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“à quoi tu panses?” mémoire dephilosophie Antoine Jaubard DSAA2 DPM

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“à quoitu panses?”

mémoire dephilosophieAntoine JaubardDSAA2 DPM

Fais aah mémoire 29/03/07 23:58 Page 128

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“À quoi tu panses?”mémoire de philosophie.

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"À quoi tu panses?"

comment concevoir le soin chez un enfant

Introduction : p.6Définitions des termes généraux composants le mémoire. But du mémoire.

I/ L’enfant et l’hôpital. p.10

a-Perception de l’hôpital. p.12Quelle vision, quelle perception l’enfant a-t-il de l’environnement hospitalier?

Qu’est-ce que cela va mettre en jeux pour la durée de son hospitalisation?

b-L’organisation de la vie. p.18Comment s’organise la vie / la maladie de l’enfant en milieu hospitalier?

Qu’est-ce que cela met en jeux pour la durée de son hospitalisation?

II/ L’enfant, le soignant et son corps. p.22

a-Le rapport enfant / médecin, réactions. p.24Comment l’enfant perçoit-il l’équipe médicale?

Quelles sont ses réactions lorsqu’il est en contact avec son médecin?

b-L’infirmière, un statut à part. p.29Pourquoi l’infirmière a-t-elle un staut à part dans l’équipe médicale? En quoi

son rapport avec l’enfant est-il privilégié?

c-L’enfant et son corps. p.32Comment le soignant perçoit-il un patient en bas-âge? Ses réactions sont-elles

les même qu’avec un adulte? Les infirmières ont-elles un rapport privilégié?

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III/ Phénomènes transitionnels et symbolisation. p.36

a-Pphénomènes transitionnels et théories l’entourant. p.38Qu’est-ce qu’un phénomène de transfert? Un phénomène transitionnel?

Qu’est-ce qu’un objet transitionnel?

b-La création d’une symbolisation. p.48Quelle est la capacité d’un enfant à saisir une symbolisation?

Quelle est la capacité d’un enfant à se projeter?

c-La pédagogie comme soulagement du stress en milieu hospitalier. p.56Pourquoi la pédagogie soulage l’anxiété?

Qu’est-ce que cela changerait à l’échelle de son hospitalisation?

Conclusion.

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intro

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La notion d’ ”hôpital” en tant que centre de diagnostic et de

soins est toute récente. Jusqu’au XIXème siècle, les hôpitaux ne

désignaient en réalité que des hospices destinés aux indigents,

aux pauvres, aux infirmes, aux orphelins et aux enfants aban-

donnés. A la suite des Croisades, ils s’étaient multipliés sous

l’impulsion des Ordres hospitaliers et grâce à l’initiative des

souverains et des municipalités. Dépôts surpeuplés de malades

dans d’immenses salles glaciales en pierre impossible à chauffer

et à nettoyer, on y trouvait des files de lits où s’entassaient à

plusieurs les malades. Les hospices d’enfants datent du Moyen-

Age, mais seul un hébergement bien misérable était accordé aux

enfants trouvés. La création de l’assistance publique à l’enfance

date du 18 octobre 1801 (loi du 25 vendémiaire an X). Les pre-

miers hôpitaux pour enfants ont été ouverts au XIXème siècle :

hôpital des Enfants-Malades à Paris en

1802, Guy’s Hospital de Londres en

1848, Hospital for Sick Children à

Londres en 1852, mais leur rôle resta

d’ordre social

pendant long-

temps. Les condi-

tions d’hygiène

à quoitu panses?

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hospitalière, les surinfections, le peu d’efficacité de la médecine de soins fai-

saient de l’hôpital le dernier refuge des enfants de classe socio-économique

plus défavorisée. Le surencombrement, la promiscuité, l’absence d’hygiène,

étaient responsables d’une mortalité considérable au point qu’on cherchait à

placer à l’extérieur, en nourrice ou en apprentissage, les enfants abandonnés

pour ne pas les laisser à l’hôpital.

En fait, la véritable révolution qui a permis d’aboutir aux hôpitaux modernes

fut la découverte des microbes et de la propagation des infections à partir de

1850 grâce aux travaux de Pasteur et Davaine. De nouvelles études furent

menées en 1855 par Grancher qui découvrit les modes de transmissions des

maladies dans les hôpitaux. Sur la base de ces études, une nouvelle concep-

tion architecturale de l’hôpital d’enfants a été établie. On en trouve des exem-

ples dans les hôpitaux Bretonneau, Hérold et Trousseau de l’Assistance

Publique de Paris construits dans les années 1900.

La psychologie de l’enfant malade a sa propre histoire. Les connaissances en

psychiatrie et en psychologie de l’enfant malade ont fait d’énormes progrès

ces dernières années et nous permettent maintenant d’envisager des shémas

cohérents de prévention, en particulier pour les enfants de moins de 6 ans.

La psychologie de l’enfant malade est connue depuis assez peu de temps,

démontrant par là l’absence d’intérêt porté aux conditions de vie des enfants

par les penseurs et philosophes des siècles passés. Ce n’est que dans les

années 1950 que les chercheurs se sont décidés à analyser la psychologie de

l’enfant malade : Richmond et Wasiman, psychiatres américains, ont étudiés à

la demande des pédiatres, des enfants leucémiques en 1955; quant à

Woodward, Seligman et Bernstein, ils se sont attachés à la psychologie des

enfants gravement brûlés. Bien d’autres auteurs ensuite ont publié de nom-

breux travaux sur le sujet, se servant bien sûr au départ des connaissances de

psychologie de l’enfant, notions elles-mêmes relativement récentes. Les tra-

vaux de Piaget datent de 1926, ceux de Wallon débutent en 1934, Anna Freud,

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Lacan, Spitz, Mélanie Klein, F. Dolto, G. Raimbault ont ensuite ajouté leur

pierre à cet édifice.

Le projet "Fais aah…" a pour objectif principal le soulagement du stress chez

l'enfant hospitalisé. En effet pendant son hospitalisation, l'enfant peut être

sujet à beaucoup de facteurs vecteurs d’angoisses.

Lorsque l'on recueille des témoignages d'enfants hospitalisés ceux-ci parlent

souvent des objets métalliques et de leur son, du bruit du couloir, des nouvel-

les têtes constantes, de l'absence de leurs parents, des examens qui peuvent

être douloureux, des soins interminables…

Commençons par la perte de repères: l'habitude et la routine jouant un rôle

très important chez l'enfant, tout changement peut être vite perturbant. Cela

additionné au fait que la présence des parents est souvent limitée, l'enfant peut

rapidement se sentir désorienté. Il se peut également qu'il doive partager sa

chambre avec un autre jeune patient qui est alors vue comme un intrus. Ce

changement de repères intervient également au moment de dormir où il doit

alors s'abandonner au sommeil dans un lieu totalement différent de celui de sa

chambre.

Ensuite le sentiment de manipulation. Que ce soit au moment de l'examen ou

des soins voire même de l'hygiène, l'enfant reste passif et peut alors se sentir

dépossédé de ses moyens physiques, manipulé comme un pantin sans vie.

La communication, ou le manque de communication justement, est un facteur

essentiel. De par son âge ou la nature trop dure de sa maladie, l’enfant peut

être tenu à l'écart des réalités de son hospitalisation ou plus simplement ne pas

saisir pleinement et objectivement sa maladie. De plus il peut avoir du mal à

communiquer sa douleur. On enseigne aux élèves en médecine des cas isolés

où un banal traitement a pu virer au cauchemar par un simple défaut de com-

munication, et où la douleur de l'enfant a été ignoré à cause de son jeune âge.

Comme le cas de cet enfant qui devait être anesthésié en utilisant du gaz

Entonox. L'enfant se débattant lors de l'apposition du masque, le médecin l'a

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maintenu pensant qu'il voyait là les effet de la panique, or, il suffoquait car la

bouteille de gaz était vide. Le jeune patient a fini à l'état végétatif car son cer-

veau fut trop longtemps privé d'oxygène. On apprend donc aux étudiants à

faire la différence entre peur et douleur. Une meilleure lecture du comporte-

ment apparaît donc comme une clé essentielle.

L'attente est un autre facteur important. L'enfant, ne possédant qu'une très

vague notion du temps, découpe généralement ses journées en repas (après

déjeuner, avant dîner) et ses semaines en nuits (dans deux nuits, dans qua-

tre…). Or, dans un hôpital les phases d'attente sont très nombreuses, que ce

soit entre deux soins, pendant l’administration d’un médicament en intravei-

neuse, un soin lourd comme une uro-dyalise ou même une hemo-dyalise. Il y

a ainsi toute une ritualisation qui se met en place, toute une organisation de

vie qu’il serait essentiel que l’enfant puisse saisir afin d'apaiser ses doutes et

ses peurs.

Des concepts et théories d’auteurs aussi influents dans le domaine de la

pédopsychiatrie tels que Mélanie Klein, Donald Winnicott ou encore Anna

Freud, ne peuvent-ils être réinvestis en domaine hospitalier? Des théories tel-

les que celle de la relation d’objet et celle de l’objet transitionnel pourraient-

elles contribuer à diminuer l’angoisse de l’enfant hospitalisé?

“A quoi tu panses?” sera donc une sorte de “théorie” issue de diverses lectures

croisées avec l’avis de plusieurs professionnels. Qu’est-ce que soigner un

enfant? Comment concevoir son soin, le revisiter afin d’apaiser son stress et

lui permettre de mieux appréhender l’hôpital.

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10Un hôpital n’est pas un lieu de vie comme un

autre. Mais il reste un lieu de vie au sens propre. Il

est le théâtre de toutes les faiblesses du corps et,

parfois, de l’esprit humain. Un lieu de joie, de tris-

tesse où certains y meu-

rent d’autres s’y soignent

et encore d’autres pour y

naîssent. Un lieu d’espoirL’enfantet l’hôpital.

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et de désespoir, de larmes de joie et de larmes de

deuil. La Vie. L’hôpital a ses codes, ses rites, ses

visages, ses rythmes. Toutes ces choses qui font

qu’un adulte va s’y sentir protégé ou angoissé. Et

un enfant? Comment un enfant qui commence son

expérience du monde va percevoir ce monde?

Quelle en sera sa vision? Et si lui-même devait y

séjourner?

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Perception del’hôpital.

Une hospitalisation est toujours un moment à part dans

la vie d’un enfant. C’est une sorte de rupture, de cassure.

Un moment à part qui ne lui apparaît pas naturel surtout

par le nombre de changements que cela implique.

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L’enfant vit un changement autant corporel qu’émotionnel, cette dernière

notion étant intimement liée à l’idée qu’il peut se faire de sa maladie et de ses

effets.

L’enfant rentre souvent en hôpital dans un climat d’urgence et d’angoisse.

L’état somatique souvent alarmant augmente cette angoisse. Pour certains

enfants l’aura qui entoure le diagnostic plus que la gravité de leur état, contri-

bue à créer ce climat de terreur.

