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JRTO WVMX.X*fc$ LITTERAIRES, &c. LETTRE L X I X. Paris , Ier. Février , 1751. L seroit trop singulier, MoN- SIEUR, qu'il n eût encore abso- lument rien paru de bon sur un Ouvrage aussi intéressant que YEfprit des Loix. Les Journaux de Hollande en ont parlé superficiel- lement ; ceux de France presque point. L Auteur a eu la politesse ou la foi- blesse de répondre iolidement à une mauvaise Galette: Ecclésiastique. Mr. Dupin , Fermier général, homme de mérite dans son métier , avoit fait im. primer à ses dépens une grosse criti- que in-quarto , dont il n'a rien eu de plus pressé que de retirer le peu d'é- xemplaires qu'il avoit généreusement distribués. L'un des Successeurs de

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Page 1: WVMX.X*fc$ LITTERAIRES,

JRTO WVMX.X*fc$LITTERAIRES, &c.

LETTRE L X I X.

Paris , Ier. Février, 1751.

L seroit trop singulier, MoN-SIEUR, qu'il n eût encore abso-lument rien paru de bon surun Ouvrage aussi intéressant

que YEfprit des Loix. Les Journauxde Hollande en ont parlé superficiel-lement ; ceux de France presque point.L Auteur a eu la politesse ou la foi-blesse de répondre iolidement à unemauvaise Galette: Ecclésiastique. Mr.Dupin

,Fermier général, homme de

mérite dans son métier,

avoit fait im.primer à ses dépens une grosse criti-que in-quarto

,dont il n'a rien eu de

plus pressé que de retirer le peu d'é-xemplaires qu'il avoit généreusementdistribués. L'un des Successeurs de

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l'Abbé Desfontaines,

Mr. l'Abbé de taPorte

,avoit répandu dans ses brochu.

res diverses réfléxions,

qu'il vient deramasser en un Volume sous le titretiObfervations sur l'Esprit des Loix ,ou CArt de lire ce Livre

,de l'enundre

& d'en juger. La première partie dece petit Ouvrage

,telle que je l'ai luë

il y a trois ou quatre mois dans lesfeuilles périodiques

,m'a paru médio-

cre ; la seconde très-bien raisonnée,très-philosophique

,très

-digne d'une

réponse du Président ; la troisième ,foible, vague , peu réfléchie, & sans

conséquence.ON pense ici de CEsprit des Loix à

peu près ce qu'on en pense à Lon-dres ; c'est

-dire

,qu'on le regarde

comme un des meilleurs Livres de ceSiècle

, par l'abondance & l'élévationdes pensées ; par l'étendue, le choix& l'a propos de l'érudition; par la quan-tité d'observations utiles

,de réfléxions

ingénieuses,

de vues saines,

d'imagesfortes

,de traits hardis ; mais impar-

fait dans la partie systématique ; dansles Principes

,dans l'application des

Principes aux cas particuliers ; dansla combinaison des conséquences; dansla distribution des matières ; dans la

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liaison, dans l'ensemble

,dans la con-

tinuité de la chaîne des vérités. Cequ'il y a de fâcheux, c'est que cettepartie systématique est précisémentcelle dont l'Auteur se montre le plusjaloux ; c'étoit aussi la plus importante& la plus difficile. S'il avoit pu sub-ordonner tant de Loix à deux ou troisPrincipes simples

, par des conséquen-ces immédiates

, ou du moins prochai-nes & très-sénsib!es

,c'eût été la plus

belle chose du monde ; mais dès qu'ilfaut courir après les rapports, en lais-ser échaper un pour attraper l'autre,& n'être pas sûr d'avoir tout ramené

<adieu le Système. Reste à scavoir s'iletoit possible de trouver des principesmoraux plus universellement applica-bles que la Vertu ,

l'Honneur, & la

Crainte. Le plus grand tort de Mr.de Montesquieu est peut-être d'en avoir-eu trop bonne opinion ; de les avoiremployés trop absolument, trop ex-clusivement ; de ne les avoir pas assezsouvent conciliés

