l'harmonie du monde (livre maçonnique)
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AVANT
PROPOS
Sur la voûte céleste du temple de Denderah, au nord de l’ancienne Thèbes, on
pouvait admirer, il n’y a pas si longtemps encore, une représentation du Zodiaque
au moment précis où le Soleil se trouve dans le signe de la Balance.
Or, d’après certains hiéroglyphes retrouvés dans le temple, les Anciens Egyptiens
avaient observé que le Soleil était revenu trois fois dans ce même signe.
Quand on sait qu’en raison de l’inclinaison de l’axe de la Terre par rapport à
l’écliptique, il faut 2160 ans pour que le Soleil passe d’un signe à l’autre au
moment exact de l’équinoxe du printemps, le cycle complet dans les douze signes
est donc de 25920 ans, « année zodiacale ». Tous les bons astronomes vous le
confirmeront.
Compte tenu de notre calendrier actuel, cela fait remonter la première observation
par les Egyptiens à deux cycles et demi, soit… 65000 ans !
Il ne faut donc pas s’étonner lorsque Platon, dans « Timée », rapporte la
conversation du sage Solon avec un hiérophante lui révélant que l’Ancienne Egypte
connaissait la Sagesse depuis plus de 50000 ans.
L’observation des « rythmes » de l’Univers remonte, en fait, à l’aube de
l’Humanité.
L’homme primitif eut tout d’abord une perception très simple et binaire des lois de
la nature auxquelles il était soumis : le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité, le
bruit et le silence, le chaud et le froid, le sec et l’humide, le haut et le bas, le bien-
être et la souffrance…
Dès lors, il lui paraissait évident d’en attribuer les causes à des « forces
supérieures » opposées : un dieu bienveillant et un dieu nocif se partageant le
Monde. Plus tard, ces deux entités n’en feront qu’une, un seul dieu de bonté et de
colère, synonyme de récompense ou de punition.
Les premières lueurs de la Connaissance furent donc indissolublement liées à la
notion de divinité. De là naquit la science sacrée, mère de toutes les sciences.
Certains savants contemporains, au demeurant fort instruits mais sans doute mal
informés de la Grande Tradition, déclarèrent avec fracas que l’Egypte n’avait rien
apporté au monde et que tout venait de Mésopotamie, berceau de civilisation.
Certes, les tablettes cunéiformes semblent leur donner raison. Elles portent la
preuve de la première forme d’écriture « connue ». Grâce à elles, la tradition orale
fut mise en exergue, celle des mythes et des légendes dont la plus célèbre est
l’Epopée de Gilgamesh qui inspira Moïse dans son récit du Déluge.
Nul ne conteste par ailleurs le haut niveau scientifique et les grands talents de
bâtisseurs que possédaient les Babyloniens.
A la lumière de ce qui vient d’être dit plus haut, il semble toutefois impensable que
l’écriture hiéroglyphique, même balbutiante, n’ait pas vu le jour bien avant les
Sumériens.
Quant aux « équations du second degré » que ces derniers savaient soit-disant
manipuler, les Anciens Egyptiens, en supposant qu’ils en aient eu connaissance, ne
semblaient guère s’en soucier.
Ils étaient avant tout d’excellents arpenteurs en raison, notamment, des crues
régulières du Nil qui les obligeaient sans cesse à reconsidérer les tracés des
cultures inondées. Mais ce n’était là que la moindre facette de leur génie. Ils étaient
maîtres dans l’art de la géométrie sacrée, entièrement vouée à une mission qui
revêtait un caractère quasiment obsessionnel : mettre l’immortalité de l’homme en
conformité avec celle des dieux.
Au sommet de la pyramide, Atoum, le dieu créateur. C’est peut être le moins connu
de tous. Pour nous, il est d’une importance capitale, puisque tout est parti de lui.
« Je suis Un devenu deux, Je suis deux devenu quatre, Je suis quatre devenu huit,
mais Je suis Un ». Ainsi parlait-il en s’expliquant lui-même, préfigurant la genèse
des mondes telle qu’elle nous fut transmise dans le Premier Livre.
Tout est dans l’intelligence de son nom : ATouM. Deux lettres initiales et sacrées,
l’Aleph et le Thau, l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. La syllabe ouM,
vraisemblablement prononcée en appuyant longuement sur le Mem final,
symbolisait la matière inerte des eaux primordiales, le chaos originel qui s’est
animé sous l’action du Verbe créateur, l’Aleph.
Nous en retrouvons aujourd’hui la trace dans l’« aoum », cette longue et grave
mélopée prononcée par les moines tibétains.
L’explication qui vient d’être donnée est particulièrement significative.
Elle est la troisième voie de compréhension que les « Grands Prêtres ou Mages »
donnaient à leurs hiéroglyphes : le parlant, le signifiant et le caché. Chacune de ces
voies était réservée aux hommes selon leur degré de connaissance et de mérite. Le
parlant et le signifiant aux profanes, crédules ou croyants, et le caché aux initiés.
La Très Ancienne Egypte fut ainsi le creuset du symbolisme initiatique qui se
répandit dans tout l’Occident.
La Franc-Maçonnerie en est l’un des derniers refuges. Héritière de la Grande
Tradition, elle puise ouvertement ses sources au plus profond du
« khem », la terre noire de Misraïm, qui donna son nom à l’« Al-kimia », la
mystérieuse chimie des éléments primordiaux.
Elle en fait jaillir l’esprit de la pierre taillée, matière vivante et sacrée, pour la
construction symbolique de ses sanctuaires, à l’image du Temple de Salomon le
Sage, fils de David, qui inspirera plus tard les Bâtisseurs de Cathédrales.
En déposant l’Equerre et le Compas sur les Saintes Ecritures, les Francs-Maçons
du Siècle des Lumières ont voulu rendre hommage à tous leurs Anciens Frères
Opératifs qui, depuis des millénaires, oeuvraient en silence à la gloire du Créateur.
Riches de leur sapience, ils ont élaboré un système de morale et de philosophie.
Morale orientée vers le Principe, philosophie tournée vers l’action et le
comportement.
Que nous enseignent les Trois Grandes Lumières ?
Dieu, Grand Architecte de l’Univers, a laissé à l’Homme, au soir du Sixième Jour,
la tâche sublime et redoutable de parachever Son Œuvre, de continuer la Création.
Pour cela, il lui a fait don de Sa propre Parole. Un seul mot d’ordre : la recherche
du sens.
Car la parole est vide sans le sens, germe de l’action créatrice.
Aussi le Franc-Maçon regarde-t-il avec une certaine angoisse les hommes
orgueilleux et bavards s’époumoner à reconstruire la Tour de Babel. Le pire, c’est
qu’il n’y peut pas grand chose, englué qu’il est, comme tous les autres, dans la «
matière » du monde profane.
Il n’a qu’une solution : venir se ressourcer dans le Temple à la recherche du sens et
le distiller à ses semblables par la flamme discrète de sa parole et l’exemplarité de
ses actes.
Autrement dit, soulever doucement le Compas sous l’Equerre, dévoiler peu à peu la
lumière de la conscience devant le grand mystère de l’existence.
Or le monde manifesté, symbole de l’existence, vit en état de crime permanent.
Tel Caïn tuant son propre frère de sang, le temps « tue » l’espace en le vieillissant.
Heureusement, l’espace résiste. Il a cette faculté extraordinaire de se régénérer
constamment, puisqu’il possède en son sein le divin Principe de Vie.
Le Franc-Maçon, infime segment de cet espace dont il est à la fois spectateur et
acteur, participe donc « en conscience » au cycle sans fin de la Création.
En comprendre le sens, c’est comprendre la vie… et la mort, aussi nécessaire
qu’inéluctable.
Cela, les Anciens Egyptiens le savaient depuis longtemps. Et ce d’autant mieux que
tout semblait être « offert » à leur entendement :
l’eau du Nil, le feu du Soleil et l’éther du Ciel, s’unissant en rythmes réguliers pour
féconder la Terre, quatrième élément.
Et que leur rendait la Terre ?
Deux nourritures essentielles et sacrées : la moisson, manne providentielle assurant
la survie de la chair éphémère, et la pierre, gardienne éternelle et muette, à l’ombre
des pylônes et des tombeaux, du grand secret de l’immortalité de l’âme.
Derrière l’apparente simplicité de la raison, quelle formidable richesse de l’esprit !
C’est le principe même de la Connaissance et le début de la Sagesse, cette Sagesse
perdue que nous essayons de retrouver dans l’étude de la science sacrée.
Rien, dans cette science, ne saurait s’expliquer sans le point de départ de tout, le
Principe, l’Arché, le « Bereschit », le Verbe Créateur, Parole de Dieu.
C’est par la Parole que tout fut créé. Les « mystères cachés de la Nature et de la
Science » en portent le vivant témoignage.
Pour retrouver la Sagesse perdue et se fondre avec le Créateur dans l’Harmonie du
Monde, le Franc-Maçon de Tradition se doit donc d’exercer son « devoir de
mémoire » en remontant, le long de ces mystères, au plus près de la Parole Divine.
Certains, avec une pincée d’ironie et un brin de provocation, qualifient cette
démarche, et avec elle la Franc-Maçonnerie de Tradition,
de « rétrograde et génuflexive ».
Sans vouloir attiser de vaines polémiques, c’est tout de même aller un peu vite en
besogne.
La mémoire n’a rien de rétrograde. Elle est le fil à plomb inflexible de la
transmission.
Quant à la génuflexion, elle ne saurait être confondue avec une quelconque
adoration béate ou contemplative. Elle est tout simplement l’expression de la plus
élémentaire humilité.
Que nous croyions aux Cieux ou aux poussières d’étoiles, nous sommes tous
tellement petits devant le Tellement Grand !
Chapitre I
Beau
té et
Har
moni
e
« La Beauté est
la vie lorsque la
vie dévoile son
saint visage.
Elle est
l’éternité se
contemplant
dans un miroir.
»
(Khalil Gibran,
Le Prophète)
Beauté profane et beauté sacrée
La beauté est insaisissable.
Ephémère ou éternelle, ténébreuse ou triomphante,
secrète, sauvage, impudique, insolente, elle se pare
de tous les attributs. Elle peut nous éblouir, nous
transporter de joie ou nous clouer sur place,
fascinés par son irrésistible pouvoir de séduction.
Que ce soit par le jeu des sentiments ou par celui
des mots, on ne sait jamais par quel bout la prendre.
Mais elle ne nous laisse jamais indifférents.
Tous les goûts, dit-on, sont dans la nature. Telle
chose, en effet, que je trouve belle, ne l’est pas
forcément pour un autre. La beauté serait-elle donc
exclusivement subjective ? Ou bien serait-
elle donnée avant d’être acquise ? Montrée avant
d’être démontrée ?
Nul ne peut contester que la beauté d’un arc-en-ciel,
perçue de tous, est donnée. Mais sa beauté cachée,
mise au jour par le physicien au moyen de la
réfraction chromatique de la lumière, n’est
perceptible qu’aux hommes de science. Elle est «
acquise » et nécessite un apprentissage.
Ce dernier mot nous interpelle.
Pour nous, Maçons de Tradition, rompus aux
efforts du long cheminement initiatique,
l’apprentissage de la beauté est une constante. Car
l’Initiation est lumière, elle est porteuse d’un
message et en éclaire le sens. Ce sens est celui
du Sacré.
Dès lors, la beauté n’est plus considérée, dans son
acception profane, comme la simple expression de
ce qui est beau et procure du plaisir.
Elle n’est ni donnée, ni montrée, mais révélée. Ou,
plus exactement, c’est elle qui révèle. Elle révèle
le Beau, unité principielle et sacrée qui échappe à la
raison sensible, qui ne procède plus de l’âme mais
de l’esprit, et qui est d’essence divine.
Prise dans ce sens, la beauté est la puissance du
Beau. Comme la vérité est la puissance du Vrai, la
justesse celle du Juste, le bien celle du Bien, elle
émane du Verbe, puissance première et volitive de
la Création.
Nombreux sont les hommes qui sacrifièrent leur vie
à sa recherche et à sa gloire.
Ils étaient tous Hommes de l’Art, soulevant
secrètement le voile d’une beauté cachée qu’ils
savaient éternelle. Dépositaires de la Tradition,
gardiens du grand mystère des nombres,
hiérophantes, philosophes, alchimistes, bâtisseurs
de temples, ils oeuvrèrent au clair-obscur des «
mots de puissance ».
Nous en sommes les lointains héritiers. Au delà de
leur savoir transmis sous le manteau de
l’ésotérisme, nous vivons aujourd’hui à la lumière
de leur beauté intérieure. Car si le Beau est dans
l’œil du Divin Créateur, la beauté est aussi dans le
regard de celui qui la contemple.
Assurément, le plus chanceux de tous fut Noé, sage
parmi les sages, qui marchait avec Dieu. Après le
Déluge, il s’était prosterné, face contre terre, puis
avait érigé un autel et rendu grâce. Alors le
Seigneur, toute colère apaisée, apparut dans Sa
beauté la plus éclatante.
Et Noé vit la beauté de Dieu, arche merveilleuse
irisant tout l’espace, à l’image de son paradigme, la
Divine Arché, cette demeure céleste qui n’est pas
faite de main d’homme, éternelle dans les Cieux…
Et il fit beau, à l’aube de tous les matins du Monde.
Et Dieu nomma la beauté Alliance…
Harmonie divine et eurythmie manifestée
Arrêtons-nous un instant sur notre Planche Tracée
du Premier Grade. Nous y reviendrons souvent, elle
est d’une richesse insoupçonnée.
Nos Loges sont soutenues par trois Grandes
Colonnes qui se nomment Sagesse, Force et Beauté.
La Sagesse qui dirige, la Force qui soutient et la
Beauté qui orne…
L’Univers est le Temple de Dieu que nous servons.
La Sagesse, la Force et la Beauté soutiennent Son
Trône comme les piliers de Son Oeuvre, car Sa
sagesse est infinie, Sa force omnipotente et Sa
beauté resplendit dans l’ordre et la symétrie de
l’ensemble de la Création.
Ordre et symétrie. Ces deux termes ne peuvent se
comprendre dans le sens où nous les entendons
aujourd’hui.
Pour l’homme de Tradition, l’Ordre du Monde n’est
pas un répertoire de genres, une liste exhaustive
d’objets répartis dans l’Univers comme, par
exemple, la classification des éléments de
Mendeleïev. De même, la symétrie ne consiste pas
à exécuter la réplique exacte d’une figure donnée
par rapport à une droite ou à un plan. Il s’agit de
bien autre chose.
On peut en trouver un début d’explication dans
le Timée de Platon, œuvre majeure, s’il en est, de
la philosophie antique.
Platon considère deux mondes bien distincts :
- le monde intelligible ou monde des idées, siège
d’entités non sensibles qui existent « en soi »,
toujours et absolument, pures et sans mélange, et
qui présentent la seule réalité véritable parce
qu’elles sont immuables.
- le monde sensible, monde manifesté ou coexistent
des « réalités particulières », instables ou
éphémères, et qui ne peuvent être que des copies,
des images de leur modèle (ou paradigme) dans le
monde intelligible. L’exemple, cité plus haut, de
l’arc-en-ciel et de la Divine Arché, demeure céleste,
est on ne peut plus parlant.
Le monde intelligible est donc le monde de l’être,
le monde sensible celui du devenir. Cette
distinction est essentielle, car elle introduit de facto
la nécessité d’un temps et d’un espace comme
supports « matériels » du monde sensible soumis au
changement incessant.
On le comprend d’autant mieux que le temps et
l’espace peuvent être eux mêmes considérés comme
les images sensibles de l’éternité et de l’infini du
monde intelligible.
Or, dans le monde sensible, la permanence (ou
l’invariance si chère aux mathématiciens), se
manifeste sous ces traits : causalité, stabilité et
symétrie.
Il y a causalité si tout effet dépend d’une cause,
stabilité si la même cause produit toujours le même
effet, et symétrie si ce rapport de causalité se répète.
Causalité, stabilité et symétrie n’affectent pas les
formes intelligibles qui trouvent en elles-mêmes
leur principe d’explication et qui ne changent pas.
Dans l’univers créé, cette triple essence de la
permanence est nommée eurythmie, c’est-à-dire
l’ordre (équilibre) et la symétrie (récurrence) du
monde sensible d’en-bas, reflet de leur paradigme,
la Divine Harmonie du monde intelligible d’En-
Haut.
Le Franc-Maçon y reconnaîtra peut-être la «
régularité » du Pavé Mosaïque et de la Bordure
Dentelée qui l’entoure.
Dans ce sens, pour l’homme de Tradition, Dieu UN
éternel est, Dieu DEUX apparaît dans SA Lumière
en La séparant des Ténèbres, Dieu
TROIS équilibre, c’est-à-dire harmonise le chaos.
Alors, et alors seulement, Dieu crée dans
l’eurythmie du temps et de l’espace manifestés
(QUATRE, CINQ, SIX, SEPT…).
Dans la déclinaison de ce schéma divin (retenons
bien ce mot, nous le retrouverons à la fin de notre
exposé), le Beau (« Dieu », UN) resplendit dans la
Beauté (« de Dieu », DEUX), et la Beauté (« par
Dieu », DEUX) resplendit dans l’Harmonie (« de
par Dieu », TROIS).
- l’essence divine du Beau, une et nominative, est
représentée par un cercle ou par 1 point
- la Beauté, binaire et adjective, est représentée par
une droite ou par 2 points
- l’Harmonie, ternaire et distributive, équilibre le
tout par un triangle ou par 3 points
Cette trilogie sacrée prélude à toute
création objective dans le temps, d’abord
quaternaire (projection carrée du cercle divin), puis
quinaire, hexagénaire, septénaire, etc.
