· web viewinformation médicale et orientation vers les bons soins apparaissent alors simples...

35
SFRPLAYER.COM NUMERO 5 – ET SI C’ÉTAIT VRAI PLAYERS BENJAMIN BERTON Écrivain et observateur des sociétés modernes, il est remarqué avec la sortie de son livre SAUVAGEONS (Folio Gallimard), prix Goncourt du Premier Roman, puis avec PIRATES (Gallimard), qui se situe dans le futur et met en scène un héros altermondialiste. Il collabore aujourd’hui régulièrement aux rubriques Livres et Musique de Fluctuat.net. JEAN-LOUIS FRECHIN Diplômé de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI), Jean-Louis Frechin est un pionnier du design interactif en France. En 2001, il crée Nodesign, agence de design interactif, où il travaille notamment sur les nouvelles technologies et leurs interfaces. JARON LANIER Jaron Lanier est un philosophe et chercheur américain, pionnier de la Réalité virtuelle. Pour Microsoft, il a contribué à l’invention de Kinect. Connu pour ses critiques à propos de l’Internet, il publie en 2010 YOU ARE NOT A GADGET (Knopf Publishing Group), un essai qui propose de reprendre le contrôle sur les nouvelles technologies. VINCENT DESAILLY Vincent Desailly est un photographe spécialisé dans le portrait et le reportage. Il a participé en 2008 au concours SFR Jeunes Talents Photo. Il fonde en 2010 le magazine culturel Snatch, publie ses portfolios et réalise de nombreux portraits dans AMUSEMENT magazine. ANTONIN FOURNEAU 1

Upload: doankiet

Post on 28-May-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

SFRPLAYER.COM

NUMERO 5 – ET SI C’ÉTAIT VRAI

PLAYERS

BENJAMIN BERTON

Écrivain et observateur des sociétés modernes, il est remarqué avec la sortie de son livre SAUVAGEONS (Folio Gallimard), prix Goncourt du Premier Roman, puis avec PIRATES (Gallimard), qui se situe dans le futur et met en scène un héros altermondialiste. Il collabore aujourd’hui régulièrement aux rubriques Livres et Musique de Fluctuat.net.

JEAN-LOUIS FRECHIN

Diplômé de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI), Jean-Louis Frechin est un pionnier du design interactif en France. En 2001, il crée Nodesign, agence de design interactif, où il travaille notamment sur les nouvelles technologies et leurs interfaces.

JARON LANIER

Jaron Lanier est un philosophe et chercheur américain, pionnier de la Réalité virtuelle. Pour Microsoft, il a contribué à l’invention de Kinect. Connu pour ses critiques à propos de l’Internet, il publie en 2010 YOU ARE NOT A GADGET (Knopf Publishing Group), un essai qui propose de reprendre le contrôle sur les nouvelles technologies.

VINCENT DESAILLY

Vincent Desailly est un photographe spécialisé dans le portrait et le reportage. Il a participé en 2008 au concours SFR Jeunes Talents Photo. Il fonde en 2010 le magazine culturel Snatch, publie ses portfolios et réalise de nombreux portraits dans AMUSEMENT magazine.

ANTONIN FOURNEAU

Diplômé en Expression Plastique de l’Ecole d’art d’Aix-en-Provence, cet artiste contemporain passé par les Arts Déco trouve son inspiration dans l’univers du jeu vidéo, des nouvelles technologies et de l’Internet. Son travail donne lieu à de nombreuses expositions, et la dernière, intitulée Play It Yourself, l’a conduit au Centre Georges Pompidou.

JANE McGONIGAL

Jane McGonigal est auteure, game designer et chercheuse de renommée mondiale. Elle est spécialisée dans les jeux de géolocalisation et de réalité, alternée. Elle est l’auteur de REALITY IS BROKEN (Jonathan Cape Ltd), un livre dans lequel elle estime que les jeux massivement multi-joueurs peuvent rendre le monde meilleur.

PHILIPPE ULRICH

1

Figure emblématique de l’industrie du jeu vidéo et véritable ovni dans le monde des nouvelles technologies, il est à l’origine de la création de Dune, le premier cd-rom interactif de l’histoire, du Deuxième monde, le premier monde virtuel interactif, et du lancement de la société Cryo. Aujourd’hui, il invente un nouveau format musical interactif, le MXP4.

OLIVIER TESQUET

Olivier Tesquet est journaliste spécialisé dans le « journalisme de données ». Il collabore de manière active à la rédaction du site d’information en ligne owni.fr pour lequel il a réalisé entre autres des articles sur le piratage informatique, WikiLeaks ou encore les révolutions numériques. Il collabore aussi aux magazines Technikart et Slate.fr.

Retrouvez les interviews en vidéo sur le site Internet de SFR PLAYER

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : JULIEN VILLERET. DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : JÉRÔME RICHEZ. RÉDACTION EN CHEF, DIRECTION CRÉATIVE : CLAIRE CAILLAUD, ABDEL BOUNANE. DIRECTION ARTISTIQUE : ALICE LITSCHER. RÉDACTEUR : LÉO BOURDIN. PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY, ALEXIS RAIMBAULT. ILLUSTRATION : JEAN LEBLANC, SCHÉHÉRAZADE ABDELILAH. SET-MAKING ILLUSTRATION : ROMAIN LENANCKER. RETOUCHE : PIXUS. IMPRESSION : STIPA. PHOTOGRAVURE : JOUVE. CRÉDITS IMAGES : COUVERTURE - PHOTOGRAPHIE ALEXIS RAIMBAULT, SET DESIGN ROMAIN LENANCKER. P2 - MOBILE FLEXIBLE, VISUELS NON CONTRACTUELS, SAMSUNG ELECTRONICS. P3 - LES RÉSEAUX SOCIAUX AIDENT-ILS LES RÉVOLUTIONS ? DR. P7 - JARON LANIER PAR DAVID MARC. P8 - IMPRIMANTE 3D PAR NICOLA TWILLEY. P9 - PHILIPPE ULRICH PAR VINCENT DESAILLY. P11 - ALEXANDER BARD PAR CALE STOLTZ. P13 - NEIL GARSHENFIELD PAR BILL CRAMER. P14 - DANAH BOYD PAR RACHEL LOVINGER. P15 - JANE McGONIGAL PAR JULIAN CASH. P27 - DOMINIQUE PIOTET PAR STÉPHANE GRANGIER.

EDITO

C’EST VRAI

Alors, prêts pour la mise à jour ?

C’est vrai, la science-fiction est devenue réalité. Quelle que soit notre génération, nous assistons et participons à des changements incroyables. Regardez notre relation au réel. Où sommes-nous ? Réel, virtuel, fiction, être ici physiquement, être ici ailleurs. Regardez notre relation au temps. Le présent a un avant-goût de futur et le passé paraît bien dépassé. Regardez notre relation à l’autre. Qui est l’autre aujourd’hui ? Un humain ? Un avatar ? Un robot ? Une intelligence artificielle ? Bonnes questions. Des questions et des réponses, voilà ce que vous propose SFR PLAYER pour comprendre les enjeux numériques de notre époque. Avec, dans cette nouvelle édition, les idées incroyables de 21 utopistes ou visionnaires, à vous de juger. Alors, prêts pour la mise à jour ?

SFR PLAYER continue online sur le site Internet de SFR PLAYER

NEWMERIQUE

Nett oy ez v otr e écr an ta ct i le : SF R P LA YER vo us p ro po s e une ve i l le ac i dulée des der nièr es tenda nces w eb , geek et hi gh- tech .

2

MOBILE FLEXIBLE

Le constructeur Samsung a dévoilé en partie son projet d’« écran flexible » : une véritable bombe technologique, puisqu’il s’agit d’un écran capable de se tordre et de s’enrouler à loisir tout en gardant une qualité d’image parfaite. Incroyable. Par contre, nous vous déconseillons de tenter les origamis.

MOT DU WEB

À chaque numéro, SFR PLAYER vous fait découvrir un nouveau mot. Ce mois-ci… HACKERGOTCHI désigne un petit avatar, souvent humoristique, qui représente l’auteur d’un billet sur un blog et tel qu’il apparaît à ses lecteurs dans un agrégateur de flux.

3G TO THE MOON

Séquence émotion sur la planète des scientifiques amateurs. Depuis Brooklyn, un père et son fils ont pris l’initiative d’envoyer un iPhone accroché à un ballon gonflé à l’hélium dans l’espace. La vidéo qui montre le ballon atteindre la stratosphère puis exploser en vol pour mieux rejoindre la Terre témoigne d’une certaine poésie geek. Brooklyn space program.org

MINI CAR, MAXI FUN

On vous emmène faire un tour… avec cette Mini Cooper S BeeWi qui se contrôle par Bluetooth et est compatible avec les smartphones Android 2.1 ou Nokia Symbian. Petit bolide au format de poche (échelle 1:20) pour les amoureux de la marque ou simplement pour les virées en open space entre collègues et autres démarrages en trombe à la machine à café. Disponible sur Sfr.fr

MARATHON BRANCHÉ

Joseph Tame est un genre d’homme-orchestre nouvelle génération. Dans les starting-blocks à l’occasion du dernier marathon de Tokyo, il portait sur le dos quatre iPhones, un iPad, un panneau solaire et une parabole satellite. La finalité ? Retransmettre la course en live sur Twitter et permettre à des milliers d’internautes de vivre l’expérience de l’intérieur sans transpirer ! Tame goes wild.com

VERSUS

Les r és eaux s o c iaux a id ent- i l s l es r évo lut i on s  ? Deux personnal ités aux points de vue diamétralement opposés nous répondent .

