verite et reconciliation

10
COMMISSIONS VERITE Les Commissions vérité sont des groupes constitués dans le but d’enquêter et d’informer sur les manquements aux droits de l’homme sur un certain laps de temps, dans un pays déterminé ou en rapport avec un conflit particulier. Les commissions vérité permettent aux victimes, à leurs familles ainsi qu’aux coupables de fournir la preuve de manquements aux droits de l’homme, en mettant à leur disposition un forum officiel. Dans la plupart des instances, les Commissions vérité doivent, de par leur mandat, fournir des recommandations quant aux mesures à prendre afin d’empêcher la répétition de tels manquements. Elles sont créées, investies d’autorité, sponsorisées et/ou financées par les gouvernements, les organisations internationales ou par les deux. L’exercice des Commissions est limité dans le temps, elles ont un mandat spécifique,  proposent divers arrangements structurels et adoptent une gamme de processus et de  procédures avec pour objectif d’établir et de publier un rapport final incluant leurs conclusions et recommandations. Le but ultime de ces commissions est de contribuer à mettre un point final aux abus d’autorité passés et de les expliquer afin de promouvoir une réconciliation nationale et/ou épauler un nouvel ordre politique ou encore légitimer de nouvelles lignes d’action. Il existe des Commissions d’enquête, étroitement liées aux Commissions vérité, travaillant sur des événements spécifiques plus étroitement limitées dans la durée, le lieu et/ou les individus impliqués. De façon similaire, quelques investigations non-gouvernementales des droits de l’homme ont adopté des rôles semblables à ceux de la Commission vérité dans des pays en cours de transition politique. Des commissions vérité ont été créées dan s les pays suivants : Argentine, Bolivie, Tchad, Chili, Timor oriental, Equateur, Salvador, Allemagne, Ghana, Guatemala, Haïti, Népal,  Nigéria, Panama, Pérou, Philippines, Serbie-Monténégro, (ex République de Yougoslavie), Sierra Leone, Afrique du Sud, Corée du Sud, Sri Lanka, Ouganda, Uruguay, Zimbabwe. Des groupes et des individus ont demandé la création de nouvelles Commissions de vérité ou d’instances similaires dans leur propre pays, à savoir : Afghanistan, Angola, Bosnie- Herzégovine, Cambodge, Colombie, Indonésie, Jamaïque, Kenya, Mexique, marc, Philippines, Ouganda, Venezuela et Zimbabwe. Deux sources ont été particulièrement importantes dans l’établissement de listes de Commissions de vérité : Priscilla B. Hayner, « Fifteen Truth Commissions-1974 to 1994 : A comparative Study », Human Rights Quarterly, v. 16, n°.4, November 1994, pp.597-655 ; et  Neil J. Kritz, ed. Transitional Justice : How emerging Democracies Reckon with Former   Regimes, 3 vols., Washington, D.C., U.S. Institute of Peace Press, 1995. Pour plus d’informations : http://www.usip.org/library/truth.html  

Upload: faouzi-maalaoui

Post on 06-Apr-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 1/10

COMMISSIONS VERITE

Les Commissions vérité sont des groupes constitués dans le but d’enquêter et d’informer sur les manquements aux droits de l’homme sur un certain laps de temps, dans un pays déterminéou en rapport avec un conflit particulier. Les commissions vérité permettent aux victimes, à

leurs familles ainsi qu’aux coupables de fournir la preuve de manquements aux droits del’homme, en mettant à leur disposition un forum officiel. Dans la plupart des instances, lesCommissions vérité doivent, de par leur mandat, fournir des recommandations quant auxmesures à prendre afin d’empêcher la répétition de tels manquements. Elles sont créées,investies d’autorité, sponsorisées et/ou financées par les gouvernements, les organisationsinternationales ou par les deux.

L’exercice des Commissions est limité dans le temps, elles ont un mandat spécifique,  proposent divers arrangements structurels et adoptent une gamme de processus et de  procédures avec pour objectif d’établir et de publier un rapport final incluant leursconclusions et recommandations. Le but ultime de ces commissions est de contribuer à mettre

un point final aux abus d’autorité passés et de les expliquer afin de promouvoir uneréconciliation nationale et/ou épauler un nouvel ordre politique ou encore légitimer denouvelles lignes d’action.

Il existe des Commissions d’enquête, étroitement liées aux Commissions vérité, travaillant sur des événements spécifiques plus étroitement limitées dans la durée, le lieu et/ou les individusimpliqués. De façon similaire, quelques investigations non-gouvernementales des droits del’homme ont adopté des rôles semblables à ceux de la Commission vérité dans des pays encours de transition politique.

