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INTRODUCTION
Le Yoga Chinois est-il un sport, une gymnastique douce, une activité de loisir, une pratique de
santé, une philosophie ? Ces derniers temps, les écoles, les cours et les enseignants se
multiplient et on est tenté de répondre : un peu de tout cela, selon ce que chacun y cherche.
Si l’on veut regarder un peu plus loin, une autre question plus simple et plus profonde
s’impose : le Yoga Chinois est-il une activité ou une partie intégrante de la vie quotidienne ?
Tout d’abord précisons « partie intégrante de la vie quotidienne » comme tout élément,
concret ou abstrait, qui est indispensable pour vivre harmonieusement, qui n’est pas extérieur
mais constitue une manière de vivre. En d’autres termes, partie intégrante de la vie, c’est
comme se laver, manger, dormir, on ne se pose pas la question si on fait ou ne fait pas, c’est
naturel.
Nous allons tenter de répondre à cette question tout d’abord à travers quelques exemples
historiques, sans faire une étude exhaustive mais en nous référant à quelques Maîtres de la
discipline. Nous examinerons ensuite différents domaines de la vie en rapport avec le Yoga
Chinois, et nous terminerons par une expérience personnelle.
* Une petite précision : le terme YOGA CHINOIS a été créé par l’Ecole SAKURA et comprend plusieurs
arts martiaux internes. Nous ne parlerons ici que de QiGong et TaiChi.
QUE NOUS DIT L’HISTOIRE ?
Le Yoga Chinois fait partie des pratiques énergétiques chinoises très anciennes. Il trouve son
origine dans la philosophie du Taoïsme, et ses objectifs sont la recherche de l’équilibre, de la
santé et de l’harmonie avec soi-même et avec l’environnement. Il s’appuie sur la science de la
nature, source illimitée de connaissances, et peut donc s’enrichir sans cesse. On ne peut le
dissocier de la Médecine Traditionnelle Chinoise : sur le plan de la santé, il permet d’exploiter
son potentiel physique, de rechercher l’autonomie et de renforcer l’immunité naturelle.
On pourrait dire que l’un des principes-clef du Yoga Chinois est l’union de l’homme et de la
nature, comme l’indique Tchouang Tseu : « Malgré leur immensité, le ciel et la terre subissent la
même loi d’évolution ; en dépit de leur multiplicité, tous les êtres relèvent d’un ordre unique. Le Tao
recouvre et soutient tous les êtres. »
Le QiGong se définit comme le travail du Qi, et le TaiChi comme l’intégration dynamique du
Yin et du Yang. Que représentent ces termes Qi, Yin, Yang ? Ces notions sont passionnantes et
mériteraient des développements conséquents, mais nous ne donnerons ici qu’une idée
générale, juste pour mieux comprendre leur rapport avec la vie de tous les jours.
Le Qi est un concept central de la pensée médicale chinoise. Il a un aspect matériel et
immatériel comme le montre son idéogramme (vapeur + riz). C’est la base de toute chose,
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animée ou inanimée : minéraux, végétaux, animaux, êtres humains. « Si ça existe, il y a du Qi »
dit-on, ou encore « le Qi est à l’origine du monde ». La notion de Qi vient de la connaissance
intuitive des phénomènes naturels et c’est une énergie qui se manifeste simultanément sur
les plans physique, mental et spirituel. Le terme lui-même est intraduisible ; les mots que l’on
emploie souvent sont « énergie », « souffle », « force vitale » et bien d’autres, mais chacun
d’eux est incomplet. On trouve dans le chapitre 25 des Questions Simples (Su Wen) : « un être
humain provient du Qi de la Terre et du Qi du Ciel ». Dans la mesure où le QiGong est le travail du
Qi, on peut dire que c’est le travail sur la vie elle-même.
