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Université Bordeaux 2 – Victor Segalen U.F.R. D’ODONTOLOGIE Année : 2006 N° : 11 Thèse pour l’obtention du DIPLOME d’ÉTAT de DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE Présentée et soutenue publiquement Le jeudi 30 mars 2006 Par OMARJEE Reyhana Née le 15 avril 1981 à Saint-Pierre (La Réunion) LE BRUXISME DU SOMMEIL Mieux le comprendre pour mieux le prendre en charge Directeur de thèse Docteur DELBOS Yves Jury Professeur G. DORIGNAC Professeur des Universités Président Professeur V. DUPUIS Professeur des Universités Assesseur Docteur Y. DELBOS Maître de Conférences Directeur Docteur D. CUGY Médecin Co-directeur Docteur E. d’INCAU Assistant Rapporteur

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Université Bordeaux 2 – Victor Segalen

U.F.R. D’ODONTOLOGIE Année : 2006 N° : 11

Thèse pour l’obtention du

DIPLOME d’ÉTAT de DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE

Présentée et soutenue publiquement

Le jeudi 30 mars 2006

Par OMARJEE Reyhana

Née le 15 avril 1981 à Saint-Pierre (La Réunion)

LE BRUXISME DU SOMMEIL Mieux le comprendre pour mieux le prendre en charge

Directeur de thèse

Docteur DELBOS Yves

Jury

Professeur G. DORIGNAC Professeur des Universités Président

Professeur V. DUPUIS Professeur des Universités Assesseur

Docteur Y. DELBOS Maître de Conférences Directeur

Docteur D. CUGY Médecin Co-directeur

Docteur E. d’INCAU Assistant Rapporteur

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Je dédie ce travail,

A mes très chers parents, Azra et Moussa… Je vous remercie de votre amour et de votre soutien inconditionnels durant toutes mes études. Ces années de séparation n’ont pas toujours été faciles, mais la première de mes motivations a été de vous rendre toujours plus fiers de moi. J’espère que ce but aura été atteint lorsque je soutiendrai cette thèse et que je serai, enfin, « Docteur »… Merci pour les principes et les valeurs que vous m’avez transmis. Avec tout mon amour…

Votre petite fille.

A Belall… Tu as toujours été là pour moi, dans les bons moments comme dans les plus durs. Ma vie à Bordeaux n’aurait pas été la même sans toi. Ta présence, durant ces derniers mois, a été précieuse et d’un grand secours dans la réalisation de cette thèse. Je ne saurais quel mot utiliser pour te dire toute ma reconnaissance, si ce n’est… Merci et… Je t’aime.

Ton « p’ti zikri ».

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Nos remerciements les plus sincères A nos Juges…

Monsieur le Professeur Georges Dorignac

- Professeur des Universités - Praticien Hospitalier - Docteur en Chirurgie Dentaire - Docteur d’état en Odontologie - Docteur en Sciences Odontologiques - Habilité à diriger des recherches - Chef du département d’Odontologie et de Santé Buccale des Hôpitaux de

Bordeaux

Nous vous sommes reconnaissants d’avoir accepté de juger notre travail.

C’est un réel honneur de vous avoir comme Président de jury.

Merci également pour votre soutien dans la réalisation de notre projet de

stage au Cameroun en 2004.

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Madame le Professeur Véronique Dupuis

- Professeur des Universités - Praticien Hospitalier - Docteur en Chirurgie Dentaire - Docteur en Sciences Odontologiques - Diplôme d’études et de recherche en Sciences Odontologiques - C.E.S. de Matériaux - C.E.S. de Prothèse, option Prothèse Adjointe Complète - C.E.S. d’Odontologie Légale - Directeur adjoint à la pédagogie de l’U.F.R. d’Odontologie - Responsable de l’U.M.G.H. Sud Xavier Arnozan

Un grand merci pour avoir accepté de faire partie du jury de cette thèse.

Nous vous remercions également de votre soutien et de la confiance dont vous nous avez témoignée

en nous intégrant à votre équipe de travaux pratiques.

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Monsieur le Docteur Yves Delbos

- Maître de Conférences des Universités - Praticien Hospitalier - Docteur en Chirurgie Dentaire - Doctorat de l’Université Bordeaux 2, mention Sciences Biologiques et

Médicales, option Sciences Odontologiques - C.E.S. de Technologie des Matériaux - C.E.S. d’Odontologie Légale - C.E.S. d’Odontologie Chirurgicale - C.E.S. d’Odontologie Pédiatrique - D.U. de Maîtrise de Biologie Humaine - Certificat International d’Ecologie Humaine (Bordeaux 1)

Nous vous remercions d’avoir accepté de diriger ce travail et de le juger aujourd’hui.

Nous tenons à vous témoigner notre profonde reconnaissance pour votre patience, votre disponibilité constante et

votre soutien durant la réalisation de cette thèse. Merci de nous avoir fait profiter de vos

connaissances et de votre culture illimitées.

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Monsieur le Docteur Didier Cugy

- Docteur en Sciences Médicales - Praticien Attaché Consultant au C.H.U. de Bordeaux - Expert auprès de la cour d'appel de Bordeaux - D.E.A. Neurosciences et Neuropharmacologie - D.I.U. Veille Sommeil

C’est un réel honneur pour nous de vous compter parmi notre jury.

Nous vous remercions de nous avoir aiguillée dans un domaine qui nous était jusqu’alors inconnu.

Vos remarques avisées et votre disponibilité nous ont réellement touchée.

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Monsieur le Docteur Emmanuel d’Incau

- Assistant Hospitalo-Universitaire - Docteur en Chirurgie Dentaire - C.E.S. de prothèse dentaire, option Prothèse Adjointe Partielle - C.E.S. de prothèse dentaire, option Prothèse Scellée - C.E.S. de prothèse dentaire, option Prothèse Adjointe Complète - Maîtrise de Sciences Biologiques et Médicales - D.E.A. d’Anthropologie Biologique

Nous vous remercions d’avoir accepté de juger ce travail. Vos conseils avertis

nous ont été d’une aide précieuse. Merci également pour

les photographies de qualité que vous avez bien voulu nous fournir

pour illustrer nos propos.

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Enfin…

Je tiens à remercier chaque membre de ma petite famille : o Maman et Papa, vous êtes les piliers de cette famille et je vous remercie de

nous aimer tous autant que nous sommes. o Sabir et Nasserine. o « Aapa » Sakina et Bilal, merci pour votre présence permanente et vos

conseils si précieux. o Latifa et Yaya, merci pour les moments partagés durant les vacances et

pour ceux qui restent encore à venir. o Souleym, Souweyd et Tamim, mes petits neveux chéris, vous faites mon

bonheur à chaque fois que je vous entends ou que je vous vois. Merci pour vos rires et pour votre amour.

Une pensée affectueuse à mes grands-mères, Daadi et Mémé, et à ma grande

famille. Je ne peux tous vous citer mais je pense à chacun de vous.

Je remercie également mes beaux-parents pour leur intérêt ainsi que mon petit frère, Youssouff, pour ses longues conversations philosophiques et ses réflexions pertinentes sur la vie.

Vanessa, Aline et Mélinda, je ne saurais assez vous remercier pour toutes ces années que nous avons partagées et pour tout ce que vous m’avez apporté. Je vous considère comme des sœurs et j’espère vous retrouver, toutes les trois, un jour, à la Réunion…

Ma chère Patou, je te remercie pour tout ce qu’on a partagé (à Bordeaux, au Cameroun, à Paris…) et pour ta présence dans les moments difficiles. Tu m’as énormément manqué durant ces derniers mois. Saches que ton amitié m’est précieuse et j’espère, du fond du cœur, qu’elle résistera à l’épreuve du temps et de la distance.

Oya, merci pour ton amitié, ta bonne humeur, tes fous rires et ta cuisine. Tu vas vraiment me manquer… Je t’attends à la Réunion, dès que possible.

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Un grand merci à tous ceux avec qui j’ai partagé ces années d’études et dont la compagnie m’a fait découvrir des horizons divers et variés. Patou et Mika, Oya, Dani, Mathieu, Delphine et Léo, Griselda et Octave, Chantal et Cyrille, Valérie et Roméo, merci pour ces soirées de fous rires et ces repas exotiques. Tout cela me manque déjà… Une tendre pensée à Yoan et Noah Nelson, dont la présence apporte encore plus de joie dans ce petit groupe.

Dani, merci pour les semaines partagées au Cameroun ainsi que pour le poisson braisé. Ce sont des souvenirs inoubliables…

Ma chère Radeeya, merci pour ton amitié et tes encouragements durant ces dernières vacances… j’en avais vraiment besoin.

Je ne saurais conclure sans citer le « Team Opel » de Bordeaux. Avec vous, je retrouve l’ambiance réunionnaise qui me permet d’adoucir le froid de l’hiver et de diminuer la distance qui me sépare de mon île natale. Une pensée particulière pour Sarah, Hassen (merci pour ta carte de bibliothèque), Loukman, Yassine et Florence dont la présence est un vrai cadeau.

Enfin, je remercie tous ceux qui m’ont accompagné, ne serait-ce qu’un jour, dans mon parcours d’étudiante. Grâce à vous, toutes ces années se sont agréablement écoulées et m’ont rendu fin prête pour prendre mon envol vers la vie professionnelle.

Reyhana.

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SOMMAIRE

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SOMMAIRE INTRODUCTION ..................................................................................................... 14

CHAPITRE 1 : BRUXISME : LES DONNEES ACTUELLES...................................... 17 1. DEFINITION 2. EVOLUTION DE LA TERMINOLOGIE 3. FORMES CLINIQUES 4. EPIDEMIOLOGIE 5. ETIOLOGIES 6. MECANISMES NEUROPHYSIOLOGIQUES SUPPOSES

CHAPITRE 2 : BRUXISME ET SOMMEIL ............................................................. 52 1. LE SOMMEIL PHYSIOLOGIQUE CHEZ L’HOMME 2. MANIFESTATION DU BRUXISME AU COURS DU SOMMEIL 3. DISCUSSION SUR LE ROLE DES AMINES BIOGENES DANS L’ETIOLOGIE DU

BRUXISME DU SOMMEIL

CHAPITRE 3 : LA PRISE EN CHARGE DU BRUXISME DU SOMMEIL .................... 80 1. RECONNAITRE LA PARAFONCTION 2. STRATEGIE THERAPEUTIQUE CONCLUSION ...................................................................................................... 117

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 120 ANNEXES............................................................................................................ 130 Annexe 1 : Fiches du CNO

Annexe 2 : Le NTI-tss

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INTRODUCTION

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INTRODUCTION

Le bruxisme n’est pas un phénomène récent et les « grincements de dents » ont été

décrits dans la Bible, associés à la colère et à la punition de Dieu :

« Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs

et des grincements de dents. » (Matthieu, 8-12) « Et ils les jetteront dans la fournaise ardente,

où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » (Matthieu, 13-42)

Au début du XX° siècle, les premières observations cliniques liées à cette parafonction

ont été rapportées. Pourtant, après plus d’un siècle de réflexion, l’étiologie du bruxisme reste

vague et de nombreuses théories ont été avancées, et parfois réfutées…

Dans son ouvrage « Les dysfonctions cranio-mandibulaires (SADAM) : nouvelles

implications médicales », HARTMANN [24] nous rapporte une bien curieuse histoire qui fait

remonter l’origine du bruxisme au temps des fées et des sorcières!

Le Bruxisme… La Sorcière et la Fée (Fable)

Voulez-vous du bruxisme connaître l’origine ?

Il y a fort longtemps, vivait une sorcière vieille de cent trente ans. Outre mauvais caractère et bien vilains penchants,

Elle avait par devant la lèvre deux canines crochues, effilées et pointues. Un clair matin de mai, passe une demoiselle,

Qui fredonne en marchant une gaie ritournelle. Mal lunée et envieuse, notre harpie ombrageuse

Se met à crier, tempêter, insulter, et bientôt cogner. Sur l’innocente jouvencelle, elle s’acharne sans pitié.

Elle griffe et harcèle, elle frappe des pieds, Jusqu’au moment funeste où la vieille diablesse

Avec ses longues dents, emporte un bout de fesse. Or, la vierge était fée. D’un coup de sa baguette

Elle jeta un sort sur les dents acérées qui se mirent à grincer, Frottant l’une contre l’autre, s’érodant moultement.

Bientôt, il ne resta que dolentes gencives à cette carabosse agressive. Moralité

Si la bonne nature vous a fait de belles dents, Et si de surcroît elles sont bien pointues,

Aux belles demoiselles, ne mordez point le… flanc.

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L’exercice de notre profession nous a fait prendre conscience que cette parafonction orale

est assez répandue dans la population générale, et qu’elle constitue à la fois un défi et un

obstacle à nos thérapeutiques. On s’aperçoit que le fait de restaurer les dents usées chez un

patient bruxiste ne suffit pas, et que souvent, nos reconstitutions prothétiques se retrouvent

compromises par les forces excessives exercées lors des épisodes de bruxisme.

Le bruxisme peut se manifester de jour comme de nuit. Si l’on arrive à faire prendre

conscience au patient de sa parafonction, il y a des chances qu’il parvienne à réduire son

bruxisme diurne. Cependant, au cours du sommeil, le contrôle volontaire ne peut s’exercer et

c’est à ce moment que les forces appliquées sur le système stomathognatique vont être les

plus néfastes et provoquer les lésions les plus dommageables. Le port d’une gouttière de

protection peut aider à prévenir l’usure pathologique des dents, mais on constate que ces

gouttières s’usent à leur tour et qu’elles n’empêchent pas le patient de bruxer. C’est pourquoi,

une meilleure compréhension du bruxisme survenant au cours du sommeil s’avère nécessaire

pour pouvoir mettre en place des solutions capables de réduire cette parafonction.

Notre réflexion aura pour but de sensibiliser la profession à une approche moins

mécanique et plus médicalisée du patient bruxiste, et de prendre conscience que, parfois, le

fait de restaurer et de protéger les dents et les prothèses réalisées par le port d’une gouttière ne

suffit pas.

Ainsi, notre travail consistera, dans un premier temps, à faire un bilan des connaissances

accumulées et des théories avancées au cours du siècle passé, notamment en ce qui concerne

une éventuelle étiologie d’origine centrale de cette parafonction. Ensuite, nous tenterons de

mieux comprendre dans quelles conditions se manifeste le bruxisme du sommeil, et dans

quelle mesure une prise en charge pluridisciplinaire, faisant intervenir les différentes

disciplines concernées, pourrait nous aider à maîtriser cette parafonction, afin d’assurer le

succès et la pérennité de nos traitements.

