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« Un essai de définition

du concept de gouvernance »

Darine BAKKOUR

ES n°2013-05

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Un essai de définition du concept de gouvernance

Darine BAKKOUR 1

Décembre 2013

Résumé

Ce papier a pour objet de préciser la terminologie du concept de gouvernance. Nous allons

examiner les modes de gouvernance les plus connus, à savoir la gouvernance d’entreprise, la

gouvernance publique, et la gouvernance territoriale. C’est ainsi, que nous évoquerons le

concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), le courant du New Public

Management (NPM) et le concept de gouvernementalité de Michel Foucault (1978). Nous

considérons que la gouvernance s’applique à un « système » et nous proposons une définition

du concept de gouvernance d’un système, comme suit : « La gouvernance d’un système

désigne les mécanismes au moyen desquels les mandataire(s) et les mandants articulent leurs

intérêts et aplanissent leurs différences afin de réaliser leurs objectifs. La gouvernance

désigne, par ailleurs, les institutions, qui influent sur l’exercice des pouvoirs dans les entités

concernés. Enfin, la gouvernance d’un système est décrite par l’interaction participative entre

les acteurs concernés à tous les niveaux ». La gouvernance est un concept holistique qui

s’applique à plusieurs niveaux, et pour plusieurs objectifs, dans un environnement marqué par

des conflits d’intérêts, des situations d’incertitudes et d’asymétrie d’information.

Mots clés : gouvernance d’entreprise, gouvernance publique, gouvernance territoriale,

gouvernementalité, new public management, gouvernance d’un système.

1 Université Montpellier 1, UMR5474 LAMETA, 34000 Montpellier, France. Av. Raymond Dugrand, CS 79606, Richter, 34960 Montpellier Cedex 2, France. E-mail: [email protected]

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Introduction

Le terme « gouvernance » provient du verbe grec « kubernân » qui signifie « piloter un navire

ou un char ». Utilisé par Platon, ce terme était employé en français comme synonyme de «

gouvernement » jusqu’à la fin du XVIIIe siècle pour être repris dans le sens anglais «

governance » dans les années 80. Depuis, deux nouveaux usages de la notion de gouvernance

émergent dans le monde anglo-saxon où l’on a distingué la gouvernance publique de la

gouvernance d’entreprise.

Le concept de gouvernance est apparu, en premier lieu, dans la sphère privée comme un

standard de comportement des dirigeants ou des membres du conseil d’administration leur

permettant de se prémunir contre une mise en cause judiciaire de leurs responsabilités par les

actionnaires. Dès lors, le concept de gouvernance n’a cessé d’envahir plusieurs domaines.

Nous entendons principalement parler de « gouvernance d’entreprise », de « gouvernance

publique » mais également de « gouvernance environnementale », de « gouvernance

territoriale », de « gouvernance urbaine », de « gouvernance mondiale » ou encore de « e-

gouvernance », ce qui n’est pas de nature à faciliter l’établissement d’une définition unique.

La gouvernance est une question à laquelle se sont intéressés les chercheurs de différents

domaines allant des sciences sociales, aux sciences politiques en passant par les législateurs et

les institutions internationales comme la Banque Mondiale et le FMI.

La polysémie du terme « gouvernance » soulève des débats. Il permet de réintroduire le

pouvoir et la politique dans l’analyse économique. Par ailleurs, il pose en des termes

nouveaux la problématique des liens entre État et Marché, tout en tenant compte de cet acteur

que constitue la Société civile.

La gouvernance est souvent évoquée et pointée du doigt lorsqu’il y a un problème de

performance au sein d’un système, que l’on soit en entreprise, au niveau de l’État, d’une

région, ou d’un territoire notamment. Nous évoquons alors les problèmes de gouvernance ou

la « mauvaise » gouvernance, souvent sans réellement comprendre de quoi il s’agit. De même,

il est frappant de constater l’absence d’une définition commune vu le grand nombre d’études

et les avis souvent divergents, concernant ce domaine.

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D’une façon générale, les modes de gouvernance renvoient à l’attribution de pouvoirs aux

différents acteurs. On peut imaginer une multitude de cas allant de la délégation de pouvoirs

au seul secteur privé, à la prise de pouvoir par le secteur public jusqu’à la possibilité d’une

gestion commune par ces deux secteurs, sans pour autant oublier l’intervention d’un

organisme international. Tout cela requiert un fondement légal solide légitimant l’intervention

de l’un ou l’autre des acteurs.

Nous considérons que la gouvernance s’applique à un système quel qui soit. Par système nous

entendons l’idée d’organisation vue comme caractéristique fondamentale des phénomènes

organisés. Cette notion de système est mise en avant par Füssel (2005 et 2007) en tant que

composante principale du cadre d’évaluation du concept de vulnérabilité. Le cadre conceptuel

général de Füssel (2007) est fondé sur la distinction de quatre groupes fondamentaux de

facteurs comme suit : le système d’analyse, l’attribut(s), les dangers, et la référence

temporelle. Le système pourra, dans la suite de cet exposé, être une entreprise, un État, une

communauté, une région, ou un territoire, etc.

Par la suite, nous présenterons les deux modes de base de la gouvernance, notamment la

gouvernance d’entreprise et la gouvernance publique. Ensuite, nous évoquerons la

gouvernance territoriale. Nous conclurons par la proposition de notre propre définition du

concept de gouvernance d’un système.

1. La gouvernance d’entreprise

La gouvernance d’entreprise, connue sous le terme générique de Corporate Governance

(CG), est apparue au cours de la décennie 19801 pour se répandre, plus tard, dans la plupart

des économies développées (Valin et al., 2006, p. 38).

Cette gouvernance d’entreprise résulte de la nécessité de concilier plusieurs intérêts, souvent

antagonistes, au sein des entreprises, notamment ceux des actionnaires et des dirigeants. Bien

entendu, dans ce cas, le système en question est l’entreprise.

1 En politique, notamment sous les gouvernements de Margaret Thatcher en Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis.

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Les problèmes de la gouvernance d’entreprise résultent de la séparation entre la propriété et le

contrôle du capital, du pouvoir disproportionné de certains actionnaires, du contrôle sur les

actionnaires minoritaires, des salariés détenant des droits importants indépendamment de ceux

qui leur reviennent en leur qualité de détenteurs potentiels du capital (OCDE, 2004).

Afin de bien discerner les différentes approches de la notion de gouvernance d’entreprise,

nous allons : définir la gouvernance d’entreprise ; appréhender cette notion dans une

perspective d’agence ; préciser/expliciter les principes d’une « bonne » gouvernance

d’entreprise. Nous finirons par une explicitation de la notion de responsabilité sociale de

l’entreprise (RSE).

1.1. La définition de la gouvernance d’entreprise

La gouvernance d’entreprise se définit comme l’ensemble des « mécanismes organisationnels

qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants,

autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire »

(Charreaux, 1996). La définition standard de la gouvernance d’entreprise repose sur la

défense des intérêts des actionnaires. Des économistes classiques d’Adam Smith (1776) à

Berle et Means (1932) ont été préoccupés par la séparation de la propriété du contrôle qui est

à la base de la relation d’agence entre un « Principal » et un « Agent » magistralement

formalisée par Tirole (2001). Ainsi, alors que les actionnaires ont le « contrôle formel » sur de

nombreuses décisions, les gestionnaires ont souvent le « véritable contrôle ».

La gouvernance d’entreprise, encadrée par des Lois et des règles comptables, maintient, en

théorie, les intérêts des principales parties prenantes que sont les actionnaires majoritaires et

les dirigeants, ainsi que ceux des prêteurs (banques), des actionnaires minoritaires, des

salariés, des fournisseurs, des clients et des autres partenaires comme les conseils sous-

traitants et les Organisations Non Gouvernementales (ONG), etc.

En matière de gouvernance d’entreprise, il faut toutefois distinguer l’avant-Enron et l’après-

Enron. Le Sarbanes-Oxley Act (SOX)1 du 30 juillet 2002 est en effet la réponse législative

1 Promulguée aux États-Unis, cette loi aborde le rôle des auditeurs externes vis-à-vis de l’information financière communiquée par les sociétés américaines.

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fédérale au scandale Enron1 aux États-Unis. Par la suite, nous pouvons résumer les différentes

recommandations et réglementations en matière de gouvernance de quatre pays industrialisés

par le tableau ci-après.

Tableau 1 : Les réglementations de la gouvernance d’entreprise des pays industrialisés

Principaux initiateurs Textes de référence

États-Unis Les marchés financiers

American Law Institute: Principles of CG (1994).

Rapport Calpers (1999).

Rapport du Blue Ribbon Committee (1999).

Sarbanes-Oxley Act (2002).

Grande-Bretagne

Les marchés financiers

Rapport Cadbury (1992).

Rapport Greenbury (1995).

Combined Code (1998).

Rapport Turnbull (1999).

France Le patronat :

MEDEF /AFEP

Rapport Viénot I (1995).

Rapport AFG-ASFF I (1998).

Rapport Viénot II (1999).

Nouvelle Régulations Economique, NRE (2001).

Rapport Bouton (2002).

Allemagne Le gouvernement Loi KongTrag (1998).

Code de bonne conduite (2000).

