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« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 2/47
L’IMMOBILIER DE LOISIRS, composante essentielle
de la qualité de l’accueil en montagne
Colloque organisé par l’Association Nationale des Elus de la Montagne
MOUNTAIN PLANET
Grenoble, AlpexpO, 14 avril 2016
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 3/47
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 4/47
L’immobilier de loisirs, composante essentielle
de la qualité de l’accueil en montagne
Accueil : Laurent WAUQUIEZ, député de la Haute-Loire, président de la Région
Auvergne-Rhône-Alpes et de l’ANEM
Les caractéristiques et les enjeux de l’immobilier de loisirs en montagne Christian
MANTEI, directeur général d’Atout France
Première partie - L’approche globale de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs
- Les outils mis en place par le groupe Caisse des Dépôts : Pierre-René LEMAS,
directeur général
- La relance du chantier de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs : Bernadette
LACLAIS, députée de la Savoie
Seconde partie - Les opérations concrètes pour améliorer la qualité de l’hébergement
- Les dispositifs pour faire évoluer les hébergements
- L’hébergement paramètre stratégique de la qualité de l’accueil touristique en
montagne
Conclusion
- Chantal CARLIOZ, vice-présidente du Département de l’Isère
- Marie-Noëlle BATTISTEL, députée de l’Isère, secrétaire générale de l’ANEM
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 5/47
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
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Ouverture du colloque
Guy CHAUMEREUIL, Animateur : En introduction nous allons regarder le message vidéo
de Laurent WAUQUIEZ, député de la Haute‑ Loire, président de la Région Auvergne-Rhône-
Alpes et de l’ANEM. Celui-ci n’a en effet pu être présent pour cause de séance plénière du
conseil régional.
(Message vidéo.)
« Bonjour à tous.
J’ai eu le plaisir d’inaugurer hier, avec Pierre LESTAS, le Président de Domaines skiables de
France (DSF), le salon Mountain Planet. Vous savez à quel point celui-ci nous tient à cœur,
nous, les élus de la montagne. Ce partenariat avec DSF est donc très important.
Mountain Planet est vraiment notre vitrine, la vitrine de l’innovation de la montagne, la vitrine
de la montagne française avec son dynamisme, son énergie. La montagne est une chance
incroyable pour la France.
Je ne peux malheureusement pas être avec vous aujourd’hui à ce colloque, mais je tenais à
vous adresser un petit mot.
L’immobilier de loisirs est un des enjeux stratégiques pour l’avenir de la montagne française.
Trop de lits froids aboutissent à une pénalisation du fonctionnement de nos stations de ski, à
une pénalisation de la dynamique future de la montagne.
Autour de nous, nos concurrents se sont réveillés, en Italie, en Autriche.
Il est donc indispensable – et c’est ce que plaident les élus de la montagne – qu’on réenclenche
un véritable plan de réhabilitation de l’immobilier et de conversion des lits froids en lits chauds
comme cela s’était fait à une époque par le biais d’un système de déduction fiscale.
J’en profite pour remercier la Caisse des dépôts et consignations de son investissement (j’ai
été amené à discuter avec les équipes et je remercie Pierre-René LEMAS d’être présent parmi
vous). C’est une chance d’avoir la Caisse des dépôts et consignations à nos côtés.
L’objectif est d’obtenir, dans les années à venir, un nouveau plan « Montagne » conforme à
celui qui a permis de donner de l’élan à toutes nos stations de ski, et c’est sur ce thème que
nous devons nous battre.
La montagne est un atout fabuleux. Elle est pourvoyeuse d’emplois, mais il faut qu’on veille
sur notre montagne et, surtout, qu’on n’arrête pas d’investir, parce que nous, les montagnards,
savons que, lorsqu’on relâche le travail et l’effort, on finit toujours par payer l’addition.
La montagne française mérite mieux. Elle mérite d’être au premier plan. Il faut qu’on veille
sur elle, et cela passe aussi par l’immobilier.
Merci à tous. »
(Applaudissements.)
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
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Guy CHAUMEREUIL : Le Président Laurent WAUQUIEZ vient de dire sans ambages, avec
son ton personnel, c’est-à-dire franc, que l’immobilier des loisirs est au cœur d’une nouvelle
étape du tourisme de montagne à travers cet enjeu déterminant que représente ce qu’on appelle
les lits froids et qu’il nécessite un effort collectif comparable à ce qui a été fait pour le premier
« Plan neige ».
Nous allons voir que réchauffer les lits froids n’est qu’un élément du puzzle. Encore faut-il
savoir pour quelle destination, à l’intention de quelle clientèle et si la chaîne de production
(l’immobilier, le domaine skiable et non skiable, la qualité des services, bref, le produit global)
est bien en cohérence pour donner ou redonner à la montagne française une forme de leadership.
L’ANEM a souhaité faire le point sur ce dossier en organisant ce colloque auquel la Grande
Traversée des Alpes (GTA), que j’ai le plaisir de présider aujourd’hui, prête son concours je
dirais presque tout naturellement, soutenue et accompagnée par la Région PACA, la Région
Auvergne-Rhône-Alpes, les huit départements alpins, le Comité de massif, le Commissariat
général à l’égalité des territoires. La GTA, opérateur expert du tourisme itinérant en France,
anime quelque 400 hébergements liés au tourisme itinérant sur l’ensemble du massif.
Deux tables rondes et des interventions ex cathedra vont rythmer ce colloque ouvert par Laurent
WAUQUIEZ.
Je passe la parole à Christian MANTÉI, directeur général d’Atout France, qui va nous parler
des caractéristiques et des enjeux de l’immobilier de loisirs en montagne.
Les caractéristiques et les enjeux de l’immobilier de loisirs en montagne
Christian MANTÉI, directeur général d’Atout France : Merci. Mesdames et Messieurs les
Élus, Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs, Monsieur le Directeur général de la
Caisse des dépôts et consignations, chers amis, vous m’avez demandé de parler de l’immobilier
de loisirs et je vous en remercie.
Je vais tout de suite laisser de côté les notions de lit chaud, de lit tiède et de lit froid qui sont,
dans une certaine mesure, des faux amis, parce que, ce qui constitue l’enjeu principal, c’est
l’attractivité globale des destinations qui sont généralement adossées à des marques
internationales qui les portent sur les marchés internationaux et qui sont incarnées auprès des
clients, des opérateurs touristiques, des distributeurs, des résidents secondaires ou principaux
et des investisseurs. Pour cela, il nous faut :
– développer des stratégies de destination pour que nos territoires soient attractifs auprès des
clientèles du monde entier et des stratégies de place d’investissement pour que les investisseurs
puissent venir et revenir (c’est d’ailleurs le sens des contrats de destination en cours de
déploiement qui incarnent cette exigence de choix d’un positionnement d’un effort de
synchronisation entre l’action sur le produit et les actions sur les marchés. Il y a en effet
vraiment nécessité de bien synchroniser nos efforts, parce que, parfois, les modèles
économiques des transports partent d’un côté et les modèles économiques des hébergements de
l’autre, et de synchroniser les démarches que nous ferons à l’international et les démarches de
développement des produits) ;
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 8/47
– mobiliser tous les acteurs autour d’objectifs partagés (avant qu’ils soient partagés, il faut
toutefois qu’ils soient bien compris) ;
–développer de l’intelligence économique collective.
Un ancien Ministre de l’économie et des finances qui était également en charge de notre secteur
(certains d’entre vous le reconnaîtront) a dit : « Ce qui ne se compte pas n’existe pas », ce qui
était peut-être un peu provocateur. À l’époque, il y avait d’ailleurs eu un grand frisson dans la
salle, parce que le secteur du tourisme n’avait pas l’habitude d’évaluer en particulier ses efforts
en termes de retombée.
Cela est vrai aussi pour l’immobilier de loisirs. Les diffus hors marché, c’est seulement trois
semaines d’occupation en hiver. Un lit rénové répondant aux attentes des clientèles et remis en
location intensive, c’est trois à quatre fois plus d’occupation.
Le seul enjeu économique de la rénovation de notre parc immobilier ne se chiffre pas en million
mais en milliard d’euros pour l’économie touristique française. Quand on sait que les résidences
secondaires représentent en moyenne entre 50 et 75 % des lits touristiques dans les stations et
que 70 % de notre parc d’hébergement ont plus de trente ans, on a une petite mesure des enjeux.
Je ne vais pas vous abreuver de chiffres, mais c’est un repère solide.
Je ne parle pas des enjeux liés à la perception de la taxe de séjour alors que les marges de
financement public sont toujours plus contraintes, et je pense que vous les avez tous en tête.
Je constate encore pourtant à regret que trop peu de territoires ont structuré des observatoires
immobiliers alors qu’ils constituent une composante souvent déterminante de leur appareil de
production touristique. À cet égard, sachez que les outils techniques existent désormais après
une phase de tests que nous avons conduite pendant près d’un an. N’hésitez donc pas à nous
solliciter pour faciliter votre projet.
La rénovation commence avec l’intelligence économique qu’il faut d’ailleurs nourrir. Ce n’est
pas parce qu’on crée une plateforme d’intelligence économique qu’elle est créée définitivement.
Il faut la nourrir, la remettre en question, avoir des indicateurs fiables, pour bien piloter le
développement.
Au-delà des seules données économiques, la réhabilitation constitue aussi un marqueur de
qualité et un accélérateur de développement durable.
Quand une dynamique de réhabilitation se met en œuvre à l’échelle d’une station ou d’une
copropriété, on optimise les questions énergétiques et les innovations dans les services, on
redéveloppe la station sur la station en revalorisant les espaces publics et naturels, on construit
de nouvelles relations avec les propriétaires pour qu’ils soient davantage acteurs de la
dynamique touristique (ce qui est évidemment fondamental), on change d’échelle temporelle et
spatiale en déclinant la stratégie sur le parc immobilier existant et le neuf dans les outils
urbanistiques comme les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux
d’urbanisme (PLU) et les questions relatives aux mobilités.
Et le client ? Que pouvons-nous en dire en moins d’une minute, sachant qu’une minute est
parfois le temps qu’il met à se décider pour faire sa réservation sur Internet, en ayant au départ
une envie d’activité et/ou de destination stimulée par les réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, le consommateur, le voyageur ou le client est non seulement producteur du fait
qu’il coproduit le service et l’offre, mais aussi média, car il fait l’opinion, puis la presse suit les
réseaux sociaux, en subissant (ou en profitant selon le regard qu’on y porte) les parcours
numériques quasi fléchés par les investissements marketing colossaux de quelques opérateurs
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
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Internet surpuissants que nous appelons les OTA1 (l’investissement « marketing » en
référencement ou SEO2 dans notre jargon, de Booking est de 1,400 milliard de dollars par an)
et en disposant de sites comparatifs avec des images, des vidéos, pour acheter le produit au
rapport qualité/prix qu’il souhaite en toute connaissance de cause.
Au vu de cette description du client et du consommateur actuel, vous aurez compris que c’est
plutôt chez lui qu’il faut chercher les lieux de pouvoir.
Je n’évoquerai pas la non-qualité, parce qu’elle est de fait du hors marché ou rapidement du
hors marché. C’est aussi valable pour les produits que pour les destinations, parce que, dans
l’esprit du client, en tout cas dans son approche, une destination est aussi un produit.
Avant de conclure, je voudrais insister sur trois points.
Tout d’abord, l’internationalisation n’est pas un choix. C’est une exigence qui doit s’imposer à
tous les acteurs, car elle place l’attractivité concurrentielle au centre de l’action.
Le marché français est une nécessité, mais il permet seulement aux entreprises d’atteindre un
petit équilibre au bas de bilan. Si on veut faire de la croissance, de la valeur, il faut aller chercher
les clientèles internationales. Cette exigence est tout particulièrement vraie pour le tourisme de
montagne en été sur lequel de réelles marges de progression sont possibles. La qualité de
l’immobilier de loisirs proposé constitue à l’évidence une des clés des développements futurs.
Ensuite, les clients évoluent comme les usages avec des mouvements profonds quant au rapport
à la propriété versus l’usage, l’usage devenant assez rapidement à la fois une source de revenus
pour le propriétaire et un levier de retombées territoriales grâce à une meilleure occupation (on
voit bien les enjeux). Le développement massif de la location entre particuliers traduit cette
évolution, Internet facilitant cette convergence.
La dernière étude que nous avons réalisée montre qu’en hiver, les lits en montagne génèrent
13 % des séjours touristiques, soit presque le double des séjours hôteliers et la moitié des séjours
générés par les résidences de tourisme.
Airbnb, qui est devenu incontournable dans nos analyses, nos résultats et nos productions,
précisait récemment que son stock de logements disponibles en montagne représentait
aujourd’hui 10 000 logements contre presque rien il y a trois ans. À Paris, il y a eu 25 % d’offres
de plus à Paris en un an. Ce sont des progressions colossales. On trouve d’ailleurs partout en
France des petites villes qui développent une offre « Airbnb ». Par exemple, à Arles, qui connaît
un grand succès grâce à ses rencontres photographiques célèbres dans le monde entier, on est
passé en un an et demi de 400 à plus de 1 000 offres et cela intéresse maintenant toute la grande
clientèle internationale.
Un quart de ce stock ne faisait pas l’objet de mise en marché précédemment. Il générait une
fréquentation comportant des séjours de quatre nuits en moyenne répartis tout au long de
l’année (54 % en été et 46 % en hiver), captant 45 % de voyageurs internationaux dont 15 %
non européens (Australie, Brésil, Turquie, par exemple).
Enfin, en matière de réhabilitation et de remise en marché de l’immobilier de loisirs, la volonté
ne suffit pas. Il faut aussi structurer une stratégie en amont et organiser un pilotage opérationnel
qui conjugue l’action sur le neuf et le parc existant en optimisant le peu de financement public
disponible. C’est aussi pour cela que nous avons créé un pôle « Ressources » dédié au sein
1 Online Travel Agency : portail de réservation en ligne permettant la réservation d’une ou plusieurs prestations
de voyage : vol, train, hôtel, services… 2 Search Engine Optimization : équivalent anglais du mot référencement. L'optimisation sert à obtenir un bon
positionnement du site dans les résultats des moteurs de recherche. Être classé en première position lors d'une
requête populaire sur un moteur accroit généralement le nombre de visiteurs.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 10/47
d’Atout France qui est à votre disposition et qui a publié récemment un guide d’ingénierie pour
faciliter la concrétisation de vos projets.
En conclusion, je dirais que, derrière Internet et la force de pouvoir du consommateur, il y a
l’expérience recherchée – et, j’espère, réussie – qui est fortement traduite dans les réseaux
sociaux avec des images et des commentaires qui font l’opinion, mais qu’il y a aussi, derrière
cette expérience, le service et, derrière ce service, l’infrastructure. Par exemple, dans un
aéroport, on peut faire évoluer le service jusqu’à un certain point du fait de l’infrastructure, etc.
Il n’y a pas de « soft » sans « hard ».
Même s’il faut s’adapter à la clientèle, développer des services adaptés, etc., il faut bien
comprendre que le tourisme est une économie de l’offre. Le marché mondial est certes en
croissance de 4 à 5 % par an en termes de demandes, mais la croissance de l’offre est supérieure.
Nos concurrents investissent d’ailleurs beaucoup dans toutes les formes d’offre tant à la
montagne (où de nouveaux concurrents apparaissent), en ville, sur le littoral qu’en matière de
centre de congrès, de centre d’exposition, etc.
Merci de votre attention.
(Applaudissements.).
GC : Merci Christian d’avoir jeté les jalons principaux de notre discussion.
Il faudrait – c’est d’ailleurs le souhait de Pierre BRETEL, délégué général de l’ANEM, – que
ce colloque ne soit pas le énième mais un colloque qui marque une vraie détermination, un
véritable départ et un réel effort vis-à-vis de ce serpent de mer que sont les lits froids et dont
j’entends parler depuis quelques décennies.
La première table ronde va porter sur la mobilisation des acteurs du financement qui est en
marche. Puis, au cours de la seconde, des élus des Vosges, des Pyrénées, des Alpes
témoigneront de leurs initiatives pour répondre à cet enjeu de la relance de l’immobilier de
loisirs et, plus généralement, de la filière touristique.
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Première partie :
L’approche globale de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs
Les outils mis en place par le Groupe Caisse des Dépôts
Guy CHAUMEREUIL : Pierre-René LEMAS, l’ADN de la Caisse des Dépôts, ce sont les
territoires (il n’est donc pas étonnant que vous soyez la cheville ouvrière de ce nouvel effort).
Ce n’est pas nouveau et votre investissement dans le tourisme n’est pas nouveau non plus.
Qu’est-ce qui fait qu’il y a un avant et un après ? En clair, qu’est-ce qui détermine la Caisse des
Dépôts à forcer l’allure, à changer de braquet aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous a amené à cela ?
Pierre-René LEMAS, directeur général du Groupe Caisse des Dépôts : C’est un choix. De
temps en temps, il faut faire des choix.
Pendant beaucoup d’années, la Caisse des dépôts avait un métier de partenaire des collectivités
locales, des acteurs locaux. C’est vrai ici depuis très longtemps et c’est vrai dans tous les
départements de montagne. La Compagnie des Alpes est d’ailleurs une filiale de la Caisse des
Dépôts en partenariat avec beaucoup d’acteurs qui sont là et avec les collectivités locales.
Deux raisons à ce choix.
