josé cabrero arnal
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De la Républiqueespagnole aux
pages dela vie du créateur de
PHIL
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LOUBA
TIÈRES
JOSÉ
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BRER
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Table des matières
Avant-propos 7
La biographie d’un crayon rouge
Castilsabas, pauvre terre natale 11
Des traits et des couleurs, un rêve d’enfant 13
La « belle République » d’un jeune grand de la BD espagnole 16
La guerre, le sang, les larmes… mais la BD ? 31
Un long fleuve de misères… La Retirada ! 48
De l’exil
« L’indésirable » Arnal dans les camps français 57
En passant par la Lorraine… 61
Le déporté 6299 67
Que faire de ces déportés « apatrides » ? 78
Le « retour » 80
L’homme et l’artiste
Un caractère 91
« Mon oncle » (el tio Pepe !) 107
José, le républicain 110
Le Syndicat des dessinateurs professionnels 119
De Plim à C. Arnal, le créateur 131
Espoirs 164
Chronologie 166
Lexique 171
Remerciements 173
« Toutes les choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. »
André Gide
« Pour tourner la page, il faut d’abord l’avoir lue (Para pasar pagina, primero hay que leerla). »
Titre du manifeste d’Amnesty International adressé en 2009
à José Luis Rodriguez Zapatero, président du Gouvernement espagnol.
« bristol » d’Arnal avec adresse
de son domicile en France, à Saint-Maur.
Coll. Pilar Bailina.
LOUBATIÈRES
JOSÉ CABRERO ARNALPHILIPPE GUILLEN
De Plim à C. Arnal, le créateurTrès tôt, à Barcelone, l’enfant est le lecteur assidu de
toute revue de Tébeo (BD) qui traîne. Et comme il le raconte
plus tard à ses amis, il « attendai(t) le prochain numéro
avec impatience à la porte de la librairie avant même qu’elle
ouvre ».
Bien vite, le petit lecteur passionné se met à manier le
crayon puis la plume, et le voici qui se transforme en auto-
didacte du dessin. Il se forme donc très tôt en observant
tout ce qui l’entoure et en s’exerçant sans cesse. Ainsi, en
imaginant, en animant, en faisant vivre ses petits person-
nages, « trompe-t-il son ennui ». Et comme il doit s’ennuyer
cet enfant qui dessine en tous lieux et tout le temps ! « Je
me suis mis à dessiner partout, sur mes livres et mes cahiers
d’école, avec des bouts de charbon sur les murs blancs ou
avec de la craie sur les trottoirs. Toute surface lisse était
bonne pour le dessin »
écrit-il dans
Une vie dePif,
L’HOMME ET L’ARTISTE
Détail : Pif n’est pas que pêcheur…
il chasse aussi !
Album Mes mémoires, 1957.
coll. philippe guillen.
131
Page de gauche.rare exemple de l’œuvre de jeunessede Plim, puisqu’il s’agit d’un texte illustré.
Le narrateur conte les aventures
d’un britannique, un certain Léopold
Carabin, chasseur et explorateur
(encore une fois) récemment rentré
à Londres après un voyage autour du Monde.
Les méthodes de chasse très particulières
de ce personnage y sont expliquées
et le lecteur apprend comment capturer
un lion, ou comment s’emparer d’un squale
féroce… en lui tendant une assiette de
pâtisseries. Tout serait bon dans le requin,
nous dit-on : sa viande est semblable à celle
du sanglier et sa graisse est toute aussi
bonne qu’un beurre au lait de vache.
Coll. Daniel Cabrero.
et les rares amis à qui il a parlé de son enfance ajoutent
encore, comme Pilar Bailina « … et chez lui [aussi], et avec
les papiers d’emballage des courses… ». Au début, le jeune
dessinateur se choisit un pseudonyme, Plim, et, lorsqu’il
s’amuse à parodier quelques scènes de la vie familiale, et
même son père Emeterio, c’est sur un bout de nappe qu’il
le fait.
