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En mars 1945, le Comité permanent de la Survivance française en Amérique publie un petit livret intitulé Radio-Ouest-Française. L’auteur est l’abbé Paul-Émile Gosselin. Et comme l’indique l’abbé Gosselin dans le premier paragraphe de l’introduction, il s’agit d’une invitation à la solidarité. « Cette brochure est un appel en faveur des cent cinquante mille Canadiens français de l’Ouest… Les possibilités de construction… de stations radiophoniques françaises dans les Praires ont été étudiées…Techniciens et hommes d’affaires croient le projet réalisable. Nos compatriotes de l’Ouest ont souscrit la moitié du montant requis… Ils demandent à Québec le même montant. Le geste de solidarité française qu’ils nous pressent de poser n’a rien de particulièrement onéreux… » Portrait vivant - L’abbé Gosselin brosse un tableau des plus intéressant de la communauté franco-albertaine de l’époque. « Parler de l’Alberta, c’est évoquer les noms de La Vérendrye, le découvreur des Rocheuses… Là comme ailleurs, les nôtres ont été à l’avant-garde de la civilisation. Ils y sont représentés aujourd’hui par une population française de 45 898 sur un total de 769 169 habitants que comptait cette province au recensement de 1931. En dix ans, leur groupe a augmenté de 4795 âmes... En Alberta, on retrouve à l’œuvre les forces françaises… 71 curés ou desservants de notre nationalité… quatre communautés (religieuses) d’hommes et sept de femmes… Les missionnaires oblats… comptent 137 religieux… la population française est assez groupée et fortement attachée à la terre. Elle se répartit entre trois régions : Edmonton et les alentours, Saint-Paul, Bonnyville, La Rivière-la-Paix. Cette dernière colonie est d’origine assez récente, mais elle connaît un développement rapide… Nos compatriotes franco-albertains ont leur collège classique… le juniorat des Oblats qui s’est agrandi, il y a trois ans pour recueillir la succession du collège d’Edmonton (le collège Jésuite) obligé de fermer ses portes… L’Association canadienne-française de l’Alberta… a pour but « de préserver notre langue et nos traditions, de propager notre culture française et de faire progresser notre groupe dans tous les domaines». On lui doit… la fondation du journal La Survivance, l’établissement de l’Association des Commissaires d’écoles et de la Société d’Enseignement postscolaire, la nomination d’inspecteurs d’écoles bilingues, d’institutrices, de professeurs et d’agronomes français et… les Concours de français. … La persécution contre l’école catholique et française a commencé en 1890… Ottawa n’a reconnu aux nôtres en 1905 qu’un minimum de droits scolaires : droit d’élire les commissaires, de consacrer une demi-heure par jour à l’enseignement de la religion. L’enseignement se fait en français dans les deux premières années du cours primaire. La loi ne permet ensuite qu’une heure de français par jour. La jeunesse franco- albertaine a maintenant à sa disposition 15 écoles d’enseignement supérieur, 85 d’enseignement primaire et intermédiaire. Environ 175 institutrices et instituteurs enseignent dans ces écoles… l’ACFA a constitué un comité de l’enseignement (AEBA)... son œuvre principale... c’est le concours de français. ... Près de quatre mille enfants se présentent chaque année au concours de français. … À Calgary revient l’honneur de posséder la plus ancienne caisse populaire de l’Ouest… » (Radio-Ouest-Française, 1945, pp 21-27) par France Levasseur-Ouimet Ph.D. La communauté franco-albertaine en 1945 Volume 2, numéro 1 - JANVIER 2010

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• Le vendredi 8 janvier 2010 • LE FRANCO 79