Source : KPMG (2001)

1 Enron (1985-2001) était l’une des plus grandes entreprises américaines opérant dans le secteur de l’énergie. En janvier 2001, l’action d’Enron valait 83$ et devint un an plus tard 0,67$. Après une perte exceptionnelle d’un milliard de dollars, elle fit faillite en décembre 2001. La faillite d’Enron entraîna l’effondrement de son auditeur externe, le célèbre cabinet d’Arthur Andersen. Désormais, Enron est synonyme de l’une des plus grandes escroqueries mondiales réalisées au détriment des employés, des investisseurs et des petits actionnaires

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1.2. La gouvernance d’entreprise dans une perspective

d’agence

La gouvernance d’entreprise s’inscrit dans une perspective d’agence, c’est-à-dire un contrat

par lequel une ou plusieurs personnes (le Principal) engagent une autre personne (l’agent)

pour accomplir quelques services en leur nom, impliquant la délégation d’une partie de

l’autorité de prise de décision à l’agent. Partant des constats de l’incomplétude des contrats,

de l’asymétrie de l’information et de la divergence des intérêts, la relation d’agence est

problématique dans la mesure où l’agent est susceptible de tirer profit de ces situations au

détriment du Principal (Carassus et Gardes, 2005).

Au moment où l’entrepreneur-propriétaire décide de faire appel à un spécialiste, il y a

symétrie d’information entre lui et le manager-salarié. Pourtant, après avoir transmis la

direction de la firme au salarié, le capitaliste perd de l’information, alors que le manager

salarié en acquiert. Le manager salarié peut s’éloigner de l’objectif qui lui était assigné au

départ, i.e. la maximisation de la richesse de l’actionnaire, au profit de la maximisation de son

utilité personnelle (Grand et Verdalle, 2006, p. 17).

Cette gouvernance se traduit, en premier lieu, à travers les organes de gouvernance de chaque

organisation qui sont formées : des assemblées générales qui représentent les catégories des

parties prenantes et des organes d’administration et de direction qui prennent habituellement

la forme d’un conseil d’administration (CA).

Le développement des théories financières relatives à la gouvernance des grandes entreprises

cotées et, notamment, le développement de la théorie de l’agence, partent du postulat qu’à

l’inverse des autres salariés de l’organisation, les dirigeants qui se situent au centre du nœud

des contrats engageant son action, ne peuvent pas être aisément contrôlés par une instance à

laquelle ils rendraient compte, car l’asymétrie d’information entre le dirigeant et son conseil

d’administration est très forte. Le conseil d’administration n’aurait pas les moyens de vérifier

la véracité et la pertinence des informations fournies par son dirigeant. L’exemple typique est

la présentation des résultats annuels par le dirigeant.

Le problème de contrôle est donc lié à la délégation d’une partie de la responsabilité, qui

implique de contrôler ceux qui ont reçu cette délégation. Le contrôle a pour fonction de

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limiter les actes déviants de l’objectif de maximisation de la richesse des actionnaires dans un

contexte où le manager maîtrise l’information.

Selon la théorie de l’agence, les dirigeants sont les agents des actionnaires au sein des

entreprises. Ces derniers, en retour de leur investissement, sont rémunérés uniquement sur la

base des performances de l’entreprise. Lier une partie de la rémunération des dirigeants aux

performances est un moyen pour l’actionnaire de s’assurer que leurs intérêts convergent

(KPMG, 2001, p. 47).

Dans leur article fondateur de la Théorie Positive de l’Agence (TPA) appliquée aux

problèmes de gouvernance d’entreprise, Jensen et Meckling1 (1976) considèrent que la

relation d’agence naît de l’asymétrie d’information qui fait qu’un dirigeant peut entreprendre

des actions défavorables à ses actionnaires sans que ceux-ci ne s’en rendent compte. De ce

fait, la théorie de l’agence privilégie les mécanismes d’incitation ayant une incidence forte sur

la réduction du conflit d’intérêt entre les actionnaires et les dirigeants.

Compte tenu de la diversité des mandats qui parfois se chevauchent, il n’existe pas un modèle

unique de gouvernance d’entreprise. Néanmoins, certains principes de gouvernance valent

pour l’ensemble des modèles. Ces principes visent les politiques, les processus et les

structures utilisés par une organisation pour orienter et contrôler ses activités afin de réaliser

ses objectifs et protéger les intérêts des divers groupes.

1.3. Les principes de la gouvernance d’entreprise

Les principes de la gouvernance d’entreprise ont été approuvés en 1999 par les ministres des

pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et se sont,

depuis lors, imposés comme une référence à l’échelon international. Ces principes de

gouvernance d’entreprise (Encadré 1) ont pour objet d’aider les gouvernements des pays,

membres et non membres de l’OCDE, à évaluer et améliorer le cadre institutionnel organisant

à l’échelon national, et de formuler des orientations à l’intention des autorités boursières, des

investisseurs, des sociétés et des autres parties intervenant dans l’élaboration d’un régime

1 Considérés comme les pères fondateurs de la théorie positive de l’agence appliquée à la gouvernance des entreprises, ils sont les premiers à évoquer la relation entre l’audit externe et les mécanismes de gouvernance d’entreprise. On les mentionne comme étant pionniers dans ce domaine.

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efficace de gouvernance d’entreprise. Ils ont, par nature, un caractère évolutif et sont appelés

à être revus en fonction des changements significatifs du contexte général (OCDE, 2004).

Les principes de gouvernance d’entreprise visent principalement les sociétés faisant

publiquement appel à l’épargne, à vocation financière ou non financière. Cependant, ces

principes peuvent contribuer à améliorer la gouvernance d’entreprise d’autres catégories de

sociétés, par exemple des sociétés au capital social privé ou des entreprises publiques. Par

ailleurs, la gouvernance d’entreprise fait référence aux relations entre la direction d’une

entreprise, son conseil d’administration, ses actionnaires et d’autres parties prenantes. En

d’autres termes, ces principes couvrent le rôle et la composition des conseils d’administration

et des comités (e.g. d’audit, de rémunération et de nomination) pouvant émaner de ceux-ci.

En ce sens, la « bonne » gouvernance d’entreprise a essentiellement une valeur incitative qui

vise à contribuer à la capacité du conseil d’administration et de la direction de s’assurer que

les objectifs de l’entreprise sont conformes aux intérêts, souvent contradictoires, des

actionnaires ainsi que des autres parties prenantes comme les clients ou le personnel. Il s’agit

ainsi de vérifier si les systèmes de contrôle fonctionnent efficacement, si les conflits d’intérêts

potentiels sont gérés afin d’éviter de faire prévaloir des intérêts particuliers sur ceux de la

société.

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Encadré 1 : Les principes de base d’une « bonne » gouvernance d’entreprise

1. Mise en place des fondements d’un régime de gouvernance d’entreprise efficace

Concourir à la transparence et à l’efficience des marchés, être compatible avec l’État de droit

et clairement définir la répartition des compétences entre les instances chargées de la

surveillance, de la réglementation et de l’application des textes.

2. Droits des actionnaires et principales fonctions des détenteurs du capital

Protéger les droits des actionnaires et faciliter leur exercice.

3. Traitement équitable des actionnaires

Assurer un traitement équitable de tous les actionnaires, y compris les actionnaires

minoritaires et étrangers. Tout actionnaire doit avoir la possibilité d’obtenir la réparation

effective de toute violation de ses droits.

4. Rôle des différentes parties prenantes dans la gouvernance d’entreprise

Reconnaître les droits des différentes parties prenantes à la vie d’une société tels qu’ils sont

définis par le droit en vigueur ou par des accords mutuels, et encourager une coopération

active entre les sociétés et les différentes parties prenantes pour créer de la richesse et des

emplois et assurer la pérennité des entreprises financièrement saines.

5. Transparence et diffusion de l’information

Garantir la diffusion d’informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant

l’entreprise, notamment la situation financière, les résultats, l’actionnariat et la gouvernance

de cette entreprise.

6. Responsabilités du conseil d’administration

Assurer le pilotage stratégique de l’entreprise et la surveillance effective de la gestion par le

conseil d’administration, ainsi que la responsabilité et la loyauté du conseil d’administration

vis-à-vis de la société et de ses actionnaires.

Source : OCDE, 2004

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Depuis une dizaine d’années, des principes étendus sont mis en application dans la sphère

privée de manière plus ou moins efficace. Nous citons donc, à titre indicatif, les principes

suivants (Michel et al., 2009, p. 211-212) :

- Le principe de prévention : regroupe les actions visant à éliminer ou réduire les dommages

liés à la survenance d’un risque. Ce principe ne s’applique que dans les cas d’une certitude

scientifique, où une probabilité d’occurrence du risque est objectivement connue ou

acceptée. Cette probabilité objective d’occurrence d’un risque nous renvoie au fait que

l’incitation à la prévention nécessite une correction des biais cognitifs dans la perception

des risques. Nous reviendrons sur ce principe de prévention dans le troisième chapitre.

- Le principe de précaution : remettre en question l’utilisation d’un produit tant que l’on n’a

pas l’assurance qu’il ne présente pas de danger pour l’utilisateur ou le consommateur (ce

principe sera développé plus loin).

- Le principe de respect des Lois : s’engager sur ce principe permet l’intégration des Lois et

des règlements et leur mise en application dans l’organisation de l’entreprise. Le système

législatif permet le fonctionnement harmonieux d’une société et impacte fortement les

principes de prévention et de précaution.

- Le principe de responsabilité : développer au mieux la communication et la formation pour

que les différents acteurs à tous les niveaux aient conscience de leurs responsabilités.

- Le principe de transparence : donner accès à l’information. Ce principe consiste à donner

spontanément des informations d’intérêt général au public et de mener ainsi une politique

active d’information.

- Le principe de solidarité : participer à une cause commune est enrichissant et accepter le

fait que chacun ait droit et accès aux ressources naturelles et tout engager pour que nous

puissions utiliser ces ressources sans compromettre la pérennité pour les générations

futures. Économiser les ressources en eau et en électricité dans son entreprise relève aussi

de ce principe.