Francs-Maçons fidèles à la Tradition, nous en avons
gardé la trace. Les trois points en triangle sont en
effet l’un des symboles majeurs de
l’Ordre maçonnique. L’Ordre, qu’il ne faut pas
confondre avec l’Obédience, entité purement
juridico-administrative au service de l’Ordre, est à
la fois le fondement et le principe actif d’une
société harmonieusement ordonnée, produit pur et
sans tache de la verticalité de la Règle (la même
pour tous) et de l’horizontalité des Frères (tous les
mêmes).
Structure de l’harmonie
A la lumière de ce qui vient d’être dit sur
l’harmonie divine, paradigme de l’eurythmie du
monde manifesté, on peut donner de l’harmonie
deux définitions simples et corrélatives :
- l’harmonie est la beauté en équilibre. Beauté des
composantes, équilibre des proportions entre ces
composantes et le tout dont elles participent. Cet
équilibre peut être statique ou dynamique. Le
premier exemple qui vient à l’esprit est, bien sûr,
celui de l’architecture.
L’équilibre statique d’un temple est un équilibre
d’équerre, basé sur la parfaite orthogonalité de ses
lignes de force, et qui assure à l’édifice une stabilité
naturelle, voulue par l’architecte comme
l’expression de sa propre vision de l’éternité.
Ce n’est pas forcément un équilibre mort. Il
renferme toujours une vie, une dynamique cachée,
celle des proportions entre les divers éléments.
Ces proportions donnent un rythme esthétique à
l’ensemble, justement appelé rythme proportionnel
de la construction. Il est basé sur le choix d’un
module, ou d’une unité de longueur prise pour
référence, qui se décline partout, dans les deux
comme dans les trois dimensions.
Ainsi, l’architectonique du Temple du Roi
Salomon, à l’image du Saint Tabernacle de Moïse,
a-t-elle été conçue, aussi bien dans le temps que
dans l’espace, autour d’un seul et même module : le
carré (et le double carré) et le nombre symbolique
qui lui correspond, le nombre 4 (et son multiple
décimal 40).
Répartition des forces dans l’arc plein cintre et
l’arc croisé
Equilibre statique
Equilibre dynamique
L’équilibre dynamique est, pour sa part, un
équilibre de compas, ou d’arc, ou d’Arche. Il se
fonde sur la dynamique des forces de compression
qui se divisent en forces verticales et horizontales,
ces dernières exerçant une poussée latérale qui
mettrait en danger la stabilité de l’édifice si on ne
l’équilibrait pas par une poussée contraire. Ce qui
explique l’utilisation fréquente des arcs-
boutants dans l’architecture gothique.
Ici, la vie foisonne. Le compas règne en maître.
Ogives, doubleaux, formerets et archivoltes lancent
les claveaux vers l’infini du ciel. Battant à l’unisson
d’un rythme plus haut, les cathédrales deviennent
une véritable symphonie de formes. Elles chantent.
- l’harmonie est l’unité dans le multiple. Cette
définition est, en fait, une synthèse de la
précédente. Elle consiste à rassembler ce qui est
épars et à construire, à partir de plusieurs identités
particulières, une seule et même entité vivante.
La musique en est un premier exemple.
Si nous détaillons, ligne par ligne, la partition
complète de L’Hymne à la Joie de Beethoven, rien
ne peut troubler à priori notre perception sensible
de l’harmonie. Chaque instrument, du plus grave au
plus aigu, possède son propre rythme et sa propre
ligne mélodique, de la plus simple à la plus
complexe, ce qui est le cas pour les cordes dans
l’exemple que nous avons choisi. Mais notre oreille
profane a bien du mal à croire que toutes ces
particularités, en se croisant et en s’interpénétrant,
puissent sonner d’une manière harmonieuse. Nous
avons plutôt tendance à imaginer le contraire, c’est-
à-dire un résultat proche de la cacophonie.
Et pourtant…que d’émotion à l’écoute de
l’ensemble, irrésistible marche en-avant sublimée
par le triomphe des chœurs ! Ici mieux qu’ailleurs,
l’alchimie subtile du Maître de Musique a su
transmuter la somme des unités en unité de la
somme. Ainsi pourrait-on écrire :
1 + 1 = 1 , 1 + 1 + 1 = 1 , 1 + 1 + 1 + 1
= 1 , 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 1 …
Le deuxième exemple est, on l’aura deviné, la Loge
Maçonnique.
Milieu paisible et harmonieux par excellence, la
Loge est un temple dans le Temple. Elle regroupe
autour des Trois Grands Piliers que sont Sagesse,
Force et Beauté, les colonnes vivantes des Frères
qui sont autant de temples intérieurs.
Cette démultiplication, très caractéristique de la
Franc-Maçonnerie, nous aide à mieux sentir
l’absolue nécessité de l’union, celle qui fait battre
les cœurs à l’unisson et avancer d’un seul et même
pas. Et lorsque cette union est parfaite, elle
syncrétise tout au Centre, là où l’harmonie,
l’eurythmie, l’alliance et la concorde se fondent en
un terme ultime : l’égrégore.
Les voies maçonniques de l’Harmonie du
Monde
« Avant le Déluge vivait Lamech. Ses enfants ayant
eu connaissance de l’imminence du Déluge,
gravèrent les Sept Sciences sur deux piliers : l’un
de marbre qui ne pouvait être détruit par le feu,
l’autre de latericia, brique légère qui ne pouvait
être détruite par les eaux. Après le Déluge,
Pythagore trouva l’un des deux piliers, Hermès
trouva l’autre, et ils enseignèrent aux hommes les
sciences qui y étaient écrites. »
Le récit de cette légende biblique (mais est-ce
bien tout à fait une légende ?) figure dans un des
plus vieux textes maçonniques connus à ce jour,
le Manuscrit Cooke, datant de 1410. C’est dire
l’importance que nous devons lui accorder.
Il fait remonter à des temps immémoriaux le
premier épisode de la sauvegarde et de la
transmission du savoir, et met en scène deux des
plus grands noms de l’Histoire, considérés comme
les pères des sciences anciennes.
Comme Imhotep, le génial architecte, Hermès et
Pythagore étaient des daïmones, mi-hommes, mi-
dieux, vénérés par leurs disciples qui les portaient
au firmament des étoiles, cet univers intermédiaire
entre la sphère divine et notre monde sublunaire.
Des stars avant la lettre…
Ils eurent, ont encore et auront sans doute pendant
longtemps une influence considérable sur les
gardiens de la pensée traditionnelle. Leurs
enseignements se sont dilués dans nos rituels
maçonniques, mais on peut en redécouvrir le sens,
pour peu qu’on veuille bien soulever le voile. Ils
révèlent les mystères cachés de la Nature et de la
Science dans lesquels resplendit l’Harmonie du
Monde.
A l’ombre symbolique de Moïse et du Roi
Salomon, nous allons cheminer le long de ces
deux grandes lignes parallèles, l’une traitant de la
science élémentaire des nombres, l’autre de la
nature numérique des éléments.
Elles se rapprocheront souvent, jusqu’à ne former
qu’une seule et même voie, celle qui, par la magie
des « mots de puissance » enfin retrouvés, remonte
là-haut, tout là-haut, à l’aube de l’Eternelle
Lumière.
Chapitre II
Le
fabul
eux
hérit
age
de
Pyth
agor
e « Tout est
arrangé d'après
le Nombre »
(Pythagore, Iero
s Logos)
Le Maître de Samos
Comme tout personnage mythique marqué par
le sceau du secret, Pythagore n'a laissé aucune
trace de ses écrits. On lui attribue toutefois le
mystérieux Ieros Logos ou Discours Sacré qui
fut longuement commenté par le monde grec.
C'est donc chez ses adeptes qu'il faut chercher le
contenu de son enseignement. Non pas ceux de
la première heure, mais les néo-pythagoriciens
comme Nicomaque de Gérase ou l'historien
Jamblique. Nous y ajouterons Platon, encore et
toujours Platon dont nous sommes à peu près
certains qu'il fut initié sans jamais avoir prêté
serment.
Pythagore est resté célèbre pour son fameux
théorème sur le carré de l'hypoténuse. Ce n'est
pas lui qui l'a découvert (il était connu depuis
des siècles par les babyloniens et les égyptiens),
mais il eut le génie de le démontrer. On lui doit
l'invention de quelques termes nouveaux
comme, entre autres, philosophie et cosmos,
mots qui, à leur époque, étaient considérés
comme avant-gardistes.
Pythagoras est né à Samos entre 590 et 570
avant Jésus-Christ, en ce premier Siècle des
Lumières qui vit le Gauthama Bouddha,
Zoroastre, Confucius et Lao-Tseu composer
avec lui une pentade étincelante de surhommes.
Encore adolescent, il s'illustre aux Jeux de la
48ème Olympiade. Puis il part pour de longs
voyages, notamment en Egypte, là-même où, un
demi-siècle avant lui, Thalès de Milet s'était
brillamment illustré. La conjonction des Grands
Mystères auxquels il est initié et du très haut
niveau de connaissance de ses hôtes l'amène à
mûrir et à construire dans son esprit une
véritable métaphysique des nombres.
La cinquantaine triomphante, il retourne à
Samos pour y dispenser son enseignement. Ce
qui lui vaut autant d'admirateurs que de jaloux,
parmi lesquels le tyran Polycrate qui l'oblige à
s'exiler. Il s'installe à Crotone, au sud de l'Italie,
grâce aux subsides et à la protection
bienveillante de Philon qui deviendra un de ses
plus fidèles disciples.
La Société qu'il fonde, tournée vers la
réalisation par la Connaissance et l'Amour de
l'harmonie intérieure et de l'accord avec la
Grande Harmonie, acquiert très rapidement un
pouvoir presque absolu, non seulement spirituel
mais aussi politique, sur la plus grande partie de
la Grande Grèce.
Elle continuera ses activités après la mort du
Maître (mal connue et située vers 500), jusqu'au
massacre de Métaponte en l'an 450. Peu
d'adeptes en réchappèrent, parmi lesquels
Philolaos qui, comme son illustre prédécesseur
Hippase, fut considéré comme un traître pour
avoir divulgué les secrets de la secte, alors
qu'elle se reformait dans l'ombre.
Il fut même accusé d'avoir vendu à Denys
l'Ancien et à son frère cadet Dion trois livres
contenant la doctrine secrète, dont Platon aurait
pris connaissance pendant son premier séjour à
Syracuse.
Mais quel était donc le secret des pythagoriciens
? En quoi consistait cette métaphysique des
nombres qui attira tant d'esprits éclairés ?
Cédons la parole à Nicomaque de Gérase, dans
son Introduction à l'Arithmétique :
" Tout ce que la nature a arrangé
systématiquement dans l'Univers paraît, dans
ses parties comme dans l'ensemble, avoir été
déterminé et mis en ordre en accord avec le
Nombre, par la prévoyance et la pensée de
Celui qui créa toutes choses. Car le modèle
était fixé, comme une esquisse préliminaire, par
la domination du Nombre préexistant dans
l'esprit du Dieu créateur du monde, nombre-
idée purement immatériel sous tous rapports,
mais en même temps la vraie et l'éternelle
essence, de sorte que, d'accord avec le Nombre,
comme d'après un plan artistique, furent créées
toutes ces choses, et le temps, le mouvement, les
cieux, les astres et tous les cycles de toutes
choses. "
A l'instar de Pythagore, Nicomaque distingue
donc deux types de nombres : le Nombre Divin,
ou Nombre Pur, ou Nombre-Idée, et le nombre
scientifique. Le premier est naturellement le
modèle idéal du second. Mais parce que les
formes (dépendant de quantités, de qualités et
d'arrangements) sont dans le monde matériel les
seules choses permanentes, et que leur structure
est leur seule réalité, le Nombre Pur auquel elles
se réfèrent sera aussi, plus généralement,
le Principe, l'Arché ou arché-type directeur de
tout l'Univers créé.
Autrement dit, le Nombre Pur est un nombre
de puissance émanant du Verbe créateur. Il ne
mesure rien, car il n'a rien à mesurer. Sa nature
(et non sa valeur) est absolue. Le nombre
scientifique, de son côté, est un nombre
de mesure. Sa nature (et non sa valeur)
est relative, mais il possède en lui la puissance
de son modèle ou paradigme dans le monde
absolu.
On comprend tout de suite d'ou vient
l'inspiration platonicienne du
monde intelligible et du monde sensible dans
le Timée, déjà exprimée en monde
des idées immuables et monde
des opinions changeantes dans la République !
Pour les pythagoriciens, la théorie des nombres
était ainsi divisée en deux disciplines :
- la première, traitant du Nombre Pur, était
l'Arithmologie ou Mystique du Nombre.
- la seconde, traitant du nombre scientifique,
était l'Arithmétique proprement dite, suivant une
méthode syllogistique rigoureuse, dans le genre
de celle d'Euclide.
Il en existait bien une troisième, mais reléguée
très bas et réservée aux gens d'affaires, celle du
simple calcul. C'est donc aux deux premières
que nous réserverons toute notre attention, en
espérant y trouver non pas l'harmonie du monde
mais l'harmonie desmondes, celui d'en haut et
celui d'en bas, jusqu'à la Grande Harmonie qui
les unit.
La Décade Prodigieuse
Si vous étiez membre de la confrérie
pythagoricienne et que, triomphant, vous
annonciez au Maître (sans le voir, car il ne se
montrait pas)
" trois fois un, trois ! ", il y a de grandes
chances pour que vous restiez novice toute votre
vie ! En supposant encore qu'il daigne vous
répondre,
il vous dirait " un en trois, trois en un ".
Les pythagoriciens ne comptaient pas au sens
propre du terme. Ils n'étaient pas les champions
de cette gymnastique mentale qui consiste à
aligner des symboles sous forme de chiffres et à
les triturer dans tous les sens, comme nous le
faisons aujourd'hui avec notre système de
numération.
Ils considéraient les nombres comme un flot, un
écoulement d'unités ou monades, reflet de la
démultiplication à l'infini d'une seule et même
Unité divine. Ces unités, représentées par des
points ou des groupes de points, se traduisaient
dans les formes du monde sensible par des
figures géométriques, en deux ou en trois
dimensions. Elles exprimaient les idées, ou
concepts immuables, que l'on peut résumer ainsi
:
- le UN exprimait l'idée d'unité ou monade (1
point, système ou rythme unitaire)
- le DEUX l'idée de dualité ou dyade (une droite
ou 2 points, système ou rythme binaire)
- le TROIS l'idée de trinité ou triade (un triangle
ou 3 points, système ou rythme ternaire)
- le QUATRE la tétrade (un carré ou 4 points,
système ou rythme quaternaire)
- le CINQ la pentade (un pentagone ou 5 points,
système ou rythme quinaire)
Suivaient l'hexéade, l'heptade, l'ogdoade,
l'ennéade et la décade.
Ainsi étaient considérés les nombres
triangulaires, carrés, pentagonaux, hexagonaux
etc., dont on remarquera que le nombre UN
s'applique à tous et en premier, rappelant ainsi
que l'Unité Divine est le point de départ de tout.
Dans ce flot continu émanant du Créateur, les
pythagoriciens considéraient des nombres ou
des groupes de nombres particuliers : nombres
pairs et impairs, nombres premiers (seulement
divisibles par eux-mêmes ou par l'unité) et leurs
combinaisons en nombresparfaits.
Mais il est une série particulière de nombres qui
marquera à jamais le Maître de Samos et ses
adeptes, la sublime tétractys, suite des quatre
premiers nombres qu'ils se représentaient ainsi :
Elle était d'une telle importance pour les
pythagoriciens qu'ils l'invoquaient dans leur
serment : " Je le jure par celui qui a transmis à
notre âme la tétractys en qui se trouvent la
source et la racine de l'éternelle nature ! ".
Elle avait à la fois les qualités transcendantes de
la Décade (1 + 2 + 3 + 4 = 10) et les qualités
dynamiques de la croissance triangulaire, base
de la génération de tous les nombres figurés
plans ou solides. A tel point qu'elle fut identifiée
à l'Harmonie dont Jamblique, citant Aristote,
nous a conservé le verset : " Tétractys,
Harmonie pure, celle des Sirènes… ".
C'est ainsi sous sa forme de Nombre Pur, la
Décade, que la tétractys devient le symbole de
l'Univers. Citons encore Nicomaque dans
son Théologumène :
" Mais comme le Grand Tout était une multitude
illimitée, il fallait un ordre. Or c'est dans la
Décade que préexistait un équilibre naturel
entre l'ensemble et ses éléments. C'est pourquoi
elle servit de mesure pour le Grand Tout comme
une équerre et un cordeau dans la main de
l'Ordonnateur ".
Cette affirmation, pour les Francs-Maçons que
nous sommes, se passe de tout commentaire.
Elle résume en outre et parfaitement notre
double définition de l'Harmonie : la beauté en
équilibre et l'unité dans le multiple.
nombres triangulaires n (n+1) / 2
nombres carrés n²
nombres pentagonaux n (3n -1) / 3
nombres hexagonaux n (2n - 1)
NOTA
Le nombre 1 s'applique à tous les cas de figure
On remarquera la croissance triangulaire et l'ouverture de l'angle générateur (60°, 90°,
108° etc.),
comme l'Oeil du Grand Ordonnateur regardant le cosmos depuis l'unité jusqu'à l'infini
Les Cinq Corps Platoniciens
Passant de la Décade à sa moitié, nous arrivons
à une des personnalités des plus brillantes de la
Société des Nombres, la Pentade ou
caractéristique du CINQ.
