ville durable et Écoquartiers - cedis … · vauban de fribourg qui a fêté ses dix ans en 2008....

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ET ÉCOQUARTIERS LES PRATIQUES #9 COMPRENDRE la démarche pour AGIR aujourd’hui dans sa collectivité et sur son territoire. VILLE DURABLE

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ET ÉCOQUARTIERS

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S #

9

COMPRENDRE la démarchepour AGIR aujourd’hui dans sa collectivitéet sur son territoire.

VILLE DURABLE

coordination du projet

Cédis

rédactrice

Raphaele Heliotarchitecte dpLG

contriButeurS

remerciementS

merci à Bruno Zevi de m’avoir ouvert les yeux sur l’architecture, il y a… 25 ans,et à Philippe Panerai pour m’avoir appris à lire les villes, il y a… 15 ans !merci aux échanges au sein des réseaux, si nécessaires pour avancer ensemble.merci à AN pour son soutien indéfectible et à Marc pour sa confiance et son énergie renouvelables...

Raphaele heliot

Elsa Gheziel-NeumannEmmanuel BuckiEugénie CocteauxSylvain LubiatoJean-Marc RousseauGildas Le Saux

Cyria EmelianoffGuillaume FaburelJean-Pierre OrfeuilThierry PaquotJulien GarnotAmélie Flamand

Sophie LebretonXavier MariéAnne d’OrazioMarc ProchassonHéloïse Nez

ET ÉCOQUARTIERSVILLE DURABLE

directeur de publication : Henri arévalocomité de rédaction : pierre SerneSecrétaire du comité : marie-josé Blouin

cédis105-107, boulevard de chanzy93100 [email protected]él. 01 41 58 52 40 | Fax : 01 42 87 05 80

Transformer la villepour préparer notre avenir

conscients des urgences, en changeant au quotidien leurs modes de vie, de plus en plus de citoyens aspirent à devenir des acteurs de la transformation écologique de la société.

or, une telle démarche est d’autant plus facile si l’on évolue dans un environnement qui favorise les mutations comportementales. La ville et l’habitat n’ont jamais été réellement pensés à cet effet, à tel point qu’appliquer aujourd’hui certains gestes écologiques de base est un véritable exploit !

Le changement de nos villes et de nos habitats est donc un enjeu majeur pour s’engager résolument dans un écodéveloppement et, au-delà, pour se préparer à absorber les difficultés qui résulteront directement de la crise énergétique et du changement climatique.

un immense chantier est donc ouvert puisque les villes hébergeront à terme l’essentiel de la population mondiale.

notons des évolutions très positives dans nombre d’opérations grâce au volontarisme d’urbanistes, d’architectes et d’équipes municipales politiquement motivées pour la construction d’une ville durable. toutefois, remarquons aussi que trop d’opérations, qualifiées abusivement de « durables », par l’ajout d’un chauffe-eau solaire, d’un bardage bois ou du préfixe « éco », masquent la profondeur des transformations à engager.

notre responsabilité d’élu-e-s écologistes est de faire preuve de détermi-nation et de fermeté. il nous appartient d’utiliser avec conviction les nombreux outils disponibles, notamment réglementaires, pour engager une rupture franche avec les modes archaïques de fabrication du monde urbain.

Le nouveau « pratique » du Cédis, dense en réflexion et en exemples, avec maîtrise et rigueur, nous aidera à être encore plus pertinents. merci à Raphaele Heliot et à son équipe d’avoir relevé ce défi. Ce n’était pas évident et c’est parfaitement réussi !

henRi aRévalo

président du cédis

ÉDIT

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SOM

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1|COMPRENDRE

Origine et fondements de la ville durable...........................................12

Ville et urbanisme durables : un mouvement international...................................12

À l’origine des écoquartiers : Vauban à Fribourg......................................................16

Les mots de la « ville durable » : exploration et essai de typologie............................22

Comment « faire » la ville ?...........................................................................28

des références à l’innovation : quelles formes urbaines pour la ville du XXie siècle ?..30

L’espace public, outil d’aménagement urbain............................................................38

comment envisager les densités ?............................................................................43

Les écoquartiers peuvent-ils être les supports de mobilités plus durables ?............51

Faire participer les habitants dans la ville : enjeux et écueils...............................56

Quelle place pour les enfants dans la ville ?.............................................................59

Bâti performant versus matériaux écologiques ?.....................................................62

2|AGIR

La ville durable, un système complexe interagissant....................70

Gestion des déplacements...........................................................................................70

choix énergétiques......................................................................................................72

environnement climatique.........................................................................................74

Gestion de l’eau...........................................................................................................76

Biodiversité et paysage...............................................................................................78

Gestion des déchets.....................................................................................................80

environnement sonore................................................................................................82

Mise en œuvre et action concrète.............................................................84

aménagement et urbanisme durables :l’importance du volontarisme territorial....................................................................84

approche environnementale de l’urbanisme :une méthode au service des écoquartiers..................................................................88

pour une stratégie énergétique du territoire........................................................91

Lutter contre les « îlots de chaleur »..........................................................................95

préserver les sols fertiles urbains..............................................................................97

comment les régions peuvent-elles contribuerà l’émergence de villes durables ?............................................................................100

Habitat alternatif en quête d’écoquartier.............................................................104

Fréquel Fontarabie - paris 20e :la participation comme ciment du projet...............................................................110

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3|SE DOCUMENTER

Bibliographie....................................................................................................122

Cyberographie..................................................................................................124

Sigles et acronymes........................................................................................125

de conférences internationales en colloques, d’ouvrages en déclarations, au rythme des annonces du changement climatique et de l’urgence environnementale, les réflexions et propositions sont nombreuses : il est devenu évident que la ville, cadre de vie de la moitié des humains sur terre, doit prendre en compte l’eau, l’énergie, les déchets, la biodiversité, les déplacements et les hommes.

des hommes de plus en plus nombreux, dont la pression sur les ressources s’aggrave. combien de villes sont en manque d’eau potable ? Quelle proportion d’êtres humains vivent en situation de précarité énergétique ? combien d’heures de transport les relégués de la périphérie doivent-ils supporter ? combien de terres agricoles sont soustraites à la production alimentaire et vivrière... ?

À l’heure du cinquantenaire de Brasilia (avril 1960), ville emblématique de la planification utopiste, figée par son classement, magnifiée, mais forcée d’accueillir 3 millions d’habitants au lieu des 500 000 prévus par Lucio costa, saturée, invivable, polluée, on se demande comment faire.

À une autre échelle, en France, avec la désertification des campagnes, autant des habitants que des activités, regroupés en zones, qui génèrent spécialisations du territoire et flux pendulaires : comment faire ?

dire que les villes « ça dure » au sens de la pérennité, de la solidité, est un pléonasme. ce qui est sous-entendu dans le mot durable fait référence au terme anglais sustainable : « qui ne met pas en péril la survie des générations futures », autrement dit « qui s’attache au respect des humains et de leur environnement ». Pour les villes, cela signifie un développement urbain qui limite sa pression sur les milieux naturels (ressources du sol, eau, air, matières, déchets, etc.) et qui minimise globalement l’impact sur l’écosystème : parviendrons-nous à concevoir et à vivre dans des villes qui minimisent notre empreinte écologique1 ?

La recherche, la réflexion et les propositions sont pléthoriques, les ouvrages, conférences et documents existent à profusion pour envisager « autrement » en France, et dans bien d’autres pays, les densités, les formes urbaines ou architecturales, la gestion de l’eau ou de l’énergie, dans un urbanisme de l’après-Kyoto. par contre, les réalisations concrètes, sur le terrain, ne sont pas aussi nombreuses.

1. concept rédigé par l’économiste William rees en 1992 et devenu un outil de sensibilisation pour évaluer l’impact de nos activités face à la biocapacité de la Terre, qui est un monde fini – calculé en surface de planète nécessaire à maintenir un mode de vie.

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de la théorie à l’action, pour les projets urbains, il y a souvent… des décennies. ce décalage s’accorde de plus en plus mal avec l’urgence environnementale, la rapidité des phénomènes d’urbanisation et l’accélération du calendrier sociétal.

c’est au nord de l’europe que l’on trouve les sites qui ont montré la voie, avec des aménagements urbains réellement innovants : Hanovre (allemagne), malmö (Suède), eva Lanxmeer (pays-Bas), BedZed (Grande-Bretagne)… des expériences d’aménagements urbains innovants émergent partout en France : avec des dosages différents de chacune des thématiques de la ville durable, les projets de Zac tendent vers une meilleure prise en compte de l’environnement.

ces nouvelles urbanisations sont des quartiers, c’est-à-dire quelques hectares d’extension ou de reconversion de la nappe urbaine. de la même façon que la construction neuve représente 1 % de l’enjeu de l’amélioration des bâtiments, les nouveaux quartiers sont une part mineure de l’enjeu qui voudrait que toutes les villes, dans tous les quartiers, se mettent en marche vers la « ville durable ». de l’écoquartier à la ville durable, il n’y a pas qu’un flou sémantique, il y a surtout une différence d’échelle, et cette idée que c’est dans les villes déjà bâties qu’il faut faire une place à l’écologie urbaine, dans toutes ses dimensions : humaine, sociale, économique, culturelle et environnementale.

ce guide invite à faire le lien entre principes généraux, théories, principes, et la réalité du terrain. il s’adresse notamment aux élus car c’est sous leur impulsion que les projets pourront se faire ou pas. c’est en fonction de leur capacité à piloter, à communiquer, partager et transmettre, que nos villes deviendront capables d’accueillir les 80 % de Français urbains (proportion en hausse !).

cet ouvrage collectif rassemble les savoirs et points de vue à la fois de chercheurs et de praticiens, d'élus ou de consultants engagés, dans une perspective d’action.

pour poser le contexte, il commence par un rapide historique des démarches internationales, suivi de la présentation, par une habitante du quartier Vauban de Fribourg qui a fêté ses dix ans en 2008. une promenade émouvante à travers les allées de ce petit quartier où il fait bon vivre, qui est probablement à l’origine du terme écoquartier et a montré la voie en europe. un voyage qui a marqué tous ceux qui l’ont fait, et qui devrait motiver les autres à faire le déplacement.

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Les thèmes détaillés ensuite portent sur la fabrication de la ville, les thématiques purement environnementales étant un des éléments de la démarche et pas une fin en soi : nous défendons l’idée que les formes urbaines, les typologies, les densités et les mobilités sont aussi importantes que la gestion des eaux de pluie ou la présence de panneaux solaires. Face au constat que certains projets se contentent de « verdir » un peu leurs Zac avec des dispositifs visiblement écolos, le petit arbre cache mal la forêt : on aboutit encore à des zones aussi résidentielles, des zones toujours aussi commerciales, des rues toujours aussi peu dessinées (un trottoir, un goudron, un trottoir), et toujours autant de voitures pour alimenter tout ça !

Le fil conducteur de la réflexion sera d’envisager, au-delà des vides et des pleins qui sont issus du dessin des espaces, les flux qui les traversent, les usages qui les font vivre. ainsi les habitants ou usagers et autres citoyens trouvent leur place dans ce décor. En effet, il ne suffit pas de construire un décor, aussi écolo soit-il. il s’agit vraiment d’élaborer des cadres de vie pour des humains, leur faire une place et les amener à participer, chacun selon ses possibilités ou envies, à faire fonctionner cette machine complexe dont les performances seront directement liées à l’usage qu’on en fait.

participation, le mot est lâché. ainsi pour le logement, les démarches d’habitat alternatif autogéré sont une perspective vers laquelle tendre : inspirées des expériences des années 1980 en France, et de plusieurs décennies de pratique dans beaucoup de pays (danemark, Belgique, allemagne, Québec, pays-Bas, italie), les groupes qui se constituent pour envisager d’élaborer ensemble leur habitat, au sens le plus entier du mot, tentent de conjurer toutes sortes de fléaux : difficulté d’accès au logement privé ou social, manque de solidarité, envie d’écologie, besoin de voisinage, partage des frais et des espaces, échanges de services, entraide… Les motivations sont diversement dosées selon les personnes, mais le mouvement est là. Les obstacles aussi : humains, juridiques, financiers, des années d’individualisme et la tension très forte qui entoure les enjeux du logement. ces projets ne pourront prendre une place sur la scène du logement que si les collectivités les accueillent : municipalité, département ou région, état ou europe, plusieurs niveaux d’action peuvent être mobilisés pour faciliter l’émergence de ces initiatives qui, pour l’instant, ne parviennent à se concrétiser qu’avec un soutien affirmé (identification de foncier, appels à projets, financement des faisabilités ou même du projet…).

une vraie perspective d’avenir pour faire des villes durables, avec les habitants !

alors, bien sûr, il ne s’agit pas de mettre la barre trop haut, il n’y a pas de monde parfait. il s’agit plutôt de donner une vision globale à la fois des en-jeux et des solutions, qui permette de faire des choix « éclairés », d’une part,

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et d’autre part d’être capable d’assumer des choix en connaissance de cause, notamment dans les processus de présentation ou de communication.

On entend souvent dire que, finalement, « tout ça c’est du bon sens ». Oui et non. Souvent non. en relisant le texte de descartes sur le bon sens (voir encadré), on comprend que chaque protagoniste a son bon sens à lui. celui de l’élu n’est pas forcément celui des habitants, ni celui des promoteurs… d’où l’intérêt des démarches participatives qui prennent une place importante dans ce guide : réunir autour d’une table des personnes a priori très éloignées en termes d’attentes et d’objectifs est essentiel pour faire naître un « bon sens commun ».

et dans la ville durable/soutenable, le plus durable/pérenne après le béton, ce seront toujours les usages, les pratiques, les gestes de tous les jours, et les relations entre les gens !

Et vous, qu’êtes-vous prêts à fairepour que votre ville soit plus « durable » ?

Raphaele heliot

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« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont.

En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent : mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale

en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses.

Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. »

descartes, Discours de la méthode

Le bon sens

COMPRENDRE

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Origine et fondements de la ville durable

Ville et urbanisme durables :un mouvement international

Par Cyria Emelianoffcyria emelianoff, maître de conférences à l’université du maine, mène des recherches sur les politiques de développement durable des villes européennes et les mobilisations environnementales locales. elle a publié récemment avec ruth Stégassy : Les pionniers de la ville durable. Récits d’acteurs et portraits de villes en Europe, aux éditions autrement (2010).

L’appropriation du développement durable par les collectivités territoriales est un des résultats les plus tangibles de « l’après-rio ». Le terme de ville durable – sustainable city – désigne un horizon politique et un référentiel pour l’action publique. il monte en puissance au cours de la décennie 1990, sur fond de changement climatique, de pollutions globales et de forte croissance urbaine dans les pays en voie d’industrialisation. La quasi-totalité de la croissance démographique à venir, d’ici 2050, se réalisera dans les villes des pays en développement, à un rythme défiant bien souvent la maîtrise des processus d’urbanisation. Les enjeux de la ville durable diffèrent donc, selon les continents, de la réponse aux besoins de base, à la réduction des impacts écologiques liés à un haut niveau de vie, et, selon les quartiers, les villes étant marquées par des inégalités croissantes.

Une notion récente

L’apparition du terme de ville durable est contemporaine du rapport Brundtland. en 1986, un ouvrage de Sim Van der ryn et peter calthorpe, un des fondateurs du « new urbanism » nord-américain, explore ce que pourraient être des « communautés durables ». Le programme L’Homme et la Biosphère de l’unesco conduit ensuite des recherches sur le métabolisme urbain, soit l’ensemble des flux énergétiques et matériels qui traversent une ville. ces premières approches de la ville durable héritent de l’écosystémique urbaine née au milieu des années 1960, des mouvements pour la décentralisation et de la contre-culture américaine. écosystème et recherche d’autonomie se conjuguent pour dessiner un avenir urbain dont les acteurs locaux reprendraient les commandes : une revendication reformulée en 1994 par la charte d’aalborg.

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L’élaboration progressivede la problématique urbaine

L’écologie urbaine des années 1960-1970 n’est pas la seule racine de la ville durable. des travaux plus anciens, en particulier ceux de l’urbaniste patrick Geddes au début du XXe siècle, en partie poursuivis par Lewis mumford, avaient largement ouvert la voie à cette reconceptualisation de la ville. après la conférence de rio, la ville durable est définie comme une ville qui n’exporte pas ses coûts de développement sur d’autres populations, générations ou régions (d. mitlin et d. Satterthwaite, 1994). La durabilité locale nécessite donc la prise en compte d’enjeux globaux, climat en tête, qu’il s’agit d’apparier avec un développement territorial. La globalisation a rendu l’environnement terrestre et l’environnement urbain interdépendants.

un autre trait marquant de la problématique est la remise en question de la vision hygiéniste et fonctionnaliste héritée de l’urbanisme moderne, pour les villes occidentales bien sûr. en 1990, le Livre vert sur l’environnement urbain, publié par la commission européenne, formule un diagnostic sans concession : la structuration des villes par l’urbanisme moderne (fonctionnalisme, zonage, table rase) est à l’origine de dysfonctionnements qui obligent à reconsidérer les principes mêmes de l’urbanisme ; la faible qualité de l’environnement urbain, environnement quotidien des trois quarts des européens, est un point aveugle des politiques urbaines ; inversement, les politiques environnementales portent sur les espaces naturels et ruraux, peu habités, l’urbain est un délaissé. À sa suite, plusieurs publications européennes issues des corps professionnels de l’urbanisme et de l’architecture se détachent dans un mouvement crescendo des préceptes corbuséens1.

avec la terre comme horizon et cadre de vie, l’urbanisme se trouve confronté à des questions inédites. un tournant urbanistique s’opère, marqué non pas par quelques chefs de file, mais par une série d’opérations urbaines plutôt expérimentales : des quartiers durables se construisent, avec l’idée de donner corps aux principes de développement durable discutés à rio. mais les confrontations sont vives entre les anciens cadres d’analyse et de représentation et les nouveaux enjeux : bien-être et santé environnementale, sortie des énergies fossiles, biodiversité urbaine, redimensionnement des échelles de solidarité, nouvelles

1. Voir L’Europe et l’architecture demain. Livre Blanc. Propositions pour l’aménagement du cadre bâti en Europe, conseil des architectes d’europe, Bruxelles, 1995. Charte pour l’urbanisme des villes du XXIe siècle, 1998, Société des urbanistes européens. Try it this way. Le développement durable au niveau local, Guide du conseil européen des urbanistes, 2003.

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trajectoires de développement économique. Les politiques de développement urbain durable devront assumer des prises de risque importantes et se lancer en apprentissage…

L’horizon commun d’une planète fragilisée n’impose pas de voie ou de modèle d’action prédéfinis. Les politiques de développement urbain durable sont toujours relatives à des contextes historiques et géographiques ; elles intègrent des variables écologiques et culturelles qui les rendent bien plus sensibles aux lieux et aux milieux que ne l’a été l’urbanisme moderne. par ailleurs, la vision de la ville durable n’est pas monolithique, les enjeux, les pressions, les militances, les conflits d’acteurs entraînent une diversité d’acceptions, de positionnements, d’expériences et de pratiques. Le référentiel de la ville durable s’impose tout en gardant du « jeu ».

Cette problématique porte donc à la fois une pensée critique, qui souligne l’inadaptation des villes à des fonctionnements écologiques locaux et globaux, et une pensée pragmatique qui mise sur l’action, l’expérimentation et la confrontation d’expériences, plutôt que sur l’application d’un modèle théorique. Les remises en question concernent non seulement la modernité et le fonctionnalisme, mais aussi le pouvoir des experts, l’autorité des urbanistes ayant vocation à produire le « bon » savoir sur l’urbain. La ville durable réinscrit les pratiques urbanistiques dans la matérialité et l’historicité des milieux, à différentes échelles, en entérinant plutôt la « fin des certitudes » chère à Ilya Prigogine et Isabelle Stengers2.

La campagne européenne des villes durables

ces évolutions s’inscrivent dans un mouvement international, animé en partie par des acteurs environnementalistes3, qui ont trouvé l’appui des institutions internationales, en particulier de la commission européenne. en 1990, dans un contexte de préparation du Sommet de rio, le programme cités durables est initié par Habitat et le programme des nations unies pour l’environnement (pnue) pour les villes du Sud. icLei4, association internationale de collectivités locales fondée la même année, lance deux initiatives qui vont connaître un retentissement important : la « campagne des villes pour la protection du climat » et le « programme des communautés modèles pour la mise en œuvre d’agendas 21 locaux ». elle

2. ilya prigogine, prix nobel de chimie, a écrit notamment La fin des certitudes, 1996, odile jacob. isabelle Stengers, philosophe, a écrit notamment Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, 2008, La découverte. ils ont signé ensemble La nouvelle alliance. Métamorphose de la science, 1979, Gallimard, (réédition Folio-essais n° 26) et Entre le temps et l’éternité, 1988, Fayard (réédition Flammarion, « champs » n° 26).

3. certains de ces protagonistes sont interviewés dans l’ouvrage Les pionniers de la ville durable. Récits d’acteurs et portraits de villes en Europe,c. emelianoff etr. Stégassy, autrement, 2010.

4. initialement baptisée conseil international des initiatives environnementales locales, l’association a pris ensuite le nom de Gouvernements locaux pour la durabilité.

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sera rejointe par d’autres associations spécialisées, comme l’alliance climat et énergie-cités, et des réseaux de collectivités plus anciens qui investissent progressivement le champ de la durabilité.

au niveau européen, le Livre vert sur l’environnement urbain marque le point de départ d’une politique européenne incitative. une campagne des villes durables est lancée, qui s’ouvre lors de la conférence d’aalborg en 1994, pour encourager la mise en réseau et les échanges d’expériences. Les politiques urbaines relèvent de la responsabilité des États, la Commission européenne ne peut pas définir une approche réglementaire. Les villes sont alors mises à contribution pour donner corps à un développement urbain durable, d’une manière décentralisée. La campagne et les réseaux de villes qui la constituent fédèrent les initiatives, les accompagnent et les stimulent.

cette campagne, ponctuée par de grandes conférences rassemblant les villes membres, connaît un succès tout à fait inattendu. L’appel de la charte d’aalborg5, puis des engagements d’aalborg6 dix ans après, rencontrent un écho assez large. 2 500 collectivités rejoignent la campagne des villes durables. Son message : les villes ont simultanément le potentiel, la responsabilité et le pouvoir de résoudre un certain nombre de problèmes discutés à rio, en diminuant leur impact sur l’environnement global et en améliorant les conditions de vie en ville. cette nouvelle responsabilité doit s’appuyer sur un élargissement des pouvoirs urbains.La charte invite les acteurs urbains à se réapproprier pleinement l’espace politique local.

au sein de ce paysage européen, les collectivités françaises ont quelques spécificités. L’État joue un rôle d’impulsion important, à travers la législation et les programmes d’accompagnement mis en place pour les agendas 21 locaux, les plans climat ou les écoquartiers. La Loaddt et la Sru, au début des années 2000, ont élargi la prise de conscience à un nombre significatif de territoires. La loi Grenelle 1 a amplifié la mobilisation locale, en direction notamment des écoquartiers. L’essor des politiques de développement durable est aujourd’hui diffus, avec une articulation qui reste difficile entre les politiques des différents niveaux territoriaux. Autres défis majeurs : la capacité de travailler de manière transversale, et bien sûr la force du portage politique.

5. un texte élaboré durant la conférence d’Aalborg, ratifié en conseil municipal par les villes qui adhèrent à la campagne.

6. http://www.aalborgplus10.dk

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À l’origine des écoquartiers :Vauban à Fribourg

Par Elsa Gheziel-Neumannelsa Gheziel-neumann est consultante ; elle organise des visites guidées, anime des interventions et des conférences sur les thématiques des villes et quartiers durables, des énergies renou-velables, modes de vie et de la participation citoyenne. Ses publics sont des adultes en formation, des élus, des personnes engagées dans des initiatives citoyennes et des professionnels de la ville.

membre fondateur et responsable de l’association Les amis de l’ecoZac de rungis, elle a mené des dizaines de visiteurs à Fribourg et choisi d’y vivre depuis 3 ans, dans une maison à énergie positive : ainsi elle continue d’accueillir les groupes sur place.

elle publie régulièrement des articles dans Ecorev, La maison écologique, La baleine (les amis de la terre), L’âge de faire et réalise des traductions allemand-français, en parallèle avec la finalisation d’un mémoire de master 2 sur le financement de 3 écoquartiers allemands.

À la fin des années 1990, la ville de Fribourg souffre d’une grave crise du logement : plus de 6 000 habitations manquent pour loger les jeunes ménages, de nombreux étudiants parmi les 30 000 qu’accueille l’université et les revenus les plus bas. certains s’organisent déjà depuis les années 1980 pour récupérer et réaffecter des lieux voués à la destruction : anciennes fabriques en centre-ville transformées en projet mixte de logements locatifs et locaux associatifs et culturels, petits commerces et très petites entreprises, artistes et artisans. Les minorités agissantes autogèrent la rénovation de ces bouts de centres anciens et jettent les bases d’une économie que l’on peut qualifier de sociale et solidaire. La ville de Fribourg, pendant ce temps-là, mûrit la question de son extension urbaine face à la croissance de sa population d’environ 1 à 2 % par an : densifier la ville existante ou piocher dans la réserve foncière ? rieselfeld, zone humide naturelle ayant servi jusqu’en 1986 de champ d’infiltration des eaux usées, est choisi en 1991 pour accueillir un écoquartier. mais pour les citoyens influencés par la réussite de la lutte antinucléaire à l’origine de la légitimité verte de Fribourg-en-Brisgau, il faut aller plus loin que la construction sur un biotope rare d’un quartier basse émission (voir typologie p. 27) aux ambitions réduites : consultation citoyenne sans réelle participation, trop de place à la voiture, norme énergétique déjà dépassée, concept de zonage trop classique, etc. Le rêve de quartier durable présenté par la municipalité

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ressemble pour certains à un cauchemar : ils vont aller rêver plus près du centre-ville.

L’innovation sociale porteusedes innovations techniques

en août 1992, les casernes sont abandonnées par les militaires français du génie civil en stationnement depuis 1952. immédiatement des camions, des roulottes et des sans-logis viennent occuper le terrain de 41 ha. Le collectif SuSi7, sous l’impulsion de Boby Glatz, alors étudiant en architecture, veut racheter et rénover 12 casernes en logements locatifs sociaux pour les populations marginalisées par la cherté des loyers à Fribourg : parents isolés, étudiants, demandeurs d’asile, artistes. Le collectif indépendant pour un logement autogéré va rénover pendant 4 ans les quatre casernes qu’il a achetées à l’état, grâce au travail des futurs locataires formés par des artisans. pendant ce temps, les rêveurs pragmatiques ambitionnent réaliser un projet d’écologie urbaine réunissant sur un site pilote toutes les innovations testées depuis les années 1980, en particulier en matière d’énergie, d’architecture écologique et de mobilité. ils fondent un second collectif, le Forum Vauban, qui a pour but de développer une vision ambitieuse et citoyenne pour un quartier écologique.

Un travail complexe de coproductionet de rapports de forces

Fin décembre 1993, la Ville comprenant que l’urbanisation du projet risque de lui échapper, rachète les terrains au Bund. En 1994, le Forum Vauban devient officiellement une association, dont le but est de promouvoir et d’accompagner le déroulement d’une participation élargie qui commence dès l’amont du projet urbain. Grâce à des fonds européens, le Forum Vauban emploie à temps partiel jusqu’à quatre salariés, chargés d’animer des groupes de travail thématiques qui planchent sur des solutions concrètes issues à la fois de l’expertise d’usage et des résultats d’études ad-hoc commanditées à des prestataires externes. Sur la mobilité, par exemple, le groupe de travail – constitué par des personnes souhaitant habiter un quartier sans voiture – est force de proposition auprès de la ville : concept de stationnement mutualisé en périphérie des habitations, zone sans voiture avec parking virtuel (non

7. SuSi, Selbstorganisierte unhabhängige Siedlungsinitiative, collectif indépendant pour un logement autogéré, en français. http://www.susi-projekt.de

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matérialisé), redistribution de l’espace de l’allée centrale au bénéfice des piétons et cyclistes – avec bande réduite dédiée aux voitures sur un seul côté pour apaiser le trafic motorisé, desserte résidentielle systématique par des rues en U et à 5 km/h pour annuler le trafic de transit…

Le groupe de travail a identifié des cibles à atteindre (apaisement du trafic, création de zones résidentielles sans voitures) puis financé une étude faisant le point sur les bonnes pratiques européennes et leur faisabilité économique, afin de proposer une contre-expertise aux services de planification et voirie. En parallèle, le Forum Vauban organise sur l’ancien casernement des débats, des ateliers de formation sur des questions variées : comment devenir propriétaire aujourd’hui avec peu de capital initial ? Quelles sont les normes énergétiques qui permettent de vraiment économiser ? il joue un rôle d’interface entre futurs habitants et autorités planificatrices, et s’impose peu à peu comme le représentant du dialogue citoyen. Signe de la reconnaissance officielle, en 1996, il obtient un droit de vote (une voix) aux réunions de délibération du conseil municipal dédiées à l’urbanisation du site.