Plus tard, devenu jeune homme et s’intéressant à d’autres
sujets, José ne se défait pas de cette habitude : on le voit
JOSÉ CABRERO ARNAL
132
Barcelone, années 1930. Crayonné d’un projetd’une « série horripilante » intitulée
« Les ravisseurs d’enfants » avec, en 2e case,
un avis de recherche présentant le visage
d’un des malfaiteurs, Pelonegro (Poilnoir).
Qui le capture touchera une récompense
faramineuse, 35000 os de poules.
ColL. DANIEL Cabrero.
Petite tête sur bout de papier « récupéré »(origine : service de la mairie de Barcelone).
Coll. Daniel Cabrero.
même promener sa plume sur du papier à en-tête de la
Generalitat – « dont on ne sait où il le récupérait », dit son
neveu Daniel.
S’il aime par-dessus tout la BD, c’est-à-dire raconter
des histoires en utilisant plusieurs cases ou vignettes, et
que celle-ci devient très vite son activité essentielle, il appré-
cie aussi l’art difficile de la caricature et prend énormément
de plaisir à forcer les traits caractéristiques de voisins, de
personnes rencontrées ou de personnages connus, jusqu’à
ce qu’ils en deviennent comiques ou ridicules. Après la
guerre pourtant, et jusqu’à aujourd’hui sans doute, son
public français ignore totalement son immense talent de
caricaturiste ; il est vrai que lui-même a choisi de ne plus
le pratiquer que pour ses amis, comme pour tirer un trait
sur son passé. 133
L’HOMME ET L’ARTISTE
Au crayon et signé de Jésus Cabrero(le frère aîné) la maison natale
à Castilsabas, province de Huesca, Aragon.
Depuis, elle a été rasée.
Coll. Daniel Cabrero.
En France, José Cabrero Arnal est seulement connu
pour ses récits en images, ses histoires pour enfants. Très
nombreux d’ailleurs sont ceux qui, dans ce cadre-là, ignorant
l’autre aspect de son activité professionnelle antérieure, ont
absolument essayé d’en faire le disciple de tel ou tel auteur
comique et « animalier » de BD.
On sent bien que certains dessinateurs qui ont précédé
José et certains de leurs personnages qui l’ont davantage
marqué que d’autres, ont sans doute inspiré le jeune homme
qui l’admettait d’ailleurs volontiers. Oui, il a bien reçu des
influences lui aussi, mais il explique qu’il a rapidement
tenté de s’en détacher. Le lecteur attentif peut noter
combien, dès les débuts de sa carrière espagnole, il s’efforce
de ne pas faire du Walt Disney bis comme tant d’autres
l’ont fait, mais cherche plutôt à développer son propre style,
dans le trait, dans le scénario, dans le sujet. À Louis Cance
qui l’interroge des années après sur ses « modèles », il
explique clairement quel était alors son souhait de jeune
dessinateur professionnel : allier « un style américain [et]
l’humour latin ». Et dans le même entretien, s’il avoue s’être
d’abord exercé à l’imitation, on sent que son désir
L’HOMME ET L’ARTISTE
135
Page de gauche.Barcelone, Œuvre de jeunesse.Un essai signé PLIM (pseudonyme d’un jeune
artiste non publié encore) : 2 cases à l’encre
sur une page (pÁgina) qui en compte 6, les 4
restantes étant crayonnées.
La première vignette est accompagnée d’un
court dialogue au crayon et en espagnol :
« le gardien : – Écoute ! Un ami désire te voir.
Le détenu : – Dis-lui que je ne suis pas là ! »
ColL. DANIEL Cabrero.
José et Denise à Monaco, années 1950.Coll. Daniel Cabrero.
