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ANALYSE DE CONFLIT Zone « Haut et Bas Uélé » Province Orientale, R.D. Congo Search for Common Ground Février 2014 Ce rapport est basé sur une étude documentaire et des témoignages récoltés sur le terrain. Il ne reflète pas l’opinion de Search for Common Ground.

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ANALYSE DE CONFLIT

Zone « Haut et Bas Uélé » Province Orientale, R.D. Congo

Search for Common Ground

Février 2014

Ce rapport est basé sur une étude documentaire et des témoignages récoltés sur le terrain. Il ne reflète

pas l’opinion de Search for Common Ground.

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SOMMAIRE

1. Résumé .................................................................................................................................................. 3

2. Contexte et Justification ........................................................................................................................ 4

2.1. Contexte et objectifs de l’analyse .................................................................................................. 4

2.2. Méthodologie ................................................................................................................................. 5

3. Analyse .................................................................................................................................................. 5

3.1. Descriptif de la zone ....................................................................................................................... 5

3.2. Analyse du système de conflit ...................................................................................................... 10

3.2.1. Historique du conflit ......................................................................................................... 10

3.2.2. Causes profondes ............................................................................................................. 13

3.2.3. Multiplicateurs ................................................................................................................. 14

3.2.4. Moteurs/dynamiques de conflit ....................................................................................... 15

3.2.5. Dynamiques positives ....................................................................................................... 25

3.3. Faisabilité ...................................................................................................................................... 33

3.3.1. Degré de présence de l’Etat ............................................................................................. 33

3.3.2. Interventions en cours ...................................................................................................... 37

3.3.3. Environnement ................................................................................................................. 38

4. Conclusion et recommandations ......................................................................................................... 40

5. Bibliographie ........................................................................................................................................ 42

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1. Résumé

Dans le cadre de la révision de la stratégie internationale de soutien à la sécurité et stabilisation (ISSSS)

du programme de stabilisation et reconstruction des zones sortants des conflits armés (STAREC), Search

for Common Ground (SFCG) a mené une analyse de conflit et besoins en stabilisation dans les deux

districts de Haut et Bas Uélé dans la Province Orientale. Cette analyse va contribuer à l’élaboration

d’une stratégie provinciale de stabilisation et des plans d’actions prioritaire. SFCG a visité plusieurs

territoires dont les territoires d’Ango, Bondo et Buta dans le Bas Uélé et les territoires de Dungu et

Faradje dans le Haut Uélé pour avoir une meilleure compréhension et maîtrise des dynamiques de

conflits et le processus de paix sur terrain. Le territoire de Niangara n’a pas été visité à cause

de l’insécurité pendant de notre mission.

Les conflits les plus graves que les enquêtés ont énuméré sont créés par la présence des acteurs

étrangers. De cette présence, notons surtout la LRA (l’Armée de la Résistance du Seigneur ou Lord’s

Resistence Army) qui est un groupe armé ougandais responsable d’une situation d’insécurité

généralisée. Ce groupe est connu pour ses enlèvements des enfants et la brutalité envers la population

civile. Les Bayuda qui sont des braconniers armés s’ajoutent aux acteurs de cette situation d’insécurité.

Ils tracassent et tuent les civils qu’ils accusent d’être des collaborateurs de l’armée congolaise dans la

lutte contre les Bayuda. Ils sont surtout actifs dans le Parc National de Garamba et les réserves

naturelles présentes dans la zone d’étude. Les Bayuda et la LRA financent leurs activités d’une grande

partie avec l’exploitation illégale d’ivoire dans le parc de Garamba qui est mal contrôlé. La population

locale se voit également en conflit avec des éleveurs des pays voisins en l’occurrence les Mbororo qui

sont arrivés au nord-est de la RDC au début des années 2000 à la recherche de terre pour leurs bétails.

Ces éleveurs et leurs familles vivent principalement dans les forêts et les interactions positives avec la

population locale sont très limitées. Une grande partie de la population locale se plaint de la divagation

des vaches des Mbororo et de leur manque de cohabiter avec eux. Ce conflit non violent jusqu'à présent

risque de s’éclater dans le proche avenir. Ces groupes illégaux armés et communautés estrangers sont

tous arrivés dans ce milieu enclavé il n’y a plus ou moins 10 ans. Leur arrivée est surtout facilitée par des

frontières mal contrôlées et une capacité limitée des forces de sécurité. Le système de gouvernance

corrompu ou les agents étatiques et les militaires tirent profits de ces acteurs étrangers ainsi que

l’absence d’une volonté par des autorités nationales à faire face à ces problématiques constituent une

cause majeure qui perpétue leur présence.

Plusieurs associations locales interviennent pour améliorer la cohésion sociale mais les résultats sont

limités car une grande partie de la population locale est radicalement contre une cohabitation avec les

Mbororo dont elle souhaite leur départ dans leurs pays d’origine1. La zone d’étude « Haut et Bas Uélé »

manque des organisations nationales ou internationales qui s’occupent de la transformation et

résolution des conflits plus généralement. On trouve plusieurs radios communautaires, mais elles ont

une connotation politique ou religieuse et manquent des moyens pour bien fonctionner. La société civile

fait du plaidoyer auprès les autorités pour trouver une solution autour de la problématique de la LRA,

1 Les Mbororo viennent de plusieurs pays africains dont la RCA, le Tchad, la Lybie, le Nigeria, le Niger, la Mauritanie, le

Cameroun, la Guinée, le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et le Cameroun.

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s’engage dans la sensibilisation des enjeux sociaux et informe sur les violations de droits de l’homme.

Comme les radios et les associations, la société civile a besoin d’un renforcement des capacités. A cause

de l’insécurité, il y a peu d’intervenants dans le secteur de développement.

2. Contexte et Justification

2.1. Contexte et objectifs de l’analyse

Le Gouvernement de la RDC, l’Unité d’appui à la stabilisation (UAS) de la Mission des Nations Unies pour

la stabilisation au Congo (MONUSCO) et les responsables du Programme de stabilisation et

reconstruction des zones sortants des conflits armés (STAREC) ont finalisé la révision de la stratégie

internationale de soutien à la sécurité et stabilisation (ISSSS) en 2013. La nouvelle stratégie résultant de

cette révision propose la formulation de « Stratégies provinciales de stabilisation (SPS) et Plans d’actions

prioritaires de stabilisation (PAPS) » devant énoncer les priorités provinciales pour la stabilisation, aussi

bien du point de vue géographique que thématique. Afin de pouvoir effectuer l’identification de ces

priorités, il est indispensable de passer par une phase d’analyse. La stabilisation étant définie comme un

processus permettant à l’Etat et à la population de s’attaquer aux principaux moteurs de conflits,

l’analyse – qui doit être aussi exhaustive que possible – devra permettre de comprendre les dynamiques

des conflits et leurs caractéristiques changeantes, ainsi que d’identifier leur localisation géographique.

Une des premières zones pertinentes pour l’analyse de la Province Orientale est celle de « Haut et Bas

Uélé ». Ce choix a été fait en consultation avec les partenaires du gouvernement provincial et les

partenaires internationaux de l’ISSSS (MONUSCO, agences du système des Nations Unies, Organisation

non gouvernementales (ONG) internationales et bailleurs de fonds), et s’est basé sur la fragilité et les

tendances de conflits violents et l’opportunité et faisabilité de transformer les conflits et de consolider la

paix.

Objectifs de l’analyse

Objectifs spécifiques :

Analyser les conflits spécifiques dans la zone de «Haut et Bas Uélé » (causes profondes,

multiplicateurs, acteurs et leurs motivations et dynamiques de conflit – les dilemmes

sécuritaires, la mobilisation autour de la terre et de l’identité, l’exploitation des ressources

naturelles et les dynamiques régionales et les liens avec un système de conflit plus large);

Identifier l’ampleur de chaque dynamique de conflit et son importance relative dans le conflit

dans la zone ciblée ;

Identifier les dynamiques positives dans la zone ciblée sur lesquelles capitaliser, y compris les

mécanismes existants de résolution de conflits, les solutions aux conflits identifiées par les

communautés, et les raisons de leurs succès/échecs ;

Evaluer l’environnement sécuritaire et l’accessibilité, et identifier les interventions en cours et

les partenaires présents, ainsi que la présence gouvernementale dans la zone ciblée.

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2.2. Méthodologie

SFCG a utilisé une méthodologie à trois composantes. La première composante est une analyse

documentaire qui est composée d’un examen des documentations de SFCG ainsi que d’autres

organisations au sujet du contexte sécuritaire et des acteurs du conflit. La deuxième composante

constitue des missions d’évaluations qui permettent de collecter des informations des personnes

directement affectées par les confits. Nous avons mené une mission de 17 jours en janvier-février 2015

dans les territoires d’Ango (le centre d’Ango et les localités de Banda et Bayule), Bondo (la cité de

Bondo) et Buta (la cité de Buta) dans le Bas Uélé et les territoires de Dungu (les localités de Dungu,

Kiliwa et Ngilima) et Faradje (le centre de Faradje) dans le Haut Uélé. A cause de l’insécurité, nous

n’avons pas pu accéder au territoire de Niangara. Les territoires choisis sont les plus affectés par les

conflits présents. Les enquêteurs ont utilisé plusieurs outils de collecte de données : des entretiens

semi-structurés et des focus-groups participatifs. 41% de participants dans les focus-groups étaient de

femmes. Les entretiens étaient menés avec une multitude d’acteurs dont des administrateurs du

territoire, des chefs de poste et groupement, des commissaires de la police, des majors des FARDC, des

présidents des tribunaux de paix, des agents humanitaires et développement, des enseignants et des

leaders communautaires. La récolte de données a été accompagnée d’observations de la part

d’interviewers et de rapporteurs. Cette étude fait aussi référence à des données collectées par SFCG en

octobre 2014. Enfin, la dernière composante est l’analyse des données du terrain et la rédaction du

rapport final.

3. Analyse

3.1. Descriptif de la zone

Profil administratif et physique

Les deux districts de Haut et Bas Uélé se situent au nord de la Province Orientale, ayant une frontière

commune avec la République Centrafricaine (Haut et Bas Uélé) et le Sud Soudan (Haut Uélé). Les deux

districts ont chacun six territoires. Les cinq territoires visités dans le cadre de cette recherche sont parmi

ceux qui sont les plus affectés par les conflits présents2. Il s’agit des territoires de Dungu et Faradje dans

le district de Haut Uélé et les territoires de Bondo, Ango et Buta dans le district de Bas Uélé. Dans le

territoire d’Ango, nous avons visité le centre d’Ango dans le groupement de Mbuti, dans la chefferie de

Ndindo, la localité de Bayule qui se trouve dans le groupement de Bayule, dans la chefferie d’EZO, ainsi

que la localité de Banda dans le groupement de Boeli, dans la chefferie de Mopoy. Dans le territoire de

Bondo, nous avons été à la cité de Bondo, située entre les chefferies de Mobenge Mondila et de Dualu.

Dans le territoire de Buta, nous avons visité la cité de Buta qui est le chef-lieu du district de Bas Uélé.

Dans le territoire de Dungu, nous avons visité la localité de Ngilima, dans le groupement de Ngilima, le

centre de Dungu dans le groupement de Dungu, et Kiliwa dans le groupement de Ungwa, les trois dans

la chefferie de Wando. Nous avons également visité le centre de Faradje, dans le groupement de Budu,

dans la chefferie de Logo Ogambi, dans le territoire de Faradje.

Voici, une illustration des grands centres visités pendant la mission SFCG en janvier/février 2015:

2 Le territoire de Niangara qui est aussi affecté par les conflits n’a pas été visite a cause de l’insécurité.

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Source : Carte administrative, OCHA, mars 2012

Les deux districts Bas et Haut Uélé sont vastes et couvrent plusieurs réserves naturelles. Il s’agit du Parc

National de Garamba dans le Haut Uélé, précisément dans les territoires de Dungu et Faradje, et trois

domaines de chasse3, dont Bili-Uere et Bomou dans le Bas Uélé et Gangala-na Bodio dans le Haut Uélé.

Le Parc National de Garamba a été créé en 1938 pour préserver la faune, en particulier les rhinocéros

blancs4. Le parc est entouré par trois réserves de chasse qui s’appellent les Nagero. La superficie du parc

qui comprend ces réserves est de 12,427 km carrés (la superficie du parc seul est de 4,900 km carrés)5.

Dans ces réserves, des petits groupes vivent dans des villages isolés. Parmi ces communautés riveraines,

on y trouve les Zande, les Logo, les Mondo, les Baka, les Kakwa et les Pandjulu6.

L’altitude de la zone varie de 500 à 1,000 mètres. Le sol est fertile. Le réseau hydrographique est

essentiellement formé par la rivière Uélé à l’est, la rivière Mbomu au nord et la rivière Bamokandi au

sud. Chacune de ces rivières possède des nombreux affluents. La zone se situe dans un climat tropical

humide, caractérisé par une saison pluvieuse qui dure du mois d‘avril à novembre, et une saison sèche

qui dure de décembre à mars. La végétation est constituée de forêt qui alterne avec de la savane

arborée. Actuellement, on assiste à une régression de forêt, due à l’agriculture sur brûlis et aux feux de

brousse7. La région regorge des minerais qui restent soit non exploités ou soit leur exploitation est

essentiellement artisanale.

3 Les domaines de chasse sont des endroits ou la population est autorisée de cultiver.

4 Le site fait partie de la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1980. Le parc a été inscrit sur la liste du patrimoine

mondial en péril de 1984 à 1992. Suite à la deuxième guerre du Congo, le site y a de nouveau été inscrit en 1996. 5 http://whc.unesco.org/en/list/136

6 Focus Group, résilience communautaire-gestion des conflits-relance économique, Banque Mondiale, Kisangani, Province

Orientale, juin 2013 7 Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU

CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007

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Profil économique

Pour toute la Province Orientale, la production agricole est la principale source de revenu. La pêche se

pratique aussi, surtout en saison sèche, ainsi que la chasse. Les femmes et les enfants cueillent

également des champignons et fruits sauvages et ramassent des chenilles, termites et sauterelles8. Dans

presque tous les villages, il y a un petit cheptel de caprins9. La disponibilité et l’accès aux aliments sont

faibles. La structure des dépenses des ménages révèle une prédominance des dépenses alimentaires

soit 70%, contre une moyenne nationale de 62%10. Le taux de pauvreté dans la zone est estimé à 70-

85%11.

Profil démographique

La tribu zande est majoritaire et « autochtone » dans le Haut et Bas Uélé et occupe un grand morceau

de la région qui comprend le Sud Soudan, l’ouest de la RCA et le nord-est de la RDC. La tribu zande est

soudanaise par ses origines et ses caractéristiques linguistiques12. Selon des estimations, la population

zande comprend 80% de la population de la zone d’étude13. La population zande se présente comme

une communauté plutôt harmonique qui se voie en conflit avec des groupes étrangers. Un groupe

ethnique important en nombre et en raison de comprendre les dynamiques de conflits de cette zone est

la communauté mbororo qui est estimée à 10-15% de la population14. Les Mbororo sont des éleveurs

nomades dont la vie est très étroitement liée au bétail et au pâturage. Les Mbororo appartiennent à

l’ethnie Foulani, l’un des plus importants groupes ethniques d’Afrique occidentale. On les rencontre

dans plusieurs pays africains dont la RCA, le Tchad, la Lybie, le Nigeria, le Niger, la Mauritanie, le

Cameroun, la Guinée, le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et le Cameroun15. La vache représente pour les

Mbororo non seulement une source de richesse, mais aussi une garantie de sécurité alimentaire et

existentielle. Le mode de vie des Mbororo est dynamique et s’adapte aux conditions d’un

environnement en perpétuel changement. Le nomadisme est traditionnel chez les Mbororo quoique ces

derniers temps, ils se sédentarisent de plus en plus en couplant les activités de l’élevage avec celles de

l’agriculture16.