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CHAPITRE 1

BRUXISME : LES DONNEES ACTUELLES

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CHAPITRE 1 : .............................................BRUXISME : LES DONNEES ACTUELLES

1. DEFINITION................................................................................................... 19

2. EVOLUTION DE LA TERMINOLOGIE................................................................ 21

3. FORMES CLINIQUES ...................................................................................... 21 3.1. Bruxisme centré et excentré ..................................................................................... 21 3.2. Bruxisme diurne et nocturne .................................................................................... 22 3.3. Bruxisme léger, modéré et sévère ............................................................................ 23 3.4. Bruxisme primaire et secondaire.............................................................................. 26 3.5. Bruxisme de l’enfant ................................................................................................ 28

4. EPIDEMIOLOGIE ............................................................................................ 28

4.1. Le bruxisme dans la population générale................................................................. 29 4.2. Le bruxisme selon le sexe ........................................................................................ 30 4.3. Le bruxisme selon l’âge ........................................................................................... 30 4.4. Le bruxisme du sommeil .......................................................................................... 31

5. ETIOLOGIES .................................................................................................. 32

5.1. Théorie occlusale...................................................................................................... 32 5.2. Théorie psychologique ............................................................................................. 33

5.2.1. Bruxisme, stress et anxiété ................................................................................... 33 5.2.2. Bruxisme et personnalité...................................................................................... 35

5.3. Théorie « Thégosis » ................................................................................................ 35 5.4. Autres étiologies....................................................................................................... 36

5.4.1. Facteurs systémiques............................................................................................ 36 5.4.2. Sensibilisation allergique ..................................................................................... 38 5.4.3. Prédispositions héréditaires.................................................................................. 39

5.5. Bruxisme et posture.................................................................................................. 28

6. MECANISMES NEUROPHYSIOLOGIQUES SUPPOSES........................................ 41

6.1. Régulation de l’appareil manducateur...................................................................... 41 6.1.1. Les récepteurs proprioceptifs et les mécanismes de protection de l’appareil manducateur (contrôle segmentaire) ................................................................................ 41 6.1.2. Contrôle supra-segmentaire de la mastication (rôle su système nerveux central)42

6.2. Mécanismes d’apparition du bruxisme .................................................................... 45 6.2.1. Au niveau périphérique ........................................................................................ 45 6.2.2. Au niveau central ................................................................................................. 45

6.2.2.a. Rôle du système limbique ............................................................................ 45 6.2.2.b. Implication des systèmes aminergiques ....................................................... 47 6.2.2.c. Système neuro-masticateur et bruxisme....................................................... 50

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CHAPITRE 1

BRUXISME : LES DONNEES ACTUELLES

1. DEFINITION

La première difficulté est de définir le bruxisme. L’aspect multidimensionnel du problème

est un des points qui a donné lieu à de nombreuses controverses. HATHAWAY, LAVIGNE et

MONTPLAISIR (1995), cités par BOURASSA [6], se sont attachés à donner une définition

opérationnelle du bruxisme tel qu’« un ensemble de contractions soutenues et rythmiques de

la mâchoire impliquant un contact entre les dents».

Le bruxisme n’est pas une pathologie découverte récemment et de nombreux auteurs ont

cherché à le définir depuis le début du siècle.

- En 1907, MARIE et PIETKIEWIECZ [53] décrivent « une manie de grincement de dents »

chez des malades atteints de lésion du système nerveux central et parlent de

« bruxomanie ». Selon eux, celle-ci entraîne des atteintes caractéristiques du système

dentaire : les dents sont usées comme à la meule, c’est-à-dire plates sans aucune

saillie.

- En 1931, FROHMAN [19] introduit le terme de bruxisme pour désigner l’action

dysfonctionnelle ou parafonctionnelle de serrer les dents de façon plus ou moins

continue dans des positions d’intercuspidie maximale ou d’excursion de la mandibule.

- En 1970, nous pouvons lire dans le Dictionnaire Français de Médecine et de Biologie [52] : « le bruxisme est une friction intense et prolongée entre les dents antagonistes

provoquant leur usure ou leur ébranlement. Ce phénomène pathologique et

inconscient peut se produire, soit pendant le sommeil, soit à l’état d’éveil… ».

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Les définitions actuelles proviennent essentiellement de deux champs d’expérimentation :

d’un côté, nous comptons les définitions proprement dentaires ou occlusales et, de l’autre, les

définitions liées aux études sur le sommeil.

Selon CHAPOTAT et al. (1999), le bruxisme peut se définir, d’un point de vue

phénoménologique, comme des mouvements masticatoires et des grincements (et/ou

serrements) des dents répétitifs, involontaires et inconscients, sans but fonctionnel, et associés

à l’usure anormale des dents et à l’inconfort des muscles de la mâchoire [10]. Le bruxisme se

définit ainsi comme une parafonction orofaciale pouvant intervenir de jour comme de nuit.

LALUQUE et BROCARD (2005) se réfèrent à la définition du Collège National

d’Occlusodontie selon laquelle le bruxisme « est un comportement qui se caractérise par une

activité motrice involontaire des muscles manducateurs continue (serrement) ou rythmique

(grincement), avec contacts occlusaux» [14, 38].

Cependant, KATO et al. (2001) précisent que le bruxisme du sommeil doit être distingué

de celui qui survient à l’état d’éveil car les conditions d’apparition sont différentes.

L’Académie Américaine des Troubles du Sommeil (ASDA) définit le bruxisme nocturne

comme une parafonction orofaciale, se traduisant par des mouvements stéréotypés et

périodiques survenant durant le sommeil. Le bruxisme est alors considéré comme une

parasomnie [31]. Etymologiquement, le terme "parasomnie" signifie à côté du sommeil. ONEN

définit la parasomnie comme une manifestation paroxystique, de nature comportementale

et/ou végétative observée pendant le sommeil, voire lors d’un stade particulier de celui-ci [63].

Ainsi, comme nous le constatons à travers ces différentes définitions, le bruxisme reste un

concept complexe dont l’appellation a évolué au cours du XX° siècle (du terme

« bruxomanie » à celui de « bruxisme »), faisant appel à différentes disciplines et présentant

plusieurs formes cliniques.

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2. EVOLUTION DE LA TERMINOLOGIE

Les termes « bruxisme » et « bruxomanie » sont utilisés depuis plusieurs années pour

désigner les phénomènes de grincement et de serrement des mâchoires. Il convient donc de

faire un point sur ces différentes appellations d’un même phénomène.

ROZENCWEIG nous fait un bref rappel historique de l’évolution de cette terminologie [73] :

- Comme nous l’avons énoncé auparavant, le terme « bruxomanie » a été introduit en

1907 par MARIE et PIETKIEWICZ, dans la Revue de Stomatologie.

- En 1928, TISCHLER parle d’ « habitudes occlusales névrotiques ».

- C’est à FROHMAN que nous devons le terme « bruxisme », apparu en 1931.

- En 1936, MULLER va distinguer la bruxomanie du bruxisme, en associant le premier

terme au phénomène diurne, et le second au phénomène nocturne.

Actuellement, le terme « bruxisme » est le plus usité, les termes « bruxomanie » et

« bruxomane » étant réservés aux sujets se trouvant dans un état maniaque (« mania »

signifiant folie en grec), ainsi que l’a recommandé l’Association Dentaire Américaine

(Nadler, 1957) [60].

Dans notre exposé, nous utiliserons uniquement le terme « bruxisme » et nous

parlerons de « bruxistes » pour désigner les sujets présentant ce symptôme.

3. FORMES CLINIQUES

Aujourd’hui, plusieurs grands types de bruxisme sont communément reconnus et

répondent à une terminologie spécifique.

3.1. Bruxisme centré et excentré

HARTMANN (1993) décrit deux formes fonctionnelles distinctes du bruxisme [24] :

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- Le bruxisme centré

Les termes connus pour bruxisme centré sont « crispation » ou « serrement de dents », soit

« clenching » en anglais. Il résulte de contractions isotoniques prolongées et intenses des

muscles de la mâchoire, sans déplacement des pièces osseuses. Les forces musculaires

s’exercent selon un axe proche du grand axe de l’organe dentaire mais leur durée et leur

intensité sont excessives, donc nocives. Le bruxisme centré serait plus fréquent le jour que la

nuit.

- Le bruxisme excentré

Le bruxisme excentré est aussi nommé « grincement de dents » ou « grinding » en

anglais. Il est connu depuis très longtemps, comme en témoigne la Bible qui décrit ces

étranges manifestations nocturnes.

Il résulte de mouvements mandibulaires rythmiques réalisant des excursions dans les

positions excentriques et développant des forces transversales par rapport à l’axe de l’organe

dentaire. Le bruxisme excentré serait plutôt nocturne.

Cette classification ne constitue qu’un simple repère car en réalité, ces deux mécanismes

sont rarement purs, et souvent, le patient est atteint d’une forme mixte combinant les deux

composantes.

3.2. Bruxisme diurne et nocturne

Pour REDING et al. (1968), il existe deux types de bruxisme qui se produisent à différents

états de conscience [70] :

- Le bruxisme diurne

Il est caractérisé par des grincements et des crispations pendant les heures de réveil (état

de conscience). Le plus souvent, il est « silencieux », « il implique une réponse musculaire

spécifique du stress », et il ne présente « pas de signes associés à une excitation autonome

généralisée ». Il n’existe donc pas d’activité sympathique en corrélation avec le bruxisme

diurne.

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- Le bruxisme nocturne

Il se produit à l’état « inconscient » et présente « parallèlement des variations de la

fréquence cardiaque, une vasoconstriction digitale et un changement de l’activité électro-

encéphalographique » (cf. chapitre 2).

Il est donc classique de distinguer le bruxisme diurne et nocturne, mais le terme bruxisme

du sommeil est à préférer à celui de nocturne pour expliquer que les gens puissent dormir et

grincer des dents, soit le jour, soit la nuit, comme le soulignent CHAPOTAT et al. [10].

On distinguera donc le bruxisme du sommeil du bruxisme de l’éveil.

3.3. Bruxisme léger, modéré et sévère

KRIEF [33] rapporte les propos tenus par ROZENCWEIG lors de la conférence sur le bruxisme

organisée par la Société Alpha Oméga en 2002. Pour ROZENCWEIG, dans le bruxisme,

« l’important, c’est la dose ». ROZENCWEIG distingue 4 stades de bruxisme en se basant sur

l’examen clinique du patient [73] :

Stade I : usure de l’émail, avec moins de trois couples de dents concernés.

Stade II : usure de l’émail et de la dentine en îlots, avec moins de six couples de dents

concernés.

Stade III : la dentine est véritablement apparente (sans îlots), avec plus de six couples

de dents concernés.

Stade IV : l’usure dépasse le milieu des couronnes.

Dans les stades I et II, on parle de bruxisme alors que dans les stades III et IV, on parle de

brycose, forme excessive du bruxisme qui est une véritable « rumination obsessive » : le

patient « mange ses dents ». D’un point de vue étymologique, « bryco- » signifie frottement

de dents et le suffixe « -ose » induit une notion de chronicité, d’excès [74].

Les photographies endobuccales suivantes illustrent parfaitement les différents stades de

ROZENCWEIG. Elles ont été réalisées par E. d’INCAU, Assistant Hospitalo-Universitaire à la

faculté d’Odontologie de Bordeaux :

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a b

c

c1 c2

Figure 1 : Illustrations des stades 1, 2, 3 et 4 de l’usure dentaire parafonctionnelle rencontrée

dans des cas de bruxisme (E. d’INCAU) : a) Usure des bords libres : les incisives centrales sont au niveau des incisives latérales et les canines sont

épointées.

b) Apparition d’îlots de dentine (stade 2) sur la 46, alors que les molaires distales présentent une dentine

atteinte sur presque toute sa surface (stade 3).

c) Exemple d’un cas de brycose avec une usure quasi-totale des couronnes dentaires au maxillaire (c1) et

une usure atteignant la moitié des couronnes des dents mandibulaires (c2).

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MOLINA et al. ont élaboré une liste de 15 critères à observer lors de l’examen clinique et

permettant d’obtenir un score déterminant la sévérité du bruxisme [58] :

un score de 3 à 5 correspond à un bruxisme léger,

un score de 6 à 10 correspond à un bruxisme modéré,

et un score supérieur à 10 correspond à un bruxisme sévère.

Les critères à observer sont les suivants :

présence de facettes d’usure sur les dents,

de récents bruits (au cours des six derniers mois) associés aux grincements dentaires

nocturnes et rapportés par un tiers,

anamnèse révélant que l’individu s’est surpris lui-même en train de grincer des dents

pendant la journée,

anamnèse révélant une sensation de tension ou de raideur musculaire pendant la

journée,

anamnèse révélant une sensation de tension ou de raideur musculaire le matin au

réveil,

anamnèse révélant que l’individu se réveille fréquemment en train de serrer ou de

grincer des dents,

hypertrophie des muscles masséters et/ou temporaux,

sensation de fatigue des masséters le matin au réveil,

sensation de fatigue des masséters pendant la journée,

antécédents de mâchoires bloquées le matin au réveil,

douleur cervicale le matin au réveil,

douleur au niveau des muscles masséters et/ou temporaux le matin au réveil,

sensation de fatigue physique le matin au réveil et/ou sensation d’avoir mal dormi,

douleur ou sensation d’inconfort au niveau des dents le matin au réveil,

antécédents récents de dislocations ou de fractures chroniques de restaurations

temporaires ou permanentes.

Notons qu’un score de 3 sur 15 pour déterminer un bruxisme léger peut paraître

relativement faible si l’on considère que, parmi ces critères, on peut en citer au moins trois qui

ne sont pas spécifiquement liés au bruxisme.

Enfin, d’autres auteurs définissent un bruxisme sévère à partir de paramètres différents.

Par exemple, NISHIGAWA et al. mettent en évidence une corrélation positive entre l’intensité

de la force de serrage et la sévérité du bruxisme [61].

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3.4. Bruxisme primaire et secondaire

KATO et al. (2001) distinguent deux formes de bruxisme selon leur cause [31] :

- Le bruxisme primaire ou idiopathique pour lequel on ne retrouve aucune cause

médicale ni aucune raison apparente.

- Le bruxisme secondaire ou iatrogène qui est associé à différents facteurs :

des troubles neurologiques tels que les maladies de Parkinson ou de

Huntington…

des troubles du sommeil tels que l’apnée du sommeil, les mouvements

périodiques du sommeil…

des médicaments tels que les antidépresseurs, les neuroleptiques, la L-

dopa…

certaines substances tels que le tabac, l’alcool, la cocaïne, les

amphétamines…

le stress et l’anxiété.

Cette distinction de forme en fonction de l’étiologie est détaillée par les auteurs dans un

tableau que nous avons traduit et présenté ci-après:

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BRUXISME PRIMAIRE

BRUXISME SECONDAIRE

Sans cause médicale apparente

Lié aux traitements et aux habitudes du patient

Troubles moteurs

Troubles du sommeil

Autres

Durant le sommeil

- Alcool - Cigarettes - Caféine

- Spasmes hémifaciaux - SD Gilles de la

tourette1

- Mouvement

périodique du sommeil

- Apnée - Terreurs nocturnes - Epilepsie - Troubles du stade REM du sommeil

- Shy-Drager

SD2 - Atrophie olivo-ponto-cérébelleuse

Pendant l’éveil et le sommeil

- ISRS - Antidépresseurs - Antagonistes du calcium - L-dopa - Médicaments anti-dopaminergiques

- Dystonie

oromandibulaire - Maladie de

Huntington3 - Maladie de

Parkinson4

SD d’impatience des membres inférieurs5

- Retard mental - Maladie de Whipple6 - Coma

A l’état d’éveil

- Cocaïne - Amphétamines - Neuroleptiques

Dyskinésie tardive7

- Hémorragie cérébrale - Démence - SD de Rett8

REM: rapid eye movement SD: syndrome ISRS: inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine

Tableau 1 : Classification du bruxisme – KATO et al. (2001) [31].

1 Affection neurologique se traduisant par des tocs, des tics verbaux sonores et des tics moteurs. 2 Maladie dégénérative caractérisée par une hypotension orthostatique, une rigidité musculaires, des mouvements lents et des troubles du sommeil, notamment respiratoires. 3 Maladie héréditaire incurable qui se traduit par une dégénérescence neuronale affectant les fonctions motrices et cognitives 4 Maladie neuro-dégénérative responsable d’anomalies motrices d’évolution progressive. 5 Sensation désagréable (picotement, ruissellement…) toujours accompagnée d’un impérieux besoin de bouger. 6 Maladie bactérienne rare caractérisée par des douleurs articulaires et abdominales, de la fièvre, des atteintes neurologiques et cardiopathiques, etc. 7 Mouvements incontrôlables des membres et du visage, souvent secondaires à la prise de neuroleptiques. 8 Maladie neurologique liée au chromosome X, dont les symptômes sont similaires à l’autisme.

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3.5. Bruxisme de l’enfant

On le retrouve très fréquemment au cours du sommeil. Il peut apparaître durant une

certaine période de l’enfance ou de l’adolescence et ne plus se manifester à l’âge adulte.