La notion de Yin-Yang (Yang = clarté, Yin = absence de clarté) vient de l’observation des
paysans, tout d’abord le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité, le soleil et la lune, le chaud et
le froid, etc. Il a été déterminé que tout ce qui fait face au soleil est yang et tout ce qui tourne
le dos au soleil est yin et par extension tout le monde matériel, tout objet, tout phénomène
se rattache à l’une ou l’autre tendance et peut être considéré comme le résultat des
mouvements d’opposition et de réunification de ces deux énergies yin et yang. Elles sont
opposées et complémentaires et évoluent sans cesse de l’une à l’autre (par exemple, le jour
se transforme en nuit, et la nuit en jour). L’équilibre yin-yang est donc indispensable à la vie,
et en particulier à la bonne santé de l’être humain. Toute maladie peut se ramener à un
déséquilibre entre le yin et le yang et/ou à une mauvaise circulation du Qi. Le TaiChi étant
l’intégration dynamique du yin et du yang, il contribue totalement au maintien de cette
harmonie vitale pour nous tous.
Nous allons maintenant examiner de façon très succincte l’évolution du Yoga Chinois et son
rapport à la vie quotidienne, à travers les exemples de quelques Maîtres, en essayant de
retrouver les filiations jusqu’à la méthode pratiquée dans notre école.
On trouve des documents décrivant des exercices physiques en Chine, dans le HUANG DI NEI
JING, compilation des savoirs médicaux de l’époque des Royaumes Combattants (475 – 221
avant JC), ces exercices faisant partie intégrante de l’hygiène de vie et de la conservation de
la santé. Pour le plaisir, citons cet extrait des Questions simples (Su Wen):
« J’ai entendu dire que la plupart des hommes de la haute antiquité pouvaient vivre cent ans sans
manifester aucun signe de vieillesse » dit l’Empereur Jaune
« Dans l’antiquité, lui répond Qi Bo, ceux qui connaissaient bien le moyen de ménager leur santé
respectaient le Yin et le Yang (…) Ils surveillaient leur alimentation, travaillaient et se reposaient de
manière régulière. C’est pourquoi ils pouvaient conserver une bonne santé, aussi bien corporelle que
mentale et vivre de longues années bien méritées. Pour les hommes de notre époque, il n’en est plus
ainsi »
Avec la dernière phrase, on se croirait presque au 21ème siècle !
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On a même découvert que ces pratiques pour renforcer la santé sont encore plus anciennes.
Il faut noter aussi que ces exercices étaient surtout réservés à l’Empereur, aux nobles et aux
guerriers. Elles n’étaient pas vraiment accessibles à tout le monde : l’un des buts était d’avoir
des guerriers solides pour la défense du pays contre toutes sortes d’attaques.
Les origines du TaiChi tel que nous le pratiquons sont extrêmement complexes, et restent
encore floues actuellement. Il est inutile de vouloir résumer en quelques lignes 3 à 5000 ans
d’histoire et nous passerons directement du Huang Di Nei Jing à une époque plus récente.
Plusieurs théories indiquent le nom de YANG LUCHAN (1799 – 1872) au départ du TaiChi actuel.
Il transmit à ses trois fils, dont le dernier, Yang Jianhou (1839 – 1917), eut pour successeur un
de ses fils, Yang Chengfu (1883 – 1936).
CHENG MAN CHING (1901 – 1975) contracta dans sa jeunesse une maladie pulmonaire et en
fut guéri grâce à la pratique du TaiChi en devenant en 1932 l’élève du Maître Yang Chengfu,
petit-fils de Yang Luchan, puis son disciple. Par la suite il fit une synthèse de la forme Yang du
TaiChi. « Les principes du TaiChi Chuan peuvent être utilisés en totalité dans la conduite de la vie »
disait-il. Il fonda une école de TaiChi aux Etats Unis et son ouvrage essentiel : les Treize Traités
de Maître Cheng, fut traduit par l’un de ses disciples américains. Vers la fin de sa vie, ses élèves
l’appelaient affectueusement : « le vieil Homme qui ne se lasse pas d’apprendre ».
