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UNIVERSITE VICTOR SEGALEN
BORDEAUX 2
MEMOIRE DE DIPLOME D’ETUDE SPECIALISEE
COMPLEMENTAIRE
Orthopédie et traumatologie
Année 2008
Prise en charge chirurgicale des paralysies traumatiques du
plexus brachial C5C6 et C5C6C7 de l’adulte
par lésion supraclaviculaire :
étude rétrospective à propos de 15 cas.
Cédric Belin
2
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION p. 3
MATERIEL ET METHODES p.4
1) Matériel p.4
2) Technique opératoire p.7
3) Méthodes p.10
RESULTATS p.11
DISCUSSION p.14
CONCLUSION p.19
BIBLIOGRAPHIE p.21
3
INTRODUCTION
La paralysie traumatique du plexus brachial de l’adulte est une affection dont la
prise en charge reste difficile et longue. Survenant souvent dans un contexte de
polytraumatisme au cours d’un accident de la voie publique, elle requiert une
approche pluridisciplinaire comprenant le chirurgien, le neurologue, le
kinésithérapeute et le psychothérapeute. L’impact psychologique de l’accident, ses
séquelles douloureuses et fonctionnelles vont compromettre la réinsertion
socioprofessionnelle du patient. Toute la réussite de cette prise en charge réside donc
dans l’amélioration du pronostic fonctionnel du patient. On le sait aujourd’hui, ce pronostic est directement corrélé au délai de prise en
charge chirurgicale qui devra être inférieur à 6 mois en dehors de toute récupération
spontanée. L’indication chirurgicale peut être une simple neurolyse, une réparation ou
un transfert nerveux dans un premier temps voire des transferts musculaires dans un
second temps ou en cas de prise en charge trop tardive. Les paralysies plexuelles partielles hautes C5C6 et C5C6C7 qui nous intéressent,
représentent environ 25% des atteintes du plexus brachial en général. Le patient
présente un déficit de flexion du coude et d’abduction rotation externe de l’épaule
plus ou moins associé à un déficit d’extension du coude et du poignet en cas d’atteinte
de C7 concomitante. Le mécanisme correspond classiquement à un étirement caudal
violent du plexus, la plupart du temps fermé qui peut aller jusqu’à la rupture complète
des fibres nerveuses. On peut retrouver ainsi des lésions de différents degrés de
Sunderland au sein des gaines nerveuses et à différents niveaux : supraclaviculaires,
pré ou post ganglionnaires, ou infraclaviculaires et parfois à double étage. Il y a
d’ailleurs en général moins d’avulsion radiculaire à l’étage C5C6 du fait de la
présence de ligaments foraminaux. La recherche exacte du niveau lésionnel est primordiale avant d’envisager un geste
chirurgical. On se base sur un examen clinique répété comprenant un bilan musculaire
complet, aidé d’un examen électromyographique, d’une scopie diaphragmatique et
d’une IRM ou d’un myeloscanner à la recherche d’une avulsion radiculaire. On peut
ainsi prédir à 90 % le niveau lésionnel [6].
Toute la discussion porte alors sur la stratégie opératoire sachant que l’objectif
fonctionnel est en premier lieu la restauration de la flexion du coude et conjointement
4
la stabilisation de l’épaule avec si possible la restauration de l’abduction et de la
rotation externe. Il existe un consensus pour toujours réaliser une réparation nerveuse quand elle est
encore possible (lésion post ganglionnaire) et en cas d’avulsion radiculaire (lésion
préganglionnaire) de faire appel à un transfert nerveux (neurotisation) soit
intraplexuel, soit extraplexuel (nerf spinal, nerfs intercostaux, nerf du plexus cervical,
nerf hypoglosse). L’utilisation de transfert musculaire palliatif intervient plus
particulièrement pour restaurer l’extension du coude et du poignet ou secondairement
en cas d’échec ou de résultat insuffisant de la chirurgie nerveuse. Nous relatons ici notre expérience dans la prise en charge chirurgicale des
paralysies du plexus brachial C5C6 et C5C6C7 supraclaviculaires sur 15 cas de 1998
à 2006. L’objectif de l’étude est de rappeler les principes de prise en charge de ce type
particulier de lésion plexique et d’évaluer les résultats en termes de fonction et de
qualité de vie de nos patients après chirurgie nerveuse. Enfin nous nous sommes
intéressés aux résultats des greffes comparées aux neurotisations.
