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44 5 LE RÉALISME PICTURAL Le réalisme pictural est une notion qui n’est pas facile à cerner. Si l’on prend comme point de départ l’affirmation que les peintres représentent dans leurs toiles la vie quotidienne, l’histoire contemporaine, le paysage, toutes sortes de personnages (issus de la paysannerie, de la classe ouvrière, de la bourgeoisie, etc.) tels qu’ils sont en réalité, tels que les voient les artistes, le terme pourrait être appliqué à Millet et aux paysagistes de l’école de Barbizon, à Courbet, Daumier, Manet, ainsi qu’aux impressionnistes, pour n’en citer que quelques-uns. Ce qui lie les peintres cités, c’est également leur recherche de la modernité et le rejet des valeurs prônées par l’Académie qui continue à dominer le monde de la peinture et qui veut être la gardienne des traditions tant en ce qui concerne le choix des thèmes que les techniques utilisées par les artistes. Ceux-là privilégient les sujets sociaux et sont encouragés et soutenus par certains critiques d’art, surtout Champfleury 31 , ardent défenseur du roman réaliste. Dans leurs œuvres, l’inspiration littéraire, mythologique ou religieuse disparait au profit de la représentation du réel. Les réalistes deviennent témoins d’une époque marquée par la nostalgie du passé, mais aussi par l’évolution sociale accompagnée de progès technique que l’on ne peut arrêter et qui conditionne la vie de la classe ouvrière et celle des paysans. Les sources que nous avons consultées mettent l’étiquette de « réaliste » sur un groupe de peintres beaucoup plus restreint et y intègrent Gustave Courbet, Camille Corot, Jean- François Millet, Honoré Daumier, Henri Fantin-Latour, Édouard Manet et Gustave Caillebotte. 31 Jules François Félix Husson, dit Fleury ou Champfleury (1821-1889) est un écrivain, journaliste et critique d’art, ami de V. Hugo et de G. Flaubert. L’un des fondateurs de la revue Le Réalisme, il encourage les représentants de ce mouvement dans la littérature, ainsi que dans la peinture.

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5 LE RÉALISME PICTURAL

Le réalisme pictural est une notion qui n’est pas facile à

cerner. Si l’on prend comme point de départ l’affirmation que

les peintres représentent dans leurs toiles la vie

quotidienne, l’histoire contemporaine, le paysage, toutes

sortes de personnages (issus de la paysannerie, de la classe

ouvrière, de la bourgeoisie, etc.) tels qu’ils sont en

réalité, tels que les voient les artistes, le terme pourrait

être appliqué à Millet et aux paysagistes de l’école de

Barbizon, à Courbet, Daumier, Manet, ainsi qu’aux

impressionnistes, pour n’en citer que quelques-uns. Ce qui lie

les peintres cités, c’est également leur recherche de la

modernité et le rejet des valeurs prônées par l’Académie qui

continue à dominer le monde de la peinture et qui veut être la

gardienne des traditions tant en ce qui concerne le choix des

thèmes que les techniques utilisées par les artistes. Ceux-là

privilégient les sujets sociaux et sont encouragés et soutenus

par certains critiques d’art, surtout Champfleury31, ardent

défenseur du roman réaliste. Dans leurs œuvres, l’inspiration

littéraire, mythologique ou religieuse disparait au profit de

la représentation du réel. Les réalistes deviennent témoins

d’une époque marquée par la nostalgie du passé, mais aussi par

l’évolution sociale accompagnée de progès technique que l’on

ne peut arrêter et qui conditionne la vie de la classe

ouvrière et celle des paysans.

Les sources que nous avons consultées mettent l’étiquette

de « réaliste » sur un groupe de peintres beaucoup plus

restreint et y intègrent Gustave Courbet, Camille Corot, Jean-

François Millet, Honoré Daumier, Henri Fantin-Latour, Édouard

Manet et Gustave Caillebotte.

31 Jules François Félix Husson, dit Fleury ou Champfleury (1821-1889) est

un écrivain, journaliste et critique d’art, ami de V. Hugo et de G.

Flaubert. L’un des fondateurs de la revue Le Réalisme, il encourage les

représentants de ce mouvement dans la littérature, ainsi que dans la

peinture.