Tout d’abord, tout le monde est d’accord pour dire que la France a besoin d’investir. Le
tourisme n’est pas, comme cela a été dit à l’instant, une nostalgie ou un projet global. Le
tourisme est un domaine majeur de l’investissement pour notre pays si on a en tête qu’il va y
avoir en gros 20 millions de touristes de plus d’ici 2020 en France. Ils peuvent passer par chez
nous pour aller en Espagne, en Italie ou en Autriche, et ils peuvent aussi rester chez nous. S’ils
restent chez nous suffisamment de temps, ce sera un volume économique absolument
considérable. Pour les faire rester, il faut par conséquent du service et des équipements. Le
tourisme doit donc redevenir – dans la continuité de ce qui s’est fait dans le passé, mais avec
une véritable rupture – un axe majeur de développement pour la Caisse des Dépôts, parce que
c’est nécessaire à l’investissement national.
Ensuite, j’ai souhaité que la Caisse des Dépôts redevienne ce qu’elle a été pendant beaucoup
d’années, c’est-à-dire la Caisse des Dépôts des territoires, qu’elle soit présente sur les territoires.
Par rapport à cela, il faut avoir en tête que le développement économique n’est pas hors sol,
mais qu’il est dans les territoires, avec les écosystèmes locaux, c’est-à-dire là où l’on crée de la
valeur. Nous avons donc besoin d’être de nouveau présents sur les territoires. C’est pour cela
qu’on a depuis longtemps une antenne à Grenoble et que j’ai souhaité que l’on crée une nouvelle
antenne sur l’arc alpin que je vais inaugurer en fin d’après-midi à Chambéry.
Une fois que l’on a fait ces choix, il faut définir les moyens.
Après beaucoup de travaux réalisés en interne et en lien avec le Ministère en charge du tourisme
(c’est-à-dire, jusqu’à il y a quelques mois, le Ministère des affaires étrangères, donc Laurent
Fabius), nous avons choisi de mettre l’équivalent de 1 milliard d’euros à disposition du tourisme
en France.
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Nous avons mis en place une Foncière « Tourisme » pour créer des capacités d’hébergement,
des capacités hôtelières, au niveau national, avec des « gros tickets » puisque nous avons mis
une centaine de millions d’euros, ce qui fait un effet de levier puisque l’on va faire, avec des
partenaires, 500 millions d’euros. Nous avons mis de côté une capacité d’investissement pour
les équipements, c’est-à-dire les infrastructures, de l’ordre de 500 millions d’euros sur les quatre
ans à venir, et nous avons mis en place avec BPI-France3 un fonds de capital développement
doté de 100 millions d’euros.
Tout cela représente au total 1 milliard d’euros pour la vision nationale, dont la montagne
(depuis que j’ai dit que nous allions regarder les projets, les projets arrivent, ils ne portent pas
uniquement sur la montagne, mais notamment sur la montagne). Cela ne s’était pas fait depuis
la grande époque des grands aménagements dans les années soixante-dix.
Je suis un des vieux rédacteurs de la loi « Montagne », acte I. Je regarde donc avec beaucoup
d’attention la venue au monde de l’acte II.
Au niveau local – parce que rien ne se fait si cela n’est pas fait aussi au niveau local –, nous
avions déjà créé la Foncière Rénovation pour apporter, en lien avec La Compagnie des Alpes,
une première réponse à la problématique bien connue des lits chauds, des lits tièdes et des lits
froids. Nous avons créé, avec nos partenaires des établissements financiers qui sont présents
ici, la Foncière hôtelière des Alpes dotée de 30 millions d’euros.
G.C : Qui démarre d’ailleurs plutôt bien.
P-R.L : Voilà. Donc, une vision nationale, parce que la montagne fait partie de l’ensemble de
la politique touristique nationale (à nous de nous mobiliser et à vous de vous mobiliser, parce
que les financements sont là) et des outils régionaux.
G.C : Le déclencheur, est-ce les élus qui vous ont dit : « Il faut mettre les bouchées doubles,
parce qu’on ne peut pas passer au travers de la problématique des lits froids » ? Répondez-vous
à une attente que vous auriez ressentie des territoires sur ce thème précis ?
P-R.L : La réponse à votre question est oui. Je ne vais pas vous dire que j’ai entendu parler
pour la première fois des lits chauds, il y a huit mois. On connaît ce sujet depuis de nombreuses
années.
Le problème n’est pas de poser la question. Vous connaissez et nous connaissons tous cette
problématique. Le problème est de trouver des éléments de réponse satisfaisants pour éviter
d’avoir des friches touristiques à la place des stations. On a donc besoin d’inventer, d’innover
et de trouver de nouveaux outils, mais aussi d’accepter que cela ne marche pas.
Je suis pour les Success Story, parce qu’il faut que cela marche, mais on peut expérimenter,
quitte à prendre le risque que cela ne soit pas forcément un succès. Si c’est le cas, on fait une
analyse, on corrige ou on arrête les frais et on passe à autre chose.
Je pense qu’il faut avoir, comme me l’ont dit tous les élus de la montagne, une vision un peu
dynamique, un peu innovante, un peu offensive.
G.C : Avec quelles exigences arrive la Caisse des dépôts par rapport à cela ? Vous avez des
exigences de vos partenaires, des territoires ?
P-R.L : J’ai des exigences assez simples.
Je me permets de rappeler dans tous les colloques auxquels on a la gentillesse de m’inviter que
l’argent de la Caisse des Dépôts ne provient pas des contribuables (je parle sous contrôle de
Michel BOUVARD, ancien président de la Commission de surveillance de la Caisse des Dépôts
3 BPI-France : La Banque publique d'investissement ou BPI-France est un groupe public français de financement
et de développement des entreprises.
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 13/47
qui se trouve être un élu de la montagne). Vous ne payez pas d’impôts qui serviraient à faire
vivre la Caisse des Dépôts. L’argent de la Caisse des Dépôts provient de l’argent déposé par les
épargnants sur leurs livrets A, donc de l’épargne populaire. La première exigence est donc de
ne pas perdre un euro de cet argent.
Deuxième exigence : il faut un niveau de rentabilité minimum, parce que l’argent public et
l’argent de l’épargne populaire ne sont pas faits pour être dépensés comme cela. Cela veut dire
que la Caisse des Dépôts ne verse pas de subventions. Elle regarde la pertinence économique
d’un projet, que ce soit un projet d’infrastructure, un projet d’équipement, un projet hôtelier, un
projet de résidence, un projet public, un projet privé, l’objectif étant qu’il soit utile à l’intérêt
général et qu’il rapporte un peu d’argent.
Je rappelle que chaque épargnant que nous sommes considère qu’un intérêt de 0,75 % n’est pas
beaucoup (nous sommes d’accord), mais que l’argent coûte aujourd’hui zéro. Il faut donc qu’on
fasse en sorte que la Caisse des Dépôts soit une maison solidement robuste, et je pense que c’est
l’intérêt bien compris de l’ensemble de nos partenaires. Pour les acteurs économiques, cela va
de soi, car on ne fait pas une opération pour perdre de l’argent, parce que ce serait une
catastrophe économique à terme et une horreur en termes d’emploi. Pour les collectivités
locales, c’est la même chose.
Je crois qu’il faut qu’on arrive collectivement – vous l’avez d’ailleurs déjà fait depuis longtemps
en montagne – à faire la démonstration que l’argent mis pour des infrastructures et/ou des
équipements n’est pas de l’argent à perte. C’est de l’argent qui génère de la valeur, qui crée de
l’activité économique, qui crée de l’emploi. C’est dans ce sens qu’il faut qu’on avance
collectivement.
La Caisse des Dépôts ne mettrait pas 1 milliard d’euros sur la table si elle ne croyait pas à
l’avenir du tourisme, et elle n’aurait pas créé ces instruments au service de l’économie
touristique en montagne si elle ne croyait pas au développement du tourisme dans les années à
venir, à condition de s’adapter et d’être moderne.
G.C : Ce milliard existe ?
P-R.L : Cet argent existe.
Ce milliard a l’avantage d’être de l’argent dégagé par la Caisse des Dépôts avec des
investisseurs qui sont venus avec elle, non parce qu’ils ont un sens philanthropique et
bénévolant de l’intérêt général, mais parce qu’ils pensent qu’ils vont faire une bonne affaire et
qu’il va y avoir des taux de rendement internes intéressants. Par ailleurs, nous croyons à la
capacité des collectivités locales de faire des projets d’infrastructure et d’équipement qui valent
la peine.
Cet argent a une autre vertu. Comme ce n’est pas de l’argent budgétaire, il n’y a aucun risque
qu’il soit régulé par le Ministère des finances.
G.C : Nous allons poursuivre avec vos partenaires sur le terrain.
Pascal MARCHETTI, ma question, qui sera un peu la même pour tous, avec peut-être une
sensibilité différente, sera double. On a parlé de la Foncière hôtelière, de la Foncière Rénovation
Montagne qui marche peut-être un peu moins bien. La Foncière hôtelière des Alpes concerne
les Alpes comme son nom l’indique. Comment fonctionnez-vous par rapport à cela ?
Qu’apportez-vous ? Quelles exigences avez-vous ?
Pascal MARCHETTI, directeur général de la Banque populaire des Alpes : La première
exigence est de financer de beaux projets et de financer des professionnels de l’hôtellerie qui
ont un vrai projet, un savoir-faire capable d’accueillir les touristes dans nos régions par rapport
aux standards et aux attentes d’aujourd’hui, mais qui n’ont pas les moyens financiers de porter
des murs.
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 14/47
G.C : Qu’est-ce qu’un vrai projet pour un hôtelier ?
Pascal MARCHETTI : Par exemple, on est en train de monter une opération aux Deux Alpes
d’une résidence hôtelière d’un nouveau genre ciblé sur les jeunes. Les Deux Alpes restent une
station plutôt « jeunes », plutôt « ski », limite « free ride », parce que c’est un domaine skiable
technique (je ne skie pas beaucoup aux Deux Alpes, parce que mon niveau ne me le permet pas
toujours). L’idée est donc de faire venir des jeunes. Cela rénove l’image de la montagne et cela
correspond à un besoin de ces jeunes avec des conditions de prix convenables, mais il faut un
savoir-faire pour les accueillir et les fidéliser.
Il y a plein d’autres projets, mais c’est vraiment l’exigence.
Que mettons-nous en place ?
Nous mettons en place ce que j’appelle la notion de « fonds patient ».
Les acteurs bancaires autour de cette table ont trois points communs : ils sont concurrents, ils
sont coopératifs et ils sont territoriaux. À nous quatre, nous représentons les banques qui ont un
siège de décision local et des actionnaires ou sociétaires locaux. La seule contrainte que nous
avons est que nos frontières sont délimitées par un territoire. La Banque populaire des Alpes ne
peut, comme les autres, pas aller plus loin que la frontière naturelle que lui offrent ses statuts.
Notre ambition et notre vocation sont donc de créer des écosystèmes.
La Banque populaire des Alpes fait 25 % de son chiffre d’affaires en montagne. S’il n’y avait
plus de neige demain, il y aurait un problème, car, s’il n’y a plus de neige, il n’y a plus de
touristes, mais il peut aussi y avoir de la neige et pas de touristes. On a donc besoin de rénover
l’écosystème. Pour cela, on va travailler sur toute la chaîne de valeur.
La banque est une activité qui travaille sur toute la chaîne de valeur : elle fait des crédits, de
l’épargne, des services, des flux, de la gestion de patrimoine. Elle accompagne un gamin qui
fait ses études, un ménage qui s’installe, un artisan qui monte son activité de plomberie, un
loueur de skis, etc. Nous devons donc mettre en place les conditions de faire cela.
La chance que nous avons est que nos exigences de fonds propres réglementairement sont
beaucoup plus patientes en matière de rentabilité que celles des sociétés cotées. Par exemple, à
la Société Générale et à la BNP, ils regardent le cours de la Bourse tous les jours. En ce qui me
concerne, je regarde non pas le cours de la Bourse tous les jours, mais la satisfaction de
l’économie territoriale, des clients et de l’écosystème et mon travail consiste à utiliser la
ressource financière que nous avons pour aider à faire émerger des projets.
Comment aidons-nous à travers la Foncière hôtelière des Alpes ?
Les hôteliers ont de beaux projets, de beaux savoir-faire, de bonnes idées marketing, mais il
leur manque souvent les fonds propres pour acheter de l’immobilier, parce que celui-ci est cher
(ce qui est rare est cher). Nous pouvons donc, avec d’autres investisseurs, leur apporter le
complément de fonds propres pour porter les murs (bien sûr avec une rentabilité, parce que,
comme l’a souligné Pierre-René LEMAS, ce ne sont pas des subventions, mais de la prise de
participation) et détendre le montage financier (à une époque où les taux sont bas, il y a un
premier effet d’aubaine du fait que l’effet de levier est, tout en restant prudent, plus facile avec
les taux bas et durablement bas) pour apporter des solutions et permettre à des hôteliers de
financer leurs investissements en équipement, en marketing, etc.
Donc, sécuriser le montage financier et, pour nous, rénover l’écosystème.
G.C : Cela vous amène-t-il à discuter du projet avec l’hôtelier, à lui donner peut-être de pistes
auxquelles il ne pense pas ?
P.M : Oui. Complètement, parce qu’on n’est pas encore dans le rôle du banquier. Il y a ce qu’on
appelle une Muraille de Chine chez nous, c’est-à-dire que les personnes qui décident des projets
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 15/47
d’investissement capitalistique dans la Foncière sont différentes de celles qui vont faire le crédit
pour qu’il n’y ait pas mélange des genres. Je ne suis donc pas là pour arbitrer. Il y a des process
très précis. Pour autant, même si la Foncière est à la base un investisseur, on se situe très en
amont de la partie « investissement ». Il faut donc que les gens n’hésitent pas à venir nous voir
dès l’origine de leur projet pour que nous puissions accompagner le plus en amont possible la
structuration financière de celui-ci. Il est important de faire passer ce message.
G.C : Quels délais vous donnez-vous par rapport au montage, à la réalisation, à la mise en
œuvre d’un projet dans le cadre de la Foncière hôtelière des Alpes ?
P.M : Je ne peux pas donner de délais. En matière d’acquisition immobilière, entre la promesse
de vente et l’achat, il se passe déjà trois mois.
G.C : Il y a une envie d’agir vite aussi.
P.M : Oui, mais il faut être raisonnable. Ce sont des projets longs, notamment lorsque ce sont
de grosses infrastructures. Ces dossiers peuvent donc mettre plus de six mois à émerger.
G.C : Pour ceux qui seraient intéressés, ce n’est pas non plus une usine à gaz. C’est
opérationnel.
P.M : C’est complètement opérationnel. Le délai n’a rien à voir avec une usine à gaz.
Par rapport à la Foncière, il y a aussi une notion de guichet unique dans la mesure où cette
structure faîtière qui réunit les investisseurs (on n’a donc pas besoin d’aller en voir plusieurs)
est à l’origine de l’opération et va ensuite s’adresser à d’autres financeurs comme ceux qui sont
autour de cette table, mais également à BPI qui nous aide beaucoup.
G.C : Martial SHOULLER, je pense que, pour le Crédit Agricole, la problématique est la même
et que vos interventions sont du même type. Vous avez aussi ce souhait, avec vos partenaires,
vos opérateurs, sur le terrain, d’avoir une vision globale du produit et pas uniquement des lits
froids. Comme on l’a dit tout à l’heure, le lit froid est le premier fil qu’on va tirer de la pelote,
mais les sports d’hiver, les attentes du public, ont changé en trente ans. Entrez-vous cela dans
votre réflexion, dans votre dialogue avec vos clients, avec les opérateurs qui font appel, par
exemple, à la Foncière hôtelière des Alpes ?
Martial SHOULLER, directeur général adjoint du Crédit Agricole des Savoie : La
Foncière hôtelière des Alpes est une des réponses de massif.
Je suis directeur général adjoint du Crédit Agricole des Savoie, c'est-à-dire de la Savoie et de
la Haute-Savoie. Je parlerai donc pour ces deux départements.
Le tourisme représente 5 % du PIB de la Savoie et 30 % de la Haute-Savoie. Il a donc une
importance pour ces deux départements.
Le tourisme est aujourd’hui une industrie lourde. Lorsque vous investissez dans des remontées
mécaniques, vous le faites pour vingt ou vingt-cinq ans. Lorsque vous construisez des
résidences de tourisme, vous investissez pour une durée équivalente. On a donc des besoins
importants, non seulement parce que l’économie de nos deux départements est appuyée très
largement sur le tourisme, mais aussi parce qu’il y a nécessité d’avoir des capitaux pour financer
quelque chose qui se rapproche plus de l’industrie que de l’activité de service.
Pour un lit, quel que soit le modèle, il faut compter entre 40 000 et 100 000 euros
d’investissement. Cela veut dire qu’il faut, chaque année, entre 160 et 400 millions d’euros pour
compenser les 4 000 lits que se refroidissent, qui disparaissent, dans nos deux départements de
Savoie. Vous voyez donc les enjeux considérables en termes de volume et d’immobilisation de
capitaux. C’est la raison pour laquelle il faut une palette de solutions. La Foncière hôtelière des
Alpes est une réponse, le milliard d’euros que porte la CDC pourra y contribuer, mais il faut
qu’on fasse feu de tout bois, parce que les besoins sont très importants. C’est pour cela qu’il
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
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faut que les banques régionales travaillent toutes ensemble, ce qu’elles font d’ailleurs. Même
si nous sommes concurrents sur le terrain, nous savons nous retrouver pour mener des actions
communes, mais ce n’est qu’un des éléments. La chaîne fonctionne en fonction de son maillon
faible.
