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Diplôme D’état de Conseiller en Economie Sociale Familiale Session 2015 Nom patronymique : BATCHO Prénom (s) : MELANIE, ABAJAE MEMOIRE D’INITIATION A LA RECHERCHE DANS LE CHAMP PROFESSIONNEL TITRE : EN QUOI LE DISPOSITIF « UN CHEZ-SOI D’ABORD » PERMET-IL L’ACCES ET LE MAINTIEN DES PERSONNES SANS-ABRI DANS UN LOGEMENT PERENNE?

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Diplôme D’état de Conseiller en Economie Sociale Familiale

Session 2015

Nom patronymique : BATCHO

Prénom (s) : MELANIE, ABAJAE

MEMOIRE D’INITIATION A LA RECHERCHE DANS LE CHAMP PROFESSIONNEL

TITRE :

EN QUOI LE DISPOSITIF « UN CHEZ-SOI D’ABORD » PERMET-IL L’ACCES ET LE MAINTIEN DES PERSONNES

SANS-ABRI DANS UN LOGEMENT PERENNE?

SOMMAIRE

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INTRODUCTION.....................................................................................................................3

METHODOLOGIE..................................................................................................................7

- Les données chiffrées...................................................................................................7

- La recherche documentaire..........................................................................................8

- Les entretiens exploratoires..........................................................................................8

CONTEXTUALISATION.....................................................................................................10

1. Définitions et caractéristiques du public.......................................................................12

1.1. Définitions......................................................................................................................12

1.2. Les caractéristiques du public........................................................................................15

2. Le programme expérimental : le programme « un chez-soi d’abord »......................18

2.1. Contexte du programme expérimental « un chez-soi d’abord »...................................18

2.2. Présentation du programme « un chez-soi d’abord »....................................................20

3. L’équipe pluridisciplinaire et l’accompagnement social renforcé..............................22

3.1. L’équipe pluridisciplinaire.........................................................................................22

3.2. Le travailleur-pair.......................................................................................................23

3.3. L’accompagnement social des locataires...................................................................24

4. Le rôle du Conseiller en Economie Sociale Familiale au sein de l’équipe..................27

5. Les limites de l’accompagnement social et du dispositif expérimental.......................28

6. Des résultats encourageants et des témoignages de locataires....................................30

6.1. Les résultats encourageants........................................................................................30

6.1.1. L’observation du rétablissement de la personne cliniquement en 12 mois.............30

6.1.2. L’observation du rétablissement sociale en 12mois et l’amélioration de la qualité de vie......................................................................................................................30

6.1.3. L’observation du coût de la prise en charge.......................................................31

6.2. Les témoignages des locataires relogés......................................................................32

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7. La phase de problématisation.........................................................................................34

CONCLUSION.......................................................................................................................37

ANNEXES...............................................................................................................................39

Annexe 1 : Guide d’entretien à destination des professionnels................................................39

Annexe 2 : Guide d’entretien à destination du public...............................................................43

LEXIQUE................................................................................................................................45

SITOGRAPHIE......................................................................................................................46

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................46

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INTRODUCTION

« Qui n’a jamais ressenti une gêne devant un SDF allongé sur le trottoir [ou dans le métro] ?

Pourtant chaque jour ce sont des histoires de vie et de survie qui se jouent dans la rue 1. » -

extrait du livre Souffrance psychique des sans-abri du Dr Alain MERCUEL, psychiatre, chef

de service à l’Hôpital Sainte-Anne et du dispositif SMES (Service d’appui santé mentale et

exclusion sociale).

En 2014 il a été recensé, en France, plus de 480 personnes SDF mortes dans la rue à l’âge

moyen de 49 ans, alors que la moyenne nationale est de 82 ans, d’après le Collectif Morts de

la Rue.

En 2012, d’après l’INSEE, plus de 141 500 personnes étaient sans domicile fixe en France

métropolitaine, c’est-à-dire 103 000 personnes qui ont utilisé les services d’hébergement ou

de restauration au moins une fois dans l’année. Parmi eux, 81 000 adultes sans domicile fixe

accompagnés de 30 000 enfants. En plus s’ajoutent les 8 000 personnes sans-abri en milieu

rural et les 22 500 personnes accueillies dans des Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile

(CADA).

Face à ces problématiques, il en émerge une en particulier en rapport avec cette population : le

public sans-abri souffrant de troubles psychiatriques. Selon la DIHAL (Délégation

interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) « en France, près de 30 % des

100 000 personnes vivant durablement à la rue souffrent de troubles psychiques graves, tels

que la schizophrénie, qui s’ajoutent à un très mauvais état de santé global2 ». Ces individus

ont une espérance de vie raccourcie, en effet ils « vont mourir 30 à 35 fois plus tôt que la

population générale du fait d’un manque de soins et de conditions de vie dramatiques et

violentes1 ».

1 Souffrance psychique des sans-abri du Dr A. MERCUEL, édition Odile Jacob2 Présentation de la plaquette « un chez-soi d’abord » par la DIHAL – Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, octobre 2014

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En France, 1 à 2% de la population souffre de troubles psychiques. Par contre chez les SDF,

le pourcentage atteint plus de 30 % de la population, soit 44 000 sans-abri sur la population

SDF (133 000 personnes)3.

« Il faut savoir qu’une personne sur dix en France souffre d’un problème psychiatrique à un

moment de sa vie. Et que nous aurons tous, au moins une fois dans notre vie, un voisin atteint

de troubles psychiques4 », d’après le chercheur à l’hôpital Maison Blanche Tim GREACEN.

« Un tiers des personnes sans domicile fixe en Ile-de-France sont atteints d’un trouble

psychiatrique sévère et un tiers souffrent au moins d’une addiction (alcool, drogues,

médicaments), selon une étude de l’INSERM et de l’Observatoire du Samu social de Paris5 ».

Ce public échappe au dispositif classique d’aide mis en œuvre par l’Etat et les associations et

face à ces personnes, les professionnels du secteur social et du secteur médical se retrouvent

de plus en plus impuissants.

A travers ce mémoire de recherche, j’ai donc souhaité approfondir mes connaissances sur les

personnes sans-abri. De manière plus précise, j’ai voulu m’intéresser aux hommes sans-abri

souffrant de troubles psychiques. Le champ de l’économie sociale familiale s’inscrit dans la

conception et la construction de projets individuel et collectif avec les personnes sans

domicile fixe. L’action sociale s’inscrit, elle, dans la lutte contre l’exclusion et pour l’accès à

l’hébergement et au logement pour tout public. J’ai donc souhaité cibler ma recherche sur

l’accompagnement du public sans-abri atteint de troubles psychiques pour leur permettre

l’accès à un logement ordinaire et de s’y maintenir.

Sur le plan personnel, le domaine de l’hébergement des personnes sans domicile fixe m’a

toujours intéressé. En effet, je me suis toujours demandée comment un pays riche, tel que la

France pouvait avoir encore dans ses rues des personnes sans-abri, qui pour certaines ont une

activité professionnelle.

De plus, ayant réalisé mon stage de première année de BTS ESF dans un accueil de jour à la

Maison du 13ème Emmaüs Solidarité, j’ai pu rencontrer des personnes sans domicile fixe de

tout horizon avec différents parcours. J’ai beaucoup appris sur la vie en général et le monde

des sans-abri grâce à ce public.

3 Article « Un chez soi, pour se reconstruire d’abord », Fabien SOYEZ, 22/03/20134 Interview de Tim GREACEN chercheur à l’hôpital Maison Blanche – article de Fabien SOYEZ, 21/03/20135 Le Monde, 26 octobre 2011 – http://www.lemonde.fr/sociale/article/

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Sur le plan professionnel, le domaine de l’hébergement et du logement m’intéresse car je

considère que le logement a une part très importante dans l’action sociale et la vie

quotidienne, sachant que c’est au sein du logement que les Conseillers en Economie Sociale

Familiale interviennent. Par ailleurs, le logement est un repère, un élément essentiel dans la

vie de chacun : il permet de faire une coupure entre la vie publique (emploi) et la vie privée

(famille, amis, loisirs).

En général, le logement est relié avec la vie publique, notamment avec l'emploi qui génère un

salaire qui permet de payer le loyer ou le prêt et d'entretenir cet habitat. Mais, quand on se

retrouve sans emploi, ni indemnités ou qu’on est en rupture familiale (séparation ou divorce)

et qu'ensuite, on perd son logement, son chez-soi : on perd TOUT : notre famille et nos amis

s’éloignent, puis, peu à peu on se coupe isoler de la société. Comme l’analyse le sociologue

Serge PAUGAM, l’exclusion est un processus de disqualification sociale qui comporte trois

phases : la phase de fragilité avec la perte d’un emploi, une perte du logement, une séparation

ou un divorce, puis suit la phase de dépendance avec la prise en charge par les services

sociaux et la dégradation des conditions de vie et, enfin, la phase de rupture avec l’arrêt des

aides et la coupure des liens sociaux (l’isolement relationnel).

Mes différentes rencontres m’ont poussé à m’interroger, d’une part, sur les dispositifs mis en

place par le gouvernement afin de répondre concrètement aux besoins spécifiques du public

sans-abri atteint de troubles psychiques et, d’autre part les ressentis des professionnels et de ce

public quant aux dispositifs mis en œuvre.

Ma démarche de recherche m’a amenée à m’intéresser, en premier lieu à ce qui se passe au

niveau européen, notamment pour voir comment les travailleurs sociaux, grâce à un

accompagnement adapté permettent aux personnes sans domicile fixe souffrant de troubles

mentaux d’accéder à un logement social et de s’y maintenir. J’ai pu constater que des pays

européens avaient déjà adopté le programme un « logement d’abord » et avaient remarqué les

bienfaits de ce dispositif. Par exemple au Danemark, où il y a plus de 500 000 sans-abris, 1  /4

des personnes sans-abri ont moins de 30 ans et 1/3 de celles-ci ont un double diagnostic (2

troubles mentaux). Or avec le programme un logement d’abord il s’avère que près de 90 %

des personnes relogées se sont maintenues depuis maintenant 3 ans.

Et en second lieu j’ai examiné, au niveau national quels sont les dispositifs mis en place par

l’Etat pour répondre aux besoins spécifiques de cette population : le logement, l’insertion

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professionnelle et l’accès à la santé, à travers le programme expérimental basé sur le principe

du « logement d’abord ».

Au cours de ma réflexion, le thème de l’accès vers et dans le logement des sans-abri hommes,

atteint de troubles psychiatriques, m’amène à formuler la question de départ suivante :

Alors que les pouvoirs publics s’engagent pour répondre aux besoins de plus en plus

grandissant des demandeurs de logement et d’hébergement, notamment des personnes

sans-abri, en quoi le dispositif « logement d’abord » permet-il aux personnes sans logis

souffrant de troubles psychiques sévères d’accéder à un logement pérenne ?

Pour répondre à cette question de départ, mon travail va s’organiser de la façon suivante :

Dans un premier temps, je définirai les personnes sans-abri souffrant de troubles mentaux et

leurs troubles, en m’appuyant sur quelques chiffres, puis j’étudierai les difficultés et les

besoins de ce public.

Ensuite, dans un deuxième temps, je développerai une mesure que les politiques sociales ont

expérimentée : le programme « un chez-soi d’abord ».

Dans un troisième temps, je décrirai l’accompagnement des personnes sans-abri atteintes de

troubles psychiques dans le cadre du dispositif un « logement d’abord », et la place de la

CESF au sein de l’équipe pluridisciplinaire.

Puis, dans un quatrième temps, je démontrerai que le logement ordinaire et définitif peut

être bénéfique pour cette population, à travers l’accompagnement social et les résultats du

programme expérimental et des témoignages.

