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À propos de la Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation
La Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation se consacre à la recherche et à l’éducation.
Notre mission consiste à renforcer l’audit de performance, la surveillance et la reddition de comptes dans le
secteur public, tant au Canada qu’à l’étranger. Nous contribuons au développement des capacités des
bureaux d’audit législatif, des organes de surveillance, des ministères et des sociétés d’État en élaborant et en
mettant en œuvre ce qui suit :
des ateliers de formation et des possibilités d’apprentissage;
des méthodes, des guides et des trousses à outils;
des recherches appliquées et avancées;
des rencontres pour la diffusion de l’information et des initiatives de développement communautaire.
Rendez-vous sur www.caaf-fcar.ca pour en savoir plus sur nos produits et services.
Mieux intégrer l’analyse des causes profondes à l’audit de performance dans le secteur public –
Document de travail
Publié par : Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation 291, rue Olmstead Ottawa (Ontario) CANADA K1L 7J9
Tél : 613-241-6713 Téléc. : 613-241-6900 http://www.caaf-fcar.ca
Cette publication est aussi disponible en anglais sous le titre :
Better Integrating Root Cause Analysis Into Legislative Performance Auditing – A Discussion Paper
Table des matières
Mieux intégrer l’analyse des causes profondes à l’audit de performance dans le secteur public ........................................................................................................................................ 1
Introduction .............................................................................................................................. 1
Objet et structure du document de travail .......................................................................... 1
Qu’est-ce qu’une analyse des causes profondes? ............................................................... 1
Utilité de l’analyse des causes profondes pour l’audit de performance effectué dans le secteur public ........................................................................................................................ 2
Quand faut-il intégrer l’analyse des causes profondes au processus d’audit de performance?............................................................................................................................ 4
La planification ..................................................................................................................... 5
L’examen ............................................................................................................................... 6
L’établissement du rapport .................................................................................................. 7
Comment intégrer l’analyse des causes profondes à l’audit de performance dans le secteur public? ....................................................................................................................................... 8
Techniques d’exploration et de questionnement ............................................................... 8
Principales catégories de causes profondes ........................................................................ 9
Outils de visualisation et de documentation des causes profondes .................................12
Conclusion ...............................................................................................................................16
Remerciements ........................................................................................................................17
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Mieux intégrer l’analyse des causes profondes à l’audit de performance dans le secteur public Par le présent document de travail, nous visons à encourager la discussion, l’expérimentation et les échanges
sur l’analyse des causes profondes au sein de la collectivité d’auditeurs législatifs et d’auditeurs de
performance du secteur public. Nous y proposons des outils et des méthodes simples et adaptés aux
auditeurs et aux bureaux d’audit qui souhaitent réaliser de telles analyses. Cela dit toutefois, nous tenons à
préciser que nos propos se veulent uniquement des suggestions – ils ne doivent aucunement être considérés
comme des instructions à suivre à la lettre.
Introduction Objet et structure du document de travail
Le présent document de travail repose sur le principe que l’analyse des causes profondes peut augmenter de
façon significative l’impact des audits de performance dans le secteur public. Nous y proposons des outils et
des méthodes simples et adaptés pour aider les auditeurs et les bureaux d’audit qui souhaitent réaliser de
telles analyses. Ce document comporte trois parties :
Dans cette première partie (Introduction), nous abordons ce qu’on entend par l’analyse des causes
profondes et les raisons pour lesquelles cette analyse peut s’avérer utile aux bureaux d’audit législatif.
Dans la deuxième partie du document, nous expliquons quand il convient d’effectuer une analyse
des causes profondes. Nous y proposons aussi des activités complémentaires que l’on peut intégrer à
un processus typique d’audit de performance.
La dernière partie du document porte sur les façons de réalisation l’analyse des causes profondes.
Nous y présentons une technique utile de questionnement, des catégories de causes profondes
adaptées au secteur public et divers moyens de visualiser ou de documenter les analyses.
Le document comprend aussi des encadrés sur les « Points à considerer ».
Réaliser une analyse des causes profondes dans le secteur public n’est pas une science. Il s’agit plutôt d’une
opération itérative au cours de laquelle on doit faire appel à son jugement professionnel pour évaluer une
combinaison de facteurs qualitatifs et quantitatifs. Bref, il s’agit un peu d’un art et d’une science.
Qu’est-ce qu’une analyse des causes profondes?