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En 1855, Gustave Courbet (1819-1877) résume l’esprit de

son œuvre dans une simple phrase qui apparaît dans le

catalogue rédigé pour son exposition particulière : « Faire

de l’art vivant, tel est mon but ». Nombreux sont les tableaux

qui montrent la réalisation concrète de cette intention de

l’artiste. Courbet entend peindre ce qui l’entoure, ce qu’il

voit et tel qu’il le voit. Parfois, il se heurte à

l’incompréhension du public, certaines de ses œuvres suscitant

même un scandale, comme c’est le cas de son Enterrement à

Ornans dont nous parlons dans un chapitre particulier. Au

Salon de 1850, il expose le tableau Les Casseurs de pierre

qui, de nos jours, n’est connu que grâce à la photographie,

car il est détruit en 1945 lors du bombardement de Dresde où

il faisait partie des collections d’une galerie. Deux hommes,

un vieillard et un jeune, font du gravier pour les routes, un

travail fort épuisant. Même si l’artiste a déclaré que

l’objectif de ses œuvres n’était pas didactique ou

propagandiste, on peut constater que cette toile est une

critique de la société du XIXe siècle. Le tableau, lors de son

exposition, est l’objet de divers commentaires, dont celui du

philosophe Pierre-Joseph Proudhon selon lequel il est un

symbole philosophique et un manifeste social. Mais Courbet ne

se limite pas, dans sa création, aux sujets sociaux. Il peint

des paysages, portraits, natures mortes, scènes de chasse ou

de guerre et des nus. Dans le chapitre consacré aux œuvres

d’art qui ont scandalisé le public, nous présentons l’une de

ses toiles les plus célèbres : L’Origine du monde. Une autre,

visible au Musée d’Orsay, L’Atelier du peintre (1854), est

qualifiée par Courbet d’une « allégorie réelle ». D’ailleurs,

son titre complet est : L’Atelier du peintre. Allégorie Réelle

déterminant une phase de sept années de ma vie artistique. Ce

chef-d’œuvre monumental a été exécuté pour le Salon de

l’Exposition Universelle à Paris en 1855. Comme il est refusé

par son jury, Courbet décide de l’exposer avec plusieurs

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autres tableaux dans son propre pavillon, construit à quelques

pas de l’entrée du Salon officiel. Cette immense toile (361 x

598 cm) suscite de nombreuses polémiques, et son caractère

mystérieux des interprétations, parfois singulières, comme ce

geste de la main droite du peintre dans lequel certains voient

la main de Dieu de la Création d’Adam, peinte par Michel-Ange

sur le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican.

Le tableau réunit dans un même espace et au même moment

une trentaine de figures réparties en deux groupes avec, au

milieu, l’autoreprésentation de l’artiste peintre accompagné

d’une femme nue, sa muse, la Vérité. L’enfant pieds nus dans

ses sabots qui regarde le tableau symbolise l’innocence, la

liberté, la vie. Le peintre, habillé d’un costume élégant,

travaille à un paysage de sa Franche-Comté natale prouvant

ainsi son attachement à ses origines. Le magnifique ciel du

paysage est selon Delacroix « un vrai ciel au milieu du

tableau ». À gauche, Courbet a peint ceux qui d’après lui

« vivent de la mort », les exploités et les exploiteurs. Il

s’agit des figures-types représentant un juif, un républicain

de 1793, un braconnier, un faucheur et un ouvrier, symbolisant

les classes sociales les plus pauvres, un curé, une mendiante,

un chasseur dont les traits, surtout la barbiche, rappellent

Napoléon III. Cette dernière figure est rajoutée plus tard.

Dans la partie droite sont représentés ceux qui soutenaient

Courbet dans son art. Il s’agit de véritables portraits :

celui d’Alfred Bruyas, son premier mécène et collectionneur,

du philosophe Pierre-Joseph Proudhon, de Champfleury (le

théoricien du réalisme) et de Baudelaire représenté en train

de lire. Le couple du premier plan doit personnifier les

amateurs d’art, celui près de la fenêtre l’amour libre. La

guitare, la dague et le chapeau noir posés par terre

dénonceraient l’art académique.