Quels sont les maillons ?
• L’hébergement
Nous en avons parlé.
• L’exploitation
Qui va prendre le leadership sur l’exploitation des hôtels et des résidences de tourisme dans
nos stations demain ? Aujourd’hui, il faut qu’on les fasse émerger et qu’on les accompagne.
Ce maillon est très important.
• L’équipement des stations et des domaines skiables
On peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut, mais, là où les Autrichiens investissent
500 millions d’euros par an, les Français investissent 300 millions d’euros et, là où ils font
100 millions en neige de culture, nous en faisons 40 millions. Vous voyez le décalage qui
est en train de se créer.
Dans les grandes stations qui comptent en termes de volume, entre 50 et 70 % de clientèles
étrangères sont aujourd’hui amenés par des tour-opérateurs qui nous arbitrent en une minute
sur Internet comme cela a été dit tout à l’heure. Si vous offrez le package qui va bien, ils
emmènent les gens en Savoie, en Haute-Savoie, en Isère, dans les Alpes-de-Haute-Provence,
etc. Si les Autrichiens offrent un meilleur package, ils les amènent en Autriche. En plus,
dans les domaines skiables, il y a une problématique d’investissement et de neige pour que
les domaines soient disponibles.
• La qualité de la clientèle
Investit-on aujourd’hui sur une clientèle de plus en plus étrangère et que fait-on avec la
clientèle nationale, les jeunes ? On sait qu’un Français sur dix skie et que, si les stations sont
souvent bien pourvues pendant les périodes de vacances scolaires, il y a aussi des périodes
intermédiaires sur lesquelles il peut y avoir une place intéressante pour les clientèles
régionales ou nationales, mais c’est une action de longue haleine.
Il y a donc une palette de maillons à traiter pour qu’on conserve 50 % du PIB des départements
provenant du tourisme.
G.C : Je sais que vous êtes particulièrement proche du terrain en Savoie et en Haute-Savoie,
mais vous avez sans doute oublié un maillon qui serait d’être capable d’identifier et de
comptabiliser les lits froids. Dans cette démarche, est-on capable aujourd’hui de dire combien
il y a de lits froids dans nos stations en France, où sont les propriétaires, etc. ? N’est-ce pas
d’abord un premier obstacle ? Parce qu’il faut bien expliquer pourquoi on ne s’est pas encore
vraiment bien attaqué à ces lits froids.
M.S : Je pense qu’il y a deux questions très différentes.
La première porte sur les données. On a des données qui nous permettent déjà de comprendre
un certain nombre de choses, mais il y a peut-être, vous avez raison, un projet à créer et à fédérer
sur le Big Data de la montagne pour faire mieux. Affiner nos capacités à comprendre ce qui se
passe nous permettrait certainement de nous donner des moyens d’agir de manière chirurgicale
et non avec des mesures générales qui sont parfois inappropriées.
Christian ROUCHON, ne pensez-vous pas qu’il faudrait faire les états généraux des lits froids ?
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Christian ROUCHON, directeur général du Crédit Agricole Rhône-Alpes : Je ne suis pas
sûr, parce que la précision n’est pas la clé de la solution recherchée. L’enjeu est plus global que
cela. Il faut comprendre pourquoi cette situation est arrivée. Il faut aussi se dire qu’on a
complètement changé d’environnement. On a connu trente ans de hausse des prix de
l’immobilier et de baisse des taux et, pendant un certain nombre d’années, des gens ont investi
dans l’immobilier. Aujourd’hui, les gens n’investissent plus de la même façon dans
l’immobilier, certains comportements ne se reproduisent plus, l’environnement a changé, les
taux sont très bas, voire négatifs (et c’est peut-être parti pour longtemps). Il faut donc vraiment
intégrer ce nouveau paradigme, parce que cela change complètement la donne. Si on ne l’intègre
pas, on ne pourra pas trouver de solutions efficaces.
Il va falloir aussi intégrer les données sociétales. Si on ne prend pas en compte les évolutions
sociétales comme le passage de la propriété à l’usage qui est particulièrement marqué chez les
jeunes et qui se répand de plus en plus, amplifié par Internet qui permet de trouver des solutions
de location entre particuliers, on commet une grave erreur.
La réponse à ce sujet qui s’est construit au fil des années est multiple et il y a beaucoup de clés,
car beaucoup d’usages ont changé. Par exemple, la studette n’est plus un produit recherché.
Je pense qu’il faut prendre la globalité.
Par rapport aux chiffres, je partage ce qu’a dit Martial SHOULLER. Ne cherchons pas la
précision. Ce qui compte, c’est la poignée et non le palmaire. Une fois qu’on a la bonne poignée,
on peut avancer. Je crois que cela suffit pour avoir le bon raisonnement.
G.C : Par rapport à la Caisse de Crédit Agricole Rhône-Alpes que vous dirigez, vous avez été
confronté, il y a deux ou trois ans, à une envie de mesures nouvelles dont on a brossé le tableau.
Quelle a été votre approche ? Vous êtes-vous dit : « Il est temps qu’on y aille, mais quelles sont
mes exigences dans cette affaire, que vais-je rechercher et que vais-je exiger de la Caisse des
Dépôts et de mes partenaires sur le terrain ? », puisque vous êtes une banque ? Comment avez-
vous abordé le sujet ?
C.R : Comme cela a été très bien dit par mes collègues, vous avez devant vous des banques
coopératives. Chacune cultive son jardin, parce qu’elle n’a droit de faire que cela, mais, selon
la taille de la caisse régionale, le territoire est plus ou moins important. Cela peut donc être aussi
bien un jardin de curé qu’un jardin plus grand, mais on ne cultive que cela.
Par rapport à « Mon territoire est celui-là, comment je contribue ? », ce n’est pas de l’altruisme
désintéressé puisqu’on y trouve évidemment une contrepartie directe.
Le grand sujet, c’est que nous sommes tous des financeurs, leaders sur les ménages, les
professionnels, les entreprises, l’économie du tourisme – les trois grandes enseignes détiennent
une part très conséquente du marché bancaire (60 à 70 % selon les zones). Donc, soutenir
l’économie du tourisme, c’est soutenir l’activité des ménages, mais nous n’avons pas, par
rapport à l’immobilier, les problèmes qui sont évoqués.
On pourrait dire que c’est une approche d’investisseur, mais ce n’est pas notre approche. Notre
approche est globale. L’investissement est obligatoire, mais nous ne recherchons pas la
rentabilité de l’investissement.
Comme l’a dit tout à l’heure Pierre-René LEMAS, la Caisse des Dépôts prête l’argent provenant
des livrets A. C’est pareil en ce qui nous concerne. Nous ne prêtons pas notre argent. Nous
prêtons l’argent de nos clients, mais nous avons bien évidemment l’intention de leur rendre leur
épargne comme ils le souhaitent d’ailleurs.
L’épargne est notre fonction « achat ». Le crédit est notre fonction « vente ». Nos territoires ont
un atout considérable : outre le dynamisme de l’économie que vous connaissez tous dans cette
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région Rhône-Alpes, on a plus d’épargne que de crédit puisque, pour 100 d’épargne, on fait
62 crédits.
L’écart finance la nation, ce qui est très bien, mais il ne finance pas nos territoires. Or, plus
nous les accompagnons, plus nous conservons l’épargne des Rhônalpins sur le territoire
Rhônalpin pour nourrir l’économie Rhônalpine. C’est donc un jeu gagnant pour tout le monde.
Nous essayons donc de nous saisir de tout domaine sur lequel on perçoit qu’il y a une difficulté
économique et de voir quelle contribution nous pouvons apporter.
G.C : Admettons que vous soyez dans le secret de la salle de la mairie, avec un maire, un
responsable de remontées mécaniques ou un dirigeant de station. Que lui dites-vous de manière
assez ferme pour pointer les obstacles ? Où est le nœud du problème ?
C.R: Nous avons fait cela, il y a peu de temps, avec le directeur des stations d’Oz-en-Oisans
qui est dans la salle.
G.C : Je pense que vous parlez franc.
C.R : Il faut être direct dans la vie, parce que cela gagne du temps et que cela évite les
déceptions.
Tout à l’heure, Pascal MARCHETTI a évoqué la notion de projet. C’est fondamental.
On regarde si le projet a quelque chose de différenciant. Le projet d’Oz-en-Oisans va permettre
un accès beaucoup plus rapide en altitude à partir de Grenoble, ce qui est un atout différenciant
extrêmement important.
On regarde la qualité des hommes. Dans le tourisme comme dans tous les domaines, ce ne sont
pas les garanties « Sûreté réelle » et « Sûreté personnelle » qu’on nous donne qui sont en jeu.
C’est la qualité des projets et des hommes, parce qu’il n’y a pas de projet sans qualité des
hommes. Donc, on regarde et on explore qui est en face de nous, comment ils ont construit leur
projet, comment le projet a été préparé, etc.
On n’est pas au pays des Bisounours. La vie est difficile. Ne réussissent donc que ceux qui ont
de bons projets et qui s’y collent de façon professionnelle : business plan, prévision de
trésorerie… Il faut tous ces éléments et c’est ce qu’on regarde.
Un projet bien préparé, c’est rassurant pour un banquier. Des collectivités, des professionnels,
des patrons d’entreprise qui parlent cash, c’est aussi fondamental.
G.C : Martial SHOULLER, quand on parle « projet », le Crédit Agricole et vos partenaires
banquiers ont-ils une vision des priorités ? Par exemple, on a parlé des jeunes, vous avez parlé
de la clientèle locale ou régionale. Êtes-vous tous en mesure de dire : « Nous financerons en
priorité des projets qui vont dans tel sens ou dans tel autre » ? Vous ne pouvez pas aller partout.
M.S : Nous ne pouvons pas aller partout, mais nous sommes assez nombreux à avoir ces
convictions. Nous pouvons donc fédérer pour explorer un maximum et répondre à un maximum
de besoins.
J’ai cité quatre maillons tout à l’heure, mais j’en ai oublié un très important et qui concerne
beaucoup les collectivités : le hors ski.
La nouveauté, c’est qu’aujourd’hui, vous ne faites plus venir notamment des touristes étrangers
en grand nombre si vous ne proposez pas quelque chose après 17 heures qui va faire qu’ils vont
se sentir bien.
Aujourd’hui, on skie au maximum trois heures par jour, donc que fait-on après ?
Sur chacun de ces cinq maillons que sont l’hébergement, l’exploitation hôtelière, la qualité du
domaine, la qualité de la neige, le hors ski, il faut être au minimum moyen, voire au top. Ce
n’est en effet pas la peine d’avoir de beaux hôtels si les remontées mécaniques ne sont pas
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performantes. Inversement, ce n’est pas la peine d’avoir de belles remontées mécaniques si
vous n’avez pas le gymnase largement amélioré pour ne pas dire aqua-ludique qui va faire que
les gens vont avoir envie de venir chez vous. On est donc condamné à regarder, station par
station, comment fonctionnent ces cinq caractéristiques et à agir sur chacune d’elles, et il faut
le faire avec un maximum de partenaires.
Je suis savoyard d’adoption. J’ai compris en regardant vivre les gens de montagne qu’ils
travaillent ensemble, non parce qu’ils s’aiment (même si certains s’aiment aussi), mais parce
que, s’ils ne travaillent pas ensemble, ils disparaissent. Cette nécessité qui était vraie, il y a cent
ans, est vraie aujourd’hui, parce que personne d’entre nous dans la salle n’a une solution toute
seule.
Ce n’est pas être fleur bleue, mais une réalité, de dire que nous devons avancer groupés. À ce
titre, la Caisse des Dépôts peut être un excellent fédérateur comme la BPI peut être un excellent
accompagnateur avec les banques locales.
Il n’y a pas de priorités à avoir globalement. Il faut regarder ces cinq grands maillons et voir ce
qu’il faut faire progresser.
G.C : Didier BRUNO, comme cela a été évoqué, les attentes des clientèles ont complètement
changé. Dans les années soixante-dix, c’était le « tout ski », on s’entassait dans des studettes où
il y avait des lits gigognes alors qu’aujourd’hui, on veut aussi pouvoir vivre, prendre du bon
temps, dans son appartement. C’est un des points importants que vous prenez en compte ?
Didier BRUNO, membre du Directoire de la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes en charge de
la Banque de développement régional : Avant de vous répondre, je voudrais dire deux choses
importantes par rapport à ce qu’ont dit mes collègues sur la Foncière.
Dans la Foncière, nous sommes tous associés (il n’y a donc pas une concurrence destructrice
de valeur sur ces sujets) et nous apportons tous nos expertises. Cela est très intéressant, parce
que, par rapport à ce domaine extrêmement complexe, nous avons tous délégué, dans les
comités d’investissement et les comités techniques, nos directeurs de l’immobilier et autres qui
connaissent le terrain. C’est, je crois, un gage de sérieux et, par voie de conséquence, un gage
de rentabilité et de pérennité de notre démarche.
Dans ce domaine, nous ne nous faisons pas une concurrence destructrice. C’est plutôt une
association créatrice de valeurs.
Comme Martial SHOULLER l’a souligné, les lits froids ne sont qu’une partie du problème. La
spécificité de la montagne est qu’elle est diverse et plurielle. Par rapport à cela, on segmente
donc la montagne dans nos analyses (on a d’ailleurs une Direction des collectivités locales
importantes). On n’a donc pas la même analyse selon les communes.
Par ailleurs, lorsqu’on regarde les communes « support » de stations, la première chose qui nous
vient à l’idée est de dire que ce sont des entreprises, car elles ont des marques à développer, et
que ce sont des entreprises concurrentes même s’il a été dit qu’il fallait qu’elles mutualisent des
choses. Ce sujet n’est donc pas simple.
Au-delà du problème des lits froids, je crois qu’il faut une convergence. Au sein d’une
commune, je ne suis pas sûr que tous les intérêts, que ce soit celui du commerçant, de l’élu, du
propriétaire, du touriste, etc., soient alignés et convergent.
G.C : Cela commence à se faire.
D.B : Oui et je crois que c’est très important.
Je ne suis pas pour plaquer ce type de raisonnement sur tout, car ce n’est pas la panacée, mais
la démarche d’avoir un raisonnement un peu « entreprise » en disant : « C’est une marque »,
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 20/47
« C’est un peu un fonctionnement d’entreprise », « Il faut qu’on soit plus aligné » est un premier
chaînon et, en ce sens, il y a un gros travail à faire.
Nous, banques, sommes à la fois banquiers des commerçants, banquiers des particuliers,
banquiers des remontées mécaniques, banquiers des équipementiers, banquiers des
collectivités, banquiers des sociétés d’économie mixte, banquiers des sociétés publiques
locales. Nous sommes donc les banquiers de tout cet écosystème et au cœur de celui-ci. Notre
responsabilité, au-delà de la Foncière, sera donc de faire converger tout cet écosystème.
G.C : Le message est passé par rapport à cette cohérence.
Revenons sur le premier chaînon : l’immobilier. Quelle est la problématique essentielle pour
vous des fameux lits froids ? On peut les réchauffer, mais il faut ensuite les mettre en
exploitation. C’est compliqué comme on l’a vu avec la Foncière Rénovation Montagne, ne
serait-ce que la seule problématique de la rénovation.
D.B : La seule problématique de la rénovation est compliquée, parce qu’en montagne, il y a des
contraintes particulières. Le facteur « temps » n’est pas facile à intégrer dans un domaine où le
temps est très chronométré et très encadré. On a donc une latitude très faible.
Il y a effectivement de grandes difficultés.
G.C : Vaut-il mieux, dans le cadre de la rénovation foncière « montagne », racheter et rénover
des lits puis les mettre sur le marché – mais je crois savoir que c’est un peu délicat et difficile
– ou préférez-vous la formule, par exemple, de la Foncière hôtelière qui ne s’adresse pas tout à
fait aux mêmes partenaires ?
D.B : Comme cela a été dit, on est beaucoup dans l’expérimentation. Il faut donc qu’on teste.
Je pense qu’il n’y a pas un modèle. Il ne faut pas qu’on parte dans une vision trop dogmatique.
Nous participons tous à deux Foncières et nous participerons peut-être demain à d’autres types
d’outil, mais je crois qu’on est encore dans l’expérimentation. Il faut s’accrocher sur ces
expérimentations. Ensuite, chaque outil aura ses spécificités et ses bienfaits.
C’est une réponse un peu politiquement correcte, mais la Foncière hôtelière des Alpes marche
très bien. Elle a un très bon Deal Flow. Deux dossiers sont passés et nous en avons quatre sous
le coude. Ce modèle nous donne satisfaction pour l’instant.
G.C : Pascal MARCHETTI
P.M: Je voudrais rebondir sur la question et la réponse et sur ce qu’a dit Christian MANTÉI
qui a bien résumé pour qu’on aille un peu plus loin sur cela.
Dans les années soixante-dix, quatre-vingt, les publicités portaient sur « Devenez propriétaire
à la montagne » et « Devenez propriétaire à la mer ». Aujourd’hui, elles parlent de « Votre
séjour à la montagne » ou de « Votre séjour à la mer ».