En arithmologie ou mystique du nombre, elle
participe à l'essence de la Décade comme étant
sa moitié et son image condensée. Mais elle est
aussi le nombre d'Aphrodite, déesse de l'union
fécondatrice et, en tant que telle, elle représente
l'archétype abstrait de la génération, l'union du
premier nombre pair, féminin, matrice,
scissipare (DEUX, dyade) et du premier nombre
impair, mâle, asymétrique, complet
(TROIS, triade).
Union de la matière (QUATRE) et de l'esprit
divin (UN), la pentade est aussi le nombre de
l'harmonie dans la santé et la beauté du corps
humain. Son image graphique, le pentalpha ou
pentagramme, si bien traduit par Léonard de
Vinci, est donc à la fois le symbole de l'Amour
créateur et celui de la beauté vivante.
Les pythagoriciens ne s'y étaient pas trompés.
En choisissant le pentagone étoilé pour signe de
reconnaissance, ils exhibaient dans l'ombre le
secret lumineux de la Grande Harmonie entre le
microcosme et le macrocosme.
Secret d'autant plus cher qu'au cœur même de
cette figure géométrique si particulière se
cachait un trésor, une splendeur mathématique
qui deviendra, pour tous les hommes de l'Art, la
véritable clef de l'esthétisme.
La Divine Proportion
Si on veut mesurer le monde sensible, on doit
prendre en considération deux grandeurs au
minimum : la grandeur que l'on mesure et celle
qui sert à la mesurer, prise comme référence.
Ainsi, pour les pythagoriciens, il existait une
relation qualitative entre deux
grandeurs a et b qu'ils nommaient rapport, qui
s'écrit a / b et qui mesure la grandeur a si l'on
prend la grandeur b comme unité de
comparaison.
Par exemple, le rapport 3/2 signifie non pas 1,5
mais 3 unités de " 1 demi " chacune (3 demi-
phlètres, 3 demi-coudées etc.). " 1 demi "
devient donc l'unité de référence.
Il est intéressant d'examiner à ce propos la
tétractys pythagoricienne sous un angle
différent :
Elle synthétise la tétralyre, instrument à cordes
de longueur 1, 2, 3 et 4 qui sont entre elles dans
les rapports 4 à 2 ou 2 à 1 (octave ou δ ι α π α σ
ω ν, diapason), 3 à 2 (la quinte) et 4 à 3 (la
quarte).
La découverte de ces lois acoustiques, qui
jetaient les bases de l'harmonie musicale, fut
attribuée à Pythagore lui-même. Elle fut
considérée par l'Antiquité comme une invention
géniale et développée en architecture selon une
gamme plus complexe, comme en témoignent
les corrections optiques volontairement utilisées
dans certains alignements de colonnes.
Les temples grecs chantaient eux aussi, bien
avant les cathédrales !
La relation entre deux grandeurs est donc
un rapport. L'équivalence entre deux rapports
est une proportion (en grec α ν α λ ο γ ι α,
analogie).
Les pythagoriciens considéraient ainsi deux
types de proportions : la proportion disjointe qui
s'écrit a / b = c / d (le théorème de Thalès en est
l'exemple type) et la proportion continue qui
s'écrit a / b = b / c où b est une médiété assurant
la " continuité " entre a etc.
Il faut donc au moins 3 termes pour obtenir une
proportion. Or, en fonction du principe
d'économie, et c'est là le coup de génie de
l'Ecole de Crotone, on peut obtenir une
proportion continue avec seulement 2 termes, en
y ajoutant un troisième terme qui est tout
simplement… la somme des deux !
Elle s'écrit : (a + b) / a = a / b En l'appliquant
à la division d'un segment de droite, elle se lit :
" le rapport de la somme de deux grandeurs
(a + b) à la plus grande (a) est égal au rapport
de la plus grande (a) à la plus petite (b) "
Dans le Livre VI des Eléments, Euclide
l'appellera division en moyenne et extrême
raison. Elle deviendra divine proportion en
1509, dans le
De Divina Proportione de Luca Pacioli. Elle est
plus connue aujourd'hui sous le nom de
proportion dorée, qui est la proportion la plus
simple et la plus harmonieuse entre deux
grandeurs et le tout dont elles participent.
Au premier abord, cette équation très simple n'a
rien pour inspirer le profane. Mais en la
résolvant, elle révèle un nombre extraordinaire
et unique dans la nature.
Si, en effet, nous remplaçons a / b par x, nous
obtenons une équation du type x² - x - 1 = 0 qui
admet la solution positive (1 + √5) / 2 =
1,618034... que nous appellerons phi (en
grec φ), nombre d'or.
Il possède des propriétés remarquables, telles
que si φ = 1,618034..., φ' = 1 / φ = 0,618034...
1 + φ = φ²
ou
encore φ =
et bien
d'autres
merveilles.
φ est le nombre même de la beauté en équilibre
et se décline partout, dans les arts comme dans
les sciences. Il synthétise l'Harmonie, c'est-à-
dire la puissance du Beau que tous les hommes
de l'Art ont invoquée dans leurs œuvres sacrées.
Ubiquité de Phi
Soit un triangle isocèle OAB dont l'angle au
sommet est de 36°. Les angles de la base sont
égaux et valent chacun 72°.
OAB est un triangle d'or. Les côtés OA et OB
sont dans le rapport doré avec la base AB. En
particulier, si AB = 1, OA = OB = φ.
Traçons maintenant la bissectrice de l'angle
OBA. Elle coupe le côté opposé OA en C. ABC
est un triangle d'or d'angle au sommet de 36°, de
côté AB = BC = 1 et de base AC = φ'.
OCB est aussi un triangle d'or de base φ, de côté
BC = CO = 1 et d'angle au sommet de 108°. C
est la section dorée de AB.
On pourrait continuer ainsi à l'infini la partition
dorée de ce triangle si singulier. Mais il n'est
pas la seule figure géométrique à posséder ces
vertus extraordinaires…
Soit un rectangle ABCD de longueur φ et de
largeur égale à 1. ABCD est un rectangle d'or.
Soient les points E et F, respectivement sur AB
et CD, déterminant le carré AEFD de côté 1. E
et F sont les sections dorées de AB et CD.
EBCF est un rectangle d'or de longueur 1 et de
largeur φ'.
Comme dans le triangle d'or, nous pouvons
continuer la partition à l'infini.
Ce sont là deux premiers exemples de beauté
géométrique. Mais quelle n'est pas notre
surprise en constatant que, dans un cas comme
dans l'autre, chaque section dorée de la partition
détermine le centre directeur d'un arc de cercle
qui s'enchaîne avec le suivant dans une spirale
logarithmique !
L'harmonie devient totale. Et bien qu'elle soit ici
cachée, elle se montre en pleine lumière dans
les splendeurs de la nature, comme en
témoignent, entre autres, les fleurs pentamères,
la coquille de certains nautiles ou la spira
mirabilis du tournesol.
Triangle et rectangle d'or constitueront les
canons de la beauté architecturale, depuis les
grecs initiés aux Grands Mystères de l'Egypte
jusqu'à l'Ecole de Beuron de Desiderius Lenz,
en passant par le romain Vitruve et les
Bâtisseurs de Cathédrales.
Triangle d'Or dans la Tombe de
Mira, Rectangle d'Or dans le Parthénon
d'Athènes, Pentagramme dans la Cathédrale
d'Amiens
En poussant plus loin l'analyse, on observe que
les angles de base du triangle d'or ont chacun
une valeur de 72°, soit 1/5ème de 360°.
Dès lors, nous imaginons sans peine la partition
quinaire du cercle, la Grande Roue du Temps, "
Rota " ou Roue Céleste des kabbalistes.
Le résultat est une merveille. Le pentagramme
des pythagoriciens se montre dans sa beauté
flamboyante, chargé de tous ses symboles… et
du nombre φ qu'il contient douze fois !
Le Maître de Samos avait vu juste. Que ce soit
sur la terre ou dans les mers, le symbole majeur
de sa doctrine déployait déjà ses branches
multicolores dans tout le monde sensible,
comme un message divin. En l'élevant dans les
airs au-delà du firmament, il en fait l'Etoile
promise aux daïmones, à la pointe ultime de
l'Axe du Monde.
Nous, Francs-Maçons de Tradition, ne l'avons
pas oublié...
Phi de Fibonacci
Au début du XIIIème Siècle, un jeune italien
fou de mathématiques, Léonard de Pise alias
Fibonacci (du latin filius Bonacci, fils de
Bonaccio), considère la série suivante :
0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144…, série
on ne peut plus simple puisque, à partir des
deux termes les plus élémentaires, chaque terme
qui suit est la somme des deux précédents.
Fibonacci constate alors avec triomphe que le
rapport entre chaque terme de la série et celui
qui le précède tend… vers φ, nombre d'or !
On constate tout de suite que les rapports de
rang impair tendent vers φ par valeur supérieure
et les rapports de rang pair par valeur
inférieure .
En s'armant d'une calculette et d'un peu de
patience, on pourra faire la même expérience en
considérant la suite de Lucas, qui consiste à
prendre deux nombres au hasard (entiers
positifs) et à leur appliquer le principe additif de
Fibonacci.
Graphiquement, le résultat est une double
asymptote. Au-delà de l'esthétisme de la courbe,
c'est la beauté de l'approche qui est intéressante.
Nous voici dans un temple sacré où les nombres
sont des colonnes qui, de part et d'autre, tracent
la voie de la Connaissance, comme le pronaos
égyptien ou le sanctuaire salomonique. Au bout
du chemin de plus en plus étroit, le Grand
Mystère du Nombre infini et transcendant, φ et
la suite d'or
1, φ, 1 + φ, 1 + 2φ, 2 + 3φ, 3 + 5φ, 5 +
8φ… qui, par les vertus du nombre magique,
s'écrit aussi 1, φ, φ2, φ3, φ4, φ5… !
Ici, le rapport un / (un-1) ne tend plus vers φ.
Lumineusement, il EST φ, nombre d'harmonie
pure qui unit deux grandeurs et leur somme
dans une seule et même consubstantialité.
Le nombre d'or est bien un " nombre de
puissance " qui porte en lui son propre principe
générateur. Il est le " sel numéral " de la mesure
harmonique des mondes, à l'image du Mercure
des Sages, " sel minéral " qui régit tout le Grand
Œuvre Alchimique.
L'Ecole de Crotone et ses héritiers
Que ce soit en arithmétique ou en arithmologie,
les descendants spirituels de Pythagore sont
légion. Nous pouvons cependant classer les plus
célèbres dans les catégories suivantes :
- l'Ecole de Crotone (Vème S. av. J.C.)
: Philolaos, Hippase de Métaponte, Hippocrate,
Démocrite, Empédocle, Héraclite, Hippias…
- l'Ecole d'Athènes (IVème S. av. J.C.) : Platon,
Eudoxe, Antiphon, Eudème, Théétète, Archytas
de Tarente, Aristote, Ménechme…
- l'Ecole d'Alexandrie (IIIème S. av. J.C.)
: Euclide, Appolonios, Archimède,
Erathostène… et, au IIème et Ier S. av.
J.C., Hipparque, Théodose, Héron, Vitruve…
- les Néo-Pythagoriciens (IIème) et leurs émules
(IIIème et VIème S. après J.C.) : Nicomaque de
Gérase, Théon de Smyrne, Ptolémée, Ménélaos,
Diophante, Théon d'Alexandrie, Proclus,
Jamblique, Plotin, Boèce (qui aura une
influence considérable pendant le Moyen-
Age)…
- les indo-arabes (du VIIème au XVème S.
après J.C.): al Khwarizmi, al Quayam, al Din al
Tusi, al Kashi, Bhaskara …
- l'Ecole de Bologne (XVIème) : Tartaglia,
Cardan, Ferrari, Bombelli…
- l'Ecole Française (XVIIème) : Fermat, Pascal,
Descartes, Bernouilli… et Ecossaise : Neper…
- le Siècle des Lumières : Newton, Leibniz,
Taylor, Mac Laurin, Euler, Monge, d'Alembert,
Lagrange, Laplace, Legendre…
Sans rien négliger du savoir immense qu'il a
transmis, Pythagore a surtout perpétué la pureté
de la Grande Tradition dont il était légataire à
travers deux principes essentiels : le culte du
secret scellé par un serment solennel et le
symbolisme initiatique.
N'oublions pas qu'il avait été initié par
les Grands Prêtres ou Mages de l'Ancienne
Egypte, dont on sait que " ne voulant pas
exposer leurs mystères aux yeux du vulgaire, ils
les dissimulaient sous des signes ou caractères
hiéroglyphiques qu'ils s'engageaient, par un
serment solennel, à tenir secrets. "
Ce mode de transmission eut une influence
considérable sur le Maître de Samos, puisqu'il
en adapta l'esprit à sa méthode d'enseignement.
Celui-ci commençait, après un sévère examen
d'entrée, par un noviciat de 3 ans où les
candidats étaient formés à la stricte observance
de la Règle, sous un régime d'éducation
physique et morale destiné à mettre en harmonie
le corps et l'esprit. C'est seulement après leur
accession au premier degré que les disciples, qui
entendaient le Maître mais ne pouvaient le voir
encore, étaient initiés pendant 5 ans à la
Métaphysique du Nombre et à l'interprétation
des symboles, telles que nous les avons
exposées.
Par son accession à l'ultime degré l'adepte
pouvait enfin voir la Lumière, la Grande
Harmonie dans l'Amour Universel où l'âme,
soumise à des réincarnations successives,
devenait daïmon, génie semi-divin qui ne
retourne plus ici-bas mais se retrouve dans les
jardins stellaires des bienheureux,
" par delà la Voie Lactée ".
Le pacte du secret, nous l'avons dit, était scellé
par un serment solennel et s'étendait aux signes
de reconnaissance, dont le fameux signe de
ralliement du pentagramme. Quiconque violait
ce pacte était frappé d'excommunication, autant
dire de mort spirituelle. Plusieurs adeptes peu
scrupuleux en firent les frais. L'amour, l'amitié,
la fraternité, la charité étaient sans cesse chantés
sous les accents joyeux de la lyre. Les repas
étaient pris en commun, avec libations et grâces,
et se terminaient par un sermon du presbyte,
membre le plus âgé de la confrérie.
Ce " système particulier d'éducation et de
gouvernement " perdurera après la mort du
Maître et l'incendie de Métaponte. Il s'étendra
dans toute la partie orientale du bassin
méditerranéen avant de gagner l'Occident.
Ainsi, sous la Rome Impériale, Sénèque et
surtout Moderatus de Gadès enseigneront-ils la
doctrine malgré les interdits de Néron. En
Palestine, la secte des Esséniens de Qumran
utilisera la même méthode d'initiation à degrés
successifs en exigeant la communauté de biens,
la pauvreté, la chasteté, l'interprétation et le
respect absolu de la Loi Mosaïque dans l'attente
d'un messie. Selon certains exégètes et
historiens, Jean le Baptiste aurait été l'un de
ses Maîtres de Justice et Jésus le Nazaréen y "
aurait " reçu l'Initiation.
La Gnose alexandrine, l'Hermétisme et la
Kabbale hébraïque suivront le même chemin,
malgré l'opposition farouche de la jeune Eglise
chrétienne qui, tout en considérant l'Amour
comme lumière et but suprême, n'acceptera pas
la prépondérance donnée à la "Magie " ou à la
" Connaissance " réservées, qui plus est, à un
nombre restreint de privilégiés.
Cela n'empêchera pas les Pères de l'Eglise de
puiser abondamment dans le symbolisme ancien
pour l'adapter aux vérités évangéliques…et
d'intégrer dans ses Canons L'Apocalypse de
Jean, mélange flamboyant de foi cristalline,
d'ésotérisme et d'arithmologie.
Aux portes du Moyen Age, deux courants
majeurs vont perpétuer ce mode traditionnel de
transmission : la chevalerie et les corporations
de métiers.
Serments solennels de fidélité et de loyauté
prononcés à genoux, codes d'honneur et de
vertu, professions de foi, adoubements, blasons
et symboles héraldiques, tels étaient, entre
autres, les landmarks des chevaliers d'ordre ou
errants, hommes hors du commun, exaltés par
les légendes mythiques de la Table Ronde et de
la quête du Saint Graal. Campés fièrement sur
leurs montures, ils véhiculaient avec les
troubadours la cabale (du mot cheval), langue
des dieux dite encore gaye science ou gay
savoir.
Les plus énigmatiques d'entre eux furent, bien
sûr, les Chevaliers du Temple. Rendre compte
ici, à travers leur extraordinaire et ténébreuse
ascension, de la spécificité de leurs rites et de
tous les secrets dont ils étaient dépositaires
prendrait beaucoup trop de temps. L'ignorance,
hélas, ayant toujours tendance à diaboliser ce
qu'elle ne connaît pas, se chargera de les vouer
aux flammes de l'Enfer, par un maudit Vendredi
13 de l'An de Grâce 1314. Pour beaucoup, leurs
ombres fantomatiques hantent encore les ruines
lugubres des châteaux-forts. Nous savons, pour
notre part, qu'ils n'ont pas disparu. La lumière
de leurs âmes bienfaisantes éclaire plus que
jamais les rituels de certains Hauts Grades
maçonniques.
Parallèlement se développent les corporations
de métiers, essentiellement d'artisans, dont on
sait qu'elles existaient déjà trois siècles avant
notre ère sous l'empire romain, qu'elles
perdureront sous l'empire byzantin et qu'elles
résisteront à l'invasion turque. En Europe
occidentale ces corporations fleurissent en
harmonie avec les confréries religieuses et
entretiennent avec elles des liens étroits. C'est
ainsi que naissent, sur les chantiers des
cathédrales, les premières loges opératives
d'artisans tailleurs de pierre.