Des commissions vérité ont été créées dans les pays suivants : Argentine, Bolivie, Tchad,Chili, Timor oriental, Equateur, Salvador, Allemagne, Ghana, Guatemala, Haïti, Népal,

 Nigéria, Panama, Pérou, Philippines, Serbie-Monténégro, (ex République de Yougoslavie),Sierra Leone, Afrique du Sud, Corée du Sud, Sri Lanka, Ouganda, Uruguay, Zimbabwe.

Des groupes et des individus ont demandé la création de nouvelles Commissions de vérité oud’instances similaires dans leur propre pays, à savoir : Afghanistan, Angola, Bosnie-Herzégovine, Cambodge, Colombie, Indonésie, Jamaïque, Kenya, Mexique, marc,Philippines, Ouganda, Venezuela et Zimbabwe.

Deux sources ont été particulièrement importantes dans l’établissement de listes de

Commissions de vérité : Priscilla B. Hayner, « Fifteen Truth Commissions-1974 to 1994 : Acomparative Study », Human Rights Quarterly, v. 16, n°.4, November 1994, pp.597-655 ; et  Neil J. Kritz, ed. Transitional Justice : How emerging Democracies Reckon with Former   Regimes, 3 vols., Washington, D.C., U.S. Institute of Peace Press, 1995.

Pour plus d’informations : http://www.usip.org/library/truth.html 

Page 2: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 2/10

LE MONDE DIPLOMATIQUE | janvier 2005 | Page 31

Enjeux de mémoireVérité et réconciliation en Afrique du SudPar Claude Wauthier 

Journaliste, auteur avec Hervé Bourges des Cinquante Afrique, Le Seuil, Paris 1979.

La création, en 1993, de la commission Vérité et réconciliation a sans doute contribué àépargner un bain de sang à l’Afrique du Sud libérée de l’apartheid. La personnalité deMgr Desmond Tutu, archevêque anglican de Johannesburg, prix Nobel de la paix, qui l’a

 présidée, n’est évidemment pas étrangère à la réussite de cette expérience d’amnistie. Uneexpérience aussi originale sur le plan juridique qu’éprouvante pour les victimes (en majoriténoires) et les bourreaux (blancs pour la plupart) du régime de discrimination raciale sud-africain.

Le principe en était simple : bénéficieraient d’une amnistie tous ceux qui viendraient devant la

commission « confesser » en quelque sorte leurs exactions – il s’agissait surtout de membresde la police qui avaient torturé, et parfois tué, des militants des mouvements de libérationnoirs, principalement le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela. L’amnistie desrequérants était soumise à deux conditions : d’abord de ne rien omettre de leurs crimes etdélits dans leur déposition, ensuite d’avoir agi sur ordre de leur hiérarchie tout en croyantservir un « objectif politique » (une prétendue défense de la race blanche, par exemple).Contrairement à ce qu’avait publiquement craint l’ancien président Frederik De Klerk, larévélation des sévices souvent atroces infligés par les bourreaux n’a pas entravé laréconciliation entre les communautés noire et blanche. La Commission a ainsi réussi lacatharsis qu’elle s’était fixée comme objectif.

Des trois ouvrages sur ses travaux qui viennent d’être traduits en français, le plus abordableest La Douleur des mots, le récit de la poétesse et journaliste sud-africaine (blanche) AntjeKrog qui a couvert pour la radio sud-africaine toutes les séances de la commission pendant lesdeux ans où elle y a siégé, de 1996 à 1998 (1). Comme plusieurs de ses confrères, à forced’entendre à longueur de journées des récits de tortures et de viols, l’auteur a frôlé ladépression nerveuse. Elle était sans doute d’autant plus vulnérable qu’elle appartient à lacommunauté afrikaner, au nom de laquelle a été bâti l’apartheid. Elle rapporte, entre autresconfessions à peine soutenables, celle du policier blanc qui avait électrocuté cinq suspectsnoirs dans une ferme isolée transformée en centre de torture, et entre autres souvenirs atrocesévoqués par des victimes, celui de la main coupée d’un Noir conservée dans un bocal sur une

étagère dans un commissariat de police.Des essais sur l’esprit et les travaux de la Commission, dont ceux de Jacques Derrida et dePaul Ricœur sont rassemblés dans un deuxième ouvrage, Vérité, réconciliation, réparation(2). Plusieurs de ces essais soulignent la différence avec le procès de Nuremberg, une justicede vainqueurs, et avec la loi d’amnistie générale promulguée au Chili après la chute dePinochet. La commission sud-africaine ne jugeait pas, elle amnistiait (ou non) des actes, mais

 pas des individus, avec d’ailleurs une relative parcimonie : sur 7 116 demandes d’amnistie,1 312 ont été accordées, et 5 143 rejetées.