8 Ibid.

9 Ibid.

10 Focus Group, résilience communautaire-gestion des conflits-relance économique, Banque Mondiale, Kisangani, Province

Orientale, juin 2013 11

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretiens avec Mr Jean-Pierre MULENGE AYUE-KABALO, Administrateur du Territoire d’Ango, Mr Emmanuel LUNGOKO SAMONGO, Chef de Groupement de Bayule, Mr Pierre KUNANGBANGATE, Leader communautaire de Banda et Le Commandant Emmanuel NDIMO MUNDOMBO, Sous Commissaire Principal de la PNC à Banda) 12

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007 13

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretiens avec Mr Jean-Pierre MULENGE AYUE-KABALO, Administrateur du Territoire d’Ango, Mr Constantin Barua, Moniteur du Projet Protection chez INTERSOS, ONG, Mr Emmanuel LUNGOKO SAMONGO, Chef de Groupement de Bayule, Mr Pierre KUNANGBANGATE, Leader communautaire de Banda) 14

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretiens avec Mr Constantin Barua, Moniteur du Projet Protection chez INTERSOS, ONG, Mr Emmanuel LUNGOKO SAMONGO, Chef de Groupement de Bayule, Mr Pierre KUNANGBANGATE, Leader communautaire de Banda) 15

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007 16

Ibid.

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Profil politique

Les députés nationaux provenant des deux Uélé sont :

Robert PAYSAO (Éveil de la Conscience pour le Travail, ECL ; un Zande d’Ango)

Lycie KIPËLE AKI-AZUA (Alliance pour le renouveau du Congo, ARC ; une Gbandi de Bondo)

Valentine SENGA (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie, PPRD ; mère zande

et père tétéla de Bondo)

Mouhamed BULE BANGOLO BASABE (Mouvement de libération du Congo, MLC ; un Boa de

Buta)

Jean Dominique TAKIS KUMBO (indépendant ; un Zande de Dungu)

Patrick TANZI MANDALE (indépendant ; un Logo de Faradje)

BUDRI NGANDUMA (Alliance des Forces démocratiques du Congo, AFDC ; un Logo de Faradje)

Emmanuel SASA (PPRD) (ancien député national, coopté chef coutumier, présentement député

honoraire ; un Zande d’Ango)

Les députés provinciaux sont :

Aisha NASUMU (Mouvement Social pour le Renouveau, MSR ; un Zande d’Ango)

Eddy Pascal SINANGU (PPRD ; un Zande de Bondo)

SHIKO MBOAKA (MSR ; un Zande de Bondo)

Zelalingbi BANGI-BANGI (Convention des Démocrates-Chrétiens, CDC ; un Nzakara de Bondo)

PANAMOYA EKOPELE (PPRD ; un Benge de Bondo)

MBAGE (coopté Chef coutumier ; un Boa de Buta)

Joséphine CHAUSIKU (PPRD ; une Boa de Buta)

BADIABALE AZIZA (MCR ; un Boa de Buta)

ADIPANDI ELEXIS (CDC ; un Boa de Buta)

Ferdinat SAMBALANZI (un Zande de Dungu)

Norbert SAMAKI MUUDIYE (indépendant ; un Zande de Dungu)

Raphael NGOMA (PPRD ; un Mondo de Faradje)

Isa KUKADJE (MLC ; un Kakwa de Faradje)

Pour la plupart de ces élus, la population ne se sent pas représentée par eux, étant entendu que leurs

revendications liées à la situation sécuritaire restent toujours sans suite17. Certains députés soutiennent

la population avec des projets sociaux ce qui aide à un certain dégrée d’augmenter leur popularité. A

titre d’exemple, Robert PAYSAO soutient certains étudiants financièrement et il a doté la population

locale d’Ango d’une radio communautaire appelée ‘Radio Communautaire’ (RC), mais qui jusque-là n’est

pas encore opérationnelle par faute des équipements nécessaires18. Mr. Emmanuel SASA a également

doté la population locale d’une radio communautaire, ‘Radiotélévision Ango’ (RTA) qui est

opérationnelle, mais cependant fait face à des nombreux défis comme un personnel mal qualifiée et

manque de matériel.

17

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 18

Ibid.

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L’accès routier

Pour accéder le Bas Uélé de Goma, il y a des vols de la MONUSCO jusqu’à Ango (Goma-Kisangani-Ango).

L’accès à Banda est à partir d’Ango par moto, vu l’état de route. Pendant la saison de pluie, cet axe n’est

pas accessible. Sur l’axe Ango-Banda, il y a également des tracasseries par la LRA, les braconniers ainsi

que les Mbororo. La route Banda-Bayule est aussi en état de délabrement très avancé ; chose qui la rend

impraticable pendant les pluies en plus des tracasseries par la LRA et les Mbororo19. Pour arriver à

Bondo, il faut emprunter la route depuis Kisangani en voiture jusqu’ à Buta, et de Buta à Bondo, il faut

une moto ou au moins une voiture 4x4 à cause de l’inaccessibilité quand il pleut. La route Ango-Buta

connaît aussi des tracasseries par les acteurs susmentionnés.

Pour le Haut Uélé, il y a des vols de la MONUSCO et UNHAS à Dungu. Faradje, Kiliwa et Ngilima sont

accessible par route de Dungu. Les routes Dungu-Kiliwa et Dungu-Ngilima sont en bon état car ces deux

axes ont été réfectionnés par la MONUSCO. Il y des tracasseries par la LRA sur ces axes.

L’accessibilité routière dans la zone ciblée selon UNHCR se présente de la manière suivante :

Source : UNHCR, octobre 2013

19 Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015

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Ci-dessous, l’état des routes selon le cluster logistique de la Province Orientale :

Source : Cluster logistique, novembre 2013

3.2. Analyse du système de conflit

3.2.1. Historique du conflit

L’histoire du conflit dans la zone « Haut et Bas Uélé » s’inscrit dans l’histoire de la Province Orientale de

manière plus particulière et dans l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) de manière

plus générale. Pendant la deuxième guerre civile en RDC du 1998 au 2003, lorsque le pays a été coupé

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au trois20, le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), une rébellion soutenue par le

Rwanda, contrôlait des parties du Haut Uélé lorsque le MLC (Mouvement de Libération du Congo), une

rébellion soutenue par l’Ouganda, tenait le Bas Uélé ainsi que des parties du Haut Uélé. Après le départ

de ces militaires étrangers en 2002, la zone d’étude a vécu quelques années de calme avant que des

nouveaux acteurs armés étrangers soient apparus et devenus de plus en plus actifs. Les deux districts

qui font l’objet de cette étude sont confrontés avec la présence de deux acteurs armés étrangers

importants, notamment le groupe armé de la LRA et un groupe des braconniers armés qui s’appellent

Bayuda, qui sont responsables pour une situation d’insécurité généralisée. La zone d’étude aussi connaît

la présence d’un groupe ethnique étranger non armé, les Mbororo, qui sont en conflit avec la population

locale. Les tensions entre les Mbororo et une grande partie de la population zande deviennent de plus

en plus aggravées avec un sérieux risque d’escalade.

Lord’s Resistance Army (l’Armée de résistance du Seigneur)

Le groupe armé ougandais, la LRA (Lord’s Resistance Army ou l’Armée de résistance du Seigneur) de

Joseph Kony est le plus puissant et violent. Il est connu pour sa brutalité envers la population civile. Son

chef messianique qui est Joseph Kony a commencé sa lutte contre le gouvernement ougandais en 1987

avec le but d’élargir le pouvoir politique de son groupe ethnique, les Acholi, et d’instaurer un régime

basé sur les 10 commandements21. Poursuivi par l’armée ougandaise, Joseph Kony et ses hommes ont

quitté leur fief en Ouganda et ont commencé à mener des incursions aux frontières d’autres pays, à

savoir la République Centrafrique (RCA), le Sud Soudan et la RDC. La LRA s’est installée dans les

territoires de Faradje et Dungu dans le Haut Uélé, précisément dans le Parc National de Garamba au

mois de septembre 200822.

En novembre 2008, on enregistrait la première attaque sur la cité de Dungu. Du 24 décembre 2008 au

13 janvier 2009, la LRA a orchestré le massacre d’au moins 620 civils et l’enlèvement de plus de 160

enfants dans les territoires de Faradje et Dungu23. En mars 2009, la rébellion a mené des incursions dans

le Bas Uélé, dans les territoires d’Ango et de Bondo24. 80 personnes ont été enlevées à Banda dans le

territoire d’Ango25. La LRA a tué au moins 321 personnes et enlevé 250 d’autres dont 80 enfants

pendant une période de quatre jours dans la zone de Makombo dans le territoire de Niangara, dans le

Haut Uélé en décembre 2009. Le massacre de Makombo est un des plus graves crimes commis par la

LRA26. En mai 2010, la LRA a tué 96 civils et en a enlevé des dizaines d'autres entre janvier et début avril

20

Nombreux pays se sont impliqués dans la guerre : la Zimbabwe, l’Angola et la Namibie ont soutenu la RDC tandis que le Rwanda et l’Ouganda chacun contrôlait une partie du pays congolais. Le Rwanda et l’Ouganda se sont impliqués dans la guerre en RCD pour des raisons sécuritaires ainsi qu’économiques. La guerre est connue comme la première guerre mondiale en Afrique. 21

Pour plus d’information sur la LRA, veuillez regarder http://invisiblechildren.com/conflict/history/ (History of the War, Invisible Children) 22

D’autres parlent de septembre 2005 quand la LRA est arrivée dans la RDC et de décembre 2005 quand la LRA s’est installée dans le Parc de Garamba. C’est en novembre/décembre 2008 quand les vraies attaques ont commencé suite aux opérations des militaires et la MONUSCO “Operation Lighting Thunder.” (African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOWDIFFERENTACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014) 23

HRW DR Congo: LRA Slaughters 620 in ‘Christmas Massacres’, 17 janvier 2009 24

Human Rights, Watch, CAR/DR Congo: LRA Conducts Massive Abduction Campaign HRW, 11 août 2010 25

Ibid. 26

HRW, DR Congo: Lord’s Resistance Army Rampage Kills 321, 28 mars 2010

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2010 dans la zone27. Le 27 mai 2010, plusieurs écoles près d’Ango ont été attaquées et 23 personnes

enlevées dont 16 enfants28. Entre mars 2009 et juin 2010, au moins 375 personnes ont été enlevées

dans le Bas Uélé dont au moins 127 enfants, la plupart entre 10 et 15 ans29.

Les attaques et enlèvements ont diminué à partir de 2010. L’année 2012 a représenté la période la

moins violente avec 187 attaques qui ont fait 25 morts et au cours desquelles 159 personnes ont été

enlevées30. Le « niveau bas » de violence est restée constante jusqu’au début 201431 quand les activités,

surtout les enlèvements, ont encore commencé a fortement augmenter. La LRA a enlevé 154 civils

congolais que dans la première moitié de 201432. Selon OCHA, la LRA a été responsable de 108 attaques

qui ont fait 18 morts et de 231 enlèvements de janvier au septembre 201433. Les territoires de Dungu et

Niangara sont les plus affectés par cette violence, précisément le triangle Niangara-Bangandi-Ngilima

(veuillez regarder la carte ci-dessous)34. Auparavant, la zone la plus touchée était Dungu-Faradje-

Bangandi-Doruma et la frontière entre la RDC et le Sud Soudan (entre 2008 et 2012)35, alors les

territoires de Dungu, Nigangara et Faradje (veuillez regarder la carte ci-dessous). Cependant, la LRA a

refait surface dans le territoire de Faradje en décembre 2014 en attaquant la localité d’Ogambi, située à

une dizaine de km de Faradje36. En outre, les rumeurs persistent de la présence et l’installation des deux

grands chefs de la LRA dans le territoire d’Ango (Bas Uélé) dont le commandant Salimu MODERO et le

commandant Kidega ONEN37. Il paraît que la LRA est en train de grandir leur zone d’influence de

nouveau.

La zone plus affectée par les activités de la LRA : la période de 2008-2012 est en vert et la période de

2013-2014 est en rouge.

27

Déclaration Human Rights Watch 28

Human Rights, Watch, CAR/DR Congo: LRA Conducts Massive Abduction Campaign HRW, 11 août 2010 29

HRW, CAR/DR Congo: LRA Conducts Massive Abduction Campaign HRW, 11 août 2010 30

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 31

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 32

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 33

OCHA, LRA Regional Update, novembre 2014 34

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 35

Ibid. 36

OCHA, Bulletin d’Information Humanitaire 23 décembre 2014 37

Entretiens staff SFCG janvier et février 2015

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L’arrivée des Mbororo et des Bayuda

Le nord-est de la RDC a connu depuis des années plusieurs vagues de migrations transfrontalières des

pastoralistes nomades appelés « Mbororo » en quête des points d’eau et des pâturages38. Ils ont

pénétrés dans la RDC au début des années 2000 et occupent actuellement plusieurs localités dans les

districts de Haut et Bas Uélé. Ce mouvement s’est accentué entre 2005 et 2006. Les Mbororo se sont

installés dans le territoire d’Ango, par exemple, en août 2003 au nombre d’environ 25,000 hommes,

femmes et enfants confondus et avec leurs vaches39. Pax Christi a estimé la population mbororo dans les

deux districts à autour de 15,000 – 20,000 personnes40 en 2007, femmes et enfants compris, et leurs

bétails à plus de 150.000 à 200.000 têtes de vaches. Ils sont principalement dans les territoires de Dungu

et Faradje dans le Haut Uélé ainsi que dans les territoires d’Ango et Bondo dans le Bas Uélé41. Par des

arrangements locaux avec des chefs traditionnels, ils ont obtenu des espaces pour le pâturage de leur

bétail, l’autorisation de circuler librement afin de vaquer à leurs activités et l’assurance de leurs

protections et celle de leurs vaches42. Parmi ces migrants, on compte une majorité d’éleveurs et une

minorité de braconniers qui s’appellent les Bayuda.

