affaire haldimann et autres c. suisse

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  • 7/21/2019 Affaire Haldimann Et Autres c. Suisse

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    DEUXIME SECTION

    AFFAIRE HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE

    (Requte no21830/09)

    ARRT

    STRASBOURG

    24 fvrier 2015

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de la

    Convention. Il peut subir des retouches de forme.

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    ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE 1

    En laffaire Haldimann et autres c. Suisse,La Cour europenne des droits de lhomme (deuxime section), sigeant

    en une chambre compose de :Il Karaka,prsidente,

    Andrs Saj,Neboja Vuini,

    Helen Keller,Paul Lemmens,Egidijus Kris,

    Robert Spano,juges,et de Stanley Naismith,greffierde section,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 20 janvier 2015,Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 21830/09) dirigecontre la Confdration suisse et dont quatre ressortissants de cet tat,MM. Ulrich Mathias Haldimann ( le premier requrant ), Hansjrg Utz( le deuxime requrant ), Mmes Monika Annemarie Balmer ( latroisime requrante ) et Fiona Ruth Strebel ( la quatrime requrante ),ont saisi la Cour le 3 avril 2009 en vertu de larticle 34 de la Convention de

    sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales ( laConvention ).

    2. Les requrants ont t reprsents par Me R. Mayr von Baldegg,avocat Lucerne. Le gouvernement suisse ( le Gouvernement ) a treprsent par son agent supplant, M. Adrian Scheidegger, de lunit Droiteuropen et protection internationale des droits de lhomme de lOfficefdral de la Justice.

    3. Les requrants allguent quils ont t victimes dune atteinte leurdroit la libert dexpression protg par larticle 10 de la Convention.

    4. Le 23 novembre 2010, la requte a t communique auGouvernement.

    5. Le Media Legal Defence Initiative (MLDI) sest vu accorderlautorisation dintervenir dans la procdure crite (article 36 2 de laConvention et article 44 3 du rglement de la Cour).

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    2 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    6. Les requrants sont ns respectivement en 1953, 1950, 1969 et 1969et rsident Uster, Zrich, Bretswil et Nussbaumen.

    7. Les faits de la cause, tels quils ont t exposs par les requrants,peuvent se rsumer comme suit.

    8. la suite des rapports annuels de lombudsman du canton de Zrichpour lassurance prive et des lettres reues de tlspectateurs par lardaction du Kassensturz, une mission hebdomadaire de protection desconsommateurs diffuse la tlvision suisse almanique (SF DRS) depuis

    de longues annes, et qui exprimaient leur mcontentement vis--vis descourtiers en assurances en mettant laccent sur les approximations dont ilsfaisaient preuve dans le cadre de leurs activits, la troisime requrante,rdactrice de ladite mission, prpara un reportage sur les pratiques dans ledomaine de la vente des produits dassurance-vie.

    9. Elle convint, avec le rdacteur responsable de lmission (ledeuxime requrant), et avec le rdacteur en chef de SF DRS (le

    premier requrant), denregistrer des entretiens entre des clients et descourtiers en camra cache, pour prouver les insuffisances de ces derniers. Ilfut dcid denregistrer ces entretiens dans un appartement priv, puis de lesfaire commenter par un spcialiste en assurances.

    10. La quatrime requrante, journaliste du SF DRS, convint d unentretien avec un courtier en assurances de lentreprise X, qui eut lieu le26 fvrier 2003. Elle prtendit tre une cliente qui sintressait lasouscription dun contrat dassurance-vie. Dans la pice o lentretiendevait avoir lieu furent installes deux camras caches audio-visuelles(Lipstickkameras), qui transmirent lenregistrement de lentretien dans une

    pice voisine o se tenaient la troisime requrante et le spcialiste enassurances. Un camraman et une technicienne se trouvaient galement danscette pice, chargs denregistrer lapprciation de lentretien par lexpert.

    11. Une fois lentretien achev, la troisime requrante pntra dans lapice et se prsenta en tant que rdactrice du Kassensturz, en expliquant

    au courtier que lentretien avait t enregistr. Le courtier lui rpondit quilsy attendait (Das habe ich gedacht). Elle lui dit quil avait commis desfautes capitales lors de lentretien et linvita donner son avis, ce que cedernier refusa.

    12. Par la suite, les premier et deuxime requrants convinrent dediffuser en partie lentretien enregistr dans lune des prochaines missionsdu Kassensturz. Ils proposrent lentreprise X de prendre position surlentretien et sur la critique exprime et lassurrent que le visage et la voixdu courtier seraient masqus et ne seraient ds lors pas reconnaissables. Eneffet, les requrants pixlisrent le visage du courtier dune faon telle que

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    seule la couleur de ses cheveux et de sa peau taient encore visibles aprscette transformation de limage, ainsi que ses vtements. Sa voix fut aussi

    modifie.13. Le 3 mars 2003, le courtier dposa une plainte civile auprs du

    tribunal de district de Zrich, visant empcher la diffusion delenregistrement litigieux. Cette plainte fut rejete par une dcision du24 mars 2003.

    14. Le 25 mars 2003, des squences de lentretien du 26 fvrier furentdiffuses, le visage et la voix ayant t modifis comme prvu. Unedemande de mesures provisoires visant la protection des intrts du courtieravait t rejete la veille.

    15. Le 29 aot 2006, le juge unique en matire pnale du district deDielsdorf (canton de Zrich) acquitta les trois premiers requrants des

    soupons dcoute et enregistrement de conversations dautres personnes ausens de larticle 179 bis, alinas 1 et 2 du code pnal, et laquatrime requrante des soupons denregistrement non autoris deconversations au sens de larticle 179 ter, alina premier du code pnal.

    16. Aussi bien le Procureur gnral (Oberstaatsanwalt) du canton deZrich que le courtier, en sa qualit de personne lse, interjetrent appelcontre le jugement du 29 aot 2006.

    17. Par un arrt du 5 novembre 2007, le tribunal suprieur (Obergericht)du canton de Zrich condamna les trois premiers requrants pour avoirenregistr des conversations dautres personnes au sens de larticle 179 bisalinas 1 et 2 du code pnal et pour violation du domaine secret ou dudomaine priv au moyen dun appareil de prise de vues au sens delarticle 179 quater, alinas 1 et 2 du code pnal. La quatrime requrantefut condamne pour lenregistrement non autoris de conversations au sensde larticle 179 ter alina 1 du code pnal et pour violation du domainesecret ou du domaine priv au moyen dun appareil de prise de vues au sensde larticle 179 quater, alina premier, du code pnal. Les trois premiersrequrants furent condamns, avec sursis, quinze jours-amende hauteurde 350 Francs suisses (CHF), 200 CHF et 100 CHF, respectivement, et laquatrime requrante fut condamne une peine de cinq jours-amende hauteur de 30 CHF.