L’analyse des causes profondes est un mode de résolution de problèmes qui permet de comprendre pourquoi
un événement s’est produit ou comment une situation est survenue, qu’il s’agisse d’un accident industriel,
d’une défectuosité dans un produit ou d’une faiblesse dans un programme. Cette analyse sert aussi à
optimiser la performance, à réduire le gaspillage ou encore à améliorer des processus opérationnels. Elle ne se
résume pas à une simple méthode : elle englobe plutôt un ensemble d’outils et de techniques d’évaluation
qualitative et quantitative. On l’emploie dans différents contextes : enquête sur les accidents, analyse des
risques, amélioration d’un processus opérationnel, gestion du changement ou contrôle de qualité.
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Voici certains des outils et techniques couramment utilisés dans les secteurs de la fabrication, de l’extraction,
du commerce et des services :
Cartographie des processus « SIPOC »1
Analyse des modes de défaillance et de leurs effets (AMDE)
Technique de questionnement de Kipling (Quoi? Pourquoi? Quand? Où? Comment? Qui?)
Technique de questionnement des cinq « pourquoi »
Cartographie des causes
Diagrammes en arêtes de poisson (diagramme Ishikawa)
Schémas opérationnels
Diagrammes de Pareto
Dans ce document, nous expliquons comment adapter et appliquer certains de ces outils et techniques – par
exemple, la technique de questionnement des cinq « pourquoi » et les diagrammes en arêtes de poisson – à
l’audit législatif de performance (optimisation des ressources). Ces outils et techniques pourraient également
s’avérer utiles aux auditeurs internes et aux autres auditeurs de performance du secteur public.
Utilité de l’analyse des causes profondes pour l’audit de performance effectué dans le secteur public
Le secteur public constitue un environnement complexe et dynamique. Les organisations de ce secteur et
celles de l’entreprise privée possèdent des caractéristiques communes : elles s’emploient à réduire le
gaspillage et à optimiser leur performance. Cela dit toutefois, divers facteurs contribuent à la complexité du
secteur public : la multitude d’objectifs stratégiques qui sont parfois contradictoires; des buts vagues ou mal
énoncés; des échéances de planification à court terme; le cloisonnement des services administratifs; la
partisanerie; et la rareté (et la diminution) des ressources.
L’audit de performance – qu’il soit axé sur l’efficience, l’économie, l’efficacité, la conformité, les systèmes et
contrôles, la gouvernance ou la gestion des risques – permet généralement de recenser diverses lacunes et
faiblesses. Une courte liste des constatations d’audit courantes, voire récurrentes, comprend les éléments
suivants, sans toutefois s’y limiter :
les règles ou les politiques ne sont pas respectées;
les résultats réels sont inférieurs aux résultats prévus;
les risques ne sont ni évalués ni gérés;
des stratégies ne sont ni élaborées ni mises en œuvre;
les activités et actions des principaux acteurs sont mal coordonnées ou les rôles de ces derniers ne
sont pas clairement définis;
les données ou renseignements sont insuffisants pour mesurer les résultats des programmes ou pour
étayer les décisions;
les processus ne sont pas efficients ou ils donnent lieu à des gaspillages.
1 NDLR : « SIPOC » pour Supplier, Input, Process, Output, Customer, soit Fournisseurs, Intrants, Processus, Extrants, Clients.
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La question qu’il convient de poser est donc « Pourquoi? ». Pourquoi ces lacunes ou ces faiblesses existent-
elles? Pourquoi les entités n’exercent-elles pas leurs activités conformément aux règles et politiques? Pourquoi
les risques ne sont-ils pas gérés, ou les résultats attendus ne sont-ils pas réalisés? Pourquoi n’élabore-t-on pas
de stratégie? Pourquoi les renseignements nécessaires pour étayer les décisions ne sont-ils pas disponibles?
Ce genre de constatations d’audit constitue souvent un « symptom » ou une manifestation d’un problème
beaucoup plus profond et systémique. En analysant les causes sous-jacentes – ou profondes – des lacunes ou
faiblesses relevées, on peut creuser plus loin, c.-à-d. aller au-delà du symptôme, et répondre à la question
« pourquoi? ».
Selon les normes d’audit en vigueur, les bureaux d’audit ne sont pas tenus de réaliser une analyse des causes
profondes. De fait, on pourrait faire valoir que c’est à la direction de l’entité auditée qu’il incombe de réaliser
une analyse des causes profondes, car c’est elle qui est chargée de concevoir et de gérer de manière
efficiente et efficace les programmes publics et de corriger les faiblesses recensées (notamment à la suite des
recommandations formulées dans les rapports d’audit).
