affaire baratta c. italie

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ECHR

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  • QUATRIME SECTION

    AFFAIRE BARATTA c. ITALIE

    (Requte no 28263/09)

    ARRT

    STRASBOURG

    13 octobre 2015

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 1

    En laffaire Baratta c. Italie, La Cour europenne des droits de lhomme (quatrime section), sigeant

    en une chambre compose de :

    Pivi Hirvel, prsidente,

    Guido Raimondi,

    George Nicolaou,

    Ledi Bianku,

    Nona Tsotsoria,

    Krzysztof Wojtyczek,

    Faris Vehabovi, juges, et de Franoise Elens-Passos, greffire de section,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil les 30 juin 2015 et

    8 septembre 2015,

    Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 28263/09) dirige contre la Rpublique italienne et dont un ressortissant de cet tat,

    M. Mario Baratta ( le requrant ), a saisi la Cour le 25 mai 2009 en vertu

    de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. Le requrant, qui a t admis au bnfice de lassistance judiciaire, a t reprsent par Me G. Belcastro, avocat Rome. Le gouvernement italien

    ( le Gouvernement ) a t reprsent par son agent, Mme E. Spatafora.

    3. Le requrant allgue une mconnaissance de ses droits de participer

    son procs ainsi qu un double de degr de juridiction en matire pnale. Il considre galement quil ne disposait daucun recours effectif pour faire valoir son grief tir de larticle 6 de la Convention et que sa dtention en excution de sa condamnation a t arbitraire.

    4. Le 3 avril 2014, la requte a t communique au Gouvernement.

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    5. Le requrant est n en 1951 et rside Cosenza.

  • 2 ARRT BARATTA c. ITALIE

    A. Les accusations contre le requrant et la procdure dextradition

    6. Par une ordonnance du 7 janvier 1994, le juge des investigations

    prliminaires de Catanzaro ordonna le placement en dtention provisoire de

    nombreuses personnes, parmi lesquelles le requrant. Ce dernier tait

    accus, entre autres, dhomicide et de faire partie dune association de malfaiteurs de type mafieux.

    7. Les autorits ne purent pas apprhender le requrant, qui cette

    poque se trouvait au Brsil.

    8. Le 3 mai 1995, les autorits italiennes demandrent leurs

    homologues brsiliens de placer le requrant sous crou extraditionnel.

    9. Le 25 mars 1997, le ministre brsilien de la Justice ordonna

    larrestation du requrant, qui eut lieu le 6 mai 1997. Dans la mesure o au moment de son arrestation, il avait exhib un passeport sur lequel figuraient

    des visas falsifis, le requrant fut accus de faux et condamn au Brsil

    pour cette infraction.

    10. Le 30 mai 1997, les autorits italiennes prsentrent une demande

    formelle dextradition. Celle-ci fut accueillie seulement en partie par les autorits brsiliennes, car le principe de spcialit imposait dexclure la possibilit de poursuivre le requrant en Italie pour certains de chefs

    daccusation son encontre. Compte tenu de lopposition du requrant son extradition, la procdure y relative stala sur plusieurs mois. En octobre 1999, le requrant svada de la prison brsilienne o il tait dtenu. Il fut nouveau arrt en janvier 2001, et fut extrad vers lItalie le 11 avril 2001.

    B. La procdure pnale contre le requrant

    11. Entre-temps, dans le cadre de la procdure pnale entame contre lui

    en Italie, le requrant avait t dclar en fuite (latitante). Il fut renvoy en

    jugement devant la cour dassises de Cosenza, qui dcida de le juger par contumace.

    12. laudience du 7 mai 1997, lavocat du requrant dclara avoir appris que son client tait dtenu sous crou extraditionnel au Brsil et

    demanda de rvoquer la dcision de le juger par contumace. Par une

    ordonnance du mme jour, la cour dassises rejeta cette demande, estimant que linformation concernant larrestation du requrant au Brsil ntait pas taye par des lments suffisamment certains. En particulier, lavocat de lintress navait produit aucun document et avait lui-mme prtendument eu connaissance de lincarcration de son client grce une source journalistique.

    13. laudience suivante, tenue le 8 mai 1997, lavocat du requrant ritra sa demande. Il indiqua avoir t oralement inform de larrestation de son client par un officier des carabiniers de Cosenza. La cour dassises

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 3

    rejeta cette demande, estimant quelle ntait pas tenue vrifier linformation en question.

    14. Le requrant allgue qu cette poque le parquet gnral de Catanzaro avait t formellement inform de son arrestation.

    15. Par un arrt du 9 juin 1997, dont le texte fut dpos au greffe le

    15 janvier 1998, la cour dassises de Cosenza condamna le requrant perptuit.

    16. Le requrant ayant t dclar en fuite, cette arrt fut notifi son

    avocat.

    17. Lavocat du requrant interjeta appel, ritrant ses griefs portant sur la violation du droit de son client de participer au procs.

    18. Par un fax du 13 mai 1998, la cour dassises dappel de Catanzaro demanda aux carabiniers de Spezzano della Sila, commune de naissance du

    requrant, de prciser le lieu o ce dernier se trouvait. Le lendemain, les

    carabiniers indiqurent que le requrant tait dtenu sous crou

    extraditionnel dans la prison de la police fdrale brsilienne de Rio de

    Janeiro .

    19. laudience du 25 septembre 1998, lavocat du requrant produisit le dispositif dune dcision du tribunal fdral de Brasilia, dont il ressortait que son client avait t plac sous crou extraditionnel. Il demanda par

    consquent la rvocation de la dclaration de fuite.

    20. Par une ordonnance du 29 septembre 1998, la cour dassises dappel rejeta cette demande et dcida de juger le requrant par contumace. Elle

    estima que le document produit par la dfense tait sans importance. En

    effet, tant donn que le requrant sopposait la demande dextradition, son absence tait due sa volont, et non un empchement lgitime.

    21. Par un arrt du 13 mars 1999, dont le texte fut dpos au greffe le

    4 juin 1999, la cour dassises dappel de Catanzaro confirma la condamnation du requrant perptuit.

    22. Lavocat du requrant se pourvut en cassation. Il demanda de rvoquer la dclaration de fuite et la dcision de juger son client par

    contumace.

    23. Par un arrt du 3 juillet 2000, dont le texte fut dpos au greffe le

    12 septembre 2000, la Cour de cassation dbouta le requrant de son

    pourvoi. Elle observa que lavocat du requrant soutenait que le juge devait suspendre les dbats lorsquil tait probable que labsence de laccus tait due une impossibilit de comparatre pour cas de force majeure.

    Cependant, il ntait pas possible de comparer la fuite (latitanza) volontaire de laccus un cas de force majeure .

  • 4 ARRT BARATTA c. ITALIE

    C. La procdure dexcution

    24. Lorsque, le 11 avril 2001, il fut extrad du Brsil vers lItalie (paragraphe 10 ci-dessus), le requrant fut emprisonn en excution de sa

    condamnation perptuit.

    25. Le 9 novembre 2007, il introduisit un incident dexcution fonde sur larticle 670 1 du code de procdure pnale (le CPP paragraphe 49 ci-aprs). Il allgua que la dclaration de fuite et la procdure

    par contumace devaient tre considres comme nulles et non avenues.

    Mme si une jurisprudence minoritaire (dmentie en 2003 par les sections

    runies de la Cour de cassation) considrait que la dtention sous crou

    extraditionnel ntait pas un empchement lgitime justifiant une absence aux dbats lorsque lintress sopposait lextradition, le requrant estima que son placement sous crou extraditionnel tait de toute manire

    incompatible avec une dclaration de fuite. Ds lors, les arrts de

    condamnation nauraient pas d tre notifis son avocat, mais au requrant lui-mme sur son lieu de dtention au Brsil. Lintress demanda par consquent que sa condamnation soit dclare non-excutoire et une

    nouvelle notification de larrt de premire instance, en lui donnant la possibilit dinterjeter appel et de participer son procs.

    26. Dans un mmoire dpos laudience du 18 mars 2008, le requrant prcisa quil tait vrai que son avocat avait interjet appel et stait pourvu en cassation, puisant ainsi les voies de recours contre sa condamnation.

