liberté du judaisme 119 janvier fevrier 2013
Post on 05-Dec-2014
562 Views
Preview:
DESCRIPTION
TRANSCRIPT
1
Présidente d’Honneur : Doris Bensimon לייז
L.d.J. Siège social 13 rue du Cambodge 75020 Paris N° 119 janvier-février 2013 le numéro 2,50€
http://www.liberte-du-judaisme.fr
Editorial Le semestre qui vient de se terminer a eu de quoi satisfaire une association à vocation culturelle telle que
"Liberté du Judaïsme". Colloques spécialisés, et
expositions thématiques se sont succédés à un rythme qu'il a parfois été difficile de suivre.
Nous essayons, dans la mesure de nos moyens, de
suivre ce foisonnement d'activités. Vous trouverez dans
la présente Lettre quelques comptes-rendus et réflexions à la suite de certaines de ces manifestations
qui concernent les milieux juifs, et plus largement le
monde de l'immigration.
Lorsque l'on voit le bouillonnement actuel autour de
l'Histoire et des Cultures juives, dont nous sommes peu ou prou les héritiers, on ne peut que faire sienne cette
phrase de Levinas sur "L'étrange bonheur d'être juif".
Étrange bonheur, car les événements au Moyen Orient
et leurs métastases en France mêlent à ce bonheur une sourde inquiétude. Inquiétude qui, bien entendu, se
reflète également au sein de notre association comme
en témoigne la controverse autour d'un livre récent sur Islamisme et Islam que nous persistons à ne pas
confondre.
Pour l'année qui s'ouvre, souhaitons nous que ce bonheur soit de moins en moins étrange.
Le Bureau
La Lettre de LdJ. Janvier – février 2013
Rédaction et administration
13 rue du Cambodge 75020 Paris
Directrice de la publication: Simone Simon
Comité de Rédaction :
Flora Novodorsqui, Danièle Weill-Wolf, Michel Mohn, Simone Simon, Isidore Jacubowiez,
Copytoo 281 rue des Pyrénées 75020 Paris
Dépôt légal à la parution ISSN 1145-0584
Les Juifs du Touat
Notre amie Fabienne Dahan a été voir l'exposition au MAHJ sur les Juifs d'Algérie. Intriguée par un des
panneaux elle a voulu en savoir plus:
La région du Touat : Ayant longtemps appartenue au Maroc, la région du Touat est aujourd’hui une province du Sahara algérien.
Le Touat, quadrilatère enfermé entre des régions
désertiques (voir plan ci-dessous), est situé au sud de Tlemcen et longe la frontière-est marocaine.
Il comprend trois grandes régions : le Gourara des
Zénètes berbères, le sud-est des pasteurs et le Touat
proprement dit, sur l’axe nord-sud, le long de l’oued Messaoud avec son chapelet d’oasis (capitale Adrar)
résultant d’une eau très abondante.
Le nom donné à la région provient de "zénète" et de
"tit" : source, en référence à l’abondance de l’eau dans cette région. Celui de l’ancienne capitale commerciale,
Tamentit, provient également de "amen" : eau et de
"tit ": source, ce qui confirme le rôle crucial de l’eau dans cette région.
Qui étaient ces Juifs du Touat ? Si leurs origines font l’objet de différentes hypothèses,
il est acquis que les premières populations juives
arrivant sur le sol africain étaient essentiellement constituées d’exilés fuyant les persécutions et
d’esclaves.
Leur présence daterait, selon certains, du XIIe, pour d’autres, du VIIIe avant notre ère, avec une grande
migration juive vers l’Afrique de l’Ouest, consécutive
à la destruction du royaume d’Israël. Elle aurait été
2
suivie par d’autres de plus en plus importantes,
notamment en -586, après la destruction du Temple de Salomon. Plus sûrement, car les sources archéologiques
l’attestent, les Juifs captifs ont été déportés en -320 vers
l’Afrique, l’Egypte, la Cyrénaïque. Après la chute de
Carthage en - 146, des populations juives se sont installées dans les villes et les ports d’Afrique du Nord.
Lors de la destruction du Second Temple en 70, autre
date déterminante, de nombreux Juifs esclaves ont été vendus par les Romains sur les côtes d’Afrique du
Nord.
Au cours des premiers siècles de notre ère, des populations juives se sont réfugiées auprès des Berbères
des montagnes ou du désert de Libye et de Cyrénaïque
et se sont unies à eux, contre les Romains.
Inversement, de nombreux Berbères se sont judaïsés, surtout en Tripolitaine, dans les Aurès et les ksour du
Sahara.
C’est ainsi qu’entre le IIe et le Xe siècle des vagues migratoires juives sont venues peupler les régions du
Mzab, du Touat, du Tafilalet, du Dra’ et du Sous. Elles
ont apporté leur savoir-faire, notamment dans le creusement de "fogaguir" (sing.,foggara), système
d’irrigation original. La richesse en eaux souterraines a
pu ainsi être canalisée sur le modèle mésopotamien,
empêchant l’évaporation de l’eau dans le désert, au moyen de puits régulièrement espacés.
Elles ont été rejointes par d’autres populations juives
venues de Mésopotamie (VIe), d’Arabie, puis d’Espagne (VIIe), sans doute attirées par cette région
désertique éloignée de tout, qui les protégeait, ainsi que
par l’abondance de l’eau. Développant les cultures,
l’artisanat et un commerce d’échanges, les Juifs, aux origines diverses, ont prédominé particulièrement sur la
région du Touat, considérée alors comme un modèle de
prospérité, jusqu’à devenir l’Empire Juif du Touat. Cet "Empire sans Empereur" était constitué de
plusieurs villes fédérées établies dans les oasis et
palmeraies, elles-mêmes créées par les grands nomades Zénètes (de "zenatiya" : langue en berbère), qui ont
introduit, entre les IVe et Ve siècles, le chameau et le
palmier et ouvert le commerce caravanier transsaharien.
En 901, puis surtout en 984, une première arrivée en
masse de la tribu musulmane de Guedoua est suivie de
plusieurs vagues de milliers d’immigrants Arabo-musulmans du Maghreb, d’Egypte, d’Arabie, d’Irak.
Au cours de ces premières vagues migratoires,
l’équilibre du Touat se maintient entre les communautés, loin de l’agitation du Maghreb où les
Juifs sont obligés de vivre sous le statut de dhimmi. Au
Touat, la Communauté juive accueille tous ceux qui
sont désireux de s’enrichir, et les musulmans favorisent ainsi dans cette région le commerce entre l’Afrique du
Maghreb et l’Afrique Noire (sel,"meleh" en hébreu,
d’où vient le mot " mellah", acheté à prix d’or sans jeu de mot ; le cuivre plus important que l’or, servant de
monnaie et permettant d’acheter des esclaves dont le
thème nécessiterait un article spécifique; bijoux, ivoire)
Le Touat connaît un véritable âge d’or. A partir du
XIIIe siècle, le royaume juif du Touat, sa capitale Tamentit et ses escales de Bouda et Tsabit figurent sur
les cartes majorquines.
Disparition des Juifs du Touat : Progressivement, la région s’installe dans l’insécurité.
Elle ne peut plus subvenir aux vagues continues
d’immigration qui vont provoquer un déséquilibre démographique. Au XIe siècle, il n’y a plus assez
d’eau pour les cultures et la région cherche à accroître
son importation. Mais celle-ci est rendue difficile par la
grande insécurité et le pillage sur les pistes caravanières, obligeant les Juifs à se regrouper et à
abandonner des villes où ils étaient installés depuis
plusieurs siècles. Il s’ensuit une période de désorganisation. Les Juifs
touatiens subissent une accumulation de calamités au
siècle suivant : des razzias et des rançons, à proportion
de l’invasion croissante de tribus arabo-musulmanes, auxquelles s’ajoutent des invasions de sauterelles
causant des famines terribles et meurtrières, comme
celle de 1376. Le fossé entre les communautés juives, les autres
communautés autochtones et les communautés
musulmanes se creuse davantage, les Arabo-musulmans augmentant en nombre. Les Juifs, qui avaient la
prépondérance sur cette région, sont devenus
minoritaires dans les Oasis et ont perdu le commerce
caravanier à la fin du XIVe. Ils doivent se replier dans l’insécurité et la précarité, dans un quartier de Tamentit.
Un équilibre définitivement rompu : L’équilibre est définitivement rompu à la fin du XVe siècle avec l’arrivée d’Abd El Krim Al Meghili, grand
érudit, vouant une haine non moins grande envers ceux
qu’il considère ennemis de l’Islam. A son arrivée en 1479, il s’installe à Tamentit. Il y
soumet les Juifs touatiens et les chrétiens au statut de
dhimmi. Ce statut accroît l’insécurité déjà fortement
présente, du fait de l’interdiction de posséder des armes. L’Affaire dite "des synagogues" scelle définitivement
les relations entre Communautés et met fin à l’aventure
exceptionnelle des Juifs dans cette région en 1492, année tristement célèbre de l’autre côté de la
Méditerranée, chez les Juifs ibériques. La demande de
construction d’une nouvelle synagogue à Tamentit (la première synagogue date de 570) divise les ulémas.