Malcolm Gladwell, journaliste au New Yorker et essayiste

« Non, ça n’aide pas. Les plateformes de médias sociaux sont construites autour de liens faibles. Twitter permet de suivre (ou d’être suivi) par des personnes que vous n’avez jamais rencontrées. Facebook est un outil pour gérer efficacement vos connaissances, pour garder le contact de gens avec lesquels vous ne seriez normalement pas resté en contact. L’Internet nous permet d’exploiter la puissance de ces types de connexions distantes avec une efficacité merveilleuse. Mais les liens faibles conduisent rarement à l’activisme à haut risque… »

3

Cory Doctorow, militant hacktiviste, auteur de science-fiction et rédacteur en chef de Boing boing.net

« Bien sûr que ça aide ! Si la technologie ne profite pas nécessairement à la liberté, alors par quel autre moyen les opprimés se feraient-ils entendre ? Il est bon de rappeler qu’Internet est palpitant parce qu’il constitue justement l’antidote à cette attitude de spectateur passif, et qu’il forme un mécanisme incitant les gens à la participation au travers d’une succession d’engagements toujours plus importants. »

PRÉSAGES EN VEILLE

Prévoir la prochaine application Android, déterminer le résultat des prochaines primaires présidentielles : tout cela, et bien plus, est prédit par les experts de la communauté Beansight. Beansight.com

DITES 06-33 AVEC SFR

Fini, les longues heures passées sur Internet à chercher soi-même des informations médicales quand on veut être rassuré sur un petit pépin de santé. Surtout que généralement, elles ne sont pas adaptées et pas toujours fiables. Wengo et h2ad, partenaires de SFR, proposent désormais de mettre en relation téléphonique le particulier avec une sélection de médecins généralistes. Information médicale et orientation vers les bons soins apparaissent alors simples comme un coup de fil. Mieux, Jean-Marie Dunand, responsable e-Santé chez SFR, nous assure « qu’à l’avenir, avec l’évolution du cadre réglementaire, ce type de services pourraient nous mettre directement en relation avec notre médecin traitant pour de véritables téléconsultations ». Rassurés ? Plus d'informations sur sfr-infos-docteur.wengo.fr

SURF ANALYSE

Le centre de technologie espagnol Tecnalia et le fabricant de surfs Pukas équipent des planches avec gyroscope, accéléromètre, jauge de déformation et capteurs de pression. Tout l’attirail du parfait surfeur-scientifique pour troquer son teint hâlé contre l’analyse des courbes de la dernière session de ride. Objectif : améliorer les performances des champions. Pukas surf.com

LAB

No us a vo ns s é lect io nné tr o is d es der ni ère s cr éat i ons du lab o de re cher ch e de G oo gle Pl u s d ' in fo rm at io ns s ur g o og l e la bs. co m

Body-Scan

Fini, les cours d’anatomie ennuyeux avec un prof qui exhibe un vieux squelette poussiéreux d’avant-guerre. Google Body se lance dans la visualisation 3D du corps humain et, tout de suite, l’expérience devient beaucoup plus ludique.

GoogleArt-View

Le must pour ceux qui veulent flâner dans les allées des plus grands musées internationaux sans quitter leur appart. Du MoMa au Château de Versailles et au détour des grandes toiles de maîtres digitalisées, vous pourrez également constituer votre propre collection.

4

Andro-guide

Épuré, plutôt simple d’accès, AppInventor est la solution trouvée par Google pour permettre aux développeurs du dimanche de programmer eux-mêmes des applications pour smartphones sous Android.

ET SI C’ÉTAIT VRAI ? ILS HACKENT NOS IDÉES REÇUES

SFR P LA Y ER vo us p ro po s e de m ettr e à j ou r vo tr e cul tur e d i g i ta le a vec une s é lect i on d e per so nna l i tés aux p ens ées dé calées , o r ig i nales , v oi r e tota lem ent ico no c las tes .

Communiquer – et parfois en images – avec ses proches où qu’ils se trouvent dans le monde, visiter un musée new-yorkais depuis son mobile, se géolocaliser dans un restaurant brésilien, lire un livre dans le train en réalité augmentée, concevoir des musiques qui réagissent à l’environnement, liker une vidéo sur le big-bang, surveiller un défibrillateur cardiaque à distance ou encore discuter avec une intelligence artificielle très loquace… Les possibilités offertes par le numérique sont bien souvent des plus iconoclastes. Pour les artistes bien sûr, pour les utilisateurs évidemment, mais aussi bien heureusement pour les penseurs. Ceux que nous avons choisis de vous présenter dans ce dossier envisagent le numérique comme un média malléable, une sorte de pâte à modeler contemporaine, apte à être transformée par notre pensée ou nos actions, (parfois) pour améliorer le monde. Pour vous guider parmi leurs réflexions, nous avons classé ces personnages – pourtant inclassables – en trois catégories. Les uns envisagent des cadres technologiques radicalement novateurs, d’autres regardent le monde numérique de façon subversive pendant que les derniers le repensent avec un regard inattendu. Et même si nous ne souscrivons pas à toutes leurs analyses, ils nous incitent à comprendre le monde numérique sous tous les angles.

VOUS N’ÊTES PAS UN GADGET !

Interview en exclusivité pour SFR PLAYER de Jaron Lanier, scientifique reconnu, compositeur remarqué, pionnier des arts numériques et génial co-inventeur de la Kinect de Microsoft. Rencontre avec un visionnaire que Time Magazine a classé parmi les 100 personnes les plus influentes au monde.

Jaron Lanier est certainement une des personnes ayant le plus contribué à (re)formuler les contours de la pensée numérique ces dernières années. Que ce soit chez Silicon Graphics ou au département Recherche de Microsoft, ce pionnier de la Réalité Virtuelle (il a fondé en 1981 vpl, société produisant les premiers casques de Réalité Virtuelle) n’a depuis cessé de s’intéresser aux interfaces et aux moyens techniques utilisés par les hommes pour communiquer. De ses contributions dans les premiers numéros de Wired, jusqu’à son dernier livre, Jaron Lanier maintient une philosophie fondamentalement humaniste – et à laquelle il n’a jamais dérogé. Son dernier ouvrage, YOU ARE NOT A GADGET, en est la preuve tangible : il y explique que ce sont les hommes qui sont au cœur des mécaniques de l’Internet. Interview.

Dans votre dernier livre, YOU ARE NOT A GADGET, vous évoquez la nécessité d’un « nouvel humanisme digital ». Pouvez-vous préciser cette idée ?

Sur les réseaux sociaux aujourd’hui, les gens ne sont plus présentés comme des individus capables de créer, d’inventer, mais simplement comme des chiffres, des indices statistiques qui ont une valeur quantifiable, et dont les réseaux, tel Facebook, se servent auprès des annonceurs. J’estime que les utilisateurs sont considérés de plus en plus comme des objets, des produits.

5

Internet, tel qu’inventé dans les années 1960 par Ted Nelson, devait permettre à chaque personne d’être à fois le vendeur et l’acheteur de contenus. On pourrait aujourd’hui imaginer un monde où chaque personne est en charge de sa propre information et soit en mesure d’en tirer un revenu, de vivre de sa propre création. Un monde où l’individualité a toute sa place.

Vous dénoncez une forme de pensée unique du web en somme ?

Oui, ce que j’appelle dans mon livre l’esprit de ruche hive mind. On nous impose une approche collectiviste du web qui bannit l’originalité. Prenez l’exemple de Wikipedia. Une communauté y apporte des réponses à des questions. Mais où est la créativité au niveau global ? Tout ce qui s’y trouve existe déjà ailleurs sur le web. La créativité vient toujours d’initiatives et de recherches personnelles. Je m’inquiète à l’idée qu’une, entité qui combine les connaissances de cette manière, se substitue au projet individuel…Et qu’elle remplace cette faculté que nous avons de penser par nous-mêmes, car c’est bel et bien cela qui définit notre identité.

Vous parlez souvent de « totalitarisme cybernétique », vous y allez un peu fort, non ?

J’ai commencé à utiliser ce terme dans les années 90 pour contrer une pensée philosophique mal interprétée selon laquelle l’univers peut être assimilé à un gigantesque programme informatique. Et où les dynamiques sociales seraient similaires aux relations entre les ordinateurs. Penser ainsi, c’est nous condamner à nous organiser d’une manière dysfonctionnelle. Nos sociétés humaines ne fonctionnent pas comme un réseau Internet… A contrario il y a d’autres approches qui sont en totale relation avec le monde tangible, comme la Réalité Augmentée. Cette technologie amène beaucoup de créativité d’ailleurs, mais également tout un tas de services et d’idées intéressantes à exploiter. Nous sommes dans une incroyable ère de développement créatif. Il y a une place en ligne pour de nouvelles formes d’expressions artistiques.

Vous travaillez en ce moment pour Microsoft. Quel rôle y avez-vous ?

Je m’intéresse à la Réalité Virtuelle depuis des années et il faut savoir que j’adore la technologie, je ne suis pas du tout antitechno. Microsoft me permet de sortir des laboratoires des nouvelles technologies que je trouve fascinantes. L’une de ces mises en application la plus récente est Kinect, la caméra tridimensionnelle de la Xbox 360. Et comme vous pouvez l’imaginer, Kinect n’est pas la seule innovation en matière de nouvelles technologies que je voudrais apporter au monde.

YOU ARE NOT A GADGET : A MANIFESTO, aux éditions Knopf Publishing Group

AU-DELÀ DU PRÉSENT

Ce s per so nna l i tés par ta gent un po in t com m un : l e urs pr oj et s dép ass ent lar gem ent les l im it es de no tre i m agin at io n .

ET SI LES OBJETS ÉTAIENT VIVANTS ?

Seth Go lds te in a pp ren d aux r o b ots à se co m po rt er co m m e des m o lécules … Et r es ser r e un peu plus les l ie ns entr e tech no lo gie et Na tur e .

De la même manière que le corps humain est constitué de millions de molécules assemblées entre elles pour former un tout viable et organique, ce professeur un peu original en sciences informatiques à l’Université de Carnegie Mellon programme des robots afin qu’ils adoptent le

6

même type de comportement. Rien que ça. « Une façon de changer la forme d’une molécule, c’est d’utiliser l’électricité. Je me suis donc demandé pourquoi, au lieu d’utiliser le principe de changement de forme d’une molécule pour influencer la numérisation, on ne le ferait pas dans le sens inverse ? On fait un peu de numérisation et le résultat de ça, c’est qu’on change la forme de la molécule. » Son projet de recherche « Claytronics » utilise la nanotechnologie pour, à terme, donner la possibilité à ses tout petits robots de se juxtaposer et de s’assembler pour former un tout solide et cohérent. Imaginez, un petit coup de programmation et hop, ils deviennent la réplique exacte d’un objet, prennent le même aspect et arborent la même couleur. Plus fort encore, ces « Claytronics » peuvent également interagir avec leur environnement et possèdent tout un attirail de systèmes informatiques interconnectés, mobiles et homogènes ! De vrais petits robots architectes des objets du futur…120%

Taux d’iconoclasme : 120%

Seth Goldstein fait le pari fou de doter les robots d’une sorte d’ADN technologique, qui leur permettrait d’adopter un comportement intelligent, proche, dans le fonctionnement, des molécules que l’on trouve dans la Nature. Si l’on en n’est pas encore à parler de cyborgs mi-humains, mi-robots, l’avancée technologique proposée par les « Claytronics » reste tout bonnement hallucinante.

