aktouf, 1992. méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations

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  • 8/8/2019 Aktouf, 1992. Mthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations

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    Omar AktoufProfesseur titulaire Management, HEC, Montral

    (1987)

    Mthodologie des sciences socialeset approche qualitative

    des organisationsUne introduction la dmarche classique

    et une critique

    Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron, bnvoleProfesseure la retraite de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, Qubec

    et collaboratrice bnvoleCourriel : mailto:[email protected]

    Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales"dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,

    professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web : http://classiques.uqac.ca/

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec ChicoutimiSite web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

    mailto:[email protected]://classiques.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htmhttp://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htmhttp://classiques.uqac.ca/mailto:[email protected]
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    Omar Aktouf, Mthodologie des Sciences sociales et approche...(1987) 2

    Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron, bnvole,professeure la retraite de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, Qubec.Courriel : mailto:[email protected]

    Omar Aktouf.[Professeur titulaire Management, HEC, Montral]

    Mthodologie des sciences sociales et approche qualitativedes organisations. Une introduction la dmarche classiqueet une critique. Montral : Les Presses de l'Universit duQubec, 1987, 213 pp.

    M Omar Aktouf, professeur titulaire Management, HEC, Montral, nous aaccord le 19 fvrier 2006 son autorisation de diffuser ce livre sur le portailLes Classiques des sciences sociales.

    Courriel : [email protected] ou: [email protected].

    Polices de caractres utiliss :

    Pour le texte : Times, 12 points.Pour les citations : Times 10 points.Pour les notes de bas de page : Times, 10 points.

    dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pourMacintosh.

    Mise en page sur papier formatLETTRE (US letter), 8.5 x 11)

    dition complte le 9 juin, 2006 Chicoutimi, Ville de Saguenay, Qubec.

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]
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    Omar AktoufMthodologie des Sciences sociales et approche qualitative des organisations

    Une introduction la dmarche classique et une critique.

    Couverture : Jocelyne Faucher

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    Mthodologie des sciencessociales et approche qualitative

    des organisations

    Retour la table des matires

    S'adressant aussi bien au nophyte qu' l'initi qui s'interroge sur les conditions

    et possibilits d'une mthode de recherche moins entache de quantitativisme, celivre se veut la fois une introduction la mthodologie, une critique et unerflexion sur la conduite de la recherche dans les domaines de l'humain et dusocial, en particulier des organisations. L'auteur y tente une synthse des traditionseuropennes et amricaines en la matire ainsi qu'un dpassement de ce qu'ilappelle la mathmatisation de la rflexion au profit d'un modle plus humaniste

    dont il esquisse les contours phnomnologiques et anthropologiques. Il metlargement profit ses propres expriences de recherche, notamment celles sebasant sur l'approche ethnographique des entreprises (culture et reprsentations) etsur l'observation participante.

    Omar Aktouf est professeur agrg en management lcole des hautes tudescommerciales de Montral. Titulaire de diplmes de matrise en psychologieindustrielle, en gestion-conomie l'INPED (Algrie) et en administration desaffaires aux H.E.C. Montral, il a complt ses tudes de doctorat enmanagement tout en ayant accumul une exprience de prs de dix annes en

    entreprises et de quinze annes de recherche-enseignement. Il a dj publiplusieurs articles et ouvrages sur les relations hommes-organisations.

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    Table des matires

    REMERCIEMENTSINTRODUCTIONPREMIRE PARTIE :LE MODLE CLASSIQUE : UNE PRSENTATION ET UNE POSSIBILITDE DPASSER LA MATHMATISATION DE LA RFLEXION

    1. Quelques dfinitions classiques : le mmoire, la science, le travail scientifiqueI. Le mmoire : dfinitionsIl. La science dans le modle classique : gnralits, dfinitions

    III. Le travail de recherche classique2. Les approches, les cadres et le vocabulaire dans le modle classique

    I. Les diffrentes approchesII. Les grands cadres de l'approche scientifique classique

    III. Le vocabulaire scientifique3. La mthodologie et le modle classique

    I. La mthode, la mthodologieII. Les principales mthodes en sciences socialesIII. Les diffrents types de problmes de rechercheIV. Les variables : types et dfinitions

    4. Un synopsis du modle classique

    I. Le cycle de la rechercheII. Les tapes de la rechercheIII. Le plan de recherche

    5. La problmatique d'une recherche dans le modle classique

    I. De l'ide de recherche au problme : la dfinition du sujet

    II. L'laboration du problmeIII. Le cadre thorique et la revue de la littrature

    6. Le modle classique et l'hypothse dans la recherche

    I. L'hypothse dans la recherche : dfinitions, originesII. Les types d'hypothses et les rles de l'hypothse

    III. Les critres, les hypothses nulle et alternative, la formulation

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    15. Une mthode de terrain et d'tude clinique promouvoirI. De l'anthropologie l'observation participanteII. La collecte des donnes : problmes de validit d'enqute

    III. L'application : les conditions et les exigences16. Une mthode qualitative et une grille d'analyse

    I. Les questions de validit d'analyseII. La procdure d'interprtation

    BIBLIOGRAPHIE

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    Remerciements________________________________________________

    Retour la table des matires

    L'auteur tient remercier les services du dveloppement pdagogique de l'UQTRet la Direction de la recherche de l'cole des hautes tudes commerciales deMontral pour leur soutien lors de la prparation des versions prliminaires etfinales du prsent ouvrage.

    Il tient aussi exprimer toute sa gratitude Nylda Aktouf pour ses patientes

    rvisions et remarques et Lorraine Gagnon pour la minutie de son travail de miseen forme et de corrections.

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    INTRODUCTION__________________________________________________________________

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    L'ide de prparer un ouvrage d'introduction la mthodologie de la recherche en

    sciences sociales vient de ce que nous avons t confront, depuis plusieursannes, l'absence d'appui pdagogique la fois didactique et suffisammentabordable pour initier des nophytes au travail de recherche, d'une part, et viter,d'autre part, des abus et des amalgames qui visent maintenir une visionmcaniste-positiviste et physicaliste-quantitativiste des sciences sociales, toutparticulirement dans le domaine de l'tude des organisations.

    La plupart du temps, les ouvrages consacrs ce sujet sont soit tropquantitatifs, soit trop pistmologiques , soit encore trop spcialiss. Ce quenous voulons faire ici c'est essentiellement d'essayer d'viter chacun de ces traverset de proposer une introduction la mthodologie qui puisse permettre l'accs la

    recherche sans tre dj spcialis dans un domaine particulier, ni tre frud'pistmologie, ni tre un statisticien chevronn, tout en tablissant quelquesponts et synthses que nous souhaitons heureux entre les traditionseuropennes et nord-amricaines en la matire.

    Nous voulons galement prsenter une mthodologie qui ne soit pas del'analyse de donnes (mme dguise) comme c'est souvent le cas.

    Notre objectif est de couvrir toute cette distance, prcisment, entre le momento commence germer l'ide de recherche et le moment o l'on a enfin entre lesmains les donnes qu'il faut alors commencer traiter et analyser.

    Nous voulons, dans une premire partie, conduire le futur chercheur depuis ladfinition du problme tudier jusqu' la passation de son instrument d'enqute etla collecte des informations brutes, tout en l'avertissant des insuffisances et abusmajeurs inhrents chaque mthode. Dans une seconde partie, nous voulons tenterune ouverture vers ce qui nous semble plus adquat en matire de recherches sur lesocial et l'humain dans l'organisation.

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    Il est certainement au moins aussi important et aussi difficile sinon plus de mener bien la prparation et la conduite d'une recherche, que d'en traiter, defaons mme trs sophistiques, les rsultats.

    Le prsent travail vise donc fournir l'essentiel de la matire couvrir dans laprparation de chercheurs, de praticiens d'tudes sociales ou d'tudiants finissantsen programmes universitaires qui doivent, en tape finale, prsenter un mmoire,une thse ou un rapport d'tude sur un sujet prcis relevant de leur discipline.

    Il s'agit de permettre de jeunes chercheurs d'tre capables de faire un usagesystmatique des connaissances acquises en vue de mieux comprendre et de mieuxintervenir sur des aspects particuliers de leur domaine.

    L'objectif gnral est aussi d'ordre pratique : faire en sorte que le futurchercheur puisse prparer, laborer et conduire une activit de recherche (ou

    d'intervention un tant soit peu rigoureuse) sur une situation relle et devantdboucher sur une action.

    Par ailleurs, nous voulons dvelopper et largir les horizons d'application del'outil statistique / quantitatif et donner un minimum de culture gnrale ncessaireau chercheur de tout niveau (et toute personne) ayant pour tche d'intervenir surdes situations aprs tudes pralables. Le tout tant susceptible de relativiser, voirede faire reculer, la trop envahissante mathmatisation de la rflexion laquellenous assistons de plus en plus dans nos domaines : s'vertuer tout exprimer etanalyser en termes de rapports, de coefficients, d'quations, de distributions, de modles ... quantitatifs pour mieux paratre scientifique .

    De faon plus prcise, nous partirons de la notion de mmoire, ses exigences etses limites, pour ensuite parcourir pas pas, dans le sens de son droulementlogique, l'ensemble du processus de l'tude classique 1 d'un sujet, depuis lasimple ide de recherche jusqu'au traitement des donnes.

    Il doit cependant bien tre admis que le prsent ouvrage n'est nullement untrait de statistiques appliques ou d'analyse de donnes. Il sera en ce sens, fort peutechnique et presque pas quantitatif.