Enfin, troisième livre, un compte rendu (partiel, mais bilingue français-anglais) des travaux de

la commission, intitulé Amnistier l’apartheid, a été publié sous la direction de DesmondTutu (3). L’introduction note discrètement le décalage entre le discours très chrétien de

Page 3: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 3/10

l’archevêque de Johannesburg et celui de Nelson Mandela, qui s’est toujours placé « hors duchamp religieux ». Ces « morceaux choisis » comprennent notamment des témoignages defemmes humiliées, torturées et violées par des policiers.

(1) Antje Krog, La Douleur des mots, Actes Sud, Arles, 2004, 404 pages, 23,90 euros.

(2) Vérité, réconciliation, réparation, sous la direction de Barbara Cassin, Olivier Cayla etPhilippe-Joseph Salazar, Seuil, Paris, 2004, 365 pages, 15 euros.

(3) Amnistier l’apartheid, sous la direction de Desmond Tutu, Seuil, Paris, 2004, 352 pages,25 euros.

FIDH 23/07/2004MarocLes Commissions de vérité et de réconciliation : l’expérience marocaine 

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) publie ce jour unrapport de séminaire régional sur les Commission de vérité et de réconciliation : l’expériencemarocaine faisant suite à un séminaire régional organisé en partenariat avec l’Associationmarocaine des droits humains (AMDH), l’Organisation marocaine des droits humains(OMDH) et le Forum marocain pour la vérité et la justice (FVJ), et avec le soutienscientifique du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) entre le 25 et le 27mars 2004 à Rabat.

En janvier 2004, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) était mise en place au Maroc afind’apporter un règlement global à la question des violation graves des droits de l’Hommeintervenues au Maroc depuis 1956. L’IER a vu le jour après plusieurs années de combat desorganisations de défense des droits de l’Homme et des associations de victimes et de famillesde victimes, et après une première expérience visant à l’indemnisation des victimes. Sacréation a suscité des débats importants au sein de la société civile portant notamment sur sonmandat.

Cependant, cette expérience de commission de vérité est la première du genre en Afrique du Nord et au Moyen Orient, et soulève un grand espoir pour les victimes marocaines mais aussialgériennes, libanaises, irakiennes...

Aussi, la FIDH et ses organisations partenaires ont entrepris d’organiser un séminaire sur le

thème des commissions de vérité et de réconciliation afin d’apporter un éclairage internationalà l’expérience marocaine.

Le séminaire a abordé les enjeux d’une Commission de vérité dans une société en transition, puis les notions d’impunité, de justice et de réparation. L’analyse de différentes expériencesinternationales a permis de mieux comprendre les modalités et les résultats des commissionsde vérité. L’expérience marocaine a ensuite été discutée et débattue, enfin la question desréformes à entreprendre au Maroc pour que des violations graves des droits de l’Homme ne

 puissent se reproduire a été abordée.

Le rapport sera publié sous peu en anglais et en arabe.

Page 4: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 4/10

Conseil Œcuménique des Eglises ( COE) impunité, vérité, justice et réconciliation

Depuis la fin de la guerre froide, la prolifération de conflits nouveaux et complexes place lesEglises devant des défis inédits qu’il est urgent de relever. Non seulement ces conflits ont fait

un nombre de morts sans précédent parmi les populations civiles, mais bon nombre d’entreeux sont de nature religieuse. Très souvent, ils ne correspondent plus au modèle traditionnelde la guerre que se font des Etats pour s’assurer la domination territoriale ou politique sur l’autre ; il s’agit généralement de luttes menées sur un même territoire entre des groupesethniques, nationaux et raciaux rivaux. Ces affrontements d’un type nouveau ont pris lacommunauté internationale de court et défient tous les mécanismes traditionnels de règlementdes conflits. Les études entreprises par les experts ont montré que ces conflits étaient le plussouvent imputables à des tensions non résolues découlant de préjudices passées.