3.2.2. Causes profondes

Manque de control des frontières et d’ordre publique

Les groupes présents au nord-est de la RDC qui créent des tensions avec la population locale et qui sont

responsables de l’insécurité sont tous d’origines étrangères. Le groupe armé de la LRA, les Bayuda (des

braconniers armés), et les Mbororo (des éleveurs non armés) sont tous arrivés au Congo il y a environs

10 ans. La présence des groupes illégaux dans le territoire de la RDC est le résultat des frontières mal

contrôlées (absence de la Direction Générale de Migration, DGM) et de manque de capacité des forces

de sécurités de protéger le pays des excursions étrangères. L’installation de ces groupes et leur

existence dans le nord-est de la RDC est en outre facilitée par l’absence d’ordre publique. La

gouvernance au Congo a toujours été personnalisée sans promettre le bien public et l’état de droits. Les

intérêts privés des agents publics et des membres des forces sécuritaires comptent souvent beaucoup

plus que le bien-être des citoyens. Les autorités locales et les militaires dans la zone d’étude tirent profit

de l’existence de ces groupes en négligeant la protection et l’intérêt de la population civile. La présence

de la LRA permet aux soldats FARDC de s’installer près de la population ce qui permet aux militaires de

38

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012 ; Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groupes dans des sites différents) 39

Aperçu historique sur la présence des éleveurs falata ou mbororo dans le territoire d’Ango, Gaston NDALA, Coordonnateur de l’ONG Nationale Action pour la Paix, l’Unité et le Développement, APUD, 14 mars 2014 40

Les estimations de personnes mbororo dans les deux districts varient d’une source à une autre. 41

Entretien staff SFCG janvier 2015 42

En date du 23 octobre 2003, ils auraient reçu une invitation signée par le gouvernement territoriale d’Ango et provincial leur autorisation d’entrer en RDC et d’y circuler librement afin de vaguer à leurs activités, en l’occurrence l’élevage, tout en leur garantissant que leurs bétails et eux-mêmes seront protégés. Cette invitation contenue dans l’arrêté N°05/PP/BSF/B-U/BTA/001/2003 serait une réponse à une lettre du 6 aout 2002 adressée aux autorités provinciales de Ango et dans laquelle les Mbororo ou Falata (qui veut dire peuple nomade) demandent d’entrer en RDC. (Aperçu historique sur la présence des éleveurs falata ou mbororo dans le territoire d’Ango, Gaston NDALA, Coordonnateur de l’ONG Nationale Action pour la Paix, l’Unité et le Développement, APUD, 14 mars 2014) ; RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012

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taxer la population illégalement. Les opérations contre la LRA dans les réserves naturelles facilitent la

participation des militaires dans le braconnage. Certaines autorités publiques aussi profitent de la

présence des acteurs illégaux. Ils taxent leurs activités et en cas d’une mitigation de conflit, ils acceptent

de l’argent pour rouler pour le compte des étrangers (plus d’information dans «dilemmes sécuritaires »

et « mobilisation autour de la terre et de l’identité »). Le manque d’une volonté étatique de faire face

aux problèmes autour ces acteurs armés illégaux et des communautés étrangères est une cause

importante pour leur présence continue.

3.2.3. Multiplicateurs

L’impunité

Le système judicaire congolais dans la zone est quasi inexistant. Les institutions et personnel judicaires

ne sont pas suffisamment payés et manquent des capacités techniques appropriées. Des politiciens et

des militaires interfèrent souvent dans les poursuites judiciaires et les jugements, rendant la justice

personnalisée, corrompue et subjective43. La durée des poursuites, l’éloignement des postes de police et

des juridictions, les frais élevés des prestations, et le manque de confiance dans le système sont des

raisons principales pour lesquelles la population cherche rarement une solution judicaire à un conflit ou

à une violation des droits de l’homme44.

L’impunité pour des violations des droits de l’homme, y compris la violence sexuelle, encourage la

persistance des violences. Les groupes armés opèrent sans empêchement, souvent avec la complicité

des autorités de l’Etat et des forces armées moins disciplinées et mal payées. Des éléments indisciplinés

au sein des FARDC et des officiers corrompus qui font cause commune avec les groupes armés, et s’en

prennent aux populations civiles, sont une source d’insécurité autant que les groupes armés eux-

mêmes.

Pour les acteurs armés dans la brousse, la justice reste complètement irréelle. En fait, Dominic

ONGWEN, l’un de commandants redoutables de la LRA, est le premier membre de la LRA qui fait face à

la justice internationale et son procès est surement vu positivement parmi la population affectée par la

violence. Il est arrivé à la RCA en décembre 2014 et il s’est rendu volontairement au Cour pénale

internationale. Il est accusé des crimes de guerre et contre l’humanité. Son procès a commencé le 26

janvier 201545.

L'économie de guerre

L’exploitation illégale des ressources naturelles est une source de financement importante et une

grande motivation pour les groupes armés à continuer d’utiliser la violence. Pour la zone concernée

c’est surtout le braconnage dans le Parc de Garamba pour l’ivoire qui finance les deux groupes armés (la

LRA et les Bayuda). L’exploitation illégale des ressources du parc est aussi une source de financement

43

DRC 1993-2003, UN Mapping Report, August 2010, par. 929 ; Amnesty International, The Time for Justice is Now, August 2011 ; ITUC, Violence against Women in Eastern Democratic Republic of Congo, Whose responsibility? Whose complicity ?, Novembre 2011 44

Ibid. 45

http://www.bbc.com/news/world-africa-30976818

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pour des éléments FARDC qui participent dans le braconnage et commettent des abus contre la

population. Il y a en outre des éléments des militaires étrangers qui exploitent les ressources dans le

parc. L’opportunité de participer dans cette exploitation illégale diminue la motivation des militaires de

combattre sincèrement les acteurs armés dans la zone (plus d’informations sur ce sujet se trouvent ci-

dessous dans « dilemmes sécuritaires »).

L’histoire de conflit de la région

Pour la zone concernée, l’histoire de conflit joue certainement un rôle dans l’attitude des hauts

commandants FARDC et les autorités à Kinshasa vis-à-vis de la situation sécuritaire. L’implication des

pays voisins dans les conflits du Congo (surtout la présence des groupes armés liés aux gouvernements

ougandais et rwandais pendant la deuxième guerre du Congo) a eu un impact sur l’angle sous laquelle

les autorités congolaises perçoivent la situation sécuritaire dans la région. La présence de la LRA est vue

comme un prétexte des militaires ougandais de continuer de s’impliquer dans le pays et de profiter de

l’exploitation des ressources naturelles (la cassitérite et l’ivoire). L’urgence de résoudre le problème de

la LRA est donc souvent diminuée et des initiatives pour faire face aux menaces de la LRA manquent

souvent l’appui politique (plus d’informations sur ce sujet se trouvent ci-dessous dans « dilemmes

sécuritaires »).

3.2.4. Moteurs/dynamiques de conflit

3.2.4.1. Dilemmes sécuritaires

Lord’s Resistance Army (l’Armée de résistance du Seigneur)

La LRA profite de la faible présence des forces sécuritaires et les vastes réserves naturelles incontrôlées

dans la zone. La LRA est bien approvisionnée en armes et munition. Ses armes lourdes laissent croire à la

population que la LRA reçoit une aide externe. Des rumeurs persistent que cet approvisionnement est

facilité par les Seleka, une coalition de groupes rebelles en RCA.46. La LRA est très violente contre la

population civile, elle s’attaque souvent aux enfants dont beaucoup sont encadrés comme des soldats

armés qui sont obligés de participer dans des attaques ou comme esclaves de sexe. Pendant les

attaques, la LRA tue des adultes brutalement ainsi que des enfants qui essaient d’échapper ou qui

marchent trop lentement. Le chef Joseph Kony est souvent à la tête de ces atrocités. Ces abus sont

souvent accompagnés par des vols de nourriture, des habilles, etc. et les captives sont forcés de

transporter les biens pillés. Les captifs adultes sont détenus dans des conditions inhumaines, sans eau

ou le droit d’aller aux toilettes, avant qu’ils soient relâchés. Les adultes qui sont retenus comme

transporteurs et qui arrivent jusqu'à un camp de la LRA sont tués pour qu’ils n’éclairent pas les militaires

sur les positions des LRA une fois retournés dans leurs milieux de captivité. Les enfants sont détenus

proche des commandants et sont rarement relâchés. Ils apprennent vite les règles et à parler acholi, la

langue de commandants, et sont exposés à une immense brutalité pour être intégrés dans le groupe. Ils

sont obligés de tuer les enfants qui essaient d’échapper ou qui n’obéissent pas aux règles pour les

endoctriner. Les filles enlevées sont attribuées aux commandants pour jouer la fonction d’esclaves

sexuelles. Si elles refusent les relations sexuelles elles sont vouées à la mort 47.

46

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 47

HRW, CAR/DR Congo: LRA Conducts Massive Abduction Campaign, 11 août 2010

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Le manque de protection de civils

La protection de civils n’est pas assurée. Le 9061e Bataillon qui est dans le Bas Uélé depuis avril 2009

n’est pas suffisamment équipé ni le secteur de l’Etat-major qui est opérationnel dans le Haut Uélé, ne

dispose pas d’un moyen de transport ou communication et d’un effectif considérable. La MONUSCO n’a

qu’un effectif insuffisant de 1,000 personnes dans le Haut Uélé. Dans le Bas Uélé il n’y a même pas une

présence de la MONUSCO. La base de la MONUSCO à Dingila a été fermée en 201048. Pour améliorer la

protection, Catholic Relief Services avec ses partenaires Caritas Congo, Caritas Dungu-Duruma, la

Commission Diocésaine de Justice et Paix (CDJP) de la paroisse d’Ango et Dungu, en collaboration avec

Invisible Children ont mis en œuvre un projet du système d’alerte précoce (SAP) dans le Haut Uélé et le

Bas Uélé de juin 2011 jusqu’en février 2013. Ce projet consiste à renforcer la sécurité par l’implantation

des radios HF (haute fréquence) dans les communautés des territoires de Dungu, Faradje, Niangara dans

le Haut Uélé et dans les territoires d’Ango et Bondo dans le Bas Uélé pour réduire la vulnérabilité de

cette population et obtenir une information utile comme support au processus de prise de décision dans

la gestion du risque. Ces informations sont partagées au cours de la réunion de sécurité ou de la

coordination des humanitaires49. Le SAP est très bien apprécié par les communautés locales, les

autorités politico-administratives et humanitaires car il a permis d’obtenir à temps réel les alertes et les

informations sur les déplacements, les attaques et les bilans des attaques de la LRA et de faire une

bonne analyse de la situation sur le terrain. Cependant, la protection n’est pas toujours assurée comme

les FARDC manquent les moyens de déploiement nécessaires d’accéder à temps ces endroits sous

attaques dans la brousse, souvent très éloignés50.

Une réponse militaire incomplète

La réponse à la LRA par les FARDC est presque inexistante à cause de manque de capacité logistique

mais aussi d’appui politique de prioriser le problème de la LRA. Le manque du gouvernement congolais

de prioriser le problème de la LRA s’explique par l’histoire de la région. Le gouvernement congolais

minimise l’importance de la LRA pour éviter une implication et présence des militaires ougandais

pareilles à la période entre 1998 et 2002. Au début, le gouvernement congolais était toujours ouvert à

une approche interrégionale pour faire face à la LRA, mais cette volonté s’est vite bouleversée.

L’opération militaire en décembre 2008 (Operation Lightning Thunder) qui était une opération conjointe

entre la RDC, la RCA, l’Ouganda et le Sud Soudan, était en réalité plutôt une opération unilatérale des

militaires ougandais, à l’aversion du gouvernement congolais. Par la suite, la présence officielle des

militaires ougandais était terminée en mars 2009, mais environs 3,000 éléments sont restés selon un

accord informel51. Depuis septembre 2011, les militaires ougandais ne sont plus autorisés d’accéder la

RDC, une décision qui était prise pendant la période électorale quand leur présence est devenue

controversable52. Aussi, l’armée congolaise et certains politiciens ont conclu que l’Operation Lightning

48

Ibid. 49

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 50

Interview avec administrateurs des territoires de Faradje, Dungu et Bondo 14 novembre 2014 51

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 52

Enough Project, Blind Spots, novembre 2013

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Thunder avait largement mis fin au problème de la LRA, malgré les atrocités par la LRA qui ont

accompagnées l’opération militaire53.

Les autorités congolaises perçoivent la présence des ougandais sous l’angle de l’exploitation illégale des

ressources naturelles, faisant une parallèle avec la deuxième guerre au Congo. En fait, il y a eu des

indices que des éléments du militaire ougandais engagés dans la lutte contre la LRA ont exporté de la

cassitérite et de l’ivoire. Des allégations persistent que les ougandais ont un intérêt que la

problématique de la LRA continue comme prétexte d’accéder la RDC54. Ces considérations politiques se

sont montrées d’être plus importantes que la situation sécuritaire réelle dans la prise de décisions par

les autorités congolaises de renforcer, ou pas, la stratégie militaire uni- ou multilatéral55.

Une partie de sous commandants avec moins d’influence et de soldats dans la zone affectée par la LRA

ont la même attitude que le gouvernement à Kinshasa et les hauts commandants FARDC qui minimisent

les risques de la LRA. Plusieurs fois, les civils qui ont avisés les unités FARDC sur des attaques LRA ont été

arrêtés pour créer des rumeurs. D’autres fois, des soldats FARDC ont bloqué la population en

mouvement pour se protéger56.

Des soldats opportunistes

Cependant, une grande partie de soldats sur terrain reconnaît la problématique créée par la LRA, mais

ils n’ont pas l’appui nécessaire de répondre adéquatement. Les salaires sont rarement payés et sont

trop bas et ils ne reçoivent pas de rations ou d’autre aide en nature57. Ils profitent de la présence de la

LRA pour leur survie, ce qui est renforcé par la structure décentralisée, alors manque de control sur les

unités. Des éléments FARDC s’impliquent dans l’exploitation illégale des ressources du parc de Garamba

mal contrôlé, c’est à dire ils participent dans le braconnage et abusent la population locale58. Leur

déploiement dans le parc pour protéger la population leurs facilite la participation dans le braconnage.

L’installation près de la population de plus permet aux militaires de taxer les civils illégalement. Certains

éléments FARDC copient même les attaques de la LRA, ils enlèvent des civils et ils portent des vieux

vêtements pour s’approcher à la population et piller leurs biens. Des cas de braconnage sont souvent

attribués faussement à la LRA59.

Dans la même logique, des éléments FARDC délibérément créent une confusion, avec succès, au sein de

53

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 54

Ibid. 55

Il y a plusieurs initiatives internationales pour faire face à la LRA mais malgré ces efforts la LRA persiste: En mai 2010, les Etats-Unis ont signée l’acte « Disarmement and Northern Uganda Recovery Act » pour appuyer des opérations militaires par l’armée ougandaise contre la LRA. En septembre 2012, le déploiement des conseillers militaires américains est prolongé pour aider les efforts régionaux de lutte contre la LRA. L’Union africaine a lancé l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de la LRA en mars 2012. L’ONU a une stratégie sur la LRA à travers les conseils des Nations Unies visant à soutenir l’Union africaine et à coordonner les activités des acteurs des UN opérants dans les zones touchées par la LRA. Dans ces engagements, en avril 2009, la RDC a déployé 750 troupes formées par les Etats-Unis dans les zones touchées par la LRA dans le Haut Uélé, mais sans de résultats tangibles. 56

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 57

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 58

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 59

Ibid.

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la population et les autorités locales que les Mbororo collaborent avec la LRA afin de pouvoir tracasser

premiers. Les militaires culpabilisent les Mbororo pour des activités de la LRA60 pour légitimer les

attaques sur les Mbororo pour piller leurs vaches. Ils accusent les Mbororo de faire de l’espionnage sur

les positions des militaires au nom de la LRA quand ils quittent la brousse pour vendre leurs vaches61.

Comme conséquence, la communauté zande accuse les Mbororo de se coaliser avec des éléments de la

LRA ; elle dit que les Mbororo approvisionnent la LRA en vivres et autres besoins62. Les autorités locales

disent que les Mbororo cohabitent avec la LRA, une allégation qui est basée sur le fait que les deux

groupes habitent dans la foret63. Certains leaders appellent même à la violence sur la base des

allégations et de rumeurs attribuant aux Mbororo de faits non vérifiés. Selon les Mobororo enquêtés, ils

ne collaborent pas avec la LRA, au moins pas structurellement. Au contraire, les Mbororo disent qu’ils

sont victimes de la LRA qui les attaquent pour voler des vaches et que de fois ils sont obligés de

collaborer parce que la LRA menace de tuer leurs bêtes et de prendre en otage leurs familles en échange

des informations.64 De plus, ils accusent les FARDC des tracasseries et abus des droits humains contre

eux. Un rapport de la société civile résume bien la situation : « les FARDC veulent être déployés proche

des Mbororo à cause de leurs vaches et ce mêmes militaires deviennent riches avec peu de temps »65.