    Il s'agit de l'tude de ce qu'est, selon le modle classique d'abord, la

    dmarche de recherche et de ce qu'est la faon (la mthode) avec laquelle on peutprtendre effectuer un travail qui en soit le plus proche possible. Ce sera, ensuite,

    1 Classique dans le sens du modle orthodoxe (tel que dfini en particulier par M. Audetet al., Science et rsolution de problmes... , Philosophie des Sciences Sociales, 16, 1986, p.409-440) considrant la science comme une, objective, extrieure, s'appliquant des objets neutres etc. Modle dont nous ne partageons le bien-fond qu'en tant qu'appliqu des domaines relevant des sciences de la nature, domaine pouvant comprendre des objetsinertes, constants, isolables...

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    un essai d'indication de ce que pourrait tre un modle plus humaniste derecherche sur les faits humains.

    Il faut signaler qu'une portion substantielle de la premire partie s'inspire

    (parfois trs directement) de l'ouvrage fondamental de R. Pinto et M.Grawitz (1969) y compris, souvent, les exemples choisis.

    Il est bien entendu que notre travail est redevable beaucoup d'autresprdcesseurs en la matire : Albou, Althusser, Mucchielli, Faverge, Tremblay,Mitroff, Churchman, Bourdieu, Cooper, Bouchard, Kaplan, Kerlinger, Devereux ...dont l'inspiration est invitable.

    Par ailleurs, le lecteur devra noter que la fragmentation et la sparation desdiffrents lments constitutifs du travail de recherche (depuis les types deproblmes, les genres de variables ... jusqu'aux diffrentes mthodes,

    techniques ...) ne se justifient que pour les besoins de l'expos. Il convient de lesvoir comme des parties, des squences, des moyens opratoires ... qui peuventparfaitement coexister, se recouper, se raliser en parallle, ou se compltermutuellement.

    Il est galement signaler que la bibliographie prsente est le rsultat d'unchoix dlibr, dict par le souci de mettre la disposition du futur chercheur unventail aussi vaste que possible des ouvrages les plus fondamentaux enparticulier ceux des auteurs cits tout au long du texte qu'ils soient d'ordregnral ou caractre plus spcialis. C'est un outil que nous avons voulu l'usagedu plus grand nombre, quitte tomber dans un invitable clectisme.

    Enfin, nous insistons sur le fait que nous ne visons que l'initiation l'essentieldu modle classique et quelques lments d'une ncessaire critique ; il est doncvident que nous assumons le risque d'tre parfois approximatif, parfois tropgnral ou encore naf et en marge des dbats de fond concernant la science, lequalitatif et le quantitatif, le sens commun et le scientifique, l'idologie et lascience... ou mme encore d'tre en de des stades avancs et des progrs depointe, rcents, de telle ou telle technique particulire ... L'objectif n'est pas l, ilest dans le tour d'horizon le plus simple, la fois critique et utile au chercheurdbutant.

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    PREMIRE PARTIE

    LE MODLE CLASSIQUE : UNE PRSENTATIONET UNE POSSIBILIT DE DPASSER

    LA MATHMATISATION DE LA RFLEXION

    Quelques dfinitions classiques :le mmoire, la science,le travail scientifique

    __________________________________________________________________

    Retour la table des matires

    Nous voulons, dans ce premier chapitre, explorer rapidement le domaine desgrandes dfinitions classiques gnrales en matire d'initiation la recherche. C'estainsi que, nous semble-t-il, le premier jalon poser est celui de bien s'entendre surla nature du produit auquel doit aboutir le futur chercheur lors des premiers pasdans sa carrire. Ce produit, gnralement un rapport de recherche sanctionnantdes tudes de deuxime cycle, porte le nom deMmoire, par distinction avec thse,terme qui, lui, est rserv aux travaux plus ambitieux, dits de troisime cycle. Lescaractristiques de la thse sont de concourir l'avancement des sciences. C'est untravail dont l'aboutissement doit tre marquant non seulement par sa rigueur, mais

    aussi par son originalit ; il doit contribuer l'difice scientifique. C'est une sortede dcouverte personnelle que devrait avoir effectue le chercheur dont la tchesera alors essentiellement de la faire admettre par la communaut scientifique. Et,pour prtendre cette dcouverte personnelle, le chercheur devra avoir couvertl'ensemble de l'tat des connaissances sur son sujet. Il doit, selon la formuleconsacre, prouver qu'il en sait autant que n'importe qui dans le monde sur sondomaine avant de se lancer dans des apports particuliers...

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    Tout travail de recherche devrait-il remplir les mmes exigences et viser lesmmes buts ?

    Peut-on, autrement, prtendre tout de mme une uvre scientifique ?

    Qu'est-ce au juste qu'un mmoire ou une thse de deuxime cycle ? Qu'enattend-on ?

    Que sont la science et le travail scientifique selon le modle classique ?

    ILE MMOIRE : DFINITIONS

    Retour la table des matires

    Nous retenons ici le mmoire comme genre gnral de rapport de rechercheapplique et comme premire tape que franchit le nouveau et futur chercheur. Lemmoire reprsente l'un des premiers pas dans les travaux prtendus de caractrescientifique. On peut se demander quelle en est au juste la nature, le rle, laporte...

    Ce n'est pas un rcit car on doit dmontrer quelque chose, prouver,argumenter, analyser, proposer, recommander...

    Ce n'est pas un rapportdans le sens compte rendu, car il suppose un effortd'investigation et de comprhension derrire l'apparence des faits

    observs. Ce n'est pas une description car, au mieux, on ne ferait que du travail

    journalistique, superficiel. Dans un mmoire, il ne s'agit pas de dcrirepour dcrire, mais de dcrire pour passer au gros du travail qui consiste analyser, mesurer, comparer, valuer, interprter...

    Ce n'est pas non plus une thse car une thse est un apport supplmentaireet original la connaissance scientifique dans une discipline particulire.Cela dpasse assez largement les prtentions d'un mmoire ou mme,souvent, de toute recherche applique.

    Si ce n'est ni raconter, ni rapporter, ni dcrire, ni rdiger une thse, alors qu'est-ce qu'un mmoire ?

    D'aprs les dictionnaires de langue franaise, le mmoire est une dissertation scientifique ou littraire. Nous pouvons retenir deux termesessentiels dans cette dfinition : dissertation et scientifique.

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    Dissertation implique, en tant que genre littraire :

    de traiter un sujet prcis,

    d'en parler en connaissance de cause (avoir une certaine connaissancepralable sur le sujet),

    d'appliquer des connaissances pour dvelopper le sujet trait et mettre desides originales, personnelles, plus avances ...

    Scientifique quant lui, implique (au sens classique toujours) :

    la connaissance des rgles et normes scientifiques, l'application de ces normes et rgles au sujet trait,

    la rigueur et l'exactitude dans le traitement, les preuves et la dmonstration de ce qui est affirm ou avanc...

    En bref, nous dirions que le mmoire, tout en tant un genre mineur, ne fait pasmoins partie intgrante du travail de recherche. C'est, dans les grandes lignes, uneapplication d'un ou de plusieurs champs de connaissance (par exemple, la scienceconomique) un aspect de la ralit (thme prcis du mmoire) pour encomprendre les mcanismes, caractristiques, dysfonctions, difficult ... etsuggrer par voie d'analyse et de dmonstration une ou plusieurs possibilitsd'amlioration, de correction, de meilleure utilisation... selon la nature du sujettrait.

    II LA SCIENCE DANS LE MODLE CLASSIQUE : GNRALITS,DFINITIONS

    Retour la table des matires

    Poincar disait que la science est un processus de connaissance destin permettre l'homme de commander la Nature tout en lui obissant ... Nous n'entreronsvidemment pas dans toute la complexit des multiples dfinitions de la science,mais nous retiendrons au moins que la science a pour but d'tablir adaptation et

    harmonie entre l'homme et la nature1

    . La ncessit biologique pour l'homme, decontrler et d'influencer son environnement n'est un secret pour personne. Mais,pour exercer ce contrle, pour commander, il faut aussi comprendre, analyser,

    1 Nous verrons plus loin, notamment dans la seconde partie, que tout n'est pas prendre sansnuances dans le genre de dfinitions que nous donnons. Nous restons d'ailleurs volontairementpositiviste, le but tant d'initier le nophyte l'essentiel de ce que nous appelons modleclassique.

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    respecter les lois naturelles, donc leur obir. La science, n'est au fond, rien d'autreque ce perptuel va-et-vient entre le savoir humain et les questions-nigmes de lanature.

    La science est connaissance, mais connaissance jamais acheve. C'est unprocessus constant de construction-questionnement de nos savoirs. Mais touteconnaissance n'est pas science et ne peut l'tre d'aprs l'acception classique d'uneconnaissance qui est :

    Objective: dmontrable, vrifiable... (rapport d'extriorit totale entrel'observateur et l'objet d'observation).

    Exacte: subissant avec succs toute mise l'preuve, conforme auxnormes et rgles de mesure et d'observation de la discipline mise

    l'uvre.

    Communicable: tablie dans des normes telles que l'ensemble de lacommunaut scientifique puisse en prendre connaissance et l'valuer.

    volutive: portant en elle-mme ses propres conditions de progrs etd'approfondissements : un savoir n'est jamais fini, ni boucl, aussi partielet aussi local soit-il...

    III.LE TRAVAIL DE RECHERCHE CLASSIQUE

    Retour la table des matires

    On peut dfinir le travail de recherche scientifique classique comme tant un effortanalytique, rigoureux, progressif et systmatique d'claircissement d'une situation,d'un fait ou d'un ensemble de faits l'aide d'outils et de techniques spcifiques. Ceteffort va de l'identification et la dfinition du problme jusqu' l'aboutissement une ou plusieurs solutions ou possibilits de dpassement de la situation initiale(meilleure connaissance, correction, amlioration, transformation ...). C'est doncainsi un travail qui peut prendre de quelques heures plusieurs annes, voireplusieurs dcennies avant d'aboutir. Nanmoins, quel qu'il soit, il se base toujourssur des pralables et des exigences hrits des sciences de la nature et qui sont :

    A Les pralables

    Matrise d'un ensemble de connaissances lies un champ prcis de lascience (ex. : la science conomique).