Sous le regard éclairé du Maître Bâtisseur,
compagnons et apprentis oeuvrent ensemble à la
construction des édifices sacrés. A l'instar des
novices de l'Ecole Pythagoricienne, ce n'est
qu'après plusieurs années d'apprentissage que
les tailleurs de pierre brute sontadmis dans les
loges . Ils y reçoivent alors l'initiation aux
secrets du Métier par les signes, attouchements
et mots de reconnaissance. Ils pourront
désormais marquer la pierre et, en même temps
que le bâtiment, élever leur corps, leur âme et
leur esprit vers le Seigneur Tout-Puissant.
Bien que de plus en plus nombreuses, les loges
opératives restent ponctuelles et se forment au
hasard des chantiers. C'est outre-Rhin qu'elles
commenceront à se structurer, dès la fin du
XIVème Siècle. Les steinmetzen allemands vont
en effet se regrouper au sein de fédérations de
loges dont la plus puissante, la
célèbre Bauhütte, deviendra très probablement
l'un des premiers modèles de Grande Loge
jamais constitués.
C'est très certainement sur ce modèle que
s'appuieront les spéculatifs et latitudinaires
anglais pour fonder la Grande Loge de Londres
en 1717, sous le regard bienveillant de Georges
Ier, Roi d'Angleterre… et Allemand ! Pasteurs
presbytériens et anglicans, ou gentlemen
membres de la Royal Society pour la plupart, ils
vont provoquer le tollé général des Maçons
catholiques écossais et irlandais qui ne tarderont
pas à se constituer eux-mêmes en Grandes
Loges. La querelle entre les ancients et
les moderns durera près d'un siècle, jusqu'à
l'Acte d'Union de 1813 scellant définitivement
les landmarks et les rites de la franc-maçonnerie
spéculative et régulière, sous l'autorité suprême
de la Grande Loge Unie d'Angleterre.
La Franc-Maçonnerie spéculative, qui se définit
elle-même comme un " système particulier de
morale enseigné sous le voile de l'allégorie au
moyen de symboles ", a su conserver, d'une
manière lumineuse, l'esprit pythagoricien.
Sur la forme comme sur le fond, elle est restée
fidèle au culte du secret et au symbolisme
initiatique. Le serment solennel y rythme
toujours, à chaque Grade, la longue marche vers
la Connaissance. La fraternité est le fil d'Ariane,
la chaîne ininterrompue de la Grande Harmonie
Universelle.
Le symbolisme est pur, fécond et signifiant. Il
se décline dans l'art de bâtir, à l'image du
Temple de Salomon, un temple intérieur fait de
vénération envers le Divin Créateur, d'amour
envers toutes Ses créatures et de fidélité à ses
propres engagements.
Quant aux nombres, ils sont partout présents.
Nous n'en retiendrons que les trois premiers, qui
concernent essentiellement le Grade d'Apprenti,
laissant au Maçon expérimenté le soin de
compléter l'analyse :
- le UN, unité principielle, point de départ de
toute création, le Verbe de la version johannique
de la Genèse, l'Atoum des Anciens Egyptiens,
le Grand Ordonnateur du
Cosmos pythagoricien devenu Grand Architecte
de l'Univers pour les Francs-Maçons de
Tradition.
- le DEUX, premier nombre pluriel,
dédoublement, séparation, principe second de
toute création, ténèbres et lumière, noir et
blanc, immobilité et mouvement, principe passif
et principe actif, les deux colonnes déterminant
le passage entre les deux espaces-temps, le
profane et le sacré.
- le TROIS, équilibre, nombre trinitaire de
l'Harmonie Divine et Universelle, le DEUX
sous le UN dans le triangle et la pyramide, les
Deux Grandes Colonnes du Temple sous la
Voûte Céleste, Couronne ou Kether des
Kabbalistes. Ce sont les Trois Grandes
Lumières, les Trois Lumières Secondaires, les
trois ordres principaux d'architecture,
l'ennéade ou triple triade maçonnique :
Vénérable Maître - Salomon - Sagesse, Premier
Surveillant - Hiram - Force, et Second
Surveillant - Hiram Abi - Beauté.
Ce sont enfin les trois vertus théologales, la Foi,
l'Espérance… et la Charité, celle qui " renferme
le tout " et dont notre Rituel du Premier Grade
révèle que le Franc-Maçon qui la possède
" dans son sens le plus vaste " peut être
considéré à juste titre comme ayant atteint le
sommet de sa profession spirituelle,
symboliquement " une demeure céleste, voilée
aux yeux des mortels par le firmament étoilé,
représenté emblématiquement par sept étoiles ".
Comment ne pas y reconnaître le " jardin
stellaire des bienheureux " réservé aux Maîtres
de l'Ecole de Crotone ? Le Maçon accompli est
bien ici le " daïmon " pythagoricien, élevé au
sublime degré de l'Amour et de la
Connaissance.
Nous ne saurions clore ce chapitre sans évoquer
un des moments forts de la cérémonie
d'Installation au Rite Standard d'Ecosse, lorsque
le Très Vénérable Maître nouvellement installé,
vêtu de son tablier sur lequel resplendit le
pentalpha, investit son Passé Maître.
Il prononce alors cette courte mais magnifique
exhortation qui se passe de tout commentaire :
" Permettez-moi, Vénérable Frère, d'attirer
votre attention sur la profondeur symbolique du
bijou que vous portez : une équerre aux
branches inégales. La plus courte symbolise le
temps qui nous est compté, la plus longue
l'éternité. Sur les pointes du Compas, puissent-
elles vous rappeler notre recherche du bonheur
en ce monde et notre espérance en l'immortalité
dans l'autre. "
Chapitre III
La voie hermétique
du
Grand Oeuvre
« Visita Interiora Terrae Rectifiquandoque Invenies Occultum Lapidem »
Thot-Hermès, dieu
d'Egypte
Du Noun, l'eau primordiale du chaos, surgit la colline originelle. Sur cette colline
apparut Atoum. En tant qu'Atoum-Rê, il créa la lumière en opposition aux ténèbres du Noun.
Par l'union avec son ombre, Atoum-Rê engendra Shou, le dieu de l'air, en le crachant, et
Tefnout, l'humide, en la vomissant. Shou et Tefnout s'unirent et donnèrent naissance à Geb, la
terre, et à Nout, le ciel.
Ainsi furent créés, selon les Anciens Egyptiens, les éléments cosmiques fondamentaux. De
ceux-ci naquit la quatrième génération des dieux de l'Ancienne Egypte, qui complète
l'Ennéade d'Héliopolis : Osiris, Isis, Seth et Nephtys.
Au Panthéon des dieux qui suivirent, Thot, divinité polymorphe à tête d'ibis, tient une place
particulière. Son lieu de culte fut Shmounou, appelée par les Grecs Hermopolis, la capitale du
15ème
nome de la Haute Egypte, le nome du lièvre.
Thot était maître de la Parole et de l'Ecrit. Par la Parole, il était l'avocat des défunts devant les
juges des morts. Par l'Ecrit, il avait consigné dans 42 livres (correspondant aux 42 nomes
d'Egypte) toute la Sagesse du Monde. Seshat, la " maîtresse des livres ", lui fut souvent
adjointe comme sœur et épouse.
On associe cependant plus volontiers Thot à la déesse Maat, qui est l'incarnation même du
principe de l'ordre du monde. Elle est, depuis le début, la structure organique de la création
par opposition au chaos. Représentant non seulement la vérité et la justice, mais aussi le
déroulement exact de tout événement ainsi que l'équilibre des forces opposées, Maat, fille de
Rê et compagne de Thot, garantit la persistance du cosmos. Elle est la Balance de l'Univers et
l'Harmonie du Monde.
Son association avec Thot est on ne peut plus significative, puisque ce dernier fut identifié par
les Grecs à Hermès, le père du Grand Œuvre Alchimique qui est un travail de synthèse de la
matière à l'image de l'harmonisation de la Création. L'Harmonie du Monde, et donc Maat
elle-même, y est permanente… à la seule différence, comme nous le verrons, qu'elle tient tout
entière dans un ballon de verre.
Or l'Hermès grec fut lui-même identifié à Mercure. Pour cette raison, il fut appelé Hermès
Trismégiste, c'est-à-dire " trois fois grand ", par la triple puissance du mercure des sages,
l'agent primordial qui régit tout le Magistère.
La trilogie Thot-Hermès-Mercure peut paraître floue au premier abord, mais elle est loin
d'être fortuite. Au-delà de la fonction commune de messager des dieux qu'on a bien voulu leur
prêter, ces " trois daïmons en un " possédaient le bien le plus précieux pour tout homme ici-
bas épris de vérité : la Sagesse. Cette sagesse, qui leur fut donnée par le Divin Créateur,
préside à l'élaboration du Grand Œuvre, de la première à la dernière opération. Sans elle, rien
ne serait possible. C'est donc en son nom que nous allons tenter de comprendre le Grand
Mystère, sans dévoiler ni trahir quelque secret que ce soit et en montrant, plus qu'en
démontrant, un tout petit bout de lumière à tous les chercheurs sincères qui croient en
l'illumination.
L'Alchimie, science divine de la Création
Nous ne saurions aborder l'Œuvre Alchimique sans nous référer à la " Tabula Smaragdina "
ou Table d'Emeraude, le plus ancien des documents hermétiques.
D'aucuns prétendent que ce témoignage de la Science Sacrée fut découvert après le Déluge
dans une grotte rocheuse de la vallée d'Hébron, ce qui semble confirmer la légende des Deux
Piliers. Ce détail, à l'authenticité évanescente, nous aide à mieux comprendre la signification
secrète de cette fameuse Table qui pourrait bien, d'ailleurs, n'avoir jamais existé autrement
que dans l'imagination subtile et malicieuse des vieux maîtres. Elle est verte par analogie avec
l'Emeraude des Philosophes, l'agent primordial ou matière saline des sages qui régit tout le
Grand Œuvre. Elle est rédigée par Hermès lui-même, associé, comme nous l'avons dit, à
Mercure. La Table d'Emeraude prend ainsi le caractère d'un discours prononcé par le Mercure
des Sages sur la manière dont s'élabore l'Œuvre Philosophal. Ce n'est donc pas Thot-Hermès
qui parle, mais bien l'Emeraude des Philosophes ou la Table isiaque elle-même. En voici le
texte dans son intégralité :
" Il est vrai, sans mensonge et très véritable :
" Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas, pour faire les miracles d'une seule chose. Et comme toutes choses ont été et sont venues
d'un, ainsi toutes choses sont nées de cette chose unique par adaptation.
" Le soleil en est le père, la lune la mère, le vent l'a porté dans son ventre, la terre est sa
nourrice. Le Père de tout le Thélème est ici. Sa force est entière si elle est convertie en terre.
" Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement, avec grande industrie. Il monte
de la terre au ciel et, derechef, il descend en terre et il reçoit la force des choses supérieures
et inférieures. Tu auras par ce moyen toute la gloire du monde et toute obscurité s'éloignera
de toi.
" C'est la force, forte de toutes forces, car elle vaincra toute chose subtile et pénètrera toute
chose solide. Ainsi le monde a été créé. De ceci seront et sortiront d'innombrables
adaptations, desquelles le moyen est ici donné.
" C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie
du monde.
" Ce que j'ai dit de l'opération du soleil est accompli et parachevé. "
Nous imaginons sans peine le sentiment du profane devant tant d'obscurité. Et pourtant, ce
texte est d'une beauté lumineuse car, dans son apparente concision, il explique tout. Et pour
expliquer ce tout, il est nécessaire de commencer par le plus simple, qui est un.
Dieu n'accordant Sa sapience qu'à ceux qui font fi des trésors terrestres, l'alchimie, science
remontant à la plus haute antiquité, est toujours restée incomprise des matérialistes qui ne
voyaient et ne voient toujours en elle qu'un moyen d'enrichissement.
Or le terme al-kimia, la " terre noire " d'Egypte (" khem "), ne semble pas, comme on serait
tenté de le croire au premier abord, provenir seulement des racines arabes al et kimia
signifiant " la chimie ". En réalité, al-chimie a une étymologie beaucoup plus noble et
beaucoup plus ancienne.
Elle désigne non pas LA chimie, mais la chimie de AL, c'est-à-dire la chimie de Dieu.
Nous voici d'un coup au cœur du problème, au " commencement ", le bereschit de la Genèse
Hébraïque, début du processus de la Création…
Pour l'adepte de la Grande Tradition Philosophale, imbu des principes sacrés de celle qu'il
nomme la Sainte Science, deux postulats essentiels doivent être pris en considération :
- Tout part du chaos originel.
Sans une force supérieure, forte de toutes forces, pour le stimuler, le chaos originel resterait le
chaos et n'engendrerait rien d'autre que le chaos.
Or le monde manifesté n'est pas chaotique. Il vit dans l'eurythmie.
Cette eurythmie sensible ne peut donc être que le résultat d'un processus établi d'après
un schéma divin, résultat d'une " pensée " préalable à toute manifestation.
En d'autres termes, l'harmonie du monde d'en-bas est à l'image de son modèle ou paradigme,
la Divine Harmonie du Monde d'En-Haut.
" 1 Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
2 La terre était vide et déserte et les
ténèbres étaient au-dessus de l'océan et l'esprit de Dieu se penchait au-dessus des eaux… "
Les trois éléments terre, air (ciel-ténèbre) et eau (océan) dont il est question dans le deuxième
verset de la Genèse sont bien ceux du chaos originel.
Le quatrième (feu) est l'esprit de Dieu penché au-dessus des eaux primordiales. Ce
feu latent de l'Eternel plane au-dessus des eaux, c'est-à-dire dans les ténèbres du ciel, car Dieu
habite les ténèbres.
Or l'esprit de Dieu est Lumière, LA lumière primordiale qui, en s'éveillant par opposition aux
ténèbres du chaos, engendre, avant de créer, les conditions nécessaires à toute manifestation
sensible.
Nous sommes bien dans " l'engendrement " préalable à la " création ".
" 3 Alors Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut.
4 Et Dieu vit que la lumière était
bonne et Dieu sépara la lumière des ténèbres, 5 et Dieu nomma la lumière jour et les ténèbres
nuit et il fut soir, et il fut matin, premier jour…"
Pour les disciples d'Hermès, la Lumière divine du " fiat lux " ne doit donc pas être confondue
avec la lumière " physique ". Ce n'est qu'au quatrième jour qu'Il créera les " lumières nées de
la Lumière ", c'est-à-dire les… luminaires : le Soleil qui préside au jour, la Lune qui préside à
la nuit et le Firmament étoilé (verset 14 et suivants).
Le Franc-Maçon y reconnaîtra aisément les lumières secondaires et la bordure dentelée qui,
dans le Temple, entourent la principale - nous serions même tentés de dire la principielle - des
Trois Grandes Lumières : le Volume de la Sainte Loi.
- Dieu a créé l'homme à Son image.
C'est donc à l'image de Dieu que l'homme se doit de parachever le Grand Œuvre Divin en
" copiant Son exemple ".
Considérant la terre à partir de laquelle l'Eternel l'a créé et l'a doté d'un corps, d'une âme et
d'un esprit, le Sage Hermétiste attribue naturellement à la terre nourricière dont il est issu un
corps, une âme et l'esprit de Dieu qui les unit. Cette terre primordiale, justement appelée par
les alchimistes materia prima ou terre adamique, est leur chaos originel à partir duquel va
s'élaborer tout le Grand Œuvre.
Elle possède un corps sulfureux, une âme mercurielle et un esprit salin.
Le corps sulfureux est Soleil, principe chaud, mâle, actif. L'âme mercurielle est Lune, principe
froid, femelle, passif. Tous deux sont étroitement unis dans une seule et même
consubstantialité par le sel, ou sperme minéral, dont ils détiennent chacun une part
homéopathique. Ces trois composants, enveloppés de leur gangue terrestre, sont inactifs, en
sommeil. Il convient donc de les réveiller, d'abord en les séparant pour les débarrasser de
leurs impuretés, puis en les réactivant par association afin de les dissoudre et les recomposer.
Chaos (UN), séparation (DEUX), recomposition (TROIS) dans les règnes minéral, végétal et
animal sous l'action tétramorphique (QUATRE) de l'agent primordial : solide (terre), liquide
(eau), gazeux (air) et igné (feu).
Tel est le schéma du Grand Œuvre Philosophal, à l'image de celui du Divin Créateur.
Le résultat, lumineux, est la tétractys alchimique, sœur jumelle de la pythagoricienne.
Rappelons que, pour le Maître de Samos et ses disciples, "du chaos naît
l'ordre (cosmos) " sous la forme d'un flot continu d'unités ou monades qui sont le reflet de la
démultiplication à l'infini d'une seule et même Unité divine.
Leurs arrangements " ordonnés " dans le monde sensible en nombres triangulaires, carrés,
pentagonaux etc. ont été réalisés d'après un modèle préexistant, la Décade.
Ici, le modèle préexistant est le chaos primordial de la Genèse dans lequel l'esprit latent de
l'Eternel, reflet de Son universalinité, resplendit d'un coup et féconde le chaos pour créer
l'Univers.
C'est sur ce modèle sacré que le disciple d'Hermès va s'appuyer pour réaliser le Grand Œuvre.
On comprend pourquoi il aura besoin de toute la sagesse du monde…
Le processus du Grand Oeuvre alchimique
Une fois mis en lumière les deux postulats que nous venons d'énoncer, le processus du Grand
Œuvre Philosophal consiste en une technique extrêmement fine de synthèse de la matière à
travers quatre phases bien distinctes : Préparation, Dissolution, Coagulation, Multiplication.
