amour et désir dans le chevalier de la charrette de chrétien de troyes

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Alain DELANNOY Une autre approche de l'amour et du désir dans Le Chevalier de la charrette INTRODUCTION « La culture médiévale possède un sens de l'innovation ; mais voilà, elle s'évertue à le dissimuler sous les oripeaux de la redite (à la différence de la culture moderne qui fait mine de renouveler quand elle ne fait que répéter). » Umberto Eco, Art et beauté dans l'esthétique médiévale. Dans Le chevalier de la charrette, Chrétien de Troyes rapporte un des épisodes décisifs de la légende arthurienne, à savoir l'adultère de la reine Guenièvre, Guenièvre qui sera plus tard jugée et se retirera au monastère selon Geoffroy de Monmouth. « Guenièvre s'abandonna au désespoir. […] elle se retira parmi les religieuses du monastère de Julius le Martyr, promettant d'y mener une vie chaste » 1 , écrit le clerc gallois au début du XIIe siècle. Au-delà de la reine elle-même, cet épisode marquera le début de la décadence de Camelot et des chevaliers de la Table Ronde : « notre illustre roi Arthur fut mortellement blessé ; il fut alors transporté dans l'île d'Avallon […] C'était en l'an 542 » 2 . Chrétien de Troyes raconte dans son roman la quête de Lancelot après sa domna, sa dame, la reine, sa reine épouse de son roi, reine dont il est fou amoureux. L'auteur ne s'est pas inspiré que 1

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Une autre approche de l'amour et du désir dans Le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes

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Alain DELANNOY

Une autre approche de l'amour et du dsir dans Le Chevalier de la charretteINTRODUCTION

La culture mdivale possde un sens de l'innovation; mais voil, elle s'vertue le dissimuler sous les oripeaux de la redite ( la diffrence de la culture moderne qui fait mine de renouveler quand elle ne fait que rpter).

Umberto Eco, Art et beaut dans l'esthtique mdivale.

Dans Le chevalier de la charrette, Chrtien de Troyes rapporte un des pisodes dcisifs de la lgende arthurienne, savoir l'adultre de la reine Guenivre, Guenivre qui sera plus tard juge et se retirera au monastre selon Geoffroy de Monmouth. Guenivre s'abandonna au dsespoir. [] elle se retira parmi les religieuses du monastre de Julius le Martyr, promettant d'y mener une vie chaste 1, crit le clerc gallois au dbut du XIIe sicle. Au-del de la reine elle-mme, cet pisode marquera le dbut de la dcadence de Camelot et des chevaliers de la Table Ronde: notre illustre roi Arthur fut mortellement bless; il fut alors transport dans l'le d'Avallon [] C'tait en l'an 542 2.

Chrtien de Troyes raconte dans son roman la qute de Lancelot aprs sa domna, sa dame, la reine, sa reine pouse de son roi, reine dont il est fou amoureux. L'auteur ne s'est pas inspir que du Historia Regum Britanniae: Chrtien de Troyes puisait une source autre que celle du clerc de Monmouth 3, nous dit Jean Markale. On peut supposer que des bardes lui auront cont diffrentes versions des lgendes arthuriennes, et, dans luvre acheve, il est quasi impossible de faire le tri entre ce qui lui a t rapport et ce qui vient de sa propre imagination. Pour autant, il y a bien une origine celtique l'aventure du chevalier de la charrette.

Au Moyen Age, et particulirement au XIIe sicle, le langage est conu selon le modle symbolique 4, crit Jean-Franois Poisson-Gueffier. Or, comme on l'a souvent relev dans le roman, on y dcouvre de subtils effets de miroir qui font se rpondre entre elles les aventures dans le rcit; cela lgitime une approche psycho-analytique de l'amour et du dsir dans le roman. Et l'on pourra mme s'essayer faire une interprtation trs dipienne de celui-ci. Le mythe ddipe est connu au Moyen-Age par la Thbade de Stace, mais l'interprtation qu'en tirera Sigmund Freud n'est bien sr pas nonce, et imaginer que Chrtien de Troyes a pu avoir une conscience de la thorie freudienne ne serait que supputation dont nous nous abstiendrons.

Il est noter que louvrage se prsente comme une uvre de commande. L'auteur insiste sur cette commande au vers 26 et suivant: matiere et san li donne et livre la contesse. C'est la comtesse Marie de Champagne - fille d'Alinor d'Aquitaine qui a pous Henri II Plantagent roi d'Angleterre - qui Chrtien rend hommage en incipit. Cette dame de Champagne runit dans sa famille directe, comme le relve Arnaud de La Croix, la fois la posie courtoise des troubadours occitans et la lointaine matire de Bretagne. Chrtien se dclare Marie de Champagne suens antiers (v. 4), un peu comme si elle tait sa dame, et comme le fera, et dans les mmes termes sa reine, Lancelot au ver 5656.

Nous appuyant sur les travaux de Charles Mla, nous tcherons d'tudier les incidences psychanalytiques sous-jacentes dans le texte. Mais nous verrons ensuite combien ce que raconte Chrtien de Troyes s'loigne de toute conception idelle de l'amour. En contrepoint, nous nous risquerons enfin esquisser une analyse plus psycho-socio-historienne de l'amour dans le roman.

I ) APPROCHE FREUDIENNE

Charles Mla nous ouvre la voie d'une perception psychanalytique sombre de l'histoire du chevalier qui nous emmnera bien au-del d'un seul adultre.

Ainsi, il y a cette vidence de symtrie entre les deux rois, Arthur et Baudemagu, ce jeu de reflet entre les deux rois 5 que pointe Charles Mla. Et ce avec la figure paternelle qu'incarne Baudemagu 6 qui ne semble pas avoir de reine tandis que la place maternelle semble occupe par une Guenivre dont il protge la vertu comme si c'tait sa propre pouse. Enfin ce roi, personnage sacr et inviolable 7, est par dfinition un peu le pre de tous ses sujets. ce reflet entre les deux rois rpond une fraternit entre Lancelot et Mlagant, fraternit qui est mise en lumire par Mla dans le discours de Baudemagu quand celui-ci manifeste qu'il prfrerait avoir Lancelot comme fils plutt que Mlagant. L'affinit secrte entre les dsirs de Lancelot et de Mlagant, la parent profonde de leur destin, la prfrence avoue de Baudemagu pour Lancelot: "ce Pre l'et dsir pour fils!" 8 crit-il; et de relever encore cette haine inexorable du hros lendroit d'un ennemi qui aurait pu tre son frre 9. Ce paternalisme de Baudemagu vis vis de Lancelot, cet autre fils, se manifeste ds son arrive Gorre o, quand ce dernier y arrive objectivement en ennemi, le roi fait pourtant un accueil des plus bienveillants celui qui vient pour tuer son fils officiel. C'est d'ailleurs, en fin de compte, grce Mlagant que Lancelot pourra concrtiser son dsir amoureux en se lgitimant par une opportune loi chevaleresque qui est dans le dni de celles des dieux et de la socit (v. 1302 1316). Mlagant est donc bien quelque part en mme temps l'alli involontaire et le rival fraternel de Lancelot.

cette attitude paradoxale de Baudemagu, Mlagant, rpond par ce que Mla qualifie comme l'image formidable de la rvolte contre le Pre 10 et le fils rejet choisit sa disgrce plutt que d'obir un pre qui lui prfre Lancelot.

