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Avis Avis sur l’avant-projet de Code pénal – Livre premier Hoge Raad voor de Justitie | Conseil supérieur de la Justice Juin 2017

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Avis sur l’avant-projet de Code pénal – Livre premier

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Avis

Avis sur l’avant-projet de Code pénal – Livre premier

Approuvé par l’Assemblée générale du Conseil supérieur de la Justice

le 21 juin 2017

Il existe aussi une version néerlandaise du présent avis. Er bestaat ook een Nederlandse versie van dit advies. Vous pouvez consulter ou télécharger cet avis sur le site Internet du Conseil supérieur de la Justice ou au moyen du code QR suivant :

Conseil supérieur de la Justice Rue de la Croix de Fer, 67 B-1000 Bruxelles Tel: +32 (0)2 535 16 16 www.csj.be

Contenu

INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 1

I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ................................................................................................................. 2

1. Nécessité de moderniser le droit pénal .................................................................................................... 2

2. Veiller à la cohérence du droit pénal ........................................................................................................ 2

3. Plaidoyer en faveur d’un langage clair et accessible................................................................................. 3

4. Nécessité d’une période transitoire de longue durée et de règles transitoires précises ......................... 3

II. OBSERVATIONS THÉMATIQUES ............................................................................................................... 4

1. Interprétation de la loi (article 5 de l’avant-projet – article 4 du projet) ................................................. 4

2. La tentative punissable (article 10 de l’avant-projet – article 10 de l’avant-projet adapté) .................... 4

3. La responsabilité des personnes morales (article 17 de l’avant-projet – article 19 de l’avant-projet adapté) ...................................................................................................................................................... 4

4. Le trouble mental en tant que cause de non-imputabilité (article 24 de l’avant-projet – article 26 de l’avant-projet adapté) ............................................................................................................................... 6

5. L’avis d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels (article 30 de l’avant-projet – article 32 de l’avant-projet adapté). ................................................................................ 8

6. La peine d’emprisonnement (articles 42 e.s. de l’avant-projet – articles 44 e.s. de l’avant-projet adapté) ...................................................................................................................................................... 8

7. La condamnation par déclaration de culpabilité (article 48 de l’avant-projet– article 50 de l’avant-projet adapté) ........................................................................................................................................... 9

8. Les peines pécuniaires / patrimoniales (Chapitre 4 - section 8) ............................................................. 10

9. L’amende (article 49 de l’avant-projet – article 51 de l’avant-projet adapté) ........................................ 10

10. La peine pécuniaire fixée en fonction du profit escompté ou obtenu de l’infraction (article 51 de l’avant-projet – article 53 de l’avant-projet adapté) ............................................................................... 11

11. La dissolution de la personne morale (article 40 de l’avant-projet – article 69 de l’avant-projet adapté) ................................................................................................................................................... 11

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Introduction

La note de politique générale du ministre de la Justice Koen Geens du 10 novembre 2015 prévoit quelques réformes de grande ampleur et ambitieuses, parmi lesquelles le remplacement de notre Code pénal et de notre Code d’instruction criminelle qui datent du dix-neuvième siècle. À cette fin, le ministre a créé les Commissions de réforme du droit pénal et de la procédure pénale1. La Commission de réforme du droit pénal avait d’abord pour mission d’établir une note d’orientation reprenant les grands principes de la réforme, et d’établir sur cette base une proposition de réforme du Code pénal – Livre premier. Les travaux de cette Commission ont débouché sur une proposition d’avant-projet de Livre premier du Code pénal2. Le 20 janvier 2017, le conseil des ministres a approuvé l’avant-projet de Code pénal – Livre premier, et il l’a soumis pour avis au Conseil d’État. L’avant-projet se base sur la proposition de la Commission, mais s’en écarte sur certains points. Le Conseil d’État a rendu son avis sur l’avant-projet le 27 mars 2017. Une version adaptée a été communiquée au Conseil supérieur de la Justice (ci-après « le CSJ »). Le présent avis concerne le texte qui a été approuvé par le conseil des ministres (ci-après « l’avant-projet ») et tient compte le cas échéant de la version adaptée après l’avis du Conseil d’Etat (ci-après « l’avant-projet adapté ») telle qu’elle fut communiquée au CSJ à la suite de l’avis du Conseil d’État.

1 A.M. du 30 octobre 2015 portant création des Commissions de réforme du droit pénal et de la procédure pénale, M.B., 29 décembre 2015. 2 Commission de réforme du droit pénal, Voorstel van voorontwerp van Boek I van het Strafwetboek, Die Keure, 2017, 187 p.