L’enfant doit également faire face à une séparation d’avec ses parents pour

une des premières fois de sa vie. Pour des enfants en bas-âge on parle alors d’

“hospitalisme”. Selon Spitz, le terme "hospitalisme" recouvre "l'ensemble des

troubles physiques dus à une carence affective par privation de la mère surve-

nant chez les jeunes enfants placés en institution dans les dix-huit premiers

mois de la vie". C'est un état d'altération physique grave qui s'installe progres-

sivement chez le très jeune enfant suite à une carence affective importante

tandis qu'il est placé en institution.

- Si l'absence de la mère survient après 6 mois alors qu'une certaine forme de

relation s'est déjà établie avec elle, mais sans que l'identification à une image

stable soit encore possible, on verra s'installer une inhibition anxieuse, un dés-

intérêt pour l'extérieur, traduisant une dépression anaclitique. Cela pourra dis-

paraître si l'enfant retrouve sa mère.

- Si la carence affective est totale et prolongée, les troubles iront jusqu'au

marasme, voire jusqu’à la mort. Ses parents sont pour lui des personnes de

pouvoir qui lui servent de point d’amarre dans ce lieu totalement inconnu. La

séparation, ou le manque de présence d’un des deux parents peut alors entraî-

ner certains troubles émotionnels dont nous parlerons plus tard.

D’où l’importance d’une prise en charge suffisante et efficace de l’enfant. La

formation médicale ne prépare pas le médecin à écouter, ni prendre en charge

un patient qui heurte les modèles appris à l’université. Toute une série de

malentendus peuvent se mettre en place. Une hospitalisation est donc presque

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toujours une rupture avec son milieu familial et social. Les médecins recom-

mandent donc aux parents avant une hospitalisation de prendre avec eux cer-

tains objets provenant de la chambre de l’enfant afin de minimiser au maxi-

mum cette rupture et son impact. À plus ou moins long terme, ils essaient

également de favoriser au maximum leur présence.

Lors de son arrivée en milieu hospitalier, l’enfant est tout de suite distribué

dans son service puis dans sa chambre. Il fait alors l’expérience d’une rupture

dans son égocentrisme. Son expérience du monde est brutalement ouverte à

un lieu nouveau, qui a ses codes qui, selon son âge, lui seront plus ou moins

obscurs, et de nouveaux visages qu’il va devoir mémoriser afin de maîtriser

petit à petit son environnement immédiat et finalement s’adapter au milieu

hospitalier et en premier sa chambre.

Sa chambre qui deviendra un lieu central, privilégié, puisque ce sera le lieu où

il dormira, mangera, sera examiné, soigné. Sa chambre deviendra le “temple”

de sa maladie, un temple au sein duquel il va essayer avec l’aide de ses

parents, de se créer des espaces propices à un retour à la normalité (espace de

jeu, moment du repas, etc…).

James Robertson a réalisé un film sur l’expérience d’un enfant en hôpital : “A

two year-old goes to hospital” (“Un enfant de deux ans va à l’hôpital”). Il y

étudie le comportement d’une petite fille, Laura, âgée de 2 ans et 5 mois qui

est hospitalisée 8 jours pour une cure de hernie. Ce film, document purement

scientifique, a uniquement pour objet de réunir les données objectives sur le

comportement de cette petite patiente dans une salle d’hôpital. Ses attitudes,

ses relations avec les infirmières, ses réactions vis-à-vis des parents lors des

visites sont soigneusement notées et commentées. Des renseignements sur les

attitudes de l’enfant dans sa famille au cours des mois suivants sont rapportés

par l’auteur. Robertson montre qu’un jeune enfant peut être intensément

affecté et cependant avoir un tel contrôle de l’expression de ses sentiments les

plus subtils indices de détresse peuvent aisément passer inaperçus. Il décrit un

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processus d’ “adaptation” de l’enfant au milieu hospitalier qu’il divise en trois

phases : protestation, désespoir, refus.

Protestation - C’est la phase de détresse initiale lorsque l’enfant est admis à

l’hôpital. Elle peut durer de quelques heures à quelques jours. L’enfant, aban-

donné, effrayé par ce milieu inconnu, cherche en hurlant à faire revenir sa

mère sachant par son expérience antérieure que ses pleurs doivent la faire

revenir. Il crie, secoue son lit, s’agite et tressaille au moindre bruit lui faisant

espérer le retour de sa mère. Il repousse les infirmières qui essaient de le soi-

gner.

Désespoir - L’enfant a toujours besoin de sa mère mais se décourage devant

l'inefficacité de ses appels. Il pleure souvent, mais de façon monotone et inter-

mittente. Il reste apathique dans son lit. C’est le stade “tranquille” qui est sou-

vent interprété par erreur comme une diminution de la détresse et une adapta-

tion au milieu. C’est ce stade qui est à l’origine de nombreuses controverses

sur les avantages ou les inconvénients des visites : l’enfant était calme jusqu’à

la visite de sa mère dont le départ l’a de nouveau fait hurler; de là à conclure

qu’il faille interdire les visites de la mère, il n’y avait qu’un pas qui a été sou-

vent franchi…!

Négation - C’est la troisième phase où l’enfant a vraiment l’air de s’adapter. Il

s’intéresse à ce qui l’entoure, à la nourriture, aux jouets, etc. Le personnel

peut avoir l’impression que l’enfant devient heureux. Ne pouvant supporter

l’intensité de cette détresse, l’enfant s’accommode progressivement de la

situation et réprime ses sentiments pour sa mère qui n’a pas su voir ses

besoins. Lorsqu’elle vient aux visites, il la regarde à peine et semble s’en dés-

intéresser totalement lorsqu’elle repart. C’est une situation calme, mais

comme l’écrit Robertson, “c’est sûrement une chose déconcertante qu’un

enfant aussi jeune puisse sembler avoir perdu tout amour pour sa mère et son

attachement à elle”.

Néanmoins cette analyse est à prendre avec un peu de recul, en effet ce docu-

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mentaire date de 1976, et depuis l’hôpital a beaucoup changé et la présence

des parents est largement favorisée à tous les stades de l’hospitalisation de

l’enfant. Malheureusement cela n’est pas toujours facilité, surtout lors d’hos-

pitalisation longues. Certains enfants peuvent être hospitalisés une année

entière, et le système en place ne permet pas toujours à la mère ou au père

d’être là aussi souvent qu’ils le voudraient. Récemment fut mis en place un

système d’allocation hospitalisation mais cela n'équivaux pas à un salaire et

être présent auprès de son enfant est souvent synonyme de sacrifices auprès

de la famille. Ce qui n’est pas toujours possible.

Mais le scénario de l’adaptation ne bouge pas sur les termes généraux.

La chambre de l’hôpital reste un lieu très codifié qui possède son propre

rythme. Tous les hôpitaux pour enfants possèdent des chambres doubles ou

simples, les patients y sont distribués en fonction de la gravité de leur état ou

de la durée de leur hospitalisation. Il a été prouvé que dans une même cham-

bre où cohabitent un patient léger et un patient lourd, l’état du deuxième fini

toujours par affecter celui du premier. On conseille donc au personnel de bien

veiller à distribuer les patients intelligemment. De manière générale, la cham-

bre est composée d’un lit modulable avec sa télécommande, un meuble d’ap-

point, un fauteuil, parfois une table, une salle d’eau contenant douche, WC,

lavabo. La chambre d’hôpital a donc ses codes, son rythme, ses constantes. Il

apparaît donc à l’enfant comme un lieu imperméable au changement, difficile-

ment personnalisable et hésite donc à l’investir ou à y faire preuve d’initiative.

Il en va de même pour les parents à qui sont alloués généralement un fauteuil

d’appoint ainsi qu’un lit pliant. Ils doivent comme leur enfant se plier au

rythme contraignant de l’hôpital.

On présente ce lieu à l’enfant comme étant “sa” chambre. Il fait inévitable-

ment le lien avec sa “vraie” chambre et fait ainsi l’expérience d’une perte de

repères sensoriels. L’enfant se base sur des balises sensorielles telles que les

odeurs, les matières, les sons qui peuvent l’entourer dans son milieu naturel et

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qu’il ne retrouve pas dans ce lieu étranger qui va devenir le théâtre de ses

souffrances et faiblesses.

Sa capacité à investir un espace qui lui est inconnu va surtout dépendre de sa

capacité à s’y projeter mentalement. Dans la pensée piagetienne (du psycho-

génétitien Jean Piaget) on parle de stades : les stades et périodes du dévelop-

pement constituent des découpages au sein de l’évolution cognitive de l’en-

fant. Ces découpages constituent, dans la perspective piagétienne, des paliers

d’équilibre, correspondant à des modes d’adaptation particuliers du sujet à son

milieu.

Sa relation à l’espace et aux objets, sa capacité à les investir, à s’y projeter ou

non va donc dépendre fortement de son développement cognitif au fil du

temps et de sa maturation.

La prise en charge d’un enfant lors de son admission va conditionner sa vision

de l’hôpital, c’est sa première prise de contact avec un lieu qui lui est encore

inconnu. La manière dont ce lieu et les les personnes qui le compose vont

l’accueillir est cruciale. La place du parent est également importante dans

cette prise en charge. C’est elle qui va mettre d’emblée en confiance le parent

ou non.

La perception que l’enfant peut avoir de son environnement immédiat va

avoir un impact fondamental sur son hospitalisation dans sa globalité. Si il s’y

sent restreint ou limité, cela va avoir un impact sur sa manière d’envisager sa

maladie et ses soins. Il remettra en cause l’efficacité de ceux-ci, parce qu’il ne

se sentira pas à l’aise dans cet espace inconnu.

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L’organisationde la vie.

Sauf en cas d’urgence il n’est pas souhai-

table d’hospitaliser un enfant par surprise.

Le médecin doit d’abord expliquer aux

parents pourquoi il envisage l’entrée de

leur enfant dans un service de pédiatrie.

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La préparation à l’hospitalisation est généralement faite par les parents qui

expliquent alors à leur enfant ce qui l’attend. Une fois dans l’hôpital, l’enfant

est admis, distribué dans son service, est fait pour lui une visite de son étage,

et un rapide tour des équipements éventuellement mis à sa disposition (salles

de jeux et autres). L’enfant est ensuite emmené jusqu’à sa chambre où il sera

examiné plus tard. Le diagnostic délivré, l’hospitalisation se déroule ensuite

avec des phases d’attentes nombreuses, des repas, des phases de soins et d’hy-

giène et évidemment diverses interventions chirurgicales ou médicales.

Les repas sont des pauses dans la journée. Des retours à la normalité salutaires

pour l’enfant comme pour les parents. Dans son livre “Hospitals and children,

a parent’s eye view” (1965) J. Robertson insiste sur le concept de ritualisation.

Pendant une hospitalisation le jeune patient comme sa mère et son père se

reposent sur une ritualisation pour dédramatiser l’hospitalisation. Les parents

se sentant dépossédés de leur rôle protecteur face à une maladie devant

laquelle ils ne peuvent que rester impuissants, retrouvent dans ces pauses une

fenêtre parentale normale où ils ont enfin un rôle ascendant sur ce qui arrive à

leur enfant. Malheureusement cette pause salutaire est très souvent interrom-

pue par la prise d’un médicament ou un soin effectué qui provoque un rappel

brusque à la maladie.