L’emblématique tableau L’Atelier du peintre, plein de

références, n’arrête pas d’intriguer les chercheurs qui lui

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trouvent différentes interprétations. L’historienne de l’art,

Hélène Toussaint essaie de donner aux figures, à gauche du

tableau, des noms de personnalités de l’époque. Ainsi, le juif

au turban pourrait être le Ministre des Finances Achille

Fould, le turban est éventuellement une toque et dans ce cas,

l’homme serait Lajos Kossuth (révolutionnaire hongrois), le

braconnier portant une blouse blanche et un foulard brun

serait représenté par Giuseppe Garibaldi, homme politique

italien et ainsi de suite. Tout comme le pratiquaient d’autres

peintres, Courbet combine dans ce tableau plusieurs genres :

scène d’intérieur, autoportrait, portrait et paysage.

L'Atelier du peintre

Au Salon de 1857, Courbet présente son tableau Les

Demoiselles des bords de la Seine. Deux jeunes femmes,

allongées au bord de l’eau, reposent parmi les fleurs. La

scène reflète les loisirs contemporains et annonce en quelques

sorte Le Déjeuner sur l’herbe de Manet. Selon le philosophe

Proudhon, qui souligne l’érotisme de cette œuvre, il s’agit

d’un tableau social dénonçant les femmes de vertu légère.

Honoré Daumier (1808-1879) est non seulement un célèbre

caricaturiste, mais aussi un peintre, lithographe et

sculpteur. Dans ses œuvres, il se penche sur la vie

quotidienne du petit peuple et y projette ses idées politiques

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et sociales. En 1832, le journaliste Charles Philipon l’engage

à La Caricature, qui devient plus tard Le Charivari32. Sur les

pages du journal, Daumier, par ses dessins, attaque violemment

le régime politique. Dans une planche célèbre, il dénonce sa

cruauté et rend hommage aux victimes de la rue Transnonain33

(La Rue Transnonain, le 15 avril 1834). Il y représente une

histoire sanglante, liée à la répression, menée contre le

mouvement républicain, pendant laquelle tous les habitants de

la maison d’un insurgé, y compris les enfants, sont massacrés.

La diffusion de cette lithographie, accompagnée du commentaire

du journaliste Charles Philipon, quelques mois après

l’événement a un tel retentissement que Louis-Philippe donne

l’ordre de détruire tous les exemplaires qui sont disponibles

sur le marché.

Par la suite, Daumier se consacre à la satire des mœurs

bourgeoises, conjugales, financières et judiciaires,

produisant plusieurs séries, comme celle des Gens de justice.

Dans ses dessins, il fustige la société parisienne de son

temps, tout comme le fait Balzac dans sa Comédie humaine.

À partir de 1848, c’est la peinture qui l’intéresse

davantage. Il privilégie les sujets sociaux, ce que reflète

son tableau réaliste Le wagon de troisième classe (peint entre

1863 et 1865) montrant quelques voyageurs accablés par la

misère. Au premier plan, la femme au panier attire l’attention

du spectateur en le fixant de son regard sombre. Ses mains,

posées sur le panier, évoquent la prière. Prie-t-elle pour

demander de l’aide ? Les tonalités sombres de la toile ne font

que renforcer le sentiment de pitié que l’on ressent en

l’observant.

32 Le Charivari est un journal satirique, fondé par Charles Philipon, qui

paraît de 1832 à 1937. À ses débuts, c’est la tribune de l’oppostion

républicaine à la Monarchie de Juillet. Parmi les caricaturistes qui

travaillent pour ce journal, on compte, à part Daumier, le photographe

Nadar et le peintre, illustrateur et sculpteur Gustave Doré.

Le nom commun charivari désigne, entre autre, un bruit assourdissant, un

vacarme. 33 l’actuelle rue Beaubourg

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Une autre toile de Daumier, La Blanchisseuse (peinte vers

1863), témoigne de l’intérêt que l’artiste porte à la classe

ouvrière urbaine. Une femme, chargée d’un baluchon de linge

mouillé, revient du lavoir sur la Seine où elle exerce un

travail dur et répétitif. Elle aide sa petite fille à monter

la dernière marche du rude escalier. La petite porte dans sa

main un battoir, symbole du destin qui l’attend à l’âge

adulte. Les deux figures traduisent l’effort et la fatigue.