Quel argument peut-on apporter en faveur de la réalisation d’une analyse des causes profondes? La réponse
est simple : cette analyse permet à un bureau d’audit d’ajouter de la valeur à ses travaux; en effet, grâce aux
résultats de l’analyse, le bureau est en mesure d’élaborer des recommandations visant à corriger les causes
sous-jacentes d’une constatation ou d’une lacune. Au bout du compte, l’important consiste à s’assurer que
des solutions durables peuvent être élaborées et mises en œuvre par la direction afin d’éviter la publication –
année après année – de la même constatation dans le rapport d’audit.
Il importe aussi de mentionner d’autres avantages découlant de la réalisation d’une analyse des causes
profondes pour les bureaux d’audit et les audités, notamment :
l’obtention d’indications et d’explications sur les constatations découlant d’un audit;
une évaluation de la nécessité ou de la pertinence des recommandations avant leur inclusion dans le
rapport;
l’optimisation des ressources publiques utilisées pour la correction des lacunes recensées.
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Quand faut-il intégrer l’analyse des causes profondes au processus d’audit de performance? Dans le cadre d’un audit, effectuer une analyse des causes profondes de diverses lacunes ou faiblesses, et en
communiquer les résultats, suscitent plusieurs difficultés, toutes liées au processus d’audit. À titre d’exemple,
cette analyse ne fait pas encore partie du processus d’audit de performance. Même si elle peut être réalisée
implicitement, ou officieusement, l’analyse n’est exigée ni par les normes de certification canadiennes (audits
de performance) ni par les directives connexes.
Par ailleurs, on réalise généralement l’analyse des causes profondes, le cas échéant, vers la fin de l’étape de
l’examen ou au début de l’étape de l’établissement du rapport, au moment de la formulation des
recommandations. Pourtant, cette analyse nécessite du temps et des efforts. Pour les auditeurs, il est déjà
suffisamment difficile de terminer les travaux prévus, sans avoir en plus à recueillir des éléments probants
supplémentaires pour mener à bien une analyse des causes profondes à un stade aussi tardif d’un audit. Bien
que diverses techniques analytiques permettent à l’auditeur de faire des hypothèses sur les causes d’un
problème, dans son rapport d’audit, il doit étayer toute cause décrite par des éléments probants suffisants et
appropriés. Dans les faits, si une analyse des causes profondes n’est pas planifiée ou amorcée dès le début
d’un audit, elle ne pourra pas être réalisée ou pourra difficilement être bien effectuée.
Pour surmonter ces difficultés, nous proposons l’intégration d’activités supplémentaires au processus typique
d’audit de performance (voir la figure 1).
Avertissement : Il peut être délicat de communiquer les causes profondes d’un problème, surtout si ces
causes concernent le comportement ou la compétence d’individus; le bien-fondé ou l’utilité d’une politique;
la suffisance ou l’affectation des ressources; ou la politique tout court. Il serait donc avantageux de mobiliser
les cadres supérieurs du bureau d’audit dès le début du processus et aussi souvent que possible afin
d’échanger sur la manière de ménager les susceptibilités. Conformément aux processus typiques d’examen
de la qualité, les auditeurs devraient signaler les points délicats afin que ceux-ci fassent l’objet d’un examen
qui soit adapté au niveau et à la nature de ces susceptibilités.
Point à considérer : Faut-il procéder à une analyse des causes profondes pour chacune des constatations découlant d’un d’audit?
Étant donné que le principal avantage de l’analyse des causes profondes consiste à soutenir l’efficacité
des recommandations, cette analyse devrait seulement être effectuée à l’égard des constatations qui,
selon l’avis de l’auditeur et de son bureau, nécessitent la formulation d’une recommandation à
l’intention de l’audité – c.-à-d. les « constatations importantes ».
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Figure 1 – Activités proposées pour intégrer une analyse des causes profondes
La planification
En se fondant sur les renseignements préliminaires recueillis et analysés au cours de l’étape de la planification,
il est courant pour l’auditeur d’avoir une bonne idée des constatations qui pourraient découler de l’audit. Ces
constatations seront confirmées ou infirmées au cours de l’étape de l’examen. Dans de tels cas, nous
proposons à l’auditeur d’envisager à ce stade-ci quelles seraient les causes profondes des lacunes ou
faiblesses prévues – c.-à-d. avant même qu’il prépare la version définitive du plan ou du programme d’audit.