WANG XIANG ZHAI (1885 – 1963), enfant malade et chétif, fut envoyé par ses parents chez un
maître de Xing Yi Chuan (boxe de la forme et de l’intention) pour améliorer sa santé. Il y apprit
principalement la posture de l’arbre ou posture du pieu (ZHAN ZHUANG) et se renforça si bien
qu’il poursuivit cette pratique en voyageant pour étudier avec les plus grands maîtres de
l’époque. Par la suite, il fit une synthèse des divers enseignements reçus qu’il nomma
YICHUAN (boxe de l’intention) et il commença à l’enseigner avec le désir d’en faire profiter le
plus grand nombre. Le YiChuan comporte deux aspects : santé et martial, mais le but reste le
renforcement du corps, la concentration, l’union corps-esprit. On peut dire que ces objectifs
font partie d’une vie équilibrée, même si la posture de l’arbre (ZHAN ZHUANG) qu’il enseignait
surtout à ses élèves semble un peu en dehors de la vie courante. Wang Xiang Zhai résume lui-
même ce lien : « Il n’y a pas de limite de temps, d’espace ou d’autres conditions, que ce soit en
marchant, debout, assis ou allongé, il est possible de s’entraîner partout et à tout moment. Ainsi cette
méthode simple d’entrainement peut tout à fait se fondre dans la vie quotidienne et être acceptée et
maîtrisée par le plus grand nombre ».
Un Japonais, maître de karaté, Kenichi SAWAI (1903 – 1988) fut un jour battu au combat par
Wang Xiang Zhai et devint son disciple, puis fonda sa propre école au Japon qu’il appela
TAIKIKEN, boxe de la grande énergie, (différent de TAICHI CHUAN). La posture de l’arbre prit
le nom japonais RITSUZEN ou méditation debout.
Le Docteur YAYAMA & Maître TOKITSU, à notre époque, sont en partie les héritiers de ces
Maîtres et par des chemins très différents au départ, ils sont arrivés à des conclusions
communes en ce qui concerne la santé et la vie.
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Maître Tokitsu (Japonais, mais vivant en France depuis longtemps) pratique plusieurs arts
martiaux à un haut niveau, dont le TaiChi Chuan, et effectue sans arrêt de nombreuses
recherches pour améliorer l’efficacité en combat, tout en maintenant et même en améliorant
la santé. « La sensation de bien-être tient largement au fait d’être en bonne santé (…). Nous pouvons
développer cette sensation par la pratique du TaiChi Chuan » dit-il. Il étudie avec de nombreux
professeurs, entre autres : Maître Kozo NISHINO, lui-même élève de Sawai, avec qui il pratique
le Taikiken et Maître YU YONG NIAN, disciple de Wang Xiang Zhai, spécialiste du YiChuan. Son
esprit de recherche constant lui fait dire : (le TaiChi), « je ne le pratique pas comme un code à
respecter. Je pratique une méthode qui me fait progresser » et « la méthode est comme une nourriture
(…). Il ne suffit pas d’être bien à un certain moment, mais il faut progresser continuellement tout au
long de sa vie ». A de nombreuses reprises, il nous précise l’objet de sa recherche : « Comment
peut-on former et développer des capacités en vitesse et en force tout en s’exerçant lentement avec
souplesse ? Je répèterai cette question tout au long de ma quête puisqu’elle est le fil conducteur de ma
réflexion ».
En 1996, il rencontre le docteur Yayama, suite à la lecture d’un de ses livres, et leur
collaboration commence en 1997 avec l’organisation d’un stage en France, collaboration qui
se poursuit actuellement ; cette même année, Maître Tokitsu fonde son école du JISEIDO (voie
pour se former soi-même).
Citons une petite anecdote, racontée par Maître Tokitsu pour bien montrer que le Yoga
Chinois peut se pratiquer partout et à tout moment : il nous a un jour expliqué comment il
utilisait son temps dans les transports pour travailler les exercices de l’oiseau, la tortue, le
dragon et l’ours afin de faire circuler le Qi, en position assise, sans utiliser les bras, en
mobilisant uniquement le tronc !
