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tirer un missile ou d’agir directement sur les commandes de vol par l’intermédiaire de commandes vocales. Comme sur l’Eurofighter, l’objectif est plutôt de sou- lager le pilote d’un appareil, conçu dès l’ori- gine comme monoplace, d’une partie du travail qui aurait pu être pris en charge par son équipier en place arrière. Pour l’heure, c’est sur un avion bien plus ancien qu’est testé le système : le banc d’es- sai volant NF-16D Vista (Variable-Stability Inflight Simulator Test Aircraft) de la base d’Edwards, en Californie. Une phase d’es- sais en vol indispensable, puisqu’elle per- met de résoudre les problèmes inhérents à l’intégration d’un tel système dans un avion de combat. Six pilotes d’essai ont pour mis- sion de tester le dispositif dans différents environnements acoustiques et dyna- miques. Les enregistrements récoltés en vol sont ensuite analysés au sol, où les faiblesses du système sont isolées et analysées. Logiciel. Sur F-35, c’est le logiciel DynaSpeak, développé par SRI International, qui a été retenu pour doter l’appareil d’une capacité de reconnaissance vocale et livré en février 2008. Une application à l’origine “grand public”, dont l’intégration sur systèmes aéroportés a été confiée en 2006 à la société américaine Adacel. De fait, celle-ci travaille actuellement sur deux autres programmes aéronautiques, l’un militaire et l’autre civil. Depuis mi-2007, Boeing expérimente ce sys- tème en vue de l’adapter au prochain stan- dard de son hélicoptère d’assaut Apache. De son côté, Rockwell Collins a récemment signé un contrat avec Adacel pour l’intégration de son système de commande vocale à son ensemble avionique ProLine Fusion. Le sys- tème devrait bientôt obtenir sa certification FAA, pour un premier vol sur appareil civil prévu en 2011. D’autres applications sont à l’étude pour le contrôle de drones, de cen- tres de commandement et de contrôle et de gestion du trafic aérien. Si les exigences varient selon les types d’ap- pareils considérés (l’adaptation à un héli- coptère nécessitant, par exemple, une plus grande tolérance aux vibrations et au bruit), le cœur du logiciel reste rigoureu- sement identique et très “léger”. Conçu pour fonctionner avec seulement 20 Mo de mémoire et un processeur cadencé à 900 MHz, le système “peut facilement gérer une centaine d’instructions vocales différentes”, précise Gary Pearson, direc- teur des programmes avancés chez Adacel. Mieux encore, il déjoue l’un des écueils majeurs de la reconnaissance vocale dans le cockpit d’un avion de combat : “Même dans un environnement très bruyant (plus de 120 dB), le système affiche une efficacité supérieure à 98 %”, poursuit Gary Pearson. Perspectives. En France, les projets d’in- tégration d’un tel système sur Rafale sem- blent pour l’heure abandonnés.Thales, qui fut un temps missionné pour étudier la fai- sabilité du projet, reste aujourd’hui muet à ce sujet. Mais sur la scène européenne, un autre industriel s’intéresse de près à la reconnaissance vocale. Il s’agit de Saab qui, avec son démonstrateur technologique Gripen Demo, prévoit de tester une nou- velle architecture avionique modulaire dont un tel système devrait faire partie. Même si les pilotes d’essai suédois affichent un certain scepticisme quant à son utilité, ils admettent enregistrer une demande crois- sante de la part des clients potentiels de l’avion. Demande légitime, puisque le futur “Gripen NG” devra affronter sur bien des marchés le Typhoon, doté de commandes vocales déjà opérationnelles. GUILLAUME STEUER AIR & COSMOS - N° 2133 - 11 JUILLET 2008 45 v ocale prend du galon tion adaptée à la gestion des systèmes d’arme de nouvelle génération. Depuis 2005, les Eurofighter en service dans les quatre pays du consortium disposent d’une pre- mière capacité opérationnelle de reconnaissance vocale, baptisée DVI (Direct Voice Input) et déve- loppée par EADS Casa. Une fonc- tion jusqu’alors inédite sur un avion de combat, et qui a permis à ses concepteurs d’introduire la notion nouvelle de VTAS, pour Voice, Throttle and Stick (voix, manche et manettes). Ici aussi, la mission pre- mière du système est de soulager le pilote de tâches répétitives et non critiques : gestion de l’affichage, des communications, ou encore de la situation tactique globale. Le pilote peut ainsi désigner, assigner ou filtrer les pistes qui lui sont présentées sur son écran multifonctions, allégeant d’autant sa charge de travail dans une situation critique. Dans un proche avenir, une version améliorée de ce système initial devrait être déclarée opé- rationnelle; elle permettra notamment de contrô- ler la nacelle de désignation laser de l’avion et d’affiner la navigation en créant des points de passage “à la volée”. Le vocabulaire dis- ponible devrait passer d’une cinquantaine de commandes à près de 100. A plus long terme, EADS Casa travaille sur une architecture com- plètement nouvelle qui ne serait plus basée sur des modèles de commandes prédéfinis mais sur une reconnaissance continue du flot de paroles du pilote. Eurofighter : le pionnier Le système est opérationnel depuis 2005. C. COSMAO Un défi technologique AC2133 044 045**:Gabarit Base 9/07/08 10:49 Page 45