- Le principe de participation : implique la participation de tous les acteurs de la société

civile dans le cadre de la gouvernance et donc dans le processus de décision (démocratie

participative).

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- Le principe d’intégration : invite à engager une démarche globale et non sectorielle et

oblige à prendre en compte simultanément et de façon interactive les différentes

dimensions économiques, sociales, sociétales, environnementales de l’entreprise. Le

développement du système et son élargissement à d’autres champs que la qualité, la

sécurité et l’environnement doivent contribuer à répondre à ce principe.

- Le principe d’économie et de bonne gestion : vise à économiser les ressources non

renouvelables et à utiliser les techniques les plus propres possibles à un coût

économiquement acceptable.

Ces principes donnent l’impression d’une exhaustivité, mais, en réalité, ces derniers ne

suffisent plus, et des principes supplémentaires apparaissent comme les principes du

développement durable et de gestion des risques (e.g. ISO 31000). Toutefois, nous soulignons

le fait que la totalité de ces principes ne sont pas amplement respectés par les entreprises. Ces

principes sont suffisamment vagues pour pouvoir être interprétés et en partie, contradictoires,

d’autant qu’il n’y a pas d’obligation légale à les appliquer.

Selon Standards Association of Australia (SAA, 2005), la relation entre la gouvernance

d’entreprise, le management des risques et les mécanismes de contrôle réside dans le fait que

la gouvernance d’entreprise est le système guide qui oriente les activités d’une organisation

vers la réalisation de ses objectifs planifiés (attendus).

Il nous apparaît qu’à cet égard, le management des risques intervient dans chaque phase de

réalisation des objectifs de l’organisation avec les mécanismes de contrôles, notamment

l’indépendance des commissaires de surveillance (l’auditeur externe). Nous insisterons par

conséquent sur le fait que le management des risques constitue en cela un pilier de base pour

une « bonne » gouvernance d’entreprise.

1.4. La responsabilité sociale de l’entreprise

La direction d’une entreprise peut faire évoluer son mode de gouvernance par une approche

progressive de plus en plus participative, en s’appuyant sur une communication ciblée et

adaptée permettant d’associer les différentes parties prenantes. Cela nous mène au concept de

la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE).

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La RSE a pour finalité d’intégrer le développement durable dans le projet d’entreprise, pour

animer son activité, la contrôler et en rendre compte aux différentes parties prenantes, et tout

particulièrement aux actionnaires.

Selon l’OCDE, les principes directeurs de la RSE s’énoncent sous forme de normes de bonnes

pratiques conformes aux Lois applicables dans la sphère de l’activité de l’entreprise. Selon

Igalens et Joras (2002), les douze principes qui caractérisent le concept de la RSE s’énoncent

comme suit :

1. Le principe de défense des valeurs universelles : il trouve son origine dans la charte de

l’Union Européenne au cours de la signature du traité de Nice le 26 février 2001. Dans

son préambule sont résumées les valeurs universelles, fondatrices de l’Union. Ces valeurs

universelles sont les composantes d’une éthique universelle qui s’exprime par des

déclarations énonçant les valeurs partagées au sein d’une entreprise sous forme de

chartes.

2. Le principe de responsabilité globale : ce principe a été évoqué, en premier, dans

l’ouvrage de Hans Jonas (1987) qui a interpellé vigoureusement les décideurs sur les

retombées environnementales des activités des entités dont ils sont responsables.

3. Le principe d’amélioration continue : il consiste en un découplage entre la croissance des

activités et la croissance des utilisations de ressources ou des émissions de polluants.

4. Le principe d’obligation de précaution : il a été défini une première fois en droit français

dans l’article 1er de la Loi du 2 février 1995 dite Loi Barnier puis dans la Charte de

l’environnement (2004).

5. Le principe Pollueur/Payeur : il a été adopté en 1972 par l’OCDE selon l’idée que le

pollueur doit supporter « le coût des mesures de prévention et de lutte contre la

pollution », mesures qui sont « arrêtées par les Pouvoirs publics pour que

l’environnement soit dans un état acceptable ». Ce principe a été intégré dans le traité de

Maastricht (07/02/1992) dans son article 130R, et dans le Code de l’environnement

français, à partir de la Loi n° 95.101 du 02/02/1995 (dite Loi Barnier). Ce principe

devient d’autant plus contraignant qu’il est maintenant accentué par le principe

d’obligation de sécurité de résultat.

6. Le principe de rationalité : il exige qu’une entreprise prenne en compte toutes les

conséquences de ses activités, que ce soit en intégrant tous les risques encourus, c’est-à-

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dire subis ou à subir, et tous les dangers qu’elle fait courir, quelles que soient leurs

occurrences ou leurs gravités.

7. Le principe d’obligation de sécurité de résultat : il fut émis par l’arrêt du 27 février 2002

n° 00.11.793, de la chambre sociale de la Cour de cassation, à l’occasion des

dédommagements dus aux salariés de la société Eternit, victimes de l’amiante. Ce

principe résulte du constat suivant : « En vertu du contrat de travail, le liant à son salarié,

l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment

en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des

produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise (…) ; le manquement de cette obligation a

le caractère d’une faute inexcusable (…) lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir

conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures

nécessaires pour l’en préserver. ». Ce principe devrait inciter les entreprises à adhérer aux

normes sur l’Hygiène et la Sécurité.

8. Le principe d’engagement et de transparence : ce principe figure dans l’architecture de la

majorité des normes ISO (International Organization for Standardization, ISO

9000/2000, 14000, …) pour la mise en place de système de management. Ces normes

comportent comme préalable au processus l’engagement de la direction générale.

9. Le principe de subsidiarité : il a été spécifié dans les accords du traité de Maastricht

(1992) et est traduit par la formule devenue célèbre : « Penser globalement, agir

localement. ». Plus la décision est décentralisée, plus la gestion est efficace. Ce principe

est expliqué ainsi dans la déclaration de Rio (1992) : « Les populations et communautés

autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la gestion de

l’environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et leurs

pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs

intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement

à la réalisation d’un développement durable. ».

10. Le principe d’information, de consultation et de concertation : La directive

communautaire dite « Vilvorde » impose aux entreprises de plus de 50 personnes de

consulter leur personnel sur les décisions qui concernent : la situation économique,

l’évolution des activités, la structure de l’emploi, l’organisation du travail. L’article 27 de

la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, étend à l’ensemble des

travailleurs un droit à l’information et à la consultation. Ce principe a été traduit en

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France par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement dans sa

charte de la concertation (2001).

11. Le principe de participation : ce principe est apparu dans le Livre Vert en tant qu’une

demande de gestion intégrée. Cette intégration appelle la nécessité de participation. Tous

les citoyens doivent non seulement avoir accès à l’information sur l’état de

l’environnement, la situation économique et sociale mais encore profiter des

connaissances nouvelles, scientifiques et techniques. Cela nous renvoie au second

théorème du bien-être dont la portée pratique se heurte à des limites infranchissable.

12. Le principe de bonne gouvernance : il s’exprime par la mise en œuvre de systèmes de

management standard, dans le cadre d’une modélisation de la RSE.

Nous retenons de cette longue liste que la responsabilité des firmes peut être engagée vis-à-vis

de leurs clients (risque sanitaire et alimentaire, par exemple) ou de leurs salariés (risques

d’accident du travail ou risque professionnel, par exemple), ou encore vis-à-vis de la

collectivité dans son ensemble, voire vis-à-vis des générations futures (risques

environnementaux). En prévoyant des sanctions financières, l’objectif du législateur est

d’inciter les agents à mieux gérer le risque en adoptant un comportement préventif (Ferrari,

2011, p. 163).

Toutefois, il n’est pas évident d’assurer une gestion des risques par le seul secteur privé. Par

conséquent, d’autres possibilités de gestion des risques (management des risques) doivent être

testées pour aboutir à des coordinations équilibrées et efficaces.

2. La gouvernance publique

Si, dans la sphère publique, on conservait l’usage traditionnel de gouvernement ou de gestion

des affaires publiques, on a dû attendre Margaret Thatcher qui a relancé l’usage du terme

gouvernance pour la sphère publique dans le tournant des années 80. Ce gouvernement

conservateur britannique a déclenché des réformes visant le pouvoir des autorités locales,

qu’on jugeait inefficaces et coûteuses et qu’on a entrepris de recadrer à la faveur d’une double

stratégie (renforcement de la centralisation des pouvoirs et privatisation de certains services

publics).

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La gouvernance publique s’avère être un projet, essentiellement économique, de

réorganisation du champ de pouvoir des autorités et de coordination des organisations

décentralisées. Dans ce cas, le système concerné est au niveau de l’État ; les attributs, les

risques à gérer ainsi que les ressources mises à disposition sont prises en compte au niveau de

la nation. Cette analyse est inspirée du cadre conceptuel de Füssel (2007) qui est fondé sur la

distinction de quatre groupes fondamentaux de facteurs comme suit : le système d’analyse,

l’attribut(s), les dangers, et la référence temporelle.

Dès lors, les pays développés n’ont cessé d’expérimenter des réformes1 et des tentatives de

modernisation2 dans le but de renouveler l’image de leur secteur public. Le Planning

Programming Budgeting System (PPBS) aux États-Unis ou la Rationalisation des Choix

Budgétaires (RCB) en France sont deux exemples de programmes de modernisation

inachevés.