L’impunité accordée de droit ou de fait à des personnes qui se sont rendues coupables decrimes graves contre l’humanité, l’échec des sociétés ou de la communauté internationale à

rechercher et à accepter la vérité concernant ces crimes, et le ressentiment accumulé par les parties lésées sont généralement à l’origine des conflits. Les Eglises à travers le monde se sontrendu compte que, pour devenir de véritables agents de réconciliation, il leur fallaitabsolument acquérir une meilleure compréhension de la dynamique en jeu. Depuis 1993, leConseil oecuménique des Eglises a entrepris un programme sur l’impunité, la vérité, la justiceet la réconciliation afin d’étudier ces phénomènes et d’aider les Eglises dans leur action. Ils’agit de donner aux chrétiens les moyens d’intervenir dès les premiers signes de tension etd’agir avant que l’hostilité déclarée ne dégénère en guerre ouverte, de venir en aide aux gensen temps de conflit armé, et de promouvoir une guérison et une réconciliation sociale en

 profondeur dès le lendemain du conflit.

Depuis le début de 2001, le Programme sur l’impunité, la vérité, la justice et la réconciliationest étroitement lié à la Décennie oecuménique « vaincre la violence » qui constitue l’un desvolets de l’action du COE dans ce secteur.Documents importantsBeyond Impunity: An ecumenical approach to truth, justice and reconciliation (2000, WCCPublications) by Geneviève JacquesImpunity: An Ethical Perspective. Six case studies from Latin America (1996, WCCPublications) edited by Charles Harper Healing a Nations' Wounds: Reconciliation on the road to democracy (1997, Life & PeaceInstitute) by Walter Link 

The Art of Forgiveness: Theological reflections on healing and reconciliation (1997, WCCPublications) by Geiko Müller-FahrenholzThe Reconciliation of Peoples: Challenge to the Churches (1997 WCC Publications/OrbisBooks) edited by Gregory Baum & Harold Wells

Page 5: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 5/10

 Le Courrier des BalkansLe portail francophone des Balkans 

Association Sarajevo

Bosnie-Herzégovine : difficiles débuts de la Commission Vérité et réconciliation

Publié dans la presse : 13 janvier 2003Mise en ligne mardi 13 janvier 2004

Le projet de commission Vérité et Réconciliation a toujours du mal à se mettre en place enBosnie-Herzégovine. Une association non-gouvernementale portant ce nom a été formée il y atrois ans à Sarajevo dans le but d’éliminer les obstacles obstruant la voie vers la constitutiond’une telle commission.

Que devrait impliquer 'la vérité et la réconciliation'? 

 Nous pouvons conclure de ce qui précède qu'un programme minimum de vérité, de justice etde réconciliation devrait contenir ce qui suit:

Reconnaissance de ce que des individus ont subi. Le fondement de la réconciliation est lareconnaissance de la souffrance. La réconciliation se distingue ainsi d'un procès qui ne va pas

 plus loin que des négociations politiques et des compromis. La reconnaissance de lasouffrance individuelle peut prendre forme par un compte-rendu officiel détaillé avec uneattention particulière pour le plus possible de cas individuels. Des mesures de compensation etde réhabilitation dont les victimes individuelles peuvent profiter, peuvent être prises: engravant dans notre mémoire les noms des victimes, comme dans les célébrations religieuses,sur les pierres commémoratives, en littérature et dans les musées, en persistant à reconnaîtreque les victimes et les parents proches doivent vivre dans la douleur et le chagrin et ceci

 parfois pendant plusieurs générations.* Aide aux victimes. D'après les traités internationaux, les victimes ont droit à unecompensation matérielle. Elles doivent être soutenues dans l'acceptation de leur chagrin, grâceà une attention individuelle ou un soutien de la part d'organisations créées pour eux ou par eux. Beaucoup d'entre eux ont perdu non seulement leurs proches mais également leursmoyens d'existence. Certains ont tellement souffert psychiquement et physiquement qu'ils ne

 peuvent plus pourvoir à leurs propres besoins. Les enfants ont non seulement perdu leurs parents, mais aussi le droit d'identité, leur évolution personnelle et leur enseignement. Un processus de réconciliation doit prévoir une opération de dépassement pour réhabiliter le

mieux possible ces droits et ces possibilités.* Jugement honnête. Un état de droit se justifie d'abord par la façon dont il se comporteavec ceux qui ont violé le droit. Des traités internationaux rédigent des règlements qui doiventgarantir la marche honnête d'un procès. Les accusés ont droit à une assistance juridique etdoivent tout pouvoir alléguer pour être acquittés ou pour jouir de circonstances atténuantes. Ilest essentiel lorsqu'on a affaire à un grand nombre de personnes étant obligées de rendre descomptes, que chacune d'elles puisse avoir l'occasion de pouvoir se défendre juridiquement etmoralement. De plus, un tel procès doit toujours se faire dans le but d'intégrer des personnesdans une nouvelle dignité, dans une nouvelle société et non pas de les exclure d'un avenir 

 plein d'espoir.* Ordre juridique durable. La réconciliation est la première étape pour une société qui

veut continuer à garantir la dignité et le droit. Cette société doit être démocratique, ce quisignifie qu'elle doit être basée sur les principes de la Déclaration Universelle des Droits de