Il faut bien comprendre que le produit qui est vendu aujourd’hui « Un séjour » est une offre
globale. Or, la coutume est une propriété diffuse. Tout l’enjeu est donc de trouver le nouveau
mode de propriété touristique.
Aujourd’hui, en France, en dehors des hôtels, on a de la résidence secondaire, de l’investisseur
unitaire, de l’investisseur en lots, et de l’habitat pour loger les gens en station.
Chez nos voisins – nos concurrents en quelque sorte –, les modèles ne sont plus uniques. Je ne
dis pas qu’ils sont meilleurs.
G.C : Vous voulez dire « intégrés » ?
P.M : Je ne dis pas qu’il faut les intégrer. Je dis simplement que leur modèle de propriété, de
possession ou d’investissement n’est plus unique. Ce n’est peut-être pas bien.
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En tout cas, on a traversé les années soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix, avec la notion
de propriété alors qu’aujourd’hui, on est sur une notion d’usage, d’offre globale, et toute la
problématique des lits froids part de là.
N’oublions pas néanmoins que le premier investissement à avoir en station, c’est la neige. Il
faut qu’il y ait de la neige. S’il n’y a pas de neige, il n’y a pas de station, y compris l’été, parce
que c’est l’image de la montagne.
G.C : Par rapport à la neige, revenez-vous à la réflexion de Martial SHOULLER sur notre
déficit en neige de culture ou implorez-vous le ciel ?
P.M : Dans les priorités, il faut bien comprendre que les gens viennent d’abord pour skier,
même s’ils ne skient que deux ou trois heures par jour, et que, s’ils n’ont pas les conditions de
ski, ils ne reviendront pas.
Ensuite, il faut les fidéliser et il faut les fidéliser avec des produits adaptés.
Je pense qu’il y a un marketing de l’habitat à revoir.
N’oublions pas qu’on change de paradigme sur la propriété et sur l’investissement immobilier,
mais qu’on ne change pas de paradigme en ce qui concerne l’image de la montagne. On va à la
montagne, parce qu’il y a de la neige. C’est ce qui forge l’image de la montagne. Sinon, pas de
solution.
G.C : Je passe maintenant la parole à la salle si vous avez des questions plus précises ou plus
techniques sur ces Foncières notamment. Cette ambition vous satisfaisait ? Trouvez-vous
qu’elle se paie encore de langue de bois même si je n’ai pas cette impression ?
Comme il semble qu’il n’y ait pas de questions sur cela et sur ce qui vient d’être dit, je reviens
vers vous, Pierre-René LEMAS. Ce que vous venez d’entendre de vos partenaires a-t-il plutôt
tendance à vous rassurer sur l’investissement politique du Groupe Caisse des Dépôts ?
Pierre-René LEMAS : La réponse est oui. Abondance de biens ne nuit pas.
On est globalement un drôle de pays où l’on se pose la question de savoir s’il va y avoir trop
d’investisseurs pour un petit nombre d’investissements comme si le monde était fini et qu’au-
delà des frontières du monde, c’était le grand rien.
Le monde n’est pas fini. Il y a une infinité possible de capacités d’investissement.
On va vite se rendre compte qu’il y a trop de projets. Cela paraît fou de dire cela comme cela,
mais je crois que le moment va venir où la question sera celle du nombre de projets, parce qu’on
sera amené à sélectionner entre les projets qui valent la peine et ceux qui valent moins la peine.
Pour les Collectivités locales, c’est pareil. Les stations « collectivités locales » (quand je dis
« collectivités locales », c’est « groupement de collectivités locales » dans la plupart des cas) et
« entreprises », parce qu’après tout, c’est un peu cela, vont avoir exactement la même
problématique.
Comme cela a été dit très justement, on sort d’une période où il y a eu une hausse des prix de
l’immobilier, une hausse de l’inflation, des taux d’intérêt élevés et où nous avions tous, en tout
cas jusqu’à une dizaine d’années, le sentiment que l’inflation allait gommer les effets du coût
de l’immobilier et du prix de l’argent. Or, on entre dans un monde différent où l’argent coûte
de moins en moins cher.
Dans un pays comme le nôtre, le problème n’est pas que l’argent est cher ou pas cher. Il n’est
pas cher. Le problème, c’est qu’on n’a pas suffisamment inventé les tuyaux qui permettent
d’aller chercher cet argent à « bas prix » pour dire vite sur les marchés ou auprès des
établissements financiers.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
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On a besoin d’ingénierie (d’ingénierie technique, d’ingénierie juridique, d’ingénierie
financière), parce qu’il va y avoir beaucoup de projets. C’est sur la base de cette ingénierie
qu’on doit essayer de transformer les idées, parce que je ne connais pas un maire, un président
d’intercommunalité, qui n’ait pas d’idées, parce qu’il a envie de faire plein de choses.
La question est : comment transforme-t-on l’idée en projet ? Après, pour transformer le projet
en réalisation, il faut passer par un certain nombre d’étapes qui sont notamment l’ingénierie.
Nous sommes, au fond, les uns et les autres des acteurs du développement. La Caisse des Dépôts
en tant que Caisse des Dépôts, parce que j’en parle d’un point de vue national a une vision
globale au plan national, parce qu’elle doit aller sur l’investissement et que, dans les
investissements, elle doit aller sur les transitions énergétiques, les transitions écologiques, les
transitions numériques, le développement du tourisme, etc. Donc, autour de quelques thèmes
est-on capable, un, de mettre suffisamment de capacités de financement pour faire levier vis-à-
vis d’autres financeurs qui prennent l’initiative pour en faire plus (ce n’est pas la multiplication
des petits pains, mais l’effet de levier est majeur en matière d’investissement) et, deux,
d’accompagner les acheteurs locaux dans ce qui est aujourd’hui le plus difficile ?
Je vais dire une chose qui va vous paraître très banale, mais les élus me comprendront.
Il y a vingt ans, pour un projet, on faisait un tour de table et, à la fin de celui-ci, on allait voir le
directeur régional de la Caisse des Dépôts, parce qu’il manquait 15 %. Après, on allait chercher
des subventions auprès du Département, de la Région, de l’État. Maintenant, c’est fini, parce
que la capacité d’obtenir des subventions au niveau régional, départemental, de l’État, va
devenir au fil des années de plus en plus limitée et c’est d’ailleurs déjà vrai. On peut dire que,
demain, il fera beau et qu’il y aura du soleil tous les jours et de la neige, sauf au 15 août, mais
la réalité est qu’il y aura moins de subventions. Donc, il faut de l’ingénierie, il faut imaginer, il
faut inventer des formules nouvelles, et on en a inventé beaucoup en montagne.
Il y a trente ans, la loi Montagne avait ceci de formidable d’être cohérente avec l’économie du
moment, mais, aujourd’hui, des outils sont devenus obsolètes et, parfois même, bloquants,
autobloquants.
Il y a très longtemps, j’ai été préfet de Corse. La Corse a l’avantage et l’inconvénient d’être une
zone littorale et une zone montagnarde. Imaginez une région dans laquelle vous avez l’addition
des contraintes de la loi Montagne et de la loi Littoral et imaginez un maire ou un président
d’une intercommunalité essayant de faire un peu de développement avec l’addition des
contraintes de l’une et de l’autre ! On voit bien que ces instruments ont vieilli et qu’ils méritent
d’être renouvelés.
G.C : Nous allons parler dans un instant avec Bernadette LACLAIS de l’acte II de la loi
Montagne, mais, avant, quid de la montagne l’été ? Vous intervenez ? Les lits froids existent
aussi en plein été ?
P.M : Par rapport à cela, il faut être positif et réaliste à la fois.
Positif, c’est que la montagne en été est un véritable relais potentiel pour nos territoires
puisqu’aujourd’hui, elle représente 80-20, voire 90-10 ou 75-25.
G.C : En chiffre d’affaires ?
P.M : Oui. Je n’ai pas les chiffres, mais il y a de toute façon un potentiel.
En revanche, il y a encore à inventer complètement l’offre même si des choses se font.
Je vais encore parler pour la Banque populaire des Alpes.
Par rapport à notre plan stratégique, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions apporter
en plus, en tant qu’acteur reconnu de la montagne, en plus des foncières et autres. Nous nous
sommes alors dit que nous allions travailler sur la filière « outdoor » du fait de l’installation
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 23/47
d’un pôle « outdoor » en Haute-Savoie (par exemple, des équipementiers s’installent à Annecy)
et parce qu’on commence à voir, grâce aux nouvelles technologies en matière d’équipements,
un accès à la montagne l’été (la montagne est en effet plus facile en hiver, parce qu’on descend,
qu’en été où il faut crapahuter, ce qui n’est pas donné à tout le monde). Du coup, il y a peut-
être un relais de croissance, mais il y a des investissements à faire par rapport à cela et on
commence à voir des choses comme les systèmes de luge et à en imaginer.
Cela balbutie, cela frétille, mais il y a certainement des choses à faire qu’on ne trouve pas sur
d’autres domaines. C’est en tout cas une réelle capacité de rebond.
G.C : Montanea organise le festival international des métiers de la montagne à Chambéry en
novembre et va consacrer une journée spéciale d’ouverture à l’outdoor.
P.M : Les stations à 2 300 m d’altitude et les stations de moyenne montagne n’ont pas les
mêmes sujets.
G.C : On parle ici beaucoup des Alpes, mais il y a aussi tous les autres massifs.
P.M : Il y a aussi de la moyenne montagne dans les Alpes. Les stations de moyenne montagne
ont d’autres impératifs d’équilibre. Elles ne peuvent pas seulement viser la saison d’hiver pour
la bonne raison que la neige n’est pas pareille.
G.C : Tout à fait. Didier BRUNO ?
D.B : Lorsque nous avons commencé à travailler sur la montagne l’été, on nous a dit : « Oubliez.
Il n’y a pas de sujet. Les gens qui viennent à la montagne l’été n’ont pas beaucoup de pouvoir
d’achat. Cela reste un concept ».
G.C : Quelle erreur !
D.B : Très certainement, parce que, comme l’a dit Pascal MARCHETTI, cela commence à
frémir (on a passé des partenariats avec les Fédérations de pêche, de trial, etc.), mais je reviens
à mon leitmotiv.
Si on veut qu’il y ait quelque chose en montagne l’été, il faut un alignement des intérêts des
agents économiques (les hôteliers, les commerçants, les élus, etc.) et que toute la filière y croit.
Ce n’est pas simplement en faisant quelque chose, sinon cela restera anecdotique.
G.C : Merci à vous. (Applaudissements.)
La relance du chantier de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs
G.C : Cette mobilisation s’inscrit au plus haut niveau de l’État, du Parlement. Je dois souligner
d’ailleurs, sans particularisme spécial, le fait que, sous le Ministère des affaires étrangères, le
tourisme a été pris à bras-le-corps, ce qui n’a pas toujours été cas depuis très longtemps, et on
espère tous que cela va continuer.
Bernadette LACLAIS, vous avez été missionnée par le Premier Ministre avec Annie
GENEVARD, pour proposer, dans un rapport, l’acte II de la loi Montagne. Je suppose que la
problématique que nous abordons aujourd’hui fait l’objet d’un chapitre particulier dans ce
rapport. Que peut préconiser ce rapport pour ce nouvel élan pour la rénovation des lits et, plus
globalement, pour la filière touristique ?
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 24/47
Bernadette LACLAIS, députée de la Savoie : Le Premier Ministre a effectivement souhaité,
comme il l’avait annoncé lors du trentième Congrès de l’ANEM qui s’est tenu à Chambéry en
octobre 2014, qu’il y ait, à l’occasion du trentième anniversaire de la loi Montagne, une forme
de bilan-réflexion de ce que cette loi avait apporté, et qu’elle soit remise au goût du jour, parce
que, comme cela a été très bien dit par Pierre-René LEMAS, beaucoup de choses se sont passées
en trente ans.
Il ne s’agit évidemment pas, au travers de ce rapport, de casser la loi Montagne ou de mettre à
mal les avancées de celle-ci qui sont réelles comme nous l’ont rappelé beaucoup de personnes
que nous avons auditionnées. Il s’agit de tenir compte des nouvelles évolutions très marquées
que la loi n’avait forcément pas pu prendre en considération, il y a trente et un ans.
Ces évolutions sont bien connues du monde des élus.
Tout d’abord, la montée en puissance de l’intercommunalité qui change quelque part la
réflexion et amène à plus de mutualisations et à plus de réflexions en commun.
Ensuite, l’émergence du numérique. On ne peut pas le nier. Le numérique est maintenant au
cœur des stations de sports d’hiver et au cœur de pratiques de nos concitoyens, et il faut
évidemment en tenir compte.
Puis, l’évolution climatique qui n’aura échappé à personne. Il faut là aussi savoir faire évoluer
nos dispositifs en tenant compte de cette dimension.
Enfin, l’évolution du service public, phénomène que nous connaissons bien dans nos zones de
montagne et qui est souvent une évolution à la baisse du service public. Il faut donc que nous
sachions en tirer tous les enseignements dans la loi Montagne.
Nous avons, avec Annie GENEVARD, députée du Doubs, présenté 99 propositions au Premier
Ministre (je ne vais pas les détailler, parce que ce n’est pas l’objet de ce colloque, mais vous
pouvez les consulter puisqu’elles sont en ligne). Celui-ci a souhaité que ces propositions soient
évoquées devant le Conseil national de la montagne.
Le Gouvernement a tiré les enseignements de ce rapport en proposant une feuille de route et un
acte législatif qui pourrait se tenir avant la fin de l’année. Nous travaillons actuellement sur cela
et c’est principalement le Ministère de Jean-Michel BAYLET4 qui est saisi de ce dossier. On
est donc bien sur une logique d’aménagement du territoire, en lien étroit d’ailleurs avec
l’Association nationale des élus de la montagne, pour arriver à un acte législatif qui pourrait
vraisemblablement se tenir au début de l’automne.
Le rapport sera sans doute l’architecture du texte qui sera présenté.
Dans ce rapport, nous avons abordé les thématiques de ce colloque, c'est-à-dire la question des
lits froids même si on ne parle plus tellement aujourd’hui de lits froids mais plutôt d’évolution
de l’immobilier de loisirs.
Nous avons également évoqué les questions relatives à la préservation du foncier, parce qu’on
est aussi sur cette question. Quand on parle de construction et notamment de construction neuve,
nous sommes aussi confrontés, en zone de montagne, à la raréfaction du foncier. Il faut donc
que l’on sache où l’on implante les nouvelles constructions s’il y en a. Nous insistons d’ailleurs
beaucoup, dans ce rapport, sur le fait qu’il faut qu’on soit dans une logique non plus de
construction neuve, mais dans une logique de réhabilitation, notamment de réhabilitation tenant
compte aussi des évolutions culturelles de nos concitoyens comme cela a été évoqué
précédemment. Nous venons à la montagne certes pour faire du ski, même si je pense qu’on ne
vient pas uniquement pour faire du ski. En tout cas, c’est ma conception.
4 Jean-Michel Baylet, Ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 25/47
G.C : Un skieur et trois non-skieurs.
B.L : Exactement. On vient pour faire d’autres choses. On ne vient pas forcément que pour ne
faire que du ski même si c’est souvent un produit très attractif.
Si on veut développer la montagne l’été, il faut aussi qu’on tienne compte des évolutions
majeures de nos concitoyens. Or, aujourd’hui, la qualité du produit ne répond pas toujours aux
attentes des touristes et, notamment, des nouveaux standards de nos touristes en matière
internationale. Ce sont en effet souvent des logements trop petits, qui ont été construits à une
autre période, avec toute la problématique de l’efficacité énergétique. Par ailleurs, nous
commençons à voir émerger, dans certains cas, des problèmes de friche, y compris à l’intérieur
des stations de sports d’hiver. Il y a donc véritablement nécessité d’avoir un changement de
paradigme dans ce domaine pour enclencher une dynamique vertueuse privilégiant la
reconquête de l’immobilier existant à la construction de nouveaux logements touristiques.
C’est évidemment un changement fondamental et il faut qu’il soit partagé.
G.C : C’est le premier point en matière d’urbanisme, c'est-à-dire reconstruire la station sur la
station.
B.L : De la même manière d’ailleurs qu’on a, au cours de ces vingt dernières années, très bien
su reconstruire, dans les quartiers en difficulté, la ville sur la ville, on doit réussir à reconstruire
la station sur la station.
C’est compliqué, parce que nous nous heurtons souvent au problème du droit de la propriété
qui reste un point dur, mais il faudra néanmoins que nous avancions sur cette question et que
l’acte législatif aborde celle-ci. Tous les ministères sont en train de travailler d’arrache-pied
pour faire aussi des propositions, parce que c’est un problème dont on parle depuis trop
longtemps et que, si on rate le cap de cet acte II de la loi Montagne, on repoussera le problème
au moins d’une bonne dizaine d’années.
Je suis persuadée que nous pouvons trouver des solutions.
Nous avons fait un certain nombre de propositions, notamment sur la fiscalité.