Enfin, dans un cinquième temps, j’énoncerai une des limites de ce dispositif que j’ai pu

relever au cours de mes recherches, en lien avec l’accompagnement sanitaire et social de

personnes souffrant de troubles psychiatriques.

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METHODOLOGIE

Pour définir les notions relatives à ma question de recherche, j’ai suivi une démarche

théorique qui m’a permis de bien définir mon sujet et les différentes représentations en lien

avec la population ciblée et ma question de départ. Dans le but d’approfondir ces notions et de

compléter ma démarche théorique, je me suis dirigée vers une exploration de terrain pour

rencontrer ce public et les professionnels qui mettent en place des actions en lien avec l’accès

au logement et le maintien dans les lieux. Ainsi, ma démarche de recherche est basée sur trois

éléments :

- Les données chiffrées  :

Pour mieux définir la population, il était important de se référer à des éléments, des données

récentes concernant les personnes sans-abri atteintes de troubles psychiques. Mes recherches

se sont donc orientées vers des sites internet, tels que l’Institut Nationale de la Statistique et

des Etudes Economiques (INSEE), la Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à

l’Accès au Logement (DIHAL) et l’Agence Régionale de la Santé (ARS). Ces données m’ont

permis de quantifier le nombre de personnes sans logis souffrant de troubles psychiques en

France.

- La recherche documentaire  :

Pour réaliser mon mémoire, je me suis appuyée sur des articles de journaux tels que Le

Figaro, Le Monde et des ouvrages tels que Le sociographe – Nouvelle gestion sociale des

SDF, comparaisons internationales de politiques pour les sans-abri.

J’ai également eu l’occasion d’assister à deux journées nationales d’échanges organisées par

le DIHAL, intitulées « Santé mentale et habitat » : quels sont les apports du programme « un

chez-soi d’abord » ?, qui m’ont permis de recueillir de la documentation et des résultats sur le

dispositif « un chez-soi d’abord ».

J’ai également visionné un DVD de la DIHAL programme expérimental de l'Etat en faveur

des sans-abris SDF sur le programme « un chez soi d’abord », saison 1 et 2, afin de récolter

plus d’informations pratiques sur le programme et des témoignages du public.

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- Les entretiens exploratoires  :

Afin de compléter ces données, il m’a semblé important de recueillir des témoignages sur le

terrain, à savoir, interviewer le public ciblé et les professionnels. Pour mener à bien ces

entretiens, je me suis appuyée sur le groupe de contacts que je me suis constituée au cours de

mes différents stages et conférences.

Après quelques recherches, infructueuses, de structures qui accueillaient des personnes sans-

abri souffrant de troubles psychiques, qui n’ont pas toutes abouties, j’ai contacté une

association intégrée dans le programme « un chez-soi d’abord ». Le coordinateur, Mr.

TORREGROSSA m’a permis d’intégrer l’équipe pluridisciplinaire de l’association Aurore

pour une journée d’immersion. Ainsi, j’ai eu l’occasion de faire des rencontres au domicile de

quelques locataires suivis par cette équipe.

J’ai pu également, interviewer trois professionnels et trois locataires, afin de recueillir des

éléments d’approfondissement pour mon mémoire de recherche.

Les entretiens avec les professionnels se sont passés de façons différentes. Tout d’abord, tout

en suivant un guide d’entretien, mais de façon informelle, j’ai questionné une éducatrice

spécialisée et un psychologue à des moments différents de la journée, notamment, sur les

difficultés qu’ils rencontrent avec ce public et les axes de travail qu’ils mettent en place pour

y faire face. Puis, je me suis rapprochée de la CESF de l’équipe afin de recueillir de nouveaux

éléments pour mon mémoire. J’ai utilisant le guide d’entretiens de façon formelle (cf. Annexe

1 : Le guide d’entretien à destination des professionnels).

J’ai recueilli les témoignages en suivant une méthode semi-directive avec des questions

ouvertes pour lesquelles j’avais préalablement élaboré un guide d’entretien, afin de

déterminer les objectifs à me fixer lors de ces entretiens. Cette méthode m’a permis d’orienter

les échanges avec le public et les professionnels, tout en les laissant s’exprimer librement.

Les entretiens avec le public, réalisés de façon informelle autour d’un café, m’ont donné

l’occasion de leur poser des questions et d’écouter leur récit de vie, ce qui m’a permis

d’apporter des éléments de conclusion pour mon mémoire et de faire des rencontres

enrichissantes avec les locataires. Cependant, dans mon mémoire j’ai énoncé, dans mon

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mémoire, les témoignages d’autres locataires de Toulouse, Lille et Marseille pour les résultats

des 4 sites expérimentaux. (Cf. Annexe 2 : Guide d’entretien à destination du public)

Pour la réalisation de mon guide d’entretien, je me suis posée les questions suivants :

Comment repère-t-on les personnes sans domicile fixe souffrant de troubles psychiatriques ?

Comment ce public est-il suivi par les travailleurs sociaux ? Quel type d’accompagnement est

adapté à leur situation complexe (problématique de logement, insertion socio-professionnelle

et problématique de santé) ? Qu’apporte le projet expérimental « un chez-soi d’abord » à ce

public ? Comment s’effectue l’accompagnement social de ce public avec l’équipe

pluridisciplinaire ? Quels sont les moyens financiers, humains et matériels mis en place pour

favoriser l’accompagnement social adapté à ce public ? Quels sont les partenaires

intervenants ? Comment favorisent-ils une meilleure prise en charge de ce public en

difficultés ?

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CONTEXTUALISATION

« La politique d’hébergement et l’accès au logement est un des axes majeurs de la lutte contre

la pauvreté6 » et l’exclusion. En effet, les pouvoirs publics ont investi un budget de 1,3

milliards d’euros pour atteindre trois objectifs précis :

Favoriser l’orientation du public vers un logement adapté aux besoins diagnostiqués.

Développer les actions de prévention des ruptures sociales, familiales, professionnelles

pour éviter le processus d’exclusion.

Améliorer l’organisation du secteur de l’hébergement pour répondre aux besoins du

public démunis.

Ce sont les objectifs que s’est fixée la Ministre du Logement et des Egalités des territoires,

Madame Sylvia PINEL. Elle « entend faire de 2015 l’année pour l’hébergement et l’accès au

logement des plus démunis6 ». Lors des Assises, pour l’accès au logement pour les sans-abris

organisées le 15 janvier 2015 par la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de

Réinsertion Sociale (FNARS), la Ministre a déclaré : « notre objectif est de dépasser la seule

réponse à l’urgence et d’aider les personnes les plus démunies à sortir définitivement de la

rue, en les accompagnant dans un parcours d’insertion vers le logement6 ».

Néanmoins des questions se posent : comment les travailleurs sociaux peuvent-ils

accompagner les personnes sans-abri ayant des troubles psychiques dans un parcours

d’insertion vers le logement ? Quels moyens les pouvoirs publics mettent-ils en place pour

répondre à cet objectif ambitieux, car les travailleurs sociaux sont en souffrance

professionnelle face à la pénurie de places en structures adaptées et à l’augmentation des

personnes démunies et à la complexité des situations ?

En effet, les professionnels de la plateforme du 115, du SIAO (Service d’Intégration

d’Accueil et d’Orientation), du CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile), du CHU

(Centre d’Hébergement d’Urgence), du CHRS (Centre d’Hébergement de Réinsertion

Sociale), du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) rencontrent des difficultés dans la

pratique de leurs missions. En effet, ils doivent faire face à un « millefeuille de dispositifs mal

6 Article : L’hébergement et le logement des personnes en difficultés – Gouvernement.fr, le 5 février 2015 – http://www.gouvernement.fr/action/l-hebergemnt-et-le-logement-des-personnes-en-diffucultés/

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coordonnés entre eux et à la dégradation des conditions de travail7 », d’après la Fondation

Abbé Pierre. Comme l’atteste un CCAS de la région parisienne, « il y avait quatre

travailleurs sociaux à la caisse d’allocations familiales il y a cinq ans, il n’y en a plus que

deux aujourd’hui. Cela pose des problèmes en termes de délai de traitement des dossiers

d’aides personnelles au logement7».

Par ailleurs, les personnes les plus démunies, elles aussi, rencontrent des difficultés. En effet,

certaines d’entre elles sont découragées et n’appellent plus le Samu Social, car pour elles ce

dispositif ne donne pas souvent de réponses ou s’il y en a, elles ne sont pas adaptées. D’autres

déclarent que « le 115 ça ne sert à rien : si les personnes ne sont pas suivies socialement et

médicalement, il ne sert à rien8 ». De ce fait par quels moyens les pouvoirs publics peuvent-

ils, d’une part, remédier à l’épuisement et au découragement des usagers et, d’autre part,

améliorer les conditions de travail des intervenants sociaux tout en trouvant des solutions

adaptées aux besoins de ces usagers ?

Selon l’étude de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche) et de

l’Observatoire du Samu social de 2011, « près de 31% des personnes sans domicile fixe

souffrent de troubles psychiatriques sévères, parmi elles 13,2% souffrent de troubles

psychotiques, notamment de schizophrène (8,4%) et de troubles délirants persistants (3,5%).

D’autres souffrent de troubles sévères de l’humeur, notamment de dépression (6,7%) et de

troubles anxieux (12,2%). L’enquête SAMENTA montre également que près d’une personne

sur trois (28,5%) souffre au moins d’une addiction, notamment à l’alcool (21%) ou au

cannabis (16%)9. »

« Mais toutes les personnes sans logement ne sont pas atteintes de troubles mentaux. C’est

une population infiniment plus diverses », soulève Monsieur CHAUVIN Pierre, directeur de

recherche à l’INSERM. Il distingue « les troubles psychologiques graves préalables à la perte

de logement et les troubles psychologiques sévères se retrouvant davantage parmi la

population masculine d’âge mûr, née en France et hébergée dans des dispositifs d’urgence ou

d’insertion2 ».

7 ASH N° 2896 - La Fondation Abbé Pierre croise les regards des usagers et des professionnels sur le mal-logement, 6 février 20158 Journée nationale d’échanges « Santé mentale et habitat » quels sont les apports du programme « un chez-soi d’abord » ? - 16 octobre 20149 Etude de l’INSERM et de l’Observatoire du Samu social, 26 octobre 2011, étude réalisées sur un échantillon de 840 personnes sans-abris

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« Pour les personnes schizophrènes notamment, la perte de logement succède au

déclenchement de la maladie » et en raison des épisodes délirants des malades ou du « rejet

du voisinage », souligne Marie-Jeanne GUEDJ, psychiatre au service des urgences

psychiatriques de l’hôpital St-Anne à Paris2.

Pour débuter mon mémoire, je vais, dans un premier temps, définir la notion de « sans-

abrisme » et étudier les caractéristiques des personnes sans domicile fixe à travers des

problématiques rencontrées par ce public.

1. Définitions et caractéristiques du public

1.1. Définitions

Julien DAMON, responsable de la recherche et de la prospective à la CNAF (Caisse

Nationale aux Allocations Familiales) et professeur associé à Sciences-Po, rappelle

l’histoire du sigle SDF en France : dès le XIXème siècle cette dénomination était

utilisée dans les registres de la police. Maintenant, elle est employée pour désigner la

population sans-abri. « Le mot intègre les significations de sans-logis (absence de

logement), de sans-abri (victime d’une catastrophe), de clochard (figure pittoresque

n’appelant pas d’intervention publique structurée), de vagabond (qui fait plutôt peur)

ou encore de mendiant (qui sollicite dans l’espace public). Des hommes isolés (les

clochards), des familles (les sans-logis de 1954) et des phénomènes assez différents

(absence de logement, spectacle de la déréliction - sentiment d’abandon et de solitude

morale - dans l’espace public, mendicité, etc.) sont ainsi assemblés dans une même

appellation : personnes sans-abri ».10

De nombreux enquêteurs et sociologues ont du mal à définir le « sans-abrisme » et le

fait d’être sans-domicile. Il existe, en effet, différentes définitions : selon le

dictionnaire LAROUSSE, le « sans-abrisme » est le fait de vivre dans la rue, d’être

sans-domicile, en anglais HOMELESS11.