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Page 1: vocale prend du galonhome.exetel.com.au/jwcook65/Resource/AC2133P45.pdf · loppée par EADS Casa. Une fonc-tion jusqu’alors inédite sur un avion de combat, et qui a permis à ses

tirer un missile ou d’agir directement surles commandes de vol par l’intermédiairede commandes vocales. Comme surl’Eurofighter, l’objectif est plutôt de sou-lager le pilote d’un appareil, conçu dès l’ori-gine comme monoplace, d’une partie dutravail qui aurait pu être pris en charge parson équipier en place arrière.Pour l’heure, c’est sur un avion bien plusancien qu’est testé le système : le banc d’es-sai volant NF-16D Vista (Variable-StabilityInflight Simulator Test Aircraft) de la based’Edwards, en Californie. Une phase d’es-sais en vol indispensable, puisqu’elle per-met de résoudre les problèmes inhérents àl’intégration d’un tel système dans un avionde combat. Six pilotes d’essai ont pour mis-sion de tester le dispositif dans différentsenvironnements acoustiques et dyna-miques. Les enregistrements récoltés en volsont ensuite analysés au sol, où les faiblessesdu système sont isolées et analysées.Logiciel. Sur F-35, c’est le logiciel DynaSpeak,développé par SRI International, qui a étéretenu pour doter l’appareil d’une capacitéde reconnaissance vocale et livré enfévrier 2008. Une application à l’origine“grand public”, dont l’intégration sur systèmesaéroportés a été confiée en 2006 à la sociétéaméricaine Adacel. De fait, celle-ci travailleactuellement sur deux autres programmesaéronautiques, l’un militaire et l’autre civil.

Depuis mi-2007, Boeing expérimente ce sys-tème en vue de l’adapter au prochain stan-dard de son hélicoptère d’assaut Apache. Deson côté, Rockwell Collins a récemment signéun contrat avec Adacel pour l’intégration deson système de commande vocale à sonensemble avionique ProLine Fusion. Le sys-tème devrait bientôt obtenir sa certificationFAA, pour un premier vol sur appareil civilprévu en 2011. D’autres applications sont àl’étude pour le contrôle de drones, de cen-tres de commandement et de contrôle et degestion du trafic aérien.Si les exigences varient selon les types d’ap-pareils considérés (l’adaptation à un héli-

coptère nécessitant, par exemple, une plusgrande tolérance aux vibrations et aubruit), le cœur du logiciel reste rigoureu-sement identique et très “léger”. Conçupour fonctionner avec seulement 20 Mode mémoire et un processeur cadencé à900 MHz, le système “peut facilementgérer une centaine d’instructions vocalesdifférentes”, précise Gary Pearson, direc-teur des programmes avancés chez Adacel.Mieux encore, il déjoue l’un des écueilsmajeurs de la reconnaissance vocale dansle cockpit d’un avion de combat : “Mêmedans un environnement très bruyant(plus de 120 dB), le système affiche uneefficacité supérieure à 98 %”, poursuitGary Pearson.Perspectives. En France, les projets d’in-tégration d’un tel système sur Rafale sem-

blent pour l’heure abandonnés. Thales, quifut un temps missionné pour étudier la fai-sabilité du projet, reste aujourd’hui muetà ce sujet. Mais sur la scène européenne,un autre industriel s’intéresse de près à lareconnaissance vocale. Il s’agit de Saab qui,avec son démonstrateur technologiqueGripen Demo, prévoit de tester une nou-velle architecture avionique modulaire dontun tel système devrait faire partie. Mêmesi les pilotes d’essai suédois affichent uncertain scepticisme quant à son utilité, ilsadmettent enregistrer une demande crois-sante de la part des clients potentiels del’avion. Demande légitime, puisque le futur“Gripen NG” devra affronter sur bien desmarchés le Typhoon, doté de commandesvocales déjà opérationnelles.GUILLAUME STEUER

AIR & COSMOS - N° 2133 - 11 JUILLET 2008 45

vocale prend du galontion adaptée à la gestion des systèmes d’arme de nouvelle génération.

Depuis 2005, les Eurofighter enservice dans les quatre pays duconsortium disposent d’une pre-mière capacité opérationnelle dereconnaissance vocale, baptiséeDVI (Direct Voice Input) et déve-loppée par EADS Casa. Une fonc-tion jusqu’alors inédite sur un avionde combat, et qui a permis à sesconcepteurs d’introduire la notionnouvelle de VTAS, pour Voice,Throttle and Stick (voix, manche etmanettes). Ici aussi, la mission pre-mière du système est de soulagerle pilote de tâches répétitives et noncritiques : gestion de l’affichage,des communications, ou encore dela situation tactique globale. Lepilote peut ainsi désigner, assignerou filtrer les pistes qui lui sont présentées surson écran multifonctions, allégeant d’autant sacharge de travail dans une situation critique.Dans un proche avenir, une version amélioréede ce système initial devrait être déclarée opé-rationnelle; elle permettra notamment de contrô-ler la nacelle de désignation laser de l’avionet d’affiner la navigation en créant des points

de passage “à la volée”. Le vocabulaire dis-ponible devrait passer d’une cinquantaine decommandes à près de 100. A plus long terme,EADS Casa travaille sur une architecture com-plètement nouvelle qui ne serait plus baséesur des modèles de commandes prédéfinismais sur une reconnaissance continue du flotde paroles du pilote. ■

Eurofighter : le pionnier

Le système est opérationnel depuis 2005.

C.

CO

SM

AO

Un défi technologique

AC2133 044 045**:Gabarit Base 9/07/08 10:49 Page 45