Le Docteur Yayama, chirurgien cancérologue Japonais, exerçant au Japon, a très vite cherché
à compléter les soins classiques qui ne le satisfaisaient pas en étudiant de nombreuses autres
disciplines, dont la Médecine Traditionnelle Chinoise et le QiGong. « Améliorer et renforcer l’état
de mes patients, c’était le centre de ma méthode » explique-t-il.
Il rencontre Sawai, disciple de Wang Xiang Zhai et découvre tout le potentiel des arts martiaux
pour l’amélioration de la santé. Il crée alors une méthode inspirée des exercices de QiGong
(Kikô en japonais), basée principalement sur le travail de la souplesse de la colonne vertébrale
pour faire circuler le Qi. « Il s’agit d’activer les chakras (sièges d’énergie) par des exercices de la
colonne vertébrale et des omoplates ». Il découvre les pratiques de Shôshûten (petite circulation
céleste) et Daishûten (grande circulation céleste) qui ont pour but de faire circuler le Qi dans
tout le corps, et même à l’extérieur du corps, en liaison avec l’univers, et cette action est à la
fois mentale, émotionnelle et physique. Il expérimente sur lui-même tout ce travail sur le Qi,
l’enseigne à ses patients mais en incitant chacun à se prendre en charge : « le fait de tomber
malade a un sens » dit-il « la maladie signifie que le mode de vie que vous avez eu jusqu’à présent
n’était pas équilibré et qu’il faut le changer ». Il insiste également sur ce qu’il appelle le « principe
de confort » : il s’agit de toujours rester dans le respect de ses propres possibilités. « Il faut
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cultiver la sensation interne, demander au corps ce qui lui convient ; ensuite le corps apprend puis se
sent bien. Il faut s’entraîner en gardant ce principe de confort toujours présent à l’esprit ».
En 1996, suite à son entrevue avec Maître Tokitsu, il fait le commentaire suivant : « Après la
rencontre avec Maître Tokitsu, j’ai envisagé la possibilité d’appliquer ma méthode en art martial, car
j’ai toujours aimé les arts martiaux » (…) « la recherche de la santé converge avec l’efficacité en art
martial »
De son côté, Maître Tokitsu récapitule : « la méthode Yayama est pour moi la base fondamentale
de l’objectif : santé, bien-être, efficacité.
Nous n’entrerons pas ici dans les détails techniques, le TaiChi Chuan et le Taikiken sont
évidemment beaucoup plus que la pratique de Zhan Zhuang ou Ritsuzen, mais on peut voir
que Maître Tokitsu et le Docteur Yayama se sont inspirés entre autres des Maîtres chinois
Wang Xiang Zhai et japonais Sawai et que, en partant du combat et de la médecine, leurs
recherches ont pour résultat un enseignement visant la santé, le bien-être et l’efficacité,
totalement intégré dans les besoins de la vie de tous les jours.
Ce petit aperçu historique très sommaire et très incomplet nous permet néanmoins de
retrouver une partie des origines de l’enseignement de Maître Tokitsu et du Docteur Yayama,
ce qui nous intéresse tout particulièrement puisque leur méthode est enseignée à l’école
SAKURA. Il est frappant de constater que plusieurs Maîtres ont commencé les arts martiaux à
cause de problèmes de santé, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas seulement de combat ou
de compétition, mais aussi de préserver la santé, d’améliorer la qualité de vie, et presque tous
ont parlé de l’intégration de la pratique dans la vie habituelle.
LE YOGA CHINOIS DANS LES DOMAINES DE LA VIE
On l’a vu, ce qui fait partie intégrante de la vie quotidienne, c’est tout élément conduisant à
un art de vivre harmonieusement. On distinguera les aspects physique (santé et
alimentation) ; mental (solidité émotionnelle) ; spirituel (philosophie de vie), étant entendu
que tous ces points de vue sont intimement liés.