    18. Les requrants recoururent conjointement au Tribunal fdral contreleurs condamnations, invoquant en particulier leur droit la libertdexpression au sens de larticle 10 de la Convention. Selon eux, le recoursau procd incrimin tait ncessaire pour atteindre le but vis.

    19. Par un arrt du 7 octobre 2008, notifi au reprsentant des requrantsle 15 octobre 2008, le Tribunal fdral admit le recours dans la mesure o ilconcernait le chef daccusation de violation du domaine secret ou dudomaine priv au moyen dun appareil de prise de vues au sens delarticle 179 quater du code pnal. Il estima quil y avait eu en lespce

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    violation du principe daccusation et violation des droits de la dfense. Ilrenvoya laffaire linstance infrieure.

    20. Le recours fut rejet et entra en force de chose juge pour le surplus.Le Tribunal fdral considra que les requrants avaient commis des faitstombant sous lapplication de larticle 179 bis, alinas 1 et 2 et delarticle 179 ter, alina 1 du Code pnal et rejeta la cause de justificationinvoque par les requrants. La Haute Cour reconnut le grand intrt du

    public tre inform des pratiques dans le domaine des assurances, qui taitsusceptible de peser plus lourd que les intrts particuliers en jeu.Cependant, le Tribunal fdral estima que les requrants auraient pu choisirdautres moyens, moins attentatoires aux intrts privs du courtier, parexemple des commentaires sur les rapports annuels de lombudsman, desinterviews demploys de ce dernier ou de clients insatisfaits. En outre, au

    lieu denregistrer lentretien en camra cache, la journaliste aurait putablir un procs-verbal, mme si sa valeur probante aurait t videmmentmoins frappante. Enfin, lenregistrement dun seul cas ne suffisait pas, selonle Tribunal fdral, donner des indices fiables sur les problmes allgus.Dans ce domaine, les mauvais exemples taient monnaie courante et denotorit publique. La diffusion dun seul cas ne permettait donc pas au

    public de tirer des conclusions globales concernant la qualit des conseilsofferts par les compagnies dassurances.

    21. Par un arrt du tribunal suprieur du canton de Zrich du24 fvrier 2009, les requrants furent acquitts du chef daccusation deviolation du domaine secret ou du domaine priv au moyen dun appareil de

    prise de vues au sens de larticle 179 quater du code pnal. Le tribunalrduisit donc lgrement les sanctions prononces contre les requrants : lestrois premiers requrants se virent infliger respectivement des peines

    pcuniaires de douze jours-amendes CHF 350 (soit environ290 euros (EUR)), CHF 200 (soit environ 160 EUR) et CHF 100 (soitenviron 80 EUR) le jour, au lieu de quatorze jours-amende et la quatrimerequrante une peine de quatre jours-amendes 30 CHF le jour au lieu decinq jours-amendes avec sursis et une priode probatoire de deux ans. Lesrequrants ne recourent pas devant le Tribunal fdral contre cet arrt.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    22. Les dispositions pertinentes du code pnal suisse sont libellescomme suit :

    Art. 179 bis : coute et enregistrement de conversations entre dautres personnes

    Celui qui, sans le consentement de tous les participants, aura cout laide dunappareil dcoute ou enregistr sur un porteur de son une conversation non publiqueentre dautres personnes,

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    celui qui aura tir profit ou donn connaissance un tiers dun fait quil savait oudevait prsumer tre parvenu sa propre connaissance au moyen d une infractionvise lal. 1,

    celui qui aura conserv ou rendu accessible un tiers un enregistrement qu il savaitou devait prsumer avoir t ralis au moyen dune infraction vise lal. 1, sera, sur

    plainte, puni dune peine privative de libert de trois ans au plus ou dune peinepcuniaire.

    Art. 179 ter : Enregistrement non autoris de conversations

    Celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistr sur unporteur de son une conversation non publique laquelle il prenait part,

    celui qui aura conserv un enregistrement quil savait ou devait prsumer avoir tralis au moyen dune infraction vise lal. 1, ou en aura tir profit, ou laura renduaccessible un tiers, sera, sur plainte, puni dune peine privative de libert dun an au

    plus ou dune peine pcuniaire.Art. 179 quater : Violation du domaine secret ou du domaine priv au moyen d un

    appareil de prise de vues

    Celui qui, sans le consentement de la personne intresse, aura observ avec unappareil de prise de vues ou fix sur un porteur d images un fait qui relve dudomaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant tre peru sans autre parchacun et qui relve du domaine priv de celle-ci,

    celui qui aura tir profit ou donn connaissance un tiers dun fait quil savait oudevait prsumer tre parvenu sa propre connaissance au moyen d une infractionvise lal. 1,

    celui qui aura conserv une prise de vues ou laura rendue accessible un tiers, alors

    quil savait ou devait prsumer quelle avait t obtenue au moyen dune infractionvise lal. 1, sera, sur plainte, puni dune peine privative de libert de trois ans auplus ou dune peine pcuniaire.

    23. Les passages pertinents de la Rsolution 1165 (1998) delAssemble parlementaire du Conseil de lEurope sur le droit au respect dela vie prive, adopte par lAssemble parlementaire le 26 juin 1998, sontainsi libells :

    10. Il est donc ncessaire de trouver la faon de permettre lexercice quilibr dedeux droits fondamentaux, galement garantis par la Convention europenne desDroits de lHomme : le droit au respect de la vie prive et le droit la libertdexpression.

    11. LAssemble raffirme limportance du droit au respect de la vie prive de toutepersonne, et du droit la libert dexpression, en tant que fondements dune socitdmocratique. Ces droits ne sont ni absolus ni hirarchiss entre eux, tant d galevaleur.

    12. LAssemble rappelle toutefois que le droit au respect de la vie prive garantipar larticle 8 de la Convention europenne des Droits de l Homme doit protgerlindividu non seulement contre lingrence des pouvoirs publics, mais aussi contrecelle des particuliers et des institutions prives, y compris les moyens decommunication de masse.

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    13. LAssemble considre que, tous les tats membres ayant dsormais ratifi laConvention europenne des Droits de lHomme, et par ailleurs de nombreuseslgislations nationales comportant des dispositions garantissant cette protection, parconsquent, il nest pas ncessaire de proposer ladoption dune nouvelle convention

    pour garantir le droit au respect de la vie prive. (...)

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 10 DE LACONVENTION

    24. Les requrants se plaignent dune violation de leur droit la libertdexpression tel que prvu par larticle 10 de la Convention, ainsi libell :

    1. Toute personne a droit la libert dexpression. Ce droit comprend la libertdopinion et la libert de recevoir ou de communiquer des informations ou des idessans quil puisse y avoir ingrence dautorits publiques et sans considration defrontire. Le prsent article nempche pas les tats de soumettre les entreprises deradiodiffusion, de cinma ou de tlvision un rgime dautorisations.