    Cette circonstance, selon un arrt des sections runies de la Cour de

    cassation (no 6026 du 31 janvier 2008, Rv 238472, Huzuneanu), empchait

    daccueillir une ventuelle demande en relvement de forclusion en vertu de larticle 175 du CPP (paragraphes 50 et 53-54 ci-aprs). Cependant, de lavis du requrant, ceci navait aucune importance dans le cadre de lexamen de son incident dexcution. Il soulignait cet gard que lorsquil avait nomm son dfenseur dans le cadre de la procdure pnale, le

    requrant ne lui avait pas confr mandat dattaquer les dcisions prononces par contumace. Or, larticle 571 3 du CPP, tel quen vigueur lpoque des faits, prvoyait quen labsence dun tel mandat, le dfenseur navait pas le droit dinterjeter appel ou de se pourvoir en cassation. Il sensuivait, selon le requrant, que les autorits devaient lui donner le droit dattaquer sa condamnation perptuit.

    27. Par une ordonnance du 18 mars 2008, dont le texte fut dpos au

    greffe le 18 avril 2008, la cour dassises dappel de Reggio de Calabre rejeta lincident dexcution du requrant.

    28. Elle observa en premier lieu que la tche confie au juge de

    lexcution tait celle de contrler lexistence dun titre excutoire et la lgitimit de son mission. Daprs la jurisprudence de la Cour de cassation (premire section, arrt no 3517 du 15 juin 1998), les nullits, stant vrifies avant la condamnation dfinitive, taient sans importance,

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 5

    lanalyse du juge de lexcution devant porter seulement sur la rgularit formelle et substantielle du titre excutoire. Lorsquil mentionnait le respect des garanties prvues pour le cas o le condamn [tait]

    introuvable , larticle 670 du CPP se rfrait aux irrgularits ayant eu lieu aprs, et non avant, la condamnation dfinitive. Toute erreur de fait in

    iudicando ou in procedendo devait faire lobjet dun recours ad hoc dans le cadre de la procdure pnale sur le bien-fond des accusations, et chappait

    la comptence du juge de lexcution. 29. En lespce, lavocat du requrant avait excip de linvalidit de la

    dclaration de fuite et de la sentence par contumace au moyen dun appel et dun pourvoi en cassation. La cour dassises dappel et la Cour de cassation staient penches sur cette exception et lavaient rejete. Il sensuivait que toute question concernant la dcision de juger le requrant par contumace

    tait dsormais passe en force de chose juge.

    30. Ces considrations rendaient superflu lexamen des arguments exposs par le requrant dans son mmoire du 18 mars 2008 (paragraphe 26

    ci-dessus).

    31. Le requrant se pourvut en cassation.

    32. Par un arrt du 26 novembre 2008, dont le texte fut dpos au greffe

    le 3 fvrier 2009, la Cour de cassation, estimant que la cour dassises dappel avait motiv de faon logique et correcte tous les points controverss, dbouta le requrant de son pourvoi.

    D. La demande en relvement de forclusion du requrant

    33. Par un arrt no 317 du 30 novembre 2009, la Cour constitutionnelle

    dclara larticle 175 2 du CPP inconstitutionnel dans la mesure o il ne permettait pas laccus qui navait pas eu connaissance du procs dattaquer un jugement par contumace lorsquun appel avait dj t interjet par le dfenseur de lintress.

    34. Se fondant sur les principes noncs dans cet arrt, le requrant

    introduisit alors une demande en relvement de forclusion conformment

    larticle 175 2 du CPP. 35. Par une ordonnance du 9 mars 2010, la cour dassises dappel de

    Catanzaro rejeta la demande du requrant. Elle observa que la

    condamnation du requrant tait dsormais passe en force de chose juge,

    tant donn que, le 3 juillet 2000, la Cour de cassation avait dbout

    laccus de son pourvoi (paragraphe 23 ci-dessus). Ds lors, il ne pouvait pas se prvaloir de larrt no 317 de 2009 de la Cour constitutionnelle.

    36. Le requrant se pourvut en cassation.

    37. Par un arrt du 17 janvier 2011, dont le texte fut dpos au greffe le

    21 janvier 2011, la Cour de cassation cassa sans renvoi lordonnance du 9 mars 2010 et rouvrit le dlai pour interjeter appel contre la condamnation

    prononce le 9 juin 1997 par la cour dassises de Cosenza (paragraphe 15

  • 6 ARRT BARATTA c. ITALIE

    ci-dessus). La Cour de cassation mis fin aux effets de la condamnation

    dfinitive du requrant, rvoqua lordre dexcution de cette condamnation et ordonna la libration sur-le-champ du requrant, si aucun autre titre ne

    justifiait sa privation de libert (se non detenuto per altro titolo esecutivo od

    in forza di misura cautelare). Elle ordonna enfin la transmission du dossier

    la cour dassises de Cosenza. 38. La Cour de cassation observa que le requrant avait t tort dclar

    contumax, alors quil tait dtenu au Brsil. Il se trouvait par ailleurs dans la situation qui avait fait lobjet de larrt de la Cour constitutionnelle no 317 de 2009. Les dcisions de la Cour constitutionnelle dclarant

    linconstitutionnalit dune loi avaient effet erga omnes et sappliquaient aussi des situations stant vrifies dans le pass, car le juge ne pouvait plus appliquer la loi non conforme la Constitution. La situation dont le

    requrant se plaignait ntait pas close (esaurita), car larticle 175 du CPP visait prcisment invalider le jugement dfinitif afin de permettre

    laccus qui navait pas renonc comparatre dexercer son droit dinterjeter appel.

    39. Le 20 janvier 2011, le requrant fut plac en dtention provisoire. Le

    29 avril 2011, le tribunal de Catanzaro, agissant en tant que juge charg de

    rexaminer les mesures de prcaution, rvoqua la dtention provisoire du

    requrant pour expiration des dlais maxima de celle-ci.

    40. Entre-temps, le requrant avait interjet appel contre la

    condamnation prononce le 9 juin 1997 par la cour dassises de Cosenza (paragraphe 15 ci-dessus).

    41. Par un arrt du 14 juin 2012, dont le texte fut dpos au greffe le

    20 juillet 2012, la cour dassises dappel de Catanzaro annula la condamnation litigieuse.

    42. Elle observa qu lpoque des dbats de premire instance, le requrant tait dtenu sous crou extraditionnel au Brsil, et que lavocat de lintress avait inform la cour dassises de Cosenza de cette circonstance. Or, tel quen vigueur lpoque des faits, le CPP prvoyait que lorsque laccus prouvait quil tait lgitimement empch de participer aux dbats, lordonnance le dclarant contumax devait tre rvoque et le procs devait tre ajourn. Le non-respect de ces dispositions tait constitutif dune nullit absolue du procs. Par ailleurs, par un arrt no 21035 du 13 mai 2003, la

    Cour de cassation, sigeant en sections runies, avait prcis que la

    dtention ltranger sanalysait en un empchement lgitime, et ce mme lorsque laccus, faisant usage dune facult dont il tait titulaire, sopposait lextradition.

    43. Par ailleurs, la cour dassises de Cosenza savait que le requrant stait soustrait lexcution dune ordonnance de placement en dtention provisoire, car elle lavait dclar en fuite (latitante). Ds lors, face aux allgations de lavocat du requrant, selon lesquelles son client tait dtenu au Brsil (paragraphes 12 et 13 ci-dessus), la cour dassises aurait d

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 7

    effectuer les vrifications ncessaires et rvoquer, le cas chant, la

    dclaration de fuite. Les vrifications en question taient par ailleurs

    relativement simples, tant donn que la police italienne et le parquet

    gnral prs de la cour dappel de Catanzaro avaient t informs de larrestation du requrant au Brsil (paragraphe 14 ci-dessus).

    44. Le parquet se pourvut en cassation.

    45. Par un arrt du 13 juin 2013, la Cour de cassation dbouta le parquet

    de son pourvoi.

    46. la suite de ces dcisions, le procs de premire instance contre le

    requrant fut rouvert et lintress eut la facult dy participer. Par un arrt du 16 dcembre 2014, la cour dassises de Cosenza pronona un non-lieu au motif que les infractions taient prescrites.

    47. Le 1er avril 2015, le parquet interjeta appel contre cet arrt. Il allgua

    notamment que le requrant naurait pas d bnficier de circonstances attnuantes gnrales (circonstanze attenuanti generiche), ce qui avait

    influ sur le calcul du dlai de prescription. la date des dernires

    informations (5 mai 2015), la procdure dappel tait encore pendante devant la cour dassises dappel de Catanzaro.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A. La dclaration de fuite et les recours contre une condamnation

    dfinitive par contumace

    48. Aux termes de larticle 296 1 du CPP, est considr comme tant en fuite (latitante) quiconque se soustrait volontairement la dtention

    provisoire, la dtention domiciliaire, linterdiction dexpatrier, lobligation de demeure ou un ordre prvoyant lemprisonnement .