Le quartier Vauban, aujourd’hui visité par quelque 15 000 à 20 000 personnes par an, est donc loin d’une

Vauban, une coproduction multi-acteurs

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opération vitrine, mais le résultat d’une coproduction souvent conflictuelle entre le Forum Vauban et la ville de Fribourg.

ainsi la Ville lance un concours d’idées comme pour rieselfeld, qui sera point par point remis en cause par les contre-expertises du Forum Vauban. Le cahier des charges à son tour comporte une annexe, notamment sur les conditions d’attribution des parcelles, en cas de compétition entre deux acheteurs potentiels, les points seront comptés : 1 point pour les groupes d’autopromoteurs au détriment des promoteurs immobiliers ou des particuliers, 1 point s’il y a mixité sociale (ethnie, revenus) et/ou intergénérationnelle, 1 point en cas de mieux-disant énergétique… Selon r.Veith, responsable de l’équipe du projet Vauban (4 à 6 personnes issues des services de planification de la ville de Fribourg et de la société d’économie mixte chargée de la maîtrise d’œuvre), 10 % à 15 % des décisions restent conflictuelles, mais d’autres idées portées par le Forum ont globalement permis d’améliorer la qualité de vie, notamment le large cheminement piéton de l’allée centrale. certains anciens salariés du Forum Vauban (dissous fin 2004) regrettent que l’orientation majoritairement nord-sud des rues empêchent la conversion des bâtiments à la norme passive lors d’ultérieures rénovations – les façades sont donc orientées est-ouest.

comme tous les quartiers durables, Vauban a été construit en plusieurs tranches, dont les deux premières, qui ont aujourd’hui 10 à 12 ans, sont les plus représentatives de cet esprit de pionniers participatifs et écologique des débuts, dont la convivialité est inscrite dans l’espace urbain.

L’ancien terrain militaire, au sol pollué, coincé à la limite sud de Fribourg entre une voie ferrée et une départementale, habité par de nombreux « anarchistes » dans des roulottes, a été boudé par les promoteurs et les investisseurs.Les personnes désireuses d’expérimenter de nouvelles formes de logements collectifs, pour le côté social de l’aventure et/ou pour tester des solutions jusque-là confidentielles comme les maisons passives, ont vu là une formidable chance de devenir propriétaires d’un logement répondant à leurs aspirations. ces citoyens se sont donc constitués en Sci, et après avoir discuté, lors des réunions mensuelles, de l’esquisse détaillée de leurs logements, ont mandaté un architecte pour réaliser sur plan puis sur le

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terrain leur rêve, et ont joué le rôle du promoteur. cette forme de promotion est née à grande échelle dans le quartier Vauban et est maintenant répandue dans toute l’allemagne et soutenue activement par certaines municipalités (voir également Tübingen).

Les solutions techniques de l’écologie urbaine

Le cahier des charges est assez léger et s’articule autour des points centraux suivants :• compacité : Vauban est le quartier le plus dense de Fribourg (2 300 logements sur 37,5 ha) notamment parce que la revente des terrains équipés par la Ville doit entièrement financer le coût de la ZAC, mais également en raison de la planification intégrée des transports publics et de l’urbanisation car seule une zone densément peuplée assure des recettes suffisantes à l’extension et à l’exploitation non déficitaire de la ligne de tramway. Néanmoins, pas de COS, mais des gabarits sont fixés, tranche de construction par tranche de construction (à chacune correspond un plan d’aménagement de zone opposable) : hauteurs maximales et minimales, amplitude maximale entre différentes hauteurs pour une même parcelle, décrochage maximal autorisé sur les façades, largeur maximale sur rue en fonction de la surface au sol et du type de bâtiment (individuel, collectif)… rien sur les couleurs ou les matériaux ;• norme basse consommation (50 kWh/an.m2) avec raccordement obligatoire à la centrale locale de cogénération (20 % gaz et 80 % copeaux de bois) pour l’approvisionnement en chaleur, eau chaude sanitaire et chauffage. comme pour le tram et la densité urbaine, l’un est la condition de l’autre : construire une cogénération alimentée en biomasse n’est viable économiquement que pour des bâtiments performants énergétiquement. aucune obligation concernant l’énergie solaire ou les autres énergies renouvelables ;• réseaux séparatifs : gestion de l’eau pluviale au niveau de la parcelle associée à un coefficient maximal d’imperméabilisation et de constructibilité de celle-ci et à la végétalisation obligatoire des toits à pente inférieure à 10 %. au niveau du quartier, une trame bleue est constituée par deux grandes noues chargées de recueillir les eaux de ruissellement, par le ruisseau Saint-Georges, débordement naturel en cas de forte pluviométrie et par

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les cinq doigts verts que forment les espaces verts publics au relief de bassin d’orage et au sol perméable.

puisque 60 % environ des logements ne disposent pas d’un stationnement en pied d’immeuble, de l’espace en cœur d’îlot a été libéré. plutôt que d’avoir un parc central, autour duquel tous les logements auraient été plus recherchés et plus chers, les futurs riverains – en charge de les dessiner – ont décidé de répartir les espaces verts à la fois pour mieux desservir les besoins en sociabilité dans un quartier « pouponnière » (30 % de moins de 18 ans), et pour climatiser naturellement le quartier en été. ils sont donc orientés de manière à laisser le vent nocturne arrivant de la Forêt noire pénétrer l’espace urbain. ces cinq espaces publics gérés par la Ville participent ainsi de plusieurs fonctions en tandem avec les toitures végétalisées :• contraste végétal dans un contexte dense, générateur d’esthétique paysagère et donc de qualité urbaine ;• filtration de l’air et des particules ;• climatisation naturelle en été et lissage du pic d’écoulement des eaux de ruissellement ;• couloirs naturels de circulation de la biodiversité urbaine.

Autres exemples d’effets secondaires bénéfiques de solu-tions techniques d’écologie urbaine, les coursives exté-rieures correspondant à une enveloppe performante du bâti et la mixité fonctionnelle nécessaire au développement des mobilités douces. Les escaliers, les couloirs et les balcons sont suspendus au corps des bâtiments basse consommation et autoportés dans le cas des maisons passives. ainsi, plus besoin de chauffer et peu besoin d’illuminer. mais au quotidien, ce ne sont pas les économies de charges que l’on remarque le plus. Le plus frappant est que l’on prend le temps avec un voisin, parce que c’est agréable cette discussion dans un espace tampon, suspendu au-dessus de la ville, plutôt que dans un ascenseur ou un couloir à l’espace exigu et à la lumière blafarde.

Le long de l’allée Vauban, on trouve un marché de producteurs locaux tous les mercredis, mais aussi un supermarché, une banque, des médecins et services à la personne, une boutique coopérative bio ouverte à tous, plusieurs commerces de proximité. une petite zone d’activités de 6 ha voit fleurir les TPE et les artisans, et les offres culturelles depuis les arts martiaux en passant par

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les cours de tango et les concerts classiques. Les premiers bâtiments au monde, tertiaires, à être neutres en carbone conçus par l’architecte solaire rolf disch, forment une barre le long de la départementale qui sépare le quartier Vauban en deux, afin de protéger du bruit de l’avenue la cité solaire constituée de 59 maisons de ville à énergie positive (+36 kWh.an.m2). Les 3 600 m2 du Vaisseau solaire accueillent entre autres une banque éthique, un supermarché bio, une boulangerie…tous les besoins du quotidien, sauf la poste, sont accessibles à pied, à vélo ou même en butinant entre les 3 arrêts de tram desservant le quartier. ainsi la mixité fonctionnelle remplit son rôle de maintien du lien social : on a le temps de vivre, de s’engager au sein d’une des nombreuses associations du quartier, d’aller se promener dans la nature environnante, de se rendre visite entre voisins.

archétype inachevé de la ville apaisée, le quartier Vauban a été invité à l’expo universelle Shangaï 2010 … mais pas ses habitants.

Les mots de la « ville durable » :exploration et essai de typologie

Par Elsa Gheziel et Raphaele Heliot

depuis une ou deux décennies, on entend plus souvent parler d’« écoZac » que de Zac ; l’urbanisation s’est faite oublier au profit des « quartiers durables », des « écoquartiers », tout ça noyé de « ville durable » ou d’« urbanisme durable »… une nébuleuse sémantique qui s’associe à la mode du « vert » et se distingue mal du « développement durable », dont on ne sait plus vraiment ce qu’il veut dire à force d’être servi à toutes les phrases. on emploie un mot pour un autre, et parfois « écologique » se mêle de la partie.

Nous proposons ici une clarification (étayée par de nombreux ouvrages, articles et rapports) qui ne sera pas une définition au sens universel, reconnue par tous car pour l’instant cette définition n’est pas souhaitable : elle figerait des concepts non stabilisés et freinerait la nécessaire appropriation par le plus grand nombre.

pour communiquer autour des projets, le choix des mots n’est pas anodin ; il est toujours possible de les compléter

d’une explication rapide ; mais le sens de ces mots tient autant à ce qu’ils désignent qu’à celui qui les prononce, d’où l’intérêt de les cerner : c’est la vision globale des différentes acceptions sous-entendues qui permet de choisir les mots et de dialoguer mieux. au centre de ces subtilités, la distinction entre écoquartier et quartier durable.

Qui parle d’écoquartiers ?

pour les créatifs culturels et les citoyens engagés dans le champ de l’écologie militante en France (Greenpeace, le réseau action climat, les amis de la terre, les décroissants) le terme écoquartier est comme un lointain écho des écovillages, pionniers de la concrétisation de l’utopie écologique dans le cadre de vie quotidien. dans ce contexte, l’écoquartier est défini par opposition à une vision plus « opportuniste » et « moins verte » de l’écologie, qui sous-tendrait l’emploi du mot quartier durable. La (« fausse ») durabilité se serait récemment substituée à l’écologie (« la vraie ») et évoque un centrage sur le marché et l’économie, plutôt que sur l’humain et le politique ou sur la nature et les systèmes vivants.

Qui parle de quartiers durables ?

pour le monde de la recherche, la durabilité déborde la dimension environnementaliste de l’écologie pour englober les aspects sociaux et économiques et les rétroactions entre ces différentes dimensions. dans cette perspective, un quartier durable ne se contente pas – comme le ferait un écoquartier – d’objectifs écologiques tels que la réduction de l’empreinte écologique, ou des émissions de gaz à effet de serre. dans sa conception, il est « …caractérisé par le souci des générations présentes et futures, du local et du global »8 ; aussi intègre-t-il des objectifs sociaux, comme la diminution des inégalités écologiques et la gouvernance participative, et économiques tels que le développement d’une économie locale au sein du quartier.

Ce que l’on entend par écologie et durabilité

alors que, pour de nombreux acteurs politiques et économiques, dont les élus locaux et les professionnels du bâtiment, « l’écologie » reste vécue comme une contrainte, « la durabilité » est perçue comme outil de renouvellement du discours, voire de l’action politique, comme une

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8. Comment définir une ville durable ? cyria emelianoff.http://base.d-p-h.info/fr/dossiers/dossier-251.html#ancre3 consulté le 20/02/2008.

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opportunité de marché. dans ce cas, l’emploi des termes quartier durable ou quartier zéro émission, zéro carbone a la préférence car il permet de déconflictualiser, voire même dépolitiser l’écologie, précisément parce qu’il entend la durabilité au sens sous-exploité.

La traduction de cette « durabilité déconflictualisée » en quartier durable est une juxtaposition d’applications techniques, visant essentiellement à améliorer le bilan environnemental final, par exemple mesurable en bilan carbone ou en empreinte écologique. Les efforts portent sur le dépassement des contraintes réglementaires en matière de performance énergétique du bâti, de densité, de quantité et de répartition « des espaces verts » ou « naturels », ou encore sur la récupération et la valorisation des eaux de pluie et des déchets ménagers solides et liquides.

dans ce contexte, le vocable écoquartier est le plus souvent synonyme de « quartier d’écolos » adressé à une couche restreinte de la population – quantitativement considérée comme marginale, soit ne représentant qu’un segment de l’électorat ou du marché. marie-pierre digard, présidente de l’arene9, citée dans la revue Urbanisme10, résume très bien cette perception : « La dénomination “écoquartier” a le double désavantage d’évoquer une approche plutôt technique et de “faire écolo”, autrement dit gadget pour bobos. »

Inflation sémantique

dans les nombreux articles, émissions et reportages télévisuels évoqués, les différents vocables coexistent pour une même entité géographique. BedZed à Londres, Vauban à Fribourg-en-Brisgau et Bo01 à malmö sont les exemples les plus cités en tant que « quartier durable », « éco-village », « éco-quartier » ou « écoquartier », « quartier écologique », « quartier vert », « quartier basse émission », « quartier zéro carbone » et « quartier urbain écologique ». cette diversité et cette confusion sémantique valent autant pour les quartiers déjà existant que pour ceux en projet.

Le plus marquant est le manque d’informations précises sur les projets, en particulier en termes d’articulation entre différentes échelles territoriales et d’enjeux de long terme. Le plus souvent les grands enjeux sont décrits comme ceux de la ville durable mais ne sont pas contextualisés,

9. arene, agence régionale de l’environnement et des nouvelles énergies, créée en 1994 et pilotée par le conseil régional.

10. « Île-de-France. éco-région cherche quartiers durables », antoine Loubière, Urbanisme (Fra) n° 348, mai-juin 2006, p. 63-64. titre du numéro : « éco-quartier ».

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c’est-à-dire qu’ils concernent potentiellement l’ensemble de la planète, alors même que le quartier est le symbole de la proximité et de la « glocalisation » par excellence. Les enjeux légitimant ces quartiers sont donc, par effet sémantique – accumulation de vocables planétaires – assimilés au registre de l’utopie. au sens premier de ce qui n’a pas de lieu (non localisé), et au sens figuré de ce qui n’a pas lieu (ce qui ne se produit pas ou pas encore).

À l’autre bout de cette in-articulation se profile la tendance à décrire avec force détails les bâtiments. S’y prête un vocabulaire allant de la performance énergétique à la description de formes et de matériaux naturels ou écologiques. pas étonnant, donc, que le caractère durable ou écologique du quartier en tant qu’entité à l’articulation entre plusieurs niveaux de territoires, voire même d’urbanisme « durable » ne soit quasiment jamais spécifiquement défini.

De la parole aux actes

une telle récurrence de la faiblesse de l’articulation des échelles dans la définition du quartier pose inévitablement question : n’est-ce pas le reflet d’une absence d’urbanisme ?

L’urbanisme au sens d’anticipation, de déploiement d’une vision à l’échelle d’une entité territoriale plus vaste se retire au profit de multiples opérations d’aménagement, en particulier sous la pression foncière, renforcée par la spéculation immobilière. comme le note le puca11, on parle aujourd’hui « de quartiers d’activités, de quartiers d’affaires, de quartiers résidentiels, dans le cadre d’une spécialisation segmentée de la ville, une ville toujours plus fonctionnelle ». ce qui tendrait à réduire les notions d’écoquartiers et de quartiers durables à une nouvelle segmentation de l’espace, une nouvelle forme spécifique de la ville, à l’opposé d’une vision englobant les enjeux globaux dont le quartier durable serait la concrétisation locale.

Utopie quotidienne ou banalité durable ?

ce qui est en jeu dans les clivages de représentations sur les quartiers durables (évoqués plus haut), c’est la définition d’un cadre quotidien vivable, donc souhaitable, à même de produire les conditions de sa propre reproduction

11. puca, plan urbanisme construction architecte, section interministérielle créée en 1998 et chargée de piloter la recherche et l’innovation en architecture et urbanisme.

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dans le temps. Qui dit quotidien, dit vie de tous les jours, répétition, banalité du réel. L’ambivalence se situe à la croisée de l’évocation du quotidien – alors synonyme de quartier – et de celle de l’utopie matérialisée.

ce qui caractérise les créatifs culturels ou les minorités agissantes, institutionnels, architectes ou groupes de futurs habitants, est une « négation magique du réel »12.

on peut alors émettre l’hypothèse que l’argument du surcoût systématiquement invoqué comme raison majeure à l’impossible reproduction de ces utopies réalisées relève d’une logique de non-adhésion à ce moteur d’action qu’est la négation magique du réel, plus que de raisons purement économiques.

Essai de typologie européenne des quartiers durables

au regard de la littérature consacrée, on peut fonder une typologie des quartiers durables sur la diversité de la mise en pratique des approches théoriques de l’écologie et de la ville durable et sur la différenciation des « modes […] de construire des quartiers durables »13.

trois axes essentiels de discrimination s’en dégagent :• le contexte d’émergence et en particulier l’identifi-cation des initiateurs et des porteurs du projet (ce qui impacte fortement le type de financement/montage financier et coûts globaux) ;• le niveau et le type de durabilité : s’agit-il d’une durabilité forte, c’est-à-dire systémique, aux objectifs ambitieux ? Quelles sont ses orientations prépondérantes : l’économique, l’écologique ou le social ?• les types d’expertises mises en jeu et les modes collaboratifs caractérisant le processus de production du quartier lui-même (détermination des axes stratégiques et prise de décision, etc.).

L’intérêt de cette classification est de pouvoir observer quels prototypes vont se développer le plus, dans quel contexte et d’effectuer des différenciations assez fines pour observer les impacts sur les modes de financement, les coûts d’usages associés et, in fine, les modes de vie. certains quartiers peuvent appartenir simultanément à plusieurs catégories, et les classifications évoluent avec le

12. pierre Bourdieu, citation issue de la leçon inaugurale au collège de France, avril 1982.

13. Taoufik Souami, Construction durable et renouvellement urbain en Europe, Rapport final au cStB, université de paris 8, octobre 2006, p. 7.

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temps, puisque de nouvelles réalisations viennent enrichir et complexifier le spectre des possibles.

peut-être faut-il laisser tout simplement du temps à ces notions nouvelles, qui tiennent beaucoup du concept et de l’abstraction, pour qu’elles sortent peu à peu du flou, qu’elles ne soient plus associées à des modes passagères et s’inscrivent dans le paysage construit, dans des réalités palpables, vivables, visibles, dont chacun peut faire l’expérience ?

typologie synthétique des quartiers durables européens

Type 1 : Type 2 : Type 3 : Type 4 : Type 5 :Démonstration Basse émission Citoyen Clés en main Rénové

Acteurs initiateurs (contexte d'émergence)

Projet politique Fonctionnaires et techniciens « activistes »

Créatifs culturels et activistes

Architectes, promoteurs, associations visionnaires

Projet de revalorisation territoriale

Niveau et orientation de la durabilité

Ambitieux, écotechnologies

Moyen, équilibre entre social et écotechnologies

Variable, innovation sociale et culturelle forte

Ambitieux, industrialisation écotechnologies et institutionnalisation culture alternative

Moyen, accessibilité sociale ambitieuse

Modes collaboratifs Transversal entre experts Transversal sur les aspects techniques, et classique sur les aspects sociaux

Démocratie participative, expertise d'usage et parfois conflits avec les experts

Transversal entre experts, innovants sur le marketing et le financement

Dans un cadre classique, fait souvent appel à la créativité de l'expertise d'usage.

Kronsberg à Hanovre Rieselfeld à Fribourg Vauban à Fribourg BedZED au sud de Londres

Augustenborg à Malmö (Suède)

Bo01, le port de l'Ouest, Vastra Hamnen à Malmö (Suède)

Messestadt Riem à Munich Eva-L à Culemborg (Pays-Bas)

Cité solaire à Fribourg Solarsiedlung et Sonnenschiff

Südstadt à Tübingen

Bo02 Hammarby Sjöstad (Suède)

(îlots, 59 logements + 36000 m² tertiaire)

Vesterbro Copenhague (îlot)GWL Terrein Amsterdam

Quartiers illustrant le type

Nieuwland à Amersfoort (Pays-Bas) Eco-Viiki, banlieue d’Helsinki, (Finlande)

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Comment « faire » la ville ?

Par Raphaele Heliot

Qu’entend-on, ou plus exactement que voit-on quand on prononce le mot « ville » ? (en restant sur une vision européenne pour ne pas tout mélanger…) en réunissant des personnes et en leur posant cette question : « Qu’est-ce pour vous une ville, une belle ville, agréable à vivre ? » on reçoit les mêmes réponses : des rues bordées de bâtiments, des dégagements, des espaces verts, des boutiques. Ça c’est pour le décor, puis si on se met en mouvement, il y a la possibilité d’aller à pied vers les services quotidiens, ou l’accès facile aux moyens de transports pour les besoins plus épisodiques (rendre visite aux amis, aller au cinéma…).

je n’ai jamais entendu comme réponse « pour moi, le cadre de vie idéal c’est le pavillon, en périphérie, loin de tout, avec deux voitures dans le garage et des routes passantes ». et pourtant on entend si souvent dire que « la maison individuelle est le logement idéal des Français ».

Depuis des décennies, on justifie avec cette phrase les nappes pavillonnaires résidentielles des périphéries. comme si on avait posé la question. comme si on avait vraiment choisi.

avec parfois un maire de village à qui les bras en tombent : « je n’y peux rien, ça pousse tout seul ! ».

comme si c’était naturel que des maisons poussent dans ses champs !

alors se pose une autre question : que leur propose-t-on d’autre, aux Français ?

ils s’éloignent, oui, mais pas pour le plaisir de faire des trajets : d’une part parce qu’ils sont soumis à la dure loi du marché qui voit les prix décroître depuis le centre et, d’autre part, à cause de l’héritage des centres-villes anciens. La loi du marché car, depuis des siècles, le modèle des villes sacralise le centre, la centralisation, il est donc mieux desservi en tout : commerces, emplois, moyens de transport. de plus il a du caractère, il est patrimonial, touristique et valorisé en tant que tel, donc objet de convoitise des investisseurs.

La maison individuelle,rêve universel ?

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au revers de la médaille, l’héritage des centres anciens est souvent un bâti inadapté aux familles, très dense, qui peut devenir éprouvant au quotidien et complique les stationnements.

L’exemple du centre ancien de montpellier est typique : de somptueuses demeures ne sont plus habitées car elles sont difficiles à entretenir (souvent classées) donc dégradées, ce qui complique la rénovation, et desservies par des rues interdites aux véhicules, ce qui décourage les familles (on élude ici la question très française de la fossilisation du patrimoine… c’est un sujet à part entière).

car il y a bien sûr la sacro-sainte voiture. Vaut-il mieux prévoir tous les stationnements pour l’accueillir, malgré le bruit, la pollution, l’encombrement et le stress qu’elle représente ? ou piétonniser de force et contraindre les voitures, ou mieux, parler mobilité, organiser toutes sortes de déplacement, parmi lesquels une place moindre accordée à la voiture ?

Les nouveaux quartiers pourraient recréer, en l’améliorant pour l’adapter au mode de vie du XXie siècle, cette référence à la ville qui nous est commune : des rues bien dessinées, des façades variées, des couleurs, des dégagements, des espaces ouverts pour s’asseoir, discuter, se reposer, lire, se rencontrer, des bureaux qui s’animent le matin, des logements qui s’animent le soir, des boutiques ou des services, plus que des transports en commun, des solutions de mobilité…

tout ça paraît banal et évident, c’est encore du « bon sens » !

pourtant, les descriptions de certains écoquartiers à la française en sont loin. Les fiches des projets décrivent des lieux souvent mono-fonctionnels, les photos des architectures récurrentes (on a le choix entre les promoteurs néo-classiques ton pierre et les catalogues d’architectures exubérantes à la mode), et en plan-masse des copiés-collés de grands rectangles discontinus, répartis dans de grands îlots entourés de routes. ce raccourci est certes un peu caricatural, mais se veut une alerte à la vigilance : entre l’ambition politique et sa concrétisation, les élus ont entre leurs mains des enjeux considérables qui, s’ils sont totalement laissés aux « spécialistes », peuvent se retrouver

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dans des rouages de rentabilité purement financière, avec un peu de « peinture verte ».

Que le projet d’urbanisation soit un écoquartier ou pas, il s’agit toujours de concevoir des morceaux de ville, avec du bâti, des façades, des espaces publics et privés, etc. dont on voudrait qu’ils soient conçus pour permettre une performance environnementale, certes, mais aussi qu’ils soient le support de modes de vies plus « durables ». plutôt que lister les thématiques et les travailler une par une, nous avons souhaité brosser un tableau global et donner à comprendre les principes de la réflexion. Ainsi, plus la globalité de la démarche aura pu être envisagée, plus la cohérence des projets aura une chance de s’articuler et d’évoluer.

Les thèmes suivants sont donc à explorer dans la perspective permanente d’une mise en interactions qui se termine par la prise en compte des thématiques environnementales, prises comme une des composantes de la « ville durable ».

envisager les interactions est fondamental (qui a dit que c’est simple, le développement durable ?).

Des références à l’innovation : quelles formes urbaines pour la ville du XXIe siècle ?

Par Raphaele Heliot

La ville, un lieu de vie

La description d’un cadre de vie « idéal » aux références villageoises correspond pour certains à la ville « patrimoine », celle qu’on visite en tant que touriste, où l'on vient de temps en temps faire quelques courses. elle peut sembler passéiste.

même les personnes qui sont nées et ont grandi dans des grands ensembles de banlieue, et n’ont donc jamais vécu ce « village », le tiennent pour la référence de la vraie ville. Si on les interroge sur ce qui « fait ville », elles décrivent précisément le contraire de leur « cité », avec ses « bâtiments », soit par la forme et la taille des bâtiments, la présence de commerces et la forme des rues, les composantes d’une centralité. Loin de ce qui, dans les périphéries, fait

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office de rue du village : le centre commercial. Ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience ne se rendent pas compte à quel point c’est triste !

une longue expérience de balades urbaines et d’interventions, auprès de publics jeunes ou adultes, montre que la ville désirable, c’est celle dans laquelle on a envie de marcher, de rencontrer les autres, de lever les yeux pour découvrir, au-dessus des vitrines, le florilège de détails, de moulures, de matériaux et de couleurs, parfois des visages menaçants, ou des statues portant les balcons, qui font le plaisir de la promenade, changeant si vite d’une façade à l’autre, d’un immeuble à l’autre. des repères, des histoires, un rythme, un paysage composé et riche. des arcades pour s’abriter les jours de pluie, une place pour s’asseoir en attendant, des arbres pour se mettre à l’ombre…

Cette analyse du paysage urbain par le filtre de ses usages est complétée par celle que l’on peut faire à propos de la mobilité : à distance parcourue égale, il y a des trajets que l’on fait volontiers à pied et d’autres pas. Si le paysage est rythmé, agréable, occupe les yeux, ça n’est pas du tout la même sensation qu’un linéaire de pavillons, ou de « barre », ou un paysage industriel. au-delà de la distance, souvent évaluée à 300 mètres, qu’on parcourt facilement pour atteindre des services, il y a les lieux à parcourir dont l’agrément compte dans notre choix de mode de déplacement.

un autre test est toujours parlant : si on demande à quelqu’un de dessiner un immeuble de grand ensemble (une barre, une cité, un bâtiment), il le pose dans un vide urbain qui le rend d’autant plus proéminent. c’est cette image qui pose problème. Le principe de la « barre », qui focalise tous les repoussoirs architecturaux (et parfois même on y associe en bloc la profession d’architecte !), est-ce forcément ce grand parallélépipède posé au milieu de nulle part ?

en cherchant un peu, on aperçoit aussi, au sein des villes denses, des grands ensembles, mais justement il faut les chercher. ils sont « noyés dans la masse », ils n’apparaissent pas seuls dans l’horizon, et ça change tout de notre perception.

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ces bâtiments existent, ils comptent des milliers de logements : la question est comment refaire de la ville habitable avec ce patrimoine ? Si on choisit de les démolir, que veut dire la tendance récente, au nom de la densité, de programmer des tours de 12 ou 15 étages ?

une mauvaise langue dirait qu’il faut bien faire tourner la machine économique, et puisque « quand le bâtiment va, tout va », démolir et construire est juste dans l’ordre des choses !

mais on a changé d’ère. Les ressources ne sont plus inépuisables ; les pollutions et déchets s’accumulent. Faire du béton si on manque de sable, c’est compliqué : le marché des granulats recyclés est balbutiant en France, on accumule discrètement dans des coins des montagnes de déchets de démolitions, pudiquement recouvertes de terre végétale pour les camoufler en montagnes vertes… L’impact environnemental des démolitions est lourd, il faut les limiter aux cas extrêmes de non-rénovable.

L’exemple de meudon-la-Forêt (92), le quartier dessiné par Fernand pouillon en 1957, montre que ces bâtiments, puisqu’ils existent, ne sont pas forcément l’horreur à effacer. car si l’ensemble est bien dessiné et entretenu, ça n’est pas tant la hauteur et la largeur du bâtiment qui posent problème, mais ce qu’il se passe à ses pieds, et dedans.

meudon-la-Forêt, un quartier apprécié par ses habitants

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Le grand « bâtiment », seul posé au milieu de nulle part

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Les relations intérieur - extérieur

ce que l’on cherche pour vivre, ce n’est pas la maison individuelle en tant que boîte isolée sur sa parcelle, mais certains critères de cadre de vie. Quand on a (mal) vécu dans du collectif, on cherche : à ne pas partager la vie des voisins (acoustique déplorable), à ne pas payer leurs factures (compteurs collectifs de chauffage et d’eau), ou les frais d’huissier de ceux qui ne peuvent plus payer les charges… c’est de ce refus que les lotisseurs et constructeurs ont fait la promotion sous forme de maisons individuelles comme étant La solution.