    2. Lexercice de ces liberts comportant des devoirs et des responsabilits peut tresoumis certaines formalits, conditions, restrictions ou sanctions prvues par la loi,qui constituent des mesures ncessaires, dans une socit dmocratique, la scuritnationale, lintgrit territoriale ou la sret publique, la dfense de lordre et la

    prvention du crime, la protection de la sant ou de la morale, la protection de la

    rputation ou des droits dautrui, pour empcher la divulgation dinformationsconfidentielles ou pour garantir lautorit et limpartialit du pouvoir judiciaire.

    25. Le Gouvernement soppose cette thse.

    A. Sur la recevabilit

    26. La Cour constate que la requte nest pas manifestement mal fondeau sens de larticle 35 3 a) de la Convention. La Cour relve par ailleursquelle ne se heurte aucun autre motif dirrecevabilit. Il convient donc dela dclarer recevable.

    B. Sur le fond

    1. Thses des parties

    a) Les requrants

    27. Les requrants soutiennent que les articles 179 bis et 179 ter du codepnal ne sont pas suffisamment prvisibles dans leurs effets. Selon eux,lutilisation de la camra cache nest nulle part rgle explicitement et la

    jurisprudence des tribunaux et les recommandations du Conseil suisse de la

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    presse sont vagues. Le Tribunal fdral essaye de censurer lutilisation de larecherche et de la camra cache de manire absolue.

    28. Les requrants ajoutent que les articles 179 bis et 179 ter du codepnal ne protgent pas limpartialit de la communication entre lespersonnes, ni les droits de la personnalit mais la confidentialit de lacommunication dans la sphre prive. En lespce, la conversation a eu lieudans un appartement qui nappartient pas au courtier et durant son temps detravail. En outre, il nexistait aucune relation spcifique de confiance entrele journaliste et le courtier. Selon eux, il nest pas question de protection dela sphre prive et intime du courtier. Le fait que la voix et le visage ducourtier ont t masqus change totalement la situation.

    29. Ils allguent en outre quils ont respect les devoirs et lesresponsabilits qui leur incombaient dans ce cas de figure. Dans sa dcision

    no51/2007 le Conseil suisse de la presse a dcid que les recherchescaches sont autorises si les informations sont dans lintrt public et si lesinformations ne peuvent pas tre reues par un autre moyen. Le sujet delmission qui visait attirer lattention du public sur lesdysfonctionnements de lassurance prive en Suisse prsentait un intrtsuprieur public. En outre, les journalistes sont libres de choisir les moyens

    pour mener leurs investigations. La prsentation raliste tait ncessairedans ce cas de figure ; si les preuves avaient t falsifies, le courtier auraitobtenu gain de cause dans le cadre dune action civile. Leffet dissuasif esttrs important eu gard au caractre absolu de la solution du Tribunalfdral. Le courtier a eu lopportunit de se prononcer sur la critique desrequrants aprs lenregistrement et avant lmission, ce quil a refus.

    b) Le Gouvernement

    30. Le Gouvernement ne conteste pas que les condamnations litigieusessanalysent en une ingrence dans lexercice par les intresss de leurdroit la libert dexpression. Par contre, selon lui, cette ingrence tait

    prvue par une loi claire et prvisible. Larticle 179 bis protge laconversation effective et larticle 179 ter protge la parole spontane. Tantla sphre intime et prive que le droit ses propres image et parole sont

    protgs et correspondent au but lgitime de la protection de la rputation et

    des droits dautrui.31. Le fait que la voix et le visage du courtier ont t masqus nychange rien, de lavis du Gouvernement, car la loi rprime lenregistrementet la diffusion en tant que tels. En outre, ainsi que la tabli le Tribunalfdral, il nest pas exclu que des proches ou des collaborateurs du courtier

    puissent le reconnatre et respectivement lidentifier. Le Gouvernementallgue par ailleurs quil ny a aucune consquence tirer du rsultat de la

    procdure civile nationale qui est indpendante de la procdure pnale etrpond une autre logique.

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    32. Sagissant de la proportionnalit de la mesure, le Tribunal fdral aestim que lutilisation dune camra cache prsente des similitudes avec

    les mthodes des autorits dinvestigation secrte ou la surveillance de lacorrespondance par poste et tlcommunication. Ces mthodes sontadmissibles mais uniquement des conditions trs restrictives et pour desinfractions trs graves. Le Tribunal fdral sest bien prononc in concretodans le cas despce et pas de manire gnrale. Il a reconnu quil existe unintrt non ngligeable du public dtre inform dventuelles insuffisancesdans le domaine de la vente dassurance-vie mais, quen lespce, lereportage na fait quillustrer des problmes dj connus sans rvler aucunde ces problmes. Le journaliste aurait pu retranscrire lentretien sanslenregistrer ou encore utiliser dautres moyens lgaux, il ne lui appartenait

    pas de collecter des preuves absolues. Le Gouvernement soutient en outre

    que les requrants, en tant que journalistes expriments, ne pouvaientignorer que le comportement rprim les exposait une sanction qui na past draisonnable dans le cas despce.

    c) Le Media Legal Defence Initiative (MLDI), tiers intervenant

    33. Le MLDI, tiers intervenant, souligne limportance des moyensdinvestigation secrets pour llaboration de certains types de reportage,notamment lorsquil est ncessaire de contourner limage soignedorganisations puissantes et sophistiques ou pour entrer dans un mondeclandestin dont laccs est restreint. Utiliss avec thique et de manire

    cible, ce sont des outils de dernier ressort qui permettent de dvoiler lesvraies pratiques qui ne pourraient tre identifies de manire raliste pardautres moyens. Il existe une diffrence dapprciation lorsquelenregistrement se droule en dehors du domicile ou du bureau de la

    personne enregistre. Le MLDI souligne que de nombreux tats europensacceptent en lencadrant lutilisation de moyens dinvestigation secrets.

    2. Apprciation de la Cour

    34. Il ne prte pas controverse entre les parties que la condamnationdes requrants constitue une ingrence des autorits publiques dans leurdroit la libert dexpression.