Les phases d’hygiène peuvent être également sources de problèmes pour l’en-

fant. Selon le degré d’handicap de sa maladie, ou plus simplement son âge,

une infirmière peut prendre en charge cette phase si les parents ne peuvent

l’assurer pour des questions de présence ou de manipulation délicate. L’enfant

peut alors se sentir dépossédé de son corps, et avoir l’impression d’être mani-

pulé comme un pantin. C’est également un moment clé pour le soignant qui

va pouvoir tester certaines réactions chez l’enfant et ainsi mesurer son niveau

de stress ou de douleur.

L’examen est un autre moment clé de l’hospitalisation. Comme il a été dit

plus tôt, l’aura qui entoure le diagnostic est importante (Lyonel Rossant

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“L’hospitalisation des enfants” p34).

Selon son âge l’enfant n’est pas toujours en mesure de saisir pleinement les

tenants et aboutissants de sa maladie et préférera peut-être se concentrer sur

l’idée qu’il s’en fait. L’assimilation joue ici un rôle important. L’assimilation

désigne l’intégration ou l’incorporation par un schème de données extérieures,

c’est-à-dire son application à des objets ou situations du milieu ; par exemple

: saisir un objet, sérier des baguettes, établir la proportion en jus dans un

mélange composé de jus et d’eau, etc. L’assimilation désigne en quelque sorte

la modification du milieu (objet) par le schème. Par son activité assimilatrice,

un schème confère une signification aux objets auxquels il s’applique : objets

saisis, objets regardés, objets classés, etc. Ceci revient à dire que l’objet n'ac-

quiert de signification pour le sujet qu’en fonction de l’action qu’il exerce sur

lui. L’assimilation va donc permettre à l’enfant de créer des liens de

cause/conséquence, à objectiver sa maladie : “je ne peux plus jouer parce que

je suis malade”, “je suis malade parce que j’ai attrapé un microbe que mon

corps supporte mal” et pas “je suis malade parce que je n’ai pas été sage”.

L’absence de compréhension (les enfants de moins de 4 ans ont du mal à com-

prendre le sens de la douleur provoquée par les soins) est un facteur très

important. Plus un enfant a peur, plus la douleur risque d’être majorée.

Certaines circonstances à l’hôpital (les urgences, la solitude nocturne, le

départ des parents) majorent l’anxiété et l’expression de la douleur. De plus la

répétition de gestes douloureux induit des phénomènes cognitifs de condition-

nement eux-mêmes responsables d’une majoration de l’anxiété d’anticipation.

Des phénomènes de sensibilisation des neurones médullaires qui peuvent

devenir hyper excitables en cas de stimulations répétées expliquent également

ce renforcement de la perception douloureuse.

Pour le Dr Dominique Bohu (pédopsychiatre à l’hôpital Armand Trousseau),

une hospitalisation reste un accident dans la vie d’un enfant, une rupture dans

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un rythme qui ne devrait être que jeu et apprentissage. Par conséquent, il est

normal que cette expérience particulière soit organisée également de manière

particulière et la plus adaptée possible aux besoins de l’enfant.

En conclusion nous pouvons dire que le rapport de l’enfant à l’hôpital, est un

rapport trouble, qui évolue sur la durée de son séjour. Mais certaines étapes de

son hospitalisation restent délicates et peuvent conditionner beaucoup de cho-

ses pour le reste de son séjour. C’est selon son déroulement qu’il décidera

d’accorder ou non sa confiance au lieu et à son personnel. Et bien que certains

codes composant ce lieux peuvent encore lui échapper, le personnel hospita-

lier essaie de lui fournir beaucoup de clés, personnel avec lequel l’enfant va

entretenir un rapport particulier.

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22L’hospitalisation d’un enfant est composée de rap-

ports clés qui vont conditionner aussi bien son

humeur que sa compliance aux soins et aux exa-

mens, et donc sa cure. Son rapport au personnel

soignant est bien

entendu un rapport cen-

tral, clé de son séjour.

Comment la communi-L’enfant,le soignant, et

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cation se fait-elle, à quel niveau, par quels vec-

teurs? Mais le rapport de l’enfant au personnel soi-

gnant se fait aussi par son corps. Comment l’enfant

le perçoit-il, et quel est le rapport des médecins et

infirmières à ce corps malade?

son corps.

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Le rapportenfant/médecin

Le médecin occupe une position à la fois charnière

dans l’hospitalisation d’un enfant et également délicate.

En effet, face à la maladie, le parent se retrouve dans

une position peut réconfortante d’impuissance.

réactions.

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Il n’a aucun contrôle sur la maladie de son enfant, sa douleur, sa cure ni

même son confort. C’est dans cette situation que l’enfant découvre dans le

personnel hospitalier des personnes de pouvoir qui ne sont pas ses parents ou

son maître d’école. Il fait le lien entre la disparition de sa maladie et la per-

sonne qu’on lui présente comme étant le médecin. On lui dit “C’est ton méde-

cin, il est là pour que tu ailles mieux et que tu puisses retourner jouer”. Cela

le place d’emblée dans une position de force que les parents lui envient.

Néanmoins il existe une certaine ambivalence des sentiments. L’enfant a en

effet tendance à s’identifier au médecin comme au “docteur” qui soigne et qui

s’occupe aussi des jeux, des visites, etc… mais c’est aussi celui qui gronde et

interdit (régimes, examens douloureux, sortie, etc…). Aussi le comportement

de l’enfant vis-à-vis de son médecin est-il éminemment variable selon et sous

la dépendance de divers éléments : habitude ou non de séjours antérieurs, gra-

vité des maladies précédentes et souvenirs qu’en garde l’enfant, par exemple.

L’éthique de la rencontre entre soignant et soigné s’appuie sur la compétence

technique et la reconnaissance du jeu relationnel entre soignant et soigné.

L’acte médical a une double face : dans sa réalité et dans le jeu, ce jeu de l’in-

conscient, issu des fantasmes et de l’enfance. Mais l’éthique de la rencontre

s’appuie aussi sur la reconnaissance par le soignant, même si il n’y a pas

accès, que l’enfant traverse une expérience subjective qui touche parfois aux

limites de ce que le psychique peut porter et intégrer (Daniel Oppenheim,

“L’enfant et le cancer” p 215).

Catherine Epelbaum du Collège National Universitaire de Psychiatrie parle

sur le site “Bibliothèques psy” de personnalisation de la prise en charge afin

d’améliorer cette relation soignant/soigné. D’abord connaître les deux trauma-

tismes que la maladie de l’enfant représente pour lui et ses parents. Connaître

les principales réactions parentales à la maladie de l’enfant et leurs risques

pour lui. Connaître les principales réactions de l’enfant à la maladie selon son

âge. Connaître les principaux enjeux psychologiques chez l’enfant de l’attaque

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corporelle provoquée par la maladie et son traitement. Connaître les princi-

paux facteurs liés à la nature de la maladie qui influencent les réactions de

l’enfant. Connaître les principaux risques psychologiques pour la fratrie d’un

enfant atteint de maladie chronique. Connaître les grands principes régissant

le rôle du médecin somaticien dans la relation médecin-enfant et médecin-

parents dans le cas d’une maladie chronique de l’enfant

La maladie d’un enfant représente un traumatisme pour lui et ses parents.

Ce traumatisme intervient à deux niveaux :

1°) Un traumatisme primaire, direct, dû à la crainte de la mort, de la douleur,

du handicap ;

2°) Un traumatisme secondaire qui intervient dans l'après coup et dépend de

l’histoire familiale et, notamment, de la présence dans la famille de deuil ou

de maladie d’autres personnes. La maladie de l’enfant réactive alors les bles-

sures passées qui ne sont pas cicatrisées.

La maladie de l’enfant a aussi une autre particularité : elle touche un être en

plein développement. Si elle intervient durant des périodes charnières de ce

développement (acquisition de la marche, première scolarisation, etc…) elle

peut intervenir en biaisant ce développement.

Le soignant peut connaître certaines des grandes questions que l’enfant se

pose sur la maladie : est-elle venue du dehors ou du dedans? Artificiellement

ou ayant toujours été là, dans son corps, dans ses cellules, ses gènes? Fait-elle

partie désormais du plus intime de lui-même, ou lui reste-t-elle une étrangère,

qu’il refuse de reconnaître comme étant sienne, comme étant lui? (Daniel

Oppenheim “L’enfant et le cancer” p214)

Un rapport du site de l’association Pédiadol attire l’attention sur le malen-

tendu patient-enfant qui peut se mettre en place lors d’un examen, particuliè-

rement lorsque l’enfant somatise. La définition de la douleur rappelle la nature

mixte et indissociable unissant émotion et sensation. La variabilité très fré-

quemment rencontrée chez les adultes et les enfants concernant l’expression et

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la perception de la douleur face à la même stimulation nociceptive est beau-

coup liée à des facteurs psychologiques ; ce type de constatation engendre

des positions de déni (cet enfant qui hurle pour une simple prise de sang n’a

pas vraiment mal car le précédent a subi le même prélèvement sans réagir...).

Les éléments dépressifs sont tout à fait capables de rendre douloureux des sti-

mulations considérées généralement comme seulement désagréables. La rela-

tion forte existe dans l’autre sens où une douleur non soulagée, non reconnue

peut rendre le patient dépressif et amplifier les phénomènes douloureux. Les

émotions (contrariété, excitation d’une fête d’anniversaire) sont parfaitement

capables de provoquer une authentique crise de migraine. Le piège, ici,

consiste à confondre cause et facteur déclenchant et de penser que la migraine

est une “maladie psychologique”.

Un enfant n’est néanmoins pas un patient comme un autre. Le langage ne sera

pas le même. Selon son âge le médecin hésitera ou non à utiliser certains ter-

mes. Dans son livre “Parler juste aux enfants” Françoise Dolto insiste sur la

notion de vérité auprès des enfants (p18). Elle recommande de ne jamais

camoufler la vérité aux enfants, toujours être au plus proche en choisissant ses

mots, et rester sur le chemin de la vérité. Le degré d’acceptation ou d’intégra-

tion du patient n'appartiens alors plus au médecin. Ce dernier se retrouve aussi

limité dans son discours par une distance qu’il doit maintenir avec son patient,

pour se protéger d’une part mais aussi parce qu’un patient ne peut pas tout

entendre de la part de son médecin.

Parce que son expérience lui paraît unique, impartageable, la maladie sépare

l’enfant des non-malades, et donc aussi du médecin : non parce que sa fièvre,

sa douleur ou tout autre signe seraient différents des autres, mais parce qu’ils

enclenchent un processus psychique qui va vers les éléments intimes de son

être au monde. Il y a une limite à l’empathie du médecin, à sa compréhension

et nul enfant atteint de maladie grave n'accepte qu’on lui dise : “Je sais ce que

tu ressens”, pas plus que “Nous n’avons rien en commun, ton expérience

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m’est étrangère.” Ces phrases, non dites bien sûr, sont entendues, d’incons-

cient à inconscient, par l’enfant dans les attitudes du médecin et les choix thé-

rapeutiques qui en découlent. (Daniel Oppenheim, “L’enfant et le cancer” p

214).

La maladie de l’enfant marque aussi la qualité des interactions parents-enfant

et ceci particulièrement chez l’enfant très jeune.