Quand il s’agit du secteur public, la notion de gouvernance s’inscrit dans une problématique

assez large d’efficacité et d’efficience de l’action publique, et concerne les rapports

enchevêtrés entre les gouvernants et les gouvernés. Bien qu’ayant une signification précise

pour les économistes, les termes « efficacité » et « efficience » sont souvent utilisées d’une

façon indistincte. D’une façon plus précise, l’efficacité est la mesure du rapport entre les

résultats atteints et les objectifs fixés. Quant à la notion d’efficience, elle se définit comme

suit : « Si deux solutions ont un coût identique, le critère d’efficience commande de choisir

celle qui permet de réaliser au mieux les objectifs poursuivis ; si deux solutions aboutissent au

même résultat, il faut choisir la moins coûteuse » (Simon, 1947, p. 109). En d’autres termes,

l’efficience c’est l’efficacité au meilleur coût. Par ailleurs, le terme efficience requiert une

signification dans l’analyse des décisions publiques rationnelles qui considère que le choix

public d’une allocation (une répartition entre les agents des biens disponibles dans

l’économie) se fait entre des allocations efficientes au sens de Pareto, pour des ressources

primaires et un ensemble de technologies disponibles (Kast et Lapied, 2002).

La compréhension de la notion de gouvernance publique nous incite à explorer

successivement : les définitions de la gouvernance publique et le rôle de l’État moderne et son

domaine d’action qui aborde, à son tour, le passage du gouvernement vers la gouvernance,

1 La réforme administrative est une affaire de long terme. 2 En Europe et après une quinzaine d’années d’échecs, on ne parle plus de la réforme de l’État, on parle plutôt de

la modernisation du secteur public.

Page 17: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

16

tout en passant par la gouvernementalité. Enfin, nous abordons l’évaluation de la gouvernance

par les organisations internationales.

2.1. Les définitions de la gouvernance publique

De nos jours, il n’y a pas de consensus sur une définition de la gouvernance publique,

pourtant nombreuses sont les organisations internationales qui se sont efforcées de préciser ce

concept. La gouvernance publique est comprise de diverses manières, traduisant généralement

les intérêts et les objectifs des organisations émettrices (Fabre et al., 2007).

Dans ce contexte, notons que le secteur public présente plusieurs avantages : le pouvoir de

redistribution de richesses et de coûts de la catastrophe sur une longue période et de le faire

sur la population, fondant sa démarche sur un « principe de solidarité nationale » ; la capacité

de diversifier des risques, la politique de subvention des primes d’assurance et l’obligation de

la Loi rendant une assurance obligatoire. Néanmoins, la prise en charge publique exclusive

présente certains inconvénients, notamment l’incompétence techniques, la difficulté

d’adaptation aux changements, la lourdeur de l’aspect réglementaire, la complexité des

procédures, la corruption dans des réseaux publics, etc. (Godard et al., 2002, p. 432-439).

Depuis que la « bonne » gouvernance s’est imposée comme pré requis pour bénéficier de

l’aide internationale, le « contenu » de la notion de gouvernance est devenu de plus en plus

clair (bien que pas forcément plus consensuel) et la volonté d’intégration des différentes

dimensions de la gouvernance dans les stratégies de coopération au développement augmente.

Il n’y a donc pas de définition consensuelle de la « gouvernance publique » appliquée à

l’analyse économique, celle-ci reste étroitement liée, à priori, à la démarche analytique que

l’on choisit de mettre en œuvre ; ce qui conduit plutôt à disposer d’une pluralité de définitions

situées dans des cadres conceptuels différents et qui de plus mobilisent fortement les champs

disciplinaires externes à l’économie.

Les différentes définitions explicitées par des organisations internationales pour la notion de

gouvernance publique sont présentées par l’encadré 2.

Page 18: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

17

Encadré 2: Une myriade de définitions de la gouvernance publique

1. Selon la Banque Mondiale

La gouvernance comporte des traditions et des institutions par lesquelles l’autorité dans

un pays est exercée. Cela inclut le processus par lequel les gouvernements sont choisis,

contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à élaborer et à appliquer d’une façon

efficace des politiques saines et le respect des citoyens et de l’État pour les institutions

régissant les interactions économiques et sociales entre eux.

2. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement

La gouvernance est l’exercice d’une autorité publique, économique et administrative dans

la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle repose sur les mécanismes,

processus et institutions complexes par le biais desquels les citoyens et les parties

prenantes articulent leurs intérêts, aplanissent leurs différences et exercent leurs

obligations et leurs droits reconnus par la loi. La gouvernance englobe mais aussi

transcende, le gouvernement ; elle s’applique à tous les acteurs concernés, y compris le

secteur privé et les organisations de la société civile.

3. Selon l’Organisation de Coopération et Développement Economique

La gouvernance est l’exercice de l’autorité politique, économique et administrative dans

le cadre de la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. La gouvernance est une

notion objective qui comprend les mécanismes, les processus, les relations et les

institutions complexes au moyen desquels les citoyens et les groupes articulent leurs

intérêts, exercent leurs droits et assument leurs obligations et auxquels ils s’adressent afin

de régler leurs différends.

4. Selon la Commission Européenne

La gouvernance désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur

l’exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de

l’ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l’efficacité et de la cohérence. En

dépit de son caractère large et ouvert, la gouvernance est un élément clé des politiques et

des réformes en faveur de la réduction de la pauvreté, de la démocratisation et de la

sécurité mondiale.

5. Selon le Fond Monétaire International

La gouvernance est une notion vaste qui couvre tous les aspects de la conduite des affaires

publiques, y compris les politiques économiques et le cadre réglementaire.

Source : Sites Web des organisations

Page 19: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

18

Par contre, nous soulignons le fait que la gouvernance publique implique une réorganisation

du pouvoir conduisant à de nouvelles formes de gestion publique où la responsabilisation, la

transparence et l’obligation de bons résultats primeraient dans les affaires publiques. De cette

façon, la gouvernance n’est pas une question liée simplement au gouvernement, mais

également à tous ceux qui participent à la prise de décision et sont influencés par ces

décisions.

Nous concluons que la gouvernance publique désigne l’interaction participative entre le

gouvernement et les citoyens, afin d’assurer une exploitation efficace des ressources et une

augmentation de la qualité des services offerts par l’État qui sous entend l’amélioration de la

qualité de vie des citoyens (le bien-être social).

Dans ces conditions, le terme de gouvernement, basé sur la centralité des pouvoirs et de

compétences, s’élargit pour s’inclure dans la gouvernance. Ce passage vers un nouveau

management publique est réalisé par d’une nouvelle rationalité politique, qui est la

gouvernementalité. Tous ces changements nous amènent à considérer le rôle de l’État

moderne et son domaine d’action.

2.2. Le rôle de l’État moderne et son domaine d’action

La notion d’État a pris des formes multiples au cours de l’Histoire. Selon Max Weber (1919)

« l’État est une entreprise politique à caractère institutionnel dont la direction administrative

revendique avec succès dans l’application de ses règlements le monopole de la contrainte

physique légitime sur un territoire donné ». En d’autres termes, l’État a le monopole de la

légitimité à faire respecter la Loi au moyen de l’armée, la justice et la police. Il a aussi le

monopole de l’impôt. Ce sont les principaux pouvoirs dits « régaliens ».

En Europe, l’État de justice du Moyen Âge et du droit divin, devenu aux XVe et XVIe siècles

État administratif, s’est trouvé petit à petit « gouvernementalisé ». Le philosophe Michel

Foucault (1978) a eu un rôle majeur dans le déplacement des théorisations de l’État en

s’écartant des débats sur sa nature et sa légitimité et en privilégiant la réflexion sur ses

pratiques. C’est ce qu’il nomme la gouvernementalité qui est un mode spécifique d’exercice

du pouvoir (Judith, 2002).

Page 20: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

19

Le rôle et l’importance de l’État dans l’économie se sont considérablement modifiés dans les

pays dits « développés ». Au XIXe siècle, on parlait d’État gendarme (État strict), dans la

mesure où la protection du territoire national et le respect des Lois en vigueur à l’intérieur du

territoire étaient les priorités. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, après la Seconde

Guerre Mondiale, i.e. les « Trente glorieuses, la recherche d’un plus grand bien-être collectif

et d’une meilleure protection contre les risques justifient l’appellation d’État-Providence.

Ainsi, le fordisme et les approches keynésiennes des politiques économiques vont permettre

une véritable explosion des dépenses sociales.

Par la suite, l’apparition de notions nouvelles comme la pertinence, l’efficacité, l’efficience, la

gouvernance ou encore le NPM dans le secteur public soulève plus qu’une question et facilite

le passage du gouvernement1 vers la gouvernance.

2.2.1. La gouvernementalité, une nouvelle rationalité

politique

À partir de 1978, Foucault analyse, dans son cours au Collège de France, la rupture qui s’est

produite entre la fin de XVIe siècle et le début du XVIIe siècle et qui marque le passage d’un

art de gouverner hérité du Moyen Âge, dont les principes reprennent les vertus morales

traditionnelles (sagesse, justice, respect de Dieu) et l’idéal de mesure (prudence, réflexion), à

un art de gouverner dont la rationalité a pour principe et champ d’application le

fonctionnement de l’État, la « gouvernementalité » rationnelle de l’État.

Foucault (1978) avance que « Par ce mot de gouvernementalité, je veux dire trois choses. Par

gouvernementalité, j’entends l’ensemble constitué par les institutions, les procédures,

analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien

spécifique, bien que complexe, de pouvoir, qui a pour cible principale la population, pour

forme majeure de savoir l’économie politique, pour instrument technique essentiel les

dispositifs de sécurité. Deuxièmement, par gouvernementalité, j’entends la tendance, la ligne

de force qui, dans tout l’Occident, n’a pas cessé de conduire, et depuis fort longtemps, vers la

prééminence de ce type de pouvoir que nous puissions appeler le « gouvernement » sur toutes

1 A l’opposé du terme « gouvernance », le terme « gouvernement » renvoie généralement à une approche institutionnelle.

Page 21: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

20

les autres souverainetés, discipline… Enfin par gouvernementalité, je crois qu’il faudrait

entendre le processus ou, plutôt, le résultat du processus par lequel l’État de justice du Moyen

Âge, devenu aux XVe et XVIe siècles État administratif, s’est trouvé petit à petit

gouvernementalisé ».