Plus d'information sur le site Internet Claytronics

ET SI ON COPIAIT COLLAIT LES ALIMENTS ?

Ho d L ip so n et Eva n Malo ne déto ur nent l ’ im pr im a nte 3D p ou r fa ir e de la cui s i ne sur m esur e . Et do nner à vo s p lats un e autr e d im en sio n .

Mettre la technologie de l’imprimante 3D au service de l’art culinaire peut faire bondir certains, et lorsque ces deux chercheurs du laboratoire de synthèse informatique de l’université de Cornell décident de mettre la main à la pâte, c’est pour révolutionner la façon de concevoir la cuisine. Fab@Home, c’est le nom de leur invention, permet de donner aux plats un aspect et une technicité que seule la machine est capable de reproduire. Ils nous assurent qu’elle est capable de « moduler le goût et réinventer la forme des mets que l’on prépare ». Totalement fou.

Taux d’iconoclasme : 92%

S’il y a bien quelque chose que l’organisme a du mal à digérer, ce sont les composants technologiques. Quelque part, les inventeurs de cette machine réussissent à nous en faire manger… Mais on en redemande.

ET SI LA MUSIQUE NOUS ÉCOUTAIT  ?P hi l ip pe U lr ich ré i nve nte le m or cea u de m usi q ue en le r endan t i nter act i f e t ludi q ue . A dieu p is te

so no re d e 3 m inu tes   30 ?

Tour à tour compositeur de musique, game designer, puis producteur, Philippe Ulrich officie désormais avec maestria dans les trois catégories. Son dernier concept : le MXP4, un format musical hybride qui s’impose pour révolutionner notre façon de consommer la musique et dire définitivement au revoir au MP3. Cette nouvelle extension, que vous retrouverez juste après le titre de vos chansons, permet notamment d’associer sur une seule et même piste : l’écoute (on

7

peut choisir parmi différentes sources d’enregistrement), le casual gaming (la possibilité de jouer à des mini-jeux musicaux et interactifs) et la composition (l’auditeur est invité à remixer et à rejouer son morceau). Cette ère nouvelle du « jeu musical social », comme la définit Philippe Ulrich, revient à prendre en compte les dernières innovations du numérique pour les appliquer à la musique, qui en était jusque ici pratiquement dépourvue. « Ce qui manque à la musique telle qu’elle est diffusée aujourd’hui, c’est le désir d’apporter un plaisir supplémentaire à l’auditeur. » En d’autres termes, Philippe Ulrich utilise les outils technologiques de notre époque pour donner la possibilité de jouer avec la musique tout en la réinterprétant en temps réel. Succès garanti, puisque des artistes comme David Guetta ont déjà choisi d’intégrer le MXP4 dans leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. « Je pense que certains artistes et certaines maisons de disques commencent un peu à rêver avec ce standard. Ils se disent qu’ils ont peut-être là une technologie qui change la donne, car c’est aussi une manière de faire connaître la musique, d’organiser des lancements ». À ses détracteurs, il répond qu’il « refuse de penser que la technologie déteste les artistes ». Et nous de pousser un « ouf » de soulagement !

Taux d’iconoclasme : 89%

Philippe Ulrich ne se limite pas à ré-imaginer la façon d’écouter la musique, il propose d’évoluer vers un nouveau standard musical ! Si on ajoute que le MXP4 surfe sur les bases d’un système économique viable en connectant musique, interactivité et jeu vidéo, on ne devrait plus trop avoir de soucis à se faire pour la santé de l’industrie musicale… mxp4.com

Interview vidéo de Philippe Ulrich disponible sur le site Internet de SFR PLAYER

CONTRE-COURANT

Ce rta ins le s q ual i f ie nt de pes s i m iste s , de déf ai t i s tes ou d ’a lar m is tes . D ’ autr es les cons idè ren t auda cieu x , per t in ents , v oi re p ré c ieux .

ET SI ON RALENTISSAIT ?

En organisant la « Journée Mondiale du Débranchement », Amelia Klein appuie sur la touche pause … Comme une envie soudaine de s’affranchir de la techno, l’espace de quelques heures. Les 4 et 5 mars derniers, avait lieu la « Journée mondiale du débranchement », l’occasion pour des milliers de personnes de laisser momentanément leurs terminaux au placard. Pour Amelia Klein, « la communication électronique nuit aux relations personnelles, aux capacités de se concentrer et de savourer le monde qui nous entoure ». Cette démarche s’inscrit dans une tendance qui se dessine dans la lignée du « Slow Food » : le « Slow Tech ». Son message : s’interroger sur la place des nouvelles technologies au quotidien et atténuer les effets du tout numérique qui nous pousse à vivre à toute vitesse, en « temps réel ». Dans cette idée de privilégier le lent au rapide, le recul à l’immédiateté, d’autres personnalités se mobilisent. Parmi les tout premiers, George Freeman, auteur, a écrit, dans le très sérieux Wall Street Journal, « Pas si vite ». Un manifeste qui prône la temporisation dans l’utilisation que nous faisons des nouvelles technologies. Sur le web, l’« Institut mondial de la lenteur » propose à ses internautes de réfléchir à des alternatives (artistiques, éducationnelles et pratiques) pour appréhender cette « lenteur » qui donne le temps pour vivre.

Taux d’iconoclasme : 72%

À l’heure du tout numérique (un tiers de la planète est connecté au Net, la France compte 38 millions d’internautes) et de l’abondance des moyens technologiques, Amelia Klein parvient à

8

cristalliser ce mouvement à contrecourant et le faire avancer… Tout doucement. Prochain challenge : le retour au modem 56K ?

sabbathmanifesto.org/unplug/theworldinstituteofslowness.com/aboutus

ET SI LE WEB ÉTAIT ANTI-DÉMOCRATIQUE  ?Selo n Evge ny Mo r oz ov , In tern et n ’es t pas ce gra nd m édiu m ém a ncip ateur et ve cteur de l ib er té

d ’ex pr es i on q u e tout le m o nde a dule . A h b o n , on s e r eb el le  ?« Que se serait-il passé si Ben Ali était resté au pouvoir en Tunisie ? » Evgeny Morozov, chercheur d’origine biélorusse à l’université de Georgetown aux États-Unis, a un certain culot. Il n’adhère pas au consensus selon lequel le Net serait cet espace magique qui dissout les entraves aux libertés individuelles. Dans son dernier ouvrage, LA DÉSILLUSION INTERNET : LE CÔTÉ OBSCUR DE LA LIBERTÉ SUR LE NET, il rappelle que « si le Net est bel et bien un outil démocratique, il peut également être utilisé comme un outil de répression » et de mettre en lumière une de ses hypothèses effrayantes : « Si Ben Ali était resté au pouvoir en Tunisie, il se serait très probablement engagé dans une vague de répression contre ses opposants. Ces mêmes médias sociaux lui auraient permis de recueillir toutes les preuves nécessaires, sur Twitter, sur Facebook ou sur des blogs ». C’est sûr que vu sous cet angle-là…

Taux d’iconoclasme : 85%

Evgeny Morozov dérange parce qu’il ose diaboliser Internet et met en lumière ses dérives les plus dangereuses comme, notamment, la propagande politique et la répression par les réseaux. Un vrai digital dissident. neteffect.foreignpolicy.com/blog/5386

ET SI LES GEEKS ÉTAIENT LES MAÎTRES DU MONDE  ?P ou r A lex ander B ar d , l e s tech no logi es et les nou vea ux m o yens de com m un icat i on s igne nt la f i n

de l ’ èr e cap ita l i s te … et en gendr ent la r évo lut i on d es c las es p ar le N et .

Ce philosophe suédois met en avant des arguments plutôt virulents. Les classes sociales traditionnelles comme la bourgeoisie, figure emblématique du système capitaliste, seraient selon lui en train de vivre leurs dernières heures. Au même moment, la formation des nouvelles élites se ferait via le Net. Elles seraient composées de ces technocrates, patrons de start-up ou encore hackers (pour n’en citer que quelques acteurs), qui maîtrisent ces nouveaux outils technologiques dans leur processus d’émancipation professionnelle et/ou personnelle. Le pouvoir et l’influence individuels sont désormais accessibles à tous et ce grâce à la dimension universelle des outils technologiques. « On ne définit pas qu’une classe supérieure, il y a aussi une nouvelle classe sociale inférieure, celle du “Consumtariat". Celle de ceux qui sont mis de côté, qui n’utilisent pas Internet ou, pire, qui ne communiquent pas quand ils sont sur Internet » . Il envisage alors un nouveau système sociétal, la « Netocratie », qui se fonderait sur une utilisation saine des nouvelles technologies et aurait pour objectif de « maintenir et d’encourager le partage du pouvoir à travers le dialogue, seul moyen de gagner des galons dans la société interactive » . Vous êtes prêts à relever le défi ?

Taux d’iconoclasme : 97%

9

Alexander Bard incarne la contre-culture techno et toute l’intellectualisation qui en découle. On lui décerne la meilleure « mise à jour » ? LES NETOCRATES, d’Alexander Bard et Jan Söderqvist, éditions Léo Scheer.

NOUVEAUX DÉPARTS

Ce s pen seur s én once nt des r é f lex io ns r ad icalem e nt d i f f ér entes d es id ées r eçues . M is e à j our th éor iq u e .

ET SI LA VÉRITÉ SORTAIT DU WEB  ?Internet est devenu le terrain d’investigation des nouveaux reporters. Owni.fr se charge de nous initier à une nouvelle pratique : le « journalisme de données ». Ce média-plateforme expérimente une manière inédite de décrypter et d’appréhender l’information : se servir des données factuelles ou quantitatives qui sont disponibles dans les profondeurs du Net. L’exercice consiste ensuite à rendre explicite la substance de ces informations numériques et de les re-contextualiser pour qu’elles puissent voir le jour « sous un angle critique, constructif et technophile », nous explique Olivier Tesquet, journaliste du site. Ownin a par exemple récupéré un fichier pdf issu d’un arrêté préfectoral contenant l’ensemble des caméras de Paris, en a extrait les informations essentielles (localisation géographique notamment), et les a géolocalisées sur une carte Google. Et de donner à ses articles des contenus à classer dans les plus pertinents disponibles sur la toile à l’heure actuelle. Il nous décrit la démarche du site : « Sur le fond, owni.fr ressemble à un laboratoire de R&D : on teste plein de choses, du datajournalisme, mais aussi du fact-checking (vérification des faits), de l’enquête et des visualisations ». Le pari qu’owni.fr fait sur le data-journalisme apparaît alors évident, tant l’on vit aujourd’hui dans une dynamique informationnelle qui passe par Internet et les réseaux sociaux. Pour Olivier, « il y a un double enjeu : donner du sens à de larges bases de données, et pousser les pouvoirs publics à libérer les données en question ». Il suffirait de résumer sa démarche en disant : puisque l’info passe par le Net, c’est sur le Net qu’il faut investiguer.75%

Taux d’iconoclasme : 75%

L’émergence du « journalisme de données » et les nouvelles plateformes médiatiques comme owni.fr dessinent les nouvelles frontières de l’information en ligne et préfigurent, en avant-première, ce que sera le journalisme engagé à l’âge numérique. owni.fr

Interview vidéo de d’Olivier Tesquet de Owni disponible sur le site Internet de SFR PLAYER

ET SI L’AVENIR ÉTAIT DERRIÈRE NOUS ?