Généralement, le bruxisme débute lors de la mise en place de la première dentition et

augmente entre 7 et 11 ans, c'est-à-dire à une période correspondant au passage de la denture

temporaire à la denture définitive. Pour cette classe d’âge, le bruxisme semble être une

fonction normale et de nombreux auteurs ont mis en évidence le rôle de l’usure dentaire dans

la croissance des arcades dentaires (LEJOYEUX, LINDQUIST, SAZNYE, SLAVICEK) [37]. D’ailleurs,

un degré d’usure modérée en denture lactéale peut être considérée comme physiologique si

l’on considère que l’émail est plus fin en denture primaire. Ainsi, des facettes d’abrasion

étendues peuvent exister chez l’enfant, en relation avec une fonction physiologique. Le

bruxisme de l’enfant est alors le plus souvent transitoire et se résout avec l’installation de la

denture permanente [37].

Par ailleurs, comme le souligne MILLER (1938), cité par NADLER [60], le bruxisme,

notamment nocturne, chez l’enfant pourrait être dû à une « irritation » de l’organisme telle

qu’une hyperacidité urinaire ou des parasites intestinaux.

Enfin, des phénomènes de bruxisme, associés à des troubles du sommeil, ont été rapportés

chez les enfants présentant une hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) [25]. Une

étude menée par MALKI et al. (2004) [50] a montré qu’il existait une différence significative

entre les enfants souffrant de THADA sous médication ou non. Ainsi, le traitement administré

aux enfants hyperactifs, en particulier les psychostimulants agissant sur le système nerveux

central, serait incriminé dans l’apparition et le développement du bruxisme chez ces enfants.

4. EPIDEMIOLOGIE

L’épidémiologie du bruxisme dans les populations est difficile à préciser par l’absence

d’harmonisation des moyens d’investigation utilisés (questionnaires ou examens des signes

cliniques), ce qui explique les écarts que l’on peut observer dans les statistiques. Par ailleurs,

le pourcentage de bruxistes semble parfois être sous-estimé puisque la plupart des individus

ne sont pas conscients de leurs habitudes de bruxisme, jusqu’à ce qu’elles leur soient révélées.

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Cependant, de nombreuses études ont été réalisées sur des groupes de patients et nous

permettent, malgré une grande diversité dans les statistiques, d’avoir une idée globale de la

prévalence du bruxisme dans la population générale, selon le sexe et l’âge.

4.1. Le bruxisme dans la population générale

Pour NADLER (1957), 100% de la population serait atteinte de bruxisme. Il pense que ce

problème est universel et que la plupart des gens ont de brefs épisodes de bruxisme à un

moment de leur vie [60].

Selon SHARER (1974), l’incidence du bruxisme chez l’adulte varie de 15% à 88%. Il se

réfère pour cela à diverses études en soulignant que l’incidence apparaît plus élevée lorsque

l’on fait appel à l’observation clinique plutôt qu’aux questionnaires [78].

GLAROS (1981) montre que, dans son échantillon, 30,7% des sujets présentent un

bruxisme présent ou passé, diurne ou nocturne, les sujets souffrant de bruxisme du sommeil

étant moins nombreux [22].

Nombre Pourcentage

Echantillon total 1052 100

Non bruxistes 729 69,3

Bruxistes 323 30,7

Exclusivement diurne - présent - passé - présent et passé

Exclusivement nocturne - présent - passé - présent et passé

Diurne et nocturne - présent - passé - présent et passé

141 126 182

35 69 79

47 51 62

13,4 12

17,3

3,3 6,6 7,5

4,5 4,8 5,9

Tableau 2 : Prévalence du bruxisme dans la population générale – GLAROS (1981) [22].

Pour ROZENCWEIG (1994), il est raisonnable de considérer un chiffre moyen de 70% en

regard des différentes études réalisées, tout en signalant que moins de 20% des individus

présentent un bruxisme sévère [73].

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4.2. Le bruxisme selon le sexe

Pour la plupart des auteurs, il semblerait qu’il n’existe pas de différence significative entre

les deux sexes, même si les avis restent partagés.

GLAROS (1981) observe une différence peu significative entre les hommes (50,8%) et les

femmes (49,2%). Par contre, il montre que les hommes seraient plus représentés parmi les

bruxistes exclusivement diurnes alors que les femmes seraient plus nombreuses chez les

bruxistes exclusivement nocturnes [22].

Nombre Hommes (%) Femmes (%)

Echantillon total 1052 51,7 48,3

Non bruxistes 729 52,1 47,9

Bruxistes 323 50,8 49,2

Exclusivement diurne - présent - passé - présent et passé

Exclusivement nocturne - présent - passé - présent et passé

Diurne et nocturne - présent - passé - présent et passé

141 126 182

35 69 79

47 51 62

53,2 59,5 57,7

28,6 39,1 36,7

46,8 47,1 48,4

46,8 40,5 42,3

71,4 60,9 63,3

53,2 52,9 51,6

Tableau 3 : Prévalence du bruxisme selon le sexe – GLAROS (1981) [22].

4.3. Le bruxisme selon l’âge

Les différentes études réalisées par REDING, RUBRIGHT et ZIMMERMAN (1966) ont montré

que le bruxisme peut exister à tout âge. Il semblerait toutefois que ce soit dans la tranche

d’âge comprise entre 20 et 40 ans que l’on voit le maximum de sujets bruxistes. Ces auteurs

ont également observé que, sur 1157 écoliers de 3 à 17 ans, 15,1% étaient ou avaient été

bruxistes et qu’il y avait une diminution significative du pourcentage avec l’âge [71].

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4.4. Le bruxisme du sommeil

Selon LAVIGNE et MONTPLAISIR (1993) cités par CHAPOTAT et al., le bruxisme du

sommeil peut atteindre 6% de la population, sans compter que près de 56% peut présenter une

activité rythmique des muscles masticateurs durant le sommeil. Le pourcentage le plus élevé

de bruxistes se situe dans un groupe d’âge de 20 à 50 ans et diminue nettement à partir de 50

ans, sans différence entre les deux sexes [10].

KATO et al. (2001) confirment ces données et soulignent que le bruxisme du sommeil

concerne 5% à 8% de la population générale, sans distinction entre les deux sexes. Chez les

enfants de moins de 11 ans, la prévalence varie de 14 à 20% et elle diminue avec l’âge [31] :

- 19% chez les 3-10 ans

- 13% chez les adolescents

- 3% chez les plus de 60 ans

Dans une étude réalisée sur 13057 sujets âgés de plus de 15 ans et de nationalité

différente (anglais, allemand et italien), OHAYON et LI (2001) ont montré que 8,2% des sujets

présentaient un bruxisme du sommeil, et que la moitié d’entre eux en présentaient des signes

cliniques avancés [62]. En 2005, LEE-CHIONG confirme ce chiffre et rapporte une étude réalisée

au Canada sur une population de 2019 sujets de plus de 18 ans, dans laquelle l’incidence du

bruxisme du sommeil s’élève à 8% [48].

Enfin, HEDGER et al. (2002) ont étudié les troubles du sommeil chez les enfants et

montré que le bruxisme nocturne apparaît dans environ 15 à 33% des cas, avec une

prédominance chez les jeunes garçons et une diminution à l’âge de la préadolescence [25].

Groupes d’âge

Age

préscolaire

(n=399)

Maternelle

(n=286)

Primaire

(n=213)

Secondaire

(n=140)

Bruxistes nocturnes 126

31.6%

93

32.5%

59

27.7%

22

15.7%

Tableau 4 : Prévalence du bruxisme nocturne chez les enfants –

HEDGER ARCHBOLD et CHERVIN (2002) [25].

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5. ETIOLOGIES

Aujourd’hui encore, l’étiologie du bruxisme primaire reste, par définition, une question

ouverte. Les avis sont partagés et les spéculations sont importantes. En ce qui concerne le

bruxisme secondaire, de nombreux facteurs étiologiques supposés ont été étudiés, venant

étayer plusieurs hypothèses. Nous vous présenterons ici les principales théories.

5.1. Théorie occlusale

C’est la première théorie qui a été émise et qui a pendant longtemps dominé toutes les

autres.

En 1961, RAMFJORD émet l’hypothèse que les facteurs locaux étaient les éléments

prépondérants dans la genèse et la fonction du bruxisme. Selon lui, le but de cette fonction

serait de supprimer les prématurités et les interférences afin de permettre un passage

harmonieux entre la relation centrée et la position d’intercuspidation maximale. Néanmoins,

cet auteur souligne, dans une étude électromyographique sur des patients atteints de bruxisme,

« que le choc occlusal n’agit comme une gâchette que s’il est associé à une tension

nerveuse » [69].

Ainsi, le bruxisme reposerait sur un double fond étiologique de tension psychique et

d’interférences occlusales, l’interférence étant un facteur déclenchant direct.

Cependant, à partir des années 1980, les auteurs ont tenté de remettre en question cette

théorie. En effet, BAILEY et RUGH (1980) ont réalisé des expérimentations allant à l’encontre

de cette théorie occlusale. Ainsi, il a été montré que la réalisation d’une équilibration

occlusale chez les bruxistes selon les critères de RAMFJORD et ASH (1975) [68], ne réduit pas la

parafonction [3]. De même, la pose d’une couronne en surocclusion chez les bruxistes

provoque, dans un premier temps, une réduction de l’activité électromyographique des

masséters suivie d’une reprise normale de la parafonction (RUGH et al., 1984) [75]. Ainsi, le

schéma occlusal a peu d’effets sur le bruxisme. D’autres études ont été menées en ce sens et

ont contribué à réfuter cette théorie occlusale.

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Au cours de la conférence sur la prise en charge du bruxisme au congrès de l’Association

Dentaire Française en 2005, les auteurs présents se sont accordés à dire que le seul cas où

l’occlusion serait un élément majeur dans l’étiologie du bruxisme correspond au bruxisme

retrouvé chez l’enfant en denture mixte : le sujet présente alors un véritable « chaos

occlusal ».∗

Aujourd’hui, il est communément admis que les anomalies de l’occlusion jouent un rôle

mineur dans la genèse du bruxisme.

5.2. Théorie psychologique

Les facteurs psychologiques tels que le stress et le type de personnalité ont fait l’objet

d’une attention particulière de la part des auteurs.

5.2.1. Bruxisme, stress et anxiété

Les périodes dites de stress, de plus en plus nombreuses dans la vie moderne, sont souvent

citées comme facteurs responsables du bruxisme. Ainsi, le bruxisme pourrait se définir

comme étant une maladie « moderne ». L’interrogatoire du patient peut révéler que les

crispations et les grincements accompagnent des faits stressants de la vie quotidienne tels que

des problèmes conflictuels, professionnels ou sociaux, affectifs ou sexuels.

VERNALLIS (1955) met en évidence une corrélation positive entre le bruxisme et l’anxiété,

l’hostilité ou encore l’hyperactivité chez des étudiants, notamment à l’approche des examens.

La même corrélation a été observée dans une population plus large (THALLER et al., 1967), et

également chez les enfants (LINDQUIST, 1972). Ces observations nous sont rapportées par

CHAPOTAT et al. [10].

Les psychologues considèrent le bruxisme comme une habitude nerveuse due à une

réponse non adaptative, à des problèmes insolubles ou à une impossibilité d’exprimer des

sentiments d’anxiété, de haine ou d’agressivité.

Les psychanalystes freudiens rejoignent cette idée. Selon eux, la cavité orale possède une

intense signification émotionnelle (SINICK, 1964). Le bruxisme serait alors l’expression de ∗ Congrès ADF 2005 ; Paris – Séance A15 : Bruxisme, quelle prise en charge ? – Organisée par le Collège National d’Occlusodontologie avec LALUQUE J-F., FLEITER B., HOORNAERT A. et BROCARD D.

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l’anxiété, des difficultés rencontrées dans la vie ou encore des frustrations ressenties : « on

grince des dents quand on ne peut pas mordre ce qu’on a envie de mordre » (Bonaparte,

1952). SLAVICEK (1996) va encore plus loin en disant que le bruxisme serait un mécanisme

indispensable à la libération du stress, mis en place par le système masticateur dans les

situations d’angoisse psychique [10].

SLAVICEK et SATO (2004) affirment même, en se basant sur le modèle animal, que

l’évacuation du stress à travers le grincement/serrement de dents permettrait d’atténuer les

désordres somatiques liés à cet état psychique, tels que les ulcères gastriques. Le bruxisme

serait une issue de secours durant les périodes de surcharge émotionnelle [79].

Dans une revue critique des études portant sur la relation entre les facteurs de stress et le

bruxisme, MORSE, cité par BOURASSA, conclut que le stress est bien un des facteurs

étiologiques favorisant le bruxisme [6].

En 2004, une étude de cas menée par VAN SELMS et al. vient corroborer l’idée que le

serrement des dents pourrait être en relation avec le vécu d’une situation stressante [85].

MANFREDINI et al. (2004) comparent deux groupes de sujets bruxistes et non-bruxistes sur

des facteurs occlusaux et psychiques. Ils concluent que ces deux catégories de sujets ne

montrent aucun trouble occlusal permettant de les distinguer mais que les bruxistes présentent

des traits psychiques particuliers à leur groupe : stress, anxiété, symptômes maniaco-

dépressifs, troubles de l’humeur… [51]

Enfin, la concentration de catécholamines dans les urines (épinéphrine, norépinéphrine…)

est parfois utilisée pour mesurer les états de stress d’un individu. En effet, chez le sujet

stressé, l’activité sympathique adrénergique est exacerbée et cela se traduit par une

augmentation de la concentration de ces composés dans le plasma et les urines.

En 1980, CLARK, RUGH et HANDELMAN mettent en évidence un taux important

d’épinéphrine dans les urines de patients présentant une activité rythmique des masséters

durant leur sommeil [12]. En 1999, VANDERAS et al. montrent qu’il existe une relation

significative entre la présence de dopamine dans les urines et les signes de bruxisme lors

d’une étude réalisée sur 314 enfants. Ils en concluent que le stress émotionnel est un facteur

proéminent dans le développement du bruxisme [86]. On verra, par la suite, que cette théorie

trouve certaines justifications neurophysiologiques, notamment à travers le rôle joué par les

catécholamines au niveau central, ainsi que par celui du système limbique (cf. 6.2.2.).

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En tout état de cause, le stress et l’anxiété seraient d’avantage des facteurs favorisants ou

exacerbants que des déclencheurs du bruxisme.

5.2.2. Bruxisme et personnalité [6, 10]

Le bruxisme peut aussi être rattaché à différents types de personnalité. Ainsi, pour

THALLER et al. (1967), les sujets bruxistes sont plus introvertis, présentant un comportement

diminué face à la frustration (personnalité de type C) alors que les sujets témoins dirigent leur

hostilité envers les autres ou envers les objets (extravertis). En 1985, KAIL obtient des

résultats similaires. Selon WATTS et al., la personnalité du sujet bruxiste chronique se

caractérise par une timidité, une psychorigidité et un complexe d’infériorité.

D’autres études ont établi un lien de causalité entre les habitudes de bruxisme et un style

de comportement généralement relié à des personnalités de type A. Ces personnes se sentent

capables de composer avec toutes les situations auxquelles elles sont confrontées et

manifestent un désir excessif de contrôler tous les évènements de leur vie. Cette volonté de

contrôle rencontre inévitablement obstacles et échecs, qui sont autant de facteurs de stress.

Divers antécédents sociaux, psychologiques, situationnels pourraient conduire un individu à

exprimer son stress (qu’il ignore et refuse de reconnaître ouvertement à cause de sa manie de

vouloir tout contrôler) par un bruxisme nocturne.

Le lien entre ces facteurs psychologiques et les mécanismes de bruxisme reste cependant

très complexe et ne saurait se réduire à une simple relation de cause à effet.

5.3. Théorie « Thégosis » [7, 10]

La théorie Thégosis représente un point de vue intéressant à développer. Elle s’appuie sur

des arguments phylogénétiques, ainsi que le soulignent CHAPOTAT et al. (1999).