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    Matrise des plus importantes thories explicatives (mme contradictoires)propres au champ en question (ex. : la thorie du profit naturel de A.Smith et celle de la plus-value de K. Marx).

    Matrise d'un certain nombre d'outils propres recueillir de faonrigoureuse les donnes tudier.

    Matrise d'instruments de vrification et de collecte de donnes nondirectement observables.

    Matrise de certains outils de traitement et d'analyses de donnes aussibien qualitatives que quantitatives...

    B Les exigences

    Unit et clart du sujet trait : ce qui est soumis l'tude ou l'analysedoit tre bien individualis et identifi.

    Rigueur de la dmarche : mthode et techniques conformes aux normesscientifiques.

    Logique de la dmarche : la rigueur ne suffit pas toujours, encore faut-ilque les diffrentes tapes et parties de la recherche s'articulent les unes auxautres selon une logique explicite et vidente.

    Justification des outils,techniques, instruments ... qui sont retenus.

    Justification de la pertinencedes types de donnes recueillies par rapportau problme trait.

    Justification du choix des lieux,personnes ... auprs de qui ces donnessont recueillies.

    Preuves des rsultats avancs,de leur authenticit, leur exactitude ...

    Preuves de gnralisations possibles des principaux rsultats, dans des

    conditions quivalentes celles de la recherche entreprise.

    Justification des interprtationsdonnes aux rsultats obtenus et prcisiondes cadres de rfrences scientifiques ayant conduit ces interprtations.

    Nous allons essayer tout au long de ce livre de dvelopper ces pralables et cesexigences, afin de respecter au mieux les critres d'une recherche. Mais qu'est ceque la recherche ?

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    La recherche scientifique, que ce soit dans le cadre d'un mmoire, d'une thseou toute autre forme de travail caractre acadmique, consiste, partir d'uneinterrogation, d'une nigme, d'une insuffisance de comprhension d'un phnomne,

    d'un vide dans une thorie... construire une articulation complte de cetteinterrogation de faon la transformer en questions qui peuvent tre renseignes ettraites dans le cadre d'un champ de connaissance prcis (telle la scienceconomique par exemple).

    La recherche est donc une contribution, aussi petite ou modeste soit-elle, l'difice des connaissances gnrales sur les diffrents aspects de la ralit.

    Elle a pour objet gnral :

    L'analyse des faits, dans le cadre d'une ou de plusieurs thories connues,

    l'aide de concepts dtermins, afin de dgager des lois permettant de construire unou plusieurs modles figurant le rel tudi et rendant compte de ses mcanismes,ses particularits, ses dysfonctions... et, par la mme occasion, enrichissant lechamp de connaissances mis en uvre.

    C'est la mise en vidence de constantes et d'invariants lis un problme donnqui intresse le chercheur. Le fugace ou le conjoncturel ne peut constituer une basede connaissances et ne peut prtendre la gnralisation qui caractrisencessairement le travail scientifique du modle classique. Il n'y a de science quedu gnral , se plat-on rpter depuis Aristote...

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    Les approches, les cadres etle vocabulaire dans le

    modle classique__________________________________________________________________

    I LES DIFFRENTES APPROCHES

    Retour la table des matires

    Il n'existe pas une seule et mme faon d'approcher la ralit ou d'en rendrecompte, mme dans le travail dit scientifique. D'aprs ce que l'on sait des

    diffrentes faons d'envisager et de conduire ce travail, on peut, selon C.W.Churchman (1971), recenser quatre grands systmes plus ou moins universels.Chacun de ces systmes serait li la dmarche globale d'un philosophe donn quia, par son uvre, influenc les grands courants de pense.

    Le premier systme est celui que l'on peut rattacher Leibniz (philosophe etmathmaticien allemand, 1646-1716). Purement formel et thorique, ce systmereste avant tout dductif (du gnral au particulier). Il prtend tout expliquer partir d'lments primordiaux simples, combins avec rigueur selon la mthode durationalisme mathmatique. Ce systme ne se rfre pas l'exprience, mais pluttau raisonnement correctement conduit. En philosophie spculative et en

    mathmatiques pures, il reste tout fait valide mais cette validit estconsidrablement rduite quand on s'intresse une situation relle concrte.

    Le deuxime systme scientifique serait, lui, caractris par l'approche ditelockienne (de Locke, philosophe anglais, 1632-1706). Ici, on rejettel'intellectualisme absolu pour privilgier un peu plus les sens, mais sans leurdonner non plus le rle central dans la connaissance. Celle-ci se situerait quelquepart entre nos capacits de rflexion pures et le donn de nos organes des sens, de

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    notre exprience concrte. L recherche se base ici sur l'exploitation rationnelle del'exprience et de l'observation. La vrit scientifique est alors celle qui obtiendrale plus large agrment (consensus) au sein de la communaut scientifique.

    Le troisime systme qui concilierait les deux premiers est celui issu ducourant kantien (de Kant, philosophe allemand, 1724-1804). Ce systme prconisel'utilisation de plusieurs modles ou thories la fois (nous dirions aujourd'huipluridisciplinaire). Pour lui, seule la science positive ou exprimentale conduit lavrit, aprs laboration l'aide de raisonnements synthtiques.

    Enfin, le quatrime systme est dit hglien (de Hegel, philosophe allemand,1770-1831). Le systme hglien est bas sur la notion de dialectique : mouvementperptuel, conflictuel et synthtique dans toute chose constituant l'univers. Lavrit, dans sa constitution intellectuelle obirait au mme principe : elle nat de laconfrontation des opposs dans un processus continu thse-antithse-synthse.

    L'examen rapide de ces quatre grands systmes nous situe peu prs toutes lesformes de dmarches existantes dans la construction de la connaissance retenuepar le modle classique. En rsumant ces systmes, on obtient :

    Le systme leibnizien : hypothtico-dductif

    Partant d'une (ou plusieurs) hypothses, on applique un raisonnementdductif, c'est--dire des dispositions gnrales, connues d'avance, unesituation particulire traite (par exemple, le raisonnement en

    mathmatiques ou en conomtrie qui se base sur des hypothses et desthormes gnraux pour dmontrer des relations entre variablesparticulires dans un cas spcifique).

    Le systme lockien : exprimentalo-inductif

    Partant de situations et d'observations concrtes, on peut ensuite, l'aidede la thorie et du raisonnement, construire des lois gnrales (la sciencebiologique et la physique exprimentale en sont de bons exemples).

    Le systme kantien : synthtique-multimodal

    Il essaie de runir les dmarches des deux systmes prcdents : allier leslois et raisonnements gnraux des diffrents champs scientifiques l'observation-exprimentation particulire et raliser une synthse qui,elle, constituera un progrs dans la connaissance (la sociologie etl'ethnologie ont recours ce genre de dmarche).

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    Le systme hglien : synthtique-conflictuel

    Il soumet tout fait (ou srie de faits) tudier l'analyse systmatique de

    ses processus de formation qui sont tous soumis la loi dialectique del'affrontement des contraires. De ces affrontements naissent des synthsesqui, leur tour, entrent en contradiction avec d'autres lments et ainsi desuite... L'analyse de l'histoire travers la lutte des classes en est uneapplication (les classes dominantes de chaque mode de production, fodal,prcapitaliste, capitaliste..., engendrent des classes antagonistes :bourgeoisie, proltariat ...).

    II LES GRANDS CADRES DE L'APPROCHESCIENTIFIQUE CLASSIQUE

    Retour la table des matires

    On entend souvent parler ( propos d'un mme sujet, d'une mme matire, d'unmme concept ...) d'approche caractre rationaliste, ou idaliste, ou matrialiste...ou encore structuraliste, fonctionnaliste... Nous appelons cadres ces arrire-fondsphilosophiques ou doctrinaux ou mme parfois idologiques, qui, au del et enplus des systmes que nous venons de voir (qui sont plutt des modes opratoiresglobaux de la science), caractrisent certaines manires d'oprer. Ces cadresservent poser le systme rfrentiel qui colorera la signification des phnomnes

    tudis et leur interprtation. Il est donc trs important d'en connatre un nombreminimum.

    Nous ne verrons que les plus largement rpandus, en matire d'organisations,parmi ces cadres 1, soit :

    A Le rationalisme.B L'empirisme.C Le matrialisme.D Le fonctionnalisme.

    1 Voir, pour un expos plus large de ces cadres, dnomms paradigmes dans l'approche desorganisations : F. Sguin et J.-F. Chanlat, L'analyse des organisations Une anthologiesociologique, Montral, ditions Prfontaine, 1983.

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    A Le rationalisme

    Comme son nom l'indique, il s'agit d'un cadre bas sur la raison ( ratio ) et ses

    capacits pures, intrinsques. Le rationalisme est n d'une longue tradition quiremonte aux anciens Grecs, et la ligne platonicienne en particulier. C'est unsous-produit de l'idalisme philosophique qui donne la primaut l'ide, lapense, l'esprit, au dtriment du corps, du matriel. Cela remonte au moins aufameux mythe de la caverne de Platon o la connaissance (et donc la science) estprsente comme un phnomne d'illumination de l'esprit de certains humains quientrent pisodiquement en relation avec ce monde abstrait et suprieur qu'est lemonde des ides. Ds lors, pour les rationalistes, il n'y a de vrai savoir que celuiqui est labor et construit pice pice par la raison de l'homme. Tout le reste (etnotamment les donnes de l'exprience sensible ou de l'observation directe) n'estqu'piphnomne, illusion, apparence... La raison doit remettre de l'ordre dans le

    champ de nos perceptions et nos sensations qui nous trompent sans cesse. Seradigne de foi et exact ce qui satisfait la raison, ce qui est conforme ses critres.

