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La communication humaine: Goffman et la mise en scne de la vie quotidienne

Goffman a consacr son uvre dans ltude des interactions de face--face. Ds sa thse de 1953, il se propose dtudier l interaction dans notre socit comme un type dordre social et lors de son discours dinvestiture la prsidence de lAmerican Sociological Association il voque sa proccupation constante:Promouvoir lacceptation de ce domaine du face--face comme un domaine analytiquement viable un domaine qui pourrait tre dnomm, dfaut dun nome plus heureux, lordre de linteraction. Malgr cette constance, luvre de Goffman est disparate. Comme il le dit dans la note davertissement des Relations en Public: Je fais feu sur une cible en me plaant [des] positions diffrentes et ingalement espaces; je ne prtends pas faire un tir de barrage. Cette note dintroduction pourrait servir dfinir son uvre tout entire. Les interactions sont toujours la cible mais Goffman utilise plusieurs mtaphores pour en rendre compte. La plus clbre est la mtaphore thtrale dont il use dans le premier tome de La Mise en Scne de la Vie Quotidienne: La Prsentation de Soi. Goffman met le projecteur sur le dcor dans lequel les acteurs voluent, le masque quils portent, le rle quils jouent.

Le fil directeur de luvre:

Partant des units individuelles et des territoires respectifs de ces units, il en vient aux changes possibles entre diffrentes units et aux signes quenvoient ces changes pour un tiers potentiel. Enfin, il largit une dernire fois langle en rendant compte de lenvironnement des individus. Llargissement est ici entirement mthodique et sinscrit dans une volont de synthtisations successives. Cette approche prsuppose lexistence dun homme heureux lorsquil est seul, mais du fait de son incapacit se suffire lui-mme, doit se confronter autrui.

Linteraction est un travail de face (face work). Le travail de face a vocation crer une stabilit, un ordre social. Ordonner linteraction pour que chacun conserve lide quil cherche rendre de lui-mme apparat alors comme primordial. Cest dans cette optique que le dernier article vient mettre des btons dans les roues dune interaction fragile. Lindividu doit toujours assurer lautre de sa pleine sant mentale. Lorsquun malade volue en socit, une alarme gnrale est dclenche car le malade dvoile la folie de lordre public. En ne jouant plus le jeu, le fou met en branle toute la structure interactionnelle et sociale.

Les individus comme units:

Le premier article cherche redfinir la notion dindividu. Goffman propose denvisager lindividu, non comme une substance mais comme un ensemble de prdicats. Lindividu de Goffman est un individu de lapparatre qui volue selon les situations, ou selon les interactants auxquels il est confront.

[footnoteRef:2]Les territoires du moi: [2: ]

Le deuxime article du recueil est consacr aux territoires du moi. Comme nous venons de le voir, linteraction des atomes individuels ncessite linstauration dun droit. Lide dveloppe dans ce chapitre est que les rgles du droit nont pas seulement pour but de permettre la circulation, mais aussi de marquer les territoires respectifs des individus. Comme le dit Goffman la page 43 du recueil:

Au centre de lorganisation sociale se trouve le concept de droit et, autour de ce centre, les vicissitudes de la dfense de ces droits.

Le droit est envisag comme un titre de possession, de contrle, dusage ou de libre disposition dun bien par un ayant droit. La mthode de segmentation des droits fonctionne par une territorialisation et un marquage des territoires concerns. Goffman distingue trois formes de territoires: les territoires fixes qui sont les proprits dun ayant droit unique, les territoires situationnels qui font partie de lquipement matriel fixe dun lieu, et les rserves gocentriques qui sont les objets gravitant autour de layant droit. Cest au sein de ces territoires que lindividu volue et se doit de respecter les rgles propres chaque territoire. Chaque territoire possde un droit spcifique ayant pour but de montrer chaque instant, tout individu potentiel, ce qui appartient qui. Le droit dans le domaine public surdtermine symboliquement les possessions respectives de chacun. Cette surdtermination symbolique nest nanmoins possible que parce que les individus marquent leur territoire. Un marqueur est un signe qui indique quun possesseur putatif revendique une rserve. Les marqueurs peuvent tre diviss en deux groupes dont chacun joue un rle particulier: un rle dattribution dune part et de sparation dautre part. Ils jouent un rle dattribution dans le sens o ils permettent didentifier leur possesseur et de sparation car les marqueurs voluent au sein dun territoire. Ils sont en quelque sorte la matire du territoire. Suivant notre distinction nous pouvons regrouper les diffrents types de marqueurs dgags par Goffman. Les marqueurs centraux, qui concernent la revendication dobjets placs au centre dun territoire (journal, portefeuille), les marqueurs signets, qui portent la marque de leur signataire indpendamment de la prsence de celui-ci (photographies,), et les marqueurs ensembles, le fait quune personne soit revendique comme tant avec une autre personne, peuvent tre regroups sous lensemble que nous avons nomm marqueur dattribution. Les marqueurs frontires (accoudoir de thtre, ligne de sparation des banques), qui marquent la ligne de sparation entre deux territoires adjacents, peuvent entrer dans la catgorie des marqueurs de sparation.