Ce terme a été inventé par EVERY en 1975 pour décrire le phénomène de grincement des

dents involontaire et l’usure dentaire. Selon cet auteur, le bruxisme, apparemment sans but

fonctionnel chez l’homme, serait une habitude héritée du monde animal. En effet, les

carnivores aurait développé une habitude instinctive de grincer leurs dents afin de les garder

pointues et perçantes, d’améliorer les contacts dentaires et de maintenir le tonus musculaire et

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la force de la mâchoire, ce qui est nécessaire à la prise alimentaire et à la défense. Cette

activité, indispensable à la survie des animaux, peut s’exercer aussi bien pendant l’éveil que

durant le sommeil, et peut s’accentuer en présence de tension interne (colère, par exemple) ou

externe (danger ou menace).

Ainsi, cette habitude aurait, à l’origine, plutôt une signification biologique que

pathologique et n’aurait pas été effacée au cours de l’évolution pour être présente chez

l’homme. On pourrait ainsi comparer le bruxisme à un atavisme qui correspond, en génétique,

à un caractère primitif qui réapparaît après une ou plusieurs générations.

Nous pouvons étayer cette hypothèse en soulignant que des phénomènes de bruxisme ont

été établis par KATO et al. chez les patients comateux ainsi que chez des sujets présentant un

retard mental ou une démence… (cf. tableau 1). Ainsi, le coma ou la démence libéreraient des

réflexes archaïques qui sont normalement inhibés chez l’homme de part l’évolution, tels que

le grincement des dents existant primitivement chez les animaux.

Cette théorie pourrait expliquer le fait qu’une grande proportion de la population puisse

développer une activité masticatrice pendant le sommeil, comme le montrent les études

épidémiologiques que nous avons citées auparavant.

De même, on comprendrait mieux le lien entre le bruxisme et certains facteurs

psychogènes pouvant faire figure de tension interne ou externe.

5.4. Autres étiologies

5.4.1. Facteurs systémiques

Rappelons que, en 1907, MARIE et PIETKIEWICZ mettent en évidence un lien entre le

bruxisme et des perturbations du système nerveux central [53]. Depuis, d’autres auteurs ont

montré la même relation [35] :

- NADLER (1957) montre que le bruxisme fait partie du tableau clinique de certaines

neuropathologies telles que l’épilepsie et la maladie de Parkinson [60].

- LINDQUIST (1970) observe une augmentation du bruxisme nocturne chez les enfants

souffrant de lésions cérébrales et ceux qui présentent un retard mental.

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37

D’autres affections ont été incriminées dans le déclenchement du bruxisme, citons :

- Les troubles gastro-intestinaux dont les parasitoses (NADLER, 1957), ainsi que nous

l’avons souligné en évoquant le bruxisme de l’enfant [60].

- L’hyperactivité thyroïdienne (MOORE, 1963).

Par ailleurs, des troubles organiques agissant sur l’état émotionnel du sujet et sur son tonus

musculaire peuvent être prédisposants :

- Les désordres endocriniens (STROCHER, 1954 – NADLER, 1960 [59]).

- La spasmophilie constitutionnelle (CHAPUT, 1967).

- Les carences alimentaires telles que l’hypovitaminose… (NADLER, 1957 et 1960) [59, 60].

Le bruxisme est aussi rencontré de manière relativement fréquente chez les patients

souffrant du syndrome de Down (Trisomie 21). Dans ce cas, le problème fonctionnel est

surtout lié à l’état émotionnel très anxieux de ce type de patient, qui présente également de

nombreuses dysmorphoses bucco-dentaires. ∗

OHAYON et LI (2001) ont établi une liste de facteurs de risque souvent associés au

bruxisme du sommeil. Parmi ces facteurs, on trouve [62] :

- le syndrome de l’apnée du sommeil et autres troubles respiratoires du sommeil,

- l’alcool,

- la caféine,

- le tabac,

- le stress et l’anxiété.

Dans tous ces cas, les sujets présentent un risque très important de développer un

bruxisme au cours de leur nuit. Ces facteurs de risque correspondent aux causes de bruxisme

secondaire présentées par KATO et al. précédemment (cf. tableau 1).

Enfin, on note que la prise de certains médicaments tels que les psychostimulants

dopaminergiques provoquent ou accentuent le bruxisme (cf. 6.2.2.b.).

∗ Soirée thématique organisée par l’association G.E.I.S.T. 21 de la Gironde sur « La santé bucco-dentaire du patient trisomique » – le 10 mars 2006 – avec l’intervention du Dr J. NANCY.

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38

5.4.2. Sensibilisation allergique

Dans une étude menée auprès d’enfants en clinique pédiatrique, MARKS (1976) a constaté

que le bruxisme du sommeil était trois fois plus présent chez les enfants allergiques que chez

les enfants non allergiques [54].

Bruxistes % Non

bruxistes %

Enfants allergiques 35 59 24 41

Enfants non allergiques 9 20 36 80

Tableau 5 : Prévalence du bruxisme du sommeil chez les enfants allergiques –

MARKS (1976).

En 1980, il s’intéresse, dans une seconde étude, à une population de 46 enfants d’un

service d’oto-rhino-laryngologie et constate que 65% d’entre eux présentent un bruxisme du

sommeil. Après avoir étudié différents paramètres liés à des troubles au niveau de l’oreille,

MARKS émet l’hypothèse que la sensibilisation allergique peut être responsable du bruxisme :

« la répétition du bruxisme nocturne peut être provoquée de manière réflexe par une

augmentation des variations de pression dans les cavités du tympan à partir d’un œdème

allergique intermittent de la muqueuse d’Eustache » [54].

Figure 2 : Représentation schématique d’un œdème allergique de la muqueuse d’Eustache

– MARKS (1980) [54].

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39

Un enfant allergique va respirer par la bouche durant son sommeil, ce qui provoque une

sécheresse de la cavité orale et donc une réduction du besoin de déglutir. Or, la déglutition est

la seule fonction encore présente durant le sommeil qui permette d’équilibrer les pressions au

niveau des cavités du tympan. Ainsi, le fait de grincer des dents serait un moyen réflexe de

dégager la trompe d’Eustache et de rééquilibrer les pressions au cours du sommeil [54].

Enfin, l’auteur constate que le bruxisme diminue, voire cesse, lorsqu’un traitement

adéquat à ces phénomènes allergiques est mis en place.

5.4.3. Prédispositions héréditaires

REDING (1966) observe une fréquence significative du bruxisme chez des consanguins. Il

donne trois explications à cela [71] :

- héritage réel de conditions prédisposant au bruxisme,

- milieu émotionnel identique partagé par les membres de la famille,

- association qui indique seulement une conscience accrue de l’existence du bruxisme.

Par ailleurs, ABE et SHIMAKAWA (1966) trouvent que 11,6% d’une série de 366 enfants

âgés de 3 ans bruxent et que 18,3% des leurs parents sont bruxistes ou l’ont été enfant. De

plus, les enfants de ces parents bruxistes montrent un bruxisme significativement plus

fréquent que les enfants des parents qui ne sont pas ou n’ont jamais été bruxistes. Ils

concluent que le symptôme est fortement influencé par des facteurs génétiques, plus d’ailleurs

que par l’environnement commun à la famille [35]. Cependant, pour ces auteurs, la question

reste de savoir si la part héritée concerne le système nerveux central ou simplement un facteur

local.

HUBLIN et KAPRIO (2003) soulignent qu’aucun marqueur génétique du bruxisme n’a été

trouvé, bien que 21 à 50% des patients présentant un bruxisme du sommeil ont un parent

ayant grincé des dents durant leur enfance. De même, ces auteurs notent que les études

réalisées sur une population de jumeaux monozygotes et dizygotes par HOROWITZ (1963) et

LINDQUIST (1974) indiquent que la génétique joue un rôle certain dans l’origine du bruxisme,

mais que les mécanismes et le mode de transmission restent méconnus [26].

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5.5. Bruxisme et posture

En posturologie, nous savons que l’homme possède des capteurs (notamment podaux et

visuels) qui lui permettent de s’adapter au monde environnant. Face à différents déséquilibres,

ces capteurs sont compensés par les ceintures scapulaires et pelviennes. Cependant, quand

leurs possibilités d’adaptation sont dépassées, ils peuvent éventuellement décompenser au

niveau de l’appareil manducateur. L’inverse peut se produire : un dysfonctionnement de

l’appareil manducateur est compensé par la posture, avant de décompenser quand les

possibilités d’adaptation de l’individu sont dépassées [18].

L’un des supports organiques de cette relation entre les dents, la posture et les yeux est la

formation réticulaire. En effet, celle-ci est en relation avec les récepteurs parodontaux, les

muscles de la ceinture scapulaire et les noyaux oculomoteurs. Lors des contacts dentaires, les

récepteurs parodontaux informent le ganglion trigéminal par les branches des nerfs crâniens

V2 et V3. L’information gagne ensuite le noyau sensitif du trijumeau (V), puis la formation

réticulaire qui contrôle les muscles de la ceinture scapulaire et ceux de la posture cervicale et

corporelle [18].

Comme le bruxisme peut entraîner des troubles posturaux (cf. chapitre 3), l’inverse peut

être possible [18]. C’est ce qu’a voulu montrer KNUTSON [32] dans une étude de cas rapportée en

2002. Selon l’auteur, un trouble de la posture cervicale peut être considéré comme une cause

possible du bruxisme du sommeil. Il montre en effet que, chez le sujet étudié, les

manifestations de bruxisme ainsi que les céphalées et les douleurs cervicales ont rapidement

disparues suite à une thérapeutique visant à traiter le trouble postural et à rétablir une position

correcte de la tête par rapport à la colonne cervicale.

Aujourd’hui, les différents auteurs s’accordent à dire que le bruxisme est un phénomène

multifactoriel, avec des facteurs périphériques et centraux. Bien qu’il trouve sa cible

d’élection sur l’appareil manducateur, il doit être appréhendé de façon plus large en tenant

compte de son origine centrale, comme le souligne LALUQUE et BROCARD (2005) [38].

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6. MECANISMES NEUROPHYSIOLOGIQUES SUPPOSES

Au cours de ces dix dernières années, la neurophysiologie a été au cœur des recherches

expérimentales menées sur le bruxisme dans le but de mieux comprendre ses mécanismes

d’apparition.

Le bruxisme étant défini comme une parafonction de l’appareil manducateur, il est

intéressant de déterminer les éléments qui régulent les activités masticatoires afin de mieux

comprendre comment peut apparaître cette activité parafonctionnelle.

6.1. Régulation de l’appareil manducateur

6.1.1. Les récepteurs proprioceptifs et les mécanismes de protection de l’appareil

manducateur (contrôle segmentaire)

Le système stomatognathique comprend différents récepteurs proprioceptifs qui jouent un

rôle important dans la régulation des activités musculaires, et dans les perceptions, en

particulier douloureuses. Ces récepteurs sont de deux types : propriocepteurs et

nocicepteurs [23].

Les propriocepteurs transmettent des informations sur les mouvements de l’appareil

masticateur (étirement, pression…). Ce sont :

- les capteurs desmodontaux : ils détectent la direction, la vitesse et l’intensité des

forces exercées sur la dent,

- les fuseaux neuromusculaires, situés dans la partie charnue du muscle et sensibles à

l’étirement musculaire,

- les organes tendineux de Golgi, localisés dans les tendons et sensibles à la tension,

- les corpuscules de Vater-Pacini, situés dans le périoste, les tissus articulaires et le tissu

sous-cutané ; ces derniers sont sensibles à la pression.

Les terminaisons libres qui sont essentiellement des nocicepteurs sont très nombreuses et

situées au niveau des fascias musculaires, des tissus péri-articulaires et de l’organe pulpo-

dentinaire.

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Lorsque l’appareil manducateur fonctionne normalement, les mécanismes proprioceptifs

assurent une protection du système face aux dommages éventuels pouvant venir de forces

excessives exercées sur les différentes structures orales. Ce contrôle physiologique est régi

par les activités élémentaires que sont les réflexes monosynaptiques et polysynaptiques [35].

On compte deux réflexes de nature proprioceptive qui sont considérés comme des actes

élémentaires sous-tendant la mastication [90] :

- le réflexe myotatique trigéminal phasique ou réflexe de fermeture

- le réflexe d’ouverture de la bouche non nociceptif : ce réflexe d’ouverture peut être

considéré comme un réflexe de protection occlusale qui sépare les dents dès leur mise

en contact, lors de la mastication.

Quand une force est excessive, le stimulus va agir au niveau des récepteurs nociceptifs et

un réflexe de défense est alors enclenché. Il s’agit du réflexe d’ouverture nociceptif qui

commande le relâchement des muscles élévateurs de la mandibule et la contraction rapide des

abaisseurs, en particulier le digastrique. Il permet, par exemple, la protection contre la

morsure de la langue [90].

Enfin, il existe un dernier réflexe protecteur : le réflexe postural d’inocclusion

physiologique [37, 73]. En dehors des fonctions (déglutition, mastication, phonation…), la

mandibule se trouve au repos, en position d’inocclusion. Cette position est déterminée par un

réflexe postural lié au muscle temporal. Pour décrire ce phénomène, WODA (1983) parle du

réflexe myotatique trigéminal tonique qui permet une contraction des muscles masticateurs,

maintenant une position mandibulaire tonique, en position d’inocclusion. Ce réflexe se

développe à partir des informations provenant de récepteurs vestibulaires, articulaires, visuels

et supra-segmentaires [90].

6.1.2. Contrôle supra-segmentaire de la mastication (rôle su système nerveux central)

Actuellement, la mastication est considérée comme une fonction à la fois réflexe et

volontaire. La coordination, le rythme et l’ajustement des mouvements masticatoires sont

initiés et contrôlés par le centre de la mastication situé au niveau ponto-bulbaire. Ce centre

reçoit des influx sensitifs issus de la cavité buccale (afférences proprioceptives) ainsi que des

influx en provenance des centres nerveux supérieurs. Les stimuli efférents sont destinés aux

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motoneurones des nerfs trijumeau (V), facial (VII) et hypoglosse (XII) sous contrôle du centre

de la mastication, lui-même influencé par le système limbique, la formation réticulaire et

les centres corticaux. Ainsi, l’enchaînement des mouvements mandibulaires au cours de la

fonction masticatrice serait organisé au niveau sous cortical et contrôlé par les centres

corticaux [65].

Cortex

Thalamus Nerf trijumeau V

Cervelet Nerf facial VII

Nerf hypoglosse XII

Pont

Figure 3 : Diagramme localisant les structures segmentaires et suprasegmentaires contrôlant

l’appareil manducateur – LEBLANC [47].

A partir de ces données et des cours de physiologie oro-faciale suivis en 3° année∗,

nous avons réalisé un schéma récapitulatif illustrant la neurophysiologie de la manducation :

∗ Physiologie oro-faciale : bases anatomo-physiologiques – Enseignement de D1 (2001-2002) dispensé par le Dr. A. ROUAS – U.F.R. d’Odontologie – Université de Bordeaux 2.

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- Striatum- pallidum

- Noyau rouge

- Formation réticulée

Thalamus

Noyaux moteurs des

nerfs crâniens V, VII et XII

Neo-cervelet

Noyaux sensitifs des

nerfs crâniens V et XII Motricité

réflexe

Centre de la mastication

Système limbique – Formation réticulaire

Récepteurs buccaux

Muscles masticateurs

Motricité automatique

Motricité volontaire

CENTRES SUPRASEGMENTAIRES CORTICAUX CENTRES SUPRASEGMENTAIRES SOUS-CORTICAUX

Figure 4 : Représentation schématique et simplifiée du

contrôle neurologique de la mastication.

Cortex Moteur

Cortex Sensitif

Paléo-cervelet

CENTRES SEGMENTAIRES

Contrôle cérébelleux

Contrôle cortical

Légende :

voie pyramidale

voie extra-pyramidale

voie lemniscale

voie extra-lemniscale

Ganglion de Gasser

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6.2. Mécanismes d’apparition du bruxisme

6.2.1. Au niveau périphérique [37]

Dans le cas d’une parafonction telle que le bruxisme, tout se passe comme si les

informations envoyées par les récepteurs proprioceptifs ne parvenaient plus au système

nerveux central ou n’étaient plus analysées. Ainsi, les mécanismes réflexes de protection sont

inopérants. La défaillance de ces systèmes de sécurité est très étudiée et plusieurs hypothèses

ont été avancées.