Première phase : PREPARATION
La Préparation réside essentiellement dans la mortification (broyage de la matière), puis dans
la séparation des trois constituants de la Minière des Sages.
Mais qu'est-ce qui peut bien les séparer, sachant que rien d'étranger à leur nature ne peut leur
être ajouté ?
Si l'on se réfère une fois de plus à la Genèse, c'est l'esprit de Dieu planant au-dessus des eaux
primordiales qui porte en lui la Lumière éclatante et féconde de la Création.
C'est donc l'esprit salin, unissant le corps sulfureux et l'âme mercurielle de la Minière, qui va
tenir ce rôle. Mais comme il est inactif et entouré d'une gangue de terrestréités,
c'est ailleurs qu'il faudra le chercher.
Or le Sel Philosophique, de même essence que le Sel des Philosophes qui dort dans la
Minière, se trouve partout dans la nature…
La composition de ce fameux agent primordial est le grand secret des alchimistes.
Ils l'ont toujours dissimulé à l'entendement profane sous diverses expressions plus ou moins
imagées. Ainsi reviennent souvent celles d'Emeraude des Philosophes ou de Lion Vert,
révélant par là-même une couleur évidente…trop évidente, car elle a été volontairement mise
en lumière pour égarer tous les curieux qui ont voulu la prendre à la lettre.
Sauf exception, un sel pur, natif, n'est jamais vert, mais blanc. Quand on sait que les
spagyristes le représentent souvent par une source d'eau claire jaillissant de l'arbre de vie, on
imaginera sans peine d'où provient la couleur verte. Pour parvenir au blanc, il faut donc une
transformation de la matière, une fabrication artificielle, c'est-à-dire réalisée avec art.
C'est le seul moment, préalable au Grand Œuvre, où l'Artiste peut utiliser le feu vulgaire.
Et si nous ajoutons, comme Basile Valentin dans Les Douze Clefs, que le résultat obtenu est
" l'eau qui ne mouille pas les mains ", le chercheur pourra se faire une idée plus précise sur sa
nature et son aspect.
Agent primordial qui régit tout le Magistère, le Sel Philosophique, à la blancheur étincelante,
est bien à l'image de la Divine Semence Cosmique qui va féconder le Chaos et inonder de vie
la Grande Sphère des Lumières.
Deuxième Phase : SOLVE (dissolution ou volatilisation du fixe)
Ainsi va naître l'Enfant-roi.
Comme le dit justement la Table d'Emeraude, " le Soleil en est le père, la Lune la mère, et la
terre est sa nourrice ".
Le corps sulfureux et l'âme mercurielle de la Minière, débarrassés de leurs impuretés, vont
être de nouveau réunis et mariés par le feu de l'esprit salin enrichi, à l'intérieur d'un
vaisseau hermétiquement clos. Les proportions, extrêmement précises, ont toujours été
gardées secrètes par les alchimistes.
Par la grâce d'un cinquième feu qui n'a rien à voir avec un corps ou composé chimique
quelconque, mais qui est une énergie pure, la réaction en chaîne est amorcée. Sous l'action du
feu spermatique, l'élément mâle et le feu matriciel femelle s'éveillent.
L'eau du chaos hache, broie, calcine, mortifie et sublime la matière.
C'est tout d'abord, dans une chaleur de plus en plus intense, la sublimation des trois corps qui
se traduit par des élévations de vapeurs. Ces trois corps vaporeux trouvent entre eux une
attirance naturelle, mais comme l'un d'eux à tendance à se mettre en boule dès qu'il est séparé
de sa masse, il en résulte de petites sphères se formant au centre des vapeurs. C'est
la granulation ou mondification, à l'image de la création des mondes.
Peu à peu, la réaction diminuant d'intensité, la température s'abaisse et les granules se
déposent au fond du vaisseau en un compôt noir, matière putréfiée et à l'odeur putride. Le
compôt se recouvre alors d'une huile sanguine très grasse, d'un jaune d'or lorsqu'on l'examine
par transparence.
C'est la sublime Quintessence, appelée aussi Sceau d'Hermès car elle isole le compôt de tout
contact avec l'air, Sang du Dragon ou Mercure Teingeant car elle contient en elle-même la
teinture aurique qui servira pour parfaire l'Œuvre Philosophal.
Il s'agit dès lors de " couper la tête du corbeau ", c'est-à-dire de desceller, autrement dit de
séparer physiquement compôt et quintessence, selon un procédé très subtil et gardé secret. On
prendra soin de conserver à part l'huile sanguine dans un vase clos, car elle est très volatile.
Au contact de l'air, le compôt noir et nauséabond, encore humide, se recouvre d'une boue
verte et granuleuse qui sèche peu à peu. C'est le " frai de grenouilles " qui marque la phase de
végétation faisant suite au règne minéral. Nous sommes à la fin de Solve.
Troisième Phase : COAGULA (coagulation ou fixation du volatil)
Ici commence le cycle des lavures, selon l'expression chère à Nicolas Flamel.
Car si l'Enfant-roi est né par la granulation ou mondification issue de la sublimation (" le vent
l'a porté dans son ventre "), il est encore impur et il faut le nourrir.
Avant toute chose, le débarrasser de cette lèpre verdâtre qui le recouvre en lui appliquant
les Sept Bains de Naaman.
En même temps, nourrir cet enfant qui est bien jeune, en lui apportant sa ration de lait
virginal, autre nom donné par les alchimistes à leur agent primordial d'un blanc étincelant. Il
faudra prendre garde à ne pas trop pousser les imbibitions et attendre, à chaque fois, le retour
à la siccité.
Le résultat est la Pierre au Blanc, d'une odeur suave, appelée encore Etoile du Matin. Une
fois multipliée, elle pourra opérer la transmutation de tous les métaux vils en argent le plus
pur.
Mais l'Enfant a besoin de se fortifier. Il faut lui apporter son alimentation carnée autant de
fois qu'il sera nécessaire pour fixer la Pierre. En prenant, là aussi, toutes les précautions pour
ne pas la noyer, car tout serait à recommencer.
On devine la nature de cet apport sanguin. Sous l'action de la teinture aurique, la Pierre vire
au jaune, puis à l'orangé pour finir au rouge grenat. Elle est appelée alors Sceau de Salomon,
pour marquer la conjonction et la réalisation des deux phases Solve (triangle équilatéral,
pointe vers le bas) et Coagula (triangle équilatéral, pointe vers le haut).
Mais l'Œuvre est loin d'être terminé…
Quatrième Phase : MULTIPLICATION
La Pierre au Rouge ainsi obtenue est un faux prophète. Elle ne réalisera aucun miracle car, si
on la brise, on constate qu'elle renferme encore trop d'impuretés pour avoir un quelconque
pouvoir transmutatoire.
Il faut dissoudre et éliminer les terrestréités rebelles, et donc multiplier la Pierre, c'est-à-dire
recommencer l'opération depuis le début, selon le même procédé. Sa puissance sera ainsi dix
fois, cent fois supérieure en fonction du nombre de multiplications.
L'Enfant-roi doit donc mourir pour renaître. L'Œuvre est un éternel recommencement.
Au stade final, la Pierre Philosophale, d'un rouge éclatant, se réduit en poudre de projection
extrêmement fine et volatile, si bien qu'on doit la fixer avec de la cire d'abeille pour effectuer
la transmutation. Ainsi, le vrai disciple d'Hermès aura-t-il " toute la gloire du monde " et
pourra-t-il réaliser " les miracles d'une seule chose " grâce à " la force, forte de toutes forces
car elle vaincra toute chose subtile et pénètrera toute chose solide ".
Désormais détenteur d'une illuminante richesse intérieure, il pourra rejoindre les aleim, à
l'instar des " daïmones " Pythagoriciens.
De l'Athanor au Temple de Lumière
Manifestement, on a peine à croire que toute l'Harmonie du Monde puisse être réalisée dans
un simple ballon de verre ! Et pourtant, c'est la stricte vérité.
Séparation, Conjonction, Sublimation, Putréfaction, Coagulation, Albification, Rubification,
Multiplication, Projection : telles sont, chronologiquement, les différentes étapes de la
sainte Ennéade Alchimique à laquelle tant de chercheurs sincères ont parfois consacré toute
leur vie.
Dans une liste non exhaustive, nous pouvons citer quelques-uns uns de ceux qui nous ont
légué les fruits de leur sapience :
Geber, Khalid, Arthephius, Synesius, Saint-Thomas d'Aquin, Jean XXII, Philalète, Cyliani,
Trévisan, Nicolas Flamel, Basile Valentin, Dom Pernety, Paracelse, Albert le Grand, Buffon,
Le Cosmopolite, Riplée, Bacon, Raymond Lulle, Arnaud de Villeneuve, Nicolas Valois,
Limojon de Saint-Didier, Grillot de Givry, Kunrath…
Plus proches de nous : Fulcanelli, Canseliet, R+Caro…
Ils tenaient tous leur Connaissance d'un savoir très ancien qui leur fut transmis par Hermès
Trismégiste, leur père spirituel, élu de Dieu.
Khem, la " terre noire " d'Egypte, racine de kimia, en était le creuset.
Bizarrement, on ne trouve que très peu de traces symboliques évidentes du Grand Œuvre de
part et d'autre du Nil. C'est sans doute la preuve que la Voie Sacrée n'était réservée qu'à un
nombre très restreint d'initiés et que ces derniers en occultèrent rigoureusement tous les accès.
Une exception, peut-être :
le tétramorphisme du sphinx, et notamment celui de Gizeh dont la présence au pied des
Pyramides est, au premier abord, aussi énigmatique que la signification. Pas pour les
Philosophes en tout cas, puisqu'ils voient en lui leur " sel secret " par analogie hermétique
avec les quatre éléments : il est Eau par sa tête humaine, Terre par son corps de
taureau, Air par ses ailes et Feu par ses pattes et ses griffes de lion.
Mais beaucoup plus symptomatique est la Création du Monde selon les Anciens Egyptiens.
Quand on se souvient comment Atoum, devenu Atoum-Rê (lumière du Soleil-Feu), surgit sur
la colline originelle dominant les eaux primordiales du chaos, puis s'unit avec son ombre pour
créer les éléments cosmiques fondamentaux, on ne peut s'empêcher de penser à la Genèse
Hébraïque et à toutes ses correspondances avec le Grand Œuvre. Et lorsqu'on sait, de plus,
que la Genèse, comme les quatre autres Livres du Pentateuque (Exode, Lévitique, Nombres,
Deutéronome) pourrait être attribuée à Moïse lui-même, on est en droit de se poser des
questions…
Pour les adeptes de la Grande Tradition Philosophale, particulièrement les Alchimistes
Opératifs et les Kabbalistes, il ne fait aucun doute que Moïse fut un Grand Initié des Temples
d'Amon, à Memphis et à Thèbes !
Si MoShe, ou MShe, ou MoïSe signifie en hébreu sauvé des eaux, le sens égyptien n'en est
pas moins révélateur. MoSou signifie " l'enfant de la chair ", " le conçu ", " le né " comme
nom courant, et Thut Mosou (Thoutmosis) est le nom de cet enfant élevé au titre divin de Fils
de Thot.
De Thot… Hermès, évidemment.
Chacun, bien sûr, pourra porter son propre jugement sur ces " correspondances " pour le
moins surprenantes. Pour notre part, nous ne pensons pas (mais ce n'est là qu'un sentiment
tout à fait personnel) qu'elles soient le fait de simples coïncidences.
De plus, à bien examiner la chronologie biblique, tout semble se passer comme si l'Eternel,
après la chute d'Adam (faux prophète empli d'impuretés), avait décidé non pas de détruire Son
Œuvre dans ce qu'il a de plus beau (l'Homme créé à Son image), mais de le recouvrir par les
eaux dans un nouveau processus de purification.
En somme, le " Grand Alchimiste De l'Univers " semblerait opérer
des multiplications successives se terminant, à chaque fois, par des alliances nouvelles
scellées au sommet de la Montagne Sacrée, à l'image de la montagne originelle émergeant des
eaux primordiales.
Ainsi, la Loi Noachique au sommet du Mont Ararat après les eaux purificatrices du Déluge
(première multiplication) et, plus puissante encore, la Loi Mosaïque sur le Mont Sinaï après
les eaux dissolvantes de la Mer Rouge (deuxième multiplication).
Comment, dans cette perspective, ne pas entrevoir l'" Oméga " du Grand Œuvre Divin dans
l'ultime transmutation apocalyptique où la Jérusalem Terrestre recevrait la projection aurique,
lumineuse et transcendante de la Jérusalem Céleste ?…
Mosou… Moshe, Moïse, Mussa. Vénéré par tous les fidèles des trois religions abrahamiques,
le Grand Prophète est donc, pour les Fils du Trismégiste, une des clefs majeures de la
Tradition Primordiale sur la voie hermétique des Saintes Ecritures.
La place éminente qu'il occupe dans nos rituels maçonniques nous aide ainsi à mieux
appréhender les liens étroits qui unissent les deux Arts Royaux.
Comment les secrets de la Sainte Science se sont-ils transmis ? Comme tout ce qui concerne
les voies sacrées de la Grande Tradition : dans l'ombre des mots et la lumière des cœurs.
Ces " mots de puissance " dont la beauté cachée révèle le Beau, car seul le beau peut voir le
Beau, et cette " lumière intérieure " dont l'innocente pureté dévoile le Pur, car seul le pur peut
voir le Pur. C'est pourquoi le très ancien message hermétique de la Table d'Emeraude, malgré
le nécessaire ésotérisme qui le protège, est à la fois d'une beauté puissante et d'une pureté
lumineuse.
Un nouveau rayon de lumière vient cependant éclairer le silence : le Siphra di Tzeniutha, très
ancien ouvrage araméen qui relate les opérations concernant le Grand Œuvre Alchimique.
Apparu au Concile de Nicée en 325 après J.C., il est le Livre de la Tradition Orale transmise
par Moïse. Il révèle pour la première fois les " mots de puissance " occultés par la Table
Smaragdine.
Il vient surtout jeter un pavé dans la divine mare céleste de la Sainte Trinité en juxtaposant (et
non en opposant) à la Trinité Une des Pères de l'Eglise (Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le
Saint-Esprit réunis en une seule et même entité divine) l'Unité Trine de la Gnose (séparation
de l'entité Une en trois identités distinctes).
Mais il n'est pas le seul. L'Arianisme, le Nestorisme, le Docétisme, le Manichéisme, et plus
tard le Catharisme, viendront " enfoncer le clou " avec les conséquences funestes que l'on sait.
Nous voici d'un coup aux portes du Moyen Age. Période critique et déchirante de la grande
aventure humaine où, dans la lutte constante entre le Bien et le Mal, le Sacré semble être la
seule issue possible pour sauver les âmes.
Deux personnages caractéristiques vont cependant apporter leurs lumières aux pieds des
citadelles obscures des Grands et Petits Mystères : le Maître Bâtisseur et le Maître Spagyriste.
Apparemment, tout les sépare. Le premier travaille au grand air et en plein jour, le second
dans un espace clos, à la lueur vacillante des chandelles. Mais en réalité, tout les unit.
- ils œuvrent tous les deux à l'accomplissement de l'opération du Soleil.
Nous avons vu, dans une précédente étude, comment le Maître Bâtisseur de Cathédrales
choisissait le Point Sacré de l'Autel, y érigeait un poteau, puis déterminait le Point de Terre à
l'angle Nord-Est au bout de l'ombre du gnomon, à l'heure où le soleil est à son méridien.
L'Alchimiste, de son côté, travaille à la séparation, puis à la conjonction et à la sublimation
des trois constituants de la materia prima : Soleil-soufre,
Lune-mercure et Sel Philosophique. Du règne de Jupiter (œuvre au noir) au règne de Mars
(œuvre au rouge), il passera par ceux de Saturne et de la Lune (œuvre au blanc) pour finir,
après les multiplications successives, par la poudre de projection aurique, parachevant ainsi
l'Oeuvre du Soleil selon les propres termes de la Table d'Emeraude.
Dans les deux cas, l'astre du jour, lumière née de la Lumière, est la réponse divine, symbole
de vie et de perfection.
- ils utilisent le même matériau sacré : la pierre.
L'un va l'extraire de la carrière, l'autre de la minière. C'est exactement la même chose. Chacun
va la chercher au plus profond de la terre nourricière, comme un trésor tombé du ciel qu'il
s'agira de restituer au Tout-Puissant dans sa substantialité la plus pure, afin d'être digne de
Lui.
Ainsi Pierre Brute et Pierre des Philosophes, enveloppées de leur gangue terrestre,
deviendront-elles Pierre Cubique et Pierre Philosophale, corps célestes.
Car elle est " pierre ", et sur cette pierre… ils bâtiront un Temple.
Pour le Bâtisseur de Cathédrales, de la pierre d'angle (Equerre) à la clef de voûte (Compas),
un édifice imposant et superbe, reflet et résumé de l'Univers créé. Pour le disciple d'Hermès,
une sphère de lumière à l'intérieur d'un ballon de verre pas plus grand que la main, reflet et
résumé de l'Univers en création.
- ils sont donc tous les deux hommes de l'Art.
Art Royal, Art Sacré… Art du Royaume Divin. Comme le beau qui seul peut voir le Beau et
le pur qui seul peut voir le Pur, seul l'artiste peut voir l'Artiste, Grand Architecte du Monde,
afin de se réaliser pleinement dans l'Unité trine qui rassemble le Créateur, Sa Créature et
l'Esprit créatif qui les transcende.
Car " ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est
en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. "
On ne peut être plus clair sur la définition même de l'Art Sacré, " voie " unique et principielle
de l'Harmonie " des " mondes, celui d'En-Haut et celui d'en-bas, c'est-à-dire de la Grande
Harmonie qui les unit.