Par exemple, il y a le dispositif Censi-Bouvard au sujet duquel j’entends parfois des critiques
extrêmement fortes, mais je pense qu’il ne faut pas le critiquer, parce qu’il peut avoir son intérêt
dans d’autres territoires français et je crois qu’il faut se reposer la question pour les zones de
montagne. Ce dispositif a plutôt encouragé la construction neuve, pas toujours d’ailleurs avec
des personnes intéressées par l’évolution du territoire et ce qu’allait devenir la station où se
trouvait leur investissement (elles ne savaient d’ailleurs pas toujours parfois où elles
investissaient), mais plutôt intéressées par la défiscalisation qu’il permettait en payant moins
d’impôts tout en valorisant le bien qu’elles achetaient. Il faut donc recentrer ce dispositif sur la
réhabilitation puisqu’il comprend un volet « réhabilitation », mais il faut aussi regarder
pourquoi il est très peu utilisé et comment on peut recentrer l’argent qui est mis sur cette
défiscalisation pour le neuf sur la réhabilitation des résidences, mais pas que. Il faut qu’on
élargisse la problématique, parce qu’il n’y a pas que les résidences en montagne qui posent des
difficultés, même si nous avons besoin de faire des investissements dans ce secteur.
G.C : On a vu le mal que le dispositif fiscal a pu faire dans les années quatre-vingt-dix en faisant
des stations de propriétaires qui ne savaient pas toujours, comme vous l’avez dit à l’instant, où
se trouvait leur investissement. Dans les dispositions envisagées dans cet acte II de la loi
Montagne, comment peut-on réorienter un dispositif fiscal vers la rénovation ?
B.L : Lorsqu’on parle de dispositif fiscal, avant de décider de le réorienter ou de l’arrêter, il
faut avoir un point précis de la situation (c’est ce qu’ont très bien fait les services de l’État
puisqu’un rapport d’octobre 2015 dresse un bilan de la situation). C’est pour cela que je dis de
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 26/47
faire attention aux lectures un peu rapides qui pourraient faire dire : « On l’arrête
complètement ». Je crois que c’est plus subtil que cela.
Je me suis personnellement opposée aux amendements dans la loi de finances rectificative et
dans la loi de finances pour 2016 qui voulaient supprimer le dispositif au 1er janvier 2016.
Le Premier Ministre avait annoncé qu’on se laissait 2016 comme année de concertation et qu’on
verrait à proposer cela à la loi de finances 2017. On est donc bien dans ce calendrier, parce qu’il
faut ce temps pour analyser.
Il faut regarder les cas où la réhabilitation par le Censi-Bouvard a marché même s’ils ne sont
pas très nombreux.
Il faut regarder quel type de défiscalisation envisager. Est-ce que ce sera une défiscalisation ?
Est-ce que ce sera un crédit d’impôt puisque des concitoyens ne paient pas d’impôts ? Cette
question peut être débattue. Elle ne me semble pas du tout illégitime.
Il faut réfléchir aux contreparties. À partir du moment où cela donne un avantage fiscal, il est
logique que la collectivité demande une contrepartie. Il n’y a rien d’anormal là non plus. Il faut
donc y réfléchir avec l’ensemble des acteurs.
Il faut réfléchir à ce qui pourrait ouvrir à défiscalisation puisqu’on est sur de la réhabilitation.
Lorsqu’on est sur l’achat d’un logement neuf, le déclencheur est l’acte d’achat. Dans le cas de
la réhabilitation, il faut réfléchir au type de travaux et voir, compte tenu qu’on a en même temps
une réflexion sur l’efficacité énergétique avec les dispositifs prévus dans la loi de transition
énergétique, comment en faire un objectif commun et, quelque part, d’expérimentation (au bon
sens du terme), parce que la montagne a toujours été pionnière. Peut-elle l’être aussi dans cette
logique de travail à aider à la transition énergétique ? Il faut qu’on ait ce type de question.
Par ailleurs, il y a une question de périmètre, c'est-à-dire de savoir comment on définit le
périmètre à l’intérieur de la station ou même des stations qui vont pouvoir bénéficier de ce type
de défiscalisation.
Par rapport à cela, il y a un regard du Conseil constitutionnel, parce qu’il n’est pas question de
créer des disparités et des inégalités entre nos concitoyens sur ces questions.
Ce n’est pas simple. C’est un sujet assez compliqué. Il faut se donner le temps de le regarder.
Mais, je le redis, il faut d’abord changer de paradigme. Il faut passer d’une logique où l’on était
sur de la construction neuve à une logique de réhabilitation. Ensuite, on pourra trouver les
moyens et les outils pour arriver à cet objectif si on partage cet objectif.
G.C : Vous êtes la seule, depuis le début de ce colloque, à avoir parlé de la transition
énergétique. Cela veut-il dire que cela va de pair et que la rénovation ne peut pas s’entendre
sans cet effort ?
B.L : En ce qui concerne la réhabilitation, il y a deux problématiques majeures dans les zones
de montagne.
Je parle devant des personnes qui les connaissent mieux que moi, donc je suis à leur écoute, car
je n’ai pas la prétention de connaître parfaitement tout le sujet.
G.C : Vous avez été élue locale.
B.L : J’ai été élue locale, et nous avons eu des questions de qualité.
En zone de montagne, les logements trop petits ne sont plus le standard souhaité aujourd’hui et
cela nous pénalise, notamment par rapport au produit « quatre saisons ».
Lorsqu’on ne peut pas pratiquer son activité sportive (par exemple, le ski), parce qu’il pleut ou
pour d’autres raisons, on va rester dans son logement. Il faut donc avoir des logements de taille
suffisante.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 27/47
On a également besoin d’avoir une réflexion sur la qualité architecturale.
Il y a aussi la question de la transition énergétique. La montagne a toujours été, pour moi, un
lieu d’innovation, un lieu qui a su, mieux qu’ailleurs, trouver des systèmes pour concentrer des
financements et avancer. Beaucoup de logements ont été construits dans une autre période. Or,
aujourd’hui, nous avons la possibilité d’allier deux objectifs : celui d’avoir des stations
répondant à la qualité attendue et celui de remplir l’objectif de transition énergétique avec des
financements qui existent et qui sont réels.
Il me semble qu’on peut faire quelque chose qui soit positif pour l’environnement, au sens très
large et au sens collectif, et pour nos stations de sports d’hiver.
Avec Annie GENEVARD, nous avons beaucoup insisté – et nous voulons convaincre de cela
– sur le fait que nous avons besoin de ce changement de paradigme pour redonner une
dimension à nos stations de sports d’hiver et pour les accompagner dans leur développement.
Dans une période de crise économique, la réhabilitation a un autre avantage. Elle permet de
faire travailler des entreprises locales et des artisans locaux qui sont en capacité de répondre à
la demande.
Comme nous le disons dans le rapport, il faudrait inciter, plus que cela a été fait, à utiliser les
filières courtes et des matériaux locaux pour être à la fois moteur et exemple.
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 28/47
Seconde partie :
Les opérations concrètes pour
améliorer la qualité de l’hébergement
Les dispositifs pour faire évoluer les hébergements
G.C : Stessy SPEISSMANN, maire de Gérardmer. 10 000 lits touristiques dont de nombreux
lits haut de gamme. Vous avez connu l’essoufflement, notamment à cause des nouvelles
réglementations qui ont mis ou mettent en péril certains établissements, des nouvelles attentes
de clientèles. Vous vous êtes sans doute dit : « Il faut que j’intervienne », mais quelle
problématique se posait à vous et comment avez-vous essayé de la résoudre ?
Stessy SPEISSMANN, maire de Gérardmer : Il y en a eu plusieurs, mais je voudrais mettre
en avant le rôle central du maire sur son territoire.
À partir du moment où on s’est rendu compte que l’économie touristique était vitale pour notre
territoire, car c’est une véritable économie – on parle enfin d’économie touristique…
G.C : Quel est le poids de l’économie touristique à Gérardmer ?
S.S : 50 %. Le massif des Vosges est un des plus industriels de France. Il reste donc encore une
économie industrielle sur le territoire et, en particulier, à Gérardmer avec le textile qui a réussi
à rester dans le haut de gamme et à rester sur le territoire.
Une fois le diagnostic posé et après nous être rendu compte que notre offre touristique ne
répondait pas entièrement à la demande (nous nous étions rendu compte, il y a quelques années,
que nous avions à nouveau un manque dans le haut de gamme, mais également dans
l’hébergement familial), nous nous sommes retroussé les manches.
Comme certains intervenants l’ont dit, la clé, c’est le rassemblement de l’ensemble des acteurs
à travers un diagnostic partagé et la mise en place de politiques co-construites. C’est ce que
nous avons réussi à faire localement en regroupant autour de la table l’ensemble des
partenaires : les partenaires publics (les différentes collectivités concernées), les partenaires
privés (par exemple, le Groupement des hôteliers-restaurateurs), toutes les forces publiques
vives (Offices de tourisme, Parcs régionaux).
Dès lors que toutes les personnes réunies autour de la même table partagent le diagnostic et
construisent ensemble les différentes politiques pour améliorer l’hébergement, mais également,
parce que l’économie touristique n’est pas que l’hébergement, l’attractivité de notre territoire
qui repose sur bien d’autres choses que l’hébergement touristique, nous arrivons à engendrer
des actions pour améliorer localement cet hébergement.
G.C : Quelle est la recette ? Lorsque vous avez réuni ces partenaires, que leur avez-vous dit,
comment ont-ils réagi, quelle stratégie avez-vous voulu mettre en place et quels outils vous
êtes-vous donnés ?
S.S : Le plus dur est la première étape, c'est-à-dire de tous les réunir autour de la même table.
Une fois qu’ils sont tous réunis autour de la même table, cela se passe très bien, parce qu’une
fois qu’ils se sont rendu compte que la vie du territoire est en jeu (n’ayons pas peur des mots),
ils se mettent rapidement d’accord sur l’ensemble des éléments.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 29/47
G.C : Quel a été ce constat partagé ? Cela a-t-il été : « Cela ne peut plus continuer comme cela.
On est trop vétuste. On n’est pas adapté » ?
S.S : Cela a été : « on n’est pas adaptés », « On commence à perdre de la clientèle », parce
qu’on sentait réellement sur le territoire qu’on perdait de la clientèle, été comme hiver, « Il n’y
a pas d’offre en face de la demande en hébergement haut de gamme », « La clientèle familiale
ne peut plus être hébergée ».
Après que ce diagnostic ait été posé et partagé, on a pu mettre en place une politique de
rénovation, une politique de création, avec l’ensemble des partenaires.
G.C : Vous m’avez expliqué l’autre jour que vous avez agi sur le haut de gamme et que vous
avez voulu développer les gîtes, les chambres d’hôte, etc. Cela n’est-il pas une politique tous
azimuts ?
S.S : Non, parce qu’il y a une réelle complémentarité et que l’essentiel est de répondre à la
demande qui est là.
Sur le massif des Vosges, on a une demande très forte en haut de gamme et une demande de
diversification (avec une demande de gîtes, une demande de chambres d’hôtes…) extrêmement
forte.
G.C : Donc une clientèle familiale de bon niveau.
S.S : Voilà. Nous sommes donc allés vers ces objectifs, c'est-à-dire le haut de gamme, la
diversification des hébergements : les gîtes, les chambres d’hôte, l’hébergement de plein air qui
est une réelle demande de notre clientèle étrangère sur le grand Est de la France, l’hébergement
insolite qui fait un tabac sur nos territoires.
G.C : Pour rénover, pour relancer, il faut de l’argent et des outils. Où avez-vous trouvé l’argent ?
Quels outils avez-vous construits ?
S.S : Nous avons réussi à trouver de l’argent auprès des collectivités. Lorsqu’on met le
département, la région, les communautés de communes et les Communes autour de la table, on
arrive à débloquer des fonds.
Il y a également eu la Caisse des dépôts et consignations et la BPI.
J’ai été surpris par rapport à ce qui s’est dit précédemment sur votre massif. Vous avez beaucoup
de chance. J’ai entendu que vos banques avaient plus d’argent que de projets à financer. C’est
formidable.
G.C : Ce n’est pas tout à fait ce qu’ils ont dit.
S.S : Je l’ai du moins compris comme cela. En tout cas, sur le massif des Vosges, c’est un peu
l’inverse. On a beaucoup de difficultés à avoir des fonds de la part de nos banques.
Je suis maire d’une commune de 10 000 habitants. J’ai 200 salariés en responsabilité et un
budget de plus de 50 millions d’euros. Je porte une station de ski alpin avec un chiffre d’affaires
d’environ 3 millions d’euros pour cette saison. Je suis forcément dans le domaine concurrentiel.
Il faut donc que j’investisse, mais vous savez tout comme le moi le prix des remontées
mécaniques et du matériel annexe pour une station de sports d’hiver. Je peux vous dire que j’ai
eu beaucoup de mal à trouver un banquier. D’ailleurs, un seul a frappé à la porte.
G.C : Vous avez réussi à mobiliser de l’argent des collectivités, de l’argent public.
Vous n’avez pas la Foncière hôtelière des Alpes. Comment avez-vous fait ? Avez-vous
provoqué le rachat d’établissements ? Pouvez-vous nous donner des exemples de la manière
dont vous avez procédé pour rénover et réhabiliter les lits ?
S.S : Par exemple, la mise en place d’appels à projets.
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 30/47
À partir du moment où l’on a les projets de rénovation, les projets de rachat, on décide de mettre
au pot commun et de financer en partenariat avec le futur repreneur, le futur acquéreur, de
l’établissement.
G.C : Claude JAY, aux Belleville, en Savoie, dans les Alpes du Nord, vous m’avez parlé, l’autre
jour, de la mise en place d’une véritable boîte à outils en me disant : « Au fond, réhabiliter,
c’est une multitude de solutions ». Pouvez-vous nous dire un mot sur cette boîte à outils ? En
l’occurrence, les Belleville ont joué un rôle de pionniers avec une maison des propriétaires et
des bons d’achat dans les commerces pour les propriétaires qui louent davantage. Expliquez-
nous l’architecture de la volonté municipale en la matière.
Claude JAY, premier adjoint au maire des Belleville (Savoie), président de la
SEM’Rénov : Nous essayons depuis fort longtemps, aux Belleville, de nous occuper de la
problématique de la rénovation de l’immobilier de loisirs.
Nous avons monté une SEM pour faire de la réhabilitation clé en main. Nous avons proposé
aux propriétaires de rénover leurs appartements de A à Z en nous occupant de tout, mais nous
nous sommes vite aperçus que la rénovation était un élément du problème des lits qui n’étaient
plus suffisamment commercialisés. Nous avons donc mis en place la boîte à outils pour
répondre à une problématique beaucoup plus large.
Après avoir mis en place le système de rénovation qui a évolué depuis mais qui existe toujours
où l’on aide directement les propriétaires à rénover en leur apportant une aide financière assez
substantielle, avec l’aide de nos partenaires et, entre autres, les remontées mécaniques, nous
avons mis en place un label « Station » avec un système de flocons (de un à cinq) pour essayer
de faire monter en gamme leurs appartements, y compris ceux pour lesquels les propriétaires
ne voulaient pas entreprendre des rénovations lourdes, et nous les incitons à monter dans la
gamme des flocons d’année en année,.
Actuellement, plus de 3 500 appartements sont labellisés.
Parallèlement, nous avons mis en place quelque part la carotte et le bâton en incitant les
centrales de réservation à ne plus prendre en charge les appartements de la station qui ne sont
pas labellisés. Pour arriver à cela, il a fallu beaucoup travailler avec les agences immobilières
et en faire de véritables partenaires.
Nous avons ensuite essayé d’inciter les gens à classer leur appartement dans un classement
administratif.
Enfin, il y a quelques années, après les avoir superbement ignorés pendant des décennies, nous
nous sommes résolument tournés vers les propriétaires pour en faire des partenaires, parce que,
in fine, ce sont eux qui décident d’appuyer sur le bouton pour rénover ou pour mettre en
location. Nous avons donc ouvert sur nos sites principaux, Les Ménuires et Val Thorens, des
maisons d’accueil que l’on appelle « La Maison des Propriétaires » au sein desquelles nous
avons mis en place un ensemble de services et quelques avantages (par exemple : Wifi gratuit,
possibilité de tenir les réunions de bureau des Assemblées générales).
Par ailleurs, nous avons mis en place un partenariat avec le tissu commerçant et commercial de
nos sites (130 commerçants ont adhéré à notre système) pour offrir aux propriétaires des bons
de réduction proportionnelle à la qualité de leur hébergement et au nombre de semaines louées.
Tout ce que j’évoque reste relativement artisanal.
G.C : Plus ils louent, plus ils ont des réductions dans les commerces partenaires.
C.J : Voilà. L’avantage de la Maison des propriétaires est qu’elle permet de connaître les
propriétaires et d’entretenir une relation permanente avec eux.
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Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 31/47
Tout cela est assez compliqué, parce qu’on ne peut pas relancer, même par courriel, les
propriétaires tant qu’ils n’ont pas donné leur accord. On les incite donc fortement à venir
s’inscrire (ils peuvent le faire par plusieurs moyens, dont Internet) et, en même temps, on leur
fait cocher la case disant qu’on peut les démarcher. Ce ne sont pas forcément des démarches
commerciales. Cela peut être de l’information ou des messages que l’on veut leur faire passer
concernant leurs biens.
Notre ambition pour 2016 est de faire un observatoire des lits touristiques des stations afin
d’avoir l’ensemble de nos lots dans nos fichiers et de connaître parfaitement le parc immobilier
et son état.