Sur le plan physique, il est connu que cette pratique permet d’améliorer la souplesse des
articulations et l’équilibre postural, tout en restant dans les capacités de chacun. La souplesse
de la colonne vertébrale est essentielle pour la circulation du Qi, ce qui permet d’éviter les
stagnations, sources de douleur, et d’activer toutes les fonctions physiologiques. Très souvent
la respiration s’améliore, le sommeil également, d’où un état physique général transformé.
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L’alimentation ne fait pas partie, à strictement parler, du Yoga Chinois, mais indirectement le
lien existe sur le plan énergétique. Il suffira de retenir que le Yoga Chinois est une discipline
globale et que notre nourriture vient de la nature, avec ses caractéristiques Yin et Yang, tout
comme nous, êtres humains. Par conséquent, une alimentation équilibrée pas seulement sur
le plan diététique, mais aussi sur le plan énergétique est indispensable à la santé et
inséparable de la Médecine Traditionnelle Chinoise et du Yoga Chinois.
L’aspect mental de la vie est tout aussi présent dans nos exercices ; les mouvements lents et
souples, ainsi que le travail sur la respiration, favorisent une meilleure gestion des tensions et
du stress. Actuellement de nombreuses maladies ont au moins une composante émotionnelle,
et il est indéniable que nous parvenons à une modification de l’état d’esprit, soit en prévention,
soit en aide à la guérison en cas de maladie déclarée. De multiples témoignages montrent à
quel point les situations de notre vie surchargée en permanence peuvent être vécues de façon
beaucoup plus positive, simplement parce que nous les voyons différemment.
La pratique du Yoga Chinois devient ainsi une manière d’être, un art de vivre, une philosophie
de la vie. Le côté spirituel englobe toute la vie et dépasse ainsi largement le physique et le
mental. Lao-Tseu enseigne : «la vie est une succession de changements naturels. Ne résistez pas car
cela ne génèrera que des soucis. Laissez la réalité être la réalité. Laissez faire naturellement les choses. »
Il ne s’agit en aucun cas d’être passif et d’attendre que les choses arrivent toutes seules. Il dit
encore : « un voyage de mille lieues commence par un pas » et « l’échec est le fondement de la
réussite ». Nous avons là une bonne illustration de l’essence du Yoga Chinois qui incite à
toujours progresser, persévérer, expérimenter, tout en respectant ses propres aptitudes.
Il est important aussi de noter que le comportement appris dans les cours d’arts martiaux ne
suffit pas s’il se limite aux cours. De nombreux professeurs contemporains l’expriment
clairement : «le maître enseigne un code de vie » ; « j’essaie d’enseigner un art de vivre » ;
« l’enseignement d’un maître ne s’arrête pas à la porte du dojo ».
Pour terminer ce paragraphe sur les différents domaines de la vie en rapport avec la pratique
du Yoga Chinois, nous pouvons citer encore le Docteur JIAN Liujun : « L’apprentissage est
incontournable, encore faut-il le concrétiser dans notre vie quotidienne. (…) Puisque nous avons besoin
de nourriture pour vivre, nous devons apprendre à faire la cuisine et, même si nous devenions cordon
bleu, il nous faudrait continuer à cuisiner pour nous alimenter. Il en va de même pour les arts
énergétiques ».
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EXPERIENCE PERSONNELLE
Je suis arrivée à Sallanches il y a une dizaine d’années dans une période difficile de ma vie,
après une série d’épreuves rapprochées (décès de mon mari, licenciement dans mon travail,
deux opérations de la main droite me laissant un handicap définitif), et dans un état qu’on
pourrait qualifier comme « au fond du trou ».
Mes efforts pour m’intégrer dans une ville inconnue et commencer une vie nouvelle, m’ont
amenée à me tourner vers les activités associatives. J’ai cherché, entre autres, une discipline
complète et globale, qui m’oblige à me concentrer sur ce que je fais et me permette à la fois
de réparer le physique et d’apaiser le mental.