Foucault prolonge l’analyse de la gouvernementalité des autres par une analyse du

gouvernement de soi. Une transformation centrale dans la conception de l’exercice du pouvoir

a vu le jour. Il ne s’agit plus de conquérir et de posséder, mais de produire, de susciter,

d’organiser la population afin de lui permettre de développer toutes ses propriétés. Ainsi, la

référence à l’économie politique suscite un changement majeur dans la conception de la

puissance. Celle-ci ne provient plus de la domination par la guerre et de la capacité de

prélèvement fiscal sur les territoires dominés ; elle va désormais reposer sur la mise en valeur

des richesses par des activités structurées par l’autorité politique (Judith, 2002).

Foucault souligne ainsi l’importance des « procédures techniques », de « l’instrumentation »

en tant qu’activité centrale dans « l’art de gouverner ». Pour Michel Foucault, s’attacher à

l’étude de l’instrumentation dans la gouvernementalité c’est se donner les moyens de mieux

comprendre les modalités par lesquelles l’action publique s’efforce d’orienter les relations

entre la société politique (via l’exécutif administratif) et la société civile (via ses sujets

administrés), mais aussi entre les sujets eux-mêmes. La gouvernementalité moderne pose pour

la première fois le problème politique de la « population », en tant que l’objet construit par la

gestion politique globale de la vie des individus (biopolitique). Cette biopolitique implique

cependant non seulement une gestion de la population mais un contrôle des stratégies que les

individus, dans leur liberté, peuvent avoir par rapport à eux-mêmes et les uns par rapport aux

autres (Idem).

Envisager l’action publique sous l’angle de l’instrumentation permet de mieux caractériser les

styles (les modes) de gouvernement, autant que pour celle des transformations

contemporaines de l’action publique (expérimentation croissante de nouveaux instruments,

problèmes de coordination des instruments). Un instrument d’action publique peut être défini

comme un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques

entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des

significations dont il est porteur (Lascoumes, 2004).

Dans ce sens, cette notion de gouvernementalité établit le rapprochement entre la sphère

public avec la sphère privée (le marché entre outre) faisant en sorte qu’elles puissent

Page 22: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

21

s’interpénétrer, et s’incarner beaucoup plus dans l’action publique que dans l’action privée

(Lascoumes, 2004).

En ce qui nous concerne, ce concept de gouvernementalité fait appel à la fois à la notion de

gouvernement et la gouvernance. Le glissement de la gouvernementalité à partir du

gouvernement est lié aux évolutions économiques, sociales, sociétales et environnementales.

Ce concept de gouvernementalité concrétise l’évolution du mode de penser de gouvernement.

C’est une forme d’action organisée qui cherche à tempérer l’ampleur du pouvoir, eu égard à la

souveraineté de l’État par la rationalité locale des acteurs concernés, y compris ceux

appartenant à la sphère privée.

Le terme « gouvernance » commence à prendre distance en s’autonomisant vis-à-vis de la

notion de « gouvernement ». C’est pourquoi la référence au concept de gouvernementalité du

philosophe Michel Foucault est intéressante à cet égard puisqu’elle établisse un lien et une

distinction.

Les enseignements que nous tirons du concept de gouvernementalité nous rappellent que la

gouvernance tient compte de la centralité du gouvernement ainsi que des autres mécanismes

alternatifs, certes complexes, entre les différents groupes sociaux pertinents afin de rendre

possible son action. Nous retiendrons donc que cela pourrait expliquer la décentralisation

étatique, les partenariats publics-publics et les partenariats publics-privés (désormais PPP) qui

ont vu le jour dans un contexte de défaillance tant des états que des marchés (par exemple

financiers). L’on parle dans ces conditions de la nouvelle gestion publique, connue par sa

traduction du « New public management ».

2.2.2. Le New Public Management et ses principes

Le courant du NPM s’inspire essentiellement des réformes de l’État dans certains pays anglo-

saxons, comme le Royaume-Unis ou la Nouvelle-Zélande. Supposé répondre aux besoins

actuels de la réforme des organisations publiques, le NPM repose sur la prise en compte des

marchés dans l’action publique et s’appuie souvent sur des démarches de privatisation1, ou

1 La privatisation est un processus qui conduit à la gestion des biens publics comme des biens privés, sans nécessairement aboutir à leur appropriation.

Page 23: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

22

d’externalisation d’une partie des activités du secteur public, par la création d’agences ou

d’établissements publics autonomes (Bartoli, 2005, p. 371).

Dès le début des années 1980, les pays de l’OCDE ont été confrontés à une crise financière

caractérisée par un important déficit public et un endettement élevé. Pour mieux répondre aux

attentes des citoyens (qui sont aussi des usagers, des contribuables, des bénéficiaires et des

électeurs) et dans le but d’encadrer, de rationaliser voire de réduire les coûts, des solutions ont

été envisagées en termes de management. Par la suite, les méthodes de management1 ,

traditionnellement employées dans le secteur privé se sont peu à peu répandues dans le

secteur public de nombreux pays, constituant le courant du Nouveau Management Public

(NPM), appelé aussi la Nouvelle Gestion Publique (NGP) (Amar et Berthier, 2007). Cette

forme de gouvernance publique a été qualifiée de « gouvernement tierce partie » ou de «

gouvernement par procuration », de « gouvernance participative » ou de « gouvernance

interactive » (Conseil Economique et Social du Nations Unies, 2011). Dans le domaine du

management des organisations publiques, deux courants d’administration doivent être

mentionnés : il s’agit du modèle avancé par Max Weber2 et celui, plus récent, du NPM. Le

tableau 2 indique les principales différences entre une administration de type wébérienne et

une autre basée sur le NPM.

Tableau 2 : La comparaison des administrations de types Wébérienne et NPM

Administration Wébérienne Administration NPM Objectifs Respect des procédures Atteindre les résultats Organisation Centralisée Décentralisée Partage des responsabilités Confus Clair Exécution des tâches Division, spécialisation Autonomie Recrutement Concours Contrats Promotion Avancement à l’ancienneté Avancement au mérite Contrôle Indicateurs de suivi Indicateurs de performance Type de budget Axé sur les moyens Axé sur les objectifs

Source : Amar et Berthier (2007)

1 Le management, issu du français « ménagement », correspond à l’ensemble des techniques de direction, d’organisation et de gestion d’une entité afin qu’elle atteigne ses objectifs. Le management n’est pas à proprement parler une théorie mais plutôt une pratique regroupant un ensemble de savoir-faire techniques et relationnels (Alécian et Foucher, 2002). Le mot moderne correspondant est : « Gestion ».

2 Max Weber peut être considéré comme l’un des premiers théoriciens du management public, même si l’expression n’était pas utilisée à l’époque (Laufer et Paradeise, 1982).

Page 24: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

23

À la lecture de ce tableau, la bureaucratie Wébérienne semble manquer de souplesse et de

flexibilité. À l’opposée, la conception décentralisée issue du NPM permet aux structures de

gagner une autonomie prépondérante. Dans un schéma wébérien, les fonctions politique et

administrative apparaissent le plus souvent interdépendantes (la décision du politicien ne peut

être prise sans les capacités d’expertise des fonctionnaires). Toutefois, le passage à un modèle

d’administration basé sur le NPM autorise une meilleure séparation des deux domaines (les

Pouvoirs publics fixent les objectifs alors que les fonctionnaires doivent les atteindre) (Idem).

La bureaucratie Wébérienne, en se basant sur le respect des procédures administratives, se

montre incapable d’accompagner le changement opéré dans l’environnement économique,

marqué par la mondialisation des échanges, la globalisation financière et les mutations

technologiques, etc.

Dans le secteur public c’est la théorie du choix public, et non pas la théorie de l’agence, qui

symbolise les relations entre les acteurs concernés comme le souligne bien Gary Giroux

(2004, p. 204) « A major point of public choice is the observation that each individual has

unique incentives and strives to maximize his/her utility, even when involving society-wide

decisions. Thus, public choice models are similar to agency theory except the focus is on non-

market decision making ». Le NMP au travers de la théorie du « Public choice » intègre

l’hypothèse de l’efficience (économique) dans la gestion des affaires publiques et favorise de

fait les instruments de gouvernance comme le PPP (Jebbour, 2012).

Finalement, créé pour faire face aux critiques et aux besoins de rationalisation du secteur

public, le NPM tend à s’imposer comme maître-mot dans les discours du monde politique qui,

à son tour, se donne pour mission d’adopter et d’appliquer les méthodes de gestion de la

performance sociale du secteur marchand, jugés supérieurs, à celui des services publics. De ce

fait, le NPM introduit une démarche de performance dans les services de l’État en passant

d’une logique de moyens à une logique de résultats.

Nous retenons ainsi six grands principes tirés de Varone et Bonvin (2004) pour présenter la

notion du NPM :

1. Séparer la prise de décision stratégique, qui relève du pouvoir politique, de la gestion

opérationnelle, qui est de la responsabilité de l’administration.

2. Orienter les activités administratives en fonction des produits à fournir, en matière

d’affectation de ressources notamment.