Les Bayuda

Les Bayuda est l’autre acteur armé qui est responsable des violations de l’homme. Leur raison d’être est

le braconnage dans le parc de Garamba. Pour vaquer à leurs activités sans dérangement, ils empêchent

à la population d’avoir accès à leurs champs dans les réserves de peur qu’elles fournissent des

informations à la FARDC sur la position des braconniers. A plusieurs occasions, les Bayuda ont fait des

représailles, des pillages et des tueries, contre la population qu’ils accusent d’être une alliée des FARDC.

Ils sont aussi responsables des coupures de routes un peu partout. Quelques personnes enquêtées

disent que les Bayuda sont plus cruels que la LRA66. D’habitude, les Bayuda, qui sont un sous-groupe de

Mbororo, sont plus agressifs et bien dotés en équipements militaires (tenues, armes, chevaux et ânes)67.

Les Bayuda ne sont pas stables, ils vivent clandestinement dans des villages périphériques aux forêts. Les

autres Mbororo les craignent et les évitent. La population prend les Bayuda comme des collaborateurs

de la LRA, mais en réalité, les Bayuda évitent tout contact avec la LRA, car ils ont peur que la LRA puisse

leurs raviser leurs argents ou qu’ils puissent eux-mêmes devenir des victimes collatérales lorsque des

attaques militaires contre la LRA. La population accuse les autorités locales d’être complices et de

protéger les Bayuda parce qu’elles tirent du profit en taxant les Bayuda68.

Les forces de sécurité

60

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, août 2012 61

Entretiens staff SFCG janvier 2015 62

Missions sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015 (focus-groups à Ango centre, Banda et Bayule) 63

Entretiens staff SFCG janvier 2015 64

Ibid. 65

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 66

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Banda) 67

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007 68

Mission sur terrain SFCG octobre 2014

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Les participants aux focus-groups ont parlé des abus commis par les forces sécuritaires69. Ils attribuent

des violations de droits de l’homme, y compris les violences sexuelles aux militaires. La police est

généralement perçue comme acteur qui ne fait que tracasser la population. Une enquête par Oxfam en

juin 2012 a également montré que la FARDC est un auteur d’abus – notamment les tracasseries, la

violence sexuelle et le vol. Un groupe de femmes a dit que « Les militaires menacent plus que la LRA : ils

torturent, violent. . . Ils prennent la boisson sans payer . . . Il n’y a plus des règlements chez les militaires

»70. Les policiers sont cités dans les communautés où ils sont présents comme auteurs des arrestations

arbitraires71.

3.2.4.2. Mobilisation autour de la terre et de l’identité

La problématique autour des Mbororo

Il y a une forte tension entre les cultivateurs zande, la population majoritaire de la zone, et les éleveurs

mbororo dans toute la zone d’étude sauf dans les territoires de Faradje (Haut Uélé) et de Buta (Bas

Uélé)72. La population locale accuse les Mbororo de refuser la libre circulation des gens dans leurs zones

de pâturage et que leurs vaches détruisent les champs, les puits et les sources d’eau dans les villages.

« Leurs bêtes dévastent les champs de la population, et après qu’elles eurent broutés tous les produits

des champs de la population, les Mbororo mettent à feu leurs champs pour que des nouvelles herbes y

poussent », expliquent un participant au focus-group à Banda, dans le territoire d’Ango73. De plus, les

Mbororo qui vivent et contrôlent une grande partie de la brousse empêchent la population de pratiquer

la chasse et la pêche74. Les animaux de chasse sont obligés de fuir loin du milieu et la faune est

déstabilisée à cause de la présence des vaches75.

Il faut noter qu’il y a une partie de la population qui collaborent avec les Mbororo. Les Mbororo vendent

leurs vaches à travers des individus zande à qui ils permettent de faire un grand profit dans les

transactions76. Aussi, les cultivateurs zande profitent des personnes qui viennent acheter les vaches des

Mbororo aux marchés et qui en même temps achètent des produits agricoles comme le riz et les

produits manufacturés comme le sucre77. A part ces rencontres aux marchés qui aident à établir la

confiance entre les Mbororo et la population locale, les échanges positifs entre eux sont rares. « Ils ne

vivent pas avec la population. Ils vivent dans la brousse et sont nomades. Leurs enfants ne fréquentent

pas les écoles des autres, ils les instruisent eux-mêmes. Les Mbororo sont des musulmans, d’où ils ne

prient pas avec les autres »78. Dans un contexte de méfiance, les rumeurs circulent et les Mbororo

seraient porteurs de la maladie du sommeil qui est une maladie contagieuse79.

69

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 70

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 71

Ibid. 72

Interview avec administrateurs des territoires de Faradje, Dungu et Bondo 14 novembre 2014 ; Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 73

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 74

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus groups à Ango centre et Bondo) 75

Ibid. 76

Entretiens staff SFCG janvier 2015 77

Entretiens staff SFCG janvier 2015 78

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus groups à Ango centre et Banda) 79

Ibid.

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En outre, la population zande accuse les autorités locales de protéger les Mbororo, ce qui augmente la

méfiance. Elle dit que les chefs coutumiers profitent de la présence des Mbororo en taxant leurs

activités et en gagnant certains avantages au près d’eux en cas d’un litige. « Leur présence permet de

taxer les bétails par tête et gonfler leur poche », dit un agent humanitaire dans la zone80. Et au moment

où les cultivateurs zande réclament réparation pour les champs détruits, ils accusent les chefs

coutumiers de rouler pour le compte des Mbororo qui leur donnent de l’argent lorsqu’ils sont fautifs.

« Ce sont les chefs coutumiers qui attisent ce conflit avec les Mbororo », s’est exprimé un participant au

focus-group. Il a y aussi eu des cas où les autorités locales ou la police ont jugé un conflit en faveur d’un

cultivateur, obligeant l’éleveur de payer une amande que les autorités n’ont jamais remise au

cultivateur. Pour éviter ces cas de corruption par les autorités, une structure avait été mise en place

dans les territoires d’Ango et de Banda par SFCG avec la MONUSCO en 2011 où les Mbororo eux-mêmes

identifient le propriétaire des vaches responsables d’une divagation. Un comité se met d’accord sur la

somme qui est par la suite directement payée au plaignant cultivateur. Cette commission n’est

cependant plus active.

Par ailleurs, les communautés ont partagé leur inquiétude selon laquelle les Mbororo risquent de

s’implanter définitivement sur leur territoire avec la bénédiction des autorités locales (parallélisme fait

avec les populations d’origine rwandaise au Nord et Sud-Kivu)81. La communauté zande craint que les

Hema qui sont des éleveurs d’origine nilotique comme quelques Mbororo peuvent faire une alliance

avec les derniers pendant les prochaines élections locales—une crainte qui n’est pas bien basée vu le

nombre insignifiant de Hema dans les Haut et Bas Uélé. En 2012, certaines autorités locales qui

partagent cette inquiétude ont même pris la décision d’expulser les Mbororo vers leur pays d’origine.

Dans le territoire d’Ango, la décision a été prise sérieusement par le Major Benjamin KISIMBA qui a lancé

une opération d’expulsion en juin 201282. Plusieurs cas de violation de droit de l’homme, d’abus et de

morts d’hommes ont accompagné cette expulsion. Le Ministre National de l’Intérieur a mis terme à

cette décision unilatéral d’expulser les Mbororo de la RDC suite à une mission conjointe effectuée en

mois d’août de la même année dans le territoire d’Ango par celui-ci en compagnie de la MONUSCO,

l’OIM, l’OCHA, la DGM et la PNC. Le Ministre de l’Intérieur a suspendu l’expulsion des Mbororo et a

appelé la population à cohabiter pacifiquement avec ces derniers en attendant une décision du

gouvernement qui fixera le statut des Mbororo vivant en RDC. Un représentant de la communauté

Mbororo, qui a participé à cette rencontre a informé que les Mbororo étaient prêts à payer toutes les

taxes que le gouvernement fixera pour régulariser leur séjour en RDC et continuer leurs activités, et

qu’ils n’avaient pas non plus d’objections à rentrer chez eux de façon organisée et respectueuse de leur

sécurité83.

Les membres de la délégation de leur part ont expliqué comment se passent les opérations de

80

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec un agent humanitaire d’Ango) 81

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 82

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012 83

Ibid.

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rapatriement volontaire des personnes vers leurs pays d’origine, qui demandent une grande préparation

entre le pays d’accueil et le pays d’origine de migrants et de moyens logistiques importants84. Ces

explications ont permis à modérer l’exigence de la société civile qui, contrairement à son souhait de

départ immédiat des Mbororo, a sollicité du gouvernement et des humanitaires de faciliter toutes les

opérations pour le rapatriement volontaire des Mbororo à l’horizon 201685.

Deux ans étaient passés sans une suite du côté du gouvernement. En janvier 2014, une commission a

été mise en place qui est présidée par le Gouverneur au niveau de la province et les administrateurs de

territoires et chefs de groupement au niveau local. La commission a élaboré un plan d’action qui

contient le cantonnement des Mbororo dans un endroit, leur recensement, le dialogue avec leurs pays

d’origine et leur rapatriement. Le travail sur terrain a commencé en janvier 2015. La plupart de la

population ne connaissent pas l’existence de cette commission mais savent que le gouvernement va

bientôt lancer les activités de recensement des Mbororo. La population zande supporte ces efforts de

recensement qui ne devraient que aboutir au rapatriement des Mbororo dans leurs pays [et pas leur

enregistrement au Congo], ont dit les participants aux différents focus-groups86. De plus, la population

craint que les Mbororo n’aient aucun intérêt de quitter la brousse87. Les tensions autour du destin des

Mbororo dans la RDC restent toujours hautes et peuvent être à l’origine d’une révolte populaire dans

l’avenir.

La problématique autour de la communauté musulmane

A cause des problèmes que la population locale dit avoir avec les Mbororo et Bayuda (comme dit ci-

dessus dans « dilemmes sécuritaires ») qui sont majoritairement musulmans, la communauté zande qui

est chrétienne a largement développé une méfiance envers la communauté musulmane en large. Les

chrétiens accusent les musulmans d’être en connivence avec les Mbororo et les Bayuda. Un

représentant de la communauté musulmane a rapporté une méfiance et un manque de cohésion avec

les communautés chrétiennes, ainsi que des discriminations faites à l’encontre de la communauté

musulmane88. L’Imam du Dungu, par exemple, ne reçoit pas la même considération que les responsables

des confessions chrétiennes de la part des autorités ; les musulmans sont souvent victimes de

tracasserie administrative concernant leur lieu de culte. En outre, ils doivent payer (1000 à 1500 FC)

pour accéder aux phonies du projet SAP, qui entre autres sont installées dans des concessions

catholiques89.

Conflits fonciers

84

Le traitement du cas de Mbororo doit obéir à ces règles. Le premier travail à faire, que ce soit dans l’hypothèse de rapatriement ou de la régularisation est avant tout le recensement et l’identification de Mbororo et de leurs bêtes. Ceci permettra à la RDC de savoir combien de personnes appartiennent à tel ou tel autre pays pour entamer de discussions avec les pays concernés sur la décision sur le statut de Mbororo (RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012). 85

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012 86

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015 (focus-group à Bondo et Ango centre) 87

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus group à Banda) 88

Missions sur terrain SFCG octobre 2014 89

Ibid.

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Conflit lié à l’élevage des caprins

Il y a aussi des conflits entre les Zande eux-mêmes autour l’élevage des caprins. Les caprins broutent les

cultures dans les champs des autres Zande. « Les Zande apprennent à peine l’élevage. Ils ne sachent pas

maitriser leurs bêtes, » expliquent un participant à un focus-group. Néanmoins, ces conflits ne tournent

pas violents et les arrangements sont souvent à l’amiable avec l’implication des chefs coutumiers90.

Conflit lié aux limites des champs

A cause d’un manque des documents (certificat d’enregistrement), les gens se disputent les limites de

leurs champs ou parcelles. Le Service foncier est absent dans beaucoup d’endroits et les

champs/parcelles ne sont pas cadastrés. La majorité de gens ne connaissent pas la loi foncière. Les

endroits où le Service foncier est présent, il arrive que des parcelles soient vendues par cette autorité

qui octroi des titres et numéros cadastraux sans tenir compte des découpages et ventes effectués par

les chefs coutumiers91.

3.2.4.3. Exploitation des ressources naturelles

Le braconnage des éléphants

Le braconnage des éléphants dans le Parc de Garamba est une source de finance importante pour la LRA

et la raison d’être pour les Bayuda92. La LRA fait le commerce des ivoires pour la nourriture, les armes et

la munition. La LRA est bien armée avec des AK-47, des armes automatiques, des téléphones satellites

ainsi que des GPS émetteurs. Elle est souvent plus forte que les gardes du parc. African Parks, une ONG

internationale, gère le parc sous accord avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature

(ICCN). African Parks a 130 gardes avec un nombre limité de AK-47. Ils font des patrouilles et mènent des

opérations contre la LRA et autres braconniers. La FARDC et la MONUSCO aussi font des patrouilles sur

des routes principales dans les réserves de chasse. En conséquence des patrouilles qui se limitent aux

périphéries du parc et une capacité limitée des gardes, les éléphants sont plus tués que de se

reproduire, ce qui fait état d’une réduction grave des éléphants93. Il faut noter que les groupes armés

illégaux ne sont pas les seuls responsables de cette situation précaire mais qu’il y a plusieurs acteurs qui

sont impliqués dans ce braconnage, y compris des membres des militaires et individus congolais, sud

soudanais, soudanais et ougandais94. Le rapport du Groupe d’Experts des Nations Unies de janvier 2014

parle de la tuerie de 22 éléphants par un hélicoptère d’UPDF (Uganda People Defense Force) en mars

2012, comme titre d’exemple95. En fait, il y a récemment eu une forte augmentation d’éléphants tués

qui est attribuée aux braconniers sud soudanais et soudanais, aux militaires congolais ainsi qu’à la LRA 96.

90

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus group à Banda) 91

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 92

Les activités des Bayuda et leur force ne sont pas bien étudiées ni la route d’exportation. La route d’exportation la plus probable est celle à travers la RCA ou la LRA est également active. (Enough Project, Kony’s Ivory: How Elephant Poaching in Congo Helps Suppor the Lord’s Resistance Army, juin 2013; http://whc.unesco.org/en/list/136). Il est aussi probable que la LRA est appuyé par des individus congolais qui facilitent ce commerce. 93

The World Heritage Committee, at its 38th session held in June 2014, reiterated its concern about the alarming decline of the elephant population, estimated at 85% since the site’s inscription on the World Heritage List in 1980. 94

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOW DIFFERENT ACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014; Enough Project, Kony’s Ivory: How Elephant Poaching in Congo Helps Suppor the Lord’s Resistance Army, juin 2013 95

Rapport du Groupe d’Experts des Nations Unies, S/2014/42 96

Enough Project, Poachers without borders, janvier 2015

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L’exploitation des minerais

On trouve une variété de minerais dans la zone d’étude qui restent soit non exploitée soit

essentiellement artisanale. L’exploitation minière n’a pas d’importance dans le financement des groupes

armés comme le braconnage. La présence des minerais est plutôt à la base des conflits liés à la

propriété. A titre d’exemple, dans le territoire de Buta, Bas Uélé, des gisements des diamants ont été

découverts il y a six mois97 à la frontière de deux secteurs de Mobati et BMB (Bayeu-Mongingita-

Bakango), précisément dans les deux groupements de Bawenza (secteur BMB) et Bodangusa (secteur

Mobati). Chaque groupement déclare l’appartenance de ces gisements à son groupement et brandit les

limites ancestrales pour s’en approprier. Une association locale LEMBIMBILE a tenté de faire la

médiation ainsi que le Chef de secteur de Mobati98.