En fait, il pourrait suffire à ce stade-ci de l’audit de concentrer ses efforts sur une technique de
questionnement comme celle des cinq « pourquoi », décrite plus loin dans ce document. L’auditeur devrait
aussi se fonder sur l’analyse des renseignements préliminaires recueillis (p. ex. connaissance des activités de
l’entité et évaluation de l’importance relative et des risques) et ses connaissances sur le sujet ou l’entité à
auditer, ainsi que prendre en compte les constatations faites lors d’audits précédents.
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Cette analyse préliminaire ne permet pas de connaître la conclusion finale de l’audit, mais plutôt de
déterminer sur quoi devraient porter les travaux d’examen à venir. En d’autres termes, l’analyse préliminaire
des causes profondes peut servir au moment de la délimitation de l’étendue de l’audit.
En outre, l’auditeur pourrait intégrer les décisions prises à la suite de cette analyse préliminaire au plan ou aux
programmes d’audit (ou à la Grille logique d’audit ou au Plan de collecte des éléments probants) afin qu’il
puisse veiller à obtenir des éléments probants suffisants et appropriés. La planification d’un audit comprend
une évaluation du temps et des efforts qui seront requis.
L’examen
Nous proposons qu’on ajoute, à l’étape de l’examen, un examen de mi-parcours afin de pouvoir mesurer les
progrès réalisés par rapport au plan d’audit ainsi qu’évaluer les constatations qui se dégagent et les éléments
probants recueillis jusque-là. Même si l’équipe d’audit n’aura pas encore terminé ses travaux sur le terrain et
n’aura donc pas encore brossé un tableau complet des résultats, l’examen de mi-parcours peut néanmoins
l’aider à cerner ou à préciser les constatations qui se dessinent, à analyser et déterminer les causes profondes
possibles et à apporter les modifications nécessaires à l’étendue de l’audit ou aux activités de collecte des
éléments probants (facultatif) pendant qu’il reste encore du temps pour terminer l’étape de l’examen. À titre
d’exemple, les résultats de cet examen de mi-parcours pourraient indiquer à l’équipe qu’elle a ou n’a pas
encore déterminé la ou les causes profondes possibles. L’équipe peut alors utiliser cette information pour
décider s’il serait approprié de consacrer des efforts et des ressources supplémentaires aux travaux d’examen.
Que l’analyse préliminaire soit amorcée pendant l’étape de la planification de l’audit ou au moyen d’un
examen de mi-parcours à l’étape de l’examen, nous conseillons vivement aux auditeurs de prendre en
considération les principales catégories de causes profondes.
À mi-parcours, l’analyse pourrait se limiter à une séance de remue-méninges qui repose sur la technique de
questionnement des cinq « pourquoi » ou encore, elle pourrait être complete par la préparation d’une aide
visuelle, comme l’ébauche d’un diagramme en arêtes de poisson.
Point à considérer : A-t-on besoin d’« éléments probants suffisants et appropriés » pour étayer l’analyse des causes profondes?
Les normes d’audit exigent la collecte d’éléments probants suffisants et appropriés pour toutes les
constatations présentées dans un rapport d’audit, notamment celles relatives aux causes profondes des
lacunes. Or il peut être difficile de déterminer le rapport de causalité et les responsabilités au sein d’un
environnement humain, politique, social et économique complexe. Il peut y avoir des théories multiples
ou contradictoires sur les causes et une absence de tout document justificatif. En bout de ligne, c’est à
l’auditeur de faire preuve de jugement pour déterminer l’étendue et la nature des éléments probants
requis pour étayer les constatations sur les causes profondes.
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L’établissement du rapport
Au cours de l’étape de l’établissement du rapport (ou pendant la transition entre l’examen et l’établissement
du rapport), l’activité supplémentaire que nous proposons aux auditeurs d’intégrer à leur processus est la
suivante : utiliser l’analyse des causes profondes pour évaluer et documenter l’importance des constatations
et pour élaborer des recommandations pertinentes.
Les auditeurs de performance sont encouragés, en tout temps, à prendre en considération les caractéristiques
d’une bonne recommandation (voir encadré ci- contre). Une analyse des causes profondes contribue à
appuyer les recommandations d’audit visant à corriger les causes sous-jacentes d’une constatation ou d’une
lacune signalée dans le rapport d’audit. Au bout du compte, l’important consiste à s’assurer que des solutions
durables peuvent être élaborées et mises en œuvre par la direction afin d’éviter la publication – année après
année – de la même constatation dans le rapport d’audit. L’utilisation d’aides visuelles (comme un
diagramme en arêtes de poisson) ou d’un modèle de document de travail peut améliorer la rigueur de
l’analyse et fournir la documentation requise sur les causes sous-jacentes.