Page 25: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

24

3. Réduire la hiérarchie, amincir les bureaucraties, décentraliser certaines tâches

administratives et déléguer la gestion au niveau le plus bas. Les employés cessent d’être

des fonctionnaires statutaires, ils sont rémunérés au mérite plutôt qu’à l’ancienneté.

4. Introduire des mécanismes de type marché dans la production de biens et services d’intérêt

général.

5. Créer de la transparence sur la qualité et les coûts des prestations administratives.

6. Orienter les prestations administratives vers les besoins des usagers en les impliquant dans

la définition et l’évaluation des prestations à fournir.

Le NPM est pluridisciplinaire, touchant à la fois plusieurs fonctions : stratégie, finance,

marketing et ressources humaines.

Toutefois, les résultats du NPM doivent être observés avec un certain recul. En effet, dans

l’ensemble des pays l’ayant adopté, malgré certains succès, l’on ne peut pas parler pour autant

de réussite totale (par exemple, les dysfonctionnements constatés des services de transports

anglais depuis leur privatisation). Ce succès relatif du NPM peut provenir des

dysfonctionnements liés à son application.

Il est clair que la « bonne » gouvernance publique est un facteur clé de succès pour tout

programme de développement. Par contre, elle pose plusieurs interrogations, notamment sur

la possibilité de sa transposition dans des pays en développement et sur la possibilité de suivi

des plans sur le LT.

D’après ce qui précède, nous retenons que le NPM n’est pas un outil miracle pour améliorer

l’efficience du secteur public. D’ailleurs, l’introduction dans le secteur public des outils de

gestion issus du secteur privé ne doit pas être toujours exprimée avec une connotation

positive. Il n’y a aucune preuve factuelle que ce déplacement constitue une amélioration de

quelque manière que ce soit du secteur public, alors que les preuves du contraire sont

nombreuses. Citons, à titre d’exemple, les catastrophes ferroviaires en Grande-Bretagne

accompagnant la privatisation du réseau ferré. Les méthodes de management du secteur privé

ne sont pas toujours infaillibles (Enron, Worldcom, Parmalat, etc.). Par la suite, il importe

d’améliorer l’adaptabilité des méthodes en provenance du secteur privé. Cela exige du temps,

des moyens, et des compétences.

Page 26: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

25

2.2.3. Le domaine d’action de l’État moderne

D’une façon générale, la gouvernance exige une approche globale des objectifs et des

méthodes, l’un de ses objectifs les plus importants est la modernisation1 de l’administration

publique et la vérification de l’existence des indicateurs de la qualité de vie des citoyens

comme l’éducation et la santé qui sont des coûts pour l’État considérés comme des

investissements à LT.

Tout d’abord, une distinction est à faire entre ces trois notions de « secteur public »2, « service

public »3 et « fonction publique »4 (Bartoli, 2005, p. 52). Compte tenu de l’hétérogénéité des

entités concernées, nous proposons dans la suite de notre travail l’adoption de l’expression

« organisations publiques » qui permet d’ouvrir la réflexion sur l’ensemble des organisations

de la sphère publique, quels que soient leurs statuts et structures et permet, aussi, de

développer un regard sur le fonctionnement des unités en évitant la confusion avec l’approche

« macro » concernant le rôle de l’administration toute entière (Ibid., p. 59).

De nouvelles conceptions redéfinissant les domaines d’action de l’État moderne dans le

domaine de l’éducation, de la recherche et du financement des grands projets d’infrastructures

sont apparues.

Parmi celles-ci, notons les théories de la croissance endogène développées par Romer (1986),

Lucas (1988) et Barro (1990) qui montrent les effets bénéfiques de l’intervention de l’État sur

l’ensemble de l’économie, y compris le secteur privé. Plus spécifiquement, Barro (1990)

aborde la notion d’externalités positives qui signifient qu’une partie des dépenses publiques

donnent naissance à des économies d’échelle. Il montre que l’investissement public

d’infrastructures engendre un double effet : une multiplication de la dépense initiale (l’effet

multiplicateur) et un accroissement de capacité (l’effet accélérateur). S’y ajoute un effet dit

externe positif venant d’une productivité accrue en raison de multiples facteurs allant du gain

de temps liés à l’amélioration des réseaux de transport aux diminutions des coûts provoquée

par des techniques de production plus efficientes. De même, Musgrave (1959) précise les

domaines d’action des Pouvoirs publics. Il définit les trois fonctions suivantes : l’allocation

1 La modernisation se définit par la réduction des obstacles au progrès. 2 La notion de « secteur public » renvoie à une dimension structurelle. 3 La notion de « service public » renvoie à une dimension politico-culturelle 4 La notion de « fonction publique » renvoie à une dimension juridique.

Page 27: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

26

(ou l’affectation) des ressources, la stabilisation de l’économie et les répartitions primaires des

revenus et de la richesse nationale.

Pour définir le champ du « public », plusieurs critères sont possibles. On peut citer, après A.

Bartoli (2005, p. 51) :

- L’existence de statuts juridiques spécifiques soit pour la structure soit pour le personnel.

- La réalisation de missions d’intérêt général.

- Le caractère non marchand et/ou non concurrentiel des activités.

- La propriété du capital et/ou des biens par l’État.

- L’exercice d’un contrôle par l’État, générateur de contraintes spécifiques.

- La vocation non lucrative de l’organisation.

L’action publique ne répond pas aux mêmes besoins que le secteur privé et certains auteurs

ont rejeté l’idée même de comparer les méthodes de gouvernance publique aux méthodes de

la corporate governance. Par la suite, qu’il s’agisse d’efficacité, d’efficience, de qualité ou de

valeur ajoutée1, nous considérons que la question de la performance dans le secteur public

repose sur la nécessité de lever certaines ambigüités et d’éviter les transpositions pures et

simples en provenance du secteur privé (Bartoli, 2005, p. 128).

2.3. L’évaluation de la gouvernance par les organisations

internationales

L’évaluation de la gouvernance des pays du monde par des organisations internationales a

acquis depuis de nombreuses années une importance prépondérante. L’explication pourrait

être qu’il s’agit du seul moyen d’avoir des informations sur les actions des pays que ces

organisations financent.

1 La notion de valeur ajoutée constitue traditionnellement un indicateur central de création de richesse, tant dans l’analyse micro-économique que dans les théories macro-économiques.

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27

Toutefois, une mesure de la gouvernance représente dans ce cas un véritable défi dû à la

difficulté de cerner un concept assez large. En fait, trois raisons justifient l’essai de mesure de

la gouvernance d’un pays (Fabre et al., 2007) :

1. Le premier motif consiste à fournir une référence aux investisseurs étrangers. La qualité de

la gouvernance est un gage de stabilité des marchés financiers et un critère déterminant

pour les investisseurs étrangers dans la sélection des pays.

2. Le second motif est en relation avec les politiques de coopération au développement. La

gouvernance est un garant de l’efficacité de l’aide pour la plupart des bailleurs de fonds qui

fixent des objectifs précis, en tant qu’incitation à la réorganisation, qui doivent être atteints

par les pays bénéficiaires.

3. Le troisième motif consiste à accorder un indicateur d’évaluation de la gouvernance. Les

indicateurs de gouvernance peuvent servir de guide aux pays en développement soucieux

d’une bonne mise en place, d’un suivi et de l’auto évaluation de leurs réformes.

D’une façon générale, les traits d’une bonne gouvernance se présentent comme suit :

l’existence d’un État de droit, la démocratie, l’exigence de la transparence et de la

responsabilité dans les divers aspects de la vie publique et privée, une gestion participative et

l’existence d’un système décentralisé de la prise de décision, une gestion efficace des

ressources publiques, un cadre macro-économique sain, incitateur et favorable à la libre

entreprise et à l’économie de marché et la lutte contre la corruption.

Certains organismes internationaux, comme la Banque Mondiale, l’OCDE et les Nations

Unies proposent un ensemble d’indicateurs pour mesurer la gouvernance d’un pays.

2.3.1. Les indicateurs de la Banque Mondiale

La Banque Mondiale assume un rôle pionnier dans ce domaine, notamment à travers deux

documents : Governance and development (1992) et Governance : the world bank perspective

(1994). Les deux économistes Kaufmann1 and Krayy2 mettent à jour la version du World

1 Daniel Kaufmann, Directeur du programme gouvernance mondiale à l’Institut de la Banque Mondiale. 2 Aart Kraay, Économiste principal dans le Groupe de recherche de la Banque Mondiale.

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28

Governance Indicators (WGI)1 pour mesurer et analyser la gouvernance d’un pays et sa

progression en prenant comme point de départ la fin des années 90 pour les appliquer.

Ainsi, l’encadré ci-après définit les six indicateurs de gouvernance d’après la Banque

Mondiale : Voice and Accountability (VA), Political Stability and absence of violence (PS),

Government Effectiveness (GE), Regulatory Quality (RQ), Rule of Law (RL), Control of

Corruption (CC). De plus, le tableau ci-après présente les valeurs accordées en 2010 par la

Banque Mondiale pour les indicateurs de gouvernance des différents pays de l’OCDE (échelle

allant de -2,5 à +2,5).

1 Les critères utilisés pour calculer les indicateurs sont apportés de 31 sources différentes, comme : Asian Development Bank (ASD), United Nations Economic Commission for Africa (AGI), European Bank for Reconstruction and Development (EBR), Global E-Government (EGV), Institute for Management Development (WCY) et autres.

Page 30: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

29

Encadré 3: Les six indicateurs de gouvernance d’après la Banque Mondiale

1. L’expression et la responsabilisation (Voice and Accountability – VA)

Cet indicateur inclut la liberté individuelle et la liberté de la presse. Il mesure la liberté

des citoyens dans le choix de leur gouvernement, et la liberté d’exprimer et de se relier,

ainsi que le degré de la transparence.