Après plusieurs essais de disciplines, de lieux, d’enseignants différents, j’ai fini par trouver
mon bonheur avec un cours de QiGong et TaiChi, un peu loin de chez moi, mais accessible en
une heure et demie de train (on verra plus loin le rôle de ce détail), et avec un professeur,
Alain JACOPINO, qui correspond parfaitement à mes attentes. Si je devais le définir en
raccourci, ce serait en trois mots : « exigence sévère et bienveillante ».
Le Yoga Chinois est une pratique de santé et de longévité, dit-on. A 67 ans, je ne me plains pas
de ma santé, je n’ai pas de problème majeur, peut-être à cause d’un passé sportif et
montagnard. Par contre, peut-être pour la même raison, « mécaniquement » je suis un peu
« cassée » suite à divers accidents, principalement en montagne, me laissant des séquelles,
certaines définitives, d’autres qui se manifestent par des contractures et blocages en
différentes zones corporelles, mais sans que je m’en rende vraiment compte. C’est seulement
depuis un ou deux ans que je commence à les découvrir grâce au travail profond que nous
faisons en cours.
Que représente le Yoga Chinois dans ma vie après quelques années de pratique ? Au départ,
j’ai découvert les automassages bien avant le QiGong et le TaiChi, il y a une douzaine d’années,
tout à fait par hasard avec la lecture d’un livre, peu après le décès de mon mari. J’étais à
l’époque très mal et j’ai eu envie d’essayer… et cela m’a tellement aidée que je n’ai plus arrêté
depuis ; je ne peux pas commencer une journée sans, même dans les conditions les plus
acrobatiques ou originales. J’ai commencé le Yoga Chinois quelques années après, il y a six ans.
Les automassages sont alors devenus plus précis et beaucoup mieux ciblés en fonction des
saisons ; d’autre part, comme je l’ai indiqué plus haut, je prends conscience et essaie de
travailler sérieusement sur plusieurs blocages corporels, sans trop savoir si j’en viendrai à bout,
mais je m’accroche, pour au moins améliorer la situation. Mon maître-mot est devenu ce que
nous répète notre professeur à presque tous les cours : faire circuler le Qi grâce à une colonne
vertébrale souple et mobile ; c’est presque devenu un réflexe : dès que des douleurs
apparaissent (nuque, dos, sciatique, etc.), « je fais bouger », en douceur mais… tout plutôt
que l’immobilité statique.
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Sur le plan mental, j’expérimente depuis quelque temps un réel changement dans mon
attitude face aux évènements. Je parviens beaucoup mieux qu’avant à relativiser les soucis et
les contrariétés, par exemple en m’efforçant de les gérer un par un au lieu de me prendre la
tête et de me laisser complètement déborder. Je me surprends parfois à utiliser des exercices
de respiration sans l’avoir « décidé », juste pour me poser un peu et réfléchir calmement, et
c’est très efficace, jusqu’à même devenir un plaisir. Là encore c’est un travail de longue
haleine, je ne prétends pas réussir à tous les coups !
Quant à l’aspect spirituel du Yoga Chinois, la théorie correspond totalement à mes valeurs. Je
ne peux pas dire que j’ai appris quelque chose de nouveau avec les notions philosophiques
associées au Yoga Chinois, mais le « grand plus » c’est le lien réel physique-mental-spirituel.
On peut adopter certaines idées sur le plan intellectuel, tout le monde ou presque est d’accord
sur le fait que le physique et le mental sont liés, mais si on l’applique concrètement, c’est
différent. C’est ce que je suis en train de découvrir petit à petit. Je connaissais également les
accords toltèques, mais de façon abstraite, sans chercher spécialement à les appliquer et je
m’aperçois que depuis quelque temps, ils deviennent beaucoup plus présents dans ma vie.
Entre autres, ils nous montrent très clairement que l’on ne peut pas séparer notre propre vie
de celle des autres.
Que puis-je ajouter encore ? La pratique du QiGong et du TaiChi m’a permis de retrouver
l’espoir, de croire que je peux changer ma vie, de comprendre que je ne suis pas
« condamnée » par mes handicaps mécaniques. En d’autres termes, c’est le goût de vivre qui
revient petit à petit.