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I. Considérations générales

1. Nécessité de moderniser le droit pénal

Le CSJ approuve l’idée de moderniser le droit pénal, et en particulier le Livre premier du Code pénal. Il va de soi que le CSJ adhère aux maîtres-mots qui constituent le fil rouge de la réforme envisagée, à savoir « précision + cohérence + simplicité »3. Il n’empêche que des critiques peuvent être émises à propos de certaines parties de celle-ci. Le CSJ a choisi de ne pas commenter en détail chaque article de l’avant-projet de loi ou de l’avant-projet adapté. Il s’est limité aux sujets qui soulèvent le plus de questions dans le chef du citoyen ou ont un impact important sur le fonctionnement de la Justice et son accès. 2. Veiller à la cohérence du droit pénal

Le CSJ observe qu’il est difficile, à l’heure actuelle, d’évaluer l’impact concret et effectif des éléments existants du projet de loi, étant donné que la portée exacte d’autres réformes projetées n’est pas connue. Les effets concrets d’autres initiatives législatives entamées, comme la réforme du Livre II du Code pénal (dont la modification devrait aller de pair avec celle du Livre Ier), le projet de loi annoncé en matière d’exécution des peines et les projets concernant un nouveau Code de procédure pénale, peuvent faire une énorme différence. L’approche doit être globale et cohérente. C’est la raison pour laquelle le CSJ propose que le projet de Livre premier ne soit déposé qu’après la finalisation des travaux relatifs au Livre II du Code pénal. Par exemple, la classification des infractions (Livre II) au sein de l’un des huit niveaux prévus par le Livre I est essentielle pour pouvoir apprécier les modifications qu’entraîneront ce dernier. Il conviendra également de prendre en considération les autres dispositions, incriminations et sanctions pénales figurant dans des textes de lois particuliers (tels que le Code pénal social ou le Code de droit économique, par exemple). En outre, toute réforme dépend de la manière dont elle sera transposée dans la pratique. En cas d’insuffisance des moyens pouvant être affectés à l’exécution effective des peines proposées, une loi demeure lettre morte. Le nouvel arsenal de sanctions aura nécessairement pour effet de transférer aux Maisons de Justice (Communautés) des compétences supplémentaires. Quels seront les moyens mis à leurs dispositions ? Il n’y a pas plus mauvais signal pour le justiciable que de prononcer des peines que l’on n’exécute pas. Il en va de même des missions qu’exercent les Maisons de justice, préalablement à toute condamnation. Par exemple, si les « services compétents » pour rendre un « rapport d’information en vue de fournir les informations pertinentes de nature à éclairer le juge sur l’opportunité des peines ou mesures envisagées »4 devaient être confrontés à des délais d’attente sans cesse plus importants, le juge ne pourrait faire appel à eux en pratique. Si les « services spécialisés dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels »5 ne disposaient pas des moyens suffisants pour entamer et mener à bonne fin des trajets de guidance à court terme, ou en cas d’insuffisance des investissements consentis pour les assistants de justice destinés à assurer le suivi effectif des peines infligées, le nouveau Livre premier du Code pénal ne serait qu’une énumération de principes théoriques et la société ne bénéficierait pas du niveau de sécurité auquel elle a droit. Les conséquences d’un manque de moyens pourraient dans ce cadre aboutir à une justice pénale inexistante ou à tout le moins inefficace, au détriment de la société dans son ensemble.

3 Exposé des motifs, p. 3 4 Article 31 de l’avant-projet adapté. 5 Article 32 de l’avant-projet adapté.

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3. Plaidoyer en faveur d’un langage clair et accessible

L’un des projets figurant dans le Plan Crocus du CSJ (le plan pluriannuel 2016-2020) a trait au surcroît d’attention à accorder à la clarté et à l’accessibilité du langage utilisé. C’est la raison pour laquelle le CSJ souhaite attirer l’attention du gouvernement et du Parlement sur la nécessité de prendre garde à la formulation du texte légal, y compris au moment du travail législatif. En effet, le texte de loi sera abondamment repris par les générations suivantes dans des documents écrits, des pièces de procédure et des plaidoiries. Le citoyen est par ailleurs le premier concerné et il est essentiel qu’il puisse, à la lecture, prendre la pleine mesure des textes de lois applicables. Ainsi, le texte fait régulièrement usage de constructions de phrases qui pourraient être simplifiées6. Le CSJ suggère que des experts en linguistique soient également consultés pour rendre le texte final encore plus lisible et compréhensible, sans affecter la précision juridique ni la concordance entre les textes français, néerlandais et allemand. 4. Nécessité d’une période transitoire de longue durée et de règles transitoires précises