Enfin, dans la relation médecin – malade, les parents ont ici une place prépon-

dérante, quand l’enfant est jeune, mais aussi à l’adolescence, où ils ont parfois

des difficultés majeures à trouver la juste place pour aider leur enfant.

Personnage central dans la maladie de l’enfant, le médecin doit savoir gérer

aussi bien les symptômes physiques de son patient que ses symptômes somati-

ques. Il doit également savoir communiquer convenablement avec les parents

pour que ceux-ci ne se sentent pas coupés de la maladie de leur enfant. Il peut

être entravé par son apprentissage technique, mais son rôle clé dans la cure de

la maladie de l’enfant, qui reste une personne en devenir et par conséquent

fragile, l’oblige à un certain degré d’empathie qui rend difficile son position-

nement.

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L’infirmière, unstatut à part.

Les puéricultrices ou les infirmières ont

un rôle de soins et de surveillance. Les

infirmières du matin prennent connais-

sance grâce au cahier de transmission

des différents problèmes posés par les

enfants.

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Elles effectuent les divers prélèvements biologiques, remplissent les bons

d’examen et pratiquent tous les soins de nursing, injections, etc… Ce sont les

infirmières de l’après-midi qui ont plus de contacts avec les familles des

enfants. Elles effectuent les contre-visites avec l’interne de garde. Les infir-

mières de nuit sont chargées de la surveillance, effectuent les soins de nuit et

se chargent des admissions de la nuit aux urgences. Elles ont un rôle impor-

tant de maternage auprès des enfants angoissées par la nuit ou l’absence des

parents. Ce sont elles qui ont les contacts les plus affectifs avec les enfants et

le moins de rapports avec les parents et la famille. Les infirmières reçoivent

une formation qui comprend notamment l’étude du développement psycholo-

gique et affectif de l’enfant dans sa famille et ses différents lieux de vie.

L’infirmière a un statut bien évidemment à part dans l’équipe médicale pour

l’enfant. C’est la personne avec laquelle il sera le plus souvent en contact,

c’est elle qui lui prodiguera ses soins, qui le rassurera, etc. Elle jouera un rôle

central dans l’hospitalisation de l’enfant.

La psychanalyste Thési Bergman a étudié le rapport de l’enfant malade aux

infirmières dans son livre coécrit avec Anna Freud (“Les enfants malades”

1976). En arrivant à l’hôpital, l’enfant prend conscience de la compétence

technique de l’infirmière et devient juge de sa capacité à lui procurer soulage-

ment et bien être physique. Du même coup il découvre là encore une nouvelle

personne de pouvoir autour de lui. Ce nouveau personnage qu’il découvre,

l’infirmière, lui apparaît d’autant plus auréolé de puissance que ses parents

font plus visiblement confiance aux soins donnés à leur enfant. Si cette

confiance faisait défaut, l’enfant adopterait très vite un comportement moins

docile, moins obéissant voire rebelle et un conflit enfant-infirmière-parent se

manifesterait.

En même temps, l’enfant découvre que l’infirmière lui assure des soins réser-

vés jusque-là à sa mère. Sa première réaction est hostile à cette prise en

charge intime par des mains étrangères et cela est parfois pénible pour l’infir-

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mière au dévouement duquel l’enfant répond par le rejet. De ce comportement

agressif qui traduit un sentiment d’abandon de la mère, naît bientôt une peur,

puis une culpabilité qui se transforme rapidement en un profond attachement à

l’infirmière. Ceci amène l’enfant à refuser toute aide de sa mère qui en souf-

fre. D’où l’occasion d’un nouveau conflit enfant-infirmière-mère.

Dans ce climat mouvant, l’enfant a besoin d’entretenir avec “sa” ou “ses”

infirmières d’importants échanges symboliques : jeux, histoires, nouvelles,

etc. Il aime les aider à faire de menus travaux, à participer à la vie du service.

Il a aussi besoin de calme, de bonne humeur, de sécurité et de vie régulière.

Les infirmières peuvent aussi, inconsciemment, chercher à prendre sur elles la

douleur de l’enfant lors de soins. Ainsi l’une d’elle raconta un jour sa chute

douloureuse de cheval à un enfant qui refusait la piqûre; l’enfant rit et se

laissa piquer, mais, peu après, elle glissa et se cassa un doigt (Daniel

Oppenheim “L'enfant et le cancer” p54).

Sur le site de l’association Pédiadol, est présentée un liste de recommanda-

tions destinées aux infirmières pour communiquer avec un enfant douloureux.

Comme ne pas mentir (“c’est juste une petite piqûre”), ni banaliser ou dédra-

matiser, ne pas encourager les actions héroïques (“sois courageux, tu es grand,

tu es un homme”), ne pas menacer (“si tu n’es pas sage, je fais sortir ta

mère”). On leur donne également une série d’indications sur le déroulement

d’un examen, celui d’un geste douloureux, ainsi que des clés pour obtenir la

participation de l’enfant lors de ses phases de soins.

L’infirmière, soignante, femme, mère, tient un rôle à plusieurs facettes auprès

de l’enfant hospitalisé, un rôle clé qui la situera souvent au bord du conflit

avec les parents, soucieux de voir une personne étrangère s’aventurer sur un

terrain qui leur était jusque là réservé. Parce qu’elle est le membre du person-

nel médical avec lequel l’enfant sera le plus souvent en interaction, elle aura

un rôle clé, central dans l’hospitalisation de celui-ci.

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L’enfant et son corps.

Dans son livre “l’enfant et le cancer”

Daniel Oppenheim analyse très bien

le rapport de l’enfant à son corps

malade, et l’importance de ce rapport

dans sa relation avec le soignant.

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Le corps occupe une place complexe dans cette relation. car l’enfant est

confronté à l’abolition des limites, et d’abord entre dedans et dehors du corps,

ce qu’expriment en mineur les vomissements, en majeur l’extériorisation d’une

tumeur interne, ou plus souvent l’abolition des sphincters par les diarrhées, les

sondes ou les perfusions qui font couler en continu l’eau, le sang, les médica-

ments, la nourriture, l’urine. Les mucites, atteinte toxique de la muqueuse, met-

tent hors circuit les fonctions buccale et œsophagienne, nourriture et parole. Le

corps devient incompréhensible car traversé, investi, envahi, écrasé de sensa-

tions inhabituelles, inconnues, sans commune mesure avec tout ce que l’enfant

a pu éprouver jusque-là, avec tout ce que les parents peuvent en comprendre

dans la sympathie, tout ce qu’ils peuvent imaginer, qu’ils ont pu se répéter en

eux-même, chez d’autres enfants, chez cet enfant avant la maladie : cystites

hématuriques, atrocement douloureuses, douleurs intenses, fatigue des grandes

aplasies, troubles cutanées brûlant la peau la mettant à vif. Ce corps incompré-

hensible, à l’enfant aussi bien qu’aux autres, produit un effet de coupure,

devient étranger. L’enfant devient l’étranger incompréhensible, faute de pou-

voir formuler, mettre en mots, imaginer ce qu’il ressent de si fort en son corps.

Il ne peut se voir au regard des autres, devenu transparent à leurs yeux, ne peut

rien leur transmettre de ces éprouvés qui engloutissent son identité, à quoi elle

se réduit, et sa solitude est extrême, proche de celle des autistes.

L’enfant voit son corps, du dehors, par le regard qu’il porte sur lui, mais aussi

du dedans, par les sensations et altérations de son image inconsciente du corps.

Mais il est aussi regardé par son corps, qui se constitue comme une instance

interne, radicalement étrangère, sans pensée, sans jugement, sous le regard de

laquelle il se tient. C’est le moment où le corps n’est plus le corps humanisé

qui a accompagné notre développement depuis la naissance, qui a sa place dans

les rapports entre nous, de regards, de paroles, de corps à corps. Ce corps autre,

qui surgit dans la maladie grave, radicalement étranger, est comme un bloc de

biologique pur. Il importe que le soignant reconnaisse la présence de ce corps,

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même si il pense n’en rien pouvoir faire, et accepte d’en soutenir la proximité

malgré le malaise qu’il fait lever.

Les infirmières ont un rapport spécial au corps d’un jeune patient. Leur rapport

privilégié au corps de l’enfant l’aide à reconnaître sa féminité ou sa virilité, et

la valeur de son corps. Elles touchent son corps, pour lui faire “du bien” (toi-

lette, soins apaisants) ou “du mal”; lui apporter de la substance ou lui en reti-

rer… L’enfant constate que ce rapport a pour but de le protéger et de le défen-

dre, qu’elles le font sans sadisme, et que la relation à elles se poursuit malgré

les cris, les oppositions ou les affrontements. La mère se situe sur le même ter-

rain, et parfois la limite entre soins maternels et soins infirmiers n’apparaît pas

très clairement, voire peut-être un enjeu de rivalité et de conflit. Le parent

montre souvent le fantasme que son corps propre protégera l’enfant de l’en-

nemi venu du dehors en lui faisant barrage, ou que l’accolement de son corps

lui supprimera toute porte d’entrée. Les infirmières ont à trouver la juste dis-

tance au corps de chaque enfant : ni trop proche, ni trop distant. En revanche,

les médecins ne touchent pas son corps, sauf de façon fugace, pour l’examiner.

Le médecin, en général, n’utilise son savoir que pour découvrir sur le corps des

signes intégrables dans un savoir médical. Les parents se présentent comme

sans savoir sur son corps, hormis un savoir intuitif qu’ils n’osent proposer au

médecin, mais ils peuvent dire, plus tard, avec regret : “J’avais bien remarqué

quelque chose de bizarre; je le connais bien quand même”. Les infirmières par-

ticipent à ce savoir intuitif, issu d’une longue fréquentation des corps, autant

qu’à un savoir médical; savoir complexe, riche, partiel, portant plus sur le pré-

sent que sur le passé ou le futur de l’enfant. Ainsi, elles se situent à mi-distance

des parents et des médecins : position inconfortable, qui peut devenir un avan-

tage. Faisant partie du personnel médical sans cesser d’être femmes, elles peu-

vent fournir des points d’appui identificatoires solides aussi bien aux mères

qu’aux enfants, en particulier quand les mères “craquent”.

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Le rapport de l’enfant à son corps, ainsi que le rapport du soignant (médecin,

infirmière) à ce même corps est composé de multiples aspects complexes qui

mettent en tension des notions telles que le langage, la somatisation, l’égocen-

trisme, l’empathie, l’inconscient… C’est un rapport clé dans l’hospitalisation

d’un enfant puisque son corps et ce qu’il subit va être le centre de toutes les

attentions.

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Après analyse et présentation des diverses compo-

santes et acteurs du milieu hospitalier, nous avons

pu voir que bien qu’un gros travail soit fait par le

personnel hospitalier en terme de prévention du

stress chez l’enfant hospitalisé, nous pouvons

encore aller plus loin et proposer d’inclure de nou-

veaux procédés dans le milieu hospitalier qui per-

Phénomènessymbolisation.

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mettront à l’enfant de prévenir davantage l’an-

goisse de son hospitalisation sur la durée de son

séjour.