La maison offre une dimension peu évoquée, parfois inconsciente : on cherche simplement à retrouver la proximité du sol, de la terre. car même si la vue est belle du 9e étage, pour y arriver on a franchi le hall, l’ascenseur, les couloirs, et, dans le meilleur des cas, tout ça fonctionne, est entretenu.

La sensation est plutôt d’être dans une sorte de boite horizontale superposée à d’autres et perchée près du ciel. très différente de celle qu’on trouve dans une maison, dont on peut sortir facilement, dans laquelle le dehors est proche, palpable, accessible.

dans cette exploration sensible, vécue, des formes bâties, on tourne autour de la question du rapport intérieur-extérieur, de la place du bâtiment, de son architecture et des fonctions urbaines qu’on va trouver autour, dans toutes les dimensions fonctionnelles et visuelles qu’il remplit. un élément prend alors toute sa place : le balcon ! au-delà de l’argument de vente des agents immobiliers, il s’agit d’un potentiel de vécu intérieur de se déporter dehors. Être à l’extérieur mais chez soi. changer d’air, entendre les oiseaux (si possible), voir les nuages, faire pousser trois fleurs, boire son café… toujours chez soi. Un petit bout d’espace privatif extérieur.

tout ça, la maison individuelle est censée l’offrir pleinement : individuelle, non mitoyenne, avec terrasse, et pièces principales ouvrant sur le jardin. une partie des critères. avec le prix bien sûr. mais il lui manque tout le reste.

Le balcon, extérieur si précieux pour ses boîtes empilées

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entre ces deux extrêmes systématiquement opposés de façon manichéenne et passionnée, d’autres typologies sont possibles : les maisons de ville, les petits immeubles (parfois appelés résidences), ou comme à Fribourg, des rangées de Baugruppen, maisons dessinées par le même architecte pour des clients associés…

nos modes de vie en familles dégroupées/regroupées, composées sur des temps partiels, avec du travail à domicile, et des finances de plus en plus limitées (les prix des logements ne baissent pas, eux), appellent à des flexibilités d’aménagement, des astuces dans la répartition des pièces qui permettent d’ajuster les espaces aux besoins temporaires. c’est la principale nouveauté. avec des attentes accrues en termes d’écologie (énergie, eau, déchets, nature). À part ces nouveautés, la question des formes urbaines change peu : elle se joue dans la présence d’espaces clairement définis privés ou publics, dans les marquages de ces statuts différents et par la finesse des transitions espace privé/espace public qui seront trouvées.

La « résidentialisation » des cités fait précisément ce travail : reposer la barre sur un sol délimité, pouvoir dire « ici c’est chez moi », et parfois, comme par exemple à Sevran ou aulnay-sous-Bois (93), les délaissés mi-parking - mi-pelouses qui deviennent des jardins potagers. avoir, dehors, un coin de terre à soi, y faire pousser des fleurs, des légumes, qui en plus des économies et du plaisir, apportent le très grand bonheur du contact avec la terre, avec les saisons, l’eau, le soleil et l’humilité, la patience et le goût du travail. tout un programme… Les jardins partagés, dans les grandes villes, proposent également cette ouverture aux habitants, lieux de partage et de détente.

on pourrait dire que les grands ensembles manquent d’espaces privés et extérieurs, et que les zones pavillonnaires manquent d’espaces publics : il y a lieu de prendre grand soin de cette question car elle prend part à l’appropriation positive des quartiers par les habitants.

Quels habitants ? Les grands ensembles sont devenus la caricature d’une ségrégation spatiale de par leurs implanta-tions d’une part, mais par la ségrégation sociale qui s’y est faite : c’est l’entassement des précarités qui pose problème dans ces « cités », en plus de l’entassement des personnes.

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Souvent, si on améliore l’acoustique entre les appartements, si on parvient à réduire les charges (couramment de 200 à 350 euros par mois en plus du loyer, de l’électricité, du téléphone…) et à relier ces quartiers au reste des villes (bus, tram, voitures partagées, pistes cyclables, cheminements piétons), sans oublier de résoudre la non-mixité de ces unités purement « sociales », l’architecture des bâtiments est moins un problème. ils sont bien là, ces logements, alors que les besoins sont criants. et qui plus est, ils sont souvent mieux distribués et éclairés que bien des « résidences » récentes.

Implantations, alignements : du sol à l’espace

Les choix de composition urbaine dans les écoquartiers vont également devoir trancher les questions d’alignements.

La ville traditionnelle s’est bâtie sur un parcellaire d’origine agricole, chaque bout de terrain étant accessible par la voie (chemin, rue, route). cette base continue de marquer profondément le paysage des villes, même si elle est parfois effacée par des regroupements (opération ponctuelle), des remembrements (opération à grande échelle). c’est donc à partir de ce découpage du sol que la ville se construit (le cadastre actuel date de 1802 : napoléon avait ordonné le relevé complet du pays avec l’inscription des noms des propriétaires pour pouvoir lever des impôts, après la révolution).

L’ensemble des parcelles entourées d’une voie s’appelle un îlot. Selon l’histoire des lieux, les îlots sont plus ou moins grands : usages industriels, agricoles, artisanaux… et les projets d’urbanisme interviennent sur cette base. en connaître l’histoire est important pour inscrire le projet dans le territoire : le parcellaire et le réseau viaire constituent une armature, des repères, contiennent des indications sur le sol, les végétaux, la présence d’eau, des usages ou des climats, qui sont précieux. L’approche environnementale de l’urbanisme (aeu) peut permettre de les mettre en évidence, en complément d’une étude de la structure du territoire : c’est là que l’urbaniste rencontre l’écologue, l’hydrologue, le géographe et l’historien.

Les rues des villes traditionnelles sont bordées de façades contiguës et continues. on parle d’épannelage pour projeter

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les volumes à construire dans la continuité des existants, à la fois pour leur alignement au sol et la régulation des hauteurs des façades, pour maintenir une ligne continue. on crée ainsi un front bâti sur rue, et un côté sur cour, qui aura l’avantage d’être clairement privée, préservée du bruit et permettant des usages différents.

une autre logique, récente, consiste à créer des îlots ouverts : les bâtiments s’organisent sur la parcelle pour laisser la cour ouverte sur la rue : le quartier masséna à paris est conçu sur ce principe. Les bâtiments sont des unités détachées les unes des autres, permettant des passages (au sol parfois, visuels surtout) et limitant les mitoyennetés. cela arrange aussi les opérateurs qui ainsi gèrent plus facilement leurs bâtiments. La critique que l’on peut faire de l’îlot ouvert, c’est qu’il déstructure totalement cette répartition privé-public, devant-derrière. Si c’est un bâtiment qui se le permet au milieu d’un tissu aligné, ça n’est pas la même chose que tout un quartier conçu en îlots ouverts, car le danger de l’îlot ouvert est sa caricature : un grand terrain avec des boites posées dessus. L’îlot est immense, peu recoupé de voies (carrossables ou pas), aucune continuité, des opérations de promoteurs juxtaposées. Le résultat sera finalement assez similaire à ce que l’on combat dans l’héritage des cités de l’après-guerre !

entre la ville dense, alignée, et l’îlot ouvert, il y a tous les territoires intermédiaires, moins structurés, notamment les périphéries, issues d’un collage disparate, dans lesquelles les fonctions sont très mélangées. Les routes nationales des entrées de villes, les faubourgs, certaines banlieues ont ces caractéristiques, pour lesquelles il faut inventer d’autres formes pour insérer des bâtiments ou des quartiers. on peut notamment éviter de construire des logements, y compris au rez-de-chaussée, le long des voies de transit. on peut peut-être constituer l’unité recherchée à partir d’une trame végétale : au lieu des fronts bâtis, on aurait des fronts végétaux, redonnant à ces voies les alignements d’arbres qui caractérisent bon nombre de routes dans le paysage depuis le XVie siècle, pour faire de l’ombre aux chevaux et être repérées de loin.

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ainsi la manière d’inscrire les bâtiments et les réseaux dans le territoire est à la base du projet urbain. Faut-il chercher à faire perdurer l’existant, le prendre pour référence ? Quelle marge d’invention a-t-on pour créer des bâtiments et des villes « contemporaines » au sens premier, pour qu’elles soient de leur temps ? La tendance à la préservation stricte des modèles du passé a conduit la France à une fossilisation simplificatrice des formes architecturales. L’interprétation des styles « régionaux » par les lotisseurs et les promoteurs, avec frontons, enduit ton pierre et fausses colonnes, ou le faux breton, ou le faux provençal, ont ruiné bien des paysages avec des copier-coller de non-architecture.

Les ouvrages de recherche et les travaux d’« art urbain » foisonnent d’analyses et de propositions pour bâtir et aménager autrement. Hauteurs, profondeurs, largeur des voies, il y a à la fois matière à s’inspirer dans des exemples réussis et à inventer encore d’autres combinaisons adaptées à notre temps, le XXie siècle.

dans cette perspective d’innovation, il reste important de se constituer un fond de culture sur ce qui a déjà été tenté, cette matière urbaine qu’on traverse dans nos villes et

correspondances de densités horizontales et verticales, par Vincent Fouchier

qui forme ce tissu complexe, empilement d’époques et de pratiques dans lequel on a des repères, et à partir duquel la ville durable va s’insérer, que ce soit un nouveau quartier ou de la rénovation. il n’y a pas tout à réinventer, il y a à retisser en finesse des interstices, à recoudre des ruptures, à réconcilier des rives…

Écoquartier ? Quartier durable ?

peuvent-ils réconcilier des antagonismes pareils, entre une densité nécessaire, l’accessibilité désirée, l’envie de balcon, le besoin de voisinage, la préservation de la sphère individuelle/familiale et toutes les autres fonctions urbaines indispensables au fonctionnement de cet organisme géant, pour l’intérêt collectif ?

L’espace public, outil d’aménagement urbain

Par Eugénie Cocteaux, Sylvain Lubiato et Emmanuel Buckiemmanuel Bucki est urbaniste, actuellement en voyage d’étude, auteur d’un blog « Le rêve d’un quartier durable ».http://quartierdurable.blogspot.com

Sylvain Lubiato est urbaniste, chargé d’opérations à l’agence tecknê-architectes-urbanistes à [email protected]

eugénie cocteaux est urbaniste, chargée d’étude en développement durable et qualité environnementale au bureau d’étude itF à Saint-alban Leysse (73)[email protected]

Qu’est-ce qu’un espace public ?

étymologiquement, l’espace public désignait un lieu accessible à tous les citoyens, où un public s’assemblait pour formuler une opinion publique et politique : il s’agissait de la sphère intermédiaire entre le privé et l’état. cette notion recouvrait donc une fonction politique et une fonction d’expression.

d’un point de vue juridique, l’espace public est un espace qui n’est pas privé.

dans le langage courant l’espace public est perçu comme l’espace commun alors même que celui-ci n’est pas juridiquement public (le parvis d’un immeuble par exemple).

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Nous retiendrons ici la définition juridique qui intéresse directement les élus, l’espace qui n’est pas privé, enrichi des notions d’expression publique et de lieu de partage.

dans ce cadre, l’espace public est d’abord une expérience visuelle, et sensorielle vécue par chacun, et à chaque moment, avec une sensibilité différente. L’espace public n’est pas un vide, ce n’est pas ce qui reste après que l’on a construit… L’espace public urbain est un espace voulu.

L’espace public se compose de plusieurs éléments : espaces verts, cheminements piétonniers, rivières, voiries, parkings… S’il est perçu comme un espace constitutif de la ville, un espace d’articulation, il permet d’organiser le développement de la commune et de renforcer son identité : il peut favoriser le développement des modes de déplacement dits « doux », il lie les différents quartiers entre eux, participe au lien social et prolonge le domaine privé...

La conception d’un nouveau quartier repose en grande partie sur la définition et la caractérisation des espaces publics et leurs liaisons avec les autres espaces publics. En effet, sa structure est définie par le non-bâti ainsi que par un aménagement cohérent et de qualité des espaces extérieurs – les places, les rues, les chemins, les jardins – en tant que vecteurs de la représentation et de l’identification de la collectivité, supports de la vie sociale, lieux d’échanges entre les différents modes de déplacement et, enfin, éléments ordonnateurs du tissu urbain.

Les fonctions de l’espace public :un outil de vie de la ville

La qualité d’un espace public est liée aux fonctions que l’on souhaite lui donner. L’idéal est qu’un même espace public cumule plusieurs usages pour augmenter « son efficacité sociale et écologique » et par conséquent légitime son existence.

Le traitement des espaces publics et leur cohérence d’ensemble sont une part importante de l’action publique dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet d’aménagement d’une commune. L’espace public joue un rôle clé dans l’organisation harmonieuse d’un nouveau quartier et permet également la mise en relation avec la structure existante de la vie communale.

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ainsi, plusieurs problématiques d’aménagement trouvent réponse à travers la création et l’aménagement d’espaces publics dans une commune.

par exemple les relations humaines.La pratique de l’espace public se traduit en valeurs d’usage : c’est l’usage qui légitime l’utilité publique, et, par définition, l’espace public appartient à tous. L’espace public est par essence un espace d’appropriation individuelle et collective, révélateur du fait social : espace de circulation, de croisements et de rencontres, espace de visibilité mutuelle, il rend visible la vie urbaine.

L’espace public, qui représente d’abord un espace physique (un lieu de rassemblement ou de passage, à l’usage de tous, l’espace de vie collectif de ses riverains), est un lieu qui n’appartient à personne mais à la collectivité : un lieu anonyme, collectif, commun, partagé et mutuel.

en cela, l’espace public joue un rôle clé dans les relations sociales d’un quartier, c’est cet espace qui va permettre les rencontres, les observations, les jeux… bref, la vie du quartier.

L’espace public représente ainsi dans les sociétés humaines, en particulier urbaines, l’ensemble des espaces de passage, de rencontres et de rassemblement ouverts et anonymes, qui sont à l’usage de tous. Simultanément, c’est un champ de libertés, liberté de circulation, liberté de manifestation, d’action, de parole et d’expression.

Les liaisons et mobilités

L’espace public se compose de voiries, de places, en jouant un rôle essentiel en termes de liaisons entre les espaces de vie (habitations, équipements, activités) ; il contribue à l’intensité urbaine d’un quartier. cependant, cette fonction doit être travaillée avec soin, car selon les choix effectués, l’espace public, en termes de liaison automobile, peut également être à l’origine de nuisances sonores, d’insécurité et d’individualités.

Un traitement spécifique de l’espace public, l’institution de zones de rencontres14 peut favoriser les modes de déplacements alternatifs (piétons, cyclistes et transports en commun) tout en limitant la place de la voiture, l’espace

14. Benoit Hiron, « La zone de rencontre, nouveau concept du décret du 30 juillet 2008 », certu, 2008.

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public constituant alors dans ce cas des espaces pacifiés. La moindre présence de la voiture dans un quartier dé-caractérise l’impression de qualité de l’espace public. La réduction de la taille de la voirie, le traitement des places de parking publiques et privées, le sens de circulation des déplacements..., permettent de limiter la pollution sonore et l’insécurité des piétons et donc d’améliorer la qualité de vie des habitants du quartier.

Les espaces naturels et la biodiversité

L’espace public valorise les espaces naturels de la commune (une haie existante, un ruisseau, un bois…). il existe différentes façons de donner à ces espaces naturels, souvent liés à l’histoire de la commune, une utilité publique. ils peuvent constituer les limites naturelles de l’urbanisation de la commune (ceinture verte), être mis en valeur en devenant un espace vert public ou une zone de loisirs de proximité... c’est également en faisant des espaces végétalisés ou hydrologiques des espaces publics, que les trames verte et bleu pourront être conservées où créées sur une commune.

Les espaces publics et la densité

L’espace public limite l’effet de densité dans une zone d’habitat. L’aménagement des espaces publics, de même que l’organisation du bâti, interfèrent sur l’impression de densité perçue dans un quartier. L’identification de trames majeures offrant des perspectives visuelles, la localisation des logements intermédiaires et collectifs en façade d’un espace vert public ou le long d’un axe de voirie, des espaces publics de qualité (traitement végétalisé, dimensionnement des axes de circulation…) sont autant de paramètres qui peuvent diminuer la perception de densité d’une opération (voir article sur les densités pages 43 à 51).

La gestion des eaux pluvialeset le rafraîchissement urbain

L’espace public participe à la gestion de l’environnement dans un projet d’aménagement urbain. par nature, un projet d’aménagement contribue à l’imperméabilisation des sols, qui, elle-même, contribue à augmenter le ruissellement urbain, à diminuer l’alimentation de la nappe phréatique (source d’eau potable), à diminuer les espaces

rue de lotissement caricaturale, les maisons le nez sur les voitures, plus de trottoir, les piétons au milieu sur le bitume : le niveau zéro de l’espace public…

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rue semi-piétonne : les sols, le mobilier, les arbres et les proportions bâties invitent le piéton et les véhicules à partager l’espace.

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végétalisés porteurs de biodiversité et de rafraîchissement urbain. jusqu’alors ces questions étaient peut abordées dans les projets urbains, choisissant systématiquement la minéralisation et le « tout tuyau » comme synonymes de propreté et de modernité. aujourd’hui, ces thématiques sont de plus en plus abordées à l’échelle de la parcelle ou de l’îlot et doivent systématiquement guider la réflexion. par exemple, pour la création d’un espace public, le choix de matériaux perméables, la création de noues végétalisées (il s’agit de fossés peu profonds, par exemple 2 mètres de largeur sur 0,4 mètre de profondeur) permettront de diminuer l’imperméabilisation du site, de réaliser une rétention des eaux, d’alléger le réseau communal – voire de ne pas le solliciter, de réalimenter la nappe et de diminuer les températures ambiantes en période estivale (voir article sur les îlots de chaleur p.95). pour que l’espace public soit porteur de ces bienfaits, il est nécessaire que ces questions soient prises en compte dans les choix des matériaux, de végétation, de sa fonction.

La culture

comme on l’a dit précédemment, en tant que lieu d’expres-sion et de partage, l’espace public est une composante de la culture de la ville. il peut s’agir d’une culture encadrée, par le biais d’expositions, de manifestations (politiques, musiques, fêtes traditionnelles…). mieux l’espace public peut être utilisé comme un lieu de sensibilisation à certaines thématiques, un outil pédagogique pour les enseignants (la faune et la flore aux bords de rivières, la gestion des eaux pluviales en ville, l’accès aux personnes à mobilité réduite…). Enfin, l’espace public peut aussi être un lieu d’expression culturelle non encadré, créatif ou dérivant.

Il ne suffit pas de créer une place (quand bien même serait-elle piétonne et limiterait l‘imperméabilisation) pour créer un espace public. Un manque de réflexion, un mauvais positionnement, un mauvais aménagement crée desespaces, certes publics, mais non appropriés. ils ne peuvent donc remplir les fonctions énoncées précédemment. plusieurs dérives doivent être combattues, « des espaces dits publics sous surveillance privée, des espaces de relégation pris en otage par des populations exclues (zone de non-droit »15 ou des espaces publics consacrés à l’hégémonie automobile.

15. philippe robert, L’insécurité en France, paris, La découverte, 2002.

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en tenant compte de cette mise en garde, l’espace public est un formidable outil d’aménagement de la ville, par les diverses fonctions qu’il recouvre, par les divers leviers qu’il constitue. c’est un outil d’expression public qui, soumis à concertation, peut constituer un projet de ville. exemplaire, il peut composer une réelle image de qualité pour une commune, de même il peut constituer l’attrait d’une opération d’aménagement pour des constructeurs. L’espace public, trop souvent perçu comme une charge négative pour la commune, est avant tout un outil de gestion, de communication, d’attirance d’une commune.

un exemple : l’aménagement des quais des berges du rhône à Lyon. dans les années 1980, les quais des berges du rhône situés au centre de Lyon avaient pour unique fonction le stationnement automobile.

Fin 1990 et année 2000 nait une volonté politique de faire de cet espace public quasi « abandonné », un espace de vie, un espace constitutif du quartier et de la ville. aujourd’hui, cet espace public a été restitué à l’usage public. en interdisant l’accès automobile, en mettant en place un aménagement distinguant la zone cyclable et la zone piétonne, en intégrant les activités économiques et culturelles des péniches, en créant des espaces végétalisés et arborés et en créant des espaces de vie (aires de jeux pour les enfants, de pétanque, de repos, de pique-niques, de volley…), les quais des berges du rhône sont devenus un espace de vie très apprécié et fréquenté.

Comment envisager les densités ?

Par Eugénie Cocteaux, Sylvain Lubiato et Emmanuel Bucki

aujourd’hui, les discours des acteurs de l’aménagement tendent à promouvoir un retour à la « ville compacte », reconstruite sur elle-même. La densité fait débat en termes de rentabilité urbaine, de qualité de vie, de forme de ville. dans la conscience collective, l’idée même de densité n’a pas très bonne presse, souvent associée à des images négatives de promiscuité, de concentration, de surpeuplement ou de verticalité. comment, alors, appréhender cette question qui, avec l’étalement urbain, est au cœur des réflexions sur le devenir de la ville ?

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Berges de Lyon

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Quelques notions / indicateurs de la densité

• La densité est le rapport entre un élément quantifiable – habitant, emploi, mètre carré de plancher, par exemple – et la surface d’un espace de référence. elle peut être faible ou forte et plus ou moins bien perçue selon qu’un équilibre « subtil » s’établit entre ces différents indicateurs : la concentration de population, l’intensité de l’activité, la densité du bâti, la proportion d’espaces verts publics, etc. en se complétant, ces indicateurs permettent une appréhension plus globale du concept de densité.

• Le coefficient d’occupation du sol (coS) est l’outil réglementaire par excellence. c’est lui qui permet de définir un « droit à bâtir » sur une parcelle. Autrement dit, il représente les possibilités de construire sur une parcelle. il est la densité rendue possible par le règlement d’urbanisme. cependant, ce n’est pas un outil de maîtrise de la forme urbaine. celle-ci est modulée selon d’autres règles : la hauteur, le rapport du bâtiment avec la rue, ou avec les autres bâtiments, etc.

• La densité bâtie est le nombre de m² bâtis à l’hectare. contrairement au coS, le calcul de la densité bâtie se rapporte au réel et non plus au possible. elle correspond à ce qui existe sur le terrain. En cela, elle reflète la perception que l’on peut avoir d’une densité. pour plus de pertinence, il est opportun de ne pas la considérer à la seule parcelle, mais à l’îlot afin d’inclure les éventuels espaces publics et l’ensemble des éléments bâtis présents sur le site.

• La densité de population est le nombre d’habitants à l’hectare. Suivant le type de représentation utilisé et l’échelle choisie, la densité de population permet de donner des analyses plus ou moins approfondies. La densité de population à la commune est utilisée pour comparer des villes de tailles différentes. on calcule aussi le nombre d’habitants à l’hectare afin de déterminer la concentration de population sur un secteur donné.

• La densité résidentielle est le nombre de logements à l’hectare. La densité résidentielle permet de donner une mesure de l’occupation du sol par le logement. on peut la classer selon des seuils de densité. Faible, moyen ou fort, les seuils peuvent être différents selon le type d’habitat. La densité résidentielle peut aussi permettre de définir des seuils pour les besoins en équipements (équipements scolaires en particulier).

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• La densité d’emplois est le nombre d’emplois à l’hectare. La densité d’emplois permet d’identifier les espaces concentrant le plus d’emplois. Lorsque le calcul est rapporté au type d’activité présente, la densité d’emplois permet, à un niveau infracommunal, de mesurer l’intensité d’un secteur d’activité en particulier.

La densité la plus utilisée est la densité résidentielle ;on s’attardera donc sur celle-ci dans cet article.

Afin de bien comprendre les divers intérêts que recouvre la densité et pourquoi cette notion occupe de nombreux débats, il s’avère nécessaire de faire un retour dans le temps.

De la densité à l’étalement urbain à la densité :retour sur histoire

pour des raisons de sécurité, d’unité entre espace de vie et espace de travail, d’apports de chaleur… les espaces de vie historiques se sont composés autour de deux fondamentaux : densité et mixité. il n’est pas rare de voir des centres bourgs affichant une densité de 60 logements à l’hectare. L’ère industrielle, en sectorisant les espaces de vie dans les milieux ruraux (fonction travail et fonction habitation distinguée par classe sociale), a changé les structures et les types de densité.

dans les espaces urbains, l’insalubrité, le manque de lumière et de nature fait renaître peu à peu un désir de sortir de la ville ; on voit alors émerger de nouveaux modèles d’urbanisation : les cités jardins16, l’aménagement selon des doctrines hygiénistes… Sans pour autant anéantir la notion de densité, c’est la nature, la lumière du jour et l’air que l’on fait entrer dans la ville. S’ensuivent deux guerres, puis une période de croissance économique, de croissance démographique, de migrations urbaines… autant de phénomènes auxquels le nombre de logements existants ne suffit plus (dans les années 1950, on estime à 15 millions le nombre de logements nécessaires). il faut construire et vite ! Voient alors le jour d’importantes politiques de construction : des villes nouvelles, des quartiers nouveaux entiers sont bâtis aidés et encouragés par l’état.

dans un souci d’urgence, d’économie, de technicité et de proximité sortent alors de terre, sans réflexion d’ensemble,

16. ebenezer Howard, Garden Cities of To-Morrow (Cités-jardins de demain), Book for business, new York, 2001.

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des habitations qualifiées aujourd’hui négativement de « tours ou de barres ». ces habitations pensées pour l’homme en termes de confort (sanitaires, cuisines, lumière du jour, équipements publics…) furent initialement bien accueillies, mais elles révélèrent à terme une conception non intégratrice de l’homme en tant qu’être social et que groupe. « L’intention était louable mais le résultat fut si pitoyable »17 : ghettoïsation, violences, ségrégation, misère… ces espaces ont généré de nombreux conflits dont la France subit encore les conséquences.

ces grands ensembles ont connu indéniablement un échec, dont la cause a majoritairement été attribuée à la forme. aussi, lorsque le terme densité urbaine est employé, naît dans l’inconscient une image de « barres et de tours ». La densité est associée à la « cité » (dans le sens le plus négatif de ce terme).

pourtant, dans les grands ensembles, il n’est pas rare de voir des densités inférieures à celles de centres de bourg ruraux. par exemple, à Villefranche-sur-Saône, le quartier Belleroche connaît une densité d’environ 60 logements à l’hectare, alors qu’on trouve dans des centres villageois des densités de 80 logements à l’hectare.

d’autres ont une densité très forte, tel le grand ensemble du Haut-du-Lièvre à nancy : 230 logements à l’hectare ; pourtant elle n’équivaut en rien aux densités que l’on trouve dans les quartiers bourgeois de centres urbains, comme le passage alexandre à paris : densité de 760 logements à l’hectare. ces chiffres montrent que l’équation « densité = cité » est inexacte.

Si ces zones d’habitat rencontrent des problèmes, ceux-ci sont dus avant tout à des problématiques sociales, économiques, de structuration de l’espace public, de paysage et de ghettoïsation…

Qu’importe cette réalité, dans la tête du citoyen les images sont ancrées, les a priori sont présents… s’ensuit un rejet massif des grands ensembles. ce stigmate, le prix croissant du foncier, l’opportunité financière pour les promoteurs, la médiatisation autour de l’image sociale du pavillonnaire, l’accès populaire au « dieu voiture »18, la politique de l’état cherchant dorénavant à se désengager du secteur locatif (mise en place de crédits incitatifs pour l’acquisition de

17. denis clerc et Hervé Vouillot, « L’urbanisation contre l’urbanisme », (dossier La ville autrement), Alternatives Économiques hors-série, juin 2009.18. david mangin, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, éditions de la Villette, 2004.

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maisons individuelles)… autant d’éléments qui conduisent au développement croissant du pavillon individuel (la densité rencontrée y est souvent de 10 à 20 logements par hectare).

L’habitat pavillonnaire règne dans une majorité de communes françaises. pourtant ce modèle de développement rencontre aujourd’hui ses limites. L’étalement urbain généré (la population a augmenté de 25 % alors que les espaces urbanisés ont augmenté de 75 % en 25 ans) est un processus qui pèse lourd :

• en termes environnementaux (imperméabilisation accrue des sols, émission de co²…) ;

• en termes d’espaces (consommation des espaces agricoles, naturels), en termes sociaux (perte du lien social, cités dortoirs, naissance de lotissements privatifs et gentrifiés) ;

• en termes économiques pour les collectivités territoriales (plus la densité est faible plus le coût d’investissement et d’exploitation des réseaux est élevé) et pour les ménages (avec l’augmentation du prix des énergies, comment vont faire les ménages qui vivent à 40 km de leur lieu d’activité dans un pavillon individuel en zone dortoir pour se chauffer, aller travailler, aller faire leur courses ? Quel lien social entretiendront-ils pour eux, leurs enfants ?).

il ne s’agit pas ici, de montrer du doigt la maison individuelle ni même de chercher un quelconque responsable mais de démontrer que le « rêve pavillonnaire » résulte le plus souvent d’un choix contraint19 qui montre de plus en plus ses limites.

