i 6 N et 0 sinon.

Remarque 1.1. Si V est un K-ev normé et F un sous-espace de dimension finie, alors F estnécessairement fermé. Ce n’est plus le cas si F est de dimension infinie. À titre de contre-exemple,on pourra considérer C1([−1, 1]) comme sous-espace de C0([−1, 1]) équipé de la norme ‖ · ‖C0 etla famille de fonctions fε ∈ C1([−1, 1]) définies par (voir Figure 1.2)

fε(t) =

|t| si |t| > ε,

ε

2

ñ

1 +

Å

t

ε

ã2ô

si |t| 6 ε.

1

εf

1ε0−ε−1

Fig. 1.2. Illustration de la Remarque 1.1.

1.2 Espaces de Banach

Cette section introduit la notion de complétude : un espace vectoriel normé est dit complet sitoute suite de Cauchy y est convergente. De tels espaces, appelés espaces de Banach, interviendrontfréquemment dans la suite de ce cours car ils jouissent de plusieurs propriétés remarquables.

1.2.1 Suites de Cauchy

Définition 1.6. Soit V un K-ev normé. On dit qu’une suite (un)n>0 d’éléments de V est deCauchy si on a la propriété suivante :

∀ε > 0, ∃N > 0, ∀n > N, ∀p > 0, ‖un+p − un‖V 6 ε. (1.11)

Les deux résultats suivants sont des conséquences immédiates de la Définition 1.6.

Proposition 1.5. Toute suite convergente est de Cauchy.

Proposition 1.6. Toute suite de Cauchy est bornée.

Page 20: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

8 1 Espaces de Banach

Le résultat suivant montre qu’une suite de Cauchy reste une suite de Cauchy lorsqu’on appliqueune fonction suffisamment régulière.

Proposition 1.7. Soit V1 et V2 deux K-ev normés et (un)n>0 une suite de Cauchy dans V1. Soitf : V1 → V2 une application uniformément continue. Alors, la suite (f(un))n>0 est de Cauchydans V2.

Exercice 1.10. Prouver ce résultat.

1.2.2 Espaces complets

La réciproque de la Proposition 1.5 n’étant pas vraie d’une façon générale, cela motive ladéfinition suivante.

Définition 1.7. Un K-ev V est dit complet pour la norme ‖ · ‖V si toute suite de Cauchy estconvergente. Un K-ev complet pour sa norme est appelé un espace de Banach.

Le caractère complet d’un espace ne change pas si on modifie la norme par une norme équiva-lente, ainsi que le montre le résultat suivant.

Proposition 1.8. Soit V un K-ev équipé de deux normes équivalentes ‖ · ‖V,1 et ‖ · ‖V,2. Alors, Vest complet pour la norme ‖ · ‖V,1 si et seulement si il est complet pour la norme ‖ · ‖V,2.

Exercice 1.11. Montrer ce résultat. Noter qu’il suffit de montrer que si V est complet pour lanorme ‖ · ‖V,1, alors il est complet pour la norme ‖ · ‖V,2.

L’étude des espaces complets est très simple en dimension finie, puisque nous avons le résultatsuivant.

Proposition 1.9. Tout K-espace vectoriel normé de dimension finie est complet.

Exercice 1.12. Prouver ce résultat lorsque K = R, en admettant que R est complet (ce qui estvrai par construction de cet ensemble). Pour ce faire, introduire une une suite de Cauchy (un)n>0,et utiliser l’équivalence des normes pour montrer que chacune des composantes (un,1, . . . , un,d)de un converge dans R.

Remarque 1.2. Du fait du résultat précédent, l’expression “espace de Banach” ne s’emploie guèreen dimension finie. Elle est plutôt réservée à la dimension infinie où la notion de complétude estplus riche.

Proposition 1.10. Soit V un espace de Banach et F un sous-espace fermé de V . Alors, F équipéde la norme induite par V est un espace de Banach.

Exercice 1.13. Prouver ce résultat.

Nous donnons dans les prochaines sous-sections des exemples et contre-exemples d’espaces deBanach.

1.2.3 Exemples d’espaces de Banach

Proposition 1.11. Pour 1 6 p 6 ∞, l’espace ℓp équipé de la norme ‖ · ‖lp est un espace deBanach.

Exercice 1.14. Prouvons ce résultat lorsque 1 6 p < ∞ en montrant que toute suite de Cauchyest convergente (nous savons déjà que ℓp est un espace vectoriel normé par l’Exercice 1.4).

(1) Soit (un)n>0 une suite de Cauchy dans ℓp. On note un,m le m-ième terme de la suite un.Montrer que pour tout m > 0, la suite (un,m)n>0 est de Cauchy dans K, et converge donc versune limite notée lm ;

Page 21: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

1.2 Espaces de Banach 9

(2) On note l = (lm)m>0 la suite de terme général lm. Montrer que l ∈ ℓp. Indication : montrerpour commencer qu’il existe une constante C telle que pour tout n > 0 et pour tout I > 0,

(I∑

i=0

|un,i|p)1/p

6 ‖un‖ℓp 6 C;

(3) Montrer que (un)n>0 converge vers l dans ℓp. Indication : en se donnant ε > 0, montrer qu’ilexiste N > 0 tel que pour n > N et q > 0 et pour tout I > 0, on ait

(I∑

i=0

|un+q,i − un,i|p)1/p

6 ‖un+q − un‖ℓp 6 ε.

Exercice 1.15. Reprendre l’Exercice 1.14 dans le cas p = ∞.

Proposition 1.12. L’espace C0([a, b]) équipé de la norme ‖ · ‖C0([a,b]) est un espace de Banach.

Exercice 1.16. Nous allons prouver ce résultat en montrant que toute suite de Cauchy (un)n>0

de C0([a, b]) converge dans C0([a, b]). Pour ce faire,

(1) Montrer que pour tout x ∈ [a, b], la suite (un(x))n>0 est de Cauchy dans R, donc convergente.On note u(x) sa limite.

(2) Montrer que u est continue en utilisant l’inégalité triangulaire

∀x, y ∈ [a, b], |u(y)− u(x)| 6 |u(y)− uN (y)|+ |uN (y)− uN (x)|+ |u(x)− uN (x)|,

et la continuité de uN .

(3) Montrer que (un)n>0 converge vers u dans C0([a, b]).

Exercice 1.17. L’objectif de cet exercice est de généraliser la Proposition 1.12 dans le cas oùl’espace d’arrivée est un espace de Banach plutôt que K = R ou C. Soit E un espace de Banach. Onnote F = C0([a, b];E) l’espace vectoriel des fonctions définies et continues sur [a, b] à valeurs dansE. On considère sur F l’application ‖·‖F : F → R qui à f ∈ F associe ‖f‖F = maxt∈[a,b] ‖f(t)‖E.

(1) Vérifier que ‖ · ‖F définit bien une norme sur F .

(2) En reprenant la preuve de la Proposition 1.12, montrer que F équipé de la norme ‖ · ‖F est unespace de Banach.

1.2.4 Contre-exemples

Contre-exemple 1.4. L’espace C0([0, 1]) équipé de la norme ‖f‖L1 =´ 1

0|f(s)| ds n’est pas un

espace de Banach. En effet, considérons la suite de fonctions (fn)n>1 définie par (voir Figure 1.3)

fn(t) =

0 si 0 6 t 61

2− 1

n,

n

2

Å

t− 1

2+

1

n

ã

si1

2− 1

n6 t 6

1

2+

1

n,

1 si1

2+

1

n6 t 6 1.

(1.12)

La suite (fn)n>1 converge en norme ‖ · ‖L1 vers la fonction f∗ qui vaut 0 si 0 6 t 6 1/2 et 1 sinon.Elle est donc de Cauchy pour cette norme. Cependant, la fonction f∗ n’appartient pas à C0([0, 1]).

Exercice 1.18. Soit un réel p avec 1 < p < ∞. Montrer par un contre-exemple que C0([0, 1])équipé de la norme

‖f‖Lp =

Ç

ˆ 1

0

|f(s)|p dså1/p

n’est pas un espace de Banach.

Page 22: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

10 1 Espaces de Banach

1

f n

1/2−1/n

1/2+1/n

1

Fig. 1.3. Graphe de la fonction fn définie en (1.12).

1.2.5 Séries normalement convergentes

Un des intérêts des espaces de Banach est que l’étude de la convergence des séries peut se fairede façon particulièrement simple en étudiant leur convergence normale.

Définition 1.8. Soit V un espace vectoriel normé. Soit (un)n>0 une suite d’éléments de V . Ondit que la série de terme général un est normalement convergente si la série

∑n>0 ‖un‖V est

convergente.

Théorème 1.1. Un espace vectoriel normé V est un espace de Banach si et seulement si toutesérie normalement convergente est convergente.

Exercice 1.19. Cet exercice a pour objectif de prouver le Théorème 1.1.

(1) Montrer qu’une série normalement convergente Sn =∑n

m=0 um est de Cauchy donc converge.

(2) Pour la réciproque, on considère une suite de Cauchy (un)n>0. Justifier qu’on peut extraireune suite vn = uϕ(n) telle que

‖vn+1 − vn‖V 61

2n+1.

Montrer que (vn)n>0 converge. En déduire que (un)n>0 converge.

Page 23: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

2

Applications continues dans les espaces de Banach

2.1 Applications linéaires : définition et premières propriétés . . . . . . . . . 11

2.2 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

2.3 Applications linéaires continues dans les espaces de Banach . . . . . . . 14

2.4 Applications non-linéaires : théorème du point fixe de Picard . . . . . 15

2.1 Applications linéaires : définition et premières propriétés

Dans cette section, V et W désignent deux K-ev normés équipés respectivement des normes‖ · ‖V et ‖ · ‖W .

Proposition 2.1. Soit A une application linéaire de V dans W . Les propositions suivantes sontéquivalentes :

(1) A est continue.

(2) A est continue en 0.

(3) Il existe une constante c ∈ R+ telle que

∀u ∈ V, ‖Au‖W 6 c ‖u‖V .

Exercice 2.1. Nous allons prouver la Proposition 2.1. L’implication (1) =⇒ (2) est évidente.

(1) Montrer que (3) =⇒ (1).

(2) Montrer que (2) =⇒ (3) en considérant η u/‖u‖V pour η > 0 suffisamment petit.

Lorsque l’espace de départ V est de dimension finie, toutes les applications linéaires sontcontinues, ainsi que le montre le résultat suivant. Ce n’est plus vrai en revanche si l’espace dedépart est de dimension infinie, ainsi que le montrent les (contre)exemples qui suivent.

Proposition 2.2. Soit A une application linéaire de V dans W . Supposons V de dimension finie.Alors, A est nécessairement continue.

Exercice 2.2. Montrer ce résultat.

Exemple 2.1 (Application linéaire continue en dimension infinie). L’application qui àf ∈ C1([a, b]) associe f ′ ∈ C0([a, b]) est linéaire continue lorsque ces espaces sont équipés desnormes ‖ · ‖C1([a,b]) et ‖ · ‖C0([a,b]).

Contre-exemple 2.1 (Application linéaire non continue en dimension infinie). L’appli-

cation de l’Exemple 2.1 n’est pas continue si C1([a, b]) est équipé de la norme |f(a)|+´ b

a|f ′(s)| ds.

Page 24: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

12 2 Applications continues dans les espaces de Banach

Exercice 2.3. Prouver cette affirmation en construisant un contre-exemple.

Remarque 2.1. De manière générale, d’autres contre-exemples peuvent être construits en consi-dérant deux normes ‖ · ‖V,1 et ‖ · ‖V,2 qui ne sont pas équivalentes. En effet, la continuité del’injection de V équipé de ‖ · ‖V,1 dans V équipé de ‖ · ‖V,2 équivaut à l’existence d’une constantec > 0 telle que ‖u‖V,2 6 c‖u‖V,1 pour tout u ∈ V .

Définition 2.1. L’espace vectoriel des applications linéaires continues de V dans W est notéL(V,W ).

Lorsque les espaces de départ et d’arrivée sont les mêmes, on note simplement L(V ) l’espacedes applications linéaires continues de V dans V .

Proposition 2.3. L’application

‖ · ‖L(V,W ) : L(V,W ) −→ R+

A 7−→ ‖A‖L(V,W ) = supu∈V \0

‖Au‖W‖u‖V

est une norme sur L(V,W ).

Exercice 2.4. Prouver ce résultat.

Exercice 2.5. On note E l’espace de Banach C0([a, b]) équipé de la norme ‖ · ‖C0([a,b]). Soitk : [a, b]2 → R une fonction continue sur [a, b]2 et ρ = max(x,y)∈[a,b]2 |k(x, y)|. Pour f ∈ E, onnote Af l’application de [a, b] dans R définie par

Af(x) =

ˆ b

a

k(x, y)f(y) dy.

Montrer que A est une application linéaire continue de E dans E. On commencera par montrerque Af ∈ E lorsque f ∈ E.

Exercice 2.6. Soit u ∈ RN. On note A l’opérateur qui à u associe la suite v = Au de terme

général vi = (−1)iui. Montrer que pour 1 6 p 6 ∞, A ∈ L(ℓp, ℓp) et que A est de norme 1.Reprendre l’exercice avec l’opérateur qui à u associe la suite v = Bu de terme général vi = ui+1.

Exercice 2.7. Soit γ un réel non nul. On considère l’opérateur A qui à f ∈ C0(R) associe g =Af ∈ C0(R) définie par g(t) = f(γt) pour t ∈ R. Montrer que A ∈ L(C0(R), C0(R)) et que A estde norme 1.

2.2 Dualité

Un cas particulier important d’applications linéaires continues entre K-ev normés est celui oùl’espace d’arrivée est W = K.

Définition 2.2. Soit V un K-ev normé. L’espace vectoriel L(V,K) est appelé l’espace dual de Vet est noté V ′. Un élément A ∈ V ′ est appelé une forme linéaire continue et son action sur unélément v ∈ V est notée à l’aide du crochet de dualité 〈· , ·〉V ′,V . L’espace V ′ est équipé de la normecanonique

‖A‖V ′ = supu∈V \0

|〈A, u〉V ′,V |‖u‖V

. (2.1)

Exemple 2.2. Soit [a, b] ⊂ R et c ∈ [a, b]. L’application qui à f ∈ C0([a, b]) associe f(c) est uneforme linéaire continue sur C0([a, b]) de norme 1.

Page 25: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

2.2 Dualité 13

Exemple 2.3. L’application qui à u ∈ ℓp, 1 6 p 6 ∞, associe u0 est une forme linéaire continuesur lp de norme 1.

Exercice 2.8. Prouver les assertions des Exemples 2.2 et 2.3.

Nous concluons cette section avec une caractérisation des sous-espaces denses. Ce résultat, dontla preuve repose sur un théorème profond d’analyse, le théorème de Hahn-Banach, est admis (onpourra consulter [1, pages 3]).

Théorème 2.1. Soit V un K-ev normé et Z un sous-espace vectoriel de V . Si toute forme linéairecontinue A ∈ V ′ qui s’annule sur Z est identiquement nulle sur V , alors Z est dense dans V .

Cas des espaces ℓp (complément)

Discutons plus précisément les formes linéaires sur les espaces ℓp pour 1 6 p 6 +∞. On traiteà part le cas p = +∞. Soit donc, pour commencer, 1 6 p <∞ et p′ tels que

1

p+

1

p′= 1,

avec p′ = ∞ si p = 1. Soit v ∈ ℓp′

. Alors, en posant pour tout u ∈ ℓp,

〈v, u〉(ℓp)′,ℓp =∑

i>0

uivi, (2.2)

on définit une forme linéaire continue sur ℓp, i.e. v ∈ (ℓp)′. De plus, l’application

v ∈ ℓp′ 7→ v ∈ (ℓp)′,

est linéaire, bijective et isométrique. Ce résultat, dont la preuve fait l’objet de l’Exercice 2.9,permet de faire l’identification (ℓp)′ = ℓp

pour 1 6 p <∞.En revanche, le dual de ℓ∞ ne coïncide pas avec ℓ1 mais est strictement plus grand 1 que ℓ1.

Exercice 2.9. On introduit l’application (v étant défini par (2.2))

T : ℓp′ → (ℓp)′

v 7→ v

(1) On commence par traiter le cas 1 < p < ∞. Montrer que l’application T est bien définie.Indication : en utilisant l’inégalité de Hölder (1.9), montrer que si u ∈ ℓp et v ∈ ℓp

, la série∑i>0 uivi est absolument convergente. En déduire que T (v) ∈ (ℓp)′ avec ‖T (v)‖(ℓp)′ 6 ‖v‖ℓp′ ;

(2) Montrer que l’application T est linéaire et injective ;

(3) Montrer que l’application T est surjective. Indication : soit ϕ ∈ (ℓp)′ donné. Pour tout entieri > 0, poser ei = (δij)j>0 où δij est le symbole de Kronecker et introduire la suite v de termegénéral vi = ϕ(ei). Montrer que v ∈ ℓp

et que T (v) = ϕ ;

(4) Montrer que T est une isométrie. Indication : il suffit de montrer que ‖v‖ℓp′ 6 ‖T (v)‖(ℓp)′ .Pour cela, se donner une suite v ∈ ℓp

et considérer la suite u de terme général ui =|vi|p

′−1 sgn(vi) ;

(5) Reprendre les étapes précédentes dans le cas où p = 1 et p′ = ∞.

1. En fait, on peut identifier ℓ1 au dual topologique du K-ev des suites de K à support fini, cet espaceétant strictement inclus dans ℓ∞. Voir à ce sujet l’Exercice 2.10.

Page 26: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

14 2 Applications continues dans les espaces de Banach

Exercice 2.10. On note c0 l’espace vectoriel formé par les suites de nombres (réels ou complexes)qui tendent vers 0. On munit c0 de la norme définie par

∀u = (un)n>0 ∈ c0, ‖u‖c0 = maxn∈N

|un|.

Pour tout k ∈ N, on note ek la suite (ekn)n>0 ∈ c0 définie par ekn = δkn pour tout n ∈ N.

(1) Soit a = (an)n>0 ∈ ℓ1. Vérifier que l’application linéaire

La(u) =∑

n∈N

an un

définit une forme linéaire continue sur c0, puis montrer que

‖La‖c′0 = ‖a‖ℓ1 .

(2) Soit Λ ∈ c′0, λk = Λ(ek) et

ul =∑

06k6l, λk 6=0

|λk|λk

ek.

Montrer que pour tout l ∈ N, ul ∈ c0, ‖ul‖c0 = 1 et

Λ(ul)=

l∑

k=1

|λk|.

En déduire que λ = (λk)k>0 ∈ ℓ1.

(3) Montrer que Λ = Lλ.

(4) En déduire que ℓ1 s’identifie au dual topologique de c0.

2.3 Applications linéaires continues dans les espaces de Banach

Théorème 2.2. Soit V un espace vectoriel normé et W un espace de Banach. Alors, L(V,W )équipé de la norme ‖ · ‖L(V,W ) est un espace de Banach.

Exercice 2.11. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 2.2. On introduit pour cefaire une suite de Cauchy (An)n>0 dans L(V,W ).

(1) La première étape est de construire un opérateur limite candidat. Montrer que pour tout u ∈ V ,la suite (Anu)n>0 est de Cauchy dans W . On notera lu sa limite.

(2) On définit une application A de V dans W qui à u ∈ V associe Au = lu ∈W . Montrer que Aest linéaire et borné.

(3) Conclure.

Le résultat suivant est une conséquence directe du Théorème 2.2, dans le cas où W = K estun espace de dimension finie donc complet.

Corollaire 2.1. Soit V un espace vectoriel normé. Alors, son espace dual V ′ est un espace deBanach.

Concluons cette section par un résultat utile pour la suite.

Proposition 2.4. Soit A une application linéaire, définie sur un sous-espace vectoriel D d’unespace vectoriel normé V , à valeurs dans un espace de Banach W . On suppose que D est densedans V et qu’il existe une constante C ∈ R telle que ‖Av‖W 6 C‖v‖V pour tout v ∈ D. Alors onpeut étendre l’application A de manière unique en un opérateur A ∈ L(V,W ).

Exercice 2.12. Prouver ce résultat. Pour cela, on procède de manière constructive : on considèreu ∈ V \D, et on montre comment définir Au comme limite d’une suite (Aun). En introduisantune suite (un)n>0 d’éléments de D telle que ‖u − un‖V → 0 (on justifiera l’existence d’une tellesuite), montrer qu’on peut définir Au de manière unique comme la limite de la suite (Aun)n>0.

Page 27: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

2.4 Applications non-linéaires : théorème du point fixe de Picard 15

2.4 Applications non-linéaires : théorème du point fixe de Picard

Nous étudions dans cette section une classe particulière d’applications dans les espaces deBanach : les applications contractantes. Nous allons voir qu’elles ont une propriété remarquablesur les espaces de Banach, celle d’avoir un unique point fixe. Insistons (lourdement) sur le fait que,contrairement aux applications des sections précédentes, les applications que nous considéronsdans cette section ne sont pas nécessairement linéaires, ni même affines – voir par exemples lesapplications introduites dans les Sections 3.2.1 et 3.3.2.