Mais quelles sont véritablement les vertues de

concepts tels que l’objet transitionnel ou la symbo-

lisation?

transitionnels &

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Phénomènestransitionnels

Il est avant tout utile de faire le point sur les théories de

relations d’objets : la théorie de la relation d'objet , ou

école de la relation d'objet, forme l'une des écoles de

psychanalyse. Il ne s'agit pas d'un organisme officiel

mais simplement d'un point théorique, la relation d'objet,

qui permet de regrouper plusieurs auteurs anglo-saxons.

et théories l’entourant.

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Pour Sigmund Freud, l'enfant n'est d'abord pas en relation avec le monde, en

ce que la sexualité infantile est sans objet. Le narcissisme primaire est cet état

des pulsions, qui ne seraient à l'origine que racines ne sortant pas du sujet.

Freud comprend le narcissisme tel qu'il est habituellement conçu, comme

secondaire, comme formant un repli des pulsions sur le moi.

Les théories de la relation d'objet admettent au contraire, dès le départ, un état

relationnel de l'enfant. Il n'y aurait pas de stade sans objet, mais simplement

une distinction à opérer entre la relation de l'adulte et celle présente au départ

- et cette distinction prend des formes différentes chez les différents théori-

ciens de la relation d'objet qui, rappelons-le, ne forment pas une école offi-

cielle mais seulement un groupe cohérent.

Melanie Klein comprend l'enfant comme d'emblée en relation avec sa mère.

La source de l'erreur était simplement que l'enfant ne conçoit pas sa mère

comme objet total, comme une personne cohérente, indivisible, mais qu'il la

clive en fragments. Ainsi, l'enfant lors de la tétée n'a de relation qu'avec l'objet

partiel qu'est le sein. Ce clivage de l'objet n'existait pas chez Freud. C'est que

Melanie Klein décrit toute une processualité particulière au psychisme primi-

tif, processualité nommée position schizo-paranoïde et qui suppose des modes

relationnels propres à l'enfant, mais qui pourront se retrouver chez l'adulte

psychotique - en particulier l'identification projective.

Winnicott oppose la relation d'objet, primitive, présente d'emblée, à l'utilisa-

tion de l'objet, plus élaborée, et qui suppose une vie propre à l'objet, ce qui ne

serait pas le cas dans la relation du plus jeune enfant. Le concept éclairant

cette distinction se nomme objet transitionnel : il s'agit par exemple du dou-

dou, que l'enfant investit mais comme ni moi ni non moi. Cette particularité

de l'investissement originel se retrouve, pour Winnicott, dans le transfert de

l'enfant. De plus, ce n'est pas tant l'objet transitionnel qui intéresse ce théori-

cien, que les phénomènes transitionnels sous-jacents, qui investiront tout le

domaine de la culture ( art, religion, etc.) , ce qui montre en quoi cette forme

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de relation plus primitive diffère des relations ultérieures.

Fairbairn inventa le terme de schizoïde qui sera repris par Melanie Klein.

Selon cet auteur, la pulsion ne recherche pas tant la satisfaction que l'objet.

Autrement dit, elle ne tend pas à la répétition d'une expérience de satisfaction,

mais bien au rapport avec l'objet, et en ce sens le but pulsionnel n'est qu'un

moyen quant à l'objet -d'où la répétition de modalités relationnelles pathologi-

ques.

La pulsion cherche l'objet, et le moi aménage des parties qui sont en commu-

nication avec l'objet. Le refoulement visera donc tant la pulsion que la partie

du moi en relation avec l'objet.

Un objet transitionnel est un objet utilisé par un enfant entre 4 et 12 mois, lors

de l'apparition des phénomènes transitionnels.

Donald Winnicott fut le premier à parler de l'objet transitionnel ainsi que des

phénomènes transitionnels, soulignant soigneusement que leur existence était

fonction des enfants. En effet, si tous les enfants occidentaux n'y ont pas

recours, le phénomène est plus rare encore - voire le plus souvent inexistant -

dans les sociétés extra-occidentales.

Dans son livre “Jeu et réalité”, Winnicott en fournit une définition (p. 49) :

“Les objets et les phénomènes transitionnels font partie du royaume de l’illu-

sion qui est à la base de l’initiation de l’expérience”. Ce premier stade du

développement est rendu possible par la capacité particulière qu’a la mère de

s’adapter aux besoins de son bébé, permettant ainsi à celui-ci d’avoir l’illusion

que ce qu’il crée existe réellement.

Selon diverses théories de psychanalystes, l'enfant n'a pas — dans les pre-

miers mois de son existence — conscience des limites de son corps et de celui

des autres (principalement celui de sa mère), incapable de faire la distinction,

il est sujet à des angoisses spécifiques (en partie liées à ses besoins physiolo-

giques).

Selon Winnicott, il est dans l'”illusion” : lorsque tout se passe bien, ses cris

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(déclenchés par exemple par la faim) entraînent une réponse à ses besoins,

sous la forme d'un sein (voire un biberon) qu'il fantasme comme étant une

partie de lui et qui semble lui apparaître comme par magie, ce qui donne à

l'enfant “l'illusion qu'il existe une réalité extérieure qui correspond à sa propre

capacité de créer.” (“Objets transitionnels et phénomènes transitionnels”

p.182). La mère se situe alors dans un shéma de “préoccupation maternelle

primaire”, et permet ainsi au bébé d'avoir cette “illusion d'omnipotence”,

Winnicott la qualifie de “suffisamment bonne” (“Objets transitionnels et phé-

nomènes transitionnels” p.180).

En effet, la mère se montre hypersensible au désir de l'enfant, lui présentant le

sein au moment où il s'apprête à le créer pour soulager ses besoins. Il est pri-

mordial que la mère permette à l'enfant de rester, au départ, dans cette illusion

car celui-ci ne pourrait supporter des carences précoces et répétées. Plus tard,

cette mère “suffisamment bonne” deviendra celle qui introduit progressive-

ment la frustration.

Selon Winnicott, la mère intervient auprès du bébé de trois manières différen-

tes :

-Le holding : ce terme désigne tous les moyens qui donnent un support à son

Moi naissant. L'enfant et la mère sont tout d'abord imbriqués sur le plan psy-

chique, puisque l'enfant s'appuie totalement sur sa présence. Le soutien fourni

par la mère comprend toute la routine des soins quotidiens adaptés à l'enfant,

le protégeant contre les expériences angoissantes. Il est à la base de l'intégra-

tion du Moi en un tout unifié ;

-Le handling : il désigne la manière dont il est traité, manipulé, soigné. Il

induira ce que Winnicott a appelé l' “interrelation psychosomatique”, c'est-à-

dire qu'il permet l'installation de la psyché dans le soma ainsi que le dévelop-

pement du fonctionnement mental ;

-L’object-presenting : c'est le fait de proposer l'objet du besoin, avant que

l'enfant ne se soit exprimé (biberon, couche…)

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Peu à peu, l'enfant est amené à percevoir la réalité, autrement dit, à percevoir

l'objet maternel et son angoissante dépendance vis-à-vis de celui-ci. C'est ce

qu'on appelle la “désillusion”. c’est au cours de cette évolution, de ce passage

du subjectif à l'objectif, qu’interviennent les phénomènes transitionnels ainsi

que l'objet transitionnel.

Les phénomènes transitionnels (apparaissant entre 4 et 12 mois) désignent une

zone d'expérience intermédiaire entre sucer son pouce (érotisme oral) et l'ours

en peluche avec lequel l'enfant joue et qu'il investit (relation objectale vraie).

L'objet transitionnel quant à lui qualifie un objet matériel, choisi par le nour-

risson et le jeune enfant (et c'est une condition indispensable) utilisé par

exemple au moment de l'endormissement. Ce phénomène « normal » permet

à l'enfant de transiter de la première relation - orale - à la mère et la « vérita-

ble relation d'objet ».

L'objet transitionnel est donc un objet privilégié, choisi par l'enfant. Il est la

première possession non-moi. Il n'est perçu ni comme faisant partie de la

mère, ni comme étant un objet intérieur. Mélanie Klein a par ailleurs déve-

loppé le concept d’objet interne dans son livre “Essais de psychanalyse”

(1921-1935). Ce concept est à bien détacher de celui d’objet transitionnel. Ce

dernier permet le cheminement de l'enfant du subjectif vers l'objectif - il sera

plus tard désinvesti et l'espace transitionnel donnera accès au jeu et aux activi-

tés culturelles pour l'adulte.

Winnicott défini cette relation bien particulière en plusieurs points (“Jeu et

réalité” p.34) :

Le petit enfant s’arroge des droits sur l’objet et nous lui autorisons cette prise

de possession. Cependant, une certaine annulation de l’omnipotence est géné-

ralement présente. L’objet est affectueusement choyé mais aussi aimé avec

excitation et mutilé. L’objet ne doit jamais changer, à moins que ce ne soit

l'enfant lui-même qui le change. Il doit survivre à l’amour instinctuel, à la

haine et si tel est le cas, à l’agressivité pure. Cependant il faut que, pour l’en-

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fant, l’objet communique une certaine chaleur, soit capable d’un mouvement,

ait une certaine consistance et fasse quelque chose qui témoigne d’une vitalité

ou d’une réalité qui lui serait propre. De notre point de vue, l’objet vient du

dehors. Il n’en va pas ainsi pour le bébé. Pour lui, l’objet ne vient pas non

plus du dedans; ce n’est pas une hallucination. L’objet est voué à un désinves-

tissement progressif et, les années passant, il n’est pas tant oublié que relégué

dans les limbes. C’est-à-dire que, dans un développement normal, l’objet “ne

va pas à l’intérieur” et que le sentiment qu’il suscite ne sera pas nécessaire-

ment soumis au refoulement. Il n’est pas oublié et on n’a pas non plus à faire

de deuil. S’il perd sa signification, c’est que les phénomènes transitionnels

deviennent diffus et se répandent dans la zone intermédiaire qui se situe entre

la “réalité psychique interne” et “le monde externe tel qu’il est perçu par deux

personnes en commun”; autrement dit, ils se répandent dans le domaine cultu-

rel entier. Dans cette aire intermédiaire d'expérience se situera progressive-

ment ce qui “...est éprouvé intensément dans le domaine des arts, de la reli-

gion, de la vie et de son imaginaire, de la création scientifique.” (“Objets tran-

sitionnels et phénomènes transitionnels” p.186). C'est également dans cette

aire que peut être relâchée la tension suscitée par l'acceptation de la réalité

extérieure, qui “...est une tâche inachevée...”, dans sa mise en rapport avec la

réalité intérieure.

Objet généralement doux au toucher, il permet au bébé de lutter contre l'an-

goisse (angoisse de type dépressif tout particulièrement) en gardant un mini-

mum de sentiment de contrôle. Même si ce contrôle n'est plus aussi absolu

que celui que lui conférait son omnipotence, il s'agit tout de même d'un

contrôle par la manipulation.

L'objet transitionnel devra survivre à l'amour instinctuel et à la haine. Par la

suite quand apparaît et se développe le langage, l'objet transitionnel pourra

être nommé.

Durant la période d'illusion, la mère présente son sein au moment où l'enfant a

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le sentiment illusoire de le créer. Il n'y a pas de réels échanges entre la mère et

l'enfant puisque le sein fait partie de lui-même.

Au cours de la désillusion, l'objet transitionnel fait en quelque sorte interface

entre l'enfant et sa mère, permettant un vécu non angoissant de la séparation.