Dans quelques sites l’exploitation est industrielle, ce qui cause également des tensions locales. Dans le

territoire de Faradje, par exemple, la population locale se sent marginalisée par la Société Kibali Gold qui

lui interdit d’exploiter les sites d’or de manière artisanale99. Une partie de la population a même été

délocalisée. Dans le territoire de Dungu, un risque de conflit pourrait se développer avec l’arrivée d’une

compagnie minière étrangère (chinoise) pour exploiter l’or. Ceci pourrait causer des conflits avec les

creuseurs miniers artisanaux, qui apparemment n’ont pas été prévenus de cette arrivée de cette

compagnie. Il y a beaucoup de questions qui se pose sur cette compagnie, personne ne connaît son nom

et les documents lui ont été donnés frauduleusement par un politicien100.

3.2.4.4. Dynamiques régionales

La présence des acteurs étrangers

« Il n’existe aucun contrôle aux frontières (plus ou moins 70Km de terre) de la RDC et de ses trois pays

voisins », a expliqué un participant au focus-group à Banda, dans le territoire d’Ango101. La porosité de la

frontière de la RDC et l’absence des services étatiques facilitent les entrées illégales. Le nord-est de la

RDC a une longue histoire des groupes armés illégaux (la RCD, le MLC, la LRA, les Bayuda) qui sont entrés

pour des raisons stratégiques et économiques. La zone vaste des Haut et Bas Uélé mal contrôlée par des

forces étatiques est d’ailleurs une base intéressante pour des acteurs illicites de se retirer et remobiliser.

La présence des ressources naturelles également tire l’intérêt des acteurs illégaux, et a été une

motivation clé pour des militaires ougandais de s’impliquer dans l’histoire tourmenteuse de la RDC.

Enfin, à cause d’une vie nomadique, il est peut-être évident que les grands éleveurs (les Mbororo) de la

région Afrique centrale vont chercher le meilleur pâturage au-dehors des limites artificielles entre les

pays voisins mal gérées.

La porosité de la frontière également facilite l’arrivée des réfugiés centrafricains. Ils se concentrent dans

le territoire d’Ango, précisément à Ango centre ou ils sont rassemblés dans un camp de réfugiés, et leur

97

Pour le moment, le site est inaccessible à cause d’inondation. 98

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Buta) 99

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Faradje centre) 100

Entretien staff SFCG février 2015 101

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Banda)

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présence cause des tensions avec les communautés d’accueil, notamment en matière de partage des

ressources102. Selon la communauté locale, les réfugiés reçoivent trop d’assistance de l’UNHCR et CNR

(Commission Nationale pour les Réfugiés) qui gère les camps de réfugiés lorsque la population locale est

ignorée alors qu’elle vit aussi en pauvreté.

Le commerce transfrontalier

A cause d’une frontière mal contrôlée, un marché transfrontalier entre la RDC et le Sud Soudan qui se

passe en dehors du cadre légal s’est pu développer. Par suite du niveau de taxation douanière important

et des tracasseries orchestrées par de multiples acteurs non officiels, les commerçants préfèrent réaliser

les transactions illégalement. Ils transportent les marchandises et produits agricoles via des trajets à

pied ou en vélo103. Le marché de Nabiapay est le point de référence commercial de presque toute la

zone d’étude. Les surplus agricoles congolais sont vendus au Sud Soudan contre des produits

manufacturés ou vice versa. Ce marché est donc une fenêtre importante pour les populations

congolaises vulnérables à la fois pour pouvoir vendre des biens alimentaires transformés ou non, et ainsi

d’accroître leur niveau de revenus, et pouvoir acheter davantage de biens non alimentaires104.

Cependant, une partie de la population congolaise se voit marginalisée par ces commerçants soudanais.

Selon les participants au focus-group à Bayule, territoire d’Ango, ce commerce existe depuis l’époque de

Mobutu et avec le temps les commerçants soudanais se sont installés dans la RDC. Ces soudanais

veulent s’imposer dans la région entant que « uniques commerçants ». Selon eux, les commerçants

soudanais achètent auprès la population zande à moins cher et par contraire leur vendent leurs produits

très chers, ce qui perturbe l’économie de la région. Le fait qu’ils circulent librement sans être inquiétés

par les autorités frustre la population locale davantage105. La méfiance contre les sud soudanais est aussi

senti dans le territoire de Faradje, dans la chefferie de Logo Bagele, ou les participants au focus-group

ont expliqué que les sud soudanais envahissent progressivement la terre pour exploiter le bois, en

déplaçant les bornes de limites et en créant une route pour évacuer ces bois qu’ils exploitent106.

3.2.4.5. Conclusion

La présence des acteurs armés étrangers notamment la LRA et les Bayuda est responsable pour une

situation de haute insécurité et des violations des droits de l’homme dans les deux districts de Haut et

Bas Uélé. La zone nord-est de la RDC mal contrôlée est attrayante pour ces acteurs non étatiques. La

faible présence des forces de sécurité permet à ces acteurs d’exploiter illégalement le Parc National de

Garamba. Le profit qu’ils tirent des ivoires vendus leurs sert à acheter de la nourriture et des armes et

de la munition pour continuer leur lutte et/ou leur existence. Les Mbororo qui sont des éleveurs

étrangers non armés profitent aussi d’un manque d’ordre public pour vivre dans la forêt où ils élèvent

leurs bétails. Leurs activités se confrontent avec celles de la population locale qui cultivent les terres. La

102

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 103

Focus Group, résilience communautaire-gestion des conflits-relance économique, Banque Mondiale, Kisangani, Province Orientale, juin 2013 104

Ibid. 105

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Bayule) 106

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Faradje centre)

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divagation de vaches et la destruction des champs, des puits et des sources d’eau dans les villages sont à

la base de tensions aggravées entre ces deux groupes. La population se voit marginalisée car elle ne

peut plus accéder à leurs pâturages la forêt où faire la chasse et la pèche à cause de la présence des

Mbororo. Si les activités de recenser les Mbororo et la planification de leur rapatriement ne sont pas

bientôt menées, les tensions risquent de conduire à une révolte populaire. La mauvaise gestion des

frontières est la cause de la présence de ces acteurs étrangers. Au même temps, la présence de la zone

d’étude à la frontière offre à la population congolaise une grande opportunité d’échanger leurs produits

transformés ou pas avec leur voisins de pays transfrontaliers et d’accroitre leur niveau de revenus. La

zone d’étude qui est enclavée du reste du pays est plus connectée à ce marché transfrontalier qu’avec

d’autres régions du pays congolais.

3.2.5. Dynamiques positives

3.2.5.1. Processus de paix locaux107

Des initiatives locales

Dans le territoire d’Ango, au niveau communautaire à Ango, il existe des Comités Locaux d’Organisations

Communautaires (CLOC) jadis responsables des phonies dans le SAP et qui ont servis pour le

renforcement de la cohésion sociale à travers l’organisation des travaux communautaires

(aménagement sources d’eau, traçage des routes, etc.). Le Comité de Médiation composé des leaders

des réfugiés d’une part et d’autre part des leaders des communautés se charge de résoudre des

différents entre les deux groupes. Il existence aussi une organisation locale Action pour la Paix, l’Unité et

le Développement (APUD) crée depuis 2011 et active dans la promotion de la culture, du respect des

droits humains et le développement à base communautaire. Elle aussi fait des activités de la

sensibilisation de la population afin qu’elle accepte la présence des Mbororo dans leurs communautés.

Les enquêtés à Ango centre ont dit que ces efforts n’ont pas réussi car ni les Mbororo ni la population

locale ne veulent d’une cohabitation pacifique. La population zande ne veut qu’une chose, le

rapatriement des Mbororo dans leurs pays, ont-ils affirmé. A Banda, il n’y a pas d’association de la

transformation et résolution des conflits en soi. Il n’existe pas de telles organisations à Bayule non plus.

Dans le territoire de Bondo, il existe des associations et structures des jeunes mais ces dernières

manquent de soutien technique et institutionnel afin de soutenir le processus de consolidation de la

paix. INTERSOS est aussi présent et sensibilise dans les écoles et à la radio sur les violences sexuelles. Le

résultat n’est pas encore tangible car elle vient de lancer ses activités. Il n’y a aucune organisation de la

transformation ou résolution de conflits à Buta.

Basée à Dungu centre, l’ONG locale Education de la Jeunesse pour la Paix est active dans le territoire de

Dungu depuis 2004 avec des activités de sensibilisation à travers la musique. Grace à ses activités dans

de nombreuses localités du territoire (Ngilima, Bangadi, Duruma, Poko, Amadi, Doru, Dungu Centre,

Dungu Bomoko, carrières Libobi et Sambinga), cet acteur a contribué à la promotion de la cohésion et

de la cohabitation pacifique. L’administrateur territorial de Dungu a en outre indiqué que les chefs

coutumiers jouent un rôle dans la résolution des conflits au niveau communautaire à travers un barza de

107

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015

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sages qui est présidé par le chef coutumier. A Kiliwa, il y a une le Comité local de Protection et de

Développement (CLPD) qui fait des formations en mécanique automobile et l’ONG locale Ateliers de

Formation et Regroupement de Jeunes en Petits Métiers (AJEDEC) qui font des activités de sensibiliser

sur la cohabitation pacifique. Il n’y a pas d’organisation ou association ouvrant à Ngilima qui s’occupe de

la transformation et résolution de conflits.

Dans le territoire de Faradje, l’ONG locale Action pour la Promotion Rurale (APPRU) fait la médiation des

conflits. On peut spécifiquement citer la médiation sur le conflit entre la société d’exploitation à Kibali et

la population locale.

La radio108

La zone d’étude a plusieurs radios communautaires d’haute fréquence (FM). Elles ont une connotation

politique (installées par les candidats députés lors des élections) et d’autre religieux. La grande majorité

de ces radios FM ont un personnel non formé (amateurs) et sont gérée par les membres proches des

familles des donateurs. D’où l’inexistence d’une radio FM communautaire proprement dite.

Les deux radios dans le territoire d’Ango sont :

Radiotélévision Ango (RTA) dite communautaire mais a été mise en place, financée et

appartenant à Emmanuel SASA d’Ango, un chef coutumier, coopté au parlement national. Sa

portée est de 65km2 et elle n’a qu’un journaliste, deux animateurs et deux techniciens qui ne

produisent que quelques programmes originaux. Le personnel de la RTA n’a jamais bénéficié

d’une formation des journalismes, ils essayent de faire leur travail d’une manière amatrice pour

servir la communauté. Elle diffuse une émission produite par l’ONG internationale COOPI dans

le cadre de sensibiliser contre les violences sexuelles.

Radio FM Ango don destiné à la société civile mais qui n’a jamais fonctionnée depuis sa mise en

place.

Radio Okapi est également écoutée dans la zone à travers le relais avec la RTA. La radio à Banda qui

diffusait des messages de DDRRR de la MONUSCO est en panne.

Les radios FM dans le territoire de Bondo sont :

Radiotélévision Uélé fait des émissions sur la sensibilisation du droit foncier et d’autres sujets à

caractère religieux et social.

Radio diocésaine, don du frère Blanc Raphael, cette radio émet sur une grande partie du

territoire de Bondo, 240 km carré avec un émetteur de 600 w. Quelques émissions à caractère

social y sont diffusées (par ex ; la femme d’aujourd’hui, échos de la jeunesse, etc.). La radio est

en partenariat avec l’organisation Fondation Hirondelle.

Radiotélévision Bondolaise émet partiellement sur Bondo des programmes de la sensibilisation

et éducation sur différentes thématiques de la société. Un don d’un député, Lycie KIPËLE AKI-

AZUA.

108

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015

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Radio RALI/ Radio Canal Congo télévision appartient à Jean Pierre Bemba, ancien député, et

s’engage dans la sensibilisation et éducation des droits fonciers.

La radio dans le territoire de Buta est :

Radio communautaire Rubi fait des émissions de sensibilisation sur les droits humains et donne

de l’espace à la société civile pour leurs activités de plaidoyer et éducation sur les violences

sexuelles.

Les trois radios dans le territoire de Dungu sont:

Radio Communautaire de Dungu, dite communautaire mais a été mise en place, financée et

appartenant au député national élu à Dungu, Jean Dominique TAKIS KUMBO. Sa portée n’émet

qu’au plus à 20km2 et elle n’a qu’un journaliste/animateur/technicien qui ne produit que

quelques programmes originaux.

Radio Bomoko, une radio dite communautaire. Elle émet sur une zone d’environ 50 km2. Elle

produit plusieurs programmes ciblant les femmes, la jeunesse et également favorisant la

cohabitation pacifique (par ex. bon voisinage ente communautés et victimes de la LRA).

Radio Tangazeni Christo (RTK), une radio de confession religieuse (protestante) qui couvre

environ 100 km2 et diffuse surtout des programmes religieux mais également un programme

produit par Invisible Children pour encourager les défections au sein de la LRA.

Radio Okapi est également écoutée dans la zone. Par ailleurs, la création en cours d’une Association des

Journalistes pour la Paix et le Développement, qui regroupe des journalistes des deux principales

stations de radio locales (Radio Bomoko et RTK), en collaboration avec la Radio Okapi, est un élément

qui peut favoriser la promotion de la cohésion sociale par les radios locales.

La radio dans le territoire de Faradje est :

- Radio communautaire Rhinocéros (RCR), don de l’Eglise Catholique, fait des émissions de

sensibilisation sur la cohabitation pacifique, la résolution pacifique des conflits et la

consolidation de paix. La radio arrose presque tout le territoire.

Certaines radios ont indiqué qu’elles produisent des programmes impliquant la participation de la

population (Radio Bomoko conduit des micros-trottoirs et peut recevoir des appels de ces auditeurs),

dans certains cas y compris les victimes de la LRA (RTK par ex. a réalisé des interviews de victimes

rescapées). Les radios n’ont cependant pas reçu de formation dans le domaine de la gestion des

traumatismes. La formation en gestion du traumatisme serait une valeur ajoutée très considérable.

Aussi, seule la Radio Bomoko a reçu une formation sur le journalisme de paix, délivrée par SFCG par le

passé. Enfin, concernant les clubs d’auditeurs, RTK a indiqué avoir des Clubs d’Amis, mais

essentiellement pour récolter des dons. Radio Bomoko indique avoir mis en place des clubs d’auditeurs

qui rencontrent régulièrement l’équipe de la radio pour partager leur feedback. Cependant, ces clubs

n’ont pas de postes de radio et ne font donc pas d’écoute collective ou de session de dialogue. Enfin, les

représentants des autorités locales ont indiqué utiliser les radios locales pour faire des communiques

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officiels et sensibilisations aux travaux communautaires, tout comme les leaders religieux, surtout de la

confession chrétienne. La communauté Mbororo ont peu d’accès aux medias locales et sont moins

impliquées dans les actions communautaires.