Cette semblance entre Baudemagu et Arthur pousse interprter le dplacement de l'adultre dans le royaume de Gorre, ce royaume interdit 11, comme celui vers le lieu de la transgression et de la ralisation des fantasmes. Or le chemin de la qute amnera traverser de nombreuses forts, lieu o chacun va finalement, au travers de nombreuses preuves, la rencontre de soi. Mtaphore de l'inconscient 12 pour Arnaud de La croix.

Charles Mla relve que le pre interdit la reine son fils... Il suffirait, n'est-ce pas? que celle-ci ft sa femme pour que tout ft dit en clair! 13. Or, si l'on considre que Guenivre est en quelque sorte l'pouse de Baudemagu, si Lancelot est le frre de Mlagant, alors la reine est aussi la mre de Lancelot et la fornication dans la tour ne serait-elle pas ralisation du dsir dipien de relation sexuelle avec l'pouse de son pre, sa propre mre... N'est-ce pas l ce qu'crit Mla:l'aventure rserve au hros la qute de la seule femme que lui dfend la Loi 14? certes reine et pouse de son roi, mais, au-del, ne serait-ce sa mre mme...

Dans ce sens, Mla propose une interprtation intressante de la scne du viol de la demoiselle entreprenante: le spectacle [] s'apparente ds lors quelque fantasme qui interpelle le hros pour qu'il en reconnaisse la vrit 15. Le ct thtral, dj point dans cette scne, lui inspire qu'il pourrait s'agir du fantasme de la "scne primitive" 16; celle o l'enfant se voit assister des rapports sexuels de ses parents, soit qu'il les ait observs rellement, soit qu'il se les soit reprsents sur un mode fantasmatique 17. Or Chrtien de Troyes nous invite penser que Lancelot a dlibrment choisi de surprendre l'intimit de ce viol qui serait en mme temps la relation conjugale entre ses parents, si revandrai quant je cuiderai qu'il soit ore (v. 1045-1046) nous dit ce hros indiscret.

On a parfois vu dans cette demoiselle entreprenante une fe, et mme la fe Viviane, fe Viviane qui est la mre adoptive de Lancelot. Quand il couche donc chastement avec elle dans des draps blancs, regardant droit devant lui, en l'air, en enfant sage (v. 1217-1221), c'est un peu en miroir de la scne de plaisir qu'il aura avec la reine - cette autre mre -, mais dans des draps tachs de sang. Mla ne nous invite-t-il pas emprunter cette voie d'interprtation: l'insistance mise dcrire la parfaite blancheur des draps [] au manoir de la demoiselle (v. 1195-1197 et 985, 997) prsageait-elle les taches de sang qui [] maculent le lit de la reine? 18 Et n'est-ce pas une pudeur maternelle qui fait garder la demoiselle sa chemise en se couchant (v. 1203)?

Si l'on peut discerner de l'inceste dans le fol amour de Lancelot, ne peut-on aussi en trouver avec cette trange pucele la mule (2780-2781) qui arrive juste avant l'preuve du pont et demande la tte du prtentieux pisode miroir de la demoiselle du gu qui avait demand d'pargner son chevalier. Or, on se souvient que cette premire pucele du gu avait t gne qu'il l'ait reconnue (922-926), n'auraient-ils pas un lien de famille honteux? Cette fille la mule, on la retrouve libratrice de Lancelot une fois le rapport avec la reine consomm et on se demande (v. 6660) si elle ne serait pas amoureuse du hros; or non, le vers 6667 ne nous claire-t-il pas: si com ele fest son pere! Elle s'occupe de Lancelot comme s'il tait son pre... alors mme qu'elle est cense tre la fille du roi Baudemagu. Ne serait-ce pas que Lancelot a engross la reine pouse de Baudemagu, ce double de Guenivre, et en a eu cette fille? On a dj vu que Lancelot est un genre de frre de Mlagant, et donc de cette demoiselle qui se trouverait donc tre en mme temps sa demi-sur et sa propre fille qu'il aurait enfante avec sa propre mre.

Pour Mla, Lancelot s'est, en toute conscience, empar de la Lance, aprs avoir touff le feu pour s'installer, sans le moindre trouble, comme son dernier geste le dmontre la place du matre et du roi; ce qui ne va pas, notons-le au passage, sans que le fer ait au ct dchir la peau du chevalier, prsage incertain de la profonde entaille que les barreaux de la chambre de Guenivre feront aux doigts de l'amant. 19 Or cette lance peut aussi s'interprter comme un symbole phallique d'une ultime dfense du roi-pre venu interfrer dans ce lit o l'on trouvait tot le delit qu'an sest deviser an lit (v. 465-466).

Cette lance, on la retrouve au passage du Pont de l'pe dont une interprtation freudienne est tentante. Il est crit avoit .II. lances de lonc. De chasque part ot un grant tronc ou l'espee estoit closfichiee (v. 3025-3026). Mme si tronc n'avait pas le sens de buste au XIIe sicle, on nous montre deux lances symbole phallique vident accroches solidement aux deux billots-pays-corps des deux rois. Le bois de ce billot s'apparente, par sa duret, au sexe masculin (d'o daucuns supputent que l'on aurait hrit du Moyen-Age l'expression je touche du bois: mme si cette origine est sujette caution, elle est psychanalytiquement parlante, signifiante pour employer un vocabulaire lacanien). Ces deux lances ne sont-elles pas charges de sens? D'aprs Jean Markale, le personnage de Lancelot, dont le nom est en principe bien franais, n'apparat pas dans les textes gallois antrieurs Chrtien de Troyes 20 et c'est lui qui invente le nom de Lancelot; pour notre chevalier de la charrette, le patronyme qu'il lui choisit en ferait donc aussi celui de la lance, redoublant par l-mme l'importance de cette lance. Chez Geoffroy de Monmouth en effet, l'amant de Guenivre se nomme Modred; un Modred qui est d'ailleurs neveu du roi Arthur 21.

D'ailleurs, au vers 1035, on a deux lions, symboles royaux qui s'effaceront ds le pont franchi. Or, d'aprs l'Historia regum, rgne Rome cette poque l'empereur Leo 22. Remarquons qu'en-dessous est de l'eau symbole fminin , mais que c'est surtout comme un enfant, quatre pattes (il se blesse mains, pieds... et genoux: ver 3112), que Lancelot traverse l'pe autre symbole phallique ; pe laquelle semble manquer une poigne, ce qui laisse dans l'incertitude quant savoir o est le manche et dans quel royaume et quel roi la tient. Sur cette pe, Lancelot serait dans la voie d'une extase qui voisine avec le vu silencieux de mourir 24 selon Mla; mais le compagnon de Lancelot ne va-t-il pas bien plus loin en comparant cette prouesse avec le retour dans le ventre de la mre (v. 3056-3057)?

Nous ne pouvons pas supposer que les premiers auditeurs et lecteurs de notre rcit, habitus aux combats l'pe, n'aient pas t sensibles un trait d'humour de l'auteur quand il dcrit l'affrontement entre Mlagant et Lancelot. Sans aller jusqu' voir dans toute lutte entre hommes un fantasme homosexuel, nous devinons a minima ici une mtaphore coquine - et peut-tre la reprsentation en miroir de la scne d'amour qui ne sera pudiquement pas dveloppe? - dans le premier duel entre les deux faux-frres quand, face sa dame, on nous montre un Lancelot qui se retient... de frapper Mlagant et le mne arriers et avant (v. 3746) pour faire durer... le combat? Autant ce comportement du chevalier est ridicule dans la scne reprsente, autant il se comprend avec une dame dans des situations que nous ne raconterons pas. L'amour et la mort ne sont-ils d'ailleurs pas associs avec ces deux couples Lancelot-Guenivre et Lancelot-Mlagant?