De plus, nous proposons que cela soit présenté aux gestionnaires supérieurs du bureau d’audit et discuté
avec eux au cours de l’étape de l’établissement du rapport.
Pendant toutes les étapes du processus d’audit, les auditeurs et leurs bureaux doivent se soucier du rapport
coût-avantages que présente la réalisation d’une analyse des causes profondes. À cet égard, il n’existe
aucune réponse simple à la question : Combien d’efforts doit-on déployer? La réponse à cette question varie
en fonction du contexte particulier de chaque audit et fait appel au jugement professionnel des auditeurs et
de leurs bureaux. Voilà qui explique en partie pourquoi, dans le présent document, nous proposons aux
membres de l’équipe d’audit de tenir des séances de discussion tôt dans le processus d’audit, ainsi que tout
au long de celui-ci.
Point à considérer : Caractéristiques d’une bonne recommandation
Chaque bureau d’audit possède sa propre méthode pour formuler ses recommandations. Selon les
directives en vigueur, les recommandations devraient :
découler logiquement des constatations ou observations importantes;
s’adresser expressément à l’entité auditée;
être concises, tout en comportant suffisamment d’information pour être comprises sans autre
contexte;
être axées sur le résultat attendu ou l’objectif à atteindre, et non les moyens pour y arriver;
être assez précises pour pouvoir faire l’objet d’un suivi et évaluer les progrès réalisés vers leur
mise en œuvre;
avoir un caractère réaliste (c.-à-d. pouvoir être mise en œuvre dans un délai raisonnable compte
tenu des contraintes d’ordre juridique et financier).
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Comment intégrer l’analyse des causes profondes à l’audit de performance dans le secteur public? Techniques d’exploration et de questionnement
La curiosité d’esprit et la volonté d’aller au fond des choses sont primordiales à la réalisation de tout audit de
performance, et c’est pareil pour l’analyse des causes profondes. Il s’agit en effet d’un processus itératif
d’enquête, de questionnement et d’exploration. Dans le présent document, nous proposons aux auditeurs de
recourir à la technique des cinq pourquoi pour mener des séances de remue-méninges et faire émerger des
idées sur les causes profondes possibles. D’autres techniques de questionnement existent, mais ne sont pas
abordées dans le présent document.
Créée dans les années 1930 et popularisée dans les années 1970 par le système de production de Toyota, la
technique des cinq pourquoi sert souvent à l’analyse des causes. Il faut, comme le nom de cette technique
l’indique, se poser cinq fois en cascade la question « Pourquoi? » au sujet d’une situation, d’un problème ou
d’une constatation d’audit importante. La technique repose sur la théorie que la réponse au cinquième
« Pourquoi? » correspond généralement à la cause profonde d’un problème ou d’une situation. (Dans
certains cas, il faut moins de cinq pourquoi, et dans d’autres, il en faut plus.) Cette technique permet de
distinguer entre les symptômes d’un problème et ses causes.
La technique des cinq pourquoi est simple et facile à utiliser; elle peut être adaptée à différentes situations; et
elle peut être s’effectuer en équipe. Elle peut aussi être combinée à d’autres méthodes (p. ex. le diagramme
en arêtes de poisson), comme nous l’indiquons plus loin dans ce document.
La technique des cinq pourquoi comporte toutefois des limites. Par exemple, comme elle repose sur le
jugement professionnel des participants, les réponses pourraient ne pas être reproductibles. C’est-à- dire que
différents auditeurs pourraient évaluer une même situation et arriver à des conclusions différentes. Il peut dès
lors être facile de se mettre à jouer aux devinettes, de ne pas aller au-delà des symptômes ou de ne cerner
qu’une seule cause profonde alors qu’il en existe plusieurs. Enfin, cette technique ne fournit ni structure ni
méthode pour classer les causes profondes possibles. Dans la prochaine partie du document, nous abordons
ces limites.
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Principales catégories de causes profondes
Dans le secteur privé, les techniques d’analyse de la causalité utilisées permettent généralement le classement
des causes profondes possibles selon des catégories prédéfinies : Main-d’œuvre, Méthodes, Matériels,
Matières, Mesures et Milieu. Toutefois, ces catégories correspondent plutôt à la réalité dans un milieu
manufacturier ou de prestation de services.