MATERIEL ET METHODES
1) Matériel
Nous avons opéré au CHU de Bordeaux 15 patients de 1998 à 2006 présentant
une atteinte partielle haute du plexus brachial : 8 patients avec une paralysie C5C6 et
7 avec une paralysie C5C6C7. Nous avons exclu les cas de neurolyse isolée pour nous
intéresser seulement aux cas de réparation et de neurotisation afin d’évaluer les
capacités de récupération fonctionnelle de ce type d’intervention. Il s’agissait dans 13
cas d’accident de la voie publique dont 11 à moto, 1 chute de 3m et une plaie par
cutter. Dans seulement 2 cas, la lésion du plexus était isolée, et dans 3 cas, il s’agissait
de polytraumatismes, les autres cas étaient associés à des fractures diverses (cf tableau
1). Aucun ne présentait de lésion vasculaire.
5
Tableau N°1
Cas Age Mécanisme lésions associées Délai en
jour Type Côté Avulsion
radiculaire
1 36 plaie cutter néant 68 C5C6 G
2 19 AVP moto Fr ouverte jambe 165 C5C6C7 G
3 27 AVP moto Fr humérus/avant bras /fémur 345 C5C6 C7 D C6C7
4 49 AVP moto Fr rachis dorsal/Glène scapula 200 C5C6 G
5 29 AVP Fr radius 110 C5C6 G
6 26 AVP moto néant 173 C5C6C7 D C5C6
7 47 AVP moto polytraum TC 148 C5C6C7 D
8 30 AVP moto plaie basicervicale hémopneumothorax 60 C5C6 D
9 22 AVP moto néant 180 C5C6 D
10 52 AVP Polytraum TC 114 C5C6C7 G
11 16 AVP moto Fr clavicule/1ere côte/poignet 75 C5C6C7 D C6C7
12 17 AVP moto plaie cervicale C5C6 D
13 43 AVP moto Fr rachis dorsal/mandibule 230 C5C6 D C5C6
14 23 AVP moto TC 210 C5C6C7 G C5C6
15 46 Chute 3m Fr rachis cervical 195 C5C6C7 D AVP : Accident de la voie publique TC : Traumatisme crânien
Il s’agissait d’hommes exclusivement, d’âge moyen de 32 ans (16-52). Le côté
atteint était 9 fois à droite et 6 fois à gauche. Tous les patients ont été évalués dans un
délai moyen de 90 jours (7-190) par un bilan musculaire complet ainsi qu’un EMG.
Le bilan a été secondairement complété par un myéloscanner 5 fois et par une
IRM 4 fois afin de rechercher des signes d’avulsion radiculaire. On a ainsi retrouvé 3
cas d’avulsion C6C7 et 2 cas d’avulsion C5C6.
6
A : myélographie B : myéloscanner
Aspect de pseudoméningocèle en faveur d’une avulsion radiculaire
Le délai moyen de prise en charge chirurgicale a été de 160 jours (60-345).
Le choix de la technique opératoire a été décidé en fonction des éléments pré et
per opératoire observés. Il a été ainsi réalisé 7 greffes à partir des racines C5 et C6, et
19 neurotisations : 7 entre le nerf ulnaire et le nerf musculocutané (technique
d’Oberlin [27]), 11 entre le spinal accessoire et le supra scapulaire et 1 cas entre le
médian et le musculocutané (cf tableau 2).
Tableau N°2
Cas
Recul en
mois Intervention chirurgie
Iiaire
délai en
mois Abduction
A/F RE1
Flexion coude
A/F Score DASH
reprise du W
1 102 greffe : C5 6 cm et C6 5 cm non 20°/3 0 0°/0 98 non
2 47 neurotisation : XI/SS et Uln/MC non 50°/3 0 0°/1 103 oui
3 42 neurotisation: Uln/MC arthrodese poignet 38 0°/0 0 90°/3 107 oui
4 18 neurotisation: Uln/MC non 0°/1 0 90°/3 107 non
5 18 neurotisation XI/SS et Uln/MC non 60°/3 0 0°/1 107 non
6 18 neurotisation : XI/SS et Uln/MC non 30°/1 0 0°/1 73 non
7 18 neurotisation : XI/SS et Med/MC steindler 11 0°/0 0 0°/1 111 non
8 18 greffe: C5/MC 8cm et neurotisation : XI/SS
neurot Uln/MC 14 0°/0 0 0°/0 71 oui
7
9 54 neurotisation : XI/SS et Uln/MC
Dérotation humérus 40 80°/4 0 120°/5 102 oui
10 94
Greffe C5/ trc post 6cm C5/trc antérolat 7 cm et neurot XI/SS non 70°/5 0 90°/3 78 non
11 83 greffe: C5/MC 11cm et neurotisation : XI/SS Steindler 22 20°/2 0 90°/3 93 oui
12 PDV Greffe: C5 et C6 / Trc post 2 cm
13 PDV neurotisation : XI/SS et Uln/MC
14 PDV neurotisation: XI/SS
15 PDV neurotisation: XI/SS et neurolyse Trc Iaire sup
Trc : tronc XI : nerf spinal accessoire Uln : nerf ulnaire MC : nerf musculocutané SS : nerf suprascapulaire
Med : nerf médian PDV : perdu de vue W : travail RE1 : rotation externe 1 A : amplitude F : cotation MRC
2) Technique opératoire
Tous les patients ont bénéficié au moins d’une exploration du plexus brachial
supraclaviculaire, complétée par une exploration infraclaviculaire en fonction des
besoins. L’incision débute le long du bord externe du muscle sternocleidomastoïdien