G.C : J’ai noté qu’en dix ans, il y avait eu 350 rénovations et remises dans le circuit. C’est un
bilan ou une ambition ?
C.J : 350 réservations, c’est un bilan. Cela reste modeste au regard du nombre de lots aux
Belleville, parce que, comme je l’ai dit, c’est de l’artisanat, mais on est certain que cela a de
toute façon un effet de levier. On sait en effet que, parallèlement à ces 350 appartements
rénovés, aidés financièrement, avec la contrainte de mise en location pendant neuf ans auprès
d’un professionnel de l’immobilier, on rénove au moins autant d’appartements qui se trouvent
dans des circuits parallèles, parce que leurs propriétaires ne veulent pas s’engager vis-à-vis de
la location.
G.C : Ce qui est intéressant dans votre initiative et qu’il faut faire valoir, c’est que vous vous
êtes attaqué aux plus durs, c'est-à-dire aux propriétaires individuels qui sont disséminés et avec
lesquels vous n’avez pas forcément tous les contacts. Comment ont-ils réagi ? Vous ne les avez
certainement pas appâtés uniquement avec des bons de réduction. Cela a-t-il été difficile de
convaincre des personnes privées qui ont investi un jour ?
C.J : Cela reste effectivement compliqué, mais le fait d’avoir ouvert un lieu pour eux, de les
avoir reconnus…
G.C : Et regroupés peut-être ?
C.J : Et, quelque part, regroupés, a eu un effet très positif, d’abord dans nos relations, y compris
au sens de l’élu local et la municipalité, avec eux.
C’est un travail permanent. Chaque année, on fait une semaine des propriétaires, une semaine
d’animation, où on leur amène plein de choses, mais des petites choses, parce que tout cela
coûte finalement. L’objet est, d’un côté, d’entretenir une relation suivie et continue avec eux et
de leur faire comprendre que ce sont des partenaires, que la station est leur station et qu’elle ne
vivra pas sans eux, et, de l’autre, de leur dire aussi que ce n’est pas parce qu’ils sont propriétaires
que tout leur est dû et qu’ils ont aussi une obligation vis-à-vis de leur station s’ils veulent qu’elle
fonctionne bien.
Petit à petit, la mayonnaise prend même si c’est de longue haleine, parce que les propriétaires
sont exigeants aussi quelque part, mais je pense que nous avons réussi à passer, si je puis dire,
le pied dans la porte.
G.C : Vous parlez d’artisanat comme si vous vous excusiez alors que c’est assez novateur.
Stessy SPEISSMANN, vous avez peut-être suivi la même démarche ?
S.S : J’aurai la même réponse. Dès lors qu’on a entrouvert la porte et qu’on travaille en
partenariat main dans la main, cela se passe bien (les uns et les autres, y compris les partenaires
privés, ont compris que c’était leur intérêt) à partir du moment où – vous faites bien de le
préciser – on fait vivre ces partenariats, parce que l’économie touristique est en mutation
permanente. On a donc tout intérêt à continuer à les faire vivre, à se regrouper et à se réunir
régulièrement.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 32/47
G.C : Bernadette LACLAIS, lors de votre mission qui est arrivée à son terme, vous avez audité
des élus locaux. Avez-vous rencontré, sur la montagne française, des initiatives de ce type qui
échappent finalement au macro-plan ?
B.L : Nous avons auditionné à tous les niveaux, mais nous avons plutôt cherché à rencontrer
des associations ou des représentants de collectifs
L’exemple de la vallée des Belleville est très connu. Nous ne l’avons donc pas découvert. En
revanche, je découvre celui de Gérardmer, même si je suis allée, l’année dernière, discuter avec
les élus autour de Gérardmer.
Nous avons fait beaucoup d’auditions et ce que dit Monsieur l’adjoint au maire des Belleville
est véritablement ce que nous ressentons, c'est-à-dire le besoin d’ouvrir le dialogue et
d’expliquer que nous sommes aujourd’hui dans un système où nous devons nous parler et que,
si nous ne faisons rien, nous allons dans le mur.
G.C : Cela a été dit. Les stations ont longtemps été atomisées.
B.L : Et on a vécu sur un système qui marchait bien. On produisait des lits. Tout cela
fonctionnait peu ou prou. Aujourd’hui, on sait que c’est beaucoup plus compliqué pour de
multiples raisons.
Même si nous restons la première destination touristique « montagne » au monde, nous savons
que nous pouvons nous faire chiper notre première place. Si nous voulons rester à la première
place, il faut donc que nous sachions innover et nous renouveler.
J’insiste sur cela, parce que je ne suis pas du tout d’accord pour dire que seule la montagne
l’hiver est un produit attractif. Je crois à la montagne l’été. Je crois même à la montagne sur
plusieurs saisons.
Les stations sont diverses. Elles n’ont pas toutes le même produit.
Il faut aussi qu’on sache s’adapter aux situations.
Je crois que nous avons un enjeu économique, un enjeu touristique et un enjeu d’aménagement
du territoire.
Je peux comprendre que d’autres banques aient d’autres objectifs, mais je pense que la Caisse
des Dépôts doit être en appui à nos stations de plus petite taille qui se trouvent souvent en
moyenne montagne et pour lesquelles les enjeux sont aussi importants que pour nos grandes
stations de sports d’hiver, même si les montants ne sont pas tout à fait les mêmes.
Il faut aussi s’appuyer sur le partenariat public-privé et sur les outils institutionnels publics. Ces
derniers ont certes une responsabilité de rentabilité – on a bien entendu le discours de Pierre-
René LEMAS disant que c’était l’argent des épargnants et qu’il y avait une logique de
rentabilité –, mais la Caisse des Dépôts est aussi un outil d’aménagement du territoire. De ce
point de vue, et nous le disons avec force, chacun doit pleinement jouer son rôle.
G.C : Nous allons nous intéresser maintenant à un dernier cas d’école : celui des Pyrénées.
La mobilisation est venue de sociétés de remontées mécaniques.
Sept sites pyrénéens, soit 18 000 lits, 55 % du marché des Pyrénées.
Il y a pas mal de temps, vous vous êtes réunis pour vendre du forfait. Puis, un jour, vous vous
êtes dit que tout cela ne suffisait pas.
Michel PÉLIEU, président de la SAEM Nouvelles Pyrénées (Hautes-Pyrénées) : Pour une
fois que les Pyrénées viennent s’exprimer au pied des Alpes, je le ferai avec beaucoup
d’humilité. J’ai entendu parler d’artisanat, mais j’ai envie de dire que, l’artisanat, au mieux
l’artisanat d’art, ce sont les Pyrénées et que, vous, vous êtes la grande industrie.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 33/47
G.C : Bonne formule.
M.P : Je vais rappeler en quelques mots cette aventure quelque peu atypique des sept stations
de sept domaines skiables des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques qui se sont
regroupées. Il y en a d’abord eu trois en 2004, puis quatre autres sont venues nous rejoindre.
On a créé à l’époque une petite société d’économie mixte au capital de 50 000 euros dont la
volonté était de défendre un territoire, de le mettre en valeur, d’agir sans clivage, dans un souci
de valoriser nos installations et de travailler ensemble, chacun gardant une autonomie juridique
et financière. Cela a donné de bons résultats.
Cela a démarré par de la formation du personnel, de la communication, puis la mise en place
d’une billetterie électronique sur l’ensemble des domaines et la volonté d’être dynamique dans
la vente des forfaits. À cette époque, on avait une clientèle excursionniste, c'est-à-dire des
personnes qui venaient à la journée, et on constatait une forte attente dans les billetteries. Il
fallait donc résoudre cela. Pour cela, il fallait faire en sorte que les gens puissent avoir leur carte
avant d’arriver sur le domaine skiable et qu’ils puissent la recharger et la retélécharger suivant
leurs besoins. Donc une démarche d’intérêt général, d’innovation et de recherche de la
performance et de la technique.
Les choses ont évolué très rapidement.
Cette société ayant capitalisé beaucoup d’actifs (actuellement 3 millions d’euros), on s’est dit
qu’il fallait se donner les moyens d’avoir un outil de vente et de commercialisation plus
performant. On a ainsi créé une filiale à la SAEM Nouvelles Pyrénées qui s’appelle N’PY Résa.
C’est là qu’arrive la Caisse des Dépôts (à titre personnel, je souhaitais la voir venir dans la
maison mère et, surtout, chez la fille). Celle-ci a ainsi fait son entrée dans la société N’PY et
une entrée très puissante dans la filiale N’PY Résa, au côté du Crédit Agricole, de la Caisse
d’Épargne, d’EDF. Cela a apporté une réelle valeur ajoutée.
Comme je l’ai dit à Pierre-René LEMAS, j’avais été séduit par son discours, l’année dernière,
à l’Assemblée des Départements de France à Pau, dans lequel il disait : « J’ai de l’argent,
donnez-nous des projets, nous sommes prêts à vous aider ».
Nous avons mis au point avec eux un pacte d’actionnaires, ce qui n’a pas été simple sur le plan
juridique, technique et autres. Je le dis sous le contrôle de Christine MASSOURE, la directrice
générale de N’PY.
G.C : Comment vous êtes-vous attaqué au dossier de la réhabilitation ?
M.P : On s’est dit : on a modernisé les stations, on a fait un travail important au départ, on a
créé un outil de commercialisation performant, mais on bute sur le fait que les forfaits
proviennent essentiellement des nuitées. Pour augmenter le nombre de journées ski il faut donc
augmenter le nombre de nuitées et, pour augmenter le nombre de nuitées, il faut s’attaquer aux
hébergements. Pour faire en sorte que les lits froids deviennent des lits chauds, que les lits
chauds en mauvais état ou pas adaptés à l’offre, il faut qu’ils soient relookés, modernisés,
réaménagés et que les immeubles collectifs anciens soient reconvertis pour qu’on puisse
remettre ces lits sur le marché.
G.C : Votre constat à ce moment-là, c’est qu’il y a urgence ?
M.P : Il y a urgence, parce qu’on s’aperçoit qu’on plafonne.
G.C : Au niveau de l’immobilier, c’est dégradé ?
M.P : Oui, parce que les propriétaires ne font pas toujours l’effort voulu. C’est la même
problématique que partout ailleurs. Par rapport à cela, il y a un travail d’encouragement, de
stimulation et de facilitateur.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 34/47
Je le dis avec deux casquettes : celle de président de la société Nouvelles Pyrénées et celle de
président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées où, au travers de notre structure
Hautes-Pyrénées Tourisme et Environnement, on finance des personnes qui vont chez les
propriétaires de gîtes pour leur donner quelques conseils et pour faire du Home Staging5. On le
fait également au travers de la société Nouvelles Pyrénées.
Il faut qu’on stimule les propriétaires pour les amener à relooker leur appartement en leur
disant : « Nous avons fait l’effort sur l’aménagement du domaine skiable, nous faisons l’effort
sur la commercialisation, nous avons l’outil de commercialisation, on peut louer vos lits, aidez-
nous à accompagner cette modernisation ».
Il y a parfois des opérations plus lourdes comme la rénovation de résidence de 110 logements
à Peyragudes (je suis président de Nouvelles Pyrénées et je suis aussi président de la station de
Peyragudes, membre de la société Nouvelles Pyrénées) grâce à un prêt intéressant de la Caisse
des Dépôts.
G.C : Sur quelle direction stratégique avez-vous appuyé vos efforts d’aide à la rénovation ? On
a parlé tout à l’heure de l’hébergement haut de gamme à Gérardmer, des gîtes, etc. Avez-vous
défini, entre tous les partenaires, une stratégie en disant : « Pour tel site, la clientèle est plutôt
celle-là, donc on va rénover dans tel sens » ?
M.P : On discute de cela. C’est le travail qui est engagé maintenant puisqu’on est en train de
mettre en place une nouvelle filiale (pour le moment, c’est une société d’études) avec le Groupe
Caisse des Dépôts, la société Nouvelles Pyrénées et l’opérateur immobilier qui est dans la salle.
Après, on s’attaquera à tout l’éventail – mais on n’est pas axé sur un modèle pur et dur –, y
compris à l’immobilier haut de gamme, parce qu’il y a aussi une clientèle pour cela.
L’autre créneau qui semble être très intéressant est une forme d’auberge de jeunesse. On invente
sans doute là un concept qui s’appelle « Chalet Py ».
On a un gros parc « station », un ensemble immobilier, à rénover et à remettre sur le marché là
aussi avec un partenariat avec la Caisse des Dépôts, les banques et nous.
G.C : Pour résumer, c’est un jeu de « poupées russes », c'est-à-dire d’abord une société qui
regroupe des sites et des domaines skiables, ensuite une filiale qui commercialise et maintenant
une deuxième filiale qui va s’attaquer à la rénovation.
M.P : Cette deuxième filiale va vraisemblablement devenir également une Foncière.
G.C : D’accord. Pour vous, en tant qu’exploitant de remontées mécaniques, ce n’est pas une
fuite en avant ? Cette démarche paraît très ambitieuse.
M.P : Elle est ambitieuse, mais on mesure la part de risque. Lorsque la Caisse des Dépôts est
au capital d’une société, ils ne prennent pas n’importe risque.
G.C : Oui. J’ai vu que vos stations détiennent 73 % du capital.
M.P : C’est cela.
G.C : Cette troisième démarche en est à son début ?
M.P : Cette troisième démarche en est à son début. Elle n’est pas encore stabilisée.
G.C : Vous êtes également président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées. Y a-t-il
une opération de concertation avec les maires, avec les propriétaires ?
M.P : Bien sûr.
5 Home staging : techniques permettant de mettre en valeur son bien immobilier, afin de le vendre ou le louer
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 35/47
G.C : J’ai été intéressé par ce que vous et Bernadette LACLAIS avez dit sur la mobilisation
nécessaire de tous les acteurs. Une espèce d’ambition partagée.
M.P : On a élaboré un projet de territoire à l’échelle du département. La finalité de ce projet est
d’être transversal, c'est-à-dire de faire travailler tous les acteurs politiques, toutes sensibilités
politiques confondues, et de faire travailler ensemble le public et le privé.
Ce projet de territoire se décline en treize chantiers qui vont de la stratégie marketing au bien
vivre ensemble, à l’offre « santé » en passant par tous les éléments de transition énergétique, de
développement de l’offre, de la modernisation, etc.
C’est une réflexion qui traverse le département de part en part.
G.C : Avez-vous une idée de votre objectif en nombre de lits à rénover sur les sept sites en
question ?
M.P : Si on en rénovait ne serait-ce que 500 par station, on aurait parcouru un bon chemin.
G.C : C’est votre objectif ?
M.P : C’est l’objectif qu’on doit pouvoir se fixer à quatre ou cinq ans.
L’hébergement paramètre stratégique de la qualité
de l’accueil touristique en montagne
Guy CHAUMEREUIL : René CHEVALIER, vous parlez du trio gagnant. D’une certaine
manière, vous résumez par cela tout ce qu’on vient de dire, mais je pense que vous allez ajouter
à cela votre réflexion. Réchauffer les lits froids, c’est bien, mais c’est toute la filière de
production qui est en cause.
René CHEVALIER, président de la CCI Savoie et de la CCI de Montagne : Vous avez
intitulé ce colloque : « L’immobilier de loisirs : composante essentielle de la qualité de l’accueil
en montagne ». Je dirais que c’est une des composantes essentielles, parce que la première chose
que nos clients voient en arrivant, ce sont nos routes et nos gares, c'est-à-dire nos accès aux
stations. Il faut donc y penser, parce que c’est la première image qu’on voie quand on arrive en
station ou lorsqu’on arrive quelque part. Par conséquent, il y a un vrai travail à faire en ce qui
concerne les routes, l’accueil dans les gares et la montée aux stations.
Il y a aussi quelque chose d’incontournable (Bernadette LACLAIS en a parlé tout à l’heure) :
l’accès à la 4G.
G.C : On en a effectivement peu parlé pour l’instant.
R.C : La personne qui vient et qui cherche l’endroit où elle veut aller regarde comment y
accéder via son Smartphone ou son iPhone. Or, dans beaucoup d’endroits, il n’y a pas de
connexion. Il est donc important que cela fonctionne, même si tout le monde ne s’en sert pas.
Oui, nous sommes les leaders mondiaux (il faut le dire, il ne faut pas en avoir peur), mais, pour
le rester, il faut qu’on investisse et qu’on travaille.
Il faut qu’on travaille sur nos remontées mécaniques.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 36/47
Nos remontées mécaniques ont une durée de vie d’environ 27 ans, soit 10 ans de plus que la
durée de vie des remontées mécaniques en Autriche, pays avec lequel on se compare assez
souvent. On a donc un réel travail à faire.
Vous avez dit tout à l’heure que les gens skiaient moins. Je ne pense pas. Avant, on faisait la
queue, les remontées mécaniques allaient doucement, les pistes étaient un peu plus
compliquées. Aujourd’hui, les remontées mécaniques vont plus vite et, en quatre heures, on a
fait une journée de ski. On a par conséquent besoin de faire autre chose, d’autres activités et
d’un appartement plus grand pour cela.
Je ne crois pas qu’on arrivera à faire les quatre saisons partout. Si on arrivait déjà à en faire
deux, ce serait bien. Il faut donc penser les activités annexes pour qu’elles puissent se faire en
hiver et en été, parce qu’il y a beaucoup de choses à faire en été dans nos montagnes. En plus,
de vous à moi, il vaut quand même mieux être en montagne que sur 2 m² sur une plage à bronzer.