Dans ce document, nous proposons un classement selon plusieurs catégories principales qui correspondent
davantage à la réalité du secteur public, comme nous l’illustrons au Tableau 1. Nous avons classé les causes
profondes en fonction d’une série de catégories qui se rattachent à la gouvernance et aux opérations. Les
catégories liées à la gouvernance portent sur les structures, les systèmes et les méthodes dont dispose une
organisation pour définir son orientation stratégique (en fonction de son mandat); surveiller la mise en œuvre
de ses travaux; et évaluer sa performance et en faire rapport. Les catégories liées aux opérations se
rapportent davantage à la mise en œuvre au quotidien des fonctions et des activités de l’organisation. La liste
qui suit n’est pas exhaustive. Les auditeurs peuvent ajouter ou supprimer des catégories ou encore adapter
celles-ci en fonction de leurs besoins.
La technique des cinq pourquoi à l’œuvre
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Tableau 1 – Principales catégories de causes profondes possibles
Causes relatives à la gouvernance
Catégorie Causes possibles Éléments à considérer
Autorisation Absence d’autorisation pour le
programme, l’activité ou la fonction
Manque d’orientation claire pour les
activités de planification, de mise en œuvre
et de rapport
Mauvaise compréhension du mandat
Structures de gouvernance faibles,
inappropriées ou inexistantes
Lois
Règlements et règles
Politiques et directives
Gestion des contrats et
des ententes
Structure et composition
des conseils, des comités
et de la fonction centrale
Processus et
planification Règles et processus – incluant ceux liés aux
prises de décision – inexistants ou imprécis
Plans stratégiques et opérationnels non
établis, non approuvés ou ne répondant
pas aux critères SMART (spécifique,
mesurable, approprié, réaliste, temporel)
Planification et plans
stratégiques et
opérationnels
Procédures et directives
opérationnelles
Risques et contrôles
Suivi et
communication de
l’information sur la
performance
Organismes de surveillance ne s’acquittant
pas des fonctions qui lui sont confiées
Indicateurs de performance et résultats
attendus non définis
La performance n’est ni évaluée ni
communiquée
L’information qui est requise n’est ni définie
ni fournie
Indicateurs de
performance
Rapport sur les résultats
financiers et la
performance
Disponibilité de
l’information sur la
performance
Causes relatives aux opérations
Catégorie Causes possibles Éléments à considérer
Main-d’œuvre Postes pas comblés par des personnes
compétentes; fonctions inadéquatement
remplies par des employés ou pas remplies
en temps opportun
Actions inappropriées de la part des
employés
Faiblesses dans les méthodes d’embauche,
de rétention et de rémunération des
employés
Nombre d’employés
Qualifications et
compétences
Formation
Supervision et examen
du rendement
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Manque de clarté dans la définition des
rôles et responsabilités
Pénurie d’employés possédant les
compétences et les connaissances
nécessaires
Absence de processus adéquat assurant la
supervision et l’évaluation du rendement
Actifs Non-disponibilité du type et de la quantité
d’actifs nécessaires
Non-disponibilité de personnes possédant
les compétences financières et
opérationnelles nécessaires pour bien
utiliser ou mettre en œuvre les actifs
Financement
Équipement
Terrains et bâtiments
Infrastructure des
technologies de
l'information
Exécution Manque de concordance entre les actifs, le
personnel et les plans pour assurer la mise
en œuvre de l’activité
Mauvaise coordination de la prestation et
mise en œuvre des biens et services
Absence de suivi et de contrôle à l’égard
des intrants, des activités, des extrants et
des résultats
Absence de mesures d’amélioration
continue ou de mesures correctives
Les plans stratégiques et opérationnels ne
sont pas mis en œuvre
Technologies et outils
Gestion de projets
Ressources en matière
d’organisation (main-
d’œuvre et actifs)
Mesures de redressement
Surveillance quotidienne
Classer les causes selon ces catégories se veut à la fois un art et une science. Le jugement et la souplesse sont
de mise. Il faut notamment tenir compte de ce qui suit :
Toutes ces catégories ou tous ces indicateurs ne seront pas nécessairement pertinents dans tous les
audits.
Les constatations et les causes peuvent être « interchangeables », c’est-à- dire qu’une cause
profonde dans le cadre d’un audit donné pourrait être considérée comme une constatation
importante dans un autre audit, en fonction de l’objectif et des critères propres à cet audit. Par
exemple, il se pourrait que « des processus de gouvernance faibles » soient la cause d’une
constatation importante portant sur le « manque de planification » dans le cadre d’un audit. Alors
que pour un autre audit, le « manque de planification » serait la cause d’une constatation
importante sur « des retards et des dépassements de budget dans la mise en œuvre d’un projet ».