L'objet transitionnel est donc un moyen pour l'enfant d'accéder à l'objectivité,

d'accepter de perdre en quelque sorte ses sentiments de toute puissance de

manière pas trop brutale.

L'espace transitionnel est le lieu de repos psychique entre la réalité (qui prend

de plus en plus sens) et ses sensations d'omnipotence.

L'objet transitionnel vient remplir une fonction essentielle : celle de défense

contre l'angoisse. L'objet vient pour rassurer l'enfant, le réconforter, et tout

parent connaît ce rôle. Winnicott précise surtout qu'il s'agit d'une protection

contre l'angoisse de type dépressif, soit l'angoisse, justement, de perdre l'objet

- c'est-à-dire l'objet maternel.

De même que Melanie Klein a précisé des positions psychiques qui seront

sans cesse abandonnées, puis mises à jour, remaniées, positions dans lesquel-

les le sujet oscillera sa vie durant, de même Winnicott précise un objet qui

révèle une transitionnalité : sa vie durant, le sujet utilisera des objets transi-

tionnels. Mais ces objets auront bien évolué (“jeu et réalité” p.49).

Pour Winnicott, l'intérêt de la théorie d'un objet transitionnel ne réside pas

dans la présentation théorique du doudou, mais bien évidemment dans le phé-

nomène de transitionnalité sous-jacent.

Au fond, qu'importe l'objet, ce qui intéresse le regard du psychanalyste

demeure dans l'évolution ultérieure. Le premier point d'importance concerne

le transfert. L'enfant ne fait pas le deuil de l'objet transitionnel - au sens de

désinvestir progressivement - mais étend son intérêt pour le transitionnel à

tous les domaines de la culture. Au lieu d'un deuil, difficile processus de dés-

investissement, on trouve l'extension d'un investissement qui visait un objet et

qui vise ensuite l'art, la connaissance, etc. Ce point amène Winnicott à jouer

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du transfert d'une manière très particulière.

D'autre part, l'extension de la transitionnalité aux phénomènes culturels pré-

sente la culture sous l'aspect d'une sauvegarde contre l'angoisse de perdre l'ob-

jet. Cette idée de la culture complète donc la théorisation d'une sublimation,

d'une curiosité auparavant sexuelle, notions qui apportaient en effet assez peu

de connaissances sur le comportement.

Il faut distinguer l'objet transitionnel de l'objet précurseur. C'est Renata

Gaddini (1970) qui propose, en accord avec Winnicott, le concept d'objet pré-

curseur. Ce dernier est utilisé par l'enfant (en l'introduisant dans sa bouche par

exemple), pour lui donner le sentiment d'être un tout, d'être avec la mère et

pour lui éviter l'angoisse de morcellement. Par exemple, en tétant, il trouve en

la mère (ou plutôt à travers le sein), un moyen d'intégrer le « self ». Souvent

l'accompagnent des comportements auto-érotiques (d'abord en touchant le

corps de la mère puis en touchant des parties de son propre corps).

L'objet précurseur est avant tout un objet au contact agréable pour l'enfant

(qui peut être amené à en avoir plusieurs, interchangeables). Il peut devenir un

objet transitionnel mais ce n'est pas systématique.

Dans ces catégories apparaissent également dans la pensée kleinienne les

concepts de clivage de l’objet, d’objet partiel et d’objet total.

Le clivage de l'objet est une notion psychanalytique introduite par Mélanie

Klein (“Essais de psychanalyse”).

Elle suppose comme premier objet d'amour du nourrisson le sein, objet partiel

que l'enfant assimile symboliquement à la fois à sa mère et à la fois à son

environnement.

Le sein se montrant tour à tour bon ou mauvais selon qu'il satisfait ou frustre

le désir du bébé, il est clivé en un bon objet et un mauvais objet. Ceux-ci

entreront alors de manière différenciée dans la dynamique de projection/intro-

jection.

Le clivage de l'objet est ainsi un mécanisme psychique archaïque, prenant sa

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place dans les tous premiers temps de la vie psychique humaine, selon

Mélanie Klein. Il serait la défense la plus primitive contre l'angoisse, essen-

tiellement au cours de la position paranoïde-schizoïde, mais aussi à la position

dépressive, visant alors l'objet total.

L'objet partiel est l'objet d'investissement des pulsions partielles: il n'implique

pas la reconnaissance de l'objet d'amour comme personne totale et entière.

Le terme a été introduit dans la théorie psychanalytique par les kleiniens, sui-

vant une voie ouverte par Karl Abraham (il fut le deuxième analyste de

Mélanie Klein. Karl Abraham s'est intéressé aux stades de développement de

la sexualité infantile), et désigne donc l'objet investi par le bébé, le prototype

en est le sein.

L'objet total est l'objet d'amour appréhendé comme totalité, et diffère en cela

de l'objet partiel.

Les objets transitionnels sont également de puissants vecteurs de communica-

tion pour les thérapeuthes qui y voient un moyen, par la symbolique de l’objet

que l’enfant aura investit, d’exorciser un trauma, une névrose. Dans son livre

“Jeu et réalité” Winnicott parle d'un jeune garçon fasciné par tout ce qui tou-

che aux ficelles, cordes, etc (p.50). Les parents étaient perplexes devant sa

manie de relier des objets entre eux par une ficelle comme lier une table avec

ses chaises par exemple… Winnicott remarqua que la mère était dépressive et

qu’elle était internée régulièrement pour ce problème. Il fit le lien entre les

actes compulsifs de l’enfant et la séparation d’avec sa mère lorsque celle-ci

partait pour l’hôpital. La mère eu une conversation avec son fils sur sa peur

d’être séparé d’elle. Le jeu de la ficelle cessa de suite pour reprendre à l’inter-

nement suivant de la mère. Winnicott explique donc que la ficelle a ici la

valeur de toute forme de communication et surtout de leur extension. La

ficelle permet d’unir, mais elle aide aussi à envelopper des objets et à mainte-

nir ensemble des matériaux distincts.

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L’objet transitionnel, vecteur d’objectivation chez l’enfant va donc l’aider

dans son épreuve à l’expérience de la réalité, et lui fournir une lecture de

celle-ci qui lui sera acceptable. Il va l’aider à sortir de son stade de l’illusion,

de l’omnipotence et de son narcissisme primaire et assurer la transition du

subjectif à l’objectif. Cette préparation à l’épreuve de la réalité se fera surtout

par la valeur que l’enfant voudra donner à cet objet. Ce qu’il symbolisera pour

lui.

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La création d’unesymbolisation.

En sémiologie, le symbole est une

représentation porteuse de sens. C'est un

système signifiant relevant de la conno-

tation, de l'analogie. Le symbole appa-

raît ainsi comme la réalité visible

(accessibles aux cinq sens) qui invite à

découvrir des réalités invisibles ; il ne

fait qu'un avec les symbolisés.

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Selon Creuzer, le symbole serait « situé entre la forme et l’être, entre l'expres-

sion et l'idée » (R. Alleau, De la nature des symboles, Paris, Pont-Royal,

1964, page 20).

Par extension, le symbole en est venu à désigner toute réalité qui en évoque

d'autres, absentes ou abstraites, à l'aide d'une analogie implicite. Le symbole

devient une représentation de l’absent et de l’imperceptible. Ainsi, tous les

systèmes symboliques tentent d'exprimer des idées, des concepts, etc. A la dif-

férence du code, univoque, le symbole apparaît polysémique, intelligible selon

le système de représentation dans lequel il s'inscrit. Dans la psychanalyse

freudienne, ce système fonctionne à partir de la codification de l'inconscient et

de l'application des règles de métaphore et de métonymie, à l'intérieur de l'his-

toire personnelle, structurée notamment par le complexe d'Oedipe. Chez Carl

Gustav Jung, les symboles individuels relèvent de l'inconscient collectif et

rejoignent par là l'universel par où il peuvent être décryptés comme archéty-

pes.

Exemple : si nous considérons l’hostie du saint sacrement qui symbolise le

corps du Christ, pour les catholiques, elle est le corps du Christ alors que,

pour les protestants, il s’agit d’un substitut, un rappel. Mais ce n’est pas en

fait dans son essence du corps en lui-même dont il est question. Pourtant dans

les deux cas il s’agit d’un symbole (D. Winnicott “Jeu et réalité” p. 36).

La symbolisation désigne la capacité à développer des représentations. La pre-

mière théorie de Sigmund Freud oppose les deux registres de l'action et de la

symbolisation. L'agir y est conçu comme échec du langage ; la représentation

de chose s'oppose à la représentation de mot.

Cette théorie va de pair avec la conception du symptôme comme manque

d'élaboration. Le symptôme névrotique lui-même est acting out marquant un

défaut d'élaboration que seule la cure psychanalytique pourrait corriger.

Dans son livre “Jeu et réalité” Winnicott fait le lien entre objet transitionnel et

symbolisme (p.35) : le bout de couverture (ou n’importe quoi d’autre) est

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symbolique, c’est vrai, d’un objet partiel, du sein, par exemple. Cependant, ce

qui importe n’est pas tant sa valeur symbolique que son existence effective.

Que cet objet ne sois pas le sein (ou la mère), bien qu’il soit réel, importe tout

autant que le fait qu’il soit à la place du sein (ou de la mère). En utilisant le

symbolisme, le petit enfant établit déjà une distinction nette entre le fantasme

et le fait réel, entre les objets internes et les objets externes, entre la créativité

primaire et la perception. Mais le terme d’objet transitionnel rend possible,

selon son hypothèse, le processus qui conduit l’enfant à accepter la différence

et la similarité. Il ne serait pas superflu d’avoir un terme pour définir l’origine

du symbolisme dans le temps, ce qui nous permettrait de décrire le voyage

qu’accomplit le petit enfant et qui le mène de la subjectivité pure à l’objecti-

vité. L’objet transitionnel (le bout de couverture, etc.) est justement ce que

nous percevons du voyage qui marque la progression de l’enfant vers l’expé-

rience vécue.

Sigmund Freud s'était intéressé au problème en observant le jeu de la bobine,

c'est-à-dire un enfant qui s'amusait avec une bobine attachée par une ficelle, à

la faire tomber puis à la ramener à lui (Freud observe donc un jeu : un enfant

est muni d'une bobine, attachée par une ficelle. L'enfant joue à faire tomber la

bobine puis à la ramener à lui. En même temps, il prononce Vor-Da ("là-bas -

là", dans l'idée : "loin - près", ou "pas là - là" ) , et continue selon ce schème,

exprimant un certain déplaisir.). Freud interpréta cela comme compulsion de

répétition : l'enfant répétait, symboliquement, un traumatisme douloureux, en

vue de se l'approprier. Jacques Lacan tirera de cela le signifiant de la mère,

comme premier signifiant acquis. Alors que le psychotique n'est pas dupe du

nom du Père, l'autiste n'intègre pas le premier signifiant, celui qui permet de

symboliser l'absence.