10 Qui sont les SDF ?-Lien Social publication N°689 du 4 décembre 200311 Dictionnaire Larousse

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Selon l’INSEE (Institut Nationale de la Statistique et de l’Etude Economique), « une

personne est dite sans-domicile si elle a passé la nuit précédant l’enquête dans un lieu

non prévu pour l’habitation (on parle alors de sans-abri), y compris les haltes de nuit

qui lui offre un abri (chaleur, café, etc.), mais qui ne sont pas équipés pour y dormir ou

dans un service d’hébergement (hôtel ou logement payé par une association, chambre

ou dortoir dans un hébergement collectif, lieu ouvert exceptionnellement en cas de

grand froid » tels que les gymnases)12.

En outre, la FEANTSA (Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant

avec les Sans-abri), définit le « sans-abrisme » grâce à l’ETHOS (Typologie

Européenne de l’Exclusion liée au Logement) lancée en 2005, en différenciant le fait

d’être sans domicile et sans-abri. Une personne sans-abri, selon cette typologie, est

une personne dormant dans la rue ou vivant dans un hébergement d’urgence (CHU). A

l’inverse une personne sans logement, sans domicile est une personne en foyer

d’hébergement d’insertion (CHRS), en logement provisoire, en foyer d’hébergement

destiné aux femmes, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), en foyer de

travailleurs migrants, en institution pénale ou médicale, ou une personne bénéficiant

d’un accompagnement au logement (foyer d’hébergement médicalisé destinés aux

personnes sans domicile, logement accompagné, logement de transition avec

accompagnement ou logement ordinaire assorti d’un accompagnement).13

Par ailleurs, d’après la Commission Européenne : « Être sans-abri ne consiste pas

uniquement à devoir dormir dans la rue; on considère aussi comme sans-abri les

personnes contraintes de vivre dans des logements temporaires, insalubres ou de piètre

qualité. Le chômage et la pauvreté, les migrations, la vieillesse, les problèmes de

santé, la rupture d'une relation, le manque de logements abordables à louer et à vendre,

le soutien insuffisant accordé aux personnes sortant d'un centre de soin, de l'hôpital, de

prison ou d'autres établissements publics, sont les causes les plus courantes qui

peuvent amener des personnes à devenir sans-abri.

12 INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques – N° 1455- juillet 2013 L’hébergement des sans-abris en 2012.13 La FEANTSA the European Federation of National Organisations, Typologie ETHOS European Typology on Homelessness and housing exclusion

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De plus, les sans-abri peuvent être confrontés à une espérance de vie réduite, des

problèmes de santé, des discriminations, l'isolement et des difficultés d'accès aux

prestations et services publics de base14. »

En résumé, d’après ces différentes définitions, la personne sans-abri est un individu

qui n’a pas de logement approprié. De ce fait, elle est contrainte de résider dans les

espaces publics (hall, stations de métro, parcs, caves…) ou dans des structures

temporaires, afin de survivre.

En ce qui concerne les troubles psychiques, ils font partie du handicap mental comme

le définit la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la

citoyenneté des personnes handicapées, dite loi du 11 février 2005 : article L.114 qui

stipule « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité

ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par

une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou

plusieurs fonctions physiques, sensorielles, cognitives ou psychiques, d’un

polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant15. »

Cette loi a permis de définir et de reconnaître les troubles psychiques en faisant la

distinction entre le handicap mental et le handicap psychique. Ce dernier est la

conséquence d’une maladie psychique, telles que la schizophrénie ou le trouble

bipolaire, borderline, troubles obsessionnels compulsifs. Alors que le handicap

mentale résulte d’une l’altération des capacités intellectuelles (déficience

intellectuelle), telles que la trisomie 21, les troubles du spectre autistique.

Compte tenu de ces définitions, je vais étudier la population qui est la plus touchée par

le « sans-abrisme » à travers des problématiques telles que la qualité de vie et les

difficultés d'accès aux prestations et services publics de base (domiciliation,

établissements d’hébergement, CMU (Couverture Maladie Universelle), AME (Aide

Médicale d’Etat), ACS (Aide pour une Complémentaire Santé), CMU-C (Couverture

Maladie Universelle Complémentaire)…).

14 Commission Européenne - http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1061&langId=fr15 Legifrance – http://www.legifrance.gouv.fr

15

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1.2. Les caractéristiques du public

A la demande la Préfecture et de la Mairie de Paris, dans le cadre de l’estimation des

troubles psychiatriques et des addictions chez les personnes sans logement personne

vivant en Île-de France, un rapport de la Santé Mentale et les Addictions chez les

personnes sans logement personnel d’Île-de-France (SAMENTA) a été réalisée par

l’INSERM et l’Observatoire du Samu Social de Paris en janvier 2010. Cette enquête

avait pour objectifs : de prévenir l’exclusion sociale des personnes souffrant de

troubles psychiatriques sévères, de mieux repérer la souffrance psychique et les

troubles psychiatriques, d’améliorer l’accompagnement de ces usagers dans leurs

parcours d’hébergement et de logement et de former et soutenir les intervenants

sociaux.

a) Ce public est composé principalement d’hommes.

D’après les résultats de l’enquête16, parmi les personnes sondées :

o 65,1 % sont des hommes ayant un âge moyen de 38 ans.

o 10 587 d’entre eux étaient pris en charges dans un dispositif d’urgence,

o 7 747 d’entre eux étaient dans un dispositif d’insertion

o 2 842 d’entre eux vivaient dans un hôtel social.

o Plus de 28 % de la population a une activité professionnelle déclarée ou

non, la proportion de personnes se déclarant au chômage est de 45,2 %.

b) Ce public est victime de discrimination.

L’étude de l’INSERM et l’Observatoire du Samu social précise qu’« au cours des

douze derniers mois, plus d’un tiers de la population a été victime de regards ou de

paroles irrespectueux ou humiliants. Et une personne sur cinq a été victime de

menaces verbales ou de vol. Les agressions physiques touchent 13,2% de la

population, de façon équivalent chez les hommes et les femmes9 ».

c) Les causes d’entrée dans la rue de ce public :

16 Enquête SAMENTA - la Santé Mentale et les Addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France, janvier 2010

16

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Selon le rapport, 55,7% des personnes ont déjà vécu dans un logement dont elles

étaient propriétaires ou locataires. Les raisons de la perte du logement sont :

o pour 1/ 4 des personnes, dues à une séparation familiale,

o pour 25 % des cas à des raisons économique (impossibilité de payer le

loyer, perte d’emploi),

o pour 8,1% à l’expulsion du logement,

o pour 12,3% au déménagement ou à la migration économique ou pour

quitter des zones de guerres.

d) L’origine des troubles :

De plus, selon Patrick DECLERCK, ethnologue et psychanalyste, dans son ouvrage «

Les naufragés » (2001), « l’enfance [de certaines personnes sans-abri] en particulier

a souvent été marquée par des traumatismes graves », ils ont subi « violence, inceste,

abandons, placements en foyers, auxquels s’ajoute un parcours chaotique, la

rencontre avec l’alcool ou la drogue, des séjours en prison ou en hôpital

psychiatrique, la rue finit toujours par s’imposer ». Ces faits annoncés par l’auteur ne

sont pas communs à toutes les personnes sans-abri.

e) Les lieux les plus fréquentés par ce public :

Durant les douze derniers mois, les personnes atteintes de troubles mentaux

fréquentaient des lieux pour dormir, majoritairement précaires :

o 17,7 % ont dormi dans l’espace public,

o 14,4 % dans un CHS (Centre d’Hébergement de Stabilisation),

o 8,9 % dans un CHU

o 12 % dans un squat ou chez une connaissance ou de la famille,

o 28,2 % déclarent avoir dormi le plus souvent dans un dispositif d’insertion

(CHRS)

o 11,1 % dans un hôtel social.

f) La santé de ce public :

Toujours selon ce rapport « plus d’1 personne sur 10 (11,6 %) considère son état

de santé général comme mauvais ou très mauvais et près d’1 personnes sur 5

considère son état de santé psychologique comme mauvais ou très mauvais9 ».

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Certaines personnes souffrent de maladies chroniques (37,7 %) telles que : les

maladies respiratoires ou ORL, troubles de l'oreille, du nez et de la gorge (7,4 %),

le diabète (6,2 %), l’hypertension (5,2 %), les maladies psychiques (4,7 %), les

maladies cardio-vasculaires (4,3 %) et les maladies du système digestif (3,8 %) 9.

Au sien de cette population, « 40,5 % des personnes déclarent avoir un traitement

régulier et 28,4 % un suivi régulier pour raison médicale9 ». Près 90 % bénéficient

d’une couverture maladie : la CMU (42,3 %), la Sécurité Sociale (29,1 %) ou

l’AME (15,1 %).

« Parmi les personnes atteintes de troubles psychiatriques sévères, celles qui

souffrent de troubles psychotiques sont celles qui dorment le plus souvent dans

l’espace public (23,1 %) et parmi elles, 1/4 est atteint de schizophrénie9 ».

Parmi la population dormant le plus souvent dans l’espace public, au cours des

douze derniers mois, 44,3 % des personnes ont un trouble psychiatrique sévère

détecté, soit un millier. « Parmi elles, 1/4 a un trouble psychotique, soit près de

600 personnes et parmi ces dernières 16,7 % ont une schizophrénie, soit environ

400 personnes9 ».

Au total, près d’1 personne sur 2 a un trouble psychiatrique sévère et 1 personne

sur 4 souffre d’un trouble psychotique.

« Les troubles de la personnalité et du comportement concernent 21,1 % de la

population : 4,9 % de personnalité dyssociale, 3,5 % de personnalité dépendante,

1,5 % de personnalité borderline, 2,2 % d’autres troubles de la personnalité ».

Ainsi, au regard de ces chiffres, on remarque qu’une grande partie des

personnes sans-abri souffrant de troubles psychiatriques vivent

essentiellement dans la rue.

Au vu des définitions et de l’étude des caractéristiques des personnes sans-abri

souffrant de troubles psychiques, je vais maintenant aborder un dispositif

expérimental, basé sur le principe un « logement d’abord ».

18

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2. Le programme expérimental : le programme « un chez-soi d’abord »

2.1. Contexte du programme expérimental «   un chez-soi d’abord   »

En France, l’accueil du public au sein de structures sociales, liées à l’hébergement et

au logement est inconditionnel comme le rappelle l’article L.345-2-3 du Code de

l’action sociale et des familles. Cela implique une prise en charge de ce public et un

accompagnement adapté dans le but de favoriser l’accès au logement et à l’insertion

professionnelle. Pour faire face à l’augmentation des demandes d’hébergement, des

moyens supplémentaires ont été déployés par les pouvoirs publics.

La fin de la « gestion au thermomètre » (selon la météo) a pu être réalisée grâce à la

création de places d’hébergement d’urgence, de logements adaptés et de CADA. En

effet, « en 2013, plus de 7 000 places d’hébergement d’urgence ont été pérennisées ou

créées, ainsi que 7 500 places en logement adapté (pensions de famille, maison-relais,

résidences sociales, intermédiations locatives) 6 ».