La mise en œuvre concrète de la réforme projetée requiert non seulement un profond réaménagement de certains processus de travail judiciaires, mais également une concertation avec d’autres acteurs comme les services de police et les Communautés (maisons de justice). Les instances concernées, les magistrats, les avocats et tous les acteurs de terrain doivent disposer de suffisamment de temps pour s’adapter avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal. Le CSJ n’aperçoit pas comment cette réforme peut être implémentée de manière effective sans une période transitoire d’au moins deux ans. L’introduction de nouvelles peines entraîne inévitablement certaines complications. Il convient ainsi de se demander comment ces nouvelles peines seront appliquées à certaines infractions pour lesquelles elles sont exclues à l’heure actuelle: probation, peine de travail autonome,… En effet, par exemple, l’auteur de faits de mœurs sur un mineur ne peut pas être condamné à une probation autonome, alors qu’il peut bénéficier d’une suspension probatoire du prononcé de la condamnation, par nature moins sévère. Il s’agit d’une incohérence à corriger. Par ailleurs, il ne sera pas aisé de déterminer quelle peine est la plus lourde. En d’autres termes, des règles transitoires claires devront être élaborées.

6 Ex. « Article 23. La force irrésistible - N'est pas pénalement responsable celui qui a agi sous la contrainte d'une force à laquelle il n'a pu résister ». En français, comme en néerlandais d’ailleurs, il est loisible de ne pas commencer une phrase énonciative par la forme personnelle ; celle-ci vient normalement en deuxième lieu, immédiatement précédée ou suivie du sujet. Cet article pourrait être réécrit de la manière suivante : « Article 23. La force irrésistible – Une personne n'est pas pénalement responsable lorsqu’elle a agi sous la contrainte d'une force à laquelle elle n'a pu résister ».

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II. Observations thématiques

1. Interprétation de la loi (article 5 de l’avant-projet – article 4 du projet)

« La loi pénale est d’interprétation stricte. Elle ne peut pas s’appliquer par analogie en défaveur de la personne poursuivie ».

Le morceau de phrase souligné a été ajouté à cet article de l’avant-projet en réponse à une remarque du Conseil d’État. Cet ajout améliore sensiblement le texte de l’article. Il est toutefois permis de se demander s’il ne serait pas préférable qu’un certain nombre de précisions figurant dans l’exposé des motifs soient expressément reprises dans le texte de loi. 2. La tentative punissable (article 10 de l’avant-projet – article 10 de l’avant-projet adapté)

L’avant-projet prévoyait que :

« Est également puni de la peine prévue pour l'infraction consommée celui qui, de façon ferme et certaine, propose ou offre de commettre une infraction déterminée ou provoque à commettre cette infraction et celui qui accepte une telle proposition, offre ou provocation, lorsque cette proposition, offre ou provocation n'a pas eu d'effet en raison de circonstances indépendantes de sa volonté ».

Le CSJ estime que l’incrimination de la proposition ou de l’offre de commettre une infraction, ou de l’acceptation d’une telle proposition, ne peut valoir de façon générale pour toutes les infractions et qu’il est disproportionné d’infliger dans ce cas une peine identique à celle s’appliquant à l’infraction consommée. En réponse à une remarque similaire du conseil d’État, deux modifications ont été apportées au projet : - La peine a été ramenée à celle du niveau immédiatement inférieur ; - Seules les infractions punissables d’une peine de niveau 5 ou d’un niveau supérieur entrent en ligne de

compte. Sous réserve de la détermination des infractions qui seront punies d’une peine de niveau 5 ou d’un niveau supérieur, le CSJ pourrait se satisfaire du texte ainsi modifié. 3. La responsabilité des personnes morales (article 17 de l’avant-projet – article 19 de l’avant-projet adapté)

À l’instar de l’article 5, al. 4 du Code pénal actuel, l’article 19, al. 3 de l’avant-projet adapté stipule que certaines personnes morales de droit public ne sont pas considérées comme pénalement responsables. Il s’agit de :

« l'Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les prézones, l'agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales , les organes territoriaux intracommunaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d'aide sociale. »

La principale justification donnée au Parlement de l’exclusion des pouvoirs publics de toute responsabilité pénale (notamment, leur caractère démocratique) n’a pas manqué d’être attaquée devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci a accepté la ratio legis au motif que

« les personnes morales de droit public énumérées à l’article 5, alinéa 4, du Code pénal ont la particularité d’être principalement chargées d’une mission politique essentielle dans une démocratie représentative, de disposer d’assemblées démocratiquement élues et d’organes soumis à un contrôle politique. Le législateur a pu raisonnablement redouter, s’il rendait ces personnes morales pénalement responsables, d’étendre une responsabilité pénale collective à des situations où elle comporte plus d’inconvénients que d’avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l’objectif réel serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se traiter par la voie politique. »