    35. Pareille immixtion enfreint la Convention si elle ne remplit pas lesexigences du paragraphe 2 de larticle 10. Il y a donc lieu de dterminer sielle tait prvue par la loi , inspire par un ou plusieurs des butslgitimes au regard dudit paragraphe et ncessaire, dans une socitdmocratique , pour les atteindre.

    a) Prvue par la loi

    36. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle les mots prvuepar la loi non seulement imposent que la mesure incrimine ait une base

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    en droit interne, mais visent aussi la qualit de la loi en cause : ainsi, celle-cidoit tre accessible aux justiciables et prvisible dans ses effets (voir, parmi

    plusieurs autres, Rotaru c. Roumanie [GC], no

    28341/95, 52,CEDH 2000-V ; Vgt Verein gegen Tierfabrikenc. Suisse, no24699/94, 52,CEDH 2001-VI ; Gawda c.Pologne, no26229/95, 39, CEDH 2002-II et

    Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, 30, CEDH 2004-I). Toutefois, ilappartient aux autorits nationales, notamment aux tribunaux, dinterprteret dappliquer le droit interne (Kruslin c. France, 24 avril 1990, 29,srie A no176-A etKopp c. Suisse, 25 mars 1998, 59, Recueil des arrtset dcisions1998-II).

    37. Sagissant des circonstances de lespce, il nest pas contest que lacondamnation des requrants est fonde sur un texte accessible, savoir lesarticles 179 bis et 179 ter du code pnal suisse. En revanche, les requrants

    soutiennent que les normes lgales ne sont pas prvisibles dans leurs effetsparce que lutilisation de la camra cache nest expressment rprimenulle part.

    38. La Cour constate que la divergence dinterprtation des partiesconcernant ces deux articles du code pnal suisse a uniquement trait lafinalit de ces mesures pnales, savoir les lments de la vie prive et de la

    personnalit quils cherchent protger. Cependant, la Cour note que lesrequrants ne prtendent pas que le type de comportement punissable, telque dcrit dans les articles en question, manquait de clart.

    39. Ainsi la Cour estime que les requrants, journalistes et rdacteurs, nepouvaient ignorer, en leur qualit de professionnels dmissions detlvision, quils sexposaient, en utilisant une camra cache, sans leconsentement dune personne objet dun reportage et sans son autorisation

    pour diffuser ce reportage, une sanction pnale.40. En conclusion, la Cour conclut que lingrence litigieuse tait

    prvue par la loi au sens du paragraphe 2 de larticle 10 de laConvention.

    b) But lgitime

    41. Le Gouvernement soutient que la condamnation des requrants visaitle but lgitime de la protection de la rputation et des droits d autrui,

    savoir le courtier en assurances. Les requrants soutiennent que lingrencene pouvait avoir un tel but ds lors que le courtier, dont le visage et la voixont t masqus, na pas vu ses droits et sa rputation lss.

    42. La Cour constate que limage et la voix du courtier ont tenregistres son insu puis diffuses contre son avis, certes sous une formeanonymise mais dune manire pjorative, mettant jour les conseils

    professionnels errons divulgus par le courtier, dans une mission detlvision forte audience.

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    43. La Cour estime ds lors que la mesure litigieuse tait susceptible deviser la protection des droits et de la rputation dautrui, savoir le droit du

    courtier sa propre image, sa propre parole ainsi que sa rputation.

    c) Ncessaire dans une socit dmocratique

    i. Principes gnraux

    44. La libert dexpression constitue lun des fondements essentielsdune socit dmocratique, lune des conditions primordiales de son

    progrs et de lpanouissement de chacun. Sous rserve du paragraphe 2 delarticle 10, elle vaut non seulement pour les informations ou ides accueillies avec faveur ou considres comme inoffensives ou indiffrentes,mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquitent : ainsi le veulent

    le pluralisme, la tolrance et lesprit douverture sans lesquels il nest pas de socit dmocratique . Telle que la consacre larticle 10, la libertdexpression est assortie dexceptions qui appellent toutefois uneinterprtation troite, et le besoin de la restreindre doit se trouver tabli demanire convaincante (voir, parmi dautres, Handyside c. Royaume-Uni,7 dcembre 1976, 49, srie A no 24 ; Editions Plon c. France,no 58148/00, 42, CEDH 2004-IV ; Lindon, Otchakovsky-Laurens et Julyc. France [GC], nos21279/02 et 36448/02, 45, CEDH 2007-IV).

    45. La Cour a, par ailleurs, soulign de nombreuses reprises le rleessentiel que joue la presse dans une socit dmocratique. Si la presse nedoit pas franchir certaines limites, concernant notamment la protection de la

    rputation et des droits dautrui, il lui incombe nanmoins de communiquer,dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilits, des informations etdes ides sur toutes les questions dintrt gnral. sa onion uionsise diuser des inoraions e des ides sur de elles uesions

    sajoute le droit, pour le public, den recevoir. Sil en allait autrement, lapresse ne pourrait jouer son rle indispensable de chien de garde (BladetTroms et Stensaas c. Norvge [GC], no 21980/93, 59 et 62,CEDH 1999-III, et Pedersen et Baadsgaard c. Danemark [GC],no 49017/99, 71, CEDH 2004-XI). Bien que formuls dabord pour la

    presse crite, ces principes sappliquent nen pas douter aux moyensaudiovisuels (Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, 31, srie A no29).

    46. Larticle 10 2 de la Convention souligne que lexercice de lalibert dexpression comporte des devoirs et responsabilits , qui valentaussi pour les mdias, mme quand il sagit de questions dun grand intrtgnral. Ces devoirs et responsabilits peuvent revtir une importance

    particulire lorsque lon risque de porter atteinte la rputation d unepersonne nommment cite et de nuire aux droits dautrui . Ainsi, il doitexister des motifs spcifiques pour pouvoir relever les mdias delobligation qui leur incombe dhabitude de vrifier des dclarationsfactuelles diffamatoires. cet gard, entrent spcialement en jeu la nature et

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    le degr de limputation en cause et la question de savoir quel point lemdia peut raisonnablement considrer ses sources comme crdibles pour

    ce qui est des allgations (Pedersen et Baadsgaard, prcit, 78, etTnsbergs Blad A.S. et Haukom c. Norvge, no510/04, 89, 1ermars 2007).

    47. Il y a galement lieu de rappeler que toute personne, ft-ellejournaliste, qui exerce sa libert dexpression, assume des devoirs et desresponsabilits dont ltendue dpend de sa situation et du procdtechnique utilis (Stoll c. Suisse[GC], no69698/01, 102, CEDH 2007-V).Ainsi, malgr le rle essentiel qui revient aux mdias dans une socitdmocratique, les journalistes ne sauraient en principe tre dlis, par la

    protection que leur offre larticle 10, de leur devoir de respecter les loispnales de droit commun. Le paragraphe 2 de larticle 10 pose dailleurs leslimites de lexercice de la libert dexpression, qui restent valables mme

    quand il sagit de rendre compte dans la presse de questions srieusesdintrt gnral (ibidem, 102).