Il est possible que les signaux « douleur » provenant de la périphérie soient bloqués ou

diminués par d’autres signaux tels qu’un état de stress important, la colère… Ainsi, le sujet

bruxiste peut être si stressé qu’il ne ressent pas la douleur normalement induite en cas de force

excessive.

De même, lors d’un épisode de bruxisme, il est possible que d’autres muscles que les

muscles masticateurs soient concernés (par exemple, les chaînes musculaires de la posture),

ce qui expliquerait que la parafonction ne soit pas sous le seul contrôle propriocepteur. Ainsi,

l’activité musculaire exagérée ne serait pas limitée par la sécurité du signal « douleur ». Les

réflexes de protection décrits plus haut ne seraient pas activés.

6.2.2. Au niveau central

Les recherches les plus récentes sur les mécanismes du bruxisme, notamment celles

menées par LAVIGNE et ses collaborateurs à l’université de Montréal au Canada, mettent en

avant des théories neurophysiologiques sur les mécanismes d’apparition du bruxisme au cours

du sommeil, mettant en cause certaines structures nerveuses et certains neuromédiateurs. Ces

investigations ont été essentiellement menées sur le bruxisme du sommeil (cf. chapitre 2).

6.2.2.a. Rôle du système limbique

En 1974, SCHARER affirme que le système limbique pourrait jouer un rôle dans les

constituants nerveux du bruxisme du sommeil [78].

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CHAPOTAT et al. [10] reprennent cette idée à travers l’argumentation suivante :

Le système limbique joue un rôle important dans les comportements d’autoconservation

tels que l’alimentation, l’agression ou la protection. De plus, il est impliqué dans le contrôle

de l’émotion et des réactions émotionnelles telles que la peur, la fuite, l’attaque…

La substance grise péri-aqueducale est un carrefour de communication entre le système

limbique et tous les systèmes exécutifs (moteurs, respiratoires, cardio-vasculaires) nécessaires

à la réalisation d’une réaction émotionnelle et comportementale.

Le circuit système limbique/substance grise péri-aqueducale joue donc un rôle primordiale

dans les réactions de défense type « fight or flight ».

Ainsi, on pourrait justifier la théorie psychologique selon laquelle le bruxisme résulterait

d’un état de stress issu de la personnalité même du sujet ou lié à des évènements de vie

particuliers. En effet, le stress, en tant qu’émotion, activerait le circuit système

limbique/substance péri-aqueducale. Ce dernier entraînerait des grincements de dents à titre

de réactions de défense, grâce aux connexions directes ou indirectes qu’il possède avec le

circuit neuronal responsable de la mastication rythmique.

Dans son dernier ouvrage, DUPAS [18] souligne l’importance du paramètre psychique dans

la genèse du bruxisme qui serait, selon lui, « l’expression dentaire du mal-être ». En cas de

stress, le système limbique influence la formation réticulaire qui perd alors son rôle régulateur

et devient essentiellement excitatrice par son centre mésencéphalique (cf. schéma 5). Cette

hyperactivité réticulaire désorganise les réflexes de protection parodontaux et les muscles

élévateurs se contractent alors de façon permanente. Le bruxisme s’instaure et est entretenu

par ce dérèglement tant que les troubles psychiques ne sont pas mis en évidence.

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47

SL

Légende : SL : système limbique ; FR : formation réticulaire ; GT : ganglion trigéminal ; Ns du V : noyau sensitif du

trijumeau ; Th : thalamus ; Nm du V : noyau moteur du trijumeau ; Vm : racine motrice du nerf mandibulaire.

Figure 5 : Influence du système limbique sur la formation réticulaire et sur la contraction des

muscles masticateurs. – d’après DUPAS [18].

6.2.2.b. Implication des systèmes aminergiques

Le système dopaminergique

Les mécanismes dopaminergiques dans la pathogenèse du bruxisme ont été envisagés

pour diverses raisons :

- On sait que les psychostimulants dopaminergiques provoquent ou accentuent le

bruxisme (HARTMANN, 1994 ; LAVIGNE et al., 1995 ; KATO et al., 2001) [10].

Nm du V

Ns du V

V3

GT

CORTEX

Th

+ FR +

Masséters

Temporaux

Récepteurs parodontaux

+

+ Vm

+ V2

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48

- De plus, on a noté que le bruxisme pouvait apparaître secondairement à des maladies

telles que la maladie de Parkinson, dans laquelle ce neuromédiateur est impliqué.

- Par ailleurs, le bruxisme a été défini comme un trouble du mouvement stéréotypé et

périodique, parfois associé au « syndrome des jambes sans repos », par l’Association

Américaine des Désordres du Sommeil (THORPY, 1990). Or, le rôle du système

dopaminergique dans le contrôle des comportements stéréotypés et dans les troubles

moteurs durant le sommeil est bien établi [10].

Il semblerait que, selon les récepteurs et les circuits dopaminergiques mis en jeu, le

neuromédiateur aurait un rôle modulateur : les récepteurs D1-like (D1 et D5) favoriseraient le

bruxisme alors que les récepteurs D2-like (D2 et D4) auraient un effet contraire. En effet, une

expérience citée par CHAPOTAT et al. [10] montre que l’administration directe des agonistes des

récepteurs D1 dans les ganglions de la base entraîne une augmentation des mouvements

oromandibulaires chez le rat et le chat, alors que celle des agonistes des récepteurs D2 les

diminuent (JOHANSSON et al., 1987 ; KOSHIKAWA et al. 1990 ; SPOOREN et al. 1991).

De même, une forte dose de L-Dopa entraîne la parafonction tandis qu’une faible dose est

bénéfique. Ce phénomène est compatible avec d’autres agonistes dopaminergiques qui

possèdent une action bidirectionnelle [10].

En 1997, LOBBEZOO et al. montrent que, après deux semaines d’administration de

bromocriptine (agoniste des récepteurs D2-like) chez deux patients, ceux-ci présentent une

diminution des épisodes de bruxisme nocturne de 20 à 30% [49].

LAVIGNE et al. (2001b) trouvent, au contraire, que la bromocriptine, ne présente aucun

effet chez les patients bruxistes [44].

Les autres catécholamines

Comme le soulignent BADER et LAVIGNE (2000), la L-dopa n’étant pas un précurseur

spécifique de la dopamine, il convient de se demander si les autres catécholamines, telles que

l’adrénaline ou la noradrénaline, pourraient intervenir dans la régulation du bruxisme. Ainsi,

ils rappellent que certains auteurs ont démontré que le Propanolol, un béta-bloquant

adrénergique, peut réduire le bruxisme du sommeil [2].

Par ailleurs, nous avons parlé du taux accru de catécholamines présentes dans les urines

des sujets bruxistes, signe de leur état de stress mais également d’une activité motrice

exacerbée (cf. 5.2.1.).

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49

Récemment, MASCARO et al. [55] ont tenté d’étudier les voies anatomiques pouvant exister

entre le système dopaminergique et le noyau moteur du nerf trijumeau (V). Ils ont réussi à

mettre en évidence des traces d’activité synaptique mettant en jeu des catécholamines et

reliant le noyau moteur trigéminal à deux zones distinctes du cerveau :

- L’aire prémotrice (ou aire psychomotrice), reliée au contrôle masticatoire.

- Les structures sous-corticales (amygdale et thalamus), liées au système nerveux

autonome et aux réponses face au stress.

Ainsi, ils apportent un argument anatomique à cette hypothèse dopaminergique ainsi qu’à

l’étiologie psychologique dont nous avons parlé précédemment (cf. 5.2.1.) et montrent que les

catécholamines ont bien une action sur le contrôle neurophysiologique et neuropsychologique

des mouvements orofaciaux.

Les mécanismes sérotoninergiques

Certains antidépresseurs tels que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine

ou ISRS (par exemple, Prozac®) sont reconnus pour exacerber le serrement et parfois le

grincement des dents. En effet, l’ISRS provoquerait l’augmentation de sérotonine extra-

pyramidale, inhibant ainsi les voies dopaminergiques de contrôle des mouvements. Dans une

étude décrivant des phénomènes de bruxisme apparus chez quatre patients sous ISRS,

BOSTWICK et JAFFEE (1999) montrent que la prise de Buspirone, agoniste de la sérotonine,

entraîne la disparition des signes [5]. Par contre, l’utilisation d’un précurseur de la sérotonine

(le tryptophane) ou d’un inhibiteur de sa réabsorption (l’amytriptyline) n’entraîne ni

augmentation ni diminution du bruxisme [40, 67].

Les études concernant la physiopathologie du bruxisme sont très nombreuses mais elles ne

permettent pas de conclure sur une explication neurochimique unique et simple. Il semble

aujourd’hui que le rôle attribué à ces neurotransmetteurs est beaucoup moins clair qu’on

le prétendait originalement, soulignent LAVIGNE et al. (2003) [40]. La littérature comporte de

nombreuses controverses et elle est essentiellement basée sur des rapports de cas

anecdotiques.

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50

6.2.2.c. Système neuro-masticateur et bruxisme

NAKAMURA et KATAKURA (1995), cité par CHAPOTAT et al. (1999), soulèvent l’hypothèse

d’un dysfonctionnement du système inhibiteur intervenant sur le noyau masticateur. En effet,

les motoneurones du noyau trigéminal sont innervés par des fibres glycinergiques et

gabaergiques, système inhibiteur permettant l’atonie des muscles masticateurs durant le

sommeil (CHIRWA et al., 1991, cité par CHAPOTAT et al., 1999). Ainsi, un dysfonctionnement

de ces afférences inhibitrices entraînerait une activation des muscles masticateurs, à l’origine

du bruxisme. Reste à déterminer comment des facteurs psychogènes et neurologiques

pourraient intervenir sur les afférences inhibitrices du noyau masticateur [10].

Ainsi, nous voyons que dans le système de régulation neurophysiologique des activités de

l’appareil manducateur, il existe tout un substrat morphologique et chimique dont le

moindre dérèglement de fonctionnement peut induire une anomalie fonctionnelle, tel que

le bruxisme, que ce soit :

- au niveau du système nerveux central (système limbique, noyau masticateur,

neurotransmetteurs…),

- au niveau segmentaire (récepteurs et voies nerveuses afférentes et efférentes).

De toute évidence, le bruxisme apparaît comme un processus multifactoriel lié au

dysfonctionnement des systèmes de régulation d’une activité motrice normale, exacerbé par

des facteurs exogènes (nicotine, alcool, médicaments…) et largement soumis aux influences

émotionnelles exagérées [33].

CHAPOTAT et al. [10] proposent une schématisation des hypothèses avancées précédemment

et des connaissances actuelles (cf. figure 6).

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51

Striatum Système limbique

Cortex cérébral (stress, personnalité…) système système méso-limbique méso-strié SN

PAG DA Théorie Hypothèse

Thégosis V dopaminergique GABA Glycine Muscles Masticateurs

Figure 6 : Schéma récapitulatif des hypothèses et de l’état actuel des connaissances exposé

par CHAPOTAT et al. (1999) au sujet des réseaux neuronaux impliqués dans la genèse du

bruxisme [10].

Ayant ainsi posé, dans ce premier chapitre, les notions générales et actualisées concernant

le bruxisme, nous allons tenter de mieux comprendre en quoi le bruxisme du sommeil est

une forme clinique bien spécifique de la parafonction et nécessite, pour une meilleure

appréhension du problème, de développer d’autres notions liées directement au sommeil.

Légende : DA : neurones dopaminergiques ; PAG : substance grise péri-aqueducale ; SN : substance noire ; V : noyau moteur du trijumeau, système exécutif de la mastication ; - - - - Projection hypothétique ____ Projection prouvée

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52

CHAPITRE 2

BRUXISME ET SOMMEIL

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53

CHAPITRE 2 : .....................................................................BRUXISME ET SOMMEIL

1. LE SOMMEIL PHYSIOLOGIQUE CHEZ L’HOMME............................................. 54

1.1. Généralités................................................................................................................ 54 1.2. Le cycle veille-sommeil-rêve ................................................................................... 55 1.3. Etude des différents stades du cycle veille-sommeil-rêve ....................................... 56

1.3.1. La veille................................................................................................................ 56 1.3.2. Le sommeil lent.................................................................................................... 56 1.3.3. Le sommeil paradoxal .......................................................................................... 57

1.4. Modèle de régulation du cycle ................................................................................. 60

2. MANIFESTATION DU BRUXISME AU COURS DU SOMMEIL .............................. 62

2.1. L’appareil manducateur durant le sommeil.............................................................. 62 2.1.1. Les mouvements mandibulaires durant le sommeil ............................................. 62 2.1.2. Les contacts dentaires durant le sommeil............................................................. 63 2.1.3. L’influence de la position de sommeil ................................................................. 64

2.1.3.a. Position de sommeil et ARMM..................................................................... 64 2.1.3.b. Position de sommeil et contacts occlusaux ................................................... 65

2.2. Bruxisme et structure du sommeil............................................................................ 67 2.2.1. Macrostructure du sommeil.................................................................................. 67 2.2.2. Bruxisme et stades du sommeil ............................................................................ 67 2.2.3. Bruxisme et activité électro-corticale................................................................... 67 2.2.4. Bruxisme et phénomènes de micro-éveils............................................................ 68

2.3. Les manifestations accompagnant le bruxisme du sommeil .................................... 69 2.3.1. Bruxisme et activité sympathique ........................................................................ 69 2.3.2. Autres manifestations........................................................................................... 70

2.3.2.a. Manifestations d’ordre pathologique............................................................. 70 2.3.2.b. Manifestations physiologiques...................................................................... 71

2.4. Conclusion................................................................................................................ 72

3. DISCUSSION SUR LE ROLE DES AMINES BIOGENES DANS L’ETIOLOGIE DU BRUXISME DU SOMMEIL ............................................................................... 73

3.1. Le rôle des amines biogènes dans les mécanismes d’apparition du bruxisme : rappel des hypothèses........................................................................................................... 73

3.1.1. La dopamine......................................................................................................... 73 3.1.2. Les autres catécholamines.................................................................................... 73 3.1.3. La sérotonine ........................................................................................................ 74 3.1.4. L’histamine........................................................................................................... 74

3.2. Les effets physiologiques des substances incriminées............................................. 74 3.2.1. La dopamine......................................................................................................... 74 3.2.2. L’adrénaline et la noradrénaline........................................................................... 75 3.2.3. La sérotonine ........................................................................................................ 76 3.2.4. L’histamine........................................................................................................... 76

3.3. Synthèse ................................................................................................................... 76

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54

CHAPITRE 2

BRUXISME ET SOMMEIL

1. LE SOMMEIL PHYSIOLOGIQUE CHEZ L’HOMME

1.1. Généralités

Le sommeil est un besoin physiologique et fondamental qui occupe le tiers de l’existence

de l’être humain. C’est une fonction indispensable à la vie tant au plan physique que

psychique.

La durée moyenne de sommeil chez l’adulte est de 7 à 8 heures mais cette durée est

variable selon les individus et génétiquement déterminée. Elle peut varier physiologiquement

de 3 à 12 heures selon les individus [82].

Le sommeil n’est pas homogène. Il est constitué de 4 à 5 cycles selon la durée du

sommeil, alternant deux phases très distinctes : le sommeil lent (léger ou profond) et le

sommeil paradoxal. Ces deux états présentent également des variations internes multiples [4].

Les deux ou trois premiers cycles comportent du sommeil lent profond alors que les

derniers cycles présentent des épisodes de sommeil paradoxal de plus longue durée [4] (cf.

figure 7).

Entre 4 et 12 ans, l’enfant présente une grande quantité de sommeil lent profond. A partir

de 30 ans, le sommeil lent profond diminue et les éveils nocturnes se font plus nombreux à

partir de 50-60 ans. Au-delà, des épisodes de sommeil se manifestent durant la journée,

comme chez le nourrisson [4].

Le diagramme suivant représente une nuit de sommeil chez l’adulte jeune et montre son

caractère cyclique mais aussi sa grande variabilité interne.