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La Cour a confirmé sa position dans un arrêt de 2005 puis de 2007 . Des critiques en doctrine quant au champ d’application de l’article 5 du Code pénal en général et à l’exclusion des personnes morales de droit public en particulier, se sont rapidement faites entendre. M. NIHOUL souligne que

« l’immunité pénale des principales collectivités publiques a eu pour effet de surexposer les hommes politiques et les fonctionnaires qui assurent le bon fonctionnement de celles-ci alors précisément que, pour mémoire, l’objectif initial était de les préserver de combats qui doivent se traiter par la voie politique dans les règles de la responsabilité politique ».

Et ce même auteur de préconiser l’application de la cause d’excuse absolutoire prévue à l’alinéa 2 de l’article 5 aux personnes physiques organes de personnes morales de droit public en guise de compensation. Un autre reproche se fonde sur l’incohérence consistant à exclure les entreprises publiques ou les intercommunales du bénéfice de l’irresponsabilité alors que c’est précisément dans les activités gérées par celles-ci que le risque pénal parait le plus important. De plus, selon que la compétence soit exercée au niveau communal ou au sein d’une intercommunale, le sort d’un mandataire (bien que pouvant siéger dans les deux instances) pourrait être bien différent . Ces préoccupations furent relayées au parlement puisque plusieurs propositions de loi (n’ayant pas abouti) furent introduites pour remédier à la « situation injuste et précaire » des mandataires politiques, non seulement visés pénalement mais également privés du moyen de défense prévu à l’article 5, al. 2. On ajoutera que les zones de secours ne peuvent être pénalement responsables mais qu’une zone de secours est organisée sous la forme d’une intercommunale qui est pénalement responsable… Les arguments à l’appui de l’absence de responsabilité pénale de certaines personnes morales de droit public ne convainquent d’ailleurs pas plus que ceux qui ont longtemps justifié que les pouvoirs publics ne soient pas soumis aux règles de la responsabilité civile. Le souci d’éviter que des querelles politiques donnent lieu à la mise en cause de la responsabilité pénale des personnes publiques ne paraît pas pouvoir être déterminant lorsque ces querelles peuvent entraîner la mise en cause des hommes et femmes politiques eux-mêmes. Surtout, l’irresponsabilité pénale entraîne l’obligation de rechercher une personne physique pénalement responsable qui ne pourra éviter la flétrissure d’une condamnation. On songe tout particulièrement aux infractions non intentionnelles. L’argument selon lequel l’Etat ne saurait être puni lorsque les autres sont punis en son nom n’entraîne pas plus la conviction. L’Etat est le garant du respect de l’Etat de droit et s’il décide d’ériger tel ou tel acte ou abstention en infraction, on n’aperçoit pas pourquoi il devrait faire une exception pour ce qui le concerne. Le CSJ propose dès lors de supprimer le troisième alinéa de l’article 17 de l’avant-projet. En tout état de cause, il faudrait envisager de réévaluer et, le cas échéant, d’adapter la question de la responsabilité pénale des personnes morales. L’article 121-2 du Code pénal français et les différentes propositions de loi déposées en Belgique au sujet de cette problématique peuvent faire office de source d’inspiration en la matière.

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4. Le trouble mental en tant que cause de non-imputabilité (article 24 de l’avant-projet – article 26 de l’avant-

projet adapté)

L’article 26 de l’avant-projet adapté (article 24 de l’avant-projet de loi) est formulé comme suit :

« N'est pas pénalement responsable celui qui, au moment des faits, était atteint d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ».7

Le projet tente ainsi de préciser la règle de l’actuel article 71 du Code pénal. L’exposé des motifs de l’avant-projet adapté8 explique ceci :

« Le choix est fait dans l’avant-projet d’abroger les premiers mots de l’actuel article 71 du Code pénal « Il n'y a pas d'infraction », étant donné que cela n’est pas correct d’un point de vue juridique. La force irrésistible est une cause d’exemption de culpabilité et ne supprime pas le caractère illicite d’un comportement. L’infraction continue d'exister en dépit des causes d’exemption de culpabilité. L’élément fautif et les causes d’exemption de culpabilité peuvent être étroitement liés (…) ».