Les églises109

L’Eglise Catholique, la Paroisse d’Ango, mise sur pied la Commission Diocésaine Justice et Paix (CDJP)

afin d’aider les personnes en conflit à trouver des solutions. Le résultat est positif, certains conflits,

notamment les conflits des limites parcellaires, trouvent solution sans passer par le tribunal. L’Eglise

Catholique (CDJP) est aussi active dans la cité de Bondo où elle fait des plaidoyers auprès les autorités

locales pour remettre de l’ordre dans la gestion des conflits fonciers et de la sensibilisation en prêchant

sur la cohabitation pacifique. Les églises protestantes (CECA 20, CECA 16, BIMA, Assemblée des saints)

dans le Bas Uélé également prêchent la cohabitation pacifique. Cependant, les messages de

cohabitation pacifique ne résonnent pas avec la majorité de la population zande qui refuse

catégoriquement de cohabiter avec les Mbororo. De plus, l’impact est limité comme les Mbororo étant

des musulmans ne fréquentent pas les églises, ont conclu les participants au focus-group à Bayule110.

L’Eglise Catholique est moins impliquée dans le territoire de Buta mais prêche parfois sur la cohabitation

pacifique.

Dans les territoires de Faradje et Dungu, l’Eglise Catholique prêche également sur la consolidation de

paix et la cohésion sociale. L’église protestante (CECA 20, Assembly of God, AOG 12, Jésus Christ Seul

Saveur, JSS, l’Assemblée des Saints, CEPAC et Branamistes) tient des ateliers et conférence sur la paix et

comment vivre en famille et avec ses voisins. A Dungu centre, il existe une plateforme des confessions

religieuses, constituée des leaders religieux (13 confessions religieuses). La plateforme est organisée en

structure avec un président, un vice-président et un trésorier et se réunit deux fois par mois. Les

thématiques abordées par la plateforme incluent l’éducation des enfants, la cohésion sociale, la

résolution pacifique de petits conflits, etc. Faute de moyens, dû au manque de cotisation des membres,

la plateforme est limitée dans ces actions communautaires. Cependant, la plateforme permet la

collaboration des leaders religieux pour la résolution de certains problèmes communautaires. En avril et

mai 2014, la plateforme a joué un rôle clé dans la résolution d’une crise impliquant la société civile de

Dungu. La société civile représentait une maison de gardiennage qui a revendiqué le salaire indécent

donné par les ONG a demandé à la MONUSCO de suspendre sa collaboration avec toutes les ONG. La

MONUSCO a donc suspendu toute collaboration, notamment la délivrance de MOP. La société civile a

également reproché au chef coutumier d’être illégitime (dans la succession régnante), et celui-ci a

accusé la société civile de ne pas vraiment représenter les intérêts de la population. La plateforme est

intervenu et a rencontré chacune des parties pertinentes séparément puis elle a effectué une médiation

entre toutes les parties pour trouver une solution pacifique.

109

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015 110

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Bayule)

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3.2.5.2. Structuration de la société civile111

La société civile (SC) de la zone d’étude est active mais confrontée à des défis majeurs d’apporter des

efforts réels. La zone au-dehors de centres est enclavée, donc la communication et l’accès sont difficiles,

et la capacité des membres est aussi très faible. La SC ne maitrise pas bien ses attributions. Elle se voit

beaucoup comme contrepouvoir au gouvernement et prend une attitude radicale quand elle n’est pas

d’accord avec les décisions et actions des autorités locales. A plusieurs occasions, elle était capable de

faire révolter la population jusqu'à un point où les autorités locales ne se sentaient plus à l’aise. Certains

membres de la SC comme à Ango centre ont réagi aux plaintes des autorités locales et ont commencé à

sensibiliser la SC sur leur rôle et responsabilités112. La MONUSCO s’implique aussi dans le renforcement

de la capacité de la SC (sur les droits de l’homme, la résolution de conflits), mais sur terrain on a vu que

leurs efforts sont plutôt des formalités et qu’elle ne mène pas vraiment des formations.

Quelques SC souffre des problèmes de pouvoir comme celle de Banda ou le président concentre tout le

pouvoir entre ses mains, il agit seul sans impliquer les autres membres de la SC, c’est-à-dire le vice-

président et le conseiller. La SC est en outre dégage des tendances liées a des partis politiques dont des

intérêts les opposent. D’autres faiblesses de la SC sont le manque de coordination et l’absence des

femmes qui sont moins impliquées à cause du niveau de scolarisation et la culture qui est

discriminatoire. Cependant, il y a des associations de femmes. A titre d’exemple, les femmes à Ango

centre ont une association dénommée Forum des femmes qui est membre de la société civile, bien

qu’elle n’œuvre pas dans la transformation des conflits. Ce forum rassemble les femmes cultivatrices

pour un partage des expériences.

D’ailleurs, les membres de la SC ne se sentent pas protégés. Ils craignent des enlèvements lorsque la SC

partage des informations sur des attaques par les groupes armés. Elle ne fait pas confiance à l’armé ou à

la police de la protéger. Néanmoins, certaines branches de la SC sont très actives dans le partage des

informations. La SC de Ngilima, qui dépend de la SC de Dungu centre, fournit régulièrement des

informations sécuritaires à la MONUSCO et aux autorités locales. La SC à Faradje centre (SOCI) fait du

plaidoyer auprès les autorités locales sur des enjeux humanitaires et de développement. Beaucoup

entre elles font la sensibilisation sur les violences sexuelles et basées sur le genre, comme celles de

Ngilima et de Buta qui sensibilisent à travers la radio. En outre, la SC d’Ango (SOCITA) oriente les gens en

conflits vers les juridictions compétentes et sensibilise les Mbororo sur les problématiques qui sont

créées par la destruction des champs et autre biens par leurs vaches.

Un rôle positif de la société civile autour de la problématique de la LRA

Malgré les problèmes de la SC et les dangers auxquels ses membres font face, il y a des acteurs clés qui

sont très impliqués dans des efforts de plaidoyer pour résoudre le problème de la LRA. Parmi eux figure

l’Abbe Benoit Kinalegu de la Commission Diocésaine de Justice et Paix (CDJP) à Dungu (Haut Uélé). Il

documente et expose les abus commis par la LRA et aide aux victimes traumatisées, surtout les enfants,

qui ont échappé à se réintégrer dans leurs communautés. Il a aussi collaboré dans la mise en œuvre du

111

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 et janvier/février 2015 112

Entretien staff SFCG février 2015

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système d’alerte précoce (SAP). En octobre 2011, il a organisé en collaboration avec Human Rights

Watch un atelier à Dungu de plus de 30 activistes de la SC de l’Afrique centrale, dont des membres de

Dungu, Bangadi, Doruma, Duru, Faradje, Ngilima et Niangara (Haut Uélé) et Ango, Banda et Poko (Bas

Uélé). Les participants ont élaboré un communiqué pour mobiliser et exercer une pression sur les

acteurs régionaux et internationaux de résoudre le problème de LRA113. La déclaration entre autre a fait

sortir leur craintes que les gouvernements de la RDC, du Sud Soudan et de la RCA ont à plusieurs

occasions minimisé l’effet négatif des attaques LRA sur la population civile114. Plusieurs commissions,

associations et sections de la SC ont signé cette déclaration, parmi lesquelles les suivantes dans la zone

d’étude : Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP) à Dungu (ainsi que ceux de Duru,

Ngilima et Bangadi), la société civile d’Ango (SOCIDA) et de Faradje, la société civile de la chefferie de

Mopoy (SOCICOMO) de Banda (Bas Uélé) et Solidarité et Assistance Intégrale aux Personnes Démunies

(SAIPED) à Dungu.

A plusieurs autres occasions, la SC et l’Eglise Catholique ont reproché aux autorités le fait qu’elles

refusent de reconnaître la problématique de la LRA. Cependant ces efforts ont eu peu d’impact. La SC

congolaise a même été accusée par le gouvernement de prétendre connaître la situation sur terrain

mieux que les FARDC, toujours dans un effort de minimiser la présence de la LRA (comme décrit ci-

dessus)115. Les autorités ont aussi interdit la création des groupes d’auto-défense suite aux attaques par

la LRA116.

Un rôle négatif de la société civile autour de la présence des Mbororo

Il y a un danger observé que les leaders d’opinion de la société civile (qui est dominée par la population

zande) ainsi que de l’Eglise Catholique, qui tirent un intérêt particulier avec de la présence des Mbororo,

puissent instrumentaliser la population sur la peur d’une partie à une cohabitation avec les Mbororo. Le

comportement qui découle de la culture (la vie pastorale) [et les destructions des champs et autres

biens accompagnées] et religion des Mbororo est considéré par la SC et le Curé de la Paroisse

Catholique d’Ango comme obstacle à la cohabitation pacifique117. Comme conséquence, les Mbororo

souffrent de la marginalisation par les politiques officielles. Ils ont un très faible accès aux services

sociaux de base ; les enfants des Mbororo sont même interdits d’accéder des écoles dans certains

endroits comme à Ango centre. Le taux d’analphabétisme parmi eux reste très élevé. Confrontées à des

barrières linguistiques et culturelles et les conflits liés aux deux modes d’utilisation de la terre, les

relations entre les Mbororo et les populations locales sont très tendues et une instrumentalisation à la

violence est possible118, surtout si le statut des premiers dans la RDC n’est pas bientôt réglée.

113

HRW, Abbé Benoît Kinalegu, Democratic Republic of Congo, 27 août 2013 114

HRW, Declaration from the Dungu Workshop, 11 novembre 2011; HRW, Letter to Central African Republic President François Bozizé From Civil Society, 11 novembre 2011, HRW, Letter to DRC President Joseph Kabila From Civil Society Representatives in LRA affected areas of the Democratic Republic of Congo, Central African Republic and South Sudan, 11 novembre 2011 115

African Affairs, AN LRA FOR EVERYONE: HOWDIFFERENTACTORS FRAME THE LORD’S RESISTANCE ARMY, décembre 2014 116

Ibid. 117

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, aout 2012 118

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007

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3.2.5.3. Provision de services par des organisations internationales

La protection de civils

La MONUSCO

Les 1,000 personnes de la MONUSCO dans le Haut Uélé ne sont pas suffisantes, selon la population,

pour protéger la population et le Bas Uélé manque des casques bleus. La section de droits de l’homme

de la MONUSCO est très mal vue parce que la population pense qu’elle protège les Mbororo et la LRA.

La MONUSCO n’intervient pas quand les vaches des Mbororo dévastent les champs, a expliqué

l’Administrateur du territoire de Dungu119. Elle intervient seulement quand des vaches sont tuées par les

militaires qui viennent aider des cultivateurs lors la dévastation de leurs champs, selon

l’administrateur120. La perception que la MONUSCO est une alliée des Mbororo est renforcée par le fait

que la plupart des casques bleus sont des Maliens comme certains de Mbororo, selon une enquête

menée par Oxfam en 2012121. En outre, l’accusation que la MONUSCO appuie la LRA car leur job en

dépend augmente chaque année. Il est dit qu’ils donnent des rations à la LRA, que la LRA suive

directement leurs patrouilles, et que le radio DDRRR en acholi est un moyen de communiquer avec le

LRA. La MONUSCO est perçu comme l’acteur de protection le moins utile. La population dit qu’il reste

difficile de les approcher, notamment en raison des barrières linguistiques et de leurs habitudes lors des

patrouilles (rester dans les véhicules), et qu’ils ne comprennent pas leur mandat122.

Des initiatives de la protection

Le système d’alerte précoce (SAP) dans le Haut Uélé et le Bas Uélé par Catholic Relief Services, Caritas

Congo, Caritas Dungu-Duruma, la Commission Diocésaine de Justice et Paix (CDJP) de la paroisse d’Ango

et Dungu, Invisible Children expliqué ci-dessus est bien apprécié par les communautés dans les deux

districts ainsi que par les autorités et les humanitaires. Ce système aide à réduire la vulnérabilité de la

population à obtenir une information utile comme support au processus de prise de décision dans la

gestion de risque. Cependant, la réponse des FARDC a un risque signalé par SAP n’est pas assurée pour

des raisons différentes, y compris le manque de moyens de déploiement, et le système ne marche

surtout pas bien pendant la nuit quand les collaborateurs ne communiquent pas et quand la LRA est la

plus active123.

Dans le territoire de Faradje, il y l’organisation Action pour la Promotion Rurale (APRU) qui facilite la

communication entre les communautés, les FARDC et les autorités locales. Il s’engage dans la

planification du plan de protection communautaire avec ces acteurs susmentionnés. Ils ont aussi

construit le bureau de la PNC à Faradje centre et font la médiation entre la population.

Résolution de conflits

La seule initiative qui a été mise en place dans les deux districts est celle de la commission qui gère les

conflits entre cultivateur et éleveur dans les territoires d’Ango et Bondo par SFCG avec la MONUSCO en

119

Interview avec administrateurs des territoires de Dungu, 14 novembre 2014 120

Ibid. 121

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 122

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 et confirmé par la mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 123

Mission sur terrain SFCG octobre 2015 (focus-group à Banda)

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2011. Cependant, la mission sur terrain de SFCG en janvier/février 2015 a relevé que cette commission

n’est plus opérationnelle. L’idée était que les Mbororo identifient le propriétaire des vaches

responsables d’une divagation pour éviter de généraliser tous les Mbororo. La somme que le

responsable de vaches devait payée serait directement remise au cultivateur afin d’éviter que les

policiers ou agents de l’administration locale gardent l’argent pour leur propre compte.

3.2.5.4. Dynamisme du secteur privé/entreprenariat

Avant l’arrivée des Bayuda et la LRA, la chasse, la pêche, l’agriculture, ainsi que le commerce avec le

(Sud) Soudan et l’Ouganda constituent les principaux moyens de subsistance de la population124. Les

Azande exerçaient le petit commerce des produits issus de la chasse des gibiers, de la pêche et de

l’agriculture. Ceci permettait à la population de se procurer d’autres produits indispensables.

L’insécurité causée par la LRA et les Bayuda empêche à la population de vaquer à leurs activités dans la

forêt et l’agriculture reste la principale activité économique125. L’agriculture est itinérante sans fumier et

sans irrigation. Les villageois brûlent en février - mars et utilisent les cendres comme engrais. La rotation

des cultures est très fréquente. Le sol est ensuite laissé en jachère durant une période allant de deux à

cinq ans. Les hommes ne s’occupent que de défrichage qui exige la force ; ce sont les femmes qui

cultivent les sols défrichés. La culture est diversifiée : riz, arachide, manioc, bananier, maïs, patates

douces, caféier, etc. En saison sèche, la pèche et la chasse continuent à se pratiquer mais à un niveau

très limité à cause de la dite insécurité. La pêche se pratique par la méthode de filet en pirogue, des

nasses et des hameçons, épuisement de mares, empoisonnement par les sucs végétaux. Des étangs se

pratiquent de plus en plus. La chasse est faite au piège et au feu126.

3.2.5.5. Conclusion

La zone d’étude connaît plusieurs initiatives locales de paix par des associations et églises catholique et

protestante, surtout dans les centres principaux. Plusieurs associations font des activités pour renforcer

la cohésion sociale entre la population locale et les Mbororo. Pour la plupart, ces activités n’ont pas eu

de succès car une grande partie de la population locale est contre une cohabitation avec les Mbororo et

ne souhaitent que leur départ. D’autres associations, plateformes et les églises s’occupent de la

résolution des conflits localisés, comme les tensions entre la population locale et les réfugiés et

déplacés, entre des communautés qui se disputent la propriété d’une mine, entre éleveur et cultivateur,

entre cultivateurs et entre des individus en conflit particulier. Elles ne sont pas engagées dans la

transformation des conflits plus généralement. Les associations existantes manquent souvent des

soutiens techniques et des moyens de fonctionner. La zone a également plusieurs radios

communautaires qui produisent des émissions de sensibilisation sur la cohabitation pacifique, sur les

droits fonciers et contre les violences sexuelles, mais ces émissions ont pour la plupart une connotation

politique ou religieuse. Leurs personnels sont rarement formés en journalisme et sont souvent en panne

technique.