Le terme de densité renvoit souvent à des images, aux formes urbaines alors qu’il s’agit avant tout d’une question sociale.

aujourd’hui, revenir vers plus de densité est nécessaire non seulement car l’étalement urbain conduit à des problématiques difficilement solubles mais aussi car la densité connaît des atouts forts. 19. dGuHc/mad,

Étalement urbain et péri-urbanisation, Clés de compréhension et pistes pour l’action, partie 3. Ce que veulent les Français, 2007.

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Les atouts de la densité

L’ensemble des densités participe d’une concentration des activités humaines. Quatre atouts principaux caractérisent les densités évoquées ci-dessus.

La préservation des espaces naturels et agricoles

au rythme actuel de consommation des terres, la France est susceptible de ne plus pouvoir assurer son autonomie alimentaire à l’horizon 2050. La préservation des terres agricoles est donc un enjeu majeur pour les générations futures. Les espaces naturels, puits de biodiversité, sont indispensables pour le maintien des équilibres écologiques de nos territoires. maintenir la dimension de ces espaces implique de choisir la densité comme solution pour absorber le besoin de nouvelles constructions. en effet, trois phénomènes provoquent un besoin de nouveaux logements : la croissance démographique, plus importante en France que dans les autres pays européens, l’immigration, nécessaire au dynamisme économique, et la dilatation des ménages, nous sommes passés de 2,88 personnes par ménage en moyenne en France en 1975 à 2,31 en 2005, principalement en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des familles monoparentales.

relation entre forme d'habitat, densité et territoire consommé

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L’amélioration des mobilités

Le déplacement le plus court est celui qui n’est pas effectué. autrement dit, la proximité est la clef du gain de temps engendré par l’économie de déplacement. Les densités, en rapprochant les individus les uns des autres et de leurs activités (sociales et économiques), permettent d’organiser une mobilité optimisée.• Les mobilités douces : en permettant la densité, on permet également la proximité ; celle-ci et un aménagement des espaces adéquat permettront de favoriser les modes de déplacement doux.• Les mobilités liées aux transports en commun : les flux de circulation liés aux déplacements des citoyens permettent de cibler les meilleurs espaces à urbaniser. en articulant les transports en communs et les zones denses, les collectivités donnent/créent l’opportunité aux usagers de la ville de se déplacer librement et rapidement. Les gares, les lignes de tram et les arrêts de bus, entre autres, créent la trame urbaine mieux que la plupart des urbanistes.

Économies d’énergie

Les collectivités, les entreprises de la construction et les usagers sont les trois acteurs principaux qui participent à la création de la ville. tous les trois sont soumis à des contraintes financières fortes. La densité, parce qu’elle relève d’une gestion optimisée de la ressource en terrain, des réseaux (voirie, eaux usées et pluviales…), des équipements, est un levier très important pour équilibrer financièrement une opération d’aménagement.

À l’échelle de l’usager, outre le fait qu’une bonne densité permet d’attirer des acquéreurs à un prix contrôlé, la densité permet en diminuant les nécessités de déplacement ou en permettant une desserte efficace en transport en commun, de diminuer la dépendance énergétique et la soumission économique à la voiture.

Enfin, la densité permet une éventuelle mutualisation des équipements de production d’énergie (exemple : réseau de chaleur), une diminution de l’énergie grise résultant d’un projet (mutualisation des dispositifs de construction) et une optimisation thermique des bâtiments (la densité permet d’envisager une bonne compacité des bâtiments qui limite leurs déperditions).

La compacité du volume économise les surfaces de terrain autant que les surfaces à isoler, à surface intérieure égale.

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Les corolaires / conditions sine qua non de la mise en place d’une bonne densité

La densité malgré tous ses atouts ne se suffit pas à elle-même pour créer un cadre de vie harmonieux. comme cela a été expliqué précédemment, le mode de développement urbain qui prédomine actuellement est l’habitat pavillonnaire, revenir à un peu plus de densité nécessite un changement de mentalité des habitants, des élus mais également de ceux qui vont créer le projet : on ne peut réaliser un quartier de vie dense comme on fait un lotissement pavillonnaire.

Les impératifs prioritaires

trois impératifs prioritaires doivent accompagner la densité pour finalement pouvoir parler d’intensité urbaine.

L’accompagnement de la population

Le modèle pavillonnaire est entré dans la culture collective, travailler sur la densité nécessite donc de travailler sur la conscience collective : conscience des enjeux, conscience du coût… il est primordial de raconter, d’expliquer les atouts mais également de montrer des exemples visuels de projets récents denses. La densité apporte son lot d’alternatives, elle ne doit pas être imposée mais intégrée. pour cette raison, il est nécessaire pour la création de tout projet de solliciter et d’être à l’écoute de la population, d’en faire un acteur actif des projets.

L’intégration d’une mixité fonctionnelle

Quel peut être l’intérêt de la densité si l’on continue sur la lancée actuelle de planification par la sectorisation : zone d’habitation, zone d’équipements publics (écoles, mairie, crèche, bibliothèque), zone de bureaux, zone d’activités commerciales ? Si l’on permet une mixité fonctionnelle dans les quartiers et dans les bâtiments (activités artisanales en rez-de-chaussée et logements au-dessus), on permet alors de donner du confort en termes de déplacement, de temps et de relations sociales.

L’intégration de la mixité humaine

Selon jacques donzelot20, on retrouve en France une certaine corrélation entre lieu de vie et condition sociale :

20. jacques donzelot, « La ville à trois vitesses : gentrification, relégation, périurbanisation », revue Esprit, 2004.

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• les centres urbains connaissent un processus de gentrification ;• les villages périurbains sont habités par les classes moyennes qui redoutent la proximité avec les exclus des cités mais se sentent « oubliés » par l’élite des gagnants ;• l’entre deux : la relégation des classes les plus défavorisées dans les cités d’habitat social, zone le plus souvent en déshérence, où l’on retrouve les activités relayées sur les extérieurs de ville, les grands axes routiers, les stations d’épuration… ceux qui y habitent sont le plus souvent bloqués.

C’est la non-mixité qui a, en partie, causé la perte des grands ensembles. Les écoquartiers ne doivent pas reproduire ce schéma, la mixité humaine est un invariable pour la réussite de projet.

Finalement, la densité à la conception, la densité perçue et la densité vécue sont trois notions qui, rattachées au même chiffre, peuvent être fondamentalement différentes. L’espace public va contribuer à diminuer la perception, le vécu d’une certaine densité, il peut même contribuer à l’acceptation d’une densité. À ce titre, ces espaces ne doivent pas être appréhendés comme de simples « vides » qui contribueraient à une sensation d’isolement. au contraire, ils doivent être intégrés à la conception et être utilisés comme une grille d’agencement d’un projet d’aménagement.

Les écoquartiers peuvent-ils être les supports de mobilités plus durables ?

Par Jean-Pierre Orfeuiljean-pierre orfeuil est professeur à l’institut d’urbanisme de paris, Université Paris-Est Créteil, et président du Conseil scientifique et d’orientation de l’institut pour la ville en [email protected] publications récentes : Une approche laïque de la mobilité, descartes et cie, 2008 ; Mobilités urbaines : l’âge des possibles, Les carnets de l’info, 2008.

on entend généralement par écoquartier une opération de construction neuve d’une certaine ampleur, avec des bâtiments ayant des caractéristiques techniques de qualité environnementale (énergie, eau, déchets, exposition, etc.) supérieures à ce qu’exigent les réglementations et les

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pratiques en cours et, dans certains cas, une recherche de qualité des espaces publics. Le traitement des questions de mobilité est souvent le parent pauvre de la réflexion, alors que la réduction de la dépendance à l’automobile est souvent présentée comme une ligne de force du « développement durable ». c’est assez logique puisque la mobilité tend à faire sortir du quartier, et que les promoteurs de ce type d’opérations ne maîtrisent pas ce qui est en dehors de ce périmètre. cela pose en fait un problème plus général. cette conception techniciste de l’écoquartier se veut inscrite dans une logique prospective de durabilité, mais continue à prendre pour acquis les grands partages individuel/collectif, sans faire de place à la société de l’accès et du partage à laquelle aspire une partie de la population et que de nombreux moyens techniques permettent aujourd’hui de faciliter.

en l’absence de connaissance d’études empiriques sur la question, nous tentons ici d’examiner ce point à partir de nos connaissances de la mobilité générale et des comportements de déplacements, en tentant de lier les caractéristiques propres de l’opération à celles de son environnement, sans échapper tout à fait à la logique de la « check list ».

La localisation de l’écoquartier dans l’agglomération

La plupart de nos agglomérations sont encore marquées, malgré un début de déconcentration de l’emploi, par des situations de déséquilibre habitat/emploi marquées. Lorsqu’on dessine un cercle de 5 ou 10 km selon la taille des agglomérations autour des principaux pôles d’emploi, on observe généralement un déficit de capacité de logement à l’intérieur de ces cercles, ce qui rend l’étalement urbain et l’éloignement de l’emploi incontournables, quelles que soient par ailleurs les autres raisons (prix, qualité de l’environnement, marquage social, etc.) de choix résidentiel. Une localisation interne aux zones déficitaires participe donc à un rééquilibrage de la ville et à des mobilités plus raisonnées, aussi bien en distances qu’en moyens de transport personnels utilisables : dès lors qu’ils font plus de 10 à 12 km, les déplacements réguliers exigent des moyens de déplacement « standard » (transport public ou voiture), alors qu’en dessous, différents types de deux-roues (à pédale ou électriques) peuvent trouver leur place. À l’inverse, un écoquartier qui serait situé « loin de tout »

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pour équilibrer par des charges foncières moindres les surcoûts consentis pour l’amélioration environnementale du bâti sera décevant.

On peut affiner ce propos global et travailler sur le choix des occupants. Les procédures habituelles font appel au marché global pour l’accession et aux procédures standard d’attribution pour le logement social. un ciblage des futurs occupants par des efforts de marketing auprès des entreprises de la zone peut aider à mieux faire aboutir des demandes locales.

L’écoquartier dans son environnement immédiat

La ville ne saurait être un ensemble de pièces de puzzle posées les unes à côté des autres, l’écoquartier doit pouvoir se « fondre » dans son environnement, être pénétrable et pénétré par les voisins. Le diagnostic portant sur les équipements publics et privés à réaliser doit donc être élaboré non seulement à partir des besoins d’équipements de sa population future, mais aussi de ceux des populations du voisinage, dans un esprit de recherche de mixité fonctionnelle forte, support d’une « ville des courtes distances » donnant aux habitants l’opportunité de réaliser la plupart de leurs activités (hors travail) à proximité.

L’écoquartier au service d’une mobilité plus durable

La réflexion qui suit n’est pas spécifique aux écoquartiers, mais à toute opération neuve de quelque ampleur, avec deux questions centrales :• ces opérations peuvent-elles être l’occasion de sortir des schémas de pensée classiques, avec par exemple des places de stationnement pré-affectées en sous-sol pour le stationnement des voitures de l’immeuble ou un garage privatif intégré à la maison ?

• est-on en mesure, à partir d’une opération d’une certaine envergure, de créer des « externalités positives » suffisantes pour faire évoluer les conditions de la mobilité, c’est-à-dire le contexte dans lequel les occupants feront leurs choix de déplacements ?

Les pistes que nous listons ci-dessous ne sont que des hypothèses, qui n’ont d’autres vocation qu’à être mises au débat. Seule leur réalisation partielle permettra d’en apprécier la réalisme.

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partons de deux idées simples. nos comportements de mobilité et d’usage intensif de la voiture sont pour une partie importante des comportements rationnels (c’est le meilleur mode au regard de ce que nous avons à faire) et pour partie le résultat d’habitudes, de « réflexes », de choix « les yeux fermés ». on sait par exemple qu’en dehors de paris, lorsqu’un actif a une voiture disponible dans son parking d’immeuble et une place de stationnement sur son lieu d’emploi, il ne sait la plupart du temps pas s’il existe une ligne de bus qui assure la liaison. ainsi, inciter à une mobilité réfléchie peut être un axe porteur pour un écoquartier.

Les opérations d’une certaine ampleur peuvent être l’occasion de concevoir, en même temps que l’opération, un certain nombre de services qu’il est très difficile de proposer dans la ville existante, car cette offre impliquerait la coordination d’un trop grand nombre d’acteurs et des procédures trop longues. Si l’écoquartier est le lieu de création d’externalités positives (une proportion plus importante de personnes adoptant des comportements plus marginaux dans la « ville classique »), alors ces services pourront atteindre une certaine viabilité.

Passer d’une mobilité « réflexe » à une mobilité « réfléchie » suppose de notre point de vue une certaine « mise à distance » de la fonction d’habitation et de la fonction « garage des voitures ». dans les situations urbaines classiques, nous sommes à une minute de notre voiture, à 5-6 minutes du premier arrêt de bus et nous ne savons pas toujours comment entreposer un vélo.

un écoquartier doit tendre à fournir une solution de proximité pour vélo à pédales, vélo électrique, scooter électrique et éloigner le stationnement des voitures. cela nous paraît un point clé, assez peu contournable si l’on souhaite que les services qu’on évoque dans la suite aient quelque chance de trouver leur légitimité.

cette démarche permet aussi un autre dimensionnement des voies (dont les principales doivent toutefois être accessibles aux pompiers) et un autre usage de l’espace public. L’espace dont on économise ainsi le besoin peut être, selon les contextes, un élément de baisse des coûts ou de création d’espaces naturels ouverts à tous (jardins) ou privatifs (terrasses, etc.). on peut espérer, mais ce serait à

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« 40 % des dépenses d’énergie liées aux transports viennent de déplacements de proximité, et ces 40 % représentent au final 2/3 des émissions nationales de GES », denis clerc.

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démontrer, que cette qualité environnementale locale soit aussi un facteur tempérant la mobilité à longue distance. on sait en tout cas qu’à revenu et structure démographique comparables, les habitants des centres villes, vivant le plus souvent en immeuble, détiennent plus de résidences secondaires et font plus de voyages d’agrément que les résidents de l’habitat individuel périurbain.

La gamme des services auxquels on peut penser lors de l’ouverture d’un quartier nouveau est étendue. on n’en citera que quelques-uns ici.• L’existence d’infrastructures de recharge pour batteries de véhicule électrique, et d’une infrastructure de recharge « intelligente » optimisant les coûts et les flux si la taille prévisionnelle des parcs le permet, ou si le quartier est doté de moyens propres de production électrique. en cas de succès, on peut espérer l’implantation à proximité de services de maintenance de véhicules électriques qui faciliteront la vie des consommateurs.• L’existence d’une conciergerie ou de moyens techniques assurant ces fonctions, de manière que les livraisons soient commodes, n’exigent pas de procédure complexe de rendez-vous et puissent éventuellement être groupées.• un contrat collectif avec un loueur, ou une concession automobile, permettant la mise à disposition simplifiée de véhicules adaptés à des besoins occasionnels. ce point est d’une importance particulière si l’on souhaite dispenser les familles de la détention d’une voiture familiale, qui ne sert avec l’ensemble de ses fonctionnalités que quelques dizaines de jours par an, et si l’on souhaite susciter la confiance envers des véhicules innovants par des essais, comme pour le vélo électrique ou le scooter électrique.• un intranet dédié au covoiturage ou au prêt de voiture entre voisins.

de plus, un regroupement localisé de personnes ouvertes aux alternatives à la voiture peut aussi constituer une incitation à une meilleure qualité de desserte de la part du réseau de transport public.

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Faire participer les habitants dans la ville : enjeux et écueils

Par Amélie Flamand et Héloïse NezSociologue et urbaniste, amélie Flamand est actuellement post-doctorante dans le cadre d’un projet anr Villes durables au sein de l’umr cnrS Laboratoire architecture ville urbanisme et environnement (Lavue). Ses travaux portent sur les politiques publiques, la production et les pratiques de l’habitat, sur les rapports résidentiels en lien avec la question des classes moyennes d’une part, et de l’enjeu environnemental d’autre part, et enfin sur la participation des habitants dans les dispositifs de démocratie participative. [email protected]

publication en lien avec le sujet : marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer (dir.), amélie Flamand, Héloïse nez (collab.), La démocratie participative inachevée : genèse, adaptations et diffusion, paris, éditions Yves michel-adels, mars 2010.

Héloïse nez est doctorante en sociologie à l’université paris Viii et à l’université autonome de Barcelone, membre du centre de recherches sociologiques et politiques de paris (cresppa) et du Laboratoire architecture ville urbanisme et environnement (Lavue). Sa thèse porte sur les savoirs citoyens dans l’urbanisme participatif. elle a récemment coordonné l’ouvrage La démocratie participative inachevée (avec marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer et amélie Flamand, adels/Yves michel, 2010).

on observe trop souvent des dispositifs « participatifs » qui font intervenir les habitants dans une logique d’affichage alors que les décisions sont prises, en amont ou en parallèle, entre élus et professionnels. promouvoir la démocratie participative dans le cadre de la production et de la gestion

Source : Baromètre européens des transports emta, 2004.

Rapport entre le nombre de voitureset la part de transports public (%)

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de la ville, c’est poser la question du partage du pouvoir : où positionne-t-on le curseur dans l’accès des citoyens à la décision ?

Pourquoi faire participer les habitants ?

Les questions urbaines et environnementales se prêtent particulièrement à la mise en débat car elles concernent des choix non seulement techniques mais aussi politiques, sociaux et culturels. L’enjeu de la durabilité pose de manière urgente la nécessité d’une implication citoyenne dans la fabrication de la ville de demain. mais cette mobilisation des habitants dans le débat public doit se faire dans la clarté, les porteurs du dispositif participatif explicitant la place donnée aux habitants dans le processus de décision. Quel est l’objectif visé ? S’agit-il d’une simple information sur un projet, d’une consultation visant à recueillir leur avis, d’une concertation dans un cadre de travail commun ou d’une réelle codécision ? tout dépend de la volonté politique et du sens qu’on souhaite donner aux dispositifs participatifs, qui ne peuvent exister que pour eux-mêmes.

À qui s’adressent les dispositifs participatifs ?

Le principal écueil des dispositifs mis en place en France est la reproduction du phénomène du « cens caché ». autrement dit, le risque est grand de ne voir s’exprimer, dans l’espace public participatif, que les citoyens les plus dotés en capitaux culturels, scolaires et économiques, en somme les classes moyennes intellectuelles, excluant une fois de plus les classes populaires, les jeunes et les étrangers. pour contrer ce phénomène, plusieurs paramètres et outils sont à mobiliser. ce qui peut stimuler, fondamentalement, la participation de ces populations trop souvent hors jeu, c’est qu’il y ait un véritable enjeu à la participation et un impact sur leur qualité de vie. L’application de principes de discrimination positive dans les dispositifs participatifs, comme c’est le cas au Brésil et en espagne, permet de faire le lien entre les questions d’égalité politique et de justice sociale. il s’agit aussi de mettre en place des outils facilitant une participation du plus grand nombre. une attention particulière est à porter au mode de recrutement des participants. Le tirage au sort permet de constituer un échantillon de citoyens plus hétérogène socialement que le classique appel au volontariat, qui fait la part belle aux groupes sociaux déjà familiarisés avec la chose politique.

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il est aussi nécessaire de développer les conditions matérielles de la participation pour faciliter l’implication de ceux pour qui le coût d’entrée et d’investissement est le plus fort. ce qui peut passer, par exemple, par l’adaptation des horaires et des lieux de réunion, l’indemnisation des participants ou encore la garde d’enfants. L’animation du dispositif participatif joue également dans la balance. La présence d’un tiers médiateur neutre permet d’organiser les débats et d’arbitrer entre les habitants, les élus et les experts, afin de donner la parole à tous de façon équitable.

Soulignons, pour finir, le rôle de l’information et de la formation dans les dispositifs participatifs portant sur des problématiques techniques et complexes comme celles de l’urbain et de la durabilité. L’objectif est, en effet, que chacun soit à égalité dans les débats, que les habitants ne soient pas disqualifiés en tant que profanes. La diversification des formes de rencontres et d’échanges (ballades urbaines, réunions en pied d’immeuble, etc.) et l’adaptation des supports et des outils utilisés par les professionnels (maquettes, plans en trois dimensions, etc.) peuvent permettre aux habitants de s’approprier un projet et de dialoguer sans complexe avec les experts.

Comment et sur quoi porte la participation ?

une fois les objectifs fixés et les participants mobilisés, l’enjeu est de définir le dispositif participatif adapté à son projet politique. il n’y a pas une « bonne forme » de participation valable dans tous les cas, mais une diversité de dispositifs (budgets participatifs, ateliers publics d’urbanisme, jurys citoyens, etc.) qui peuvent être mis en place en fonction de la problématique et des buts définis. Il est donc essentiel de savoir ce qu’on met en débat et à quel moment du projet urbain on organise ce débat. alors que la participation se développe souvent en aval du projet, les phases du diagnostic et de la définition des grands objectifs constituent des moments clés. il faudra, par exemple, associer les habitants à la définition du cahier des charges dans le cadre d’un grand projet urbain, et pas seulement leur demander de départager deux ou trois propositions de projets déjà finalisées. Mais les usagers peuvent également prendre part à la gestion du projet une fois réalisé, dans le cas notamment des écoquartiers qui nécessitent une implication des habitants au quotidien.

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Quelle place pour les enfants dans la ville ?

Par Thierry Paquotthierry paquot, urbaniste et philosophe, dirige la revue Urbanisme. il est professeur à l’institut urbanisme de paris et enseigne à paris Xii. il est également producteur de « côté ville » sur France culture, il a écrit et collaboré à de nombreux ouvrages. Ses dernières publications : L’espace public, La découverte, 2009 ; L’Urbanisme c’est notre affaire !, L’atalante, 2010.ce texte est issu d’un article publié dans la revue Diversité Ville-École-Intégration du Sceren-crdp, dirigée par marie raynal.

pliez les genoux, accroupissez-vous, avancez sur le trottoir, puis tentez de traverser la rue. Vous voyez la voiture foncer sur vous, elle est terrifiante et là, à la taille d’un enfant, vous mesurez enfin la violence ordinaire qu’elle provoque. redressez-vous et observez quelques instants le trottoir. Le mobilier urbain, disposé en dépit du bon sens, constitue une remarquable course d’obstacles : la poubelle, la cabine téléphonique, le banc public, les panneaux d’indication, le lampadaire, les bittes en béton, les piquets en acier, les parapets, les déjections canines, les rollers, les cyclistes, les coursiers en mobylette, qui eux aussi empruntent le trottoir car la rue est confisquée par les automobiles, dont d’ignobles et polluants 4x4…

Interdit de rue ?

impossible de tracer à la craie, sur l’asphalte, une marelle, d’y positionner « le ciel » et « l’enfer », et à cloche-pied de sauter d’une case à une autre, en poussant un caillou ou une boîte de cachou. ou alors, il s’agit d’une rue faubourienne, d’un axe oublié des passants et boudé par les automobilistes ! ou bien encore, d’une rue piétonne, qui tolère les enfants, mais se trouve si fréquentée que la balle heurte des pieds ennemis, que la corde à sauter gêne des piétons affairés, bref, l’enfant, même en bas de son immeuble, est interdit de séjour. c’est pour cela que les grands ont inventé une prison dorée qu’ils ont nommée « jardin d’enfants » ou « parcs de jeux ». dans le square du quartier, un endroit est précisément délimité par un grillage et réservé aux enfants de moins de douze ans. Là, à proximité d’un bac à sable, sont plantés dans le sol des agrès et autres portiques, des balançoires et autres toboggans et tape-cul, généralement en bois et aux couleurs primaires voyantes ! (…)

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panneau d’autorisationde jouer

La rue remplit un rôle social inestimable et mêle les pratiques en combinant les générations. chacun s’y surveille et fait de la rue l’emplacement le plus sûr de la ville. plus une rue est fréquentée, plus la vitesse des automobiles s’en trouve réduite et plus la sécurité « spontanée » se renforce. c’est un lieu : de sociabilité (les parents s’y croisent et échangent divers propos), de chalandise (les commerces y sont actifs, ouverts tard), d’interaction entre générations et entre les sexes et surtout de formation (on y glane toujours une information – la rumeur –, on imite une attitude, on découvre de la nouveauté). La rue est, à la fois, l’heureuse annexe du logement (on peut même sortir une chaise et s’y installer) et l’antichambre de l’école.

en ville, le chemin est rarement buissonnier. certes, il y a le sport d’équipe, le conservatoire de musique, le centre aéré du mercredi, la glandouille avec les copains, autant de ruptures d’avec l’école, mais le corps qui se transforme – c’est le temps de la croissance – ne se détend que modérément. où s’ébattre ? courir jusqu’à l’épuisement ? crier ? Se dépasser ? pour rien. pour jouer. Le jeu, qui participe tant à la construction de soi, réclame de l’espace, des cachettes, des jardins et des remises, des arbres et des cabanes, des caves et des greniers… La maison archétypale de l’enfance, qu’elle soit ou non urbaine, est avant tout ouverte à l’imprévu, à la surprise. on y improvise des jeux. on y bricole à partir de ce qu’on y déniche. Heureux celles et ceux, qui ont grandi à son ombre !

L’architecte, l’urbaniste et l’enfant

Les professionnels du bâtiment et des aménagements urbains sont parfois des parents et se préoccupent alors de satisfaire leurs besoins d’évasion, de promenade et d’isolement. mais avant eux, des pédagogues ont compris à quel point la vie urbaine transformait le regard des enfants et qu’il fallait ouvrir l’école à la ville. patrick Geddes (1854-1932), par exemple, intégrait à l’école les promenades en ville et dans les faubourgs, le jardinage et l’enquête de voisinage. découvrir le monde en commençant par observer la vie à côté de chez soi n’est pas une mauvaise idée. (…)

on pourrait, tout au long du XXe siècle, établir un tableau des tentatives d’articuler acquisition des connaissances et découverte de son environnement21. mais là encore,

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21. cf. « pédagogies », par thierry paquot, « À l’école de la ville », dossier de la revue Urbanisme, n° 327, novembre/décembre 2002, p.41 et s.

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Lorsque les voitures ne sont plus prioritaires, l'espace urbain peut en toute sécurité être investi par les enfants(ici une rue de Vauban).

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pas d’angélisme ! ces classes sont peu nombreuses et n’existent que grâce à la passion des enseignants qui osent braver l’habituel conformisme de leur hiérarchie et la crainte des parents… pourtant, en faisant travailler les enfants sur leur quartier et leur maison, ces enseignants apportent une réelle contribution à l’analyse critique du bâti. Les dessins, les descriptions, les rédactions, les maquettes, bref, tout le « matériel » pédagogique, réunis à cette occasion, révèlent les points positifs et négatifs de l’urbanisme et de l’architecture. Les enfants, souvent avec perspicacité, désignent ce qui « cloche » ou ce qui « colle » dans la ville. c’est aux divers professionnels d’en tenir compte, éventuellement, pour améliorer le confort urbain. (…)

au cours des années 1955-1965, aux états-unis et principalement en europe du nord se multiplient les « équipements socioculturels » destinés aux enfants, ainsi que les « terrains d’aventure », les « maisons de l’enfance », les « plaines de jeux », les « centres aérés »… des municipalités françaises adoptent et adaptent certaines de ces formules, tout en améliorant les colonies de vacances (nouvelles activités, mobilier à la taille des enfants, etc.). L’architecture de certaines écoles primaires préconise de larges ouvertures vitrées, des couleurs gaies, des parcours sinueux, des cours arborées, des tables de ping-pong, des cabanes, etc. L’enfant n’est donc plus totalement un étranger en ville, même si les dangers qu’il encourt, demeurent vivaces. (…)

Une curieuse alchimie

Le cadre de vie ne jouerait-il pas un si grand rôle ? il semble que la « pathologie » spécifique aux enfants dans la ville ne provient pas de l’architecture et du stress de la vie urbaine, mais de tout un faisceau de raisons. La situation familiale est déterminante. des parents absents toute la journée, irrités le soir, relativement indifférents à leurs enfants, tous scotchés devant la télé, etc., ne favorisent guère une harmonie dans les échanges ! L’enfant ignore ce que les parents font durant leur travail et réciproquement les parents questionnent peu leur enfant sur ses activités. Le temps partagé est un élément indispensable des relations familiales.