Malgré les dispositifs déjà mis en place, les professionnels soulèvent une difficulté

grandissante dans le domaine de l’hébergement : le traitement de situations de plus en

plus hétérogènes et complexes : hommes seuls, jeunes en rupture, familles sans-abri,

femmes victimes de violences, personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Pour répondre au mieux à ces situations, l’Etat et les collectivités territoriales

prévoient des moyens adaptés à chaque public, tels que :

- « Les jeunes sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), plus particulièrement ceux

ayant vécu plusieurs placements, représentent 25 % des personnes sans domicile. Des

mesures ont été prises par les départements, sous la forme des contrats jeunes majeurs

qui permettent une prise en charge financière et éducative pour une partie de ces

jeunes âgés de 18-25 ans. Selon la loi du 6 mars 2007, article L221-1 1° du Code

l’action sociale et des familles, le service de l'aide sociale à l’enfance est chargé d’«

apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique […] aux mineurs émancipés et

majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et

éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre17 ».17 Rapport de l’ONED, Observatoire National de l’Enfance en Danger - L’accompagnement vers l’autonomie des « jeunes majeurs », janvier 2015

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- Les femmes victimes de violences ont des besoins spécifiques et immédiats de mise à

l’abri. C’est pourquoi, un engagement a été pris par pouvoirs publics pour créer, entre

2015 et 2017, 1 650 places d’hébergement qui leurs seront dédiées. (loi du 4 août

2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes)

- Le programme expérimental « un chez-soi d’abord », qui s’inspire du « Housing

First », littéralement « loger d’abord », a été mis en œuvre aux Etats-Unis et au

Canada. Ce programme favorise l’accès au logement ordinaire, moyennant un

accompagnement renforcé, aux personnes ayant un long passé à la rue et atteintes de

troubles psychiques sévères6 ». (arrêté du 11 avril 2011, portant sur l’agrément d'une

expérimentation d'actions médico-sociales « un chez-soi d'abord » en faveur de

personnes en situation de précarité) 15.

En outre, selon un article des Actualités Sociale Hebdomadaires (ASH) du 6 février

2015 : « accompagner une personne qui est à la rue en centre d’hébergement, c’est

l’aider à retrouver son autonomie pour lui permettre d’accéder à un logement. De

nombreux établissements et outils, gérés par les associations, permettent de chercher

des réponses adaptées au relogement des personnes. Cela passe notamment par la

mobilisation des contingents réservés de logements sociaux (l’Etat, les régions, la

mairie, le 1% patronal, les bailleurs…) ou de logements accompagnés (pensions de

familles, résidences sociales, dispositifs de location, baux glissants, sous-location,

accompagnement vers et dans le logement -AVDL). Pour que cet accès au logement

puisse être effectivement favorisé, le ministère du Logement et de l’Egalité des

territoires mettra en œuvre tout au long du quinquennat les moyens nécessaires au

développement d’une offre de logement diversifiée et adaptée aux besoins7 du

public. »

Des questions se posent, notamment, dans un contexte de crise du logement et du

phénomène du mal-logement augmente. Selon son 20ème rapport de l’Etat du mal-

logement en France, de la Fondation Abbé Pierre rappelle qu’il y a plus de 3,5

millions de personnes mal-logées ou non logées.

Dans ces conditions, comment peut-on aider une personne à la rue à accéder à un

logement dans un tel contexte ? Où sont les priorités ? Autrement dit, quel public est

prioritaire : les ménages DALO (Droit au Logement Opposable), les femmes victimes

de violences, les ménages occupant de logements indignes et dangereux ou bien les

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personnes sans-logis ? Quel est le degré d’urgence face à ces diverses situations ?

Combien de nouveaux logements sociaux faudrait-il construire pour répondre

concrètement aux besoins des prioritaires DALO, des 141 500 personnes sans

domicile fixe et sans-abri (dont les 30 % sont atteints de troubles psychiques), des

80 000 demandeurs d’asile et des milliers de familles habitants dans des logements

indignes ?

De nouveaux moyens ont été mis en œuvre pour répondre aux besoins spécifiques de

ces différents publics. Ces moyens n’éclipsent pas les dispositifs actuels ; au contraire,

ils les renforcent pour une meilleure prise en charge du public. Ils sont

complémentaires, en particulier le dispositif expérimental : « un chez-soi d’abord » -

Housing First et les centres d’hébergement.

2.2. Présentation du programme «   un chez-soi d’abord   »

Lors d’une conférence, j’ai eu l’occasion de découvrir un dispositif nouvellement mis

en place dans le cadre d’une expérience scientifique, appelé « un chez-soi d’abord »,

qui s’adresse aux personnes sans domicile ayant des troubles psychiques sévères. Je

vais à présent présenter ce dispositif ingénieux.

Le 8 février 2010, le docteur et psychiatre de rue à Marseille Vincent GIRARD, le

docteur Pascale ESTECAHANDY et le docteur Pierre CHAUVIN, ont remis, au

Ministre de la santé et des sport, Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, et au

secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’urbanisme, Monsieur Benoist APPARU,

un rapport sur la santé et l’accès aux soins des personnes « sans chez-soi »10. Suite à ce

rapport, le gouvernement a retenu la proposition d’expérimenter, en France, le

programme « Housing First » (en français « un chez-soi d’abord). « Cette proposition

a été intégrée dans la stratégie nationale 2009-2012 pour l’hébergement et l’accès au

logement des personnes sans-abri ou mal logées10 ».

Ce programme a vu le jour après le constat fait par l’Etat français, à savoir, que plus

d’un tiers des personnes sans-abri souffrent de troubles psychiques sévères. Le

gouvernement a également analysé les résultats encourageants concernant le

programme « Housing First » aux Etats-Unis, au Canada, au Danemark et en Grande-

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Bretagne, qui consiste à favoriser l’accès direct et le maintien dans un logement

ordinaire de public sans-abri atteint de troubles psychiques sévères.

C’est en 2012 que ce projet a débuté à Marseille, Lille, Toulouse et en 2013 à Paris.

L’objectif premier de cette expérimentation est d’« apporter de nouvelles réponses

pour l’accès au logement, et aux soins des personnes sans-abri souffrant de troubles

psychiques sévères18 ».  

Dans chacune de ces villes, 200 personnes, essentiellement repérées par les maraudes

sociales, sont tirées au sort pour intégrer, soit le projet basé sur le modèle « un chez-

soi d’abord », soit la prise en charge médicale et sociale classique. Cette distinction est

faite dans le but de comparer les trajectoires des deux groupes de participants. La

comparaison permettra « d’évaluer le bénéfice du logement sur la personne, au niveau

du bien-être, de la santé mentale et de la réinsertion, tout en analysant les coûts pour la

société19 ».

Au total 800 personnes sont concernées par ce dispositif expérimental sur les 4 sites

pour une durée de 3 ans, dans 14 structures différentes (associations, hôpitaux, centres

de réinsertion…). Le projet est financé en partie par la Sécurité Sociale et l’Etat pour

un budget global de 2,5 milliards d’euros.

Dans la démarche traditionnelle, la personne sans-abri souffrant de troubles

psychiques doit préalablement s’engager à se soigner en prenant son traitement

régulièrement (médicaments, gouttes, piqûres…). Par la suite, elle pourra rentrer dans

une démarche de sevrage si elle a une addiction (alcool, jeux, drogues…) ou

d’insertion socioprofessionnelle. Ensuite après orientation, la personne sera

accompagnée en CHU, puis en CHRS, ou en logement temporaire pour, au final

accéder à un logement ordinaire.

Comme on peut le constater, cette procédure prend beaucoup de temps et ne permet

pas toujours le rétablissement social, mental, professionnel et familial de la personne.

18 Programme expérimental « Un chez-soi d’abord » - http://www.developement-durable.gouv.fr/IMG/presentationduprogramme-un-chez-soi-dabord.pdf19 Article : « Des sans-logis expérimentent le programme scientifique « chez-soi d’abord », rédigé par Sabrina BOUAROUR, 17 mai 2013 – http://sabrinabouarour.blog.lemonde.fr/2013/05/17/des-sans-logis-qui-experimentent-le-programme-scientifique-un-chez-soi-dabord/

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En revanche, dans le modèle « Housing First », la personne sans-abri atteinte de

troubles psychiques dispose d’un logement sans engagement, sans de condition de

soins, de sevrage ou d’insertion socioprofessionnelle, au préalable. Les délais

d’attente, pour accéder à un logement ordinaire sont donc plus courts.

Néanmoins, on pourrait se demander comment s’organise le travail

d’accompagnement autour de la personne dans le cadre de ce dispositif ? Comment

s’organise le travail en partenariat avec les services médicosociaux de secteur ?

Comment sont constituées les équipes dédiées à cet accompagnement ? Et quel est le

rôle du CESF (Conseiller en Economie Social Familiale) dans l’accompagnement ?

Dans la partie suivante, je développerai la composition de l’équipe dédiée,

l’accompagnement social intensif et la place du CESF.

3. L’équipe pluridisciplinaire et l’accompagnement social renforcé

3.1. L’équipe pluridisciplinaire

Le public (800 personnes sans-abri atteintes de troubles psychiques) est accompagné vers

et dans le logement par 40 professionnels et suivis par des équipes de recherches.

L’accompagnement est spécifique, adapté et renforcé.

L’équipe pluridisciplinaire qui réalise ce type d’accompagnement est composée de

professionnels du social (Assistant au Service Sociale, Conseiller en Economie Social

Familiale, Educateur Spécialisé…), de professionnels de la santé (psychiatre,

addictologue, médecin généraliste, infirmier), de spécialistes du logement et de

médiateurs pairs (ce sont des personnes qui ont connu des troubles psychiques et sont

dans un processus de stabilisation), un secrétaire et un coordinateur12. L’accompagnement

englobe tous les aspects de la vie quotidienne (santé, logement, emploi, citoyenneté…) et

vise à rendre les personnes actrices de leur rétablissement tant social que médical.

Par binôme, l’équipe pluridisciplinaire rende visite, environ une à deux fois par semaine,

aux locataires pour les accompagner dans leurs démarches quotidiennes : cela peut passer

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par l’ouverture d’un compte EDF, l’achat de meuble, la gestion de dossiers sociaux, tout

en maintenant un dialogue, ce qui est indispensable12. Ce dialogue permet de travailler sur

les « forces » des usagers, une concertation de l’équipe pluridisciplinaire et mettre en

avant les choix de ce public.

3.2. Le travailleur-pair

Le principe de la pair-émulation (peer conseling ou peer support) est une caractéristique

du dispositif « un chez-soi d’abord ».

Le concept de « pair-aidant » considère que les personnes qui ont vécu et surmonté un

problème de santé mentale peuvent apporter une expertise spécifique pour soutenir leurs

pairs dans leur rétablissement. Cet accompagnement original permettrait l’impulsion

d’une dynamique nouvelle et d’un encadrement de la rechute (crise, décompensation),

dans un processus d’évolution positif plus global, d’après l’association Etoile Bipolaire,

qui aide les personnes souffrant de troubles bipolaires et leurs proches par tous les

moyens possibles.