,assez fortifiés

, oulimités l'un par l'autre.Vous sÇaVez

,MONSIEUR

, ce quedisoit Rameau, quesi on le fachoit, il

m'ttroit en musique la Galette d'Hol-lande. ; voici quelqu'un, qui pour lui

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faciliter 1 opération, en vient de met-

tre un morceau en rimes,

sous le ti-tre de Poëme sur L'Incurjion des Au-trichiens en Provence

, ou Le Passage duVar. Il n'est point ici question d'in-vention

, non plus que dans le Poèmtde Fontenoi ; mais ce dernier avoit dumoins la poësie de détail & l'abondan-ce dès images. Vous trouverez dansl'autre en récompense quelques inju-res assez harmonieuses dites à vos amisles Autrichiens

,c'eH: ce qui fait t'in-

tiret de la Pièce.Si je dis mal, prenez-vous-en aux

bruits de Paris ; je n ai point encore lutout l'Ouvrage, non plus que VEpitrcde Air. Marmontel ait Roi à proposde l'Edit qui accorde la Noblesse auxMilitaires. Ce nouveau morceau ,

du-rement écrit, dit on ,

je m'en seroisdouté ; mais ingénieux dans quelquesendroits, je n'ai pas de peine à le croi-re ; a été présenté par Mde. de Pompa..dour, & voici YEnvoi du Poëte à laMarquise

,qui n'a pas été imprimé:

Il est une Vénus célesteDont la prélence embellit l'Univers jD'un doux sourire & d'un regard modèleElle répand le calme dans les airs. "

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Devant elle les vents se taisent,Les champs ont plus de fleurs,. les gazons

sont plus frais,Le Ciel est pur, les flots s'appaisentPour réfléchir l'éclat de ses attraits.

Non moins généreuse que belle,Les Dieux se reposent sur elleDu soin de verser leurs bienfaits.

Cette Vénus, sous le nom d'Uranie,

Préside aux Arts & leur donne le ton jElle inspiroit & Lucréce & Platon iC'elt des talens l'Idole & le Génie.

Quand les neufSoeurs au Souveraindes Dieux,Vont présenter quelque nom el ouvrage,Sur leur offrande elle jette les yeux)Avec bonté sa voix les encourage ,Et pc,ur lui plaire elles font encore mieux.0 POMPADOUR , vous êtes son image ,

Mon Héros eit celle des Dieux;Daignerez vous protéger mon Ouvrage ?

POUR ces Vers-ci, on ne lui repro-chera pas de les avoir fait durs &Jecs ;c'est le charme du sujet qui les a adou-cis : Md?. de Pompadour n'en doit pointinspirer d'autres ; j'en parle sans inté-rêt , sans reconnoissance & sans def-sein : sans reconnoissance

, non, carje lui sçais un gré infini des deux millefrancs de pension qu'elle vient de pro-curer à Mdle. de Lussan

,qui avoit fait

les plus jolies Anecdotes du monde,qui n'avoit pas de quoi faire un mau-

vais dîner.

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Ce fut le 29 Décembre que Mr. leComte de Bijjy eut l'honneur de s 'as-seoir pour la première fois chapeausur la tête au milieu des Quarante IM-MORTELS. Son compliment fut beau-coup mieux qu'il n'avoit cru ; car per-sonne ne sçait mieux que moi ce qu'ilen pensoit. Mr. le Maréchal de Belle-ijle répondit en qualité de Directeur.Mr. l'Abbé de Bernis

, pour terminerla séance

,essaya de nous prouver en

jolies phrases qu'il y a plus de goûtfous le règne de Louis XV

,qu'il ny en

cutfous celui de Louis XIV ; c'étoit juf-tement ce qu'il falloit démontrer enpleine Académie ; rai fît le discours fut-il applaudi. Heiireusement l'Arbitredes siécles n'a pas décidé qu'il y eûtplus de talens dans le nôtre