Enfin, trois dcennies aprs la mort d'Ablard, il y a de nombreuses occurrences, outre les ttes coupes (v. 2922 par exemple), de castration. (On peut penser aussi la castration d'Ysengrin dans le Roman de Renart qui se compose la mme poque.) Ainsi les deux lions vont arracher les membres du chevalier (v. 3071), ainsi des blessures sur le pont (v. 3112), ainsi on veut toloir Lancelot, le priver de sa bataille (v. 3247), ainsi le petit doigt s'est bless contre les barreaux (v. 4640): la coupure au doigt voque la menace qui accompagne insparablement toute transgression dans le sens de la jouissance en pense Charles Mla 24. Et puis surtout, en rentrant du lit de la reine (v. 4725) o Lancelot pense qu'il prfrerait avoir ses bras arrachs que de n'y tre all (v. 4732). Sa blessure au doigt n'est-elle pas rptition des blessures de la traverse du pont (v. 3112) o, comme pour se mettre au lit, il se dchausse: estrange mervoille que ses piez desarme et ses mains (v. 3096-3097). Cette castration n'est-elle d'ailleurs pas l'amour lui-mme? Amour lui rouvre la plaie qu'il lui a faite (v. 1336-1337) nous rvle Chrtien! La castration rdait, elle intervient rgulirement dans les fabliaux comme vengeance du mari tromp, explique Jean-Pierre Poly.

Pourtant peut-tre ne faut-il pas exagrer dans le sens d'une interprtation trop freudienne en ne voyant dans la scne d'amour du chevalier de la charrette que la ralisation du tabou de l'inceste mre-fils. Michel Onfray nous invite au contraire se mfier de telles interprtations qui ne tendraient souvent qu' montrer les fantasmes de celui qui les y a dcouverts... 26 Effectivement, trop interprter, ne risquerait-on pas de voir en chaque femme marie celle de son pre et dans tout adultre l'inceste mre-fils d'dipe et Jocaste?

II ) L'AMOUR ET LE DSIR DANS LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE

A ) Charrette d'amour et lit d'infamie

Or il nous semble qu'il nous faut nous intresser la manire avec laquelle Chrtien de Troyes dsigne le dsir, ce dsir de fol amour (l'auteur n'crit jamais fin amor dans ce roman) qui est central et polymorphe dans luvre. Amour est d'ailleurs souvent not avec une majuscule, Amour; mais est-ce vraiment une rvrence cet amour passionn pour lequel ceux qui en sont frapps oublient toute raison? Cet Amour majuscule nous rappelle d'ailleurs la conclusion de l' Appendice des Lpreuses de Henri de Montherlant. la veille de la seconde guerre mondiale, celui-ci crivait propos de cette risible monstruosit, que nous appellerons l'Hamour, par le mme procd qu'employa Flaubert quand il cra hnaurme : pour en indiquer la fois la prtention et le ridicule 27. Or nous a sembl possible de lire cette uvre de Chrtien de Troyes comme si son auteur partageait, l'gard de l'amour sentimental, la mme horreur que Montherlant dpeindra dans sa ttralogie des Jeunes filles, huit sicles plus tard.

Alors il nous faudra tre en dsaccord avec Charles Mla quand celui-ci affirme que l'acte du hros l'a plac au-del du bien et du mal 28. Mme s'il ne s'appartient pas 29 et s'est mis sous l'empire de l'Amour, Lancelot n'a pas t comme Tristan victime d'un filtre, rien d'autre que son agrment ne l'a assujetti sa passion pour Guenivre, rien ne nous permet de supposer qu'il a perdu les notions de bien et de mal et qu'il n'est pas pleinement conscient de la gravit de sa transgression. Le geste de la transgression se manifeste dans son ambigut face au caractre sacr de la loi. Georges Bataille rappelle que la "transgression [] diffre d'un prtendu retour la nature : elle lve l'interdit sans le supprimer". Loin d'tre ngation de la loi ou de l'interdit, la transgression procde d'un rapport quivoque avec le sacr, rvlant une "profonde complicit de la loi et de la violation de la loi". La transgression advient alors dans une temporalit contradictoire, conciliation transitoire du "respect de la loi et de sa violation" (Mircea ELIADE, Le Sacr et le Profane, Gallimard, coll. Ides: 1965, p. 15), crit Jean-Franois Poisson-Gueffier 30. Lancelot ne saurait donc tre transgressif et ne plus reconnatre le mal. Alors, Lancelot n'agit-il pas dj au contraire comme ce nouveau bourgeois, que dnoncera Michel Clouscard, qui se dculpabilise en promouvant sa sexualit en combat rvolutionnaire 31? avec son corps (Nous disons bien le corps. Et non l'homme, le citoyen, la personne.) [] qui fonctionne sans aucune transcendance. Sans aucune rfrence la transcendance verticale (Dieu, les Dieux...) ou la transcendance horizontale (le devoir, l'tat, la socit) 31. Or il peut sembler que Chrtien nous fait la peinture d'un Lancelot hdoniste et gotiste, sans aucune compassion pour ses semblables et sans aucun souci chevaleresque - ne serait-ce que pour les otages qu'il libre mais se dsintresse de ramener Logres. Lancelot qui la socit entire demeure indiffrente, proccup seulement par son ego et la ralisation de sa pulsion. Il nous semble prsent par l'auteur comme un personnage bien plus immoral qu'amoral, quasi asocial ou antisocial.

Mais il n'y a pas que Lancelot tre gouvern par Amour dans le roman. Ainsi, si celui-ci est follement pris de la reine, il y a aussi cette reine et l'on attendra la scne de la tour pour tre certain que cet amour est partag par son objet. Il y a aussi bien sr Mlagant qui porte la reine un amour passionn gal celui du hros 33 nous dit Charles Mla, il est le double maudit 34 et malchanceux de Lancelot, il est sa propre image 35 que l'amour amne faire des folies jusqu' en mourir, une reprsentation symtriquement inverse de son amour, [] la forme refoule du dsir de Lancelot; il est l'autre parce qu'il est, en vrit, le mme 36.

Si ce mme se conduit si diffremment, si tout ce qu'il fait est mauvais, la relle diffrence entre les deux rivaux n'est-elle pas que l'un est aim, l'autre non? N'est-ce pas de n'tre pas aim qui a rendu Mlagant mauvais? Car quant Amour, il est fatalit et, on sent bien que quoi que pourrait faire le mal-aim, je ne l'an sai point de gr en dit Guenivre (v. 3959). En effet, nul ne saurait se prvaloir du moindre droit sur la Dame; on ne la mrite pas. Ce qu'elle accorde ne viendra jamais que de surcrot, par le seul effet de sa grce., rappelle Mla 37. dfaut de cette grce, l'amoureux est banni. Mais, dans le duel final, quand ils tournent en rond en se battant, l'auteur ne remet-il pas galit les deux rivaux jaloux avec ces force et audace, ces amour et haine, qui, par syllepse, grammaticalement, ne concernent-ils pas lgitimement autant l'un que l'autre des deux prtendants (v. 3720)?