Nei l Ger s hen fe ld j ur e q ue la r évo lut i on nu mé ri q ue est b e l e t b i en f in ie . Les h um a ins e t l ’ ana logi q ue gagne nt à la f i n , c ’est b i en ça  ?

Pour cet universitaire du célèbre Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), la technologie est devenue bien trop compliquée pour les utilisateurs au quotidien. Il pense que plus les innovations passent et évoluent, plus on atteint des limites technologiques et qu’il faudra sûrement un jour revenir à des modes opératoires plus rudimentaires. Selon lui, il faut « redéfinir les liens entre les mondes digitaux et analogiques ». En gros : se servir des outils électroniques qui existent déjà, repenser et ré-adapter leur utilisation afin de pouvoir les

10

intégrer dans un univers digital. Rétrograde ? On dira plutôt visionnaire, car dans son laboratoire de fabrication, il propose par exemple à ses étudiants de concevoir un serveur Internet à partir de composants électroniques extrêmement simples. Le système de communication utilisé par Internet est transposé en l’équivalent d’un code en Morse et soudainement l’analogique reprend le pas sur le numérique. Ça s’appelle « l’Internet 0.0 » et c’est peut-être une des interprétations du futur…

Taux d’iconoclasme : 83%

Alors que les cycles d’innovation sont de 6 mois en moyenne pour certains produits technologiques, Neil Gershenfeld envisage de faire du neuf avec du vieux. A-t-on trouvé l’inventeur du recyclage techno ?

ET SI LA « GÉNÉRATION Y » N’EXISTAIT PAS ?

Dana h B o yd af f ir m e q ue la « gén éra t io n Y   » , ce l le des je unes n és av ec les no uv el les tech no lo gies , n ’ex is te pas . Est - ce q u ’ i l f aut po us ser j usq u ’ à Z  ?

Cette chercheuse américaine en médias sociaux est connue pour son travail sur les réseaux et l’utilisation que les ados en font. En expliquant à juste titre que les jeunes Américains utilisaient ces derniers pour marquer leur identité et socialiser avec leurs semblables, elle est devenue très influente dans le monde (très adulte cette fois) de ceux qui s’intéressent de près aux nouvelles technologies. Aujourd’hui, elle défend une autre réalité et campe sur ses positions : « L’emploi du terme “Génération Y” n’est qu’un pur produit marketing ». Pour elle, on a tendance à beaucoup trop généraliser, et s’il est vrai que la population des digital natives (ceux nés après les débuts de l’ère informatique) maîtrise et utilise plus facilement les nouvelles technologies, ces aptitudes relèveraient davantage de critères sociaux et éducatifs comme le lieu de naissance ou le niveau d’études. Encore plus osé, Danah Boyd explique que l’emploi du terme « Génération Y » (les personnes nées entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990) en opposition à la « Génération X » (celle de leurs parents), ne prend sens que pour une partie des jeunes actuels, eux-mêmes cœur de cible marketing des publicitaires.

Taux d’iconoclasme : 95%

Quand une sociologue influente fait la lumière sur les techniques de marketing en œuvre à l’ère numérique, ça ne fait pas forcément liker tout le monde.

ET SI LE JEU VIDÉO ÉTAIT L’AVENIR DE L’HOMME ?

Ch er ch euse à l ’ In st i tute Fo r t he F utur e À P A LO A LT O, J ane McG o niga l n ’a pa s fr oi d aux yeux lor s qu ’e l le c lam e de p lus en p lus fo r t , q u ’ i l no us f aut pa ss er b ea uco up plu s de tem p s dev ant no s

con so les de j eu v idé o po ur ré gler les pr ob lè me s du m o nde   !Jane McGonigal est iconoclaste de toutes les façons possibles, et elle le revendique. Cette « super geek », docteur de l’Université de Berkeley, passe plus de la moitié de sa vie à jouer aux jeux vidéo et à en concevoir. Côté convictions, c’est également décapant. Jane McGonigal brise l’idée reçue selon laquelle les jeux vidéo seraient inutiles et avilissants, et nous y passerions trop de temps. « Nous passons 3 milliards d’heures par semaine à jouer à des jeux en ligne. Or, si nous voulons survivre (régler les problèmes énergétiques, la faim, la pauvreté, le dérèglement climatique…) pendant le siècle prochain sur cette planète, nous devons jouer 21 milliards d’heures par semaine », proclame-t-elle. Ce chiffre, qui peut sembler considérable, est le fruit de ses très sérieuses recherches de doctorat à l’Université de Berkeley, et se trouve au cœur de sa thèse. En

11

effet, Jane McGonigal assure que nous développons, en jouant notamment aux jeux collaboratifs en ligne comme World of Warcraft, d’extraordinaires qualités de collaboration, la volonté de résoudre des problèmes fondamentaux, l’envie de se dépasser de façon positive, des besoins de créativité et d’inventivité, mais aussi de libération de nous-mêmes, notamment par la création d’avatars. Bref : nous savons travailler dur pour créer des mondes virtuels meilleurs, et régler des situations extraordinairement compliquées qui requièrent des actions « héroïques ». Alors pourquoi ne pas rapatrier tout cela dans notre monde, pour contribuer à régler les problèmes d’aujourd’hui ? Libérer dans le monde réel le héros que nous sommes dans le monde virtuel. C’est tout le sens de son combat. Elle met en pratique ses convictions en développant elle-même des jeux : notamment World Without Oil, pour apprendre à vivre dans un monde sans pétrole, ou encore Evoke, développé avec la Banque Mondiale, pour régler 10 problèmes majeurs du monde, comme la faim ou la pauvreté, en 10 semaines. Et si elle avait raison ? À vos consoles !

Taux d’iconoclasme : 100%

Pour Jane McGonigal, les enclaves des jeux vidéo en ligne massivement multijoueurs (MMORPG) ne sont plus l’apanage des geeks en manque de sensations fortes. Elle prouve que ces zones ludiques sont de véritables terrains d’expression, de création et de réflexion qui peuvent être exploités de manière intelligente et à des fins humanitaires. Allumez vos consoles, c’est pour la bonne cause ! janemcgonigal.com

Intervention de Jane McGonigal disponible sur le site Internet de SFR PLAYER

DIGIDESIGN

GÉNÉRATIONS DESIGN

Sélect i o n tra nsgén éra t io nnel le d e des i gner s . I l s no us p rés enten t leur s der nie rs t ra vaux et leur s s tr até gies p ou r r eco nnecter le m on de . P oi nts de v ue déca lés po ur cré ateur s ex centr és !

« Ouvrir des univers parallèles », Mélanie Venin et Mario Simon

Et si le monde qui nous entoure pouvait se transformer, l’espace de quelques instants, en un véritable jeu vidéo ? Ce rêve peut-être bientôt matérialisé est celui de Mélanie Vennin et Mario Simon, deux étudiants à l’ENSCI (École Nationale Supérieure de Création Industrielle), à l’origine du projet Turni. Composé d’un pico-projecteur (mini-projecteur d’une dizaine de centimètres), Turni est une magnifique télécommande lumineuse et design. Mais pas n’importe laquelle, puisqu’elle peut projeter des contenus imaginaires, des univers parallèles. Allié à un proxymètre, un accéléromètre et une antenne RFID (Radio Frequency IDentification), Turni permet de véritables jeux de pistes à plusieurs… Dans le monde réel ! « Par exemple, on peut très bien imaginer une chasse au trésor d’objets RFID répartis dans tout l’appartement. Chacun des enfants devra utiliser le Turni pour découvrir le décor avec le microprojecteur, les différentes cachettes et remporter la mise ! » s’enthousiasme Mélanie. « L’objectif de Turni était de créer un jeu où il faut se déplacer, rencontrer ses amis dans une surface réelle… Ne pas rester simplement devant son écran ! » explique Mario. Ajoutons à cela de nouveaux contenus téléchargeables par le web, et ce projet connecté (dans tous les sens du terme) ne pouvait que séduire le département Innovation de SFR, qui a lancé, en partenariat avec l’ENSCI, un appel à création autour de l’Edutainment. Mélanie : « SFR est spécialiste des télécommunications, or notre projet revêt plusieurs enjeux liés à ce métier ». Pour concrétiser leur projet, les deux étudiants expliquent devoir s’associer à un créateur de jeu et un assembleur

12

électronique pour faire tenir l’ensemble des composants. Si nous étions équipés d’un Turni, nous aurions directement activé un univers où cet objet existe déjà !

« CRÉER SOI-MÊME », ANTONIN FOURNEAU

Antonin Fourneau s’inspire des jeux vidéo pour mieux les détourner. Nous l’avons justement rencontré au centre Georges Pompidou pour l’exposition Play It Yourself, où le gaming rencontre la culture du hacking. Il y expose Eggregor8, un remix du Pacman où chaque joueur tente en même temps de contrôler la fameuse boule jaune. Antonin détourne en effet des jeux en hackant le dispositif électronique grâce à la fameuse carte mère open source Arduino. L’objectif d’Eggregor8 ? Certainement nous interroge sur la posture du joueur : « Existe-t-il un joueur parfait ? Que se passe-t-il lorsque l’on combine les réflexes de plusieurs personnes jouant à un jeu vidéo ? Est-ce que nous obtenons la garantie de finir les jeux les plus difficiles ? », s’interroge-t-il. Antonin est donc un artiste qui applique la doctrine du do-it-yourself (s’approprier la technique pour construire de nouvelles choses) aux jeux vidéos. Au final, le message d’Antonin à son public est on ne peut plus limpide et revendicateur : face à un jeu déjà produit, il est encore possible d’en démonter les mécaniques pour l’améliorer et « augmenter » son message initial. Le joueur des années 2010 sera créatif ou ne sera pas !