Définition 2.3. Soit V un espace vectoriel normé et A une application de V dans V . On dit queA est contractante s’il existe un réel α < 1 tel que

∀u, v ∈ V, ‖Au−Av‖V 6 α ‖u− v‖V . (2.3)

Une application contractante est en particulier continue.

Théorème 2.3. Soit V un espace de Banach, Z ⊂ V un sous-ensemble fermé de V , et A uneapplication contractante de Z dans Z. Alors, l’équation

Au = u,

admet une solution unique u∗ ∈ Z. Cette solution est appelée le point fixe de A.

Notons qu’on peut considérer le cas Z = V lorsque l’application A est contractante sur toutl’espace V . Notons également que Z est n’a pas besoin d’être un sous-espace vectoriel. Dans lesapplications pratiques de ce théorème, c’est typiquement une boule centrée sur un élément del’espace V .

Exercice 2.13. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 2.3.

(1) Le premier pas est de construire une solution possible. Pour ce faire, soit u0 ∈ Z quelconqueet (un)n>0 la suite de Z définie par un+1 = Aun. Montrer que ‖un+1 − un‖V 6 αn‖u1 − u0‖Vet en déduire que la suite (un)n>0 est convergente dans Z.

(2) On note u∗ ∈ Z la limite de la suite (un)n>0. Montrer que u∗ est un point fixe.

(3) Montrer l’unicité en introduisant deux solutions u1 et u2 dans Z.

Exercice 2.14. On considère l’application définie dans l’Exercice 2.5 et on reprend les notationsde cet exercice.

(1) Montrer que si ρ(b − a) < 1, l’application A est contractante. On conservera cette hypothèsepour la suite de l’exercice.

(2) Soit g donnée dans E. Montrer que l’équation intégrale

h(x)−ˆ b

a

k(x, y)h(y) dy = g(x), x ∈ [a, b], (2.4)

a au plus une solution dans E.

(3) Pour un entier n > 0, on note An l’application A . . .A obtenue en composant l’application An fois avec elle-même. On utilise la convention A0 = id. Montrer que la série de terme généralAng est convergente puis que h =

∑n>0A

ng définit une solution admissible de l’équationintégrale (2.4).

Exercice 2.15. Soit V un espace de Banach et A une application de V dans V . On suppose trouvéun entier p > 0 tel que Ap soit contractante sur V . Montrer que A admet un point fixe unique.

Page 28: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 29: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

3

Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

3.1 Motivation : dynamique céleste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

3.2 Etude du problème continu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

3.2.1 Existence et unicité locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193.2.2 Existence et unicité globales (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

3.3 Approximation par les méthodes à un pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

3.3.1 Principe de l’approximation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

3.3.2 Exemples de méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213.3.3 Implémentation pratique des schémas implicites (complément) . . . . . . . 22

3.4 Analyse d’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

3.4.1 Erreur de troncature locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233.4.2 Stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

3.4.3 Convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

L’objectif de ce chapitre est de présenter quelques méthodes numériques pour approcher dessolutions d’équations différentielles ordinaires (EDOs), qui sont un problème de Cauchy de la formesuivante :

y(t) = f(t, y(t)), y(t0) = y0, (3.1)

où y : R+ → Rd est une fonction du temps t > 0 à valeurs vectorielles, et f : Rd → R

d est unchamp de vecteurs. On peut réécrire ce problème sous une formulation intégrale, qui peut être plusagréable pour l’étude théorique car elle demande moins d’hypothèses de régularité sur les objetsen jeu, et qui est également utile pour proposer des schémas numériques :

y(t) = y0 +

ˆ t

t0

f(s, y(s)) ds. (3.2)

Cette formulation est équivalente à (3.1) si f est continue.Nous commençons par présenter quelques applications en Section 3.1 (et notamment un pro-

blème modèle, la dynamique du système solaire). Nous nous tournons ensuite vers l’étude mathé-matique du problème continu (3.1) en Section 3.2, et discutons en particulier son caractère bienposé. Une fois ceci établi, on peut sereinement se tourner vers l’approximation numérique de (3.1)par le biais des méthodes à un pas, les plus simples (voir Section 3.3). L’analyse de l’erreur ainsicommise est menée en Section 3.4.

3.1 Motivation : dynamique céleste

Voici quatre motivations pour étudier l’intégration numérique des EDOs :

Page 30: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

18 3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

(1) le calcul numérique très précis d’une évolution temporelle : par exemple pour déterminer latrajectoire de la fusée qui va mettre en orbite un satellite, ou de la sonde spatiale qui va passerau ras de Jupiter pour ensuite aller explorer les confins de notre univers, ou de la météoriteque l’on voit arriver près de la Terre (nous touchera-t-elle ou non ?). Dans ces cas, on se donneun horizon de temps fini et on cherche à reproduire au mieux la trajectoire du système sur cetemps.

(2) un résultat en temps long ou la limite en temps d’une évolution, par exemple la convergencevers une trajectoire périodique ou un cycle. Citons par exemple l’équation de Lotka–Volterra,qui est un modèle simplifié de dynamique des populations ; ou l’intégration en temps longde la dynamique Hamiltonienne pour calculer des moyennes microcanoniques en physiquestatistique, ou en dynamique céleste pour déterminer la stabilité des orbites d’un systèmeplanétaire.

(3) la simulation de problèmes mélangeant plusieurs échelles de temps : un cas frappant est celuide la cinétique chimique entrant dans les modèles de pollution de l’air ou en génie chimique.Certaines transformations dans ces systèmes sont très rapides et/ou oscillantes (constantes deréaction très grandes ou concentrations importantes), alors que d’autres sont très lentes. Unebonne méthode numérique devrait pouvoir traiter toutes ces échelles de temps simultanément,et ne pas caler le pas de temps sur les événements les plus rapides, sans quoi les événementsles plus lents ne pourront pas être résolus.

(4) enfin, les méthodes d’intégration en temps des EDOs constituent une brique fondamentale pourl’intégration en temps d’équations plus compliquées : les équations aux dérivées partielles, où ilfaut considérer à la fois une discrétisation en espace et en temps ; ou les équations différentiellesstochastiques, rencontrées notamment dans le cadre de la finance quantitative ou en physiquestatistique numérique.

Un exemple précis : la dynamique céleste

On décrit ici un système qui correspond à la partie « extérieure » du système solaire : onreprésente Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton (positions respectives qi ∈ R

3 pour i =1, . . . , 5), et le Soleil auquel on agrège en fait les quatre planètes intérieures que sont Mercure,Vénus, la Terre et Mars (position q0 ∈ R

3). L’énergie potentielle du sytème est

V (q) =∑

06i<j65

Uij(|qi − qj |), Uij(r) = −Gmimj

r,

où |·| désigne la norme euclidienne dans R3. Les masses des planètes sont notées mi, et pi = mivi

est leur quantité de mouvement. L’énergie totale du système dans la configuration (q, p) ∈ R6N

est donnée par le Hamiltonien

H(q, p) =N∑

i=1

p2i2mi

+ V (q).

L’évolution en temps est régie par la dynamique Hamiltonienne

qi(t) =∂H

∂pi=pi(t)

mi,

pi(t) = −∂H∂qi

= −∇qiV (q(t)).

(3.3)

Noter que, quitte à introduire l’inconnue y = (q, p), on peut récrire cette dynamique sous la formegénérale

y(t) = f(y), f(y) =

Å ∇pH−∇qH

ã

. (3.4)

Un calcul simple (le faire en exercice) montre que l’énergie du système est constante au cours dutemps :H(q(t), p(t)) = H(q0, p0). Une notion de stabilité pertinente est par exemple la conservationde l’énergie totale en temps long.

Page 31: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

3.2 Etude du problème continu 19

3.2 Etude du problème continu

3.2.1 Existence et unicité locales

On considère une norme |·| sur Rd, et on note B(y0, r) = y ∈ Rd, |y−y0| 6 r la boule fermée

de centre y0 et de rayon r.

Théorème 3.1. Soit (t0, y0) ∈ R+×Rd fixés. On suppose que f ∈ C0(R+×R

d,Rd) est localementLipschitzienne autour de (t0, y0) : il existe R, τ, L > 0 (dépendants a priori de t0, y0) tels que

∀(t, y1, y2) ∈ [t0 − τ, t0 + τ ]×B(y0, R)2, |f(t, y1)− f(t, y2)| 6 L|y1 − y2|. (3.5)

Alors il existe un temps T > 0 tel que le problème de Cauchy (3.1) admette une unique solutiondans C1([t0, t0 + T [,Rd).

Exercice 3.1. On introduit, pour T ∈]0, τ ] donné, le sous-ensemble fermé de C0([t0, t0 + T ],Rd)

BR =z ∈ C0

([t0, t0 + T ],Rd

) ∣∣∣ ∀t ∈ [t0, t0 + T ], ‖z(t)− y0‖ 6 R,

ainsi que l’application A : BR → C0([t0, t0 + T ],Rd) définie par

∀t ∈ [t0, t0 + T ], (Az)(t) = y0 +

ˆ t

t0

f(s, z(s)) ds.

Notons que y est solution de (3.1) sur l’intervalle de temps [t0, t0 + T ] si et seulement si Ay = y.On va donc choisir T > 0 suffisamment petit pour que A soit une contraction sur BR, ce quidonnera le résultat au vu du Théorème 2.3.

(1) Montrer que si z ∈ BR, alors |Az(t)− y0| 6 (|f(t0, y0)|+R)T . En déduire que A est bien uneapplication linéaire de BR dans lui-même lorsque

T 6R

R+ |f(t0, y0)|.

(2) Montrer que A est une contraction lorsque LT < 1.

(3) Conclure.

On peut, de proche en proche, définir une unique solution sur un intervalle de temps maximal[0, tmax[ lorsque le champ de force f est uniformément Lipschitzien. Si on n’a pas de solution globale(au sens où tmax < +∞), on montre qu’on a explosion de la solution en temps fini : |y(t)| → +∞lorsque t → tmax. Par exemple, f(t, y) = 1 + y2 est continue et localement lipschitzienne en u ; leproblème de Cauchy avec la condition initiale y(0) = 0 admet pour unique solution maximale lafonction y(t) = tan t, définie sur l’intervalle ouvert ]− π/2, π/2[.

Remarque 3.1. Le caractère lipschitzien de f est essentiel pour assurer l’unicité de la solution.Ainsi, pour d = 1 et f(u) =

√u, le problème de Cauchy (3.1) avec u0 = 0 admet la famille de

solutions suivante pour tout c > 0 :

uc(t) =

0 t 6 si c,1

4(t− c)2 si t > c.

Page 32: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

20 3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

3.2.2 Existence et unicité globales (complément)

L’existence et l’unicité de la solution globale (tmax = +∞) sont assurées dans certains cas. Onmontre ce résultat en assurant que |y(t)| reste fini si t < +∞.

(i) Le premier cas est celui où f(t, ·) est uniformément Lipschitzienne en y, avec une constantede Lipschitz L(t) continue.

(ii) Le second cas est celui où la croissance de f est au plus affine :

|f(t, y)| 6 c(t) + L(t)|y|,

avec des fonctions c, L localement intégrables. On a en effet, en partant de la formulationintégrale (3.2),

|y(t)| 6 |y0|+ˆ t

0

(c(s) + L(s)|y(s)|

)ds. (3.6)

En introduisant

M(t) =

ˆ t

0

L(s)|y(s)| ds > 0, a(t) = L(t)(|y0|+

ˆ t

0

c(s) ds),

on peut reformuler (3.6) sous la forme M(t) 6 a(t) + L(t)M(t), d’où, par le lemme deGronwall, 1

0 6M(t) 6

ˆ t

0

a(s) exp

Ç

ˆ t

s

L

å

ds.

En reportant dans (3.6), on obtient bien une borne supérieure finie pour |y(t)|.(iii) Un dernier cas est celui où il existe une fonction de Lyapounov, c’est-à-dire une fonction

W ∈ C1(Rd) telle que W (x) → +∞ lorsque |x| → +∞. Comme W est alors uniformémentminorée, on peut lui ajouter une constante de telle manière à ce que W > 1. Enfin, ondemande que

f(x) · ∇W (x) 6 c < +∞.

Dans ce cas, on a alors

d

dt

[W(y(t)

)]=(f · ∇W

)(y(t)) 6 c,

ce qui montre que W (y(t)) 6 W (y0) ect, et assure ainsi que la norme de la solution ne peut

pas exploser en temps fini. Cette technique est très utile pour établir l’existence et l’unicitédans le cas où f n’est pas globalement Lipschitzienne et croît plus que linéairement à l’infini.On peut appliquer cela au système très simple y(t) = −y(t)3 pour lequel W (x) = 1 + x4 estune fonction de Lyapounov.

1. Rappelons rapidement le calcul : on note que

d

dt

ï

M(t) exp

Å

ˆ t

0

L(s) ds

ãò

M(t)− L(t)M(t)ä

exp

Å

ˆ t

0

L(s) ds

ã

6 a(t) exp

Å

ˆ t

0

L(s) ds

ã

,

d’où, par intégration et en tenant compte du fait que M(0) = 0,

M(t) exp

Å

ˆ t

0

M(s) ds

ã

6

ˆ t

0

a(s) exp

Å

ˆ s

0

M(r) dr

ã

ds,

ce qui permet de conclure en multipliant les deux membres de l’inégalité par exp

ň t

0

M(s) ds

ã

.

Page 33: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

3.3 Approximation par les méthodes à un pas 21

3.3 Approximation par les méthodes à un pas

On va à présent décrire des méthodes numériques pour approcher la solution de (3.1) sur unintervalle de temps fini [0, T ]. Plus précisément, on va considérer des temps t0 = 0 < t1 < · · · <tN = T , et on va noter yn l’approximation numérique de la solution exacte y(tn). Par la suite,on notera ∆tn = tn+1 − tn les incréments de temps strictement positifs. Souvent, on choisira unpas de temps uniforme ∆t > 0, auquel cas tn = n∆t, le nombre total de pas d’intégration étant 2

N = T/∆t.Pour rester le plus simple possible, nous évoquerons seulement les méthodes à un pas, et non les

méthodes multi-pas, bien qu’elles soient en général plus précises à coût de calcul fixé (cependant,leur stabilité demande une attention particulière, voir l’Exercice 3.6 pour une illustration).

3.3.1 Principe de l’approximation

La construction des méthodes à un pas repose sur une discrétisation de la formulation inté-grale (3.2) sur l’intervalle de temps [tn, tn+1] par une règle de quadrature. De manière abstraite,on peut ainsi écrire une relation de récurrence permettant de calculer itérativement la trajectoirenumérique

yn+1 = yn +∆tnΦ∆tn(tn, yn), (3.7)

où Φ∆tn(tn, yn) est une approximation de

1

tn+1 − tn

ˆ tn+1

tn

f(s, y(s)

)ds.

Les méthodes ainsi obtenues sont appelées méthodes de Runge–Kutta. Elles sont décomposées endeux catégories selon qu’elles sont explicites (la nouvelle configuration peut être obtenue directe-ment de la précédente) ou implicites (pour obtenir la nouvelle configuration, il faut résoudre unproblème linéaire ou nonlinéaire en fonction de la dépendance de f en y).

3.3.2 Exemples de méthodes numériques

(1) Méthodes explicites :

(i) Euler explicite : yn+1 = yn +∆tn f(tn, yn) ;

(ii) méthode de Heun : yn+1 = yn +∆tn2

(f(tn, y

n) + f(tn+1, y

n +∆tnf(tn, yn)))

.

(2) Méthodes implicites :

(i) Euler implicite : yn+1 = yn +∆tn f(tn+1, yn+1) ;

(ii) méthode des trapèzes (ou Crank–Nicolson) : yn+1 = yn+∆tn2

(f(tn, y

n)+f(tn+1, yn+1)

);

(iii) méthode du point milieu : yn+1 = yn +∆tnf

Å

tn + tn+1

2,yn + yn+1

2

ã

.

On peut bien sûr construire des méthodes plus compliquées et plus précises, voir par exemple [5]pour des méthodes de Runge–Kutta d’ordre supérieur (explicites ou implicites).

Remarque 3.2. Pour les méthodes explicites, on identifie assez simplement la fonction d’incré-ment Φ∆t dans (3.7). Pour les schémas implicites, cette tâche est moins facile. Prenons l’exempledu schéma d’Euler implicite : l’application Φ∆t est définie de manière implicite par la relation

Φ∆tn(tn, yn) = f

(tn +∆tn, y

n +∆tnΦ∆tn(tn, yn)).

Comme nous allons le montrer dans le point suivant, on peut s’assurer que Φ∆tn(tn, yn) est bien

définie si ∆tn est assez petit.

2. On suppose que ce nombre est entier ; sinon on peut toujours changer un peu le pas de temps pourque ce soit le cas.

Page 34: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

22 3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

3.3.3 Implémentation pratique des schémas implicites (complément)

Dans les schémas implicites, il faut résoudre une équation nonlinéaire pour obtenir l’approxi-mation yn+1 partant de yn. Il y a donc un surcoût de calcul dans l’utilisation de ces schémas, maisqui vaut souvent le coup car on a une stabilité accrue et on peut utiliser des pas de temps plusgrands.

Avant de chercher à résoudre numériquement l’équation donnant yn+1, il faut déjà garantirque yn+1 existe et est unique ! On peut utiliser pour ce faire le théorème de point-fixe de Picard.Par exemple, le schéma d’Euler implicite yn+1 = yn +∆tn f(tn+1, y

n+1) peut se réécrire

yn+1 = F (yn+1), F (y) = yn +∆tnf(tn+1, y).

On a existence et unicité de yn+1 lorsque la fonction f(tn+1, ·) est globalement Lipschitzienne deconstante Λf (tn+1) :

|f(tn+1, y1)− f(tn+1, y2)| 6 Λf (tn+1)|y1 − y2|,et que le pas de temps est suffisamment petit pour satisfaire

∆tnΛf (tn+1) < 1. (3.8)

En effet, cette propriété implique que l’application F est contractante sur Rd :

|F (y1)− F (y2)| 6 ∆tnΛf (tn+1) |y1 − y2|.On conclut ensuite avec le Théorème 2.3. La condition (3.8) impose donc une borne supérieuresur les pas de temps admissibles.

Le calcul pratique des itérations d’un schéma implicite peut se faire par une méthode numériques’inspirant de la stratégie de point fixe utilisée pour montrer l’existence et l’unicité de yn+1 : onpart d’un premier essai obtenu par une méthode explicite, que l’on affine ensuite par des itérationsde point-fixe, d’où le nom de stratégie « prédicteur/correcteur ». Illustrons cela pour le schémad’Euler implicite. On peut partir d’un état obtenu par un schéma d’Euler explicite

zn+1,0 = yn +∆tnf(tn, yn),

et le corriger ensuite par des itérations de point-fixe selon

zn+1,k+1 = yn +∆tnf(tn+1, zn+1,k).

Sous les bonnes hypothèses précédentes, on a zn+1,k −−−−−→k→+∞

yn+1, avec une erreur qui décroît de

manière exponentielle. En pratique, on n’effectue qu’un nombre fini d’itérations de point-fixe, enutilisant un critère de convergence tel que

|zn+1,k+1 − zn+1,k| 6 ε|zn+1,0|pour une tolérance ε > 0 donnée (le facteur multiplicatif |zn+1,0| à droite permet de considérer uncritère de convergence indépendant de l’échelle ou unités de la variable y). On observe souvent unetrès bonne convergence dans les itérations de point-fixe, avec des erreurs relatives de l’ordre de10−8 en quelques itérations. Une alternative aux itérations de point-fixe est d’utiliser un algorithmede Newton, qui a une convergence plus rapide, mais qui demande que l’on parte suffisamment prèsde la solution yn+1.

3.4 Analyse d’erreur

L’objectif de l’analyse d’erreur a priori est de donner une estimation de l’erreur commise par laméthode numérique en fonction des paramètres du problème (temps d’intégration, pas de temps,champ de force). L’idée générale est de remarquer qu’à chaque pas de temps on commet uneerreur d’intégration locale (erreur de troncature dans la discrétisation de l’intégrale, à laquelles’ajoutent souvent des erreurs d’arrondi), et que ces erreurs locales s’accumulent. Le contrôle decette accumulation demande l’introduction d’une notion de stabilité adéquate, alors que les erreurslocales sont liées à une notion de consistance. On peut montrer qu’une méthode numérique stableet consistante est convergente.

Page 35: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

3.4 Analyse d’erreur 23

3.4.1 Erreur de troncature locale

L’erreur de troncature locale est l’erreur résiduelle que l’on obtiendrait si on appliquait leschéma numérique à la solution exacte. Elle est donc définie à l’itération n comme la différenceentre la solution exacte à l’itération suivante, à savoir y(tn+1), et l’approximation numériqueobtenue en partant de y(tn), à savoir y(tn) + ∆tnΦ∆tn(tn, y(tn)), le tout divisé par ∆tn. Ainsi,l’erreur de troncature locale vaut par définition

ηn+1 :=y(tn+1)− y(tn)−∆tnΦ∆tn(tn, y(tn))

∆tn. (3.9)

Notons que l’erreur de troncature a la même dimension physique que la dérivée en temps de y.La normalisation que nous employons dans ce cours permet d’interpréter η comme une erreur parunité de temps.

