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Analyse de Carnage par Kevin Lecoq

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Analyse de Carnage par Kevin Lecoq

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SOMMAIRE

I. Présentation………………………………………………………….3

II. Analyse du film………………………………………………………..4

III. La déposition………………………………………………………….6

IV. Quel est le pouvoir des mots ?.......................................................8

V. Un autre bijou de Polanski….……………………………………….8

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I. Présentation

Carnage, sorti en 2011, est réalisé par le grand réalisateur Roman Polanski. Ce dernier a

obtenu plusieurs récompenses pour ce long-métrage dont le césar de la meilleure adaptation et

l’aigle du meilleur réalisateur.

En effet, Carnage provient d’une pièce de théâtre française Le dieu du carnage écrite et

mise en scène par Yasmina Reza. Représentée à partir de 2008 à Paris, c’est Isabelle Hupert,

André Marcon, Valérie Bonneton et Eric Elmosnino qui partagent l’affiche.

Roman Polanski décide d’en faire un film après avoir assisté à une représentation sur

Paris et travaille donc avec Yasmina Reza sur le projet en modifiant quelques points du scénario.

Entre-temps, la pièce de théâtre est adaptée aux Etats-Unis, plus précisément à Broadway, sous

le titre God of Carnage.

Tout le monde souhaite reprendre cette pièce dont l’intrigue paraît simple à première

vue : deux couples se rencontrent pour régler un conflit entre leur enfant respectif. C’est le

scénario ficelé et le poids des mots qui opèrent sur le public.

Fiche Technique de Carnage :

Réalisation : Roman Polanski

Scénario : Roman Polanski et Yasmina Reza

Casting : Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz, John C. Reilly

Musique : Alexandre Desplat

Montage : Hervé de Luze

Décors : Dean Tavoularis

Costumes : Milena Canonero

Photographie : Paweł Edelman

Producteur : Saïd Ben Saïd

Coproducteurs : Oliver Berben et Martin Moszkowicz

Durée : 79 minutes

Roman Polanski (à droite), sur le tournage de Carnage. Pièce de théâtre Dieu du Carnage de Yasmina Reza.

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Budget : 25 millions de dollars II. Analyse du film

Tout d’abord, l’affiche est très bien conçue et dégage

les principales idées. On voit les deux couples qui ont comme

axe de symétrie le titre « Carnage », écrit en caractère gras et

de travers. Cela fait penser à un tableau qui penche d’un côté.

On retrouve à nouveau l’aspect « portrait de famille » avec les

informations du film écrites le long des bordures avec une

marge identique de chaque côté donnant l’impression d’un

cadre. Les couleurs font aussi penser à une toile d’Andy

Warhol (1928-1987). Cette affiche se lit autant dans le sens

vertical qu’horizontal. De haut en bas, les deux couples sont

représentés avec le même sentiment qu’ils soient heureux ou

énervés. De gauche à droite, l’attitude de chaque personnage

se dégrade laissant passer des sentiments extrêmes via des

vagues de couleurs intenses. A noter que les lignes de fracture

sont nombreuses et provoquent ainsi le désordre, l’anarchie.

L’élément perturbateur de ce long-métrage arrive dès les premières minutes. Un conflit

éclate entre des jeunes enfants et se finit par une bagarre.

Suite à cet incident, les parents se rencontrent afin de mettre les choses au point. En

effet, l’un des enfants a été blessé et ses parents (joués par Jodie Foster et John C. Reilly)

décident donc d’inviter les responsables de l’autre enfant (Kate Winslet et Christoph Waltz).

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A la rencontre, tout va pour le mieux. Les parents se saluent et s’excusent de ce qu’il s’est

produit au parc. L’ambiance chaleureuse va rapidement dégénérée à travers le langage utilisé et

les attitudes de tous.

Entre manipulations, provocations, menaces et ironies, les parents se comportent alors

comme des enfants. Les conflits qui se créent entre les deux couples vont s’atténuer sur la

relation même de chacun d’eux poussant à dire la vérité qui se cachait derrière cette image

« parfaite ». Véronique (Jodie Foster) gère tout dans le couple et n’hésite pas à humilier son

conjoint Michael (John C. Reilly) en le frappant devant Annette (Kate Winslet) et Alain

(Christoph Waltz) qui ont quant à eux, un manque de communication important. La civilisation

s’efface au fur et à mesure du temps pour laisser apparaître les sentiments les plus profonds. Le

plan final montre les enfants en train de s’amuser ensemble.

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III. La déposition

Toutes les séquences du film peuvent servir d’exemple pour le choix des mots. J’ai décidé

de vous parler rapidement de la déposition de l’incident entre les enfants. Il s’agit de la deuxième

scène.

- Le 11 janvier à 14 :30

VERONIQUE : - « Vous rédigerez votre déclaration, ça c’est la nôtre. » Elle sourit.

Cette attitude chaleureuse est contradictoire avec ces mots qui signifient clairement qu’ils sont

ici en tant que spectateurs.

VERONIQUE : - « Suite à une altercation au Brooklyn Bridge Park, Zachary Cowan, âgé de 11 ans

et armé d’un bâton, a frappé notre fils, Ethan Longstreet au visage. Outre un enflement et une

ecchymose sur la lèvre supérieure d’Ethan, ont aussi résulté de cet acte 2 incisives cassées, avec

atteinte du nerf de l’incisive droite. »

On utilise généralement « altercation » pour une bagarre, entre les CRS et les manifestants par

exemple. « Armé » et « frappé » sont des mots pour caractériser des criminels. Les blessures font

penser aux séquelles d’un combat de boxe.