    49. La validit dun jugement de condamnation peut tre conteste en soulevant un incident dexcution, comme prvu larticle 670 1 du CPP, lequel dispose, dans ses parties pertinentes :

    Lorsque le juge de lexcution tablit que lacte nest pas valide ou quil nest pas devenu excutoire, [aprs avoir] valu aussi sur le fond [nel merito] le respect des

    garanties prvues pour le cas o le condamn est introuvable, (...) il suspend

    lexcution et ordonne si ncessaire la libration de lintress et le renouvellement de la notification qui avait t irrgulire. Dans ce cas, le dlai dappel recommence courir.

    50. Larticle 175 2 et 3 CPP prvoit la possibilit dintroduire une demande en relvement de forclusion. Dans son libell en vigueur

    lpoque de lextradition du requrant, les parties pertinentes de cette disposition se lisaient comme suit :

    En cas de condamnation par contumace (...), laccus peut demander la rouverture du dlai pour attaquer le jugement lorsquil peut tablir quil na pas eu une connaissance effective [effettiva conoscenza] [du jugement] (...) [et] condition

  • 8 ARRT BARATTA c. ITALIE

    quaucun appel nait dj t interjet par son dfenseur et quil ny ait pas eu faute de sa part ou, si le jugement prononc par contumace a t notifi (...) son avocat (...),

    condition quil nait pas volontairement refus de prendre connaissance des actes de la procdure.

    La demande de rouverture du dlai doit tre introduite, sous peine dirrecevabilit, dans les dix jours qui suivent la date (...) laquelle laccus a eu connaissance [du jugement].

    51. La jurisprudence interne faisant application de cette disposition est

    dcrite dans Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, 23-24, CEDH 2006-II.

    52. Le 22 avril 2005, le Parlement a approuv la loi no 60 de 2005, qui a

    converti en loi le dcret-loi no 17 du 21 fvrier 2005.

    53. La loi no 60 de 2005 a modifi larticle 175 CPP. Le nouveau paragraphe 2 de cette disposition est ainsi rdig :

    En cas de condamnation par contumace (...), le dlai pour attaquer le jugement est

    rouvert, la demande de laccus, sauf si ce dernier a eu une connaissance effective de la procdure [diligente son encontre] ou du jugement [provvedimento] et a

    volontairement renonc comparatre ou attaquer le jugement. Les autorits

    judiciaires accomplissent toute vrification ncessaire ces fins.

    54. La loi no 60 de 2005 a en outre introduit larticle 175 CPP un paragraphe 2 bis, ainsi rdig :

    La demande indique au paragraphe 2 est introduite, sous peine dirrecevabilit, dans les trente jours qui suivent la date laquelle laccus a eu une connaissance effective du jugement. En cas dextradition depuis ltranger, le dlai pour prsenter la demande commence courir partir du moment o laccus est livr [aux autorits italiennes] (...).

    B. La rparation pour dtention injuste

    55. Larticle 314 du CPP prvoit un droit rparation pour la dtention provisoire dite injuste , dans deux cas distincts : lorsque, lissue de la procdure pnale sur le fond, laccus est acquitt (article 314 1) ou lorsquil est tabli que le suspect a t plac ou maintenu en dtention provisoire au mpris des articles 273 et 280 du CPP (article 314 2 ; voir,

    pour la jurisprudence interne faisant application de ceci, N.C. c. Italie [GC],

    no 24952/94, 30-31, CEDH 2002-X).

    Larticle 314 1 se lit comme suit :

    Quiconque est relax par un jugement dfinitif au motif que les faits reprochs ne

    se sont pas produits, quil na pas commis les faits, que les faits ne sont pas constitutifs dune infraction ou ne sont pas rigs en infraction par la loi a droit une rparation pour la dtention provisoire subie, condition de ne pas avoir provoqu [sa

    dtention] ou contribu la provoquer intentionnellement ou par faute lourde.

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 9

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 6 DE LA CONVENTION ET DE LARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 7 LA CONVENTION

    56. Le requrant se plaint davoir t jug par contumace, alors quil tait dtenu sous crou extraditionnel au Brsil. De plus, il allgue quil aurait d recevoir la notification de larrt de condamnation de premire instance sur son lieu de dtention au Brsil. Lomission deffectuer cette notification aurait entran une violation de son droit un double degr de

    juridiction en matire pnale.

    Le requrant invoque les articles 6 de la Convention et 2 du

    Protocole no 7 la Convention.

    En ses parties pertinentes, larticle 6 est ainsi libell :

    1. Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement (...), par

    un tribunal (...) qui dcidera (...) du bien-fond de toute accusation en matire pnale

    dirige contre elle. (...).

    (...).

    3. Tout accus a droit notamment :

    a) tre inform, dans le plus court dlai, dans une langue quil comprend et dune manire dtaille, de la nature et de la cause de laccusation porte contre lui ;

    b) disposer du temps et des facilits ncessaires la prparation de sa dfense ;

    c) se dfendre lui-mme ou avoir lassistance dun dfenseur de son choix et, sil na pas les moyens de rmunrer un dfenseur, pouvoir tre assist gratuitement par un avocat doffice, lorsque les intrts de la justice lexigent ;

    (...).

    Larticle 2 1 du Protocole no 7 se lit comme suit :

    1. Toute personne dclare coupable dune infraction pnale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction suprieure la dclaration de culpabilit ou

    la condamnation. Lexercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut tre exerc, sont rgis par la loi.

    57. Le Gouvernement soppose aux thses du requrant.

    A. Question prliminaire

    58. Le Gouvernement excipe tout dabord de lirrecevabilit des observations du requrant, au motif que le courrier les incluant naurait t reu par le greffe de la Cour que le 26 novembre 2014, et donc aprs

    lexpiration du dlai fix cet effet (20 novembre 2014). 59. La Cour relve quil ressort du dossier que le 19 novembre 2014, le

    requrant a fait parvenir au greffe ses observations par tlcopie. Dans ces

  • 10 ARRT BARATTA c. ITALIE

    conditions, lexception souleve par le Gouvernement ne saurait tre retenue.

    B. Lexception tire de la tardivet de la requte

    1. Lexception du Gouvernement

    60. Le Gouvernement excipe du dpassement du dlai de six mois prvu

    larticle 35 1 de la Convention. Il observe que ce dlai commence courir partir de la date de dcision interne dfinitive ; cependant, dans le

    cadre de lexamen de lpuisement des voies de recours internes, la Cour ne devrait prendre en considration que les recours ordinaires, les remdes

    extraordinaires et/ou pour lintroduction desquels aucun dlai contraignant nest fix nentrant pas en ligne des comptes (voir, notamment, Williams c. Royaume-Uni (dc.), no 32567/06, 17 fvrier 2009).

    61. En lespce, la dcision interne dfinitive serait larrt de la Cour de cassation du 3 juillet 2000 (paragraphe 23 ci-dessus). Lincident dexcution introduit par le requrant (paragraphe 25 ci-dessus), serait un recours

    extraordinaire contre les dcisions dfinitives pouvant tre tent tout

    moment. De plus, il tait inefficace et ne prsentait aucune chance de succs

    dans les circonstances particulires de lespce, car il vise remdier toute irrgularit stant vrifie dans la phase de lexcution, et non pendant le procs.

    62. Le Gouvernement note que, lincident dexcution ntant soumis aucun dlai contraignant, le requrant a attendu plus de sept ans aprs sa

    condamnation dfinitive pour le tenter. Ce long dlai dmontrerait un

    manque de diligence de la part du requrant.

    63. Lincident dexcution ne pouvant pas tre pris en compte pour les raisons indiques ci-dessus, le point de dpart du dlai de six mois devrait

    tre fix au 12 septembre 2000, date de dpt au greffe de larrt de la Cour de cassation du 3 juillet 2000 (paragraphe 23 ci-dessus), ou, au plus tard,

    lors de lextradition du requrant vers lItalie, survenue le 11 avril 2001 (paragraphe 10 ci-dessus). Partant, la requte, introduite en 2009, serait

    manifestement tardive.