Définition 3.1 (Consistance). On note ∆t = max06n6N−1∆tn le pas de temps maximal. Ondit qu’un méthode numérique est consistante si

lim∆t→0

Å

max16n6N

|ηn|ã

= 0, (3.10)

et qu’elle est consistante d’ordre p s’il existe une constante C telle que, pour tout 0 6 n 6 N − 1,

|ηn+1| 6 C(∆tn)p. (3.11)

La constante C dépend en général de la régularité de la solution exacte.

Les preuves de consistance reposent sur des développements de Taylor de la solution exacte,et demandent donc de la régularité sur le champ de force f . On supposera toujours que le champde force est aussi régulier que nécessaire par la suite. Notons que la régularité de la solution ydécoule de celle du champ de force. En effet, si f est continue, alors la solution de (3.1) est C1. Sif est C1, on voit alors que le membre de droite de (3.1) est C1 (par composition) et donc que lasolution y est C2 (par intégration). On peut itérer cet argument et montrer ainsi que y ∈ Cl+1 sif ∈ Cl.

Exemple 3.1. Le schéma d’Euler explicite est consistant d’ordre 1. L’erreur de troncature s’écrit

ηn+1 =y(tn +∆tn)−

(y(tn) +∆tn f(tn, y(tn))

)

∆tn.

Or, par application d’une formule de Taylor avec reste exact autour de y(tn), on voit qu’il existeθn ∈ [0, 1] tel que

y(tn +∆tn)−(y(tn) +∆tf(tn, y(tn))

)=∆t2n2y′′(tn + θn∆tn). (3.12)

Par ailleurs, la dérivée seconde y′′(t) peut s’exprimer en fonction des dérivées de f en dérivant (3.1)par rapport au temps, ce qui donne

y′′(τ) = ∂tf(τ, y(τ)) + ∂yf(τ, y(τ)) · f(τ, y(τ)). (3.13)

On voit ainsi que y′′ est uniformément borné en temps sur tout intervalle de la forme [0, T ](T < +∞) si la fonction f et ses dérivées sont continues (la trajectoire restant bornée dans cecas). On en déduit finalement que ∣∣ηn+1

∣∣ 6 C∆tn,

avec la constante C = 12 supt∈[0,T ] |y′′(t)|.

Exercice 3.2 (Etude de consistance pour le schéma de Heun).

Page 36: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

24 3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

(1) Ecrire le développement limité de la solution exacte en puissances de ∆t :

y(∆t) = y0 +∆tY1 +∆t2 Y2 +O(∆t3),

avec des coefficients Y1, Y2 que l’on précisera en fonction des valeurs de f et de ses dérivéesau point (0, y0).

(2) Faire de même pour y(tn+1), dont on donnera l’expression en fonction de f et de ses dérivéesau temps tn et au point y(tn).

(3) Montrer finalement que le schéma de Heun

yn+1 = yn +∆t

2

(f(tn, y

n) + f(tn+1, y

n +∆tf(tn, yn)))

est d’ordre 2.

Exercice 3.3. Montre que le schéma d’Euler implicite

yn+1 = yn +∆t f(tn+1, yn+1)

est d’ordre 1 (on supposera que le pas de temps est suffisamment petit pour que le schéma soit biendéfini).

Exercice 3.4. Montrer que la méthode des trapèzes

yn+1 = yn +∆t

2

(f(tn, y

n) + f(tn+1, yn+1)

)

et le schéma du point milieu

yn+1 = yn +∆t f

Å

tn + tn+1

2,yn + yn+1

2

ã

sont d’ordre 2.

3.4.2 Stabilité

La notion de stabilité quantifie la robustesse de l’approximation numérique par rapport à desperturbations. On donne ici la définition pour des schémas à pas fixe. On fixe un intervalle detemps [0, T ] et un pas de temps ∆t > 0 constant pour simplifier, et on note N = T/∆t le nombred’itérations correspondantes.

Définition 3.2 (Stabilité). On dit qu’une méthode numérique (3.7) est stable s’il existe uneconstante S(T ) > 0 (qui dépend du temps d’intégration T = N∆t mais pas de N ou de ∆t toutseul) telle que, pour toute suites y = yn16n6N et z = zn16n6N partant de la même conditioninitiale z0 = y0 et vérifiant

®

yn+1 = yn +∆tΦ∆t(tn, yn),

zn+1 = zn +∆tΦ∆t(tn, zn) +∆t δn+1,

(3.14)

on ait

max16n6N

|yn − zn| 6 S(T )∆tN∑

n=1

|δn|. (3.15)

Remarque 3.3. L’extension de la notion de stabilité au cas des pas de temps variables est trèssimple : la majoration (3.15) devient max16n6N |yn − zn| 6 S(T )

∑Nn=1∆tn|δn|.

Page 37: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

3.4 Analyse d’erreur 25

Intéressons nous à présent à l’obtention de conditions suffisantes de stabilité. Un cas simple estcelui où Φ∆t est uniformément Lipschitzienne en y, c’est-à-dire qu’il existe ΛΦ > 0 tel que, pourtout y1, y2 ∈ R

d, on ait|Φ∆t(t, y1)− Φ∆t(t, y2)| 6 ΛΦ|y1 − y2|.

On peut alors prendre S(T ) = eΛΦT . Cette assertion repose sur l’estimation suivante :

|yn+1 − zn+1| 6 ∆t|δn+1|+ (1 +∆tΛΦ)|yn − zn|,

et l’utilisation d’un lemme de Gronwall discret (voir Exercice 3.5) qui fournit l’estimation

|yn − zn| 6 eΛΦT∆tn∑

m=1

|δm|.

Exercice 3.5 (Lemme de Gronwall discret). Montrer que si une suite (rn)n>0 satisfait larelation de récurrence

0 6 rn+1 6 δ∆t+ (1 +∆tΛ)rn,

avec δ > 0, Λ > 0 et r0 > 0, alors on a la borne supérieure

0 6 rn 6 eΛn∆t(r0 + Λ−1δ

).

Remarque 3.4. Noter que les constantes de stabilité qui apparaissent croissent a priori de ma-nière exponentielle avec le temps. Pour des systèmes ayant des propriétés particulières (par exempleles les systèmes linéaires dissipatifs), on peut montrer que les constantes de stabilité restent bor-nées.

Exercice 3.6 (Stabilité des méthodes multi-pas). On considère la méthode à 2 pas suivante(dite de Nyström) dans le cas d’un champ de vecteurs autonome f et d’un pas de temps ∆t fixé :

yn+1 = yn−1 + 2∆t f(yn) = Ψ(yn, yn−1),

avec la condition initiale y0 fixée et la valeur y1 obtenue par une méthode à un pas, par exemplela méthode de Heun.

(1) Calculer l’erreur de consistance ηn+1 et déterminer l’ordre de consistance.

(2) On va à présent discuter la stabilité sur un cas concret. On considère l’équation différentielley(t) = −y(t) et y0 = 1. Donner l’expression analytique de yn en fonction de ∆t, et montrerque la solution numérique est la somme de deux termes : un qui approche bien la solutionanalytique, et un terme qui diverge en temps long. Conclure.

La morale de cet exercice est que les méthodes multi-pas permettent souvent de gagner facilementen ordre, mais que leur stabilité est en général délicate à assurer – alors que les méthodes à unpas sont en général stables, mais il est plus difficile d’assurer leur montée en ordre.

3.4.3 Convergence

Définition 3.3 (Convergence). Une méthode numérique est convergente si l’erreur globale vé-rifie

max16n6N

|yn − y(tn)| → 0

lorsque y0 = y(t0) et ∆t = max06n6N−1

|tn+1 − tn| → 0.

Théorème 3.2. Une méthode stable et consistante est convergente.

Page 38: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

26 3 Intégration numérique des équations différentielles ordinaires

La preuve de ce résultat est très simple : on remplace zn dans (3.14) par la solution exactey(tn), ce qui correspond à choisir δn+1 = ηn+1, l’erreur de troncature locale définie en (3.9). Onpart en revanche de la même condition initiale. La stabilité donne donc

max16n6N

|yn − y(tn)| 6 S(T )∆tN∑

n=1

|ηn| 6 S(T )T max16n6N

|ηn|. (3.16)

Par définition de la consistance, on voit que le membre de droite tend vers zéro avec ∆t. De plus,si la méthode numérique est consistante d’ordre p, alors l’erreur globale est également d’ordre ∆tp

puisquemax

16n6N|yn − y(tn)| 6 S(T )T C ∆tp. (3.17)

On peut même vérifier numériquement que l’erreur globale se comporte dans beaucoup de situa-tions vraiment en C∆tp (i.e., la borne supérieure sur l’erreur ne peut pas être améliorée). Desestimations similaires peuvent être obtenues avec des pas de temps variables.

Exercice 3.7. Etudier la convergence du schéma de Heun et du schéma d’Euler implicite lorsquele champ de force f est uniformémement Lipschitzien par rapport à la variable d’espace, avec uneconstante de Lipschitz indépendante du temps : pour tout t > 0,

|f(t, y1)− f(t, y2)| 6 Λf |y1 − y2|.On commencera par montrer que les méthodes numériques sont uniformément Lipschitziennes avecune constante de Lipschitz que l’on déterminera en fonction de Λf et ∆t.

Exercice 3.8 (Influence des erreurs d’arrondi). Dans les calculs effectués en pratique surun ordinateur, chaque opération arithmétique est entâchée d’erreurs d’arrondi informatiques liéesà la représentation machine des nombres. L’objectif de cet exercice est de quantifier l’impact del’accumulation de ces erreurs par une analyse de stabilité, dans le cas où l’application Φ∆t estuniformément Lipschitzienne.

(1) L’erreur d’arrondi globale est définie comme la différence entre la solution numérique idéale yn

et celle calculée en pratique, notée yn dans la suite. Les écarts ont deux origines : les opérationsarithmétiques nécessaires à l’évaluation à chaque pas de temps de l’incrément Φ∆tn(tn, y

n) etles opérations arithmétiques liées au calcul de l’itéré suivant. Ainsi, pour une méthode à pasde temps fixes ∆tn = ∆t, on peut écrire

yn+1 = yn +∆t(Φ∆t(tn, y

n) + ρn

)+ σn.

On suppose que |ρn| 6 ρ et |σn| 6 σ. Typiquement, σ est de l’ordre de la précision machine 3

εmachine alors que ρ ∼ κεmachine pour un certain nombre κ > 0 (appelé conditionnement de laméthode numérique). Montrer que si la méthode numérique est stable, alors

max16n6N

|yn − yn| 6 S(ρ+

σ

∆t

).

(2) L’erreur numérique totale est majorée par la somme de l’erreur d’approximation et de l’erreurd’arrondi :

e(∆t) = max16n6N

|y(tn)− yn|+ max16n6N

|yn − yn| .

En ne retenant que le terme principal de l’erreur d’arrondi et en supposant que l’erreur d’ap-proximation est d’ordre CT∆t

p, on obtient

e(∆t) = CT∆tp +

∆t.

Donner le pas de temps optimal pour lequel l’erreur numérique totale est minimale.

3. Pour estimer l’ordre de grandeur de la précision machine, par exemple pour les opérations effectuéessur votre téléphone portable, on peut calculer (4/3− 1) ∗ 3− 1, qui est de l’ordre de 10−16 lorsque lesopérations sont effectuées avec le format double.

Page 39: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Partie II

Des distributions à la méthode des éléments finis

Page 40: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 41: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

4

Espaces de Hilbert

4.1 Définitions et premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

4.1.1 Espaces euclidiens et hermitiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294.1.2 Inégalité de Cauchy-Schwarz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304.1.3 Espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4.2 Théorème de projection orthogonale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

4.3 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

4.4 Théorème de Riesz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Les espaces de Hilbert jouent un rôle fondamental en analyse car ils fournissent un cadremathématique général pour “faire de la géométrie en dimension infinie”. Dans ce chapitre, cesconsidérations seront illustrées par plusieurs résultats importants, notamment le théorème deprojection orthogonale, le théorème de Riesz et la notion de base hilbertienne.

4.1 Définitions et premières propriétés

Dans cette section, nous introduisons la notion de produit scalaire et celle d’espace de Hilbert.Pour plus de clarté, nous distinguons les espaces vectoriels réels et complexes.

4.1.1 Espaces euclidiens et hermitiens

Définition 4.1 (Espaces euclidiens). Soit V un R-ev.Un produit scalaire sur V est une appli-cation bilinéaire sur V , notée (·, ·)V : V × V → R, satisfaisant les propriétés suivantes :

(i) symétrie : ∀(v, w) ∈ V × V , (v, w)V = (w, v)V ;

(ii) positivité : ∀v ∈ V , (v, v)V > 0 ;

(iii) (v, v)V = 0 ⇐⇒ v = 0.

Un R-ev équipé d’un produit scalaire est appelé un espace euclidien.

Pour les espaces vectoriels complexes, il est utile de rappeller la notion de sesquilinéarité àgauche. On dit qu’une application bilinéaire est sesquilinéaire à gauche et linéaire à droite sur Vsi

∀(λ1, λ2) ∈ C2, ∀(v1, v2, w) ∈ V 3,

®

(λ1v1 + λ2v2, w)V = λ1(v1, w)V + λ2(v2, w)V ,

(w, λ1v1 + λ2v2)V = λ1(w, v1)V + λ2(w, v2)V .

Définition 4.2 (Espaces hermitiens). Soit V un C-ev. Un produit scalaire sur V est une ap-plication sesquilinéaire à gauche et linéaire à droite sur V , notée (·, ·)V : V × V → C, possédantles propriétés suivantes :

Page 42: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

30 4 Espaces de Hilbert

(i) hermiticité : ∀(v, w) ∈ V × V , (v, w)V = (w, v)V ;

(ii) positivité : ∀v ∈ V , (v, v)V > 0 ;

(iii) (v, v)V = 0 ⇐⇒ v = 0.

Un C-ev équipé d’un produit scalaire est appelé un espace hermitien.

4.1.2 Inégalité de Cauchy-Schwarz

Proposition 4.1. Soit V un K-ev et (·, ·)V un produit scalaire sur V . L’application ‖·‖V : V → R

définie par

∀v ∈ V, ‖v‖V =»

(v, v)V , (4.1)

est une norme sur V appelée norme induite par le produit scalaire. De plus, on a l’inégalité deCauchy-Schwarz

∀v, w ∈ V, |(v, w)V | 6 ‖v‖V ‖w‖V . (4.2)

Exercice 4.1. L’ojet de cet exercice est de prouver la Proposition 4.1 pour K = R (le cas K = C

se traite de façon analogue).

(1) Montrer (4.2) en développant

∥∥∥∥v −(v, w)V‖w‖2V

w

∥∥∥∥2

V

. Dans quel cas a-t-on égalité ?

(2) Vérifier que l’application ‖ · ‖V définie par (4.1) est bien une norme. Pour l’inégalité triangu-laire, on majorera ‖v + w‖2V en utilisant (4.2).

4.1.3 Espaces de Hilbert

Définition 4.3. Un espace de Hilbert est un espace euclidien ou hermitien complet pour la normeinduite par le produit scalaire.

Exemple 4.1 (Dimension finie). Soit un entier d > 1. On munit Rd d’une structure hilbertienneen considérant le produit scalaire euclidien

∀x, y ∈ Rd, (x, y)Rd =

d∑

i=1

xi yi.

De façon analogue, Cd est muni de la structure hilbertienne définie par le produit scalaire canonique

∀x, y ∈ Cd, (x, y)Cd =

d∑

i=1

xi yi.

Exemple 4.2 (Dimension infinie). On munit l’espace de Banach ℓ2 des suites réelles de carrésommable d’une structure hilbertienne en considérant le produit scalaire

∀u, v ∈ ℓ2, (u, v)ℓ2 =∑

i>0

ui vi.

Lorsque les suites considérées sont complexes, le produit scalaire est

∀u, v ∈ ℓ2, (u, v)ℓ2 =∑

i>0

ui vi.

Exercice 4.2. Vérifier que ℓ2 muni du produit scalaire ci-dessus est bien un espace de Hilbert.

Le résultat suivant se prouve comme la Proposition 1.10.

Proposition 4.2. Soit V un espace de Hilbert et F un sous-espace fermé de V . Alors, F équipédu produit scalaire induit par V est un espace de Hilbert.

Page 43: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

4.2 Théorème de projection orthogonale 31

4.2 Théorème de projection orthogonale

Théorème 4.1. Soit V un espace de Hilbert et K un sous-espace vectoriel fermé de V . Pourtout u ∈ V , il existe un unique v = PKu ∈ K, appelé projection orthogonale de u sur K (voirFigure 4.1), tel que

‖PKu− u‖V = infw∈K

‖w − u‖V . (4.3)

L’élément PKu est caractérisé par

PKu ∈ K et ∀w ∈ K, (PKu− u,w)V = 0. (4.4)

PK u

u

K

Fig. 4.1. Illustration du théorème de projection orthogonale.

Insistons sur le fait que la caractérisation (4.4) est souvent celle qui est la plus utile en pratique.Dans certains cas, elle peut même permettre de calculer PKu.

Exemple 4.3. Soit K le sous-espace vectoriel fermé de ℓ2(N,C) engendré par toutes les suitesdont le premier terme est nul et on note PK la projection orthogonale de ℓ2(N,C) sur K. Onvérifie facilement que pour u ∈ ℓ2(N,C), on a PKu = v avec v0 = 0 et vi = ui pour i > 1.

Exercice 4.3. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 4.1. On introduit pour ce faireune suite minimisante (vn)n>0, i.e., une suite d’éléments vn ∈ K telle que

limn→∞

‖vn − u‖V = infw∈K

‖w − u‖V .

On souhaite prouver que cette suite converge vers la projection orthogonale de u sur K.

(1) En développant ‖s± t‖2V , montrer la formule de la médiane

∀s, t ∈ V,1

2‖s+ t‖2V +

1

2‖s− t‖2V = ‖s‖2V + ‖t‖2V .

(2) Montrer que (vn)n>0 est de Cauchy en appliquant la formule de la médiane à s = vn − u ett = vn+p − u.

(3) Montrer qu’il existe une solution de (4.3).

(4) Montrer l’unicité de la solution en s’appuyant sur la formule de la médiane.

(5) Il reste à prouver l’équivalence entre (4.3) et (4.4). Montrer pour commencer que (4.3) en-traîne (4.4) en étudiant la fonction ϕ(t) = ‖PKu+ tw− u‖2V pour w ∈ K et t ∈ R (PKu étantla solution de (4.3)).

(6) Montrer finalement que (4.4) entraîne (4.3) en écrivant ‖u−w‖2V = ‖(u−PKu)+(PKu−w)‖2V .

Corollaire 4.1. On a PK ∈ L(V,K) avec ‖PK‖L(V,K) = 1 si K 6= 0 .

On déduit immédiatement de ce résultat que, pour tout u1, u2 ∈ V , on a ‖PKu1 − PKu2‖V 6

‖u1 − u2‖V .

Page 44: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

32 4 Espaces de Hilbert

Exercice 4.4. Prouver le Corollaire 4.1. Pour la linéarité de l’opérateur et la borne ‖PK‖L(V,K) 6

1, on utilisera la caractérisation (4.4).

Exercice 4.5. Soit m et n deux entiers positifs et A une matrice de taille m × n. Soit b ∈ Rm.

On appelle solution du système linéaire Ax = b au sens des moindres carrés tout point x ∈ Rn

minimum de |Ax − b|2m (où | · |m est la norme euclidienne sur Rm). En utilisant la projection

orthogonale de Rm sur l’image de A, montrer que le problème

infx∈Rn

|Ax− b|2m,

admet au moins une solution et que toute solution est caractérisée par les équations normalesATAx = AT b. On introduira pour ce faire l’espace vectoriel K = Ax, x ∈ R

n ⊂ Rd, qu’on

montrera être un ensemble fermé.

4.3 Bases hilbertiennes

La notion de base hilbertienne généralise la notion de base orthonormée en dimension finie.

Définition 4.4. Soit V un espace de Hilbert. On appelle base hilbertienne de V une suite (en)n>0

d’éléments de V tels que

(i) ‖en‖V = 1 pour tout n > 0, et (em, en)V = 0 pour tout n 6= m ;

(ii) l’espace vectoriel engendré par la famille (en)n>0 est dense dans V .

Remarque 4.1. En dimension infinie, un espace de Hilbert n’admet pas nécessairement de basehilbertienne. Une condition suffisante pour qu’un espace de Hilbert admette une base hilbertienneest que celui-ci soit séparable, i.e. qu’il existe un sous-ensemble D ⊂ V dénombrable et densedans V . Tous les espaces de Hilbert rencontrés dans le cadre de ce cours seront séparables, doncadmettront une base hilbertienne.