Alchimie et Franc-Maçonnerie
Comme on le voit, le Maçon et l'Alchimiste opératifs se ressemblent beaucoup même si,
apparemment, ils ne s'assemblent pas.
La Franc-Maçonnerie spéculative va réparer cette distinction.
Car, ayant à priori tous les arguments pour se réclamer de l'un, elle prouvera à posteriori
qu'elle avait d'excellentes raisons pour ne pas s'isoler de l'autre. Nous voulons parler
essentiellement des Rites dits continentaux où l'hermétisme prend une place particulière et
trouve son plein rayonnement dans le symbolisme rosicrucien.
Encore faudrait-il préciser de quel rosicrucisme il s'agit, tant les racines sont profondes,
parfois obscures, et les ramifications diverses et complexes…
Ici encore, comme en ce qui concerne les origines templières de la Franc-Maçonnerie, la plus
élémentaire prudence est de mise. Nous nous bornerons à dire qu'à l'instar des Chevaliers du
Temple, les Chevaliers Rose+Croix illuminent de leur présence certains Hauts Grades
Maçonniques, et notamment le 18ème Degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Cela n'empêche nullement l'esprit bienfaisant du Sel des Philosophes de se répandre déjà sur
les Colonnes, comme un ciment unificateur, aux Trois Grades symboliques d'Apprenti, de
Compagnon et de Maître. Nous allons tenter d'évoquer brièvement les étapes fondamentales
de son action en laissant au Franc-Maçon, en fonction de son Grade et de son Rite, le soin de
trouver lui-même les " passerelles " qui le conduiront progressivement, dans la lumière de son
temple intérieur, à l'accomplissement de " l'opération du Soleil ".
- Préparation :
Manifestement, le profane à la porte du Temple représente la terre adamique enfouie dans les
ténèbres de la minière. Que ce soit dans le cabinet de réflexion ou sous le bandeau, tout
rappelle cette obscurité et annonce la naissance d'un homme nouveau.
C'est la raison pour laquelle il doit être convenablement préparé, tant par son corps que par
son âme et son esprit.
Les trois éléments qui constituent son être doivent être " concassés ", " broyés " dans
une mortification symbolique. C'est dans cet état mortifère qu'après avoir reçu les bienfaits de
la prière, il effectuera dans l'ombre les différents voyages qui lui signifieront l'obscurité du
monde dont il est issu et la lumière de celui vers lequel il tend.
Cette lumière étincelante lui sera donnée après l'Obligation Solennelle. Elle est l'agent
primordial qui, dans l'Athanor du Temple maçonnique, va effectuer la séparation, permettant
à l'Initié de se trouver dans un nouvel état de conscience et de réaliser son unité trine, c'est-à-
dire ses trois identités distinctes débarrassées de leur gangue profane.
Ainsi n'aura-t-il d'autre but que celui de reconstituer la trinité une de son être propre dans
toute sa pureté, à l'image des Trois Grandes Lumières sur lesquelles il a prêté serment.
- Solve :
Cette " recomposition " débute lorsque l'Initié est revêtu de son tablier d'Apprenti, au Point de
l'Eau baptismal. Car c'est à ce moment précis qu'il devient réellement " maçon ". On le lui
signifie d'ailleurs lors de l'émouvante exhortation qui marque la remise de cet insigne
distinctif.
Le tablier et les gants blancs, symboles d'innocence et de pureté, mais aussi d'une ascèse
nouvelle, vont désormais agir comme des dissolvants dans le vase hermétiquement clos de
son temple intérieur.
Son corps et son âme épurés, de nouveau réunis, vont se sublimer sous l'action ignée de son
esprit, lui-même enrichi par celui de la lumière transmise.
Il est Apprenti. Il s'apprend. Désormais, plus d'idées préconçues, plus de vérités toutes faites.
Un nouvel homme est en train de naître. Il porte un nouveau regard sur le monde, il regarde le
monde nouveau avec lequel il s'identifie. Cette mondification spirituelledurera autant de
temps qu'il le faudra, jusqu'à ce qu'il tire lui-même la première quintessence de son être
revivifié.
Alors, et alors seulement, quand il se sentira prêt, il pourra desceller son Temple intérieur.
- Coagula :
Pour l'ouvrir à qui ? Aux autres, évidemment, dont il a besoin pour se nourrir.
Car sans les autres, il n'est rien. Les autres, ce sont ses Frères qui, dans la Loge-Temple, sont
autant de temples ouverts.
A l'image de ses anciens Frères opératifs qui, rappelons-le, n'étaient pas admis dans les Loges
de chantier, l'Apprenti va quitter son " moi " pour rejoindre le " nous " des Compagnons (de
cum, avec, et panis, pain). Il entre dans le partage. Il apporte sa pierre à l'édifice commun.
Elle sera à la fois pierre d'appoint et pierre de soutien. Elle a donc besoin de se parfaire, de
se fixer au contact des autres.
Ce qu'il fera d'abord grâce à la blancheur étincelante de l'Esprit Divin dont lui-même et ses
Compagnons sont imprégnés, puis avec la quintessence sanguine de tout son être.
Albification, Rubification…
Son Temple a reçu les rayons de lune et les premiers rougeoiements de l'aube. Mais, dans la
pénombre qui cache encore les perspectives de sa vie future, il ne fait pas tout à fait soleil…
- Multiplication :
Car, sous la pierre, aussi belle soit-elle, il n'y a qu'un homme.
Un Frère parmi ses Frères, heureux de son état mais soumis aux impuretés du monde profane
auquel, comme ses Frères, il ne peut échapper. Sa pierre est un faux prophète.
Comme la déesse Nout qui, chaque soir, avalait le soleil et accouchait à l'aube d'un soleil
nouveau, comme le grain de blé tombé de l'épi qui pourrit en terre et porte le germe d'une vie
nouvelle, le Maçon doit savoir mourir pour renaître.
L'Œuvre du Temple est un éternel recommencement et, dans la lueur de son temple intérieur,
le Maître-Maçon, à bien y regarder, est un maçon en recherche perpétuelle de maîtrise.
Revenu au " moi ", il doit repasser par le " nous ", c'est-à-dire se multiplier, recommencer
l'Œuvre depuis le début et " se réunir de nouveau aux anciens Compagnons de ses travaux ".
Ce n'est qu'après de nombreuses " multiplications " qu'il sentira l'effacement progressif de ses
doutes et qu'il tirera les extraordinaires bénéfices de ses remises en question volontaires.
Gravissant les marches qui l'élèvent une à une du haut vers le Haut, il deviendra le gardien des
secrets qui conduisent à l'accomplissement de l'Œuvre Solaire, projetant sur tout ce qui
l'entoure les rayons auriques et bienfaisants de sa lumière intérieure.
Par la merveilleuse alchimie opérée entre son esprit et celui de l'Eternel, Grand Architecte de
l'Univers, il se dressera alors comme la colonne vivante de l'Harmonie du Monde, un monde
convaincu qu'il est un de ceux à qui les affligés peuvent confier leurs peines, les malheureux
peuvent demander aide et protection, un de ceux dont le bras est guidé par la justice et dont le
cœur déborde d'amour.
Sigillum des Frères Aînés Rose+Croix
Où l'on reconnaît,
en bas, le Pélican qui se perce le flanc pour nourrir ses trois enfants de son propre sang,
au centre de la croix (de " crucis ", creuset),
la rose pentamère (Quinte Essence) entourée de l'Ourobouros
et symbolisant le Grand Œuvre,
en haut, l'inscription INRI qu'il faut lire par " Igne Natura Renovatur Integra "
Chapit
re IV
Le
G
ra
nd
T
ha
u
Dieu dit
alors à
Moïse :
" Je suis
celui qui
suis ".
Et Il
ajouta :
Tu
répondr
as ainsi
aux
enfants
d'Israël
:
" Je suis
"
m'envoie
vers
vous.
(Exode
III, 14)
Science profane et science sacrée
Dans les chapitres précédents, nous avons vu comment des
hommes, divinement inspirés par un schéma préexistant au
processus de la Création, avaient pu dénouer les fils
conduisant aux mystères cachés de la Nature et de la
Science.
On l'aura compris, il ne s'agit en aucune façon de dresser
une liste exhaustive de ces mystères cachés, mais d'étudier
deux voies qui nous sont familières et qui en éclairent,
pour la plupart, la signification : le pythagorisme et
l'hermétisme, sciences sacrées de la Grande Tradition.
Cette Grande Tradition (avec un grand Thau) est
la Tradition Primordiale qui remonte au Principe même du
Grand Tout.
Or le Principe est UN… et le Grand TOUT aussi.
Pris dans ce sens, le terme UN est d'ailleurs assez
impropre. C'est l'idée d'UNITE qui semble la mieux
appropriée, puisqu'elle renferme à elle seule les deux
notions concomitantes d'unité singulière du Principe ( 1 )
et d'unité plurielle du Grand Tout ( 1 + 1 + 1 + … + 1
= 1 ).
Ecoutons à ce propos Hermès dans l'un des chapitres des "
Poïmandres " :
" Rien n'existe sans principe. Quant au principe, il n'est
sorti de rien si ce n'est de lui-même puisqu'il est principe
de tout le reste. Etant donc principe, la monade comprend
tout nombre, sans être comprise en aucun d'eux ".
On comprend mieux maintenant l'origine de la mystique
pythagoricienne du nombre et le vrai sens du bereschit de
la Genèse, c'est-à-dire " en principe ", plus communément
traduit par " au commencement ".
Dans ce sens φ, Nombre d'Or, n'est pas, comme on pouvait
s'en douter, un nombre divin. Pas plus que la Pierre
Philosophale n'est substance divine.
L'un comme l'autre sont le fruit d'un long apprentissage de
l'esprit humain, d'une recherche éclairée. Le but suprême
étant de remonter à la véritable Source de lumière…
Si la proportion dorée fut nommée Divine Proportion et
l'Alchimie Sainte Science, elles n'ont jamais prétendu pour
autant expliquer en substance le grand mystère du
Créateur. Elles portent tout simplement la marque d'un
principe commun avec le Grand Œuvre Divin, celui
de consubstantialité,
c'est-à-dire d'interpénétration des essences telle que, à elles
toutes, elles n'en forment qu'une seule.
C'est en ce sens qu'elles sont qualifiées de " divines " parce
que révélatrices, au travers de la consubstantialité des
éléments qu'elles réunissent, de l'Harmonie du monde
d'en-bas réalisée à l'image de celle du monde d'En-Haut,
Harmonie dans laquelle resplendit la Beauté qui est elle-
même puissance du Beau.
Et la Beauté se trouve partout dans l'Univers…
Elle est dans l'Arbre de Vie dont jaillit la source d'eau
claire, l'agent salin qui, après avoir épuré les constituants
de la Minière, les sublimera et permettra au Fils d'Hermès
de réaliser en 28 mois philosophiques (durée hermétique
du Grand Œuvre) ce que la nature a mis des millions
d'années à accomplir ! Elle se cache dans le triangle et le
rectangle d'or, dans le pentagramme étoilé du Maître de
Samos, elle se montre en pleine lumière dans leurs
vivantes manifestations. Elle témoigne.
Les sciences sacrées de la Grande Tradition sont des
sciences de " témoignage "… et de transmission du témoin
entre esprits éclairés, comme la flamme olympique passant
de main en main et, lors de son ultime voyage, gravissant
l'Echelle de Jacob jusqu'à la vasque de l'Eternelle Lumière,
étoile flamboyante d'amour. C'est tout ce qui les distingue
des sciences dites " profanes " qui ont perdu le témoin,
délaissé le " pourquoi " au seul profit du " comment "
en involuant dans la matière.
La Franc-Maçonnerie n'est pas une science, mais un art.
Le Franc-Maçon le sait bien, lui qui n'est pas un savant.
Ou, du moins, ne se considère-t-il pas
a priori comme tel.
Que sait-il, au juste ? Qu'il est un homme, tout
simplement, ni meilleur ni plus mauvais qu'un autre. Avec,
cependant, un petit plus imperceptible au fond de l'âme : la
grâce d'une lumière transmise le soir béni de son Initiation.
Depuis, il est en état permanent de conscience. Il veille.
Il s'émerveille aussi, en toute liberté, au grand spectacle de
l'Univers. Comme ses Anciens Frères Opératifs, il en
glorifie le Grand Metteur en Scène, en Lui restituant
l'essence de son propre travail d'artiste. Il rend " Hommage
".
En même temps, il essaie de comprendre. Comprendre la
véritable signification du témoin, du " flambeau " passé
avant lui de main en main, de cœur en cœur, d'esprit en
esprit.
Aussi loin que remonte la mémoire des hommes, un seul
mot semble convenir : la Sagesse.
Hermès et Pythagore (entre autres) étaient de véritables
Maîtres, car ils savaient maîtriser la Sagesse du Monde.
Pour ne pas l'avoir compris, l'Homme orgueilleux est
devenu l'esclave de son propre génie créatif. Il en paye
aujourd'hui très durement le prix.
A quoi bon, dès lors, rappeler au monde profane ce mot
sacré qu'il a définitivement rayé de son vocabulaire ? Il ne
comprendrait pas.
Alors, le Franc-Maçon lui propose un mot substitué
: l'éthique. L'éthique, c'est le rappel de la loi morale tracée
au cordeau de la conscience des hommes. Une sorte de
ligne jaune à ne pas franchir. C'est toujours mieux que
rien. Mais pour le Franc-Maçon de Tradition, la vraie
sagesse est ailleurs…
La vraie sagesse est Lumière de Dieu. Elle est infinie, elle
n'a aucune limite.
Où donc en est la source ? Peut-être pas aussi loin qu'il le
pense. Au Centre des Centres, le Saint des Saints de son
temple intérieur. Au plus profond des ténèbres de
l'Inconnaissable.
Or rien de connu n'existe qui ne soit " prononcé ". C'est la
loi primordiale de la Création.
Inimaginable puissance du Verbe ! C'est là, oui, c'est
sûrement là que réside le grand secret de la Sagesse et de
l'Harmonie du Monde. Dans le Verbe,
au " point de prononciation " où se confondent l'Alpha et
l'Omega, le premier et le dernier des " mots de puissance ".
Dans le JE SUIS CELUI QUI SUIS. Le Saint Nom de
Dieu Lui-même.
Le Verbe, fondement de la science
kabbalistique
Dieu nomme. Dieu crée.
La Pensée Divine se formule dans le nom et se manifeste
dans la création.
Elle s'exprime par le Verbe, acte volitif et dynamique.
En hébreu, le verbe dire est synonyme de créer. Dieu dit
ce qu'Il fait, Dieu fait ce qu'Il dit.
C'est le principe premier de la Trinité : Pensée Divine,
Verbe émané de la Pensée, Création émanée du Verbe. Il
est à la base de toutes les religions anciennes et semble
trouver son accomplissement dans la Sainte Trinité de
l'Evangile Johannique : Dieu Père, Verbe Fils, Vie Saint-
Esprit.
Dieu ayant créé l'homme à son image lui attribua, par
définition, le pouvoir de créer par le Verbe. Selon la
tradition orale, la langue primitive, dite " langue adamique
" ou wattan dont se servit Adam pour objectiver l'Œuvre
du Créateur, possédait les qualités du Verbe.
Le Verbe était une action volitive ébranlant les éléments
par des vibrations sonores. L'usage du Verbe créateur, les
combinaisons des ondes pour donner le jour à la forme
inhérente à l'idée, se transmettaient par la tradition orale
dans les sanctuaires.
C'est ainsi que fut créé le rituel religieux dont les
particularités se conservèrent dans les divers cultes
(chants, paroles scandées, signes, gestuelle).
Un moment vint où l'homme, livré à ses instincts, perdit le
Verbe créateur et la faculté de comprendre la Nature. Sa
parole devint un son vide et discordant dans le concert de
l'Harmonie Universelle. Il ne pouvait plus créer, mais
modeler à la sueur de son front le limon de la terre,
matière morte, privée d'âme vivante.
L'idée, cette Etincelle Divine, restait en germe, en
principe, et ne revêtait aucune forme. C'est alors que furent
imaginés les hiéroglyphes. D'abord sous la forme
de pictogrammes pour représenter les objets du monde
visible, puis d'idéogrammes pour représenter des pensées
abstraites. Plus tard fut inventée l'écriture hiératique où les
mots se composaient de lettres, c'est-à-dire de
hiéroglyphes stylisés.
L'écriture hiératique sortit des temples égyptiens. Son
alphabet était strictement composé d'après les lois
fondamentales de l'Univers. Moïse, Grand Initié des
Sanctuaires d'Egypte, l'adopta avec la doctrine dont il fit la
base de son enseignement.
Les guerres et les malheurs du peuple d'Israël mirent en
danger cet alphabet sacré, à tel point qu'il fut perdu, ainsi
que la tradition orale, pendant la captivité de Babylone.
Grâce aux prophètes Daniel et Esdras, une partie de cette
tradition put être reconstituée, mais l'alphabet
hiéroglyphique fut déformé. Les Phéniciens l'exportèrent
en Europe. Les Grecs l'adaptèrent en respectant au plus
près la phonétique et la valeur numérique des lettres
(l'écriture " chiffrée " du nombre n'existait pas encore). Les
Romains le vidèrent de tout son sens dans la langue latine.
Ainsi disparut ce qui, depuis des millénaires, se passait de
main en main, le témoin, le kebbel.
La Kabbale est la science du Verbe.
Son maître à penser est l'Eternel, son champ d'application
est l'Infini.