    48. Lors de lexamen de la ncessit de lingrence dans une socitdmocratique en vue de la protection de la rputation ou des droitsdautrui , la Cour peut tre amene vrifier si les autorits nationales ontmnag un juste quilibre dans la protection de deux valeurs garanties par laConvention et qui peuvent apparatre en conflit dans certaines affaires : savoir, dune part, la libert dexpression telle que protge par larticle 10et, dautre part, le droit au respect de la vie prive tel que garanti par lesdispositions de larticle 8 (Hachette Filipacchi Associs c. France,no71111/01, 43, 14 juin 2007, et MGN Limited c. Royaume-Uni,no39401/04, 142, 18 janvier 2011).

    49. Par ailleurs, le droit la protection de la rputation est un droit quirelve, en tant qulment de la vie prive, de larticle 8 de la Convention(Chauvy et autres c. France, no64915/01, 70, CEDH 2004-VI ; Pfeiferc. Autriche, no12556/03, 49, 15 novembre 2007 ; Polanco Torres et

    Movilla Polanco c. Espagne, no34147/06, 40, 21 septembre 2010 et AxelSpringer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08, 83, 7 fvrier 2012,).Cependant, pour que larticle 8 entre en ligne de compte, lattaque larputation personnelle doit atteindre un certain niveau de gravit et avoir teffectue de manire causer un prjudice la jouissance personnelle du

    droit au respect de la vie prive (A. c. Norvge, n

    o

    28070/06, 64, 9 avril2009).50. Dans sa jurisprudence antrieure la Cour a eu traiter des affaires

    concernant des atteintes la rputation personnelle de personnages publics(Axel Springer AG, prcit). Elle rappelle avoir dj tabli six critres analyser en cas de la mise en balance du droit la libert d expression et dudroit au respect de la vie prive : la contribution un dbat dintrt gnral,la notorit de la personne vise et lobjet du reportage, le comportementantrieur de la personne concerne, le mode dobtention des informations et

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    12 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE

    leur vracit, le contenu, la forme et les rpercussions de la publication et lagravit de la sanction impose (Axel Springer AG, prcit, 90-95).

    51. La Cour sest galement prononce sur des cas de diffamation ayantun rapport avec lexercice professionnel dun individu (sagissant dunmdecin,Kanellopoulou c. Grce, no28504/05, 11 octobre 2007 ; sagissantdun directeur gnral dune socit subventionne par ltat, Tnsoaicac. Roumanie, no3490/03, 19 juin 2012 ; sagissant de magistrats, Belpietroc. Italie, no43612/10, 24 septembre 2013).

    52. La prsente espce se distingue de ces prcdents dans la mesureo, dune part, le courtier ntait pas un personnage public bnficiant dunenotorit particulire et, dautre part, le reportage litigieux ne cherchait pas critiquer le courtier personnellement, mais visait certaines pratiquesoeriales ises en uvre au sein de la catgorie professionnelle

    laquelle il appartenait (voir, a contrario, Kanellopoulou,prcit). Limpactdu reportage sur la rputation personnelle du courtier tait par consquentlimit et la Cour prendra en compte cet aspect particulier de laffaire danslapplication des critres dgags dans sa jurisprudence.

    53. Par ailleurs, la Cour rappelle que sur le terrain de larticle 10 de laConvention, les tats contractants disposent dune certaine margedapprciation pour juger de la ncessit et de lampleur dune ingrencedans la libert dexpression protge par cette disposition (Tammerc. Estonie, no41205/98, 60, CEDH 2001-I, et Pedersen et Baadsgaard,

    prcit, 68).54. Dans des affaires comme la prsente espce, la Cour considre que

    lissue de la requte ne saurait en principe varier selon quelle a t portedevant elle, sous langle de larticle 10 de la Convention, par le journalistequi a publi larticle litigieux ou, sous langle de larticle 8 de laConvention, par la personne faisant lobjet de cet article. En effet, ces droitsmritent a prioriun gal respect (Hachette Filipacchi Associs (ICI PARIS)c. France, no12268/03, 41, 23 juillet 2009, Timciuc c. Roumanie (dc.),no28999/03, 144, 12 octobre 2010, et Mosley c. Royaume-Uni,no48009/08, 111, 10 mai2011 ; voir aussi le point 11 de la rsolution delAssemble parlementaire, paragraphe 23 ci-dessus). Ds lors, la margedapprciation devrait tre en principe la mme dans les deux cas.

    55. Si la mise en balance de ces deux droits par les autorits nationalessest faite dans le respect des critres tablis par la jurisprudence de la Cour,il faut des raisons srieuses pour que celle-ci substitue son avis celui des

    juridictions internes (Palomo Snchez et autres c. Espagne [GC],nos28955/06, 28957/06, 28959/06 et 28964/06, 57, CEDH 2011 et MGN

    Limited, prcit, 150 et 155).

    ii. Application au cas despce

    56. La Cour doit dabord tablir si le reportage en question concernait unsujet dintrt gnral. La Cour observe demble que le thme du reportage

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    ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE 13

    ralis, savoir la mauvaise qualit du conseil dlivr par des courtiers enassurances prives, et donc une question de protection du droit des

    consommateurs en dcoulant, concernait un dbat qui tait d un intrtpublic trs important.

    57. Pour la Cour, il est galement important dexaminer si le reportageen cause tait susceptible de nourrir le dbat public sur le sujet ( Stoll,

    prcit, 121). cet gard, le Tribunal fdral considre que si le sujetpouvait, en soi, relever dun intrt public sil avait cherch dterminerlampleur du phnomne, le reportage incrimin napportait aucun lmentnouveau la problmatique de la mauvaise qualit des conseils. En outre,dautres procds, moins attentatoires aux intrts du courtier, auraient

    permis daborder cette problmatique. Aux yeux de la Cour, seule importela question de savoir si le reportage tait susceptible de contribuer au dbat

    dintrt gnral et non de savoir si le reportage a pleinement atteint cetobjectif.

    58. La Cour accepte ds lors quun tel article abordait un sujet relevantde lintrt gnral.

    59. La Cour rappelle que larticle 10 2 de la Convention ne laissegure de place pour des restrictions la libert dexpression dans ledomaine des questions dintrt gnral (Srek c. Turquie (no 1) [GC],no26682/95, 61 CEDH 1999-IV ; Stoll, prcit, 106 ; Wingrovec. Royaume-Uni, 25 novembre 1996, 58, Recueil 1996-V ; Dupuis etautres c. France, no1914/02, 40, 7 juin 2007).