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55

micro-éveils Veille

Sommeil Paradoxal

Stade 1

Stade 2

Stade 3

Stade 4

1 2 3 4 5 6 7 8

Nombre d’heures de sommeil

Figure 7 : Diagramme représentant l’alternance veille/sommeil et sommeil

lent/sommeil paradoxal au cours d’une nuit de sommeil, chez l’adulte jeune [4].

1.2. Le cycle veille-sommeil-rêve

Après une période d’éveil, des signes précurseurs du sommeil (bâillements, clignements

des paupières, inattention à l’environnement) vont amener le sujet à se coucher et à prendre

une posture permettant un relâchement musculaire optimal.

Cette position, qui dépend de la température ambiante, va permettre l’endormissement

puis le sommeil lent, caractérisés par la fermeture des paupières, l’immobilité et le

ralentissement progressif des fonctions végétatives (respiration, fréquence cardiaque,

température, tonus musculaire). Ce sommeil lent, encore appelé sommeil synchronisé,

présente 4 stades de profondeur différente et dure 60 à 75 minutes.

Puis, apparaît le sommeil paradoxal au cours duquel survient le rêve. Ce sommeil a une

durée moyenne de 15 à 20 minutes.

Ainsi, chaque cycle dure environ 90 minutes et on note la présence de brefs éveils à la fin

des cycles (cf. figure 7) dont le sujet n’a, la plupart du temps, aucun souvenir [82].

S O M M E I L L E N T

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56

1.3. Etude des différents stades du cycle veille-sommeil-rêve

L’étude approfondie des différents stades du cycle veille-sommeil est réalisée grâce à la

polysomnographie : c’est une technique qui associe l’enregistrement de l’activité

électroencéphalographique (EEG) engendrée par des générateurs cérébraux, de l’activité

électrique dépendant des mouvements des globes oculaires (EOG) et de l’activité électrique

des muscles du menton (EMG) [4] . Cette technique sera abordée plus en détail dans le chapitre

suivant.

1.3.1. La veille [4]

La veille active correspond à une activité EEG rapide et de bas voltage et à des

mouvements des yeux et des paupières.

La veille calme, au repos, les yeux clos, est caractérisée par une activité EEG de 8 à 12

cycles par seconde (ondes alpha) et une absence de mouvements oculaires.

1.3.2. Le sommeil lent [4]

Le sommeil lent comprend quatre stades de profondeur croissante :

- Le stade 1, ou stade d’endormissement, présente une activité EEG de fréquence mixte

(ondes thêta prédominantes) et des mouvements oculaires lents au début.

- Le stade 2 est caractérisé par un EEG également de fréquence mixte au sein duquel on

retrouve des fuseaux rapides ou spindles et des complexes K. On note également la

présence d’ondes lentes ou ondes delta (0,5-2 Hz) pendant moins de 20% du temps.

- Les stades 3 et 4 constituent le sommeil lent profond, avec des ondes lentes (ou delta)

à haut voltage (amplitude supérieure à 75 microvolts) présentes entre 20 et 50% du

temps au stade 3, et à plus de 50% au stade 4.

Pendant tous ces stades, le tonus musculaire demeure présent, même si son amplitude tend

à diminuer dans les stades les plus profonds. L’EOG ne montre aucun mouvement oculaire, si

ce n’est en tout début de stade 1 : on parle de phase non-REM (non rapid eye movement) du

sommeil.

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57

Le sommeil lent représente 75 à 80% de la durée totale du sommeil, dont 5% pour le stade

1, 50 à 60% pour le stade 2 et 15 à 20% pour les stades 3 et 4. La proportion de ces stades

varie en fonction de plusieurs facteurs : âge, sexe, génétique, altitude, latitude.

1.3.3. Le sommeil paradoxal

Le sommeil paradoxal est ainsi appelé car il associe des signes du sommeil profond et des

signes de l’éveil [82].

L’activité EEG est de fréquence mixte et présente aussi des ondes dites en dents de scie,

de part leur morphologie triangulaire, et des ondes alpha.

Des mouvements oculaires apparaissent, isolées ou en bouffées, sous les paupières closes.

On parle de stade REM (rapid eye movement) du sommeil qui représente 18 à 23% de la

durée totale du sommeil.

Le tonus musculaires est aboli, à l’exception de brèves décharges musculaires ou twitches

affectant les muscles du visage et les extrémités [4].

Contrairement au sommeil lent, le sommeil paradoxal ne se divise pas en stades mais on

distingue nettement deux types d’activité [4, 82] :

- certains signes sont durables, continus, « toniques » durant toute la durée du sommeil

paradoxal, comme l’EEG ou l’atonie musculaire,

- d’autres signes sont intermittents, « phasiques », comme le mouvement des yeux, de la

face et des extrémités des membres.

Pour mieux comprendre et objectiver ces données, nous avons présenté, ci-après, des

schémas résumant et illustrant les bases nécessaires à une lecture correcte d’un tracé

polysomnographique.

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58

ETAT

EEG

EOG

EMG

Veille active

Activité rapide

Mouvements

oculaires rapides

Tonus musculaire

présent

Veille calme

Ondes α (8−12 Hz)

_

Tonus musculaire

présent

Sommeil Lent

Stade 1

Stade 2

Stade 3

Stade 4

Ondes θ (2-7 Hz)

ondes θ + spindles et complexes K

20 à 50% d’ondes Δ

(0,5-2 Hz) > 50% d’ondes Δ

Mouvements

oculaires lents

_ _ _

Tonus musculaire présent

Tonus musculaire

Présent

Tonus musculaire présent

Tonus musculaire présent

Sommeil

Paradoxal

Ondes θ, en dents de

scie et α

Mouvements

oculaires rapides

Tonus musculaire aboli et twitches

musculaires

Tableau 6 : Tableau récapitulatif des différents éléments polysomnographiques recueillis au

cours des états de veille et de sommeil – BILLIARD [4].

Les figures suivantes (fig. 8 et 9) montrent bien le ralentissement de l’activité EEG du

stade 1 au stade 4, avec un tracé de plus en plus lent et de plus en plus ample.

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59

Figure 8 : Diagramme rappelant les différentes ondes d’activité

électro-corticale – CUGY ∗

Figure 9 : Activité électroencéphalographique (EEG) et états de vigilance – CUGY *

∗ Macrostructure du sommeil : identification des différents stade du sommeil. – D. CUGY – Réseau girondin de prise en charge des pathologies du sommeil et de la vigilance. – présentation téléchargeable sur http://9ia.homeip.net/pub/HYPNOGRAMME.PPT

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60

Ondes alpha α

Ondes thêta θ

Spindles

Complexe K Ondes delta Δ

Figure 10 : Schéma résumant les enregistrements somnographiques des différents stades du

sommeil – CUGY ∗

1.4. Modèle de régulation du cycle

On peut résumer la régulation du cycle veille-sommeil (rythme circadien) par un schéma

simplifié proposé par VALATX, directeur de recherche à l’INSERM [82]. Ce schéma comprend :

- le réseau du sommeil lent, situé dans le cerveau antérieur,

- le réseau du sommeil paradoxal constitué de plusieurs groupes de neurones

particuliers, propres à chacun des composants du sommeil paradoxal,

- le système d’éveil,

- le système anti-éveil,

- et l’horloge biologique.

∗ Macrostructure du sommeil : Identification des différents stade du sommeil. – D. CUGY – Réseau girondin de prise en charge des pathologies du sommeil et de la vigilance. – Présentation téléchargeable sur http://9ia.homeip.net/pub/HYPNOGRAMME.PPT

Eveil Sommeil Paradoxal Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4

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61

Figure 11 : Schéma de la régulation du cycle veille-sommeil-rêve – VALATX [82].

Les pacemakers du sommeil lent et du sommeil paradoxal sont sous le contrôle inhibiteur

de l’éveil, lui-même entretenu par les stimulations de l’environnement et du milieu interne

(A). L’endormissement est le résultat du blocage de l’éveil à un moment donné du

nycthémère (C) par un système anti-éveil (B) situé dans l’hypothalamus et mis en route par

une des composantes de l’éveil, la sérotonine.

Dans le réseau de l’éveil, l’information circule entre les neurones grâce aux

neurotransmetteurs comme l’acétylcholine (Ach), l’adrénaline, la noradrénaline (NA),

l’histamine (HA) et la sérotonine (5-HT). Ces neurones de l’éveil vont diminuer ou arrêter

leur activité pendant le sommeil [4, 82]. Les systèmes GABA-ergique et glycinergique prennent

alors le relais ; ce sont des systèmes inhibiteurs qui sont responsables, entre autres choses, de

l’atonie musculaire durant le sommeil [4].

Endormissement Anti-éveil

SL SP

GABA GLU

SL

GLU Ach Gly

SP

Lumière

C

B

GLU GABA Ach

HA EVEIL 5-HT NA

Environnement (Lumière, bruit, température)

Stimulations internes - douloureuses - végétatives - affectives - cognitives

A

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62

Par ailleurs, l’alternance sommeil lent-sommeil paradoxal (rythme ultradien) semble

avoir un support métabolique. En effet, au cours du sommeil paradoxal, le cerveau consomme

autant de glucose et d’oxygène que pendant l’éveil, alors que durant le sommeil lent, il y a

économie d’énergie et reconstitution des réserves énergétiques. Ainsi, la survenue et la durée

de la phase REM du sommeil vont être directement dépendantes des réserves énergétiques

disponibles.

2. MANIFESTATION DU BRUXISME AU COURS DU SOMMEIL

2.1. L’appareil manducateur durant le sommeil

2.1.1. Les mouvements mandibulaires durant le sommeil

Il existe deux types d’activité rythmique des muscles masticateurs (ARMM) durant le

sommeil [10] :

- La première se caractérise par des bouffées répétitives des muscles de fermeture et une

activité électromyographique basse.

- La seconde montre une activité large et phasique des muscles élévateurs et diducteurs

résultant de contractions musculaires de grande amplitude, et une activité tonique des

muscles élévateurs résultant de mouvements restreints mais très soutenus.

Le premier type d’activité concerne 56% de la population et ne constitue pas une

manifestation de bruxisme. Par contre, le deuxième type de mouvements concerne 6% de la

population et correspond à la véritable manifestation du bruxisme : on a une fréquence élevée

des épisodes d’activité musculaire tonique et phasique [10].

L’activité rythmique des muscles masticateurs se retrouve donc chez plus de 60% de la

population. Cependant, elle est trois fois plus importante en terme de fréquence chez les

sujets bruxistes (5,4 épisodes par heure contre 1,6 chez les sujets asymptomatiques) et

présente une amplitude plus grande que les sujets non-bruxistes [2, 31].

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63

Pour LAVIGNE et al. (2002), cette activité rythmique des muscles masticateurs est huit fois

plus fréquente chez les bruxistes, comme le montre le diagramme suivant [42] :

Sujets bruxistes nocturnes

Sujets non bruxistes

Figure 12 : Fréquence des épisodes d’activité rythmique des muscles masticateurs (ARMM)

au cours des différents stades du sommeil lent – LAVIGNE et al. (2002) [42].

Ainsi, pour LAVIGNE, le bruxisme est un évènement « extrême » d’un phénomène banal

car plus de 60% des sujets normaux, sans histoire de bruxisme, ont démontré des contractions

des muscles masticateurs lors du sommeil [41].

2.1.2. Les contacts dentaires durant le sommeil

La déglutition est la seule fonction orale encore présente physiologiquement durant le

sommeil. Cependant, sa fréquence est diminuée au cours du sommeil, comme le souligne

KATO et al. (2001). En effet, l’homme adulte déglutit environ 60 fois par heure durant la

journée contre 5,8 fois au cours du sommeil [31].

En 1965, POWELL et ZANDER ont montré que, durant une nuit de sommeil, de nombreux

contacts dento-dentaires s’établissent, en étroite relation avec des épisodes de déglutition (cf.

figure 13) [66].

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64

Figure 13 : Association entre les contacts dentaires nocturnes et les épisodes de

déglutition – POWELL et ZANDER [66].

Ainsi, les contacts dentaires involontaires observés au cours de la nuit restent des

évènements tout à fait normaux lorsqu’ils sont associés à la déglutition réflexe rencontrée

au cours du sommeil. Cependant, la durée et l’intensité de ces contacts varient entre les

sujets asymptomatiques et les sujets bruxistes, ce qui fait de ces contacts des évènements

pathologiques chez ces derniers.

Selon KYDD et DALY (1985), la durée des contacts dentaires au cours du sommeil est

supérieure de 15 à 45 minutes chez les sujets bruxistes. Ceux-ci présentent une durée

moyenne de 11,4 minutes de contacts dentaires contre 3,1 minutes chez les sujets non

bruxistes. C’est une différence nette et statistiquement significative [34].

En 2001, NISHIGAWA et al. étudient les forces occlusales associées au bruxisme. Ils

enregistrent une durée moyenne de contacts occlusaux de 7,1 secondes par épisode avec une

force moyenne de 22,5 kgf. L’amplitude maximale consignée est de 81,2 kgf et la plus grande

durée de contacts dentaires par épisode est de 41,6 secondes. Ils concluent en notant que

l’intensité de la force occlusale exercée au cours d’un épisode de bruxisme du sommeil peut

parfois excéder l’intensité maximale de serrage obtenue volontairement durant la journée [61].

2.1.3. L’influence de la position de sommeil

2.1.3.a. Position de sommeil et ARMM

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65

En 2003, MIYAWAKI et al. étudient l’influence de la position de sommeil sur le bruxisme

et les réflexes de déglutition. Ils constatent que les sujets bruxistes passent 95,5% de leur

temps de sommeil dans la position couchée sur le dos ou en décubitus latéral. De plus, chez

ces sujets, 74% des épisodes d’ARMM et de déglutition ont lieu lorsque les sujets sont

allongés sur le dos (contre 23% en position latérale) [57].

Dans une seconde étude réalisée en 2004, MIYAWAKI et al. montrent que 88,1% des

épisodes de ARMM ont lieu en position de sommeil sur le dos [56].

Ainsi, dormir sur le dos favoriserait l’activité rythmique des muscles masticateurs.

2.1.3.b. Position de sommeil et contacts occlusaux

Selon la position adoptée au cours du sommeil, la mandibule va se placer différemment et

les contacts dentaires qui s’établissent au cours du sommeil vont se faire sur des sites

différents. Dans les positions latérale et ventrale, la mandibule va subir une pression externe

qui va l’excentrer de sa position de repos. Par contre, en dormant sur le dos, le sujet aura une

position centrée de sa mandibule, bien que celle-ci se trouve en légère rétroposition : les

contacts dentaires vont s’établir de façon répartie sur l’ensemble des arcades.

COLQUITT (1987) observe un échantillon de patients bruxistes sur une durée de 2 mois et

constate que ces sujets adoptent préférentiellement les positions les plus contraignantes pour

la mandibule, soit, par ordre décroissant de fréquence [16] :

- La position de côté alternée : c’est la position la plus adoptée par le patient bruxiste ;

le changement incessant de côtés montre l’inconfort lié à cette posture.

- La position de côté unilatérale.

- La position sur le ventre : c’est la position la moins fréquente mais elle représente

probablement celle qui engendre le plus de dommages dentaires.

Selon ces positions, les contacts dentaires vont varier et l’usure dentaire provoquée par le

bruxisme sera fonction de ces contacts [16] :

- Dans la position de côté alternée, l’usure dentaire sera bilatérale mais asymétrique si

un côté est plus adopté que l’autre.

- Dans la position de coté unilatérale, l’usure sera controlatérale : ainsi, le dormeur du

coté gauche aura une usure dentaire du coté droit.

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66

- Enfin, dans la position ventrale, l’usure sera bilatérale avec une réelle symétrie au

niveau du secteur antérieur.

a b

Figure 14 : Observations du sujet adoptant une position latérale du coté gauche

– COLQUITT [16]. a) La main du sujet et l’oreiller exercent une pression externe vers la droite sur la mandibule (comme le

montre le marquage cutané).

b) On constate une usure des canines du coté droit, avec des contacts non travaillants sur les molaires de

gauche.