Page 6: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 6/10

l'Homme. Celle-ci contient les droit sur la liberté de religion et de pensée, sur l'intégritéspirituelle et physique, sur la participation à la vie politique, sociale et économique de lasociété. Les lois doivent être basées sur ces principes et l'appareil juridique doit exécuter ceslois avec le plus grand scrupule.* Discussion incessante sur le poids du passé. La réconciliation est un processus sans

fin. Même un rapport officiel sur le passé ou sur les jugements des coupables ne conduit pasencore à une constatation définitive de la 'vérité' sur le passé. Personne n'a le droit dedéterminer cette vérité une fois pour toutes car l'acceptation, les idées et les convictionssincères des gens sont les éléments qui nous rapprochent pas à pas d'une vérité qui rend

 justice à tant de gens. La discussion sur le passé et ses effets sur le présent et le futur doiventobtenir la place que les individus, les organisations et les spécialistes demandent.

ONULes Commissions Vérité et RéconciliationDes instruments pour mettre fin à l’impunité et construire une paix durablePar Paavani Reddy,

Les deux dernières décennies ont été une période de changement politique important dans lemonde entier. Des dictatures sont tombées, soit par une victoire militaire soit par la transitionvers un gouvernement démocratique et dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, d’Europede l’Est et d’Afrique, les guerres civiles, y compris le régime d’apartheid en Afrique du Sud,ont pris fin. Ces situations ont un point commun : le recours à la violence, notamment lesdisparitions, les assassinats, la torture, le viol et les détentions illégales afin d’empêcher les

 populations d’exprimer leurs demandes en matière de démocratie, de droits de l’homme et degouvernance.Les gouvernements mis en place après un conflit, nouvellement établis ou de transition ont eula lourde tâche de faire face au passé et aux violations perpétrées par l’État tout en préparantl’avenir en construisant une société démocratique fondée sur l’état de droit. Dans denombreux cas, ce dilemme a été aggravé par les accords de paix qui prévoyaient des amnisties

 pour les anciens oppresseurs ou par les amnisties que s’accordaient les anciennes élites avantla transition1. De plus, les auteurs de crimes passés et leurs sympathisants ont souventcontinué à exercer des responsabilités au sein du gouvernement, y compris dans lamagistrature, la police et l’armée, rendant les poursuites difficiles. Et le manque de preuves asouvent exacerbé ce problème. Afin de pouvoir néanmoins rendre justice aux victimes, ungrand nombre d’États en transition ont adopté une approche extrajudiciaire.Des commissions de vérité ont été créées pour mener des enquêtes officielles et fournir unrapport détaillé sur les formes de violences commises pendant la répression et la guerre civile.

La Commission d’enquête sur les disparitions de personnes en Ouganda a été la premièrecommission créée pour documenter les violations et faire des recommandations. Depuis, plusde trente commissions de vérité ont vu le jour, les plus importantes étant celles en Argentine,au Chili, au Timor-Leste, au Salvador, au Guatemala et, surtout, en Afrique du Sud. Leur succès est impressionnant. Selon Jose Alvarez, professeur de droit international à l’universitéde Columbia, « les commissions de vérité sont des outils indispensables pour établir la véritésur les crimes passés, un moyen pour dédommager les victimes et des instruments pour 

 promouvoir la paix et la réconciliation ». Plus récemment, dans son rapport « L’état de droitet la justice transitionnelle dans les sociétés en conflit ou sortant d’un conflit », le Secrétairegénéral de l’ONU a décrit ces commissions comme « un outil indispensable dans la recherchede la vérité et de la réconciliation » et dans « le rétablissement de la confiance publique dans

les institutions nationales de gouvernance ».