Je vais terminer avec un sourire en ajoutant quelques petits détails vraiment concrets de la
vie ordinaire, qui montrent que je commence à être bien « imprégnée ». J’ai fait allusion à mes
heures de train pour venir en cours ; finalement elles me sont très utiles pour réviser
l’examen! Et quand je suis saturée, ou fatiguée, je repense à Maître Tokitsu, et je commence
sur mon siège de train des séries « d’oiseau, tortue », etc. C’est vrai, comme il nous le disait,
personne ne voit, et cela fait du bien. Je fais la même chose dans toutes les files d’attente et
c’est vraiment très efficace pour patienter et avoir moins mal au dos ! J’y retrouve cette notion
qui paraît contradictoire au début : la mobilité dans l’immobilité. Et encore plus amusant, il y
a quelques années je prenais assez souvent le train de nuit et au petit matin avant l’arrivée à
destination, je faisais mes automassages au bout du compartiment, dans l’espace à vélos !
(heureusement dans le train de nuit, il n’y a en général pas de vélos !) Cela me permettait de
beaucoup mieux vivre la journée malgré ces déplacements fatigants.
Pour résumer, le Yoga Chinois fait-il partie de ma vie quotidienne ? Très nettement oui. Bien
sûr au début c’était juste une « activité qui fait du bien », c’était un moyen, mais rapidement
c’est devenu une partie intégrante de ma vie, c’est-à-dire que je ne peux plus m’en passer,
que ce soit le matin au réveil par les automassages, dans la journée quand je m’entraîne, non
pas comme un « devoir » mais avec un réel plaisir, et à tous moments quand je rectifie ma
posture, fais des mini-mouvements si je dois rester immobile trop longtemps, et bien sûr lors
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des cours hebdomadaires, indispensables pour progresser. Le Yoga chinois me donne l’envie
de me reconstruire, pas seulement par le sport, la montagne, le chant ou l’étude pure, mais
par un ensemble beaucoup plus ample, qui englobe tout. Même à 67 ans, il n’est jamais trop
tard !
CONCLUSION
Le Yoga Chinois, on l’a vu, concerne tous les aspects de l’être humain et a toujours pour but
final une amélioration de la qualité de vie, que ce soit pour conserver une bonne santé, pour
être mieux mentalement, ou même pour se défendre comme c’était le cas à l’origine. Mais il
ne devient réellement une partie intégrante de la vie quotidienne, que si on le décide. Si l’on
fait ce choix les bienfaits tout au long de l’existence sont immenses et jamais terminés : on
peut toujours aller plus loin : la recherche est constante et fait partie du processus.
Cette année de formation m’a beaucoup appris, et l’écriture de ce mémoire m’a fourni
l’occasion d’explorer la question avec enthousiasme, tant sur le plan physique que sur le plan
théorique. Cet approfondissement m’a donné une idée de tout le chemin qui reste à parcourir.
Plus le temps passe, plus j’ai envie de continuer, d’avancer, de progresser dans ma vie
quotidienne en particulier et dans ma vie en général.
J’ai l’impression de me trouver au tout début d’un long voyage passionnant et j’aime
beaucoup la réponse du Docteur Yayama pour définir le QiGong (Kikô) : «c’est une discipline qui
permet de changer de concept de vie ».
Merci à tous les grands Maîtres qui ont transmis cet enseignement au cours des siècles, en
l’enrichissant au fur et à mesure. Et pourtant à certaines époques, la transmission n’avait rien
d’évident. Cheng Man Ching, par exemple, nous fait part de cette ambiguïté dans son
Treizième Traité : « Autrefois quand un pratiquant d’arts martiaux découvrait une nouvelle technique,
il ne la révélait pas facilement aux autres (…) C’est un problème pour moi qui ai sincèrement envie de
partager de bonnes choses avec autrui. Cependant, je vais faire l’exposé des douze secrets suivants que
mon Maître ne communiquait pas à la légère et à n’importe qui.» Presque à l’inverse, Wang Xiang
Zhai avait à cœur que son enseignement soit transmis, comme nous l’explique sa fille Wang
Yu Fang : « mon père sur son lit de mort ne pouvait parler mais ses yeux ne voulaient pas se fermer car
il attendait (…). Il avait peur aussi que l’œuvre de sa vie ne se développe pas. Ses disciples l’ont rassuré
et lui ont promis que sa boxe ne s’éteindrait pas. Alors ses yeux se sont fermés et il est parti en paix. »
Si j’insiste un peu sur cette notion de transmission c’est que je me rends pleinement compte
que sans propagation, nous ne serions sans doute pas en mesure de pratiquer le Yoga Chinois.