    2. La rplique du requrant

    64. Le requrant soppose la thse du Gouvernement et affirme stre prvalu du seul recours lincident dexcution fond sur larticle 670 du CPP qui pouvait empcher lexcution de sa condamnation et permettre la rouverture de son procs. Dans ces circonstances, la dcision interne

    dfinitive concernant laffaire du requrant serait larrt du 26 novembre 2008, dont le texte a t dpos au greffe le 3 fvrier 2009, par lequel la

    Cour de cassation a confirm le rejet de lincident dexcution (paragraphe 32 ci-dessus).

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 11

    65. Le requrant soutient, en revanche, que dans son cas une demande

    en relvement de forclusion ntait pas un recours effectif. En effet, une telle demande aurait t destine tre dclare irrecevable car un appel

    avait t interjet par son avocat contre sa condamnation en premire

    instance. Cet obstacle procdural na t limin que par larrt de la Cour constitutionnelle no 317 du 30 novembre 2009 (paragraphe 33 ci-dessus),

    non encore prononc au moment de lintroduction de sa requte (25 mai 2009).

    3. Lapprciation de la Cour

    66. La Cour estime que dans les circonstances particulires de la

    prsente affaire, il nest pas ncessaire de se pencher sur la question de savoir sil y a eu, en lespce, dpassement du dlai de six mois prvu larticle 35 1 de la Convention, cette partie de la requte tant de toute manire irrecevable pour les motifs exposs ci-dessous.

    C. Lexception tire de la perte de la qualit de victime

    1. Lexception du Gouvernement

    67. Le Gouvernement considre quen tout tat de cause, le requrant a perdu sa qualit de victime au sens de larticle 34 de la Convention. cet gard, il note que le 17 janvier 2011, la Cour de cassation a accueilli la

    demande en relvement de forclusion du requrant (paragraphe 37

    ci-dessus) et que le 14 juin 2012, la cour dassises de Catanzaro a annul sa condamnation par contumace (paragraphe 41 ci-dessus). prsent,

    lintress est en train dtre nouveau jug, en sa prsence, pour les faits objet de la prsente affaire (paragraphe 46 ci-dessus). Les juridictions

    internes ont ainsi reconnu la violation du droit de lintress participer au procs. De plus, la Cour de cassation a mis fin aux effets de la

    condamnation et ordonn la libration immdiate du requrant

    (paragraphe 37 ci-dessus). Le procs est revenu la phase de premire

    instance, et le 16 dcembre 2014, le requrant a bnfici dun non-lieu pour cause de prescription (paragraphe 46 ci-dessus).

    68. Le Gouvernement souligne quen consquence de lannulation, le 17 janvier 2011, de la condamnation du requrant, lordre dexcution de la peine dont il faisait lobjet a t rvoqu le 20 janvier 2011. En mme temps, lintress sest vu notifier lancienne ordonnance de placement en dtention provisoire du 7 octobre 1994. Le 29 avril 2011, cette mesure a t

    rvoque par le tribunal de Catanzaro en raison de lexpiration des dlais maxima de sa dure (paragraphe 39 ci-dessus).

    69. Le Gouvernement souligne galement que le requrant a attendu

    plus de sept ans (du 3 juillet 2000 au 9 novembre 2007 paragraphes 23 et 25 ci-dessus) pour prsenter son premier recours contre sa condamnation

  • 12 ARRT BARATTA c. ITALIE

    dfinitive et presque neuf ans (jusquau 25 mai 2009) pour introduire sa requte devant la Cour. Ds lors, le laps de temps coul avant lannulation de sa condamnation ne saurait tre mis la charge des autorits et

    lintress peut tre considr comme ayant contribu au maintien des effets dfavorables dont il se plaint devant la Cour. Par ailleurs, lorsque, se

    fondant sur larrt de la Cour constitutionnelle no 317 du 30 novembre 2009, il a finalement introduit une demande en relvement de forclusion

    (paragraphe 34 ci-dessus), le requrant a pu obtenir une dcision favorable

    dans un dlai relativement bref (17 janvier 2011 paragraphe 37 ci-dessus).

    2. La rplique du requrant

    70. Le requrant soppose la thse du Gouvernement et observe que les autorits internes ont reconnu la prsence derrores in procedendo dans larrt de la cour dassises de Cosenza du 9 juin 1997 (paragraphe 15 ci-dessus), qui ont port atteinte aux les droits de la dfense. Cependant, la

    violation de la Convention commise son encontre naurait pas t rpare de manire adquate, et le requrant subirait encore les consquences de

    celle-ci. Lintress rappelle cet gard que la Cour de cassation na accept sa demande en relvement de forclusion que le 17 janvier 2011

    (paragraphe 37 ci-dessus). Malgr cet arrt de la Haute juridiction italienne,

    le requrant na pas t libr sur-le-champ ; au contraire, le 20 janvier 2011, il a t plac en dtention provisoire (paragraphe 39 ci-dessus).

    71. Plus de quinze ans aprs sa condamnation en premire instance, le

    requrant, qui a t longtemps incarcr en excution dune dcision prise lissue dun procs inquitable, se trouve encore accus dans une procdure pnale pendante. Son futur demeure donc incertain, et les dcisions

    favorables rcemment prononces en sa faveur ne sauraient sanalyser en un redressement complet et suffisant.

    3. Lapprciation de la Cour

    72. La Cour rappelle quune dcision ou une mesure favorable au requrant ne suffit en principe lui retirer la qualit de victime que si les

    autorits nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis rpar

    la violation de la Convention (voir, par exemple, Eckle c. Allemagne,

    15 juillet 1982, 69, srie A no 51 ; Amuur c. France, 25 juin 1996, 36,

    Recueil des arrts et dcisions 1996-III ; Dalban c. Roumanie [GC],

    no 28114/95, 44, CEDH 1999-VI ; Jensen c. Danemark (dc.),

    no 48470/99, CEDH 2001-X ; Torreggiani et autres c. Italie, nos 57875/09,

    46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, 38,

    8 janvier 2013 ; et Cusan et Fazzo c. Italie, no 77/07, 31, 7 janvier 2014).

    73. En lespce, le 17 janvier 2011 le requrant a obtenu la rouverture du dlai pour interjeter appel contre sa condamnation et la cessation des

    effets de cette dernire (paragraphe 37 ci-dessus). Faisant application, entre

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 13

    autres, des principes exposs par la Cour constitutionnelle dans son arrt

    no 317 du 30 novembre 2009 (paragraphe 33 ci-dessus), la Cour de

    cassation a galement reconnu que lintress avait t tort dclar contumax, et que la circonstance quun appel avait t interjet par son avocat ne pouvait le priver de son droit nouveau procs (paragraphe 38

    ci-dessus).

    74. la suite de cette dcision de justice, le requrant a eu la possibilit

    dinterjeter appel contre sa condamnation (paragraphe 40 ci-dessus). Le 14 juin 2002, la cour dassises dappel de Catanzaro a accueilli ses dolances, annulant la condamnation litigieuse et affirmant que vu

    lempchement de laccus de participer aux dbats, le procs aurait d tre ajourn (paragraphes 41 et 42 ci-dessus). Larrt de la cour dassises dappel de Catanzaro tant devenu dfinitif, un nouveau procs de premire

    instance, auquel le requrant a eu le loisir de participer, sest tenu devant la cour dassises de Cosenza, qui le 16 dcembre 2014 a prononc un non-lieu pour cause de prescription (paragraphe 46 ci-dessus). la date des dernires

    informations (5 mai 2015), la procdure tait pendante en appel

    (paragraphe 47 ci-dessus). Rien ne prouve que cette nouvelle procdure

    pnale ait t inquitable ou autrement contraire larticle 6. En tout tat de cause, toute dolance cet gard serait en ltat actuel prmature.

    75. Aux yeux de la Cour, par les dcisions de justice rsumes ci-dessus,

    les autorits italiennes ont reconnu en substance que la condamnation par

    contumace du requrant avait viol les droits de lintress un procs quitable et un double degr de juridiction en matire pnale.

