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« SAINT JEAN NÉPOMUCÈNE DANS LE DIOCÈSE DE METZ » Culte et iconographie au XVIII e siècle par M. Denis METZGER, membre titulaire Le culte dont a été l'objet saint Jean Népomucène, au temps de la reconquête catholique, dans les pays germaniques et slaves, est encore inscrit aujourd'hui dans les paysages rhénans et danubiens (1). Le pont de Prague - La foule devant la statue de saint Jean Népomucène Pour s'en convaincre, il n'est que de voyager en Rhénanie, en Pays de Bade, en Bavière ou en Bohême, à Vienne, Budapest ou mieux, à Prague où tout a commencé. L'image du saint y est omniprésente. On la rencontre dans les églises et dans les chapelles, sur les innombrables autels baroques, sur les colonnes mariales élevées au coeur des villes, sur les fontaines villa- geoises et dans les simples oratoires de la campagne. Mais surtout, saint Jean Népomucène est inséparable des ponts auxquels il est adossé, dont il commande l'accès et protège le passage.

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« SAINT JEAN NÉPOMUCÈNE DANS LE DIOCÈSE DE METZ »

Culte et iconographie au XVIII e siècle

par M. Denis METZGER, membre titulaire

Le culte dont a été l 'objet saint Jean Népomucène, au temps de la reconquête catholique, dans les pays germaniques et slaves, est encore inscrit aujourd'hui dans les paysages rhénans et danubiens (1 ) .

Le pont de Prague - La foule devant la statue de saint Jean Népomucène

Pour s 'en convaincre, il n 'es t que de voyager en Rhénanie, en Pays de Bade, en Bavière ou en Bohême, à Vienne, Budapest ou mieux, à Prague où tout a commencé. L' image du saint y est omniprésente. On la rencontre dans les églises et dans les chapelles, sur les innombrables autels baroques, sur les colonnes mariales élevées au cœur des villes, sur les fontaines villa­geoises et dans les simples oratoires de la campagne. Mais surtout, saint Jean Népomucène est inséparable des ponts auxquels il est adossé, dont il commande l 'accès et protège le passage.

En France, le culte de saint Jean Népomucène a été tardif et marginal. Tardif, car on ne l 'y rencontre guère avant le second tiers du XVIII e s iècle ; marginal, parce qu ' i l n ' a touché que les confins extrêmes des provinces les plus orientales, toutes anciennes terres d 'Empire , rattachées tardivement à la Couronne.

Ce fut, avec l 'Alsace voisine et à un degré moindre la Franche-Comté, le cas des pays lorrains, dont la marge septentrionale et germanophone, semble avoir hérité de son voisinage allemand, une certaine prédisposition, pour accueillir cette dévotion nouvelle venue de l 'Est.

Longtemps, le sujet n ' a guère inspiré les chercheurs locaux, et les rares travaux de synthèse, telle la remarquable thèse de doctorat d 'Yves Lasfargues « Le culte mondial de saint Jean Népomucène », soutenue à Paris en 1965, passe sous silence, la présence du saint de Prague dans le diocèse de Metz (2).

Achen - L'ancien pont avec la statue de saint Jean Népomucène. Gravure de Henri Bâcher avant 1930.

Pourtant, dès les années 1930, le peintre et graveur sarregueminois Henri Bâcher, avait magnifié par d 'admirables gravures, les sites consacrés à saint Jean Népomucène dans le pays de Bitche. Plus récemment , des recherches et des découvertes faites ici ou là, ont élargi l 'horizon et étendu le champ des investigations, de telle sorte qu ' i l est possible aujourd 'hui , d 'aborder la question sous une optique nouvelle (3).

Mais, avant de dessiner la carte de son territoire, de comprendre le cheminement, la présence et la dimension de son culte en Lorraine, il est nécessaire de rappeler qui était saint Jean Népomucène.

D 'emblée , une précision s ' impose : en 1961, la sacrée congrégation des rites du Vatican, a supprimé la fête de Saint Jean Népomucène du calendrier de l 'Église universelle (4). Au regard de l 'Histoire, comme aux yeux de la Religion, il n 'étai t plus possible en effet, de soutenir la légende du secret de la confession, telle que le Pape Benoît XIII l 'avait inscrite dans la bulle de canonisation de 1729.

C'est pourtant cette légende, tissée par le peuple de Prague pendant trois siècles, qui a forgée la stature et l 'aura du personnage, qui petit à petit, s 'est identifié à la Bohême d 'abord, à l 'Empire ensuite, avant d 'ê tre récu­péré par l 'Église de Rome, pour incarner le sacrement de la pénitence, mis à mal par la Réforme.

L'histoire nous apprend que Johann de Pomuk est né vers 1345 dans la petite ville de Pomuk ou Nepomuk, en Bohême occidentale. Il entre dans les ordres en 1369 et ne tarde pas à être remarqué par son évêque, qui l 'envoie étudier le droit à Padoue et le pourvoit d 'une prébende de chanoine.

L'archevêque de Prague était à l 'époque Jan de Jenstejn, ancien chan­celier du royaume, prélat sournois et retors. Il fit de Jean de Pomuk son vicaire général et le chargea de la gestion de son immense temporel, le mêlant ainsi et malencontreusement, aux heurts et aux conflits qui l 'oppo­saient au roi Wenceslas IV, monarque intelligent, mais irascible et brutal.

La lutte farouche qui opposa l 'archevêque au roi, fut fatale au vicaire général. Arrêté par traîtrise, emprisonné et torturé à l ' instigation du souve­rain, Jean de Népomucène fut jeté dans la Moldau et y périt noyé. C'est sur cette trame tragique, tissée de feu et de sang, que ses hagiographes ont brodé en fils d 'or son extraordinaire légende. Ils nous apprennent en effet, qu ' à l ' instar de saint Thomas Becket, Népomucène a été assassiné et que le roi en personne est compromis dans ce forfait; que le vicaire général n 'es t pas mort en raison de sa gestion du temporel, mais en martyr, pour avoir refusé de révéler à Wenceslas le secret de la confession de la reine.