2. La stabilité politique et la violence (Political Stability and absence of violence – PS)

Cet indicateur mesure la possibilité d’un gouvernement d’être endommagé par la

violence. Il embrasse des critères différents mis par la Banque Mondiale telle que les

protestations violentes, les conflits armés, les troubles sociaux, et les tensions

internationales.

3. L’efficacité du gouvernement (Government Effectiveness – GE)

Cette dimension englobe la qualité des processus d’élaboration des politiques et de leur

application. Aussi, elle évalue la qualité des services publics offerts aux citoyens et la

liberté de l’administration à faire des interventions politiques.

4. La qualité de la réglementation (Regulatory Quality – RQ)

La qualité de la réglementation évalue l’ampleur de la relation entre le développement

du secteur privé et les politiques gouvernementales. D’après la Banque Mondiale, c’est

la capacité du gouvernement à formuler et rendre effectif des politiques saines et des

règlements qui permis et encourage le développement du secteur privé.

5. La primauté du droit ( Rule of Law – RL)

Cet indicateur, appelé aussi État de droit, mesure le degré de la confiance donné aux

tribunaux et aux autorités de surveillance et de protection, aussi bien que le degré de

mise en application des règlements. La primauté du droit signifie que tous les

personnes sont au dessous du droit, et elle organise les relations entre les citoyens, entre

les citoyens et l’État et entre les institutions gouvernementales.

6. La lutte contre la corruption (Control of Corruption – CC)

Cet indicateur mesure l’ampleur à laquelle les fonctionnaires publics sont impliqués

dans des actions corrompus et malhonnêtes comme les pots-de-vin. Il mesure aussi le

degré d’intervention et d’influence du secteur privé sur l’administration publique.

Source : Kaufmann et al. (2010)

Page 31: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

30

2.3.2. Les indicateurs de l’OCDE

L’OCDE (1995) utilise dans ses travaux quatre indicateurs pour expliciter la notion de

gouvernance. Ces indicateurs sont : l’existence d’un État de droit, la gestion du secteur public,

le contrôle la corruption et la diminution des dépenses militaires.

2.3.3. Les indicateurs des Nations Unies

Les travaux des Nations Unies intègrent neufs indicateurs de gouvernance (UNDP, 1997) : la

participation des citoyens, la primauté du droit, la transparence, la satisfaction des citoyens, la

concordance des intérêts, l’égalité surtout pour les opportunités, l’efficacité, l’existence d’un

système de punition et de comptabilité et la vision stratégique pour favoriser la croissance de

la société.

Toutefois, certains trouvent que les démarches d’évaluation de la gouvernance présentent

plusieurs inconvénients qui sont : la lourdeur de la procédure, la lenteur des études, le

désintérêt des politiciens, l’inefficacité des mesures conseillées, le manque de formalisation

des méthodes utilisées et le coût excessif. Ajoutons le fait que le champ d’application est très

varié faisant intervenir des professionnels d’horizon divers, ce qui complique parfois la

visibilité de cette pratique.

Pour la suite, nous allons évoquer un troisième mode de gouvernance, i.e. la gouvernance

territoriale. Ce troisième mode de gouvernance est une dérivée de la gouvernance d’un

système que nous considérons comme la base duquel tous les autres types (ou modes) de

gouvernance se dérivent.

3. La gouvernance territoriale

Considérée comme un contexte favorable à l’innovation sociétale et au dynamisme de

développement durable, la gouvernance territoriale s’impose en tant que construit social

Page 32: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

31

pluridimensionnel. Dans ce sens, le territoire peut se définir comme un produit des pratiques

et des représentations des agents (Pecqueur et Zimmermann, 2002). Il est assimilé à un

système dynamique complexe.

Néanmoins, Leloup, Moyart et Pecqueur (2005) ont signalé que le point de rencontre des

différentes approches de la gouvernance territoriale réside dans la prise en considération de

l’élargissement du champ des acteurs impliqués, de l’interdépendance des acteurs et des

organisations tant privées que publiques dans le processus de prise de décision et de l’action

des divers niveaux de pouvoir, tant infra-national que trans-national ou supra-national.

Dans le cadre de la gouvernance territoriale, nous allons présenter, d’une façon concise, la

définition de la gouvernance territoriale, les modes de coordination dans un territoire et les

traits d’une « bonne » gouvernance territoriale.

3.1. La définition de la gouvernance territoriale

Notons en premier lieu que la notion de territoire renferme trois dimensions différentes mais

complémentaires :

- Une dimension identitaire, caractérisée par son nom, ses limites, son histoire et son

patrimoine, et par la manière dont les groupes sociaux qui l’habitent se le représentent, se

l’approprient et le font exister au regard des autres.

- Une dimension matérielle qui conçoit le territoire comme un espace doté de propriétés

naturelles ou matérielles qui sont caractérisées par leurs structures et leurs dynamiques

temporelles et spatiales.

- Une dimension organisationnelle dans laquelle le territoire est une entité dotée d’une

organisation d’acteurs sociaux et institutionnels.

Ainsi, Laganier, Villalba et Zuindeau (2002) trouvent que cette approche géographique du

territoire rejoint la lecture économique du territoire, plus impliquée sur les dimensions

matérielles et fonctionnelles du territoire.

Page 33: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

32

Prenons l’exemple d’un territoire Méditerranéen constitué par des pays comme l’Égypte, le

territoire Palestinien, le Liban, la Syrie et la Turquie sont exposés au risque sismique. Quant à

l’Algérie, la Tunisie, la Lybie et l’Égypte, ils sont exposés au risque d’extension du climat

désertique. D’autres pays méditerranéens comme la France (le Sud), l’Italie, l’Espagne et la

Grèce forment des territoires menacés par le risque d’inondation dans les zones urbaines ainsi

que par le risque sismique.

Le territoire une fois défini développe sa propre identité, sa propre histoire, sa propre

dynamique différenciée des autres espaces et devient un acteur du système global. Leloup,

Moyart et Pecqueur (2005) considèrent que l’évolution du territoire dépend notamment des

échanges qu’il entretient avec les autres acteurs du système, national et international. Reste à

signaler l’importance de l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la

Communication (N.TIC), perçue par Mucchielli (2002) comme étant une vraie problématique

organisationnelle qui touche aux réflexions de la communication interne. Dans cette

perspective, un territoire peut être lui-même divisé en plusieurs sous territoires, soit par le

type d’État, de culture, de proximité, de civilisation, etc.

Notons que le terme « territoire » peut désigner le territoire national d’un pays, sur lequel

l’État (par son administration centrale) exerce sa souveraineté. Cependant et sous l’effet de la

décentralisation, ce terme peut désigner aussi, les services décentralisés de l’État, comme les

préfectures de région, ou les conseils régionaux (Goux-Baudiment, 2000). Il peut aussi être

transnational, souvent translinguistique, etc. Le système est défini par un choix de caractères

propres : géologiques, culturels, concernés par un même danger.

D’une façon générale, la notion de gouvernance territoriale renvoie aux nouveaux modes

d’organisation, de coordination et de gestion du territoire et correspond à l’implication

grandissante des acteurs publics et privés dans la dynamique de développement d’un territoire

donné.

3.2. Les modes de coordination dans un territoire

La bonne gestion d’un territoire donné incite des groupes d’intérêts divers (entreprises, société

civile, associations professionnelles, ONG, organisations syndicales, élus…) dont les objectifs

peuvent être différents, voire contradictoires, à contribuer, chacun à sa façon, à la production

Page 34: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

33

de facteurs de développement de ce territoire. La gouvernance territoriale exige, en premier

lieu, de dépasser la vision administrative du territoire et de l’appréhender comme un construit

social.

Les enjeux, à la fois sociaux, économiques et environnementaux, posés par le développement

durable, sont tels qu’ils dépassent les capacités d’un État quelconque, à agir seul sans associer

les citoyens. D’où l’idée d’un « co-management » entre les décideurs publics et la population

pour administrer ce qui constitue des systèmes socio écologiques de plus en plus complexes,

comme explicité par Brondizio, Ostrom et Young (2009).

Le territoire en tant que construit social, économique et spatial appelle une organisation

particulière selon le type d’acteurs qui la domine. Dans ce sens, Leloup, Moyart et Pecqueur

(2005) ont distingué trois types de coordination : une coordination privée où l’acteur

dominant est une organisation privée, une coordination institutionnelle ou publique et, une

coordination mixte qui est une articulation des deux précédentes.

Dans la réalité, les modes de coordination des activités privées ou publiques sont rarement

rencontrés car ils sont, le plus souvent, limités à une interaction entre ces acteurs hétérogènes.

Cette interaction est rendue nécessaire par le fait qu’aucun acteur, public ou privé, ne dispose

seul des connaissances et des moyens et des compétences nécessaires pour résoudre les

problèmes territoriaux. On parlera alors de gouvernance mixte ou partenariale (Leloup,

Moyart et Pecqueur, 2005).

3.3. Les traits d’une « bonne » gouvernance territoriale

La gouvernance territoriale apparaît comme un enjeu pour les trois piliers du développement

durable (l’économie, le social, l’environnement) ce qui fait que la notion de gouvernance

territoriale est souvent reliée à celle de développement durable.

Comme pour d’autres modes de gouvernance (privée, publique, etc.), il n’existe pas de

consensus sur la définition d’une bonne gouvernance territoriale en adéquation avec le

caractère durable de ce territoire. Toutefois, un ensemble de traits valent pour l’ensemble des

modèles afin d’assurer une gouvernance saine, connue sous le terme générique de « bonne »

gouvernance territoriale.