En mars 1945, le Comité permanent de la Survivance française en Amérique publie un petit livret intitulé Radio-Ouest-Française. L’auteur est l’abbé Paul-Émile Gosselin. Et comme l’indique l’abbé Gosselin dans le premier paragraphe de l’introduction, il s’agit d’une invitation à la solidarité. « Cette brochure est un appel en faveur des cent cinquante mille Canadiens français de l’Ouest… Les possibilités de construction…de stations radiophoniques françaises dans les Praires ont été étudiées…Techniciens et hommes d’affaires croient le projet réalisable. Nos compatriotes de l’Ouest ont souscrit la moitié du montant requis… Ils demandent à Québec le même montant. Le geste de solidarité française qu’ils nous pressent de poser n’a rien de particulièrement onéreux… »

Portrait vivant - L’abbé Gosselin brosse un tableau des plus intéressant de la communauté franco-albertaine de l’époque. « Parler de l’Alberta, c’est évoquer les noms de La Vérendrye, le découvreur des Rocheuses… Là comme ailleurs, les nôtres ont été à l’avant-garde de la civilisation. Ils y sont représentés aujourd’hui par une population française de 45 898 sur un total de 769 169 habitants que comptait cette province au recensement de 1931. En dix ans, leur groupe a augmenté de 4795 âmes... En Alberta, on retrouve à l’œuvre les forces françaises… 71 curés ou desservants de notre nationalité… quatre communautés (religieuses) d’hommes et sept de femmes… Les missionnaires oblats… comptent 137

religieux… la population française est assez groupée et fortement attachée à la terre. Elle se répartit entre trois régions : Edmonton et les alentours, Saint-Paul, Bonnyville, La Rivière-la-Paix. Cette dernière colonie est d’origine assez récente, mais elle connaît un développement rapide… Nos compatriotes franco-albertains ont leur collège classique… le juniorat des Oblats qui s’est agrandi, il y a trois ans pour recueillir la succession du collège d’Edmonton (le collège Jésuite) obligé de fermer ses portes…

L’Association canadienne-française de l’Alberta… a pour but « de préserver notre langue et nos traditions, de propager notre culture française et de faire progresser notre groupe dans tous les domaines». On lui doit… la fondation du journal La Survivance, l’établissement de l’Association des Commissaires d’écoles et de la Société d’Enseignement postscolaire, la nomination d’inspecteurs d’écoles bilingues, d’institutrices, de professeurs et d’agronomes français et… les Concours de français. … La persécution contre l’école catholique

et française a commencé en 1890… Ottawa n’a reconnu aux nôtres en 1905 qu’un minimum de droits scolaires : droit d’élire les commissaires, de consacrer une demi-heure par jour à l’enseignement de la religion. L’enseignement se fait en français dans les deux premières années du cours primaire. La loi ne permet ensuite qu’une heure de français par jour. La jeunesse franco-albertaine a maintenant à sa disposition 15 écoles d’enseignement supérieur, 85 d’enseignement primaire et intermédiaire. Environ 175 institutrices et instituteurs enseignent dans ces écoles… l’ACFA a constitué un comité de l’enseignement (AEBA)... son œuvre principale... c’est le concours de français. ... Près de quatre mille enfants se présentent chaque année au concours de français. … À Calgary revient l’honneur de posséder la plus ancienne caisse populaire de l’Ouest… »

(Radio-Ouest-Française, 1945, pp 21-27)

par France Levasseur-Ouimet Ph.D.

La communauté franco-albertaine en 1945Volume 2, numéro 1 - JANVIER 2010

LE FRANCO • Le vendredi 8 janvier 2010 • 810

Janvier 2010, page 2

Par Daniel Robichaud, M.A.

Cette femme est une personnalité reconnue en tant qu’héroïne franco-albertaine, mais elle jouit d’une renommée au-delà des frontières de l’Alberta. Elle n’appartient pas qu’à l’Alberta uniquement, mais à tous les Francophones du nord de l’Amérique. Marie-Anne Gaboury est en fait une héroïne qui a engendré d’autres pionniers et grands personnages qui marqueront à leur tour le Canada. Elle est une pionnière dans plusieurs sens.