D'ail leurs, poursuivent-ils, lorsque son corps, pieds et poings liés, un coin en bois enfoncé dans la bouche, fut précipité dans la Moldau du haut du pont Charles dans la nuit du 20 mars 1393, il ne sombra pas dans les profon­deurs du fleuve, mais flotta doucement au gré des flots, entouré d 'une étrange lumière, qui à l 'aube, guida le peuple vers la berge, à l 'endroit où il s 'était échoué. On le trouva donc au petit matin, la tête nimbée d 'une couronne de cinq étoiles, que des esprits savants rapprochèrent aussitôt des cinq lettres de l 'expression latine TACUI, qui veut dire « Je me suis tu » !

On érigea son tombeau dans le déambulatoire de la cathédrale de Prague, dont la construction, entreprise par l 'architecte Mathieu d 'Arras , n 'étai t pas encore achevée. Dès les premières décennies du siècle suivant, un culte lié à des miracles lui est consacré et la légende du martyr et du secret de la confession prend son envol.

Prague - La cathédrale - Le tombeau de saint Jean Népomucène.

Mais avec la Réforme, les protestants rejettent le sacrement de péni­tence et jugent la confession inutile. Les théologiens de Rome s 'appuient alors sur les Écritures et la vie des saints pour en justifier le bien fondé. Le cardinal Bellarmin, enseigne que les larmes de saint Pierre, désespéré d'avoir renié son Maître, sont une image de la confession, ou encore que Marie-Madeleine, qui a beaucoup pleuré ses fautes, est le symbole du repentir et de la pénitence.

Mais ces thèmes, largement repris par les artistes de l 'époque, comme par exemple sur les confessionnaux de l 'égl ise de Rimling (canton de Volmunster) n ' inspirent pas avec suffisamment de lisibilité, l ' image de la confession ; en revanche, les adeptes de Jean Népomucène soutiennent que le martyre de leur « saint » en est l ' i l lustration parfaite.

Ce faisant, ils s 'avisent cependant que l 'apologie de cette cause, risque de tomber sous le coup de l ' interdiction du culte énoncée par Urbain VIII, et l 'on comprend rapidement que, seule une « béatification équipollente » peut régler la question au regard du droit canon.

C 'es t l 'objectif que se fixe alors le Jésuite Bohuslav Balbin, en publiant en 1673, une « Vita » qui va fixer les grands traits de la légende népomucénienne. Les Habsbourg, le haut clergé de l 'Empire, le peuple de

Bohême lui emboîtent le pas, et militent dans le même sens. En 1683 une statue du chanoine est installée sur le pont de Prague. A Pomuk, une église est édifiée sur l 'emplacement de sa maison natale. La dévotion se propage en Autriche, en Hongrie, sur les rives du Rhin, en Pologne et dans les Etats du Pape. Balbin en le plaçant au rang des saints qui seraient apparus dans la cathédrale à la veille de la bataille décisive de la Montagne Blanche (5), en fait le héros national de la Bohême.

En quelques années, Jean Népomucène devient un intercesseur quasi universel. On l ' invoque contre le déshonneur, la maladie des troupeaux, la peste et les fièvres. On demande son secours sur les champs de bataille et dans les situations désespérées. Rien de ce qui est aquatique ne lui est désor­mais étranger: les ponts, les bateaux, les moulins et les fontaines... L 'Em­pereur en personne vient en pèlerinage sur son tombeau, et son exemple est largement imité.

Ainsi soutenue, la cause du Bienheureux prospère rapidement. En 1719, dans le cadre des procédures canoniques préalables on ouvre son tombeau et on trouve sa langue intacte parmi ses ossements. C'est le signe décisif.

La béatification est proclamée en 1721 par le Pape Innocent XIII. L'Im­pératrice participe aux cérémonies qui ont lieu à Prague le 4 juillet 1721, et la Monarchie en tire une grande popularité.

Huit ans plus tard, la canonisation donne lieu le 19 mars 1729, jour de la tête de saint Joseph, protecteur des États des Habsbourg à une cérémonie grandiose à Saint Jean de Latran à Rome (6).

Le chanoine de Prague, désormais protomartyr du secret de la confes­sion, connaît alors une gloire sans pareille. A travers tout l 'Empire on élève des églises et des chapelles sous son vocable, des autels et des statues en son honneur, la monarchie impériale se place sous sa protection, les Jésuites en font leur patron secondaire, l 'art baroque s 'empare de son image, ses cinq étoiles brillent d 'un éclat inégalé.

Pour ses laudateurs sans doute trop zélés, il est l 'astre de la Bohême, le soleil de la Germanie, l 'espoir de l 'Autriche, le salut de l 'Empire ! Pour la France des Bourbons, gallicane et toujours réservée sinon méfiante à l 'égard de Vienne, Népomucène n 'est qu 'un saint local, lointain, slave ou germa­nique, auquel, pas plus qu 'aux débordements de l 'architecture baroque, elle n 'entend ouvrir ses églises.

La Lorraine de Stanislas gouvernée en fait par l ' Intendant de la Galai-zière, et qui vivait déjà à l 'heure de Versailles, nous offre un exemple frap­pant de l 'ostracisme français. En 1729, l 'année même de la canonisation de

Jean Népomucène, on érige sur le pont de Mousson une statue de la Vierge ; les étudiants allemands de l 'Université voisine, profitent de la circonstance pour apposer sur son socle, une inscription gravée dans le marbre, en l 'hon­neur du saint de Prague (7).

En 1740 lorsque la vénération de Népomucène prend par trop d ' im­portance à ses yeux, l ' Intendant fait enlever cette plaque et ordonne aux Jésuites de l 'Université mussipontaine, de la remplacer par une épigraphie à la gloire du duc régnant. De la Galaizière ne pouvait ignorer que le chanoine tchèque était le patron secondaire de la Compagnie de Jésus, pas plus qu ' i l n ' ignorait que Stanislas, qui se flattait de compter le saint dans son lignage, lui vouait une dévotion ancienne qu ' i l partageait avec sa fille Marie Leszc-zynska, devenue reine de France ! (8)

Il s 'agissait certes d 'un culte familial, mais l 'ancien roi de Pologne n'avait-il pas fait installer une statue de son lointain ancêtre en l 'église Notre Dame de Bon-Secours à Nancy? N'avait-i l pas fait couronner l 'une des deux tours de l 'église saint Remy (maintenant église saint Jacques) à Lunéville d 'une statue gigantesque du patron de la Bohême, faisant, il vrai, pendant à celle de saint Michel protecteur traditionnel du Royaume de France ?