124

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 125

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien, Mr Constantin Barua, Moniteur du Projet Protection chez INTERSOS, ONG, Banda) 126

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007

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La société civile est active mais a des défis majeurs y compris une faible capacité et manque de moyens

de communication et de transport. Toute la structure de la SC a besoin d’une restructuration et des

formations en droits humains et résolution et transformation de conflits. De plus, la participation des

femmes doit être encouragée. De plus, la SC a tendance d’être trop radicalisée, de révolter la population

contre le gouvernement et d’être passive autour de la problématique de la LRA. Il ne faut non plus sous-

estimer le pouvoir de la SC en collaboration avec l’Eglise Catholique d’instrumentaliser la population

contre les Mbororo.

La population se sent mal protégée contre les abus des acteurs illégaux. Elle ne peut pas compter sur les

forces sécurité ni sur la MONUSCO. La présence de la MONUSCO est inexistante dans le Bas Uélé et très

limitée dans le Haut Uélé. La MONUSCO est vue comme l’acteur de protection le moins utile pour des

raisons différentes ; entre autres son attitude lors des patrouilles (la population ne se sent pas à l’aise

d’approcher les casque bleus) et sa perception de l’appui aux Mbororo et à la LRA. Le système d’alerte

précoce mis en place par des ONG est bien apprécié, mais la réponse aux alertes doit être améliorée. A

part cette initiative, aucune organisation internationale n’intervient dans la transformation et résolution

de conflits dans la zone.

3.3. Faisabilité

3.3.1. Degré de présence de l’Etat

L’administration civile

L’administration civile est généralement présente dans les deux districts. La réhabilitation des

infrastructures de l’administration civile est nécessaire pour toute la zone d’étude. Au niveau des

territoires, on trouve surtout le Service de l’Agriculture, Pêche et Elevage, le Service d’Environnement, le

Service de Renseignement et de Recensement, le Service vétérinaire et le Service foncier, la Caisse et

Comptabilité et les Taxateurs127. Ce qui concerne les effectifs des administrations territoriales,

seulement une portion est immatriculée et payée. A titre d’exemple, 70% des 220 personnes sont

immatriculés et payées dans le territoire d’Ango et 150 de 250 personnes sont immatriculés et payées

dans le territoire de Dungu128.

Les autorités civiles et traditionnelles à chaque niveau sont perçues comme des auteurs réguliers de

tracasseries, profitant de la situation pour s’enrichir à travers le travail forcé, les taxes et une

administration de la justice très partiale. Elles demandent le salongo (travail communautaire) à des

hommes et des femmes jusqu’à trois fois par semaine129. « La justice est pour les riches », dit la

population qui se voit souvent au désavantage vis-à-vis les Mbororo qui paient les chefs coutumiers

pour avoir leur innocence confirmée130. Les autorités sont perçues comme des collaborateurs des

Mbororo et Bayuda dont qu’ils peuvent facilement taxer leurs activités. La population se sent lésée dans

ses droits. Les enquêtés à Ango ont en plus parle de l’inefficacité de l’administrateur à contrôler tous les

services placés sous ses ordres. « Nos enfants étudient dans des mauvaises conditions, les enseignants

127

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 128

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec Mr Gaëtan KPANDI, Chef du bureau de l’administration territoriale de Ango) ; Interview avec administrateurs des territoires de Faradje, Dungu et Bondo 14 novembre 2014 129

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 130

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groups à Ango, Banda et Bayule)

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ne sont pas payés, il n’y a pas de soins médicaux appropriés », ils ont confirmé131. Pour le Chef de

chefferie de Mopoy, les enquêtés à Banda s’est spécifiquement plait qu’il soit toujours malade ou en

voyage.

Les services sécuritaires

Les FARDC

La présence et la capacité de forces sécuritaires ne sont pas suffisantes pour protéger la population,

comme discuté ci-dessus. Le 9061e Bataillon qui est dans le Bas Uélé n’est pas suffisamment équipé, ne

dispose pas d’un moyen de transport ou de communication et n’a pas assez d’effectifs. Sauf l’effectif de

385 dans le territoire d’Ango peut être considéré suffisant132, mais ces éléments manquent quand même

de la logistique, le moyen de transport et la munition, a affirmé leur Major133. Sur les quatre chefferies

du territoire d’Ango, seul celle de Mopoy est sous contrôle effectif des militaires. Paradoxalement, c’est

le 907eme régiment présente à Dungu qui gère cette chefferie et ne pas la Bataillon 9061e d’Ango. Les

Administrateurs de Dungu et Faradje ont confirmé qu’il n y a pas assez de militaires (il s’agit des

régiments 907e pour Faradje) et que leur logistique est un grand problème, ils arrivent souvent

tardivement. Les FARDC ne sont que dans les grands centres et beaucoup d’endroits sont difficiles à

accéder, parfois ils marchent 60km à pied. La présence est aussi insuffisante à la frontière avec la RCA

dans le territoire de Bondo et Ango et le Sud Soudan dans les territoires de Dungu et Faradje134. La

porosité de la frontière de la RDC et l’absence des services de l’Etat dont aussi la DGM facilite plusieurs

entrées illégales.

Un des grands problèmes de services de sécurité est le non-paiement et les mauvaises conditions de vie

qui diminuent l’efficacité de ces services. Les salaires des militaires sont rarement payés et sont trop bas

et ils ne reçoivent pas de rations ou d’autre aide en nature135. Aucun logement est mis à disposition à

ces militaires et ils manquent un propre bâtiment/bureau, ils travaillent sous de paillottes. Seuls les

militaires à Ango possèdent un « camp ». Le gouvernement a donné un espace ou les militaires ont

érigés des huttes dans lesquels ils vivent. Peu entre eux ont reçu la formation de base. Pour les 385

militaires à Ango ce n’est que 45%, pour le 907eme régiment présent dans le territoire de Dungu ce

n’est que 25%136.

La PNC

La présence de la police et leur efficacité est aussi criante. Comme les FARDC, la PNC ne sont que dans

les grands centres et quelques endroits manquent une présence totale. La présence de la PNC n’est que

signalisée à 10 km de Bayule, par exemple137 et toute la chefferie de Sasa dans le territoire d’Ango

manque une présence des policiers. Tout le territoire d’Ango a un total de 70 éléments CIAT

131

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groups à Ango) 132

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec le Lieutenant-Colonel David BUGERA, Commandant Bataillon 9061

e)

133 Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec le major BULUSINA Raphaél)

134 Interview avec administrateurs des territoires de Faradje, Dungu et Bondo 14 novembre 2014

135 Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015

136 Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec le major BULUSINA Raphaél)

137 Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-group à Bayule)

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(Commissariat de la Police). Dans le territoire de Banda, il n’y a que trois policiers. Pour le territoire de

Dungu, au moins 100 policiers sont déployés mais il reste au centre de Dungu et ses périphéries

d’environs 10km. La police manque de moyens de communication, de déplacement, d’équipement et de

bureau138. La police d’Ango est logée dans le bâtiment de l’administration territoriale qui est en mauvais

état. Il faut noter que l’Etat lui a donné une parcelle afin d’y construire son bureau mais manque de

financement. A Bondo, les policiers occupent un bureau qui est une maison privée mise à leur

disposition par l’administrateur du territoire. Seul Dungu dispose d’un commissariat qui est construite

par l’OIM.

Les problèmes auxquels les policiers font face sont les mêmes que pour les militaires. Les policiers n’ont

pas de logement à leur disposition, ils vivent souvent dans des maisons louées. En fait, il est à noter que

l’Etat leur a octroyé des concessions à Ango où ils peuvent construire leurs maisons. Personne ne reçoit

un appui en nature (rations, etc.). Certains ont reçu la formation de base. Pour CIAT qui est présente à

Ango centre avec trois éléments, seul le chef a été formé. A Dungu c’est également seulement le chef

qui a reçu une formation. Par contraire, à Ango, tous les policiers ont récemment reçu une formation sur

la déontologie policière, dispensée par la police de la MONUSCO le 19 janvier 2015139.

Perception de la population

La population se dit satisfaite avec les services fournit par les militaires mais aussi reconnaît que le

nombre est insuffisant. Elle a une bonne compréhension des responsabilités de FARDC, notamment la

défense du territoire140. Les participants aux focus-groups ont cependant aussi parlé des violations des

droits de l’homme, y compris les violences sexuelles, commit par les militaires141. La population

reconnaît aussi la responsabilité de la police, précisément dans la sécurité des personnes et de leurs

biens. Une partie de la population se dit satisfaite avec les services de la police et que l’accessibilité est

équitable mais que peu de gens approche la police car les effectifs sont trop réduits. D’autres enquêtés

ont dit que la police opère des arrestations arbitraires142. Cet avis est très accentué à Banda ou la

population dit que la PNC fait rien d’autre que rançonner la population. Elle dit en outre que l’accès

n’est pas équitable mais que la police donne toujours raison à l’étranger en défaveur du résident et que

l’argent achète la faveur de la police143. A Ango, les enquêtés ont dit que la PNC fait payer des amandes

exorbitantes pour n’importe quel fait144.

ANR145

L’ANR également ne couvre pas toute la zone. En dehors de Dungu, par exemple, il n’y a pas d’agents de

l’ANR. Dans le territoire d’Ango, les agents ANR sont les chefs de poste qui sont assistés par leurs

138

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec l’Administrateur du territoire de Dungu) 139

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec le Commissaire principal Gabin NGANGA KITONDO, Commandant du commissariat de Ango) 140

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-groups à Dungu et Ango) 141

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-group à Banda) 142

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-group à Dungu) 143

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-group à Banda) 144

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (Focus-group à Ango) 145

Nous n’avons pas pu trouver plus de précision sur l’effectif d’ANR et leur position car cette information n’est pas partagée librement.

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adjoints146. L’opinion de la population de l’ANR est négative. « L’ANR est responsable du renseignement,

mais elle ne fait rien d’autre que rançonner la population », expliquent plusieurs focus-groups. L’ANR est

perçu comme inefficace et corrompu147.

La justice148

Le système de la justice est représenté par les Tribunaux de paix qu’on trouve au centre d’Ango, centre

de Dungu, de Bondo et de Buta. Il n’y a pas de tribunaux dans le territoire de Faradje. Le Tribunal de paix

de Bondo se trouve à l’administration locale à cause d’un manque de bâtiment149. Le Tribunal de paix à

Ango manque aussi un bâtiment approprié et est obligé d’utiliser le bâtiment de la DGM. Dans ce

tribunal siège un seul magistrat qui n’est pas permanent à présent, il vient périodiquement de Buta pour

juger les affaires courantes.

Pour ce qui concerne le jugement au tribunal à Buta, il n’y a pas de mandat de comparution. Le

magistrat passe directement au mandat d’amener et s’il faut payer une amande, elle est toujours

exorbitante et par conséquent les litiges sont juges arbitrairement par le magistrat. La population de

Dungu ne se dit pas de tout satisfaite avec les services rendus par le tribunal. Il y a beaucoup de cas de

corruption et la justice est rendue selon la poche du client. Les frais exigés dépassent la capacité des

justiciables, et se couplent avec la longueur d’un processus, découragent la population d’accéder le

tribunal. Aussi, le Tribunal de paix est venu remplacer le Tribunal coutumier auquel la population était

très habituée compte tenu de son caractère presque familial150. Le Tribunal de paix de Bondo n’est pas

souvent saisi non plus, les gens préfèrent les arrangements à l’amiable. « L’incarcération n’est pas

efficace par manque de prison et le coupable paye une amande et sort du cachot de la police sans

toutefois purger les peines de son acte », ont expliqué les participants au focus-group151. L’installation

du Tribunal de paix à Bondo a également créé un antagonisme entre le Président du Tribunal de paix et

les chefs coutumiers de la place qui se voient négligés et non reconnus par le tribunal qu’ils considèrent

comme usurpateur de leur droit de juger les affaires civiles152. En dehors de ces centres, les tribunaux

coutumiers persistent qui appliquent la loi coutumière et pas écrite. En fait, la plupart de la population

ne connaît pas les lois écrites.

Les services correctionnels

Il n’y a pas de prisons dans la zone avec l’exception de Dungu qui a plus ou moins 150 prisonniers. Dans

les autres endroits, la PNC dispose seulement des petits cachots par-ci par-là, comme à Ango, Bayule,

Banda, Buta et Bondo. Les conditions de cachots sont mauvaises. Le cachot à Ango, par exemple, est un

local à une seule et petite pièce avec une très petite fenêtre. Le bâtiment est construit en terre battue et

146

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec Mr Gaëtan KPANDI, Chef du bureau de l’administration territoriale de Ango) 147

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groups à Banda et Ango) 148

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 149

Interview avec administrateurs des territoires de Bondo, 14 novembre 2014 150

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groups à Dungu centre) 151

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-groups à Bondo) 152

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec le Président du Tribunal de paix récemment installé à Bondo Monsieur Philipe PEI)

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est dans un état critique, il n’y a aucun respect des règles d’hygiène à l’intérieur et est vide de meubles.

Les cachots servent de détentions pour tous les crimes et pour toutes catégories de gens, homme,

femme et enfant.

3.3.2. Interventions en cours

Il y a les acteurs suivants à Dungu: UNICEF, CRS, CARITAS, INTERSOS et FAO. Ces organisations

s’occupent de la protection, WASH, et sécurité alimentaire. Beaucoup d’ONG dont ICRC, Mercy Corps,

Medair et Invisible Children ont suspendu leurs activités à cause d’insécurité153. PAM a aussi fermé.

CARITAS est un acteur important à Dungu qui intervient dans les territoires de Dungu, Niangara, Faradje

et Poko avec des activités dans la prise en charge holistique des déplacés et des familles d’accueil, la

prise en charge de la scolarité des enfants et adolescents en dehors de l’école et l’autonomisation socio-

économique des associations locales. CARITAS est bien appréciée par la population. Il y a peu d’autres

organisations locales. ADSSE, un partenaire d’UNHCR, s’occupe des déplacés avec des activités d’abris et

de réintégration socio-économique sur les axes Dungu-Duru, Dungu-Faradje-Aba, Dungu-Bangadi,

Dungu-Niangara et Dungu-Ndedu. Les bénéficiaires ciblés sont satisfaits avec ces activités. INTERSOS à

Banda centre construit des écoles et parfois s’engage dans la transformation de conflits en alertant sur

les abus faits. Action pour la Promotion Rurale (APRU) est un autre acteur local qui est dans

le développement rural. Il y a d’autres organisations locales de moindre importance.

L’administrateur territorial de Dungu a évoqué la manque de communication entre les acteurs

humanitaires (certaines agences de l’ONU et les ONG intervenants dans le territoire) et les autorités,

ainsi qu’un manque de coordination et de synergies entre les actions humanitaires et une consultation

insuffisante des populations locales bénéficiaires154. A Nglima, Oxfam a construit des puits mais

seulement quatre de 14 puits construits en 2013 sont toujours en bon état. Solidarité et Assistance

Intégrale aux Personnes Démunies (SAIPED) et Réseau Communautaire pour la Protection de

l’Enfance (RECOPE), et Comité Local de Protection (CLP) ont doté une pharmacie en faveur de rescape

de la LRA à Ngilima, Kaka et Nango.