Le système scolaire porte sa part de responsabilité dans le mal-être relatif de l’enfant en ville. il se pose comme un

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tout étanche à la vie sociale et urbaine, alors qu’il devrait démultiplier les interactions. (…)

L’urbanisme ne se préoccupe que des « actifs ». La ville est conçue pour ceux qui travaillent et se portent bien. or, avec le chômage des uns, les réductions du temps de travail des autres, le vieillissement de la population et la scolarisation, les « inactifs » sont dorénavant majoritaires en ville, dans une ville qui ne les ménage pas. il devient impératif d’adapter les services publics aux handicapés, comme aux vieilles personnes et de soigner la ville afin que les enfants s’y sentent désirés. La question de l’accueillance est ainsi d’une brûlante actualité. Les pouvoirs publics se débarrasseront-ils des conditions d’hospitalité de la ville en privatisant les services et les territoires ? (…)

Lewis mumford et clarence Stein ont pensé la ville nouvelle de radburn, dans le new jersey, inaugurée en 1928, comme un ensemble urbain mêlé à la campagne, en accord avec la nature, avec des chemins piétons et des voies cyclables qui relient les maisons, les écoles, les équipements privés et publics, sans jamais croiser une route. dans le film The City (1939), on voit des enfants se baigner dans la rivière, canoter, se poursuivre, se reposer en lisant, faire des courses, se détendre en se promenant à bicyclette. Certes c’est un film de propagande urbanophobe, mais quand même, on se dit que ces enfants sont chanceux. Le savent-ils ? Le bonheur ne se décrète pas, il résulte d’une curieuse alchimie, qui puise ses ingrédients aussi bien dans la vieille ville cabossée, dépenaillée, lépreuse, que dans la cité-jardin impeccablement taillée ou la « résidence privée » au crépi ocre qui rappelle les vacances et le mas provençal… c’est la ville natale qui prime, celle de votre enfance, celle que vous évoquez avec émotion et nostalgie, celle de vos découvertes et de vos rencontres, de vos peurs et de vos rêves. existe-t-elle ?

Bâti performant versus matériaux écologiques ?

Par Raphaele Heliot

Qui dit écoquartier entend aussi bâti performant en énergie : cette question de l’amélioration des performances énergétiques du bâti est depuis 15 ans un moteur de renouveau puissant.

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dans le vieux centre de Fribourg, les enfants sont bienvenus.

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Quelques bureaux d’études sont devenus les pilotes de la réflexion française : Olivier Sidler, Thierry Salomon, au sein du réseau negawatt, ou Bruno peuportier, enseignant à l’école des mines, sont parvenus à refondre puis modéliser les calculs, et à force de pédagogie, à rendre compréhensibles les principes du bâtiment à haute performance thermique. ils sont devenus d’incontournables partenaires. pour les architectes au stade de la conception, mais aussi des élus au stade des cahiers des charges.

L’ouvrage devenu la « bible oliva » (comme on l’appelle souvent) a été écrit par un maitre d’œuvre, jean-pierre oliva : son livre paru en 2001, L’isolation écologique22, a enfin constitué une référence qui manquait depuis les dix ans de recherche et de questionnement antérieurs.

Ce questionnement était, de loin en loin, issu des réflexions des années 1980-1985 sur le solaire (post-crise pétrolière), questionnements alimentés par la publication en 1997 d’une autre « bible », Habitat Qualité Santé du docteur Suzanne déoux23 : enfin des textes détaillant les enjeux de santé dans le bâtiment !

et pour une approche architecturale, l’incontournable Architecture écologique de dominique Gauzin-muller (éditions Le moniteur) révélait en 2002 la multitude de projets engagés dans une approche environnementale, en europe et dans le monde, à l’échelle des bâtiments et des quartiers.

de même, depuis la création de l’association HQe en 1994, et cette avancée des enjeux thermiques, les ingénieurs et leurs compétences en calculs, référentiels, mesures et autres normes ont fait bouger le milieu du bâtiment. Face à la remise en cause de l’efficacité de l’enveloppe des constructions, il faut mesurer, quantifier. Les architectes tentent de suivre, certains se forment, d’autres continuent de penser que cette fameuse « écologie » est une contrainte de plus dans le tableau déjà bien complexe de la création architecturale.

c’est une particularité du paysage professionnel français que cette prédilection pour les chiffres, normes et labels. Ainsi les fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) font office de « notice de composition » des matériaux ou produits, déclarations volontaires à la charge

22. L’Isolation écologique, terre vivante, 2001, réédité en 2007.

23. Habitat Qualité Santé, Suzanne et pierre déoux, éd. medieco (286 pages en 1997, puis 536 pages en 2004).

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des fabricants et visant à situer les produits au regard des cibles HQe. ces documents sont utiles mais complexes, coûteux pour les fabricants, inspirés des analyses de cycle de vie et peu lisibles pour un public non averti.

Sans doute fallait-il les éditer pour s’apercevoir que tout ne passe pas par les calculs ? a-t-on besoin d’un tel document pour vérifier si un matériau est écologique ? Oui et non. oui pour les produits complexes, transformés, adjuvantés, non pour les produits agricoles, peu transformés, pourrait-on dire pour simplifier.

ainsi la FdeS d’un revêtement de sol en pVc, qui le situe très bien dans la cible « acoustique », n’insiste pas trop sur les émanations des dégagements toxiques – mortels – en cas d’incendie, et des dioxines émises lors de l’incinération, filière la plus fréquente pour l’élimination de ce genre de déchet…

et la FdeS d’une brique monomur révèle à juste titre l’impact de sa cuisson dans son bilan énergétique, mais présente ses compétences précieuses en termes de déphasage thermique et d’isolation, avec une mise en œuvre proche des habitudes des maçons.

La démarche d’écoconstruction

À côté de ces fiches sont apparus depuis dix ans nombre de nouveaux matériaux, alors que pendant des années on dessinait un double trait symbolisant le mur qu’un bureau d’études allait « remplir » de matières conformes : béton ou parpaing, isolant laine minérale ou polystyrène… depuis les années « oliva », il y a du choix !

Le métier des concepteurs commence alors à changer : je dessine un mur, oui, mais je le remplis comment ? Question suivante : il est orienté comment, ce mur ? S’ensuivent des recherches fines pour ajuster climat extérieur et climat intérieur attendu, pour vérifier les matières disponibles localement, pour s’assurer que les entreprises du coin savent le poser, tout ça constitue le début d’une démarche d’éco-construction. cette nouvelle façon d’envisager le bâtiment nécessite une connaissance sur les compétences des matières, du point de vue physique : on n’utilise pas la convection comme l’hygroscopie, on ne confond pas inertie et isolation, on distingue confort d’été et confort d’hiver.

« L’urbanisme durable consiste à prendre en compte ce double défi : celui de l’enveloppe et celui de la distance », denis clerc.

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et une fois que ce questionnement est lancé, arrivent les questions liées à la santé, et plus globalement, le cycle de vie. d’où vient ce matériau ? Quelle ressource naturelle ? Quelle transformation ? Quel transport ? Quelle efficacité ? Quel impact ? Quelle élimination ?...

Les analyses de cycle de vie (acV), réalisées par des bureaux d’études, sont nécessaires pour la rédaction des FdeS, et précisent ainsi tous les prélèvements dans la nature, les transformations, les transports, du berceau à la tombe. ces acV permettent de calculer le bilan carbone (évaluation en équivalent co2 des différents gaz à effet de serre émis pendant le cycle de vie), ou le bilan énergie grise (évaluation en kWh des énergies consommées). au-delà de ces calculs, des matériaux non « fichés » existent, ont fait leurs preuves à l’étranger, mais peinent à atteindre les chantiers pour des raisons qui s’accumulent : méconnaissance par les concepteurs et prescripteurs, par les entreprises pour la pose et pour l’approvisionnement, par les bureaux de contrôle et bureaux d’études, et surtout, blocage ultime, par les assurances. dans la gamme des écomatériaux, on trouve la terre (crue ou cuite), la chaux, la laine de mouton, la paille, le chanvre, le liège, la cellulose, la fibre de bois… À part être renouvelables, facilement recyclables quand ils ne sont pas biodégradables, peu ou pas toxiques (attention, naturel ne veut pas dire non toxique), ces matériaux présentent des qualités inégalables pour parvenir à des performances d’isolation, de déphasage et de régulation de l’hygrométrie. Les contextes de rénovation devront être particulièrement attentifs à ne pas utiliser des matières « étanches » qui feraient pourrir le mur ancien.

dans le neuf, on assiste à une amélioration nette de la qualité thermique des bâtiments, il faut cependant faire attention au choix des matériaux et aux récupérations argumentaires publicitaires, ne pas confondre performance thermique et qualités écologiques…

À l’échelle du territoire, deux dimensions impactent sur la performance des bâtiments : l’approvisionnement en matériaux et les implantations.

pour les matériaux il sera toujours intéressant, et préférable, de faire appel aux matériaux « locaux », les vrais, ceux qui sont cultivés, extraits ou transformés localement, y compris les bois, les terres, les pierres, les

« Il faut 40 % d’énergie finale de plus pour chauffer 1 m2 de maison qu’1 m2 d’appartement », jean-pierre traisnel.

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matériaux agricoles : c’est chaque fois une cohérence de paysage, de couleurs, de matières et de savoir-faire que l’on va alors entretenir (ou faire renaitre, dans certains endroits), avec un impact non négligeable sur l’économie locale, le maintien ou la création d’activités et de réseaux de savoirs.

d’autre part, la possibilité de réaliser des bâtiments performants sera conditionnée par les règles d’implantation : dans la ville existante comme dans un nouveau quartier, il est indispensable d’adapter les règles d’urbanisme. pour éviter les ombrages sur les façades sud « capteuses » du bioclimatique, pour prévoir des expositions mixtes est ou ouest dans les climats tempérés, pour prévoir des ombrages d’été pour les régions chaudes, etc., c’est la conception bioclimatique des plans masse qui permet ensuite le dessin de bâtiments vraiment performants. attention à ne pas tomber dans la caricature du nord-sud souvent présentée dans les schémas : c’est schématique, justement. Selon les régions et les climats locaux du site, il sera intéressant de privilégier des orientations légèrement est ou ouest pour éviter le plein nord toujours à l’ombre et froid, tandis que le plein sud peut être un désastre s’il amène des surchauffes. tout est affaire de dosage et de compétences.

une forte tendance à l’installation de systèmes techniques complexes, de régulations diverses tend, pour certains bâtiments, à produire des contre-performances : si les habitants ne savent pas l’utiliser, si la composition de la famille change, si le système est mal entretenu, la performance attendue ne sera pas au rendez-vous. L’avenir du « bâtiment performant » va se jouer dans les prochaines années entre une orientation technologique qui nous fera habiter des machines pilotées par nos portables et une orientation « low tech » basée sur des principes qu’on appelle passif parce qu’ils ne font pas appel aux technologies mais à des régulations naturelles ou manuelles, pilotées par les utilisateurs.

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Pour poursuivre :

• dossier sur les écomatériaux par Les amis de la terre à télécharger sur leur site :http: / /www.amisdelaterre.org/Pourquoi-les-ecomateriaux-restent

• « consommations d’énergie des résidences principales parisiennes », étude de 2007 par l’apur, très synthétique : indique les typologies d’immeubles selon la forme des bâtiments, leur mitoyenneté, leur époque de construction qui implique des matériaux différents, et deux résultats comparés de bilan énergétique et de bilan co2 : théorique et réel selon les usages des habitants.http: / /www.apur.org/etude/consommations-denergie-et-emissions-gaz-effet-serre-liees-au-chauffage-residences-principales-

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AGIR

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La ville durable,un système complexe interagissant

Par Sophie LebretonSophie Lebreton est urbaniste, consultante HQe et dd au sein des cabinets re-Sources (paris)/écologie urbaine (toulouse). assistance à maîtrise d’ouvrage développement durable écoquartiers (docks de Saint-ouen, andromède, pajol, Seine arche). conception de référentiel, guides, ouvrages sur l’urbanisme et l’aménagement durables (meedem, ademe, Ville de paris, plaine commune)[email protected] / [email protected]

Gestion des déplacements

au cours des trente dernières années, la voiture a pris une place de plus en plus importante dans les modes de déplacements, en particulier pour les trajets domicile-travail. un faisceau de facteurs explique ce recours croissant à la voiture dont, en particulier, le processus d’étalement urbain et le développement d’aménagements périphériques aux centres-villes. Les distances moyennes parcourues et le volume du parc automobile ayant augmenté de concert, le kilométrage total s’est accru de 39 % entre 1990 et 2005.

La circulation des voitures particulières est responsable en 2004 de 15,5 % des émissions de GeS de la France, contre 12 % en 1990. certes des progrès ont été faits sur les émissions polluantes des voitures, mais ces améliorations sont gommées par l’accroissement des distances parcourues, l’augmentation du parc et son vieillissement (âge moyen de 7,7 ans en 2005, contre 5,8 ans en 1980).

Le transport des marchandises se fait quant à lui quasi exclusivement par la route (plus de 95 % des tonnages transportés en 2006), le transport par voies ferroviaires et fluviales restant anecdotique.

Le développement d’une offre alternative à la route qui soit véritablement compétitive pour le transport des voyageurs comme des marchandises est donc un enjeu majeur de la réduction des gaz à effet de serre.

La marche à pied fonctionne avant tout pour les déplacements de courtes distances. pour les déplacements

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domicile-travail, elle est utilisée surtout quand la commune de résidence et celle de travail coïncident (17 % des actifs en 1999).

Si l’usage du vélo reste peu développé pour les déplacements quotidiens, ce n’est pas tant du fait des distances qu’à cause de problèmes de sécurité des itinéraires. L’offre d’infrastructures cyclables s’est développée de manière très importante grâce notamment aux plans de déplacements urbains (pdu), mais cela concerne surtout les agglomérations urbaines et le levier vélo reste limité si on ne l’insère pas dans une logique d’inter-modalité avec les transports en commun.

L’offre de transports en commun s’est globalement améliorée depuis 15 ans, mais leur fréquentation stagne : soit ils sont trop consommateurs de temps par rapport à la voiture, soit (ce qui est souvent lié) les trajets sont inadaptés aux besoins. cette problématique est valable pour les transports de personnes comme pour les transports de marchandises.

ainsi le développement de l’usage des transports en commun et des déplacements doux dépend en grande partie de la capacité à proposer sur un territoire des courtes distances et un maillage optimal par les transports en commun.

dans le domaine des transports, le Grenelle de l’environnement fixe pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, afin de les ramener à cette date au niveau qu’elles avaient atteint en 1990. Les progrès techniques au niveau des émissions de GeS des modes de transports routiers ou de l’offre en transports en commun et en déplacements doux, ne suffiront pas pour atteindre ces objectifs à court terme. c’est toute la mobilité quotidienne qu’il s’agit de réorganiser vers des modes moins émetteurs de GeS.

dès la conception, les projets d’aménagement doivent induire le moins possible de besoins en déplacements automobiles (distance et fréquences) et favoriser les modes alternatifs à la route (optimiser des potentiels de transports en commun sous-utilisés, rendre attractive la pratique des déplacements doux, du ferroutage…). cela suppose :• de privilégier la connexion aux pôles urbains existants,

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• de conditionner la création de projets urbains à l’existence (ou à la création dans des délais correspondants à ceux de l’urbanisation) d’une offre alternative qui soit réellement compétitive et attractive.

Choix énergétiques

Si l’épuisement des ressources en énergie fossile est prévu à moyen ou long terme, les problèmes d’approvisionnement face à une demande toujours croissante interviendront, eux, bien plus tôt. La recherche de l’adéquation entre l’offre et la demande énergétiques dans les années qui viennent passe donc par la recherche d’une meilleure autonomie au niveau des territoires et par une diversification des ressources énergétiques.

dans les écoquartiers, il s’agit de proposer une offre énergétique qui repose sur les différentes ressources mobilisables sur le territoire. Le recours aux énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse, géothermie, etc.) et de récupération (déchets, boues d’épuration, rejets thermiques industriels…) doit notamment être encouragé à toutes les échelles.

La consommation énergétique liée à l’éclairage public reste le premier poste de dépense en électricité pour les communes. en 2005, le coût de la consommation de cet éclairage était de 440 millions d’euros pour 9 millions de sources lumineuses, hors illuminations et éclairage autoroutier. Sur le territoire français, la consommation en

• concevoir une organisation de la ville qui limite les besoins de déplacements garantissant une accessibilité forte pour tous les types de mobilité.

• donner la priorité aux déplacements doux et en garantir l’accessibilité, la continuité, la lisibilité et la sécurité.

• Favoriser l’usage des transports en commun et la multi-modalité des déplacements.

• Limiter la place de la voiture dans les espaces publics.

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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électricité pour ce poste est chiffrée à 5,6 tWh pour 670 000 tonnes de co2 émis. en outre, on constate depuis dix ans une augmentation de 30 % de la consommation moyenne par habitant. Les économies générées sur ces dépenses pourraient permettre de développer les investissements dans des projets ou des politiques d’intérêt général par exemple.

en outre, le développement d’une offre énergétique diversifiée par le recours aux énergies renouvelables constitue une véritable opportunité pour le développement économique des territoires. ainsi, selon une étude de la commission européenne publiée le 2 juin 2009, « si l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne est atteint en 2020, il pourrait générer environ 2,8 millions d’emplois (contre 1,4 million en 2005) et créer une valeur ajoutée totale d’environ 1,1 % du piB »24.

La facture énergétique liée aux activités du bâtiment a augmenté de 24 % en 2004 à cause de l’augmentation du prix du pétrole et de la hausse de l’ensemble des combustibles.

La consommation finale dans le résidentiel-tertiaire est en progression constante (+25,3 %) depuis 1973, et s’établit à 69,8 mtep en 2004. cette hausse est tirée par les consommations de gaz et d’électricité, alors que la consommation de pétrole poursuit sa baisse.

Le Grenelle de l’environnement a traduit les enjeux liés aux consommations d’énergies dans les bâtiments par des réglementations thermiques ambitieuses :• pour la construction, le Grenelle prévoit le passage au bâtiment à basse consommation (BBc) à compter de 2012 (2010 pour les bâtiments publics et tertiaires), soit à un niveau de performance énergétique équivalente à 50 kWh/m²/an pour le neuf (modulé suivant les zones climatiques) puis au bâtiment à énergie positive (BepoS) à l’horizon 2020.• pour le parc existant, le Grenelle et le plan de relance ciblent au niveau national 800 000 logements dits « énergivores », et correspondant aux classes du diagnostic de performance énergétique (dpe) e, F et G. ces bâtiments devront être réhabilités en priorité.

• concevoir une organisation de la ville qui limite les besoins de déplacements garantissant une accessibilité forte pour tous les types de mobilité.

• donner la priorité aux déplacements doux et en garantir l’accessibilité, la continuité, la lisibilité et la sécurité.

• Favoriser l’usage des transports en commun et la multi-modalité des déplacements.

• Limiter la place de la voiture dans les espaces publics.

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

24. EmployRES - The impact of renewable energy policy on economic growth and employment in the European Union, disponible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/energy/renewables/studies/renewables_en.htm

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Environnement climatique

c’est une véritable refonte des pratiques et outils de l’urbanisme qui est en jeu, et qui doit viser d’une part à limiter la contribution du développement urbain au phénomène global de changement climatique et, d’autre part, à en anticiper localement les effets pour s’y adapter. L’enjeu climatique pose donc la question des émissions de gaz à effet de serre liées au développement urbain, mais aussi celles des vulnérabilités des territoires et de leur capacité à les gérer.

Le Grenelle de l’environnement s’est saisi de cette problématique en invitant l’ensemble des territoires de grande ampleur à développer des stratégies climatiques et énergétiques, et en exigeant que l’ensemble des projets soient cohérents avec ces visées stratégiques.

La première interaction entre la question climatique et l’urbanisme concerne la localisation du projet : les caractéristiques climatiques du site présentent-elles des opportunités pour l’urbanisation ? Les contraintes qu’elles occasionnent peuvent-elles être rédhibitoires ?

La deuxième interaction porte sur la qualité des espaces extérieurs qu’ils soient d’usage public ou privatif (jardins, terrasses, balcons…). il s’agit notamment de :• s’assurer des conditions de confort et de sécurité des déplacements et rendre attractif le déplacement à pied ou à vélo,• repérer quelques lieux à fort enjeu, comme les espaces de jeux pour enfants ou les abribus. est-ce qu’un abribus est d’abord un support de publicité qui doit être bien orienté pour être vu des voitures ou précisément un lieu protégeant les usagers des vents dominants ?

• Réduire les besoins énergétiques (approche bioclimatique, inertie thermique, systèmes et équipements performants).

• Rechercher l’offre énergétique la plus pertinente, en fonction des besoins énergétiques et des ressources et des filières existantes.

• Développer le recours aux énergies renouvelables (solaire thermique et photovoltaïque, géothermie, éolien, biomasse, etc.).

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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La troisième interaction concerne la question de l’énergie. on touche ici aux questions de morphologie urbaine (recherche de compacité des formes urbaines notamment) et de valorisation des apports solaires, abordée dans le point suivant.

La quatrième interaction est relative aux enjeux paysagers, rejoignant les questions d’inscription dans le grand paysage, d’intégration au site et de végétalisation. L’intégration au site revêt une forte dimension culturelle. L’habitat traditionnel des bords de mer, par exemple, tient compte des données climatiques. aussi, créer une architecture contemporaine qui reprend les mêmes lignes de force contribue à garder son caractère au paysage. en milieu urbain, la question de la végétation est tout aussi importante : la végétation ne sera-t-elle qu’alibi ou aura-t-elle une forte valeur d’usage ?

on sait que des constructions qui n’ont pas été conçues en tant que constructions solaires, mais qui ont une façade principale ensoleillée, sont plus performantes énergétiquement de l’ordre de 15 % par rapport à des constructions du même type moins bien orientées.

La première étape pour un projet urbain efficace énergétiquement consiste donc à réduire les besoins énergétiques à la source, en intégrant les paramètres climatiques dès l’amont des projets : études sur l’ensoleillement, les vents, les ombrages, la topographie… sont autant de préalables permettant d’intégrer l’approche bioclimatique à la planification et à la conception urbaine. Le travail sur la présence de l’eau et du végétal offre également des marges de manœuvre supplémentaires en matière de confort d’été, que ce soit à l’échelle des bâtiments, des quartiers, des villes ou des territoires.

• Réduire les besoins énergétiques (approche bioclimatique, inertie thermique, systèmes et équipements performants).

• Rechercher l’offre énergétique la plus pertinente, en fonction des besoins énergétiques et des ressources et des filières existantes.

• Développer le recours aux énergies renouvelables (solaire thermique et photovoltaïque, géothermie, éolien, biomasse, etc.).

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

• concevoir les implantations des bâtiments et des espaces publics au regard des caractéristiques de l’environnement climatique : ensoleillement, relief, vent…

• Développer la « canopée urbaine », à travers la conception des espaces et la présence du végétal : thermorégulation, protection pour les bâtiments…

• Limiter la création de microclimats défavorables : protections solaires, choix des matériaux, usage du végétal…

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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Gestion de l’eau

L’économie de la ressource

toute l’eau que nous utilisons provient du milieu naturel. il peut s’agir de cours d’eau de surface, de lacs, de nappes souterraines, qui le plus souvent servent aussi de réservoirs d’alimentation pour des cours d’eau.

d’année en année, les réserves en eau s’amenuisent et plusieurs territoires connaissent des pénuries d’eau récurrentes en période estivale. il en résulte des impacts environnementaux (assèchement de cours d’eau, impact sur les milieux humides) et socioéconomiques (le prix de l’eau augmente de manière constante dans tous les pays industrialisés ; en 2006 la facture annuelle moyenne d’un Français atteignait 290 euros).

Le modèle actuel de gestion de l’eau favorise un recours quasi exclusif à l’eau potable, y compris pour des usages tels que l’arrosage, le nettoyage des voiries et des bâtiments, etc. ces usages peuvent être couverts par l’utilisation de ressources alternatives comme les eaux pluviales ou les eaux grises afin de limiter la consommation d’eau potable et de la réserver à des usages pour lesquels elle est indispensable (alimentation).

La protection des milieux humides

Les eaux de surface comme les eaux souterraines subissent des pressions liées aux pollutions diverses (nitrates, pesticides, substances toxiques…), ce qui constitue également un enjeu majeur.

pour réduire ces pollutions, des actions doivent être développées à toutes les échelles. par exemple, si la majeure partie des pollutions au nitrate est liée à l’agriculture, 22 % sont liées à des usages domestiques.

une gestion de l’eau durable implique également aujourd’hui de travailler sur les questions d’eaux usées industrielles et domestiques, et sur la qualité des réseaux d’assainissement. des méthodes alternatives et territorialisées d’assainissement des eaux usées se développent. ces techniques permettent de réduire les risques de saturation des réseaux existants et d’affectation des ouvrages d’épuration. L’épuration par filtres plantés

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peut, dans certains cas, être une solution intéressante pour la gestion in situ de l’assainissement.

La gestion de l’eau est intimement liée à l’histoire des territoires : elle a influencé les fondations de villes antiques ou médiévales, contribué à l’organisation de l’espace urbain et agricole, apporté une qualité de vie et amélioré la santé.

Longtemps abordée dans une perspective hygiéniste ou de gestion des risques, l’eau peut aujourd’hui être considérée comme un enjeu central et un atout pour la composition urbaine : le cycle de l’eau doit être intégré et mis en valeur, en lien avec les questions de paysage et de biodiversité. Le Grenelle de l’environnement développe des arguments en ce sens : la trame verte et la trame bleue s’associent et se complètent, et peuvent offrir une ossature aux projets de territoire, de ville, d’aménagement urbain.

Les solutions dites « alternatives » existent et se développent : gestion des eaux pluviales à ciel ouvert, assainissement par phytoépuration, en lien avec le renforcement d’écosystèmes. elles permettent de revaloriser le rôle du cycle de l’eau : l’alimentation des nappes grâce à l’infiltration, la gestion des ruissellements par la rétention, la régulation hygrothermique grâce à l’évapotranspiration.

Les écoquartiers sont par excellence des lieux d’expérimentation pour de nouvelles pratiques que les collectivités peuvent ensuite reproduire sur leur territoire plus large.

• Gérer et utiliser les eaux pluviales in situ et faire du cycle de l’eau un support d’aménagement (noues, bassins de stockage, lien avec espaces verts, etc.).

• Économiser l’eau potable par des équipements économes et des actions de sensibilisation et de responsabilisation des usagers.

• Anticiper les solutions d’assainissement et garantir la qualité des rejets en eau.

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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Biodiversité et paysage

La convention sur la diversité biologique (rio de janeiro, 1992) définit la biodiversité comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». ainsi, dans chaque écosystème, les êtres vivants interagissent les uns avec les autres et se trouvent donc liés entre eux mais aussi à leur environnement par une relation systémique.

Les experts de l’uicn (union internationale pour la conservation de la nature) estiment que de plus en plus d’espèces du vivant sont menacées d’extinction et que l’Homme serait à 99 % responsable de cette fragilisation de la biodiversité. en outre le phénomène de changement climatique a des répercussions sur la biodiversité et les paysages, aujourd’hui visibles par les sociétés, et risque d’accentuer cette perte de biodiversité. Les espèces se déplacent, d’un point du vue spatial et temporel. certaines espèces disparaissent faute d’adaptation au changement et d’interactions possibles avec d’autres espèces faisant auparavant partie de leur environnement, mais colonisant aujourd’hui de nouveaux territoires.

La fragmentation de l’habitat, par des voies de circulation par exemple, le prélèvement intensif dans le milieu, la pollution et le réchauffement climatique se conjuguent pour donner le taux très élevé d’extinction enregistré actuellement, estimé à 1 000 - 10 000 fois supérieur à celui des 60 derniers millions d’années. L’empreinte humaine affecte 83 % de la surface terrestre. Faune, flore et micro-organismes résistent de moins en moins à cette pression. Face à ce changement de température et de climat annoncé, pourrait donc suivre un changement de paysages, d’espèces végétales et animales, et par conséquent de modes de vie pour les populations.

aujourd’hui il s’agit donc de concevoir des formes urbaines qui s’appuient sur les corridors écologiques voire les renforcent, en en faisant de véritables supports aux projets d’aménagement.

Le Grenelle de l’environnement intègre des objectifs en matière de maintien et de développement de la biodiversité et du paysage.

À l’échelle nationale comme à l’échelle territoriale, l’élaboration d’une stratégie axée sur ces objectifs est en cours. d’ici à 2012, les régions, les collectivités locales et les acteurs devraient piloter la création de trames vertes et bleues reliant les grands ensembles du territoire, selon un cadre défini à l’échelle nationale. L’agriculture biologique, plus durable et moins consommatrice en produits chimiques, est encouragée, notamment dans les périmètres de captage en eau potable.

dans le cadre de projets d’aménagement, c’est dorénavant l’article 47 du texte de loi « Grenelle 2 » qui introduit la notion d’intérêt géologique dans les articles du code de l’environnement relatifs à la préservation du patrimoine biologique : un audit devra définir comment prendre en compte les trames vertes et bleues dans les documents d’urbanisme, les schémas d’infrastructures et la fiscalité locale. Les collectivités publiques devraient en outre faire l’acquisition de 20 000 ha de zones humides afin de les préserver de l’artificialisation.

Enfin le Grenelle encourage les collectivités à réinsérer la nature dans leurs projets d’urbanisme. dans les écoquartiers, il s’agit ainsi de redonner à la nature sa place et son rôle dans la ville.

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• Intégrer aux projets les éléments de patrimoine naturel et de biodiversité existant sur le site et à proximité (corridors et habitats écologiques, haies d’alignement, noues paysagées, etc.).