    De plus, le donn sensible (issu directement de ce que peroivent nos sens) estconsidr comme subjectif. Ne peut tre objectif, donc acceptable pour tous, doncexact et scientifique, que ce qui peut tre partag et connu par plus d'une personne.La raison, seule, permettrait ce passage du subjectif l'objectif. Par exemple, sinous n'appliquons pas un raisonnement de correction par la perspective, nos sensnous feraient croire que deux objets sont de tailles identiques lorsque l'un (le plusloign) est en fait plus grand...

    Galile, par sa connaissance gomtrique de l'univers, puis Descartes, par lamise en quations de cette connaissance, ont largement contribu asseoir ce quenous appelons la mathmatisation de la rflexion. Les disciplines les plus typiquesde cette dmarche (raisonnement formel et abstrait pour dmontrer les vrits)sont, par exemple, la logique, la mathmatique, la statistique...

    B L'empirisme

    L'empirisme, c'est un peu l'attitude inverse. Il s'agit de mettre la raison au niveaudu fait observ, de la soumettre l'vidence exprimentale. Au lieu d'appliquer descritres aprioristes et gnraux (comme une grille de lecture) une certaine ralit

    pour en comprendre les caractristiques, on va au contraire partir de ce qui estobserv, du donn sensible (dont se mfient tant les rationalistes) et construire unsystme explicatif en se basant sur les relations observes concrtement etdirectement dans la situation tudie. Ensuite, on envisagera de gnraliser,preuves l'appui, toutes les situations semblables. Au lieu d'aller du gnral auparticulier (dduire) comme prcdemment, on va aller du particulier au gnral(induire).

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    Cependant, l'empirisme n'est ni folklore, ni ttonnement mais preuve parl'vidence de faits vrifiables et rptitifs. Il est la base de la mthodeexprimentale qui a permis l'volution considrable de sciences telles que laphysique et la biologie.

    C Le matrialisme

    Disons tout de suite que le matrialisme va l'encontre de l'idalisme (et donc,dans un certain sens, du rationalisme) et largit considrablement l'empirisme. Ici,la raison et le raisonnement formel-abstrait partir de critres gnraux aprioristes,ne peuvent tre les bases privilgies de la connaissance scientifique. Ils ne sontpas non plus le fruit d'un monde des ides ou d'un esprit abstrait et dsincarn.Pour le matrialisme, dont les racines se perdent dans la Grce prsocratique maisqui nous est parvenu par voies dtournes et parfois contradictoires (comme cellesqui conduisent des Grecs Anaxagore et Hraclite jusqu' K. Marx en passant par

    Hegel et Feuerbach), c'est la vie pratique concrte et quotidienne qui fonde l'espritet la raison. Le principe du marxisme selon lequel ce sont les circonstances quifont la conscience et non la conscience qui fait les circonstances illustre trs bienla dmarche matrialiste. Il faut cependant faire une diffrence entre lematrialisme philosophique scientifique et le matrialisme vulgaire qui consiste adopter une mentalit utilitariste, souvent accompagne d'athisme et d'une sortede frnsie de la jouissance matrielle (on tente souvent de confondre les deux).

    Le matrialisme cherche donc expliquer les phnomnes qui se passent dansune ralit quelconque partir des lments concrets (matriels) de cette mmeralit. Le matrialisme historique, par exemple, cherche expliquer l'volution

    des socits humaines non pas travers l'accomplissement de destines, ou deprogrs, ou de volont d'hommes particuliers, ou encore d'vnementstranscendants ou accidentels, mais plutt travers l'action concrte des hommesdont les dterminismes conomiques (donc matriels) sont fondamentaux.

    D Le fonctionnalisme

    Le fonctionnalisme est une approche assez rcente qui caractrise la dmarchescientifique occidentale en gnral et amricaine en particulier, surtout dans ledomaine des sciences sociales. Cette dmarche part de la notion centrale defonction drive des travaux des anthropologues des coles anglaises et

    amricaines modernes : les mythes, rites, habitudes... bizarres des primitifs nesont pas des actes gratuits et absurdes mais sont, au contraire, des actes quiremplissent chacun une fonction dans un complexe culturel particulier. Parexemple, les rites d'initiation font passer les individus d'une classe d'ge uneautre ; les chants au cours de certains travaux pnibles, selon certains rythmes, ontpour fonction d'augmenter le volume d'air respir pendant l'effort...

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    Ainsi, on peut dire que le mme fait (ou ensemble de faits) achat d'uneautomobile aura un sens diffrent selon qu'on l'tudie dans un cadre conomique,sociologique ou psychanalytique ... Le fait doit tre plac dans une chane decausalit propre une discipline donne pour tre construit. Cette discipline et les

    thories qui la constituent doivent tre prsentes et servir de cadre de significationdj dans les phases d'observation et de runion des faits analyser.

    B La loi scientifique

    C'est la mise en relation causale (en explicitant les liens de cause effet) des faitsobservs et analyss, et la gnralisation ( l'aide de mthodes et de preuves) deces relations toutes sortes de situations quivalentes. Par exemple, la loi de l'offreet de la demande exprime des relations causales entre les faits lis aux actes devente et d'achat de produits, les quantits et les prix ... De mme, elle gnraliseces relations qui sont alors rputes pouvoir se vrifier dans toutes situations

    quivalentes, en tout lieu.

    C La thorie

    La thorie est la runion d'un ensemble de lois concernant un phnomne donn enun corps explicatif global et synthtique. Par exemple, l'ensemble des loisnewtoniennes sur la mcanique constitue la thorie mcanique classique.L'ensemble des lois du march, offre-demande, raret, avantages comparatifs,profit ... constitue la thorie conomique classique. Les lois de fonctionnement du

    psychisme inconscient forment la thorie psychanalytique et ainsi de suite ...

    D Le concept

    Les concepts sont la thorie ce que les faits sont la ralit : ce sont les unitsnon dcomposables (ou composes d'lments simples prcis et bien connus) surlesquelles s'articule la thorie. Ce sont des termes qui ont un sens construit completet univoque dans le cadre d'un champ scientifique ou d'une thorie donne. Parexemple, la science conomique se base sur les concepts de march, surplus,change, revenu, valeur, prix ... qui ont un sens prcis et arrt. De mme, lapsychanalyse se base sur les concepts de refoulement, inconscient, conflit, libido ...

    Il convient cependant de bien noter que ces concepts presque absolus, dont nousvenons de donner quelques exemples, peuvent et doivent voir leur sens prcis,rtrci ou largi ... dans le cadre de travaux spcifiques sur des situationsdtermines. Ainsi, il faut distinguer plusieurs niveaux de concepts (Althusser,1972 ; Tremblay, 1968) :

    Concept abstrait-gnral: concept tel que cit plus haut et qui constitue lecorps de thories gnrales (ex. : conomie classique).

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    La mthodologie et le modle classique__________________________________________________________________

    I LA MTHODE, LA MTHODOLOGIE

    Retour la table des matires

    Dans la prsente section, nous abordons les premiers lments du processus derecherche, lequel se dfinit avant tout par la faon d'accder la connaissance qu'ilproduit, c'est--dire la mthode.

    Pour situer l'extrme importance de la mthode en science, il nous suffira derappeler que toute discipline qui se veut autonome doit obligatoirement se dfinirun objet (quel est l'objet spcifique qu'elle tudie et dont elle rend compte) et unemthode (comment elle procde pour tudier cet objet).

    Le premier trait systmatique et complet de mthode que l'on connaisse estcelui de Ren Descartes, Le discours de la mthode, paru en 1632. Dans cetouvrage, l'auteur invite respecter un certain nombre de rgles pour s'assurer ducaractre objectif de ce qu'on tudie et surtout, de ce qu'on labore partir de cettetude. Notamment la dfiance des prjugs et des ides adventices ( l'avance,non prouves) et la non acceptation d'une ide avant qu'elle ne s'impose avec clart

    et vidence la raison.

    Comme base de mthode, Descartes prconise le doute (doute cartsien). Il fautdouter de toute chose avant d'en avoir fait la preuve vidente et irrfutable. Celaest demeur, jusqu' nos jours, le souci majeur de toute approche scientifiquepositiviste qui se respecte. Et l'outil dont on se sert pour satisfaire cette exigencefondamentale est prcisment la mthode.

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    Il existe une fcheuse habitude qui consiste (mme dans certains ouvrages) considrer comme synonymes (et les utiliser comme tels) des termes tels quemthode, approche, technique ... Avant d'aller plus loin, il est important de dfinirces notions, car chacune a sa propre faon de contribuer au travail de recherche

    (Pinto et Grawitz, 1969).

    A La mthode

    C'est la procdure logique d'une science, c'est--dire l'ensemble des pratiquesparticulires qu'elle met en uvre pour que le cheminement de ses dmonstrationset de ses thorisations soit clair, vident et irrfutable.

    La mthode est constitue d'un ensemble de rgles qui, dans le cadre d'unescience donne, sont relativement indpendantes des contenus et des faitsparticuliers tudis en tant que tels. Elle se traduit, sur le terrain, par des

    procdures concrtes dans la prparation, l'organisation et la conduite d'unerecherche.

    B L'approche

    L'approche est considrer comme une dmarche intellectuelle qui nimplique nitapes, ni cheminement systmatique, ni rigueur particulire. C'est peu prs untat d'esprit, une sorte de disposition gnrale qui situe l'arrire-fond philosophiqueou mtathorique du chercheur ou de la recherche. Dans ce sens, on parled'approche marxiste, fonctionnaliste, culturaliste, structuraliste, systmique.