Marie-Anne Gaboury est née à Maskinongé, au Québec, le 2 août 1780. À l’âge de 25 ans, elle épouse Jean-Baptiste Lagimodière. Peu après leur mariage, les deux époux partent afin de voyager vers une nouvelle contrée : l’ouest du continent. Durant plusieurs mois, accompagnés des pionniers Joseph Paquin, Michel Genthon et Charles Bellegarde, ils voyagent en canot vers la rivière Rouge, et par la suite vers Pembina.

Étant déjà la première femme blanche à se rendre si loin à l’intérieur du continent, Marie-Anne Gaboury établit une nouvelle marque en donnant naissance à Reine, le premier enfant de descendance européenne né dans l’ouest du Canada. La famille est aussi la première famille blanche à s’établir dans ce secteur.

Leur arrivée en Alberta date de 1807. Durant quatre ans, Marie-Anne Gaboury demeure à Fort des Prairies, près de la rivière Saskatchewan. La vie de pionniers n’était pas de tout repos, Marie-Anne Gaboury a

donc dû se faire forte pour résister aux hivers rigoureux, aux constants déplacements et à l’absence totale de commodités. Cette vie était, à cette époque, réservée aux hommes; il y avait peu de femmes, ces dernières étant des Amérindiennes, les femmes des aventuriers de l’Ouest.

La vie de pionniers avait ses difficultés, mais de grandes aventures aussi. Marie-Anne Gaboury n’y fait pas exception et vit de nombreuses aventures. Des récits nous racontent sa chevauchée à travers les bisons des prairies. Cette épopée s’est terminée avec la naissance d’un fils, Jean-Baptiste, surnommé Laprairie, dû à l’endroit où il est né. Ce dernier a été enlevé à deux reprises par des Amérindiens, fascinés par la blancheur de sa peau, par ses yeux bleus et par ses cheveux blonds. Durant un autre épisode, la famille a réussi à s’évader des Amérindiens Sarcis après avoir marché durant cinq jours. Désirant une vie stable, après toutes ces années de vie de nomades, de conflits, de découvertes et de danger, le mari de Marie-Anne Gaboury cherche à s’établir de façon définitive. C’est alors qu’il entend parler d’une colonie au Manitoba.

En 1811, la famille se dirige donc vers Saint-Boniface où ils pratiqueront l’agriculture et deviendront rapidement une des familles les plus prospères et les plus influentes de la colonie. En 1822, Marie-Anne Gaboury grave son nom dans les livres d’histoire en donnant naissance à Julie Lagimodière, qui sera plus tard la mère de Louis Riel. C’est ce

dernier qui sera à la tête des révoltes Métis, et selon certains historiens, le créateur de la province du Manitoba.

Finalement, c’est à l’âge vénérable de 95 ans, le 14 décembre 1875, à Saint-Boniface, que s’éteint cette grande dame, la première femme blanche à avoir vu les montagnes Rocheuses. Elle a donné naissance à cinq enfants; deux garçons et trois filles. La famille Lagimodière est de nos jours une grande famille dont les descendants peuplent l’Ouest et l’Est canadien, les États-Unis et l’Europe.

Avec le temps, Marie-Anne Gaboury est devenue le symbole de toutes les femmes ayant fait preuve de courage, d’endurance et de détermination pour s’aventurer vers de vastes contrées inconnues, vers l’Ouest. Encore aujourd’hui, on célèbre cette grande dame, la première à avoir séjourné sur le territoire qui forme aujourd’hui l’Alberta. La rue Marie-Anne-Gaboury, au coeur de la vie francophone d’Edmonton, ainsi que le Centre culturel Marie-Anne-Gaboury, nous rappellent l’existence d’une femme d’exception. Tous les Albertains, qu’ils soient nés ici ou non, peuvent s’identifier à cette femme qui a quitté sa terre natale dans l’espoir d’une vie meilleure.

SÉRIE DE 10 BIOGRAPHIES

MARIE-ANNE GABOURY

Comment les voyageurs qui sont venus dans l’Ouest dans les années 1800 faisaient-ils pour compter

la distance qu’ils parcouraient?