,ni même

autant de génie que dans le précédent ;mais iimplement que nous êtions meil-leurs juges des Ouvrages d'esprlt ;moyennant quoi les Manes de LouisXIV. n'auront point trop à rougir

,&

son Successeur pourra se consoler dansla pensée que les Princes ne sont pasles maîtres de la Nature, qu'ils ne sçau-roient la forcer à produire les grandshommes qui font les beaux siécles. Letravail des Mines est sournis à leurs or-

1%

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ires4

mais les veines fécondes ne lefont pas ; elles s'ouvrent tout-à-couppour verser des torrens. de ric.besses,& se dérobent quelquefois au momentqu'on les poursuit avec le plus d'ar-deur :

j'emprunte cette image d'un Roi,dont les ( a ) Memoiresreparoissentfous une nouvelle & très-iolie formeen deux petits Volumes. Vous corï-noissez les beautés & les défauts decette ébauche d'hifloire

,peut-être sus-

pe&e de partialité,

mais si souventdésintéressée

,mais hardie

,mais étin-

cellante de génie,

mais curieuse à tantd'égards. Le parallèle de Louis XIV.& du grand Fréderic Guillaume est

un chef-

d'œuvre :le supplément sur

le progrès des Arts & des Sciences ,de la Superstition & de la Religion ,n'est pas le morceau le moins inté-ressant. ï

(a) Les Mémoires pour servir « l'Histoire deBrandebourg,

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LETTRE LXX.

Paris , 15 Février, 17 5 i.

VOus voilà çbien embarrasse, MOÑ-SI EUR ; on vous envoye ces Dïf-

cours Académiques ; rendez les courtsen ne les lisant point : mais si vous vou-lez voir ce qui a paru de mieux à l'oc-casson de la mort de Mr. l'Abbé Ter-rafjon

,lisez les Réflexions sur sa per..

sonne &surses ouvrages , par Mr., d'A-lembert de l'Académie des Sciences.

POUR vous amuser en attendant laPièce

, je vous en détache le morceauqui m'a plu davantage, O11 vous trou-verez le fidéle portrait de nos Sçavansà la mode , & de leurs vrais ou pré-tendus amis

, juges & protecteurs.

„ Ce n'est pas que le com-" merce du monde ne foit nécessaire

„ aux gens de Lettres,

sur tout à cetix

" qui travaillent pour plaire à leur sié-de, ou pour le peindre ; mais ce

,, commerce devenu général & sans

„ choix,

est aujourd'hui pour eux ce,, que la découverte du nouveau Mon-

„ de a été pour l'Europe ; il est fort

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douteux qu'il leur ait fait autant debien que de mal.

,, NULLEMENT empressé de faire

„ sa cour, Mr l'Abbé Terrasson trou-,, voit plus aisé de ne point vivre avec

la plupart des Grands, que d'être

.

,, avec eux à sa place sans se dégra-

,, der & sans se compromettre. Il fuïoit

,, sur tout ceux dont l'orgueil perce à

„ travers leur accueil même,

& à l'é-

„ gard desquels la fierté est souvent

„ une vertu dans un homme de Let-

,, très,

& la douceur un vice. Mais

,, il estimoit beaucoup les Grands d'u-

,, ne Société simple & aimable,

qui

,, cultivent sans prétention les Scien-

,, ces & les Beaux Arts ,qui les ai-

,, ment sans vanité,

& qui, s'il ell

„ permis de parler le langage du tems,,, ne font point servir leur naissance &,, leurs titres de sauvegarde à leur

„ esprit.