Les contours des maisons au second plan laissent deviner les

demeures de la bourgeoisie qui employait les femmes du peuple

comme blanchisseuses et repasseuses. Le fleuve marque la

frontière divisant les deux mondes, celui de la classe

laborieuse et des bourgeois. Les couleurs utilisées par le

peintre, le contraste des parties sombre et lumineuse du

tableau ne font qu’accentuer les différences qui existent

entre ces deux mondes.

Il existe trois versions de La Blanchisseuse dont la plus

célèbre est accrochée au musée d’Orsay. On sait que Daumier

habitait dans l’île Saint-Louis, sur le quai d’Anjou, et qu’il

a peint à plusieurs reprises ces femmes qui revenaient de leur

travail.

La Blanchisseuse

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Daumier est l’auteur de plusieurs petits bustes d’hommes

politiques d’extrême droite que lui a demandés le journaliste

Charles Philipon. Le sculpteur a éxécuté des terres cuites

d’un expressionnisme saisissant qui montrent, encore une fois,

son talent de caricaturiste.

Quand on prononce le nom de Gustave Caillebotte (1848-

1894), c’est le mécène des impressionnistes qui nous vient

aussitôt à l’esprit. Limiter le personnage à son rôle de

mécène serait une erreur, puisque Caillebotte est un peintre

remarquable, redécouvert dans les années 1970. Ce peintre,

mécène et collectionneur, héritier d’une grande fortune,

soutient ses amis Manet, Monet, Renoir ou Cézanne. Il achète

leurs toiles, ainsi que celles de Pissarro et de Degas, et

constitue une magnifique collection qu’il va léguer à l’État.

Il s’implique personnellement dans l’organisation des

expositions impressionnistes qu’il finance en même temps. Mort

à l’âge de 45 ans, il laisse plus d’une centaine d’œuvres. Les

Raboteurs de Parquet, son tableau peut-être le plus connu

aujourd’hui, est refusé par le jury du Salon de 1875. Après

cet échec, Caillebotte décide de se joindre aux peintres

impressionnistes et présente le tableau à leur seconde

exposition en 1876. Les réactions que sa toile provoque sont

mitigées. Certains critiques admirent sa modernité, d’autres

la jugent trop réaliste, bourgeoise, allant à l’encontre de la

représentation artistique, puisqu’elle est, selon eux,

« transparente ». Même Zola, qui défend les peintres refusés

par le Salon, dénonce le réalisme photographique du tableau

dont il donnera le commentaire suivant : « Caillebotte a

exposé Les Raboteurs de Parquet et Un jeune homme à sa

fenêtre, d’un relief étonnant. Seulement, c’est une peinture

tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le

verre, bourgeoise, à force d’exactitude. La photographie de la

réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte

originale du talent artistique, est une chose pitoyable ».

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Le tableau est l’une des premières représentations

d’ouvriers de la ville, une étude documentaire de leur

travail, considéré comme un sujet novateur. Trois hommes

rabotent le parquet dans un grand appartement parisien. On ne

distingue que partiellement leurs visages, deux semblent

discuter entre eux. Agenouillés, ils effectuent un travail

fort fatiguant tant par la pose que par les efforts physiques

qu’il demande. En représentant les outils et autres

accessoires (un marteau, une lime, des sacs à outils, une

bouteille de vin et un verre rempli), Caillebotte souligne le

réalisme du sujet.

Les Raboteurs de Parquet

Caillebotte vit l’époque des modifications

architecturales qui vont modifier le visage de la capitale

française. Napoléon III, voulant moderniser la ville, charge

le baron Haussmann, préfet de la Seine, de réaliser de vastes

travaux qui entraînent la démolition de quartiers médiévaux

aux ruelles étroites et insalubres. L’objectif est de percer

de nombreux grands boulevards et avenues pour faciliter la

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circulation, de construire de nouveaux immeubles, de mettre en

valeur les monuments de la capitale et d’en construire

d’autres. Les travaux du baron Haussmann auraient modifié

Paris à 60%.