depuis la mastoïde jusqu’à la clavicule puis se porte en externe horizontalement
jusqu’au sommet du sillon deltopectoral. Après incision du tissu sous cutané et du
muscle peaucier du cou, le muscle omohyoïdien est repéré et préservé et l’aponévrose
cervicale moyenne est incisée en sus claviculaire. On repère alors au doigt le plexus
et on se porte sur son bord externe à l’origine du nerf suprascapulaire. Le nerf est
suivi jusqu’à l’incisure coracoïde. La dissection se poursuit vers les racines, en
préservant les branches du plexus cervical superficiel, jusqu’à l’origine de la racine
C5 dans l’espace interscalénique. Là, le nerf phrénique qui croise la racine C5 avant
de cheminer à la face antérieure du scalène antérieur est repéré et stimulé. Ensuite la
racine C6 est repérée en dedans de la racine C5, de même que la racine C7 plus
volumineuse et au trajet plus horizontal.
8
Voie d’abord du plexus brachial
On recherche à ce niveau des signes d’avulsion radiculaire pré ganglionnaire :
vacuité des foramens vertébraux, présence d’une méningocèle, aspect vide des
racines, absence de contraction du serratus antérieur à la stimulation rétrograde de la
racine C5.
Toute la difficulté de la dissection dépend de l’importance de la fibrose
cicatricielle et des rétractions des moignons avulsés.
La suite de l’intervention dépend du choix de la réparation.
En l’absence de signe d’avulsion, notre attitude a été de greffer la perte de
substance chaque fois que cela a été possible en privilégiant la flexion du coude puis
la stabilisation de l’épaule. On utilise pour cela plusieurs torons retournés de nerf
sural en fonction du calibre du nerf à greffer. Les extrémités nerveuses sont alors
recoupées puis suturées sous microscope avec 3 points d’éthylon 9/0 et un
fibrinocollage.
Il a été réalisé ainsi 7 greffes nerveuses chez 5 patients :
une greffe de C5 de 6 cm et de C6 de 5 cm sur le tronc primaire supérieur (cas N°1),
une greffe de C5 sur le nerf musculocutané de 8 cm (cas N°9), une greffe de C5 sur le
tronc secondaire postérieur de 6 cm et sur le tronc secondaire antéro externe de 7 cm
(cas N°10), une greffe de C5 sur le nerf musculocutané de 11 cm (cas N°11) et une
greffe de C5 et C6 sur le tronc secondaire postérieur de 2 cm (cas N°12).
En présence d’une avulsion radiculaire, l’attitude a consisté à réaliser une
neurotisation sans greffe interposée.
Nous avons ainsi pratiqué 19 transferts nerveux : 7 transferts d’un fascicule de
nerf ulnaire sur la branche motrice du musculocutané à destination du biceps selon la
9
technique d’Oberlin [27](cas n°2,3,4,5,6,9,13) . L’incision se fait au bord médial du
1/3 moyen du bras, on repère le nerf ulnaire et le nerf musculocutané. On stimule le
nerf ulnaire afin d’isoler 1 fascicule moteur antéromédial innervant le muscle
fléchisseur ulnaire du carpe, qui est ensuite sectionné et extériorisé à travers une petite
épineurotomie. On dissèque ensuite le nerf musculocutané jusqu’à la branche motrice
à destination du muscle biceps, qui est sectionnée et suturée directement au fascicule
ulnaire par 2 points d’ethylon 9/0 et fibrinocollage. De la même manière, il a été
réalisé une neurotisation du nerf musculocutané par un fascicule de nerf médial
provenant de son contingent antérolatéral (cas N°8).
Neurotisation d’une branche motrice du biceps par un fascicule moteur du nerf
ulnaire (technique d’Oberlin[27])
Enfin nous avons pratiqué 11 neurotisations du nerf spinal accessoire sur le nerf
suprascapulaire (cas N°2,5,6,7,8,9,10,11,13,14,15). La dissection se porte alors au
bord latéral du creux sus claviculaire entre la clavicule et les fibres du trapèze qui sont
désinsérées. Le nerf spinal est recherché à la face profonde du trapèze. On peut
s’aider de l’entrée dans le muscle des vaisseaux transverses cervicaux à la base du cou
qui vont suivre le nerf. Une fois repéré, il est stimulé et disséqué le plus distalement
possible puis sectionné en ménageant les branches à destiné du trapèze moyen et
nerf ulnaire
branche motrice du biceps
10
supérieur. L’extrémité du nerf spinal est alors suturée par 3 points d’ethylon 9/0 et
fibrinocollage à l’extrémité du nerf suprascapulaire qui a été préalablement recoupée.