À juste titre, l’exposé des motifs contient la réflexion suivante au sujet de la « culpabilité » :

« Cet élément psychologique ou subjectif (mens rea), repris sous la terminologie tantôt d'élément moral tantôt d'élément intentionnel, exigé pour qu'un comportement tombe sous le coup de la loi pénale, constitue l'une des questions les plus complexes et les plus discutées de la matière pénale. Au cours du temps, de multiples théories ont été développées, le plus souvent fondées sur l’utilisation de mêmes vocables, dont les interprétations ont évolué, voire ont différé selon les auteurs. Les praticiens sont, aujourd’hui encore, confrontés à deux écoles, celle de la faute infractionnelle et celle du « dol général », cette dernière connaissant, selon les auteurs ou les enseignants, des nuances d’interprétation ».9 « Les notions retenues par les promoteurs du présent projet ne sont pas fondées en premier ordre sur une approche théorique de l’élément moral ou fautif mais elles procèdent de la volonté de leur donner un caractère opérationnel notamment sous l’angle probatoire. Il s’agit donc de déterminer les différents types d’élément fautif susceptibles de caractériser les infractions en permettant de cerner l’étendue de la preuve à rapporter par la partie poursuivante en ce qui concerne cet élément ».10

Bien entendu, le CSJ comprend tout à fait l’approche pragmatique qui a été choisie et dont la jurisprudence a également fait application.11 Il n’en demeure pas moins que le risque de confusion reste élevé. En effet, l’avant-projet adapté reste fidèle à une fiction juridique selon laquelle certaines personnes disposeraient de toutes leurs facultés mentales et seraient donc entièrement responsables, alors que d’autres - bien qu’elles soient juridiquement « coupables » - ne pourraient aucunement voir leur responsabilité pénale engagée en raison d’un trouble mental ayant aboli leur capacité de discernement ou de contrôle de leurs actes.12 Selon les informations recueillies par le CSJ, seul un petit nombre de personnes pourraient encore être déclarées irresponsables, étant donné qu’il n’existe que très peu de pathologies ayant véritablement pour effet d’« abolir » le contrôle d’une personne sur ses actes.

7 Voir la remarque ci-dessus au-dessus du langage utilisé, p. 2. 8 Exposé des motifs, p. 155. 9 Exposé des motifs, p. 40. 10 Exposé des motifs, p. 40-41. 11 En guise d'exemple éloquent, l'exposé des motifs cite une affaire que la Cour de Cassation a dû traiter en 1941, dans laquelle une personne en avait tué une autre sous l'effet d'une forme grave de paranoïa et en croyant à tort qu’il s’agissait d’un ennemi. La Cour a estimé qu'il y avait bel et bien eu intention de tuer (Exposé des motifs, p. 156.) 12 Le CSJ constate que le Conseil d'État a lui aussi soulevé la question de savoir si le trouble mental ne mériterait pas une approche davantage nuancée (avis 60.893/3 du 27 mars 2017, n° 104, p. 53.)

7

Du reste, cette définition de l’irresponsabilité ne correspond pas entièrement à l’article 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement. Cette loi laisse davantage la place à des nuances, en ce sens qu’il y est fait mention d'un trouble mental qui abolit « ou altère gravement » la capacité de discernement ou le contrôle de ses actes. L’exposé des motifs de l’avant-projet adapté mentionne ceci à ce sujet :

« Il faut accentuer qu’il y a une différence entre d’une part la responsabilité pénale du malade mentale et d’autre part le champ d’application de l’internement.”13

Bien entendu, cette affirmation est correcte. Toutefois, la rigueur de la limitation de l’irresponsabilité en cas de trouble mental au moment de commettre des actes punissables demeure marquante. En un certain sens, la logique suivie est qu’une personne est entièrement « coupable » (et peut donc être soumise à l’arsenal des peines) lorsqu’elle conserve - malgré la maladie ou le trouble dont elle souffre - un certain contrôle de ses actes au moment de commettre des faits punissables. Il n’apparaît pas clairement aux yeux du CSJ pour quelle raison la piste que les experts avaient élaborée dans un premier temps a été abandonnée, alors que l’accord de gouvernement du gouvernement Michel laissait présager qu’une approche graduelle de l’imputabilité serait adoptée14. Les experts écrivaient ceci (à juste titre) :

« (...) la réponse que l’avant-projet entend apporter à la problématique, posée depuis longue date, selon laquelle l’approche du trouble mental est jusqu’à présent dans le droit pénal belge celle du tout ou du rien : soit on peut être tenu responsable, soit on ne peut pas l’être. Cette approche est insatisfaisante. On est, en effet, souvent confronté à des situations dans lesquelles l’imputabilité n’est pas totalement absente, mais est seulement atténuée en raison du trouble mental.”15

En s’inspirant des expériences en Allemagne et aux Pays-Bas, les experts ont formulé la proposition d’instaurer une triple distinction :