• Concevoir un projet paysager favorisant et valorisant la place du végétal (espaces verts, plantations d’alignement, façades et toitures végétalisées, etc.).

• Favoriser l’usage du végétal pour structurer les espaces (interface espace public/espace privé, alignements d’arbres, haies brise-vent etc.).

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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Gestion des déchets

La quantité de déchets produits ne cesse d’augmenter. en 2004, la production de déchets à l’échelle de la France représentait 849 millions de tonnes soit :• 14 millions de tonnes en provenance des collectivités ;• 28 millions de tonnes en provenance des ménages ;• 90 millions de tonnes en provenance des entreprises ;• 374 millions de tonnes en provenance de l’agriculture et de la sylviculture ;• 0,2 million de tonnes en provenance des activités de soins ;• 343 millions de tonnes en provenance des mines, carrières et Btp.

À l’échelle du pays, la quantité des déchets produits par les ménages diminue depuis 2002, mais des efforts sont encore à accomplir, notamment au niveau de l’agriculture et du Btp.

Face aux problèmes de pollutions engendrées par les effluents, notamment dans les cours d’eau, mais aussi par les émissions toxiques occasionnées par la dégradation des ordures, il est aujourd’hui nécessaire de réduire la quantité de déchets produite en favorisant le recyclage et la valorisation.

Le transport et la collecte des déchets, un enjeu fort en terme d’aménagement

Les enjeux économiques de l’optimisation du transport des déchets sont importants : la partie transport et collecte représente 50 % du coût d’élimination d’une tonne de déchets ménagers et assimilés. par ailleurs, les conséquences environnementales du transport routier des déchets sont loin d’être négligeables : les transports de déchets consomment 5 % de l’énergie affectée aux transports en France, et représentent 4,5 % des émissions de gaz carbonique générées par le transport des marchandises.

La gestion des déchets implique un raisonnement s’étendant à l’ensemble du cycle de vie d’un produit, de sa conception à sa destruction ou à son recyclage. des efforts sont entrepris depuis plusieurs années afin de diminuer la quantité de déchets produits à la source, en incitant le

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recours à des éco-emballages, à du papier recyclé et à des matériaux moins nocifs pour la santé et l’environnement. cette démarche se retrouve notamment dans l’éco-conception.

tout projet d’aménagement, dans la mesure où il induit une augmentation de la population et des activités sur un territoire, implique une réflexion sur la gestion des déchets occasionnés, mais aussi sur les flux induits par cette dernière.

Le Grenelle de l’environnement prévoit de renforcer, tant à l’échelle nationale que locale, la politique en matière de réduction des déchets. Ainsi, il fixe comme objectif de réduire la production d’ordures ménagères de 7 % par habitant et par an d’ici à 2014.

il s’agit également d’augmenter la part de recyclage matière et organique des déchets ménagers et assimilés, et de réduire la proportion des déchets incinérés.

Les objectifs ainsi avancés par le Grenelle ont notamment pour conséquences de :• recourir à l’éco-conception pour renforcer la politique de réduction des déchets en amont,• donner la priorité à la réutilisation, au tri, à la valorisation matière et au recyclage en tant que modes de gestion des déchets,• recourir en dernier lieu à la valorisation énergétique pour le traitement des déchets résiduels.

• Prévoir la gestion du tri et de la collecte en amont des projets, à la fois à l’intérieur des bâtiments (surfaces disponibles dans les logements, locaux déchets adaptés, etc.) et à l’échelle du quartier (choix du mode de collecte, traitement des aires de présentation, localisation des points d’apport volontaire, etc.).

• Limiter les nuisances sonores, visuelles et olfactives liées aux opérations de gestion des déchets.

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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Environnement sonore

d’après les enquêtes réalisées régulièrement sur le sujet en France, le bruit est perçu comme l’une des premières nuisances par 40 % des Français, loin devant la pollution de l’air (18 %). près de la moitié des Français (44 %) considère le bruit comme un risque pour la santé plus important que le transport de matières dangereuses.

Le bruit dans l’environnement est essentiellement produit par le secteur des transports. Le transport routier, le transport ferroviaire et le transport aérien, constituent le trio de tête en matière d’émission de bruit dans notre environnement : globalement sur le territoire français, le bruit des transports représente près de 80 % du bruit émis dans l’environnement.

À un niveau plus local, les nuisances sonores peuvent également être liées aux diverses activités humaines. À l’évidence, la perception du bruit et le ressenti par rapport à la gêne qu’il peut engendrer présentent un caractère partiellement subjectif. cependant, les faits et les données qui sont aujourd’hui quantifiables montrent que ce ressenti correspond à une réalité objectivable.

il y a en France environ 3 000 points noirs de bruit des transports terrestres, c’est-à-dire des zones où des infrastructures routières ou ferroviaires provoquent, sur des bâtiments d’habitation et/ou des établissements d’enseignement, de soins, de santé et d’action sociale, des niveaux sonores qui dépassent soit les 70 décibels (très bruyant) sur la période diurne, ou les 60 décibels sur la période nocturne.

Le Grenelle de l’environnement fait de la prise en compte de la qualité de l’ambiance sonore l’un des piliers de la refonte d’un urbanisme durable. il prévoit ainsi la mise en œuvre des plans de prévention du bruit dans l’environnement et d’un inventaire cartographique des points noirs du bruit d’ici à 2016.

ainsi, les zones les plus sensibles devraient pouvoir bénéficier d’un traitement prioritaire, et tout nouveau projet urbain devrait pouvoir s’appuyer sur des recommandations en termes d’équipements destinés à limiter les nuisances sonores (déplacements, activités, voisinage, etc.).

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il existe plusieurs manières de se protéger du bruit : la réduction à la source (réduction du trafic par exemple), l’éloignement par rapport à la source du bruit et la protection vis-à-vis du bruit (écrans acoustiques, isolation des façades, etc.).

La qualité de l’environnement sonore est aujourd’hui un élément d’appréciation du cadre de vie des populations urbaines. elle est même reconnue comme un atout en termes d’attractivité d’un territoire. Si la réduction du bruit peut représenter un coût, la qualité d’une ambiance sonore représente alors une valeur et un marqueur de l’identité du paysage.

Le traitement des espaces publics, en s’appuyant sur la biodiversité (parcs, espaces verts, fontaines, cours d’eau), et le travail sur les formes urbaines deviennent alors des leviers de valorisation de l’environnement sonore comme atout pour la qualité de vie au quotidien.

• prendre en compte l’environnement sonore dans la localisation des projets urbains.

• atténuer l’impact sonore des infrastructures existantes et futures.

• Limiter les nuisances sonores au sein des nouveaux projets.

• améliorer la qualité acoustique de l’habitat futur et le paysage sonore des espaces publics.

Les objectifs à poursuivre dans les projets d’aménagement

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Mise en œuvre et action concrète

Aménagement et urbanisme durables : l’importance du volontarisme territorial

Par Guillaume FaburelGuillaume Faburel est maître de conférences à l’institut d’urbanisme de paris (université paris-est créteil Val-de-marne), responsable du parcours environnement, paysages et territoires du master urbanisme et aménagement, et chercheur au Lab’urba (institut d’urbanisme de paris et institut français d’urbanisme). il est aussi directeur du bureau de recherche aménités : aménagement, environnement, territoires. Ses travaux portent sur les effets territoriaux des pollutions et nuisances urbaines (dynamiques résidentielles, coûts sociaux...), ainsi que des politiques d’environnement (exemple, la planification) et de développement durable (chartes, observatoires, indicateurs...) ; sur les vécus environnementaux et leurs inégalités en ville, ou encore sur les conflits d’environnement dans le champ de grands projets d’aménagement. il a notamment publié récemment avec olivier chanel (cnrS-GreQam) L’environnement dans la décision publique. Refonder l’évaluation socio-économique pour des politiques de transport plus durables, economica. Sur le thème de la ville durable, il collabore à ce jour avec le département d’architecture et d’urbanisme de l’université de recife (Brésil), ainsi qu’avec la Société d’aménagement et de développement économique du [email protected]://www.amenites-developpementdurable.net

Le développement durable fait l’objet depuis une quinzaine d’années d’un engouement considérable. promu par certains comme le référentiel en devenir de l’action publique, notamment en matière d’aménagement et d’urbanisme, d’autres le critiquent pour son éloquence improductive, pour ce qu’il permettrait de taire des réflexions essentielles sur les mesures nécessaires face aux enjeux du changement climatique, de la transition énergétique, du maintien de la biodiversité et des milieux, ou encore face aux problèmes de dégradation du cadre de vie par diverses nuisances et pollutions, aux injustices environnementales qui en découlent...

toutefois, quelles que soient les interprétations en présence, le développement durable s’affirme comme incontournable pour quiconque prête attention à l’action, par-delà le bruit de l’actualité. chaque secteur se vante dorénavant d’être durable : transports et mobilité durables, habitat durable, tourisme durable, emploi durable, agriculture durable…

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et ville durable. et, c’est indéniablement dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement qu’il a trouvé, avec plus ou moins d’inventivité, à se concrétiser. il est vrai que l’environnement et les enjeux évoqués, qui tiennent une place centrale dans les motivations rencontrées, interpellent particulièrement planification, construction et gestion de l’espace.

cette concrétisation peut de prime abord s’incarner dans l’application de quelques outils réglementaires récents, mais pour nombre, et c’est à remarquer, non opposables. L’article L.110-1 du code de l’environnement (créé par la loi de renforcement de la protection de l’environnement du 2 février 1995) transcrit l’objectif de développement durable, précisant que la protection de l’environnement, sa mise en valeur, sa restauration et sa gestion « sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et de santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

dans cet outillage réglementaire, il s’agit par exemple de plans d’aménagement et de développement durable – PADD – pour la planification locale (loi Solidarité et renouvellement urbain, 2000), ou encore des Schémas régionaux d’aménagement et de développement (durable) du territoire – SRAD(D)T – pour la stratégie territoriale à longue échéance (Loi d’orientation d’aménagement et de développement du territoire, Loadt, 1995, puis Loaddt, 1999). cependant, prenant le padd pour exemple, à l’exception peut-être de leur élaboration dite concertée et, dès lors, de l’enrôlement d’un plus grand nombre d’acteurs lors de leur élaboration, ces documents s’affirment souvent dans leur application, comme d’ailleurs les plans locaux d’urbanisme (pLu) censés les concrétiser, corsetés par les politiques techniques et sectorielles historiques de l’environnement, malgré la nouveauté des volets prospectifs (ou des changements apportés aux diagnostics environnementaux dans les pLu).

dans le champ des risques naturels par exemple, les évènements dramatiques qui se sont récemment produits sur le littoral vendéen sont assez saisissants des limites de l’approche technico-normative de l’environnement : quelque déficit d’intégration des enjeux d’environnement dans les visions et de stratégies territoriales à moyen et

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long termes, pourtant horizon premier de la durabilité. en fait, concernant les outils réglementaires, c’est peut-être à ce jour davantage à l’occasion de l’élaboration de certains Schémas de cohérence territoriale – SCOT – en substitution des Sdau (Sru, 2000), donc à des échelles plus vastes, que le développement durable trouve à être avantageusement nourri, singulièrement sous l’angle des problématiques environnementales. plusieurs cas mériteraient d’être relayés ici, mais le Scot de montpellier et le rôle structurant joué par les problématiques paysagères, ou encore le Schéma directeur de la région Île-de-France, avec le poids des continuités naturelles (ceintures, corridors et autres trames) dans les options planificatrices défendues, en sont de bons exemples.

néanmoins, c’est surtout dans la diversité des démarches volontaristes d’action et de stratégie territoriales que l’inventivité et la concrétisation du développement durable trouvent à ce jour à s’incarner dans l’aménagement et l’urbanisme, en France comme de plus longue date dans quelques pays européens (allemagne, angleterre, danemark, Suède...) : agendas 21 locaux, chartes territoriales de développement durable, quartiers durables, voire plans climat-énergie... en ce sens, le développement durable s’affirme bien surtout comme « un principe normatif sans normes »25.

Loin de déroger à la motivation environnementale première, ces démarches ont pour première caractéristique d’appréhender de plus en plus souvent différemment ce qui fait environnement et enjeux politiques, sociaux, économiques... reliés. elles interrogent souvent également, et parfois même conjointement, les modes de production, de consommation, de vie, d’action... Loin des seuls abords strictement techniques, souvent motivés par le marketing territorial : haute qualité environnementale – HQE –, haute performance énergétique – HPE –, approche environnementale de l’urbanisme – AEU –, ou encore la vitrine technologique que constituent certains écoquartiers26.

ces démarches développent ainsi des lectures peut-être plus intégrées, et ce à différentes échelles : depuis des espaces régionaux et départementaux (agendas 21, plans climat...), jusqu’à l’échelle de quartiers (quartiers durables, habitat écologique...), en passant par des

25. jacques theys, « L’approche territoriale du développement durable, condition d’une prise en compte de sa dimension sociale », in Développement durable et territoires, septembre 2002, 18 pages.

26. À ces démarches font souvent écho les initiatives normées, labélisées, certifiées... du management environnemental dans les grandes entreprises.

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communes et intercommunalités (chartes, guides, systèmes d’indicateurs de développement durable...). La profusion des déclinaisons terminologiques en est un témoin fort : écorégions, écocités, écovillages... Le suivi méthodique des expériences territoriales en France, mais aussi en allemagne (Berlin, munich...), angleterre (Londres, Birmingham...), espagne (Barcelone, Séville...)27 indique que ces démarches participent en fait de manière commune à plusieurs évolutions assez lentes mais transversales. tout d’abord, indéniablement, les rapports de l’action aux échelles de temps et d’espace évoluent :• pour les échelles de temps, en raison notamment d’incertitudes grandissantes voire d’irréversibilités reconnues, dans un contexte de désynchronisation croissante des temps économiques, politiques, sociaux et écologiques ; d’autres rapports à la prédictibilité des effets de l’action par l’expertise scientifique, à la prospective territoriale, à l’évaluation environnementale... en attestent à plusieurs endroits (ex : mise en œuvre de l’évaluation stratégique des impacts des plans et programmes sur l’environnement, ce 2001)...• pour les échelles d’espace, du fait des écueils de la logique descendante de construction de l’action et d’intervention sur les territoires, donc aussi des limites de l’aphorisme « penser globalement, agir localement », avec dès lors un cheminement vers d’autres articulations, pour certaines remontantes, l’éclosion d’autres territoires dits pertinents pour l’action ; plusieurs associations internationales de collectivités locales jouent ici un rôle moteur pour le partage et les échanges de retours d’expériences.

dans ces évolutions, précisons que la nature et ses liens à la ville, par la renaturation intégrée, différenciée... des espaces urbains, jouent un rôle essentiel, à l’exemple de la multiplication des projets concernant des linéaires entiers de berges fluviales, les espaces verts et paysages végétalisés... non plus considérés comme objets de contemplation et d’ornements, mais comme facteur de resociabilisation et de dynamisations des lieux (Berlin, Londres, nantes, rennes... et bien d’autres).

Voici alors entrevue ici une troisième évolution commune aux expériences suivies : l’éclosion/renouveau des réflexions sur certaines valeurs et principes de l’action urbaine et territoriale, souvent accompagnées par d’autres

27. ateliers et travaux d'étudiants de master depuis 2005 à l'institut d'urbanisme de paris. http://urbanisme.u-pec.fr

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coordinations entre acteurs, formels comme informels, institutionnels comme non institutionnels. Les valeurs ou principes de responsabilité, solidarité, équité, transparence, transversalité, partenariat, démocratisation... irriguent les arènes de débats et traversent les documents programmatiques issus de ces démarches volontaristes. par ce biais, ces dernières participent donc d’une lente (re)mise en politique, à d’autres échelles que celles historiques de l’assemblage rationaliste (descendant) du général au singulier. Les questionnements autour des notions mêmes de développement et de croissance, de bien-être et de qualité de vie, de modes de consommation et de vie, d’inégalités et de justice environnementales... donnent souvent sens à ce renouvellement. de nouveau simplement en guise d’exemple parmi d’autres, nous renvoyons ici au cas de la région nord-pas de calais et son agenda 21.

cependant, à ce jour, cette « ambition et posture programmatiques »28 que constitue le développement durable peine à dépasser certaines limites, parti-culièrement dans son domaine de prédilection, l’aménagement et l’urbanisme. parmi les plus importantes, selon nous, figurent celles qui imposent peut-être moins des révisions que de véritables refondations dans les manières de penser et d’agir des champs urbains et territoriaux. ici, l’implication pérenne des habitants et plus largement une démocratie réellement participative, de même que le temps donné à l’élaboration de tels exercices de construction de l’action, où encore le poids (qui opère en outre un retour remarqué) de l’expertise strictement technique dans les référentiels de l’aide à la décision en constituent quelques-unes d’envergure. Grenelle de l’environnement (et singulièrement les projets d’écoquartiers pour nombre à forte assise technique) et projets du Grand paris (avec quelques failles dans la prospective post-Kyoto) en ont rappelé la prégnance.

Approche environnementale de l’urbanisme : une méthode au service des écoquartiers

Par Julien Garnotjulien Garnot, consultant urbaniste, intervient notamment en assistance aux collectivités pour intégrer des prescriptions environnementales dans les documents d’urbanisme (pLu, poS, cartes communales).

28. olivier Godard, « développement durable et principes de la légitimité », in Social Science Informations, vol. 42, n° 3, p. 375-402, Londres, 2003.

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membre de l’association des consultants en aménagement et développement des territoires (acad), membre de l’association Bâtir Sain.

dernière publication : avec dominique drouet [rdiconsultant], Guide d’application à l’attention des collectivités locales, édité par l’ademe et l’arene idF : construction durable et bonus de coS, janvier 2008.http://clubbonification.areneidf.org/[email protected]

L’approche environnementale de l’urbanisme (aeu), développée par l’ademe, est une méthode de management environnemental d’une opération urbaine. elle correspond à une démarche à suivre par la maîtrise d’ouvrage accompagnée par une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) spécifique sur les thématiques environnementales (énergie, eau, déplacement, déchets et bruit).

dans sa première version, l’aeu s’attache à traiter les problématiques environnementales sous les angles techniques, réglementaires et pédagogiques d’accompagnement des pilotes d’opération. dans une prochaine version, nous pouvons supposer qu’elle s’attachera à intégrer les comportements des « maîtres d’usage » (les habitants et usagers), condition sine qua non pour assurer le bon fonctionnement des performances environnementales visées.

Le renouvellement urbain : une priorité

L’approche environnementale du développement urbain consiste à traiter le renouvellement urbain en priorité afin d’optimiser l’existant avant de s’engager dans l’urbanisation de nouveaux territoires. L’économie des ressources, la préservation des espaces naturels et des zones agricoles, l’optimisation des voiries et réseaux existants, conduisent naturellement au renouvellement urbain quand celui-ci est possible.

cette approche est d’autant plus intéressante que les urbanistes sont en contact direct avec les habitants et peuvent plus facilement envisager d’intégrer les habitudes de vie dans les prescriptions environnementales.

ainsi, tous les projets de rénovation urbaine anru (agence nationale de rénovation urbaine) devraient faire l’objet d’une démarche de type aeu en s’appuyant sur les structures de concertation développées dans le cadre de

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une boutique accueillant les publics pour présenter les projets urbains est un outilde base de la concertation.

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la politique de la ville (équipe MOUS – maîtrise d’œuvre urbaine et sociale, maison du projet...) pour faire valider les dispositifs environnementaux retenus au fur et à mesure de l’avancement des réflexions.

L’environnement au cœur du projet urbain

L’aeu permet de tenir compte des thématiques environnementales de la programmation à la réception des travaux. Les 5 thématiques développées dans le guide aeu29 doivent être adaptées et complétées en fonction des problématiques locales. par exemple, la biodiversité semble un incontournable à traiter dans beaucoup de projets aujourd’hui.

il est donc important pour un pilote d’opération de se doter des compétences nécessaires afin d’assurer une expertise environnementale de qualité et un accompagnement tout au long des phases du projet.

Exemple :

La dimension « formation » de l’aeu est tout aussi importante. même si elle n’apparaît pas explicitement dans les cahiers des charges, la formation de l’ensemble des acteurs tout au long de l’avancement des réflexions est

29. « réussir un projet d’urbanisme durable, Méthode en 100 fiches pour une approche environnementale de l’urbanisme aeu® », ademe, éditions du moniteur, 2006.

Fig. 1 plan d'aménagement avant aeu :habitat dispersé

Fig. 2 plan d'aménagement après aeu :habitat groupé et organisé pour

une bonne performance énergétique

Conséquences directes d’une AEU sur le plan masse

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indispensable au bon déroulement de la mission. L’aeu implique souvent de s’interroger sur des façons de faire existantes et par conséquent elle impose une dimension pédagogique de qualité.

il existe aujourd’hui de nombreux retours d’expériences, au minimum 300 opérations urbaines se sont engagées dans une aeu depuis 2003. ceci permet à l’ademe d’ajuster sa méthode, et une deuxième version du guide devrait sortir dans le courant de l’année 2010.

Pour une stratégie énergétique du territoire

Par Gildas Le Saux

Gildas Le Saux est président de Virage-énergie nord-pas de calais

L’association

club de réflexion sur l’énergie, Virage-énergie Nord-Pas de calais propose un véritable plan climat régional sans nucléaire, étayé par un scénario chiffré et des propositions concrètes de politique publique. L’association a reçu en décembre 2008 pour ce travail le prix Solaire 2009 décerné chaque année par l’association européenne d’experts en énergie eurosolar, présidée par le député allemand Hermann Scheer et président de l’agence internationale des énergies renouvelables.

L’étude

réalisée par des groupes de travail pluridisciplinaires et un comité scientifique, l’étude propose une application concrète au nord-pas de calais des trois actions clés pour lutter contre le réchauffement climatique : modérer la consommation dans tous les secteurs (sobriété), développer l’efficacité énergétique et déployer massivement les énergies renouvelables les plus adaptées à la région. aménagement du territoire, transports, industrie, bâtiments... tous ces domaines de la vie quotidienne sont abordés et font ici l’objet de propositions de politiques publiques.

cette étude est destinée aux élus, aux entreprises, aux associations et aux citoyens de la région. arguments et chiffres à l’appui, elle montre qu’il est possible de diviser par 4 nos émissions de co2 en nord-pas de calais d’ici

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2050 et de se passer du renouvellement des réacteurs nucléaires situés à Gravelines (leur fin de vie est prévue à l’horizon 2020).

Sur la base d’un scénario chiffré, elle propose des pistes d’actions concrètes à l’échelle de la région et de ses territoires (communes, intercommunalités…), en identifiant le rôle que chaque acteur peut jouer face au défi climat-énergie.

Propositions de politiques publiques : extraits

Les propositions d’actions sont résolument ciblées sur les économies d’énergie. La seule modernisation des moteurs dans l’industrie du nord-pas de calais (qui représentent près de la moitié des consommations électriques régionales), représente un potentiel d’économies de l’ordre de 40 % dans ce secteur. des gains supplémentaires pourraient aussi se réaliser dans un contexte où notre société déciderait de réduire sa consommation de biens matériels, d’opter pour des déplacements moins énergivores et moins lointains, etc.

une fois explorée l’étape des économies d’énergies, le plan d’action propose d’exploiter au mieux l’ensemble des énergies que le soleil nous offre directement (solaire thermique, électricité photovoltaïque) ou indirectement

comparaison des émissions de co2 des différents scénarios

projection des émissions de co2 dans le nord-pas-de-calais

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(biomasse, vent, hydraulique). car le potentiel en est considérable. pour se donner un ordre d’idée, il faut savoir que la région reçoit du soleil en un an l’équivalent de 400 fois l’énergie produite sous forme électrique par la centrale de Gravelines durant la même période.

concrètement, Virage-énergie propose des politiques publiques adaptées aux atouts et contraintes de la région du nord. celle-ci est fortement urbanisée (10 % de la région). c’est une opportunité pour déployer les réseaux de chaleur, eux-mêmes excellents moyens pour mobiliser l’énergie solaire thermique, le bois-énergie, les déchets organiques et les effluents chauds qui s’échappent des industries locales et des égouts. Les chaufferies collectives associées à ces réseaux permettent aussi de produire de l’électricité via la cogénération. Le bâti, très présent, est aussi un atout pour y installer des panneaux photovoltaïques.

La région est la deuxième plus ventée en France. L’énergie éolienne fait partie du mix énergétique proposé. À cela s’ajoute la proximité des pays scandinaves et du royaume-uni, ce qui permet de construire en mer du nord des parcs éoliens mutualisés avec les pays voisins.

La densité élevée des agglomérations régionales sont équivalentes parfois à celles de la région Île-de-France. Les alternatives à la voiture y sont les plus adaptées, contrairement au milieu rural où les autres modes de transports sont plus difficiles à développer. L’enjeu ne serait-il pas alors, dans ces zones denses, de réduire le nombre de véhicules automobiles par ménage ? c’est un levier essentiel sur lequel agir pour espérer provoquer le report vers d’autres modes moins polluants et plus efficaces (tram-train, bus, tramway, vélo, marche à pied). mais la tendance actuelle est celle de la ville qui s’étale,

production électrique dans le nord-pas-de-calais

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allongeant toujours les distances et créant toujours plus de dépendance à l’automobile... Le corollaire indispensable aux politiques de transport est bien d’agir sur l’étalement urbain. Virage-énergie propose d’y mettre un terme à l’horizon 2020, en revisitant de nouvelles formes d’habitat plus denses et attractives (maisons mitoyennes, semi-collectives…) et en créant des ceintures naturelles autour des 13 principales agglomérations.

Un guide pour transposer la démarcheà d’autres territoires

L’étude « énergies d’avenir en nord-pas de calais » constitue une contribution citoyenne aux plans climat-énergie élaborés en région. elle a vocation à constituer une aide à la décision, à susciter de nouvelles politiques « climat-énergie » et à en accélérer la mise en œuvre. L’association espère aussi faire naître d’autres démarches d’étude et de réflexions similaires dans d’autres régions françaises et européennes.

en ce sens, elle met à disposition un guide méthodologique explicitant la démarche et la manière de la transposer à d’autres contextes régionaux. L’objectif : expliciter aux groupes de citoyens ou d’associations régionaux la démarche de scénario « Virage-énergie » (division par 4 des émissions de gaz à effet de serre et sortie du nucléaire) et les aider à la transposer selon les spécificités et les contextes propres à leur région.

ainsi, d’autres démarches citoyennes d’élaboration de scénario régional « facteur 4 sans nucléaire » voient le jour en France ou sont en cours d’étude : Virage-énergie climat-pays de Loire a d’ores et déjà commencé le travail. en Île-de-France, un collectif s’est constitué sous la forme de l’association « Virage-énergie idF ».

dans la mesure de ses moyens et de ses disponibilités, Virage-énergie nord-pas de calais se tient à la disposition des groupes ou citoyens intéressés pour leur apporter les éclairages, les informations ou les contacts qu’ils recherchent.

Les activités actuelles et à venir de Virage-énergie

avec à son actif près d’une centaine d’interventions depuis le début 2008, l’association informe, sensibilise, forme

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et interpelle les acteurs régionaux (monde associatif, collectivités, universités, citoyens...).

elle interpelle les responsables élus de la région, notamment à travers un « appel climat-énergie pour le nord-pas de calais » lancé en 2010 auprès des citoyens et des acteurs.

elle cherche également à approfondir, à l’échelle régionale, certaines problématiques en lien avec l’énergie (agriculture, adéquation production-consommation électrique, questions sociétales). L’association engage également l’élaboration d’un scénario régional de décroissance des besoins en énergie, là aussi par le biais d’une approche pluridisciplinaire.

téléchargement de l’étude, agenda, activités de l’association, autres infos :http://[email protected]

Lutter contre les « îlots de chaleur »

Par Eugénie Cocteaux

L’extension croissante de l’espace urbain (la population a augmenté de 25 % alors que les espaces urbanisés ont augmenté de 75 % en 25 ans), l’augmentation des surfaces imperméabilisées (de plus en plus de voirie et de stationnements), la pollution de l’air (transports), la rareté de la végétation, le manque d’ombrages, les variations climatiques fortes… sont autant d’éléments qui contribuent à la création de ce qui est nommé, dans le jargon, îlots de chaleur urbains (icu). ce terme désigne « un secteur urbanisé où les températures de l’air et des surfaces sont supérieures à celles de la périphérie rurale »30. des différences de températures entre les centres urbains et les espaces périphériques peuvent atteindre 7°c 31 !

dans un contexte où les canicules estivales vont être de plus en plus nombreuses, où l’accès aux dispositifs techniques de rafraîchissement ne concernera jamais l’ensemble des logements, où il s’avère nécessaire de diminuer tous nos besoins (de chauffage mais également de froid, très consommateurs d’énergie)… il est primordial de prendre en compte dès maintenant la notion d’icu pour les projets urbains.

30. Grand Lyon, Lutte contre les îlots de chaleur urbains, référentiel conception et gestion des espaces publics, 2010.

31. jean-Louis izard, Le végétal urbain, enviroBat méditerranée, novembre 2006.