Par courriel : [email protected]

Par la poste :ACFA - A/s Concours - Avant que j’oublie8627, rue Marie-Anne-Gaboury (91e Rue) Bureau 303Edmonton (AB) T6C 3N1

Faites-nous parvenir votre réponse, par la poste ou par courriel, avant le 28 février 2010 et courez la chance de gagner un exemplaire du CD L’empreinte francophone racontée!

RÉPONSE DU MOIS DE NOVEMBRE 2009

C’est le père Paul Émile Breton qui était le rédacteur de la Survivance et qui a milité aux côtés du président de l’ACFA pour obtenir la radio française.

Bravo à la gagnante : MME CARMEN MAISONNEUVE d’Edmonton!

Nouveau! Dès ce mois-ci, et ce, pour toute l’année, les gagnants du concours recevront un exemplaire du CD L’empreinte francophone racontée. Afin de le souligner, la question de ce mois-ci porte exceptionnellement sur le sujet de la piste 02 du CD : les voyageurs de l’Ouest. Pour trouver la réponse, rendez-vous sur le site web de l’ACFA et cliquez sur l’onglet du CD L’empreinte francophone racontée, ou procurez-vous le!

Source : www.cmag.org

• Le vendredi 8 janvier 2010 • LE FRANCO

Janvier 2010, page 3

Il y a une tradition du temps des fêtes bien de chez nous qui me vient à l’esprit en lisant l’article de la famille Berlinguette, du village de Saint-Paul. Cette tradition est peu connue par les gens qui n’ont pas vécu en milieu rural.

Que je passe les fêtes avec ma famille en Saskatchewan ou avec ma belle-famille, on ne peut s’empêcher de se rappeler qui est un tel ou pour savoir qui a marié qui. Vous voyez, chaque village rural publie une histoire des familles du village; et ce sont la plupart du temps des bénévoles qui l’écrivent. Parfois, on peut même y retrouver des articles sur les modes de vie, que ce soit les pratiques agricoles, domestiques, de commerce ou autres. Ces livres sont souvent publiés lors des centenaires ou lors des jubilés de villages. Ces véritables mines d’or d’historique local sont disponibles aux Sociétés généalogiques et historiques du Nord Ouest (Edmonton) ou de Smoky River (Donnelly), entre autres, ou dans diverses bibliothèques publiques en Alberta.

Nous avons vu passer les centenaires de Plamondon et de Saint-Paul, il y en a d’autres qui s’en viennent. Les belles histoires comme celle de la famille Berlinguette doivent non seulement être écrites pour ne pas se perdre, elles doivent aussi être « revisitées » constamment. (C’est comme cela que mes enfants et moi sommes maintenant inscrits dans les livres de Jean-Côté et de Falher). Et elles sont si bien racontées dans cette langue qu’est la nôtre qu’il ne faut pas s’en passer.

Donc si vous êtes historiens amateurs ou professionnels, pourquoi ne pas vous impliquer au sein des comités du centenaire pour la publication de vos histoires familiales? Et si vous êtes chercheurs, ces centaines de livres sont des ressources inestimables d’information sur les vrais gens, dans leurs mots.

par Denis Perreaux, directeur général de l’ACFA

Les nombreux Berlinguette de Saint-Paul sont fiers de vous présenter leur ancêtre : James Félix Berlinguette.

James Félix, mieux connu comme JF, est né le 25 juin 1888 à Quyon, Québec. Il est le fils de Zotique et d’Eliza (Durocher). Ce couple, avec les plus jeunes de leur famille, s’est aventuré dans l’Ouest canadien en 1902, trois ans avant que l’Alberta ne devienne une province. La famille a fait un court séjour à Wetaskiwin avant de s’établir l’année suivante à Warwick, près de Vegreville.

C’est en 1905 que le jeune JF a laissé le foyer paternel afin de postuler pour un « homestead » près de Brosseau. Quatre ans plus tard, il a obtenu un certificat qui lui permettait d’acheter une demi-section de terre « soldier’s scrip » d’un ex-soldat de l’Ontario qui n’était pas intéressé à venir s’établir dans l’Ouest. Et voilà que le 10 avril 1909, JF fait partie de la queue historique pour être parmi les premiers au « Land Titles Office » à Edmonton afin d’obtenir du terrain à Saint-Paul-des-Métis.