Je parlerai de trois façons de l’immobilier.
Tout d’abord, la rénovation énergétique.
En montagne comme partout, si, lorsqu’on construit ou que l’on rénove, on ne fait pas une
rénovation énergétique, on est vraiment à côté de la plaque. C’est donc une obligation de le
faire où que ce soit dans notre pays.
Ensuite, l’hôtellerie.
Si on veut vraiment que l’hôtellerie fonctionne, vu les coûts que cela engendre, il faut revoir la
fiscalité. En Autriche, il n’y a pas de droit de succession et on sait que, lorsqu’on réinvestit dans
l’hôtel dont on vient d’hériter, il y a moins d’impôts. On a donc aujourd’hui un véritable
problème avec nos hôtels. Ce sont de belles réalisations, mais certains chefs d’entreprise ont
dépassé l’âge de la retraite et pour certaines d’entre elles, les successions vont être difficiles,
parce que les droits de succession sont chers.
Enfin, l’immobilier pour la jeunesse (qui a totalement été délaissé).
Il faut en effet qu’on ait des clients, parce que nos clients vieillissent. Quand j’ai appris à skier,
j’avais des skis. Maintenant, il y a des surfs. Je ne suis pas forcément à la mode, mais je fais du
ski. Il y a plein de modes et il y en aura d’autres.
Aujourd’hui, il faut penser à essayer de faire revenir les jeunes dans nos stations. Pour cela, il
y a les classes de neige. Qui dit classe de neige, dit immobilier. Malheureusement, dans nos
vallées, même en Savoie où l’on peut dire que c’est exemplaire, beaucoup de centres de colonies
de vacances sont non utilisés ou totalement à rénover, parce qu’inutilisables.
G.C : C’est même une dégringolade (de l’ordre de 40 %) en Pays de Savoie ces vingt dernières
années.
R.C : Je n’osais pas le dire en tant que savoyard, mais on peut interpréter mes mots de cette
manière. Donc, oui, il y a quelque chose à faire et c’est important, d’abord pour les jeunes du
pays, parce que les jeunes de nos pays de montagne n’ont pas tous accès au ski. Il serait donc
très bien qu’ils puissent ainsi que les jeunes d’autres départements français, faire des classes de
neige.
Quant à l’immobilier, on n’a jamais (je vais peut-être être un peu dur), jamais vendu de maisons
secondaires. On a vendu de la défiscalisation. On a dit aux gens : « Si vous achetez tel
appartement, vous aurez une réduction d’impôt et une rentabilité ».
Au bout de dix ans, ils ont un bien dont la rentabilité a baissé (nos banquiers ont parlé tout à
l’heure de taux) et dont ils ne connaissent pas trop la valeur.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 37/47
Je crois qu’aujourd’hui, il faut se poser la question et redécouvrir nos propriétaires. Qui s’en
est occupé ? Personne. Au bout de neuf ans, lorsqu’ils ont cassé les baux et qu’ils ont gardé le
bien pour eux, on n’est pas allé les chercher.
La démarche des Belleville est bonne, mais il faut la faire à grande échelle. Il faut redécouvrir
les propriétaires et peut-être innover.
Il faut peut-être expliquer à telle personne qu’il va falloir qu’elle vende le studio de 17 m² dans
lequel elle a investi, il y a vingt ans, et où il y a un lit au-dessus de la cuisine qui ne peut servir
que la nuit, pour qu’on puisse faire un plus grand appartement avec les deux autres studios qui
sont à côté.
Il y a une démarche comme celle-ci à la résidence Carène à Belle Plagne. Cela ne marche pas
trop mal. Il va peut-être aussi falloir penser à ce que les communes puissent préempter tout ou
partie d’un immeuble si on s’aperçoit qu’il n’y a plus d’entretien, que peu de propriétaires
viennent ou que c’est non louable, comme on le voit dans certaines des stations.
Il y a cette importance à retrouver le propriétaire et à lui amener des solutions. Par exemple, il
pourrait vendre avec une aide fiscale ou l’acheteur qui reprendrait une aide fiscale en rachetant
serait obligé de réinvestir pour rénover.
Il faut qu’on soit imaginatif pour attirer les clients et surtout – c’est important – ne plus les
oublier, sinon on parlera de la même manière dans dix ou quinze ans.
Pour terminer, j’ai toujours tendance à dire que, lorsque les femmes et les hommes de la
montagne s’unissent et travaillent ensemble, on arrive à faire de l’or de la montagne.
Je crois que c’est le moment que ceux qui sont nés en montagne, que ceux qui sont venus en
montagne parce qu’ils l’aimaient et qu’ils ont été adoptés, (la Savoie a été faite par des
personnes qui sont nées en Savoie, par des personnes qui ont voulu y vivre et y travailler, par
des personnes qui sont venues, parce qu’elles aimaient la Savoie) se serrent la main, aillent dans
le même sens et travaillent ensemble.
Je suis sûr qu’on va gagner ce pari, parce qu’on est obligé de le gagner. Si on ne le gagne pas,
on redeviendra numéro 2 ou numéro 3, mais on ne le souhaite pas et on ne le veut pas. Je suis
donc très fier de pouvoir dire que la Savoie et la France resteront les leaders dans le ski dans le
monde.
G.C : Merci pour cet optimisme.
Vous êtes président de la Chambre de commerce et d’industrie. À quel niveau vous impliquez-
vous en ce moment en tant qu’institution et outil efficace dans ce processus ?
R.C : On a créé, depuis le début de la mandature, une commission « tourisme », parce qu’à la
Chambre de commerce et d’industrie, personne ne s’était aperçu que plus de 50 % de l’activité
de la Savoie dépendait du tourisme. On n’a en effet pas que la montagne. On a de beaux lacs,
des stations thermales et beaucoup de choses. La Commission « tourisme » travaille donc auprès
des élus et des professionnels pour les aider.
On n’est pas la Caisse des Dépôts. On n’a pas d’argent. Bien au contraire. L’État nous en a pris
beaucoup. En Savoie, le budget de la CCI est parfois bien inférieur au budget des Offices de
tourisme de nos grandes stations. On peut amener des idées, de la compétence et, parfois, de
l’huile dans les rouages autour d’une table pour permettre à des gens de discuter et de trouver
des solutions.
G.C : Merci.
Claude JAY.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 38/47
C.J : Je voulais vous dire quelques mots d’une opération expérimentale dite de « coach copro »
que nous essayons de mettre en place dans le cadre de l’Assemblée du Pays Tarentaise Vanoise
(APTV) qui s’adresse à l’ensemble des sites de Tarentaise Vanoise.
Comme on a beaucoup de difficultés à reconstruire les stations sur les stations, on essaie de
passer par un autre biais en mettant en place une animation pour inciter les copropriétés à
rénover de façon globale leur copropriété. On essaie de rentrer par les obligations de faire des
villages énergétiques et on essaie de les aider en leur accordant un peu de mètres carrés à
construire supplémentaires éventuellement par une extension de la copropriété. Lorsque cela
est possible, l’agrandissement des cellules peut se faire en déplaçant la façade ou en faisant un
ou deux étages supplémentaires. On en est au début, mais on a quatre ou cinq projets en
Tarentaise qui essaient de voir le jour.
C’est une autre manière de rénover de façon globale une copropriété, de les mettre aux normes
et d’agrandir un peu les cellules.
G.C : On suivra donc cette initiative des Belleville qui est très originale.
Spéciale dédicace d’ailleurs aux Belleville qui sont deux des vingt-neuf communes ayant adhéré
à la charte du parc de la Vanoise.
Ces expériences d’élus, de terrain, vous donnent-elles l’occasion de réagir ?
Jean PICCHIONI, Les Sept Laux : J’ai été particulièrement intéressé par l’expérience des
Belleville, parce que la relation avec les propriétaires est surtout en lien avec la fiscalité trop
élevée, les services, l’eau, les ordures ménagères. Établir, construire, cette nouvelle relation,
c’est la micro-solution pour les stations moyennes qui n’ont pas les moyens de faire du foncier
comme les gros modèles.
Comment s’est positionné le nœud des agences de location qui sont l’outil principal qui fait le
lien dans le dispositif et quelles sont les perspectives ? Y a-t-il d’autres idées que les bons de
réduction qui est déjà une bonne idée ? Quelle est l’évaluation ? Quel résultat et en combien
d’années ? Il y a eu une information par rapport à la réhabilitation, mais pas sur la relation avec
les copropriétaires.
G.C : L’évaluation du processus, les agences de location, les autres projets ou idées sur ce
dispositif.
C.J : Les agences immobilières sont bien entendu autour de la table dans la SEM’ Rénov qui
s’occupe de cette boîte à outils.
Dans la boîte à outils, nous avons aussi mis en place un site « PAP Station ». Ce site a été assez
difficile à mettre en place notamment vis-à-vis des agences immobilières. C’est à partir de là
que nous avons vraiment commencé à travailler avec les agences immobilières.
Je ne dirai pas que cela a été facile, mais, en poussant et en tirant, on est arrivé à travailler avec
elles. Aujourd’hui, c’est acquis vis-à-vis des agences immobilières.
On s’est engagé, dans le cadre de la Maison des propriétaires, à ce que les propriétaires qui
rénovent passent par les professionnels immobiliers, donc les agences immobilières, et à inciter
les propriétaires à aller vers des lits professionnels. C’est un système à étages. On fait d’abord
rentrer dans le système de location PAP les propriétaires qui ne louent pas du tout, puis on les
incite à aller dans les agences immobilières. On essaie donc autant que faire se peut de ramener
de la matière aux agences immobilières. Cela ne se passe pas trop mal.
Concernant l’évaluation de la Maison des Propriétaires, c’est positif, mais il est difficile de
mettre une cote d’évaluation, parce que cela a seulement trois ou quatre ans.
En ce qui concerne les autres projets, il y a l’observatoire de nos lits, comme je l’ai dit tout à
l’heure. Cela se fait aussi avec les propriétaires. L’idée est d’aller au bout du bout en ayant un
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 39/47
observatoire à jour chaque année permettant de connaître tous les biens ainsi que l’état
d’occupation et l’état commercial de ceux-ci.
Muriel FAURE, directrice générale de la Grande Traversée des Alpes : On a beaucoup
abordé la réhabilitation et la rénovation, mais pas forcément le service qualifié, c'est-à-dire
comment on va au-delà pour anticiper les nouvelles attentes des clientèles.
On a soit des hôtelleries familiales qui ont souvent du mal lors de la succession, comme cela a
été dit, soit un comportement de rentier avec l’accompagnement à la défiscalisation.
Aujourd’hui, on a beaucoup de mal à travailler pour aller plus loin dans le service auprès des
clientèles pour ne pas s’arrêter à une simple mise aux normes ou aux réévaluations de goûts.
Or, ce service est essentiel pour attirer les clientèles françaises et internationales et pour
préparer l’avenir avec les jeunes.
Par rapport à N’PY, on a trouvé aussi dans les Alpes que l’expérimentation était extrêmement
intéressante, en particulier en ce qui concerne le partenariat public privé. Autant on exhorte
souvent à aller vers le partenariat public privé, autant, dans la réalité, on a beaucoup de mal à
faire travailler ensemble les financeurs publics et les financeurs privés ou les investisseurs
publics et les investisseurs privés.
Dans les Pyrénées, êtes-vous allés plus loin et y a-t-il eu une forme d’ingénierie,
d’accompagnement ou une labellisation dans la rénovation permettant d’accompagner les
propriétaires professionnels ou particuliers pour gagner un service « plus » et anticiper les
attentes des clientèles, que ce soit pour la montagne l’été ou la montagne l’hiver ?
G.C : On a bien compris que cette démarche commence en matière de rénovation.
M.F : N’PY était une SEM et une SAS aujourd’hui. Elle a donc déjà quelques années
d’expérience.
Michel PÉLIEU : J’ai précisé tout à l’heure qu’on en était au début, mais j’ai envie de vous
dire de suite qu’on ne s’interdit rien à ce niveau et qu’on sera systématiquement des partenaires
par rapport à tout ce qui pourra nous permettre de récupérer des lits à mettre sur le marché, y
compris dans les politiques départementales ou régionales de tourisme pour aller chercher des
fonds publics.
C’est maintenant plus compliqué pour les départements, parce que la loi NOTRe nous interdit
d’apporter des financements à l’initiative privée, ce qui est d’ailleurs un peu dommage. On
donne en effet aux départements la compétence « tourisme » tout en leur interdisant d’intervenir
pour ce qui a trait au privé. Je ne sais pas si la loi pourra évoluer.
Je le dis aux trois parlementaires ici présentes. Il serait bien de clarifier et ce sera sans doute
quelque chose qu’il faudra évoluer si on veut que les départements restent une collectivité de
proximité au service de la montagne. La montagne a besoin des départements.
La région a son rôle (tout à l’heure, le président de la région s’est exprimé), mais le département
est une collectivité de proximité. Aujourd’hui, la loi a quelques impasses dans ce domaine. Ce
n’est pas clair.
Au niveau de la société Nouvelles Pyrénées, notre volonté est d’être des partenaires à part
entière par exemple d’un hôtelier pour l’aider, y compris dans le montage financier, pour
permettre la rénovation de ses hébergements, parce que trop d’hôtels ont malheureusement
souvent fermé en raison des nombreuses contraintes administratives, sécuritaires et autres.
G.C : Des commentaires complémentaires ?
Bernadette LACLAIS : Je pense qu’il faudrait qu’une réflexion soit ouverte sur un
complément à l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH). Elle fonctionne avec
beaucoup de collectivités sur le mode de la contractualisation avec des financements à la clé.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 40/47
On peut trouver auprès de cet organisme du conseil lorsqu’on veut, par exemple, résoudre de
l’habitat insalubre, de la sécurisation (j’ai longtemps fait appel à eux pour la sécurisation des
centres anciens).
Il faut faire passer le message que c’est un enjeu national et pas uniquement l’enjeu des
communes touristiques de montagne et qu’il nous faut un outil d’expertise et
d’accompagnement pour préparer le coup d’après.
Je pense que, dans le débat parlementaire, cette question d’un outil spécifique porté par l’État
sera posée si celui-ci partage cette ambition, et j’ai compris qu’il le partageait.
Pierre MÉRIAUX, conseiller municipal délégué « Tourisme et Montagne » à Grenoble :
Je voudrais tout d’abord remercier Bernadette LACLAIS d’avoir redit que le recentrage de la
niche fiscale dite Censi-Bouvard sur la réhabilitation était urgent. J’ai fait cette proposition dans
le cadre des consultations que nous avons eues ensemble sur la loi Montagne « acte II ».
G.C : Elle n’a pas totalement été négative. Vous l’avez entendu aussi.
P.M : Absolument, mais je souhaitais préciser, en lien avec ce qu’a dit le représentant de la CCI
Savoie – et je trouve intéressant que ce soit lui qui le dise – et en tant que représentant d’une
collectivité qui a beaucoup de mal, vu la baisse des dotations de l’État, à faire vivre ses centres
de vacances et à envoyer les jeunes grenoblois en montagne, le point suivant.
Ne serait-il pas prioritaire que des niches fiscales soient d’abord réservées à la réhabilitation de
ce qui relève de l’intérêt général plutôt que de ce qui relève de l’intérêt privé, c'est-à-dire
d’immobiliers qui se trouvent en montagne et qui appartiennent à des communes ou à des
intercommunalités ? Comme cela a été dit tout à l’heure, pour un certain nombre de jeunes, la
première approche de la montagne ne se fait pas seulement dans le cadre familial. Elle se fait
aussi dans des cadres socialisés comme les écoles, etc.
G.C : Le Fonds Tourisme social Investissement ne vous concerne pas directement ?
P.M : Nous avons eu des contacts avec la Caisse des Dépôts, mais nous ne sommes pas allés
jusque-là. Je considère que c’est d’abord à l’État d’assumer une partie de la charge en matière
de financement de quelque chose qui relève de l’intérêt général.
Par ailleurs, dans l’immobilier de loisirs, il y a une petite composante, une petite niche,
extrêmement précieuse de mon point de vue : les refuges.
Je cible un arrêté du Ministère de l’intérieur, qui a été signé le jour où Manuel VALLS
s’exprimait à Chambéry sur l’importance à donner à la montagne, qui transforme en « lits
froids » pour les jeunes les refuges qui se trouvent en zone de neige.
Maintenant, lorsqu’on organise, comme c’est le cas de la Ville de Grenoble à travers le
programme « Jeunes en montagne », des sorties encadrées pour que des jeunes découvrent la
montagne non aménagée (on discute beaucoup de la montagne aménagée, mais il y a aussi la
montagne non aménagée qui représente heureusement l’essentiel de notre domaine), il faut les
faire camper devant le refuge (parfois dans la neige), parce qu’on ne peut pas accéder au refuge
en raison de cet arrêté « Refuge » REF 7 qui est une ineptie bureaucratique rare. C’est donc un
véritable problème.
Je le redis, parce que l’ANEM est un lobby puissant et j’espère que celle-ci arrivera à faire
sauter ce verrou qui est vraiment très problématique.
G.C : L’ANEM l’a entendu. Voulez-vous dire quelques mots ?