On parle aussi de symbolisation primaire : la symbolisation primaire est le

concept qui désigne les toutes premières formes de symbolisation au cours du

développement de l'infans (terme de Sándor Ferenczi, désigne l'enfant qui n'a

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pas encore acquis le langage, francisation du latin infans, infantis, désignant le

très jeune enfant qui ne parle pas. Ferenczi proposa ce terme pour éviter cer-

taines confusions lorsque les psychanalystes parlent d'enfants, le langage mar-

quant notamment un progrès dans l'acquisition de la symbolisation.). La sym-

bolisation secondaire serait à l'origine du paradigme de la psychothérapie psy-

chanalytique, en ce sens que les premiers patients auraient souffert d'un défaut

de symbolisation au niveau du préconscient et non du système inconscient.

Les représentations sont alors bien présentes et le travail analytique vise à les

intégrer au système conscient.

Le défaut de symbolisation primaire se caractérise par un manque de repré-

sentations au niveau du système inconscient. Le travail demande alors un pas-

sage par l'acte seul permettant le développement de telles représentations. La

symbolisation primaire n'est pas encore parlée, mais concerne le corps même.

Les gestes corporels peuvent aboutir à la formation de symboles. La symboli-

sation primaire se situe dans les prémisses de la formation du moi.

La symbolisation primaire est un processus interface entre les mémoires cor-

porelles, sensori-perceptives, et l'inconscient dans lequel l'évènement sensoriel

est transformé en représentation de chose.

Jean José Baranes considère trois caractéristiques des symbolisations primai-

res - qu'il écrit au puriel, s'efforçant de développer une approche de symboli-

sations plurielles :

- Elles sont «ancrées dans la sensorialité et dans l'affect», la sensorialité ren-

voyant à la perception par opposition à la représentation langagière et l'affect

énonçant le somatique de la pulsion ;

- Elles se déploient dans l'espace transitionnel ;

- Elles s'«autosymbolisent» , contribuant à la formation d'un Moi que Donald

Winnicott décrit comme se fondant sur un Moi corporel.

Baranes se réfère également aux travaux sur le moi-peau par Didier Anzieu :

c'est lorsque le passage du moi-peau au moi pensant fut défaillant, carencé,

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que les premières traces mnésiques devront être explorées, d'où la nécessité

d'une théorie de symbolisations plurielles.

L' identification projective est un mécanisme de défense introduit par Mélanie

Klein en 1946. Il s'agit à l'origine de décrire le phénomène, réunissant identifi-

cation et projection, comme pathologique, mais des auteurs comme Bion ont

distingué identification projective normale et identification projective patholo-

gique, et cette distinction d'une identification projective normale a pris de

l'importance.

L'identification projective se comprend comme multiple. Elle est le :

“Résultat de la projection des parties du soi dans un objet. Elle peut aboutir à

ce que l'objet soit perçu comme ayant acquis les caractéristiques de la partie

du soi projetée en lui, mais elle peut aussi conduire le soi à s'identifier avec

l'objet de sa projection.” (Hanna Segal, “Introduction à l'œuvre de Mélanie

Klein”)

L'identification projection repose principalement sur le sadisme anal, mais

Mélanie Klein le lie également au sadisme oral (vider le corps de la mère de

ce qui est bon et désirable). Trois pôles à l'identification projective : commu-

niquer des états affectifs, émotionnels; se débarrasser d'un contenu mental per-

turbant en le projetant dans un objet et à le contrôler en contrôlant cet objet;

pénétrer l'intérieur d'un objet pour en prendre possession ou encore le dégra-

der.

L'identification projective sera aussi comprise comme précurseur d'élabora-

tions psychiques plus avancées. Elle est la base du modèle de formation de

symbole. Elle est la première forme d'empathie. Donald Meltzer proposa pour

cette notion le terme d'identification intrusive.

La notion d'identification projective est notamment employée pour démêler le

transfert psychotique. L'identification projective pathologique, selon Bion,

conduit à la formation d'objets bizarres. Herbert Rosenfeld développe, clarifie

et élargit cette notion. L' identification intrusive désigne l'identification pro-

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jective sous un autre angle. Donald Meltzer l'a renommé ainsi lors de son tra-

vail sur l'autisme pour mettre en avant l'agression que ce mécanisme de

défense peut représenter pour l'autre.

Mais ce degré de symbolisation changerait-il selon l’âge de l’enfant?

Avant 7 ans l’enfant ne saisi pas les concepts d’abstraction et n’obéit qu’à des

représentations figuratives, il est incapable de se projeter dans le temps ni

même de situer un souvenir. Il est encore dans une phase égocentrique impor-

tante et rapporte tous les événements à sa personne. Il est incapable d’objecti-

ver. On parle aussi de “réalisme”. Cette notion est définie dans le livre

“Lexique de la psychologie du développement” de Jean Piaget (1980) dont

nous ne nous intéresserons qu’aux théories cognitives, ses théories psycho-

généticiennes étant loin de faire l’unanimité.

Le réalisme enfantin qui caractérise la pensée opératoire est le contraire de

l’objectivité. Alors que celle-ci consiste à relativiser les choses, c’est-à-dire à

tenir compte simultanément de la diversité des perspectives ou des points de

vue et à reconnaître sa propre subjectivité dans la perception des phénomènes,

le réalisme, au contraire, résulte d’une ignorance du moi. Il aboutit à prendre

la perspective propre pour objectivité absolue. Le réalisme, tout comme l’ani-

misme et l’artificialisme d’ailleurs, est donc le résultat d’une indifférenciation

entre le moi et le monde extérieur, au niveau de l’activité représentative. En

effet, d’une part l’enfant a tendance à animer les corps inertes et les objets, à

leur prêter des intentions (animisme), à leur assigner des objectifs ou une

fonction déterminée (artificialisme), d’autre part, il a tendance à réifier la pen-

sée et les phénomènes psychiques. Tel le réalisme. C’est ainsi que l’enfant

croit que les noms sont, de toute éternité, une propriété des choses, que le rêve

est situé dans la pièce où l’on dort, devant les yeux, etc. Bref, l’enfant situe

dans les choses ce qui, en réalité, est dû à l’activité de son moi. Il confère

donc une réalité objective aux aspects subjectifs de la réalité et prend pour

absolu ce qui est relatif à sa propre perception des choses.

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Nous avons déjà évoqué plus tôt les théories cognitives de la pensée piagé-

tienne (d’après l’œuvre de Jean Piaget). Piaget parle de stades : les stades et

périodes du développement constituent des découpages au sein de l’évolution

cognitive de l’enfant. Ces découpages constituent, dans la perspective piagé-

tienne, des paliers d’équilibre, correspondant à des modes d’adaptation parti-

culiers du sujet à son milieu.

Aux alentours de 7 ans (l’âge de raison), jusqu’à 11 ans (le stade des opéra-

tions concrètes selon Piaget) l’enfant a atteint une maturité existentielle suffi-

sante pour pouvoir mieux saisir des concepts abstraits et peut accepter des

représentation non-figuratives. Sa notion du temps se développe même si il

peut continuer à découper ses journées en périodes pré et post-repas, et ses

semaines en nuits. Il est en pleine éclosion scolaire, il commence à lire et

développe donc ses rapports au monde qui l’entoure, il est plus compliant et

davantage dans l’écoute. On peut commencer à parler pour cette tranche d’âge

de “décentration”. La décentration est une forme de régulation liée à la prise

de conscience de l’action propre et de ses résultats. Elle consiste à effectuer

des mises en relation entre les objets ou entre des actions exécutées sur des

objets et les résultats observés, autrement dit à coordonner des centrations

successives. Dans cette tranche d’âge il est capable de se décentrer dans les

domaines cognitif et moral. Sa pensée se socialise. Il prend en compte l'avis

des autres. C'est le début de la causalité. L'enfant peut classer, grouper. Il

conçoit les modifications et la réversibilité. Il est perméable au raisonnement,

s'inscrit dans une temporalité, raisonne de manière concrète en empruntant à

sa propre expérience.

Puis c’est le stade des opérations formelles : la période qui va de 11 ans à

l'âge adulte. L'adolescent est adulte biologiquement et intellectuellement, mais

reste un enfant affectivement. C'est le stade des opérations logiques, abstrai-

tes, du raisonnement par hypothèses et déductions. La combinaison des idées

remplace le raisonnement de proche en proche, utilisé au stade précédent. Ces

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opérations sont liées à un langage plus mobile et amènent à la construction de

systèmes et non à la recherche de solutions immédiates. L'individu élabore ici

une représentation d'une représentation.

La capacité d’un enfant à symboliser ou non va donc dépendre de sa matura-

tion. La symbolisation va l’aider à se projeter ou non dans des objets, à s’y

identifier, à en saisir leur sens, ce qu’ils évoquent et communiquent pour en

fin de compte mieux appréhender le monde qui l’entoure et l’aider à faire la

différence entre fantasme et réalité.

Les concepts d’objet transitionnel et de symbolisation sont donc intimement

liés et permettent tous deux à l’enfant de mieux appréhender une expérience,

un trauma, excorciser une névrose, ou tout simplement comprendre le monde

qui l’entoure. Ils peuvent donc avoir des vertus curatives et pédagogiques non

négligeables et réexploitables.

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La pédagogiecomme soulage-

ment du stress

Pourquoi la pédagogie soulage-t-elle

l’anxiété? “On n’a peur que de ce

que l’on ne comprend pas”. Ce credo

souvent entendu est d’autant plus

vrai pour un enfant qui ne possède

pas une expérience du monde aussi

étendue que celle d’un adulte.

en milieu hospitalier.

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Confronté à l’inconnu, l’enfant répondra par le rejet, la peur. Si lui sont four-

nit des explications, il acceptera mieux cet inconnu et envisagera de l’intégrer

à son expérience du monde.

Dans son livre “Tout est langage” (1984) F. Dolto souligne le fait que pour un

enfant, tout est “signifiant langage”, tout est symbolique, c’est pourquoi les

paroles dites ou non dites ont une importance si grande, et qu’elles peuvent

marquer la vie d’un enfant, souvent à son insu. Un enfant observe tout ce qui

se passe autour de son lui et y réfléchit. “Tout est Langage”. Le langage se

présente sous différentes formes et ne se réduit pas à l’aspect verbal. Dans

tous les cas, Dolto recommande de dire la vérité à un enfant car ne pas la dire

reviendrait à le traiter comme un “animal domestique”. L’enfant a besoin

d’explications même si il ne les comprend pas tout de suite, il les comprendra

le moment venu et c’est le plus important. Les explication agiront comme

repères pour l’enfant.

Françoise Dolto parle aussi dans son livre “Parler juste aux enfants” (p. 13) du

langage comme une manière de transcender toutes nos expériences humaines,

ce qui est intolérable, qui est souffrance, qui est parfois démentèlement du

corps. Elle ajoute que la communication avec un autre permet à celui qui

souffre de se réunifier, de retrouver sa cohésion.

Le dialogue a donc une part importante dans l’appréhension de l’enfant de ses

soins. C’est pourquoi les médecins laissent le plus souvent les enfants jouer

avec le stétoscope, le thermomètre, car ainsi l’enfant fait lui-même l’expé-

rience de l’objet, et n’a plus peur de l’utiliser sur lui.