,, Aussi étoit - il bien éloigné de

„ confondre les amateurs véritable-

,, ment éclairés, avec ceux qui en,, usurpent le nom ,

ordinairement oc-,, cupés du soin de rabbaifler les grands

„ talens pour élever les médiocres,

,, parce qu'ils ignorent que le mérite

„ éminent honore ses protecteurs,

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t) & que le mérite médiocre avilit» les fiens. On n'aura pas de peiné» à croire qu'il n'étoit guères plus» favorable à ces Sociétés particu-» lières si à la mode aujourd'hui, qui

» s'érigent en arbitres des Auteurs.» On a voit beau lui représenter que» par le moyen de ces Sociétés l'es-

» prit se répand & se communique

» de proche en proche: il répondoit

» par une ( a ) comparaison plus éner-» gique que recherchée

, que l'esprit

» d'une Nation ressemble à ces feuil-

» les d'or qui deviennent plus mincesr

» à mesure qu'elles s'étendent, & qu'if

» perd ordinairement en profondeur ce*

» qu'il gagne en superficie. »QUEL dommage

,MONSIEUR

, quece ne soit pas l'auteur de ces Réflexionsqui tienne la plume dans cette Acadé-

(a) L'image est séduisante : mais les rap-ports des Sciences entr'elles

,& l'effet natu-

rel de la communication des esprits,

mêmesuperficiels

, ne me permettent pas de croireque l'idée soit juste à l'égard des Nations; elle

peut l etre à l'égard du plus grand nombredes particuliers. Après tout, c'est ce vieuxproverbe

,Qui trop embrajje

,mal étreint,

auouel on &donné un habit neuf un peu trop

large.

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mie,

( b ) dont il fait aujourd hui leshonneurs sans titre ! Je nesçaurois vousdire cependant, il me semble que sonstyle n'est point encore absolument for-me. Il y a une élégance

, une ron-deur dans les tours , une délicatesse

y

une variété de liaisons, qui ne meparoissent point lui être assez familiè-

res , ou qu'il néglige, & dont il peutse passer comme Géométre, mais nonpas comme homme de goût.

V o u s ne lui demanderez sûrementpas toute cette façon dans l'édition deVEncyclopédie , que vous allez devoirà ses soins

, quant à la partie mathé-matique. Vous sçavez les conditionsde la souscription de cet ouvrage im-mense

,qui est tout prêt, & dont les

dix in folio se succéderont sans inter-ruption. Ce n'est point votre Cham-bers retourné & brodé

, comme vousPavez cru ; c'est votre Cambers rec-tifié

,enrichi de nouvelles découver-

tes ,suppléé d'une infinité de choses

qu'il laissoit à desirer dans les Sciences

(b) L'Académie des Sciences. C'en: au Se-crétaire de cette Académie à faire l'Eloge deMr. l'Abbé TerraJJon

,à Mr. de Fouchy ,

quin'a pas craint de succéder à MM. de Mairan& de Fontenelle.

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& dans les Arts libéraux,

& de toutdans les Arts méchaniques. Il avoitcommencé par dépouiller nos auteursimpitoyablement, sans choix & sansmesure ; on lui reprend ce qui méri-toit d'être réclamé

,& pour vous lais-

ser le plaisir de nous reprocher quel-

que chose, on s'approprie sa disposi-

tion générale,

qui est excellente, cet-

te manière ingénieuse de lier les pre-miers principes d'un Art à ses consé-quences les plus éloignées, & les Artsentr'eux par une chaîne impercepti-ble. Mais on n'a eu garde d'imiter sonaudace dans l'entreprise : ce n'est pointici l'ouvrage d'un seùl ; c'est celui d'u-ne (c) multitude'de Sçavans & d'Ar-tistes

,qui se sont chargés chacun de

la partie qui lui convenoit, & dontles ( d ) Editeurs n'ont presque faitque réunir les mémoires

, en remplis-sant les vuides d'une science à l'autre.Uniquement occupés de l'utilité pu-blique

,ils ne se vantent que des se-

cours qu'ils ont empruntés de toutes

(c) Le public verra leurs noms à la tête dupremier volume.

(d) Mr d'Alembert, & Mr. Diderot, auteurdu Profpeftus

,de quelques ouvrages philosj-

phiques) & même des Bijoux Indiscrets.