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L’aménagement des centres urbains, concentré sur une minéralisation des espaces, a jusque lors rarement pris en compte les questions d’albédo, de matériaux, de canyons urbains, d’ombrages saisonniers, de végétalisation… pourtant ce sont ces éléments qui constituent des leviers d’action pour lutter contre les icu.

pour exemple, le levier végétal. intégrer le végétal dans les aménagements urbains a des conséquences fortes en terme de confort thermique : une étude simulée pour le cas de montréal montre que le refroidissement dû à l’évapotranspiration des arbres peut croître jusqu’à -6°c au mieux (plus souvent -3°c). Selon la littérature32, « la transpiration d’une plante de grande dimension produit un effet de refroidissement équivalent à celui de 5 petits systèmes réfrigérants fonctionnant pendant 20 heures », un square de 100 m² planté perd 50 000 litres par jour ! imaginons le potentiel de rafraîchissement naturel qu’offrent nos végétaux. cela ne peut fonctionner correctement qu’avec certains corolaires : une perméabilité des sols maîtrisée, une gestion alternative des eaux pluviales permettant le retour des eaux dans le sol, un positionnement des végétaux en fonction des expositions solaires des façades, des largeurs de trames bâtis qui permettent de profiter de la ventilation naturelle, un choix adapté des végétaux…

cette question fondamentale, qui pourra conditionner le confort urbain de demain, fait déjà l’objet de travaux et d’actions politiques pour certaines villes/états. La ville de Berlin, par exemple, subventionne à hauteur de 60 % l’aménagement des toitures d’immeuble en jardins végétalisés ; elle met également en place une cartographie permettant d’identifier les canyons de rafraîchissement de la ville (à conserver) ; le Québec quant à lui a inscrit la lutte contre les icu comme un objectif de santé public33, enfin la ville de Montréal réalise des appels à projets et subventionne tout projet de revégétalisation de la ville.

À quand les encouragements français ?

32. Ibidem.

33. institut national de santé publique du Québec, 2009.

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Préserver les sols fertiles urbains

Par Xavier MariéSolpaysage

Témoignage

La ville du XiXe et du XXe siècle s’est fortement développée au détriment des surfaces agricoles et des écosystèmes de sa périphérie. des destructions environnementales majeures mais aussi des déséquilibres économiques et sociaux sont issus de ce développement fondé sur l’opportunité à court terme et sur la valeur foncière. malgré les modèles urbanistiques et les efforts de planification, la cohérence du développement des régions urbaines à moyen et long terme n’est pas assurée. Leur régulation par une gouvernance adaptée reste difficile, notamment pour les grandes agglomérations.

L’enjeu de la ville du XXie siècle est une véritable révolution urbaine où l’équilibre spatial des valeurs économiques et sociales, de la mobilité et des modes d’occupations du territoire cherche une solution environnementale durable. cette question est planétaire et concerne tous les pays quels que soient leurs niveaux de développement économique.

Face à ces enjeux globaux, on retrouve partout un dénominateur commun : la géographie des villes est le plus souvent étroitement liée, dans leur histoire, à la qualité nourricière des sols de proximité permettant la concentration des populations. ainsi, les sols détruits par l’extension urbaine sont souvent parmi les plus fertiles voire les plus sensibles sur le plan écologique.

Le maintien de l’agriculture périurbaine et la préservation des espaces naturels présents dans et autour des villes est aujourd’hui un enjeu reconnu. des solutions de plus grande densité autour des axes de transports collectifs répondent au besoin de limiter le mitage et la destruction des sols naturels. ces questions sont aujourd’hui centrales dans les débats de concertation entre la population et les élus. Sur ces valeurs nouvelles de la ville, il faut répondre par des solutions concrètes. il convient d’éclairer les enjeux environnementaux du sol en tant que tel, mais aussi d’orienter les décisions d’aménagement et de contrôler la conception et la réalisation des projets dans une démarche d’évaluation et d’amélioration continue.

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connaître les sols supports d’un futur écoquartier est nécessaire pour évaluer, préserver ou valoriser les ressources du périmètre d’aménagement :

• le sol fournit les matériaux supports des plantations et des milieux écologiques ;

• la perméabilité des sols fonde la stratégie de gestion des eaux pluviales ;

• la diversité, la sensibilité et la contamination des sols conduisent à des itinéraires optimisés de valorisation, de remédiation, de terrassement.

par des observations et des essais de terrain complétés d’analyses ciblées, investir la connaissance des sols est source d’économies pour la conception et la réalisation du projet.

c’est aussi un levier essentiel pour l’insertion paysagère des bâtiments et des ouvrages dans le milieu naturel préexistant ou à reconstituer.

L’évaluation de la qualité environnementale des sols est une clé essentielle pour accompagner cette mutation. L’avenir des villes en dépend parce que le sol constitue le socle fondamental de son écosystème, du cycle de l’eau, de celui du carbone, de la régulation bioclimatique, des risques sanitaires liés à la pollution diffuse… c’est aussi une valeur d’usage et de représentation sociale : la terre nourricière qui permet une production alimentaire de proximité, la condition nécessaire à la qualité des paysages, à l’identité des territoires. Le projet répond aux enjeux de gérer au mieux cette ressource rare et fragile que la nature a élaborée à travers des millénaires et qu’il nous appartient de transmettre aux générations futures.

La cartographie des sols permet d’exprimer la ressource disponible pour le projet. elle constitue un outil d’aide à la décision pour le maître d’ouvrage et une base de travail pour le maître d’œuvre afin de :• décider des bonnes stratégies d’implantation ;• préserver les zones écologiques sensibles (boisements, zones humides, etc.) ;• optimiser la gestion des eaux pluviales (noues, sols infiltrant, bassins, etc.) ;• définir les espèces végétales adaptées pour développer la biodiversité.

L’exemple présenté est la carte des types de sols de la Zac des Bruyères à Limonest représentant une vingtaine d’hectare sur le périmètre du Grand Lyon.

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connaître les sols supports d’un futur écoquartier est nécessaire pour évaluer, préserver ou valoriser les ressources du périmètre d’aménagement :

• le sol fournit les matériaux supports des plantations et des milieux écologiques ;

• la perméabilité des sols fonde la stratégie de gestion des eaux pluviales ;

• la diversité, la sensibilité et la contamination des sols conduisent à des itinéraires optimisés de valorisation, de remédiation, de terrassement.

par des observations et des essais de terrain complétés d’analyses ciblées, investir la connaissance des sols est source d’économies pour la conception et la réalisation du projet.

c’est aussi un levier essentiel pour l’insertion paysagère des bâtiments et des ouvrages dans le milieu naturel préexistant ou à reconstituer.

en aval de la caractérisation et de la cartographie des sols, l’ingénierie de leur valorisation vise à limiter l’impact environnemental et les nuisances liées au chantier. on réduit ainsi les coûts de travaux et les coûts de gestion à long terme, par :

• la réduction des mises en décharge de matériaux et de l’achat de terres végétales d’apport (elles-mêmes le plus souvent issues de friches naturelles ou de zones agricoles périurbaines à préserver) ;

• la réduction des transports induits par les flux de matériaux, limitant également les nuisances associées (bilan carbone, pollutions sonores et atmosphériques, risque d'accident de circulation pour les populations riveraines) ;

• la mobilisation des filières de recyclage : composts verts, compost de biodéchets, matériaux de déconstruction, etc.

carte des types de sols

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Le graphique « bilan de la ressource en matériaux fertiles » permet d’exprimer l’équilibre offre/demande en matériaux fertiles valorisables tout au long de l’opération.

Comment les régions peuvent-ellescontribuer à l’émergence de villes durables ?

Par Jean-Marc Rousseaujean-marc rousseau, après avoir été conseiller régional du centre, est intervenant au cnFpt centre. il est l’auteur d’un rapport sur « Les enjeux de la construction durable » consultable sur le site http://[email protected]

Bilan matériaux fertiles

Sol paysage est un bureau d'étude offrant des prestations de conseil, de projet et d'ingénierie. Ses activités se développent depuis 1995 sur plusieurs compétences complémentaires : urba-nisme, paysage, écologie, agronomie, pédologie. de l’aide à la décision au contrôle qualité, l’équipe intervient pour des opérations d'aménagement à des échelles variées : grand territoire, espaces publics, parcs, jardins.

Fondé sur une approche transversale, Sol paysage intervient pour le dévelop-pement durable : stratégies d’agenda 21 ou plan climat pour développer les

services écosystémiques, planification urbaine pour limiter l’étalement urbain, évaluation environnementale pour préserver ou reconstituer les milieux écologiques sensibles (trame vertes et bleues, zones humides), valorisation des matériaux et des ressources pour limiter l’empreinte écologique des aménagements.

Le siège de Sol paysage est en région parisienne et possède une antenne à Lille. Xavier marié, son dirigeant fondateur, est un expert reconnu au niveau national.http://www.solpaysage.fr

Sol Paysage

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elles ne construisent que peu de bâtiments, hormis les lycées, elles se contentent de donner des avis sur les documents de planification urbaine, mais elles mènent des politiques d’aménagement du territoire. La façon dont elles orientent leurs priorités, dont elles soumettent leurs aides à telle ou telle condition, permet de contribuer au développement durable des territoires et des villes. par exemple décider de réduire le soutien aux routes nationales ou départementales au profit d’un soutien accru aux transports collectifs, c’est contribuer à un urbanisme plus durable.

Les lois de décentralisation ont accordé aux régions une compétence explicite en matière d’aménagement du territoire, compétence dans laquelle elles se sont investies avec détermination mais avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

tout d’abord la loi de mars 1982 leur a accordé la compétence de promouvoir le développement économique et l’aménagement du territoire, loi confirmée par la LOADT du 4 février 1995 accordant aux régions le rôle de chef de file puis par la LOADDT du 25 juin 1999.

toutefois ces compétences légales sont limitées :• en premier lieu par l’encadrement de l’état. dominique Voynet avait ainsi commenté la loi de 1999 : « Les régions doivent être chef de file de l’aménagement du territoire... mais cette compétence n’est pas pour autant exclusive ». chaque collectivité a le droit de mener à bien les opérations d’aménagement qu’elle juge indispensables à son développement ;• en second et dans bien des cas, par la concurrence d’autres collectivités qui n’entendent pas partager cette compétence. d’où la volonté de régions de contractualiser avec ces collectivités afin d’aboutir à des synthèses, fruit de la rencontre entre le projet régional et les projets locaux ;• en troisième lieu par un manque de moyens financiers. Faute de ressources propres liées à l’exercice de ces compétences, les régions françaises resteront des nains politiques dans le concert européen.

cette compétence, les régions l’exercent pourtant :• par des politiques propres votées par chacun des conseils régionaux ;• par l’intermédiaire des contrats de plan ou contrats de projet état-région.

Sol paysage est un bureau d'étude offrant des prestations de conseil, de projet et d'ingénierie. Ses activités se développent depuis 1995 sur plusieurs compétences complémentaires : urba-nisme, paysage, écologie, agronomie, pédologie. de l’aide à la décision au contrôle qualité, l’équipe intervient pour des opérations d'aménagement à des échelles variées : grand territoire, espaces publics, parcs, jardins.

Fondé sur une approche transversale, Sol paysage intervient pour le dévelop-pement durable : stratégies d’agenda 21 ou plan climat pour développer les

services écosystémiques, planification urbaine pour limiter l’étalement urbain, évaluation environnementale pour préserver ou reconstituer les milieux écologiques sensibles (trame vertes et bleues, zones humides), valorisation des matériaux et des ressources pour limiter l’empreinte écologique des aménagements.

Le siège de Sol paysage est en région parisienne et possède une antenne à Lille. Xavier marié, son dirigeant fondateur, est un expert reconnu au niveau national.http://www.solpaysage.fr

Sol Paysage

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L’enjeu, au travers de ces actions, c’est bien de rompre avec l’aménagement et l’urbanisme par défaut, ce qui nécessite de prendre du recul : est-ce que telle ou telle opération d’aménagement répond à de réels besoins, est-ce qu’on a pris en compte tous les enjeux ? est-ce que tous les besoins en matière d’urbanisme ont été identifiés correctement ? pourquoi vouloir développer à tout prix, à tel ou tel endroit, là plutôt qu’ailleurs ? La réflexion a-t-elle été engagée au bon niveau, sur le territoire le plus pertinent en termes de stratégie ? comment mieux mobiliser les compétences en matière d’urbanisme ? comment mettre en place de véritables concertations afin que les habitants se sentent concernés ?

ces questions, les régions les posent. même si elles ne sont pas des opérateurs directs en matière d’aménagement du territoire, elles accompagnent, elles financent suffisamment les autres collectivités pour donner des orientations importantes par l’intermédiaire de schémas d’aménagement, de schémas de développement ou dans les procédures de contractualisation comme les contrats de pays ou les contrats d’agglomérations. elles apportent surtout une vision stratégique et prospective lorsqu’elles élaborent un Schéma régional d’aménagement durable du territoire, ce qui est le cas dans la plupart des régions françaises. encore faut-il que le passage du diagnostic partagé à la stratégie se traduise réellement par des actions concertées. or le partage parfois ambigu des compétences des uns et des autres ne facilite pas la tâche.

dans cet ordre d’idées, une tentative intéressante avait eu lieu dans les années 1990 avec le Livre blanc du Grand Bassin parisien, suivi d’une charte du Bassin parisien et d’un contrat interrégional en 1997, hélas trop peu pourvu de moyens financiers et maintenant un peu tombé aux oubliettes, hormis les programmes de soutien aux franges franciliennes.

La charte poursuivait 5 objectifs • affirmer la place du Bassin parisien en Europe,• assurer la solidarité entre les territoires,• former et développer l’emploi dans tous les territoires,• gérer les ressources environnementales,• satisfaire les exigences de mobilité.

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L’objectif de la région est d’optimiser les potentialités de chacun de ses territoires et de favoriser la cohésion territoriale et sociale de l’espace régional. il vise également à réduire les disparités de développement entre les territoires et à améliorer les conditions de vie de l’ensemble des habitants.

La politique d’aménagement du territoire d’une région ne se lit pas uniquement sur la ligne budgétaire spécifique « aménagement », elle se lit aussi dans les politiques de l’emploi, de la formation, de l’éducation, des services, des transports. À l’avenir, ce sont également les articulations entre ces budgets qu’il faudra travailler et structurer. cette politique vaut également par son effet levier : 1 euro apporté par la région génère 4 euros d’investissements réalisés par les autres collectivités.

• Les contrats de pays et les contrats d’agglomérations

La quasi-totalité du territoire régional (95 %) est couverte par des contrats régionaux.

plus de 320 millions d’euros ont été apportés dans les pays et les

agglomérations par la région centre depuis 2004 (156 millions pour les agglomérations et 164 millions pour les pays) par l’intermédiaire des contrats régionaux. Les contrats de pays ont représenté une révolution tranquille mais spectaculaire en matière d’aménagement du territoire. ils ont amené les communes rurales à réfléchir ensemble, à réfléchir sur les espaces les plus pertinents pour élaborer des stratégies de développement et d’investissements partagés. ils ont incité à l’intercommunalité, ce qui n’était pas évident il y a 20 ans.

une troisième génération de contrats régionaux a été créée en 2009. elle a pour objectif de donner une meilleure lisibilité des priorités régionales, de simplifier les procédures et de renforcer le lien entre la région et les citoyens.

elle s’inscrit totalement dans les préconisations de l’agenda 21 régional.

• Les opérations Cœur de village

La politique des cœurs de village intéresse les communes de moins de 7 000 habitants et elle est l’occasion de faire partager deux principes qui

L’aménagement du territoire en région Centre

Le principe d’aménagement intégrait un réseau urbain maillé dans une trame verte. L’objectif était d’organiser et de contrôler l’urbanisation des territoires limitrophes de l’Île-de-France, de dynamiser les espaces métropolitains, de renforcer le rôle des villes moyennes et de leur environnement rural. Les franges franciliennes étaient désignées comme des espaces d’équilibre-trait d’union. Quinze ans après, le bilan reste très mitigé, sans doute faute de véritables coopérations au niveau interrégional.

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s’inscrivent dans la recherche d’un urbanisme durable : la redynamisation des centres-bourgs par des opérations de réhabilitation ou de construction de logements, et l’aménagement d’espaces publics, dans le respect d’une charte qualité.

chaque année, 15 millions d’euros sont alloués pour aider les communes rurales à se doter d’une gamme complète de logements locatifs sociaux et à mettre en valeur l’environnement et le cadre de vie par l’aménagement d’espaces publics. en vingt ans, 2 500 logements sociaux ont été construits et 2 000 logements ont été réhabilités grâce à ce soutien de la région avec pour résultat une requalification des

cœurs de village et une amélioration de la mixité sociale.

• Les contrats villes moyennes

Les villes moyennes, qui assument des fonctions de centralité au bénéfice d’un territoire plus vaste que les limites communales, offrent des emplois et des équipements dont bénéficie tout un bassin de vie.

La région vise au renforcement de leurs fonctions d’organisation urbaine, en améliorant l’accueil des populations et la qualité de la vie. ainsi dans les contrats de ville moyenne, environ 63 euros par habitant sont accordés.

Habitat alternatif en quête d’écoquartier

Par Anne d’Orazioanne d’Orazio est architecte-urbaniste, qualifiée en ingénierie à haute qualité environnementale, maître assistante associée à l’école nationale d’architecture de paris La Villette.

Ses travaux portent sur les enjeux spatiaux, sociaux et historiques de la fabrication de la ville ordinaire et de la coproduction par les citadins de leur cadre de vie, autour des axes suivants : l’émergence et le renouvellement des expériences d’habitat groupé et de leurs réseaux, les processus et conditions d’autopromotion du logement, la participation des habitants dans les projets urbains, les espaces de co-conception à l’échelle urbaine et architecturale. dans cette perspective, elle mène aujourd’hui, sous la direction de marie-Hélène Bacqué, un doctorat en urbanisme au sein de l’équipe mosaïques-LaVue, à l’université paris-ouest nanterre La défense, intitulé L’habitat groupé en France, entre héritage et innovation, un mouvement en quête d’alternatives.

Voilà une dizaine d’années que des responsables de collectivités locales, des représentants des réseaux associatifs et citoyens ont découvert la restructuration urbaine de la caserne française de Fribourg. c’est par chapelets qu’ils se rendent, tels des pèlerins, à la rencontre de l’écoquartier Vauban, érigé au rang de Best practice : « mais où courent-ils tous, vers quel nouvel eldorado ? »

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ce volet permet la mise en œuvre d’une action « Chantier pour l’avenir » définie dans le cadre de l’agenda 21 régional adopté en juin 2008 afin de déterminer une politique régionale du logement et du foncier.

une étude menée en 2006 avait montré qu’en région centre, la question était moins celle de la rareté du foncier que sa mobilisation ainsi que la nécessité d’une réflexion dans une logique de développement durable. il existe trop souvent une absence de stratégie foncière sur la majorité des territoires. ou quand il y a stratégie, elle ne s’applique qu’aux zones d’activités. une véritable stratégie foncière doit prendre en compte et en considération l’urbain, le logement collectif et individuel, les équipements publics, le commerce, l’artisanat, l’activité économique en milieu urbain, les voies de circulation, le périurbain, les paysages, l’eau...

de quelle façon tous ces éléments peuvent-ils vivre ensemble de manière harmonieuse afin d’assurer un développement durable qui permette d’honorer les besoins et les souhaits de nos concitoyens d’aujourd’hui sans hypothéquer l’avenir ?

en conséquence, l’état et la région ont décidé de consacrer conjointement 4 millions d’euros au soutien des stratégies foncières, dont 1 million d’euros de la part de l’état et 3 million d’euros de la part de la région. Les modalités d’intervention de ce dispositif prévoient tout à la fois la participation au capital social d’établissements publics fonciers ou de structures équivalentes ainsi que la diminution des frais de portage incombant aux acquéreurs de terrains destinés à constituer des réserves

foncières à moyen et long terme afin de créer des logements sociaux.

dans un second volet, le règlement oriente clairement le dispositif vers un usage économe de l’espace par une densification des centres à proximité des axes de transport.

une deuxième démarche adoptée par la région porte sur la qualité des zones d’activité. La région centre compte plus de 800 zones d’activités qui couvrent 18 000 hectares soit 0,4 % du territoire régional. Or cette artificialisation des sols aux dépens des terres agricoles a tendance à s’accélérer. il est donc impératif de définir une stratégie régionale d’aménagement des zones d’activité, ce qui est explicitement indiqué dans le cadre de l’agenda 21 régional.

La véritable question est la suivante :Que voulons-nous faire de nos territoires ?

Il y a bien nécessité de définir des stratégies évolutives adaptables aux situations et aux besoins, ce qui suppose une lecture large du territoire, une lecture qui ne se contente pas des frontières fictives des agglomérations, des pays, des communautés de communes mais de prendre en compte les différents espaces et de les resituer dans l’ensemble constitutif des territoires eux-mêmes. il faut faire vivre ensemble tous ces éléments – logement, espaces publics, voies de circulation, équipements, zones d’activités – sans que l’un de ces éléments soit oublié, voire sacrifié, au profit d’un autre.

il faut prendre en compte l’intelligence et les ressources des territoires, il n’existe pas un seul modèle, mais plusieurs modèles adaptables et évolutifs.

Le volet foncier du contrat de projet État/Régionpar Dominique Roullet, vice-président délégué à l'Aménagement du territoire de la région Centre

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ils reviennent avec des yeux tout émerveillés, rêvant de développer ça et là des opérations semblables sur leur commune, dans leur quartier. Le paysage de l’urbanisme opérationnel de la fin des années 1990 découvre alors les expériences triomphantes des écoquartiers largement venues de l’europe du nord.

L’écoquartier ou la quête de performance

depuis le début des années 1980, l’urbanisme opérationnel cherche, au travers de la notion de projet urbain, à panser les plaies ouvertes par la planification de masse des années 1960 et à renouveler son cadre de références. L’écoquartier apparaît comme une nouvelle échelle de réflexion et un nouveau possible. Les premières approches en la matière prennent en compte la qualité environnementale et la maîtrise énergétique du cadre bâti. Les pays industrialisés découvrent, au début des années 1990, les travaux du Giec sur les effets du réchauffement climatique ; la France met en œuvre, à travers la mission interministérielle de l’effet de serre (la mieS), une série de démarches et de projets. dans cette perspective, il s’agit avant tout de réduire l’impact du bâti sur l’environnement en recherchant la performance. Les principales actions portent sur la maîtrise énergétique, la réduction des consommations, le développement des modes de déplacement doux, la limitation des productions de déchets, etc. Le projet d’écoquartier devient alors une machine à fabriquer de la performance, où des scores plus ou moins acceptables sont comptabilisés, répertoriés, référencés. L’écoquartier a son modèle, il ne reste donc plus qu’à le dupliquer.

Quand l’écoquartier devient citoyen

au-delà des qualités performantielles portées par les techniques alternatives, certains militants recherchent dans la démarche l’expression d’un autre mode de vie. dès lors, ils voient dans l’écoquartier la possibilité de mettre en œuvre des réflexions sur le vivre-ensemble, les modes d’habiter, le renouvellement du lien habitat/travail, les mobilités, les circuits courts, etc. Là encore, les expériences nord-européennes servent de base de référence. ce sont largement les notions de coopérative et de coproduction de l’espace qui servent d’ancrage à la réflexion : les Baugruppen, kollektivhus, centraal wonen et autres co-housing n’ont plus de secrets pour ses militants qui se mobilisent pour initier des projets et faire émerger l’idée

34. Voir à ce sujet La démocratie participative inachevée, sous la direction de marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer, amélie Flamand, Héloise nez, éd. Yves michel, coll. Société civile, paris, mars 2010.

35. Voir l’article de m.-H. Bacqué et c. carriou : « participations et politiques du logement, un débat qui traverse le vingtième siècle », in Généalogies de la démocratie participative, sous la direction de marie-Hélène Bacqué, Henri rey, Yves Sintomer, La découverte, paris, à paraître en 2010.

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d’une nouvelle gouvernance urbaine où le citoyen devient pleinement acteur de son cadre de vie. cet engagement dans une participation aux affaires de la cité fait en partie écho à la promulgation et à la mise en œuvre, en 2002, d’un dispositif réglementaire encadrant la « démocratie de proximité » par l’organisation entre autres des conseils de quartier. toutefois la question de la participation des citoyens34 est une affaire bien plus ancienne qui trouve ses fondements dans l’histoire même de la démocratie. en ce qui concerne le champ du l’urbain, c’est à partir de années 1960 que la thématique émerge sous le vocable de « démocratie participative » et de « luttes urbaines ». en ce qui concerne le champ de l’habitat, la question de la participation des intéressés n’est pas nouvelle et elle renvoie à un long débat35 amorcé dès la fin du XIXe siècle à l’occasion de la constitution des politiques publiques du logement. pour la période actuelle, les expériences les plus importantes ont été produites au cœur des années 1970 par des mouvements citoyens et la puissance publique. il s’agissait alors de coproduire le cadre de vie, comme en atteste l’ouvrage d’albert mollet36, Quand les habitants prennent la parole. de cet héritage, quelques expériences ont vu le jour, largement portées par des groupes issus des nouvelles couches moyennes que l’on nommait alors « classes d’alternatives »37.

Produire un habitat solidaire et durable

depuis le début des années 2000, émerge en France une série d’initiatives émanant de groupes de citoyens, d’associations ou de municipalités qui visent à réaliser des formes d’habitats « alternatifs ». Largement inspiré par les questions d’autopromotion du logement et des formes de coopération, ces démarches cherchent à faire émerger un espace « alternatif » de production de l’habitat en France. Fondées sur une critique des modes de production conventionnels du logement, elles tentent d’en proposer un dépassement dans une perspective de mutualisation, de solidarité et de durabilité. inspirées des expériences nord-européennes et du cohousing, mais aussi du mouvement coopératif québécois, elles invitent à la mise en œuvre d’une réflexion sur un « habiter autrement ». S’appuyant sur une analyse critique des tensions perceptibles sur le marché du logement et des difficultés d’accès à la location ou à la propriété, elles cherchent à faire émerger un espace

34. Voir à ce sujet La démocratie participative inachevée, sous la direction de marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer, amélie Flamand, Héloise nez, éd. Yves michel, coll. Société civile, paris, mars 2010.

35. Voir l’article de m.-H. Bacqué et c. carriou : « participations et politiques du logement, un débat qui traverse le vingtième siècle », in Généalogies de la démocratie participative, sous la direction de marie-Hélène Bacqué, Henri rey, Yves Sintomer, La découverte,

paris, à paraître en 2010.

36. albert mollet, chargé du Bureau des études sociologiques à la direction de la construction, a publié en 1981 un bilan critique d’une série d’expériences avec les habitants dans le cadre d’un programme initié par le plan construction architecture.

37. Le terme de « classe d’alternative » a été employée par monique dagnaud dans son article « La “ classe d’alternative ”. Réflexion sur les acteurs du changement social dans les sociétés modernes », in Sociologie du travail, n° 4, octobre-décembre 1981.

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de réflexion et d’expérimentation sur de « nouvelles »38 formes d’habitat tant sur le statut d’occupation que sur le mode de gestion. Les initiatives autour de l’habitat alternatif, bien que présentes dans les décennies 1970 et 1980, se développent aujourd’hui dans un contexte nouveau de renégociation des politiques sociales du logement, de transformation des formes d’engagement et de tensions dans l’occupation de l’espace urbain, où la critique sociale39 et écologique sont largement imbriquées. elles s’inscrivent d’ailleurs dans des revendications de démarches de développement durable et d’économie solidaire où le principe de la participation des habitants à l’élaboration du projet est central et où ils cherchent à constituer une opération au travers d’un montage maîtrisé dont ils deviendraient les principaux acteurs. ce faisant, ils marquent leur volonté d’établir de nouveaux rapports, plus symétriques, entre habitants-citoyens, pouvoirs publics et financeurs. Cette démarche engagée dans le champ de l’habitat peut se rapprocher des réflexions sur la consommation responsable et les circuits courts.

Une histoire commune dans des approches diversifiées

au cœur de la démarche, l’initiative habitante est animée par un esprit coopératif. aujourd’hui, cet engagement trouve une diversité d’expressions qui peut se caractériser par deux grandes tendances, l’une cherche à réaliser des projets en autopromotion, l’autre tente de promouvoir des formes de coopératives d’habitants. cette distinction entre les démarches n’est pas superficielle et elle rend compte de la spécificité des revendications portées par chacune de ces tendances. ainsi, les premiers, au travers d’une démarche d’autopromotion, cherchent une alternative à la promotion privée traditionnelle et tentent de renouveler les principes de la copropriété. en ce sens, ils s’inscrivent largement dans une filiation héritée des opérations du Mouvement pour l’habitat groupé autogéré, le mHGa40.

Les seconds, dans une perspective de réforme du cadre législatif, mettent en question les rapports marchands de la propriété et de la spéculation immobilière et proposent autour de l’idée de coopérative d’habitants une alternative à l’accession sociale. il s’agit, comme le revendique l’association Habicoop41, principal chef de file de cette démarche, de renégocier un cadre de droit dans lequel la propriété collective pourra être reconnue à part entière.