De même, on notera que l’étude clinique de l’usure dentaire permettra au praticien d’avoir

une idée de la position de sommeil favorite du patient (cf. chapitre 3). Sur ces constats,

COLQUITT établit deux positions thérapeutiques à adopter au cours du sommeil afin d’éviter

au maximum de forcer la mandibule dans une position excentrée [16]. Ces positions seront

développées dans le chapitre suivant (cf. paragraphe 2.1.2).

Ainsi, selon ces premiers éléments, le bruxisme du sommeil relèverait d’une activité

rythmique des muscles masséters (ARMM) associée à des contacts dentaires, étroitement liés

au réflexe de déglutition qui persiste au cours du sommeil. Cette activité, présente chez 60%

de la population, serait exacerbée chez les sujets bruxistes, présentant une ARMM plus

soutenue et des contacts dentaires plus importants en durée et en intensité. La position de

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67

sommeil serait, à priori, un facteur intervenant sur la fréquence de ces activités, mais

également sur l’usure dentaire qui en résulte.

2.2. Bruxisme et structure du sommeil

2.2.1. Macrostructure du sommeil

L’organisation du sommeil chez le sujet bruxiste apparaît généralement normale en terme

de durée, de répartition des différents stades et d’efficacité [40].

Les sujets jeunes souffrant de bruxisme nocturne, présentent une macrostructure normale

du sommeil et ne se plaignent pas de troubles du sommeil. En revanche, on note une

diminution de la qualité du sommeil chez les patients âgés ou ceux qui souffrent d’apnée du

sommeil, par exemple [30, 31].

2.2.2. Bruxisme et stades du sommeil

De nombreux travaux ont montré que le bruxisme peut apparaître pendant toutes les

phases du sommeil, mais de façon prédominante dans le stade 2, soit au cours du sommeil

lent léger (REDING et al. 1968 [70] ; WIESELMANN et al. 1986 [89]).

LAVIGNE et al. (2003) citent deux études récentes qui montrent que 60 à 80% des épisodes

de bruxisme se manifestent au cours du sommeil non-REM léger (stades 1 et 2) [40].

2.2.3. Bruxisme et activité électro-corticale

Au cours des études, les auteurs ont pu remarquer que des changements d’ondes

cérébrales apparaissaient avant un épisode de bruxisme, témoignant d’une activité corticale

accrue. Ils ont ainsi observé que :

- Une augmentation des ondes rapides (alpha et bêta) précède le stade 2 (TANI et al.

1966) et l’ARMM [80].

- Un complexe K précède souvent le bruxisme du sommeil pendant deux secondes

(REDING et al. 1968 [70] ; SATOH et HARADA 1973 [77]).

- Des trains de rythmes alpha sont présents après les épisodes de bruxisme nocturne et,

occasionnellement, pendant le bruxisme (REDING et al. 1968) [70].

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68

Par ailleurs, CLARKE et TOWNSEND (1984) ont étudié la distribution des épisodes de

bruxisme chez une dizaine de patients présentant cette parasomnie. Ils notent que cette

répartition pourrait correspondre au rythme ultradien du sommeil, avec une récurrence de 90 à

100 minutes en moyenne [13]. La nature cyclique des épisodes de bruxisme au cours du

sommeil est cohérente et vient confirmer l’étiologie d’origine centrale dont nous avons parlé

dans le premier chapitre.

2.2.4. Bruxisme et phénomènes de micro-éveils

Ainsi que nous l’avons signalé dans l’étude de la physiologie du sommeil, il existe des

phénomènes de micro-éveils spontanés qui ont lieu en fin de cycle et qui sont tout à fait

normaux, tant que le sujet n’en garde aucun souvenir.

Les micro-éveils sont caractérisés par une activité électro-corticale accrue transitoirement,

accompagnée parfois d’une augmentation du rythme cardiaque et du tonus musculaire [40]. Or,

ces modifications de l’EEG, de l’ECG et de l’EMG sont retrouvées avant chaque épisode de

bruxisme comme nous l’avons signalé précédemment, et comme nous le verrons dans le

paragraphe suivant. Ainsi, le bruxisme serait déclenché durant la transition du sommeil vers

une phase d’éveil et apparaîtrait comme une réaction d’éveil.

KATO et al. (2003a) notent que la fréquence de l’ARMM est plus élevée chez les sujets

bruxistes et qu’elle se manifeste après des micro-éveils spontanés transitoires. Ils

entreprennent alors une expérience qui consiste à provoquer des micro-éveils chez des sujets

bruxistes et non-bruxistes. Ils observent une activité des muscles masséters chez tous les

patients bruxistes après un micro-éveil provoqué, contre un seul sujet du groupe témoin. De

plus, parmi les mouvements enregistrés, 71% était accompagné de grincements de dents.

Ainsi, ces auteurs émettent l’hypothèse que le bruxisme du sommeil serait une activité

orofaciale exagérée associée aux micro-éveils nocturnes [29].

Considérant que le bruxisme du sommeil est une réaction d’éveil, KATO et al. (2003b) ont

supposé que les stimulations sensorielles périphériques pouvant induire des micro-éveils,

participent également à l’initiation du bruxisme. En effet, la structure du sommeil est

perturbée par ces stimulations sensorielles diverses qui interviennent sur les systèmes nerveux

central et autonome [30]. Nous verrons par la suite que des essais thérapeutiques faisant

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69

intervenir des stimuli sensoriels ont été réalisés pour tenter d’interrompre les phénomènes de

bruxisme au cours du sommeil (cf. chapitre 3 – paragraphe 2.1.2.).

Il est important de noter que les sujets bruxistes présentent un nombre de micro-éveils

durant une nuit de sommeil tout à fait normal, ce qui est en accord avec le fait que la

macrostructure de leur sommeil n’est pas perturbée (LAVIGNE et al. 2002) [42]. On parle, bien

évidemment, des cas de bruxisme pur, c’est-à-dire sans autres manifestations pathologiques

concomitantes. En effet, comme l’a souligné le Docteur MONTEYROL lors de la conférence

organisée par l’ONFOC le 17 novembre 2005∗, lorsqu’un sujet souffre d’un Syndrome

d’Apnée Obstructive du Sommeil concomitant au bruxisme, le nombre de micro-éveils

nocturnes est augmenté car l’épisode d’apnée nécessite un effort thoracique pour contrer

l’obstacle et permettre la ventilation du patient. Cet effort musculaire est possible grâce à un

éveil partiel du sujet. Ainsi, si un patient présente un bruxisme concomitant à un SAOS, la

macrostructure de son sommeil sera perturbée et présentera de nombreux micro-éveils.

2.3. Les manifestations accompagnant le bruxisme du sommeil

2.3.1. Bruxisme et activité sympathique [70]

Après les changements de l’activité corticale décrits plus hauts, les sujets souffrant de

bruxisme du sommeil vont présenter des modifications de l’activité autonome, qui viennent

corroborer le lien entre bruxisme et micro-éveils.

Le système sympathique est activée et cela se traduit par :

- une tachycardie, phénomène transitoire qui précède et accompagne l’épisode de

bruxisme,

- une vasoconstriction du bout des doigts,

- et des changements de potentiels de la paume et de l’avant-bras (normalement

nombreux à l’état d’éveil).

∗ Association ONFOC Aquitaine ; 17/11/2005 ; Bordeaux. – Syndrome d’apnée obstructive du sommeil : rôle du dentiste. – P-J. MONTEYROL.

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70

L’hypnogramme suivant montre précisément ces modifications autonomes et

électrocorticales décrites précédemment. Ce tracé a été réalisé par D. CUGY, médecin

spécialisé dans la pathologie du sommeil et de la vigilance à Bordeaux.

EEG X4 EOG X2

Menton

Jambe

Vasoconstriction

Figure 15 : Tracé polysomnographique montrant un épisode de bruxisme au cours du

sommeil et les changements électrocorticaux et végétatifs qui l’accompagnent

(Source : D. CUGY).

2.3.2. Autres manifestations

2.3.2.a. Manifestations d’ordre pathologique

Le bruxisme du sommeil peut être associé à d’autres manifestations motrices survenant

durant le sommeil, telles que [2] :

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71

- des mouvements du corps,

- des mouvements périodiques de la jambe,

- des mouvements liés à des troubles respiratoires du sommeil comme le ronflement

ou l’apnée obstructive du sommeil.

PHILLIPS et al. (1986) ont d’ailleurs noté que l’apnée du sommeil provoque une

perturbation de la structure du sommeil avec des micro-éveils fréquents. Or, ces phénomènes

nocturnes sont le terrain favori du développement de l’activité parafonctionnelle qu’est le

bruxisme. Ils enregistrent 12,2 épisodes de bruxisme centré par heure chez les patients

souffrant d’apnée du sommeil, contre 7,6 épisodes par heure chez les sujets témoins. Ils

concluent à une corrélation significative entre les épisodes d’apnées du sommeil et le

serrement/grincement des dents [64].

KATO et al. citent une étude épidémiologique, réalisée en 2001 par OHAYON et al., qui

montre que les troubles respiratoires du sommeil (et en particulier le syndrome de l’apnée

obstructive du sommeil) sont plus fréquents chez les sujets bruxistes (3,4 à 4,8%) que chez

ceux qui ne le sont pas (1,4%) [31].

2.3.2.b. Manifestations physiologiques

LAVIGNE et al. (2001) décrivent une augmentation du flux salivaire avant l’apparition

de l’ARMM [43]. THIE et al. (2002) soulèvent l’hypothèse que cette salivation, provoquée par

les mouvements orofaciaux, permettrait la lubrification des structures oro-oesophagiennes,

assurant ainsi leur santé et leur intégrité [81].

Enfin, MIYAWAKI et al. montrent que 60% des ARMM est associée à un mouvement de

déglutition, objectivé par le mouvement du larynx. Ils précisent que ce mouvement est plus

fréquent au cours du sommeil chez les patients bruxistes (6,8 épisodes par heure) que chez les

sujets du groupe témoin (3,7 épisodes par heure) [57].

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72

2.4. Conclusion

Selon KATO et al. (2001), l’apparition du bruxisme au cours du sommeil va suivre trois

étapes (cf. figure 16) [31, 41] :

Tout d’abord, des changements de l’activité électro-corticale vont précéder

l’épisode de bruxisme de 4 secondes.

Puis, une activation du rythme cardiaque apparaît 1 seconde avant le bruxisme.

Enfin, une activité rythmique des muscles masticateurs va engendrer le

bruxisme, et dans 50% des cas, il y a une forte déglutition.

De part les composantes corticales et autonomes qui accompagnent l’épisode de bruxisme,

on associe le bruxisme au phénomène de micro-éveil : le bruxisme du sommeil serait une

réaction d’éveil exagérée, accompagnée par des manifestations physiologiques

(salivation, déglutition) et pathologiques (apnée, mouvement périodique) diverses.

Outre cette activation cortico-végétative, on trouve des facteurs périphériques sensoriels

qui vont intervenir de façon secondaire sur l’initiation du bruxisme du sommeil, en favorisant

l’éveil du sujet.

ECG

Figure 16 : Séquence d’activation cérébrale puis autonome précédant l’apparition de

l’ARMM chez les patients bruxistes – KATO et al. (2001) [31].

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73

3. DISCUSSION SUR LE ROLE DES AMINES BIOGENES DANS

L’ETIOLOGIE DU BRUXISME DU SOMMEIL

Pour mieux comprendre les théories neurophysiologiques avancées dans le premier

chapitre, nous avons pensé qu’il serait intéressant, maintenant que les bases fondamentales du

bruxisme du sommeil ont été posées, de voir quels sont les liens qui existent entre les

neuromédiateurs mis en cause et les phénomènes accompagnant le bruxisme au cours du

sommeil (activité motrice, végétative, électrocorticale, comportementale, etc.).

Pour cela, nous avons dressé une liste des médiateurs incriminés et nous avons détaillé les

effets physiologiques qu’ils induisent au niveau du système nerveux en général.

3.1. Le rôle des amines biogènes dans les mécanismes d’apparition du bruxisme :

rappel des hypothèses

3.1.1. La dopamine

Selon les auteurs, la dopamine modulerait (positivement ou négativement) l’activité

parafonctionnelle qu’est le bruxisme, et ce, en fonction des récepteurs et des voies du

système dopaminergique mis en jeu [10, 49].

3.1.2. Les autres catécholamines

Les études ont montré que le Propanolol, un béta-bloquant adrénergique, peut réduire le

bruxisme du sommeil. De plus, certains auteurs ont suggéré qu’une activité synaptique,

mettant en jeu les catécholamines, existait entre le système dopaminergique et le noyau

moteur du nerf trijumeau (V), apportant ainsi un argument anatomique à cette hypothèse

dopaminergique. Enfin, un taux significatif de catécholamines a été retrouvé dans les urines

de patients souffrant de bruxisme [2, 55].

Ainsi, les catécholamines auraient une action sur le contrôle neurophysiologique et

neuropsychologique des mouvements orofaciaux survenant au cours du sommeil, tel le

bruxisme.

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74

3.1.3. La sérotonine

Selon les études réalisées, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou ISRS

exacerberaient le serrement et le grincement des dents. En effet, l’ISRS provoquerait

l’augmentation de sérotonine extra-pyramidale, inhibant ainsi les voies

dopaminergiques de contrôle des mouvements. L’administration d’un agoniste de la

sérotonine aiderait à la diminution des signes [5].

3.1.4. L’histamine

Nous soulevons ici l’hypothèse selon laquelle l’histamine pourrait jouer un rôle dans les

mécanismes d’apparition du bruxisme du sommeil pour deux raisons :

- Nous avons vu qu’un lien a été établi entre les enfants allergiques et les phénomènes

de bruxisme du sommeil (cf. chapitre 1). Or, le rôle de l’histamine dans les

phénomènes allergiques est bien établi [54].

- Par ailleurs, notre étude du sommeil nous a montré que ce neuromédiateur joue un rôle

dans les états de vigilance et fait partie des neuromédiateurs de l’éveil. Or, le

bruxisme du sommeil est associé à des épisodes de micro-éveils durant la nuit [4, 82].

Pour ces raisons, il semble très probable que le système histaminergique soit également

impliqué, au même titre que les autres amines biogènes citées plus haut.

3.2. Les effets physiologiques des substances incriminées [63, 92, 93]

3.2.1. La dopamine

La dopamine joue un rôle dans la motricité, la schizophrénie, la maladie de Parkinson et

se retrouve aussi dans l'oeil et dans le réseau neuronal à partir du nez. De plus, il s'agit d'un

neurotransmetteur important entre le cerveau et l'hypophyse, une glande qui produit des

hormones importantes pour la croissance, le développement sexuel et d'autres fonctions

corporelles.

En cas d'anxiété, de grandes quantités de dopamine sont produites et entraînent une

fixation sur la source de la crainte et préparent les muscles à une réaction rapide. En ce sens,

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75

la dopamine régule les effets plus sauvages des autres peptides stimulants comme l'adrénaline

et la noradrénaline, en combinant vivacité et concentration.

La vitamine B6 et le magnésium sont essentiels à la production de la dopamine, ce qui

expliquerait qu’un déficit en magnésium puisse être un facteur étiologique du bruxisme. De

même, fumer augmenterait les concentrations de dopamine, déséquilibrant le système

dopaminergique et facilitant l’apparition du bruxisme.

Concernant les états de vigilance, on admet d’une façon générale que la dopamine accroît

la vigilance mais son rôle dans le sommeil est moins clair. Par ailleurs, il semble exister une

atteinte du système dopaminergique au niveau du système nerveux central dans le syndrome

des mouvements périodiques du sommeil.

3.2.2. L’adrénaline et la noradrénaline

L'adrénaline est à la fois une hormone médullosurrénale et un neurotransmetteur au niveau

du système nerveux central.

Elle fait partie du réflexe lutte/fuite. Elle accélère la vitesse de la respiration, dilate les

pupilles et accroît le rythme cardiaque.