Dans les suites opératoires, le bras est immobilisé dans une écharpe pour 3
semaines.
Neurotisation du nerf suprascapulaire par le nerf spinal accessoire
3) Méthodes
L’évaluation des résultats fonctionnels a été réalisée par le même examinateur.
Chaque patient a bénéficié au dernier recul d’un bilan musculaire selon la
classification MRC (Medical Research Council) et d’une évaluation de la qualité de
vie par le score DASH (Disability of the Arm, Shoulder and Hand) sur 150. Le bilan
musculaire comprenait une mesure des amplitudes et de la force d’abduction et de
rotation externe de l’épaule coude au corps ainsi que de la flexion du coude. Le
résultat a été considéré comme bon si l’amplitude d’abduction d’épaule était
supérieure à 60°, la rotation externe supérieure à 30° et la flexion du coude supérieure
à 90° avec une force supérieure à M3. On s’est aussi attaché à savoir si les patients
ont repris une activité professionnelle et comment ont évolué leurs douleurs.
nerf spinal accessoire
nerf suprascapulaire
clavicule Haut
Int
11
Cotation du British Medical Research Council
Cotation Activité musculaire
M0 aucune contraction musculaire
M1 contraction musculaire sans mobilisation active possible
M2 mobilisation active en compensant la pesanteur
M3 mobilisation active contre la pesanteur
M4 mobilisation active contre résistance
M5 mobilisation avec force normale
RESULTATS
Sur les 15 patients de la série, nous n’avons pu revoir que 11 patients au dernier
recul soit un taux de révision de 73 %.
Le recul moyen de la série est de 46 mois (18-102).
Parmi les 11 patients revus, 5 ont subi une chirurgie palliative secondaire avant le
dernier recul pour résultat insuffisant ( récupération fonctionnelle musculaire
inférieure à M3). Il s’agissait d’une arthrodèse du poignet au 38e mois (cas N°3), de 2
transferts des muscles épitrochléens (intervention de Steindler) au 11e et 22e mois (cas
N°7,11), une neurotisation du nerf ulnaire sur le musculocutané (technique
d’Oberlin[27]) au 14e mois (cas N°8), et une dérotation externe de l’humérus au 40e
mois (cas N°9).
Cas N°9 Dérotation de l’humérus
Cas N°7 Intervention de Steindler
12
Résultats fonctionnels sur la flexion du coude
De manière globale, 5 patients sur 11 (45%) ont récupéré une flexion active du
coude de 90° en moyenne côtée à M3 pour 4, et de 120° côtée M4 pour le dernier (cas
N°9). Le type lésionnel était parmi les 5 bons résultats : 2 C5C6 et 3 C5C6C7. Trois
de ces patients ont eu une chirurgie palliative dans un 2e temps (une arthrodèse de
poignet, une dérotation de l’humérus et une intervention de Steindler). Pour le reste, 4
autres patients avaient une réinnervation du biceps côtée à M1 sans mobilisation
possible et 2 seulement n’ont eu aucune réinnervation.
En ce qui concerne les greffes : 1 greffe de C5 sur le tronc secondaire antérolatéral
de 7 cm a permis une réinnervation du biceps à M3 (cas N°10) et 3 autres ont échoué.
Elles comprenaient une greffe de C5 sur le nerf musculocutané de 11 cm (cas N°11),
une greffe de C5 sur le tronc primaire supérieur de 6 cm (cas N°1) et une autre greffe
de C5 sur le nerf musculocutané de 8 cm (cas N°8). On ne peut donc pas conclure sur
l’influence de la longueur de la greffe ni même de son implantation proximale ou
distale sur le résultat.
Cas N°9 Neurotisation du nerf suprascapulaire par le spinal accessoire et du biceps par le nerf ulnaire à 4,5 ans
13
En ce qui concerne les neurotisations du biceps : 1 patient a récupéré une force
côtée M5, 2 autres ont récupéré à M3 et enfin 4 autres n’ont récupéré qu’à M1 dont le
patient avec la neurotisation du nerf médian sur le musculocutané (cas N°7). Le cas
N°8 qui a subi une intervention d’Oberlin [27] secondairement après échec de la
greffe du musculocutané n’a aucune réinnervation à 4 mois.
Au total ce sont 3 neurotisations et 1 seule greffe qui ont donné un bon résultat..