Le fait mérite d 'être souligné, tout comme il faut relever que la dévo­tion familiale des Leszczynski, fut sans portée et sans influence sur les affi­nités que leurs sujets de langue allemande, vouaient au martyr de la Moldau. Car si l 'on considère une carte figurant les représentations de saint Jean Népomucène en Lorraine, et si pour les raisons énoncées on fait abstraction des villes ducales de Lunéville et de Nancy, il apparaît que la quasi-totalité des traces et des témoins de la vénération népomucénienne est située en Lorraine allemande, comme on disait au XVIII e siècle, c 'est à dire au-delà de la ligne de contact des langues.

Cette « frontière » linguistique était aussi (et pour partie reste aujour­d 'hui) une ligne de partage des comportements et des mentalités, notam­ment dans le domaine de la vie religieuse et paroissiale. Des études concer­nant les livres et les lectures, les orgues d 'égl ise, la typologie des croix de chemin et des calvaires de village, la primauté du « Presbytère » et du Curé dans la vie communautaire, ont mis en évidence les caractères originaux du pays dialectophone.

On n 'es t donc pas autrement surpris d 'y rencontrer la présence de saint Jean Népomucène, que la proximité dans ces contrées des paroisses des diocèses de Trêves, de Spire et de Strasbourg ou encore l ' influence et les possessions des abbayes tréviroises ou luxembourgeoises, ont selon toute vraisemblance favorisée.

C'est précisément un sculpteur luxembourgeois établi au village d 'Altwies (diocèse de Trêves) que nous devons les trois saint Jean Népo-mucène qui sont encore conservés dans la région de Cattenom. Nicolas Greff le fils, avait pris en 1715 la succession de son père à la tête d 'un atelier de menuiserie et de sculpture, qui pendant toute la première moitié du XVIII e siècle, a pourvu un grand nombre de sanctuaires du pays de Rodemack et de Sierck-les-Bains, en mobilier et statuaire d 'église (9).

C 'est ainsi qu 'un autel latéral de l 'église paroissiale saint Rémi à Puttelange-les-Thionville, possède une belle statue de Népomucène finement sculptée et polychromée, datant des années 1740.

A la Chapelle saint Pierre de Semming, ancienne église paroissiale du village, aujourd'hui annexe de Rodemack, le protomartyr de la confession, sculpté en demi-relief dans le chêne, occupe une niche concave à coquille qui surmonte le confessionnal

La statue qui se trouve dans l 'égl ise du village frontalier d 'Evrange représente, comme dans les cas précédents , le saint coiffé de la barrette portant l ' aube et l 'é tole , les épaules recouvertes dans le cas présent, du camail moucheté d 'hermine qui était l ' apanage des chanoines de Prague. La statue a été mutilée à une époque inconnue et les attributs tradit ionnels de Népomucène , la croix du prédicateur et la pa lme du martyr ont disparu (10).

Ces trois villages relevaient autrefois de l 'archidiocèse de Trêves et du Comté puis du Duché (et par la suite Grand-duché) de Luxembourg, qui entretenait avec Prague des relations anciennes quoique distendues, depuis qu 'en 1306, Jean de Luxembourg avait uni la couronne ducale à celle du royaume de Bohême. Plus prosaïquement, le culte de Népomucène s'est, selon toute vraisemblance, propagé dans le duché sous l ' influence de Trêves et de la proximité de l'Eiffel, où il connut un essor précoce (11).

A Luxembourg-vil le il protège le puits de la Wasserstrasse (la rue de l 'eau) , à Vianden il se dresse sur le pittoresque pont de l 'Our et à Echter-nach il veillait j u squ ' à la destruction de la statue en 1944 sur les rives de la Sure.

Plus à l 'est où s 'étendent les pays de Nied, il figure sur un autel latéral de l 'église paroissiale de Neunkirchen-les-Bouzonville. A Teterchen dans le canton de Boulay son effigie est sculptée en bas relief sur le devant du confessionnal (12) comme à Semming.

A Saint-Avold, l 'une des trois fontaines de la ville, reconstruites au début du XVIII e siècle par des tailleurs de pierre venus de Lombardie et du Tyrol, est surmontée par une statue du saint en habit de chanoine. Elle

s 'élève au centre d 'un bassin hexagonal taillé dans la pierre blanche de Servigny, sur un balustre de style composite qui porte en méplat la date de 1714. Le saint applique l ' index de la main droite sur ses lèvres (le secret de la confession !) tandis que la main gauche ramenée sur la poitrine tient la croix et la palme traditionnelles. Sous la barrette, le visage régulier, s'inscrit entre des cheveux mi-longs et une courte barbe. L'ensemble respire le calme et la sérénité (13).

Quoique conçue dès l 'origine pour recevoir une effigie sculptée, ce n 'es t qu 'en 1734 que la fontaine fut surmontée de la statue du saint, œuvre du sculpteur Jean Krevener de Bouquenom (14). Elle fut vandalisée en 1775(15), puis en 1792. Relevée et restaurée après la Révolution, elle fut remplacée vers le milieu du XIX e siècle par la statue que l 'on peut encore voir aujourd'hui, et qui ressemble à s'y méprendre à celle qui se dresse depuis 1856 sur le pont de l 'Ill à Oberhergheim (Haut-Rhin) (16).

Jusqu'en 1792 une seconde figure de Népomucène, sculptée dans un lambris des boiseries du chœur ornait l 'église abbatiale saint Nabor. Bûchée par les révolutionnaires il n 'en reste aujourd'hui que les contours flous d 'une

Saint-Avold - Saint Jean Népomucène sur la fontaine (détail)

silhouette portée par une nuée, (à moins qu'elle n'émerge des flots) tendant d 'un bras triomphal vers le ciel, la couronne des cinq étoiles qui, dans les pays germaniques et slaves, est l 'attribut majeur du martyr de Prague.

Saint-Avold - Ancienne église abbatiale saint Nabor. Bas relief représentant saint Jean Népomucène, bûché par les révolutionnaires en 1792.

On voit encore bien la couronne de 5 étoiles et la silhouette du saint. Photo Gilbert.