Parmi ces amoureux, n'y a-t-il pas aussi Kex? Le snchal adopte en effet un trange comportement au dbut de l'intrigue en poussant donner la reine Mlagant. Guenivre sur laquelle, s'il l'avait gagne, la loi de Logres lui donnait le droit d'en jouir. Un Kex qui va d'ailleurs jusqu' avouer Lancelot s'as fet ce que ge ne poi fere (v. 4012); autant dire que les deux chevaliers taient dans la mme qute amoureuse de Guenivre! Kex qui, soign par Baudemagu, est un peu comme un troisime frre quand il dit du roi Baudemagu ensi pere avoie et parrastre (v. 4035), et lui aussi pourrait donc tre vu comme un membre de cette famille incestueuse et fratricide (selon la lgende celtique, Kex est un frre de lait d'Arthur).

Mais il y a encore ce jeune prtendant amoureux de la demoiselle entreprenante mais qu'elle n'aime pas et qui devra son pre de renoncer raisonnablement la prendre (v. 365). Et c'est encore une scne en miroir puisque, contrairement lui, Mlagant ne suivra pas les conseils de son pre et y perdra la vie et la considration de son pre. Enfin il y a la demoiselle entreprenante: espoir tant le puet ele amer (v. 963); demoiselle qui l'oblige coucher avec elle (les murs au Moyen Age n'taient peut-tre pas si prudes qu'on en a souvent l'ide, ce que nous verrons plus tard). Quoi qu'il en soit, ce dernier amour-dsir fminin ne sera pas rciproque.

Pour ces amoureux - excepts Kex et la demoiselle entreprenante qui peuvent sembler un peu plus matures -, on a les mmes descriptions des tourments de l'amour. L'amour n'est pas seulement aveugle, il fait de nous des imbciles heureux et le plus souvent malheureux, nous enseigne Jean-Edern Hallier 38. Mais Arnaud de La Croix rapporte que Denis de Rougemont considre de nos amants que ce qu'ils prouvent est la passion, non l'amour 39.

Or un lien troit noue la honte l'extase: chaque fois que le hros est prt d'affirmer sa suprmatie, la premire se rappelle lui et l'empche de se prvaloir de sa toute-puissance; son image de lui-mme ne cesse de lui renvoyer cette originelle flure 40, explique Charles Mla. En effet, le grand amoureux du roman est montr plutt pjorativement par l'auteur.

Ainsi, il est associ au tratre, l'assassin, au vaincu, au voleur quand il monte dans la charrette (v. 328 332). Il est hu, a droit du mpris et des injures, on lui promet d'tre pendu, noy, brl ou corch vif (v. 405 418), il est compar un contret cause de son mesfet (v. 439-440), il est honiz (v. 486), pas droiz (v. 488). Cela cause de cette charrette qui est synonyme d'infamie et le chevalier se verra mme dgrad en charretons (v. 884), chevalier charret qui s'est mis au ban de la chevalerie 41 dans une charrette qui est pire que la mort (v. 2774) et qui met sur lui la honte (v. 363), honte qui sera rpte maintes reprises: son cuer en a molt grant honte (v. 866).

Mais cette infamie gagne en grimpant dans la charrette qui l'emmne vers le lit de la reine, cette infamie se double de ce comportement asocial qu'on lui a dj trouv plus haut. Ainsi il dfie les lois de l'hospitalit quand la demoiselle lui interdit le troisime lit (v. 476 480), ce que l'on sera tent d'excuser dans la mesure o cela fait partie des exploits accomplir dans sa qute. Mais pourquoi lui faut-il demeurer muet avec la demoiselle c'uns convers qu'il n'est pas (v. 1219)? Quelle excuse surtout sa satisfaction de s'exaucer de galanterie en l'aidant descendre de cheval un peu plus tt (v. 1006 1008)? Par bien des gards, le Lancelot que nous montre Chrtien de Troyes ne droge-t-il pas l'idal courtois?

Au moins Lancelot sera-t-il un bon chevalier! Or non, et Chrtien insiste sur sa maladresse rptition. Il commence par ne pas prendre le meilleur cheval (v. 291 294) et crve ses chevaux (v. 305), ce tandis que Gauvain le rejoint semble-t-il sans encombre. Lancelot perdra aussi ses armes plusieurs fois, d'ailleurs il est toujours avec les chevaux, les armes... la femme! des autres; et il ne monte mme pas sur le cheval qu'on lui a offert mais sur un autre (v. 2991-2992). Il est montr comme assez grotesque: par l'oxymore ridicule du seant le chevalier (v. 380-381), par Gauvain qui le rattrape pitoyablement alors qu'il manque de tomber par la fentre (v. 566-567), en tant sans force ni dfense, ne sachant plus rien mme pas son nom, ne voyant ni n'entendant rien (v. 712 724)... Cil ne l'antant ne ne l'o (v. 744) qui s'emervoille niaisement (v. 770), il est absent: cil de la charrete panse (v. 711), ce qui manque de lui coter la vie alors que sa qute est peine entame. Dolanz, iriez, anpiriez, il pert ses cos et le jor gaste (v. 875 877).

Celui qui mal randra la dete de la voie qu'il a enprise (v. 868-869) n'est vraiment pas la hauteur. Il est en desverie (v. 573) et Gauvain pense des agissements de son ami que c'est molt grant folie (v. 389). Quant au nain, tu tant te hez lui dit-il (v. 384). En fin de compte, la demoiselle l'affirme: Mialz valdroit il morz que vis. Sa vie est des or mes honteuse et despite et malereuse (v. 580 583).

La premire chose positive sur Lancelot a t mise dans la bouche de la demoiselle entreprenante (v. 1270 1278) aprs qu'ils se sont couchs chacun dans leurs chambres respectives. D'ailleurs, vitant de donner son propre avis sur son hros, c'est bien souvent des protagonistes par exemple Baudemagu ou le pre du jeune chevalier qui Chrtien laisse le soin de vanter les mrites de Lancelot.

Mais on le verra encore insomniaque (v. 2189), manquant de s'vanouir la vue de cheveux sur un peigne (v. 1424 1434), mprisant les saints (v. 1474 1476), s'exprimant mal alez, alez! (v. 1536) au point que l'auteur joue le jeu de devoir traduire ce que son hros a t incapable de dire, interrompant la joie et les jeux (v. 1701-1702), dans l'ennui avec la demoiselle (v. 2003) avec qui il ne se montre pas courtois, larmoyant (v. 3979-3980), et surtout, quand il tente de s'trangler, l'ennemi de lui-mme (v. 4303), etc.

En rsum, le dessin que nous fait Chrtien de Troyes de son hros n'a rien de celui d'un D'Artagnan par Alexandre Dumas; il aurait plus de familiarit avec un Julien Sorel, et sa prise de la tour de la reine ne trouve-t-elle pas comme un cho dans celle de Sorel dans son escalade rocambolesque de la demeure de Mme de Rnal pour sa dernire nuit d'amour avec elle?

Pour finir, de quelque faon que l'on interprte l'excipit - par exemple comme Arnaud de La Croix: Le conte est crit sur commande pour Marie de Champagne, et Chrtien qui ne s'y reconnat sans doute pas, l'a fait achever par un autre clerc 42 -, cet excipit semble bien dire que la fin voulue par Chrtien de Troyes, c'est de laisser Lancelot moisir dshonor dans cette Tour de pierre qui joue, par rapport la gloire, le rle d'oubliettes! [] Lancelot a disparu sans honneur 43. Chrtien de Troyes, aprs l'en avoir fait chapper ( moins que ce ne soit la complicit de Godefroiz de Leigni?), prend soin de terminer son rcit par Lancelot de la Charrete. Charrette double de sa tour - associe cette infamie qui est en point final du rcit. On parlerait tout aussi bien de la charrette d'amour que du lit d'infamie! rappelle encore Mla 44.