Page 35: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

34

L’une des premières démarches à entreprendre lors de l’élaboration d’une stratégie de

gouvernance territoriale est le recensement des éléments principaux de l’infrastructure du

territoire afin d’évaluer le niveau de sécurité actuel. Le recensement doit inclure les usines, les

digues, les réservoirs d’essence et d’eau, les ponts, les pipelines, les bâtiments publics et

privés fréquentés par un grand nombre de personnes (les municipalités, les établissements

touristiques et les ministères). Il faut également tenir compte des réseaux de transport et de

communication et, enfin, des sites archéologiques.

La notion de « développement durable » a émergé dans les années 1970 avec la préoccupation

internationale de l’environnement. L’expression de « développement durable » est apparue

formellement, en 1980, dans un rapport produit conjointement par le PNUE1, l’UICN 2 et le

WWF3 intitulé « La stratégie de la conservation mondiale ». Le développement durable, ou

soutenable, « c’est s’efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la

capacité des générations futures à répondre aux leurs »4. L’importance de cette définition

revient au fait qu’elle associe officiellement environnement et développement en mettant

l’accent sur l’équité intergénérationnelle.

Lors de la conférence de Rio de 1992, le « Sommet de la Terre », le concept de

développement durable est définitivement entré dans le vocabulaire international et s’est

imposé comme une catégorie de base pour toute politique de coopération planétaire. Le

développement durable se définit comme la mise en œuvre de politiques économiques

efficaces qui soient en même temps socialement équitables et écologiquement viables. Brunel

(2009) résume cette logique par l’idée qu’une action s’inscrit dans le développement durable

quand elle parvient à concilier les 3 « E » : Economie, Equité, Environnement.

En somme, nous soulignons que la multitude des acteurs impliquée dans un projet territorial

et la complexité des interactions entre ces différentes parties impliquent une nécessité

d’adopter des approches novatrices de gestion et de mises en applications des stratégies

territoriales.

1 Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) est l’institution principale des Nations Unies dans le domaine de l’environnement. Sa mission consiste à améliorer la gouvernance de l’environnement mondial.

2 L’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) est une organisation non gouvernementale (ONG) internationale dotée de la conservation de la diversité de la nature tout en assurant une utilisation durable et équitable des ressources naturelles.

3 Initialement dénommée World Wildlife Fund, le World Wide Fund for nature (WWF) est une organisation non gouvernementale (ONG) internationale de protection de la nature et de l’environnement.

4 Du rapport de Brundtland, de 1987 qui a jeté les prémices officielles du sustainable development. La commission Brundtland, établie dans le cadre de « Stockholm plus 10 », a vu le jour en 1984 sous l’égide de l’ONU et la présidence du premier ministre norvégienne de l’environnement, Gro Harlem Brundtland.

Page 36: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

35

Par la suite, nous indiquons que les modes de gouvernance sont très nombreux, et la liste ne

cesse de s’agrandir. Citons quelques uns, à titre d’exemple, la gouvernance d’entreprise, la

gouvernance publique, la gouvernance territoriale, la gouvernance urbaine, la gouvernance

fiscale, la gouvernance forestière, la gouvernance informatique, la gouvernance adaptative,

etc. Cette liste d’exemples de modes de gouvernance reflète la nature polysémique du terme

« gouvernance » qui est utilisé à des niveaux très différents et portant sur des objets de nature

diverse. Chaque mode de gouvernance a ses propres objectifs et ses formes spécifiques

d’autorité et de légitimité.

Conclusion

Ce papier intitulé « un essai de définition du concept de gouvernance » retrace, par ses trois

sections « La gouvernance d’entreprise » et « La gouvernance publique », et « La

gouvernance territoriale », les origines, le sens, et les enjeux de ce concept.

Dans ce sens, Michel Foucault a eu un rôle majeur dans le déplacement des théorisations de

l’État en s’écartant des débats sur sa nature et sa légitimité et en privilégiant la réflexion sur

ses pratiques. C’est ce qu’il nomme la gouvernementalité qui est un mode spécifique

d’exercice du pouvoir. Ainsi après avoir défini la gouvernementalité en termes d’action

organisée au travers des notions d’instrumentation, de coordination, de régulation et de

régularité locale, nous avons présenté le courant du NPM et le rôle de l’État moderne.

Cela a commencé aux États-Unis avec les scandales financiers de plusieurs grandes firmes, on

parle alors de « gouvernance d’entreprise ». Par la suite, ce sont les institutions

internationales, notamment la Banque Mondiale et le FMI, qui se sont intéressées au sujet

dans le cadre de leurs programmes d’aide au développement, on parle alors de gouvernance

publique.

Toutefois, il n’existe pas de définition stricte et définitive du concept de gouvernance. Selon

le domaine d’étude ou les organismes s’intéressant au sujet, les définitions varient. Qu’il

s’agisse de la relation entre actionnaires et dirigeants, on parle alors de gouvernance

d’entreprise ou de gouvernance privée, ou bien de la relation entre le peuple et les élus, on

Page 37: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

36

parle alors de gouvernance publique. D’autres modes de gouvernance, comme la gouvernance

territoriale, la gouvernance urbaine, ont vu le jour.

Comme indiqué précédemment, nous avons opté l’utilisation de l’expression « gouvernance

d’un système » car la gouvernance est un concept holistique qui s’applique à plusieurs

niveaux, dans différents situations et pour plusieurs objectifs, dans un environnement marqué

par des conflits d’intérêts, des situations d’incertitudes et d’asymétrie d’information ».

Nous proposons une définition du concept de gouvernance d’un système, comme suit : « La

gouvernance d’un système désigne les mécanismes au moyen desquels les mandataire(s) et les

mandants articulent leurs intérêts et aplanissent leurs différences afin de réaliser leurs

objectifs (par exemple, réalisation des profits, réservation des ressources naturelles,

démocratisation d’un pays, gestion des risques naturels, bien-être collectif). La gouvernance

désigne, par ailleurs, les institutions qui influent sur l’exercice des pouvoirs dans les entités

concernés (par exemple, une firme, une multinationale, un pays, une région, un territoire).

Enfin, la gouvernance d’un système est décrite par l’interaction participative entre les acteurs

concernés à tous les niveaux (par exemple, le secteur public, le secteur privé, la société civile,

les organisations internationales) ».

Cette définition de la gouvernance d’un système s’applique aussi bien à la gouvernance

publique qu’à la gouvernance privée, entre autres. Comme le dirigeant (ou mandataire) d’une

entreprise peut agir à l’encontre des intérêts des actionnaires (ou mandants) en privilégiant ses

propres intérêts, les élus politiques (mandataires) peuvent profiter de leur position et agir au

détriment de l’intérêt collectif (des mandants).

La « bonne » gouvernance nous enseigne de mettre en œuvre un processus de décision

collectif qui n’implique pas une situation d’autorité de la part d’un des acteurs. Les

mécanismes de gouvernance reviennent, de fait, à prescrire la formalisation des institutions

(au sens de conventions, normes et sanctions) et à leur application universelle. Cette

« bonne » gouvernance n’est pas une fin en soi, mais plutôt une approche déontologique,

voire un ensemble de pratiques qui permettent à une organisation d’atteindre ses objectifs

dans un contexte de risque grandissant.

Page 38: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

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Le développement durable : Que peut nous apprendre l’analyse économique ?

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ES 2008 – 02 : Pr Graciela CHICHILNISKY

« Le paradoxe des marchés verts » ES 2009 – 01 : Philippe JOURDON

« De la crise financière vers la guerre mondiale, ou de la crise mondiale vers la guerre financière ? Une analyse par les cycles longs. »

ES 2009 – 02 : Annie HOFSTETTER, Robert LIFRAN

« Couplage simple entre système d'information géographique et modèle multi-agents pour simuler l’impact des politiques publiques sur les dynamiques du paysage »

ES 2010 – 01 : Selin ÖZYURT

« China’s Economic Outlook after 30 Years of Reform » ES 2010 – 02 : Elodie BRAHIC (CEMAGREF Bordeaux)

« Which instruments to preserve forest biodiversity? » ES 2010 – 03 : Ahmed ENNASRI

« Incitations Managériales et Concurrence : Synthèse de la littérature »

ES 2012 – 01 : Marianne LEFEBVRE, Sophie THOYER

« Risque sécheresse et gestion de l'eau agricole en Australie »

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ES 2012 - 02 : Marianne LEFEBVRE, Sophie THOYER « Risque sécheresse et gestion de l’eau agricole en France »

ES 2012 – 03 : Charles FIGUIERES, Jean-Michel SALLES

«Donner un prix à la nature, c’est rendre visible l’invisible ou penser l’impensable ? »

ES 2013 – 01 : Pauline MORNET, Stéphane MUSSARD, Françoise SEYTE, Michel

TERRAZA «La décomposition de l’indicateur de Gini en sous-groupes de 1967 à nos jours : Une revue de la littérature revisitée et complétée»

ES 2013 - 02 : Jean-Michel SALLES

«La modélisation économique peut-elle aider à préserver la biodiversité ? »

ES 2013 – 03 : Annie HOFSTETTER, Mathieu DESOLE, Mabel TIDBALL,

« Quelques éléments de calcul des équilibres de Nash. » ES 2013 – 04 : Darine BAKKOUR

« L’approche contractuelle du concept de gouvernance » ES 2013 – 05 : Darine BAKKOUR

« Un essai de définition du concept de gouvernance »

Page 44: « Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine

Contact :

Stéphane MUSSARD : [email protected]

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