Dans un documentaire de l’émission “Les maternelles” intitulé “Apprivoiser

l’hôpital”, diffusé en 2006, on pouvait voir des étudiants en médecine de la

faculté du Kremelin Bicêtre, développer un atelier de “nounoursologie” pour

les enfants de 3 à 6 ans, en vue de leur expliquer le déroulement d’une consul-

tation. Les enfants venaient avec leurs nounours, les élèves en médecine (cha-

cun représentant sa future spécialité : pédiatre, radiologue, anesthésiste, chi-

rurgien…) remplissaient avec eux une fiche sur le “doudou” et notaient la

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maladie que l’enfant avait inventé à sa peluche. Il était ainsi envoyé de service

en service pour soigner sa peluche. Le but d’un tel atelier était de prévenir

l’angoisse de la blouse blanche. Comme l’expliquait l’étudiante en médecine

Heloïse Fredj “le plus angoissant pour un enfant hospitalisé est d’être baloté

d’un service à l’autre sans comprendre pourquoi.” Le fait que chaque disci-

pline soit ici représenter a pu ainsi mettre en évidence aux yeux de l’enfant le

processus d’une hospitalisation et surtout le pourquoi d’un tel scénario. Par le

transfert de soins “humains” sur leurs peluches, les enfant ont ainsi fait l’ex-

périence objective et pédagogique de l’hospitalisation, et ainsi comprendre à

quoi sert un examen, à quoi sert une radio, une prise de sang, une opération,

etc…

On pouvait donc voir des enfants assister à une opération chirurgicale sur un

nounours ayant avalé une bille, une radio d’un chien en peluche s’étant cassé

la patte, un poupon devant subir une prise de sang, etc… A chaque fois l’étu-

diant prenait le temps d’exposer, démonstration à l’appui, le pourquoi de cha-

que geste, de chaque manipulation et opération, n’hésitant pas à utiliser un

langage technique quitte à l’expliquer ensuite. L’enfant était donc considéré à

tous les stades comme le parent. Etait également mis en place un système qui

commence à devenir systématique en hôpital pédiatrique : celui de l’infir-

mière référente. C’est à dire pour un enfant avoir toujours au maximum

affaire à la même personne soignante.

Sur le site “Doctissimo”, un article intitulé “Mieux comprendre la maladie

pour mieux la gérer”, présentait une école de l’asthme à L’hôpital Robert-

Debré à Paris, où les enfants apprennent à comprendre et à gérer leur mala-

die. On leur enseigne les gestes propres à la prise des médicaments ou com-

ment faire face à la crise, tels sont quelques-uns des objectifs de ces structu-

res. Gaëlle Souillac, pneumo-pédiatre responsable en 2004 de cette unité

éclairait alors sur les moyens et les objectifs de ces écoles de l'asthme. Leur

mission est double : expliquer l’asthme mais surtout amener l’enfant à

essayer d'en contrôler les symptômes. Une information adaptée va lui permet-

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tre d’acquérir les gestes propres à une bonne gestion de sa maladie : inhala-

tion des médicaments, bonne mesure du souffle, comment réagir en cas de cri-

ses, quelles mesures préventives adopter… Le discours s’adapte à chaque

classe d’âge. On ne dispense pas le même genre d’informations à un enfant de

six ans et à un adolescent. Ainsi pour les plus jeunes, L’école privilégiera des

ateliers de travail, des sketchs, des affiches pédagogiques, des spectacles de

marionnettes, etc. Chez les adolescents, leur attrait pour l’informatique et de

l’interactivité a naturellement amené l’équipe à disposer de CD-roms. Une

étude américaine datant de 1987 estimait l’asthme responsable de 25 % de

l’absentéisme de l’enfant à l’école. Par cette action, L’école de l’asthme tente

de faire sien le message de l’organisation mondiale de la santé selon lequel la

prévention et l’information sur la maladie font partie intégrante du traitement.

L’objectif est de permettre à ces enfants de comprendre et gérer leur maladie

afin qu’ils puissent mener une vie tout à fait normale.

D’autres activités sensibilisent les enfants au contrôle de l’environnement

vis-à-vis des acariens ou au bon usage des inhalateur.

On peut donc pratiquer la pédagogie en milieu hospitalier par le transitionnel

et la symbolisation.

Reprenons les concepts clés cités plus haut et étudions l’impact qu’ils pour-

raient avoir pendant une hospitalisation à quelques moments clés.

Dès l’arrivée déjà. Nous avons vu que la manière dont l’enfant était pris en

charge était primordiale. Qu’il avait beaucoup de codes à ingérer, intégrer,

assimiler, beaucoup de visages à mémoriser, un rythme à prendre. Dans cer-

tains hôpitaux sont distribués aux enfants un livret qui explique l’hôpital, le

personnel, les différents services et proposent des activités créatives pour que

l’enfant assimile mieux ce lieu qui lui est inconnu. L’association sSparadrap

par exemple propose un tel livret qui est le fruit de la collaboration de plu-

sieurs professionnels de l’univers médical et psychiatrique.

Les phases d’examens et de soins, on l’a vu, sont des moments clés où peu-

vent surgir sinon des conflits, au moins des malentendus entre le médecins et

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son patient. Dans le documentaire de l’émission “Les maternelles”, les étu-

diants en médecine utilisent la “nounoursologie” pour expliquer le processus

de l’hospitalisation et aider l’enfant à objectiver les examens. De tels procédés

pourraient être facilement utilisés de manière automatique, réinvestis de

manière intelligente en l’intégrant à un nouveau scénario de l’hospitalisation

et des phases de soins et d’examen.

Mais cela reste des interventions ponctuelles. Peut-on utiliser ces procédés de

symbolisation sur la durée de l’hospitalisation? Il faudrait alors toucher à des

éléments étant en contact permanent avec le jeune patient.

Nous avons vu que le rapport de l’enfant au corps était bien particulier.

Suivant la logique de la pédagogie comme soulagement du stress, si un vête-

ment était investit en tant qu’objet transitionnel, il servirait de support pédago-

gique au médecin et faciliterait ainsi pour l’enfant l’assimilation des tenants et

aboutissants de sa maladie, de ses soins, et de leurs effets sur son corps. Cette

couche de tissu non-tissé matérialiserait cette fameuse zone intermédiaire

créée par tout objet transitionnel. Mais il manquerait encore un vecteur de dia-

logue, un outil qui permette à l’enfant de communiquer facilement sa douleur,

quel que soit son âge.

Un objet transitionnel facilement manipulable, investissable, porteur d’un

symbole particulier, pouvant suivre l’enfant sur la durée de son hospitalisa-

tion, lui servant de vecteur pour exprimer et signaler les moment où il a peur,

où il a mal, pourrait soulager beaucoup de choses.

On pourrait également imaginer des extensions à certains instruments médi-

caux qui serait porteurs de sens pour l’enfant.

Tous ces systèmes se situeraient dans le prolongement du discours du méde-

cin, lui permettrait de trouver sa place, comme l’infirmière, auprès de l’enfant

et ainsi éviter d’éventuels conflits et autres moments de crise.

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concluL’hospitalisation chez un enfant reste un moment à part. Une

cassure dans le rythme d’une jeune vie qui ne devrait être que

jeu et apprentissage. Parce qu’un enfant est encore une personne

en devenir, il n’est pas encore préparé à affronter les choses

comme le pourrait un adulte.

Le personnel soignant doit donc fournir un service adapté à leurs

jeunes patients, mais certains paramètres les empêchent de four-

nir un service optimal (temps, nombre de patients, manque de

moyens des structures en place…).

La psychologie de l’enfant malade implique une série de rap-

ports qui pèsent lourd dans la balance du bon déroulement d’une

hospitalisation. Parce que son rapport à son propre corps est par-

ticulier, parce que la situation n’est pas normale, parce qu’il est

trop jeune pour saisir correctement certains concepts, parce que

le soignant lui-même a un rapport particulier à toutes ces

notions, on doit lui apporter une

attention toute particulière.

La pédopsychologie a fait de nom-

breux progrès depuis son appari-

tion et l’on

doit à des thé-

rapeutes tels

que D.

Winnicott,

à quoitu panses?

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Mélanie Klein, ou encore Anna Freud, des théories fascinantes sur les objets

transitionnels (nous devons le terme à Winnicott) et la symbolisation chez l’en-

fant. Nous avons vu (pour résumer) que l’objet transitionnel apparaissait entre

le domaine de l’illusion chez l’enfant et celui de la déception. Qu’un tel objet

créait une zone intermédiaire qui le préparait à l’expérience de la réalité en lui

en donnant une lecture satisfaisante. C’est dans cette zone que s’effectue le

passage du subjectif à l’objectif. Clé essentielle à un enfant pour saisir de

manière rationnelle et logique ce à quoi il est confronté. Plusieurs expériences

ont été menées auprès de différents enfants, plusieurs cas sont venus etayer de

telles thèses.

Néanmoins, si de tels procédés furent utilisés de manière psychothérapeutique,

pour exorciser des névroses, mettre en évidence des pathologies et essayer de

les comprendre, ils furent très peu réinvestis en milieu hospitalier.

On étudie donc depuis longtemps les phénomènes transitionnels et de transfert

chez l’enfant et le pouvoir de la symbolisation auprès de celui-ci.

L’hospitalisation étant un moment de rupture dans la vie de l’enfant, et souvent

une source de traumatismes de toutes natures, il serait intéressant d’introduire

ces concepts dans l’hôpital.

Nous avons vu que le personnel soignant, en particulier les infirmières pei-

naient à trouver une place satisfaisante auprès de l’enfant. Le médecin comme

l’infirmière sont tous deux limités dans leur empathie par une distance qu’ils se

doivent de conserver avec leur patient, sous peine de déclencher des conflits

enfant/soignants/parents, mais aussi et avant tout pour se protéger eux-même.

Réinvestir ces phénomènes transitionnels, de symbolisation au sein du proces-

sus même de l’hospitalisation, permettrait d’étendre leur discours, leur capacité

à influer sur le stress de l’enfant sans compromettre cette distance. Ils permet-

traient également à l’enfant d’objectiver plus facilement sa maladie, l’extériori-

ser, en saisir les symptômes et également mieux comprendre ses soins.

Cela demanderait de revoir la scénarisation globale de l’hospitalisation en y

introduisant des fenêtres pour de tels procédés.

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"À quoi tu panses?"

Bibliographie :

“L’hospitalisation des enfants” Lyonel Rossant

Presses universitaires de France, collection “Que sais-je?”

“L’enfant et le cancer” Daniel Oppenheim

éditions Bayard

“Comment l’esprit vient aux objets” Serge Tisseron

éditions Aubier

“La poupée fleur” Françoise Dolto

éditions Mercure de France

“Parler juste aux enfants” Françoise Dolto et Daniele Marie Levy

éditions Mercure de France

“Tout est langage” Françoise Dolto

éditions Gallimard

“Winnicott en 4 squiggles” François Duparc

éditions Editions in press

“Objets transitionnels et phénomènes transitionnels” D.W. Winnicott

éditions Gallimard

“Jeu et réalité” D.W. Winnicott

éditions Folio essais

“Essais de psychanalyse” M. Klein

éditions Payot

Introduction à l'oeuvre de Mélanie Klein (Broché) de Hanna Segal

éditions Presses universitaires de France.

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sites internet :

http://www.doctissimo.fr/html/sante/sante.htm

http://www.pediadol.org/

http://www.psy-desir.com/biblio/

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