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parts. Manuscrits,

recherches,

ob-servations communiquées par les gensde l'Art & par les amateurs ; Biblio-théques publiques

,cabinets particu-

liers,

recueils,

porte-feuilles, tout

leur a été ouvert.L Ai s s o N s ce-s bagatelles aux Phi.

losophes : il eil question d'un Concilede Filles d'Opéra

,dernièrement tenu

dans les coulisses ( Mdle. Coupée pré-sidant ) pour instituer une Assembléeparticulière

, O11 n'entreroient que lesMilédis de l'Ordre qui auroient pourquarante mille francs de diamans. Unejeune & très-jolie débutante a deman-dé grace d'un quart, en produisantles lettres d'un sous-fermier, d'un Duc& de deux Conseillers au Parlement,qui lui donnent les espérances les plusprochaines :

mais après un long débat,mêlé d'injures délicates & de quelquescoups de pied dans le ventre ,

il a étédécidé à la pluralité des cris qu'ellene seroit admise en attendant qu'à titrede complaisante.

APRÈS l'affaire du Clergé c'eu: cel-le d'un Ane des environs de Paris,qui fait le plus de bruit actuellement.Un blanchisseur

,dont il étoit le Do-

mestique,

l'avoit attaché à la porte

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d'un épicier : vient à passer une fem*me nommée Leclerc ,

montée sur uneânesse. Le baudet toujours galant, &vif comme un moineau

, rompt sonlicou

,& vole après la dame de ses

pensées. La Leclerc éfrayée se jette àbas de sa monture ,

l'Ane y prend pla-ce : elle voulut interrompre ses plai-sirs

,mais il la mordit bien serré ; &

voilà une guerre entre la femme bles-sée & le maître de l'animal mutin. Laplus curieuse pièce du procès est uncertificat du Curé & des principaux dela paroiïTe

,qui atteste que le susdit

Ane étoit de bonnes moeurs ,& n'a-

voit jamais offensé personne. Cetteaventure jointe à celle d'un autre Cu-ré

,qui a refusé les Sacremens à un

magistrat Janséniste, parce qu'il n'avoitpoint de billet de confession

, a pro-duit l'épigramme suivante

,De deux Curés, portant blanches soutanes

%Le procédé ne se ressemble en rien :

L'un met tout au rang des profanes,Le Magiflrat & le Chrétien :

L'autre de san hameau trouve jusques auxânes

Tous les habitans gens de bien.\

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LETTRE L X X I.

Paris,

1er. Mars , 1751.

T? ST-il vrai, comme on le publie ,ti Que dans la saison des Amours ,Dans l'âge heureux de la folie

,Vous lai (sez obscurcir des joursPar l'oisive mélancolie ?

En-il vrai que loin des sermens ,Ou des trahisons de nos Belles ,Loin de leurs crédules amans ,Loin de leurs jalouses querelles

3

Et de tant d'autres bagatellesAutrefois vos amusemens

?Fatigué des tracasseries

,Glacé par les plaisanteries,Attriilé même par les Ris

3Solitaire au sein de Paris,Tranquille au milieu de l'yvresse,Sobre devant les meilleurs mets ,Vous voulez vivre désormaisSans créanciers & sans maîtresse ?

Qu'eH; devenu cet heureux tems ,Où plus avare des instans

,De l'Amour n'ayant que les aîles

>

Vous portiez vos voeux inconstansA tant d'aimables Infidéles ,Et faisiez tant de mécontens ?

Alors toujours gay sans étude ,Endetté sans inquiétude

,Jamais stérile en jeux de mots ,Vous sçaviez railler sans déplaire ,Etre indiscret avec mystère

>

Et déraisonner à propos.