Exemple 4.4. Une base hilbertienne de ℓ2(N,C) est donnée par la famille des suites (en)n>0 tellesque en,m = δnm pour tout m > 0 (où δnm est le symbole de Kronecker).

Proposition 4.3. Soit V un espace de Hilbert admettant une base hilbertienne (en)n>0. Soit u ∈V . Posons un = (u, en)V pour tout n > 0. Alors, les séries

∑n>0 un en et

∑n>0 |un|2 sont

convergentes dans V et R respectivement et on a

u =∑

n>0

un en et ‖u‖2V =∑

n>0

|un|2, (4.5)

la deuxième égalité portant le nom d’égalité de Bessel-Parseval.

Exercice 4.6. Pour prouver la Proposition 4.3, on introduit, pour tout entier n > 0, l’espacevectoriel Vn engendré par (e0, . . . , en), et on note Pn la projection orthogonale de V sur Vn.

(1) Montrer que Pnu =n∑

m=0

um em.

(2) Montrer que la série∑

m>0

|um|2 est convergente.

(3) Montrer que la suite (Pnu)n>0 est de Cauchy dans V . On note v sa limite.

(4) Montrer que (v − u, em)V = 0 pour tout m > 0, et en déduire la première égalité dans (4.5).Prouver ensuite la seconde égalité.

Page 45: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

4.4 Théorème de Riesz 33

4.4 Théorème de Riesz

Théorème 4.2. Soit V un espace de Hilbert. Étant donné ϕ ∈ V ′, il existe un unique u ∈ V telque

∀w ∈ V, 〈ϕ,w〉V ′,V = (u,w)V .

De plus, on a ‖u‖V = ‖ϕ‖V ′ .

En d’autres termes, l’application de V ′ dans V qui à ϕ associe u est un isomorphisme isomé-trique permettant d’identifier l’espace de Hilbert V et son dual.

Exemple 4.5. La forme linéaire continue sur ℓ2(N,C) qui à v ∈ ℓ2(N,C) associe v0 est représentéepar u ∈ ℓ2(N,C) donné par u0 = 1 et ui = 0 pour i > 1.

Exercice 4.7. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 4.2. Soit ϕ ∈ V ′ et

K = ϕ−1(0) = w ∈ V, 〈ϕ,w〉V ′,V = 0 .

L’espace K est par construction un sous-espace vectoriel fermé de V . Si K = V , alors ϕ = 0 etil est clair que ϕ = 0 peut être trivialement représentée par u = 0. Si K 6= V , on peut trouverv0 ∈ V avec v0 6∈ K. On pose alors

v1 = PKv0 et v =v1 − v0

‖v1 − v0‖V.

(1) Vérifier que ‖v‖V = 1, 〈ϕ, v〉V ′,V 6= 0 et (v, w)V = 0 pour tout w ∈ K.

(2) Montrer que u = 〈ϕ, v〉V ′,V v est un représentant de ϕ. Pour ce faire, décomposer tout élémentw ∈ V en w = λv + z avec λ = 〈ϕ,w〉V ′,V /〈ϕ, v〉V ′,V et z ∈ K.

(3) Montrer l’unicité du représentant.

(4) Montrer l’égalité des normes ‖u‖V = ‖ϕ‖V ′ en utilisant la caractérisation (2.1).

Page 46: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 47: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

5

Espaces de Lebesgue

5.1 Fonctions égales presque partout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355.2 Espace L1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

5.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365.2.2 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5.3 Espace L2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385.4 Espace L∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395.5 Autres espaces Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

5.5.1 Relations entre les espaces Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415.5.2 Dualité entre les espaces Lp (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415.5.3 Espaces Lp

loc (complément) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Ce chapitre présente la construction et certaines propriétés des espaces fonctionnels Lp quijouent un rôle fondamental en analyse et dans les applications. Nous construisons ici les espacesLp(Ω) où Ω est un ouvert (ou plus généralement un borélien) de R

d mais la même démarchepermet de définir les espaces Lp(X, T , µ) où (X, T , µ) un espace mesuré quelconque. Par la suite,on note λ la mesure de Lebesgue.

Il est utile, pour bien comprendre la construction des espaces de Lebesgue, de réviser le coursde théorie de la mesure. Les outils minimaux pour effectuer les preuves et exercices de ce polysont rappelés dans l’appendice (Chapitre 10). Le lecteur est très vivement encouragé à relire cesrésultats fondamentaux.

5.1 Fonctions égales presque partout

On rappelle qu’un ensemble négligeable est un ensemble de mesure nulle.

Proposition 5.1. Soit Ω un ouvert (ou plus généralement un borélien) de Rd. La relation “f =

g presque partout”, qui se traduit par “l’ensemble x ∈ Ω, f(x) 6= g(x) est négligeable (pour lamesure de Lebesgue)”, est une relation d’équivalence sur l’ensemble des fonctions mesurables.

Preuve. Notons ∼ la relation d’“égalité presque partout”. Montrons d’abord que ∼ est une relationd’équivalence. Considérons pour cela trois fonctions mesurables f , g et h. Il est clair que f ∼ f(la relation est réflexive), et il est également évident que si f ∼ g alors g ∼ f (la relation estsymétrique).

Supposons maintenant que f ∼ g et g ∼ h. Soit A et B deux ensembles négligeables tels quex ∈ Ω, f(x) 6= g(x) ⊂ A et x ∈ Ω, g(x) 6= h(x) ⊂ B. On voit tout de suite que

x ∈ Ω, f(x) 6= h(x) ⊂ x ∈ Ω, f(x) 6= g(x) ∪ x ∈ Ω, g(x) 6= h(x) ⊂ A ∪B.Comme λ(A ∪ B) 6 λ(A) + λ(B) = 0, on en déduit que l’ensemble x ∈ Ω, f(x) 6= h(x) est demesure nulle, ce qui prouve la transitivité de la relation ∼. ⊓⊔

Page 48: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

36 5 Espaces de Lebesgue

Le résultat suivant montre que la relation d’équivalence d’“égalité presque partout” est com-patible avec l’intégration.

Proposition 5.2. Soit Ω un ouvert (ou plus généralement un borélien) de Rd. Soit f et g deux

fonctions intégrables égales presque partout. Alorsˆ

Ω

f =

ˆ

Ω

g.

Preuve. Soit A négligeable tel que x ∈ Ω, f(x) 6= g(x) ⊂ A. On a∣∣∣∣ˆ

Ω

f −ˆ

Ω

g

∣∣∣∣ 6ˆ

Ω

|f − g| =ˆ

A

|f − g| = 0,

cette dernière égalité étant une conséquence de la Proposition 10.1. ⊓⊔

5.2 Espace L1

5.2.1 Définition

Notons L1(Ω) le quotient (l’ensemble des classes d’équivalence) de l’ensemble L1(Ω) par larelation d’équivalence d’“égalité presque partout”. Soulignons deux points importants :

(1) Si α ∈ R et si f1 et f2 sont deux fonctions de L1(Ω) égales presque partout, alors αf1 et αf2sont aussi égales presque partout ; si f ∈ L1(Ω) et α ∈ R, on peut donc définir le produitαf ∈ L1(Ω) : ce sera la classe d’équivalence du produit de α par n’importe quel représentantde f .

(2) Soit maintenant f1, f2, g1, g2 dans L1(Ω) telles que f1 = f2 et g1 = g2 presque partout. Onn’a pas le droit a priori de définir f1 + g1 ou f2 + g2 car une de ces deux fonctions pourraitvaloir +∞ en un point alors que l’autre vaudrait −∞. On peut en revanche définir la sommef + g où f désigne la classe de f1 (et de f2) et où g désigne la classe de g1 (et de g2). En effet,comme f1 (resp. g1) est intégrable, on sait que l’ensemble des points où f1 (resp. g1) est infinieest un ensemble de mesure nulle ; notons-le A1 (resp. B1). Soit f1 (resp. g1) la fonction égale àf1 (resp. à g1) en tout point de Ω \A1 (resp. Ω \B1) et égale à 0 sur A1 (resp. sur B1). Commeles fonctions f1 et g1 sont finies sur tout Ω, il n’y a pas d’obstacle à définir leur somme. Onpeut vérifier que si l’on fait de même avec f2 et g2, on obtiendra f1 + g1 = f2 + g2 presquepartout. La classe de fonctions correspondante sera par définition la somme f +g dans L1(Ω).

On vérifie facilement que les opérations de multiplication par un scalaire et d’addition définiesci-dessus confèrent à L1(Ω) une structure d’espace vectoriel.

Définition 5.1. On note L1(Ω) l’espace vectoriel obtenu en quotientant l’ensemble L1(Ω) par

la relation d’équivalence d’“égalité presque partout”. Pour f ∈ L1(Ω), la notationˆ

Ω

f désigne

l’intégrale de l’une quelconque des fonctions appartenant à la classe de f .

C’est la Proposition 5.2 qui garantit que pour f ∈ L1(Ω),ˆ

Ω

f est défini de manière unique.

Dans toute la suite, on désignera par la même notation (f , g, ...) une fonction et la classe d’équi-valence à laquelle cette fonction appartient, et on parlera (par abus de langage) de fonctions pourdésigner les éléments de L1(Ω).

Exercice 5.1 (Convolution). La fonction notée f ⋆ g définie presque partout sur Rd par

(f ⋆ g)(x) =

ˆ

Rd

f(x− y)g(y) dy

Page 49: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

5.2 Espace L1 37

est appelée la convolée ou encore le produit de convolution de f et g. Montrer que la fonctionf ⋆ g ∈ L1(Rd) si f, g ∈ L1(Rd), et que l’on l’inégalité

‖f ⋆ g‖L1 6 ‖f‖L1 ‖g‖L1 . (5.1)

On utilisera le Théorème (10.3), en montrant pour commencer queˆ

Rd

ˆ

Rd

|f(x− y)| |g(y)| dx dy = ‖f‖L1 ‖g‖L1 < +∞.

5.2.2 Propriétés

La plus-value fondamentale qu’il y a à quotienter l’ensemble L1 par la relation d’équivalenced’“égalité presque partout” est que l’espace quotient L1 que l’on obtient ainsi est un espace deBanach ; on dispose donc pour travailler dans L1 des outils “géométriques” établis au Chapitre 1.

Théorème 5.1. Muni de la norme définie par

‖f‖L1 =

ˆ

Ω

|f |,

l’espace vectoriel L1(Ω) est un espace de Banach.

Exercice 5.2. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 5.1.

(1) Montrer que ‖f‖L1 est effectivement une norme sur L1. Pour le point (i) de la Définition 1.1,on utilisera l’égalité suivante

x ∈ Ω, f(x) 6= 0 =⋃

k∈N∗

Ak

et on montrera que les ensembles Ak = x ∈ Ω, |f(x)| > 1/k sont de mesure nulle pour toutk ∈ N si ‖f‖L1 = 0.

(2) Pour montrer la complétude de L1, on va utiliser la caractérisation des espaces de Banachfournie par le Théorème 1.1. Soit un le terme général d’une série normalement convergente :

n∈N

‖un‖L1 < +∞.

On souhaite prouver que la série∑

n∈N un converge dans L1. On introduit pour ce faire

UN =N∑

n=0

|un|, U∞ =+∞∑

n=0

|un|.

Montrer queˆ

Ω

U∞ =∑

n∈N

‖un‖L1 < +∞ et que U∞ est finie presque partout.

(3) Presque partout, la série de terme général un(x) est ainsi absolument convergente donc conver-gente ; notons alors v(x) sa limite et prolongeons la fonction v par 0 sur l’ensemble négligeablesur lequel U∞ est infinie. En introduisant

wN =

∣∣∣∣∣v −N∑

n=0

un

∣∣∣∣∣ ,

montrer que v ∈ L1 et que UN tend vers v dans L1.

Pour identifier concrètement la limite d’une suite de fonctions (fn)n∈N dont on sait qu’elleconverge en norme L1, on pourra utiliser le résultat suivant.

Page 50: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

38 5 Espaces de Lebesgue

Théorème 5.2. Soit (fn)n∈N une suite de fonctions de L1(Ω) qui converge dans L1(Ω) vers unefonction f . La suite (fn)n∈N admet alors une sous-suite (fnk

)k∈N qui converge simplement vers fpresque partout dans Ω.

Exercice 5.3. Pour prouver le Théorème 5.2, on construit (de la même manière que dans la cor-rection de l’Exercice 1.19) une sous-suite (fnk

)k∈N de la suite (fn)n∈N telle que∥∥fnk+1

− fnk

∥∥L1 6

2−k pour tout k ∈ N, et on pose

gk(x) =k∑

j=1

∣∣fnj+1(x)− fnj

(x)∣∣ .

(1) Montrer que la suite (gk)k>0 admet une limite simple g, qui vérifieˆ

Ω

g 6 1.

(2) En déduire qu’il existe un ensemble A de complémentaire négligeable tel que

∀x ∈ A, ∀0 6 k 6 l, |fnl(x)− fnk

(x)| 6 g(x)− gk−1(x).

(3) Montrer que la suite (fnk)k>0 converge en norme L1 vers une certaine fonction h. Conclure.

Terminons cette section par une définition importante pour les chapitres suivants.

Définition 5.2. On dit qu’une fonction mesurable f est localement intégrable sur Ω si fχK ∈L1(Ω) pour tout compact K inclus dans Ω. On note L1

loc(Ω) l’espace vectoriel des fonctions loca-lement intégrables.

Exemple 5.1. Les fonctions x 7→ e|x| et x 7→ |x|−1/2 sont dans L1loc(R) mais pas dans L1(R).

5.3 Espace L2

En réalisant l’opération de “quotientage” d’égalité presque partout non plus sur l’ensemble desfonctions intégrables mais sur l’ensemble des fonctions de carré intégrable, on obtient un espacevectoriel qu’on peut munir d’une structure hilbertienne. Considérons pour cela l’ensemble

L2(Ω) =

ß

f mesurable,

ˆ

Ω

|f |2 < +∞™

,

des fonctions de carré intégrable.

Définition 5.3. On note L2(Ω) l’espace vectoriel obtenu en quotientant l’ensemble L2(Ω) par larelation d’équivalence d’“égalité presque partout”.

En utilisant l’inégalité

|fg| 6 |f |2 + |g|22

,

on voit que si f et g sont dans L2, alors le produit fg est dans L1 ; ceci permet de définir surL2(Ω) le produit scalaire

(f, g)L2 =

ˆ

Ω

fg. (5.2)

Remarque 5.1. Pour des fonctions à valeurs complexes, on définirait (5.2) avec f dans l’intégrale.

La bilinéarité, la symétrie et la positivité de (5.2) sont claires ; enfin, (f, f)L2 = 0 si et seulementsi |f |2 = 0 presque partout et donc si et seulement si f = 0 dans L2. On a en fait le résultat suivant.

Page 51: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

5.4 Espace L∞ 39

Théorème 5.3. Muni du produit scalaire défini par

(f, g)L2 =

ˆ

Ω

fg

l’espace L2(Ω) est un espace de Hilbert.

Exercice 5.4. Prouver ce résultat en adaptant la preuve du Théorème 5.1 pour la démonstration dela complétude. On montrera pour commencer que (avec les notations de la preuve du Théorème 5.1)

ˆ

Ω

U2N 6

(N∑

n=0

‖un‖L2

)2

.

Terminons cette section en remarquant que l’inégalité de Cauchy-Schwarz (4.2) prend dansl’espace L2 la forme suivante : pour tout f, g ∈ L2(Ω),

∣∣∣∣ˆ

Ω

fg

∣∣∣∣ 6ň

Ω

|f |2ã1/2 ň

Ω

|g|2ã1/2

. (5.3)

5.4 Espace L∞

Définition 5.4. On dit qu’une fonction mesurable f est essentiellement bornée s’il existe un réelpositif M tel que

λ (x ∈ Ω, |f(x)| >M) = 0.

On note L∞(Ω) l’ensemble des fonctions essentiellement bornées.

Définition 5.5. On note L∞(Ω) l’espace vectoriel obtenu en quotientant l’ensemble L∞(Ω) parla relation d’équivalence d’“égalité presque partout”. On désigne par ‖ · ‖L∞ : L∞(Ω) → R+

l’application définie par

‖f‖L∞ = infM > 0

∣∣∣λ (x ∈ Ω, |f(x)| >M) = 0. (5.4)

Nous allons maintenant vérifier que l’application ‖ · ‖L∞ définie ci-dessus induit bien unenorme sur l’espace vectoriel L∞(Ω). Mieux, cette norme confère à L∞(Ω) une structure d’espacede Banach. Pour cela, commençons par le lemme suivant.

Lemme 5.1. Pour tout f ∈ L∞(Ω), on a

|f(x)| 6 ‖f‖L∞ presque partout dans Ω.

Exercice 5.5. Prouver ce résultat en introduisant les ensembles (pour n > 1)

An =

ß

x ∈ Ω

∣∣∣∣ |f(x)| > ‖f‖L∞ +1

n

.

Une conséquence immédiate du lemme 5.1 est le fait que l’application ‖ · ‖L∞ définit bien unenorme sur L∞(Ω). Passons maintenant à la complétude de L∞(Ω).

Théorème 5.4. Muni de la norme ‖·‖L∞ définie par (5.4), l’espace vectoriel L∞(Ω) est un espacede Banach.

Exercice 5.6. Prouver ce résultat. On considérera une suite de Cauchy (fn)n∈N dans L∞(Ω), eton introduira, pour tout entier k > 1, l’entier nk et l’ensemble de mesure nulle Ak tels que

∀x ∈ Ω \Ak, ∀m,n > nk, |fm(x)− fn(x)| 61

k. (5.5)

Page 52: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

40 5 Espaces de Lebesgue

5.5 Autres espaces Lp

Soit un réel p tel que 1 6 p < +∞. On définit l’ensemble Lp(Ω) par

Lp(Ω) =

ß

f mesurable,ˆ

Ω

|f |p < +∞™

.

Définition 5.6. On note Lp(Ω) l’espace vectoriel obtenu en quotientant Lp(Ω) par la relationd’équivalence d’“égalité presque partout”. On désigne par ‖·‖Lp : Lp(Ω) → R+ l’application définiepar

‖f‖Lp =

ň

Ω

|f |pã1/p

. (5.6)

Le fait que Lp(Ω) est un espace vectoriel se prouve en observant que

|f(x) + g(x)|p 6 2p max|f(x)|p, |g(x)|p

6 2p

(|f(x)|p + |g(x)|p

),

si bien que f ∈ Lp(Ω) et g ∈ Lp(Ω) implique que f + g ∈ Lp(Ω).

Exercice 5.7. On considère la fonction

f(x) = − 1

x ln2(x)

sur Ω =]0, 1/2[. Vérifier que f ∈ L1(Ω) mais que f 6∈⋃

p>1

Lp(Ω).

Définition 5.7. Soit un réel p avec 1 6 p 6 +∞. On appelle réel conjugué de p le réel p′ définipar la relation

1

p+

1

p′= 1.

Noter qu’on a 1 6 p′ 6 +∞ et (p′)′ = p. Par ailleurs, on a les valeurs particulières p′ = +∞ sip = 1 et p′ = 1 si p = +∞. Enfin, notons le cas symétrique p′ = 2 si p = 2.

Théorème 5.5 (Inégalité de Hölder). Si f ∈ Lp(Ω) et g ∈ Lp′

(Ω), alors le produit fg est dansL1(Ω) et

‖fg‖L1 6 ‖f‖Lp ‖g‖Lp′ . (5.7)

Exercice 5.8. Montrer le Théorème 5.5 dans le cas p = 1 et p = +∞, ou si f = 0 ou g = 0. Pourle cas 1 < p < +∞ et g, f 6= 0, on utilisera l’inégalité de Young (1.8) pour obtenir

|f(x)|‖f‖Lp

|g(x)|‖g‖Lp′

61

p

Å |f(x)|‖f‖Lp

ãp

+1

p′

Å |g(x)|‖g‖Lp′

ãp′

presque partout. (5.8)

Notons que l’inégalité de Cauchy-Schwarz (5.3) est un cas particulier de l’inégalité de Hölder(correspondant à p = p′ = 2). Une conséquence importante de l’inégalité de Hölder est l’inégalitéde Minkowski dont découle le fait que l’application ‖·‖Lp définie par (5.6) est une norme sur Lp(Ω).

Proposition 5.3. Soit f et g dans Lp(Ω) pour 1 < p < +∞. Alors, on a

‖f + g‖Lp 6 ‖f‖Lp + ‖g‖Lp .

Exercice 5.9. Prouver ce résultat en observant que

|f(x) + g(x)|p 6 |f(x)| |f(x) + g(x)|p−1 + |g(x)| |f(x) + g(x)|p−1

et que |f + g|p−1 ∈ Lp′

(Ω) où p′ est le réel conjugué de p, puis utiliser l’inégalité de Hölder.

Exercice 5.10. Pourquoi ne considère-t-on pas des espaces Lp(Ω) pour p < 1 ? (penser à l’inéga-lité triangulaire...)

Théorème 5.6. Equipé de la norme ‖ · ‖Lp , Lp(Ω) est un espace de Banach.