Page 7: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 7/10

Les commissions de vérité et de réconciliation, contrairement aux tribunaux traditionnels,sont principalement centrées sur les victimes et s’appuient sur leurs témoignages. Elles

 permettent aux survivants de raconter leurs expériences et leurs souffrances dans desaudiences privées ou publiques. Ces témoignages constituent une partie importante del’analyse des formes de violence par la commission, généralement dans un rapport final

complet et ont, dans de nombreux cas, donné lieu à des poursuites contre les auteurs de crimesou entraîné leur démission du gouvernement. Malgré ces points communs, il n’existe pas de principes qui dictent la nature et l’ampleur des travaux des commissions. Il en existedifférents modèles, chacune étant conçue en fonction de la nature du conflit et par rapport àune situation politique particulière. Par exemple, les commissions de vérité en Amérique duSud, en particulier en Argentine et au Chili, étaient dotées d’un mandat limité et ne devaientenquêter que sur les crimes commis pendant la dictature militaire ou la guerre civile, ycompris les détentions politiques et les disparitions. Elles n’étaient pas habilitées à assigner les témoins à comparaître et avaient un accès limité ou aucun accès aux dossiers militaires etde la police. D’autres comme les commissions au Salvador et en Afrique du Sud qui y avaientaccès étaient confrontées à un manque de coopération de la part de la police ou des militaires

ou découvraient que les documents recherchés avaient été détruits, ce qui compromettait leur enquête. Malgré ces inconvénients importants, les commissions de vérité ont été très efficacescar elles ont permis de compiler le témoignage de milliers de victimes et de faire connaître lavérité. Leurs rapports ont donné lieu à la première reconnaissance officielle des crimes passéset des souffrances des victimes après des années de déni et de silence. Elles ont également

 permis d’engager des poursuites contre les auteurs de crimes, ouvert la voie aux réformesinstitutionnelles et aux programmes de réparation aux victimes. Le manque de volonté

 politique pendant la mise en place de ces commissions a donc été comblé par la dynamique particulière de leurs travaux.En revanche, en Afrique du Sud, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a été pourvued’un mandat plus vaste. Créée en 1995 en vertu de la loi relative à l’unité et de laréconciliation nationale, elle demeure le meilleur exemple de ce genre. Elle a été créée à partir de mécanismes déjà mis en place dans le monde, prenant en compte leurs points faibles etleurs points forts. Les points de vue et les attentes de la société civile africaine ont égalementété pris en considération, créant un sentiment d’appropriation. Cette commission avait pour objectif d’entreprendre un processus de réconciliation afin d’unifier le pays après desdécennies de ségrégation raciale et ethnique. « Faire la lumière sur les violations massives desdroits de l’homme, en sollicitant différents points de vue, facilite le processus decompréhension de nos passés divisés [de l’Afrique du Sud], tandis que la reconnaissance

 publique des souffrances non dites et de l’injustice permet de rétablir la dignité des victimes etoffre aux auteurs de violations une occasion de reconnaître leur faute2 ». Cette reconnaissance

du passé était fondamentale pour promouvoir la réconciliation nationale et construire unenouvelle société.La CVR était pourvue d’un vaste mandat et disposait des outils pour le remplir. Elle a étéhabilitée à mener des enquêtes formelles, notamment médico-légales, à faire comparaître destémoins pour témoigner, à recommander des réparations aux victimes et, question trèscontroversée, à accorder l’amnistie à ceux qui ont révélé la nature des crimes qu’ils ontcommis. Ce fut l’une des premières commissions à organiser des audiences privées et

 publiques où pratiquement toutes les victimes pouvaient raconter leurs expériences et lesauteurs de violations révéler la vérité sur les crimes qu’ils ont commis. Ces récits ont mis enlumière la dimension des violations massives des droits de l’homme perpétréessystématiquement pas les forces de police et de sécurité, ainsi que par les groupes armés

combattant pour instaurer l’égalité des droits. La CVR a également enquêté sur le rôle desmédias, du secteur privé et de la justice dans le renforcement de l’apartheid, examinant donc