JOSÉ CABRERO ARNAL
136
fut toujours de se différencier de ses grands prédécesseurs :
« Tout dessinateur, à ses débuts, est influencé par un autre
et ce n’est que peu à peu que sa propre personnalité prend
le dessus. Pour ma part, encore enfant, j’ai été émerveillé
par les bandes de Felix le chat de Pat Sullivan et son influence
marquait fortement mes premiers dessins… » (p. 17
du fanzine Hop, n° 2 spécial bébêtes, 1974). José ne
mentionne que cette référence et omet de citer quelques
autres de ces grands maîtres de la BD de l’époque qui l’ont
fortement marqué. Car on lui sait d’autres personnages
bien aimés, et tous ses proches se souviennent avec quelle
gourmandise il reproduisait, par exemple, les courbes de
cette jolie héroïne de papier nommée Betty Boop.
À en croire ses quelques intimes, cette passion précoce
pour le corps féminin, son dessin et son modelé, lui est
restée. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la justesse
et la finesse de son trait lorsque le jeune fêtard de Barcelone
croque une danseuse créole du Barrio Chino, ou bien lorsqu’il
représente en 1940, et alors qu’il est dans l’hiver lorrain,
son amie et marraine Joséphine Baker.
Barcelone. À l’encre et au crayon,un essai de BD publicitaire jamais achevé
pour cause de Guerre (témoignage de Daniel
Cabrero). Il y est question de vanter
la solidité des chaussettes d’une grande
marque textile catalane, qui traversent
les siècles comme peuvent le faire aussi
les bandelettes d’une momie. Soucieux
de réalisme, à en croire la précision
des coiffes, Arnal a dû consulter quelque
documentation sur l’antiquité égyptienne.
Coll. Daniel Cabrero.
Parallèlement à ses activités professionnelles visibles
ou officielles, on sait maintenant qu’il s’est toujours beau-
coup amusé à réaliser de-ci de-là et clandestinement –
car Denise veillait ! – quelques dessins coquins pour ses
amis. Rappelons-nous aussi Mauthausen et n’oublions pas
que c’est à ce genre de production qu’il doit sans doute,
et pour une bonne part, sa survie ¹¹9 et qui peut dire si,
sans ce talent-là, Pif, Placid et Muzo et même Roudoudou
auraient vécu? Les enfants, ses premiers lecteurs, y auraient
beaucoup perdu.
L’HOMME ET L’ARTISTE
137
Un dessin de jeunesse, Espagne,années 1930.Esquissé au crayon et à peine
visible, le bestiaire d’Arnal.
Une autruche, une girafe,
un lion et, au centre,
un explorateur blanc qui,
imperturbable, joue avec un yoyo.
Coll. Daniel Cabrero.
119. C. Arnal n’est pas le seul artiste espagnol contraint par les SS des camps à fairedes dessins pornographiques. Artistas y cientificos espanoles en Mauthausen, Edi-cion de la Amical, Barcelona, 2007, p. 13. Rosa Toran cite par exemple le cas dujeune Ramon Mila Ferrerons, Barcelonais né en 1921, matricule 3975.
Peut-être faut-il imaginer que ce côté « secret » de notre
dessinateur préféré est l’un des héritages de son enfance ?
Peut-être est-ce là un tout petit moyen et très personnel
de transgresser une des règles et traditions morales qu’on
a voulu lui inculquer en cette vieille Espagne cléricale et
monarchiste dans laquelle il a grandi. L’ex-enfant de chœur
croquant « l’indécente » Betty Boop, précède donc le jeune
homme apprenti mécanicien qui n’hésite pas cette fois à
braver ouvertement le père qui voudrait bien que son fils
exerce un « vrai métier ». Cette passion du dessin poussée
finalement jusqu’au bout, son obstination au point d’oser
affronter enfin l’hostilité du milieu familial, d’aller jusqu’au
conflit, alors que certains ont dit ensuite de lui qu’il préférait
l’évitement, a sans doute contribué à forger son caractère.
Un caractère qui a peut-être contribué à le sauver plus tard,
à un moment clé de sa vie, dans l’enfer des camps.