Le peintre est fasciné par la nouvelle physionomie de

Paris, due à Haussmann, et ne manque pas de rendre ses

impressions dans un tableau intitulé Rue de Paris, temps de

pluie (1877). Il y représente les traits caractéristiques du

Paris haussmannien : des immeubles alignés le long des

nouveaux axes de communication qui, eux, débouchent sur un

carrefour en étoile. Les chaussées sont larges, pavées

régulièrement, le réverbère signale l’installation de

l’éclairage public moderne. Au loin, on voit un échafaudage

symbolisant la poursuite de l’ubanisation. L’élégance et

l’harmonie qui se dégagent du tableau sont rehaussées par

l’utilisation du gris et du noir. Certains voient dans ces

couleurs l’intention de l’artiste d’exprimer une vision triste

et monotone de Paris, la solitude des personnages et vont même

à prédire que le couple au premier plan ne durera pas

longtemps...

Rue de Paris, temps de pluie

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Dans le contexte du réalisme, Jean-Baptiste Camille Corot

(1796-1875) est une figure particulière. Celui dont Degas dit

qu’il est « toujours le plus grand et [qu’] il a tout

anticipé » reste encore aujourd’hui difficile à ranger de

façon claire dans un courant pictural. Les uns le considèrent

comme l’un des fondateurs de l’école de Barbizon, les autres

le qualifient de précurseur des impressionnistes ou bien le

classent parmi les réalistes. Corot, avec son esprit libre,

reste en marge des courants artistiques qu’il voit évoluer

durant sa vie. Il est de formation classique (pour certains

historiens d’art et critiques, c’est le dernier peintre de

l’école néoclassique), mais ses œuvres portent les marques du

romantisme, du réalisme ou du naturalisme. Corot voyage

beaucoup : il séjourne à Rome à plusieurs reprises, parcourt

les provinces françaises, de temps à autre il travaille à

Barbizon. Les sujets qu’il peint sont très variés. Le Louvre

possède 134 de ses tableaux qui évoquent les aspects les plus

divers de son inspiration et les étapes de sa carrière. On

peut y admirer des paysages de France et d’Italie, des

figures, des portraits, le fameux Souvenir de Mortefontaine,

etc.

Les peintures très personnelles de Corot attirent

l’attention de ses contemporains et elles sont reçues

favorablement. Zola voit en lui un précursseur de Pissarro,

mais son jugement n’est fondé que sur les derniers paysages de

l’artiste. Même s’ils constituent une grande partie de la

production de Corot, l’artiste s’intéresse également aux

portraits et figures, comme nous l’avons déjà constaté. Pour

que notre lecteur puisse se faire une idée des tableaux de ce

peintre, nous reproduisons ici deux de ses œuvres : Le Beffroi

de Douai (1871) et La Dame en bleu (1874), exposés au Musée du

Louvre à Paris.

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Le Beffroi de Douai

En 1871, Paris est en pleine ébullition révolutionnaire.

Pour échapper à la Commune de Paris, Corot se réfugie à Douai

où il peint un des derniers chefs-d’œuvre de sa vie. Il

réussit une image paisible qui invite le spectateur à se

promener dans les rues de cette ville du Nord.

La Dame en bleu, cette magnifique figure féminine,

éblouit par son élégance, la grâce de son visage et le naturel

de sa pose.

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La Dame en bleu

Notons encore que Corot, très apprécié par les amateurs

d’art, est l’un des artistes les plus visés par les

faussaires. Heureusement, des centaines de ses œuvres ont été

authentifiées et sont réparties dans les collections du monde

entier. En France, les musées du Louvre et d’Orsay à Paris et,

en province, les musées de Reims et de Strasbourg conservent

le plus grand nombre de ses tableaux.

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En ce qui concerne Jean-François Millet (1814-1875),

grande figure de l’école de Barbizon, nous le présentons dans

le chapitre consacré à cette école picturale.

Édouard Manet (1832-1883) est associé au réalisme grâce à

certaines de ses peintures, dans lesquelles il exprime son

engagement politique. Son tableau L’Exécution de Maximilien

est une critique de la désastreuse campagne au Mexique de

Napoléon III. L’œuvre étant censurée par l’empereur, Manet ne

peut l’exposer au public sous le Second Empire.

L’œuvre de Manet marque une étape importante dans la

peinture du XIXe siècle. Toute une génération d’artistes subit

son influence et le respecte beaucoup. Pour ces raisons, nous

lui réservons un petit chapitre particulier.