Page 8: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 8/10

le système oppressif sous tous ses aspects et fournissant un compte rendu complet desévénements. Parmi les commissions, la CVR est probablement celle qui a été le plus près àdire « la vérité ».Un élément crucial de ce succès a été l’octroi de l’amnistie aux auteurs de violations qui ontconfessé leurs crimes. Contrairement à un tribunal traditionnel ou à d’autres commissions, les

auteurs avaient tout intérêt à dire la vérité puisque c’était leur voie vers la liberté. Mais beaucoup de Sud-Africains ont considéré que c’était un prix cher à payer au nom de la vérité.Richard Wilson, qui a critiqué le processus d’amnistie, note dans son livre The politics of truth and reconciliation in South Africa qu’il y a une « discordance entre la compréhension

 populaire vis-à-vis du châtiment des individus et la version de rétablissement de la justice proposée par les personnalités politiques nationales3 ». De son côté, l’opinion internationales’est opposée à l’octroi d’amnisties. En septembre 2003, le Secrétaire général, Kofi Annan, adit : « Il ne devrait pas y avoir d'amnisties pour les crimes de guerre, les crimes contrel'humanité, les génocides et toutes les autres infractions aux droits de l'homme et au droithumanitaire internationaux ». La Commission Vérité sud-africaine a également été critiquée

 pour avoir limité ses travaux aux victimes et aux auteurs de crimes violents, excluant les

aspects systémiques du régime oppressif qui ont affecté la vie d’un grand nombre de personnes. De son côté, le gouvernement a été critiqué pour son manque de volonté à engager des poursuites.Pour répondre à ce problème, les commissions de vérité et de réconciliation peuvent êtredotées de mécanismes judiciaires. Les processus de recherche de la vérité mis en place auTimor-Leste et en Sierra Leone étaient soutenus par des mécanismes de justice. Les tribunauxspéciaux ont été mis en place pour traduire en justice les auteurs de crimes tandis que lescommissions de vérité offraient aux victimes un lieu où elles pouvaient raconter leursexpériences et donner un sens à leur vie pendant le conflit. Les commissions ont adopté uneapproche davantage tournée vers l’avenir et ont fait l’objet de nombreuses recommandations

 pour établir la paix et réintégrer les personnes accusées de crimes moins graves dans lasociété. Ces exemples montrent que la mise en place et le fonctionnement des commissions devérité et de réconciliation peuvent tenir compte des leçons tirées et continuer d’évoluer tout en

 prenant en compte les besoins de la situation d’après-conflit.Malgré la variété de leurs mandats, de leurs pouvoirs et de leurs résultats, ces commissionstentent de remplir plusieurs objectifs dans les sociétés sortant d’un conflit. Répondre aux

 besoins des victimes. Les commissions de vérité offrent un lieu où les victimes peuvent,souvent pour la première fois, raconter leurs expériences et leurs souffrances. Ce compterendu des faits est une reconnaissance officielle de leurs souffrances et de la gravité descrimes commis contre elles, qui étaient auparavant niés ou méconnus. Une tellereconnaissance, estiment un grand nombre d’experts, est plus importante qu’une seule

reconnaissance des crimes car elle signifie que les crimes n’étaient pas légitimes et que lessouffrances des victimes ne sont plus ignorées, ce qui les aident à accepter le passé.L’archevêque Desmond Tutu, président de la CVR, souligne que c’est par la reconnaissanceque les victimes « peuvent être habilitées et retrouver leur dignité humaine et civile » (voir Chronique ONU, numéro 4, 1996, page 4). Elle aide aussi la société à mieux comprendre lesvictimes et leurs besoins. En outre, les commissions de vérité font souvent desrecommandations pour indemniser les victimes, assurer leur réintégration et promouvoir laréconciliation.Éclaircir, documenter et établir les faits. En analysant le témoignage des victimes, lescommissions de vérité sont en mesure d’établir la vérité concernant les violations massivesdes droits de l’homme qui étaient souvent niées par le gouvernement. Qui étaient les victimes

? Quelles injustices ont-elles subies ? Pourquoi ces crimes ont-ils été commis contre elles ?Les rapports éclaircissent, documentent et établissent les faits du passé et débouchent sur une

Page 9: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 9/10

discussion publique. Cette documentation fait partie de la conscience nationale et permet decréer une culture des droits de l’homme et d’empêcher que de tels crimes ne se reproduisent.Elle permet d’empêcher toute tentative visant à nier le passé et les conflits résultant.Aider à établir la différence entre les gouvernements actuels et du passé. Dans les sociétéssortant d’un conflit, les gouvernements de transition et nouvellement élus doivent établir leur 

crédibilité, en particulier en soutenant les principes des droits de l’homme. En soutenant lamise en place des commissions de vérité et leurs résultats, les nouveaux gouvernementsaffirment leurs engagements envers les droits de l’homme, s’attaquent à l’impunité desrégimes précédents et défendent une gouvernance plus transparente à la fois pour leur peupleet la communauté internationale. Associées à d’autres mesures de consolidation de la paix, ycompris des réformes institutionnelles, ces initiatives permettent de renforcer les droits del’homme et l’état de droit dans la société sortant de conflits.