A Hombourg-Haut (17) dans le vieux cimetière qui jouxte l 'ancienne église collégiale saint Etienne, est conservée une belle croix du XVIII e siècle ; saint Jean Népomucène, qui était sans doute le saint patron du défunt inhumé là, y est représenté dans un décor de style rocaille exubérant assez inhabituel.

Aux portes de l 'Alsace bossue, la Ville de Sarralbe possède encore deux grandes statues du saint des ponts, qui gardaient jusqu 'au milieu du XIX e siècle, les arches que l 'on avait jetées vers 1740 sur le cours de l 'Albe, peu avant sa confluence avec la Sarre. Sous le second Empire, sans doute à

l 'occasion du creusement du canal des Houillères, elles furent enlevées et déplacées au cimetière de la montagne d 'Albe (18). L'une d'elle, placée sur un socle de style baroque près d 'une fontaine, montre le saint dans son atti­tude habituelle, d 'une facture un peu fruste, autrefois relevée d 'une poly­chromie, dont il reste quelques traces.

Sarralbe - La statue de saint Jean Népomucène au cimetière de la montagne d'Albe.

La seconde, met en scène un Népomucène nu-tête, avec de longs cheveux tombant sur la nuque, qui n 'es t pas sans rappeler la statue qui se trouve sur la place de Landau à Haguenau. Sa barbe taillée avec soin, la finesse de ses traits, le regard lointain comme absent, donnent au visage une expression extatique, dont le caractère baroque est accentué par l 'ample drapé et les plis du vêtement. Il y a quelques années, à l 'occasion d 'un aménagement urbain, la statue fut placée sur un socle cubique au milieu d 'une pièce d 'eau à l 'entrée de l 'ancienne rue saint Jean (Népomucène), où elle participe à l ' image pittoresque de la vieille ville, avec en toile de fond le profil de la haute église néo-gothique et la vieille porte d 'Albe.

Sarralbe - La statue de saint Jean Népomucène, érigée dans une pièce d'eau au centre ville.

La chronique locale de l 'Abbé Untereiner (19) restée à l 'état de manuscrit relate que le lendemain de la translation des statues au cimetière, les deux chevaux du roulier Barthélémy Bur, furent trouvés sans vie dans leur écurie. Dans les années qui suivirent on rapporte que plusieurs personnes périrent de noyade dans la rivière aux alentours de la fête du saint (le 16 mai). On y vit un signe que l 'on mit en relation avec le déplace­ment des statues et on appela ce jour là « Ungliickstag » (jour d 'accident) .

Au sud du Pays d 'Albe, le Pays des étangs avait lui aussi accueilli le culte de Népomucène. L'église saint Clément à Insming possède encore une belle statue en bois doré du XVIII e siècle (20). A Insviller (21) sur une croix de type Bildstock*, assez semblable à celles du Pays de Bitche, le protomar­tyr de Prague figure en bas relief, associé à la Vierge et à saint Nicolas.

Bildstock (pluriel Bildstöcke) nom masculin allemand signifiant littéralement fût ou tronc à image, pour désigner une croix de chemin, couronnée ou ornée d'une petite niche qui abrite l'image du Christ ou d'un saint.

Plus surprenante est, dans le Saulnois voisin, l 'église Notre Dame à Mulcey qui recèle un vitrail où l 'on peut voir dans un médaillon, Népomu-cène représenté de face, la tête nimbée, portant sur le camail une croix pectorale et tenant de la main gauche le crucifix sur son cœur. A l 'arrière plan les arches du pont de la Moldau, ne laissent planer aucun doute sur son identité. Le médaillon lui-même est inscrit au centre d 'un décor géométrique de grisaille imprimée caractéristique du vitrail de la fin du XIX e siècle (Nancy 1884) (22).

Mulcey - Eglise Notre Dame - Vitrail de saint Jean Népomucène (1864). Photo Jean-Michel Lan g.

C'est une image tardive, plate et stéréotypée, mais c 'est, dans le diocèse de Metz, la seule représentation peinte du saint, et la seule aussi située dans l 'aire des parlers français. Double exception, qui en quelque sorte, confirme la règle.

Dans le Bitcherland, rien a priori, ne semble confirmer, comme on l 'a souvent répété, que ce sont des verriers de Bohême, venus exercer leur art en Lorraine, qui y ont introduit le culte de saint Jean Népomucène. En revanche, il est avéré que de nombreux maçons, sculpteurs et tailleurs de pierre originaires du Tyrol, du Voralberg et de l 'Al lemagne du sud, ont participé au renouveau des villages ruinés par la guerre de Trente ans, marquant de leur influence et de leur empreinte, l 'art et la piété populaires. A la même époque, c 'est un clergé essentiellement trévirois, d 'origine luxembourgeoise et arlonaise, qui a pris en charge la vie paroissiale renais­sante, y introduisant des idées et des dévotions nouvelles, au nombre desquelles on peut placer le culte de saint Jean Népomucène.

On a pu écrire avec raison (23), au regard des innombrables croix élevées dans les villages, au bord des routes et des chemins, que le Bitcher­land était un « espace sacralisé ». Affectant la plupart du temps la forme d 'un Bildstock, ces croix ont été couvertes d 'une multitude de saints sculp­tés en bas relief, souvent relevés, d 'une polychromie très vive, dont l 'usage s'est perpétué jusqu 'à nos jours.

C'est sur ce support traditionnel de la piété populaire, que Népomucène a d 'abord trouvé sa place, à coté de la Vierge et de la kyrielle des saints tuté-laires, intercesseurs et guérisseurs vénérés dans la campagne bitchoise.

C'est par exemple, le cas à Achen (24) où sur une très ancienne croix, adossée à une maison du village, on peut voir, s'inscrivant dans une arcature à registres, à coté de trois autres Bienheureux, Jean Népomucène en habit d 'ecclésiastique, agenouillé à même le sol, face au peuple, brandissant un grand crucifix.

C'est une œuvre archaïque, difficile à dater mais qui, selon toute vrai­semblance est antérieure à la statue qui fut par la suite placée sur le parapet de l 'ancien pont de pierre, qui jusqu 'à la dernière guerre reliait les deux rives du ruisseau local.