Le travailleur-pair santé (pair-aidant) tient un rôle très important au sein de l’équipe

dédiée car, ayant un ou plusieurs troubles psychiques et/ou une relation complexe avec

l’alcool, il « partage son expérience avec les autres intervenants de l’équipe et contribue à

l’accueil et à l’accompagnement des locataires20 ». Ainsi, les usagers se mobilisent plus

facilement lors des accompagnements, des démarches administratives et de soins grâce à

l’intervention du travailleur-pair santé. Ce dernier est confronté à deux exigences :

o la demande : les usagers souhaitent parler à des personnes qui les

comprennent et qui ont vécu et surmonté des problèmes similaires,

o la réalité : les travailleurs sociaux « refusent de plus en plus de passer des

matinées à servir le café, à aller le refaire, à apporter du linge à la laverie, et

à passer des heures entières dans le froid, à fumer et à échanger avec les

usagers ‘ dans le vent ‘ comme on dit », citation tirée de l’article « Un chez soi

d’abord : l’expérience marseillaise », Lien social n° 1107, 30 mai 2013, p.21.

20 Extrait du cahier de charge du projet de service - Le sociographe – Nouvelle gestion sociale des SDF, comparaisons internationales de politiques pour les sans abri.

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Cependant, la marge de manœuvre du travailleur pair reste réduite du fait de son

handicap. En effet, le travailleur pair est en cours de stabilisation au sein de l’équipe ce

qui l’empêche de conduire ; de ce fait, il est contraint d’être accompagné d’un membre de

l’équipe lors des rencontres à domicile.

3.3. L’accompagnement social des locataires

L’intervention de l’équipe d’accompagnement auprès des locataires se fait en 6 étapes à

travers le WRAP (Wellness Recovery Action Plan), un outil créé par le Dr PhD Mary

Ellen COPELAND. Le WRAP favorise la récupération de la santé mentale ; il permet

d’« identifier ce qui rend bien ou bon les personnes et [d’] utiliser leurs propres outils de

mieux-être pour soulager les sentiments difficiles et maintenir le bien-être et une

meilleure qualité de vie21 ».

Les six étapes sont : 1) le plan de l'entretien quotidien, 2) l’identification des déclencheurs

et le plan d'action associé, 3) l’identification des signes d'alerte précoces et d'un plan

d'action associé, 4) l’identification des signes quand les choses se brisent et le plan

d'action associé, 5) la planification de la crise et 6) la planification post-crise. (Cf. Annexe

1 : Guide d’entretien à destination des professionnels).

L’équipe emploie également d’autres outils pour favoriser le rétablissement de la

personne, tel que le plan de rétablissement qui permet de construire un projet ou un

parcours vers le « mieux-être ». Le locataire inscrit sur une feuille ses rêves, ses objectifs

pour les atteindre et les différentes étapes qu’il doit franchir pour les atteindre. Pour ce

faire l’équipe et la personne fixent des objectifs à plus ou moins long terme avec des dates

butoir. Ce document est conservé par la personne.

Par la suite, l’équipe rend visite plusieurs fois par semaine aux locataires dans le but de

les soutenir, maintenir le lien et assurer la réalisation des démarches au niveau du

logement (entretien, courses…), des soins et de l’insertion. Elle accompagne également

les locataires à leurs rendez-vous médicaux, au tribunal. Cependant, elle n’intervient pas

pour les démarches administratives des locataires.

21 http://www.mentalhealthrecovery.com/wrap/

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Par contre, l’équipe oriente chaque locataire vers des services sociaux du quartier où ils

ont été relogés tels que le CCAS, le SSDP (Service Social de Polyvalence), le CASVP

(Centre d’Action Social de la Ville de Paris) et les services sanitaires et hospitaliers

comme le CMP (Centre Médico-Psychologique), les hôpitaux, les centres de post-cure, de

cure et de désintoxication.

Ainsi, l’équipe assure le lien entre le soin et les services sociaux.

De plus, elle est en charge du logement : recherche du logement, évaluation des

ressources, aides au paiement du loyer (baux glissants), réalise l’ASLL et assure la

prévention des expulsions. Elle intervient également pour l’emménagement du locataire,

l’accompagnement pour l’achat d’équipements.

Au sein de l’équipe « un chez-soi d’abord », les locataires n’ont pas de référents attitrés ;

ils peuvent ainsi contacter 7/7 jours et 24/24 heures un des membres de l’équipe qui est

d’astreinte.

Par ailleurs, lors de la journée d’immersion que j’ai effectué au sein de l’équipe

pluridisciplinaire « un chez-soi d’abord » de l’association Aurore, j’ai pu observer

l’accompagnement social des locataires. Cet accompagnement se distingue de ceux que

j’avais l’habitude d’observer lors de mes stages précédemment. En effet, il ne s’effectue

pas dans un bureau, mais au domicile de la personne (en faisant la cuisine ou les courses

avec le locataire), dans un café, par téléphone… L’accompagnement se conduit à tout

moment de la journée et dans tous les lieux propices à la discussion, en conséquence à

chaque moment de la vie du locataire.

Cet accompagnement social est adapté à chaque locataire : si l’équipe évalue que la

situation d’un locataire est préoccupante, elle propose au locataire, sans s’imposer,

d’intensifier les rencontres à domicile (RAD). Par exemple, elle proposera une rencontre

deux à trois fois par semaine au lieu d’une fois par semaine. Les RAD sont fixées avec les

locataires par téléphone, ce qui permet d’organiser le planning chaque jour.

En outre, les travailleurs sociaux et les travailleurs de la santé qui composent l’équipe ont

une relation amicale sans être familier avec les locataires ; le tutoiement est employé

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majoritairement entre l’équipe et les locataires. Ainsi, quelques locataires considèrent

certains membres de l’équipe comme un « ami » ou un « copain ».

Cette posture ne rend-elle pas, de plus en plus, floue le positionnement des travailleurs

sociaux ? Cela ne rend-il pas, plus difficile, la prise de distance avec les locataires ? Ce

problème ne se pose pas vraiment car les membres de l’équipe ne s’occupent pas de

locataires attitrés, ce qui permet une diversité des situations et une prise de distance plus

facile. De plus, tous les débuts de journée, l’équipe se réunit pour faire un point sur des

situations préoccupantes et pour organiser le planning de la journée. Lors de ces réunions

journalières et des réunions hebdomadaires, les membres de l’équipe peuvent s’exprimer

sur un disfonctionnement du dispositif, ou un comportement survenu lors d’une RAD ou

soulever une question d’éthique.

A travers l’accompagnement social, l’équipe pluridisciplinaire valorise et encourage

souvent les locataires qui ont fait des progrès dans leur rétablissement, cela les stimule

car, les personnes sans-abri souffrant de troubles psychiques se sentent rejeter et

dévaloriser à cause du regard de l’autre ou du personnel médicosocial, et bien souvent

stigmatisées. Ainsi se basant sur l’ « empowerment », l’équipe dédiée donne du pouvoir

aux locataires. De ce fait, ces derniers retrouvent, petit à petit, confiance en eux.

L’ « empowerment » peut être définit comme étant la reconnaissance d’une capacité

d’action de la personne ; il permet de prendre en compte les potentialités de chaque

individu, leurs avis sur les prises de décisions les concernant et ainsi une meilleure prise

en charge de la personne.

En outre, le principe du « laisser-faire », c’est-à-dire que « Je n’ai pas le pouvoir sur

l’autre », permet à l’équipe d’aller au rythme de chaque locataire. Elle s’efforce de

pratiquer le principe du « le faire-tout », par exemple le coordinateur peut accompagner

un usager pour faire ses courses, tout comme un travailleur social peut accompagner un

usager dans ses démarches liées au logement.

Néanmoins, l’équipe a un rôle préventif et curatif auprès des locataires, de leurs proches

et des partenaires. La notion de rétablissement (« recovery » en anglais) est souvent

employée et appliquée au sein du programme. Cette notion sous-entend de travailler avec

les potentialités et les compétences de chaque usager pour atteindre des objectifs fixés

dans le but de rétablir celui-ci dans ses droits.

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4. Le rôle du Conseiller en Economie Sociale Familiale au sein de l’équipe

D’un point de vue général, dans ses missions relatives à la vie quotidienne, le Conseiller en

Economie Sociale Familiale (CESF), s’inscrit dans la lutte contre l’exclusion des plus

démunis et dans la promotion de l’accession au logement. Mais, au sein du dispositif « un

chez-soi d’abord », le CESF a une place importante. En effet, il aborde les domaines de la

consommation, de l’habitat, de l’insertion sociale et professionnelle, de l’alimentation-santé ;

ainsi, il apporte son expertise dans le domaine de la vie quotidienne du locataire. Il travaille

également sur différentes problématiques telles que l’accès au logement, son maintien, l’accès

aux soins… « Son intervention privilégie une finalité éducative. De plus, le CESF vise la

valorisation et/ou l’appropriation de compétences par21» les locataires.

Le CESF travaille avec la personne à son rétablissement et l’aide à trouver une place dans la

société, à être une « personne à part entière », « un citoyen à part entière », par

l’intermédiaire d’une phase de rééducation. Comme le témoigne Maïa, éducatrice spécialisée

à l’Association Aurore, l’équipe « peut aider à faire des courses, à remplir des dossiers CAF

(Caisse des Allocation Familiales), à ouvrir un contrat EDF, à monter un meuble, à faire la

cuisine3… ».

« Le CESF intervient de façon individuelle ou de façon collective lorsqu’il anime des groupes

d’usagers ou quand il collabore avec des équipes pluridisciplinaires et pluri-

institutionnelles ». Son intervention se fait à deux niveau : en préventif et en curatif ; il assure

des actions de conseils, d’information, d’animation, de formation dans les domaines de la vie

quotidienne, tout en travaillant avec un réseau de partenaires et « des dynamiques de

développement social local22 ».

D’après Pauline RENTHER, chargée de recherche et Christian LAVAL, coordinateur

nationale du programme, « habiter chez soi (…) opère un véritable changement de

22 Référentiel professionnel, définition de la profession et du contexte d’intervention, Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ministère de la santé et des sports, n° 2009/9 du 15 octobre 2009 – annexe 1

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perspective sur soi et son rapport au monde23 ». En effet, certains locataires peuvent garder de

habitudes de rue dues aux années d’errance tels que, par exemple, le « laisser-aller » sanitaire,

l’habitude de dormir au sol alors qu’il y a un lit, se nourrir de boîtes de conserves ou d’autres

aliments qui ne nécessitent pas d’être cuisinés, alors que le locataire possède un réchaud. Au

vu de ces difficultés, le CESF et l’équipe pluridisciplinaire doivent réapprendre à la personne

le quotidien d’un locataire, en autre, aller prendre son courrier, sortir les poubelles, faire le tri,

cuisiner, faire les courses, s’approprier son nouveau logement, payer son loyer, entretenir son

habitat, se laver régulièrement, équiper son logement… Toutefois le dispositif « un chez-soi

d’abord » a des limites.

5. Les limites de l’accompagnement social et du dispositif expérimental

a) Les limites de l’accompagnement social

L’une des limites de l’accompagnement social est la temporalité : le fait de devoir

s’adapter aux exigences des locataires. Mais ce temps est, malgré tout, nécessaire, car « il

faut s’adapter et être patient et laisser le temps à la personne de s’adapter au logement, à

son nouvel environnement… » comme s’expriment Aline, CESF et Marie, psychologue de

l’équipe « un chez-soi d’abord » de l’association Aurore. Effectivement ce délai, plus ou

moins long, est un facteur essentiel au rétablissement de la personne, car celle-ci doit se

réhabituer au quotidien du locataire.

Par ailleurs, l’accompagnement social est difficile dans le cas d’états sanitaires graves

et/ou liés à la consommation de psychotropes (alcool, drogue, tabac), de dilapidation des

ressources financières, de périodes de crises, de décompensation (atteinte à la santé et à

l’intégrité, accès de violence, dégradation du logement…), de problèmes de nuisances

dénoncés par le voisinage (essentiellement du bruit) ou d’envahissement du logement par

des connaissances de rue24.