- « les personnes pouvant être tenues responsables : elles sont sanctionnées normalement ; - les personnes dont la responsabilité est atténuée : elles sont sanctionnées, mais en vue de traiter

le trouble qui est à la base des faits. Dans cette optique, l’avant-projet introduit la peine du traitement imposé (art. 44)16. La peine de probation (art. 49) peut également apporter une solution dans certains cas;

- les personnes irresponsables : la cause de non-imputabilité s’applique ici. Elles ne sont en conséquence pas sanctionnées. Elles peuvent toutefois être internées si les conditions d’application sont réunies. En vue d’améliorer la cohérence de la chaîne pénale, il est par conséquent recommandé d’harmoniser dans la législation relative à l’internement, comme adapté par la loi ‘pot-pourri III’ , les critères d’application de l’internement au critère utilisé pour le trouble mental comme cause de non-imputabilité. 17»

Dès lors, le CSJ se demande si un système graduel ne serait pas davantage en phase avec la réalité humaine et avec les attentes du citoyen. Un système dans lequel un aspect de la « peine » qui est considérée par le citoyen comme une sanction effective, peut-être combiné à des soins/un traitement (obligatoires) de manière à agir sur les facteurs criminogènes et à renforcer les facteurs de protection, pourrait sans doute offrir une plus-value et accroître, à terme, la confiance du citoyen envers la justice. Naturellement, ceci présuppose un engagement de différents partenaires comme les Communautés, qui devraient pouvoir libérer suffisamment de moyens pour offrir l’assistance concernée.18

13 Exposé des motifs, p. 158. 14 Accord de gouvernement, p. 116. 15 Exposé des motifs de l'avant-projet de loi, version du 16 mars 2016, p. 126. 16 Cette peine (traitement imposé) ne figure plus dans l’avant-projet approuvé par le Conseil des ministres. 17 Exposé des motifs de l’avant-projet de loi, version du 16 mars 2016, p. 126-127. 18 Voir ci-dessus, p. 2

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Il va de soi qu’il faut veiller à ce que la détermination des (fourchettes de) peines reste la tâche du juge et à ne pas déléguer cette tâche à des experts psychiatres. 5. L’avis d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels (article 30 de

l’avant-projet – article 32 de l’avant-projet adapté).

Cet article stipule que si le prévenu est poursuivi pour une infraction à caractère sexuel, le ministère public ou le juge saisi de la cause peut prendre l’avis motivé d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels en vue de déterminer la peine la plus adéquate. Le CSJ estime qu’il convient d’envisager de rendre cet avis obligatoire, comme tel est le cas actuellement lorsque le juge souhaite ordonner une mesure de probation à l’égard de l’auteur d’une infraction à caractère sexuel commise sur des mineurs ou avec leur participation (art. 9 bis de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation). Pour veiller à ce que ses conclusions soient parfaitement actuelles au jour de l’examen du dossier par la juridiction de jugement, le CSJ estime qu’il n’est pas opportun qu’il puisse être ordonné au préalable par le Ministère public ou le magistrat instructeur, sauf éventuellement au moment du règlement de la procédure. 6. La peine d’emprisonnement (articles 42 e.s. de l’avant-projet – articles 44 e.s. de l’avant-projet adapté)

La durée minimale de la peine d’emprisonnement serait portée à un an. Il n’est donc plus possible de prononcer des peines d’emprisonnement de plus courte durée. L’exposé des motifs19 donne l’explication suivante :

« Afin de pallier le phénomène de la non-exécution des courtes peines privatives de liberté et compte tenu du fait que ces peines, en raison de leur courte durée, n’atteignent pas l’objectif escompté, il est proposé de fixer à une durée d’un an le seuil minimum de la peine d’emprisonnement qui peut être infligée à titre principal ».

La dernière circulaire ministérielle en la matière d’exécution des peines d’emprisonnement prévoit que les peines de moins de 4 mois ne sont pas exécutées. Les peines de 4 mois à 3 ans sont très partiellement exécutées. La forme de l’exécution est essentiellement la surveillance électronique, pour toutes les peines allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement. En premier lieu, le CSJ estime qu’il est dangereux de justifier la suppression des courtes peines de prison par des arguments liés à leur exécution. En outre, la suppression des peines d’emprisonnement inférieures à un an n’a de sens que s’il existe des garanties quant à l’exécution effective des peines d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à un an dans des conditions créant de réelles possibilités de reclassement. La question est de savoir si nos prisons y sont préparées. En second lieu, le CSJ n’est pas convaincu que les peines d’emprisonnement de moins d’un an ne sont pas utiles. Lorsqu’elles sont exécutées peu de temps après la commission des faits, de telles peines peuvent entraîner une prise de conscience dans le chef de leur auteur. De manière générale, le CSJ plaide pour l’exécution des peines prononcées. Par ailleurs, le caractère dissuasif d’une « courte » peine d’emprisonnement assortie d’un sursis ne peut être négligé. Enfin, le CSJ attire l’attention sur le fait que, selon le niveau de sanction qui sera retenu pour les différentes infractions (lequel est inconnu à l’heure actuelle en l’absence de texte modifiant le livre II et les lois particulières), la répression risque d’être beaucoup plus importante ou, au contraire, de l’être nettement moins qu’à l’heure actuelle.