Présentée comme une infidélité insultante envers Allah,
elle devient le prétexte déclencheur de la destruction
des synagogues du Touat et du massacre des Juifs. Ce massacre met fin, de façon certaine, aux influences
judaïques, importantes et longues de plusieurs siècles,
dans tout le Sahara Occidental.
La prospérité du Touat décline à partir de la fin du
XVe siècle. Même si ce déclin n’est pas directement lié
à la disparition des Juifs dans la région, elle en est
3
néanmoins une des causes, ajoutées à l’insécurité et à
l’économie en chute, du fait du nombre important de guerres tribales visant la conquête des places
commerciales. Dans un même temps, la pénétration
européenne, surtout portugaise, à la fin du XVe siècle,
convoitant les richesses, permet un transport plus sûr des marchandises par voie maritime. Cette région ne
sera plus un lieu d’échanges et d’intercession avec
l’Afrique Noire et deviendra une tâche blanche sur la carte, avec de nombreux villages abandonnés,
jusqu’aux premières explorations de la fin du XIXe et
de la pénétration européenne.
Diaspora des Juifs touatiens après 1492 :
Nous ne savons presque rien sur ces populations juives
(chiffre, densité, etc.) du temps de leur prospérité. Le nombre des Juifs massacrés au Touat en 1492 n’est pas
davantage connu. Les survivants se sont dispersés sous
trois formes principales. Un premier groupe est resté sur place et a accepté
l’islamisation. Les Juifs ainsi restés sont appelés des
Mohadjriyim (ou transfuges, convertis), qu’il faut
plutôt prononcer Mohagrin (abaissés, humiliés), ce qui correspondait plus à leur situation.
Un deuxième groupe a rejoint les communautés juives
du Tafilalet où des "piyyoutim" composés en l’honneur de rabbins de Tamentit ont été retrouvés et témoignent
d’un trajet, après le massacre, vers le Tafilalet
marocain. D’autres ont rejoint les communautés du Dra’ et du Mzab, où des tombes de descendants de
Tamentit ont également été retrouvées.
Un troisième groupe a rejoint le sud des Touareg ou le
Soudan. Vers la Mauritanie, ils ont introduit la construction de puits profonds et ont apporté leur
savoir-faire à la population. Certains ont rejoint les
Gao, où ils ont été protégés et ont fait prospérer la région. D’autres ont rejoint les Banou-Israël vivant
depuis longtemps aux abords du Niger, près de
Tombouctou, mais tous y seront massacrés en 1496. D’autres encore se sont réfugiés auprès de groupements
au Sahara ou au Sahel, tels que les Daggatoun, une tribu
de Juifs nomades originaire de Tamentit, ayant vécu et
vivant toujours dans le Sahara parmi les Touareg qui les tolèrent tout en les méprisant, les maintenant dans un
statut inférieur tout en reconnaissant leur savoir-faire.
Diverses autres tribus du Sahara sont reconnues comme ayant des origines judaïques : les Daw Sahak-Ida
Oushaq, les Igdalen (les hommes aux cheveux tressés),
les Enaden (de inad ; au singulier : end " autre " ;
signifiant " ceux qu’on ne nomme pas"), caste fermée elle-aussi méprisée.
Il est admis par ailleurs que beaucoup de Juifs ont été
assimilés par les Noirs d’Afrique.
Aujourd’hui : Il n’existe plus au Touat de vestiges de nécropoles ou de synagogues. Une première épitaphe hébraïque datée
de 1329 a été découverte à l’oasis de Bouda. Des
pierres tombales ont été retrouvées, alors qu’elles
étaient réutilisées comme matériau de construction, notamment pour des puits. Une immense dalle
recouverte d’inscriptions hébraïques, datée de 79,
servait à des lavandières pour leur linge. Une lettre
datée de 1235, faisant état d'échanges caravaniers via Touat, a été retrouvée dans la Ghenizah du Caire.
Les patronymes sont d’autant plus importants qu’ils
témoignent, presque seuls, d’une histoire juive et d’un lien bien ténu de transmission avec cette région.
De nombreux patronymes du Maghreb doivent leur
origine à la localisation des différentes communautés. Ils étaient souvent portés, et le restent encore de nos
jours, aussi bien par des musulmans que par des juifs.
Le nom Touati, avec ses diverses variantes (Tovati,
Ettouati, Touitou) provient de la région du Touat ; celui de Gourari provient du Gourara ; celui de Znati, avec
ses variantes (Eznati, Aznati, Zenati) fait référence à
l’ethnie Zénète. Les noms de Tamishti, Amar, Drai, Teboul (Abitbol),
Benitah, Chékroun, Bénichou, parmi d’autres,
proviennent également de la région touatienne.
Les Juifs du Touat ainsi que leur massacre sont
longtemps restés peu connus. Jacob Oliel a tenté de les
sortir de l’oubli, de les réhabiliter en faisant connaître leur extraordinaire épopée.
Tous mes remerciements à M. Jacob OLIEL auteur du livre
Les Juifs au Sahara, une présence millénaire (éd. Elysée, Québec,
2011) qui a accepté, après lecture, de m'apporter ses éclairages.
Né à Béchar dans le Sahara occidental, Jacob Oliel, enseignant chercheur indépendant, est un grand spécialiste du désert. Ses longues années de recherches sur le terrain en Afrique du Nord ont abouti à plusieurs ouvrages. Elles lui ont permis de se découvrir des ancêtres caravaniers, ainsi que de faire, en 1991, un voyage au Touat avec Théodore Monod, son ami de trente ans, qui avait rédigé
la préface de ses deux premiers livres. Ses dernières parutions sont, outre le livre cité plus haut : Les camps de Vichy, Maghreb-Sahara 1939-1944, éd. Du Lys, Montréal, 2005 et Mardochée, éd. Elysée, Québec, 2010.
Compléments :
1) La plupart des renseignements concernant les Juifs de cette région a été fournie par les chroniqueurs touatiens musulmans, témoignant de la présence de rabbins érudits et d’une école d’hébraïsants.
2) Des Responsa (réponses données par des jurisconsultes sur des questions de droit religieux ou privé, posées par des communautés éloignées) des rabbins d’Alger ont ainsi permis de confirmer avec certitude qu’il existait un foyer religieux Juif, reconnu comme une Communauté, dans la région du Touat. Ces Responsa informent également sur la situation de plus en plus précaire des Juifs et sur leur insécurité croissante: leurs enfants peuvent être enlevés, emmenés très loin et vendus comme esclaves.
3) Les Oasis Sahariennes ont toujours été l’objet de convoitises. Elles ont été connues notamment par : - Antonio Malfante qui y a séjourné en 1447 ; - Léon l’Africain arrivé à Touat en 1506, il a révélé le désastre de 1492 de la communauté Juive vieille de treize siècles. -Les chroniqueurs lors des conquêtes et la mise à jour vers 1900, d'un recueil de nombreux documents de la région du Touat.
4
Voyages
Vienne et la reconnaissance de l’extermination
des Juifs Vienne abritait au début du siècle une des plus grandes
communautés juives d’Europe. 11% de la population était
d’origine juive. Que reste-il dans la capitale autrichienne de
cette communauté ? Au mois d’août dernier 2012, visitant la ville, j’ai cherché à le savoir.
Les Juifs se sont installés à Vienne en 1190. Après que
plusieurs pogroms les eurent expulsés successivement en
1421 et 1669, l’Acte de tolérance, promu en 1782, par
l’empereur Joseph II, leur reconnaît un certain nombre de
droits. La constitution de 1848 leur accorde un statut de plein
droit et en 1852 la communauté juive de Vienne est
constituée officiellement. Cette communauté en pleine
expansion suscite très rapidement bien des jalousies.
En 1890, l’antisémite notoire, Karl Lueger, devient maire de
Vienne et en dépit de la protection de l’empereur, un
antisémitisme politique prend naissance, antisémitisme
qu’Hitler(1) reprendra et poursuivra.
En 1938, après
l’annexion de
l’Autriche par
Hitler (l’Anchluss),
40 synagogues sont
brûlées pendant la
Nuit de Cristal, la
population juive est massacrée.
120 000 d’entre eux
réussissent à émigrer,
65 000 périssent dans les camps d’extermination. Au nombre
de 200 000 avant 1938, les Juifs ne sont plus que 1500 à la
fin de la guerre.