    76. Quant la question de savoir sil y a eu rparation de ces violations, la Cour relve que grce la rouverture du dlai dappel, lintress a pu exercer le droit garanti par larticle 2 du Protocole no 7 la Convention. En outre, il a obtenu un nouveau procs de premire instance en sa prsence, au

    cours duquel il a eu la possibilit de prsenter tous les arguments factuels et

    juridiques quil a estims utiles pour sa dfense. 77. La Cour rappelle que si une procdure se droulant en labsence du

    prvenu nest pas en soi incompatible avec larticle 6 de la Convention, il demeure nanmoins quun dni de justice est constitu lorsquun individu condamn in absentia ne peut obtenir ultrieurement quune juridiction statue nouveau, aprs lavoir entendu, sur le bien-fond de laccusation en fait comme en droit, alors quil nest pas tabli quil a renonc son droit de comparatre et de se dfendre (Colozza c. Italie, 12 fvrier 1985, 29,

    srie A no 89 ; Einhorn c. France (dc.), no 71555/01, 33,

    CEDH 2001-XI ; Krombach c. France, no 29731/96, 85, CEDH 2001-II,

    et Somogyi c. Italie, no 67972/01, 66, CEDH 2004-IV), ou quil a eu lintention de se soustraire la justice (Medenica c. Suisse, no 20491/92, 55, CEDH 2001-VI, et Sejdovic, prcit, 82).

    78. En lespce, le nouveau procs dont le requrant a bnfici a remdi au dni de justice constitu par sa condamnation par contumace.

  • 14 ARRT BARATTA c. ITALIE

    cet gard, la Cour rappelle avoir dit, dans une affaire similaire, que

    lorsquun particulier a t condamn lissue dune procdure entache de manquements aux exigences de larticle 6 de la Convention, un nouveau procs ou une rouverture de la procdure la demande de lintress reprsente en principe un moyen appropri de redresser la violation

    constate (Sejdovic, prcit, 126). En outre, elle a dj affirm que la

    rouverture du dlai dappel contre la condamnation par contumace, avec la facult, pour laccus, dtre prsent laudience de deuxime instance et de demander la production de nouvelles preuves, sanalysait en la possibilit dune nouvelle dcision sur le bien-fond de laccusation en fait comme en droit et tait conforme la jurisprudence de la Cour (Jones c. Royaume-Uni

    (dc.), no 30900/02, 9 septembre 2003, et Sejdovic, prcit, 85). Cette

    conclusion simpose plus forte raison lorsque, comme en lespce, le condamn par contumace se voit offrir la possibilit de participer non pas au

    procs dappel, mais un nouveau procs de premire instance. 79. la lumire de ce qui prcde, la Cour estime que le requrant ne

    saurait plus se prtendre victime , au sens de larticle 34 de la Convention, des faits quil dnonce sous langle des articles 6 de la Convention et 2 du Protocole no 7. Il y a donc lieu daccueillir lexception du Gouvernement tire de la perte de la qualit de victime.

    80. Il sensuit que ces griefs sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de larticle 35 3 a) et doivent tre rejets en application de larticle 35 4.

    II. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    81. Le requrant considre quil ne disposait, en droit italien, daucun recours effectif pour faire valoir son grief tir de larticle 6 de la Convention.

    Il invoque larticle 13 de la Convention, ainsi libell :

    Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la (...) Convention ont t

    viols, a droit loctroi dun recours effectif devant une instance nationale, alors mme que la violation aurait t commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles.

    82. Le Gouvernement soppose la thse du requrant.

    A. Arguments des parties

    1. Le Gouvernement

    83. Le Gouvernement observe que dans le cadre de la procdure pnale

    son encontre, le requrant a utilis, par lintermdiaire de son reprsentant, les recours ordinaires appel et pourvoi en cassation pour revendiquer son

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 15

    droit un procs quitable. Le requrant sest ensuite prvalu dun incident dexcution ; cependant, comme relev par les juridictions internes, ce recours tait inappropri pour dnoncer une violation du droit participer

    aux dbats. En effet, lincident dexcution ne pouvant que concerner les irrgularits commises dans le cadre de lexcution de la sentence.

    84. Le Gouvernement admet qu lpoque de sa condamnation par contumace, le requrant ne pouvait pas introduire une demande en

    relvement de forclusion. En effet, selon le libell de larticle 175 du CPP en vigueur cette poque (paragraphe 50 ci-dessus), la circonstance que le

    reprsentant de laccus absent avait interjet appel et/ou stait pourvu en cassation sopposait la recevabilit dune telle demande. Cet obstacle a ensuite t limin par la loi no 60 de 2005, qui a modifi ledit article 175

    (paragraphe 53 ci-dessus). Cependant, en dpit de leffacement des mots condition quaucun appel nait dj t interjet par son dfenseur , la jurisprudence interne tait reste contraste ce sujet, et par un arrt

    no 6026 du 31 janvier 2008, les sections runies de la Cour de cassation

    avaient affirm que le relev de la forclusion ne pouvait pas tre octroy si

    lavocat de laccus avait interjet appel (paragraphe 26 ci-dessus). De lavis du Gouvernement, de 2005 janvier 2008, un recours tait potentiellement accessible (possibly available) au requrant. La Cour

    constitutionnelle est enfin intervenue pour rgler la question : dans son arrt

    no 317 de 2009, elle a dclar larticle 175 2 du CPP inconstitutionnel dans la mesure o il ne permettait pas laccus qui navait pas eu connaissance du procs dattaquer un jugement par contumace lorsquun appel avait dj t interjet par le dfenseur de lintress (paragraphe 33 ci-dessus).

    85. Selon le Gouvernement, partir de ce moment, le requrant avait

    sa disposition un recours efficace, comme le prouve le fait que sa demande

    en relvement de forclusion a finalement t accueillie. Quant labsence dun tel remde pour le pass, tout grief cet gard serait tardif pour les raisons indiques aux paragraphes 60-63 ci-dessus.

    2. Le requrant

    86. Le requrant souligne que dans le cadre de lincident dexcution, les juridictions nationales nont donn aucune rponse satisfaisante ses dolances. Quant au recours prvu par larticle 175 2 du CPP, il ntait ni accessible ni effectif lpoque de son premier procs. Jusqu 2011, les tribunaux italiens auraient interprt la loi nationale de manire

    incompatible avec le droit un procs quitable, niant ainsi le droit du

    requrant de participer laudience et dobtenir un nouveau procs en sa prsence.

  • 16 ARRT BARATTA c. ITALIE

    B. Apprciation de la Cour

    87. La Cour nestime pas ncessaire de se pencher sur les questions de savoir sil y a eu dpassement du dlai de six mois prvu larticle 35 1 de la Convention ou si larticle 13 trouve sappliquer en lespce, ce grief tant de toute manire irrecevable pour les raisons suivantes.

    88. Elle rappelle que larticle 13 garantit lexistence en droit interne dun recours permettant de se prvaloir des droits et liberts de la Convention tels

    quils y sont consacrs. Cette disposition a donc pour consquence dexiger un recours interne habilitant examiner le contenu dun grief dfendable fond sur la Convention et en offrir le redressement appropri

    (De Souza Ribeiro c. France [GC], no 22689/07, 78, 13 dcembre 2012).

    89. La Cour rappelle que la porte de lobligation que larticle 13 de la Convention fait peser sur les tats contractants varie en fonction de la

    nature du grief du requrant. Les tats jouissent en effet dune certaine marge dapprciation quant la manire de se conformer aux obligations que leur impose cette disposition (Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95,

    67, CEDH 2000-V, et Jabari c. Turquie, no 40035/98, 48,

    CEDH 2000-VIII). Toutefois, le recours exig par cet article doit tre

    effectif en pratique comme en droit (Wille c. Liechtenstein [GC],

    no 28396/95, 75, CEDH 1999-VII, et Kuda c. Pologne [GC], no 30210/96, 157, CEDH 2000-XI).

    90. La Cour souligne que leffectivit dun recours au sens de larticle 13 de la Convention ne dpend pas de la certitude dune issue favorable pour le requrant (De Souza Ribeiro, prcit, 79, et Ceni c. Italie

    (fond), no 25376/06, 97, 4 fvrier 2014).