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Les catégories sont interdépendantes : même si elles ont été divisées dans des cases distinctes aux
fins de l’analyse, dans la réalité elles ne sont pas sans point commun. En effet, il est possible que de
multiples causes contribuent à une même déficience. On peut regrouper les catégories principales de
plusieurs façons.
Certaines catégories débordent dans d’autres. Ainsi, les questions relatives à la main- d’œuvre
(comme posséder des compétences et des connaissances appropriées) peuvent aussi se retrouver
dans des catégories comme la gouvernance ou l’exécution.
Pour toute constatation importante, il pourrait y avoir des causes multiples et interdépendantes,
surtout dans le cadre d’audits portant sur des sujets complexes qui concernent plusieurs entités ou
secteurs. Dans de tels cas, il pourrait s’avérer plus difficile de déterminer et de classer les causes avec
précision.
Dans le secteur public, les causes d’une constatation d’audit importante peuvent se rattacher au
bien-fondé d’une politique, à l’absence de lois ou à leur caractère inapproprié, à des priorités
stratégiques mal définies ou à l’adéquation des ressources. Il incombe donc à chacun des bureaux
d’audit de déterminer s’il souhaite signaler ces causes profondes dans son rapport et si oui, de
préciser la façon de le faire.
Outils de visualisation et de documentation des causes profondes
Divers outils peuvent servir à illustrer ou à visualiser les rapports entre les causes profondes et les
constatations d’audit importantes. Dans ce document, nous nous concentrons sur le diagramme en arêtes de
poisson. (Il existe d’autres outils de visualisation.) Le diagramme en arêtes de poisson peut être
particulièrement utile lorsqu’il est combiné à une technique de questionnement comme celle des cinq
pourquoi.
Point à considérer : Confirmation des causes profondes
Il importe d’étayer les causes profondes par des éléments probants – pas par des spéculations ou des
conjectures. Les questions ci-après peuvent servir à confirmer les causes profondes présumées :
A-t-on une preuve (éléments mesurables ou observables) expliquant la cause profonde?
Existe-t-il des éléments prouvant que la cause profonde possible a déjà occasionné ce problème
par le passé?
Existe-t-il un élément sous-jacent à la cause profonde possible qui pourrait être une cause plus
probable?
Existe-t-il un élément qui contribue à la cause profonde possible du problème?
Existe-t-il d’autres causes qui pourraient donner lieu au même problème?
L’entité auditée est-elle d’accord avec les causes profondes recensées par les auditeurs?
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Diagramme en arêtes de poisson
Ce type de diagramme, créé par Kaoru Ishikawa (parfois aussi appelé diagramme Ishikawa), montre les
causes d’un événement donné. On l’utilise souvent à l’étape de la conception d’un produit, de la prévention
des vices de fabrication, de la résolution de problèmes et du recensement de facteurs pouvant causer un effet
généralisé. Dans un tel diagramme, on inscrit généralement le problème dans la case représentant la « tête »
du poisson et les catégories dans chacune des cases au bout des « arêtes ». Enfin, on inscrit les causes
secondaires ou mineures le long des arêtes selon la catégorie à laquelle elles se rapportent.
Nous présentons à la figure 2 un exemple de diagramme en arêtes de poisson adapté aux audits de
performance effectués dans le secteur public et contenant les principales catégories de causes profondes
décrites précédemment. La constatation d’audit importante est inscrite dans case représentant la tête du
poisson et les catégories principales de causes profondes (Autorisation, Processus et planification, Suivi et
communication de l’information sur la performance, Main-d’œuvre, Actifs et Exécution) sont indiquées dans
les cases aux extrémités des arêtes. On inscrit généralement les causes possibles le long de l’arrête de la
catégorie principale correspondante.
Un diagramme en arêtes de poisson se doit d’être un outil adaptable que l’on peut modifier en fonction des
besoins particuliers d’un audit.
Trucs et astuces pour utiliser le diagramme en arêtes de poisson
Cette technique, qui repose sur la création d’un diagramme, permet de mener une réflexion sur toutes
les causes possibles d’un problème. Voici les étapes à suivre :
1. Dessiner un diagramme en arêtes de poisson sur une feuille de papier ou un tableau.
2. Y inscrire la constatation d’audit importante.
3. Déterminer la ou les grandes catégories concernées.
4. Recenser les causes profondes possibles pour chacune des grandes catégories. (Prendre en
compte les indicateurs de cause possibles).
5. Analyser votre diagramme et exercer votre jugement professionnel pour déterminer les causes
profondes les plus probables.