Après 1945, aucune incitation n’est faite aux Juifs de revenir
à Vienne. On en devine la raison : les Autrichiens ne
souhaitaient pas redonner aux Juifs les postes qu’ils
occupaient avant la guerre et pas davantage leur rendre appartements et biens qu’ils s’étaient appropriés. Ils
préfèrent se considérer eux aussi comme les premières
victimes des crimes du National Socialisme et refusent de
reconnaître l’adhésion de la majorité du peuple autrichien au
Führer et à sa politique d’extermination. L’Holocauste n’est
ni expressément mentionné, ni enseigné à l’école dont le
programme s’arrête à la première guerre mondiale.
Les monuments de mémoire
Plusieurs monuments de mémoire témoignent à Vienne de
cette attitude et de ces réticences. Réalisé en 1968 et situé
place Morzinplarz, sur le site de l’ancien Hôtel Métropole où
la Gestapo interrogeait et torturait, un monument est dédié
aux victimes de la Gestapo. Une très petite étoile jaune
signale que les Juifs figuraient parmi ces victimes.
A côté du musée de l’Albertina, en centre ville, se trouve le
Monument contre la Guerre et le Fascisme, édifié en 1988.
Ce monument a fait l’objet de nombreuses controverses car il
représente des Juifs nettoyant les trottoirs et les rues devant la
population : des scènes qui se sont effectivement produites en
1938.
A la suite de ces attaques et à l’initiative de Simon
Wiesenthal, qui a perdu toute sa famille dans les camps, un
monument, dédié aux victimes de la Shoah, a été construit en 2000 sur la Judensplatz. Il représente, en référence aux
Juifs " le peuple du Livre", une bibliothèque avec
l’inscription des principaux lieux d’extermination. Sur la
même place, un petit musée, ouvert en 2010, retrace, à partir
de fouilles archéologiques de la plus ancienne synagogue, la
vie des Juifs au Moyen Age.
Non loin de là se trouvent les Archives de Résistance et de
la Déportation, ouvertes en 1968, qui montrent clairement
l’adhésion de la population à la prise du pouvoir par Hitler et
à l’antisémitisme. La réalité de l’extermination est évidente
par l’existence d’archives nominatives des victimes.
Ouvert en 2011, un nouveau musée juif se tient dans le
palais Eskeles, en centre ville, rue Dorothergzass. D’une
belle architecture intérieure, il montre une des plus grandes
collections d’objets personnels liturgiques juifs appartenant à
Max Berger qui a vu périr toute sa famille. L’unique
synagogue, rue Seitensttengasse, épargnée par le pogrom de
1938, parce que non visible extérieurement, peut se visiter
sur rendez-vous.
A la suite de l’indignation suscitée par un attentat néo-nazi, en 1965, contre un Juif communiste et survivant, les
Autrichiens ont commencé à changer d’attitude. Les Juifs ont
pu revenir à nouveau dans leur ville natale, rejoints en 1956
par les Juifs hongrois et, par la suite, ceux des Républiques
de l’ex URSS.
Comme l’écrit Michel Haupl, actuel maire de Vienne, dans
un guide bien documenté (2), les Juifs, pour la plupart
assimilés, constituaient avant la guerre l’intelligentsia
viennoise. Ils ont, reconnaît-il, grandement contribué au
développement de la ville. Parmi les plus illustres on peut
citer Fanny Von Arnstein qui tenait des salons littéraires en
1812, le banquier Salomon Rothschild, Théodore Herzl, le fondateur des idées du sionisme dès 1878, le psychanalyste
Sigmund Freud qui a fui Vienne en 1938 dont on peut visiter
la maison avec le fameux divan, l’architecte Adolf Loos, les
écrivains Stephan Zweig, Arthur Schnitzler, Joseph Roth,
Robert Musil, les musiciens Arnold Schönberg, Gustav
Malher, le metteur en scène Billy Wilder…
Regroupant actuellement plus de 7000 personnes, la
communauté est bien structurée, avec un président élu, Ariel
Muzicant, pour les affaires politiques et administratives,
tandis que les questions religieuses relèvent de la compétence du grand rabbin Paul Chaim Eisenberg.
Des services sociaux, tels que le "Jewish Welcome Service
Vienna", "l’Esra Center for Psychosocial", ont en charge
l’aide matérielle et le soutien psychologique à la population
juive. De nombreuses écoles et associations culturelles
témoignent de la vigueur de la communauté.
Signes inquiétants, cependant, aux élections de 1999, Jorg
Haïder, fondateur du parti d’extrême droite, le FPO obtient
26,9 % aux élections et entre au gouvernement de Wolgang
Schussel pour constituer une grande coalition qui échoue rapidement. A la suite de dissensions internes, Jorg Haïder,
fonde un nouveau parti d’extrême droite, le BZO.
Vienne 1941 (Document Maison de
la Conférence de Wannsee - Berlin)
5
Aux dernières élections de 2008, le SPO, social démocrate,
obtient 29,31%, le BZO, Alliance pour l’avenir de l’Autriche
10,7%, le FPO, Parti Autrichien de la Liberté 17,5%., l’OVP,
Parti Populaire Autrichien 26%, les Verts 10,4%. Les
prochaines élections auront lieu en 2013
Si l’on compare les monuments et les musées dédiés à
l’extermination à Vienne de ceux, exemplaires, existant à
Berlin, il est évident que l’Autriche n’en est qu’au début d’un
réel travail de mémoire (3).
Monique Duché-Benoun
1) Hitler, né à Vienne, voulait devenir peintre. Refusé plusieurs fois par l’Académie des Beaux Arts, il a voué une profonde haine envers les institutions universitaires et académiques où pourtant les Juifs n’étaient pas majoritaires
2) Le guide de la municipalité "Jewish Vienna-Heritage and
Mission", distribué au musée juif. Un livre en anglais de Robert Schindel, "Jewish Vienna", Editions Mandelbaum Verlag, constitue également une précieuse source d’information. Deux visites spécifiques, indiquées par l’Office de Tourisme, ont lieu
chaque semaine sur le thème "Juifs de Vienne".
3) A noter également l’institution depuis 1995 d‘un fonds national d’indemnisation pour les victimes du national-socialisme. Une somme de 5087 euros est attribuée aux victimes persécutées par le régime national-socialiste en guise de geste moral.
---------------------------
Israël, impressions de voyage
Je suis restée à Tel Aviv, seule, pour découvrir cette ville. Je
ne la connaissais pas, si ce n’est l’aéroport, et mes
impressions vont peut-être sembler bien candides.
Je me serais crue dans une ville européenne avec des
quartiers très branchés et une population très cosmopolite.
J’avais une chambre dans un hôtel auberge de jeunesse à
deux pas de la plage et j’y ai rencontré surtout des amoureux
d’Israël. Ce point de vue changeait beaucoup de ce que je
pouvais entendre en France. A part les Juifs français et ceux qui ont fait un voyage religieux dans ce pays, de la part de
beaucoup de Français, je n'ai entendu que des critiques de ce
pays. Quelquefois, on n’ose à peine dire que l’on a fait un
voyage en Israël. J’étais donc contente de me trouver au
milieu de touristes curieux et sans ostracisme vis-à-vis
d’Israël.
Tel Aviv est une ville trépidante et zen en même temps. On
y voit très peu de religieux. .Je me sentais en pleine sécurité
au centre ville et j’avais une très grande sensation de liberté
beaucoup plus qu’en France. Une ville sans policier ! Même pas de police aux carrefours malgré une circulation
automobile très forte à certaines heures. Pour un français,
c’est inimaginable ! Peut-être sont- ils là incognitos ! Je ne
sais pas vraiment parler hébreu mais on se débrouille fort
bien sans cette langue. Le russe semblerait devenir la 3°
langue d’Israël avec l’arabe et l’hébreu. Mais, j’ai été très
étonnée qu’on y respecte le shabbat presque comme à
Jérusalem car on m’avait dit que les laïques fuyaient
Jérusalem pendant le shabbat ! Il ne faut jamais écouter les
rumeurs ! A Jérusalem, j’ai vu ouverte une boîte de nuit le
vendredi soir et nous avons trouvé un restaurant ouvert pas
loin du King David. La deuxième semaine, j’ai rejoint le groupe avec lequel je
devais voyager. Notre voyage était un voyage de contacts
avec des associations qui œuvrent pour la paix. Je peux dire
qu’il y en a énormément en Israël. Chaque fois que j’y suis
allée, j’en ai rencontré. Il est dommage qu’on n’en parle pas
dans les reportages sur Israël.
Nous avons dormi à Neve Shalom, un petit village où il y a
des écoles bilingues, arabe et hébreu, où des Arabes
israéliens et des Juifs choisissent d’habiter .On y travaille à la cohabitation entre Arabes et Juifs et au respect des deux
peuples. Certes seule une petite élite peut en faire partie car
l’école est privée et payante.
Nous sommes ensuite allés à Jaffa au Centre pour la Paix
fondé par Shimon Peres après l’assassinat de Rabin ! Là
aussi, on travaille à des échanges entre Palestiniens et
Israéliens : on forme en Israël des médecins palestiniens à
des médecines de pointe. On organise des activités entre enfants juifs et arabes de Jaffa.