Vouloir la résumer, encore moins la traiter, en quelques
pages serait donc pure folie. Nous ne pouvons qu'en
exposer certaines bases nécessaires à sa compréhension, en
espérant ne pas oublier l'essentiel. Que les " spécialistes "
veuillent bien, par avance, nous en excuser.
La science kabbalistique comporte, dans sa partie
théorique, plusieurs livres :
- La Tora qui contient la Machora (science occulte des
lettres) et la Michna (science des lois)
- Le Talmud qui énonce les lois proprement dites
- Le Sepher Ietzirah ou Livre de la Sagesse
- Le Sepher Ha Zohar ou Livre de la Splendeur, le "Char
Céleste"
Dans la kabbale hébraïque (qu'il ne faut pas confondre
avec la cabale hermétique, dont nous avons déjà parlé et
qui, elle, est une véritable langue), trois interprétations
possibles peuvent être découvertes en chaque mot sacré :
- la première, dite Gématria, qui comporte l'analyse de la
valeur numérale ou arithmétique de chaque mot
- la seconde, dite Notarikon, qui établit la signification de
chaque lettre considérée séparément
- la troisième, dite Thémurah, qui emploie certaines
permutations ou transpositions de lettres
Les Saintes Ecritures nous révèlent que Dieu, Grand
Architecte de l'Univers, créa toutes choses avec mesure et
pondération. C'est peut-être ce qui induit le mieux l'idée
de " l'ordre et la symétrie de l'ensemble de la Création ",
telle que nous l'évoquions dans la Planche Tracée du
Premier Grade, au tout début de notre recherche sur la
définition de l'Harmonie.
Le Verbe Créateur, et c'est là le trait caractéristique de la
science kabbalistique, contient en lui-même une harmonie,
une consubstantialité totale entre le nom et le nom-bre.
Pour mieux le comprendre, commençons, comme
d'habitude… par le " commencement ".
LE PREMIER NOMBRE
La première proportion du compas, c'est-à-dire la première
figure géométrique qui lui est associée, symbolise…le
nombre 1O.
Pour réaliser un cercle, il faut nécessairement s'appuyer
sur UN point sans lequel on ne peut agir. Ce point est le "
centre du cercle dont chaque point de la circonférence est
équidistant ".
Comme il y a un infinité de points constituant le cercle, le
point central, nombre UN ou Unité-Principe, est le nombre
générateur de l'infinité des unités qui procèdent de lui.
En dissociant linéairement le point central ( . ) et le cercle
( O ) généré par lui, on obtient le nombre point-cercle .
O (1O, dix), qui est le nombre de l'infini réalisé.
Dès lors, si nous enlevons le point central à l'intérieur du
cercle, nous obtenons un cercle fictif, purement imaginaire
car irréalisable. C'est le seul moyen dont nous disposons
pour exprimer le zéro, c'est-à-dire un cercle fictif sans rien
dedans !
En ré-associant le un ( 1 ) et le zéro ( O ) dans le nombre
1O, on obtient ainsi 1 + O = 1
Nombre de l'infini réalisé, 1O est aussi celui du retour à
l'Unité-Principe.
Mathématiquement, c'est la base du système décimal.
Kabbalistiquement, c'est l'unité dans le multiple et
le retour du multiple dans l'unité,
loi fondamentale de l'Harmonie Universelle.
LA PREMIERE LETTRE
" Et l'Esprit de Dieu se penchait au-dessus des eaux "
La masse inerte, passive et froide des eaux du chaos
originel est représentée par une ligne droite.
L'Esprit de Dieu qui plane au-dessus de cette ligne est
figuré par le iod (en hébreu י ), symbole de toute puissance
manifestée en même temps que celui de l'éternité, c'est-à-
dire de la vie sans fin des choses créées.
<="" p="">
L'acte créateur est le premier choc de l'Esprit de Dieu
(éther) dans la masse inerte des eaux, celui du iod-principe
vivifiant qui sort la masse inerte de l'état passif et la met
en mouvement.
<="" p="">
Le choc premier du principe vivifiant dans la matière
inerte l'anime et fait jaillir le feu, second iod, porteur à son
tour d'un germe qui doit donner naissance à la vie
éternellement renouvelable.
<="" p="">
Ce hiéroglyphe contient en lui-même les trois éléments de
la matière (air-éther, eau, feu) ou le principe du ternaire
primitif, autrement dit du premier dédoublement idéal et
équilibré.
Il est l'Aleph, première des 22 lettres sacrées de l'alphabet
hébreu.
<="" p="">
Aleph (alif en arabe, alpha en grec) représente le
dynamisme créateur éternel, le Verbe.
Comme telle, elle contient tout ce qui fut créé par Dieu, et
donc tout ce qui peut être exprimé par l'Homme.
LE SCHEMA
Première de toutes les lettres, Aleph est la lettre-nombre
initiale au sommet des dix Séphiroth, nombres
élémentaires et constitutifs du système décimal.
Elle est aussi, comme nous venons de le voir, la
première lettre-mère, Aer, air ou éther, née du iod et unie
dans le ternaire primitif à l'élément eau et à l'élément feu.
Aleph, mem, schin : Aleph souffle (éther), mem muette
(eau), schin sifflante (feu)
Aleph, mem, schin : trois lettres-mères, Parole de Dieu
Aleph, mem, schin : א מ ש, en hébreu, et lu de droite à
gauche : schin, mem, Aleph
SCHhh-in, Mmm-em, Ahh-leph : SCHMA ou SCHEMA
Tel est le schéma ou Ternaire Divin
d'engendrement préalable au processus de la Création, que
nous évoquons depuis le début de notre étude, paradigme
du triangle générateur des nombres pythagoriciens et des
trois constituants (corps sulfureux, âme mercurielle, esprit
salin) de la materia prima du Grand Œuvre Philosophal.
De là vient le Schema Hamphorasch, ou Schem
Hammephorasch selon les kabbalistes, qui signifie " Nom
bien prononcé et bien expliqué " par le Grand Prêtre du
Temple de Salomon, une fois l'an, le grand jour de
l'expiation des péchés.
LE TETRAGRAMME
Personne ne connaît Dieu dans Son essence si ce n'est Lui-
même.
La Science absolue est dans l'intelligence de Son Nom et
dans la connaissance des noms divins qui se forment de
Lui.
Le Schema ou nom incommunicable est formé de quatre
lettres.
Toute la puissance est dans une seule, Iod
Son reflet est dans une autre, Hé
Il s'explique par la troisième, Vau
Il se féconde par la quatrième, Hé
Ces quatre lettres sacrées forment le Tétragramme que l'on
peut représenter ainsi :
<="" p="">
Au premier coup d'œil, nous reconnaissons la Tétractys
pythagoricienne et le schéma hermétique du Grand Œuvre.
Il convient cependant d'en faire une double lecture.
La première, ternaire, où l'Eternel inaccessible est au plus
haut de l'Echelle Divine. La deuxième, quaternaire, où
Dieu, en involuant au plus près de l'Homme, s'est révélé à
lui.
Dans ce sens, et au regard de la Trinité Hébraïque :
Iod, I est le Dieu d'Abraham (Ab, le Père, Ibrahim en , י
arabe)
Iod Hé, IE ou IAh est le Dieu d'IsAac (le Fils , י ה
engendré)
Iod Hé Vau, IEV ou IAhO est le Dieu de IAcOb , י ה ו
(Jacob, l'Esprit Saint)
Iod, Iod Hé, Iod Hé Vau
I, IE, IEV
I, IAH, IAHO
Ainsi se développe l'indicible, l'imprononçable, la divine
et première triangulation.
L'adjonction du Hé final et fécondant est le signe de Dieu "
accessible " à l'Homme.
Iod Hé Vau Hé, IEVE ou IAhOuHE est le Dieu de , י ה ו ה
Moïse, apparu dans le Buisson Ardent et qui dicta de Sa
main les Dix Commandements.
Iod Hé Vau Hé
i, a, ou, é ou i, é, ou, a
IEVE, YAHWEH, JEOVAH est le Nom de Dieu révélé
dans le Volume de la Sainte Loi, le Grand Architecte de
l'Univers, Dieu de toutes les Nations qui écrivirent et
écrivent encore Son Nom en quatre lettres saintes : Teos
(Zeus) en Grec, Deus en Latin, Dios en Espagnol, Dieu en
Français, Goth (devenu Gott) en Allemand, Good (devenu
God) en Anglais, Al-lA (Allah) dans le Saint Coran etc.
Le Nom mystérieux en trois lettres (IEV) est celui du Dieu
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu unique des trois
religions abrahamiques : Judaïsme, Christianisme et Islam.
Le Nom révélé (JE SUIS CELUI QUI SUIS, IEVE, le
PERE, ALLAh) en quatre lettres est celui annoncé aux
hommes par la bouche des Trois Grands Prophètes :
Moïse, Jésus et Muhammad.
Les 32 voies de la Sagesse
" C'est par trente-deux voies, belles, sages, que Jah, Ieve
Tsebaoth, Dieu d'Israël, Dieu Vivant et Roi Eternel, El-
Schaddaï, Miséricordieux, Pardonnant, Elevé, séjournant
dans l'Eternité, dont le Nom est haut et saint, traça
l'Univers par trois Sepharim (numérations) : Sepher,
Siphor et Sipour.
" Dix nombres immatériels(Sephiroth). Vingt-deux lettres
du fondement : trois mères, sept doubles, douze simples.
" Dix nombres immatériels : dix et non neuf, dix et non
onze.
Comprends par ton entendement et entends par ta
compréhension. Mets-les à l'épreuve, scrute-les, pose-les
chacun comme il faut et mets le Créateur à sa place.
" Dix nombres immatériels, dix qualités infinies :
la profondeur du commencement, la profondeur de la fin,
la profondeur du bien, la profondeur du mal, la
profondeur de la hauteur, la profondeur de la profondeur,
la profondeur de l'Orient, la profondeur de l'Occident, la
profondeur du Nord, la profondeur du Sud. Seul Notre
Seigneur Dieu, Roi Fidèle, règne au-dessus de tous dans
sa demeure, dans l'Eternité.
" Dix nombres immatériels :
leur fin est en puissance d'être dans leur commencement,
car Dieu est seul et Il n'a pas de second, et quel nombre
peux-tu nommer avant Un ?
" Dix nombres immatériels :
le premier " l'Esprit du Dieu vivant ", le deuxième " le
Souffle de l'Esprit (Ether) ", le troisième " l'Eau de l'Ether
", le quatrième " le Feu de l'Eau ".
Les six autres pour les six directions de l'espace : la
Hauteur vers le haut, la Profondeur vers le bas, l'Orient
vers l'avant, l'Occident vers l'arrière, le Sud vers la droite
et le Nord vers la gauche.
" Vingt-deux lettres de fondation : trois mères, sept
doubles et douze simples.
Il les traça, les façonna, organisa leurs combinaisons et
leurs permutations, et créa par elles tout ce qui est créé et
tout ce qui doit être créé.
" Trois mères : Aleph, mem, schin.
Leur trait fondamental : la coupe de la justesse, la coupe
de la culpabilité et la loi qui établit l'équilibre entre elles.
" Trois mères : Aleph, mem, schin : mem muette, schin
sifflante et Aleph éther qui fixe l'équilibre entre elles.
" Trois mères : Aleph, mem, schin dans l'Univers.
Ce sont l'air, l'eau et le feu. Le ciel est créé du feu, la terre
de l'eau et l'eau de l'éther qui tient l'équilibre entre eux.
" Trois mères : Aleph, mem, schin dans le corps de
l'homme et de la femme : la tête, le ventre et la poitrine.
La tête est créée du feu, le ventre de l'eau et la poitrine de
l'éther qui tient le milieu entre eux.
" Sept doubles : beth, gimel, daleth, kaph, phé, resh, tau.
Selon leur prononciation : la sagesse ou la bêtise, la
richesse ou la pauvreté, la fécondité ou la stérilité, la vie
ou la mort, la domination ou l'esclavage, la paix ou la
guerre, la beauté ou la laideur.
" Sept doubles : beth, gimel, daleth, kaph, phé, resh, tau.
Sept et non six, sept et non huit. Le haut et le bas, l'orient
et l'occident, le nord et le sud, et le Saint Temple au centre
qui soutient tout.
" Sept doubles : beth, gimel, daleth, kaph, phé, resh, tau.
Examine-les, pose-les comme il faut et mets le Créateur à
sa place.
" Sept doubles : beth, gimel, daleth, kaph, phé, resh, tau.
Il les traça, les façonna, organisa leurs combinaisons et
leurs permutations, et créa par elles sept étoiles dans le
monde (Saturne, Jupiter, Mars, le Soleil, Vénus, Mercure,
la Lune), sept jours dans le temps et sept portes dans le
corps de l'homme et de la femme : deux yeux, deux
oreilles, deux narines et la bouche.
" Douze simples: hé, vau, zaïn, heth, teth, iod, lamed, nun,
samech, aïn, tsadé, koph.
Leur fondement : la parole, la pensée, la marche, la vue,
l'ouïe, l'action, la copulation, l'odorat, le sommeil, la
colère, l'appétit, le rire.
" Douze simples : hé, vau, zaïn, heth, teth, iod, lamed,
nun, samech, aïn, tsadé, koph.
Il les traça, les façonna, organisa leurs combinaisons et
leurs permutations, et créa par elles les douze signes du
Zodiaque dans le monde, les douze mois de l'année dans le
temps et les douze guides dans le corps de l'homme et de
la femme : deux mains, deux pieds, huit organes et
viscères. "
Voici donc condensées (autant que faire se peut) les 32
voies de la Sagesse, telles qu'elles sont écrites dans
le Sepher Ietzirah.
10 nombres, 22 lettres. Total : 32
Nous avons déjà vu l'origine de la numération décimale.
Nous y reviendrons.
Mais, tout d'abord, pourquoi 22 lettres, dont 3 mères,
7 doubles et 12 simples ?
Le Verbe Créateur, l'Aleph, émane de l'Unité
principielle iod qui se développe dans le Ternaire Divin,
le schema primordial et mystérieux.
Toute création émanée du Verbe relève donc, " par
nécessité ", du Quaternaire (3 + 1).
C'est le passage du Iod Hé Vau, Ternaire spirituel, au Iod
Hé Vau Hé, Quaternaire de réalisation cosmique.
L'Involution Divine, c'est-à-dire la " pénétration " de
l'Esprit Divin au plus profond de la Création, se fait par
addition (3 + 4 = 7) et multiplication
(3 x 4 = 12) du Ternaire dans le Quaternaire.
Ternaire, Septénaire et Duodénaire sont donc, selon les
kabbalistes, les trois rythmes majeurs de l'Harmonie du
Monde, exprimés dans les 22 lettres de l'alphabet sacré.
LE TERNAIRE
Le Ternaire est un " binaire équilibré " par la Loi qui
maintient la stabilité entre les pôles opposés (coupe de la
justesse et coupe de la culpabilité).
Le + et le - sous l'Unité-Principe génératrice.
Ce sont aussi les trois étapes de la
Création involutive (pénétrante) dans le Macrocosme et
leur reflet respectif dans le Microcosme, l'Homme,
prototype de l'Univers :
Selon le Sepher Ietzirah, le siège de chacun de ces trois
mondes est attribué, dans l'Homme, à la tête créée
du feu (esprit), au ventre créé de l'eau (corps) et à la
poitrine créée de l'éther (âme) qui " tient l'équilibre entre
eux ". C'est le développement de l'Aleph dans l'Adam.
Intelligence en haut, énergie en bas, cœur au milieu.
Sagesse de l'esprit, Force du corps et Beauté de
l'âme. Quod superius tot usque inferius.
L'harmonie du monde d'en-bas est bien à l'image de celle
du Monde d'En-Haut.
LE SEPTENAIRE
C'est le cycle de la Vie commencée par l'Aleph (Alpha) et
recommencée par le Tau (Omega).
Les Sept Portes dans le corps de l'homme et de la femme
sont les ouvertures par lesquelles cette vie s'engouffre, se
ressent, s'exhale et s'exalte. Elles forment la zone du schin.
C'est le monde astronomique des Sept Planètes et leur
correspondance dans le cycle du Temps : Lundi pour
la Lune, Mardi pour Mars, Mercredi pour Mercure, Jeudi
pour Jupiter, Vendredi pour Vénus, Samedi
pour Saturne et Dimanche pour le Soleil.
On peut y ajouter les sept couleurs du spectre, les sept
notes de la gamme musicale etc.
Chaque lettre des sept est nommée double, car elle porte
en elle le + et le -, la qualité et le défaut. Nous sommes
dans le monde du libre arbitre, de l'initiative humaine qui
peut orienter un événement vers le + ou le - selon la
conscience.
Conscience de quoi, conscience de Qui ? " Sept et non six,
sept et non huit. Examine-les, pose-les comme il faut et
mets le Créateur à sa place :
le haut et le bas, l'orient et l'occident, le nord et le sud, et
le Saint Temple au centre qui soutient tout. "
IEV, EVI, IVE, EIV, VEI, VIE : les 6 anagrammes du
Nom mystérieux IEV, opposés deux à deux, indiquent les
6 directions de l'espace.
Au centre, le Kadosch Hakodaschim, le Saint des Saints,
où le Nom révélé se " prononce ". Ce Centre des Centres
était celui du Temple du Roi Salomon, il est aussi celui du
Temple Maçonnique et du temple intérieur du Franc-
Maçon.
" Les us et coutumes des Francs-Maçons ont toujours eu
une grande affinité avec ceux des Anciens Egyptiens… / …
la forme de la Loge est un parallélépipède s'étendant en
longueur le l'Est à l'Ouest, en largeur entre le Nord et le
Sud, et en hauteur depuis la surface de la Terre jusqu'à
son centre et même aussi haut que les Cieux… ".
