zemidjan

3
La Presse du Jour – Cotonou, le 3 avril 2008 Transport urbain Zém : une véritable entreprise Les taxi-motos sont une réalité qui attire de plus en plus l'attention au milieu de la société béninoise. Nombreux sont les facteurs à considérer. Giulia Marchi Emmène-moi vite : en fon, zémidjan. Jaunes à Cotonou, rouges à Porto-Novo, vertes à Ouidah, violettes et jaunes à Abomey, les chemises des zémidjans sont perçues en quelque sorte comme les drapeaux des villes. Les taxi-motos plus répandu en Afrique, né à la fin des années 80 pendant la période des ajustements structurels imposés par la Banque Mondiale, a permis à plusieurs personnes de s'en sortir. C'est un moyen de transport qui est présent dans toute l'Afrique de l'Ouest, et qui n'hésite pas à conquérir le centre du continent. Du Rwanda au Congo, son succès est évident. En effet, en plus de créer de l'emploi, les taxi-motos comblent les lacunes des transports publics. Leur activité, en comparaison avec celle du taxi-auto, présente des avantages incontestables : la rapidité, un coût relativement acceptable et une commodité d'accès aux zones les plus reculées et enclavées. Par contre, ils sont accusés d'être à l'origine de la pollution des villes. Selon le Ministère de l'environnement, il est émis chaque jour au Bénin 83 tonnes de monoxyde de carbone, dont 49 émises par les motos. D'ailleurs, l'essence de contrebande, le kpayo, décidément moins chère que le carburant à pompe, est aussi beaucoup plus polluante. Impact sur le transport urbain Dans les dernières années, le parc de taxi-motos a connu une progression vertigineuse. C'est sûr que l'arrivée sur le marché des motos de marques chinoises et coréennes, a eu un poids remarquable. Et comme on peut s'en rendre à l'évidence, le marché des Zémidjans est devenu une véritable entreprise. Les acteurs ? Les maisons de commerce de motos, les vendeurs d'essence, l'Etat même. Un marché qui crée l'emploi à la jeunesse et qui contribue à la création de la richesse nationale à travers les charges fiscales. Ce n'est d'ailleurs pas le fait du hasard, si même la partie politique de la société s'y intéresse. En période d'élections comme l'on se retrouve aujourd'hui, les zémidjans constituent une grosse tranche d'électeurs. Le Mouvement des Zémidjans pour un Bénin émergent (Mozebe), un mouvement à vocation politique, est né le 5 février dernier, avec le but de travailler aux côtés du chef de l'Etat pour sortir la corporation des zémidjans de la misère et « pour faire face avec succès aux prochaines échéances électorales, notamment les élections communales et municipales à Cotonou ». Il est certain que ce n'est pas un métier facile :

Upload: giulia-marchi

Post on 27-Mar-2016

212 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Transport urbain Giulia Marchi La Presse du Jour – Cotonou, le 3 avril 2008 temps, beaucoup moins polluantes. En outre, seront mis en place un système de primes et d'aides fiscales, ainsi qu'un volet d'information et communication à destination des propriétaires de motos.

TRANSCRIPT

La Presse du Jour – Cotonou, le 3 avril 2008

Transport urbain Zém : une véritable entreprise Les taxi-motos sont une réalité qui attire de plus en plus l'attention au milieu de la société béninoise. Nombreux sont les facteurs à considérer. Giulia Marchi Emmène-moi vite : en fon, zémidjan. Jaunes à Cotonou, rouges à Porto-Novo, vertes à Ouidah, violettes et jaunes à Abomey, les chemises des zémidjans sont perçues en quelque sorte comme les drapeaux des villes. Les taxi-motos plus répandu en Afrique, né à la fin des années 80 pendant la période des ajustements structurels imposés par la Banque Mondiale, a permis à plusieurs personnes de s'en sortir. C'est un moyen de transport qui est présent dans toute l'Afrique de l'Ouest, et qui n'hésite pas à conquérir le centre du continent. Du Rwanda au Congo, son succès est évident. En effet, en plus de créer de l'emploi, les taxi-motos comblent les lacunes des transports publics. Leur activité, en comparaison avec celle du taxi-auto, présente des avantages incontestables : la rapidité, un coût relativement acceptable et une commodité d'accès aux zones les plus reculées et enclavées. Par contre, ils sont accusés d'être à l'origine de la pollution des villes. Selon le Ministère de l'environnement, il est émis chaque jour au Bénin 83 tonnes de monoxyde de carbone, dont 49 émises par les motos. D'ailleurs, l'essence de contrebande, le kpayo, décidément moins chère que le carburant à pompe, est aussi beaucoup plus polluante. Impact sur le transport urbain Dans les dernières années, le parc de taxi-motos a connu une progression vertigineuse. C'est sûr que l'arrivée sur le marché des motos de marques chinoises et coréennes, a eu un poids remarquable. Et comme on peut s'en rendre à l'évidence, le marché des Zémidjans est devenu une véritable entreprise. Les acteurs ? Les maisons de commerce de motos, les vendeurs d'essence, l'Etat même. Un marché qui crée l'emploi à la jeunesse et qui contribue à la création de la richesse nationale à travers les charges fiscales. Ce n'est d'ailleurs pas le fait du hasard, si même la partie politique de la société s'y intéresse. En période d'élections comme l'on se retrouve aujourd'hui, les zémidjans constituent une grosse tranche d'électeurs. Le Mouvement des Zémidjans pour un Bénin émergent (Mozebe), un mouvement à vocation politique, est né le 5 février dernier, avec le but de travailler aux côtés du chef de l'Etat pour sortir la corporation des zémidjans de la misère et « pour faire face avec succès aux prochaines échéances électorales, notamment les élections communales et municipales à Cotonou ». Il est certain que ce n'est pas un métier facile :