Interview vidéo d’Antonin Fourneau disponible sur le site Internet de SFR PLAYER

« FAIRE DISPARAÎTRE INTERNET DANS LES OBJETS », JEAN-LOUIS FRECHIN

Quand nous rencontrons Jean-Louis Frechin, pionnier du design interactif en France, dans son studio Nodesign, il nous présente à DIA, sa toute dernière production. DIA est un cadre photo semi-transparent et interactif qui permet de transférer des images à partir de n’importe quel appareil connecté. Une première. Et justement, nous dit-il : « Regardez, j’envoie des photos au cadre à partir de mon smartphone ! » En plus de cette capacité unique, DIA propose un mode d’affichage proche de la perfection, car très lumineux. « Le cadre DIA est né de cette idée qu’il est impossible de représenter une image imprimée sur un cadre photo. Notre cadre photo est donc proche d’une diapositive, avec la qualité de transparence, de lumière et de format des ektachromes professionnels.» Ou quand le meilleur du passé rencontre l’affichage lumineux du présent. DIA n’est qu’un des derniers projets de ce designer interactif extrêmement prolifique, visionnaire et un brin taquin, qui nous affirme en effet n’avoir « aucune fascination pour la technologie. Ce qui m’intéresse, c’est la raison pour laquelle on fait les choses et pour qui on les fait. La technologie n’est belle et aimable que si on ne la voit plus. » Cette vision, qu’il met en œuvre depuis une vingtaine d’année à travers son agence de design interactif (la première en France), repose sur une croyance, qu’il nous énonce avec force et conviction : « Le nouveau monde industriel est conditionné par le numérique, aussi puissant que ce qu’a représenté le pétrole au XIXe siècle. Nodesign cherche à inventer les formes de ce nouveau monde. »

Interview vidéo de Jean-Louis Fréchin disponible sur le site Internet de SFR PLAYER

« CONNECTER LES OBJETS, POUR LEUR DONNER UN NOUVEAU SENS », RAFI HALADJIAN

Ce designer, qui a entre autres créé FranceNet (premier fournisseur d’accès Internet national) et le célèbre lapin connecté Nabaztag, vient de lancer Sen.se, une plateforme collaborative pour créer, imaginer et prototyper le monde des objets connectés. Chaque utilisateur de Sen.se peut implémenter des fonctions logicielles dans des objets aussi différents que des robots, des bouilloires, des balances… « Sen.se fonctionne en trois étapes clés : une première baptisée “Feel” qui consiste à capter des informations, mesurer ce qui se passe dans le monde physique à partir de

13

nos actions (par exemple lorsque l’on fait du sport, quand on se déplace) ; une deuxième, “Act”, où l’internaute décide de ce qui va être produit à partir de telle ou telle action (poster sur Facebook, actionner une machine…) ; enfin, la partie la plus intéressante, “Make sense”, qui est l’apprentissage de notre plateforme une fois ces données accumulées. C’est le sens que l’on décide d’affecter aux connexions entre nos actions et les objets. Par exemple, pour améliorer son image, une marque de fastfood peut très bien lancer une opération qui génère un script pour vérifier que vous avez bien dépensé 2 500 calories dans les 24 heures avant de vous servir ! ». L’objectif vertigineux de Sen.se est tout simplement de « donner un sens nouveau aux objets qui nous entourent, en les connectant ensemble ». Go future !

ALLO SFR

C’EST POUR VOUS !

De la s écur i té de v otr e m o b i le j usq u ’au c in ém a en l ign e , tour d ’h o ri zo n des i nno va t io ns ch ez S FR et ses par ten air es .

PETITS GÉNIES

Partagez en ligne une séance de cinémaSFR donne un coup de pouce – « SFR Jeunes Talents Start-up » – aux jeunes entreprises innovantes qui ont des idées plein la tête ! C’est ainsi que 10 jeunes start-up en devenir ont été sélectionnées et seront soutenues par SFR en 2011. Pour mener à bien leurs projets, SFR met à leur disposition : un accélérateur de business (comprendre un « réseau » pour faciliter les rapprochements entre les professionnels), des moyens avec un accompagnement technique, et une visibilité médiatique par l’intermédiaire des plateformes SFR. Parmi les sociétés aidées par SFR, Eric Fonteix, responsable du programme, cite volontiers « la société IP-ciné, qui ambitionne de transformer notre expérience sur les écrans en reconstituant une expérience collective globale, comme au cinéma, grâce à la puissance du web. » Mais quel critère est retenu pour faire partie du programme ? « Certaines idées folles deviennent parfois d’authentiques coups de coeur et c’est généralement grâce à l’équipe. En innovation, ce qui est clé n’est pas tant la bonne idée (concept souvent discutable) que l’enthousiasme (communicatif), la compétence, le pragmatisme et l’expérience d’une équipe ! »

Retrouvez les start-up sélectionnées par SFR Jeunes Talents Entrepreneurs sur entrepreneurs.sfrjeunestalents.fr

PAYER PAR 06

Vous n’aurez plus besoin de votre carte bancaire27,3 millions : c’est le nombre de Français qui achètent aujourd’hui sur le Net et, dans un nombre de plus en plus important de cas, sur les sites mobiles. Buyster, opéré conjointement avec Orange et Bouygues, est une solution de paiement qui va considérablement leur simplifier la tâche et rendre le tout plus sécurisé. Explications. Au moment de régler un achat en ligne, vous n’aurez plus besoin de donner votre numéro de carte bancaire, il suffira de donner votre numéro de mobile et votre code confidentiel. Buyster se chargera ensuite d’effectuer la transaction à votre place puis de transférer le montant de l’achat sur votre facture de téléphone, sans frais. Simple comme un coup de fil, mais aussi et surtout plus sécurisé qu’un paiement par carte bancaire classique, puisqu’un mot de passe unique vous sera envoyé par sms et qu’il faudra le saisir pour finaliser votre achat. Pour Pierre-Emmanuel Struyven, directeur de l’innovation et

14

des nouveaux marchés chez SFR, le but est de « proposer une expérience inédite, très ergonomique par rapport à d’autres moyens de paiement en ligne ».

READY ?… GO !

À Nantes, des week-ends pour boucler votre projet de start-upLes Start-up Week-ends réinventent la façon de travailler en équipe et donnent la possibilité de voir se concrétiser un projet de start-up en moins de 54 heures. La prochaine édition se déroulera à la Cantine de Nantes, dont SFR est partenaire. Ce nouveau type d’événement a pour but de rassembler, l’espace d’un week-end, les différents acteurs de la création d’une start-up afin de donner naissance, dans un temps limité, à un projet commun, stratégiquement et économiquement viable. Graphistes, développeurs, designers, juristes… jeunes ou moins jeunes, travaillent alors en équipe et main dans la main autour d’une dizaine d’idées. Au terme du week-end, chaque projet finalisé est soumis à l’approbation d’un jury composé d’investisseurs, de professeurs ou encore de journalistes. Adrien Poggetti, responsable de la Cantine par Atlantic 2.0, où sera organisé le prochain Start-up Week-end, nous explique que ce type d’événements sert « différents objectifs », car « il va permettre, dans un cadre ludique, à des porteurs de projets de tester et de finaliser des projets encore en mode expérimental », mais aussi « d’appréhender le travail en équipe et sous pression, lot de beaucoup de start-up en phase de lancement ». Si vous avez une idée de génie derrière la tête, c’est le moment d’en profiter…

APPLI DE SAUVETAGE

Enregistrez l’ensemble de vos données sur un serveur sécuriséVous venez de perdre ou de vous faire voler votre webphone et avec lui les 250 contacts de votre répertoire ainsi que les rendez-vous de votre agenda électronique pour les six mois à venir ? Pas de panique, avec l’application SFR Sécurité Mobile ce genre d’incident ne pourra plus vous arriver. Ce nouveau service vous permet d’enregistrer l’ensemble de vos données sur un serveur sécurisé mais aussi de bloquer à distance votre mobile afin d’éviter toute intrusion dans votre vie privée. Vous serez ensuite en mesure de le géolocaliser et puis, si besoin, d’effacer à distance vos données pour éviter qu’elles ne tombent dans les mains d’un inconnu. Une fois en possession d’un nouveau téléphone, vous pourrez télécharger vos informations personnelles dans le sens inverse. Ouf ! Le « plus » de SFR Sécurité Mobile ? « Pouvoir choisir librement son nouveau smartphone, sans être lié à une marque ou à un modèle particulier », nous explique Hanane Huynh, responsable du développement de l’application chez SFR.

SATELLITE TV

L’offre neufbox TV Sat mise en place par SFR est une bonne nouvelle pour les personnes dont la ligne téléphonique n’est pas éligible à la télévision par ADSL. Cette solution réjouira les abonnés en zones non dégroupées SFR, puisqu’elle leur propose un accès par satellite à un bouquet de 80 chaînes (dont certaines en haute définition). L’offre triple play de SFR s’adresse désormais à près de 98 % de la population française. Tous à vos zappettes !

NEUFBOX VERSION APPLI

Retrouvez plus de 100 chaînes télé en live sur votre mobileL’arrivée sur le marché de la neufbox Evolution vient bouleverser le mode de consommation des contenus vidéos. SFR étend son interface de navigation aux mobiles avec une application neufbox pour webphones. Disponible sur l’App Store et l’Android Market, l’application SFR neufbox TV permet notamment de retrouver plus de 100 chaînes live partout en wifi, de programmer des enregistrements et des alertes à distance et enfin d’accéder au Club vidéo

15

de SFR pour sélectionner vos films favoris et les retrouver plus tard sur votre télé. Vous avez pensé au pop-corn ? tv.sfr.fr

VO3D

Louez des vidéos en 3D avec le Club Vidéo SFRÉtiez-vous au courant que depuis février dernier, il est possible de louer des programmes en 3d sur Club Vidéo, le service de vidéo à la demande (VOD) de SFR ? Si vous êtes éligibles HD et que vous êtes l’heureux propriétaire d’un téléviseur 3D, il serait dommage de passer à côté de ce nouveau service innovant. Au programme, Le drôle de Noël de Scrooge, Le safari sauvage , ou encore Le voyage extraordinaire de Samy. tv.sfr.fr

FICTION

« IL FALLAIT QUE ÇA ARRIVE »

La f i c t io n est p ar fo is le p lus co ur t chem i n ver s la r éa l i té . La s c ience - f ic t i on , p ar e xem ple , a fav or i sé l ’ ém er gence e t la d i f f us i on d e nom b r eus es av ancée s éto nnan tes , à co m m encer par J u les

V ern e et so n vo ya ge sur la lune . A uj o ur d ’h ui , q uo i de m ie ux q ue le num ér i qu e po ur s e pr êter à ce j eu ? N ou s ina ugur on s do nc la séq u ence Fi ct io n de SF R P LA YER av ec IL FALLAIT QUE ÇA ARRIVE,

une no uv el le de B enj am in B er to n , laur éat du G o nco urt du p r em ier ro m an. U ne h is to ir e éto nnan te et dr ôle , ent re Or we l l e t cy b er punk .