Le Bildstock qui s 'élève à l 'ombre d 'un marronnier sur la route de Bettviller près du village de Hoelling met en scène le même sujet, tout comme s'en inspire la croix dressée dans une venelle à Soucht. Sur le fût de celle-ci on voit s 'étager sur deux registres, deux par deux, saint Jean l 'Apôtre (à coté de Marie-Madeleine) et Jean le Baptiste faisant pendant à Jean Népomucène qui tient ostensiblement la palme de son martyre (25). Cette trilogie qui unit le saint de Prague au dernier prophète et à l 'apôtre bien aimé, s ' inspire peut-être de la célèbre gravure de Johann-Andréas Pfeffel utilisée pour le frontispice d 'une édition allemande de la « Vita » de Bohuslav Balbin (26).

Dans la forêt de Soucht, près de l 'ancienne verrerie du Speckbronn, se trouve un petit édifice appelé Pauluskapelle, qui contrairement à son vocable n 'est pas dédiée à l 'apôtre des gentils, mais aux quatorze saints auxi­liaires. La piété populaire leur a adjoint saint Jean Népomucène, représenté en bas relief sur une croix dressée contre le mur de la chapelle. L'iconogra­phie est traditionnelle, issue d 'un ciseau habile, à une époque tardive, du moins si l 'on en croit le millésime 1820 gravé dans le cartouche du socle, seul élément lisible d 'une inscription effacée par le temps.

A Montbronn, sur le socle d 'un calvaire élevé au point central du village, à la croisée de trois routes, Népomucène figure à coté de saint Sébastien qui était généralement invoqué contre la peste et le choléra ; un peu plus loin, dans la rue principale, il occupe l 'étroit fût d 'une stèle cruci­forme, et dans les deux cas son image est conforme à la tradition, dans une facture fruste qui est celle des tombiers du pays. Dans la clairière du Metschbruch (27), sur la route de Rahling, il figure encore sur un Bildstock polychrome, associé à saint Jean et à la Vierge, dans la position agenouillée qui est celle qu ' i l affecte déjà à Achen et à Hoelling.

Ainsi, moins de trente ans après sa canonisation, saint Jean Népomu­cène avait rejoint sur les croix du Pays de Bitche, le panthéon des saints de la religion populaire.

Mais, dans cette région de sources, de ruisseaux, d 'étangs et de moulins, sa mort dans les eaux de la Moldau et sa capacité à protéger les lieux aquatiques des inondations et les hommes de la noyade et des dangers sournois de l 'eau, a fait plus pour sa renommée que tous les titres que l 'Eglise a pu lui décerner.

C'est la raison essentielle, pour laquelle on lui a élevé, à l ' image souvent malhabilement reproduite du modèle de Prague, des statues « pontées », dont quelques unes sont parvenues jusqu 'à nous.

L'une des plus connues est celle de Rahling.

Au cœur du village, sur un socle enchâssé dans ce qui reste du parapet d 'un ponceau qui franchissait un ruisseau aujourd'hui comblé, s 'élève une impressionnante statue plus grande que nature. Comme l ' indique le millé­sime gravé dans la pierre, elle a été édifiée en 1901 aux lieu et place d 'une statue en pierre que des artilleurs prussiens en cantonnement dans le village en septembre 1900, avaient délibérément jetée à terre et brisée. L'affaire fit grand bruit à l 'époque, et provoqua une enquête des autorités civiles et mili­taires. L'administration régimentaire régla la facture de 670 Marks que coûta la nouvelle statue en fonte, coulée par la fonderie Schneider au

Achen - Le pont reconstruit en 1957 et la nouvelle statue, œuvre de Kannann.

Creusot, sur un projet du sculpteur Laroche à Sarreguemines. La statue brisée avait elle-même remplacé en 1828 une première statue en pierre, mise à mal pendant les troubles révolutionnaires (28).

A Achen, le vieux pont à cinq arches construit en 1766 fut, en juin 1940, la victime inutile des artificiers français et emporta dans sa ruine la statue de Népomucène qui l'avait si longtemps protégé. En 1957, après un ouvrage provisoire, le pont fut reconstruit et le sculpteur Karmann de Woelfling resti­tua une statue en grès rose dans une facture moderne, mais fidèle à l 'esprit de l'effigie originelle.

Siersthal, annexe Holbach - La statue de saint Jean Népomucène sur le parapet du Kleinbâchel.

Dans le hameau de Holbach, (commune de Siersthal) sur le pont du Kleinbâchel, la statue de saint Jean Népomucène accueillait autrefois les voyageurs de l 'auberge « Au Cygne » qui jouxtait le ruisseau. C'est une œuvre taillée dans le grès, élégante et bien proportionnée. Lors des combats de la libération la statue fut décapitée, mais par la suite fort bien restaurée par le statuaire Collin de Petit-Réderching.

Le Népomucène de Meisenthal (29), récemment restauré par des béné­voles du village a été élevé en 1746, par le meunier du lieu, sur la digue de l 'é tang qui alimentait son moulin. A une époque lointaine la statue fut renversée et comme son modèle.. . précipitée dans l 'eau.... On l 'oublia. En 1898, l 'étang fut asséché pour permettre la construction du chemin de fer, qui reliait Wingen-sur-Moder à Saint-Louis-les-Bitche. On retrouva la statue enfoncée dans la vase et on la releva.

Au pied du rocher de Schorbach (sur lequel s'élève le célèbre ossuaire) coulait la Schor, un ruisseau insignifiant qui a donné son nom au village et qui est aujourd'hui canalisé.

On le franchissait sur une passerelle de madriers sommairement ajus­tés ; son passage n 'étai t aléatoire qu 'au printemps à la fonte des neiges ; on crut néanmoins bon de placer ce petit ouvrage sous la protection du patron des ponts et on lui érigea, dans un style simple et naïf, une statue polychro-mée de respectable dimension. Pour obtenir la protection du saint on lui offrait des épingles ou des aiguilles. La signification de ce geste est aujour­d'hui oubliée, mais... l 'usage de fleurir la vieille statue est resté bien vivace.