Exercice 5.11. Prouver ce résultat en procédant comme dans la preuve de la complétude de L1(Ω).

Page 53: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

5.5 Autres espaces Lp 41

5.5.1 Relations entre les espaces Lp

L’inégalité de Hölder a également plusieurs conséquences importantes sur les relations d’inclu-sion entre les divers espaces Lp. En voici une.

Proposition 5.4. Soit Ω ⊂ Rd tel que λ(Ω) < +∞ et 1 6 p < q 6 +∞, alors

Lq(Ω) ⊂ Lp(Ω).

Insistons sur le fait que l’inclusion Lq(Ω) ⊂ Lp(Ω) pour 1 6 p < q 6 +∞ ne vaut que si Ω estun ensemble de mesure finie. On pourra garder en tête l’exemple suivant : la fonction constanteégale à 1 est dans L∞(Rd) mais n’est dans aucun Lp(Rd) pour p < +∞. Plus généralement, laProposition 5.4 conduit au corollaire suivant.

Corollaire 5.1. Si f ∈ Lp(Rd), alors f ∈ L1loc(R

d).

Exercice 5.12. Montrer la Proposition 5.4 en appliquant l’inégalité de Hölder (avec le choix g =1).

Exercice 5.13. Montrer que pour tout 1 6 p < q 6 +∞, et pour un ensemble Ω ⊂ Rd borélien

quelconque (non-nécessairement borné)

L∞(Ω) ∩ Lp(Ω) ⊂ L∞(Ω) ∩ Lq(Ω).

Plus généralement, montrer que pour tout 1 6 p < q < r 6 +∞,

Lr(Ω) ∩ Lp(Ω) ⊂ Lr(Ω) ∩ Lq(Ω).

On introduira pour ce faire l’unique élément θ ∈]0, 1[ tel que1

q=

1− θ

p+θ

r.

La morale de cet exercice est que l’exposant le plus élevé limite le type de singularités/divergencesqui sont permises en un point, alors que l’exposant le plus bas détermine la décroissance nécessaireà l’infini.

5.5.2 Dualité entre les espaces Lp (complément)

Nous admettons le résultat suivant (voir référence [1, pages 57 et 61]) :

Théorème 5.7. Soit 1 < p < +∞ et p′ le réel conjugué de p. L’espace vectoriel Lp′

(Ω) s’identifieau dual de l’espace Lp(Ω). Plus précisément, pour toute forme linéaire continue ϕ sur Lp(Ω), ilexiste un unique u ∈ Lp′

(Ω) tel que

∀v ∈ Lp(Ω), 〈ϕ, v〉(Lp)′,Lp =

ˆ

Ω

u v.

De plus, ‖u‖Lp′ = ‖ϕ‖(Lp)′ .

Remarque 5.2. On peut également montrer que L∞(Ω) s’identifie au dual topologique de L1(Ω).En revanche, L1(Ω) ne s’identifie pas au dual topologique de L∞(Ω) (ce dual est en fait un espaceplus grand).

Page 54: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

42 5 Espaces de Lebesgue

5.5.3 Espaces Lp

loc(complément)

Définition 5.8. Pour 1 6 p 6 +∞, on note Lploc(Ω) l’espace vectoriel des fonctions mesurables f

telles que fχK ∈ Lp(Ω) pour tout compact K inclus dans Ω.

Exercice 5.14. On fixe deux entiers d, p > 1. Pour quelles valeurs de α ∈ R a-t-on x 7→ (1 +|x|)α ∈ Lp

loc(Ω) lorsque Ω ⊂ Rd ?

On introduit la notion de convergence suivante pour les espaces Lploc(Ω).

Définition 5.9. Soit (fn)n∈N une suite de Lploc(Ω) et f ∈ Lp

loc(Ω). On dit que (fn) converge versf dans Lp

loc(Ω) si pour tout compact K ⊂ Ω, la suite (fn|K) converge vers f |K dans Lp(K).

Le résultat suivant est une conséquence immédiate de la Proposition 5.4.

Proposition 5.5. Si 1 6 p < q 6 +∞, alors Lqloc(Ω) ⊂ Lp

loc(Ω).

Page 55: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6

Distributions

6.1 Fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

6.1.1 Définition des fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446.1.2 Quelques propriétés des fonctions test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

6.2 Définition des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

6.2.1 Quelques exemples importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466.2.2 Fonctions localement intégrables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

6.2.3 Multiplication par une fonction C∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 476.3 Dérivation au sens des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

6.3.1 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486.3.2 Dérivation en dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

6.4 Convergence des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

6.4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506.4.2 Lien avec la convergence presque partout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516.4.3 Cas des distributions induites par des fonctions Lp

loc (complément) . . . 51

Les espaces fonctionnels que nous avons construits jusqu’à présent, à savoir les espaces Ck

et les espaces Lp, sont insuffisants pour analyser la plupart des problèmes mathématiques issusdes sciences de l’ingénieur, en particulier ceux relevant de la théorie des EDPs. En effet, dans denombreuses situations, des singularités se développent. On peut toujours formellement effectuerdes calculs avec des fonctions singulières ou “généralisées” (comme la masse de Dirac, qui vaut 0partout sauf en un point où on met une masse infinie), mais cela demande une intuition particulièreaigüe, et peut rapidement conduire à des paradoxes ou des conclusions fausses.

La théorie des distributions, introduite par Laurent Schwartz en 1946, permet de généraliserde manière appropriée la notion de fonction et offre un cadre conceptuel unifié particulièrementélégant permettant de construire des espaces fonctionnels adaptés aux singularités qui apparaissentdans les solutions des équations aux dérivées partielles. Qui plus est, les distributions se révèlentà l’usage plus souples à manipuler que les fonctions : toute distribution est dérivable et sa dérivéeest encore une distribution, les critères de convergence sont faciles à vérifier, la dérivée de la limiteest toujours égale à la limite des dérivées, ...

L’idée fondamentale des distributions est de considérer les objets singuliers comme des formeslinéaires agissant contre des fonctions test très régulières, de manière à reporter toutes les opéra-tions requises (par exemple, la dérivation) sur ces fonctions test.

Pour simplifier, on se place dans tout ce chapitre (et dans les suivants) dans le cas où Ω désigneun ouvert (borné ou non) de R. On peut toutefois aisément généraliser les définitions que nousintroduisons au cas où Ω ⊂ R

d avec d > 1.

Page 56: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

44 6 Distributions

6.1 Fonctions test

Nous avons dit plus haut qu’une distribution était une forme linéaire continue, plus précisémentsur l’espace vectoriel D(Ω) des fonctions C∞ à support compact dans Ω. Nous définissions toutd’abord précisément cet espace de fonctions test avant de donner la définition rigoureuse de cequ’est une distribution.

6.1.1 Définition des fonctions test

Définition 6.1. Soit Ω ⊂ R ouvert et φ : Ω −→ R continue. On définit le support de φ par

Supp(φ) = x ∈ Ω, φ(x) 6= 0Ω .

Précisons que la notation AΩ

signifie “fermeture de l’ensemble A dans Ω” ; c’est donc l’ensembledes points de Ω qui sont limites de suites de points de A. Cet ensemble peut ne pas être fermé.Afin d’éclairer cette définition, donnons quelques exemples.

Exemple 6.1. On considère Ω = R et φ(x) = sinx. Dans ce cas, x ∈ R, φ(x) 6= 0 = R \ πZ, etdonc

Supp(φ) = x ∈ R, φ(x) 6= 0R = R.

Exercice 6.1. Pour Ω = ]− π, 2π[ ∪ ]2π, 4π[, déterminer le support de la fonction

φ(x) =

sinx si x ∈ ]− π, π[,0 si x ∈ [π, 2π[,x− 3π si x ∈ ]2π, 4π[,

Le support est-il compact ?

Exercice 6.2. Pour Ω = ]− 1/2, 3[, déterminer le support de la fonction

φ(x) =

0 si x ∈ ]− 1/2, 0],x si x ∈ ]0, 1],2− x si x ∈ ]1, 2],0 si x ∈]2, 3[,

Le support est-il compact ?

Exercice 6.3. Pour Ω = ]0, 3[, déterminer le support de la fonction

φ(x) =

x si x ∈ ]0, 1],2− x si x ∈ ]1, 2],0 si x ∈ ]2, 3[.

Le support est-il compact ?

Exercice 6.4. Soient f et g continues de R dans R.

(1) Montrer queSupp(fg) ⊂ Supp(f) ∩ Supp(g)

et que l’inclusion peut être stricte.

(2) Montrer queSupp(f + g) ⊂ Supp(f) ∪ Supp(g)

et que l’inclusion peut être stricte.

Définition 6.2. On note D(Ω) l’espace des fonctions indéfiniment dérivables sur Ω (i.e. C∞) età support compact. Ces fonctions sont appelées fonctions test dans Ω. Pour K ⊂ Ω compact, onnote DK(Ω) l’espace des fonctions test à support dans K.

Page 57: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6.2 Définition des distributions 45

6.1.2 Quelques propriétés des fonctions test

Nous admettrons le résultat de densité suivant.

Théorème 6.1. L’espace D(Ω) est dense dans Lp(Ω) pour tout 1 6 p < +∞.

Remarque 6.1. Bien prendre garde au fait que la valeur p = +∞ n’est pas permise dans lerésultat précédent : l’espace D(Ω) n’est pas dense dans L∞(Ω). Par exemple, sur Ω = ]0, 1[,soit f ∈ L∞(]0, 1[) définie par f(x) = 1 presque partout. Alors, pour tout φ ∈ D(]0, 1[), on a‖f − φ‖L∞ > 1.

Nous aurons aussi besoin, pour certaines preuves, d’employer des fonctions de D(R) particu-lières.

Lemme 6.1. Soit Ω ouvert de R et Ba(r) =]a − r, a + r[ la boule ouverte 1 de centre a ∈ Ω derayon r > 0. Si Ba(r) ⊂ Ω, il existe φ ∈ D(Ω) à support dans Ba(r) vérifiant φ > 0 et

´

Ωφ = 1.

Exercice 6.5. Prouver le Lemme 6.1 en construisant explicitement une fonction qui convient. Onpourra s’appuyer sur η : R → R définie par

η(x) =

exp

Å

1

|x|2 − 1

ã

pour |x| < 1,

0 pour |x| > 1,

en se convaincant au préalable que η ∈ D(R) avec Supp(η) = [−1, 1].

6.2 Définition des distributions

Définition 6.3. On dit que T est une distribution dans l’ouvert Ω si T est une forme linéairesur D(Ω) qui vérifie la propriété de continuité suivante : pour tout compact K de Ω, il existe unentier p et une constante C ∈ R+ tels que

∀φ ∈ DK(Ω), |〈T, φ〉D′,D| 6 C supx∈K, 06α6p

∣∣∣∣dαφ

dxα(x)

∣∣∣∣ . (6.1)

On note D′(Ω) l’espace vectoriel des distributions dans Ω.

Insistons sur le fait que la constante C et l’entier p dans (6.1) dépendent a priori de K, etaugmentent lorsque le compact devient plus grand – en tout cas, elles ne peuvent pas diminuer.Dans certains cas, ces nombres peuvent rester constants (voir Exercice 6.12).

Définition 6.4 (Ordre d’une distribution). Lorsque l’entier p peut être choisi indépendam-ment de K on dit que la distribution T est d’ordre fini, et la plus petite valeur de p possible estappelée l’ordre de T .

Heuristiquement, plus l’ordre d’une distribution est élevé, plus celle-ci est singulière.

1. Nous formulons le résultat en employant une terminologie a priori inutilement compliquée puisqueles boules ouvertes en dimension 1 sont des intervalles ouverts, mais c’est cette formulation en terme deboules qui permet de généraliser le résultat aux dimensions supérieurs.

Page 58: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

46 6 Distributions

6.2.1 Quelques exemples importants

Exercice 6.6 (Fonctions localement intégrables). Soit f ∈ L1loc(Ω). On note Tf (ou tout

simplement f) la forme linéaire définie par

∀φ ∈ D(Ω), 〈Tf , φ〉D′,D =

ˆ

Ω

f φ. (6.2)

Montrer que Tf définit une distribution d’ordre 0.

Exercice 6.7 (Mesures). Soit µ une mesure borélienne localement bornée (i.e. une mesure µdéfinie sur l’ensemble B(Ω) des boréliens de Ω telle que µ(K) < +∞ pour tout compact K ⊂ Ω).On note Tµ (ou tout simplement µ) la distribution définie par

∀φ ∈ D(Ω), 〈Tµ, φ〉D′,D =

ˆ

Ω

φ dµ. (6.3)

Montrer que Tµ définit une distribution d’ordre 0.

Exercice 6.8 (Masse de Dirac). Pour tout a ∈ R, on note δa la distribution définie par

∀φ ∈ D(R), 〈δa, φ〉D′,D = φ(a). (6.4)

Montrer que δa définit une distribution d’ordre 0.

Exercice 6.9. Pour tout a ∈ R, on note δ′a la distribution définie par

∀φ ∈ D(R), 〈δ′a, φ〉D′,D = −φ′(a). (6.5)

Montrer que δ′a définit une distribution d’ordre au plus 1.

Exercice 6.10 (Valeur principale). On définit la valeur principale de la fonction 1/x par

∀φ ∈ D(R),

vp

Å

1

x

ã

, φ

D′,D

= limε→0+

ˆ

|x|>ε

φ(x)

xdx. (6.6)

Montrer que vp(1/x) définit une distribution d’ordre au plus 1. On vérifiera pour ce faire que, pourφ ∈ D(R),

ˆ

|x|>ε

φ(x)

xdx =

ˆ

ε6|x|61

φ(x)− φ(0)

xdx+

ˆ

|x|>1

φ(x)

xdx. (6.7)

Exercice 6.11. On introduit la suite de fonctions test φn(x) = Φ(x) arctan(nx) où Φ ∈ D(R) estpaire et vaut 1 au voisinage de 0 (une telle fonction existe bien par le Lemme 6.1). En se souvenantdes résultats des Exercices 6.9 et 6.10, montrer que δ′a et vp(1/x) sont des distributions d’ordreexactement 1.

Exercice 6.12. En s’aidant des exemples précédents, construire des distributions d’ordre fini maispour lesquelles la constante C dans (6.1) augmente lorsque le compact devient plus grand ; et desdistributions d’ordre fini pour lesquelles cette constante n’augmente pas. Construire également desdistributions pour lesquelles la constante C peut être choisie indépendamment du compact K, maispas l’entier p.

6.2.2 Fonctions localement intégrables

L’espace des fonctions test est suffisamment riche pour que l’application naturelle f 7→ Tf deL1loc(Ω) dans D′(Ω) soit injective. Ce fait très important fait l’objet du théorème suivant.

Page 59: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6.2 Définition des distributions 47

Théorème 6.2. Soit f et g dans L1loc(Ω). Alors

f = g ⇔ Tf = Tg dans D′(Ω).

Exercice 6.13. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 6.2.

(1) Montrer pour commencer l’implication ⇒.

Nous allons démontrer la réciproque en nous limitant au cas où Ω = R et où f et g sont dans L1(R)(ceci pour éviter des complications techniques). Considérons donc f et g dans L1(R) vérifiantTf = Tg et posons h = f − g ; il s’agit de vérifier que h = 0 presque partout, sachant qu’on a

∀φ ∈ D(R),

ˆ

Ω

hφ = 0. (6.8)

(3) Soit ε > 0. Justifier l’existence de ψ ∈ D(R) tel que ‖h− ψ‖L1 6 ε/3.

(4) Soit une fonction χ ∈ D(R) positive à support dans la boule unité et d’intégrale égale à 1. Onconstruit la suite de fonctions (χn)n∈N∗ définie par

χn(x) = nχ(nx).

Montrer que‖ψ − ψ ⋆ χn‖L1 −−−−−→

n→+∞0. (6.9)

(5) On introduit la suite de fonctions (hn)n∈N∗ définie par hn(x) = (h ⋆ χn)(x). Montrer que hnest en fait identiquement nulle sur R.

(6) Montrer que ‖h‖L1 6 ‖h− ψ‖L1 + ‖ψ − ψ ⋆ χn‖L1 + ‖(h− ψ) ⋆ χn‖L1 . Conclure.

On peut donc identifier une fonction de L1loc(Ω) et la distribution qui lui est associée et noter

f à la place de Tf . On peut ainsi reformuler le théorème précédent de la façon suivante, qui esten fait la manière “pratique” de comprendre et d’utiliser en pratique l’identification entre f et Tf .

Théorème 6.3. Soit f et g dans L1loc(Ω). Alors

f = g ⇔ f = g dans D′(Ω).

On se servira de nombreuses fois de ce résultat par la suite. En fait, une application typiquesera la suivante : on montrera, par un raisonnement adéquat, qu’une distribution T est égale àune fonction f ∈ Lp(Ω), l’égalité ayant lieu au sens des distributions (i.e. en dualité contre desfonctions test). On pourra ainsi écrire T = f , avec égalité en tant que fonctions de L1

loc(Ω) ; puis,au vu des propriétés d’intégrabilité de la fonction f , conclure que T = f ∈ Lp(Ω), l’égalité ayantlieu dans Lp(Ω).

Remarque 6.2. On prendra bien garde au fait que si T ∈ D′(Ω), on ne peut pas écrire en généralque 〈T, φ〉D′,D est égal à

´

ΩTφ. Ceci n’est possible que si on a montré au préalable que T ∈

L1loc(Ω).

Remarque 6.3. Attention ! La notion de distribution généralise en un certain sens la notion defonction mais cela ne veut pas dire que toutes les fonctions sont des distributions. Ainsi, la fonctionfα(x) = |x|α définit une distribution sur R si et seulement si α > −1 (lorsque α 6 −1, la fonctionfα n’est pas L1

loc(R)).

6.2.3 Multiplication par une fonction C∞

Proposition 6.1. Soit f une fonction C∞(R) et T ∈ D′(R). La forme linéaire

∀φ ∈ D(R), 〈fT, φ〉D′,D = 〈T, fφ〉D′,D

définit une distribution fT ∈ D′(R).

Page 60: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

48 6 Distributions

Exercice 6.14. Prouver ce résultat (on utilisera la formule de Leibniz).

Remarque 6.4. Attention ! On ne peut pas multiplier deux distributions. Ainsi la fonction f(x) =1/√

|x| est dans L1loc(R) et définit donc une distribution mais il n’en va pas de même pour la

fonction f2 (car f2(x) = 1/|x| est une fonction qui n’est pas dans L1loc(R)). De façon générale, le

produit T1T2 pour T1 ∈ D′(Ω) et T2 ∈ D′(Ω) n’a aucun sens.

Exercice 6.15. Montrer que x vp (1/x) = 1 et que x δ0 = 0.

6.3 Dérivation au sens des distributions

Considérons une fonction f ∈ C1(R) et φ ∈ D(R). On a pour une telle fonction la formuled’intégration par parties

∀φ ∈ D(R),

ˆ

R

df

dxφ = −

ˆ

R

fdφ

dx.

De manière générale, pour p > 1,

∀φ ∈ D(R),

ˆ

R

dpf

dxpφ = (−1)p

ˆ

R

fdpφ

dxp.

On peut, en s’inspirant de ces formules, définir la dérivée de n’importe quelle distribution.

6.3.1 Cas général

Définition 6.5. Soit Ω un ouvert de R et T ∈ D′(Ω). On définit la dérivée de la distribution T ,que l’on note T ′ ou dT/dx, par la relation

∀φ ∈ D(Ω), 〈T ′, φ〉D′,D = −〈T, φ′〉D′,D.

Exercice 6.16. Vérifier que T ′ définit bien une distribution lorsque T ∈ D′(Ω) (autrement dit,qu’elle vérifie la propriété de continuité énoncée dans la Définition 6.3).

Exercice 6.17. On considère la fonction de Heaviside

Θ(x) =

®

0 six < 0,

1 six > 0.

Montrer que Θ ∈ D′(R) et Θ′ = δ0.

Exercice 6.18. Montrer que la fonction ln(|x|) définit une distribution dans D′(R) et calculer sadérivée au sens des distributions.

Exercice 6.19. Soit f ∈ L1loc(R) et F (x) =

ˆ x

0

f . Montrer que la dérivée de F au sens des

distributions est égale à f .

6.3.2 Dérivation en dimension 1

Dans cette section, nous faisons le lien avec la notion usuelle de dérivation pour les fonctions C1

puis montrons comment la dérivation au sens des distributions permet de définir la dérivée d’unefonction qui n’est que C1 par morceaux.

Page 61: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6.3 Dérivation au sens des distributions 49

Cas des fonctions C1

Soit f ∈ C1(]a, b[). Les fonctions f et f ′ sont dans L1loc(]a, b[), donc dans D′(]a, b[), et les

distributions engendrées par ces fonctions sont définies comme en (6.2). On a≠

d

dxTf , φ

D′,D

= −≠

Tf ,d

dxφ

D′,D

= −ˆ b

a

fdφ

dx=

ˆ b

a

f ′φ = 〈Tf ′ , φ〉D′,D,

l’avant-dernière égalité provenant d’une intégration par parties (légitime car les fonctions f, φ sontde classe C1). On en déduit que

d

dxTf = Tf ′ ,

i.e. la dérivation au sens des distributions coïncide avec la dérivation au sens usuel pour lesfonctions de classe C1.