Le jeune garçon débutant avait bien raison d’être confiant
en ses capacités : les enfants de Barcelone ou de Valence 139
L’HOMME ET L’ARTISTE
Esquisse préparatoire de Top et Topilita,sa fiancée, qui prennent la pose. Années 1930.
Étude de postures au crayon.
L’artiste qui nous donne sa méthode et
qui dessine nos deux sympathiques toutous
n’ignore plus rien de ce que signifient
volumes et cucurbitacées.
Coll. Daniel Cabrero.
Page de gauche.Portrait de jeune femme.Œuvre de jeunesse.
Coll. Daniel Cabrero.
adoptèrent rapidement ses personnages et suivirent avec
grand plaisir leurs aventures. Ce fut aussi le cas des spécia-
listes, des gens du milieu qui bien vite le repèrent, et pas
seulement ses compatriotes espagnols. Très tôt et à l’étranger,
ses dessins ont du succès : ainsi connaît-on C. Arnal dans
le Portugal voisin. Là-bas en effet, les planches de Pocholosont très régulièrement traduites et reproduites en une de
la revue O Mosquito, et cela dès les premiers mois de sa
naissance en janvier 1936. C’est ainsi que le jeune Lisboète,
comme l’enfant barcelonais, peut lire dès la première page
du n° 5 de son illustré hebdomadaire du 11 février 1936,
Tesouro escondido, c’est-à-dire l’aventure de Pocholo n° 155
intitulée « El tesoro escondido » ou bien encore, en une de
son n° 8, découvrira-t-il « O Reis dos animals » et en une
du n° 12, « Cao Top » qui n’est autre que la version portugaise
de « Topilita tiene un capricho » ¹²0. Et comme un bonheur
ne suffit pas, à Lisbonne et pour 5 escudos, il peut aussi
140
JOSÉ CABRERO ARNAL
120. Une de O Mosquito n° 5 : Une de Pocholo n° 155 ; Une de O Mosquito n° 8 du3 mars 1936 : celle de Pocholo n° 144 « Rey de los animales » ; celle de O.M. n° 12du 31 mars 1936 : celle de Pocholo n° 177… idem pour les n° 9, 10, 13, 14 (Unamaquina colossal), 15, 16, 17 (Top trovador)… de O Mosquito. Seules les couleurschangent, la palette de l’imprimeur portugais étant plus réduite.
Tonton césar, tante agathe et Doudouenthousiastes et qui semblent voleter
au-dessus du sol et de leur ombre…
sauf Madame, peut-être, dont le pied touche
terre. Illustration en page 26 du « Pif à
la chasse aux lions », Hors-série des
« Aventures de Pif le chien ». Septembre 1955.
Coll. Philippe Guillen
Couverture de « Vaillant » n° 620, mars 1957.Préoccupation de l’après-guerre :
se nourrir, et se bien nourrir !
Les longues années de rationnement
ne sont pas loin, qu’elles soient dues à
l’occupation ou, plus tard, à la période
de restriction dite de « Ramadier-
Ramadan » (du nom du Ministre).
Arnal aime le jambon… ses personnages
aussi. Muzo a une façon très
particulière de fumer la charcuterie
devant un Placid qui s’impatiente,
prêt à en découdre. Mais, armé de
la plus longue des fourchettes,
Pif est là : qui aura la meilleure part?
Coll. Philippe Guillen.
Détail tiré des Aventures de Riquiqui
(auteur : R. Moreu) et Roudoudou,
le petit cabri (auteur : J. C. Arnal), « Pipolin »,
n° 49, octobre 1961.
Coll. Philippe Guillen.
JOSÉ CABRERO ARNAL
142
se procurer l’album – un album! – Guerra no paiz dos insectos(Guerre au pays des insectes), traduit dans sa langue et
bien sûr édité par O Mosquito. En ces années 1930, C. Arnal
est déjà artiste international !