Son terrain se trouvait au sud d’Owlseye (la partie ouest de la section 28, township 58, range 10, ouest du 4e Meridien). Divisant sa demi-section en quarts, son frère Calixte et sa famille sont venus s’y établir aussi.

Le 1er septembre 1914, à Saint-Paul, James Félix a marié Ruth Anna Hurtubise. Née le 21 mai 1897, elle était fille d’Alphonse Hurtubise et d’Aurélie (Tanguay), autrefois d’Otter Lake, Québec. La famille Hurtubise avait aussi pris un homestead à quelque mille à l’est des Berlinguette.

Comme bien d’autres pionniers, la première demeure de ce jeune couple était une cabane en bois équarris. En 1929, il y a un grand

déménagement dans une maison à deux étages… nécessaire pour accommoder la famille toujours grandissante. En tout, la famille comptait 11 enfants : Edna, Joseph, Victor, Paul, Omer, Therese, Jean, Cécile, Laurier, Jacques et Marguerite. Tous sont allés à la petite école Belzil, adjacente à leur propriété.

Au fil des années, les Berlinguette font leur vie avec les vaches, les cochons, les chevaux… Pour nourrir et héberger toutes ces bêtes, ils ont aussi acheté d’autres terrains, en tout neuf quarts de section.

Pendant la Grande Crise dans les années 30, ils construisent une énorme étable divisée en cinq sections afin d’accommoder une laiterie et une porcherie. Cet imposant édifice est devenu un point de repère dans la région.

Selon un article dans le St-Paul Journal en 1937, avec la traite de 50 vaches, cette entreprise vendait la plus grande quantité de crème de toute la région nord de l’Alberta. Malheureusement, l’étable fut détruite par un court circuit en 1971.

Nous signalons aussi que dans les années 40, James Félix et Ruth ont tenté de faire fortune en investissant dans l’hôtel de McLennan ainsi que celui de Vilna.

Après la mort de James Félix (65 ans) en 1954 et de Ruth Anna 30 ans plus tard, c’est leur fils Omer, sa femme Alma (Leclair) et leurs 4 enfants (Doris, Norman, Mona et Pearl) qui ont pris la responsabilité de la ferme.

Aujourd’hui, c’est au tour de la génération suivante à gérer la ferme. Norman Berlinguette habite la maison qu’a bâtie son grand-père en 1929 et continue à cultiver ce même homestead d’il y a 100 ans.

Tout récemment, la famille Berlinguette a reçu le Alberta Century Farm and Ranch Award du gouvernement provincial… tout un honneur!

Texte par Mona (Berlinguette) Yakimec et Sylvia (Tremblay) Traub,

petites-filles de James Felix Berlinguette

La famille Berlinguette fête son centenaire avecla ville de Saint-Paul, AB (2009)

Ray Danyluk, de l’Assemblée législative, remet le « Alberta Century Farm and Ranch Award » à Omer Berlinguette en 2009.

Saviez-vous qu’en 1910...

« Edmonton est la ville canadienne

qui a prospéré le plus rapidement au

cours des trois dernières années.

En 1910, on y compte déjà 2368

appareils téléphoniques. » Source : D’année en année : de 1659 à 2000 : une

présentation synchronique des événements historiques franco-albertains / France Levasseur-Ouimet Ph.D, page 136

LE FRANCO • Le vendredi 8 janvier 2010 • 1012

par Laurier Joly, Saint-Paul. (petit-fils de Phydime et de Corrine)

Ils sont partis un matin de printemps de 1908. Phydime Joly et Corrine Joly, née Thérien, avaient alors 14 enfants. Deux autres enfants naitront en Alberta.