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De l'Epigramme à l'ElégieQui peut vous avoir fait passer ,Et quelle funefle magieVous fait prendre une léthargiePour l'art de vivre & de penser ?Qu'Eraste

,dont l'orgueil se fonde

Sur un grand nom ,ion seul apui,

Qui jamais ne rit) toujours fronde3Et n'a d'estime que pour lui,

Dans une retraite profondeSe sauve du mépris d'autrui,Et las d'ennuyer tout le mondeAille à son tolir périr d'ennui

>Qu'après l'éclat d'une aventure ,Qui ternit son nom pour toujours ,Fuyant les ris, ou le murmure ,Qu'excitent ses nombreux amours jEt survivant à sa figure ,Dans quelque coterie jbscure

Belise aille compter Tes jours :Mais vous ,

qui ieene & sur de plaireEtes né pour tous les plaisirs ,A qui les Faites C) thèreN'offrent que d'neureux souvenir ,Pourquoi l'or tir de votre spnère ,Et forçant votre caractère

,•

laisser éteindre vos dé sirs ?

Du Dieu qui préside aux capricesChez nos Prudes , ou nos Actrices ,Rallumez plutôt le flambeau

>Et quittant Platon pour Ovide :Des mains d'une nouvelle ArmideVenez reprendre Ion bandeau.

N E voilà-t-il pas une très-jolie épi-tre , MONSIEUR ? C'est une nouvelle

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production de Mr. Desmahis,

Auteurd'une mauvaise petite Comédie pleined'esprit, de vers charmans, & d'agréa-bles impertinences contre les femmes.Vous sçavez que le bon air d'aujour-d'hui

,& peut-être le plus sur moyen

de réussir auprès d'elles,

est d'en mé.dire avec excès & de leur manquerà Cannée : mais comme tout s'use dansle monde

,& que rien n'y dure que le

goût du changement, je ne désespère

pas que les mauvais propos sur cesjolies créatures ne soient bientôt relé-gués en province

,& que les fats de

la campagne prochaine ne s'avisent deparoître les respecter pour se tirerdu pair.

CONSOLEZ- vous ,

Beautés déso-lées ; on nous prépare déja l'antidotede L'Impertinent, dans une autre petitepièce intitulée L'Apologie des Femmes.Les épigrammes ne manqueront pointà votre défense, c'est Mr. de Boissyqui l'entreprend ; mais je vous avertisqu'il n'a guère que de l'esprit faciice ,fort peu de ce beau naturel, de cetenthousiasme du coeur ,

de ce feu duCiel qu'il faut avoir volé pour être di..

gne de plaider votre cause.A propos de beau naturel, MoN-

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SIEUR , que je vous annonce les nou-velles Letttes de Mde. de Sévigne. Unedu Cardinal de Reti, qu'on y a jointe

,une du Duc de la Rochefoucault,

troisde Mde. de Grignan

,dix ou douze de

Mde. de la Fayette ; médiocre,ou mau-vasse compagnie que tout cela pourcette fois-ci, en dépit des noms. Dela facilité

,de la gaieté dans celles de

Mr. & de Mde.- de Coulanges,

qui fontplus de la moitié du Recueil ; patien-ce : mais la délicatesse & l'heureusesimplicité de Mde. de Sévigné effacetout, & jamais rien ne l'esfacera. Vousvous souvenez de notre ami qui latrouvoit fade

,& qui préféroit les Let-

tres du Chevalier d'Her , ce modèlede faux-bel-esprit, ce tribut d'un grandhomme à la foiblesse humaine. Sçavez-vous que je vous soupçonne d'être en-core un peu entiché de l'avis du dé-suint

,& que je n'attens que d'en être

sur pour rompre avec vous ?

J E ne vous ferai point une affairesi sérieuse sur le peu de goût que jevous connois pour les Lettres de Mr.l'Abbé le Blanc : non que je n'ose enprendre le parti dans l'occasion

,sur

tout de l'édition corrigée qui vient deparoître.

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0 mon cher Abbé Mémonet !