Cas des fonctions C1 par morceaux

Définition 6.6. On dit qu’une fonction f est de classe Ck par morceaux sur ]a, b[ si pour toutintervalle compact [α, β] ⊂]a, b[, il existe un nombre fini de points α = a0 < a1 < · · · < aN <aN+1 = β tels que :

(i) dans chacun des intervalles ]ai, ai+1[, la fonction f est de classe Ck ;(ii) f et ses dérivées jusqu’à l’ordre k sont prolongeables par continuité à droite et à gauche en

les points a1, · · · , aN .On notera f(ai + 0) la limite à droite de f en ai et f(ai − 0) la limite à gauche de f en ai.

Remarquons qu’une fonction de classe C1 par morceaux sur ]a, b[ a un nombre au plus dénom-brable de points de discontinuité. 2

Exemple 6.2. Une fonction en escalier est C1 par morceaux. La fonction x 7→ |x| est C1 parmorceaux sur R.

Contre-exemple 6.1. La fonction x 7→ tanx n’est pas C1 par morceaux sur R. La fonctionx 7→

√|x| est continue mais n’est pas C1 par morceaux sur R.

Théorème 6.4. Soit f de classe C1 par morceaux sur ]a, b[. On a, avec les notations de la défi-nition ci-dessus, la formule des sauts suivante :

f ′ = f ′reg +∑

i∈I

[f(ci + 0)− f(ci − 0)] δci ,

où on a noté f ′ la dérivée de f au sens des distributions, (ci)i∈I l’ensemble des points de discon-tinuité de f sur ]a, b[ (notons que I est un ensemble au plus dénombrable dont les seuls pointsd’accumulation éventuels sont a et b), f ′reg la fonction continue par morceaux qui est la dérivée(au sens usuel) de f en dehors des points ci et δci la masse de Dirac en ci.

Exercice 6.20. Prouver ce résultat en utilisant une intégration par parties.

Exercice 6.21. Calculer la dérivée et la dérivée seconde au sens des distributions de la fonction“chapeau” définie sur R par (voir Figure 6.1)

f(x) =

0 si x < −1,x+ 1 si − 1 < x < 0,1− x si 0 < x < 1,0 si x > 1.

Exercice 6.22. Montrer que, pour une fonction C2 par morceaux, on a

f ′′ = f ′′reg +N∑

i=1

[f ′(ai + 0)− f ′(ai − 0)] δai+

N∑

i=1

[f(ai + 0)− f(ai − 0)] δ′ai.

2. Les lecteurs les plus courageux pourront le montrer en exercice.

Page 62: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

50 6 Distributions

x

f(x)

1−1

1

Fig. 6.1. Fonction chapeau (voir Exercice 6.21).

6.4 Convergence des distributions

6.4.1 Définition

Définition 6.7. Soit (Tn)n∈N une suite de distributions dans Ω. On dit qu’une suite (Tn)n∈N

converge vers T dans D′(Ω) si et seulement si

∀φ ∈ D(Ω), 〈Tn, φ〉D′,D −−−−−→n→+∞

〈T, φ〉D′,D.

Notons qu’on a évidemment unicité de la limite dans D′(Ω) : si (Tn)n∈N converge à la fois versT et S au sens des distributions, alors

∀φ ∈ D(Ω), 〈T, φ〉D′,D = 〈S, φ〉D′,D,

ce qui montre que T = S dans D′(Ω).

Exercice 6.23. Soit χ ∈ D(R) d’intégrale égale à 1. Posons, pour n > 1,

χn(x) = nχ(nx).

Montrer que χn −−−−−→n→+∞

δ0 dans D′(R).

Exercice 6.24. Montrer que la suite des sommes partielles fN (x) =N∑

k=0

xk

k!est une suite d’élé-

ments de D′(R) qui converge dans D′(R), et identifier sa limite.

L’espace D′(Ω) muni de la topologie définie ci-dessus possède la propriété remarquable queles opérateurs de dérivation y sont continus. On peut reformuler cette phrase un peu pédante demanière plus concrète.

Proposition 6.2. Si la suite (Tn) tend vers T dans D′(Ω), alors, pour tout p ∈ N, la suite dedistributions (dpTn/dx

p) converge vers dpT/dxp dans D′(Ω).

Exercice 6.25. Prouver la Proposition 6.2.

Comme corollaire immédiat, énonçons la proposition suivante.

Proposition 6.3. Soit (Tn)n∈N une suite dans D′(Ω). Supposons que la série∑

n∈N Tn convergedans D′(Ω) vers une distribution S. Alors, pour tout p ∈ N, la série

∑n∈N d

pTn/dxp converge

dans D′(Ω) et on adp

dxpS =

n∈N

dp

dxpTn.

Page 63: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

6.4 Convergence des distributions 51

Dans D′(Ω), on peut donc dériver sous le signe somme sans se poser de questions. Nousadmettrons finalement le résultat suivant.

Théorème 6.5. Soit (Tn)n∈N une suite de distributions dans Ω. On suppose que pour tout φ ∈D(Ω), la suite (〈Tn, φ〉)n∈N converge vers une limite lφ. Alors, l’application T définie par

〈T, φ〉D′,D = lφ

est une distribution sur Ω.

Ce résultat permet de faire l’économie de la vérification de la continuité de l’application T (quiest manifestement une forme linéaire sur D′(Ω)). C’est l’un des résultats qui rend les distributionssi faciles à manier.

Exercice 6.26. Montrer que la série∑

n∈Z

δn converge dans D′(R).

Exercice 6.27. La série+∞∑

n=1

δ1/n converge-t-elle dans D′(R) ? Même question avec D′(]0,+∞[).

6.4.2 Lien avec la convergence presque partout

La convergence presque partout n’implique pas la convergence dans D′ et réciproquement.Ainsi :

(1) il peut y avoir convergence dans D′ et pas convergence presque partout ;

(2) il peut y avoir convergence presque partout et pas convergence dans D′ ;

(3) il peut y avoir convergence presque partout et convergence dans D′ sans que les deux limitessoient égales.

Les exercices suivants fournissent des exemples de tels comportements.

Exercice 6.28. Montrer que la suite de fonctions fn(x) = einx ne converge pas presque partoutmais converge vers 0 dans D′(R).

Exercice 6.29. Montrer que la suite fn(x) =n∑

k=1

χ1/n2

Å

x− 1

k

ã

(où χ ∈ D(R) est d’intégrale 1,

et χσ(x) = σχ(σx)) converge vers 0 presque partout mais ne converge pas dans D′(R).

Exercice 6.30. Montrer que la suite fn(x) =Ä

σn√2πä−1

exp

Å

− x2

2σ2n

ã

(avec σn → 0) converge

vers 0 presque partout et converge vers δ0 dans D′(R).

6.4.3 Cas des distributions induites par des fonctions Lp

loc(complément)

Proposition 6.4. Soit 1 6 p 6 +∞. La convergence dans Lploc(Ω) implique la convergence dans

D′(Ω).

Exercice 6.31. Prouver ce résultat. On utilisera l’inégalité de Hölder pour 1 < p < +∞.

Page 64: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 65: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

7

Espaces de Sobolev

7.1 Espaces Hk(Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

7.2 Espace H10 (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

7.2.1 Définition abstraite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547.2.2 Inégalité de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 557.2.3 Caractérisation alternative des espaces H1

0 (]a, b[) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567.3 Espace H−1(Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Les espaces de Sobolev jouent un rôle central dans la théorie des EDP. Ce sont des sous-espacesde l’espace vectoriel des distributions qui possèdent une structure hilbertienne leur conférant despropriétés supplémentaires issues des théorèmes fondamentaux de l’analyse hilbertienne (inéga-lité de Cauchy-Schwarz, théorème de projection, théorème de Riesz). Ces propriétés permettrontd’obtenir très simplement des résultats puissants sur les EDP. Signalons également que certainsespaces de Sobolev s’introduisent de façon naturelle en considérant le modèle physique sous-jacentà une EDP : dans nombre de cas, le plus gros espace fonctionnel permettant de donner un sensmathématique à l’énergie d’un système est précisément un espace de Sobolev.

7.1 Espaces Hk(Ω)

Définition 7.1. Soit Ω un ouvert de R et soit k un entier positif. On note Hk(Ω) l’ensembledes fonctions de L2(Ω) dont toutes les dérivées (au sens des distributions) jusqu’à l’ordre k sontdans L2(Ω) :

Hk(Ω) =

ß

f ∈ L2(Ω)

∣∣∣∣ ∀α ∈ 0, . . . , k, dαf

dxα∈ L2(Ω)

.

Par convention, H0(Ω) = L2(Ω).

Exercice 7.1. Pour quels k les fonctions suivantes appartiennent-elles à l’espace Hk(] − 1, 1[) :x 7→ sinx, x 7→ |x|, x 7→ Θ(x) ?

Exercice 7.2. Pour quels entiers k et paramètres α ∈ R\0,−1,−2, ... la fonction x−α appartient-elle à l’espace Hk(]0, 1[) ? A l’espace Hk(R \ [−1, 1]) ?

Exercice 7.3. Soit a et b deux réels tels que a < b, et f ∈ H1(]a, b[) Montrer que |f | ∈ H1(]a, b[)en établissant au préalable que

d|f |dx

(x) =

f(x)

|f(x)|df

dx(x) si f(x) 6= 0,

0 sinon.

Page 66: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

54 7 Espaces de Sobolev

En déduire que si f et g sont deux fonctions de H1(]a, b[), les fonctions max(f, g) et min(f, g)sont dans H1(]a, b[).

Exercice 7.4. Soit u ∈ H1(Ω) et ψ ∈ C∞(Ω). On suppose que ψ et sa dérivée première sontbornées sur Ω. Montrer que le produit ψu défini pour presque tout x ∈ Ω par (ψu)(x) = ψ(x)u(x)est dans H1(Ω).

Exercice 7.5. Soit u ∈ H1(R) et soit Φ : R → R de classe C1 et telle que Φ(0) = 0. Montrer quela fonction Φ u, définie pour presque tout x ∈ R par (Φ u)(x) = Φ(u(x)), est dans H1(R).

Théorème 7.1. L’espace Hk(Ω) est un espace vectoriel. Muni du produit scalaire

(f, g)Hk =∑

066k

ˆ

Ω

dαf

dxα(x)

dαg

dxα(x) dx,

Hk(Ω) est un espace de Hilbert. Sa norme est notée ‖ · ‖Hk .

Exercice 7.6. Il est clair que Hk(Ω) est un espace vectoriel et que (·, ·)Hkest un produit scalaire

sur Hk(Ω). Le point délicat est de vérifier que Hk(Ω) est complet pour la norme ‖ · ‖Hk . Pour cefaire, on va utiliser la complétude de L2(Ω) donnée par le Théorème 5.3. On considère (fn)n∈N

une suite de Cauchy de Hk(Ω).

(1) Montrer que, pour tout α = 0, . . . , k, les suites (dαfn/dxα) sont de Cauchy dans L2(Ω). On

notera gα leur limite.

(2) Prouver que la convergence dans L2(Ω) implique la convergence dans D′(Ω).

(3) Montrer que gα = dαg0/dxα au sens des distributions. Conclure.

Exercice 7.7. On considère l’espace vectoriel

V =v ∈ L2(Ω)

∣∣∣ v′′ ∈ L2(Ω),

équipé du produit scalaire (v, w)V = (v, w)L2 +(v′′, w′′)L2 . Montrer que V est un espace de Hilbert.

Exercice 7.8. Soit p un réel tel que 1 6 p 6 +∞. Soit un entier k positif. On pose

W k,p(Ω) =

ß

u ∈ Lp(Ω)

∣∣∣∣ ∀ 0 6 α 6 k,dαu

dxα∈ Lp(Ω)

,

les dérivées étant prises au sens des distributions. On équipe cet espace de la norme

‖u‖Wk,p =∑

06α6k

∥∥∥∥dαu

dxα

∥∥∥∥Lp

.

(i) Justifier le fait que l’on puisse considérer les dérivées de u au sens des distributions.

(ii) Montrer que W k,p(Ω) équipé de la norme ci-dessus est un espace de Banach.

7.2 Espace H1

0(Ω)

7.2.1 Définition abstraite

On commence par énoncer un résultat qui montre que l’espace D(Ω) des fonctions C∞ à supportcompact n’est pas forcément un bon sous-espace de H1(Ω), dans la mesure où ce sous-espace n’estpas dense sauf si Ω = R.

Proposition 7.1. Si Ω = R, l’espace D(R) est dense dans H1(R). En revanche, si Ω ⊂ R avecΩ 6= R, l’espace D(Ω) n’est pas dense dans H1(Ω).

Page 67: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

7.2 Espace H10 (Ω) 55

La première assertion, assez technique, se montre par troncature et régularisation. Nous ad-mettrons donc ce résultat. Le second résultat est prouvé dans l’exercice suivant, dans le cas simplemais représentatif où Ω =]0, 1[.

Exercice 7.9. (1) En notant que, pour tout φ ∈ D(]0, 1[), on peut écrire

∀x ∈]0, 1[, φ(x) =

ˆ x

0

φ′(t) dt,

montrer l’inégalité |φ(x)| 6 ‖φ′‖L2 , et en déduire que

‖φ‖L2 6 ‖φ′‖L2 . (7.1)

(2) Trouver une fonction de H1(]0, 1[) qui ne satisfait pas cette inégalité. Conclure.

Exercice 7.10. Soit u ∈ H1(R). En utilisant la densité de D(R) dans H1(R), montrer qu’il existeune constante C > 0 (que l’on précisera) telle que

‖u‖L∞ 6 C‖u‖1/2L2 ‖u′‖1/2L2 .

On pourra écrire u(x)2 comme l’intégrale de sa dérivée.

Le résultat de non-densité ci-dessus motive la définition suivante.

Définition 7.2. On note H10 (Ω) la fermeture de D(Ω) dans H1(Ω).

Remarque 7.1. La Proposition 7.1 montre que H10 (R) = H1(R), alors que H1

0 (Ω) n’est qu’unsous-espace vectoriel de H1(Ω) (strictement inclus dans H1(Ω)) si Ω ⊂ R avec Ω 6= R.

Proposition 7.2. L’espace H10 (Ω) est un espace vectoriel. C’est un espace de Hilbert pour le

produit scalaire (·, ·)H1 .

Exercice 7.11. Prouver la Proposition 7.2.

7.2.2 Inégalité de Poincaré

Enonçons maintenant un résultat important d’analyse fonctionnelle dont nous aurons besoinpar la suite pour l’étude de problèmes variationnels avec conditions de bord de Dirichlet :

Théorème 7.2 (Inégalité de Poincaré). Soit Ω un ouvert borné de R. Il existe une constanteCΩ telle que

∀u ∈ H10 (Ω), ‖u‖L2 6 CΩ ‖u′‖L2 .

Dans le langage de l’analyse fonctionnelle, on dit que la norme L2 d’une fonction de H10 (Ω)

(Ω borné) est contrôlée par la norme L2 de son gradient. Insistons lourdement sur le fait qu’un telcontrôle n’est possible que lorsque l’ensemble Ω est borné.

Exercice 7.12. On va prouver le Théorème 7.2 en se fondant sur l’inégalité de Poincaré (7.1)obtenue sur ]0, 1[. L’ouvert Ω étant borné, il existe L > 0 tel que Ω ⊂ [−L,L]. En se ramenantau cas (7.1) par un changement de variable approprié, montrer que

∀φ ∈ D(Ω), ‖φ‖L2 6 2L

∥∥∥∥dφ

dx

∥∥∥∥L2

. (7.2)

Conclure.

Exercice 7.13 (Inégalité de Hardy sur un intervalle borné). Soit Ω = ]0, 1[ et u ∈ H10 (Ω).

Montrer que la fonction x 7→ u(x)

x(1− x)est dans L2(Ω) et que

∥∥∥∥u(x)

x(1− x)

∥∥∥∥L2

6 c‖u′‖L2

où c est une constante indépendante de u.

Page 68: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

56 7 Espaces de Sobolev

7.2.3 Caractérisation alternative des espaces H1

0(]a, b[)

En dimension 1, une fonction qui est dans H1(]a, b[) est dans C0([a, b]), ainsi que le montrel’exercice suivant.

Exercice 7.14. Soit a et b deux réels tels que a < b. Montrer que toute fonction de H1(]a, b[)admet un représentant continu. On commencera par établir que |v(x1)−v(x2)| 6

√|x1 − x2| ‖v′‖L2

lorsque v ∈ D(]a, b[).

On peut donc définir la valeur a et en b d’une fonction de H1(]a, b[). Ceci permet ainsi decaractériser les espaces H1

0 (]a, b[) de manière plus simple en dimension 1.

Proposition 7.3 (Définition alternative). On a la caractérisation suivante :

H10 (]a, b[) =

u ∈ H1(]a, b[), u(a) = u(b) = 0

.

7.3 Espace H−1(Ω)

Définition 7.3. Soit Ω un ouvert de R. On note H−1(Ω) l’espace vectoriel des distributions T ∈D′(Ω) telles qu’il existe une constante C pour laquelle

∀φ ∈ D(Ω), |〈T, φ〉D′,D| 6 C‖φ‖H1 .

Il est clair que L2(Ω) ⊂ H−1(Ω). En effet, si f ∈ L2(Ω), on a

∀φ ∈ D(Ω), |〈f, φ〉D′,D| =∣∣∣∣ˆ

Ω

∣∣∣∣ 6 ‖f‖L2‖φ‖L2 6 ‖f‖L2‖φ‖H1 .

On verra en Proposition 7.4 comment caractériser complètementH−1 comme un espace de dérivéesde fonctions L2. Enonçons au préalable une propriété qui permet elle-aussi de caractériser H−1.

Théorème 7.3. On peut identifier H−1(Ω) au dual de H10 (Ω).

Proposition 7.4 (Caractérisation des éléments de H−1). Soit Ω un ouvert de R. Une dis-tribution T appartient à H−1(Ω) si et seulement si il existe f, g ∈ L2(Ω) telles que

T = f +dg

dx. (7.3)

Exercice 7.15. Montrer que si T est de la forme (7.3), alors T ∈ H−1(Ω).

La réciproque, nettement plus délicate, est admise.

Remarque 7.2. Le résultat ci-dessus montre qu’on a les inclusions D(Ω) ⊂ H10 (Ω) ⊂ L2(Ω) ≡

(L2(Ω))′ ⊂ H−1(Ω) ⊂ D′(Ω). Par ailleurs, L2 peut être vu comme un “espace pivot” de cesdualités, au sens où, pour T ∈ L2(Ω) et φ ∈ D(Ω),

〈T, φ〉 = 〈T, φ〉H−1,H10= 〈T, φ〉(L2)′,L2 = (T, φ)L2 =

ˆ

Ω

T φ.

Page 69: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

8

Formulations faibles

8.1 Théorème de Lax-Milgram . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

8.2 Résolution de problèmes aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

8.2.1 Problème de Poisson (régularisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 598.2.2 Advection-diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 618.2.3 Autres exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Ce chapitre est axé sur l’analyse mathématique de problèmes aux limites elliptiques linéaires.Le terme problème aux limites désigne un problème mathématique composé

(1) d’une (ou plusieurs) équation(s) aux dérivées partielles,

(2) de conditions aux bords (ou de conditions asymptotiques à l’infini).

Pour les problèmes dépendant du temps (dont nous ne parlerons pas ici) s’ajoutent des conditionsinitiales. Le terme elliptique désigne une certaine classe d’équations aux dérivées partielles dontl’archétype est l’équation de Poisson −∆u = f . Enfin le qualificatif linéaire signifie que la ou lesEDPs, ainsi que les conditions aux bords, sont linéaires ou affines. 1

Dans ce chapitre, nous démontrerons notamment que le problème aux limites sur Ω =]−R,R[®

−∆u = f dans D′(Ω),

u(−R) = u(R) = 0,(8.1)

admet, pour f donnée dans H−1(Ω), une solution u et une seule dans H1(Ω), et que cette solutiondépend continûment du second membre f . Ce résultat sera obtenu en deux étapes :

(1) on associera au problème (8.1) une formulation faible (ou variationnelle) qui lui est équivalente®

Chercher u ∈ V tel que

∀v ∈ V, a(u, v) = b(v),(8.2)

avec V = H10 (Ω) et

a(u, v) =

ˆ

Ω

u′v′, b(v) =

ˆ

Ω

fv.

Les problèmes (8.1) et (8.2) sont équivalents en ce sens que toute solution dans H1 du pro-blème (8.1) est solution du problème (8.2), et vice versa ;

(2) on montrera à l’aide du théorème de Lax-Milgram que le problème variationnel (8.2) admetune solution et une seule.

1. Cela exclut par exemple des EDPs telles que ∆(u2) = 0 ou des conditions de bord comme u(R)2 = 1.

Page 70: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

58 8 Formulations faibles

D’autres cas plus compliqués faisant intervenir des opérateurs non symétriques seront égalementétudiés.