A Ango centre, il y a UNHCR et CNR qui prennent en charge des réfugiés centrafricains et COOPI qui

sensibilise sur la lutte contre les violences sexuelles. A cause des activités de COOPI, il a eu une baisse

des cas de viols et violences sexuelles dans le milieu. INTERSOS construit des écoles de bonnes

conditions, selon les enquêtés, et Association pour la Protection de l’Enfance au Congo (APEC), une ONG

nationale, est aussi dans la construction des écoles et est aussi appréciée par la population. Terre Sans

Frontières distribue des vivres et fait la construction des routes et ponts. Les ONG nationales et

internationales ainsi que les associations de la SC intervenantes dans le territoire d’Ango se réunissent

deux fois par semaine, chaque lundi pour une réunion sur le partage des informations sécuritaires sur

l’ensemble du territoire et chaque jeudi pour une réunion de planification et de coordination des

153

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 154

Mission sur terrain SFCG octobre 2014

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activités. Il y avait OCHA qui coordonnait les ONG nationales et internationales et les associations de la

société civile, mais elle n’est plus opérationnelle dans la zone depuis le mois de décembre 2014155.

Dans le territoire de Faradje, Samaritan’s Purse est dans la sécurité alimentaire à Faradje centre et la cité

d’Aba. Malteser offre des soins et produits pharmaceutiques gratuits à Faradje centre, Aba et Tadu. il y a

Il y a aussi l’Organisation pour la Protection de l’Environnement et le Développement (OPED). Dans le

territoire de Bondo (Dengu, Bakpolo, Yangbandigi, Ndu) le CNR regroupe et prend en charge sociale les

réfugiés centrafricains qui habitent dans des familles d’accueil.

3.3.3. Environnement

Impact du conflit

Violations de droits humains

Les tueries, les enlèvements, les tortures, les déplacements à répétition de milliers de personnes, les

incendies des maisons et des infrastructures scolaires et sanitaires, les viols, les pillages des produits de

récoltes et destruction des champs et la limitation des aires pour les activités champêtres sont les

conséquences néfastes enregistrées avec la présence des éléments de la LRA dans ces deux districts de

Uélé. Les pillages des biens et les tueries sont aussi commit par les Bayuda et des éléments FARDC ainsi

que des policiers font des enlèvements and tracasseries.

Les enlevés qui sont libérés ou qui échappent (homme ou femme, garçon ou fille) présentent plusieurs

séquelles psychologiques, somatiques et physiques difficiles à guérir, ce qui est aussi une source de

discrimination dans la société. Les filles et femmes enlevées par la LRA sont soumises aux violences

sexuelles. « Etre enlevé par les éléments de la LRA est une vie détruite » déclare une fille enlevée à 13

ans et relâchée à 18 ans, au mois de juillet 2014. Les victimes de violences sexuelles commises par la LRA

et autres ne bénéficient pas de prise en charge médicale et psychosociale adéquate dans les neuf zones

de santé affectées par les incursions de la LRA156.

Discrimination contre les LRA démobilisés

Il y une forte discrimination contre les anciens membres de la LRA démobilisés et les victimes de la LRA

dans les communautés. La population locale n’apprécie pas la prise en charge par les humanitaires

lorsqu’elle souffre aussi de la pauvreté157. En même temps, il manque des structures qui assurent

correctement la scolarisation des enfants victimes de la LRA (orphelins, enfants non accompagnés,

enfants sortis de la LRA ou autres groupes armés dans le Haut et Bas Uélé)158.

Mouvements de populations

Suite aux attaques de la LRA des fréquents mouvements des populations sont observées dans les deux

districts. Des populations fuyant des exactions de ce groupe armé se déplacent vers les grands centres

des districts au point que certains villages qui existaient avant sont devenus désert et tendent à

155

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (entretien avec un agent humanitaire d’Ango) 156

Mission sur terrain SFCG octobre 2014 157

Ibid. 158

Mission sur terrain SFCG octobre 2014

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disparaitre. 104,574 personnes sont déplacées dans des zones affectées par la LRA en 2014 (les districts

de Bas et Haut Uélé et Ituri), dont 29,790 à Faradje, 37,280 à Dungu, 17,380 à Niangara, 6,340 à Ango et

4,360 à Bondo159. On a aussi vu le déplacement de toute la population d’une chefferie ou d’un

groupement (Par exemple, toute la population de chefferie de Mondo (Territoire de Faradje) ou de

groupement de Malingido (territoire de Dungu) s’est déplacée en 2011 à cause de l’activité de la LRA)160.

Les déplacés continuent d’être exposés aux risques de la LRA, car ils sont obligés d’aller en brousse pour

collecter la paille et le bois– un travail qui les rend vulnérables aux attaques de la LRA161. Ils sont aussi

des relations difficiles avec la population locale, car ils manquent suffisamment d’espace pour cultiver.

En cas ou les déplacés sont intégrés en recevant de la terre à cultiver des chefs coutumiers, les

communautés locales réclament cette terre et demandent des rançons162.

En outre, 9,512 réfugiés centrafricains, sud soudanais et ougandais sont dans la région163 qui habitent

dans des familles d’accueil. La plupart de réfugiés centrafricains restent à Ango centre dans un camp et

les relations entre eux et la population locale sont très tendues. Les réfugiés sont accusés de viol et

violences sexuelles sur des mineurs zande et d’adultère avec les femmes des hommes zande. « Ils

veulent marier les filles zande mais ne veulent pas voir les hommes zande épouser leurs filles », a

expliqué un participant dans un focus-group à Ango centre. Les tensions sont encore plus aggravées et

tendues parce que les autorités territoriales ne s’impliquent pas et les auteurs de violence bénéficient

de l’impunité.

Impact sur la production agricole

La production agricole est impactée par l’instabilité sécuritaire. Suite aux attaques par la LRA, les

populations se réfugient dans des zones limitrophes ou dans les principaux villages, abandonnant

derrière elle maisons, stocks, petits bétails, champs et moyens de productions (semences, outils). Ces

déplacements créent également une pression sur les superficies cultivables dans les zones de refuge, qui

a entrainé la paupérisation des sols en raison d’une surexploitation. L’instabilité sécuritaire limite

également la superficie des terres cultivables et les opportunités pour la chasse et pêche, car craignant

les attaques par la LRA et les Bayuda, les populations hésitent à cultiver dans des champs trop éloignés

des principaux axes164.

Destruction des infrastructures de base

L’abandon scolaire et le taux de scolarisation dans deux districts restent préoccupants par rapport à

d’autres territoires de la Province Orientale. A titre d’exemple, dans la sous-division éducationnelle de

Dungu, 35 écoles primaires sur 91, soit 38,5%, ont été soit incendiées, occupées ou vandalisées par la

LRA depuis 2008. Jusqu’à présent seules 5 écoles, soit 14.3%, ont été réhabilitées. 24 écoles ont été

brulées à Ango et 8 à Bondo. Les infrastructures sanitaires sont également détruites et des médicaments

159

OCHA, LRA Regional Update, novembre 2014 160

Déclaration des administrateurs du territoire à l’atelier de validation du rapport de l’évaluation en novembre 2014 161

Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012 162

Mission sur terrain SFCG janvier/février 2015 (focus-group à Dungu centre) 163

OCHA, LRA Regional Update, novembre 2014 164

Focus Group, résilience communautaire-gestion des conflits-relance économique, Banque Mondiale, Kisangani, Province Orientale, juin 2013 ; Mission sur terrain SFCG janvier 2015

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pillés dans les centres et postes de santé dans les localités attaquées par la LRA. 11 CS (centre de santé)

dans la ZS (zone de santé) de Dungu, 11 CS dans la ZS d’Ango et 7 centres et postes de santé de Bondo

ont été détruits ou pillés par la LRA. Les activités de vaccination deviennent difficiles.

Manque de cohabitation sociale avec les Mbororo

Les Mbororo souffrent de la marginalisation de leur vie pastorale par les politiques officielles. Ils ont un

très faible accès aux services sociaux de base. Le taux d’analphabétisme reste très élevé. Les enfants de

Mbororo ont du mal à accéder à la vaccination165.

Les conséquences selon la population

Selon la population enquêtée, femmes et hommes, les conséquences de l’insécurité à court terme sont

le manque de liberté de vaquer à ses occupations quotidiennes, le déplacement massif de populations,

le manque de bien de première nécessité, la destruction du tissu économique, les infrastructure

scolaires, sanitaires et autres détruites, l’enrôlement des jeunes et enfants dans des groupes armés

(LRA), mort et désolation, le viol des femmes et des jeunes filles, la dépravation des mœurs, la

destruction des champs par les vaches, la victimisation et stigmatisation des déplacés et la famine. A

long terme, elle craint des risques de développement des groupes d’autodéfense locaux avec comme

corollaire l’insécurité généralisée, l’extermination de la population, l’enclavement (restriction de la libre

circulation des personnes et de leurs biens), la dévastation des villages et la perte de la faune et

extermination des espèces protégés dans la forêt, le changement climatique, ainsi que la chasse des

autochtones de leurs terres et l’extermination des villages entiers.

Accès/Sécurité:

La majorité des endroits dans les deux districts sont très enclavés et leur accès est extrêmement difficile.

Les communautés sont isolées les unes des autres. L’impraticabilité de la route limite la mobilité des

intervenants humanitaires, de stabilisation et développement ainsi que la rapidité des actions militaires.

Le manque d’infrastructure routière favorise la LRA d’opérer dans les villages sans s’inquiéter de

l’intervention des FARDC ou de la police. Le manque du contrôle par les forces sécuritaires permet aux

acteurs différents de tracasser les passagers et des éléments militaires mal contrôlés érigent des

barrières illégales. La LRA procède aux enlèvements des passagers.

4. Conclusion et recommandations

Conclusion

Les conflits dans la zone d’étude sont surtout créés par la présence des acteurs étrangers, armés et non

armés. La population connaît les responsabilités des acteurs étatiques, incluant celles des autorités

locales et les forces sécuritaires, et se dit lésée dans ses droits. Certaines autorités locales et militaires

profitent de la présence de ces étrangers et ignorent leurs responsabilités de protéger la population

civile et de servir comme acteur impartial lors des conflits intercommunautaires. La population est

tracassée par la police, les militaires et les autorités civiles qui tous profitent de l’insécurité et souffrent

de la faible capacité de forces sécuritaires de le protéger. Plusieurs initiatives de paix essaient d’établir la

165

Mission sur terrain SFCG octobre 2014

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cohésion sociale mais leurs efforts rechutent car la grande partie de la population locale ne veut rien

d’autre que le départ de tous ces acteurs illégaux et communautés étrangers.

Recommandations

Recommandations de la communauté

Selon la population enquêtée, les besoins en stabilisation peuvent être résumés de la manière suivante :

Renforcement de l‘autorité de l’Etat (renforcer les capacités des services étatiques, appliquer la

loi, rendre les agents redevables envers la population civile) — l’autorité de l’Etat est vue

comme l’épine dorsale dans la stabilisation de la zone

Améliorer la sécurité des personnes et de leurs biens (augmenter le nombre de policiers et leurs

postes d’attaches, renforcer les capacités de la police, équiper les FARDC et former les militaires

sur les droits de l’homme (un point souligné par les femmes), construire les routes, déployer les

FARDC et PNC dans des endroits éloignés, etc.)

Renforcement de la capacité de la population à résoudre et transformer les conflits (relever le

niveau des organisations locales, augmenter le nombre des radios à plus longue portée et

renforcer leurs capacités, installer des antennes de communication téléphonique pour une

meilleure couverture, former la population sur la gestion des conflits, renforcer la capacité des

femmes afin qu’elles deviennent actrices dans la recherche de la paix, vu qu’elles n’ont aucune

association dans ce domaine

Donner une solution rapide au phénomène « mbororo » (le recensement des Mbororo et la

planification de leur rapatriement)

Mettre fin au phénomène « LRA » (implication de la communauté internationale et efforts par

l‘Etat congolais)

Mettre fin au phénomène «bayuda » (les rapatrier dans leurs pays d’origine)

Recommandations de SFCG

Mettre fin à la présence de la LRA et des Bayuda (les partenaires internationaux doivent

encourager l’implication du gouvernement central)

Encourager la réforme du secteur sécuritaire (y compris le paiement des agents, l’amélioration

de leurs conditions de vie, le déploiement aux endroits isolés, les formations en droits humains

et leurs responsabilités, etc.)

Renforcer le contrôle des frontières (DGM) et du Parc de Garamba (appui aux gardes du parc).

L’application de la loi d’une manière équitable et avec rigoureuse

La restauration de l’autorité de l’Etat (par exemple les formations et paiement des agents civils)

La réhabilitation des infrastructures routières et de la communication

Appuyer la commission chargée de résoudre la problématique autour les Mbororo à élaborer un

plan d’action réaliste. Entretemps, renforcer la cohésion sociale entre la population locale et les

Mbororo (par exemple des activités intercommunautaires et la sensibilisation pour lutter contre

des préjudices).

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Renforcer les capacités des populations locales et rendre les autorités locales et les élus

redevables (par exemple des formations sur les lois congolaises et internationales et les droits

civiques).

Plaidoyer auprès les autorités congolaises de l’importance d’une gouvernance équitable et non

discriminatoire.

Renforcer les capacités des associations locales et radios communautaires (par exemple des

formations sur les méthodes et techniques de résolution et transformation de conflits, en

journalisme, etc.). Encourager la participation des femmes.

Restructurer la société civile (définition des rôles précis de tous les membres) et former le

personnel sur les droits humains et la gestion de la résolution et transformation de conflits.

Améliorer le dialogue entre la population civile et les autorités.

Créer des forums de dialogue au niveau de village, de la base au sommet, y compris un grand

forum de paix et de développement impliquant tous les acteurs pertinents.

Plaidoyer pour une réforme foncière équitable qui permet de régler la dualité de la loi foncière

et de donner des titres officiels aux paysans.

Renforce la cohésion sociale entre la population locale et les réfugiés et déplacés.

5. Bibliographie

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ARMY, décembre 2014

Amnesty International, The Time for Justice is Now, August 2011

Aperçu historique sur la présence des éleveurs falata ou mbororo dans le territoire d’Ango, Gaston

NDALA, Coordonnateur de l’ONG Nationale Action pour la Paix, l’Unité et le Développement, APUD, 14

mars 2014

DRC 1993-2003, UN Mapping Report, August 2010

Enough Project, Blind Spots, novembre 2013

Enough Project, Poachers without borders, janvier 2015

Focus Group, résilience communautaire-gestion des conflits-relance économique, Banque Mondiale,

Kisangani, Province Orientale, juin 2013

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Human Rights Watch, CAR/DR Congo: LRA Conducts Massive Abduction Campaign HRW, 11 août 2010

Human Rights Watch, Declaration from the Dungu Workshop, 11 novembre 2011

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Human Rights Watch, Letter to Central African Republic President François Bozizé From Civil Society, 11

novembre 2011

HRW, Letter to DRC President Joseph Kabila From Civil Society Representatives in LRA affected areas of

the Democratic Republic of Congo, Central African Republic and South Sudan, 11 novembre 2011

ITUC, Violence against Women in Eastern Democratic Republic of Congo, Whose responsibility? Whose

complicity ?, November 2011

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Oxfam, Enquête de Protection : Haut Uélé 2012

Pax Christi, LES MIGRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DES MBORORO AU NORD-EST DE LA RÉPUBLIQUE

DÉMOCRATIQUE DU CONGO ETUDE DE CAS AU HAUT UÉLÉ ET AU BAS UÉLÉ, avril 2007

RAPPORT SUR LA MISSION CONJOINTE GOUVERNEMENT – NATIONS UNIES EFFECTUEE A ANGO SUR LA

GESTION DES CONFLITS LA PRESENCE DES ELEVEURS MBOROROS, août 2012