    60. Certes, ainsi quelle la dj dit, la Cour constate que le courtierfilm son insu ntait pas un personnage public. Il navait pas donn sonconsentement tre film et pouvait donc raisonnablement croire aucaractre priv de cet entretien (voir, mutatis mutandis, Halfordc. Royaume-Uni, 25 juin 1997, 44 et 45, Recueil des arrts etdcisions 1997-III et Perry c. Royaume-Uni, no 63737/00, 36-43,CEDH 2003-IX). Cependant, le reportage litigieux ntait pas focalis sur la

    personne du courtier mais sur certaines pratiques commerciales mises enuvre au sein dune catgorie professionnelle. En outre, lentretien nestait pas droul dans les bureaux du courtier ou autre local professionnel(a contrarioet mutatis mutandis,Chappell c. Royaume-Uni, 30 mars 1989,

    51, srie A n

    o

    152-A ; Niemietz, prcit, 29-33 ; Funke c. France,25 fvrier 1993, 48, srie A no 256-A ; Crmieux c. France,25 fvrier 1993, 31, srie A no 256-B ; et Miailhe c. France (no 1),25 fvrier 1993, 28, srie A no 256-C). La Cour considre donc quelatteinte la vie prive du courtier est moins importante que si le courtieravait t vis en personne et exclusivement par le reportage.

    61. Le mode dobtention des informations et leur vracit jouent, euxaussi, un rle important. La Cour a dj jug, en effet, que la garantie quelarticle 10 offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus surdes questions dintrt gnral, est subordonne la condition que les

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    14 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE

    intresss agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent desinformations fiables et prcises dans le respect de la dontologie

    journalistique (voir, par exemple, Fressoz et Roire c. France [GC],no29183/95, 54, CEDH 1999-I ; Pedersen et Baadsgaard, prcit, 78 ;Stoll, prcit, 103, et Axel Springer AG, prcit, 93). La Cour observeque si les parties se rfrent diffrentes sources, elles s accordentnanmoins, en substance, sur le fait que lutilisation de la camra cachentait pas prohibe de manire absolue en droit interne, mais quelle

    pouvait tre autorise des conditions strictes (voir respectivement 29et 32 ci-dessus). Selon elles, une telle utilisation ntait permise quelorsquil existe un intrt public prpondrant la diffusion desinformations et pour autant que les informations obtenues ne puissent pasltre dune autre manire. La Cour a dj tabli que le sujet du reportage

    rpondait une question dintrt gnral. Ce qui est important aux yeux dela Cour, ce stade, cest lanalyse du comportement des requrants. cetgard, si la Cour estime que le courtier peut lgitimement s tre senti leurr

    par les requrants, elle est nanmoins davis quon ne peut leur reprocher uncomportement dlibrment contraire aux rgles dontologiques. Cesderniers nont en effet pas ignor les rgles journalistiques telles quedfinies par le Conseil suisse de la presse (voir 29 ci-dessus) limitantlusage de la camra cache mais ont plutt conclu tort selon la plushaute juridiction suisse que lobjet de leur reportage devait les autoriser faire usage de la camra cache. La Cour note que cette question na pas faitlunanimit au sein mme des juridictions suisses, qui ont, en premireinstance, acquitt les requrants de toute condamnation pnale. Partant, laCour est davis que les requrants doivent bnficier du doute quant leurvolont de respecter les rgles dontologiques applicables au cas despce,sagissant du mode dobtention des informations.

    62. Sagissant prsent des faits prsents, leur vracit na jamais tconteste. Quil ait t plus intressant pour les consommateurs, commelallgue le Gouvernement, dexposer lampleur des problmes dnoncs

    plutt que leur nature, ne change rien cette constatation.63. La Cour rappelle ensuite que peuvent entrer en ligne de compte la

    faon dont un reportage ou une photo sont publis et la manire dont la

    personne vise y est reprsente (Wirtschafts-Trend Zeitschriften-Verlagsgesellschaft m.b.H. c. Autriche (no 3), nos 66298/01 et 15653/02, 47, 13 dcembre 2005 ; Reklos et Davourlis c. Grce, no1234/05, 42,15 janvier 2009 ; et Jokitaipale et autres c. Finlande, no43349/05, 68,6 avril 2010). En outre, lampleur de la diffusion du reportage et de la photo

    peut, elle aussi, revtir une importance, selon quil sagit dun journal tirage national ou local, important ou faible (Iltalehti et Karhuvaarac. Finlande, no6372/06, 47, 6 avril 2010).

    64. Dans le cas despce, la Cour constate que les requrants ontenregistr un entretien contenant les images et le son dune prtendue

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    ngociation entre le courtier et la journaliste. De lavis de la Cour,lenregistrement en lui-mme na port quune atteinte limite aux intrts

    du courtier, puisque seul un cercle restreint de personnes ont eu accs auditenregistrement, ce que le Gouvernement admet.

    65. Cet enregistrement a t diffus ensuite sous forme de reportage,particulirement pjoratif lgard du courtier, comme la Cour la djrelev. Quoique brve, la diffusion de squences de lenregistrement taitsusceptible de porter une atteinte plus importante au droit du courtier savie prive, puisque de nombreux tlspectateursenviron dix mille selon leGouvernementont pu en prendre connaissance. Or, la Cour ne mconnat

    pas que les mdias audiovisuels ont des effets souvent beaucoup plusimmdiats et puissants que la presse crite (Jersild, prcit, 31).Laudience a ainsi pu se forger sa propre opinion sur la qualit des conseils

    et sur le manque de professionnalisme du courtier. Cela tant, il estdterminant en lespce que les requrants ont pixlis le visage du courtierdune faon telle que seule la couleur de ses cheveux et de sa peautransparaissait encore aprs cette transformation de limage. Sa voix a elleaussi t modifie. De la mme manire, la Cour souligne que si lesvtements du courtier taient visibles, ceux-ci ne prsentaient pas non plusde signe distinctif. Enfin, lentretien ne sest pas droul dans des locauxque le courtier frquente habituellement.

    66. La Cour estime ds lors, au vu des circonstances de lespce, quelingrence dans la vie prive du courtier, qui a renonc sexprimer surlentretien, nest pas dune gravit telle (A. c. Norvge, prcit) quelledoive occulter lintrt public linformation des malfaons allgues enmatire de courtage en assurances.

    67. Enfin, quant la gravit de la sanction, la Cour doit tenir compte desa nature et de sa lourdeur. Il peut arriver que le fait mme de lacondamnation importe plus que le caractre mineur de la peine inflige(Stoll, prcit, 153-154). En lespce, bien que les peines pcuniaires dedouze jours-amendes pour les trois premiers requrants et de quatre jours-amendes pour la quatrime requrante soient dune relative lgret, la Courestime que la sanction prononce par le juge pnal peut tendre inciter la

    presse sabstenir dexprimer des critiques (Stoll, prcit, 154), et ce,

    mme si les requrants nont pas t privs de la possibilit de diffuser leurreportage.68. Compte tenu de ce qui prcde, la Cour estime que la mesure

    litigieuse ntait pas, en lespce, ncessaire dans une socit dmocratiqueet que, par consquent, il y a eu violation de larticle 10 de la Convention.