On a encore visité Givat Aviva, une Université judéo-arabe qui donne des cours d’arabe entre autre chose et
où se trouve une bibliothèque qui a comme archive
l’ensemble des journaux palestiniens avant 1948. C’est
là, que la personne qui nous a accueillis nous a montré que cette fameuse ligne verte dont on parle, n’est qu’une
ligne de cessez le feu élaborée par un Anglais de manière
incohérente et elle nous a emmenés dans un village arabe que
la ligne verte coupe en deux. Il y a un check point privatisé
qui permet d’aller d'un côté et de l’autre, ce qui occasionne
une perte de temps importante pour ceux qui doivent le
passer. Quant au mur, nous l’avons longé. Il ne fait qu’une vingtaine de kilomètres. Le reste n’est qu’une clôture de
sécurité.
Enfin nous sommes allés à Ramallah. C’était la fête de
l’AÏD. Nous n’avons pas été contrôlés. Ramallah est une ville
qui ressemble à toutes les capitales des pays voisins. Une
bourgeoisie y est installée, assez riche au vu des habitations
modernes et luxueuses dans le quartier de la moukatta et
ailleurs. Les magasins ouverts regorgent de victuailles et de
produits et les enseignes de multinationales comme Pizza
Hut, Starbuck, Sony décorent le paysage urbain ! Une
circulation incessante. Moi qui suis allée à Damas et à Amman, je n’ai pas vu de différences entre Ramallah et ces
villes "libres" de toute occupation étrangère. Nous sommes
allées dans un café très branché où la personne qui nous a
servis parlait le français car elle avait fait un séjour d’étude à
Nantes.
Ce voyage a permis à beaucoup d’entre nous de remettre en
question certaines idées toutes faites sur la région. Certes, il
faut que les palestiniens aient leur pays et qu’Israël vive en
sécurité dans des frontières reconnues mais il ne faut pas
raconter n’importe quoi sur la Cisjordanie ! Les médias
français désinforment sur la région par omission et parti pris.
Simone Bismuth
Bureau de L.d.J. Simone Simon Présidente Maryse Sicsu Vice-Présidente
Jean Ferrette Secrétaire général Brigitte Thiéblin Secrétaire adjointe
Noémie Fischer Trésorière Flora Novodorsqui Trésorière adjointe
Contact L. d. J.: 01 47 66 42 63 ou secretariat2@ liberte-du-judaisme.fr
Site internet : www.liberte-du-judaisme.fr
6
Lu , Vu , entendu
Mame loshn
Ses locuteurs l'appellent "mame loshn", la langue de maman.
Avec ses inflexions et l'adjonction de suffixes qui
rapproche les choses en allongeant les mots, elle semble être
faîte pour la tendresse. (1)
Née sur les bords du Rhin, il y a un millier d'années, elle a
traversé l'Europe d'ouest en est, ramassant au passage des
mots de rencontre et des façons de parler. Traversant les
frontières, elle était devenue une langue européenne et plus
tard une langue mondiale. A la sortie de la seconde guerre mondiale, il n'était pas rare pour un voyageur de passer de
pays en pays en parlant dans tous la même langue, le
Yiddish.
C'était pour les Juifs de l'Europe de l'est la langue de
l'intimité, au contraire de l'hébreu, la langue de papa, que
seuls les hommes, qui, petits garçons, avaient été au héder,(2)
connaissaient un tant soit peu. Cette langue maternelle
parlée, avant la dernière guerre, par plus de 10 millions de
personnes, a été gazée dans les camps. Ce qui en restait a
sombré avec les départs du Yiddishland vers l'Occident et les
Amériques. Les enfants de ceux qui parlaient cette langue dans les villes et villages où ils formaient d'importantes
minorités l'ont abandonnée pour les puissantes langues
environnantes, l'anglais, le français ou l'espagnol, pendant
que l'hébreu, sortait de sa sphère religieuse pour devenir, en
Israël, la langue nationale.
C'est cette langue, que d'aucuns considèrent en état de
mort clinique, qui a tenu colloque au Palais de l'Unesco à
Paris les 12 et 13 novembre (3) car si certains la trouvent bien
malade, d'autres ont décidé de la maintenir en vie et ils sont
venus d'Australie et de Pologne, des Etats-Unis et d'Israël, de
Grande-Bretagne et de France pour apporter leurs solutions, à un public attentionné de plus de 400 personnes.
D'abord, et en premier lieu, sauver les trésors qui ont été
écrits dans cette langue. Les sauver par la traduction, et il y a
urgence, car pour traduire il faut des traducteurs, mais aussi
conserver et c'est le gigantesque travail de numérisation qui
se fait dans différents cénacles. Ensuite il faut transmettre,
d'abord aux enfants et les exemples qui ont été cités sur ce
qui se fait à New York, à Melbourne ou à Varsovie, même si
ce ne sont que gouttes d'eau dans un océan de besoins,
montrent que les idées ne manquent pas. Et puis il y a les arts, ceux qui sont véhiculés par la langue :
le théâtre et les chansons ; la multiplication des groupes qui
reprennent et enrichissent la musique klezmer, les théâtres
qui continuent à jouer des pièces en yiddish avec, souvent,
des acteurs dont ce n'est pas la langue. Et puis, surtout, il y a
la détermination de ceux qui veulent de toute leur force croire
que l'on peut faire revivre une langue, comme cela s'est
produit pour l'hébreu, car comme l'avait chanté Jacques Brel
en français et comme nous l'a chanté en yiddish Mendy
Cahan venu d'Israël : "On a vu souvent rejaillir le feu de
l'ancien volcan qu'on croyait trop vieux".
I.J. 1. Il est courant en yiddish d'allonger les mots pour rendre la chose plus proche : Ex. : bébé, bébélè;. kindé kindelé..
2. Ecole élémentaire où on apprenait à lire l'hébreu de la Thora
3. "Permanence du yiddish" organisé par le B'nai Brith et la Maison de la Culture Yiddish
Juifs de Pologne ou Juifs en Pologne ? C'est d'entrée que cette question s'est posée lors des tables
rondes qui se sont tenues au Couvent des Bernardins dans
le cadre de l'exposition préparée par l'AFPCJ (1) qui a été
présentée en ce même et prestigieux lieu entre le 11 et le 26
octobre 2012 (2).
Il existe un tel contentieux entre Juifs et Polonais qu'il est
parfois difficile d'imaginer que ces deux peuples ont vécu
côte à côte et assez souvent en bonne harmonie durant presque un millénaire.
Harmonie voulue par l'aristocratie et par? la royauté élective
polonaise qui bien sûr y trouvèrent leur intérêt et qui
légiférèrent en ce sens dès 1264 par l'Edit de Kalisz. Cet
Edit renouvelé régulièrement jusqu'en 1750 disparut avec le
Royaume de Pologne dépecé par ses trop puissants voisins ;
il plaçait la population juive sous la protection royale et
définissait son statut. Statut qui alla jusqu'à octroyer une
autonomie de gestion pour les Quatre Pays, le Vaad, qui en
1596 devint l'organe représentatif des Juifs, mais aussi le
collecteur d'impôts, sur l'ensemble du territoire contrôlé des souverains de Pologne (3).
A cette époque il y avait un peu plus de 500.000 Juifs en
Pologne ; ils étaient plus de 3 millions en 1939 à la veille
de la guerre. Après le cataclysme nazi, il en restait environ
250.000 dont 200.000 étaient revenus d'URSS où ils avaient
fui devant l'invasion allemande.
Las! Le calvaire n'était pas terminé, la soif d'antisémitisme
n'avait pas été complètement assouvie et de pogroms en
assassinats individuels on dénombra environ 1500 morts
entre 1945 et 1947, du fait cette fois de Polonais. Les Juifs
survivants quittèrent la Pologne. Il en resta une cinquantaine de mille.
En 1956, la Pologne entre en révolte contre le gouvernement
communiste imposé par les Soviétiques. Pour détourner
l'orage, les Juifs sont montrés du doigt par les autorités et leur
situation devient pour le moins inconfortable, une trentaine
de mille s'exile à leur tour.
Enfin en 1968, la vague de manifestations qui déferle sur
l'Europe n'épargne pas la Pologne, Le gouvernement ressort
une arme bien rodée, l'antisémitisme sous couvert de
l'antisionisme dans le cadre de la guerre des Six-jours qui a opposé Israël et les Pays Arabes. Ce qui reste de Juifs quitte
le pays, y compris ceux qui y étaient retournés dans le but d'y
construire le Socialisme.