L’âge moyen de ces derniers était de 37,5 ans en moyenne contre 29 ans pour les cas
avec un mauvais résultat. Enfin le délai entre l’accident et la chirurgie était de 210
jours (7 mois) pour les cas avec un bon résultat contre 114 jours (4 mois) pour les
autres.
Résultats fonctionnels sur la stabilisation de l’épaule
La stabilisation de l’épaule prend en compte l’abduction active du bras et la
rotation externe coude au corps. Compte tenu de la difficulté de mesure, on a
considéré l’abduction active du bras comme la mobilité globale glénohumérale et
scapulothoracique de l’épaule. L’étude a montré une récupération de l’abduction
active du bras chez 8 patients sur 11 (72%) avec une amplitude moyenne de 40° (10-
80) et une force de 2.6 ( 1-5). Seulement 3 patients (27%) ont été considérés comme
ayant un bon résultat avec une abduction supérieure à 60° et une force supérieure ou
égale à M3 (cas N°5,9,10). Parmi ces patients, tous ont subi une neurotisation de nerf
spinal accessoire sur le suprascapulaire et un a également subi une greffe de C5 sur le
tronc secondaire postérieur (cas N°10).
La greffe isolée de C5 et C6 (cas N°1) a permis de récupérer une mobilisation
active de l’épaule de 20° côtée M3.
Par ailleurs aucun patient n’a récupéré de rotation externe active du bras, et aucune
contraction active du muscle sous épineux n’a été constaté à la révision.
Si l’on considère les cas ayant récupéré une abduction côtée au moins M3 (5 cas),
le type lésionnel était 3 C5C6 et 2 C5C6C7. Parmi les cas n’ayant récupéré aucune
abduction active, il y avait 2 C5C6C7 et 1 C5C6. L’âge moyen était de 31 ans parmi
les bons résultats contre 32 ans pour les autres. Enfin le délai entre l’accident et la
chirurgie était de 130 jours (4 mois) pour les bons résultats contre 160 jours (5 mois)
pour les autres.
14
Evaluation de la qualité de vie
Cette évaluation est basée sur le résultat du score fonctionnel subjectif DASH, des
douleurs et du retour à la vie professionnelle.
Le score DASH moyen est de 95,2 (71-111) avec une médiane à 102,5. Il est
globalement élevé pour tous les patients en dehors de toute corrélation statistique avec
le résultat fonctionnel même pour les patients considérés comme ayant un bon
résultat. Le côté atteint s’il s’agit du côté dominant du patient ( 3 cas sur 11) n’a pas
non plus influencé le résultat du score DASH.
Enfin on peut noter que seuls 5 patients sur 11 (45%) ont repris une activité
professionnelle après un reclassement avec un recul moyen de 46 mois (18-83), là
encore sans corrélation ni avec le résultat fonctionnel ni avec le score DASH.
L’évaluation de la douleur a montré une persistance des douleurs chez 10 patients
sur 11 (90%) côtée à 6,4 (3-10) sur une échelle visuelle analogique (EVA) et pour
lesquelles 4 continuent à prendre un traitement antalgique.
DISCUSSION
Cette étude rétrospective a pour objectif de montrer le résultat des deux principales
attitudes chirurgicales régulièrement utilisées dans le traitement des paralysies
plexiques hautes C5C6 et C5C6C7, à savoir la réparation par greffe et les transferts
nerveux.
Nous avons revu pour cela une série homogène de patients opérés dans le même
centre selon la même stratégie thérapeutique. Cette série ne comportait que 15
patients dont 11 revus ( taux de révision de 73 %) avec un recul minimum de 18 mois,
ce qui n’a pas permis d’établir des résultats statistiquement significatifs. L’évaluation
du résultat s’est basée sur la restauration fonctionnelle de l’abduction et de la rotation
externe du bras et de la flexion du coude. Certains paramètres n’ont pas été mesurés
comme le délai de réinnervation, la force de soulèvement en Kg , la fonction du
poignet et de la main ainsi que le déficit sensitif séquellaire.
L’âge des patients était plutôt jeune, 32 ans en moyenne, en rapport avec le
principal mécanisme lésionnel rencontré (73% d’AVP moto). Ceci correspond aux
données de la littérature [19]. En revanche nous n’avons pas pu montrer de corrélation
15
entre cet âge et le résultat contrairement à la plupart des études qui montrent une nette
dégradation des bons résultats chez les patients de plus de 40 ans [16, 24].
Le délai d’intervention était de 160 jours en moyenne (5 mois). Les études
montrent en effet l’intérêt d’opérer les patients avant 6 mois [17, 19, 24, 33]. Ce délai
peut être différé en présence de signes de réinnervation et dans les paralysies basses
C8T1 mais ne doit pas excéder 12 mois [12].