José, artiste reconnu et respecté, qui adore toujours lire
de la BD, comme l’enfant qu’il fut, éprouve aussi de l’ad-
miration pour le travail de ses confrères. Cela lui est resté,
même après avoir déposé crayons et pinceaux. Il le reconnaît
encore en 1974, à un âge déjà bien avancé et à une période
où cette passion tout autant que les gens qui y cèdent sont
encore un tantinet méprisés. Lui-même raille d’ailleurs un
peu l’attachement qu’il éprouve pour ce plaisir mais n’en
répond pas moins clairement à qui l’interroge sur le sujet :
« Bien sûr, je lis des BD! Surtout les bandes comiques, qui,
je l’avoue sans honte, me procurent la même joie que j’éprou-
vais étant enfant… » (Hop n° 2, p. 17).
Page de droite.Réunis dans un même dessin, Pif, Placid,
Muzo… et les fameuses oranges de Noël.
Couverture de « Vaillant »,
n°551, 4 décembre 1955.
Coll. Philippe Guillen.
couverture avec calendrierdu journal « Vaillant », n° 580 du 24 juin 1956,
numéro spécial vacances, 32 pages, détail.
Comme souvent dans les vignettes
panoramiques d’Arnal, le lecteur peut
repérer plusieurs petites saynètes
juxtaposées ou gags : Pif s’essayant à la pêche
en flaque, Placid dubitatif avec une bien
petite hache pour un bien gros tronc
(le lecteur en déduira comme une ellipse :
Muzo n’est pas prêt de débuter la cuisson),
les deux neveux faisant une nouvelle bétise,
et deux personnages secondaires mais
récurrents : le professeur qui chasse
la soucoupe et le gendarme rabat-joie (Ah,
comme il serait doux d’interdire d’interdire !…
pense Arnal, 12 ans avant mai 68).
Coll. Philippe Guillen.
Riquiqui et Roudoudou,
en p. 16 de « Pipolin – les gaies images »,
Détail. Mensuel n° 49, octobre 1961.
Coll. Philippe Guillen.
JOSÉ CABRERO ARNAL
144
De la même façon, José aime encore et beaucoup les
dessins animés qu’il peut suivre à la télévision. Il en regardera
toute sa vie. Cette passion-là il la partageait déjà à Barcelone
avec son ami Artur Moreno et le faisait savoir à un jour-
naliste de El Dia Grafico qui, en avril 1930, vient les inter-
roger. Il apprécie, dit-il, cette production qui vient des
États-Unis, mais ajoute : « J’ai la conviction que
Pif et hercule face à face.Coll. Philippe Guillen.
Couverture de « Vaillant »,n° 708 du 7 décembre 1958.
Un gendarme qui n’en croit pas
ses yeux. et se gratte le Pif.
Coll. Philippe Guillen.
146
si nous produisions en Espagne des dessins animés aussi,
nous parviendrions à nous opposer à cette invasion améri-
caine, car nous ne manquons pas d’humour, ni de bons
dessinateurs dans notre pays ¹²¹. » Après guerre, Moreno
parviendra à faire deux longs métrages : Garbancito de laMancha en 1945, et Alegres vacaciones en 1948. Ce ne fut
pas le cas d’Arnal qui le regrettera toujours ¹²².
« Les aventures de Pif le chien », n° 43,septembre 1961, p. 17, Détail.
après une bastonnade policière, Placid est
au repos… Bien sûr, il y a eu méprise :
une « bavure » des forces de l’ordre.
Coll. Philippe Guillen.
Différentes couvertures de « Pif Gadget »« période rouge ». Bien qu’Arnal ne signe
plus aucun dessin dans ces pages, voici
La cultissime couverture du numéro 60,
d’avril 1970. Le journal présente pour
la première fois un gadget vivant : la Poudre
de vie. On parlera de Pifises pour désigner
les œufs de minuscules crustacés vendus
avec la revue, des œufs d’artémia. Ce numéro
détient encore, avec un million d’exemplaires,
le record des ventes pour une revue
européenne de BD. Ce record ne sera égalé
que par un autre numéro de Pif, le n° 137
de septembre 1971, celui des pois sauteurs
du Mexique (les Pifitos).