« Je ne vais pas revenir sur tout ce que vous avez appris hier. Je vous rappellerai juste, avant de démarrer, que vous n’avez pas intérêt à vous précipiter, ni à vouloir brûler les étapes. Contrairement à ce que les jeunes smartphones pensent d’ordinaire, les humains ne sont pas des êtres aussi primitifs qu’ils en ont l’air. Prenez le temps de les comprendre, de les domestiquer, d’intégrer leurs mécanismes de survie, de pensée, avant de vouloir vous amuser avec eux. « Pensez humain ». C’est à cette seule condition que vous tirerez le meilleur parti de votre instrument. Question ? Oui, Mirky ?

– J’ai perdu mon login. Je n’arrive pas à me connecter pour le moment.

– Je vais réactiver votre compte dans un instant. Ne touchez à rien. D’autres questions ? Non. Je voulais commencer cette session en vous rappelant quelques éléments fondamentaux sur la psychologie humaine. Chacun de vous, au début de ce stage, a reçu un livret qui reprend succinctement les détails que vous devez prendre en compte pour piloter votre humain : où il habite, où il vit, ce qu’il fait dans la vie, son âge, son sexe, la liste de ses hobbies, ainsi qu’un extrait de son carnet de relations. Vous trouverez normalement en page 17 la liste des applications et outils que votre contact à l’habitude de pratiquer de manière régulière ou occasionnelle : cela peut vous aider à bâtir votre stratégie de jeu. Là encore, je vous mets en garde. Ne prenez pas les humains de haut. Ils ont, souvent dès l’enfance, un tissu relationnel qui vous surprendra. Vous aurez beau maîtriser toutes les fonctionnalités de votre humain, vous n’en tirerez rien de bon si vous ne prenez pas le temps nécessaire pour comprendre son environnement. Les humains ont un terme pour ça. Ils appellent ça leurs « motivations ». Pour ceux qui partent de loin sur le sujet, je répète : les humains sont primitifs, c’est un fait. Ils ont un corps, d’horribles chairs avec des tas de liquides dégoûtants qui les traversent du matin au soir, qu’ils expulsent, qu’ils ingèrent, qu’ils crachent. Ils ont besoin d’eau et de chaleur. Ils ont une tendance irrépressible à se frotter les uns contre les autres dès qu’on éteint la lumière. À côté de ça, ils s’en remettent quasi exclusivement à l’animation du réseau numérique pour vivre et conduire leur vie. Respectez-les et ils vous suivront aveuglément. C’est évidemment là que vous

16

entrez en scène. Il y a très peu de choses que vous ne pouvez pas demander à votre humain. Oui, Clark ?

– J’ai triangulé mon humain dans un centre commercial et lui ai commandé d’acheter des galettes de riz en promotion, conformément à ce que nous avions vu hier. J’ai reçu tout à l’heure une annulation de la transaction, est-ce normal ?

– Que dit le message ?

– « Refus solde insuffisant ».

– Combien de galettes avez-vous achetées ?

– 100 paquets.

– Absurde Clark. Un humain ne peut pas acheter 100 paquets de galettes de riz, même s’il a très faim. Attention à ne pas leur faire faire n’importe quoi. Les fonctionnalités sont nombreuses mais chacune a ses limites. Vous pouvez leur envoyer des sms pour les faire se déplacer, leur fixer des rendez-vous, les réveiller le matin à l’heure qui vous plaît, les conduire ou pas au travail, leur mentir, piloter leurs voitures, les saouler, les mettre sur la paille, leur faire croire qu’ils sont seuls au monde. À ce propos, petit conseil : laissez-leur au moins 7 heures de sommeil par jour. Je sais que vous êtes tous de la nouvelle génération. Les humains ne peuvent plus vous éteindre depuis qu’on a supprimé la touche du clavier, mais ce n’est pas une raison pour les épuiser. Vous n’aurez qu’un seul humain dans votre vie de smartphone. Deux pour les plus chanceux. Prenez-en soin. Le sommeil fait partie de leurs besoins vitaux, au même titre que la nourriture.

– Est-ce qu’on peut faire se rencontrer deux humains ?

– Bien évidemment. C’est tout l’intérêt. Il suffit pour cela de passer en mode contact et de les amener au même endroit. Adressez-leur une convocation, fixez-leur un rendez-vous. Inscrivez-le sur leur agenda et vous pourrez les faire interagir selon différents modes, « affaires », « amour », « amis ». Ils s’y rendront automatiquement. C’est à vous ensuite de décider quels rapports vous souhaitez qu’ils nouent.

– Que se passe-t-il si notre humain nous égare ?

– Rien du tout. On le reprogrammera pour qu’il vous retrouve à l’identique. C’était effectivement un problème pour l’ancienne génération mais plus pour vous. Les humains sont dotés désormais de puces sous-cutanées qui permettent de les retrouver en cas de perte ou de vol.

– Oui, Clark ?

– J’ai un problème. J’ai envoyé mon humain sur l’autoroute via le GPS et je crois que j’ai fait une bêtise…

– Quel genre de bêtise ?

– Je lui ai dit de prendre la bretelle dans le mauvais sens. Il ne répond plus.

– Pourquoi avez-vous fait ça, Clark ?

– Pour voir. Juste pour voir.

17

– Leçon n°1 : les humains claquent. Clark, vous venez de planter votre bonhomme ! Il fallait que ça arrive… »

Benjamin Berton est lauréat du Goncourt du premier roman pour SAUVAGEONS ; il est aussi l’auteur de CLASSE AFFAIRES et PIRATES (tous trois aux éditions Gallimard).

PERSO : CHRONIQUES LIBRES

I l s pen sent , i l s ag i sse nt , SFR P LA YE R l eur don ne la pa ro le . A uj o urd ’hu i , po ur analy ser le num ér iq ue , c ’e st m ieu x de le pr at iq uer . Bi enve nue dan s « # per so » : l e f i l des ch r oni q ues tr ès

per so nne l les de SF R P LA YER.

RÉAL - IDÉES

On accus e so uve nt les no uve l les tech no logi es d ’ é loi gner de la r éal i té… E t s i c ’é t ai t un p eu plu s com p l iq ué q ue ça ?

P ar Nath an S ter n

1. Pré-Histoire

Au commencement, c’était simple : la réalité, c’était ce que nos sens nous en renvoyaient, les souvenirs qu’on en avait et les récits qui se transmettaient de proche en proche… Les seules interfaces disponibles et fiables pour accéder à la réalité étaient les cinq sens. On était nécessairement présents physiquement dans l’événement ou la communication avec l’autre pour la percevoir.

2. Ère analogique

Puis les hommes inventèrent des moyens de stocker des représentations de la réalité mais aussi de les transporter : les récits, les livres, les journaux, les photographies, les disques vinyle, les radios, les postes de télévision… Peu d’acteurs avaient les moyens de produire les supports et les contenus, et leur consommation aussi était onéreuse. Le nombre d’interfaces disponibles pour accéder à la réalité restait très limité. Il fallait donc l’appui d’un éditeur et d’un diffuseur pour rencontrer son public.

3. Ère numérique

Le numérique rendit quasi-gratuites la production et la diffusion des représentations. Grâce à Internet, aux téléphones mobiles, aux caméscopes et autres outils numériques, la réalité accessible par chacun s’élargit considérablement. Nous vivons désormais dans un monde où bientôt n’importe qui, n’importe où, pourra partager son point de vue avec tous les autres, instantanément. Et de nouvelles interfaces continuent d’apparaître chaque jour, réinventant notre vie professionnelle, notre vie amoureuse, nos relations amicales, notre citoyenneté… Ces nouvelles interfaces changent désormais la réalité elle-même et nous révèlent que la réalité perceptible par les sens dont la nature nous a dotés n’est pas plus authentique que la réalité perceptible par les sens nouveaux que nous avons inventés : peu importe leur nature, ce qui compte, c’est la richesse et l’intensité des expériences. Apprenons à nos sens à distinguer virtuel et fiction, physique et réel.

Nathan Stern est ingénieur social et concepteur des plateformes de liens Peuplade.fr, Voisin-age.com et Alter-ego.cc

18

HOLO-GÉNÉRATION

À l ’èr e du num ér iq ue , l es j eunes gé nér at io ns so nt en q uête de p ar tage , j us q ue dans l ’ entr epr i se . U ne as pir at io n en décala ge av ec nom b r e d ’o r ganis at i on s actue l les . T ém oi gnage .