Dans notre série, paradoxalement, l’allongement du délai opératoire n’a pas été
corrélé avec un plus mauvais résultat.
Dans l’atteinte plexuelle haute C5C6C7 et à fortiori C5C6, la persistance d’une
partie de l’innervation tronculaire basse autorise de nombreuses combinaisons de
réinnervation et les fonctions à restaurer restent simples, ce qui en font des paralysies
plexiques de meilleur pronostic [2, 12, 26]. Cependant plusieurs études ont montré
une différence statistique des résultats fonctionnels des paralysies C5C6 et C5C6C7
malgré un traitement similaire en faveur des C5C6 [1, 3]. Nous n’avons pas pu
montrer cette différence dans notre étude.
Notre attitude était standardisée : la greffe de C5 et/ou de C6 ont été privilégiée
tant que celles ci n’étaient pas avulsées. Le site d’implantation dépendait de l’étendue
des lésions tantôt directement sur les troncs, primaire supérieur, secondaires antéro
externe et postérieur, tantôt directement sur le nerf musculocutané. A défaut de
pouvoir utiliser une greffe, nous avons utilisé une neurotisation du nerf
suprascapulaire par le nerf spinal accessoire pour stabiliser l’épaule et la neurotisation
d’une branche motrice du biceps par un fascicule du nerf ulnaire et une fois par un
fascicule du nerf médian pour restaurer la flexion du coude.
Concernant les greffes, nous avons suivi l’attitude préconisée par Narakas [16],
Milesi [23] et Sedel [29]. Pour ces derniers, les greffes à partir des racines C5 et C6
donnent de meilleurs résultats que les neurotisations à partir de nerfs extraplexuels.
Ceci se conçoit si l’on considère que le diamètre des racines spinales permet l’apport
d’un plus grand nombre de fibres nerveuses comparativement au petit diamètre des
nerfs extraplexuels. Allieu [1] préconise même de porter le site d’implantation des
greffes plus distalement directement sur le nerf musculocutané afin de diminuer la
perte axonale. A l’opposé, Nagano [24] et Chuang [11] observent des résultats
équivalents entre les greffes et le transfert de nerfs intercostaux. En fait, les résultats
semblent diminuer en cas de transfert nerveux avec greffe interposée [1]. Par ailleurs
plus la longueur de la greffe nerveuse est importante, moins bons sont les résultats
16
[2]. Terzis [33] note une différence statistique au delà de 6 cm, pour Samii [28] au
delà de 12 cm. A l’inverse Kandewein [17] ne montre pas d’influence de la longueur
des greffes. Dans notre étude, aucune distinction n’a été faite entre les résultats des
greffes longues ou courtes ni en fonction du site d’implantation proximal ou distal
directement sur le nerf musculocutané.
En ce qui concerne les neurotisations, l’avulsion des racines C5C6 voire C7 permet
de nombreuses combinaisons afin de restaurer la flexion du coude et la stabilisation
de l’épaule. L’intérêt des neurotisations réside dans l’apport ciblé de fibres nerveuses
motrices au plus proche de l’effecteur, ce qui permet une réinnervation précoce et de
bonne qualité [26]. Cependant le choix d’un nerf donneur doit répondre à plusieurs
impératifs : il doit être de calibre suffisant, adapté au nerf receveur, être suturable
directement sans greffe interposée et si possible synergique du muscle à réanimer.
Pour ces raisons, nous préférons utiliser en 1er intention des transferts de nerfs
d’origine plexuelle hormis le nerf spinal accessoire (nerf ulnaire, nerf médian, nerf
radial) qui semblent donner de meilleurs résultats que les neurotisations d’origine
extraplexuelle (nerf du plexus cervical, nerf phrénique, nerf intercostaux) [11, 15].
Au regard de la littérature le nerf spinal accessoire est le nerf donneur de choix
pour la réanimation de l’épaule [1, 3, 7, 11, 22, 33]. Son calibre s’adapte au calibre du
nerf supra scapulaire bien qu’il persiste une disproportion du nombre de fibres ( 1700
pour le XI contre 3800 pour le suprascapulaire [8]). Cependant comme le souligne
Malessy [22] la restauration de la rotation externe reste modeste, possiblement due à
la privation de la repousse axonale dans le muscle sous épineux qui est captée par le
sus épineux. Par ailleurs l’orientation et la stabilisation du bras dans l’espace fait
entrer en jeu plusieurs muscles d’innervation différente. Rien que l’abduction
nécessite la coordination du deltoïde et du sus épineux, quant à la rotation externe elle
implique la participation du deltoïde postérieur, du sous épineux et du petit rond.