    C La technique

    C'est un moyen prcis pour atteindre un rsultat partiel, un niveau et unmoment prcis de la recherche. Cette atteinte de rsultat est directe et relve duconcret, du fait observ, de l'tape pratique et limite.

    Les techniques sont, en ce sens, des moyens dont on se sert pour couvrir destapes d'oprations limites (alors que la mthode est plus de l'ordre de laconception globale coordonnant plusieurs techniques). Ce sont des outilsmomentans, conjoncturels et limits dans le processus de recherche : sondage,interview, sociogramme, jeu de rle, tests...

    D La mthodologie

    La mthodologie peut se dfinir comme tant l'tude du bon usage des mthodes ettechniques. Il ne suffit pas de les connatre, encore faut-il savoir les utiliser commeil se doit, c'est--dire savoir comment les adapter, le plus rigoureusement possible,d'une part l'objet prcis de la recherche ou de l'tude envisage, et d'autre partaux objectifs poursuivis.

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    Autrement dit, les mthodes et techniques retenues dans une recherche donnedoivent tre les plus aptes rendre compte du sujet tudi et mener le chercheurvers les buts qu'il s'est fixs en termes d'aboutissement de son travail. Il est inutile

    de prciser que cela doit faire l'objet de justifications et d'argumentations serresde la part du chercheur : pourquoi choisir telle mthode, telles techniques, telsinstruments...

    Pour mieux circonscrire sa mthodologie, le chercheur doit dfinir, formuler etlaborer au plus fin son problme (on appelle problme en recherche lepoint prcis, et ses composantes, que le chercheur veut tudier, il constitue alors son problme). Plus les donnes du problme seront prcises et plus facilesera l'laboration de la mthodologie. Il y a un interconditionnement ncessaireentre le problme, la faon de le poser, la mthode adopte et les techniquesretenues. En guise d'illustration, considrons l'exemple du chasseur (que nous

    empruntons Pinto-Grawitz) qui peut avoir une approche : ne jamais chasser l'afft, ni le gibier arrt, ni au gte (c'est sa philosophie de la chasse) ; une ouplusieurs techniques : la matrise du tir sur cible mobile, le tir en pleine course... ;et aussi une ou plusieurs mthodes : comment approcher le gibier en tenant comptedu terrain, du temps, du travail du chien, du vent, des habitudes de chaque gibier...La coordination, la synthse de tout cela serait sa mthodologie.

    Il importe de souligner, en conclusion, qu'il n'y a pas de travail scientifiquepossible sans mthode et mthodologie. C'est en fait ce qui distingue par exemplele journaliste ou le reporter du chercheur. Le second se caractrise par une rigueurexplicite, absolue et systmatique dans sa qute et son traitement des informations

    recueillies, c'est l qu'il doit faire preuve de mthode et c'est par l qu'il s'apparente la communaut scientifique.

    II LES PRINCIPALES MTHODES EN SCIENCES SOCIALES

    Retour la table des matires

    Par mthode, nous entendons donc les faons de procder, les modes opratoiresdirects mis en jeu dans le travail de recherche. Nous retiendrons six grands typesde mthodes :

    A La mthode dductive.B La mthode inductive.C La mthode analytique.D La mthode clinique.E La mthode exprimentale.F La mthode statistique.

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    A La mthode dductive

    Nous en avons dj parl plus haut, mais rappelons qu'elle consiste analyser leparticulier partir du gnral, lire une situation concrte spcifique l'aide d'une

    grille thorique gnrale prtablie (par exemple, appliquer le modle del'conomie de march libre l'tude du systme conomique d'une socitprimitive).

    B La mthode inductive

    Cette mthode est plus courante que la premire, elle consiste, au contraire, tenter des gnralisations partir de cas particuliers. On observe descaractristiques prcises sur un ou plusieurs individus (objets) d'une classe et onessaie de dmontrer la possibilit de gnraliser ces caractristiques l'ensemblede la classe considre. C'est la succession observation analyse interprtation

    gnralisation. Elle est trs usite en sciences sociales et s'appuie beaucoup surles techniques d'infrence statistique (tests qui permettent de mesurer le risqued'erreur et l'tendue des possibilits de gnralisations-extrapolations). Le sondaged'opinion, l'tude de march... relvent de cette mthode.

    C La mthode analytique

    C'est la mthode qui consiste dcomposer l'objet d'tude en allant du pluscomplexe au plus simple. Tout comme la chimie qui dcompose les molcules enlments simples, indcomposables, on dcomposera toutes les partieslmentaires pour ensuite reconstituer le schma d'ensemble.

    Cette mthode (qui recherche le plus petit composant possible, l'unit de basedes phnomnes) est privilgier en laboratoire, pour l'tude d'objets inertes ou dephnomnes non susceptibles de transformations rapides. On la retrouve parexemple en linguistique (Lorganisation structurale d'une langue et la grammairerelvent de l'approche analytique), en histoire dans l'analyse des archives, desdocuments...

    D La mthode clinique

    Elle consiste observer directement l'objet tudier et le suivre pas pas tout ennotant toutes ses modifications, ses volutions... C'est une mthode empirique o iln'y a aucune sorte d'intermdiaire entre l'observateur et ce qu'il tudie. On laretrouve, en dehors de la mdecine, dans l'ethnologie, les tudes de cas, lesmonographies, les observations participantes...

    E La mthode exprimentale

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    C'est la mthode gnralement considre comme la plus scientifique et la plusexacte. Elle est ne en physique et dans les sciences de la nature. Elle consiste mener une exprimentation (en laboratoire ou sur le terrain) et tenter de dgagerdes lois gnralisables partir de l'analyse des observations recueillies durant

    l'exprimentation. Ici, il y a toujours une prparation, un arrangement pralable dela part du chercheur. Ne serait-ce que l'introduction (ou le contrle) d'un lmentou d'une variable qui serviront de dclencheurs de consquences ou deractions observer (par exemple, le choc lectrique sur les nerfs d'un animaldcrbr, la goutte d'acide sur la langue du chien de Pavlov, l'intensit del'clairage sur le rendement d'un atelier de dessinateurs...

    F La mthode statistique

    Nous ne ferons ici que donner de trs brefs rappels pour simplement situer cettemthode par rapport aux autres.

    On peut dire que la mthode statistique est une mthode qui tente de concilierles dmarches qualitatives et quantitatives, le rationnel et le sensoriel, le construitet l'observ.

    On prtend pouvoir, grce la mthode statistique, quantifier le qualitatif et lerendre ainsi accessible des traitements mathmatiques rigoureux (par exemple, ilsuffit de donner un code ou un score diverses qualits et attributs tels que le sexe,la nationalit, le statut social... pour en faire des donnes chiffres et manipulablesmathmatiquement). Notons bien cependant que, contrairement des prjugs bieninstalls, quantit, mesure et mathmatique ne signifient ni automatiquement ni

    exclusivement scientifique .

    On a pu dire, par boutade, que la statistique c'est la science de l'erreur. En fait,cette dfinition est bien fonde car l'essentiel de ce que nous procure la statistiquerside dans ce qu'elle permet, de multiples faons, d'apprcier, de mesurer et delimiter les risques d'erreurs sur les caractristiques dont on tente l'extrapolation etla gnralisation.

    Il existe deux grandes sortes de statistiques : la statistique descriptive et lastatistique mathmatique.

    1. La statistique descriptive

    Comme son nom l'indique, il s'agit de calculs statistiques qui vont servir avant tout dcrire, visualiser les caractristiques particulires d'une collection d'objets surlaquelle on dispose de donnes chiffres. Ces donnes (chiffres) peuvent tre soit caractre qualitatif, soit caractre quantitatif :

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    Caractre qualitatif: non mesurable mais que l'on peut ranger encatgories, alternatives... (couleur des cheveux, sexe, groupe sanguin ...)

    Caractre quantitatif:mesurable ou dnombrable (par exemple la taille des

    individus, le nombre d'enfants, le revenu mensuel, le poids ...)

    La statistique descriptive permet, partir de ces donnes, de raliser desclasses, des effectifs cumuls, des frquences, des frquences cumules...

    On aboutit alors des distributions (histogrammes, courbes de frquences ...)reprsentant graphiquement la rpartition des effectifs par classes ou par niveauxde la variable considre.

    Sur ces distributions, on peut dgager, par calcul, des indices ou paramtrescaractristiques qui sont des valeurs particulires donnant une vue synthtique de

    la distribution considre.

    On distingue deux types de paramtres : les paramtres de regroupement (ou detendance centrale) et les paramtres de dispersion.

    Les paramtres de regroupement (ou tendance centrale) sont destins fournir une ide gnrale quant l'ordre de grandeur des mesures se rpartissantdans la srie dont on dispose. Ils donnent aussi les positions vers lesquelles tendent se rassembler les mesures de la srie. Ils comprennent :

    La moyenne arithmtique: c'est le fait de rsumer en un nombre

    l'ensemble des mesures observes. Ce nombre (quotient de la sommearithmtique des valeurs observes par le nombre d'observations) donneune ide plus prcise de la valeur autour de laquelle l'ensemble desobservations se rpartissent.

    La mdiane:ce n'est pas comme la moyenne arithmtique une moyennede grandeur, mais une moyenne de position. Elle donne la valeur quioccupe la position centrale dans la srie des valeurs observes, lorsque cesvaleurs sont classes (score du sujet occupant le 50, rang sur 100 parexemple).

    Le mode:c'est la valeur de la variable correspondant la frquence la plusleve. La classe modale est la classe dont la frquence est suprieure celle des autres classes. C'est la mesure la plus frquemment observedans la srie.