A cette longue litanie, il faut mettre dans l'autre plateau de
la balance les Polonais qui firent ce qu'ils purent pour sauver
des Juifs. Tout d'abord, l'organisation de sauvetage Zegota,
soutenue par le Gouvernement Polonais de Londres qui
réussit à mettre à l'abri environ 30.000 Juifs, puis les actions
individuelles comme celle que nous avons pu voir tout
récemment au cinéma dans les égouts de Lwow (4) , et il n'est pas anodin que 5800 Polonais aient été honorés par la
Médaille des Justes, car si en France contrevenir aux lois du
Grand Reich était très souvent passible de la déportation, en
Pologne c'était l'exécution immédiate. Dans ce même plateau
de la balance, il faut mettre, et les Polonais ne manquent pas
de le rappeler, que deux millions de Polonais ont disparus
pendant la guerre.
7
Et maintenant? Maintenant, soixante dix ans après l'extermination, certains
Polonais commencent à se retourner sur leur passé, et dans ce
passé il y a ce vide béant. Alors on essaye de combler ce
vide et les exemples de cette bonne volonté ne manquent pas
; depuis les cérémonies qui ont marqué l'anniversaire de la
liquidation du Ghetto de Lodz jusqu'à la construction en
plein Varsovie, face au monument en souvenir de la révolte
du Ghetto, d'un Musée sur L'Histoire des Juifs de Pologne
qui devrait être inauguré en octobre 2013.
Mais le plus marquant, peut-être, n'est-il pas que
l'intervenante polonaise au colloque "Permanence du
yiddish" (5) ait titré son intervention "L'engouement pour l'étude du Yiddish en Pologne" ?
I.J.
1. Association franco-polonaise pour la culture juive
2. "Mille ans des Juifs en Pologne", avec l'appui de l'Institut
Polonais de Paris
3. Henri Minczeles "Une Histoire des Juifs de Pologne"
Editions de la Découverte 2006
4. "Sous la ville" un film d'Agnieszka Holland.
5. Voir l'article page précédente.
Lu , Vu , entendu
De trois expositions à Paris et en Banlieue…
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration (ex
Musée des Colonies, ex Musée de la France d’ Outre-mer )
présente à Paris, dans le très beau Palais de la Porte Dorée
construit dans le style Art déco à l’occasion de l’exposition
coloniale, une intéressante
exposition sur les Algériens en
France pendant la guerre
d’Algérie ; cinquante ans après la fin de cette guerre, elle "propose
d’aborder les diverses réalités de
vie des migrants algériens à
travers les questions de vie
sociale, de l’accueil fait à
l’immigration et de la solidarité envers leur engagement
politique et syndical"
Des photos, des articles de journaux, des livres, des œuvres
d’art, des objets et des films nous transportent à cette époque
difficile où la rivalité politique entre les mouvements
nationalistes se traduit par des attentats, où la répression contre les militants algériens est féroce et culmine avec la
manifestation du 17 octobre 1961 à Paris par la police du
préfet Papon, où les travailleurs algériens vivent souvent dans
des bidonvilles comme ceux de Nanterre ou Gennevilliers.
Un téléfilm de l’émission "Cinq colonnes à la une" est
projeté à l'entrée de l’expo montrant les conditions de vie
sordides des familles dans le bidonville de Gennevilliers. Par
ailleurs La torture est évoquée par le livre d’Henri Alleg et le
procès des tortionnaires de Djamila Boupacha (un téléfilm
récent revient sur cet épisode).
De beaux et émouvants tableaux de Lorjou, Khadda,
Lapoujade, Fougeron, Matta entre autres et des romans engagés de Kateb Yacine, Mohamed Dib…sont exposés à
côté d’articles plus ou moins censurés de l’Express, de
l’Observateur ou de Témoignage chrétien sur la répression en
France ou les "événements d’Algérie". L’aide directe
apportée par quelques intellectuels français au FLN –en
particulier le réseau Jeanson- est montrée à travers
documents et photos d’époque mais les manifestations en
faveur de la paix des syndicats étudiants et ouvriers sont très
peu mises en valeur ; l’action de l’OAS est soulignée ainsi
que les manifestations de joie de la communauté algérienne
en France lors de l’indépendance. Tous ces documents d’archives anciennes ou récentes
(archives de la Préfecture de police, archives algériennes,
films et photos de familles) rassemblés par Benjamin Stora et
Linda Amiri, commissaires de l’expo, permettent d’avoir
une connaissance apaisée de cette période ; mais, souligne
Benjamin Stora, "l’Algérie rêvée n’est pas celle qui se bâtit
après 1962".
Une autre exposition s’est tenue à la Mairie du 5ème
arrondissement : photos de l’immigration et de
l’intégration des Juifs en France de 1880 à 1948.
Cette petite expo très intéressante présentait en octobre dernier, grâce à
de nombreuses photos de
l’Association de la Mémoire Juive
de Paris, un panorama de la vie
juive parisienne. On y retrouvait les
activités des Juifs polonais et
allemands, leurs engagements
politiques et syndicaux, les loisirs et
les sports pratiqués par plusieurs
associations sportives ; étaient
représentées la période des rafles et de la déportation suivies du sauvetage des enfants dans les
maisons de la C.C.E. (1) par exemple.
Une belle et émouvante expo, un parcours de mémoire, un
patrimoine exceptionnel qui permettent de prendre la mesure
de la richesse de cette diaspora ashkénaze venant de
l’Europe de l’est, fuyant pogromes et misère et se retrouvant
provisoirement " heureux comme Dieu en France" ; histoires
familiales se mêlant à la grande histoire…
Enfin à l’Ecomusée de Fresnes, non loin de la sinistre prison
où furent enfermés des résistants et des militants du FLN, se
tient une exposition sur les Pieds-noirs en Algérie de 1830 à 1962 et leur installation après cette date en région parisienne.
Photos, graphiques, cartes, commentaires illustrent ces deux
périodes de manière pédagogique ; des films accompagnaient
cette expo, dont "Algérie mes fantômes", de J.P. Lledo,
auteur dont nous parlons par ailleurs, ainsi qu’un concert de
musique ladino et une conférence sur " Camus et l’Algérie."
Toute la partie relative à la vie des Européens et des Juifs en
Algérie incluant les persécutions antisémites est bien
présentée et utile pour les jeunes de maintenant et des
anciens ayant vécu cette période. Les difficultés liées à l’exil
de 1962 sont expliquées simplement et sans manichéisme, ce qui permet d’éliminer nombre de stéréotypes.
Dans ce petit musée du Val de Marne installé dans une
ancienne ferme restaurée et aménagée pour différentes
activités, cette exposition donne une image équilibrée de
l’histoire des Pieds-noirs et complète celle des Algériens en
France de la Cité de l’histoire de l’immigration.
Michel Mohn
1) Commission Centrale de l'Enfance, organisme créé par l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide pour prendre en charge les enfants après la catastrophe. Certains de ces enfants sont actuellement membres de l'AACEE, association que nous retrouvons au sein du Rajel
8
Lu , Vu , entendu
Chaïm Soutine (I893-1943) au Musée de l'Orangerie
Cette exposition présente 70 toiles de Soutine. Elle a été
une surprise pour moi car elle propose, de façon très
complète, un parcours à travers différents thèmes : le portrait,
le paysage et la nature morte (bœufs écorchés, lapins
suspendus à un crochet, ...). Ce dernier genre, bien que les
auteurs de l'exposition fassent allusion à Chardin, est particulièrement malmené. Il ne s'agit pas de compositions
complexes destinées à décorer un intérieur. Soutine travaille
avec l'idée de série. Les carcasses de bœufs écorchés répétées
de toile en toile, les lapins suspendus à un crochet au centre
du tableau tête en bas, semblent exprimer la violence de la
mort infligée (les yeux du lapin expriment l'étonnement).
Quel que soit le genre abordé, l'originalité de Soutine réside
dans la frontalité, l'absence de décor ou d'espace, bref, dans
la présentation de l'être ou de l'objet qui nous regarde. A cela
s'ajoute la violence des contrastes colorés et les déformations.
Ainsi, dans "le sacristain", le blanc du vêtement émerge dans une petite tache de lumière immergée dans l'ombre du noir.
Quant aux paysages, ils sont eux aussi soumis à une
déformation telle qu'ils deviennent des blocs de peinture,
couleurs, gestes.
En 1939 (à la fin de sa vie), les paysages seront eux-mêmes
associés à des événements naturels : le vent devient sensible
à travers les gestes du peintre. "Retour de l'école sous
l'orage", tableau lui aussi peint à la même date, présente
deux enfants cheminant sur une
route dans un paysage.
On pourra remarquer que les
humains et le paysage sont traités à égalité. A mon avis, ce tableau
influencera Francis Bacon à ses
débuts dans sa conception de
l'humain-inhumain.
Au total, on ressort de cette
exposition avec une curieuse
impression : celle du rouge qui
malmène et nous agresse et qui
rappelle quelque part la couleur
du sang comme si Soutine avait
éclaboussé toutes ses toiles d'une douleur déjà là et qu'on peut retrouver, présente à l'état brut,
dans sa série des bœufs écorchés.