« Viens t’établir dans l’Ouest, Phydime, » lui avait conseillé son beau-frère le Père Adéodat Thérien o.m.i., alors missionnaire à Saint-Paul-des-Métis. « Il y a plein de homesteads disponibles pour quelques dollars. Tu pourras établir tes garçons sur des terres saines et fertiles. » Phydime hésitait!

Cependant, les enfants grandissaient et vieillissaient. Ils voulaient eux aussi se marier et s’établir sur des terres. De son côté, Phydime, coincé sur ses petits carreaux de terre peu fertile, se décourageait tant soit peu face aux défis que présentait le dur labeur de pourvoir à sa grosse famille. Après plusieurs mois de réflexions et d’angoisse, Phydime et Corrine vendirent leur petite terre et partirent, les quatorze à la queue leu leu, avec quelques brins de meubles et de vêtements.

Ce trajet ne fut pas sans événements. À Winnipeg, le train s’arrête, question de faire le plein de charbon, d’eau, etc. Tout juste avant de repartir, on s’aperçoit qu’un des enfants n’y est pas!! Panique!! On doit convaincre le conducteur d’attendre quelques minutes. Les plus vieux de la famille partent à la course à travers les petites rues de Winnipeg aux environs de la gare à la recherche du petit. Quelque quinze minutes plus tard, au grand soulagement des parents, les voilà tous revenus à la course avec le petit accroché aux épaules du plus vieux.

Ils arrivèrent finalement à Végreville, quelque deux semaines de trajet après avoir quitté Montréal. Cependant, ils ne purent pas traverser la rivière à Brosseau, la glace n’étant pas assez dégagée pour permettre

au traversier de faire la navette. Ils durent donc passer de trois à quatre semaines au presbytère à Végreville. Pour Corrine, on ne peut qu’imaginer un séjour difficile. Elle doit voir aux détails quotidiens et assurer le bien-être de son mari et de leurs 14 enfants dans un milieu étranger, loin de chez elle.

Un jour, Corrine dut aller au magasin général de Végreville faire quelques courses. Évidemment, elle ne connaissait que quelques mots d’anglais, arrivant tout juste de Saint-Canut, village au nord de Montréal. Elle voulait acheter de la viande (du bifteck), pour le repas du soir. Elle avait du mal à se faire comprendre par le marchand, qui lui, ne comprenait pas un mot de français. Elle a dû lever sa longue robe quelque peu au haut du genou et indiquer avec sa main qu’elle voulait des tranches de viande prises du quartier arrière du bœuf.

De retour au presbytère, vexée et humiliée, elle raconte l’événement à Phydime. Lui ne peut s’empêcher de rire. Corrine cependant, ne trouve pas l’incident comique. Plus Phydime rit, plus la colère de Corrine augmente.

« Écoute là, toé », lui dit-elle, les dents serrées, « tu trouves ça drôle! Eh bien, ça va être ton tour dans quelques jours! C’est toé qui vas aller au magasin général la prochaine fois qu’on va avoir besoin de saucisses! »

Entre-temps, le souffle printanier s’élève et la rivière Saskatchewan se dégage assez pour permettre sa traversée et à la famille de

compléter son dernier bout de chemin en « wagon » jusqu’à Saint-Paul. Là, le Père Thérien les attend et les aide à recommencer leur vie dans un monde nouveau.

La famille de Phydime et Corrine s’établit sur une terre à un mille au nord de la ville de Saint-Paul.

Aujourd’hui, cette famille de seize enfants arrivée en 1908 compte plus de 1000 descendants, répandus à travers le pays et au-delà.

LA TRAVERSÉE VERS L’OUEST : PAS UN VOYAGE DE NOCES!

Janvier 2010, page 4

M. et Mme Joly 1941

La famille Joly, rangée arrière : Antonio, Antoinette, Berthe, Victor, Zenon, Vianney et Leo-Paul. Rangée asise : Charles-Omer, Théodoric, Cyprienne, Phydime, Corrine, Marie-Joseph, Laudas et Amélia. Absents sur la photo : Blandine, Raoul et Irène.