    II. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    69. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

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    16 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, etsi le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacerquimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partielse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    70. Les requrants nont pas prsent de demande de satisfactionquitable. Partant, la Cour estime quil ny a pas lieu doctroyer dindemnit ce titre.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR,

    1. Dclare, lunanimit, la requte recevable ;

    2. Dit, par six voix contre une, quil y a eu violation de larticle 10 de laConvention.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 24 fvrier 2015, enapplication de larticle 77 2 et 3 du rglement.

    Stanley Naismith Il KarakaGreffier Prsidente

    Au prsent arrt se trouve joint, conformment aux articles 45 2 de laConvention et 74 2 du rglement, lexpos de lopinion spare du

    juge Lemmens.

    A.I.K.S.H.N.

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    ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSEOPINION SPARE 17

    OPINION DISSIDENTE DU JUGE LEMMENS

    1. mon regret, je ne peux pas suivre la majorit dans sa conclusionquil y a eu en lespce violation de larticle 10 de la Convention.

    2. Cette affaire concerne la condamnation au pnal de quatre personnes,journalistes et rdacteurs, pour avoir enregistr en secret une conversationde lune dentre elles avec un courtier dassurances et pour avoir diffuscertaines parties de cette conversation, sous forme anonymise , latlvision.1

    Les condamnations sont fondes sur deux articles du code pnal suisse.En ce qui concerne les trois premiers requrants, qui navaient pas pris parteux-mmes la conversation avec le courtier, les dlits en question taientlenregistrement dune conversation non publique entre dautres personnes,

    sans leur consentement (art. 179bis, al. 1), et la communication des tiersdun fait obtenu au moyen dun tel enregistrement (art. 179bis, al. 2). En cequi concerne la quatrime requrante, qui stait prsente comme unecliente et stait entretenue avec le courtier, le dlit consistait enlenregistrement dune conversation non publique par lun des participants,sans le consentement de son interlocuteur (art. 179ter, al. 1).

    Ces dlits ont une porte gnrale. Le code pnal ny vise passpcialement les journalistes. Lenregistrement et la diffusion duneconversation non publique sont interdites quelle quen soit la finalit,

    journalistique ou autre.3. Il me semble utile de rappeler comment le Tribunal fdral a abord

    laffaire.Devant tous les degrs de juridiction, les requrants faisaient valoir titre

    principal que les dispositions prcites du code pnal ne leur taient pasapplicables, au motif quil ne sagissait pas dune conversation non

    publique . Le Tribunal fdral a rejet ce point de vue. Selon lui, les faitsreprochs aux requrants tombaient, objectivement et subjectivement, dansle champ dapplication des dispositions prcites. Ce faisant, le Tribunalfdral a explicitement considr quune conversation pouvait tre protge

    par les articles 179bis et 179terdu code pnal, quand bien mme celle-ci

    1Je e peres de aire rearuer ue les reurans non pas ondans pour avoirfait un enregistrement avec une camra cache. Les considrations au paragraphe 61 delarr au sujede linerdiion non absolue de la ara ahe en droi suisse ainsi uedes rgles dontologiques dfinies par le Conseil suisse de la presse ne sont mon avis pastrs pertinentes. Il se peut bien que la camra cache puisse lgalement tre utilise danscertaines circonstances (par exemple pour filmer ce qui se passe dans un local dtermin),mais ds le moment o ce procd est utilis pour enregistrer une conversation non

    publiue, il obe sous le oup de linerdiion orule aux ariles 179biset 179terduode pnal. Larr du Tribunal dral es lair ce sujet : les requrants ont utilis un

    procd qui est interdit et punissable par la loi. Les rgles dontologiques ne sauraient ychanger quoi que ce soit.

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    18 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSEOPINION SPARE

    naurait pas pour sujet le domaine secret ou priv des participants.2Surce point, les articles 179bis et 179terprsentaient, selon lui, une analogie

    avec larticle 179, qui protge le secret de la correspondance,indpendamment du contenu de celle-ci. Jen conclus que les articles 179biset 179tervisent protger de manire gnrale la confidentialit de touteconversation de caractre priv.

    Devant les juridictions internes, les requrants sappuyaient titresubsidiaire sur la libert dopinion et dinformation et sur la libert desmdias pour invoquer une cause de justification, savoir la dfensedintrts lgitimes. Ils estimaient que le procd suivi par eux taitncessaire pour prserver des intrts lgitimes suprieurs. Plus

    prcisment, ils soutenaient que lenregistrement et la diffusion duneconversation relle taient ncessaires pour pouvoir dmontrer au public

    lexistence dabus gnraliss entourant les conseils donns par descourtiers en assurances.

    Ce moyen de dfense a lui aussi t rejet par le Tribunal fdral. LeTribunal a tout dabord rappel que la dfense dintrts lgitimes supposeque lacte dlictuel soit un moyen ncessaire et adquat pour atteindre un

    but lgitime, que cet acte constitue mme la seule voie possible pouratteindre ce but, et que le bien juridique protg par linterdiction lgale

    pse moins lourd que celui que lauteur de lacte cherchait prserver. Il aadmis ensuite, avec les requrants, que lobjectif dinformer le public delexistence dabus lis aux conseils donns dans le domaine des assurancesconstitue un intrt lgitime. Il a galement reconnu la situation particuliredes journalistes, qui peuvent invoquer la libert des mdias. S il estimaitnanmoins que le moyen de dfense ntait pas fond, cest parce quil taitdavis que, dans les circonstances particulires de laffaire, le procd delenregistrement et de la diffusion dune conversation particulire avec uncourtier particulier, linsu de ce dernier, ntait pas un moyen ncessaire pour atteindre le but invoqu. Selon le Tribunal fdral, ce

    but pouvait galement tre atteint par dautres moyens, dans le respect de laloi pnale.3

    2 Au paragraphe 60 de larr, la majorit considre que, si le courtier pouvait

    raisonnablement croire au caractre priv de son entretien avec la quatrime requrante,il ressorai de eraines ironsanes enouran le reporage ue liporane de laeine

    la vie prive du courtier tait relativement peu importante. mon avis, la majorit perdde vue le fait que le courtier avait, en vertu des articles 179biset 179terdu code pnal, lagarantie que la confidentialit de sa conversation avec la quatrime requrante serait

    proge. Il sagissai dune garanie solideen anre dans la loi, ui navai rien voir

    avec une simple attente raisonnable de linress. En oure, lexisene de la garanielgale ne pouvait pas non plus tre affecte par les circonstances dans lesuelles laemconnaissant cette garantie tait perptr.3 La ajori naahe pas diporane au ai ue lesseniel de la oivaion de ladcision du Tribunal fdral concernait la cause de justification invoque par lesrequrants. Par exeple, au paragraphe 57 de larr, elle riiue le raisonneen du

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    ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSEOPINION SPARE 19

    Cest donc essentiellement sur la base dune interprtation des conditionsposes par le droit interne quant linvocabilit par les requrants de la

    cause de justification en question et dune valuation en fait de leurcomportement que le Tribunal fdral est arriv la conclusion que lacondamnation des requrants tait lgalement justifie.