Remarque 8.1 (Lien avec le cours de mécanique). Pour faire le lien avec le cours de mé-canique, insistons sur le fait que ce que nous appelons ici “formulation faible” ou “formulationvariationnelle” est appelé en mécanique “principe des travaux virtuels”. Les “travaux virtuels” sonten fait des fonctions test, décrivant tout l’espace de Hilbert V , et utilisées dans la formulationvariationnelle (8.2).

8.1 Théorème de Lax-Milgram

Définition 8.1. Soit V un espace de Hilbert et a une forme bilinéaire sur V . On dit que a estcoercive s’il existe un réel α > 0 tel que

∀u ∈ V, a(u, u) > α ‖u‖2.

Théorème 8.1 (Théorème de Lax-Milgram). Soit V un espace de Hilbert, a une forme bili-néaire sur V continue et coercive et b une forme linéaire continue sur V . Alors le problème

®

Chercher u ∈ V tel que

∀v ∈ V, a(u, v) = b(v),(8.3)

admet une solution et une seule.

Exercice 8.1. L’objectif de cet exercice est de prouver le Théorème 8.1 dans le cas particulier oùa est symétrique, le cas général étant traité dans l’Exercice 8.2. On pose pour cela

(u, v)a = a(u, v).

(1) Montrer que (·, ·)a est un produit scalaire sur V , induisant une norme équivalente à ‖ · ‖V . Endéduire que V muni du produit scalaire (·, ·)a est un espace de Hilbert.

(2) Obtenir l’existence et l’unicité de u en utilisant le Théorème de Riesz (Théorème 4.2) pourreprésenter la forme linéaire b(v).

Exercice 8.2. L’objectif de cet exercice est de donner la preuve du Théorème (8.1) dans le casoù a n’est pas symétrique. On considère pour cela l’application linéaire continue

Φ : V −→ V ′

u 7→ Φ(u) = a(u, ·).

Il est clair que u est solution de (8.3) si et seulement si Φ(u) = b. Montrer l’existence et l’unicitéde la solution de (8.3) équivaut donc à montrer que Φ est bijective.

(1) Montrer que Φ est injective.

(2) Montrer que E = Im(Φ) ⊂ V ′ est fermé. Pour cela, on commencera par montrer que‖Φ(w)‖V ′ > α‖w‖V ; puis on montrera que si (bn) = (Φ(wn)) est une suite de Cauchy de E,alors (wn) est une suite de Cauchy.

(3) Montrer que E est dense. Pour cela, introduire

E† =u ∈ H

∣∣∣ ∀f ∈ V, f(u) = 0,

et prouver que, si w ∈ E†, alors a(w,w) = 0 ; conclure avec le Théorème 2.1.

Dans le cas où la forme bilinéaire est symétrique, on peut proposer une interprétation physi-quement intéressante.

Page 71: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

8.2 Résolution de problèmes aux limites 59

Proposition 8.1 (Interprétation énergétique dans le cas symétrique). Sous les mêmeshypothèses que celles du Théorème 8.1, et si la forme bilinéaire a est symétrique, l’unique solution ude (8.3) est également l’unique solution du problème de minimisation

Chercher u ∈ V tel que J(u) = infv∈V

J(v), (8.4)

où la fonctionnelle J(v) (dite fonctionnelle d’énergie) est définie par

J(v) =1

2a(v, v)− b(v).

Exercice 8.3. L’objectif de cet exercice est de prouver la Proposition 8.1.

(1) Soit u solution de (8.3). En développant J(u+ h), montrer que u est solution de (8.4).

(2) Réciproquement, on suppose que u est solution de (8.4). Obtenir (8.3) en remarquant queJ(u) 6 J(u+ λv) pour tout λ ∈ R et v ∈ V .

8.2 Résolution de problèmes aux limites

Pour résoudre un problème aux limites tel que (8.1), le premier travail à faire est de construireun cadre fonctionnel adapté, c’est-à-dire de préciser un espace fonctionnel F dans lequel on s’au-torise à choisir la donnée f et un espace fonctionnel V dans lequel on va chercher la solution u.

Bien souvent, la physique fournit des modèles sans les espaces fonctionnels qui vont avec ! C’estau mathématicien de trouver les bons espaces, c’est-à-dire ceux pour lesquels on saura dire deschoses sur les solutions du problème (existence, unicité, régularité, ...), pour des données f aussigénérales que possible. Un bon cadre fonctionnel doit en principe assurer l’existence et l’unicitéd’une solution dans V pour tout f ∈ F .

Ce genre de résultats d’existence et d’unicité n’est pas une simple coquetterie mathématique :c’est un garde-fou important en vue de la simulation numérique – il est inutile de chercher numéri-quement une solution si celle-ci n’existe pas, et si elle n’est pas unique, il faut obtenir des critèressupplémentaires pour sélectionner la solution la plus pertinente...

8.2.1 Problème de Poisson (régularisé)

On considère le problème suivant pour λ > 0, Ω =]−R,R[ et f une fonction donnée :

Chercher u : Ω −→ R vérifiant

− u′′ + λu = f dans Ω,

u(−R) = u(R) = 0.

(8.5)

Pour “deviner” les espaces fonctionnels appropriés, on commence par effectuer des manipulationsformelles, qu’il faudra justifier par la suite lors d’un raisonnement complètement rigoureux. Idéa-lement, ces manipulations formelles ne devraient pas apparaitre dans un document “officiel” (copied’examen, article de recherche, etc) dans lequel on n’écrirait que la partie rigoureuse, mais il fautbien exposer ici ce genre de manipulations pour vous faire sentir les opérations à effectuer pourintroduire le problème adéquat...

Manipulations formelles (idéalement : à ne pas reproduire telles quelles)

On multiplie les deux membres de l’équation −∆u + λu = f par v (sans se préoccuper derigueur mathématique) et on intègre sur Ω, ce qui donne

ˆ

Ω

(− u′′ + λu

)v =

ˆ

Ω

fv.

Page 72: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

60 8 Formulations faibles

Une intégration par partie donne formellementˆ

Ω

u′v′ + λ

ˆ

Ω

uv =

ˆ

Ω

fv.

Pour une donnée f très régulière, par exemple f ∈ D(Ω), les deux termes de l’égalité ont unsens lorsque u, v ∈ H1(Ω) (et c’est même une condition nécessaire lorsque v = u). Comme enoutre u = 0 sur ∂Ω = −R,R, un choix approprié consiste à prendre V = H1

0 (Ω) (se souvenirde la Proposition 7.3). On voit alors qu’on peut donner un sens formel au membre de droite del’équation ci-dessus dès que f est dans le dual de H1

0 (Ω), c’est-à-dire dans H−1(Ω). On choisitdonc F = H−1(Ω).

On aboutit ainsi à la formulation mathématique suivante du problème (8.5) : pour f ∈ H−1(Ω)fixée,

®

Chercher u ∈ H10 (Ω) vérifiant

− u′′ + λu = f dans D′(Ω).(8.6)

Raisonnement rigoureux (idéalement : faire comme si on partait directement de là)

On montre l’existence et l’unicité de solutions au problème (8.6) en deux temps : (i) on com-mence par montrer que ce problème est équivalent à un problème formulé sous la forme abs-traite (8.3), puis (ii) on montre qu’en application du théoèreme de Lax-Milgram il existe uneunique solution à (8.3).

Formulation équivalente.

On introduit V = H10 (Ω), ainsi que

a(u, v) =

ˆ

Ω

u′v′ + λ

ˆ

Ω

u v, b(v) = 〈f, v〉H−1,H10, (8.7)

et on considère le problème (8.3) associé à ces données.

Proposition 8.2. Le problème (8.6) est équivalent au problème (8.3) pour V = H10 (Ω) et a, b

donnés par (8.7).

Exercice 8.4. L’objectif de cet exercice est de prouver la Proposition 8.2.

(1) Montrer que (8.3) ⇒ (8.6) en particularisant l’égalité a(u, v) = b(v) de (8.3) pour des fonctionsφ ∈ D(Ω) ⊂ H1

0 (Ω).

(2) Nous allons à présent montrer réciproquement que (8.6) ⇒ (8.3). Etablir pour commencer quea(u, φ) = b(φ) pour tout φ ∈ D(Ω).

(3) Prouver que a est continue sur V × V et b est continue sur V .

(4) Utiliser la densité de D(Ω) dans V et la Proposition 2.4 pour conclure.

Existence et unicité de la solution de la formulation équivalente.

Pour montrer que le problème (8.3) est bien posé, on applique le théorème de Lax-Milgram,dont on vérifie séquentiellement les hypothèses :

(i) V = H10 (Ω) est un espace de Hilbert ;

(ii) b est continue sur V (voir Exercice 8.4) ;

(iii) a est bilinéaire et continue sur V × V (voir Exercice 8.4).

Il ne reste donc plus qu’à montrer que a est coercive sur V , ce qui est souvent le point délicat, etfait l’objet de l’exercice suivant.

Exercice 8.5. On distingue deux cas, selon que λ > 0 ou λ = 0.

Page 73: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

8.2 Résolution de problèmes aux limites 61

(1) Montrer que a est coercive sur V lorsque λ > 0.

(2) Pour traiter le cas λ = 0, montrer pour commencer qu’il existe une constante R > 0 telle que 2

‖v‖H1 6 R‖v′‖L2 pour tout v ∈ V . Conclure ensuite à la coercivité de a.

Remarque 8.2 (Energie associée). Notons que, comme la fonctionnelle a dans (8.7) est symé-trique, on peut ici introduire la fonctionnelle d’énergie J associée au problème (8.6). En fait,

J(v) =1

2

ˆ

Ω

|v′|2 + λ|v|2 − 〈f, v〉H−1,H10.

8.2.2 Advection-diffusion

Donnons à présent un second example de résolution de problèmes aux limites. On n’écrit pas lesmanipulations formelles motivant les espaces fonctionnels introduits, mais le lecteur est encouragéà se convaincre que ce sont en effet des espaces “naturels”.

Soit Ω =] − R,R[. On considère deux paramètres : λ > 0 et µ ∈ R, ainsi qu’un terme sourcef ∈ H−1(Ω). On cherche u ∈ H1(Ω) solution de

®

−u′′ + µu′ + λu = f dans D′(Ω),

u = 0 sur ∂Ω = −R,R. (8.8)

Formulation faible du problème (P ).

Introduisons V = H10 (Ω) et

a(u, v) =

ˆ

Ω

u′v′ + µu′v + λuv b(v) = 〈f, v〉H−1,H10, (8.9)

et considérons le problème (8.3) associé à ces données.

Proposition 8.3. Le problème (8.8) est équivalent au problème (8.3) pour V = H10 (Ω) et a, b

donnés par (8.9).

Exercice 8.6. Prouver ce résultat en s’inspirant de la preuve de la Proposition 8.2.

Existence et unicité de la solution de la formulation faible.

Montrons qu’on peut appliquer le théorème de Lax-Milgram :

(i) V = H10 (Ω) est un espace de Hilbert ;

(ii) b est continue sur V (voir Exercice 8.4) ;

(iii) a est bilinéaire sur V × V .

Il ne reste donc plus qu’à montrer que a est continue et coercive sur V .

Exercice 8.7. Montrer que la forme bilinéaire a définie en (8.9) est continue et coercive. Onremarquera que

∀φ ∈ D(Ω),

ˆ

Ω

φ′φ = 0.

Conclusion.

Le problème (8.8) est équivalent à (8.3) pour V = H10 (Ω) et a, b donnés par (8.9). Ce dernier

problème ayant une unique solution par le théorème de Lax-Milgram, le problème (8.8) a doncune solution et une seule.

2. Noter que cela donne l’équivalence des normes ‖v‖H1 et ‖v′‖L2 sur H10 (Ω) pour Ω borné. Insistons

une fois de plus sur le fait qu’une telle équivalence n’est possible que lorsque Ω est borné, et seulement siles fonctions en question s’annulent au bord.

Page 74: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

62 8 Formulations faibles

8.2.3 Autres exemples

Exercice 8.8. Pour tout α réel strictement positif, on note aα la forme bilinéaire sur H10 (]−1, 1[)

définie par

∀(u, v) ∈ H10 (]− 1, 1[)×H1

0 (]− 1, 1[), aα(u, v) = α

ˆ 0

−1

u′v′ +

ˆ 1

0

u′v′.

On note b la forme linéaire sur H10 (]− 1, 1[) définie par

∀v ∈ H10 (]− 1, 1[), b(v) =

ˆ 1

−1

v.

(1) Montrer que pour tout α > 0, le problème

®

Chercher u ∈ H10 (]− 1, 1[) tel que

∀v ∈ H10 (]− 1, 1[), aα(u, v) = b(v)

admet une solution et une seule, que l’on notera uα.

(2) En introduisant la fonction

ηα(x) =

®

α si x ∈]− 1, 0[

1 si x ∈]0, 1[,écrire une EDP dans D′(]− 1, 1[) dont uα est solution.

(3) Expliciter uα. On cherchera uα sous la forme

uα(x) =

®

a1(x+ 1)2 + b1(x+ 1) si x ∈]− 1, 0[

a2(x− 1)2 + b2(x− 1) si x ∈]0, 1[,

où a1, b1, a2 et b2 sont des coefficients réels à déterminer. On vérifiera aussi que pour α = 1,la solution est (1 + x)(1− x)/2.

Exercice 8.9. Ecrire une formulation faible telle que (8.3) pour chacun des problèmes aux limitessuivants. On vérifiera dans chaque cas qu’il y a bien équivalence entre le problème aux limites etla formulation faible et que les hypothèses du théorème de Lax-Milgram sont satisfaites.

(1) Soit a ∈ C0([0, 1],R) telle que inf[0,1]

a = α > 0 et f ∈ L2(0, 1) :

Chercher u ∈ H10 (]0, 1[)tel que

− d

dx

Å

a(x)du

dx(x)

ã

= f(x) sur ]0, 1[

(2) Soit λ > 0 et f ∈ L2(R) :

®

Chercher u ∈ H1(R)tel que

− u′′(x) + λu(x) = f(x) sur R.

Exercice 8.10. On considère le problème (8.3) avec V = H2(R) et, pour f ∈ L2(R) et λ ∈ R,

a(u, v) =

ˆ

R

u′′ v′′ + λ

ˆ

R

u′ v′ +

ˆ

R

u v, b(v) =

ˆ

R

f v.

(1) Montrer que si λ > 0, le problème est bien posé.

Page 75: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

8.2 Résolution de problèmes aux limites 63

(2) Montrer que pour tout φ ∈ D(R),ˆ

R

|φ′|2 = −ˆ

R

φ′′ φ,

et de là que pour tout u ∈ H2(R),ˆ

R2

|u′|2 61

2

ň

R

u2 +

ˆ

R2

|u′′|2ã

.

En déduire que si λ > −2, le problème est bien posé.

(3) Quelle est l’équation aux dérivées partielles satisfaite au sens des distributions par u ?

Page 76: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 77: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

9

Méthode des éléments finis

9.1 Motivation : des problèmes issus de la mécanique et de la thermique 659.1.1 Transferts thermiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 669.1.2 Équilibre d’une membrane élastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

9.2 La méthode de Galerkine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.2 Estimation d’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679.2.3 Système linéaire associé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

9.3 Éléments finis en dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699.3.1 Maillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699.3.2 Élément fini de Lagrange P1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 709.3.3 Application au problème de Dirichlet (9.1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Ce chapitre présente une méthode numérique fondamentale pour approcher des problèmes auxlimites tels que ceux présentés au Chapitre 8. On considère, à titre d’exemple, le problème suivant,pour Ω =]0, R[ et f ∈ L2(Ω) donnée,

®

Chercher u ∈ H10 (Ω) vérifiant

− u′′ = f dans D′(Ω).(9.1)

On a montré à la Section 8.2.1 que ce problème se formule de manière équivalente sous la formefaible

®

Chercher u ∈ V = H10 (Ω) vérifiant

∀v ∈ V, a(u, v) = b(v),(9.2)

a(u, v) =

ˆ

Ω

u′ v′, b(v) =

ˆ

Ω

f v. (9.3)

Insistons sur le fait que f est prise dans L2(Ω) ici et a donc plus de régularité qu’un élément géné-rique de H−1(Ω). Cette régularité supplémentaire permet d’obtenir des solutions u plus régulières,et donc plus faciles à calculer numériquement.

On commence par motiver la pertinence physique de problèmes tels que (9.1) en Section 9.1.On donne ensuite en Section 9.2 les grands principes de la méthode de Galerkine, qui est uneapproximation variationnelle. On finit en présentant en Section 9.3 une classe particulière deméthodes de Galerkine, les éléments finis.

9.1 Motivation : des problèmes issus de la mécanique et de la thermique

Le problème (9.1) intervient par exemple dans la modélisation de transferts thermiques et del’équilibre d’une membrane élastique sous un chargement. La modélisation ci-dessous est réaliséepour des systèmes de dimension d > 1, mais on retrouve bien (9.1) pour d = 1.

Page 78: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

66 9 Méthode des éléments finis

9.1.1 Transferts thermiques

Considérons un matériau occupant le volume Ω. Celui-ci reçoit en tout point x ∈ Ω unequantité d’énergie f(x) par unité de volume. En notant q(x) = (q1(x), . . . , qd(x)) le vecteur fluxde chaleur au point x, l’équation de conservation de l’énergie s’écrit

∇·q(x) =d∑

i=1

∂qi∂xi

(x) = f(x), ∀x ∈ Ω.

Soit u(x) la température du matériau au point x. Le vecteur flux de chaleur peut être relié augradient de température par la loi de Fourier

q(x) = −κ∇u(x), ∀x ∈ Ω,

où κ est la conductivité thermique du matériau, supposée constante pour simplifier. En combinantles deux équations ci-dessus, en divisant par κ et en posant f(x) := 1

κ f(x), nous obtenons lapremière équation de (9.1) puisque ∇·∇u = ∆u. Par ailleurs, en supposant la température fixée àune valeur constante u0 sur ∂Ω et quitte à changer u en u − u0, nous obtenons la condition auxlimites dans (9.1). D’autres conditions aux limites peuvent être considérées, comme par exemplecelle de prescrire la valeur de la composante normale du flux de chaleur q (et donc la dérivéenormale de u) sur ∂Ω. Dans ce cas, on parle de conditions aux limites de Neumann.

9.1.2 Équilibre d’une membrane élastique

Soit une membrane plane qui au repos occupe le domaine Ω ⊂ R2. La membrane est tendue

selon un champ de contraintes σ ∈ R2×2 donné. Appliquons maintenant un chargement f (force

par unité de surface) dans la direction orthogonale au plan de la membrane au repos ; f est doncici une fonction à valeurs scalaires. Si ce chargement est suffisamment petit, la déformation dela membrane à l’équilibre résulte en première approximation d’un champ de déplacement dans ladirection orthogonale à ce même plan. Ce déplacement peut donc être décrit par une fonction àvaleurs scalaires u : Ω → R (voir la Figure 9.1). Dans le cadre de l’élasticité linéaire (cf. cours deMécanique), on montre que la fonction u est régie par l’EDP

−∇·(σ·∇u

)(x) = f(x), ∀x ∈ Ω. (9.4)

Lorsque la membrane au repos est tendue de façon uniforme et isotrope, on a σ = τI2 où τ ∈ R

est la tension de la membrane et I2 la matrice identité de R2×2. En posant f(x) := 1

τ f(x), nousobtenons la première équation de (9.1). Par ailleurs, la condition aux limites résulte du fait queles bords de la membrane sont maintenus fixes, si bien que le déplacement est nul à la frontière.

Ω

∂Ω

f(x)

u(x)

Fig. 9.1. Équilibre d’une membrane élastique.

Page 79: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

9.2 La méthode de Galerkine 67

9.2 La méthode de Galerkine

La brique fondamentale sur laquelle est construite la méthode des éléments finis est la méthodede Galerkine. 1 Dans cette section, nous allons en étudier le principe, son caractère optimal entermes d’erreur d’approximation et sa reformulation par le biais d’un système linéaire.

9.2.1 Principe

La méthode de Galerkine fournit un moyen simple et élégant d’approcher la solution du pro-blème (9.1), en se fondant sur sa formulation faible équivalente (9.2). Par la suite, nous supposeronstoujours que les hypothèses du théorème de Lax–Milgram sont satisfaites, si bien que le problèmeest bien posé.

Le principe de la méthode de Galerkine consiste à remplacer l’espace de dimension infinie V(dans lequel vit la solution exacte u) par un sous-espace de dimension finie Vh (dans lequel seracherchée la solution approchée uh). L’espace Vh est appelé espace d’approximation. L’indice h faitréférence à la finesse du maillage qui a servi à construire l’espace Vh ; son rôle sera précisé dansles sections suivantes. Par la suite, nous ferons l’hypothèse

Vh ⊂ V,

et on munira Vh du produit scalaire défini sur V . On parle d’approximation conforme. On peutégalement concevoir des méthodes de Galerkine dans un cadre non-conforme, mais cela sort ducadre de ce cours.