Rohrbach-lès-Bitche. La statue de saint Jean Népomucène aujourd'hui disparue (gravure de Henri Bâcher) avant 1930

Jusqu'aux combats de la libération de l'hiver 1944-1945, une statue qui était à l 'image de celles d'Achen et de Rahling, s'élevait sur un socle chantourné qui coiffait l 'unique arche du petit pont de Rohrbach-les-Bitche. Un beau dessin gravé par Henri Bâcher pour illustrer la célèbre anthologie des chansons popu­laires de l 'Abbé Louis Pinck, nous en a conservé le souvenir(30).

On peut encore rattacher à ce groupe des statues « pontées » du Bitcherland celle qui jusqu ' à la seconde guerre mondiale s'élevait sur la « Rômerbriick » qui franchit la Blies à Reinheim (Sarre), à quelques centaines de mètres de la frontière française. Elle était nichée dans un édicule en pierre, comme cela est souvent le cas en Allemagne, et disparut dans le dynamitage du pont en 1939. En 1957 on la remplaça par une œuvre moderne qui ne rappelle en rien sa devancière.

A Saint-Quirin, ancienne possession de l 'Abbaye bénédictine de Marmoutier, se sont, selon toute vraisemblance, les moines alsaciens qui ont introduit la dévotion au chanoine de Prague. En face du bel ensemble prio-ral, reconstruit par eux au XVIII e siècle, une élégante statue de Népomucène se dresse sur une fontaine aujourd'hui tarie, mais qui débitait autrefois une eau qui passait pour guérir les maladies de la peau.

Saint-Quirin - Statue de saint Jean Népomucène devant l'ancien Prieuré.

Fidèle en tout point à l ' iconographie népomucenienne (à l 'exception du nimbe étoile qui est rare en Lorraine comme en Alsace), cette statue est de toute évidence l 'œuvre d 'un sculpteur accompli, qui travailla sans doute à la décoration de l 'église priorale dans les années 1730.

Pour clore cet inventaire, il faut encore mentionner une grande statue en pierre blanche qui se trouve reléguée dans une grange à Maizeroy (Pays messin) (31) sans que l 'on ne sache rien de son origine, et de sa présence en cet endroit incongru.

D'autres œuvres ont disparu, tels « le petit relief doré en plein » mentionné (vers 1740) par Dom Dieudonné dans le couvent de sainte Ursule à Metz (32), ou une statue au relief très délité qui se trouvait il y a quelques décennies encore près d 'une source dans la forêt de Montbronn (33).

Ainsi, au terme de cet exposé, il s 'avère que l 'espace qui a vu se déve­lopper la dévotion à saint Jean Népomucène dans le diocèse de Metz, se confirme. La ligne fictive que l 'on peut tracer de la frontière luxembour­geoise au Donon, et qui en marque la limite, se superpose à quelque chose près, à la ligne de partage des langues.

L'implantation du culte a été marginale et directement liée au voisinage des pays rhénans, et aux échanges qui en sont nés, favorisés par une langue commune. L'influence d 'un clergé bilingue, d 'origine luxembourgeoise, à l 'occasion du repeuplement de certains villages par des colons originaires du sud germanique, au lendemain de la guerre de Trente ans, est à prendre en considération.

A un degré moindre, les liens qui unissaient un certain nombre de familles lorraines au Saint Empire, et leur attachement à l 'ancienne dynastie ducale installée à Vienne, a pu favoriser ce courant. A Saint-Avold par exemple le comte de Henning, qui fut chambellan de l 'Empereur, fonde en 1750 « une messe haute, annuelle et perpétuelle en Vhonneur de saint Jean Népomucène » pour la protection qu ' i l lui a assurée « au milieu des plus grands dangers des armées » (34).

L'iconographie s'est développée sur un mode stéréotypée sans origi­nalité ni particularité. Le saint est presque toujours représenté en pied, revêtu de son habit de chanoine, portant comme attribut le crucifix des prédicateurs et la palme du martyre. D 'une manière générale, c 'est le gardien des fontaines et le protecteur des ponts qui est représenté ; à un degré moindre, c 'est le modèle des confesseurs et à deux reprises au moins, sur les chaires à prêcher des églises de Rimling et de Wiesviller (35) le guide des prédicateurs.

Contrairement à l 'Alsace voisine, les Jésuites ont été sans influence en Lorraine, et l 'anecdote de Pont-à-Mousson est significative à ce sujet. On ne connaît pas non plus dans le diocèse de Metz, les scènes classiques de la vie du saint que l 'on peut voir en Europe centrale : la mort dans la Moldau, les séquences si souvent reproduites du pont de Prague, la confession de la reine ou la gloire céleste de Népomucène au milieu de la Vierge et des saints (36).

D'ail leurs saint Jean Népomucène n ' a jamais eu de propre liturgique à Metz ; dans le diocèse aucune église ne lui est consacrée et aucune chapelle ne lui est dédiée. Son culte en réalité, s 'est limité aux dévotions pieuses d 'une religion populaire, marqué par l 'érection de croix au bord des chemins et de statues sur les lieux aquatiques. Là ou l'effigie du saint a fran­chi la porte de l 'église, on ne l 'a porté que sur des autels secondaires ou représenté sur des pièces de mobilier.

L'exception du bas relief de l 'ancienne église abbatiale de Saint-Avold, ne fait que confirmer la règle ; le sculpteur Gounin qui en est l 'auteur, a travaillé dans les pays germaniques et en a été influencé. La scène qu ' i l a conçu pour le cœur des Bénédictins de Saint Nabor est une image savante et baroquisante qui n 'est pas celle que connaissait le peuple (37).

Enfin, le demi-siècle qui a précédé la fin de l 'ancien régime, a été insuffisant pour assurer un enracinement durable du culte, et passé l'effet de mode, le déclin venu avec la période révolutionnaire, s'est accentué au cours du XIX e siècle. Certes dans le Bitcherland on a continué à relever les statues ruinées ou brisées, à entretenir et à fleurir les Bildstöcke, mais c 'est là le signe de l 'at tachement traditionnel au patrimoine religieux local, et un trait de caractère atavique de la population autochtone.

Quoi qu' i l en soit, le culte éphémère de saint Jean Népomucène, s'il n ' a pas perduré, a néanmoins marqué de son empreinte les petites villes de l 'Est mosellan et la campagne bitchoise, en leur léguant un patrimoine original Plus récemment, l 'ouverture des frontières à l 'Est et l ' immanquable voyage à Prague, a fait découvrir ou redécouvrir aux Lorrains, qu 'à travers saint Jean Népomucène, ils partageaient avec la Bohême, une parcelle de son histoire et de sa culture.