B ) Malheur de l'Amour

S'il est si mal, c'est cause de son Amour, et Chrtien de Troyes le rpte l'envi. Il donne des descriptions psychologiques pathtiques des dgts de l'amour sur le hros et sur ceux qui en sont frapps. Mais on ne peut en rien blmer Lancelot (v. 1226 1242)! Si on lui reprochait de s'tre tran dans l'infamie en montant dans la charrette, lui plaide en quelque sorte le crime passionnel: il faudrait en effet ignorer ce qu'est Amor, nous assure-t-il (v. 4354 4359). Car, comme il a sacrifi la raison l'amour (v. 365 377), c'est dsormais cet amour qui le gouverne (v. 711 724) et son dsir n'est plus que la volont de sa domna (v. 5893). Lui se prsente en quelque sorte comme irresponsable, comme un enfant.

Il n'y a que sa passion qui vaille ses yeux quelque chose, toute la socit et ses rgles lui sont indiffrentes, quant l'or il ne vaut rien ct de cet amour (v. 1482 1494). Dans cette voie douloureuse (v. 2139), pour ce fou, cet orgueilleux cervel (v. 2580 2583), sa propre vie vaut-elle gure mieux que la mort (v. 4330 4332)? On a dj vu qu'il en perd l'usage des sens, il en perd mme la parole et toute couleur (v. 1435 1437). Et toutes les manifestations de joie le laissent froid, impatient seulement du retard qu'elles apportent la qute, tourn vers l'unique pense de sa Dame rsume Charles Mla 45.

la reine aussi l'amour fait perdre ses couleurs (v. 5243): elle en a sa beaut altre (v. 4190) et elle aussi en vient penser au suicide (v. 4180). On lui pardonnera facilement d'tre menteuse (v. 4782-4783), mais elle sait aussi se montrer hypocrite (v. 6836 6841) et calculatrice (v. 6849 6853). Elle sait encore tre ddaigneuse et hautaine (v. 3967 3969); pire encore, elle se fait cruelle et mchante (v. 4191 et 4204) et, quand elle apprend que Lancelot a tent de se tuer, elle s'en rjouit (v. 4431 4433) et ne cache pas son plaisir! 46

Pour l'amoureux Mlagant, il souffre des mmes maux que son rival plus heureux. Il est malade de folie (v. 3460, 6328, 6330 et 7084) et d'orgueil (v. 6309), sans joie, sans contentement, sans plaisir (v. 3468 3471). Pour le prtendant de la demoiselle entreprenante, lui aussi est dans la folie (v. 1519, 1792 et 1987), n'a plus de joie (v. 1716-1717 et 1762), mais est dans la douleur (v. 1548 1553). Or il prfrerait pourtant mourir que de renoncer (v. 1606-1607).

Au milieu de tout ce malheur, il y a tout de mme ces moments dans la tour qui runissent Lancelot et Guenivre, quasi seul pisode de toute luvre qui ne soit pas ngatif quant l'image donne du dsir et de l'amour. La reine lui fait mme le plus bel accueil pour que molt ot de joie et de dedit (v. 4654 4686)! C'est 32 vers! sur 7114, mme pas la moiti d'un ver sur cent. Aussitt aprs la consommation de ce merveilleux amour, ce sont les affres d'Amour qui recommencent... III ) PSYCHO-ANALYTIQUE HISTORIQUE DE L'AMOUR ET DU DSIR

Mais, pense Jean Markale, si Freud a raison lorsqu'il prtend que les mythes traduisent les dsirs refouls, il se garde bien d'aller plus loin. Car, ce moment-l, on peut trs bien admettre que ces dsirs maintenant refouls correspondent une ralit antrieure 47. Alors peut-tre est-il lgitime de chercher une autre approche psycho-analytique que celle hritire des temps modernes. D'ailleurs, nous dit Arnaud de La Croix, Danile Rgnier-Bohler se demande si dans les lais ne se profile pas l'esquisse "d'un monde matriarcal, que l'on dit archaque, mais qui relve peut-tre des fantasmes les plus sduisants du Moyen Age" 48. Alors ne pourrait-on pas interprter ces jeux du dsir et de l'amour dans une autre direction, trs loigne de celle popularise par Hollywood et un certain romanesque romantique... Markale prsente d'ailleurs Arthur comme le mythe du Roi Cocu qui doit partager la souverainet avec son peuple reprsent par l'Amant de la Reine 49. Il faudrait donc revenir ce premier Moyen Age qui se terminera aprs notre XIIe sicle. S'y ctoient encore des murs trs opposes, la morale romaine ne s'imposera en effet vraiment qu' la Renaissance, Renaissance que Arnaud de La Croix considre comme une rgression puisque ce sera un retour en arrire vers la Grce et la Rome latine. Et de nous rappeler que la fin des temps mdivaux fut propice au rveil de la guerre des sexes: Rgine Pernoud souligne le dveloppement d'un climat de misogynie dater de la seconde moiti du XIIIe sicle, rsurgence du droit romain patriarcal au dtriment des droits coutumiers, vogue de la philosophie d'Aristote, dvaluant le fminin dans la ligne de la pense antique 50. Arnaud de La Croix va encore plus loin: l'rotisme contemporain [] loin de toute ambivalence, relve de la pulsion sexuelle isole, purifie la manire platonicienne ou ovidienne. Basculant peu peu de la spiritualit noplatonicienne au rationalisme matrialiste, la Renaissance puis les temps modernes constituent en ce sens une rgression. Ces priodes ne reconnaissant que le sentiment amoureux ou les sexe pur. [] Les libertins du XVIIIe sicle, Sade en tte, confondent sexualit et agression: ce n'est jamais que la conqute ovidienne de la proie par son sducteur, revisite jusqu' ses ultimes consquences 51. Or notre monde ce que dnonce Miche Onfray dj cit plus haut - est envahi de pense idaliste post-platonicienne qui tend essentialiser, et en premier lieu le sujet qui nous occupe ici: l'amour, en gnral considr uniquement partir du mythe fabuleux de l'androgyne cont par Aristophane dans Le banquet. Si l'on suit les chercheurs cits plus haut, une autre grille de lecture permettrait une autre comprhension du texte de Chrtien de Troyes. Nous allons donc nous essayer nous introduire dans ce monde trange - et combien tranger - en mettant de ct nos a priori idologiques d'occidentaux postmodernes pour tcher de mettre jour une autre psych qui serait celle d'un Moyen Age pr-classique du XIIe sicle, mais aussi de l'univers bien antrieur, celui de la lgende arthurienne.

Or notre perception de l'poque mdivale est souvent trs fausse. On a tendance voir tout le millnaire mdival comme un temps uniforme o une dvotion chrtienne rigide est matresse absolue de tout ce qui concerne la sexualit et l'amour. Mais La Croix nous dtrompe: il y a bien alors loge de la chastet et succs corrlatif du monachisme, condamnation de la luxuria, de la fornicatio, et ce jusqu'au sein du mariage. Ces traits ont marqu la sexualit de l'Occident chrtien. Cependant, Le Goff prend soin de prciser: "Des descriptions la pratique, le foss, sans aucun doute, a t grand" 52. En effet, le gigantesque effort de lglise au Moyen Age pour amener la masse des fidles la Religion du Livre et la soumission envers les gens du Livre, les clercs 53, n'a pas encore port ses fruits; il faudra attendre le sicle suivant pour, face aux traditions franques mais aussi antrieures aux Francs, que vraiment se popularise une religion qui restait encore une affaire de clercs 54.