19 Exposé des motifs, p. 197

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7. La condamnation par déclaration de culpabilité (article 48 de l’avant-projet– article 50 de l’avant-projet

adapté)

Aux termes de l’avant-projet adapté, cette condamnation par déclaration de culpabilité peut être prononcée par le juge

« lorsqu’il constate au vu des circonstances concrètes de la cause que les faits jugés présentent une gravité limitée ou que l’écoulement du temps rend la prononciation d’une autre peine inopportune ».

Le CSJ s’interroge sur le risque d’impunité qu’entraîne une telle possibilité de condamnation (en dehors du constat du dépassement du délai raisonnable), en lien avec la disparition de la suspension (simple et probatoire) du prononcé de la condamnation. En effet, dans l’exposé des motifs, il est indiqué pour justifier la suppression de la mesure de suspension du prononcé de la condamnation :

« On peut penser en effet que la suspension du prononcé de la condamnation fait, dorénavant, double emploi avec les nouvelles peines de probation et de condamnation par déclaration de culpabilité20. »

Il est aussi indiqué qu’actuellement, la mesure de suspension

« s’indique en cas de faits de peu de gravité ou lorsque les faits sont jugés avec plusieurs années de décalage, le délinquant ne constituant pas un danger pour la société.21 »

L’article 3 actuel de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation prévoit que la suspension peut être ordonnée

« lorsque le fait n’est pas punissable d’une peine d'emprisonnement correctionnel supérieure à vingt ans, et qu’il ne paraît pas de nature à entraîner comme peine principale un emprisonnement correctionnel supérieur à cinq ans et que la prévention est déclarée établie. »

Il n’apparaît pas au CSJ que la condamnation par simple déclaration de culpabilité ferait double emploi avec la suspension du prononcé, laquelle peut en effet actuellement être prononcée pour un fait qui est de nature à entraîner comme peine principale un emprisonnement correctionnel allant jusqu’à cinq ans. Il ne semble pas que de tels faits soient nécessairement considérés comme des faits de peu de gravité. Outre le message incertain d’une condamnation par déclaration de culpabilité dans les cas prévus par l’avant-projet adapté, tant à l’égard du condamné que de la société dans son ensemble puisqu’aucune « sanction » autre que la reconnaissance de culpabilité n’est ordonnée par le juge, le CSJ pense que supprimer la suspension du prononcé de la condamnation priverait le juge d’un outil utile dès lors que la mesure prévoit un délai d’épreuve mettant l’intéressé face à ses responsabilités et qu’elle peut, par ailleurs, être combinée à des conditions permettant un suivi de l’intéressé, un des objectifs essentiels de la Justice étant une réinsertion efficiente des délinquants et la limitation de la récidive.

20 Exposé de motifs p. 295 21 Exposé de motifs p. 296

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8. Les peines pécuniaires / patrimoniales (Chapitre 4 - section 8)

Il ressort du texte de l’avant-projet adapté et de l’exposé des motifs qu’un choix stratégique est posé, consistant à éviter le recours à une peine d’emprisonnement et à privilégier dans de nombreux cas des peines pécuniaires, dénommées « patrimoniales » dans le projet modifié après l’avis du Conseil d’Etat (amende, confiscation, peine pécuniaire fixée en fonction du profit escompté ou obtenu de l’infraction).

Des peines d’emprisonnement trop longues peuvent en effet avoir des effets très perturbants.

Le CSJ attire cependant l’attention sur le fait que le développement avancé de peines patrimoniales peut avoir des conséquences négatives, voire dramatiques, à l’égard d’auteurs d’infractions qui se trouvent déjà dans une situation financière précaire mais également à l’égard des membres de leur famille.

Le CSJ espère que l’élaboration détaillée des peines dans le livre II permettra d’apprécier si un équilibre est établi.