6. Approfondir votre analyse, au besoin, pour confirmer les causes profondes réelles et obtenir
des éléments probants suffisants et appropriés (si ces causes seront signalées dans le rapport
d’audit).
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Figure 2 – Diagramme en arêtes de poisson standard illustrant les principales catégories de causes profondes
À la figure 3, nous présentons un diagramme en arêtes de poisson détaillé, donnant des exemples
d’indicateurs pour chacune des grandes catégories.
Modèle de document de travail
À l’intention des auditeurs et des bureaux d’audit qui ont besoin d’une démarche traditionnelle pour
documenter l’analyse des causes profondes, nous avons préparé le modèle présenté dans le Tableau 2. On
peut l’utiliser seul ou l’intégrer au document adopté par son bureau d’audit.
Tableau 2 – Modèle proposé pour documenter l’analyse des causes profondes
Constatation
d’audit
importante
Réponses aux
cinq pourquoi
Causes profondes
principales
Causes
profondes
secondaires
Recommandation
1. 2. 3. 4. 5.
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Conclusion Par la production de ce document de travail, nous visons à sensibiliser davantage les auditeurs législatifs et les
auditeurs de performance du secteur public à l’analyse des causes profondes. Nous y proposons des outils et
des méthodes simples et adaptés aux auditeurs et aux bureaux d’audit qui souhaitent réaliser de telles
analyses. Cela dit toutefois, nous tenons à préciser que nos propos se veulent uniquement des suggestions –
ils ne doivent aucunement être considérés comme des instructions à suivre à la lettre.
Utilisée dans le cadre d’un audit législatif ou de tout autre audit de performance effectué dans le secteur
public, l’analyse des causes profondes permet aux auditeurs d’optimiser leurs efforts et
d’accroître l’impact de leurs travaux grâce à la présentation :
d’indications et d’explications sur les constatations d’audit;
de recommandations axées sur la cause de la déficience – pas les symptômes – ce qui donne lieu à
l’élaboration de solutions durables.
Dans ce document de travail, nous indiquons donc les moments qui sont opportuns pour réaliser ces analyses
et proposons des manières d’intégrer l’analyse des causes profondes au processus existant pour les auditeurs
qui le souhaitent, notamment en appliquant des techniques de questionnement comme celle des cinq
pourquoi et des aides visuelles comme les diagrammes en arêtes de poisson. Nous proposons également un
ensemble de catégories principales de causes profondes possibles qui convient au secteur public.
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Remerciements La Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation tient à remercier les personnes2 suivantes de
leur précieuse contribution à l’élaboration de ce document.
Milan Duvnjak Directeur, Bureau du vérificateur général du Canada
Pierre Fréchette Recherchiste, CCAF-FCVI
Melanie McLagan Cadre supérieure au sein du groupe Services-conseils en gestion, KPMG
Sergei Pekh Directeur principal, Bureau du vérificateur général de l’Alberta
Bill Rafuse Associé, CCAF-FCVI
John Reed3 Vice-président, audit de performance, CCAF-FCVI (auteur principal)
Jessica Schafer Directrice par intérim, Bureau du vérificateur général de la Colombie-Britannique
Terry Spicer Vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général de la Nouvelle-Écosse
Doug Wylie Vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général de l’Alberta
Nous tenons aussi à remercier les personnes suivantes des commentaires utiles qu’ils nous ont transmis sur les
versions préliminaires du document :
Keith Butt Directeur principal, Audit, Bureau du vérificateur général de Terre-Neuve-et-Labrador
Jean Cinq-Mars Vérificateur général adjoint et Commissaire au développement durable, Le Vérificateur général du Québec
Sandra Cohen Vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général du Manitoba
Judy Ferguson Vérificatrice provinciale par intérim, Bureau du vérificateur général de la Saskatchewan
Bonnie Lysyk Vérificatrice générale, Bureau du vérificateur général de l’Ontario
Barbara Waite Directrice d’audit, Bureau du vérificateur général de l’Île-du-Prince-Édouard
Rebecca Yosapovich Directrice, Pratiques professionnelles, Bureau du vérificateur général de l’Ontario
2 Tout titre ou nom d’organisation mentionné est celui en vigueur à la date de la publication de cet ouvrage. La Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation était alors connue sous l’appellation CCAF-FCVI Inc. 3 Vous pouvez transmettre vos commentaires, suggestions et idées à Monsieur John Reed, à la Fondation canadienne pour l’audit et la responsabilisation ([email protected]).