Ce n'est qu'en 1215 que le le IVe concile de Latran [] rend obligatoire la confession annuelle 55 (c'est nous qui soulignons). On parle d'un monde o les rois avaient t polygames: Telle tait la structure du mariage chez les Francs saliques au Ve sicle: une pouse prfrentielle, la cousine matrilatrale parallle, et ventuellement des pouses trangres la famille, en plus ou la place de l'pouse privilgie, nous explique Jean-Pierre Poly 56. Quant aux prtres, au XIIe sicle encore, ils ont souvent des concubines. Mme aprs le VIe sicle, il arrivait que les fils pousent la veuve de leur pre aprs la mort de celui-ci: En 594, avec les progrs du christianisme, le roi Childebert, inspir par ses conseillers ecclsiastiques, outre la prohibition des "noces incestueuses" dans la parent par alliance la femme du frre, la sur de l'pouse, l'oncle de l'pouse et dans la parent consanguine, sans prcision, dicte la peine de mort pour une infraction plus horrible, prendre la femme de son pre, sa martre au sens ancien du terme rapporte encore Poly 57. Lglise ne parvient imposer ni son calendrier amoureux ni son rejet des plaisirs sensuels; il y a un got prononc des hommes du Moyen Age pour les tuves. L'on s'y baignait et mangeait nus entre amants, tout en se livrant des attouchements intimes... au vu et au su des autres couples prsents. [] Orgies carnavalesques, crmonies parodiques o le monde est temporairement sens dessus-dessous [] et o le comique s'associe au vulgaire se sont poursuivies jusqu'au XVIe sicle malgr les interdits des autorits ecclsiastiques 58. Les femmes usent de moyens contraceptifs des plantes notamment et se provoquent mme des fausses-couches et Poly va jusqu' supposer que le passage de la basse dmographie du premier Moyen Age la dmographie de croissance du Moyen Age classique pourrait donc avoir pour cause principale l'abandon d'une restriction volontaire de fcondit 59.

Ce ne serait donc pas ce monde austre et rigoriste sur le plan des relations amoureuses que l'on s'imagine parfois. Cela est particulirement vrai dans les contres qui avaient t les moins romanises, dont la Grande Bretagne. La Croix nous explique qu' la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 merge une civilisation nouvelle, faonne d'influences diverses: l'apport des envahisseurs barbares s'impose, le substrat celtique remonte des profondeurs 60. Quant Poly, il nous assure que dans les socits de l'Europe septentrionale [] clotrer les femmes en essayant de les borner au rle de reproductrice se rvlait encore plus difficile qu' Rome 61; en effet, au mle Moyen Age, les femmes n'avaient pas du tout perdu du pouvoir qu'elles avaient longtemps exerc sur les parentles du Nord 62. Or, en redcouvrant au XIIe sicle la matire de Bretagne, transparaissent dans ces lgendes les murs d'une autre socit beaucoup moins contraignante quant l'amour que celle des Rome antique et chrtienne - et plus galitaire pour les femmes o la loi privilgiait la succession fminine 63, elles y auraient mme t dominantes. On sait maintenant que la socit de type celtique, du moins en droit, accordait aux femmes une place que celles-ci n'avaient pas dans les autres socits contemporaines. Elles participaient la vie politique et la vie religieuse ; elles pouvaient possder des biens personnels ; elles pouvaient rgner ; elles pouvaient fixer librement leur choix sur un homme, elles pouvaient divorcer si leur mari outrepassait ses droits, et, en cas d'abandon du mari ou de l'homme suborneur, elles avaient la possibilit de rclamer une forte indemnit. Or, selon Jean Markale, l'Occident est l'hritier des Celtes. Transparaissent peut-tre mme les traces des socits antrieures l'invasion celte, ces chevaliers, si on les examine de prs, sont d'ailleurs des dieux et des hros de la mythologie tant irlandaise que galloise, remarque-t-il 64. Ainsi, selon la lgende de Meldun, la reine prte pour la nuit ses 17 filles aux 17 marins du hros, quant Guenivre, n'est-elle pas comme la reine Mebd de l'pope irlandaise qui se donne qui veut d'elle [], la Prostitue Sacre bien connue des Orientaux, mais qui fait frmir d'indignation les Occidentaux actuels qui portent le poids de vingt sicles de tradition judo-romaine interroge Markale 65. Or ces Celtes auraient mari leurs propres murs celles des socits matriarcales antrieures. La socit celte aurait conserv une prdominance fminine tout en imposant la famille patriarcale autour du couple pre-mre, couple ignor de la socit matriarcale pure caractrise par le fait que les enfants ne sont pas levs par un pre mais par ses oncles maternels (puisque, dans ces socits, il n'y a pas de couple pre-mre et les enfants n'ont donc pas de pre biologique reconnu). Transparatrait donc dans ces lgendes arthuriennes un inconscient collectif pense Markale. Selon lui, la meilleure preuve en est qu'aux XIIe et XIIIe sicles, toute l'Europe de souche celtique se retrouve dans les Romans de la Table-Ronde. Tous les vieux rves refouls se librent un instant dans les aventures merveilleuses d'Arthur, de Lancelot et de Gauvain. Toute la mystique celtique, contenue grand peine par les canons du catholicisme romain, resurgit dans le mythe du Graal, sous un habile dcor vaguement chrtien 66; ces mythes emmnent vers les domaines tnbreux que jusqu' prsent, seuls les potes et les artistes avaient connus. C'est la psychanalyse qui a combl le vide en apportant les moyens de satisfaire cette curiosit ancestrale. En fait, les Celtes, par le rve, le refus perptuel d'une ralit apparente, lexplosion permanente de leur moi profond, avaient dj dcouverts depuis longtemps une sorte de catharsis. 67

Ce serait notamment cette place particulire de la femme qui aurait fascin la fois les cours du XIIe sicle et Chrtien de Troyes; Chrtien de Troyes qui tentera de concilier l'amour avec le couple, en dcrivant un modle relationnel galitaire, dpassionn 68, car le propos de Chrtien n'est rien moins que la rconciliation de l'amour et du couple, nous apprend Arnaud de La Croix 69. Modle galitaire et dpassionn qui serait donc l'inverse du modle grco-romain o la femme est infriorise et o l'amour n'est considr qu'entre un suprieur et un infrieur: dans la potique mauresque comme en Occitanie, l'amour est vcu hors mariage. La raison en parat assez claire: ces socits magnifiaient l'origine le lien homosexuel qui unissait l'ami l'ami, selon le modle antique de la fraternit virile. La femme y apparaissait comme une crature trange, voire dangereuse, laquelle on pouvait s'unir pour avoir des enfants ou acqurir une position par l'alliance avec la famille de son pre nous rappelle-t-il encore 70. Mais ce couple idal de Chrtien de Troyes serait aussi l'inverse du modle moral qui va se rimposer, surtout partir de la Renaissance quand aprs la romanisation des royaumes barbares [] Le mari (qui) avait t l'homme de main de sa femme [] prtendit avoir la haute main sur elle 71. Couple qui serait enfin l'oppos de celui de Lancelot et Guenivre dont il donne cette image si peu sduisante que l'on a vue dans Le chevalier de la charrette; ce couple de l'amour courtois des troubadours o l'amoureux, masochiste selon La Croix 72, ce malheureux est comme l'esclave de sa matresse-domna tandis que celle-ci n'exprime pas de dsir: L'amour courtois ne "librait" pas les femmes d'Europe occidentale, il tait un compromis historique, l'empreinte de leur ancienne dominance sur leur dpendance nouvelle selon Jean-Pierre Poly 73. Alors qu' avec les uvres issues du substrat celtique, le jeu est radicalement diffrent: c'est la femme qui prouve du dsir affirme Arnaud de La Croix 74.