9. L’amende (article 49 de l’avant-projet – article 51 de l’avant-projet adapté)

En ce qui concerne la personne physique, le projet prévoit que le montant de l’amende est fixé en rapport avec ses capacités financières et sa situation sociale. Il est précisé dans l’exposé des motifs :

« Il s’agit des capacités financières réelles du prévenu appréciées souverainement par le juge en prenant en compte son état de fortune, son niveau de vie, ses revenus, qu’ils soient officiels ou non déclarés, et les charges de celui-ci tels qu’ils peuvent résulter des éléments de la cause. »22 (...) « Le ministère public et la défense pourront produire tous éléments pertinents à cet égard. Le juge pourra aussi interroger les parties sur ce point et les inviter à communiquer tous renseignements ou documents utiles. Sur la base de l’ensemble des éléments qui lui auront été régulièrement soumis, le juge est ainsi appelé à se prononcer de façon motivée sur ce point au terme d’une appréciation souveraine en fait. »23

Une telle détermination de la capacité financière du prévenu pour déterminer la hauteur de l’amende à prononcer risque d’engendrer de nombreux débats supplémentaires et de faire du juge un « comptable » dont les moyens apparaissent limités.

Le CSJ s’interroge à ce sujet, au même titre que le Conseil d’Etat, quant aux possibilités concrètes dont disposera le juge pour établir le rapport entre les capacités financières de l’auteur et le montant de l’amende, le texte actuel créant un risque d’inégalité lors de la fixation de cette peine d’amende. L’incertitude quant à la hauteur d’une telle condamnation paraît importante et n’est pas de nature à assurer le principe de la prévisibilité pénale.

Le CSJ s’interroge également sur la possibilité pour le juge d’octroyer des termes et délais pour le paiement de l’amende par rapport à la situation actuelle. Si cette possibilité est instaurée, il convient de vérifier si elle ne risque pas de contrecarrer un service compétent actuellement pour octroyer de tels délais de paiement.

Concernant la personne morale, le projet prévoit d’ajouter comme critères pour déterminer l’ampleur de l’amende qu’il soit tenu compte également de son chiffre d’affaires et de sa taille. Le CSJ suggère de supprimer ces deux critères qui ne paraissent pas constituer des éléments en soi suffisamment pertinents pour déterminer la situation financière réelle d’une personne morale.

En ce qui concerne l’amende à prononcer à l’égard d’une personne morale, le CSJ tient spécialement à attirer l’attention du lecteur sur l’existence actuelle dans des lois particulières de peines privatives de liberté qui font l’objet d’une conversion en amendes par le biais de l’actuel article 41bis du Code pénal, article dont la suppression est prévue dans l’avant-projet adapté. Il conviendra d’être attentif à la disparition de cet article dans le cadre de la modification des lois particulières en question.

22 Exposé de motifs p. 234 23 Exposé de motifs p. 235

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10. La peine pécuniaire fixée en fonction du profit escompté ou obtenu de l’infraction (article 51 de l’avant-

projet – article 53 de l’avant-projet adapté)

L’alinéa 1er de l’article prévoit :

« Lorsque la commission de l’infraction visait à obtenir directement ou indirectement un avantage patrimonial, le juge peut condamner chacun des auteurs au paiement d’une somme correspondant au maximum au triple de la valeur de l’avantage patrimonial que l’auteur ou les auteurs ont tiré ou espéraient tirer directement ou indirectement de l’infraction. Cette somme est recouvrée comme une amende. »

Combinée avec l’existence de l’amende et de la confiscation, et avec la marge d’appréciation laissée au juge pour déterminer la peine pécuniaire d’amende, cette nouvelle peine pécuniaire fixée en fonction du profit escompté ou obtenu de l’infraction représente pour le CSJ un risque de sanction disproportionnée. Le CSJ s’interroge en outre sur les possibilités concrètes dont disposera le juge pour déterminer quelle est la valeur de l’avantage patrimonial que l’auteur « espérait tirer directement ou indirectement de l’infraction ». Aucun instrument n’est fourni au tribunal et le risque d’arbitraire paraît élevé, les conséquences sur le plan financier étant considérables puisque le texte prévoit que le juge peut condamner chaque auteur au paiement d’une somme correspondant au triple de la valeur de cet avantage. Le CSJ n’est pas favorable à l’instauration de cette nouvelle peine. 11. La dissolution de la personne morale (article 40 de l’avant-projet – article 69 de l’avant-projet adapté)

S’agissant de la responsabilité des personnes morales, le CSJ propose de ne plus prévoir d’exception pour les personnes morales de droit public (voir ci-dessus). Si le législateur suivait cette proposition du CSJ, il conviendrait, en raison notamment de la continuité du service public, de restreindre aux personnes morales de droit privé la possibilité de prononcer leur dissolution en guise de peine.

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