C’est pourquoi de nombreux auteurs proposent d’associer à la réinnervation du
suprascapulaire une neurotisation du nerf axillaire selon différentes méthodes : par la
branche de la longue portion du triceps pour Bertelli [5] et Leechavengvongs [21], par
un fascicule de nerf radial pour Kawai [18] et Gousheh [14], par le nerf phrénique
pour Chuang [11], ou par le nerf hypoglosse pour Malessy [22]. Tous ces auteurs
obtiennent un gain significatif sur l’abduction et la rotation externe du bras.
(cf tableau 4).
17
La restauration de la flexion du coude se prête bien aux techniques de transfert
nerveux avec souvent de meilleurs résultats qu’à l’épaule, car il s’agit de réanimer un
muscle le biceps et une fonction. On a initialement utilisé le plexus cervical profond
(Brunelli[9]), puis les nerfs intercostaux (Kotani [20],Sedel [29],Allieu [1]) ou le nerf
spinal accessoire (Songcharoen [30]) avec de bons résultats. Mais depuis sa première
description par Oberlin [27] en 1994, la neurotisation d’une branche motrice du
biceps par un fascicule de nerf ulnaire correspondant à 10% de son diamètre est
devenue le transfert de référence dans les paralysies C5C6 et C5C6C7. Depuis, de
nombreux auteurs comme Sungpet [31], Leechavengvongs [21], Bertelli [5] ont
montré l’efficacité de ce transfert sans aucune séquelle sur le nerf ulnaire. Nath [25] a
également pu montrer de bons résultats en utilisant des fascicules de nerf médian sans
séquelle iatrogène. Plus récemment Goubier [13] a proposé d’utiliser un fascicule de
nerf ulnaire sur le biceps et un fascicule de nerf médian sur la branche motrice du
muscle brachial pour augmenter la force de flexion du coude. Il obtient ainsi une
réinnervation du biceps en 4 à 9 mois chez 100% des patients, tous côté à M4 avec 6
Kg de charge en moyenne.
Maintenant, si l’on analyse nos résultats dans cette série, ils restent modestes au
regard de la littérature (cf tableau 3 et 4).
Sur la flexion du coude nous n’avons obtenu que 45% de bons résultats dont un
seul très bon résultat avec 120° de flexion et une force côtée à M5. Il a été réalisé 3
fois une chirurgie secondaire pour améliorer le résultat dont une intervention de
Steindler. Comme pour Oberlin [26], cette intervention est privilégiée en cas de
réinnervation insuffisante côtée à M1-M2. Elle a été réalisée, à distance, à 16 mois de
la première intervention. Le transfert des muscles épitrochléens est positionné 4 cm au
dessus de son insertion.
Une seule greffe et 3 neurotisations ont donné de bons résultats. Ni l’âge des
patients, ni le délai opératoire, ni les lésions associées ne peuvent expliquer ce résultat
faible.
Il est difficile de comparer les résultats des séries tant les méthodes d’évaluation,
l’importance des lésions et les techniques de réinnervation sont diverses. Quelques
études ont montré toutefois de très bons résultats. Ainsi Samii [28] a montré une
réinnervation du biceps côtée à M3 et plus dans 61% des cas de greffe de C5 sur le
nerf musculocutané. Sungpet [31] lui obtient, après neurotisation du biceps par un
fascicule de nerf ulnaire 100% de flexion active côtée au moins M3 chez les C5C6 et
18
81% chez les C5C6C7 dans un délai moyen de 5 mois. Pour Leechavengvongs [21]
qui associe parfois 2 fascicules de nerf ulnaire pour augmenter la force, c’est aussi
100% de flexion active côtée au moins M3. Bertelli [5] aussi obtient 100% de flexion
active dont 7 côtées M4. Enfin Teboul [32] obtient 75% de bons résultats côtés M3
dans un délai moyen de 9 mois. Onze patients ont subi secondairement une
intervention de Steindler pour résultat insuffisant, dont 6 ont obtenu un gain côté M4.
Cet auteur propose d’ailleurs d’utiliser la neurotisation du biceps par le nerf ulnaire en
1ère intention en l’absence même d’avulsion radiculaire afin de bénéficier des racines
laissées libres pour une autre réparation.