    4. La majorit estime que le but lgitime poursuivi par lingrence tait la protection des droits et de la rputation dautrui, savoir le droit ducourtier sa propre image, sa propre parole ainsi que sa rputation (paragraphe 43 de larrt).

    Ce point de dpart conduit la majorit voir dans laffaire un conflitentre deux droits fondamentaux : la libert dexpression des requrants,dune part, et le droit au respect de la vie prive du courtier, d autre part.Logiquement, elle applique alors les critres que la Cour a poss pour de

    tels conflits dans laffaire Axel Springer AG (Axel SpringerAG c. Allemagne [GC], no39954/08, 89-95, 7 fvrier 2012), mentionneau paragraphe 50 de larrt. Les deux droits en cause nont toutefois pas,selon la majorit, un poids comparable. Une importance particulire estreconnue la libert dexpression, eu gard la question dintrt gnralqui tait lobjet du reportage (paragraphes 56-59 de larrt). Il nen va pasde mme du droit du courtier au respect de sa vie prive. Au paragraphe 64,la majorit estime, concernant lenregistrement, quil na port quuneatteinte limite aux intrts du courtier, tant donn que seul un cerclerestreint de personnes y avaient eu accs. Au paragraphe 65, elle ajoute,concernant la diffusion de lenregistrement, que les requrants ont pris desmesures pour faire en sorte que le courtier soit moins reconnaissable par lestlspectateurs. Elle en tire les conclusions au paragraphe 66 : elle estimeque lingrence dans la vie prive du courtier (...) nest pas dune gravittelle (...) quelle doive occulter lintrt public linformation desmalfaons allgues en matire de courtage en assurances .

    Tribunal dral selon leuel le reporage inriin napporai auun len nouveau la

    problmatique de la mauvaise qualit des conseils. Une telle critique serait comprhensible

    si le Tribunal dral avai is lanalyse riiue dans le adre de lappriaion de la ncessit de lingrene liigieuse, au sens de la Convenion, ais elle les beauoupoins dans le onexe de lexaen de la ause de jusiiaion selon le d roit interne. Au

    paragraphe 61, la majorit critique le raisonnement du Tribunal fdral selon lequelluilisaion de la ara ahe nai perise ue lorsuil exise un inr publi

    prpondrant la diffusion des informations et pour autant que les informations obtenuesne puissen pas lre dune aure anire. De nouveau, il sagi dune appriaion aie

    par le Tribunal dral dans le adre de lexaen de la ause de jusiiaion invoue par

    les reurans. Le Tribunal na pas reherh dans uelle esure luilisaion de la ara

    ahe ai aepable, ais il ses oup de la seule uesion de savoir dans uelle

    mesure des accuss pouvaient invoquer avec succs une cause de justification contre lehe dausaion denregisreen e de diusion dune onversaion proge par la loi.

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    20 ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSEOPINION SPARE

    mon regret, je ne peux pas partager cette faon de voir les choses.Comme il rsulte de larrt du Tribunal fdral, les articles 179biset 179ter

    visent protger non pas la vie prive de certains individus, mais laconfidentialit en gnral des conversations non publiques (voir paragraphe3 ci-dessus). mon avis, laffaire touche beaucoup plus la dfense delordre (public) qu la protection de la rputation ou des droitsdautrui . Il ne me semble donc pas justifi dappliquer les critres delarrt Axel Springer AG (voir paragraphes 56-67 de larrt). Leraisonnement suivre dans la prsente affaire devrait mon avis serapprocher plutt de celui dvelopp dans laffaire Stoll (Stoll c. Suisse[GC], no 69698/01, CEDH 2007-V), mentionne au paragraphe 47 delarrt. Cette dernire affaire concernait un conflit entre la libertdexpression et la prservation du caractre confidentiel de certaines

    donnes. Comme dans laffaire Stoll, la considration dintrt gnraldfendue dans la prsente affaire par les autorits judiciaires touchait lordre public, concrtis dans la loi pnale, et non pas de simples intrts

    privs.Il est vrai que le Gouvernement sest born invoquer le but lgitime de

    la protection de la rputation ou des droits dautrui (voir paragraphe 41 delarrt). Toutefois, dans les circonstances particulires de laffaire, o le butinvoqu par le Gouvernement ne cadre pas trs bien avec les motifs delarrt du Tribunal fdral, jestime que la Cour nest pas lie par la ligne dedfense adopte par le Gouvernement. Le cas chant aprs avoir invit les

    parties se prononcer sur la possibilit de prendre galement enconsidration le but de la dfense de lordre, elle devrait pouvoir seconcentrer sur ce dernier but.

    5. Quant lexamen de la ncessit de lingrence, je peux tre bref.Comme il est reconnu par la majorit, les journalistes ne sauraient en

    principe tre dlis, par la protection que leur offre larticle 10, de leurdevoir de respecter les lois pnales de droit commun (Stoll, prcit, 102,cit au paragraphe 47 du prsent arrt). La question est de savoir si on setrouve en lespce devant une situation exceptionnelle. Une telle situationne saurait rsulter que du poids prpondrant de la libert dexpression.

    Jadmets que le reportage portait sur un sujet d intrt gnral et que la

    libert dexpression jouit dun haut degr de protection. Toutefois, monavis, lintrt protg par les dispositions lgales en cause, savoir laprotection de la confidentialit des conversations de caractre priv, avaitelle aussi un poids non ngligeable (paragraphe 4, ci-dessus).

    Reste alors la difficile mise en balance des intrts. Sur ce point, lesautorits nationales jouissent dune certaine marge dapprciation. Enestimant que le comportement adopt par les requrants ne pouvait pas treexcus par une cause de justification, donc par un motif permettant dedsobir la loi pnale, le Tribunal fdral ne me semble pas stre livr une apprciation arbitraire ou manifestement draisonnable. Eu gard aux

  • 7/21/2019 Affaire Haldimann Et Autres c. Suisse

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    ARRT HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSEOPINION SPARE 21

    intrts en jeu, la condamnation des requrants ne me semble pas non plusconstituer une mesure disproportionne au but lgitime vis par la loi, de

    sorte quil ny a pas eu violation de larticle 10 de la Convention.