• •«••«««Mais il faut convenir qu'on s'est troplaisse frapper de quelques bévues gros-sières & de peu de conséquence quilui sont échapées

,& point assez de

mille bonnes choses dont il a remplison ouvrage. Il est pésant dans sa pro-se

,lourd dans ses réflexions

,fécond

en pensées communes , un peu trivialdans son érudition parfois déplacée ;je vous accorde tout ce que vous vou-lez : il débute aujourd'hui par une pré-face

,où il parle haut comme à son

ordinaire,

sans se faire écouter davan-tage : mais laissons la manière & l'ac-cesToire

:il est sensé

,il est judicieux ,

il meurt d'envie d'être impartial ; il aplus vu de son objet

?il l'a mieux vu ,

il l'a mieux embrassé que personneavant lui dans le même cas ; je veuxdire que les observations réunies deMr. de Voltaire & de Mr. de Muraitne sçauroient le lui disputer pour laquantité , la variété

,& le détail des

matières. Quoi de plus superficiel &de plus vague que celles du Genti!.homme Suisse, qui ont tant réussi ? Nevoilà-t-il pas quelque chose de bien

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difficile que de dire la vérité & de nechoquer personne

, quand on ne ditpresque rien oe' particulier ? L'auteurest mort, ou dévot, ainsi il me par-donnera. Vous lçavez si je suis mé-chant ; mais avec ces réputations à de-mi méritées il convient quelquefoisd'en uier sans façon pour l'honneurdes Lettres

, comme failoit Mr. deLaunot avec les Saints pour l'honneurdu Ciel

T H ois Poètes &. trois ou quatreM. nciens sc iant liés d'amitié pournt us donner un nouveau spe&acle àl'Opéra. Le 18 du mois dernier fut lejour de la première représentation. Ily a de tout dans cette rapsodie ; del'agréable

,du médiocre

, & du très-ennuyeux. Il faut La voir

,il faut L'en-

tendre ; ce que je vous en dirois deplus retarderoit en pure perte lescomplimens que je dois vous faire surl'acquiiition de Mil

.Amédée. Elle a

voulu rentrer à l'Opéra, qu'elle dé-coroit de sa figure, & qu'elle avoitquitté pour bonnes raisons ; Mr. lePrévôt des Marchands lui a tenu ri-gueur & vous en profitez ; je vousen félicite à regret J'aime son airdédaigneux, sa tête haute, cet œil fier,

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mais point désespérant, & jusqu'ausourcil chinois

,moitié art, moitié na-

ture. Elle est charmante dans un sou-

per ; elle parle peu, elle grasseye quandelle y pense

,elle rit beaucoup

,elle

s'endort au fruit, mais d'un si douxsomme ,

si difficile à troublerAdieu ; respectez l'Amour pendant qu'ilsommeille.

Vous vous plaignez de la briévetéde mes lettres ; vous me faites bien del'honneur

,MONSIEUR ; j'ai toujours

peur qu'elles ne vous paroissent trop-longues : mais laissez faire

,je suis do-

cile', une autre fois je remplirai la

page ,la marge & le revers ;

Et summi p!enâ iam margine libri,Scriptus & in tergo, nec dum sinitus Orestes

n'est-ce pas comme cela que vous lesaimez ? Sarafervita.

Page 22: WVMX.X*fc$ LITTERAIRES,

LETTRE LXXII.Paris , 15 Mars , 1751.0U 1, MONSIEUR, ce sont les Jan-

lénifies qui donnent aujourd'hui1 exemple de l'obéissance aux volontésdu Roi : il ne faut point fouiller dansles cœurs ,

& chercher des principesd'intérêt dans une conduite désintéres-sée ; on est trop heureux que des mo-tifs humains fassent l'office de la vertudans l'occasion

: ces Messieurs se sontsoumis

,n'en est-ce pas assez

? & pourrendre leur soumission plus touchan-te ,

ils, ont fait graver une feuille enforme d'eslampe

, au haut de laquelleest un Louis d'or gravé à deux faces ,& au bas Cujus cjl imago } & plus basreddite Cœfari quœ, funt Cœfaris. Suitun commentaire en françois

,qui prou-

ve clairement par la raison & par lePère Quesnel, qu'il faut que le Clergépaye ,

& que ce n'est point un dondes Ecclésiastiques au Souverain, maisun vrai tribut qu'ils doivent à l'Etat.