B.L : On parle beaucoup du Censi-Bouvard. On a raison de parler du Censi-Bouvard. C’est une
défiscalisation et, comme pour toutes les défiscalisations, je pense qu’il faut faire des
évaluations et regarder les choses.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 41/47
Sur le territoire français, il peut y avoir des zones où cela peut se justifier. En zone de montagne,
si on maintient un outil de défiscalisation (j’ai bien dit tout à l’heure la modalité qu’il pouvait
prendre), il faut l’orienter vers la réhabilitation.
Par rapport à la question que vous évoquez et qu’on connaît bien des établissements qui
accueillent de la jeunesse ou du tourisme social, on ne sera pas sur un outil de défiscalisation.
On sera sur une politique volontariste de l’État et peut-être des collectivités, avec des
financements qui pourront être croisés, qui permettra d’arriver à l’objectif poursuivi. C’est pour
cela que je distingue bien les deux et que je ne l’ai pas évoquée tout à l’heure.
Sur les refuges, je me permets de dire – et nous l’avons mis dans notre rapport – que nous
sommes tous convaincus, mais il va falloir arriver à convaincre l’administration.
Il est plus facile de convaincre les parlementaires sur cet aspect que de convaincre
l’administration.
G.C : On continuera de mettre tous ensemble les moyens sur les jeunes et la montagne qui a
été un sujet complètement effacé pendant des décennies.
Une dernière question.
Benoît RÉGENT, Institut de recherche en économie et en gestion (IREGE) sur le campus
d’Annecy-le-Vieux : Nous travaillons sous la supervision de Caroline MOUTHE sur les
incitations que peuvent mettre en place les collectivités territoriales pour pousser les
propriétaires à rénover. Pensez-vous qu’il faille proposer des incitations spécifiques ou utiliser
des leviers spécifiques à chaque type de propriétaire investisseur : celui qui attend un
rendement, celui qui s’est engagé dans la vie de la station, celui qui veut faire connaître son
territoire, celui qui veut promouvoir son territoire ?
G.C : Incitations en dentelle donc.
Stessy SPEISSMANN : Je pense qu’il faut être dans la diversification et la différenciation.
Lorsqu’on n’a pas les mêmes intérêts, comme on l’a vu tout à l’heure avec les différentes
communes que nous avons réussi à rassembler autour de nous, c’est lorsque l’objectif est
identique pour les collectivités, pour les propriétaires, que l’on peut miser et viser plus
particulièrement ce domaine. Donc, je suis pour la différenciation.
M.P : Je suis aussi pour la différenciation, parce qu’il peut y avoir plein de cas. C’est un travail
en dentelle.
Vous pouvez avoir un propriétaire qui est un loueur professionnel et qui voudra du rendement
quoi qu’il arrive. Vous pouvez avoir un propriétaire qui va donner son logement par le biais
d’une convention de mandat à la collectivité, à la SEM, ou autres, en demandant à jouir de son
appartement trois ou cinq semaines par an.
J’ai cité deux cas, mais je pourrais en trouver beaucoup d’autres. Il faut donc avoir de la
souplesse pour s’adapter à chaque cas de figure avec une finalité d’équité entre tous.
B.L : Lorsqu’on est sur des dispositifs de défiscalisation, il faut toujours faire attention à ne pas
créer des effets de bord, des effets d’aubaine et des discriminations que le Conseil
constitutionnel pourrait retoquer. On en voit bien les raisons. Les parlementaires doivent donc
être très attentifs à ces trois dimensions.
Guy CHAUMEREUIL : Merci.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 42/47
Propos conclusifs de Chantal CARLIOZ,
vice-présidente du département de l’Isère :
Je voudrais remercier les différents intervenants, en particulier René CHEVALIER. J’adhère
complètement à ce qu’il a dit, notamment « Avant de faire quatre saisons, faisons en déjà deux »
et sur la question de la jeunesse (notre clientèle d‘aujourd’hui et de demain).
Tout le long de ce colloque, trois thématiques ont été abordées :
– réhabiliter plutôt que de construire du neuf
– remettre le propriétaire au cœur du dispositif
– sortir de la monothématique des travaux
Avant de les repréciser, je voudrais les remettre en perspective.
L’attractivité de l’économie des stations, selon Atout France, dépend de 3 fondamentaux :
• Les activités : parmi ces activités, le ski reste le produit d’appel. Je reprendrais bien volontiers
ce qu’a dit DSF : « le tout ski, c’est fini, mais, sans le ski, tout est fini ». Je pense que cela est
plus que jamais d’actualité.
• Le prix: la concurrence est à cet égard féroce !
• Le lit : Luc CHATEL proposait de passer d’un système de 1-3-9 à un système de 1-2-3.
Nous sommes bien la première destination touristique, mais nous ne sommes que la troisième
en matière de séjour puisque la clientèle vient effectivement en France, mais qu’elle ne reste
pas (il faudrait donc qu’elle reste, donc passer de 3 à 2). En plus, lorsqu’elle reste, nous ne
sommes que neuvième en termes de panier moyen de dépenses au niveau international.
Pour passer du 1-3-9 au 1-2-3, le cœur du dispositif et le levier, ce sont donc bien le lit et le
séjour. C’est d’autant plus pour me plaire que le séjour est la colonne vertébrale de la politique
touristique du Département de l’Isère que Jean-Pierre BARBIER et moi-même souhaitons
impulser. Nous savons aujourd’hui que notre marge de manœuvre pour plus de retombée
économique, c’est le séjour. En effet, le panier moyen d’un touriste qui passe, est à peu près de
45€ /jour alors que celui d’un touriste qui séjourne est plutôt le double. Le panier moyen de la
troisième clientèle qui est le randonneur, l’itinérant, est plutôt de 75€. Tout repose donc sur le
séjour. Qu’en est-il du séjour en montagne ?
Parle-t-on de neuf ou de réhabilitation ?
La question du lit est aujourd’hui confrontée à 2 problématiques :
- d’abord, vieillissement de l’existant et sa requalification du fait du manque de foncier et du
ralentissement du neuf,
- ensuite l’érosion des lits marchands.
Première question : pourquoi parler de requalification de l’existant ? Parce que la montagne
doit être acteur du développement durable : une étude de l’ANMSM a démontré que le 2ème
émetteur de CO2 en station après la voiture était le logement (les activités du ski venant en
dernier). Comment ? En misant sur la transition énergétique comme levier d’action. Les
économies de charges ainsi réalisées pourront être réinvesties dans la requalification. La
montagne devient ainsi acteur écologique et économique!
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 43/47
Deuxième question: l’érosion des lits marchands. Comment remettre en marché les lits puisque,
d’un côté, on constate que 60 % d’entre eux ont plus de trente ans, qu’ils ne correspondent plus
à la clientèle et que, de l’autre, on voit que, petit à petit, le modèle qui se met en place est celui
des résidences secondaires, des lit diffus, avec, par ailleurs, la question de l’ubérisation.
Donc deux questions lorsqu’on parle de lits et d’immobilier de loisirs en montagne:
requalification et remise en marché des lits.
Au cœur du dispositif, il faut rappeler (parce qu’on l’a oublié) que le propriétaire est le premier
acteur de la station puisque c’en est un des premiers investisseurs.
Je me suis amusée en vous écoutant à faire un petit calcul.
J’ai deux fois 900 logements à Villard-de-Lans en pied de piste soit 2 copropriétés parmi les
plus importantes de France ! Si 200 logements étaient occupés une semaine de plus, en comptant
un panier moyen de 75€ et en considérant une occupation du logement par une famille de trois
personnes, cela générerait environ 200K€ de retombées supplémentaires.
Quel que soit le statut du propriétaire, il ne s’agit pas, comme cela a été fait - avec les résultats
que l’on connait !- avec les ORIL, de l’obliger à devenir locataire, parce que ce n’est pas
forcément ce qu’il veut. L’objectif est de faire en sorte que son logement soit occupé plus
longuement (voir calcul plus haut) soit en tant que propriétaire, soit en tant que loueur (un
certain nombre d’exemples ont été donnés). Donc la question centrale est comment amener le
propriétaire à occuper plus longtemps son logement ? Puis comment l’accompagner pour
l’amener à louer son logement s’il ne l’a pas déjà fait ? Comment l’accompagner pour mieux
louer s’il loue déjà son logement ? Comme cela a été dit par les intervenants, il n’y a pas une
solution mais plusieurs et différentes boîtes à outils.
J’en viens donc au troisième point : le rôle de l’élu.
Comme je l’ai entendu tout le long de la table ronde, l’élu a un rôle déterminant par rapport à
ces problématiques de l’immobilier de loisirs. En effet, pour amener le propriétaire soit à
occuper son logement plus longtemps, soit à louer son bien, il faut d’abord lui faire comprendre
qu’il fait partie d’un système (j’ai entendu tout à l’heure parler d’ « écosystème »).
Chaque fois que j’assiste à une réunion de copropriété, j’entends systématiquement : « Madame
le Maire, nous payons tant d’impôts, qu’avons-nous en échange ? ».
Je leur rappelle ceci : le propriétaire fait partie d’un tout : un propriétaire en valorisant son bien
renforce l’attractivité de la station dans laquelle il se trouve. A l’inverse tout ce que fait la
station valorise le bien du propriétaire. Ainsi, lorsque les remontées mécaniques changent les
équipements, lorsque la Commune requalifie sa piscine, lorsque le Département entretient les
routes, ils valorisent le bien du propriétaire.
Rentrons ensemble dans un cercle vertueux. Agissons en cohérence. C’est la notion
d’écosystème dans lequel l’élu a un rôle d’ensemblier : il impulse, donne une vision globale de
la station dans laquelle se trouve le lit, invite à un tour de la table tous les partenaires: les
propriétaires, les moniteurs, les remontées mécaniques, les commerçants, les développeurs
d’événementiel, l’office du tourisme, etc., de façon à co-construire une dynamique de station
dans laquelle le propriétaire occupant ou locataire joue un rôle central.
Je pense qu’on doit inventer ensemble. Tout à l’heure, on a parlé de créativité. J’en suis bien
d’accord, mais la première innovation est le rôle de l’élu.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 44/47
Plus j’avance dans mon rôle d’élue, plus je me rends compte que mon rôle n’est pas forcément
de faire. C’est d’impulser, c’est d’animer, c’est de créer un environnement favorable, pour
amener les acteurs de ma commune ou de mon département à investir.
Il me semble que le rôle d’ensemblier est mon 1er rôle.
Je terminerai sur quelques mots en tant que vice-présidente en charge du tourisme.
Tout ce que je viens d’entendre au cours de ce colloque me conforte dans la stratégie que nous
menons au niveau du Département de l’Isère :
Porter l’effort sur le séjour.
Renforcer notre image et notre notoriété : nous avons ainsi lancé une nouvelle signature « Alpes
Isère » pour rappeler que notre département est alpin : c’est le retour des Alpes en Isère !
Rassembler et fédérer les acteurs du tourisme.
Créer, de par notre accompagnement, nos aides, notre ingénierie, notamment avec Isère
Tourisme, un environnement favorable pour redonner confiance et donc envie aux acteurs
privés comme publics de réinvestir en Isère afin que le tourisme redevienne ce fleuron de notre
économie comme cela doit être aujourd’hui et demain.
Je vous remercie de votre attention.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 45/47
Conclusion de Marie-Noëlle BATTISTEL,
députée de l’Isère, secrétaire générale de l’ANEM
Il me revient le privilège de conclure ce colloque sur l’immobilier de loisirs que l’ANEM a
souhaité organisé sur une thématique essentielle – on l’a vu au travers des différentes
interventions – qui s’imposait lors du grand salon consacré aux stations de montagne, car force
est de constater (on l’a également vu aujourd’hui) que cette thématique avance assez peu et
qu’il est temps de mettre les bouchées doubles.
Ce sujet est particulièrement sensible pour les professionnels du tourisme, mais aussi pour les
élus – Chantal CARLIOZ a bien insisté à l’instant sur cela – qui sont confrontés à ce phénomène
des lits froids et qui doivent aujourd’hui agir.
Une part essentielle de l’équilibre économique des stations (donc de l’emploi) et du dynamisme
local repose bien sûr sur leur niveau de fréquentation. La capacité et la qualité de l’hébergement
sont donc des éléments stratégiques. Vous le savez bien, vous tous aussi ici. C’est aujourd’hui
un enjeu national.
La question n’est certes pas nouvelle, mais, en trente ans, le contexte a bien évolué : le parc
immobilier a vieilli, les exigences des touristes se sont renforcées, la concurrence entre les
territoires et l’engagement des collectivités sur des marques touristiques se sont également
renforcées, les modes de consommation ont évolué et évoluent particulièrement ces derniers
mois avec l’accroissement de la location entre particuliers notamment.
Les réserves foncières dans nos montagnes se sont réduites. Il est maintenant devenu difficile
et pas toujours souhaitable d’ailleurs d’un point de vue environnemental pour une commune de
toujours s’étendre. À ce titre, les constructions neuves ne sont plus la seule solution (on l’a bien
vu aujourd’hui). Elles doivent être envisagées avec la réhabilitation qui a du sens en termes de
bon usage du foncier, de coût, d’accessibilité, et aussi d’un point de vue environnemental.
Comme les urbanistes et les élus urbains ont envisagé et parlé de refaire la ville sur la ville,
nous devons, à notre altitude, penser à refaire les stations sur les stations, comme l’a dit tout à
l’heure ma collègue, Bernadette LACLAIS.
Il est important que les pouvoirs publics et l’État accompagnent et encouragent ce processus,
notamment par des mesures fiscales efficaces.
On a beaucoup parlé, au cours de ce colloque, du Censi-Bouvard qui a montré ses limites en
montagne. Aujourd’hui, il a plutôt vocation à être abandonné. Il serait peut-être pertinent qu’il
soit reconduit, mais sur la réhabilitation ou, en tout cas, que d’autres solutions puissent être
envisagées sur cet accompagnement de réhabilitation.
Même si le contexte réglementaire et juridique évolue, les outils et les financements existent
(nous l’avons bien vu aujourd’hui). La Caisse des Dépôts et ses partenaires viennent de nous
en faire la présentation. Je les remercie d’ailleurs pour leurs précisions.
Des initiatives vertueuses ont vu le jour et ont porté leurs fruits dans nos différents massifs. Je
pense aux Vosges et à Gérardmer, aux Hautes-Pyrénées et à la Savoie, qui nous ont présenté
leurs expériences.
Il faut également prendre en compte la transition énergétique. Des financements importants sont
actuellement proposés. C’est important pour l’environnement, pour la planète, mais aussi pour
le développement de nouvelles filières et donc de nouveaux emplois locaux.
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 46/47
Si nous souhaitions que la France reste la première destination touristique au monde et que nous
puissions atteindre l’objectif de 100 millions de touristes en 2020, nous nous devons de
mobiliser tous les outils et de les adapter aux enjeux de nos territoires.
Nous avons vu dans ce grand salon, durant ces trois jours, que tous les pays de montagne jusqu’à
la Chine se sont engagés dans cette grande bataille qui se jouera aussi au regard du changement
climatique.
Les ambitions et les intérêts des acteurs économiques rejoignent ceux de nos territoires et ceux
de notre pays.
Je terminerai par les remerciements.
Merci à nos partenaires financiers : la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le département de l’Isère
représenté par la vice-présidente, Chantal CARLIOZ, que je remercie pour sa présence et son
intervention, la Caisse des Dépôts avec son directeur général, Pierre-René LEMAS.
Merci à Christian MANTÉI d’avoir remis en perspective le sujet de l’immobilier de loisirs en
montagne.
Merci à ma collègue Bernadette LACLAIS avec laquelle je travaille en concertation de façon
continue pour la présentation du rapport de l’acte II de la loi Montagne qui a été remis au
Premier Ministre.
Merci à Stessy SPEISSMANN, Michel PÉLIEU, Claude JAY, pour avoir partagé leurs
expériences et pour leurs exemples vertueux qu’ils nous ont présentés et qui seront, je pense,
source d’inspiration et de motivation pour nos élus de montagne.
Merci à René CHEVALIER. J’ai beaucoup apprécié le passage sur l’immobilier de tourisme
social que l’on oublie assez souvent. Il est très important de développer ou de redévelopper les
classes de neige. J’ai travaillé sur un dossier au Parlement sur cette question. On peine
aujourd’hui à relancer cette dynamique. L’enfant skieur est quand même le skieur de demain.
Quand on voit qu’à Grenoble, qui est entouré de montagnes, on n’arrive pas à emmener faire
du ski l’ensemble des petits Grenoblois, c’est gravissime.
Merci à l’animateur du colloque Guy CHAUMEREUIL
Merci à vous tous pour votre participation à ce temps collectif qui sera, je le souhaite, utile pour
l’avenir, notamment dans l’examen de l’acte II de la loi Montagne qui débouchera, je l’espère,
sur des actions concrètes à partir des expériences des uns et des autres qui nous ont été
présentées. Je vous invite d’ailleurs à nous faire remonter les difficultés ou les problématiques
qui vous paraîtraient importantes afin qu’on puisse les intégrer dans le texte de loi. Tout ne peut
pas y être, mais on peut souvent régler des petites choses dont on n’a pas toujours eu
connaissance par un amendement. Je vous invite donc à contacter l’ANEM.
Bonne fin de salon.
(Applaudissements.)
« L’immobilier de loisirs, composante essentielle de la qualité de l’accueil en montagne »
Colloque ANEM - Mountain Planet (Grenoble), 14 avril 2016 47/47
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