Tableau N°3 : Résultats sur la flexion du coude
Auteur Année Nb cas âge
Délai mois Intervention
% B et TB résultat
Sedel [29] 1982 10 30 6 Greffe 90% Samii [28] 1997 65 25 8 greffe 61% Sungpet [31] 2000 36 25 5 Neurot uln/MC 94% Bertelli [5] 2004 10 28 6 Neurot uln/MC 100% Teboul [32] 2004 32 28 9 Neurot uln/MC 75% Kandenwein [17] 2005 65 27 Greffe 67% Leechavengvongs [21] 2006 15 27 6 Neurot uln/MC 100% Nath [25] 2006 40 24 10 Neurot Med/MC 90%
Quant à la stabilisation de l’épaule, nous n’avons obtenu que 27 % de bons
résultats concernant l’abduction du bras. Seuls les cas de neurotisation du nerf spinal
accessoire sur le nerf supra scapulaire ont permis un bon résultat. Aucune rotation
externe active n’a été constatée au dernier recul. Un patient, qui part ailleurs a
récupéré une bonne flexion du coude côtée M5, a subi secondairement une dérotation
de l’humérus. Là encore quelques études utilisant des neurotisations ont montré
d’excellents résultats. La neurotisation du suprascapulaire par le nerf spinal accessoire
donne pour Terzis [33] 72% d’abduction en moyenne à 57°côtée M3 , et pour Teboul
[32] 68% de rotation externe active en moyenne de 41° côtée M3. Plusieurs auteurs
privilégient désormais l’association de neurotisation du nerf suprascapulaire et du nerf
axillaire. En utilisant la branche nerveuse de la longue portion du triceps sur le nerf
axillaire Leechavengvongs [21] obtient ainsi 86% d’abduction en moyenne de 115°
côtée M4 et plus et 86% de rotation externe de 97° côté M3 et plus. Bertelli [7] selon
19
la même technique obtient lui aussi 92% d’abduction de 105° côtée M4 et plus et 78%
de rotation externe de 98° côté M4 et plus.
Tableau N°4 : Résultat sur la stabilisation de l’épaule
Auteur Année Nb cas âge
Délai mois Intervention Abduction force RE1 force
Chuang [11] 1995 25 26 4 Neurot XI/SS 45°
Kawai [18] 2004 6 20 1,5
Neurot XI/SS +/-radial/Ax 90°
Teboul [32] 2004 19 28 9 Neurot XI/SS 41°
68% > M3
Leechavengvongs [21] 2006 15 27 6
Neurot XI/SS +/-LHTB/Ax 115°
86%>M4 97°
86%>M3
Terzis [33] 2006 65 25 12 Neurot XI/SS 57°
72%>M3
Bertelli [7] 2007 14 24 5
Neurot XI/SS +/-LHTB/Ax 105°
92%>M4 98 °
78% > M4
Neurot : neurotisation XI : nerf spinal accessoire SS : nerf suprascapulaire Ax : nerf axillaire
LHTB : branche motrice de la longue portion du triceps
Enfin l’évaluation de la qualité de vie des patients de notre série a montré un
handicap fonctionnel important même parmi ceux qui ont eu un bon résultat. Ce
ressenti est aggravé par la persistance des douleurs chez 10 patients sur 11 (90%) bien
que celles ci ont la réputation d’être diminuées voire de disparaître après la chirurgie
[2, 4, 26].
CONCLUSION
Cette étude nous montre la difficulté de prise en charge des paralysies du plexus
brachial même sur des paralysies hautes C5C6 et C5C6C7 réputées être plutôt de bon
pronostic. Il subsiste souvent un handicap fonctionnel et des douleurs séquellaires
malgré un bon résultat chirugical.
La restauration de la flexion du coude semble donner de meilleurs résultats que la
stabilisation de l’épaule qui nécessite la réinnervation de plusieurs muscles [17, 33].
Notre étude ne nous permet pas de répondre quant à la supériorité des techniques
de neurotisation par rapport aux greffes conventionnelles à partir des racines spinales
20
rompues, mais au vu de la littérature, il parait exister un bénéfice en faveur des
neurotisations intraplexuelles sans greffe interposée. Celles-ci ont pour avantage
d’amener au plus prés de l’effecteur des fibres motrices de même calibre sans greffe
interposée, il y a donc moins de perte axonale et une réinnervation plus précoce.
Concernant la flexion du coude, il se dégage un intérêt certain pour les techniques
de neurotisation des branches motrices du biceps et/ou du muscle brachial par des
fascicules de nerf ulnaire ou de nerf médian, qui n’ont pas montrer plus de lésions
iatrogènes [25, 27, 31, 32].
Pour ce qui est de la stabilisation de l’épaule, là encore l’attitude moderne tend à
réinnerver à la fois le suprascapulaire et le nerf axilllaire respectivement par le nerf
spinal externe et la branche de la longue portion du triceps [7, 21] ou un fascicule de
nerf radial [18]. En l’absence de triceps actif (paralysie C5C6C7) on fera appel aux
nerfs intercostaux pour neurotiser le nerf axillaire (Teboul [32]).
En attendant le progrès des techniques de réparation directe des racines à la moelle
épinière initiées par Carlsted [10], l’amélioration fonctionnelle des patients passe par
l’utilisation de combinaisons complexes associant greffes et transferts nerveux dont
les résultats actuels sont prometteurs.
21
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