On formule le résultat sous une forme générale. On considère un problème formulé de manièrefaible sous la forme suivante : pour un espace de Hilbert V donné,

®

Chercher u ∈ V vérifiant

∀v ∈ V, a(u, v) = b(v),(9.5)

où a est bilinéaire, continue, coercive sur V et b est une forme linéaire continue sur V . La versionapprochée du problème (9.5) consiste ainsi à

®

Chercher uh ∈ Vh tel que

a(uh, vh) = b(vh), ∀vh ∈ Vh.(9.6)

On note dans la suite ω la constante de continuité de a et α > 0 celle de coercivité : pour toutu, v ∈ V ,

|a(u, v)| 6 ω‖u‖V ‖v‖V , a(u, u) > α‖u‖2V .Noter que ω > α.

Proposition 9.1. Le problème approché (9.6) admet une et une seule solution.

Exercice 9.1. Prouver la Proposition 9.1.

9.2.2 Estimation d’erreur

Notre objectif est maintenant d’estimer l’erreur d’approximation e = u−uh dans la norme ‖·‖V .Commençons par une propriété importante de la méthode de Galerkine.

Lemme 9.1 (Orthogonalité de Galerkine). L’erreur e = u− uh est telle que

∀vh ∈ Vh, a(e, vh) = 0. (9.7)

1. Le nom de Boris Grigorievich Galerkine (1871–1945) est parfois écrit Galerkin comme en anglais ;nous suivrons ici l’usage général du français pour les noms russes avec une désinence en -ine.

Page 80: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

68 9 Méthode des éléments finis

Exercice 9.2. Prouver le Lemme 9.1.

Lemme 9.2 (Céa). On a l’estimation d’erreur

‖u− uh‖V 6ω

αinf

vh∈Vh

‖u− vh‖V . (9.8)

Exercice 9.3. Prouver le Lemme 9.2 en montrant au préalable que a(u − uh, u − uh) = a(u −uh, u− vh) pour tout vh ∈ Vh.

Il est essentiel d’observer que l’estimation (9.8) est optimale. En effet, puisque la solutionapprochée est cherchée dans Vh, on a nécessairement

infvh∈Vh

‖u− vh‖V 6 ‖u− uh‖V .

L’estimation (9.8) montre que l’erreur ‖u−uh‖V est également majorée par cette borne inférieuremultipliée par un facteur qui ne dépend que de la forme bilinéaire a (et donc du modèle physique),indépendamment du choix de l’espace d’approximation Vh. Une autre conséquence importantede l’estimation (9.8) est que la méthode de Galerkine fournit la solution exacte lorsque celle-cise trouve appartenir à l’espace d’approximation Vh – de tels miracles peuvent (très rarement) seproduire !

Interprétation géométrique de l’orthogonalité de Galerkine (complément)

Lorsque la forme bilinéaire a est symétrique, celle-ci définit un produit scalaire a(·, ·) sur V ,équivalent à la norme ‖ · ‖V – voir la preuve du Théorème 8.1. La relation d’orthogonalité (9.7)admet ainsi une interprétation géométrique simple : uh est la projection orthogonale sur Vh de lasolution exacte u par rapport au produit scalaire a(·, ·) (voir Figure 9.2). Observons également quela propriété de symétrie de la forme bilinéaire a permet d’améliorer l’estimation d’erreur (9.8). Eneffet, en utilisant la relation de Pythagore, il vient, pour tout vh ∈ Vh,

a(u− uh, u− uh) 6 a(u− vh, u− vh),

ce qui, combiné avec les propriétés de coercivité et continuité de a, fournit

‖u− uh‖V 6

(ωα

)1/2inf

vh∈Vh

‖u− vh‖V .

On observera que cette estimation est meilleure que (9.8) puisque ω/α > 1.

u

uh

Vh

Fig. 9.2. Interprétation géométrique de la méthode de Galerkine dans V = R2.

Page 81: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

9.3 Éléments finis en dimension 1 69

9.2.3 Système linéaire associé

L’espace Vh étant de dimension finie, le problème approché (9.6) se ramène à la résolution d’unsystème linéaire. En effet, posons N = dim(Vh) et soit (ϕ1, . . . , ϕN ) une base de Vh. On écrit

uh =N∑

i=1

uiϕi.

Le problème (9.6) est équivalent à chercher U = (u1, . . . , uN ) ∈ RN tel que

∀1 6 i 6 N,N∑

j=1

a(ϕj , ϕi)uj = b(ϕi).

En posantA = (Aij)16i,j6N ∈ R

N,N , Aij = a(ϕj , ϕi), (9.9)

etB = (Bi)16i6N ∈ R

N , Bi = b(ϕi), (9.10)

nous obtenons le système linéaireAU = B. (9.11)

La matrice A s’appelle la matrice de rigidité en référence aux problèmes de mécanique où elle aété introduite pour la première fois.

Remarque 9.1. Insistons sur l’ordre des fonctions dans l’élément de matrice Aij = a(ϕj , ϕi), quiest important lorsque la forme bilinéaire a n’est pas symétrique.

Les propriétés de la matrice A sont directement héritées de celles de la forme bilinéaire a. Nousavons le résultat suivant.

Proposition 9.2 (Propriétés de la matrice de rigidité). Si la forme bilinéaire a est symé-trique, la matrice A est symétrique. Si la forme bilinéaire a est coercive, la matrice A est définiepositive.

Exercice 9.4. Prouver la Proposition 9.2.

9.3 Éléments finis en dimension 1

Dans cette section, on suppose que Ω = ]0, R[. En une dimension d’espace, nous notons Pk

l’espace des polynômes de degré inférieur ou égal à k :

Pk =

p : R → R; p(x) =

k∑

l=0

αlxl; (α0, . . . , αk) ∈ R

k+1

.

L’espace Pk est un espace vectoriel de dimension (k + 1).

9.3.1 Maillages

Un maillage de Ω est de la forme

0 = x0 < x1 < . . . < xn < xn+1 = R, (9.12)

avec un pas de discrétisation local hi = xi+1 − xi pour 0 6 i 6 n. On caractérise la finesse dumaillage par le paramètre

Page 82: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

70 9 Méthode des éléments finis

h = max06i6n

hi.

Les points xi06i6n+1 constituent les sommets du maillage et les points xi16i6n les sommetsintérieurs. On introduit les éléments du maillage, ou plus simplement les mailles :

Ki := [xi, xi+1] (0 6 i 6 n).

Pour des raisons de simplicité, nous supposerons souvent que les sommets du maillage sont régu-lièrement espacés si bien que pour tout 0 6 i 6 n+ 1, on a xi = ih avec

h =b− a

n+ 1.

De tels maillages sont dits uniformes.

9.3.2 Élément fini de Lagrange P1

Considérons l’espace fonctionnel de dimension finie constitué des fonctions continues et affinespar morceaux sur le maillage (9.12) :

V(1)h =

vh ∈ C0(Ω); ∀0 6 i 6 n, vh|[xi,xi+1] ∈ P1; vh(a) = vh(b) = 0

. (9.13)

Les fonctions de V (1)h sont de classe C1 par morceaux et sont globalement de classe C0. On a le

résultat de conformité suivant.

Proposition 9.3 (Conformité). On a V (1)h ⊂ H1

0 (Ω).

Exercice 9.5. Prouver la Proposition 9.3.

x

vh(x)

Fig. 9.3. Fonction dans l’espace d’approximation V(1)h

.

Une fonction dans l’espace d’approximation V(1)h est illustrée sur la Figure 9.3. Introduisons

les fonctions suivantes :

∀1 6 i 6 n, ϕi(x) =

xi+1 − x

xi+1 − xisi x ∈ Ki,

x− xi−1

xi − xi−1si x ∈ Ki−1,

0 sinon.

Ces fonctions sont illustrées sur la Figure 9.4. Elles sont appelées fonctions chapeau en référenceà la forme de leur graphe. On observera que, par construction, ϕi ∈ V

(1)h pour tout 1 6 i 6 n et

queϕi(xj) = δij , ∀1 6 i, j 6 n,

où δij est le symbole de Kronecker.

Page 83: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

9.3 Éléments finis en dimension 1 71

x1 xi xn

ϕ1 ϕi ϕn

a b

1

Fig. 9.4. Fonctions chapeau.

Proposition 9.4 (Base de V (1)h ). La famille ϕ1, . . . , ϕn constitue une base de l’espace V (1)

h .

Exercice 9.6. L’objectif de cet exercice est de prouver la Proposition 9.4.

(1) Montrer que la famille ϕ1, . . . , ϕn est libre.

(2) Montrer que la famille est génératrice en introduisant, pour un élément vh ∈ Vh donné, lafonction

wh(x) =n∑

i=1

vh(xi)ϕi(x).

Corollaire 9.1 (Dimension de V (1)h ). On a dim(V

(1)h ) = n.

Concluons cette section par un résultat d’approximation qui montre que l’espace d’élementsfinis que nous avons introduit permet d’approcher des fonctions suffisamment régulières. On in-troduit pour ce faire l’opérateur d’interpolation

I(1)h : C0(Ω) ∋ v 7−→

n∑

i=1

v(xi)ϕi ∈ V 1h . (9.14)

La fonction I(1)h v est l’unique fonction de V (1)

h prenant la même valeur que la fonction v en tousles sommets intérieurs du maillage (voir la Figure 9.5).

x

v(x)

I(1)h

v(x)

Fig. 9.5. Exemple d’interpolation d’une fonction v ∈ H10 (Ω).

Théorème 9.1 (Interpolation). Il existe une constante cI(1) , indépendante de h, telle que pourtoute fonction v ∈ H2(Ω) ∩H1

0 (Ω),∥∥∥v − I(1)

h v∥∥∥H1

6 cI(1)h‖v′′‖L2 et∥∥∥v − I(1)

h v∥∥∥L2

6 cI(1)h2‖v′′‖L2 . (9.15)

Ce résultat montre qu’en raffinant le maillage (c’est-à-dire en prenant un pas de discrétisation hde plus en plus petit), nous pouvons approcher toute fonction de H2(Ω)∩H1

0 (Ω) par une fonction

de V (1)h avec une plus grande précision et que l’erreur d’interpolation v−I(1)

h v tend vers 0 lorsqueh → 0. Enfin, cette erreur tend vers zéro à l’ordre 1 en h pour la norme H1 et à l’ordre 2 en hpour la norme L2.

Page 84: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

72 9 Méthode des éléments finis

Exercice 9.7. L’objet de cet exercice est de prouver le Théorème 9.1. Soit v ∈ H2(Ω). On montre,en utilisant l’Exercice 7.14, que v ∈ C1(Ω) (car v′ ∈ C0(Ω)).

(1) On considère une maille Ki et on définit la fonction wi : Ki → R telle que

∀s ∈ Ki, wi(s) = v′(s)− v(xi+1)− v(xi)

xi+1 − xi.

En partant de l’identité v(x)−Ä

I(1)h vä

(x) =

ˆ x

xi

wi(s) ds pour tout x ∈ Ki, montrer que

∥∥∥v − I(1)h v

∥∥∥L2(Ki)

6 hi‖wi‖L2(Ki).

(2) Montrer que wi s’annule sur Ki et en déduire que ‖wi‖L2(Ki) 6 hi‖w′i‖L2(Ki).

(3) Conclure.

9.3.3 Application au problème de Dirichlet (9.1)

Nous revenons à présent au problème particulier (9.1), reformulé sous la forme faible (9.2)avec le choix particulier (9.3) et f ∈ L2(Ω). Nous souhaitons donc approcher l’unique fonctionu ∈ V = H1

0 (Ω) telle que

∀v ∈ V,

ˆ R

0

u′v′ =

ˆ R

0

fv, (9.16)

en utilisant la méthode de Galerkine et l’espace d’approximation V (1)h construit ci-dessus.

Problème discret et analyse d’erreur

Le problème discret consiste à

Chercher uh ∈ V(1)h tel que

∀vh ∈ V(1)h ,

ˆ R

0

u′hv′h =

ˆ R

0

fvh.(9.17)

Nous avons vu que ce problème revient à la résolution d’un système linéaire de la forme AU = B.La matrice de rigidité A est de taille N , le nombre de sommets intérieurs du maillage, et son termegénérique est donné par

Aij =

ˆ R

0

ϕ′iϕ

′j (1 6 i, j 6 N). (9.18)

Le membre de droite a pour composantes

Bi =

ˆ R

0

fϕi (∀1 6 i 6 N). (9.19)

On rappelle que de par la Proposition 9.2, la matrice A est symétrique définie positive, si bien quele système linéaire AU = B admet une et une seule solution U .

Théorème 9.2 (Estimation d’erreur). Soit U l’unique solution du système linéaire AU = B.On pose uh =

∑Ni=1 Uiϕi. Alors, on a l’estimation d’erreur suivante : il existe une constante c,

pouvant dépendre de Ω et de f mais pas de h, telle que

‖u− uh‖H1 6 ch. (9.20)

Exercice 9.8. Prouver le Théorème 9.2 en utilisant le lemme de Céa 9.2 et le théorème d’inter-polation 9.1.

Page 85: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

9.3 Éléments finis en dimension 1 73

L’estimation (9.20) signifie que la convergence de l’approximation fournie par la méthode deséléments finis de Lagrange P1 est d’ordre 1 en norme H1. En particulier, si le pas du maillage estdivisé par deux, il en va de même de l’erreur en norme H1.

Remarque 9.2 (Autres normes). Attention, le lemme de Céa ne permet pas d’obtenir direc-tement une estimation d’erreur en norme L2. En effet, ce lemme est formulé en utilisant lanorme ‖ · ‖V pour laquelle la forme bilinéaire a est coercive et continue, et qui ici coïncide avecla norme H1. L’Exercice 9.9 montre comment une estimation d’erreur en norme L2 peut êtreobtenue.

Exercice 9.9. L’estimation (9.20) n’est pas optimale pour la norme L2. Le but de cet exercice estde montrer une estimation d’erreur sur ‖u − uh‖L2 d’ordre 2 en h. Ce résultat, valable en toutedimension d’espace sous certaines hypothèses, porte le nom de lemme de Aubin–Nitsche.

(1) On introduit le problème auxiliaire

Trouver ζ ∈ H10 (]0, R[) tel que

∀v ∈ H10 (]0, R[),

ˆ R

0

ζ ′v′ =

ˆ R

0

(u− uh)v(9.21)

où la donnée du problème est l’erreur. Montrer que ‖u−uh‖2L2(]0,R[) =

ˆ R

0

(u−uh)′Ä

ζ − I(1)h ζä′

.

(2) Montrer que ζ ′′ ∈ L2(]0, R[) puis que ζ ∈ H2(]0, R[).

(3) En déduire que ‖u−uh‖L2(]0,R[) 6 CL2h2‖f‖L2(]0,R[) avec une constante CL2 que l’on précisera.

Assemblage de la matrice de rigidité

Examinons maintenant d’un peu plus près la structure de la matrice de rigidité A. Pour deuxindices 1 6 i, j 6 N tels que |i− j| > 1, les supports des fonctions chapeau ϕi et ϕj sont disjoints.Il en résulte que

Aij = 0, |i− j| > 1,

si bien que la matrice A est tridiagonale (le symbole • indique un coefficient a priori non-nul) :

A =

• • 0 . . . 0

• • • . . ....

0. . .

. . .. . . 0

.... . . • • •

0 . . . 0 • •

.

Cette propriété remarquable découle simplement du choix qui a été fait pour le support desfonctions de base ϕ1, . . . , ϕn. On retiendra qu’en choisissant des fonctions de base ayant un« petit » support, on obtient une matrice de rigidité comprenant « beaucoup » d’éléments nuls.On dit que la matrice de rigidité ainsi obtenue est creuse.

Exercice 9.10. Calculer les coefficients non-nuls de la matrice A dans le cas d’un maillage uni-forme de pas h. Vérifier par un calcul direct que la matrice A ainsi obtenue est bien symétriquedéfinie positive.

Exercice 9.11. Soit B ∈ RN le membre de droite du système linéaire AU = B, où A est la

matrice tridiagonale 1h tridiag(−1, 2,−1).

(1) Pour un vecteur V ∈ RN , on note V 6 0 si Vi 6 0 pour tout 1 6 i 6 N . Soit V ∈ R

N tel queAV 6 0. Montrer que V 6 0.

Page 86: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

74 9 Méthode des éléments finis

(2) En déduire que si la fonction f du problème (9.1) est telle que f 6 0 sur Ω, alors la solutionapprochée uh est telle que uh 6 0 sur Ω. Cette propriété porte le nom de principe du maximumdiscret.

(3) On note αij, 1 6 i, j 6 N , les coefficients de la matrice A−1. Montrer que αij > 0 pour tout1 6 i, j 6 N .

(4) Montrer que pour tout 1 6 i 6 N ,N∑

j=1

αij 61

8h.

Indication : considérer la fonction w(x) =1

2x(1− x).

(5) En déduire que ‖uh‖L∞ 61

8‖f‖L∞ .

Page 87: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Partie III

Appendice

Page 88: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices
Page 89: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

10

Rappels de théorie de la mesure

Nous rappelons ici les résultats de la théorie de la mesure utilisés dans ce cours. On se placesur un espace mesuré (X, T , µ).

Proposition 10.1 (Nullité des intégrales sur des ensembles négligeables). Si Y est unensemble négligeable, alors toute fonction mesurable f est intégrable sur Y et

ˆ

Y

f dµ = 0.

Proposition 10.2 (Finitude presque partout des fonctions intégrables). Soit f ∈ L1(X, T , µ)une fonction intégrable et A = x ∈ X, f(x) = ±∞. L’ensemble A est de mesure nulle.

Théorème 10.1 (Théorème de convergence monotone). Soit (fn)n∈N une suite croissantede fonctions positives mesurables. On note f la limite simple de la suite (fn)n∈N. Alors,

ˆ

X

f dµ = limn→+∞

ˆ

X

fn dµ.

Théorème 10.2 (Théorème de convergence dominée). Soit (fn)n∈N une suite de fonctionsmesurables et g une fonction intégrable. On suppose que

fn(x) −−−−−→

n→+∞f(x) presque partout,

∀n ∈ N, |fn(x)| 6 g(x) presque partout,

et que f est mesurable. Alors f est intégrable etˆ

X

fn dµ −−−−−→n→+∞

ˆ

X

f dµ.

Théorème 10.3 (Théorème de Fubini). Soit (X1, T1, µ1) et (X2, T2, µ2) deux espaces mesurésσ-finis et f : X1 ×X2 −→ R mesurable par rapport à la tribu produit T1 × T2. Alors

(1) si f est positive, les fonctions

x1 7→ˆ

X2

f(x1, x2) dµ2 et x2 7→ˆ

X1

f(x1, x2) dµ1

sont mesurables etˆ

X1×X2

f(x1, x2) d(µ1 ⊗ µ2) =

ˆ

X1

ň

X2

f(x1, x2) dµ2

ã

dµ1 =

ˆ

X2

ň

X1

f(x1, x2) dµ1

ã

dµ2 ;

Page 90: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

78 10 Rappels de théorie de la mesure

(2) si f est intégrable sur X1 ×X2, les fonctions

x1 7→ˆ

X2

f(x1, x2) dµ2 et x2 7→ˆ

X1

f(x1, x2) dµ1

sont définies presque partout et on aˆ

X1×X2

f(x1, x2) d(µ1 ⊗ µ2) =

ˆ

X1

ň

X2

f(x1, x2) dµ2

ã

dµ1 =

ˆ

X2

ň

X1

f(x1, x2) dµ1

ã

dµ2.

Page 91: Analyse et Calcul Scientifique - CERMICScermics.enpc.fr/~stoltz/Cours/AnaCS/AnaCS_exos.pdf · Pourquoi un cours d’analyse et de calcul scientifique? ... voir le corrigé des exercices

Bibliographie

[1] H. Brézis, Analyse fonctionnelle : théorie et applications (Dunod, 1999).

[2] J.-P. Demailly, Analyse numérique et équations différentielles, Collection Grenoble Sciences(EDP Sciences, 2006).

[3] A. Ern, Aide-mémoire des éléments finis, L’Usine Nouvelle (Dunod, 2005).

[4] A. Ern et J.-L. Guermond, Eléments finis : théorie, applications, mise en oeuvre, volume 36de SMAI mathématiques et applications (Springer, 2002).

[5] E. Hairer, C. Lubich, et G. Wanner, Geometric Numerical Integration : Structure-Preserving Algorithms for Ordinary Differential Equations, volume 31 de Springer Series inComputational Mathematics (Springer-Verlag, 2006).

[6] E. Lieb et M. Loss, Analysis, second ed., volume 14 de Graduate Studies in Mathematics(American Mathematical Society, 2001).

[7] A. Quarteroni, R. Sacco, et F. Saleri, Méthodes numériques. Algorithmes, analyse etapplications (Springer, 2007).

[8] L. Schwartz, Théorie des distributions (Hermann, 1966).

[9] Laurent Schwartz, Analyse I-IV, Collection Enseignement des Sciences (Hermann, 1991).