Françoise Bein
Lu , Vu , entendu
De El Alamein à l'opération Torch
El Alamein, juillet 1942, aux confins de la Lybie et de l'Egypte, pointe extrême de l'avancée de l'Afrika Korps
allemand vers le Moyen Orient en juillet 1942
Opération Torch : Débarquement des Américains à Alger
8 novembre 1942.
Le Colloque qui s'est tenu les 6, 7 et 8 novembre 2012 au
Mémorial de la Shoah à Paris était consacré à la situation des Juifs d'Afrique du Nord à ce tournant de l'histoire, et à ses
suites. Il est bien évident qu'il n'est pas question de rendre
compte ici de l'intégralité de ces journées qui ont réuni des
historiens venus d'Allemagne, des Etats-Unis, d'Israël,
d'Italie, du Maroc et de France. Nous nous contenterons,
parce que c'est moins connu, de rapporter ce qui a été dit sur
la situation en Libye et en Palestine.
En Libye, colonie Italienne, il y avait en 1939 un peu plus de 50 000 Juifs. Si les lois raciales mussoliniennes furent
appliquées mollement, il n'en reste pas moins que des camps
d'internement furent ouverts, des Juifs francophones remis
aux autorités vichystes de Tunisie et des Juifs Libyens
déportés dans un camp en Italie et, de là, envoyés à Bergen-
Belsen. Mais le plus effrayant est sans doute qu'en
novembre 1945, malgré la présence de l'armée britannique,
un pogrom fut organisé contre la communauté juive par
des agitateurs arabes. Il y eut 130 morts.
Un second pogrom eut lieu en juin 1948 moins d'un mois
après la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israël. Il n'y
eut "que" 14 morts. Ces deux pogroms déclenchèrent le départ des Juifs de Libye, vers l'Italie et vers Israël,
clandestinement au début, du fait de l'interdiction faite aux
immigrants d'entrer dans la Palestine sous mandat
Britannique (1) (2)
C'est de la Palestine sous mandat que nous a parlé un autre
intervenant. Devant l'avancée des Allemands, les Anglais,
occupés par ailleurs à réprimer une insurrection arabe en
Irak, prirent contact avec le Yichouv (4) pour organiser en
commun la défense de la Palestine. Un plan fut établi pour
défendre absolument un réduit territorial autour du Mont Carmel. Ce plan "Massada of the North" comportait la
poursuite éventuelle de la résistance par une guérilla dans la
région montagneuse. C'est à cette occasion que fut créé le
Palmach, formé de jeunes Juifs qui reçurent une formation
militaire des Britanniques. Le danger était d'autant plus
sérieux que la Syrie était alors sous mandat français, que les
militaires français qui s'y trouvaient avaient prêté allégeance
au gouvernement de Vichy et que celui-ci avait autorisé les
Allemands à utiliser les aérodromes du territoire syrien.
Après la dernière bataille d'El Alamein en novembre 1942
et le décrochement des troupes de Rommel le danger
s'éloigna. L'historien israélien (3) se demande aujourd'hui, s'il y avait
un réel danger… Il pense que non et s'appuie sur le fait que
l'Afrika Korps ne comptait que 4 divisions, c'est-à-dire
beaucoup moins que le nombre de divisions engagées devant
Stalingrad. Il pense également qu'Hitler était bien plus
motivé par une victoire en Russie qu'au Moyen Orient.
C'est certainement vrai. Il n'empêche qu'Hitler intima l'ordre,
en novembre 1942, à Rommel de ne pas décrocher devant El
Alamein et que le fonctionnement des nazis n'était pas
forcément militairement rationnel.
Il suffit de se souvenir qu'au milieu de l'année 1944, alors que les armées allemandes reculaient sur tous les fronts, les
nazis se donnèrent les moyens d'exterminer 400 000 Juifs
hongrois. Dans la guerre spécifique que les nazis menèrent
contre les Juifs, au sein de la guerre qu'ils menaient contre les
Alliés, mettre la main sur les 500 000 Juifs du Yichouv
devait être, pour ces fous dangereux, des plus attractifs.
I.J.
1. Costantino Di Sante. Institut Historique de Marques, Italie
2. Antonelle Tiburzi de l'Association Nationale des anciens
déportés politiques, Italie
3. Daniel Uziel, Yad Vashem Israél.
4. La communauté juive de Palestine avant la création d'Israël.
9
Lecture & Controverse
Un ouvrage (1) a suscité dans les réunions de L.d.J, un
débat animé. Elie Garbarz, un des fondateurs de L.d.J a
porté un avis élogieux. Nicole Abravanel, historienne, un
jugement très critique. Plutôt que de présenter des points de vue antithétiques, nous choisissons de les rapprocher dans un
même article.
--------------------------------------------
L’auteur est Algérien de mère juive et de père pied-noir. Il
a refusé d’émigrer. Il rêvait d’une Algérie démocratique et
multiethnique. Il a été membre du parti communiste algérien.
Il a réalisé plusieurs films et documentaires. Puis, sous
menace d’assassinat par les islamistes, il est venu en France.
Connaissant bien, et pour cause, le monde arabo-musulman, le sien, il a réfuté dès le départ l’enthousiasme dominant la
plupart de nos commentateurs, sur les révolutions arabes.
Ainsi, il avait prévu, presque seul, le pourcentage électoral
d’Enahda en Tunisie. il décortique l’idéologie, l’histoire et
les techniques d’encadrement des frères musulmans, puis
nous assène des faits, encore des faits… et se voit contraint
de prévoir un avenir sombre, lui optimiste de nature. Ce livre,
publié cette année, a été écrit en majorité avant décembre
2011.
Par le style parfois, par le fond, loin du "politiquement
"correct’, c’est un livre dérangeant. Elie Garbarz
Ce livre n’est pas "un livre dérangeant", il est d’abord,
principalement, un livre partisan.
On ne peut que souscrire à la définition de l’islamisme
formulée comme "Le projet politique de modeler la société
suivant les seules règles d'une charria qui évacuerait totalement le droit positif européen" (p. 86).
A la page suivante (p. 87), on lit lors d’un rapprochement
éclair avec l’histoire des Juifs d’Algérie que " La puissance
coloniale n’a pu imposer d’office la nationalité française par
un décret de nationalité collective [comme elle l’a fait avec
le décret Crémieux], ce qui aurait été considéré comme un
acte de guerre à l’Islam". Les " indigènes", les musulmans
acquérant le statut de citoyens français dans la République
une et indivisible ? Les colonisateurs en auraient-ils eu
l’intention en 1870 après la proclamation de la République ?
Les institutions islamiques le pouvoir de s’y opposer ?
Les faits sont décontextualisés. Islam et islamisme constamment confondus de façon à promouvoir un monde
arabo-musulman intemporel (non pas au plan ses pratiques
comme les islamistes y prétendent en voulant imposer un
orthopraxisme originaire imaginaire mais symétriquement, au
plan de sa conception même du politique) et un islam maître absolu du jeu. Selon une méthode, hélas, souvent mise
en pratique à l’encontre du judaïsme, l’ouvrage fourmille d’amalgames de façon à construire un ennemi
global. L’islam-islamisme amalgamé devient l'ennemi et
le seul autre… et sa victoire est inscrite inexorablement dans
le temps, La dernière phrase de l’ouvrage parle pour le sens
que l’auteur lui donne :
"Le printemps s'arrête. Cela se rafraîchit. Il vaut mieux te couvrir, femme" (p. 326).
Disparu(e)s les femmes, les jeunes, les artistes, les
universitaires, comme de façon très actuelle le doyen de
l’université de la Manouba à Tunis, qui refusent
l’islamisation de leur société… L’avenir serait écrit d’avance
et il ne sera pas beau à vivre.
Nicole Abravanel
Nous voulons cependant dire que l’un comme l’autre nous
nous sommes associés à des protestations en soutien au
mouvement démocratique en Tunisie. Serait-ce parce qu’un
des principes fondateurs de la conception du temps dans le
judaïsme, qu’il soit teinté de plus ou moins d’optimisme ou
de pessimisme, reste l’espérance ?
Nicole Abravanel & Elie Garbarz
1) "Révolution démocratique dans le monde arabe, Ah ! si c’était vrai …" Jean-Pierre Lledo Armand Colin, Paris, 2012
Lu , Vu , Entendu
Comment se fait-il que nous restions juifs sans
croyance ni pratique religieuse ?
Pas loin de quatre-vingts personnes se sont précipitées au
MAHJ le dimanche 7 octobre en espérant trouver une
réponse à cette lancinante question. Ils n'ont pas été déçus,
mais ils sont tout de même repartis sans la réponse.
Simon Diner, scientifique et non croyant, a sans doute
trouvé sinon la réponse, du moins une réponse pour lui-
même. Enfant durant la guerre il a vu son père, venu de
Kichinev, déporté et ne pas revenir. Il a vu des gens l'aider
et, chose qui mérite d'être souligné c'est l'entreprise dans laquelle travaillait son père qui l'a fait passer en zone non-
occupée et qui a continué à servir à sa mère, durant toute la
guerre, le salaire du père (1).