P a r I s ma ël Le Mo uel

La génération des digital natives, dont je fais partie, s’est construite avec Internet, espace peu réglementé où règnent la gratuité et l’horizontalité. Échange, partage, communauté, absence de chef et de hiérarchie, liberté semblant sans limites : nos valeurs ont bien peu en commun avec celles des générations antérieures, qui nous considèrent comme iconoclastes. Un constat d’autant plus vrai pour les baby-boomers qui ont évolué dans un monde hiérarchisé : pour un baby boomer typique, l’entreprise est organisée en pyramide. Chaque personne a une place attitrée et est régulée via des reportings. À l’inverse, la génération digitale a tendance à concevoir toute organisation, et en particulier l’entreprise, comme un hologramme. Explication : pour nous, dans une organisation idéale, si l’on divise l’organisation en deux, cela ne la tue pas mais réduit simplement par deux sa portée et sa force. Chacun fait partie de l’organisation, et en un certain sens est lui-même l’organisation, comme chaque partie d’un hologramme est elle-même un hologramme. Nous avons construit cette vision sur de nombreux sites Internet dont le succès fait école. Wikipedia par exemple. Si du jour au lendemain il y a deux fois moins de contributeurs sur Wikipedia et deux fois moins d’articles, cela reste Wikipedia… Mais à moins grande échelle ! Plus généralement, Internet est lui-même un hologramme, puisque c’est chaque internaute qui fait que le réseau peut exister. Cette attente holographique se retrouve dans l’entreprise : nous communiquons beaucoup plus sur notre entreprise que nos aînés (26,4 % pour les 18-24 ans contre 5,8 % pour les 50-64 ans). En fait, nous considérons que la communication de l’entreprise, surtout lorsque qu’elle compte beaucoup de salariés, doit passer par les salariés. Ce n’est pas pour autant que nous sommes naïfs. Comme nos aînés, nous sommes conscients qu’il faut un chef pour élaborer une stratégie à partir d’éléments rationnels, mais nous considérons que cette stratégie, si elle n’est pas partagée ni vécue par chacun des participants, se révélera inutile. Comment alors intégrer la génération des digital natives ? A mon avis, notre génération ne reviendra pas en arrière. Internet a déjà changé notre façon de communiquer, de percevoir, de travailler, de vivre… Internet a déjà changé le monde. Les dirigeants doivent donc faire le choix difficile d’accepter de ne plus tout maîtriser, d’avoir du pouvoir non pas sur l’exécution mais sur l’adhésion, et de parier sur l’intelligence et le partage plutôt que sur le contrôle. Ils y ont un intérêt, car cette vision communautaire permettra aux jeunes générations de se (re)passionner au sein des organisations.

Les 3 commandements de la génération de l’hologramme

1) Participer sur tous les sujets.

2) Être libre et autonome.

3) Comprendre le sens de son action, et y adhérer.

Qu’est-ce qu’un hologramme ?

Un hologramme est une image en 3 dimensions contenue dans un prisme. Très étrangement, si l’on coupe en deux le prisme qui contient l’image en 3D (par exemple un arbre), on ne voit pas un arbre coupé en deux, mais deux représentations fidèles de l’arbre, plus petites. Chaque partie de l’hologramme contient en lui l’intégralité des informations nécessaires qui permettront de reconstituer la totalité de l’image.

19

Ancien élève de l’École polytechnique et d’hec, Ismaël Le Mouel est fondateur et directeur général de Mailforgood. Mailforgood.com bénéficie du programme d’accompagnement SFR Jeunes Talents Entrepreneurs Start-up 2011.

O V E R - G A M E ?

En décuplant notre motivation pou r les act iv i tés q uot id i ennes , la gam if i cat i on s er ait le t r uc le p lus co o l qu i no us s oi t ar r i vé dep uis la nai ss ance de Ma ri o . V r aim e nt ?

P ar Ab d el Bo una ne

La gamification, vous en avez certainement entendu parler : c’est peut-être le terme qui a été le plus utilisé lors de conférences web ces derniers mois – après la locution « Moi, je ». En quelques mots, la gamification consiste à imprégner de mécaniques vidéoludiques des activités traditionnellement laborieuses ou peu excitantes. Vous lancez un site de développement personnel ? Vous allez sans doute ramer pour faire revenir vos utilisateurs déjà mal dans leur peau. Pour qu’ils soient entraînés à revenir, ajoutez une dose de gamification à votre site : bons points, jauges de progression, bonus, rendez-vous à des heures clés, cadeaux virtuels, compétition avec les autres participants, voire véritable narration… Si votre site web un peu morose prend des airs de jeu de rôle japonais, c’est qu’il s’est fait gamifier !

Et c’est cool ?

Voilà pour la base, qu’on pourrait résumer en une phrase : « Plus tu joues, plus tu es impliqué, plus tu reviens sur mon site ». Mais en dehors de nous transformer en gamers malgré nous, la gamification est sujette à des critiques assez virulentes de toute une partie des théoriciens du jeu. Premier souci et pas des moindres, à quoi ça sert (pour l’utilisateur, pas pour le responsable web) ? Il y a de quoi se poser la question tant parfois la course aux points prend le pas sur l’utilité réelle du site. Dans une de ses critiques de la gamification, le chercheur Sebastian Deterding montre un slide nommé « Vous avez gagné 964 000 000 000 000 de points ! Vous êtes au top ! Gagnez désormais 1 000 000 000 000 000 de points pour être encore plus à bloc ! ». Parfois, en effet, le simple fait d’ajouter un système de points – comme le font très souvent les sites gamifiés – ne suffit pas à créer une bonne expérience de jeu. Plus grave encore : en ajoutant un vernis ludique sur des activités parfois politiques (site de développement durable, par exemple), la gamification ne cache-t-elle pas, l’air de rien, les véritables motivations qui nous animent ? Quand le site écolo se fait gamifier, il y a de quoi se demander : je participe à ce site pour changer le monde ou pour gagner plus de points ? La question mérite d’être posée, notamment quand les mécaniques de gamification se déportent en dehors du web, pour nous toucher dans la vie réelle. La chercheuse Elizabeth Corcoran se demande si, une fois sorti des mécaniques gratifiantes de la gamification, cela ne crée pas une génération d’enfants désenchantés – ou en recherche permanente de gratification. Bientôt tous addicts aux récompenses virtuelles ?

OK, mais alors ?

Vous me trouvez un poil trop pessimiste ? Je trouve aussi, parfois. Pour vous montrer que la gamification peut également avoir des effets positifs, prenez donc beaucoup de plaisir à lire notre article sur Jane McGonigal en cliquant sur la page 14. Oups, je crois que je viens de gamifier SFR PLAYER.

20

Abdel Bounane est fondateur d’AMUSEMENT, magazine tendance sur les loisirs numériques (amusement.fr), chroniqueur pour Canal + et cofondateur de Touché, société d’applications mobiles originales (toucheee.com).

EXCLUSIVITÉ SFR PLAYER

La se cond e édit i o n de COMMENT LE WEB CHANGE LE MONDE pa ra ît en j u i n 20 11 . En v oi c i l es «   b on nes fe ui l les » , où l ’o n déco uv re l ’ i m po r tance du m o uve m ent hi pp ie da ns le num ér i qu e .

Fr anci s P is ani e t Dom i niq ue P i ot et .

La culture hippie au coeur de l’Internet

[…] On a trop souvent tendance à associer la naissance de l’ordinateur personnel et de l’Internet à quelques capitaines d’industrie et à leurs histoires de gros sous. Les gauchistes technophobes rappellent, à juste titre, la participation du Pentagone à l’origine de ce nouveau monde. Mais tout le monde semble oublier les hippies pacifistes et consommateurs de LSD. Ils ont pourtant joué un rôle central assez peu connu qui permet de mieux comprendre certaines tensions actuelles. Celles qui concernent la propriété intellectuelle, par exemple, et certaines des batailles idéologiques les plus virulentes suscitées par le web d’aujourd’hui. Un livre sorti au mois d’avril 2005 sous le titre WHAT THE DORMOUSE SAID, HOW THE 60S COUNTER-CULTURE SHAPED THE PERSONAL COMPUTER INDUSTRY nous aide à mieux comprendre les circonstances curieuses qui permettent d’affirmer que tout s’est joué dans les années 1960 dans un cercle d’un rayon de 8 km autour de Kepler Bookstore. Cette librairie se trouve elle-même à portée de l’université de Stanford et des deux institutions d’où sont sortis les concepts et les produits essentiels : le Stanford Research Institute (SRI) et le Palo Alto Research Center (PARC) de Xerox. L’auteur de ce livre est John Markoff, correspondant du New York Times pour San Francisco et la Silicon Valley. Développant un thème lancé par un article publié par Time Magazine en 1995 sous le titre « Nous devons tout ça aux hippies », Markoff narre la saga des ordinateurs personnels, depuis la première expérience de Stewart Brand (créateur du Whole Earth Catalogue, la bible des hippies) avec le LSD jusqu’à la conférence historique du 9 décembre 1968 au Brooks Hall auditorium de San Francisco. C’est là que Doug Engelbart, connu comme inventeur de la souris, montra comment son oN-Line System permettait d’éditer un texte sur un écran – une révolution à l’heure des cartes perforées, d’établir des hyperliens entre deux documents et de mélanger textes, graphiques et même vidéos. Il s’offrit le luxe d’évoquer un réseau expérimental d’ordinateurs qui devait devenir ARPAnet, l’ancêtre de l’Internet. La plupart des aspects importants du monde informatique d’aujourd’hui furent évoqués lors de cette présentation qui reste, selon Markoff et beaucoup d’autres, « la démonstration de technologie informatique la plus remarquable de tous les temps ». Or, Engelbart et son équipe représentaient un des pôles d’un affrontement presque idéologique qui les opposait au Stanford Artificial Intelligence Laboratory (SAIL). Selon Markoff : « Un des deux groupes cherchait à augmenter l’esprit humain [augment the human mind], l’autre à le remplacer. » Une tension qui demeure très présente. Les anecdotes racontées dans ce livre partent d’un dîner avec Engelbart qui fascina Markoff parce que les histoires qui y furent échangées « ne concernaient pas la technologie, mais les vies des chercheurs eux-mêmes, leurs relations personnelles, les drogues qu’ils prenaient, les plaisirs sexuels dont ils jouissaient, le rock and roll qu’ils écoutaient, et les manifestations politiques auxquelles ils prenaient part ». Au même moment, dans des groupes très proches et souvent connectés, on expérimentait le LSD avec pour objectif « d’augmenter » – d’une autre façon – l’esprit humain. C’est sans doute pour cela que tant d’individus ont participé aux deux aventures. Le

21

plus célèbre d’entre eux étant sans aucun doute Steve Jobs, fondateur et dirigeant d’Apple. Ce livre nous donne un aperçu des réseaux de la contreculture et des liens connectant Engelbart et Stewart Brand avec, par exemple Alan Kay, créateur du Alto, le premier PC mis au point au PARC de Xerox, Ted Nelson, parrain de l’hypertexte et Fred Moore, pacifiste convaincu, qui contribua aux débuts du mouvement de protestation contre la guerre du Vietnam à l’université de Berkeley. Il créa aussi le Homebrew Computer Club avec pour mission de partager l’information, à commencer par les programmes informatiques. C’est à ce petit groupe que Bill Gates envoya une lettre en 1975 dans laquelle il les accuse d’être des « voleurs » parce qu’ils ont fait circuler une version de Basic, le programme qu’il avait écrit avec Paul Allen. C’est sur ce fond que se joue aujourd’hui l’affrontement entre ceux qui considèrent que l’information doit être partagée et circuler librement et ceux qui entendent pouvoir se l’approprier, entre ceux qui pensent que la vérité est le monopole des experts et ceux qui sont convaincus que nous pouvons tous y participer et tous en profiter […].