CONCLUSION

Si l'on prend la question fminine comme pierre de touche, comme nous y incite Jean-Pierre Poly, on s'aperoit que l'Antiquit et le Moyen Age classique, tous deux fort mles, sont spars par un temps o la romanit "vulgaire", celle des provinciaux, des paysans, des soldats, fut confronte aux socits [] du Septentrion, qualifies de barbares [] ces socits [] taient de dominance fminine, nous dirions matriarcales si le mot n'voquait un symtrique inverse du patriarcat [] Le patriarcat n'tait donc pas ternel et universel, comme le croient beaucoup de nos contemporains, comme ils le croiront encore malgr les tmoignages contraires apports par ce livre ou par d'autres 75, et malgr la persistance, jusqu' l'aube de notre sicle, d'une socit dveloppe de 40 000 Tibtains, les Na, ayant jalousement conserv des murs strictement matriarcales. Derrire la sexualit des femmes, s'attardent les ombres du Chemin crit-il encore; la rupture officielle avec la vieille coutume [] n'avait pas fait disparatre un profond sentiment d'infriorit, une difficult tre sans la protection d'une femme; et dcrivant ce passage d'une socit matriarcale une autre patriarcale, mesure que cessaient les rituels et que s'enfouissait l'imaginaire ancien, cette inscurit mentale de moins en moins affronte devenait une peur intense de ces mres que les hommes commenaient malgr tout quitter 76. Or cette socit celte post-matriarcale aurait conserv l'importance des liens avunculaires que l'on croise souvent dans la matire de Bretagne: Gauvain, neveu d'Arthur 77, Erec et le roi Marc, cousins d'Arthur, etc. Tacite avait d'ailleurs remarqu, dans ces socits, que les enfants des surs trouvent le mme honneur chez l'oncle maternel que chez le pre. Certains estiment ce lien du sang plus sacr et plus troit 78. Dans une socit matriarcale, comme dans une socit patriarcale, l'inceste est proscrit, surtout entre le fils et sa mre. Mais, avec Lancelot, le pacte par lequel s'institue la socit a t, pour un temps, suspendu nous dit Charles Mla 79; or l'histoire que nous narre Chrtien de Troyes pourrait sembler mler les deux tabous: celui occidental de l'poque l'adultre, qui plus est royal -, et celui, universel, de l'inceste mre-fils. Chrtien de Troyes n'est-il pas, dans son Chevalier de la charrette, parvenu digrer les lgendes celtiques, avec un corpus pr-celtique sous-jacent, pour la fois dnoncer les mesfets de l' Amour et laisser entrevoir des relations homme-femme moins passionnes et plus galitaires?

NOTES:

1) Geoffroy de Monmouth traduit par Laurence Mathey-Maille, Histoire des rois de Bretagne. Paris, Belles lettres: 1992. p. 256

2) ibid. p. 258

3) Jean Markale, Les Celtes et la civilisation celtique. Bibliothque historique Payot: 1969. p. 257

4) Jean-Franois Poisson-Gueffier, La transgression du Sacr (XIIe-XIIIe sicles), Mmoire de Master 2 prpar sous la direction de Madame le Professeur Catherine Croizy-Naquet. Paris III Sorbonne Nouvelle: 2012: au Moyen Age, et particulirement au XIIe sicle, le langage est conu selon le modle symbolique, auxquels correspondent l'organisation sociale de la fodalit et la pense thologique rgnante. (Chapitre I, 2, B, 2, C: Transgression du code, vacillement du monde)

5) Charles Mla, La reine et le Graal. Seuil essais: 1984. p. 308

6) ibid. p. 259

7) op. cit. Jean Markale. p. 11

8) op. cit. Charles Mla. p. 309

9) id.10) ibid. p. 307

11) ibid. p. 261 Lancelot affronte [] sa plus grande honte; son aventure est tout entire dans ce royaume interdit o il pntre toujours plus avant, quand Tristan peine s'en dgager.

12) Arnaud de La Croix, L'rotisme au Moyen Age, Le corps, le dsir, l'amour. Ed. Tallandier: 2013. p. 81

13) op. cit. Charles Mla. p. 306: Il rsulte de ces changes entre les personnages que la relation coupable entre Lancelot et Guenivre reoit une traduction imaginaire qui la charge d'une rsonance plus trouble. En voici, en effet, la reprsentation scnique: "le pre interdit la reine son fils..." Il suffirait, n'est-ce pas? que celle-ci ft sa femme pour que tout ft dit en clair!

14) ibid. p. 261

15) ibid. p. 281

16) ibid. p. 283

17) Encylopaedia universalis: Scne primitive.

18) op. cit. Charles Mla. p. 284

19) ibid. p. 268

20) op. cit. Jean Markale. p. 396-397: le personnage de Lancelot, dont le nom est en principe bien franais, n'apparat pas dans les textes gallois antrieurs Chrtien de Troyes. [] Il y a ici une confusion de personnages dont l'lment cohrent est l'pe, tout cela pour arriver au nom de Loth, en gallois Llwch, l'quivalent phontique de Lug. Et Lug est dit Lamfada, la longue lance. Il est incontestable qu'il y a plus qu'une concidence entre Lug la longue lance et Lance-Lot ou Lance-Loth.

21) op. cit. Geoffroy de Monmouth. p. 254: son neveu Modred [] la reine Guenivre, brisant les liens de son premier mariage, entretenait avec lui des rapports adultres.

22) ibid. p. 215

23) op. cit. Charles Mla. p. 278-279: nous pouvons ainsi formuler le sens contradictoire de la qute: la honte assume ouvre un homme qui s'est interdit d'tre le matre la voie d'une extase qui voisine avec le vu silencieux de mourir; mais le hasard de sa voie lui fait justement honte de son extase, le sommant d'tre le matre pour forcer un accs dont il ne serait plus digne et rveillant en lui comme une envie de tuer: de la honte la haine, par l'extase et la mort

24) ibid. p. 296

25) Jean-Pierre Poly, Le chemin des amours barbares, Gense mdivale de la sexualit europenne. Perrin: 2003. p. 435

26) Michel Onfray, Apostille au Crpuscule, Pour une psychanalyse non freudienne. Grasset: 2010.

27) Henri de Montherlant. Les lpreuses. Paris, Gallimard, Le Livre de Poche: 1939. p. 237-238

28) op. cit. Charles Mla. p. 264: Le saut dans la charrette s'identifie un renversement des valeurs; l'acte du hros l'a plac au-del du bien et du mal. Il fallait son hsitation pour qu'on l'apprt.29) ibid. p. 261

30) op. cit. Jean-Franois Poisson-Gueffier. Introduction

31) Michel Clouscard, Le capitalisme de la sduction, critique de la social-dmocratie libertaire. Problmes/ditions sociales: 1981. p. 110: Extraordinaire habilet de l'idologie: avoir identifi le sexe et la libert, la libration sexuelle et la libration des opprims. Le sexe, en dfinitive, est le chemin de la libert. Ainsi le nouveau bourgeois se dculpabilise en promouvant sa sexualit en combat rvolutionnaire.