    Les paramtres de dispersion fournissent, de faon quantifie, les variationsdes mesures autour de la position occupe par la mesure centrale. Ils donnent doncune ide du degr d'talement de l'ensemble de la srie de mesures. En d'autres

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    termes, ils permettent de se rendre compte jusqu' quel point les mesures tabliess'cartent des valeurs centrales d'une part, et s'cartent les unes des autres, d'autrepart. Ce sont :

    La variance(moyenne des carrs des carts entre les valeurs observes etla moyenne arithmtique) permet de dgager, avec l'cart type (racinecarre de la variance) l'ide de variation, de fluctuation des valeurs de ladistribution des mesures autour de la valeur centrale (moyennearithmtique).

    2. La statistique mathmatique(ou estimation statistique, ou encore infrence statistique)

    C'est tout l'appareillage statistique qui se base sur le calcul des probabilits etl'extrapolation partir d'chantillons dits reprsentatifs d'une population plus large.

    Il s'agit alors d'estimer, partir de la valeur obtenue pour l'chantillon, quelle serala valeur que l'on pourra attribuer la population et avec quelle prcision cettevaleur sera fournie... Il faudra cerner la loi de probabilit dfinissant le caractretudi dans cette population.

    C'est ici galement qu'interviennent les tests statistiques qui permettentd'apprcier les limites de confiance aux paramtres, la conformit aux lois dedistribution, l'homognit des chantillons, la possibilit d'accepter ou de rejeterl'hypothse nulle avec le taux d'erreur qui s'y rattache... (la notion d'hypothsenulle sera vue plus loin).

    Enfin, de faon plus directe, la statistique mathmatique nous permet decalculer des coefficients (corrlation, rgression ...) et de dgager dessignifications, des tendances, partir de ces mmes coefficients qui rvlent lesliens de causalit, de covariation...

    III LES DIFFRENTS TYPES DE PROBLMESDE RECHERCHE

    Retour la table des matires

    Il existe plusieurs genres diffrents de problmes que l'on peut poser en recherche.On peut recenser quelques huit types de problmes qui constituent en fait autant degenres de recherches (qu'on distingue par les objectifs qu'elles poursuivent :thorique, de vrification, de confirmation, d'exprimentation ...) :

    Problme fondamental : C'est un problme qui concerne une recherche ditefondamentale, c'est--dire qui s'attaque aux fondements d'un aspect quelconqued'un domaine donn. Il s'agit donc d'un problme thorique dans le cadre d'une

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    recherche thorique. Par exemple, le concept de march dans l'conomie diteprimitive.

    Problme appliqu : Comme son nom l'indique, il s'agit d'une application de

    notions thoriques ou, plus directement, d'une tude portant sur un aspect prcis dela ralit. Par exemple, l'tude de la mise en place du modle de direction parobjectifs dans le secteur public ou l'application du modle des ples dedveloppement la rgion du Mesorgionio italien.

    La majorit des recherches qui sont faites dans le cadre des mmoires de find'tudes, de deuxime cycle... concernent des problmes du type appliqu.

    tude de cas: Il s'agit ici du genre de problme qui ncessite l'tude complte,dtaille et approfondie d'un nombre limit d'objets, d'individus, d'vnements ...

    Par exemple, l'analyse du travail de direction du personnel traversl'observation des directeurs de personnel de dix grandes entreprises ou les tudesdes problmes du transit dans le port de Montral ; le cas du transit des produitsptroliers...

    Problme de terrain (field research) :C'est un type de recherche o l'on recueilleles donnes de faon directe, l o l'objet tudier se trouve (sur le terrain), et dontles lments d'hypothses, d'analyse, de conclusions, de thorisations...proviennent galement du terrain (ethnologie, thologie, monographies ...).

    Problme exprimental (lab-research) :Comme son nom l'indique, il s'agit d'un

    problme impliquant un travail exprimental (de laboratoire) pour son laborationet sa rsolution. Ici, l'observation se fait in-vitro, par reconstitution exprimentale.

    Par exemple, l'influence de l'intensit de l'clairage sur le rendement desdessinateurs est un problme qui peut tre trait en laboratoire (des dessinateursseront soumis diffrentes conditions d'clairage tour de rle, pour ensuiteanalyser la variation dans les rendements ...) Ce genre de recherche a l'avantage depermettre de contrler peu prs toute la situation ou, tout le moins, unmaximum de variables. La validit interne de telles recherches est gnralementtrs leve de ce fait.

    Problme descriptif : Certaines recherches peuvent n'avoir pour but que defournir une certaine connaissance plus ou moins prcise sur un phnomne donn,donc d'en donner une description qui n'en soit pas moins revtue de toutes lesgaranties de la valeur scientifique...

    Il s'agit de voir comment se comporte la variable dpendante dans certainesconditions donnes (non manipules), par exemple, l'achat de micro-ordinateursdans les magasins escompte. La variable dpendante sera achat de micro-

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    ordinateurs , il s'agira donc de dire comment ? qui ?... achte dans ces magasinsce produit particulier.

    Problme causal : Ce type de problme appelle la rponse un pourquoi. Il s'agit

    de dcouvrir la cause d'une situation, d'un comportement, d'une transformation,d'un fait inattendu... La bureaucratie et ses origines dans le secteur public, lesfacteurs d'engorgement du port de Montral... en sont des exemples. Ce genre desujet reste parmi ceux qui engendrent les recherches les plus dlicates et quidemandent un maximum de preuves et de prcautions mthodologiques. Engnral, on se contente de quelques hypothses bien labores ; le reste du travailn'tant que la vrification ou l'infirmation (scientifiquement parlant) de ceshypothses.

    Ex-post-facto : Dans cette analyse aprs le fait, le problme consiste dmontrer,aprs coup, qu'une variable indpendante X influence de telle ou telle faon la

    variable dpendante Y. Cette dmonstration (ou preuve) se fait gnralement parinfrence (calculs de corrlations ...). Par exemple, on introduit un nouveau stylede gestion et, un an aprs, on essaie de vrifier si ce nouveau style a une influencefavorable sur le rendement.

    IVLES VARIABLES : TYPES ET DFINITIONS

    Retour la table des matires

    Tout comme il existe plusieurs sortes de problmes spcifiques en recherche, il

    existe aussi diffrentes formes de variables dont il convient de connatre la natureet le rle, afin de raliser correctement le plan de recherche et les modles (decausalit, de relations ou d'interdpendances) mettant en jeu les phnomnes quenous soumettons l'tude.

    On peut distinguer huit types de variables :

    Variable continue : Grandeurs qui peuvent prendre toutes les valeurs possiblessur un intervalle donn. Par exemple, la taille des individus (qui peut prendretoutes les valeurs entre 0,50 m et 2,50 m).

    Variable discontinue (ou discrte) : Grandeurs qui ne peuvent tre caractrisesque par des nombres entiers. Par exemple, le nombre d'enfants par famille ne peuttre qu'un entier.

    Variable dpendante : C'est la variable dsigne gnralement par le symbole Y.Elle dpend, dans ses variations, d'autres phnomnes ou variables que l'on peuttudier ou manipuler. On peut, par exemple, tudier la variation de l'absentismeen fonction de la modification du nombre de jours ouvrables : Comment

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    l'absentisme dpend-il du nombre de jours de travail ? On peut crire la relationY = f(x) o Y = absentisme et x = nombre de jours ouvrables.

    Variable indpendante : C'est la variable qui influence la modification de la

    variable tudie. Elle peut tre manipule par l'exprimentateur pour tudier sonrle dans les variations de la variable dpendante. Le nombre de jours ouvrablesreprsente ici la variable indpendante. On la note gnralement par le symbole X.Pour une mme variable dpendante, on peut avoir plusieurs variablesindpendantes, on crit alors : Y= f(X1, X2, X3 ...), (jours ouvrables, horaires,contrle... peuvent reprsenter autant de variables indpendantes dans notreexemple).

    Variable modratrice : C'est la variable qui, comme son nom lindique, modrela relation entre les variables dpendantes et indpendantes. Elle nuance la relationen lui apportant un clairage complmentaire qui la relativise et prcise sa

    signification. Dans notre exemple, une variable modratrice peut tre constituepar l'ge des employs : ceux qui ont tendance s'absenter le plus peuvent tre lesplus jeunes...

    Variable intermdiaire : C'est une variable qui est ncessaire la ralisation de larelation entre les variables dpendante et indpendante. Dans notre exemple, cettevariable peut tre constitue par le facteur condition de travail tel que larmunration, le niveau de satisfaction... conditions gales, la diminution dunombre de jours de travail peut rduire l'absentisme.

    On aura alors la relation :

    VARIABLEINDPENDANTE

    VARIABLEINTERMDIAIRE

    VARIABLEDPENDANTE

    Semaine de 4 jours Salaire maintenuDroits rservs

    Baisse (?) del'absentisme

    Variable contrle : C'est une variable, ou un caractre spcifique dont on tientcompte (qu'on contrle) ds le dpart, en tant que pralable touteexprimentation ou toute tude de situation. Dans notre exemple, on peut

    contrler la variable type d'emploi en effectuant des mesures distinctes pourchaque catgorie d'employs et distinguer ainsi les taux d'absentisme en fonctiondes postes occups. On peut de la mme faon, contrler l'ge, le sexe,l'anciennet...

    Variable explicative : C'est une variable qui ne se mesure pas mais qui expliquela relation particulire observe entre les variables dpendante et indpendante.Elle donne un sens, une signification prcise cette relation.

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    Omar Aktouf, Mthodologie des Sciences sociales et approche...(1987) 36

    Si nous reprenons notre exemple, il se peut que nous observions une baisse del'absentisme avec la rduction du nombre de jours travaills, mais cette baissepeut s'expliquer par le fait qu'il en cote plus de s'absenter dans un tel systme (le

    taux horaire tant alors plus lev, les retenues sur salaire pour les mmes absencesseront plus importantes).