    91. En lespce, la Cour note qu laudience du 7 mai 1997 devant la cour dassises de Cosenza, lavocat du requrant a pu demander la rvocation de la dcision de juger son client par contumace, au motif que

    celui-ci tait dtenu sous crou extraditionnel au Brsil. Il a ritr cette

    demande laudience suivante, tenue le 8 mai 1997 (paragraphes 12 et 13 ci-dessus). En outre, ledit avocat a pu dvelopper ses arguments tirs dune violation du droit de participer laudience dans ses moyens dappel et de pourvoi en cassation (paragraphes 17 et 22 ci-dessus). En cas dacceptation de ces arguments, les juridictions internes avaient la facult de rvoquer la

    dclaration de fuite et/ou dannuler la condamnation par contumace. 92. Le requrant avait donc sa disposition des recours effectifs pour

    faire valoir au niveau interne son grief tir dune mconnaissance de larticle 6 de la Convention. La circonstance quen lespce ses demandes ont t rejetes car il a t estim que lopposition la demande dextradition ne permettait pas dajourner les dbats, ne saurait priver les recours en question de leur caractre effectif au sens de larticle 13 de la Convention.

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 17

    93. De plus, aprs larrt de la Cour constitutionnelle no 317 de 2009 (paragraphe 33 ci-dessus), le requrant a pu introduire une demande en

    relvement de forclusion aux termes de larticle 175 2 du CPP, ce qui a conduit la rouverture du dlai pour interjeter appel et la tenue dun nouveau procs en sa prsence (voir, notamment, les paragraphes 73-79

    ci-dessus).

    94. Dans ces circonstances, aucune apparence de violation de larticle 13 de la Convention ne saurait tre dcele en lespce.

    95. Il sensuit que ce grief est manifestement mal fond et doit tre rejet en application de larticle 35 3 a) et 4 de la Convention.

    III. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 5 DE LA CONVENTION

    96. Lors de la communication de la requte, une question sur le point de

    savoir si le refus de rouvrir la procdure pnale contre le requrant pouvait

    sanalyser en un flagrant dni de justice , susceptible de rendre la dtention en excution de la condamnation in absentia non justifie sous

    langle de larticle 5 de la Convention, a t pose au Gouvernement. En ses parties pertinentes, cette disposition se lit comme suit :

    1. Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa

    libert, sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales :

    a) sil est dtenu rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent ;

    (...).

    97. Le Gouvernement nie lexistence dune violation de larticle 5 de la Convention.

    A. Sur la recevabilit

    1. Question prliminaire

    98. Le Gouvernement observe tout dabord que le requrant na pas dnonc la violation de larticle 5 de la Convention et considre que toute question quant au respect de cette disposition se situe en dehors de lobjet de la prsente requte. Il invite la Cour ne pas aller ultra petita. Le fait

    dtendre lobjet de la requte des griefs non explicitement soulevs par le requrant naurait aucune base lgale et risquerait de violer les principes selon lesquels les parties doivent librement disposer de leur dolances et la

    procdure devant la Cour doit tre quitable.

    99. La Cour rappelle quil lui incombe dtudier au regard de lensemble de la Convention la situation incrimine par un requrant. Dans

    laccomplissement de cette tche, il lui est notamment loisible de donner aux faits de la cause une qualification juridique diffrente de celle que leur

  • 18 ARRT BARATTA c. ITALIE

    attribue lintress (Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, 63, srie A no 39) ou, au besoin, de les envisager sous un autre angle ; de plus, il lui faut

    prendre en compte non seulement la requte primitive, mais aussi les crits

    complmentaires destins la parachever en liminant des lacunes ou

    obscurits initiales (Foti et autres c. Italie, 10 dcembre 1982, 44, srie A

    no 56). Or, les lments fournis la Cour montrent nettement, si on les

    envisage dans une perspective globale, quun problme se pose en lespce sur le terrain de larticle 5. En outre, dans sa rplique aux observations du Gouvernement, le reprsentant du requrant a affirm que ses griefs tirs

    des autres clauses de la Convention prsupposaient lexistence dun dni flagrant de justice susceptible de rendre illgale son incarcration et a

    soutenu lexistence dune violation de larticle 5 de la Convention (voir, a contrario, Bellomonte c. Italie (dc.), no 28298/10, 92, 1er avril 2014). Il a

    ainsi marqu son accord avec la dmarche suivie par la Cour et complt la

    requte au nom du requrant (voir, mutatis mutandis, Foti et autres, prcit,

    44).

    100. La Cour est donc comptente examiner les faits de lespce galement sous langle de larticle 5 1 de la Convention.

    2. Lexception du Gouvernement tire du non-puisement des voies de recours internes

    101. Le Gouvernement souligne que lincarcration du requrant jusqu sa libration ordonne par la Cour de cassation le 17 janvier 2011

    (paragraphe 37 ci-dessus) a t prise en compte pour le calcul des dlais

    maxima de la dtention provisoire de lintress. En outre, si lissue du nouveau procs le requrant est condamn, cette mme priode de dtention

    sera dduite de la peine purger. En cas dacquittement, elle sera dduite de toute autre condamnation prononce son encontre ; en tout tat de cause,

    le requrant aura la facult de demander une rparation pour dtention

    injuste aux termes de larticle 314 du CPP (paragraphe 55 ci-dessus). Le Gouvernement en dduit que toute dolance concernant la dtention du

    requrant est de toute manire prmature.

    102. Dans la mesure o les allgations du Gouvernement pourraient tre

    interprtes comme une exception tire du non-puisement des voies de

    recours internes, la Cour rappelle que la finalit de la rgle prvue par

    larticle 35 1 de la Convention est de mnager aux tats contractants loccasion de prvenir ou de redresser les violations allgues contre eux avant que la Cour nen soit saisie (voir, parmi dautres, Mifsud c. France (dc.) [GC], no 57220/00, 15, CEDH 2002-VIII).

    103. Les principes gnraux relatifs cette rgle se trouvent exposs

    dans larrt Vukovi et autres c. Serbie ([GC], nos 17153/11 et autres, 69-77, 25 mars 2014). La Cour rappelle que larticle 35 1 de la Convention ne prescrit que lpuisement des recours la fois relatifs aux violations incrimines, disponibles et adquats. Un recours est effectif

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 19

    lorsquil est disponible tant en thorie quen pratique lpoque des faits, cest--dire lorsquil est accessible, susceptible doffrir au requrant le redressement de ses griefs et prsente des perspectives raisonnables de

    succs (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, 68, Recueil

    1996-IV ; Demopoulos et autres c. Turquie (dc.) [GC], nos 46113/99,

    3843/02, 13751/02, 13466/03, 10200/04, 14163/04, 19993/04 et 21819/04,

    70, CEDH 2010 ; Saba c. Italie, no 36629/10, 43, 1er juillet 2014 ; et

    Giuttari c. Italie (dc.), no 42733/07, 35, 2 dcembre 2014).

    104. En lespce, le Gouvernement allgue, en substance, que les rpercussions de la dtention subie par le requrant ne pourront tre

    values qu la fin de son nouveau procs. En particulier, en cas de relaxe, lintress pourra demander une rparation pour dtention injuste aux termes de larticle 314 du CPP.

    105. La Cour observe que le premier paragraphe de cette disposition

    prvoit un droit ddommagement en faveur de toute personne relax[e]

    par un jugement dfinitif au motif que les faits reprochs ne se sont pas

    produits, qu[elle] na pas commis les faits, que les faits ne sont pas constitutifs dune infraction ou ne sont pas rigs en infraction par la loi . La raison dtre dun tel droit est donc lacquittement du prvenu sur le fond et non la nature arbitraire de la dtention cause de la ngation des droits

    fondamentaux de la dfense au cours du procs. De plus, il ne sagit pas dun recours visant faire constater la contrarit dune privation de libert aux conditions tablies larticle 5 1 de la Convention et, le cas chant, obtenir la libration de lintress. Le ddommagement pour dtention injuste est en effet plutt une forme de rparation des erreurs judiciaires. Le

    recours indiqu par le Gouvernement nest donc pas relatif la violation incrimine.

    106. Enfin, la Cour estime quil serait excessif de demander au requrant, qui a t dtenu en excution dune condamnation par contumace jusqu janvier 2011, et donc pendant environ neuf ans et neuf mois, dattendre lissue du nouveau procs son encontre et dun ventuel recours pour dtention injuste avant de pouvoir dnoncer devant la Cour le caractre

    arbitraire de la privation de libert laquelle il a t soumis.

    107. Dans ces circonstances, le grief tir de larticle 5 de la Convention ne saurait tre dclar irrecevable comme tant prmatur. Lexception du Gouvernement doit donc tre rejete.