23 Extrait d’article de la revue Les Cahiers de Rhizome n° 45, 2013 - « Chez soi d’abord et rétablissement : deux exemples de circulations de modèle d’action entre l’Amérique du Nord et l’Europe » p. 5124 Livre Le sociographe, Nouvelle gestion sociale des SDF, comparaisons internationales de politiques pour les sans abri. p.75

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Autre limite les travailleurs sociaux doivent pratiquer une « gymnastique intellectuelle

permanente24 » pour chaque situation des locataires afin de répondre au mieux aux besoins

de chacun d’eux.

b) Les limites du dispositif « un chez-soi d’abord »

Etant un programme expérimental, le dispositif exige des travailleurs sociaux d’inventer et

de construire, selon les situations, de « nouveaux outils adaptés24 » ; de ce fait le dispositif

« impose une adaptation au « fil de l’eau » répondant à l’appréciation « en continu » des

situations de travail. « Mais ces ajustements matériels et pratiques ne manifestent en

réalité que la position nouvelle et singulière24 » des travailleurs sociaux, selon l’ouvrage

Le Sociographe, Nouvelle gestion sociale des SDF, comparaisons internationales de

politiques pour les sans abri. p.75.

De plus, à long terme, en supposant que le projet « un chez-soi d’abord » devienne une

politique nationale, la crise du logement et le prix du mètre carré peuvent être un frein à la

captation des logements. En effet, les associations chargées de ce dispositif, peuvent être

amenées à capter des logements dans des régions où le prix du mètre carré est moins

élevé, telles que la Seine-et-Marne, la Champagne-Ardenne ou l’Aisne ; régions n’offrant

pas de cadre pour la réinsertion professionnelle des personnes sans-abri atteintes de

troubles psychiques.

Malgré ses limites et eu égard aux bons résultats français et européens, le dispositif « un

chez-soi d’abord » comporte de nombreux avantages tant pour le public et que pour l’Etat

français. En effet, au bout des 3 ans d’expérimentation, les équipes de recherche du

dispositif « un chez-soi d’abord » proposent au gouvernement français de mettre en place

une politique nationale basée sur ce principe. D’après la sénatrice de Seine-Saint-Denis,

Aline ARCHIMBAUD, « les enjeux du programme « un chez-soi d’abord », sont de faire

reconnaître une action expérimentale de trois ans en tant que nouvelle politique publique,

lutter contre l’exclusion à travers la mobilisation des professionnels, lutter contre le

phénomène de stigmatisation des personnes sans-abris souffrant de maladies mentales

sévères et permettre l’ouverture des droits, l’accès au logement et aux soins au public »6.

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A travers l’accompagnement social par l’équipe dédiée et du CESF, on a pu observer des

effets du dispositif sur le rétablissement des locataires. Dans la partie qui suit, j’analyserai

les résultats encourageants ainsi que les témoignages de locataires.

6. Des résultats encourageants et des témoignages de locataires

6.1. Les résultats encourageants

6.1.1. L’observation du rétablissement de la personne cliniquement en 12 mois

Le nombre de symptômes psychiques diminue dans le groupe« un chez-soi

d’abord » à 6 mois et à 12 mois et se stabilise dans le groupe des « offres

habituelles » pendant cette même période.

Concernant le nombre d’hospitalisation, la durée du séjour à l’hôpital diminue

dans le groupe « un chez-soi d’abord » (28 jours →25 jours) alors qu’il a tendance

à augmenter dans le groupe des « offres habituelles » (26 jours → 40 jours).

De même pour le nombre de passage aux urgences, il diminue dans le groupe « un

chez-soi d’abord » (18→9) et augmente dans le groupe des « offres habituelles »

(18→23).

6.1.2. L’observation du rétablissement sociale en 12mois et l’amélioration de la qualité de vie

Selon l’équipe du professeur de santé publique, Pascal AUQUIER, les résultats

sont très encourageants car elle a pu observer que la confiance en soi des

personnes sans-abri souffrant de troubles psychiques sévères augmente plus dans

le groupe « un chez-soi d’abord » par rapport à celui des « offres habituelles ». La

motivation à demander de l’aide grandit également et la personne a une plus

grande estime de soi. De plus, les objectifs sont réalisés.

Cette équipe de recherche a également observé une amélioration de la qualité de

vie de ces personnes. En effet, il existe un différentiel de 5 points entre le groupe

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des « offres habituelles » et celle-ci du « un chez-soi d’abord », ce résultat étant en

faveur de ce dernier groupe.

Les personnes du programme « un chez-soi d’abord » ressente un bien-être

psychologique et physique et une meilleure relation avec leur famille, une vie

sentimentale…

De même, grâce au projet « un chez-soi d’abord », l’équipe dédiée remarque que

les personnes relogées prennent d’elle-même l’initiative de se soigner ou, pour

certaines d’entre elles, de reprendre contact avec le personnel médical, alors

qu’elles avaient renoncé à se soigner à cause du problème de domiciliation, de la

complexité administrative, l’absence de protection maladie (AME, CMU, CMU-C,

ACS).

6.1.3. L’observation du coût de la prise en charge

Le projet « un chez-soi d’abord » a permis de réaliser des économies aux pouvoirs

publics car une forte diminution des hospitalisations et des passages aux urgences,

a été observée. C’est ce que déclare un article de journal du site web Localtis.info,

« l'impact est a priori aussi positif pour les finances publiques, puisque « on note

une réduction de 50% des durées de séjour hospitalier pour les personnes du

groupe expérimental, en comparaison avec les personnes suivies par les services

habituels ».25

En effet, le coût de l’accès à la santé de l’Etat à destination des personnes sans-abri

est très élevé et a tendance à augmenter. On observe que le nombre de

bénéficiaires à l’AME a atteint « 192 000 en 2006, malgré des conditions d’accès

progressivement durcies. Les dépenses annuelles s’élèvent en moyenne à 326

millions d’euros21 ».

En particulier, « les troubles mentaux engendrent une part importante de la

dépense de santé. En 2007, le coût global de la pathologie mentale a été évalué à

109,2 milliards d’euros », dont la prise en charge des « soins en ambulatoires

représentent 37 % du coût de la psychiatrie (4,7 milliards d’euros dont 3,7

milliards d’euros en libéral) et l’hospitalisation représente 63 % »26.

25 "Un chez-soi d'abord" : des premiers résultats encourageants Social / Santé Publié le lundi 24 novembre 2014, article du site Localtis.info, écrit par Caroline MEGGLE26 Site Psycom – http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Cout-de-la-psychiatrie

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De surcroît, en 2011, « les coûts collatéraux [de la santé mentale] liés à la perte de

production et à la perte de qualité de vie atteindraient près de 80 milliards

d’euros27 », selon l’enquête URCeco Ile-de-France (Unité de Recherche Clinique

en Economie de la Santé d’Ile de France) et du CREDES (Consultance en Santé

Publique) pour la fondation FondaMental (Réseau de Coopération Scientifique en

Santé Mentale).

6.2. Les témoignages des locataires relogés

Suite au visionnage du DVD « un chez-soi d’abord » de la DIHAL et lors de mes

interviews, j’ai pu recueillir des témoignages sur le vécu de l’accompagnement par des

locataires.

- Madame V de Marseille a eu une enfance mouvementée, ses parents se disputaient

souvent, ils échangeaient des coups et elle fut donc placée. Cependant elle est tombée

dans la drogue à l’âge de 9 ans puis, à 13 ans, elle allait dans les salles de «  shoot ».

Elle s’exprime ainsi : « Je suis tombée dans la drogue à cause de mes mauvaises

fréquentations ». Durant ses années de rue, elle entendait une voix qui la dévalorisait :

« Tu n’es qu’un déchet, tu ne sers à rien ; ça me faisait du mal, du mal ! », dit-elle.

Maintenant elle va mieux car Madame V suite au soutien de l’équipe dédiée, elle dit :

« Si tu as une crise d’angoisse, tu peux parler à quelqu’un » de l’équipe « un chez-soi

d’abord ». Depuis que Madame V a connu l’équipe, elle a observé des changements

dans sa vie, «  J’ai évolué, tout va bien maintenant. Dans mon logement ça se passe

bien. Mon traitement se passe bien. J’ai repris contact avec la famille, toutes les

semaines ma mère m’appelle. J’ai plus le goût à vivre. Je recherche un travail. J’ai

refait tous mes papiers : ma carte d’identité, ma carte de Sécu. »

Pour passer le temps, Madame V participe à des ateliers et des sorties que propose une

association de quartier : « Je ne traîne plus dans le rue, ça ne me dis plus rien. Je suis

mon traitement, j’ai une piqûre tous les 15 jours et ça va mieux, je n’entends plus les

voix ». Pour revenir à l’accompagnement social, ce qu’apprécie Madame V, c’est qu’

« ils ne m’ont pas poussée, ils ne m’ont pas donné d’ordres, ils me laissent aller à mon

27 Plan Psychiatrie et Santé mentale 2011-2015 – http://www.sante.gouv.fr

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rythme. Ils m’ont orientée, des fois je ne suis pas venue, d’autre fois je suis allée au

rendez-vous. »

- Monsieur R du Grand Lille a eu une enfance difficile. Il a été placé en foyer, puis y a

été exclu, à l’âge de 18 ans pour divers problèmes. Il s’est donc retrouvé à la rue et a

commencé à entendre des voix. Il s’exprime ainsi à propos de l’équipe : « Quand je ne

vais pas bien, ils sont là ! J’ai eu de la chance d’avoir des éducateurs ! Quand je n’ai

pas mangé, ils m’apportent un colis alimentaire. »

- Monsieur B, vit à Toulouse, est dépressif, schizophrène, alcoolique. Il va souvent à

l’hôpital, il peut faire quelques fois près de 200 passages aux urgences, « c’est son

deuxième chez lui c’est l’hôpital », s’exclame Jean-Marc ARBIOL, coordinateur de

l’équipe dédiée à Toulouse. Il sait quand il ne va pas bien. Il a fait 8 ans de rue. Il a eu

certaines difficultés à s’intégrer dans le logement et dans son nouvel environnement.

« Les voisins ne sont pas sympathiques : il y a eu des gens qui voulaient me taper, ils

étaient venus avec des chiens. » L’équipe est intervenue pour réguler le problème

entre Monsieur B et ses voisins, à présent la situation s’est apaisée. Malgré le

relogement, « Je déprime, même quand il y a du monde, je déprime en silence, mais un

peu moins ». Grâce à l’équipe, notamment au travailleur-pair santé, il reprend le

sourire, il peut parler à quelqu’un sans qu’on le juge.

Ces locataires font partie des 86% de personnes qui étaient toujours dans leur logement au

bout de deux ans d’expérimentation et des 40% qui y vivaient de façon autonome.

En outre, la prise en charge médico-sociale et l’insertion par le logement ont eu d’autres effets

bénéfiques pour les locataires : certains accèdent à un emploi ou à une formation, au

bénévolat, à la culture et à la santé.

A ce stade de l’expérimentation du projet « un chez-soi d’abord » et au vu des résultats cités,

nous pouvons admettre que le principe un « logement d’abord » peut être une alternative pour

lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale des personnes sans-abri atteintes de troubles

psychiques, en favorisant l’insertion par le logement. Cependant, il faudra attendre les

résultats de l’expérimentation en 2016, afin d’avoir les résultats définitifs sur les deux groupes

de comparaison : « un chez-soi d’abord » et « offres habituelles ». Dans le chapitre suivant, je

vais exposer une solution à une des limites que j’ai soulevé précédemment.