S’organiser sans organisation

Howard Rheingold, hippie de la première heure, professeur à Stanford, auteur de plusieurs livres, dont l’un des premiers textes sur les communautés virtuelles, nous avait montré le chemin avec son livre sur les smart mobs, ces foules intelligentes de gens qui font des choses ensemble sans se connaître. Mais nous en avions retenu surtout les flash mobs ou rassemblements plutôt poétiques de jeunes venus perturber pendant quelques minutes une vente dans un grand magasin, la circulation sur l’artère d’une grande ville ou toute autre occasion publique invitant à la perturbation créatrice. HERE COMES EVERYBODY, ouvrage de Clay Shirky, consultant et professeur à la New York University, nous montre maintenant que nous n’avons plus besoin des organisations pour nous organiser. Il pousse l’idée plus loin et lui donne des fondements théoriques. Clay Shirky s’inspire d’un article écrit en 1937 dans lequel l’économiste Ronald Coase posait une question essentielle : si les marchés sont si efficaces, pourquoi nous faut-il des entreprises ? Employés et ouvriers pourraient fort bien se chercher, s’associer, et revendre le fruit de leur collaboration. En fait, les démarches nécessaires pour trouver avec qui travailler et négocier les termes des accords coûtent cher (en argent, temps, attention). Les firmes, selon Coase, « baissent les coûts de transaction pour la constitution des groupes. Ça leur donne un avantage économique par rapport aux marchés dans certaines situations », explique Shirky dans un entretien avec le site Ars Technica. Mais, précise-t-il dans son livre, cette intervention du management entraîne « un fort facteur limitant qui est le coût du management lui-même. […] Chaque fois que les coûts de transaction deviennent trop chers pour être gérés dans une seule organisation, les marchés réussissent mieux que les firmes (et, en général que les gestions centralisées). » Il y a donc un plafond à partir duquel les firmes perdent de leur efficacité économique. L’apport principal de Shirky consiste à montrer de façon claire que la réduction des coûts transactionnels, qui se sont « effondrés » du fait des nouvelles technologies de l’information et de la communication, révèle l’existence d’un plancher que personne n’avait vu (et pour cause) jusqu’ici. « Maintenant qu’il est possible d’établir de la coordination à grande échelle et à bas prix, une troisième catégorie a émergé [qui permet d’entreprendre] un travail sérieux et complexe sans direction institutionnelle. Des groupes coordonnés souplement peuvent maintenant réaliser des choses qui se trouvaient jusqu’à présent hors de portée de toute structure d’organisation ». Il y a « sous l’entreprise » (et sous tout espace où une institution est utile) un monde dans lequel elle ne sert à rien, mais dans lequel nous pouvons aujourd’hui opérer et faire collectivement des choses qui nous étaient interdites avant, des actions qui n’étaient abordables qu’individuellement… ou qui ne l’étaient pas. […] Cette nouvelle capacité de « s’organiser sans organisation » présente, selon Shirky, plus d’un avantage. Il donne comme exemple la Mermaid Parade qui a lieu chaque année le dernier samedi de juin à Coney Island, à New York. Jusqu’à présent, quelques photos apparaissaient dans les journaux locaux et les milliers d’autres disparaissaient vite dans les tiroirs des amateurs. Flickr a changé tout cela en offrant une plateforme

22

(et non une organisation) sur laquelle « toute la coordination vient des usagers ». Les photographes identifient les photos eux-mêmes au moment de les taguer, de leur accoler des étiquettes. Quand ils utilisent le même mot, Flickr établit automatiquement un lien entre les photos (et entre eux). Au lieu d’organiser les photographes, il les laisse s’organiser et « c’est la seule façon pour Flickr de faire face aux coûts que cela implique ». De tels groupes, de fait, opèrent selon des logiques propres et souvent paradoxales qu’il est urgent de comprendre. On sait, par exemple, que sur Wikipedia, comme pour Linux ou sur Flickr, une minorité s’investit intensément, alors que la majorité ne fait que rarement entendre sa voix. Voilà qui semble relativement peu efficace. Erreur, dit Shirky : la participation épisodique (au mieux) de l’immense majorité des membres de ce genre de groupes ouverts aux liens lâches est une source de richesse et de diversité. Cela va beaucoup plus loin encore : l’échec contribue à leur succès ou, pour être plus précis, la tolérance face à l’échec contribue à leur capacité d’innover. « La majorité des projets open source échouent et la plupart ne connaissent que des réussites très modestes », écrit Shirky. Cela veut-il dire que nous les surestimons ? En aucune manière, pour la bonne raison qu’échouer ne leur coûte presque rien. Un luxe interdit aux institutions. « Nombre d’actions qui pourraient présenter un intérêt ne seront pas entreprises, même dans les compagnies innovantes, parce que leur éventuel succès n’est pas assez clairement prévisible », explique-t-il. À l’inverse, « dans le monde de l’open source, essayer quelque chose revient souvent moins cher que de prendre une décision formelle sur le fait de mener à bien l’expérience ou pas ». La conclusion d’une telle démonstration est que « nos outils sociaux ne sont pas une amélioration pour la société moderne, ils sont un défi. De nouvelles technologies apparaissent, des choses préalablement impossibles commencent à arriver. Si un nombre suffisant de ces choses impossibles ont lieu d’un seul coup, le changement devient une révolution ».

Francis Pisani, est un journaliste indépendant français, écrivain, documentariste, enseignant, blogueur et consultant.

Dominique Piotet est président de Rebellion Lab. Il est consultant en stratégie digitale, auteur et journaliste. Il vit à San Francisco et travaille entre les États-Unis et l’Europe.

COMMENT LE WEB CHANGE LE MONDE. DES INTERNAUTES AUX WEBACTEURS , éditions Pearson (collection Les temps changent). Disponible en librairie le 3 juin 2011.

A VENIR

AVANCE RAPIDE

To ut dr o it so r t is des lab o s , l es tech nolo gie s et se rv ices d e dem ai n .

HUMAN PHONE

Quand on s’amuse à comparer les smartphones d’aujourd’hui avec leurs glorieux ancêtres des années 1990, on se dit qu’il y a eu un petit bout de chemin de parcouru en matière d’ergonomie et de fonctionnalités. Et quand on s’amuse à imaginer les téléphones mobiles du futur, ça ressemble à quoi ? L’Institut de recherche sur les technologies avancées (ATR) du Japon a communiqué récemment sur son prototype, de téléphone mobile à l’apparence humaine. Cet objet, qui ressemble à un petit humanoïde, a été conçu pour reproduire une sensation de proximité avec son interlocuteur et rendre la conversation… plus vivante. La texture de son habillage se rapproche, au toucher, de celle de la peau, et un florilège d’animations et de couleurs vient alimenter la sensation qu’on tient quelque chose de vivant dans la main au moment de passer un coup de fil. Pas étonnant,

23

puisque l’un des concepteurs de ce prototype est un professeur japonais du nom de Hiroshi Ishiguro, spécialiste des androïdes, et déjà connu pour avoir créé un clone robotique à son image.

SMARTPHONE D’HIPPOCRATE

Et si le téléphone mobile se mettait au service de la médecine en devenant un outil de santé préventive d’un genre nouveau ? L’entreprise EPI, basée à Singapour, vous propose carrément d’emmener « un docteur dans votre poche » et commercialise son dernier joujou : l’EPI Life. Ce petit smartphone permet notamment de mesurer votre rythme cardiaque par une simple pression des doigts sur un capteur. Les données sont ensuite envoyées en simultané vers un centre médical ouvert nuit et jour, qui vous notifie d’un SMS si votre diagnostic est bon, ou vous envoie une ambulance illico si votre capital vital est en danger. Dans le même registre, vous pourrez vous procurez l’iPhone ECG mis au point par la société AliveCor. Il s’agit cette fois-ci d’une coque pour iPhone améliorée et d’une application qui vont vous permettre de vous auto-prodiguer un électrocardiogramme, et ce, en temps réel ! La médecine préventive pour les particuliers signe ici un beau coup d’éclat. Prochaine étape : la diffusion à grande échelle de capteurs reliant le web et le corps.

[OBJET DU MAIL] : NÉANT

Et si l’on était en train d’assister aux dernières heures du sacro-saint « courriel électronique » ? De nombreuses études s’accordent aujourd’hui à dire que le bon vieux mail est sur le déclin. Sur nos mobiles, nous passons désormais 1,4 fois plus de temps sur les réseaux sociaux que sur les e-mails. En France, ces mêmes réseaux sociaux représentaient le mois dernier 14 % du temps passé sur Internet, contre 11 % pour le courrier électronique. De fait, nos comportements communicationnels sur le web seraient en proie à une véritable mutation. Bon nombre d’utilisateurs préfèrent désormais interagir via l’interface des réseaux sociaux, la messagerie instantanée ou encore les SMS, qu’ils trouvent plus simples d’utilisation et faciles d’accès. Au sein des entreprises ensuite, la gronde vient du fait que les employés perdent un temps considérable à trier et cibler leurs mails, et ce en partie afin de différencier les mails professionnels des spams. L’idée que la fin de l’e-mail est proche a fait son chemin. Thierry Breton, PDG d’Atos Origin et dirigeant de 49 000 salariés, déclarait récemment son ambition d’atteindre le « zéro e-mail » d’ici à trois ans afin de limiter la « pollution informationnelle ». Alors, on se retrouve tous pour un brief sur le chat ?

VOITURE ON-LINE AVEC SFR

En France, plus de 30 millions de voitures sont en circulation et plus de 2 millions de véhicules neufs sont vendus chaque année. La voiture connectée pourrait bien rebooster le marché de l’industrie automobile. Qu’il s’agisse d’accéder à des points d’intérêt géolocalisés, aux prix du carburant, ou à de l’information trafic, certains constructeurs proposent déjà des systèmes de navigation connectés comme Carminat TomTom Live chez Renault. Plus utile, en cas de coup dur, lors d’une panne, la voiture connectée pourrait appeler automatiquement des services de dépannage ou d’urgence. Après la révolution GPS, déjà adoptée par le plus grand nombre, toute une série de services sont en cours de développement chez les constructeurs mais aussi chez les opérateurs télécoms qui ont déjà une belle panoplie de services en mobilité. SFR est bien dans les starting-blocks. Et ne manquera pas d’accompagner la révolution de la voiture connectée attendue dans les mois qui viennent.

24