fort taux d'accidents impliquant les taxi-motos, les incidents de la pollution sur la santé, la chaleur. Mais c'est un métier qui permet d'arrondir les fins des mois aussi : de nombreux conducteurs ont le visage protégé par un masque, un foulard et ils portent des lunettes de soleil ; mais ce n'est pas seulement pour se protéger de la poussière, avoue quelqu'un d'entre eux. Certaines personnes, comme des enseignants qui peuvent être facilement reconnues, se cachent le visage afin de préserver leur anonymat. Au nombre des profession libérales, celle de conducteur de taxi-moto est encore une profession très facile à pratiquer, et qui apporte trop de profits. La licence, pas nécessaire Est-il nécessaire avoir une licence ? Pas du tout. Pour devenir zémidjan, il suffit de se rendre à la mairie : derrière une grille blanche, deux bureaux pour prendre les coordonnées et l'argent de l'aspirant conducteur et lui donner le numéro d'identification. « Il faut nous présenter les papiers d'achat de la moto, et une pièce d'identité du propriétaire », explique Tiburée Bossou, employé dans le bureau, qui précise « qu'en moyenne une trentaine de personnes par jour viennent s'inscrire sur la liste des conducteurs ». Mais le conducteur peut être n'importe qui. Frais à payer : 400 Fcfa par mois, et 300 Fcfa à l'inscription. Des rentrées pas mal pour l'Etat, à considérer le nombre de personnes qui se rendent au bureau. Une fois le numéro obtenu, on achète une chemise, au dos de laquelle ledit numéro est imprimé tout de suite. Un nouveau zém sur la voie. Une démarche très simple, mais aussi très simple à esquiver. Un conducteur régulièrement inscrit, avoue avoir vu son numéro sur une autre chemise. Le seul cas? Non, bien sûr ! Mais les zémidjans travaillent dur. « Je me réveille à six heures », raconte Efemée Abissi, zémidjan de 23 ans. « Je roule de sept heures à vingt heures, avec une pause de deux heures au milieu de la journée ». Certains habitent à Cotonou, d'autres viennent d'Abomey, de Dassa, ou d'autres villes. Ils dorment quelque part dans la ville, et travaillent du matin jusqu'au soir. « On est fatigué », dit Roland Agassou, un taxi-moto de 25 ans. « le soleil et la rue tout le temps. Pas d'aide, pas d'assurance, pas d'associations, pas de confiance. Les syndicats sont des voleurs, ça ne sert à rien », se plaint-il. Un métier qui ne cache pas ses mauvais côtés. Les gens les utilisent, mais en même temps, ils ont peur. Les accidents mais aussi les agressions : des bandits qui se déguisent en zémidjans, et n'hésitent pas à priver leurs passagers d'objets de valeur. Le côté environnement Pour ce qui concerne l'environnement, l'Agence Française du Développement a mis en chantier le PAACO, un projet d'appui à l'agglomération de Cotonou. C'est un projet qui vise à « améliorer le fonctionnement de l'agglomération par la création d'infrastructures et d'équipement », un projet financé par la coopération bilatérale française. Parmi les différentes composantes, une d'entre elles concerne la lutte contre la pollution atmosphérique, qui, à Cotonou, est très élevée et due pour l'essentiel aux moto-taxis. Vu que leur nombre est estimé à plus de 100.000, l'Agence Française du Développement financera un projet de renouvellement du parc des zémidjans à Cotonou : il vise à remplacer les motocyclettes à moteur deux-temps par des motocyclettes à moteurs quatre-

temps, beaucoup moins polluantes. En outre, seront mis en place un système de primes et d'aides fiscales, ainsi qu'un volet d'information et communication à destination des propriétaires de motos.