    On peut, l'aide de l'exemple choisi 1, reformuler ainsi l'ensemble de cesvariables et leurs relations :

    Surtout chez les jeunes (variable modratrice), la semaine de quatre jours(variable indpendante), si les salaires sont maintenus (variable intermdiaire),provoque une baisse d'absentisme (variable dpendante) parce que lesemploys perdent plus en s'absentant dans un tel systme (variable explicative)surtout parmi les ouvriers et techniciens qualifis (variables contrles).

    La prparation des observations (qualitatives ou quantitatives) et des donnespour le traitement statistique ainsi que la distinction des diffrents types devariables dans le problme tudi sont des tapes cls et des oprations essentiellesdans le travail de recherche.

    Il convient nanmoins de bien retenir que, mme si l'on a l'habitude deprsenter de faon spare les diffrentes approches, mthodes, problmes,variables, il n'y a jamais de sparations aussi nettes : il peut mme y avoir, trssouvent, recoupements, chevauchements, successions de deux ou plusieursapproches, cadres, mthodes, variables...

    1 Exemple emprunt au professeur P. Lesage des HEC de Montral.

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    Un synopsis du modle classique__________________________________________________________________

    Retour la table des matires

    Retenons, avant d'aller plus loin, que la mise au point d'un projet de recherche doitfaire l'objet du plus grand soin et de la plus grande attention. On peut facilementpasser le tiers du temps total de la recherche cette tche. Un plan approximatif oubcl, c'est la porte ouverte aux oublis, aux faux pas, aux inutiles retours ici, arrireet de multiples raccommodages qui peuvent s'avrer trs prjudiciables... Lesdifficults probables et les obstacles surmonter doivent, autant que possible, tre

    recenss, analyss et dj plus ou moins contourns lors de l'laboration du plan(ou du moins, la faon de les contourner doit tre prpare et prvue). Il ne fautdonc pas hsiter tablir une minutieuse check-list de tous les lments prvoir dans son plan, et vrifier, au fur et mesure, si on a respect chacun despoints de cette liste. Mieux vaut en prvoir en trop que pas assez ce niveau.

    Combien de recherches ont tourn court faute d'avoir analys l'avance larelle capacit de joindre les sujets qu'on se proposait d'interroger, ou laconformit de l'instrument d'enqute aux caractristiques de l'chantillon, ouencore les sources possibles de donnes indispensables ...

    De toute faon, un plan de recherche doit prvoir, une une, et avec leursenchanements, les tapes successives de ce qu'on appelle le cycle de recherche.Dans la prsente section, nous allons justement nous intresser ce qui constitueun cycle de recherche, voir en dtail chaque tape parcourir pour boucler cecycle et, en dernier lieu, rcapituler les principaux lments respecter dans laprparation d'un plan de recherche.

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    I LE CYCLE DE LA RECHERCHE

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    L'ide de cycle implique qu'il y a dpart d'un point prcis et retour, aprs un certainpriple, ce mme point. C'est exactement ce qui est suppos se passer dans touterecherche. Celle-ci doit avoir pour point de dpart un lment trs prcis qui seprsente sous forme d'une interrogation, d'une nigme, d'une insuffisance, d'unemconnaissance... qu'on appelle, dans le jargon consacr, le problme. Ce point dedpart sera, dans toute recherche convenablement mene, le point d'aboutissementsous l'aspect d'une nouvelle formulation, d'un progrs dans la connaissance dusujet trait... Cet aboutissement doit montrer clairement ce que le chercheurapporte de plus ou de nouveau a ce qui lui a servi de problme de dpart.

    Voici donc, figur sous forme de diagramme, ce cycle de recherche : chaquecase reprsente une tape, un moment d'tude, d'analyse, de prparation, deformulation... d'un des lments ncessaires la conduite du travail. Chacune desflches reliant une case une autre reprsente toute une srie d'arguments, de justifications et de raisonnements explicitant les enchanements logiques quirelient entre elles les tapes et conduisent le chercheur graduellement, maisncessairement, vers des progrs successifs dans la comprhension etl'enrichissement du sujet trait. Il faut donc concevoir ces flches non pas commedes liaisons successives distinctes mais comme une seule et mme chane (un filconducteur) depuis le dpart du problme jusqu'au retour ce mme problme,

    sans jamais perdre le contact , que ce soit avec l'tape prcdente ou avec lasuivante.

    Le cycle de la recherche est un tout interreli, homogne et cohrent o chaquepartie est ncessairement une suite logique de celle qui la prcde et uneprfiguration de celle qui la suit.

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    Le cycle de la recherche

    Sujet Formulation Problmatique Dlimitation duChamps de travail

    ProblmeQuestions souleves

    par le problme

    Contexte thoriquedu problme et desquestions centrales

    Revue des critssur le sujet Pr-enqute

    Type dinformationsrecherches

    tat des connaissancessur le problme

    Hypothses et conditionsde vrification

    Donnes ncessairesla recherche

    Mthodologie Techniques, Instruments,

    chantillons

    Plan denqute Plandexprimentation

    Dfinition delinstrument et pr-

    construction

    chantillon Pr-test delinstrument

    laboration dfinitiveInstrument(s) Collecte des donnes

    Prparation et nettoyage desdonnes

    Conclusions gnralesTraitement et analyse desdonnes

    Interprtation desrsultats

    Modles

    Nouvel clairage, nouvellesconnaissances, nouvelles

    possibilits daction, nouvellessolutions

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    II LES TAPES DE LA RECHERCHE

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    On entend par tapes de recherche, les phases successives concrtes, sophistiquesou banales, que doit parcourir le chercheur avant d'esprer aboutir des rsultatsacceptables. On distingue trois types d'tapes dans la recherche :

    A Les tapes initiales : les prambules de la recherche.B Les tapes intermdiaires : le droulement de la recherche.C Les tapes finales : les travaux sur les fruits de la recherche.

    A Les tapes initiales

    1. L'ide de la recherche

    Il s'agit de l'lment particulier qui a fait germer la pense de faire une tude,d'approfondir ou de s'intresser quelque chose de prcis. Cette ide de recherchepeut provenir d'au moins quatre sources essentielles :

    1) Une partie d'un ensemble en cours de recherche ou de dveloppement et quincessite un travail d'laboration ou de classification. Par exemple, la structurematricielle est un ensemble en dveloppement actuellement en contexte de gestion,l'ide de recherche ici serait peut-tre d'tudier les conditions et modalitsd'application de la structure matricielle des secteurs particuliers tels que les

    hpitaux et les institutions culturelles.

    2) Un problme immdiat qui ncessite une solution plus ou moins courtterme (il s'agit ici du type de problmes pour lesquels aucune solution toute prten'est envisageable et qui requirent donc une solution originale, particulire, quidoit tre dcouverte).

    On peut prendre comme exemple tous les problmes que peuvent connatre un moment ou un autre dans leur fonctionnement diffrentes organisations (baissede productivit, absentisme, rotation leve, engorgement de certains services ...).

    3) Un problme futur, probable, contrer ou minimiser ; par exemple,tudier l'installation, ds le dmarrage d'une unit, d'un service de comptabilitanalytique, pour viter plus tard des problmes de matrise des cots, ou encoretudier une projection des dveloppements de carrire du personnel pour viter lesplafonnements rapides, des plthores, des sous-qualifications...

    4) Un besoin d'informations, de connaissances plus prcises sur un sujet donnou sur un aspect donn d'une situation. Par exemple, on doit avoir des donnes

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    prcises sur le march avant de lancer un nouveau produit ; sur le fonctionnementet l'tat actuel d'une entreprise avant d'y implanter une nouvelle organisation...

    En tout tat de cause, il faut retenir que l'origine d'une ide de recherche

    influence toujours le droulement futur et les objectifs de celle-ci, dans le sens otout ce qui sera entrepris devra contribuer directement ou indirectement clairerle problme originel prcis. On ne conduit pas de la mme faon une recherche quia pour but une tude de march et une autre qui vise dvelopper les possibilitsthoriques d'application d'un nouveau mode de gestion...

    2. Les objectifs de la recherche

    Aprs l'ide de recherche, qui est en gnral une vision assez floue, simple etincomplte de ce que l'on veut tudier (par exemple, dans l'ide de recherche surles causes d'engorgements du port de Montral, il y a une multitude de problmes

    et d'aspects particuliers tudier), il convient de dfinir, dans les grandes lignes,les principaux objectifs poursuivis.

    Les objectifs principaux (cerner la demande d'un produit, diagnostiquer unesituation, corriger des dysfonctions, tester l'applicabilit d'un systme ...) doiventtre prciss en termes d'tendue, de porte, de temps, de moyens, de lieux...

    3. Les limites de la recherche

    Il s'agit d'expliciter d'o l'on part prcisment et o on veut arriver prcisment.Quelles sont les questions qui seront traites, celles qui ne le seront pas et

    pourquoi. Quelles sont les frontires thoriques, mthodologiques, analytiques...que l'on s'impose et pourquoi ? Quelles sont les limites lies aux moyensdisponibles tels que finances, dplacements, enqutes de terrains, tempsordinateur... ?

    4. Le terrain de la recherche

    Le chercheur doit dlimiter les critres qui serviront cerner la ou les populationsde l'enqute (on appelle population le bassin qui contient les lments sur lesquelsporte la recherche, que ce soit des personnes ou des objets...) et, l'intrieur de lapopulation, le ou les chantillons prcis qui serviront de base matrielle

    lenqute. La dfinition prliminaire de ces critres (qui doivent correspondre auxobjectifs poursuivis) aidera le chercheur vrifier l'avance, si oui ou non, avec detels critres, on a des chances srieuses de runir un chantillon suffisammentgrand pour satisfaire aux exigences de rigueur de la recherche.