    3. Autres motifs dirrecevabilit

    108. La Cour note que le requrant a t emprisonn en excution de sa

    condamnation perptuit par contumace partir du 11 avril 2001

    (paragraphe 24 ci-dessus). Il tait encore en dtention au mme titre au

    moment de lintroduction de sa requte (25 mai 2009). Ds lors, le grief tir de larticle 5 1 de la Convention ne saurait tre considr tardif.

  • 20 ARRT BARATTA c. ITALIE

    109. La Cour constate que ce grief nest pas manifestement mal fond au sens de larticle 35 3 a) de la Convention et quil ne se heurte par ailleurs aucun autre motif dirrecevabilit. La Cour le dclare donc recevable.

    B. Sur le fond

    1. Arguments des parties

    a) Le Gouvernement

    110. Le Gouvernement estime que la prsente affaire se diffrencie de

    laffaire Stoichkov c. Bulgarie (no 9808/02, 24 mars 2005). Il observe quaprs son extradition, le requrant a t dtenu rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent. Les allgations de son avocat,

    concernant lirrgularit de la procdure par contumace, ont t cartes sur la base de la jurisprudence suivie lpoque. Dans le cadre de la procdure pnale sur le bien-fond des accusations, lavocat du requrant na pas soulev la question de lirrgularit de la notification de larrt de condamnation par contumace. Cet lment a t mentionn seulement lors

    de lincident dexcution, qui tait cependant un recours inappropri. Des erreurs in procedendo ont seulement t reconnues ultrieurement, lorsque

    la jurisprudence italienne a volu, en salignant sur celle de la Cour. Le Gouvernement en dduit que la condamnation du requrant na pas t prononce lissue dun procs manifestement contraire aux dispositions de larticle 6, et que, jusqu 2009, elle tait lgale et justifie.

    111. Par ailleurs, en dpit des changements introduits par la loi no 60 de

    2005, avant 2009 le requrant na jamais demand le relev de la forclusion (paragraphes 53-54 ci-dessus). Par la suite, une demande dans ce sens a t

    accueillie. Ds lors, en lespce il ny aurait pas eu refus de rouvrir la procdure pnale , ce qui permettrait de distinguer la prsente affaire de

    laffaire Stoichkov.

    b) Le requrant

    112. Le requrant soutient que ses griefs tirs des articles 6 et 13 de la

    Convention ainsi que de larticle 2 du Protocole no 7 prsupposaient lexistence dun dni flagrant de justice capable de rendre illgale sa condamnation, et par consquent son incarcration en excution de celle-ci.

    113. Selon le requrant, le Gouvernement aurait en substance admis que

    cet incarcration tait illgitime. Lintress allgue quun dni flagrant de justice est constitu lorsquun accus nayant pas renonc son droit comparatre est priv de sa libert cause dune condamnation prononce par contumace.

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 21

    2. Apprciation de la Cour

    114. La Cour rappelle quelle a estim que lobligation de garantir laccus le droit dtre prsent dans la salle daudience soit pendant la premire procdure son encontre, soit au cours dun nouveau procs est lun des lments essentiels de larticle 6 (Stoichkov, prcit, 56). Ds lors, le refus de rouvrir une procdure qui sest droule par contumace en labsence de toute indication que laccus avait renonc son droit de comparatre a t considr comme un dni flagrant de justice , ce qui

    correspond la notion de procdure manifestement contraire aux

    dispositions de larticle 6 ou aux principes qui y sont consacrs (Stoichkov prcit, 54-58 ; Sejdovic, prcit, 84 ; et Othman (Abu Qatada)

    c. Royaume-Uni, no 8139/09, 259, CEDH 2012 ; voir galement Drozd

    et Janousek c. France et Espagne, 26 juin 1992, 110, srie A no 240, et

    Ilacu et autres c. Moldavie et Russie [GC], no 48787/99, 461, CEDH 2004-VII). Dans laffaire Stoichkov (prcit, 51-59), ces considrations ont amen la Cour estimer que la dtention dune personne juge par contumace sans possibilit de rouverture de la procdure, et donc

    de manire manifestement et gravement contraire larticle 6, ne se justifiait pas sous langle de larticle 5 1 a) de la Convention (voir galement Al-Nashiri c. Pologne, no 28761/11, 562, 24 juillet 2014, et

    Willcox et Hurford c. Royaume-Uni (dc.), nos 43759/10 et 43771/12, 95,

    CEDH 2013, o la Cour a ritr quune privation de libert ne peut passer pour justifie ds lors quelle dcoule dune condamnation prononce lissue dun procs entach dun dni de justice flagrant , ce qui est notamment le cas lorsquil y a eu condamnation in absentia sans possibilit de rexamen au fond de laccusation).

    115. La Cour observe que le 11 avril 2001, le requrant a t emprisonn

    en excution de sa condamnation par un tribunal comptent . Sa

    privation de libert tombait donc dans le champ dapplication de larticle 5 1 a) de la Convention et tait conforme au but de cette disposition.

    Comme indiqu par le Gouvernement, la condamnation par contumace de

    lintress tait lgale en droit italien et rien ne permet de penser quelle tait arbitraire ou dpourvue de base factuelle.

    116. Cependant, la procdure pnale contre le requrant, commence en

    1994 et termine par larrt de la Cour de cassation du 3 juillet 2000, a eu lieu par contumace, alors que lintress tait dtenu sous crou extraditionnel au Brsil et navait manifestement pas renonc son droit comparatre. La circonstance que, exerant une facult reconnue par la loi,

    le requrant se soit oppos son extradition (paragraphes 10 et 20 ci-dessus)

    ne saurait tre interprte comme une tentative de se drober de la justice ou

    comme une renonciation tacite participer au procs. cet gard, la Cour

    observe que lavocat du requrant a plusieurs reprises demand de rvoquer la dclaration de fuite et la dcision de procder in absentia,

    faisant valoir un empchement lgitime. Toutefois, ces demandes ont t

  • 22 ARRT BARATTA c. ITALIE

    rejetes par les juridictions de premire et deuxime instance et par la Cour

    de cassation (paragraphes 12-23 ci-dessus). Il en a t de mme pour ce qui

    est de lincident dexcution introduit par le requrant en novembre 2007 (paragraphes 25-32 ci-dessus).

    117. la lumire de sa jurisprudence en la matire (paragraphe 114

    ci-dessus), la Cour estime quune telle procdure, assortie de refus ritrs de la rouvrir et/ou de tenir compte de lempchement objectif reprsent par la dtention sous crou extraditionnel ltranger, tait manifestement contraire aux dispositions de larticle 6 ou aux principes qui y sont consacrs . Ce constat conduit invitablement la conclusion que la

    privation de libert du requrant en excution de la dcision prise dans le

    cadre de cette procdure tait arbitraire et donc galement contraire

    larticle 5 1 a) de la Convention (voir, mutatis mutandis, Stoichkov, prcit, 53). Peu importe que, comme laffirme le Gouvernement (paragraphe 110 ci-dessus), le dni flagrant de justice dont le requrant a t

    victime ait t fond sur la jurisprudence suivie lpoque par les juridictions italiennes.

    118. Il est vrai que par la suite, la Cour de cassation a accept de rouvrir

    le dlai pour interjeter appel (paragraphe 37 ci-dessus), et que le requrant a

    pu obtenir un nouveau procs en sa prsence. Cependant, la Cour considre

    que cette reconnaissance tardive de la violation des droits de laccus ne saurait fournir une justification a posteriori pour une privation de libert

    stant tale sur environ neuf ans et neuf mois. 119. Il sensuit quen lespce il y a eu violation de larticle 5 1 de la

    Convention.

    IV. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    120. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacer quimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partie lse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    A. Dommage

    121. Le requrant rclame 150 000 euros (EUR) au titre du prjudice

    quil aurait subi. Il observe que la rouverture de son procs et la possibilit dintroduire une demande en rparation pour dtention injuste ne sont pas susceptibles de lui offrir une restitutio in integrum. Il note cet gard

    que les violations dnonces se sont tales sur une dure de 14 ans et quil est g de plus de 60 ans. Pendant sa dtention, il a t de facto impossible,

    pour le requrant, de garder des contacts avec sa famille. Lpouse du requrant a demand le divorce et ses liens avec ses trois enfants se sont

  • ARRT BARATTA c. ITALIE 23

    invitablement relchs. De plus, lintress na pas pu aider et conforter son frre, atteint dun cancer. Compte tenu de lge du requrant et de sa longue dtention, ses possibilits de rinsertion sociale sont trs rduites.