« Pif gadget » n° 61… et de quoi nourrir
les Pifises.
« Pif gadget » en Espagne : parmi les 37 numéros
qui paraîtront de l’autre côté des Pyrénées
entre 1978 et 1979, voici celui
de la catapulta (reprise du n° 157 français,
de février 1972). il présente une aventure
de Pif, « la buena suerte » (la bonne chance),
signé C. Arnal… une sorte de retour au pays !
Coll. Philippe Guillen.
121. « El cinema espanyol, de l’adveniment i la implantacio del cinema sonor (1929)a l’esclat de la Guerra Incivil (1936) » in Cinematograf, n° 3, 2001, article de JordiArtigas i Candela, III Jornadas Cinematografiques, Editorial Societat Catalana deComunicacio, p. 179-180.
122. La Historia del Tebeo Valenciano, Clasicos en Jauja, Pedro Porcel, 2002, p. 52.
Une des « Aventures de Pif le chien » n° 6,supplément du journal l’Humanité n° 2229
du 3 novembre 1951. Le gendarme,
personnage récurrent.
Coll. Philippe Guillen.
L’HOMME ET L’ARTISTE
149
Dans un précédent chapitre, nous avons déjà découvert
quels étaient les horaires et la « discipline de travail » du
professionnel de l’après-guerre (selon Pilar Bailina mais
aussi Une vie de Pif, p. 19). Sa vie de jeune barcelonais,
nocturne, devait quant à elle difficilement se prêter de telles
pratiques, régulières pour ne pas dire routinières. Mais hors
des horaires probablement plus « chaotiques » de l’artiste
débutant, il semble que son sens du travail bien fait soit
resté une constante du personnage. Sa façon de trouver
l’inspiration et le gag devait aussi déjà ressembler – orga-
nisation exceptée – à celle du « vieux » dessinateur confirmé,
tel qu’il l’explique en 1957 à un rédacteur de Vaillant venu
l’interroger. À la question : « Mais où vas-tu chercher tes
gags et tes idées ? », voilà ce qu’il répond :
« Mes aventures vécues, je les traduis d’une façon
comique. Mais il m’arrive de n’avoir aucune idée, alors je
sors, et c’est rare si dans la rue, je ne découvre pas une scène
humoristique… À 4 heures du matin, debout. Un bon café,
Page de gauche.Image symbolique : la Rencontre !En partance pour la Lune – et il faut
décrocher la lune ! – Pif, bien installé
dans le cockpit de sa soucoupe moderne,
croise son vieux père Top, en équilibre
instable sur une vieille fusée. L’un s’en va,
se retire, quand l’autre arrive. À l’intérieur
de ce n° 26 des « Aventures de PIF le chien »
(d’avril 1960), les toutes premières pages
des Aventures sidérales du chien Top
(version en français de l’album barcelonais
paru dans les années 1930). La Fin de ce récit
lunaire paraîtra, un mois après, dans le n° 27
des « Aventures de Pif le chien »
dont la couverture présente un Top
toréador face à un bien curieux auroch.
Coll. Philippe Guillen.
Caricature de Jaime Tomas,dessinateur de « Pocholo » et ami d’Arnal.
(J. Tomas était présent lors du banquet de
1930, cf. p. 122.)
coll. Daniel Cabrero.
JOSÉ CABRERO ARNAL
150
une cigarette et hop, au boulot jusqu’à midi. Petite sieste
et, re-hop, jusqu’à 7 heures… Mais attention : silence
complet pendant que je fais les “crayons”. C’est là que naît
l’idée, il faut de la concentration. Ensuite, passer les dessins
à l’encre, c’est une routine, et ça va tout seul ! Je peux même
écouter la radio, Yves Montand ou bien le jazz Nouvelle-
Orléans ¹²³… »
Les historiens actuels de la BD espagnole, même s’ils
parlent peu de lui, le considèrent tout de même comme
« un des auteurs comiques d’influence majeure de la décen-
nie 1930-1939 » ¹²4.