NOTES

1. Olivier CHALINE, La reconquête catholique de l 'Europe Centrale XVI e -XVIII e siècles, Éditions du Cerf, Paris 1998.

2. Yves LASFARGUES, Le culte mondial de saint Jean Népomucène aux XVII e et XVIII e siècles, Thèse pour l'obtention du doctorat de 3 e cycle, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Paris, 2 volumes, 1965. (dont la consultation m 'a été facilitée par Gérard MICHAUX, Président de l 'Académie Nationale de Metz de 1995 à 1998, que je remercie)

3. E. HEISER, Saint Jean Népomucène et le Pays de Bitche, suite de 6 articles de presse parus dans le journal Est-Courrier à Sarreguemines, 1977 - Abbé Jean PEIFFERT, Recherches sur saint Jean Népomucène, pour le compte de

l'Inventaire Général de Lorraine à Nancy, 1991 - MINISTERE de la CULTURE - Inventaire général des monuments et richesses

artistiques de la France - Région Lorraine ; Images du patrimoine, canton de Freyming-Merlebach et Saint-Avold, canton de Sierck-les-Bains, cantons de Cattenom, le Pays de Bitche e t c . .

- Je remercie très particulièrement Marie-France JACOPS, Conservateur du patri­moine à l'Inventaire général de Lorraine à Nancy et membre de l 'Académie Nationale de Metz, qui a bien voulu me communiquer l 'ensemble de son ample documentation personnelle. Mes remerciements également à Jean-Michel LANG à Saint-Avold, qui m'a aimablement signalé de nombreux sites concernant saint Jean Népomucène.

4. Depuis lors l'Église s'est enrichie d'un nouveau saint homonyme de Jean Népomu­cène, sous le vocable de saint John-Népomucène Neumann. Jean Népomucène Neumann naît à Prachatitz en Bohême le 28 mars 1811. Encore séminariste, il s'engage pour les missions d'Amérique. Ordonné prêtre aux États-Unis en 1836, il passe d'abord 4 ans dans la région des chutes du Niagara au service des bûcherons, puis il entre chez les Rédemptoristes et continue son ministère comme curé. En 1852 il est nommé évêque de Philadelphie et déploie un zèle infa­tigable: il fonde une centaine d'écoles catholiques, visite ses diocésains, les confesse volontiers et il manifeste un grand amour pastoral, spécialement pour les pauvres. Il rédige plusieurs ouvrages parmi lesquels un célèbre catéchisme réédité plusieurs fois. Pris d'un malaise soudain, il meurt dans la rue le 5 janvier 1860. Il n'avait pas 49 ans. Paul VI l 'a béatifié en 1963 et canonisé en 1977. C'est le premier saint des États-Unis. Renseignement tiré de la documentation catholique, 1963, col 1417-8, et 1977 p. 704, aimablement communiqué par Marie Louise ANSEL-METZGER à Metz.

5. Am Weissen Berg, ou la Montagne Blanche, est une colline voisine de Prague, où se déroula le 8 novembre 1620 une bataille qui opposa les troupes impériales et catholiques, à celles des Calvinistes et des Utraquistes. En moins de deux heures les Impériaux l'emportèrent assurant ainsi la reconquête catholique de la Bohême. Cette victoire avait été annoncée par les visions du Père carme Dominique de Jésus-Marie, en la cathédrale de Prague, et fut rapporté par Balbin dans sa Vita.

6. Montesquieu a été témoin de la cérémonie qu'il rapporte en ces termes : « Je vis hier 19 mars la cérémonie de la canonisation de saint Jean Népomucène. Le vieux pape était si caduc qu'il sembloit qu'il alloit mourir. Il étoit cependant bien aise de pouvoir faire une fonction. Je crois que nous étions environ 150 à 200 étrangers... La cérémonie se fit à Saint Jean de Latran. Cela consiste en des litanies des saints, la lecture du décret de canonisation et une messe pontificale (Voyage de Graz à La Haye, I/Italie, VII Rome, 1729). Extrait communiqué par Jean-Yves PENNERATH, professeur à Saint-Avold.

7. Pierre LALLEMAND, Pont-à-Mousson, Au cœur des rues, la mémoire d'une ville, Éditions Pierron, Sarreguemines 1994. La statue de la Vierge dit du Pont est aujour­d'hui au musée de Pont-à-Mousson. L'inscription en latin portait DIVO JOANNI NEPOMUCENO PAUPEREM-PATRIAE ET FAMAE PROTECTORI - GERMA-NORUM FATATE ELECTA ET SACRATA. ANNO 1729. La seconde plaque portant l'inscription à la gloire de Stanislas fut brisée à la Révolution ; le texte en a été perdu.

8. Guy CABOURDIN, Quand Stanislas régnait sur la Lorraine, Éditions Fayard, Paris 1980.

9. Images du patrimoine op. cit. canton de Cattenom.

10. L'identification de cette statue, comme étant celle de saint Jean Népomucène est contestée. D'aucuns ont cru y reconnaître saint Yves protecteur de la Bretagne, défenseur des pauvres et patron des avocats. En l'absence des attributs du saint, la question reste ouverte.

11. L'implantation du culte de saint Jean Népomucène dans cette région fait l'objet d'une étude de Ranko Ziellenbach à Krefeld (D), à paraître en 2003 sous le titre de « Johannes von Nepomuk, ein böhmischer Heiliger in der Eifel ».

12. Jean-Michel LANG op. cit.

13. Images du patrimoine, op. cit cantons de Freyming-Merlebach et Saint-Avold et dossiers de l'Inventaire général de Lorraine, mêmes cantons, en dépôt aux archives municipales de Saint-Avold.

14. Archives municipales de Saint-Avold, E suppl. 67, la ville a payé à Pierre Krevener ouvrier à Bouquenom, la somme de 15 Écus pour avoir fait la statue de saint Jean, sur la fontaine de la rue de Longeville (renseignement de Pascal FL AUS, Conservateur du patrimoine aux A.M. de Saint-Avold).