    122. Le Gouvernement note que le prjudice allgu par le requrant est

    directement li la dure de sa privation de libert. Cependant, ce type de

    prjudice doit dabord tre valu par les juridictions internes dans le cadre du recours prvu par larticle 314 du CPP. Le requrant a par ailleurs dj obtenu un nouveau procs en sa prsence et de manire paradoxale la longueur de ses vicissitudes judiciaires a conduit une solution favorable

    pour lintress, savoir le prononc dun non-lieu pour cause de prescription (paragraphe 46 ci-dessus). En outre, le requrant naurait pas tay sa demande de satisfaction quitable et naurait pas dmontr lexistence dun lien de causalit entre les violations dnonces et le prjudice quil affirme avoir subi.

    123. Dans les circonstances particulires de lespce, la Cour estime que tout prjudice moral subi par le requrant se trouve suffisamment rpar par

    le constat de violation de larticle 5 1 de la Convention.

    B. Frais et dpens

    124. Le requrant observe que les frais de la procdure nationale ont t

    pris en charge par ltat italien. Quant la procdure devant la Cour, compte tenu de la situation financire prcaire du requrant, son

    reprsentant ne lui a pas factur ses services. Ledit reprsentant, qui a reu

    850 EUR au titre de lassistance judiciaire devant la Cour, se remet la sagesse de cette dernire quant la question de savoir sil y a lieu de rmunrer ultrieurement son travail.

    125. Le Gouvernement na pas prsent dobservations sur ce point. 126. Selon la jurisprudence de la Cour, un requrant ne peut obtenir le

    remboursement de ses frais et dpens que dans la mesure o se trouvent

    tablis leur ralit, leur ncessit et le caractre raisonnable de leur taux. En

    lespce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable daccorder au requrant la somme de 5 000 EUR pour la procdure devant elle, moins le montant vers par le

    Conseil de lEurope au titre de lassistance judiciaire, savoir 850 EUR.

    C. Intrts moratoires

    127. La Cour juge appropri de calquer le taux des intrts moratoires

    sur le taux dintrt de la facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne major de trois points de pourcentage.

  • 24 ARRT BARATTA c. ITALIE

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, LUNANIMIT,

    1. Dclare la requte recevable quant au grief tir de larticle 5 1 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

    2. Dit quil y a eu violation de larticle 5 1 de la Convention ;

    3. Dit que le constat dune violation fournit en soi une satisfaction quitable suffisante pour le dommage moral subi par le requrant ;

    4. Dit

    a) que ltat dfendeur doit verser au requrant, dans les trois mois compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment larticle 44 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant tre d par le requrant titre dimpt, pour frais et dpens, moins le montant vers par le Conseil de lEurope dans le cadre de lassistance judiciaire ; b) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, ce montant sera majorer dun intrt simple un taux gal celui de la facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne applicable

    pendant cette priode, augment de trois points de pourcentage ;

    5. Rejette la demande de satisfaction quitable pour le surplus.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 13 octobre 2015, en

    application de larticle 77 2 et 3 du rglement de la Cour.

    Franoise Elens-Passos Pivi Hirvel

    Greffire Prsidente

    Au prsent arrt se trouve joint, conformment aux articles 45 2 de la

    Convention et 74 2 du rglement, lexpos de lopinion spare du juge Wojtyczek.

    P.H.

    F.E.P.

  • ARRT BARATTA c. ITALIE OPINION SPARE 25

    OPINION CONCORDANTE DU JUGE WOJTYCZEK

    1. Jestime linstar de la majorit que larticle 5 1 a t viol en lespce ; toutefois je ne suis pas compltement persuad par largumentation dveloppe sur ce point dans la motivation de larrt.

    2. Larticle 5 1 a) de la Convention autorise la privation de libert dune personne selon les voies lgales si celle-ci est dtenue rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent . Selon la

    jurisprudence de la Cour, la dtention dune personne est autorise par larticle 5 1 si elle est conforme au droit national applicable. Cette exigence de conformit est entendue comme une exigence de conformit

    non seulement au droit matriel mais aussi au droit procdural (voir par

    exemple, Crabtree c. Rpublique tchque, no 41116/04, 33-34, 25 fvrier

    2010 et irovnick c. Rpublique tchque, no 23661/03, 57, 30 septembre 2010).

    Il y a pas de doute que mme si la procdure pnale est entache de

    certains vices qui justifient la modification ou lannulation dune dcision de justice condamnant un accus une peine privative de libert, la

    dtention qui suit cette condamnation ne peut, en principe, tre considre

    comme irrgulire. Le fait quune juridiction accepte un recours et annule ou modifie un jugement en vertu duquel une personne a t condamne

    une peine privative de libert et a t dtenue par la suite ne permet pas de

    considrer que la dtention de cette personne tait en elle-mme irrgulire.

    Toutefois, dans le cas de certains vices de procdure particulirement

    graves, le jugement condamnant un accus une peine privative de libert

    ne peut pas tre considr comme une base lgale satisfaisante au regard de

    larticle 5 de la Convention. Il peut en tre ainsi en particulier en cas de vice de procdure qualifi entranant la nullit absolue du procs pnal en vertu

    du droit national.

    3. Dans la prsente affaire, pour apprcier la lgalit de la dtention du

    requrant la majorit prend en considration, comme principale norme de

    rfrence, larticle 6 de la Convention. Pour ma part, tant donn le renvoi au droit national figurant dans larticle 5, jestime que la lgalit de la dtention dans le cas du requrant doit sapprcier avant tout sur le fondement des rgles du droit national. Lanalyse au regard de larticle 6 peut tre ncessaire un stade ultrieur, si la dtention dune personne devait tre juge conforme la loi nationale.

    4. Au paragraphe 115 de larrt, la majorit affirme que la condamnation par contumace de lintress tait lgale en droit italien. Je ne suis pas convaincu par cette apprciation. La Cour dassises dappel de Cantazaro a dclar le procs par contumace du requrant entach de nullit absolue

    (paragraphe 42 de larrt). Si un procs pnal est vici au point dtre entach de nullit absolue, il est difficile dadmettre que la dtention qui suit un tel procs est rgulire au regard du droit national. Le fait que cette

  • 26 ARRT BARATTA c. ITALIE OPINION SPARE

    nullit nait t constate que des annes plus tard ne change pas lapprciation de la rgularit de la dtention qui avait suivi larrt rendu.

    En tout cas, pour constater la violation de larticle 5 1 de la Convention, il aurait suffi de se fonder sur les dcisions des juridictions

    italiennes qui, tenant compte des violations particulirement graves des

    rgles procdurales nationales, ont constat la nullit absolue du procs. Il

    ntait pas ncessaire dexaminer la rgularit de la procdure suivie du point de vue des normes plus gnrales de justice procdurale tablies par

    larticle 6 de la Convention. 5. La majorit met exergue le fait que la procdure pnale suivie tait

    manifestement contraire aux dispositions de larticle 6 ou aux principes qui y sont consacrs , ce qui aboutit un dni flagrant de justice

    (paragraphe 117 de larrt). Cette approche suscite deux rserves. Dune part, elle aurait plus convaincante si elle avait t taye par une analyse

    dtaille de la situation de fait et de droit du requrant dans le procs pnal

    en Italie. Dautre part, la formulation utilise semble suggrer dune faon gnrale que la dtention sous crou extraditionnel justifie, en principe,

    labsence de laccus au procs dans ltat qui demande lextradition. Je ne suis pas persuad que lon puisse admettre un tel principe gnral. mon avis, la rponse doit tre nuance et exige une analyse trs dtaille du statut

    de laccus au regard des droits nationaux de ltat requrant et de ltat requis ainsi que des circonstances factuelles de chaque affaire.

    6. La majorit argumente par ailleurs que le requrant, en sopposant lextradition a us dune facult reconnue par la loi. Je constate sur ce point que si larticle 8 du trait dextradition entre lItalie et le Brsil en date du 17 octobre 1989 garantit la personne vise par une demande dextradition le droit de se dfendre, les dtails de la procdure sont rgis par la loi

    nationale et lopposition lextradition par le Brsil est une facult reconnue par la loi brsilienne. Au moment des faits, elle ntait pas reconnue comme une facult par le droit de ltat requrant (lItalie), au moins aux fins de lapprciation du caractre justifi ou non de labsence dun accus un procs par contumace.