Pour passer directement à notre époque, c’est avec un grand plaisir que je dis également
merci à Maître Tokitsu et au Docteur Yayama car je me sens réellement touchée par cette
collaboration entre deux spécialistes de disciplines différentes, qui au départ semblaient
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n’avoir rien pour se rencontrer. Grâce à leur ouverture d’esprit, ils ont mis au point une
technique originale, à l’aide de nombreuses expérimentations, l’un à partir des arts martiaux
de combat, l’autre à partir de la médecine ; leur méthode est accessible à tous, et pratiquée à
l’école Sakura. Il est significatif de noter que l’école de Maître Tokitsu s’appelle JISEIDO, c’est-
à-dire « voie pour se former soi-même », et que, en parfaite concordance, le Docteur Yayama
pense que « chacun doit avoir les moyens de se guérir soi-même ».
La phrase de Confucius : « Le bon maître est celui qui, tout en répétant l’ancien, est capable d’y
trouver du nouveau. » s’applique parfaitement ici.
Merci à toutes les personnes, amis de Sallanches et adhérents de l’école Sakura qui m’ont
aidée et encouragée dans cette grande aventure.
Merci de tout cœur, enfin, à Alain JACOPINO, mon professeur actuel, à qui je dois tant, et qui
nous enseigne avec générosité et passion, apportant également sa pierre à l’édifice par ses
recherches constantes. Nous avons la chance de bénéficier d’un programme très complet
grâce à ses compétences en arts martiaux et en Médecine Traditionnelle Chinoise. Lui aussi
« tout en répétant l’ancien, est capable d’y trouver du nouveau ». Plus que des grandes phrases, j’ai
envie de lui adresser une formule japonaise spéciale de gratitude qui résume tout :
O-SEWA NI NARIMASHITA
OKAGE SAMA DE TOTEMO BENKYO NI NARIMASHITA
YOROSHIKU ONEGAI SHIMASU
Merci pour votre enseignement (mot à mot : pour vos bons soins) Grâce à vous, j’ai beaucoup appris
Je souhaite bénéficier encore de votre enseignement à l’avenir
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BIBLIOGRAPHIE
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DUCOURANT Bernard : Sentences et proverbes de la sagesse chinoise
FAULIOT Pascal : Contes des Sages du Japon
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JACOPINO Alain : l’Art du mouvement (article de Tai Chi Mag)
JIAN Liujun : Dao de l’harmonie
KEWEN & Zhang Ming Lian : la voie du calme
LOWENTHAL Wolfe : Professeur Cheng Man-Ching : un grand maître de TaiChi parle
MACIOCIA Giovanni : les principes fondamentaux de la médecine chinoise
MANTAK Chia & Juan li : Dynamique interne du TaiChi
MARIE Éric : Précis de médecine chinoise
MING Shan : YiChuan – Recherches et secrets d’entrainement du Maître Wang Xiang Zhai
ODY Pénélope : Bible de la médecine chinoise
TCHOUANG Tseu : Joie Suprême
TOKITSU Kenji : Manuel de pratique du Jiseido & articles de Dragon Magazine
YAYAMA Toshihiko : la guérison par le Qi
YOUWA Chen : la diététique du Yin et du Yang
HUANGDI NEIJING Bible médicale de la Chine ancienne (édition illustrée)
DRAGON MAGAZINE
TAI CHI MAG