Les territoires ne sont cependant pas labri dune invasion. Sils sont surdtermins par les marqueurs cest quils ne sont jamais dfinitivement acquis. Des violations et des offenses territoriales peuvent tre provoques par dautres individus. Les violations et offenses sont toujours le fait dun individu qui envahit, de manire volontaire ou non, un territoire revendiqu. La violation se produit selon le modle du corps corps. Goffman envisage la violation en sollicitant lintervention des cinq sens. Une violation peut intervenir lorsquun individu nous regarde de manire indiscrte, lorsquil produit des nuisances sonores ou olfactives, ou encore lorsquil nous touche sans autorisation. Nous avons donc faire, comme chez Durkheim, des corps sacrs au sens tymologique du terme, cest--dire que nous avons faire des corps que lon ne doit pas toucher. De l nous pouvons conclure que le droit public possde cet autre impratif dorganiser les rgles de linteraction charnelle. Mais il nous semble galement que les corps, en plus dtre sacr, sont envisags comme fragiles. Ils doivent tre manipuls selon des rgles strictes car limportance de garder la face en public est si grande quune lgre offense peut ouvrir un abme. Il suffit de peu pour dtruire publiquement un individu. Cest la raison pour laquelle de minutieuses prcautions sont requises. Ltre social dcrit par Goffman cherche senraciner, se crer des territoires puisque derrire ltiquette, la substance est fragile. La sortie de territoire est toujours un risque social majeur. Sortir de son territoire personnel, cest sexposer au grand jour, cest retrouver lenfer des autres. Pourtant, toute interaction ncessite un passage de frontire et une entre en territoire tranger. Do la ncessit denvisager lordre public come celui au sein duquel se produit lchange. Cest ce dont il est question dans les troisime et quatrime articles.

Les changes confirmatifs et les changes rparateurs:

Lindividu est considr comme une instance sacre. Cest pourquoi lorsque Goffman aborde la question des changes, il les envisage comme des rituels. Le troisime article souvre sur le constat de la baisse des rituels religieux. Aujourdhui les seuls rituels partags par tous sont les rituels interpersonnels. Il y a peut tre ici la cl de la sacralisation des individus. Le sacr serait ainsi pass dune orientation vers dieu une orientation vers les affaires humaines profanes. Le profane est devenu sacr. Il est possible ici dinterroger lhomme vu par Goffman. Lhomme doit-il ncessairement tre habit par une forme de sacr ou ny a-t-il simplement l quune rappropriation des thmes et mthodes durkheimiennes? Nous ne pouvons dans ce travail que poser la question. Goffman envisage ainsi le rituel:

Le rituel est un acte formel et conventionnalis par lequel un individu manifeste son respect et sa considration envers un objet de valeur absolue, cet objet ou son reprsentant.

[footnoteRef:3]Le rituel possde un versant positif et ngatif. Le rituel ou lchange confirmatif concerne la raction ncessaire produite par un individu lorsquun tiers entre en contact avec lui. Ds quun individu sollicite un tiers, ce dernier ne peut pas ne pas donner de rponse au premier. Peu importe la rponse, il ragira. Mme un silence est la preuve de labsence de volont dinteraction. Ces changes peuvent surgir dans trois circonstances qui sont les affaires, le hasard ou les crmonies. Les changes rparateurs pour leur part, concernent les cas dans lesquels un individu ayant offens un tiers, doit rparer le tort caus. Dans une infraction, il y a une personne, soumise une obligation, qui offense et une personne dans lattente de rparation, un ayant droit, qui est offens. La fonction de lactivit rparatrice est de changer la signification attribuable un acte, de transformer ce quon pourrait considrer comme offensant en ce quon peut tenir pour acceptable. [3: ]

[footnoteRef:4]Loffenseur est oblig de solliciter lensemble de ses capacits pour parvenir rtablir la situation de loffens. Il utilise son corps et son esprit et les fait exprimer pour parvenir aux trois possibilits considres: les justifications, les excuses, et les prires. La justification intervient lorsque loffense est assume mais lorsquon considre que loffens na pas de raison de se sentir tel. Il sagit en quelque sorte dun malentendu. Les excuses sont requises quand loffenseur ne voulait pas tre offensant et les prires sont