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    5. La budgtisation de la recherche

    Cette avant-dernire tape prliminaire concerne surtout la faisabilit matrielle de

    la recherche. Le chercheur doit rpertorier toutes les actions qu'il aura entreprendre pour mener son tude et s'assurer qu'il peut, pour chacune d'entreelles, disposer des ressources ncessaires en termes de temps, de disponibilit despersonnes impliques, de financement (d'oprations telles que dplacements,documentation, enqutes, dactylographie, reproduction, envois spciaux...). Tousces lments peuvent sembler priphriques ou accessoires par rapport larecherche, mais ils n'en sont pas moins indispensables et peuvent, s'ils n'ont pas tl'objet d'une grande attention pralable, constituer, un moment ou un autre, unfrein qui remettrait en cause toute la dmarche.

    6. Le listage des oprations et formalits initiales

    Dans toute forme de recherche (et surtout celles impliquant un travail de terrain), ily a toujours un certain nombre de formalits et d'actions pralables entreprendrepour garantir, ne serait-ce que sur les plans administratif et juridique, la faisabilitd'une recherche. Ici, il s'agira de se munir d'un minimum de garanties du genre :

    Lettres de recommandation, d'introduction... Autorisations crites d'effectuer les visites ncessaires. Autorisations d'interviewer et d'enquter. Engagements d'aide ou de facilitation du travail du chercheur. Formalits d'accs la documentation ncessaire (archives, dossiers,

    statistiques...).

    Cette dernire tape permet d'viter les dsagrables surprises de se voir fermerdes portes que l'on croyait naturellement ouvertes... Tout ce qui ncessite lerecours un organisme ou une institution, quels qu'ils soient, doit faire lobjet,ds le dbut, de ngociations et d'engagements fermes, prcis et si possible crits.

    Retenons, en conclusion partielle, que les tapes prliminaires d'une rechercheconstituent un effort systmatique de vrification du bien-fond gnral de l'idede recherche, des buts que l'on veut atteindre (en gros du moins) et surtout desconditions matrielles et des garanties de ralisation. Si l'un ou l'autre des aspects

    de ces tapes prliminaires prsente des alas, des incertitudes, ou mmeseulement des doutes, il vaut souvent mieux renoncer que s'engager dans unprocessus demi matris...

    Que de projets grandioses et gnreux finissent aux oubliettes cause d'uneattention insuffisante ces prambules et prcautions qui ne demandent pourtantqu'un peu d'esprit systmatique et quelques efforts d'anticipation sur ce qui peutfavoriser ou gner les grandes lignes du droulement de la recherche.

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    B Les tapes intermdiaires

    Aprs les tapes prliminaires, il s'agit de s'intresser ce qui va constituer le

    corps de la recherche. On s'est assur qu'elle vaut la peine d'tre entreprise (quel'ide est intressante et qu'elle apportera rellement quelque chose laconnaissance et/ou l'amlioration d'un problme, d'une situation particulire) etqu'elle peut, matriellement et administrativement tre mene jusqu'au bout, alorson rflchit sa faisabilit scientifique.

    Cette faisabilit scientifique, dans le cadre du modle classique, ncessite lepassage par les six tapes suivantes :

    Formulation opratoire du problme et objectifs gnraux. Formulation du contexte thorique et tat des connaissances.

    Formulation des hypothses et des objectifs partiels. Dfinition des donnes requises. Dfinition de la mthode, terrain, instrument(s). Tests, passation et cueillette des donnes.

    1. La formulation opratoire du problme et les objectifs gnraux

    Par formulation opratoire, il faut entendre une formulation dite scientifique duproblme que lon veut traiter. L'nonc sous forme de sujet de la recherche nesuffit absolument pas, il faut vritablement situer son problme dans le cadre d'unethorie rpute scientifique : Quelles sont les lois en jeu ? Quelles sont les

    variables ? Les faits ? Quels liens de causalit objectifs et prcis y a-t-il entre lesprincipales variables pour justifier le problme que l'on veut tudier ? C'est aussice que beaucoup d'auteurs appellent la problmatique que nous pourrions (trsschmatiquement) dfinir comme tant la prcision de l'ensemble des tenants etaboutissants du problme (ainsi que de la faon de le poser : un mme problme nesera pas, par exemple, pos de faon identique par un chercheur structuraliste et unchercheur fonctionnaliste).

    2. La formulation du contexte thoriqueet l'tat des connaissances sur le sujet

    Il s'agit d'abord de situer dans un champ de savoir prcis le sujet tudier ainsi quela manire dont on veut le traiter. Si l'on veut traiter, par exemple, un problmeconcernant la demande globale pour un produit stratgique donn, va-t-on se situeret situer le problme dans le cadre de l'conomie classique ? marginaliste ?marxiste ? Va-t-on le traiter selon des mcanismes lis aux notions de librecirculation de l'information, jeu libre de l'offre et de la demande, ou au contraire,dans un cadre de rfrence s'appuyant sur les notions de lutte des classes, de

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    ralisation de plus-value, de monopoles et de monopsones ? Tout cela doit treexplicit, prcis et argument.

    Par la suite (et souvent simultanment), il faut faire le point des connaissances

    sur le sujet : O en est-on au moment o on doit enclencher sa recherche dans lesavoir gnral sur son problme ? Quels sont les rsultats des recherchesessentielles les plus rcentes (autant que possible) sur le sujet ? Que va-t-on, soi-mme, apporter de plus ?

    3. La formulation des hypothses : les objectifs prcis

    la prsente tape, la tche consiste gnralement effectuer une pr-enqute (surdocuments ou sur terrain) qui va permettre de gnrer des hypothses dment justifies quant ce que l'on compte dmontrer ou dcouvrir. Cette formulationd'hypothse(s) doit aussi s'accompagner d'une explicitation des manires et

    moyens de vrification, confirmation et/ou infirmation de ces mmes hypothses.Cela constituera en fait l'objet vritable de l'effort de recherche. Cet effortd'explicitation permet une prcision indispensable des objectifs particulierspoursuivis (ce que l'on dmontrera, laborera, mettra jour...) aussi bien en coursde route qu'en phase finale.

    4. La dfinition et la clarification des donnes ncessaires

    Sachant, peu prs dans le dtail, ce que l'on veut montrer ou dmontrer, il fautencore prciser quels genres d'informations seront ncessaires, et o les trouver,les cueillir, pour rpondre aux objectifs de la recherche. Quelle est la nature et

    quelles sont les garanties de fiabilit des donnes qui seront utilises...

    5. La mthode, le terrain, l'instrument

    Il faudra prciser quels sont les procds les plus pertinents utiliser pour collecterles donnes ; spcifier o ces donnes seront recueillies, quelles sont les garantiesde reprsentativit de l'chantillon ou du terrain choisi, des sources choisies, quelsera l'instrument le plus adquat pour recueillir ces donnes (l'interview, lequestionnaire, un test) et pourquoi.

    6. La collecte des donnes, le pr-test et la passation

    Il s'agit, dans cette tape, de s'assurer d'abord que l'instrument fonctionne biencomme on l'a prvu, et dans le sens des rsultats (indicatifs) prvus. Si l'instruments'avre remplir le rle qu'on attendait de lui, sur le terrain prvu, alors on peutlancer l'opration de collecte des donnes. C'est ce qu'on appelle la phase de pr-test et de passation de l'instrument.

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    C Les tapes finales

    Ce sont les tapes qui consistent tirer quelque chose des donnes rassembles.

    C'est proprement la phase de gnration d'lments nouveaux et originauxmontrant que l'on a contribu amliorer notre connaissance ou notrecomprhension quant au problme abord.

    1. La prparation des donnes

    Une fois rassembles, les donnes brutes (rponses un questionnaire, chiffres,statistiques ...) doivent faire l'objet d'un minutieux travail de prparation avantd'tre traites et analyses. Dans ce travail de prparation, il faut trier, dpouiller,nettoyer, regrouper, coder... de faon que, le moment venu, on n'ait, autant quepossible, que des donnes non contamines, non biaises, c'est--dire non

    susceptibles de gnrer des erreurs ou des distorsions dans les rsultats.

    2. L'analyse des donnes

    Comme son nom l'indique, cette tape consiste effectuer un travail demanipulation et de traitement des donnes nettoyes. Elle peut consister en toutesformes de calculs, regroupements, croisements... quantitatifs ou qualitatifs,manuels ou informatiss...

    C'est ici que l'on dgagera ce que l'on a dcouvert par rapport au problme ainsique les paramtres statistiques, les indices, les coefficients, les frquences, les

    classes... servant en spcifier les caractristiques.

    3. L'interprtation des rsultats

    C'est la phase d'infrence, de mise de signification dans les rsultats obtenus l'tape prcdente. Il s'agit, selon l'expression plus familire, de faire parler leschiffres, indices, coefficients... dgags par l'analyse, et exprimer de faon claire,argumente, comment ces rsultats constituent un progrs par rapport au point dedpart.

    4. Les conclusions

    C'est l'apport propre, total et original du chercheur qui doit apparatre ici :

    A-t-on ou non confirm ses hypothses ? Pourquoi ?

    Qu'a-t-on apport de plus par rapport ce qui est dj connu sur le problme ?

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    Omar Aktouf, Mthodologie des Sciences sociales et approche...(1987) 46

    Jusqu' quel point a-t-on trouv rponse aux questions poses au dpart ?Pourquoi ?

    Quelles sont les dviations ? Les insuffisances ? Pourquoi ?

    Quelles sont les situations particulires o les rsultats se vrifient ? Ne sevrifient pas ? Pourquoi ?

    Quelles sont les possibilits d'applications thoriques et/ou pratiques ?

    IIILE PLAN DE RECHERCHE

    Retour la table des matires

    Avant de voir ce qu'est, spcifiquement, un plan de recherche, voyons ce quesignifie de faon plus gnrale ce terme. On appelle plan, un trac reprsentantles diffrentes p