Certaines commissions de vérité sont destinées à promouvoir la paix et la réconciliation et àinitier un processus de stabilité de la paix à long terme. Priscilla Hayner, cofondatrice duCentre international pour la justice transitionnelle, explique dans son livre que de nombreux

 partisans des commissions de vérité considèrent que révéler la vérité débouche sur laréconciliation et qu’il est important pour les victimes de savoir « à qui elles pardonnent et

 pourquoi1 ». Faire la lumière sur le passé aide la communauté à comprendre la gravité dessouffrances que le conflit a engendrées pour toutes les parties et renforcent le besoin de paix.Mais les avis diffèrent sur la manière de parvenir à la paix et à la réconciliation — certains

 préconisent le châtiment et d’autres, la réconciliation. Pour mieux évaluer la situation, lescommissions s’appuient souvent sur l’expertise de la société civile afin de connaître les

 besoins des victimes et leurs attitudes envers la paix et la réconciliation.Recommander des réformes structurelles. Les commissions de vérité, par leurs enquêtes sur les formes de violences commises dans le passé, sont à même d’évaluer la responsabilitéinstitutionnelle. Elles sont en mesure d’évaluer les défauts et les faiblesses des appareils

 judiciaire, policier et militaire et d’autres structures du gouvernement, et faire desrecommandations pour entreprendre des réformes. L’application de ces réformes dépend de lavolonté politique, du soutien et de la pression de la communauté internationale et de la sociétécivile locale, ainsi que des gouvernements.Le succès des commissions à examiner les violations massives des droits de l’homme pendantles conflits, à promouvoir la paix et la réconciliation et à renforcer la démocratie, a contribuéà leur reconnaissance en tant qu’instruments vitaux de l’établissement de la paix et de la

 promotion de la justice transitionnelle dans les sociétés sortant d’un conflit. Les NationsUnies jouent un rôle actif dans le soutien et la promotion de la justice transitionnelle tout encherchant à respecter, dans la mesure du possible, le besoin d’appropriation nationale et

locale. Dans son rapport sur l’état de droit et la justice transitionnelle, le Secrétaire généraldéclare que « nous devons apprendre à éviter les solutions toutes faites et l’importation demodèles étrangers, et à appuyer plutôt notre action sur des évaluations nationales, la

 participation des acteurs nationaux et les besoins et aspirations locaux ». L’ONU devrait faireappel aux organisations locales pour déterminer les besoins d’une société donnée sortant d’unconflit et adapter les commissions de vérité pour y satisfaire — qu’il s’agisse de la nécessitéd’établir la vérité ou bien de poursuivre les coupables. De plus, les organisations locales sontdans une meilleure position pour évaluer les causes profondes du conflit et formuler desrecommandations sur la manière de renforcer la paix et la démocratie par le biais demécanismes de transition et de réformes structurelles.Mme Alvarez fait remarquer qu’en même temps le processus de paix fragile peut dépendre de

l’octroi d’amnisties aux coupables. L’ONU soutient cependant le statut de la Cour pénaleinternationale (CPI) qui stipule que les auteurs de crimes de guerre devraient être tenus

Page 10: Verite Et Reconciliation

8/3/2019 Verite Et Reconciliation

http://slidepdf.com/reader/full/verite-et-reconciliation 10/10

responsables. Elle spécifie également que si les nations « refusent et sont incapables »d’engager des poursuites, le procureur de la CIP peut intervenir. Cela, met-elle en garde,

 pourrait causer des tensions futures et « compromettre certains processus de paix et certainsgouvernements de transition ». L’ONU devrait donc résoudre ces tensions. De plus, lesmesures de transition ne pouvant avoir lieu dans le vide, il faut les renforcer avec d’autres

mesures d’établissement de la paix et de développement, y compris avec des programmes dedésarmement, de démobilisation et de réintégration, ainsi qu’avec le microfinancement, afind’empêcher que les conflits renaissent ou se reproduisent, et pour promouvoir une culture dedélibération et de droits de l’homme.

 Notes1. Unspeakable Truths: Confronting State Terror and Atrocity, Priscilla B. Hayner, 2001,

 page 12.2. Reconciliation Commission, Truth and Reconciliation Commission of South AfricaReport, (Macmillan reference limited, 1998).3. The Politics of Truth and Reconciliation in South Africa: Legitimizing the Post-Apartheid State: Legitimizing the Post-Apartheid State,

Richard A. Wilson, Cambridge University Press, 2001, page 25.