38. Bacqué (m.-H.) et Vermeersch (S.), Changer la vie ? Les classes moyennes et l’héritage de Mai 68, Les éditions de l’atelier, paris, 2007.

39. castel (r.), Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Fayard, paris, 1995.

40. mHGa, mouvement pour l’habitat groupé autogéré, est une association fondée en 1978 qui a œuvré à la promotion de l’habitat groupé en France jusqu’au milieu des années 1980. il a récemment relancé ses activités sous la dénomination d’eco-Habitat groupé, suite du mHGa.http://www.ecohabitatgroupe.fr

41. association fondée en 2005 à Lyon, dont l’objet est d’une part le développement de projets immobiliers collectifs dénommés coopératives d’habitants, et d’autre part la création des conditions d’existence d’un réseau de coopératives d’habitants dans un cadre juridique ad hoc.http://www.habicoop.fr

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cette revendication apparaît pour l’association être le moyen de garantir la non-spéculation du logement et de proposer une troisième voie entre promotion privée et parc social, comme l’exprime son slogan : « La coopérative d’habitants, c’est plus que du logement ! ».

Passer de l’expérimentation à la production : quelles initiatives ?

aujourd’hui, sous la bannière de ces deux tendances, des réseaux se sont développés sur l’ensemble du territoire national et plus largement dans les grandes zones métropolitaines. cette diffusion de l’idée est portée et structurée par des réseaux militants et associatifs où se croisent « habitants ordinaires » et professionnels. Les thématiques développées s’inscrivent dans une réflexion sur le vivre-ensemble et sur l’intervention sur le cadre de vie. elles proposent de questionner ce que nous appelons une « écologie du quotidien »42 où l’engagement du collectif est valorisé dans une perspective de durabilité et dans une revendication d’un « agir local » pour un « penser global ». cette posture se traduit par une recherche d’innovation tant dans les registres sociaux que dans les approches techniques et administratives.

cette démarche, ancrée dans les registres des techniques écologiques de la production du bâti et de l’urbain, fait écho aux engagements des collectivités locales qui cherchent à produire, par tout moyen, des opérations exemplaires et à renouveler leurs démarches opérationnelles. ainsi, les porteurs d’initiatives trouvent une écoute favorable auprès des responsables politiques locaux avec lesquels ils négocient. autour de ces nouveaux modes de partenariats, entre société civile et puissance publique, des opérations cherchent à donner corps aux réflexions sur la mixité sociale, sur l’intergénérationnel, sur le développement durable, etc. au travers d’arrangements collectifs se développe une forme d’intelligence qui invite d’une part les acteurs publics à renouveler les registres de la participation citoyenne et d’autre part les réseaux habitants à faire éclore un droit à l’initiative et à l’expérimentation. dès lors, si les futurs écoquartiers français portent une telle ambition, ils pourront à leur tour prendre place dans le cercle encore trop fermé des expériences porteuses d’un renouvellement urbain durable.

42. Voir à ce sujet les contributions d’anne d’orazio à l’occasion de la 2e conférence internationale sur la décroissance (http://www.degrowth.net/-barcelona2010-) et de l’article « Habiter autrement : de l’initiative à l’engagement », in Territoires, mai 2010.

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Fréquel Fontarabie, Paris 20e :la participation comme ciment du projet

Par Marc Prochasson et fiche de synthèse par la DGUHCélue : Fabienne Giboudeaux, adjointe à l’urbanisme de 2002 à 2008, assistée de marc prochasson.marc prochasson est conseiller environnement des Verts de paris 20e.

un écoquartier dans paris ? c’est le travail qu’a mené Fabienne Giboudeaux pendant son mandat d’adjointe à l’urbanisme à la mairie du 20e arrondissement de 2002 à 2008.

Fréquel Fontarabie a été récompensé au mois de novembre 2009 dans la catégorie « Sobriété énergétique », dans le cadre de l’appel à projets Écoquartiers lancé par le ministère de l’Écologie.

Contexte

paris, 20e arrondissement en tissu urbain constitué

Surface en ha

1 ha

Éléments de gouvernance

maîtrise d’ouvrage : Ville de parismandataires : Siemp - opac

À Strasbourg, l’association eco-quartier1 contribue à piloter des projets avec des habitants : un immeuble en bois est en cours de chantier et la municipalité a lancé en mai 2009 un appel à projets sur 10 terrains lui appartenant en ville pour permettre à des groupes

de se constituer, accompagnés par l’association, et construire ensemble leur projet d’habitat.

pour les contacter : Bruno [email protected]

Habitat groupé et écoquartier :une nouvelle voie pour habiter autrement ?

1. http://www.ecoquartier-strasbourg.net

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Typologie

106 logements sociaux dont 35 en réhabilitation1 crèche municipale de 60 berceaux (1 000 m²)8 locaux d’activités et associatifs1 jardin public et associatif1 place publique

Calendrier

acquisition des bâtiments : 2e trimestre 2008Fin des 45 relogements : 2e trimestre 2009premiers chantiers : mi-2008achèvement des derniers chantiers : 2011désignations architectes : 02/2008 pour la crèche municipale

Un quartier à réhabiliter au cœur de Paris

Situé à deux pas du cimetière du père-Lachaise, l’îlot Fréquel Fontarabie fait partie du fragile tissu de faubourg du quartier de la réunion. L’ensemble du quartier de la réunion fait l’objet d’un programme de résorption de l’habitat insalubre ; à ce titre, la plupart des bâtiments seront conservés et réhabilités, sauf lorsque l’état de vétusté impose de remplacer par des constructions neuves.

La particularité de ce projet est la façon dont la concertation y a été menée et comment, de ce fait, le projet d’aménagement s’est défini peu à peu au travers des interactions entre les différents acteurs en présence.

L’objectif était d’instaurer une relation de confiance entre habitants, élus et techniciens, de manière à aboutir à un dialogue ouvert qui permette une véritable coproduction du projet.

un bureau d’études spécialiste de la concertation a été missionné pour mener à bien la démarche de participation, et les architectes ont été étroitement associés au processus.

Le quartier Fréquel Fontarabie a été choisi comme l’un des projets pilotes de la Ville de paris en matière d’intégration du développement durable dans les projets d’aménagement. il a en particulier permis d’alimenter l’élaboration d’un référentiel d’aménagement durable à l’échelle de la Ville.

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Ci-dessous, le profil final de l’écoquartier.

La gestion responsable des ressources

• performances énergétiques ambitieuses, sur les bâtiments neufs comme sur ceux à réhabiliter• gestion responsable de la ressource en eau (récupération des eaux pluviales, part importante de surface perméable, mise en œuvre d’équipements hydroéconomes…)La qualité du cadre de vie• restructuration du quartier autour d’un espace vert central, pour proposer un espace de respiration urbaine et préserver l’intimité du lieu• cheminements piétonniers mis en valeur et desservant les équipements (école, crèche) et les espaces collectifs intérieurs

La diversité urbaine et sociale

• maintien de la mixité sociale sur le quartier • offre adaptée de logements et d’équipements • objectif de maîtrise des charges et coûts de fonctionnement des bâtiments

Description

Une enquête téléphonique pour mobiliserles habitants du quartier

une cinquantaine d’acteurs ont été mobilisés grâce à une communication adaptée à chaque public : outre une campagne d’affichage auprès des habitants du quartier et la mobilisation des relais locaux (associations, comités de quartier) par les élus du 20e arrondissement, les propriétaires ont été contactés par le biais d’une enquête téléphonique de « mobilisation ».

L’objectif de l’enquête téléphonique était d’appréhender le degré de connaissance du quartier, de percevoir l’intérêt des enquêtés pour l’îlot Fréquel Fontarabie et enfin d’informer et d’inciter les enquêtés à participer à la réunion d’ouverture.

Des temps courts et bien cadrés, pour valideren amont les orientations du projet

La participation a été menée en quelques mois, de mi-2003 au début 2004, sur un rythme soutenu et avec des objectifs clairs à chaque étape :

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• apports sur le diagnostic et les enjeux du projetune réunion d’ouverture, des ateliers urbains participatifs et une visite du quartier ont été organisés. À partir d’un diagnostic urbain et fonctionnel du quartier, les habitants ont exprimé leur perception du quartier, leurs souhaits et leurs attentes ; puis, une discussion ouverte avec les urbanistes a permis d’apprécier la faisabilité de leurs attentes.• choix d’un scénario d’aménagementLors de nouveaux ateliers urbains participatifs, l’équipe d’urbanistes a présenté trois scénarios d’aménagement possibles, élaborés à partir des précédents ateliers : la discussion et les débats avec les habitants ont permis de choisir le scénario le mieux adapté.

une proposition d’aménagement de l’îlot et un début de programme ont ensuite été présentés en réunion de clôture, puis débattus entre les habitants, les élus et les techniciens (opac, Siemp, direction de l’urbanisme de paris). Les résultats des études techniques menées ont été présentés aux habitants en réunion publique, puis un débat a eu lieu autour d’un plan et d’un programme d’aménagement.Enfin, l’ensemble de la démarche et du projet a été présenté au grand public lors d’une exposition.

Des ateliers et des scénarios pour coproduirele parti d’aménagement

une des particularités du projet est de ne pas s’appuyer sur un programme prédéfini ; l’équipe d’urbanistes a pu produire une véritable réflexion à partir de l’histoire et de la spécificité du quartier.

À partir de ces éléments, l’équipe a cherché à anticiper ce dont le quartier et ses habitants avaient besoin : un jardin qui soit un espace de convivialité, une respiration urbaine avec des densités moyennes et une intimité préservée, une architecture hétérogène à conserver…

au cours des premières réunions de participation, aucun projet n’a été présenté : volontairement, l’équipe a avant tout proposé un principe spatial et discuté des vocations des différents espaces (le jardin, les venelles, la crèche…). L’idée était de commencer par « partager un imaginaire urbain » avant de concevoir un plan masse43.

43. Le plan masse est dessiné à une échelle large (du 1/200 au 1/500) ; il figure les bâtiments de façon simplifiée sur le terrain, avec un cadrage qui permet de situer ce terrain dans son cadre d’implantation, avec la rose des vents, les voiries, les parcelles et bâtiments voisins, etc.

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plusieurs scénarios d’aménagement ont ensuite été présentés aux participants : ceux-ci ont véritablement choisi les options les plus pertinentes, et ont nourri la réflexion urbaine avec leurs perceptions, leurs besoins spécifiques et leurs attentes vis-à-vis de la vie future dans le quartier.

La poursuite de la participation au-delà des ateliers

après la phase de participation qui s’est déroulée entre fin 2003 et début 2004, le conseil de quartier a pris le relais pour porter le projet et l’expliquer aux habitants du quartier.

Le conseil de quartier et une association d’habitants ont ainsi participé aux jurys des concours des bâtiments. Le conseil de quartier avait déjà participé à des concours de maîtrise d’œuvre organisés par la Ville, mais c’est la première fois que ceux-ci étaient précédés d’ateliers urbains participatifs.

L’implication des habitants dans l’approche environnementale

pour les habitants, la question de la qualité environnementale s’est posée avant tout au sujet de la vocation et du traitement de l’espace vert central. Sur les autres aspects de la qualité environnementale, le manque de connaissances de ce qui était envisageable en termes de performances environnementales a limité la formalisation de véritables exigences de la part des habitants, même si le désir était bien présent.

c’est l’élue de quartier qui, s’appuyant sur ce désir, a fait émerger une volonté politique forte sur ces questions en proposant la réalisation d’un écoquartier. une mission d’amo développement durable a dès lors été lancée pour mettre en place un travail d’information, permettant d’expliquer ce qu’implique la réglementation thermique, quelles sont les solutions techniques applicables…

Au final, lors des concours, la qualité environnementale des projets est devenue l’un des critères de sélection essentiels pour les habitants. en effet, si un bâtiment ne répondait pas aux exigences environnementales du cahier des charges, ou s’il recevait une mauvaise appréciation de l’amo développement durable, le projet était systématiquement rejeté par les représentants des habitants.

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Enseignements

La participation, facteur d’appropriation du projet par les habitants

Les ateliers urbains ont permis en premier lieu une « formation » préalable au vocabulaire spécifique de l’architecture et de l’urbanisme. L’intérêt essentiel pour les habitants était d’être en contact direct avec les concepteurs, de pouvoir les interpeller et les interroger en face à face. une fois ce vocabulaire acquis et mis en commun avec les architectes et les techniciens de la Ville, les habitants se sont rendus compte qu’ils avaient une expertise propre, qu’ils pouvaient dès lors mettre en valeur.

Grâce à la démarche de participation sur ce projet, ce qui ressort est l’impression d’avoir avancé ensemble (habitants, associations, architectes, ville, opérateurs…), y compris sur les questions de qualité environnementale : en anticipant et en répondant dès le départ aux attentes des habitants, l’équipe a en quelque sorte désamorcé le risque de conflit, et favorisé la mise en place d’une véritable discussion sur le « comment faire ». La participation a pu très rapidement devenir un lieu d’échanges constructifs car elle s’appuyait sur une vision commune et partagée du projet. de ce fait la participation sur ce projet a permis la mobilisation d’expertises très diverses et au final un important gain de temps sur la suite du projet.

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La participation en amont présente de nombreux avantages :• éviter les recours sur les permis de construire,• comprendre les jeux d’acteurs,• se prémunir contre des intérêts privés (syndrome nimBY).

Bien sûr, le fait que le quartier soit marqué par une véritable culture de la mobilisation associative et de la collaboration active sur les projets d’urbanisme a été un facteur de réussite pour la démarche. Sur un projet où cette culture n’est pas aussi présente, la phase de mobilisation des acteurs avant et pendant les ateliers est donc d’autant plus primordiale.

La nécessité de définir et d’organiser professionnellement la participation

ce qui différencie la démarche de participation du projet Fréquel Fontarabie par rapport à d’autres projets auxquels les habitants et en particulier le conseil de quartier sont associés, c’est que la participation a ici été faite de manière plus formalisée, plus professionnelle. Le choix d’un prestataire spécifique sur la participation, son savoir-faire en matière de mobilisation des acteurs, l’organisation d’ateliers permettant un contact direct avec les architectes… ont permis aux habitants de prendre conscience du sérieux de la démarche et de l’importance accordée à leur parole.

L’explication des résultats des études et la participation de techniciens ont quant à elles fourni aux habitants les clés nécessaires à la bonne compréhension des problématiques et des contraintes spécifiques au projet.

À plusieurs reprises, les habitants ont pu se rendre compte que leurs propositions étaient prises en compte au même titre que celles des architectes, de la ville… : si elles n’étaient pas intégrées au projet, ce choix était expliqué en réunion. La justification des décisions est un élément essentiel dans les démarches de participation et doit faire partie des « règles du jeu ».

Le maintien de la mobilisation tout au long du projet

L’une des choses les plus difficiles à gérer dans les démarches de participation appliquées aux projets urbains

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est la différence entre le temps de la participation et le temps du projet, autrement dit entre le temps des humains et celui de la ville.

Sur ce projet, trois grandes phases se sont succédé : aux ateliers urbains, sur un rythme soutenu, a succédé une période assez longue où les habitants n’ont plus été mobi-lisés, jusqu’aux concours et à la participation aux jurys.

entre les ateliers urbains et la participation aux jurys, l’implication du conseil de quartier dans la démarche a été un gage de réussite, car elle a facilité l’appropriation du projet par ses futurs habitants et usagers : aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des habitants expliquer le projet aux passants.

il est essentiel, lorsqu’on entame une démarche de participation, de la mener jusqu’à son terme ; en cela la participation aux concours a été très importante car les habitants ont pu prendre conscience que le projet avait continué à avancer sur les bases préalablement définies avec eux.

aujourd’hui encore la participation continue sur le traitement des espaces publics, du jardin… et même, de l’avis de l’ancienne coprésidente du conseil de quartier, les habitants seraient probablement très intéressés par la mise en œuvre d’une démarche de suivi citoyen une fois les travaux achevés.

L’implication et la responsabilisation des habitants sur chacune des étapes clés du projet induisent des bénéfices qui vont donc au-delà de l’acceptation ou de la coproduction d’un projet : elles garantissent l’appropriation des objectifs et leur maintien dans le temps.

Le portage politique comme élément moteur du projet

L’élue référente a joué un rôle essentiel pour l’intégration de la qualité environnementale dans le projet. Sa présence au cours des réunions de participation ainsi que son action auprès des différents partenaires a permis de créer un véritable dialogue constructif autour du projet.

Le projet a en outre bénéficié d’une mobilisation de la part des responsables politiques et techniques du projet pour assurer sa reconnaissance au niveau de la Ville de paris

comme projet pilote. cette reconnaissance est aujourd’hui source de fierté pour les habitants du quartier et renforce encore leur implication.

Le rôle du politique est essentiel dans la conduite d’un projet d’écoquartier, non seulement pour porter et communiquer un engagement fort vis-à-vis des partenaires, mais aussi parce que c’est aux élus que revient la responsabilité de décider. L’un des objectifs de la participation est donc de faire émerger les éléments sur lesquels les élus appuieront leurs décisions.

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dans la revue Urbanisme de juin 2006, un article de Françoise rouxel explique des changements profonds de processus de projet qu’implique la prise en compte des enjeux du développement durable. Les services publics et les professionnels doivent remettre en cause leur conception même du projet, et les élus leur posture à la fois politique et pilote, pour laisser exister une construction collective, par étapes itératives, qui ne permettra peut-être pas la réalisation d’un projet emblématique de la durée du mandat mais posera les bases d’une nouvelle façon d’envisager la ville ensemble (dit comme ça, on dirait un slogan de tract électoral).

La ville durable, c’est un projet collectif, un horizon, et surtout pas une fin en soi, un produit fini.

ce n’est pas non plus un modèle à reproduire, une compilation de techniques universelles : chaque territoire doit s’inventer, faire vivre ses singularités. Selon le climat, l’hydrologie, les matériaux locaux, les savoir-faire, les vents dominants, la neige et les embruns, les villes et quartiers doivent avant tout s’adapter et répondre aux besoins des modes de vie.

ce qui apparaît également sur le plan de la méthodologie, c’est que l’analyse multicritère apporte cette vision de l’ensemble des composantes sur lesquelles il va falloir agir.

il est intéressant d’aller voir ce que font d’autres pays ou régions, comme les Suisses avec leurs cahiers de prescriptions environnementales eco-bau1 ou l’ecopass du Vorarlberg2, qui sont des grilles d’analyse basées sur la valorisation de chaque effort environnemental, qui conditionne au final des subventions calculées à la hauteur de l’effort, plutôt qu’un label qui fixe une seule hauteur d’exigence et de subvention.

La tendance à la recherche de solutions miracles ou simplificatrices, de modèles et de références peut avoir comme effet pervers de conduire à des caricatures de compilations de solutions techniques : la ville durable, l’écoquartier, le quartier durable, quel que soit leur intitulé, devront avant tout avoir des bases territoriales, un ancrage dans l’existant, avec les hommes qui l’habitent et le font évoluer.

c’est un avenir. nous avons la chance en France de pouvoir l’envisager, cet avenir urbain « écologique », ce n’est pas le cas pour beaucoup d’agglomérations dans le monde qui s’étendent à grand renfort de bidonvilles, de tours en béton, ou de résidences privatisées.

Raphaele heliot

1. http://www.eco-bau.ch2. http://www.envirobat-med.net/Ecopass-du-Vorarlberg-Autriche

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Bibliographie

des ouvrages courts et indispensables pour comprendre, argumenter et s’approprier le sujet.

certaines thématiques qui concernent l’urbanisme durable ont été abordées dans le guide pratique #7 du cédis « plans climat-énergie territoriaux » :• fiche-outil n° 8 : Approche environnementale de l’urbanisme, p. 80,• fiche-outil n° 9 : cahier des charges énergie dans les ZAC, p. 81,• présentation de la ZAC de Bonne de Grenoble par Pierre Kermen, p. 82,• chaleurs urbaines, p. 83,• fiche-outil n° 10 : bonus de COS, p. 84.

Introduction

• Petit manuel des villes à l’usage de ceux qui les habitent, Sybille Vincendon, Hachette, 2008, 214 pages.

• Les faiseurs de villes, 1850-1950, thierry paquot et 18 auteurs, éd. infolio, 2010.

Mobilité

• Pour une approche laïque de la mobilité, jean-pierre orfeuil, éditions descartes & cie, collection « Les urbanités », novembre 2008, 173 pages.

• Ville et mobilité : un couple infernal ?, marc Wiel, éd. de l’aube, 2005,90 pages.

Les rouages économiques de l’urbanisme

• La ville franchisée, david mangin, éd. de la Villette, 2004, 390 pages.comment les croissances des villes sont confiées – et abandonnées – aux acteurs économiques, un ouvrage clé pédagogique, plein de schémas et une vision inédite de la production de la ville.

• Pour un nouvel urbanisme, Hervé Vouillot, denis clerc, claude chalon et Gérard magnin, éd. adels/Yves michel, 215 pages, mars 2008.croisement de regards très intéressant, texte synthétique et clair sur la combinaison des rouages économiques, urbains, sociaux et énergétiques de l’urbanisme.

• Développement durable, Villes, régions… agir localement, Hors-série pratique alternatives économiques, 152 pages.À un an des municipales, alternatives économiques a enquêté dans les 20 plus grandes agglomérations de France, interrogeant pour cela les élus, les fonctionnaires territoriaux et des représentants d’associations. résultats : angers, Grenoble, Lille, Lyon, nantes, rennes, Strasbourg appliquent une politique dynamique. en queue de peloton : marseille, toulouse et toulon.

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Ville durable et écoquartiers

• Les pionniers de la ville durable. Récits d’acteurs et portraits de villes en Europe, cyria emelianoff et ruth Stégassy, autrement, 2010.ce travail constitue un état des lieux de ces expériences menées aux quatre coins du continent européen : initiatives motivées par un souci de vivre la ville autrement mais initiatives bien limitées, qui font que ces expériences s’apparentent plus à des vitrines qu’autre chose.

• La ville durable, jean-marc offner et carole pourchez, documentation française, 2007, 120 pages.collectif très synthétique, pour varier les points de vue et comprendre les principes de la démarche, pour faire la ville en tenant compte des enjeux du développement durable.

• Terre urbaine, thierry pacquot, La découverte, 2006, 221 pages.approche philosophique autant qu’économique de la fabrication des villes, et des défis à relever pour qu’elles restent vivables, tant par des aspects législatifs et fonciers que par le partage des espaces qu’elles permettent, sans idéologie écologiste mais plutôt un réalisme face aux indispensables adaptations.

• Écoquartiers, secrets de fabrication. Analyse critique d’exemples européens, Taoufik Souami, Éditions les Carnets de l’info, 2009.explication en détail des projets européens (60 en tout dont 9 en France), entre les annonces et la réalité, entre innovation et blocages structurels.

• Villes rêvées villes durables, Éric Charmes et Taoufik Souami, Ed. Gallimard, 2009.interroge les divers aspects, individuels et collectifs, de l’imaginaire et de la construction de la ville : sensibilité à l’environnement, coût de la vie urbaine, accessibilité des centres, quartiers durables, etc.

• Guide édité à l’usage des élus par le CAUE de la Drôme en 2008 : http://www.ladrome.fr/uploads/media/drome_guide_urbanisme.pdf

Sur les projets d’autopromotion

• Le projet urbain participatif, apprendre à faire la ville avec ses habitants, philippe Verdier, éd. Yves michel, 09/2009, 264 pages.

• Habitat groupé, christian Lagrange, terre Vivante, 2007, 144 pages.

La construction écologique

très intéressant retours d’expériences de la côte d’opale sur quelques bâtiments « engagés ». Les fiches sont très bien faites, indication des coûts, des objectifs, des problèmes rencontrés et des solutions trouvées :http://www.parc-opale.fr/bibliotheque/temoignages.pdf

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Réseaux-ressources

Énergie

• energies-citéshttp://www.energy-cities.eu

• réseau negawatthttp://www.negawatt.org/V6%20assoc%20nW/compagnie.htm

Urbanisme

• Fédération nationale des agences d’urbanismehttp://www.fnau.org/file/news/HabitatFormesUrbaines.pdf

• certu cete : nombreuses études thématiqueshttp://www.certu.frPar exemple :Trame verte et bleue de Bois-Guillaume (76) : fiche 1516T1Bâtiments et aménagements durables à Echirolles (38) : fiche 1471T2Dossier « Éléments d’économie territoriale et urbaine », 2009 : fiche 1509T1

Pédagogie de la ville citoyenneté

• Réseau Vivacités – Citéphilehttp://www.vivacites-idf.org

• association robin des Villes (69)http://www.robinsdesvilles.org

• exemple pays d’artois (59)http://www.cieu.org

• exemple balades urbaines aubervilliers (93)http://www.aubervilliers.fr/actu2443.html

• association des villes amies des enfantshttp://www.villesamiesdesenfants.com

Matériaux, écoconstruction

• Comité national pour le développement de la filière boishttp://www.cndb.org

• construire en chanvrehttp://www.construction-chanvre.asso.fr

• réseau envirobat - méditerranéehttp://www.envirobat-med.net

• réseau cohérence (Bretagne)http://www.reseau-coherence.org

CYB

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• réseau Bruded (Bretagne)http://www.bruded.org

• réseau areso (Sud-ouest)http://www.areso.asso.fr

• réseau cd2e (nord pdc)http://www.cd2e.com

Sigles et acronymes

ADEME agence pour le développement et la maîtrise des énergies

AEU approche environnementale de l’urbanisme

AMO assistance à maîtrise d'ouvrage

ARENE agence régionale de l’environnement et des nouvelles énergies

BET Bureau d’études techniques

CAUE conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement

COS Coefficient d’occupation des sols

GES Gaz à effet de serre

IAURIF institut d’architecture et d’urbanisme de la région Île-de-France

LOADDT Loi d’orientation sur l’aménagement et le développement durable du territoire

MIES mission interministérielle à l'effet de serre

MHGA mouvement pour l'habitat groupé autogéré(devenu éco-habitat groupé)

PADD plan d’aménagement et de développement durable

PDU plan de déplacements urbains

PLH plan local de l’habitat

PLU plan local d’urbanisme (ancien plan d’occupation des sols)

PNUE programme des nations unies pour l’environnement

PUCA plan urbanisme construction architecture

SCOT Schéma de cohérence territoriale

SDAU Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme

SDR-IF Schéma directeur régional (- Île-de-France)

SRAD(D)T Schéma régional d’aménagement et de développement (durable) du territoire

SRU (loi relative à la) Solidarité et au renouvellement urbain

UICN union internationale pour la conservation de la nature

ZAC Zone d’aménagement concerté

ACRO

NYM

ES

imprimé sur papier recyclé cyclus

correction / relecture : anne Kraftconception graphique : Yanni panajotopoulos

[email protected]

cet ouvrage a été achevé d’imprimerpar l’imprimerie darantiere imprim’Vert

à Quetigny (21) en août 2010

N° d’impression : XX XXXXDépôt légal : 3e trimestre 2010

iSBn : 978-2-916952-34-5

diffusion / distribution : pollen

Éditions le passager clandestin71, rue André Joineau – 93310 Le Pré-Saint-Gervais

www.lepassagerclandestin.fr

VILLE DURABLE ET ÉCOQUARTIERS

ce guide pratique parle de la ville. durable forcément, car on ne bâtit pas du temporaire quand on construit une ville, mais durable dans le sens de « qui tient compte des enjeux du développement durable », une ville du XXie siècle, des quartiers innovants, des quartiers écologiques, des écoquartiers.

L’objectif de cet ouvrage est double : comprendre et agir. comprendre autant les thématiques elles-mêmes que leurs interactions, s’approprier un vocabulaire, des notions pour agir, c’est-à-dire être capable d’impulser des projets en connaissance de cause.

pour aborder la « ville durable », nous avons souhaité non pas rédiger un mode d’emploi de l’écoquartier emblématique mais plutôt aborder l’ensemble des notions clés de ce qui fait la ville, de ce qui peut en réduire l’empreinte écologique, les points de vigilance et les ressources disponibles. ce guide constitue un travail collectif et fait appel à des spécialistes reconnus et à des élus impliqués. il renvoie à des lectures plus approfondies sur plusieurs sujets et permet de comprendre le vocabulaire et de dialoguer avec les experts.

le passager clandestin

10 € ttc978-2-916952-34-5imprimé en France

Raphaele Heliot

architecte diplômée (http://sites.google.com/site/raphaeleheliot), spécialisée dans l’approche environnementale depuis plus de quinze ans, du design à l’urba-nisme en passant par l’écoconstruction, elle travaille au sein de divers réseaux :

• collectif les 6d pour le conseil en écoconception auprès d’entreprises

• Vivacités Île-de-France pour l’éducation à l’environnement urbain http://www.vivacites-idf.org

• Salon Bâtir écologique pour accueillir et guider les groupes (élus et professionnels) http://www.batirecologique.com

• Réseau Habitat Groupé pour réfléchir à des alternatives d’habitat autogéré collectif.