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7. La phase de problématisation

En résumé, le dispositif « un chez-soi d’abord » permet l’accès au logement à des personnes

sans logis atteintes de troubles psychiatriques en mettant à leur disposition, immédiatement,

un logement malgré la pénurie de logement en France. Il répond également aux besoins

premiers de ce public (notamment manger, boire, respirer, dormir, se chauffer, se vêtir).

Ayant acquis le statut de locataire, elles peuvent satisfaire les autres besoins de la pyramide de

MASLOW et parvenir à un rétablissement de leur santé mentale.

De plus, grâce au suivi réalisé par l’équipe pluridisciplinaire, le maintien dans le logement

peut s’effectuer, notamment en accompagnant les usagers dans l’aménagement et

l’appropriation du nouveau logement.

Le maintien dans le logement consiste à :

o Activer l’ensemble des aides permettant l’accès et le maintien dans le logement,

tels que l’Allocation Personnalisée au Logement (APL) ou autre aide au logement,

mesures Fond Solidarité Logement (FSL urgence, maintien…), Locapass (…).

Dans le cadre du dispositif, ces démarches sont effectuées par le référent du

service social de secteur.

o Aider l’usager à s’approprier le logement à travers l’accompagnement social et

sanitaire réalisé par une équipe pluridisciplinaire médicosociale. Cette équipe aide

l’usager dans son installation, dans l’information et le conseil concernant

l’utilisation des espaces collectifs ou privatifs (les consommations d’eau ou

d’électricité, le tri sélectif, etc.), les relations de voisinage, l’apprentissage du statut

de locataire.

o A gérer son budget pour faire face à l’ensemble de ses dépenses dans de bonnes

conditions financières et d’éviter les situations d’impayés. Les actions de

prévention ou d’intervention sont réalisées par un Conseiller en Economie Sociale

et Familiale (CESF) de manière collective ou individuelle. Il s’agit également de

mettre en place un plan d’apurement, si nécessaire, quand il y a une dette locative.

o A élaborer son projet   personnel concernant le logement. Il s’agit de soutenir la

personne pour la conduire à déterminer, en fonction de ses ressources, de ses

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besoins, de son évolution au niveau de la santé et de sa situation professionnelle et

personnelle, le « parcours logement » qu’elle souhaite emprunter.

Toutefois, durant mes recherches, j’ai remarqué une limite au suivi réalisé par l’équipe

dédiée. En effet, le programme « un chez-soi d’abord », étant basé sur un accès au logement

direct sans condition de soins, les personnes sélectionnées ne sont pas nécessairement dans

une démarche de soins lors de leur entrée au sein du logement. Certaines n’ont peut-être pas

pris conscience de leur trouble, peut-être même qu’elles le nient.

De plus, cette limite observée est liée au principe du « laisser-faire » : quand une personne est

en décompensation, peut-elle prendre des décisions toute seule ? N’ayant pas toutes ses

facultés, la personne peut-elle adhérer à l’accompagnement ? Par ailleurs, si la personne ne

veut pas collaborer avec l’équipe dédiée, va-t-on imposer une visite au domicile ou une action

avec l’usager dans le but de répondre aux objectifs fixés ?

Face à ces interrogations, un problème se pose : Selon le principe du « logement d’abord »

et du « laisser-faire », les professionnels doivent travailler au rythme de la personne.

Cependant quand une personne est en pleine décompensation, quels moyens les

professionnels ont-ils pour travailler avec elle, sachant que la décompensation est la

rupture, souvent brutale, de l’équilibre d’un organe ou d’un organisme, causée par un

excès de tensions ?

Dans les faits, lorsqu’une personne est en pleine décompensation ou qu’elle ne prend pas son

traitement, l’équipe dédiée au programme « un chez-soi d’abord » doit appeler le médecin

psychiatre, le CMP et l’équipe soignante, afin d’emmener la personne vers les soins. L’équipe

médicosociale effectue un travail d’accompagnement avec la personne afin qu’elle contacte le

CMP. Toutefois, dans le cas où la personne a une obligation de soins et qu’elle refuse les

traitements; l’équipe a l’obligation d’appeler le médecin psychiatre qui fera un rapport. Si la

personne refuse toujours de prendre son traitement, la police intervient.

Malgré, les différents outils mis en place, lors de l’accompagnement (le plan de

rétablissement, le WRAP), pour favoriser le rétablissement, le programme « un chez-soi

d’abord » n’empêche, aucunement, les locataires d’arrêter l’accompagnement ou de quitter le

logement. Ce programme garantit une protection aux locataires : le logement n’est pas retirer

au locataire qui quitte son appartement ou qui souhaite arrêter le suivi social.

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« L’équipe a pour rôle de solliciter en permanence, sans trop insister et en tendant des

« perches » aux personnes, afin qu’elles reprennent l’accompagnement. C’est au le moyen de

mots glissés sous la porte, de courriers, de SMS, de mails et d’appels que l’équipe essaye de

mobiliser ces personnes », selon Aline CESF au sein de l’équipe « un chez-soi d’abord ».

Pourtant un document de consentement est signé, au préalable, entre la personne et l’équipe

de recherche lors de l’entretien pour faire partie de l’expérimentation. Ce document indique

seulement que la personne sera suivie par une équipe et sera orientée vers un travailleur d’un

service social de secteur mais, il ne contraint pas la personne à adhérer à l’accompagnement.

Qui plus est, il n’y a pas de contrat signé entre l’équipe dédiée et le locataire !

Afin de travailler avec des personnes en pleine décompensation, il serait sans doute utile de

créer un contrat social entre la personne et l’équipe dédiée du programme « un chez-soi

d’abord » ; ce qui, non seulement aiderait à mettre la personne en confiance, mais également,

la responsabiliserait face à certaines obligations, telles que rencontrer une fois par semaine

l’équipe, accepter les soins, tout en se fixant des objectifs personnels afin d’élaborer un projet.

En effet, dans le « travail social, le contrat constitue un accord entre trois parties : l’institution

d’action sociale, le travailleur social et l’usager. Le contrat apporte une direction et focalise

les activités de l’usager et du travailleur social sur des points précis préalablement définis.

Cette focalisation sur des objectifs à atteindre favorise la mobilisation, en commun, des

énergies et apporte un sentiment de sécurité et de confiance : on sait où l’on veut aller.

Ensuite, le contrat implique la reconnaissance du locataire comme responsable de sa vie,

comme adulte capable. Il réaffirme l’importance de la participation active de l’usager dans la

résolution de ses propres problèmes. Ainsi cela le situe en tant qu’acteur, en tant que sujet et

non en tant qu’objet d’aide. Il est ainsi intimement associé au projet qui concerne son avenir

et dont il reste le principal maître d’œuvre, le principal acteur. […] Enfin, le contrat apporte

une base d’évaluation des résultats et facilite la mesure de la progression vers les objectifs

définis ».28

Un contrat social négocié avec un usager permettrait, également, d’aider l’individu à se fixer

des limites afin d’avancer dans son projet de vie. Dans la cadre du programme expérimental

« un chez-soi d’abord » un tel contrat social négocié avec un usager permettrait, d’une part de

28 http://www.erudit.org/revue/ss/1994/v43/n3/706673ar.pdf - « Le contrat en travail social : fondements éthiques et opérationnalité » Cristina De Robertis Service social, vol. 43, n° 3, 1994, p. 139-152

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l’encadrer, sans lui imposer les interventions des travailleurs sociaux, et d’autre part, l’aiderait

à se fixer des limites afin d’avancer dans son projet de vie.

CONCLUSION

Dans ce mémoire de recherche, nous avons, d’abord, défini le public concerné (personnes

sans-abri atteintes de troubles psychiatriques) ainsi que les troubles psychiques, en relatant

quelques chiffres et en décrivant les difficultés auxquelles elles sont confrontées.

Dans un deuxième temps, nous avons examiné un dispositif basé sur le principe du

« logement d’abord » que les politiques sociales ont expérimenté : le programme « un chez-

soi d’abord ».

Dans un troisième temps, nous avons analysé l’accompagnement social des personnes sans-

abri atteintes de troubles psychiques dans le cadre du dispositif « un chez-soi d’abord » et le

rôle du CESF au sein de l’équipe pluridisciplinaire.

Ensuite, nous avons pu démontrer que le logement ordinaire et définitif peut être bénéfique

pour les personnes sans-abri souffrant de troubles psychiques à travers un accompagnement

social soutenu, à partir des résultats positifs du programme expérimental et des témoignages.

Et enfin, nous avons énoncé une limite au dispositif « un chez-soi d’abord » relevée lors de

mes recherches en lien avec l’accompagnement social de personnes souffrant de troubles

psychiques et proposer une réponse.

Comme les faits et les chiffres le confirment le dispositif « un chez-soi d’abord » basé sur le

principe « logement d’abord », a atteint les objectifs fixés par l’équipe de recherche, de santé

et du social, qui sont : favoriser l’accès direct à un logement aux personnes sans domicile

souffrant de troubles psychiatriques, à travers un accompagnement renforcé, aider les

locataires à se maintenir dans leur logement, favoriser le rétablissement des usagers et

évaluer les économies réalisées au niveau de la santé (hospitalisation, passages aux

urgences…).

Cependant compte tenu de la conjoncture du logement et de la spécificité des usagers

concernés, ce principe a du mal à être pleinement appliqué dans certaines situations, mais je

suis convaincue que les travailleurs sociaux intervenants et les politiques sociales y

remédieront, avant que l’expérimentation soit généralisée au niveau national.

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ANNEXES

Annexe 1 : Guide d’entretien à destination des professionnels

Dans le cadre d’un travail de recherche sur l’accompagnement vers l’accès au logement des

personnes sans-abri souffrant de troubles psychiatriques sévères du programme expérimental

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« un chez-soi d’abord », je souhaite recueillir des témoignages auprès des professionnels qui

accompagnent les sans-abri, à travers un guide d’entretien.

1. LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE  :

- Comment s’effectue l’accompagnement social des personnes sans-abri en tant

que travailleur social ?

→ Dans le cadre du programme « un chez-soi d’abord », l’équipe n’effectue pas

d’accompagnement social des personnes. Elles sont toutes dirigées vers le droit commun et

accompagnées par le service social de l’arrondissement (SSDP) ou par le service social du

CMP.

- Pouvez-vous me raconter comment se passe une journée « type » 

d’accompagnement ?

→ 9H30 – 10H30 : Mini réunion tous les matins pour faire le planning de la journée et

échanger des informations sur des locataires vus la veille ou à voir le jour même.

10H30 - 17H30 : Sur le terrain en rencontre à domicile (RAD) ou à l’extérieur

- Quels dispositifs ou outils utilisez-vous pour mener l’accompagnement avec la

personne ?

→ _ Plan de rétablissement : Elaboration d’un plan afin de construire un projet ou parcours

vers le mieux-être. Le locataire inscrit sur une feuille ses rêves, ses objectifs pour les atteindre

et les différentes étapes qu’il doit franchir pour y arriver. Pour ce faire l’équipe et la personne

fixent des objectifs à plus ou moins long terme, avec des dates butoir. Ce document est

conservé par la personne.

_ WRAP Wellness Recovery Action Plan : Cet outil favorise la récupération de sa santé

mentale, il permet d’« identifier ce qui rend bien ou bon les personnes et [d]’utiliser leurs

propres outils de mieux-être pour soulager les sentiments difficiles et maintenir le bien-être et

une meilleure qualité de vie29 », d’après Dr PhD Mary Ellen COPELAND.