CELA s'appelle faire ses preuves ;le jeune homme de la Pièce (a) de

Ca) Intitulée Le jeune homme à l'épreuve.Mr.

Page 23: WVMX.X*fc$ LITTERAIRES,

Mr. Dijlouches ne les a pas mieux hû*

tts. Vous voulez donc sçavoir ce queje pense de cette nouvelle Comédie

,qui n'a pas été jouée,

& qui proba-blement ne l'auroit pas été avec succès,Le fond m'en paroît bon, quoique peucomique ; la conduite régulière, les ca-ractères soutenus

,l'exécution foible ,la plupart des détails froids ; quelques

bonnes plaisanteries, pour le moins

autant de mauvaises,

le dialogue long,long

,long

,souvent bas ; combien de

propos de valets ! Ah la détestable cho-se que la scène sept de l'a&e deux 1 Enrevanche la seconde du troisième

peu près du même genre , est d'un boncomique. Ce que l'auteur a fait icide mieux, c'est ce que les autres nesçavent point faire

,c'est le princi-

pal, le 5 '. Ade. Le dénouement vousplaira, quoique prévu. C'est une idéeque vos dénouëmens imprévus;où sontils ? Dans Hiraclius

,dans Rodogune ?

Mais depuis que les Poëtes ne font plusinspirés tous les spectateurs font pro-phètes.

C E n'est pas toujours sur l'événe-ment d'une Pièce que doit tomber lacuriosité : dans les sujets historiques

,par exemple, on sçait à quoi s'en ce-

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nir : mais c'est le developement quivous amuse

,le jeu des ressorts qui

aménent cet événement. Dans les lu-jets feints

, comme dans Cénie, vous

pourriez avoir les deux objets,

& parconséquent le double plaisir ; est-ce mafaute si Mde. de Graffigny vous le re-fuse

,aussi - bien que Mr. Defiouches ?

Elle est chtre vos mains cette Cénie. lavoilà enfin imprimée après une reprisede douze représentations: vous pouvezvous rappeller ce que je vous en écrivisdans le tems des premières (b);je ne medédis de rien, mais c'est le Public qui sedédit de son enthousiasme

, peut -être

trop.M Graffigny ne dit pas toujoursprécisément ce.qu'elle veut dire ; il y aquelquefois du précieux dans son style.

Tant soit peu de ce verbiageDe Monsieur de Félibien ,Qui noye éloquemment un rienDans un fatras de beau langage.

Uniforme, on voit que c'est toujours

elle qui parle, comme votre Congréve.

Sa Lisette a trop d'esprit,

son Do-rimond est trop sot ; tout est dit

, ou

( b ) Voyez la Lettre du 1 5 Octobre, 1759.

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porte à faux,

après la reconnoissancede Cénie & d'Orphift au 4me. Atte ;rien n'est si foible que les raisons quide ce moment - là changent

, ou sus-pendent les sentimens du bon hommeDorimond : Avec tout cela la Pièceest agréable

,intéressante jusqu'à un

certain point, en général bien écri-

te ,pleine de traits

,de chcses bien

senties 6c finement rendues. Je vousle répète

, ouvrage de femme,

vive-ment imaginé, légèrement tissu

,né-

gligemment fini ; objet tout au moinsd'une première [urpnfe de curiosité

,s'il n'est pas fait pour le secondcoup d'oeil.

S i vous rapprochez tout ce que jevous ai dit depuis quelques années surnos meilleurs Auteurs dramatiquesvoul trouverez que les uns le distin-guent par les plans

,& manquent par

les détails ; les autres brillent dans lesdétails

,& péchent par les plans. Tré-

panez-moi tous ces crânes-

là, mêlezles cervelles

,& rajusiez le tout par de

bonnes futures , vous ùrez peut - çtrequelque chose de parfait.

TEL est à peu près l'état a&uel denotre Théatre

: & le votre ,MON-

SIEUR / vous ne m'en dites rien : tous