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Culture dominée, culture aliénée ? Introduction : Définition de la culture par Tylor dans La Civilisation primitive (1871) = ensemble des connaissances, croyances, arts, valeurs, lois, coutumes et toutes les capacités et habitudes acquises par l’Homme en tant que membre de la société Domination = capacité d’une culture à imposer à une autre ses valeurs, croyances, idées Aliénation = dépossession des ressources de la culture dominée par la culture dominante On retrouve l’idée d’un processus réalisé dans une épreuve de force, avec une remise en cause de la survie de la culture dominée Problématique : Domination est-elle synonyme d’aliénation et à terme de disparition de la culture en question ? I. L’Histoire montre apparition, disparition de cultures et persistance d’autres, une sorte de processus de destruction créatrice (Shumpeter), il doit donc y avoir des éléments qui font la force de résistance de certaines cultures et au contraire la faiblesse de certaines qui n’arrivent pas à s’imposer et disparaissent - Pour parler de la disparition d’une culture, on parle d’assimilation dans la typologie des formes d’acculturation, ce qui suppose bien la disparition totale d’une culture absorbée par une autre - Il existe une hiérarchie des cultures basée sur la stratification sociale et la hiérarchie de classes : Bourdieu parle de « sociocentrisme » : les préjugés et les inégalités de classe sont mêlés au social Selon lui « le goût est par excellence le domaine de la dénégation du social », ainsi l’habitus de classe assure le passage d’une structure structurée à une structure structurante qui est la culture Goblot montre que ce sont les barrières culturelles qui se dressent une fois les frontières sociales dépassées, La barrière et le niveau (1925) Halbwachs dans La classe ouvrière et les niveaux de vie (1913) montre que ce sont les clivages sociaux qui font exister des

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Page 1: Web viewStuart Hall, Identités et Cultures. Politiques des cultural studies, édition établie par Maxime Cervulle, Paris, Editions Amsterdam, 2007

Culture dominée, culture aliénée ?

Introduction :

Définition de la culture par Tylor dans La Civilisation primitive (1871) = ensemble des connaissances, croyances, arts, valeurs, lois, coutumes et toutes les capacités et habitudes acquises par l’Homme en tant que membre de la société

Domination = capacité d’une culture à imposer à une autre ses valeurs, croyances, idées

Aliénation = dépossession des ressources de la culture dominée par la culture dominante On retrouve l’idée d’un processus réalisé dans une épreuve de force, avec une remise en cause de la survie de la culture dominée

Problématique : Domination est-elle synonyme d’aliénation et à terme de disparition de la culture en question ?

I. L’Histoire montre apparition, disparition de cultures et persistance d’autres, une sorte de processus de destruction créatrice (Shumpeter), il doit donc y avoir des éléments qui font la force de résistance de certaines cultures et au contraire la faiblesse de certaines qui n’arrivent pas à s’imposer et disparaissent

- Pour parler de la disparition d’une culture, on parle d’assimilation dans la typologie des formes d’acculturation, ce qui suppose bien la disparition totale d’une culture absorbée par une autre

- Il existe une hiérarchie des cultures basée sur la stratification sociale et la hiérarchie de classes :

Bourdieu parle de « sociocentrisme » : les préjugés et les inégalités de classe sont mêlés au social Selon lui « le goût est par excellence le domaine de la dénégation du social », ainsi l’habitus de classe assure le passage d’une structure structurée à une structure structurante qui est la culture

Goblot montre que ce sont les barrières culturelles qui se dressent une fois les frontières sociales dépassées, La barrière et le niveau (1925)

Halbwachs dans La classe ouvrière et les niveaux de vie (1913) montre que ce sont les clivages sociaux qui font exister des cultures de classe : les besoins primaires constituent du culturel dans la mesure où leur satisfaction est liée à une hiérarchie de valeurs et à des goûts et préférences conditionnés par le social et le culturelL’exemple de la culture ouvrière étudiées par Noiriel dans Les ouvriers dans la société française aux XIXeme et XXeme siècles (1986) montre comment une culture dominée devient aliénée puis tend si ce n’est à disparaître à s’atténuer fortement

Il existe plusieurs domaines dans lesquels s’exerce la domination : l’économie et le social relatifs à la stratification sociale mais aussi le politique, selon ces dimensions une culture peut être soit dominée soit dominante

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II. Il serait trop rudimentaire de considérer que domination est synonyme d’aliénation, il existe des interactions entre cultures qui ne relèvent pas nécessairement du rapport de force

- Les sous cultures (= cultures spécifiques à des groupes sociaux particuliers au sein de la société dans son ensemble) concernent des groupes certes minoritaires, mais que l’on ne peut pas qualifier de dominés ?En effet, ils offrent des ressources à leurs membres (fierté, solidarité), leur dissidence est vue comme une alternative et choisie par les membres, ainsi on cultive sa différence sans avoir la sensation d’être dominé.Enfin, des cultures marginales et stigmatisées peuvent faire l’objet d’une valorisation par la culture dominante et majoritaire amatrice d’avant garde, cf. exemple du jazz

- C’est la diversité des cultures et la maintien de particularismes individuels qui permet les interactions et ainsi la cohésion de la société autour d’un noyaux commun = relativisme culturel.Cf. Touraine parle de mouvement central porteur de valeurs communes qui assurent la cohérence d’une culture universelle, Pouvons nous vivre ensemble ? (1997)Ce noyau commun peut donner lieu à l’apparition de nouvelles formes de cultures métissées, comme l’indique la syncrétisation en tant que forme d’acculturation.

- Exemple de la culture de masse non pas comme aliénation des individus, bien qu’elle soit diffusée par les élites, mais comme une ouverture grâce aux moyens de communication aux classes populaires dominées qui peuvent devenir consommatrices et productrices de culture, objet d’une réappropriation. Cf. Edgar Morin, L’esprit du temps (1960) – M.de Certeau, L’invention du quotidien (1980) « la consommation comme autre production » - V. Scandigli, La consommation culturelle du quotidien (1983) « learning by doing »

Conclusion : Domination n’est pas synonyme d’aliénation et encore moins source de disparition d’une culture. L’existence même de différentes culturelles est basée sur leurs particularités, ainsi, on peut se demander s’il est légitime de hiérarchiser des entités incomparables ?Eviter le biais ethnocentriste = juger la valeur d’une culture en comparaison à la sienne, dénigrer une culture par manque de connaissanceToute culture est à la fois universelle et métisse (cumulativité) et relève de l’expression d’une même humanité, de la faculté de l’Homme à se soustraire aux insticts naturels

Bibliographie :

Cuche D., La notion de culture dans les sciences sociales, La Découverte, coll. « Grands Repères », 2010.

Warnier JP, La mondialisation de la culture, La Découverte, Coll. Repères, 2008

Lawrence W. Levine, Culture d’en haut, culture d’en bas, l’émergence des hiérarchies culturelles aux États-Unis, La découverte/textes à l’appui, Paris, 2010

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(préface de Roger Chartier) (1ère édition : Highbrow/Lowbrow. The Emergence of Cultural Hierarchy in America, Harvard University Press, 1988).

Stuart Hall, Identités et Cultures. Politiques des cultural studies, édition établie par Maxime Cervulle, Paris, Editions Amsterdam, 2007. Edition établie par Maxime Cervulle, traduit de l’anglais par Christophe Jaquet.