En enracinant d'emblée la Franc-Maçonnerie de Tradition
dans le creuset de l'Ancienne Egypte et en affirmant
aussitôt son universalité à l'image de celle du Grand
Architecte, la Planche Tracée du Premier Grade se révèle,
sans le dire, profondément kabbalistique !
LE DUODENAIRE
Les douze simples représentent les quatre trigones du
Zodiaque dans le Macrocosme. Nous sortons du monde
astronomique pour entrer dans le monde astrologique. En
ce sens, les douze simples ne sont pas équilibrées sur un
point quelconque, car leur stabilité est naturelle et leurs
rapports mutuels sont fixés immuablement. Elles forment
la zone du mem dans laquelle viennent se développer
les manifestations de la vie.
Ici, plus de libre-arbitre, de + ou de -, le déterminisme est
invariable. C'est la soumission naturelle aux lois de la
Divine Providence.
Le nombre 12 se décline constamment dans les Saintes
Ecritures : les Douze Tribus d'Israël, les Douze Apôtres du
Christ, les Douze Portes de la Jérusalem Céleste, les
Douze Imam …
Ce sont aussi les douze havioth, anagrammes de IEVE, le
Nom révélé, gravées sur les douze pierres mystérieuses qui
ornaient le pectoral du Grand Prêtre, et à l'aide desquelles
il obtenait les oracles (Exode XXVIII, 17 et suivants).
Vingt-deux lettres pour chanter la beauté de l'Infini, la
profondeur de la profondeur…
Ce n'est plus de la science, c'est de la poésie.
LES DIX SEPHIROTH
Le tableau des 22 lettres sacrées de l'alphabet hébreu peut
se lire de deux façons :
- horizontalement en trois lignes représentant
successivement de l'Aleph au teth les 9 unités,
du iod au tsadé les 9 dizaines et du koph au tsadé final, en
passant par le thau, les 9 centaines élémentaires,
conformément au système de numération décimale.
Ce sont les trois zones des trois lettres-mères, de l'Aleph,
du mem et du schin, c'est-à-dire du monde invisible
(nechama), du monde visible (rouach) et du monde
élémentaire (nephesch) sur chacun desquels règnent les
différents ordres des anges ou émanations divines :
. les intelligences souveraines recevant les influences de la
lumière éternelle attribuée au Père de qui tout émane
(première ligne)
. les intelligences du monde astrologique attribué au Fils,
divine Sagesse maintenant l'ordre et l'harmonie de
l'Univers (deuxième ligne)
. les intelligences du monde astronomique attribué
au Saint-Esprit, souverain Etre des êtres qui donne l'âme et
la vie à toutes les créatures (troisième ligne)
- verticalement en neuf colonnes lues de droite à gauche et
représentant, de l'Aleph au teth, les neuf lettres-
nombres élémentaires qui se déclinent respectivement dans
chacune des trois zones horizontales, suivant ainsi le divin
principe trinitaire (1 point pour les unités, 2 points pour les
dizaines,
3 points pour les centaines).
Il n'en fallait pas plus aux kabbalistes pour réaliser une
lecture croisée de ce tableau et sceller la consubstantialité
des lignes et des colonnes dans une nouvelle grille,
appelée Aïn BeCar, qui, comme son nom l'indique, est un
" ABéCédaire " sacré ressemblant étrangement… à
l'alphabet secret des Francs-Maçons !
Toute la Création est concentrée dans cette grille un peu
obscure. Mais une fois décomposée, elle nous aide à y voir
plus clair dans l'immensité du Grand Œuvre Divin.
Ici encore, une double interprétation peut en être faite :
- la première, chronologique, nous montre le déroulement
de la création symbolique de l'Univers, les noms divins,
les signes et les nombres correspondants.
- la deuxième interprétation, sephirique, plus connue et
plus représentative de la science kabbalistique, est l'Arbre
Séphirotique qui symbolise l'Involution Divine, autrement
dit la pénétration " en profondeur " de l'Esprit Divin dans
la Création avec, à chaque niveau, les noms et les attributs
correspondants, émanations du Principe Absolu.
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Sur le tableau de gauche, les trois premières séphires (ou
séphiroth) sont dites " de création ". Elles représentent le
fameux schéma préalable que nous ne cessons de rappeler
depuis le début de notre étude (unité principielle,
dédoublement, équilibre).
Les six autres, formées de deux groupes de trois, sont dites
" de formation ".
La dixième et dernière, dite " de réalisation ", ne figure
pas sur le tableau car elle symbolise le retour à l'Unité-
Principe.
Il est intéressant, a ce propos, d'examiner les premiers
versets du Chapitre II de la Genèse en utilisant la
technique du Notarikon :
"les cieux furent achevés le sixième jour"
Haschamaim Waiekullou Haschischi Yom
Lus de droite à gauche, nous y reconnaissons le
Tétragramme Iod He Vau Hé (YHWH) à travers les
initiales de chaque mot, annonçant ainsi le
" quaternaire divin " du Septième Jour (3 + 4) et la
dixième séphire de réalisation cosmique.
Dans l'arbre séphirique, on reconnaît les trois séphires de
création sous la forme d'un triangle pointé vers le haut,
ainsi que les six autres de formation regroupées en deux
triangles pointés vers le bas, confirmant par là-même le
sens de l'involution de l'Esprit Divin jusqu'à la dixième
séphire de réalisation, qui figure bien ici en dernière place
pour marquer la fin du monde angélique.
Parmi les divins attributs représentés, le Franc-Maçon de
Tradition aura tout de suite repéré Sagesse (Hochma),
Force (Gebourah) et Beauté (Tipheret), les trois Grands
Piliers soutenant la Loge Maçonnique.
Aussi nous a-t-il paru intéressant de nous arrêter, une fois
encore, sur la Planche Tracée du Premier Grade. Chacun,
bien sûr, pourra se forger une opinion en fonction de son
Rite et de ses connaissances, mais il faut bien avouer que
l'analogie était tentante !
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Nous bornerons notre commentaire à trois réflexions
simples mais importantes, car elles expliquent bien des
choses et conditionnent tout ce qui va suivre :
- il existe, à l'évidence, un axe commun.
Dans l'Arbre Séphirique, de Kether (la Couronne, séphire
1) à Malkout (le Royaume, séphire 10), cet axe passe
par Tipheret (la Beauté, séphire 6) et Iesod (l'Equilibre,
séphire 9). Beauté, Equilibre… Harmonie. Harmonie entre
les deux mondes, celui d'En-Haut et celui d'en-bas.
Dans la Planche Tracée du Premier Grade, l'Echelle de
Jacob, des Trois Grandes Lumières à l'Etoile
Flamboyante, trace la " voie " directe entre les Saintes
Ecritures (disposées sur la Chaire du Vénérable Maître,
humble représentant du Roi Salomon) et le Trône de la
Grâce.
- les trois triangles sont orientés vers le Très-Haut pour
exprimer l'idée d'Evolution, seule " réponse spirituelle " à
l'Involution Divine.
- l'Evolution (élévation) apparaît dès lors comme le reflet,
l'image inverse de l'Involution… à l'instar du Temple
Maçonnique, reflet du Temple de Salomon.
Adam retrouvé
ATouM, ABraM, ADaM… Ces trois noms sacrés
résonnent à notre oreille de manière identique. Ils
commencent tous par la lettre-mère Aleph et se terminent
par le Mem final. Ce sont des noms géniteurs.
- ATouM, c'est l'explosion créatrice surgie du NOuN dont
la double négation rappelle le chaos primordial, le NON-
être, l'incréé. La Création, elle, est continue et universelle.
Elle se génère dans l'Aleph, l'Alpha, et se régénère dans
le Thau, l'Omega.
- ABraM, c'est Ab, le père, celui des trois religions du
Livre. L'adjonction du Hé fécondant fera de lui Abra-ha-m
par la volonté de YHWH qui le fit
" père d'une foule de peuples " (Genèse XVII, 5).
- ADaM est le père de l'Humanité.
Concernant ce dernier, il semblerait logique, en Gématrie,
de développer son nom comme suit :
A-leph = 1, D-aleth = 4, M-em final = 600, total 605 = 11
= 2
Or la kabbale le développe ainsi : A-leph = 1, D-aleth =
4, M-em simple = 40, total 45 = 9 correspondant à la
neuvième séphire du Sixième Jour (voir tableau).
Y aurait-il donc deux Adam ? C'est ce que nous allons
tenter de comprendre.
L'ADaM avec un grand M, le Mem final synonyme
d'accomplissement et de plénitude, c'est l'Adam Kadmon,
le Fils engendré, le Premier-né, l'Androgyne, l'Etre
Parfait… l'Homme-Dieu réalisé " à l'image " du Créateur
lorsque, par la manifestation de Sa seule volonté, " la Face
décida de contempler la Face ".
Il est bien le 2, contraction du 11, symbole de l'Unité-
Principe face à son reflet.
L'Adam avec un petit m,… c'est l'homme, tout
simplement. L'homme de chair et de sang. L'image de
l'Image. L'Adam du monde sensible, reflet éphémère de
son paradigme, l'AdaM Primordial et éternel du monde
absolu, auquel Dieu donna le pouvoir de créer, comme
Lui, par le Verbe.
On sait ce qu'il advint. Mais par le jeu des miroirs, nous
gardons une part de l'Etincelle Divine. Il nous appartient
d'en sublimer le feu afin de retrouver le vrai sens du verbe
créatif.
C'est ce qu'avaient compris, bien avant nous, le Maître
Bâtisseur et le Maître Spagyriste, élevés tous deux à
l'école pythagoricienne et hermétiste :
- Adam est matière, nombre sensible et mesurable, Pierre
Brute et Pierre des Philosophes, corps terrestre.
- AdaM est esprit, Nombre Pur et absolu, Pierre
Cubique et Pierre Philosophale, corps céleste.
Dès lors, la voie était toute tracée : remonter de l'impur
vers le Pur, de l'Adam terrestre à l'AdaM céleste, répondre
à l'involution par l'évolution, c'est-à-dire l'élévation de
l'esprit, passage obligé de l'immanence à la transcendance.
Hermès et Pythagore en avaient déjà déterminé les
principes.
La Franc-Maçonnerie en fournira les outils : l'Equerre et le
Compas.
Nous avons essayé de retrouver les deux ADAM dans le
Temple. Deux remarques préliminaires s'imposent
cependant :
1°) La plupart des kabbalistes représentent le symbolisme
adamique dans le seul Temple de Salomon, ce qui les
conduit parfois à des résultats quelque peu déconcertants.
Ainsi sont-ils amenés, par le jeu des correspondances avec
le microcosme, à situer l'Autel des Holocaustes au beau
milieu du Sanctuaire !…
Peut-être n'avons-nous pas su saisir le message, mais il
nous a semblé évident que nous ne pouvions faire
l'économie de la consubstantialité " Temple de
Salomon/Temple Maçonnique ", le second étant le reflet
inverse du premier.
2°) Dans cette perspective, nous avons " redéployé "
l'Arbre Séphirique d'une manière différente, comme une
double colonne de part et d'autre de l'axe central des
DEUX temples. C'est là, reconnaissons-le, une vision très
personnelle. Et si elle peut étonner les puristes, elle n'a
cependant d'autre but que de rendre les choses plus
évidentes au Franc-Maçon.
Ainsi apparaît clairement la triple analogie :
. Sagesse (Hochma) de l'Esprit (Nechama) et Saint des
Saints (Debir)
. Force (Gebourah) du Corps (Nephesch)
et Vestibule (Oulam) ET Parvis-Loge Maçonnique
. Beauté (Tipheret) de l'Ame (Rouach)
et Sanctuaire (Hekal)
L'harmonie est totale.
Elle se poursuit dans la structure même des deux Grandes
Colonnes, où l'on retrouve la Sagesse et l'Intelligence
(Binah) dans la sphère, la Force et la Stabilité (Iesod) dans
le fût et la Beauté et la Grâce (Hessed) dans le chapiteau.
Quant aux embases, elles équilibrent le Royaume d'en-bas
(Malkout) entre le Calme (Hod) et le Mouvement
(Netzah), le Yin et le Yang dans le Tao.
Dès lors, l'unité trine des trois Grands Piliers de la Loge
Maçonnique se confond avec la trinité une de l'ADAM
dans le Temple, véritable " colonne vivante ".
Car, on l'aura compris, ce qui vaut pour l'AdaM céleste du
Temple Salomonique (en rouge) vaut pour son reflet,
l'Adam terrestre du Temple Maçonnique (en bleu).
Pour l'un comme pour l'autre, on reconnaîtra, le long de
l'axe, les trois zones du schin (la tête créée du feu, Saint
des Saints), du mem (le ventre créé de l'eau, Vestibule) et
de l'Aleph (la poitrine créée de l'air " qui tient l'équilibre
entre eux ", Sanctuaire).
Schin, Mem, Aleph : schema.
Le schéma divin se décline dans le Temple et
dans l'Homme-Temple.
Enfin, toujours le long de l'axe, on notera que la Septième
Porte (la bouche) correspond à l'endroit précis où s'exerce
la Parole Divine : l'Arche d'Alliance dans le Saint des
Saints et le Volume de la Sainte Loi sur l'Autel de l'Orient
Maçonnique.
Ce sont des points de prononciation.
De même le cœur marque-t-il l'endroit exact de l'Autel des
Parfums dans le Sanctuaire et de l'Autel des
Serments (selon les Rites) au centre de la Loge.
N'ayant pas souhaité surcharger le dessin par la
superposition des deux ADAM, nous laissons le lecteur
entrevoir sans peine les points de génuflexion que
constituent les deux Autels, lieux d'offrande, d'humilité
devant le Tout-Puissant Créateur et de fidélité à Sa Parole.
Ultime remarque, et non des moindres car elle suscite en
nous une intense émotion : comment ne pas reconnaître
le Fils de la Veuve, Grand Architecte et Pilier Spirituel du
Temple qui en façonna les deux Grandes Colonnes dans
les terres glaises du Jourdain, et fit preuve d'une
inébranlable fidélité au dépôt sacré qui lui avait été
commis ?
Et comment ne pas reconnaître son émule, qui le
personnifie dans le Temple Maçonnique au cours d'une
des plus émouvantes cérémonies que nous offre notre
Rituel ?
Il y a là, nous le pensons, matière à une réflexion
profonde.
Elle conduit le Franc-Maçon spéculatif à la seule voie
possible pour retrouver les "mots de la Maîtrise" :
la maîtrise des mots.
La Parole et le Sens
Abracadabra !
Ce terme kabbalistique contient deux mots hébreux dont
l'étymologie se perd dans la nuit des temps : bara (créer)
et dabar (la Parole, l'Oracle, qui donna son nom au " Debir
", le Saint des Saints du Temple de Salomon où reposait
dans l'ombre la Sainte Arche d'Alliance de Moïse
renfermant le Décalogue, c'est-à-dire les " Dix Paroles ").
Rien ne saurait mieux définir la Création par le Verbe.
Aujourd'hui, hélas, ce mot a perdu toute signification et n'a
d'autre but que de faire s'émerveiller les enfants. Nous
sommes bien loin de la Haute Magie des Grands Prêtres de
l'Ancienne Egypte.
Pourtant, nous en avons gardé la trace. Il ne s'agit pas, bien
sûr, de jouer les illusionnistes. Mais nous conservons,
ancrée au plus profond de notre mémoire collective,
l'empreinte première du processus divin de la Création :
pensée, verbe émané de la pensée, création émanée du
verbe.
Le Franc-Maçon de Tradition en fait régulièrement
l'expérience dans le Temple Maçonnique. Comment ? Par
l'exercice du Rituel. Le Rituel, parole émanée d'une pensée
traditionnelle et sémantique, est l'Outil par excellence, la
Matière Première de la " création consciente ".
Chaque mot y est une pierre liée à l'autre par le ciment de
l'esprit créatif. Il est un élément constitutif d'un tout, c'est-
à-dire d'un édifice structuré et structurant.
Il n'est pas étonnant, dès lors, que nos Planches, tracées ou
à tracer, soient considérées comme de véritables
" morceaux d'architecture ".
Par le symbolisme initiatique, le Rituel Maçonnique
réinvente l'art de bâtir à l'exemple de nos Anciens Frères
Opératifs et sert de modèle, de référence, pour la
construction de notre temple intérieur.
Très paradoxalement ce temple, où siège la Parole Sacrée,
est fait de silence. Un silence primitif où germe le sens.
Car à l'image de celle du Créateur, notre parole se forge
dans le silence de la pensée consciente. Sans cette pensée,
elle est vide de sens et n'est que pure spéculation. Sous les
pointes du Compas, elle devient spéculation pure,
constructive et vivifiante.
Spéculer, c'est donc donner du sens par la parole. Acte
volitif, prélude indispensable à l'acte créatif. Et donner du
sens, donc tendre vers la création, c'est offrir. Mieux
encore : dédier.
" Daigne, Père Tout-Puissant, Maître Suprême de
l'Univers, étendre Ta protection sur nos Travaux et
accorder à ce candidat à la Franc-Maçonnerie de dédier
et de consacrer sa vie à Ton service afin qu'il devienne un
Frère loyal et fidèle parmi nous. "
Telle est la vibrante invocation que chacun d'entre nous a
pu entendre le soir de son Initiation. Elle nous exhorte à ne
jamais oublier cette grande vérité : créer par le verbe c'est,
au nom du devoir sacré de mémoire, mettre nos actes en
parfaite conformité avec notre parole.
Avec, toujours en filigrane, l'éternelle et lumineuse
vibration du Verbe Divin.
le.cardo@wanadoo.fr
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