Après la guerre, vivant dans un milieu communiste, il a
l'occasion de se rendre en Roumanie, du temps d'Anna
Pauker (2) et il se forge, alors, l'idée qu'être juif c'est être
communiste et sans doute un peu vice-versa.
Puis, peu à peu, au hasard des rencontres, il s'aperçoit que
l'on peut être juif sans être communiste, que l'on peut être
juif et croyant et plus tard, à l'aide de Raymond Aron, que
l'on peut être juif sans être sioniste. C'est dans l'Histoire et la Culture juives qu'il va trouver les réponses aux questions
qu'il se pose.
Une première rencontre est celle de Benjamin Fondane ou
plutôt de son œuvre. Fondane, français d'origine roumaine,
arrêté en 1944, refusa de sortir de Drancy sans sa sœur. Il
mourut à Auschwitz (3). Une autre rencontre fut celle d'un
photographe, Jean Besancenot, qui lors de la guerre du Rif
avait photographié des familles de Juifs marocains, ce qui lui
a fait découvrir que l'on pouvait aussi être juif sans être
ashkénaze. La vie l'ayant conduit, ensuite, du côté de la Provence, il découvrit en la personne de Rabbi Levi ben
Gershom, dit Gersonide, (4) que l'on pouvait être juif et
universel. Le rôle et le nombre des Juifs dans les sciences
questionnent S. Diner et il pense avoir trouvé une partie de la
réponse dans le livre d'Amos Funkestein, "Théologie et
Imagination scientifique".
A 77 ans Simon Diner n'est toujours pas croyant et il est
toujours juif. Sans doute fait-il sienne la phrase de Levinas
qu'il nous a citée sur "L'étrange bonheur d'être juif ".
I.J. Voir les notes : Page suivante
10
1. Il s'agit des Peintures Duco et cela mérite d'être relevé.
2. Ministre des Affaires Etrangères, puis vice-premier ministre
du gouvernement communiste de Roumanie, elle est démise de
ces fonctions en 1952 puis arrêtée en 1953 dans le cadre de la
campagne antisémite qui déferle sur les "démocraties populaires". Elle est libérée en 1953 après la mort de Staline.
3. Nous avons publié dans la lettre 116 le poème de Benjamin
Fondane que Simon Diner a lu au cours de son exposé. Ce
poème a été écrit en 1942 mais contrairement à ce que nous
avions indiqué dans la présentation de ce poème, Fondane a été
déporté et assassiné en 1944. Il a donc écrit ce poème avant
d'avoir connu dans sa chair la réalité du massacre.
4. Gersonide, né en 1288 à Bagnols-sur-Cèze vécut à cheval sur le 13ème et le
14ème siècle il fut tout à la fois
commentateur de la Bible,
mathématicien, astronome, philosophe,
médecin et l'un des propagateurs des
écrits d'Averroès qui fit connaître via le
monde arabe la philosophie d'Aristote. Il
proposa le "Bâton de Jacob" pour
mesurer la distance angulaire entre eux
étoiles.
L'Assemblée générale de "Liberté du Judaïsme" s'est tenue le 14 novembre 2012 au 13 rue du Cambodge.
Le Rapport moral et le Rapport financier ont été adoptés à
l'unanimité des présents et représentés. Les activités de l'Association ont été très soutenues au cours
de l'année écoulée avec 9 conférences de haute qualité, 6
parutions de la "Lettre de LdJ", la création d'un nouveau
Site internet "Liberte-du-judaisme.fr" et la participation
aux activités du Rajel.
Le Conseil d'Administration a été reconduit dans son
intégralité à l'exception de Nicole Abravanel qui a souhaité
se retirer ; cheville ouvrière et organisatrice du cycle de
conférences, elle a été très chaleureusement remerciée.
Au Bureau, le poste de Secrétaire Général est occupé par
Jean Ferrette, élu ce jour au conseil d’administration et nous
lui souhaitons la bienvenue.
Cercle de Lecture Nous étions une dizaine dimanche 11 novembre autour de
Mané et Victor les deux héros du livre de Robert Menasse
"Chassés de l'enfer". Deux héros que cinq siècles séparent
et qu'un ténu lien familial réunit. Le
premier qui dû fuir le Portugal de
l'Inquisition est devenu un personnage
historique à Amsterdam sous le nom de
Manassé ben Israël, le second traîne
son mal de vivre dans la Vienne de
l'après-guerre, mal dénazifiée. Un
livre qui a eu une diffusion réduite en France, mais qui mérite le détour.
Manassé ben Israël
vu par Rembrandt
De l'étranger
Deux nouvelles qui ne manquent pas d'intérêt :
D'Espagne Le gouvernement espagnol a annoncé que tout sépharade
pourra maintenant bénéficier du droit à la nationalité
espagnole. Jusqu'à maintenant, et depuis 1982 seulement, ce
droit s'appliquait uniquement aux Sépharades résidant en
Espagne depuis au moins 2 ans. D'après des estimations 250
000 personnes environ parleraient encore le judéo-espagnol.
De Russie Moscou a inauguré le 8 novembre, en présence de Shimon Pérès, son
grand musée juif. Jusqu'à cette date,
le seul musée juif de la ville avait
été mis en place grâce à une
initiative privé. Petit, certes, mais
intéressant. On pouvait y voir des
documents qu'il n'était pas facile de
trouver ailleurs.
Ci-contre : un affiche antisémite qui
date de 1952:
"Le complot des Blouses
Blanches" ______________________________
Les Fêtes Juives et nous…
Aucun groupe humain ne peut perdurer sans
références culturelles communes. Ces références,
partagées entre contemporains, renvoient aussi à
l’histoire du groupe ; la célébration de fêtes, occasion de sociabilité, familiale ou élargie, met également ses
membres en communication symbolique avec les
générations passées.
Quelle que soit son option à l’égard de la croyance
religieuse, tout Juif doit tout à la fois pouvoir se
réclamer de son appartenance à la judéité et exercer son "droit d’inventaire", c’est-à-dire être libre de prendre la
distanciation critique qu’il estime pertinente vis-à-vis
des récits et des pratiques traditionnelles du groupe. Les fêtes juives font partie de l’héritage commun aux
croyants et aux incroyants qui sont habilités à
"s’approprier" celles qui sont à leurs yeux les plus "signifiantes" en les célébrant à leur manière.
Roselyne Richter
Pensez à régler votre cotisation ou votre abonnement à la Lettre de L.D.J, pour l'année 5773 (Septembre 2012
à août 2013). Si vous le pouvez, faites un don à L.D.J.
Il peut être déductible de vos impôts. Un certificat
CERFA vous sera délivré.
Envoyez vos chèques à notre trésorière :
Noémie Fischer 119 bis rue d'Avron 75020 Paris
11
Echos des conférences de LDJ
Mardi 23 octobre 2012
Joëlle Allouche-Benayoun
Généalogie Juive Notre amie Joëlle (1) est venue avec quelques membres de son
équipe nous présenter le Cercle de Généalogie Juive dont
elle est la vice-présidente.
Ce cercle, fondé en 1984,
comporte aujourd'hui plus de 600
adhérents répartis entre Paris et
quelques villes de province. Son objectif : aider ceux qui désirent
retrouver les traces de leurs aïeux
à le faire.
Elle nous a montré tout à la fois
la complexité du travail de
recherche de documents écrits
significatifs et la passion qu'il
peut y avoir à le faire. Car la
généalogie ne consiste pas
uniquement à reconstituer un arbre familial, mais par la force
des choses elle est dans l'obligation de mettre son nez dans l'histoire, la géographie et les évolutions sociologiques du
pays et de la région où se sont passées ces histoires
familiales.
La recherche de ses ancêtres n'est pas une opération de tout
repos. Si l'existence d'un registre d'état civil laïque est
obligatoire depuis 1792 dans la France métropolitaine et
depuis 1830 en Algérie, remonter plus haut est plus délicat et
les obstacles ne manquent pas. Le nom de famille n'est
finalement pas une très vieille coutume et en France il a fallu
attendre 1808 pour qu'un décret de Napoléon impose aux
Juifs d'en adopter un. La même chose avait été faite en 1806
dans l'empire tsariste mais dans la pratique il fallut attendre 1822 pour que la chose entre dans les mœurs. Par contre c'est
dès 1797 qu'on imposa aux Juifs de l'Empire Austro-hongrois
des noms à consonance germanique. En Alsace on peut se
référer aux recensements qui ont eu lieu en 1784 puis en
185I. Mais la recherche ne se borne pas aux documents
officiels, elle peut passer par des documents familiaux :
"Ketoubah", invitation à un mariage, information sur un
décès, etc…
Bref, un beau terrain d'activité pour ceux qui veulent
remonter à leurs sources. Et ils sont nombreux, si on en juge
par les 800 participants au dernier Congrès International de Généalogie qui s'est tenu à Paris en juillet dernier.