32) ibid. p. 214

33) op. cit. Charles Mla. p. 297

34) ibid. p. 303

35) ibid. p. 304

36) ibid. p. 302

37) ibid. p. 287

38) Jean-Edern Hallier, L'vangile du fou. Albin Michel, Le Livre de Poche: 1986. p. 253

39) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 85: tout ceci fait souponner Denis de Rougemont que le dsir sans cesse ajourn serait cela mme qui lie les amants. Ce qu'ils prouvent est la passion, non l'amour. "Ils ont besoin l'un de l'autre pour brler, mais non de l'autre tel qu'il est; et non de la prsence de l'autre, mais bien plutt de son absence!"

40) op. cit. Charles Mla. p. 275

41) ibid. p. 295

42) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 88

43) op. cit. Charles Mla. p. 314

44) ibid. p. 280

45) ibid. p. 321

46) ibid. p. 291

47) op. cit. Jean Markale. p. 13

48) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 83: Les lais, le cycles arthurien [] alimentent les fantasmes d'une sexualit diffrente, o la femme joue un rle d'gale, d'initiatrice, [] Danile Rgnier-Bohler se demande si dans les lais ne se profile pas l'esquisse "d'un monde matriarcal, que l'on dit archaque, mais qui relve peut-tre des fantasmes les plus sduisants du Moyen Age"? (postface au Cur mang)

49) op. cit. Jean Markale. p. 16

50) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 96

51) ibid. p. 143

52) ibid. p. 101

53) Alain Boureau, la lgende dore, le systme narratif de de Jacques Voragine. Cerf: 1984. p. 73

54) ibid. p. 218-219: Le XIIIe sicle, selon les historiens, popularise une religion qui restait encore une affaire de clercs. Lglise tend son influence sur un monde qui lui chappait et qu'elle quadrille de son rseau sriel.

55) op. cit. Jean-Franois Poisson-Gueffier. Chapitre , 4, A: La confession, sacrement de pnitence et de rconciliation

56) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 102

57) ibid. p. 99

58) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 124

59) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 356

60) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 19

61) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 485

62) ibid. p. 488

63) ibid. p. 96: Lorsque la loi salique tendit son application en Gaule, on ramena la succession la norme gnrale, favorable aux hommes, en interpolant les "rditions" dans un sens patrilinaire. Mais dans son plus ancien tat, la loi privilgiait la succession fminine.

64) op. cit. Jean Markale. p. 257: Arthur atteint une gloire immense. Sa cour runit les plus braves chevaliers du monde celtique. Ces chevaliers, si on les examine de prs, sont d'ailleurs des dieux et des hros de la mythologie tant irlandaise que galloise.

65) ibid. p. 437

66) ibid. p. 254

67) ibid. p. 463

68) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 16

69) ibid. p. 89

70) ibid. p. 59

71) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 161

72) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 52: les mains de la femme en cela compare un seigneur, c'est aussi, d'une certaine manire, anticiper sur les contrats qui lieront l'crivain Sacher-Masoch sa "matresse". De la domna du trobar la dominatrice du lien masochiste, il n'y a parfois qu'une nuance bien fine.

73) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 487

74) op. cit. Arnaud de La Croix. p. 20

75) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 482-483

76) ibid. p. 255

77) op. cit. Geoffroy de Monmouth. p. 213: Loth, qui avait pous la sur d'Arthur, [] en avait eu deux fils, Gauvain et Modred

78) op. cit. Jean-Pierre Poly. p. 7779) op. cit. Charles Mla. p. 277BIBLIOGRAPHIE:

- DE TROYES, Chrtien, Le chevalier de la charrette ou le Roman de Lancelot, traduction de Charles MLA, Librairie Gnrale Franaise, 1992.- MONMOUTH, Geoffroy de, Histoire des rois de Bretagne, traduction de Laurence Mathey-Maille, Paris, Belles lettres, 1992.- MLA, Charles, La reine et le Graal. Seuil essais, 1984.- LA CROIX, Arnaud de, L'rotisme au Moyen Age, Le corps, le dsir, l'amour, Paris, Ed. Tallandier, 2013.- POLY, Jean-Pierre, Le chemin des amours barbares, Gense mdivale de la sexualit europenne, Ed. Perrin, 2003.- MARKALE, Jean. Les Celtes et la civilisation celtique, Bibliothque historique Payot, 1969.- BOUREAU, Alain, La lgende dore, le systme narratif de Jacques Voragine, Cerf, 1984.- CLOUSCARD, Michel, Le capitalisme de la sduction, Critique de la social-dmocratie libertaire, Problmes/ditions sociales, 1981.- ONFRAY, Michel. Apostille au Crpuscule, Pour une psychanalyse non freudienne, Grasset, 2010.- POISSON-GUEFFIER, Jean-Franois, La transgression du Sacr (XIIe-XIIIe sicles), mmoire, Paris III Sorbonne Nouvelle, 2012.- MONTHERLANT, Henri de, Les lpreuses, Paris, Gallimard, 1939.- HALLIER, Jean-Edern, L'vangile du fou, Paris, Albin Michel, 1986.

Autres ouvrages cits:- PLATON, Le banquet, IVe sicle avant JC.- STACE, Thbade, Ier sicle.- Roman de Renart, XIIe et XIIIe sicles.- BALZAC, Honor de, Le rouge et le noir, Chronique du XIXe sicle, Paris, Levasseur, 1830.- DUMAS, Alexandre, Les Trois Mousquetaires, Paris, Baudry, 1844.

Bibliographie annexe:- CHENU, M.D., La thologie au XIIe sicle, coll. tudes de philosophie mdivale, Vrin, Paris, 1976.- DUBY, Georges, Le chevalier, la femme et le prtre, Le mariage dans la socit fodale, Coll. La force des ides, Paris, Hachette, 1981.- ECO, Umberto, Art et beaut dans l'esthtique mdivale, Paris, Grasset, 1997.- GNTER, Heinrich, Psychologie de la lgende, trad. M Goffinet, Paris, Payot, 1954. - LE CHAPELAIN, Andr, De amore. XIIe sicle.- LE GOFF, Jacques, La civilisation de l'Occident mdival, Paris, Arthaud, coll. Les grandes Civilisations, 1964.- LE GOFF, Jacques & TRUONG, Nicolas, Une histoire du corps au Moyen ge, Paris, Liana Levi, 2003.- LE ROUX, Franoise et GUYONVARC'H, Christian-Joseph, La civilisation celtique, Rennes, coll. De mmoire dhomme, 1990.- LUBAC, Henri de, Exgse mdivale, les quatre sens de l'criture, Paris, Aubier-Montaigne, coll. Thologie, 1959-1964.- MARKALE, Jean, La femme celte, Paris, Payot, 2001.- NAOURI, Aldo, Adultres, Paris, Odile Jacob, 2006.- PAUL, Jacques, Histoire intellectuelle de l'Occident mdival, Paris, Armand Colin, coll. U, 1973.- PERNOUD, Rgine, La femme au temps des cathdrales, Paris, Stock, 1980.- ROSSIAUD, Jacques. Sexualits au Moyen Age, Paris, Jean-Paul Glisserot, 2012.

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