ALAIN : - « Armé ? » Il regarde Véronique froidement.

Le plan est très réussi, la caméra s’éloigne de Jodie Foster de plus en plus pour laisser voir les

quatre parents. Alain n’intervient pas directement lorsqu’il entend le mot « armé », il décide

d’attendre. Par politesse sans doute mais aussi pour s’assurer qu’elle ne dise pas d’autres propos

douteux.

VERONIQUE : - « Armé ? Vous n’aimez pas « armé ».

Michael qu’est-ce qu’on pourrait dire ?

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Muni ? Doté ? Muni d’un bâton ? »

La première phrase est ironique, elle se doute bien qu’il n’apprécie pas ce mot. Voyant aucune de

réaction d’Alain, elle se tourne vers Michael mais ne le laisse pas parler. On voit alors que c’est

elle qui dirige le couple.

ALAIN : - « Muni. » Toujours d’un air impassible.

En deux phrases, Alain a dit deux mots. Il ne souhaite pas rentrer dans la conversation et le

montre indirectement en abrégeant la discussion.

MICHAEL : - « Muni d’un bâton. » En souriant.

ANNETTE : - « Très bien. » En rendant un sourire également.

En observant la tension présente, les deux autres conjoints tentent d’apaiser la situation.

VERONIQUE : - « Alors... (soupir) Muni.

L’ironie c’est qu’on considérait Brooklyn Bridge comme sûr.

Comparé au Hillside Park.»

Après un soupir indélicat, elle ne s’arrête pas et tentent de provoquer une réaction des

responsables de Zachary.

MICHAEL : - « Le Brooklyn Bridge Park oui, le Hillside Park non. »

VERONIQUE : - « Comme quoi, vous voyez. »

ANNETTE : - « Oui. »

C’est cette fois-ci Annette qui décide de faire court avec un timide « oui » tandis qu’Alain

s’empresse de quitter la pièce sans dire un mot.

VERONIQUE : - « En tout cas, merci beaucoup d’être venus.

C’est tellement mieux que de s’emporter et de se monter les uns contre les autres. »

A nouveau, Véronique évoque la possibilité d’un conflit.

ANNETTE : - « C’est à nous de vous remercier. »

Kate Winslet ne relève que la première phrase en la remerciant en retour.

VERONIQUE : - « Je pense pas que nous ayons à nous remercier.

Nous avons du savoir-vivre, voilà. »

Le « voilà » est très vexant et veut dire qu’eux seuls ont du savoir-vivre. Elle les pousse alors à

réagir.

ALAIN : - « Une notion que les enfants n’ont pas intégrée.

Enfin le nôtre. »

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Alain répond non pas qu’ils n’ont pas de savoir-vivre comme l’attendait Véronique, mais que ce

sont les enfants qui ne connaissent pas ce terme. Pour éviter un affrontement, il se reprend en

disant « enfin le nôtre » avec un sourire forcé et donc agaçant.

ANNETTE : - « Bien sûr, le nôtre. »

C’est avec le même type d’attitude qu’Annette confirme ce que vient de dire Alain. Le « bien sûr »

est totalement ironique et veut dire qu’Ethan est parfait comme garçon.

IV. Quel est le pouvoir des mots ?

Cette problématique a été évoquée durant l’analyse du film mais je souhaitais faire un

récapitulatif de celle-ci. Le pouvoir des mots est très important dans la société. C’est une force.

La parole permet d’agir sur les personnes. Celui qui parle va alors influencer les réponses de

l’autre. Nous avons vu dans le précédent extrait qu’un mot n’est pas anodin. Il peut en effet être

aussi incisif qu’une lame si celui-ci est bien choisi.

VERONIQUE : - « Vous me fatiguez, je suis fatiguée de ces conversations. »

Etre fatigué de parler… Parler demande donc de l’énergie autant que dans un combat de

boxe. A force d’arguments, Chistoph Waltz a anéanti son rival qui décide de « jeter l’éponge ».

Cela fait penser au long-métrage « Ridicule » de Patrice Leconte sorti en 1996. Sous Louis XVI, un

jeune baron décide de communiquer avec le roi. Mais pour ce faire, il faut d’abord briller par son

esprit dans la haute société. En effet, il doit participer à des discussions pour ridiculiser les gens

à la parole. Pour accéder à un rang supérieur, exposer son bel esprit est nécessaire. On peut

aussi régresser en fonction des mauvais mots choisis.

De nombreuses personnes apprennent à parler, à contrôler sa gestuelle. Notamment les

présidents et chefs d’entreprises qui se doivent d’être d’excellents orateurs.

V. Un autre bijou de Polanski

Roman Polanski continue de frapper avec Carnage malgré un registre différent. Porté par

un jeu d’acteurs exceptionnels, le film prend une tournure tragique pour ces quatre

personnages. Les plans sont tout simplement parfaits. La caméra qui enregistre un cadre posé le

long du film se met à divaguer lorsque Kate Winslet a abusé de quelques verres d’alcool pour

nous faire plonger avec elle.

Un thème qui n’est pas forcément évident puisqu’il est compliqué de faire tenir le public

dans un huis clos en jouant uniquement sur la conversation. Défi relevé puisqu’il est apprécié

des critiques.

Si j’avais un bémol à dire, ce serait sans doute la durée. Je pense que nous aurions pu

aller plus loin encore. Ce point négatif prouve à nouveau que j’ai particulièrement prisé cette

œuvre.