Isidore Jacubowiez.
1. Une étude très complète de Joëlle Allouche-Benayoun sur les
Juifs d'Algérie figure sur notre Site internet "liberte-du-
judaisme.fr". Un condensé en a été publié dans la Lettre de LdJ
n° 115
-----------------------------------------------------------------------
Notes sur "L'antisémitisme à gauche"
1) Avec la thèse de L. Soloweitschik à l'Université Libre de Bruxelles. 2) Un des groupes socialisants emmené par Jean Allemane. 3) Les grands procès dans les "démocraties populaires" qui ont très souvent mis en cause des militants d'origine juive {Slansky, Arthur London (Pour ce dernier voir le film de Costa Gravas : "l'Aveu" où
Yves Montand tient le rôle de Arthur London)}.
Mercredi 28 novembre 2012
Jean Ferrette, sociologue, chercheur au laboratoire
" Cultures et sociétés en Europe " de l’Université de
Strasbourg, " La mauvaise conscience : 200 ans
d’antisémitisme de gauche ? "
On a joué à "guichet fermé"
mercredi 28 dans le local de LdJ
où Jean a traité de l'antisémitisme
à gauche. D''entrée il a indiqué
qu'il s'exprime "en tant que témoin
ayant eu recours aux historiens" ; il parle depuis sa pratique de
chercheur en sociologie d’une
" question-vive", dont on sait
qu’elle soulève les passions car
" l’orateur qui se fait le véhicule de l’état de la recherche est
nécessairement suspect de servir l’un ou l’autre camp". Il
énonce ensuite les cas d’antisémitisme de gauche auxquels il
a été lui, militant dans plusieurs organisations d'extrême
gauche, personnellement confronté.
L'antisémitisme à gauche est au départ principalement dû à l'assimilation des Juifs aux banques et essentiellement aux
Rothschild. Il a fallu attendre 1898 pour que les socialistes de
l'époque prennent conscience qu'il y avait aussi des
prolétaires juifs. (1). C'est dans ce contexte qu'éclate l'affaire
Dreyfus. Jusqu'à la publication du "J'accuse" de Zola, les
mouvements socialistes restent indifférents et à l'écart de
l'Affaire. C'est peu à peu sous l'action des milieux
anarchistes (Bernard Lazare) et Allemanistes (2) que
plusieurs groupes socialistes rejoignent le camp des
Dreyfusards.
Entre les deux guerres on assiste à un reflux de
l'antisémitisme qui ne reprendra de la voix qu'à partir des années 1936 porté, cette fois, par les pacifistes, qui sous-
entendent que ce sont les Juifs qui poussent à la guerre contre
Hitler. Nombre de ces pacifistes se joindront à Vichy par la
suite.
A la sortie de la guerre on va trouver l'antisémitisme à
gauche au sein du le Parti communiste français qui calque
son attitude sur l'Union soviétique. C'est l'époque des procès
dans les "démocraties populaires" (3) qui culmine en 1952
avec le complot dit des "blouses blanches" et de la
dénonciation du "cosmopolitisme"…des Juifs
Pour l'extrême gauche c'est à la fin de la guerre d'Algérie que ressurgit, au grand jour, l'antisémitisme à gauche. Il prend
deux formes : Le négationnisme où sont impliqués des ex-
hommes de gauche (Paul Rassinier) et l'antisionisme qui
pour certains ne se distingue pas de l'antisémitisme, la
victoire israélienne de 1967 faisant des Juifs un "peuple fier,
sûr de lui-même et dominateur ", et transformant, du même
coup, les Palestiniens en nouveaux prolétaires…
Après avoir traité de l’islamo-gauchisme, Jean Ferrette
s’interroge : existe-t-il un antisémitisme à gauche, ou de
gauche ? Il est indéniable que l’antisémitisme se situe
principalement à l’extrême-droite même si toutes les
composantes de la gauche ont tenu dans l’espace et dans le temps, des propos antisémites sous des formes différentes. Et
il attire l’attention sur ce qu’il appelle l’antisémitisme "en
creux " : celui qui ne dénonce pas les Juifs mais
s’accommode bien de l’antisémitisme des autres.
Danièle Weill-Wolf
12
Activités de LDJ Conférences Mercredi 12 septembre 2012 L'année a commencé avec la projection du film "Pologne
aller-retour" qui a suivi un voyage organisé par l'UEJF à
Auschwitz avec pour la première fois une délégation de
Tsiganes de France. Cette projection a été suivie d'une
discussion avec la réalisatrice : Anna Pitoun.
Mercredi 3 octobre 2012 Gérard Haddad : Psychiatre, Psychanalyste "La nécessité
de l'autre" avec présentation de son dernier livre :
"Lumière des astres éteints" - La psychanalyse face aux
camps" (Grasset).
Mardi 23 octobre 2012
Joëlle Allouche-Benayoun Vice-Présidente du Cercle de
généalogie juive. Rédactrice en chef de Généalogie Juive.
"Activités, actualités et mise en perspective de la
généalogie juive" Mercredi 28 novembre 2012
Jean Ferrette: Sociologue, Chercheur au Laboratoire "Cultures et Sociétés en Europe de l'Université de
Strasbourg" "La mauvaise conscience : 200 ans
d'antisémitisme de gauche ?"
Mercredi 19 décembre 2012
Martine de Koninck, comédienne et Dominique Renaud,
historien, du Collectif Fusion : "Les banlieues et nous. Dix
ans d'actions éducatives en banlieues populaires"
Mercredi 16 janvier 2013
Albert-Armand Maarek, Historien : "Itinéraire de la
famille Smadja en Tunisie: exemple d'une émancipation
sur trois générations aux XIXe & XXe siècles"
Mercredi 13 février 2013
Bernard Sadon : " Jacques Lazarus, itinéraires d'un Juif
français de notre temps".
Mercredi 20 mars 2013
(en attente)
Mardi 16 avril 2013
Jean-Charles Szurek " Les combats de Marek Edelman"
Mercredi 15 mai 2013
Andrée Lerousseau
"C'est toi que j'écris -" : Tiqqoun et la restitution du "tu"
dans l'œuvre poétique de Nelly Sachs.
Mercredi 12 juin 2013
Henri Minczeles " Le mouvement ouvrier juif"
Attention : en 2013 Les conférences débuteront à 19 heures. (accueil dès 18h30)
Elles sont suivies d'un débat et se tiennent au
13 rue du Cambodge Paris 20ème
Sur notre Site : "liberte-du-judaisme.fr" vous
pouvez lire le texte complet de la conférence de Jean Ferrette dont vous trouverez un compte rendu succinct page 11, ainsi
que des divers documents concernant Hanouka.
Cercle de Lecture
Programme du Cercle de Lecture LdJ Les prochaines rencontres autour d'un livre auront lieu : Le dimanche 20 janvier 2103 :
"Chansons pour la fille du boucher" de Peter Manseau Editions Christian Bourgois
Le dimanche 3 mars 2103
"L'invention de la Solitude " de Paul Auster
Acte Sud 1982 – Traduit de l'américain
Notifiez votre participation au 01 46 55 73 83
Et ailleurs
Au cinéma de l'Entrepôt 7 rue Francis de Pressensé Paris 14ème L'Amitié Judéo-Musulmane de France (AJMF) présente le 15 janvier 2013 à 20 heures un film de Kamal Hashkar :
"Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah "
Allez voir ce film car LdJ recevra Kamal Haskar qui nous
parlera de son film courant mars 2013
Au Mémorial de la Shoah
"La spoliation économique des Juifs en France" La politique de Vichy et les rouages de son administration. A partir du 15 janvier 2013
Au MAHJ
"Juifs d'Algérie" Une exposition sur la présence juive en Algérie.
Jusqu'au 27 janvier 2013
Cité Nationale de l'Histoire de l'immigration. 293 avenue Daumesnil 75012 Paris
Vies d'exil. 1954-1962 :
"Des Algériens en France pendant la Guerre d'Algérie." (voir page 7) Jusqu'au 19 mai 2013
A l'Ecomusée du Val de Bièvre 41 rue Maurice Ténine Fresnes 94
" Pieds-Noirs ici, la tête ailleurs" Une exposition sur le retour des Européens et des Juifs d'Algérie (voir page 7) Jusqu'au 20 janvier 2013
Au Musée de l'Orangerie Place de la Concorde à Paris
"L'ordre du Chaos" Une exposition sur Chaïm Soutine.
Peintre juif de l'Ecole de Paris qui mourût en 1943 sous
l'occupation allemande
(voir page 8) Jusqu'au 21 janvier 2013
A la Bibliothèque Nationale 5, rue Vivienne, Paris IIe
"Les Rothschild en France au XIXe siècle"
Une exposition sur une famille qui a fait fantasmer les antisémites du monde entier …et les autres
Jusqu'au 10 février 2013
top related