Le WRAP est un modèle de récupération et de développement du bien-être grâce à la mise en

place du plan de crise personnalisé. Un plan d'action de récupération bien-être comprend six

sections :

29 http://www.mentalhealthrecovery.com/wrap/

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Boîte à outils bien-être

1. Plan de l'entretien quotidien : un outil qui favorise le « mieux-être » de la

personne afin de maintenir le « bien-être », avec 2 parties : une description de la

personne quand elle est bien à travers les outils de « mieux-être » à utiliser chaque

jour pour maintenir le « bien-être », et une liste des activités quotidiennes

habituelles.

2. Identification des déclencheurs et le plan d'action associé : avec une liste

d'événements déclencheurs qui font que la personne se sente mal, en mettant en

œuvre des outils de « mieux-être » qui peuvent être utilisés, pour les traiter.

3. Identification des signes d'alerte précoce et d'un plan d'action associé : avec

une liste des signes d'alerte précoces, signes internes qui font que la personne

commence à se sentir mal et la mise en place d’un plan d'action pour répondre à

ces signes et d'aider la personne à se sentir mieux.

4. Identification des signes où les choses « se brisent » et le plan d'action associé :

avec une liste des signes où les choses « se brisent « et les signes où la personne se

sent très mal, en mettant en place un plan d'action basé sur les outils de « mieux-

être » pour aider la personne à se sentir mieux et de prévenir une période difficile.

5. La planification de la crise : avec une liste de signes où la personnes sait qu'elle a

besoin d’être prise en charge concernant la responsabilité des soins et de la prise

de décision, et pour qu’une personne prenne la relève et la soutienne. Ce type de

planification favorise le maintien de la personne dans le contrôle de sa vie.

6. La planification post-crise : Cette partie du plan est pensée à l'avance d'une crise

ou après une crise.28

_ Orientation vers le droit commun   : Les locataires sont orientés très rapidement vers les

services sociaux du secteur, afin que les professionnels se chargent de l’ouverture de leurs

droits.

_ Multi-référence + transdisciplinarité + binôme : la multi-référence est un principe où

chaque professionnelle peut-être le référent de chaque locataire. Cependant ce principe oblige

les travailleurs médico-sociaux à réaliser une gymnastique professionnelle afin de travailler

avec chaque locataire (se rappeler de l’histoire, du parcours, et des besoins de chaque

individu).

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La transdisciplinarité est un « processus d’intégration et de dépassement des disciplines qui

a pour objectif la compréhension de la complexité » des personnes sans-abri atteintes de

troubles psychiatriques30.

_ Fiche de saisine des situations : Comptes rendus des RAD (rencontres au domicile). Ces

comptes rendu sont envoyés à toute l’équipe pour les informer de pce qui a été fait avec

chaque usager, puis les comptes rendus détaillés sont reportés sur un logiciel.

_ Tableau interne de suivi des situations pour chaque réunion d’équipe, il est actualisé à

l’issu de chaque rencontre et en fonction de l’évolution des situations.

_ Bilan annuel interne

2. LES DIFFICULTES RENCONTREES  :

- Quelles sont vos difficultés rencontrées lors de l’accompagnement social ?

→ Nos outils de travail ne sont pas suffisamment fonctionnels (nécessité d’un téléphone

portable + tablette ou mini-ordinateur avec accès à internet pendant les rencontres afin de

réaliser les comptes rendu de chaque rencontres plus rapidement).

- Comment y faites-vous face ?

→ Utilisation des téléphones portables personnels

3. CE QU’APPORTE LE DISPOSITIF «   UN CHEZ-SOI D’ABORD   »  :

- Qu’est-ce que le dispositif apporte aux usagers ?

→ Un logement, sans condition de traitement, d’abstinence ou de soins

- A vous ?

→ Une nouvelle méthode d’accompagnement auprès des personnes basée sur la philosophie

du rétablissement (« recovery »).

- Avez-vous remarqué des améliorations chez les usagers ?

→ Bien sûr ! Certains locataires prennent ou reprennent leur traitement régulièrement.

D’autres ont renoué avec leur famille. Ou d’autre encore ont trouvé un emploi.

- Est-ce que les personnes relogées restent dans le logement ?

30 https://androgena.wordpress.com/2012/01/13/multidisciplinarite-interdisciplinarite-transdisciplinarite-et-pluridisciplinarite/, article de PHILIPPE Jean, édité le 13 janvier 2012

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→ Depuis que le dispositif « un chez-soi d’abord » mis en place dans 4 villes de France, 86 %

des personnes restées dans leur logement, après 2 ans d’expérimentation.

4. LES PERSPERCIVES   :

- Quelles améliorations proposés vous ?

→ Des moyens fonctionnels pour les travailleurs sociaux (tablettes ou ordinateurs portables).

- Pensez-vous que le dispositif peut devenir une politique nationale ?

→ Une modélisation du programme est en cours, mais la mise en place d’une politique nationale n’est pas encore officiellement décidée.

Mélanie BATCHO, Etudiante en formation au DE CES

Annexe 2 : Guide d’entretien à destination du public

Dans le cadre d’un travail de recherche sur l’accompagnement vers l’accès au logement des

personnes sans-abri souffrant de troubles psychiatriques sévères du programme expérimental

« un chez-soi d’abord », je souhaite recueillir des témoignages auprès de public accueilli, à

travers un guide d’entretien.

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1. LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE   :

- Pouvez-vous me raconter comment se déroule le suivi social par l’équipe « un

chez-soi d’abord » ?

→ « Des membres de l’équipe, soit Maïa, Aline, Marie, Albane ou Gaël viennent à deux dans

mon appartement pour me soutenir dans mes démarches. Quelques fois on discute autour

d’un café, ils me demandent comment ça va ? comment se passe mes démarches avec

l’assistante sociale ? mon traitement ?  J’apprécie cet accompagnement social, car ils

viennent me rendre visite une fois parce semaine, mais quand je ne vais pas bien, j’appelle et

ils viennent le lendemain ou dans la journée.»

2. LES DIFFICULTES RENCONTREES  :

- Quelles sont vos difficultés rencontrées, lors de l’accompagnement ?

→ « Des fois, je n’ai pas envie de voir l’équipe ou je n’ai pas le moral, donc je ne réponds

aux appels. Le traitement que je prends est lourd, quelques fois je ne le prends pas et c’est là

que tout va mal, je ne me sens pas bien.  »

- Comment y faites-vous face ?

→ « Généralement, je reprends le plan de rétablissement et je relis mes objectifs à atteindre,

ce qui me permets de reprendre des forces « mentalement » et de me sentir un peu mieux. »

3. CE QU’APPORTE LE DISPOSITIF «   UN CHEZ-SOI D’ABORD   »   :

- Qu’est-ce que le dispositif vous apporte ?

→ « Un chez-soi d’abord m’apporte beaucoup : je reprends mon traitement, je suis plus

souriant. Je consomme moins d’alcool, ce n’est pas facile, mais j’essaye de tenir. En ce

moment je recherche un travail, j’ai passé des entretiens d’embauche, je suis content ».

- Avez-vous remarqué des améliorations dans votre vie ?

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→ « Oui, je suis plus heureux que dans la rue, mais mes potes de la rue me manquent, mais

ça passera. J’ai plus confiance en moi et je suis moins agressif ».

4. LES PERSPERCIVES  :

- Quelles améliorations souhaitez-vous apporté dans le dispositif pour les futurs

bénéficiaires ?

→ « Je ne sais : le programme « un chez-soi d’abord » s’occupe très bien de moi. Avoir un

logement directement sans passer par les soins et de centres sociaux, je ne pensais pas ça

possible, mais j’ai été sélectionné dans le dispositif, je suis content d’avoir fait cette

expérience ».

- Pensez-vous que le dispositif pourra être généralisé ?

→ « Oui, je le pense et je le souhaite, car il faut aider mes copains qui sont encore dans la rue. « Un chez-soi d’abord » est une solution pour les SDF ».

Mélanie BATCHO, Etudiante en formation au DE CESF

LEXIQUE

ACS : Aide pour une Complémentaire

Santé

AME : Aide Médicale d’Etat

ARS : Agence Régionale de la Santé

ASE : Aide Sociale à l’Enfance

ASLL : Accompagnement Social Lié au

Logement

AVDL : Accompagnement Vers et Dans le

Logement

BTS ESF : Brevet de Technicien

Supérieur en Economie Sociale Familiale

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CADA : Centre d’Accueil pour

Demandeurs d’Asile

CCAS : Centre Communal d’Action

Sociale

CASVP : Centre d’Action Sociale de la

Ville de Paris

CESF : Conseiller en Economie Sociale

Familiale

CHRS : Centre d’Hébergement et de

Réinsertion Sociale

CHS : Centre d’Hébergement de

Stabilisation

CHU : Centre d’Hébergement Social

CMP : Centre Médico-Psychologique

CMU : Couverture Maladie Universelle

CMU-C : Couverture Maladie Universelle

Complémentaire

CNAF : Caisse Nationale des Allocations

Familiales

DALO : Droit Au Logement Opposable

DIHAL : Délégation Interministérielle à

l’Hébergement et à l’Accès au Logement

ETHOS : Typologie Européenne de

l’Exclusion liée au Logement

EMPP : Equipe Mobile Psychiatrie

Précarité

FEANTSA : Fédération Européenne

d’Associations Nationales Travaillant avec

les Sans-abris

FNARS : Fédération Nationale des

Associations d’accueil et de réinsertion

sociale

INSEE : Institut Nationale de la Statistique

et de l’Etude Economique

INSERM : Institut National de la Santé et

de la Recherche

ONED : Observatoire National de

l’Enfance en Danger

PASS : Permanences d’Accès aux Soins de

Santé

RAD : Rencontres A Domicile

RADI : Rencontre A Domicile

Impromptue

SDF : Sans Domicile Fixe

SIAO : Service d’Intégration d’Accueil et

d’Orientation

SMES : Service d’appui santé mentale et

exclusion sociale

SSDP : Service Sociale De Polyvalence

SITOGRAPHIE 

https://androgena.wordpress.com/2012/01/13/multidisciplinarite-interdisciplinarite-

transdisciplinarite-et-pluridisciplinarite/ (article sur la transdisciplinarité, la

multidisciplinarité, l’interdisciplinarité et la pluridisciplinarité)

http:// www.armeedusalut.fr (lutte contre l’exclusion, hébergement et réinsertion)

http:// www.cairn.fr

http://ec.europa.eu/social/main.jsp

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http:// www.feantsa.org (Typologie ETHOS)

http:// www.insee.fr

http:// www.ladocumentationfrancaise.fr

http://www.lien-social.com

http:// www.paris.fr

http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/travailleur_social.pdf

http:// www.soreqa.fr

http:// www.vie-publique.fr (politiques publiques, hébergement d’urgence)

http:// www.union-habitat.org (Les cahiers : Patrimoine : Développer les réponses aux besoins

d’accueil d’urgence et temporaire : les produits, le rôle des organismes)

http:// www.uniopss.asso.fr (préoccupations prioritaires)

BIBLIOGRAPHIERapport annuel sur l’Etat du Mal-Logement en France de la fondation Abbé Pierre 2013

Rapport annuel sur l’Etat du Mal-Logement en France de la fondation Abbé Pierre 2014

Diaporama Equipe Mobile Aurore –DIHAL  –mars  2014   M.Auffret

Libération – Les pouvoirs publics tenus d’héberger les SDF dit le Conseil d’Etat publié le 13

février 2012

L’ouvrage Le sociographe – Nouvelle gestion sociale des SDF, comparaisons internationales

de politiques pour les sans abri n° 48 – décembre 2014 – Ed. Champ social

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