15. Archives municipales de Saint-Avold, E suppl. 26, Registre des délibérations - Le 26 février 1775, plainte de police contre deux jeunes garçons de la ville qui ont enlevé le crucifix de saint Jean Népomucène, et l 'ont remplacé par une quenouille. Identifiés ils sont condamnés à 5 francs d'amende et à un mois « de cachot au pain et à l'eau ».

16. Direction régionale des affaires culturelles d'Alsace. Centre de documentation du patrimoine Strasbourg - Commune de Oberhergheim, Pont de 1*111, dossier 68 00 1995.

17. Images du patrimoine, op. cit. cantons de Freyming-Merlebach et Saint-Avold.

18. Renseignements communiqués par Louis SERPE, Président des Amis du Pays d'Albe à Sarralbe, et article paru dans le Républicain Lorrain édition de Forbach du 14 janvier 1994.

19. Louis SERPE op. cit.

20. Signalé par Marie France JACOPS op. cit.

21. Signalé et photographié par Jean-Michel LANG op. cit.

22. Idem.

23. Images du patrimoine, le Pays de Bitche.

24. E. HEISER et Jean PEIFFERT op. cit.

25. Jean PEIFFERT op. cit.

26. Johannes von Nepomuk 1393-1993, herausgegeben von Rienhold BAUMSTARK, Johanna von HERZOGENBERG und Peter VOLK München 1993, catalogue d'une exposition conjointe du Bayerischen Nationalmuseums de Munich, de l 'Abbaye des Prémontrés de Strahov et du Musée National de Prague, Munich, 1993, mis à dispo­sition par Marie France JACOPS.

27. Jean PEIFFERT op. cit.

28. E. HEISER, op. cit.

29. Le Républicain Lorrain, édition de Sarreguemines, du 3 septembre 1995 article de presse « Saint Jean de Nepomuk veillait sur le moulin de Meisenthal ». idem du 14 septembre 1996 « Un coup de neuf pour la statue de saint Nepomuk ».

30. Abbé Louis PINCK « Verklingende Weisen » Lothringer Volkslieder 4 volumes, Metz et Kassel 1926-1933, dont les trois premiers illustrés par Henri BACHER 1890-1934.

31. Jean PEIFFERT op. cit.

32. M.-F. JACOPS op. cit.

33. E. HEISERop. cit.

34. Archives Municipales de Saint-Avold, 3 E 65 57.

35. Charles HIEGEL, Monuments et objets d'art du canton de Sarreguemines, Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine, tome LVXIII, Metz, 1973. L'église paroissiale de Wiesviller possède une chaire à prêcher de 1740, dont le dossier comporte un bas relief sculpté sur bois de saint Jean Népomucène ; chaire à prêcher identique dans l'église de Rimling.

36. En 1997, le Musée du Louvre à Paris a acquis, grâce à un don de la Fondation RAU pour le tiers monde « L'apothéose de saint Jean Népomucène », œuvre du célèbre peintre autrichien Johann-Anton MAULBERTSCH (1724-1796). Ce tableau est très intéressant dans la mesure où il représente, dans une vision tourbillonnante du meilleur rococo germanique, tous les aspects de l'iconographie de Jean Népomu­cène (renseignement de Elisabeth FOUCART-WALTER Conservateur en Chef du département des peintures du Louvre).

37. Henri TRIBOUT de MOREMBERT, La reconstruction de l'église abbatiale de Saint-Avold (1755-1769), Le Pays lorrain 1975. Jacques GOUNIN travailla notam­ment à la Ludwigskirche à Sarrebrùck.

Saint Jean Népocumène martyr (1)

Là-bas, sur le vieux moulin, quelle est cette vague lumière ? C'est le corps de Jean l 'entêté qu 'on a jeté dans la rivière ; La lune délicieuse éclaire la nuit de mai Cinq étoiles au ras de l 'eau indiquent la place où il est. Il flotte, retenu par un pieu, et roule au gré du courant Pour n 'avoir pas voulu révéler au tyran Ce qu 'une femme lui a dit au confessionnal, Les bras en croix, retenu par le surplus sacerdotal, Il roule sur le dos, tout brillant dans l 'eau rapide. Les grands nuages lents traversent le ciel splendide. Tout se donne à la nuit et tout croit à l 'été C'est le milieu de mai ! Là-haut dans le jardin du meunier Un petit arbre tout blanc éclate dans le clair de lune. Les voix du quartier juif se taisent une à une. Une femme chante, puis se tait. Le dormeur Entend bien loin sur le pont la voix de son chien qui pleure. Ah ! Que le monde est loin maintenant ! A jamais Voici la vie enfin surmontée par la paix ! Plus puissant que jadis la cloche Sigismonde, L'astre étrange des nuits se mêle à l 'eau qui gronde. De quels flots, ciel ou fleuve encore est-il l 'épave ? On dirait qu ' à leur bruit se mêlent des mots slaves, Comme d 'une femme qui sanglote et murmure. Sa ville autour de lui, toit sur toit, mur à mur, Jusqu'au château royal s 'étage vers l 'azur. Il voit sur lui, entière absorbée par la forme, Du triple ciel s'ouvrir les passages énormes, Et tout là-haut, central, immense et tout petit, Entre les bras du Père éternel, Jésus-Christ.

Paul CLAUDEL

1. Paul C L A U D E L : Deux apôt res St Ph i l ippe , St Jude ; Images sa intes de Bohême: St Wenceslas, Ste Ludmila, St Jean Népomucène, l 'Enfant Jésus de Prague, Paris 1911

Paul CLAUDEL (1868-1955) poète et auteur dramatique a été Consul Général de France à Prague de 1909 à 1911, au temps ou la Bohême faisait encore partie de l 'Empire des Habsbourg. C'est au cours de ce séjour qu' i l a composé cette apologie de saint Jean Népomucène.

CLAUDEL a été durablement marqué par ce séjour; on retrouve en effet l ' influence de la Bohême dans « Le soulier de satin », dont le cadre (première scène de la IIP journée) se situe en décembre 1620 dans l 'église Saint Nicolas de Mala-Strana à Prague, un mois après la décisive bataille de Montagne Blanche, que CLAUDEL considérait comme un jalon dans l 'Histoire, comparable, au moins symboliquement, à Poitiers et à Lépante.