Lui-même se reconnaît un mérite avec ses amis de
l’époque, c’est-à-dire « une demi-douzaine de jeunes enthou-
siastes de la BD (Moreno, Mestres, Tomas, etc.), [à avoir
été parmi] les premiers à implanter en Espagne le système
“parlant” des personnages au moyen de bulles ¹²5… »
123. Interview d’Arnal, Vaillant n° 622, 14 avril 1957.124. La Historia del Tebeo Valenciano-Clasicos en Jauja, Pedro Porcel, Generalitat
Valenciana, Ediciones de Ponent, 2002, p. 53.125. Hop, n° 2, spécial bébêtes, p. 17.
La Boxe, toujours !en couverture des « Aventures de Pif le
chien », mensuel n° 43 de septembre 1961.
Quand le poing sort de l’écran, c’est du
surréalisme. Et Pif n’en croit pas son œil
gauche (l’autre étant fermé, et pour cause !).
En 1957 déjà, la couverture du n° 612 de
« Vaillant » (février) présentait une
réalisation du même type : dans une salle
obscure, Hercule, ce coup-ci spectateur,
tirait sur Pif alors sur l’écran puisque acteur
dans un film projeté. Le pistolet était
à bouchon, bien sûr !
Coll. Philippe Guillen.
4e de couverture de « Cutezatorii »,journal des jeunes Pionniers de Roumanie.
13 janvier 1972.
Coll. Philippe Guillen.
Les artistes se cachent souvent derrière leurs créations ; José Cabrero Arnal n’a pas
échappé à la règle. Pourtant, le créateur de Pif le chien et de son ancêtre en Espagne Topel Perro, de Roudoudou, de Placid et Muzo et de bien d’autres encore, qui signait
simplement « C. Arnal », eut une vie en dehors des cases et des bulles.
Passionné dès son jeune âge par l’art du dessin, par la caricature aussi, il n’a de cesse de
vivre de son crayon. Durant les années 1930, celles de la IIe République espagnole, il
exerce à Barcelone la Catalane. Il participe à de nombreuses revues destinées à la jeunesse
avant de s’engager dans le combat pour la défense de la République. Jusqu’à la Retirada.
C’est le temps de l’exil en France, où la guerre, bientôt déclarée, l’emporte de nouveau vers
l’inconnu, d’abord dans les commandos de travailleurs étrangers puis en déportation.
À Mauthausen, où son talent de dessinateur et la solidarité des « rot Spanier » l’aideront
à survivre.
À la Libération, il s’installe en France et collabore à L’Humanité puis à Vaillant. L’élégance
de son trait et la fraîcheur de caractère de ses personnages lui valent la reconnaissance du
milieu des artistes de la bande dessinée et feront les délices de deux générations d’enfants,
de l’après-guerre jusque dans les années 1970.
Né il y a 50 ans à Toulouse, au sein d’une famille de républicains espagnols, PhilippeGuillen a été un des jeunes lecteurs de Vaillant le journal de Pif puis de Pif-gadget.C’est à ces lectures qu’il doit son amour du dessin et de la caricature, mais aussi de l’Histoire qu’il enseigne aujourd’hui en lycéeprofessionnel.
Grand connaisseur et collectionneur de l’œuvre de C. Arnal, Philippe Guillen a interrogé les documents d’archives etrencontré ses proches. Ils lui ontraconté l’homme et prêté des documents inédits : les premières esquisses et caricatures, des lettres et papiers de famille, des photographies…
Il nous offre ainsi une biographie inédite et passionnante de l’un des artistes les plus talentueuxet féconds du 9e art.
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w.lo
ub
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res.
frISBN 978-2-86266-659-4
32 € 9 782862 666594
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