Issu du tronc cérébral, le système adrénergique appartient aux circuits régulant le tonus

sympathique et la température centrale inter-régulés avec les états de vigilance.

La noradrénaline est également un neuromédiateur central et périphérique et une hormone

sécrétée par la glande surrénale, surtout dans les situations de stress.

Elle exerce un effet de grande excitation et, en comparaison avec l'adrénaline, elle entraîne

plutôt de l'agressivité que de l'anxiété.

Des drogues comme l'amphétamine et la cocaïne accroissent la quantité de noradrénaline, la

première par la stimulation de sa production, la deuxième par l'inhibition du catabolisme.

Elles provoquent ainsi un état de vivacité, d'hyperactivité. Or, nous avons vu, dans le

premier chapitre que de telles substances (amphétamine et cocaïne) ont provoqué des

phénomènes de bruxisme chez les sujets étudiés.

Une concentration trop élevée en noradrénaline est aussi retrouvée dans la tachycardie.

Enfin, la noradrénaline intervient en synergie avec la dopamine et l’acétylcholine pour

déterminer l’éveil, et s’oppose à l’action sédative d’autres neurotransmetteurs (GABA, 5-HT).

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76

3.2.3. La sérotonine

La sérotonine influence de très nombreuses régions du corps et de l'esprit. On notera tout

particulièrement ses effets comportementaux. Ainsi, via les amygdales, la sérotonine

influence nos émotions de façon importante.

Par ailleurs, la sérotonine fait partie des neuromédiateurs de l’éveil jouant également un

rôle non négligeable dans l’endormissement. Une augmentation de la quantité de sérotonine

est impliquée dans les troubles du sommeil.

3.2.4. L’histamine

L'histamine est un médiateur chimique fabriqué par des cellules appartenant à une variété

de globules blancs, les polynucléaires basophiles et les mastocytes. Il est stocké dans des

granulations de ces cellules, puis libéré dans certaines circonstances, en particulier en cas de

réactions d’hypersensibilité.

L'histamine a de nombreuses propriétés : relâchement des petites artères, contraction des

muscles de l'intestin et des bronches, sécrétion d'acide chlorhydrique dans le suc gastrique,

accélération du coeur, relâchement des contractions de l'utérus et joue un rôle important

dans les mécanismes de l'inflammation, de l'anaphylaxie et dans les réactions d'intolérance

alimentaire et d'allergie. Elle est responsable des manifestations allergiques : vasodilatations,

oedèmes, bronchoconstriction, etc.…

Enfin, on a vu que l’histamine est un des neuromédiateurs qui participent au système de

l’éveil [4, 82]. Les neurones qui la synthétisent sont actifs durant l’éveil, et la pharmacologie de

l’histamine soutient son rôle important dans l’éveil et permet d’expliquer la somnolence

induite par les antihistaminiques [63].

3.3. Synthèse

Nous avons vu précédemment que les amines biogènes (catécholamines et histamine)

agissent, de façon physiologique, sur la motricité (la dopamine en particulier), les émotions

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77

(anxiété, agressivité, réflexe lutte/fuite), le système sympathique (accélération du rythme

cardiaque, de la respiration…) et les mécanismes d’éveil.

Or, nous avons vu que le bruxisme du sommeil était un phénomène moteur stéréotypé,

survenant lors de phénomènes de micro-éveils nocturnes, accompagné de manifestations

végétatives telles que la tachycardie, et dont l’étiologie multifactorielle à la fois périphérique

et centrale semble être largement soumise à des facteurs psychogènes non négligeables.

Ainsi, on constate que tous les neuromédiateurs incriminés au cours des différentes

études dans la genèse du bruxisme sont effectivement liés à des manifestations générant ou

accompagnant la parafonction. Il paraît difficile de conclure sur une implication

neurochimique unique et simple mais il est évident que toutes ces substances ont un rôle à

jouer dans la physiopathologie du bruxisme du sommeil.

LAVIGNE et al. (2003) proposent un tableau qui résume et compare les effets des amines

biogènes cités ci-dessus dans la genèse de la mastication et le contrôle moteur pendant le

sommeil [40].

Dans ce tableau, nous voyons bien les effets parallèles de ces neuromédiateurs qui vont,

d’une part, faciliter les mouvements masticateurs, et d’autre part, promouvoir les phénomènes

d’éveil et de micro-éveil au cours du sommeil.

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Mastication Sommeil

Dopamine

Favorise le mouvement

rythmique des muscles

masticateurs.

- Favorise l’état d’alerte et

l’éveil.

- Facteur majeur dans la

physiopathologie des

mouvements périodiques du

sommeil.

Adrénaline ou

Noradrénaline

Facilite l’activité rythmique des

muscles masticateurs induit par

le système activateur

(glutamate).

Favorise les états d’alerte et

d’éveil.

Sérotonine

Facilite l’activité rythmique des

muscles masticateurs.

Favorise l’endormissement et

diminue son activité au cours du

sommeil non-REM et REM.

Histamine

Facilite l’activité rythmique des

muscles masticateurs.

Favorise les états d’alerte et

d’éveil.

Tableau 7 : Rôle des amines biogènes dans la genèse de la mastication ainsi que

dans le contrôle moteur et le contrôle de la vigilance au cours du sommeil

– LAVIGNE et al. (2003) [40].

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Dans ce second chapitre, nous avons vu que, durant le sommeil, le bruxisme apparaît dans

des conditions particulières faisant appel aux neuromédiateurs classiques impliqués dans

la genèse de la mastication, du sommeil et dans le contrôle émotionnel et végétatif. De plus, il

engendre des modifications corticale et autonome non négligeables. Ainsi, le bruxisme est

une réponse excessive du cerveau et du cœur associée à un éveil bref et inconscient du

cerveau lors du sommeil.

Le plus souvent, le patient n’a pas conscience de sa parasomnie et seul le bruit produit par

le grincement des dents peut venir perturber le sommeil de son conjoint. Il est probable que

ces activités involontaires permettent de rétablir une lubrification des voies oro-

oesophagiennes car elles s’accompagnent souvent d’une forte déglutition.

Cependant, il arrive que cette parasomnie soit associée à des manifestations

pathologiques telles que le ronflements ou l’apnée du sommeil… Dans ce cas, le bruxisme

apparaît comme un symptôme pouvant parfois révéler un problème sous-jacent plus

important. C’est pourquoi, une prise en charge complète et multidisciplinaire du patient qui

présente des signes de bruxisme est nécessaire. Cette prise en charge doit être rigoureuse et

ne rien laisser au hasard : c’est ce qui sera développé dans le troisième chapitre.

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CHAPITRE 3

LA PRISE EN CHARGE DU BRUXISME DU SOMMEIL

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81

CHAPITRE 3 : ............................LA PRISE EN CHARGE DU BRUXISME DU SOMMEIL

1. RECONNAITRE LA PARAFONCTION................................................................ 82

1.1. L’anamnèse .............................................................................................................. 82 1.1.1. Le motif de consultation....................................................................................... 82 1.1.2. La recherche des facteurs de risque...................................................................... 83

1.1.2.a. Les données socio-professionnelles ............................................................. 83 1.1.2.b. Les données médicales ................................................................................. 84

1.1.3. Les signes subjectifs............................................................................................. 84 1.1.3.a. Les bruits occlusaux ..................................................................................... 84 1.1.3.b. La gêne, la fatigue et la raideur musculaire ................................................. 84 1.1.3.c. Les douleurs.................................................................................................. 85 1.1.3.d. Les autres signes subjectifs .......................................................................... 86

1.2. L’observation clinique.............................................................................................. 87 1.3. Le diagnostic clinique .............................................................................................. 88

1.3.1. L’usure dentaire.................................................................................................... 88 1.3.1.a. Quelques généralités..................................................................................... 88 1.3.1.b. L'usure dentaire liée au bruxisme................................................................. 89 1.3.1.c. Le dignostic différentiel de l'usure dentaire ................................................. 91 1.3.1.d. Quantifier l'usure dentaire ............................................................................ 92 1.3.2. Les autres atteintes dentaires................................................................................ 93 1.3.3. Les atteintes parodontales .................................................................................... 94 1.3.4. La dimension verticale d’occlusion (DVO) ......................................................... 95 1.3.5. Les tissus mous environnants............................................................................... 96 1.3.6. Les atteintes musculaires...................................................................................... 96 1.3.7. Les atteintes articulaires ....................................................................................... 97 1.3.8. Les problèmes posturaux...................................................................................... 98

1.4. Le diagnostic paraclinique ....................................................................................... 99 1.4.1. L’enregistrement électromyographique en ambulatoire ...................................... 99 1.4.2. L’enregistrement polysomnographique.............................................................. 100

2. STRATEGIE THERAPEUTIQUE ...................................................................... 102 2.1. L'approche psychologique et comportementale 102

2.1.1. La prise en charge du stress 102 2.1.1. Les thérapies cognitivo-comportementales 103

2.2. L'apport de la physiothérapie 105 2.3. L'approche pharmacologique 106

2.3.1. Les traitements médicamenteux 106 2.3.2. L'utilisation de la toxine botulique 107

2.4. L'approche odontologique 109 2.4.1. Le traitement orthopédique 109

2.4.1.a. Aspects préventifs et thérapeutiques 109 2.4.1.b. Choix du type d'orthèse occlusale 111 2.4.1.c. Le NTI-tss 112

2.4.2. La thérapeutique restauratrice 113 2.4.2.a. Les techniques adhésives 114 2.4.2.b. Bruxisme et prothèse conjointe 114 2.4.2.c. Les autres traitements en odontologie 116

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82

CHAPITRE 3

LA PRISE EN CHARGE DU BRUXISME DU SOMMEIL

1. RECONNAITRE LA PARAFONCTION

Fidèle à la complexité du concept, le diagnostic du bruxisme du sommeil n’est pas facile

et demande la réunion d’un faisceau d’indices relevés tout au long de la consultation. C’est un

ensemble d’observations et de signes cliniques qui vont amener le chirurgien-dentiste à poser

le diagnostic du bruxisme.

Cependant, le diagnostic certain et définitif du bruxisme du sommeil ne sera possible qu’à

partir d’investigations paracliniques basées sur les critères objectifs de l’enregistrement

polysomnographique.

1.1. L’anamnèse

L’anamnèse est surtout un dialogue entre le praticien et le patient, qui va permettre de

cibler le motif de la consultation, de récolter les informations générales et le ressenti du

patient en regard de son état, afin de cerner le problème dans sa globalité.

Rappelons que le bruxisme est une entité complexe et multifactorielle ; l’anamnèse

constitue une première approche de la parafonction, à la recherche des différents facteurs

favorisants et, éventuellement, des signes subjectifs qui en découlent.

1.1.1. Le motif de consultation

Un patient souffrant de bruxisme du sommeil peut se présenter en consultation dentaire

pour différentes raisons :

- l’usure dentaire précoce ou avancée est un des motifs de consultation le plus souvent

avancée ;

- les douleurs musculaires, voire articulaires, sont également retrouvées ;

- la gêne du compagnon de lit, à cause des bruits occlusaux engendrés par les

grincements de dents, peut aussi conduire un sujet à consulter ;

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- le patient peut également nous être adressé par un médecin spécialiste du sommeil

dont les examens ont révélé, en outre, l’existence de cette parafonction.

Dans d’autres cas, il peut s’agir d’un patient « lambda » qui consulte pour une toute autre

raison et chez qui nous retrouvons des signes probants de bruxisme.

Toutes les situations sont donc à prendre en considération et il est important de savoir

reconnaître un patient à risque, quelle que soit la raison de sa venue au cabinet dentaire, avant

de commencer tout travail de réhabilitation prothétique, et ce, afin de pouvoir anticiper tous

les enjeux et éviter les échecs de nos traitements [33].

1.1.2. La recherche des facteurs de risque

Bien que l’entretien clinique se déroule sous la forme d’un dialogue, il est toujours

intéressant de faire remplir au patient un questionnaire concernant son statut socio-

professionnel ainsi que ses antécédents médicaux.

DUPAS (2005) préconise, d’une manière générale, de faire remplir le questionnaire au

patient avant la consultation pour pouvoir, ensuite, passer en revue les différentes réponses

avec lui, au cours de l’entretien clinique. Le dialogue s’instaure, de cette façon, plus

facilement. De plus, la psychologie du patient se reflète souvent dans ses réponses [18].

1.1.2.a. Les données socio-professionnelles

Outre l’identité du patient, il est important de noter son âge, sa situation familiale ainsi

que sa profession. En effet, quelques situations peuvent être particulières et révélatrices d’un

certain stress. Par exemple, on peut se retrouver face à une patiente de 30 à 40 ans, veuve avec

deux enfants en bas âge et comprendre plus facilement où se situe son stress et son anxiété.

Ainsi, ces questions simples peuvent mettre en avant des situations conflictuelles plus ou

moins difficiles à gérer et pouvant favoriser l’apparition et le développement d’un

comportement parafonctionnel comme le bruxisme. Il ne s’agit évidemment pas de

catégoriser le patient, mais de savoir reconnaître les situations à risque.

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1.1.2.b. Les données médicales

Le questionnaire médical va permettre au praticien de rechercher toutes les causes

pouvant être incriminées dans l’apparition d’un bruxisme secondaire.

En ce qui concerne les maladies neurologiques (épilepsie, maladie de Parkinson, etc.), les

patients connaissent généralement leur état et le signalent au praticien. Il reste cependant des

situations où les malades peuvent ignorer l’existence d’une éventuelle pathologie et notre

vigilance est alors indispensable pour éviter de passer à côté d’un problème de santé générale

plus important.

Dans un second temps, il s’agira de passer en revue tous les traitements médicamenteux

ou prises de substances susceptibles de favoriser la parafonction (amphétamines,

neuroleptiques, etc.).

Enfin, il ne faut pas oublier de relever tous les comportements nocifs tels que la

consommation de tabac ou d’alcool qui favorisent le bruxisme du sommeil.

1.1.3. Les signes subjectifs

1.1.3.a. Les bruits occlusaux

Dans le bruxisme du sommeil, la présence de ce signe est capitale pour l’établissement du

diagnostic. Les bruits occlusaux sont liés aux grincements de dents, et le plus souvent, le

patient n’en a pas conscience. C’est donc généralement une tierce personne qui lui en fait la

remarque (conjoint, ami, parent) [31, 58, 87].

KATO et al. (2001) notent cependant que ces bruits rapportés doivent être distingués, de

façon objective, des autres bruits oraux survenant au cours du sommeil et pouvant représenter

40% des activités oro-faciales nocturnes (ronflement, toux, paroles…) [31]. Cette distinction

n’est possible que par des enregistrements audio-visuels coordonnés à la polysomnographie.

1.1.3.b. La gêne, la fatigue et la raideur musculaire

Parmi les critères subjectifs rapportés par les patients bruxistes, on retrouve l’inconfort

musculaire ainsi que la fatigue et la raideur des muscles, le matin au réveil [31, 45, 58]. Les

muscles masticateurs sont en hyperactivité et finissent, à la longue, par se spasmer, conduisant

à une fatigue et à une fragilité musculaire, voire une limitation de l’ouverture buccale.

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1.1.3.c. Les douleurs

De nombreux auteurs notent que les patients qui souffrent de bruxisme du sommeil, se

plaignent également de douleurs au niveau des muscles masticateurs, notamment au réveil.

L’existence de ce signe le matin suggère fortement que le sujet a bruxé au cours de la nuit

précédente. Ce signe, bien que très subjectif, fait partie des critères de diagnostic pour

l’ensemble des auteurs [31, 45, 58]. Ces douleurs musculaires peuvent se manifester sur tout le

territoire associé aux muscles masticateurs [73].

Figure 17 : Territoires algiques associés aux muscles masticateurs –

ROZENCWEIG (1994) [73].

GLAROS et al. (2005) montrent, par ailleurs, que toutes les activités parafonctionnelles qui

augmentent la tension musculaire et qui sont associées aux états émotionnels du sujet (ainsi

que l’est le bruxisme), sont de bons prédicteurs de l’apparition de douleurs orofaciales [21].

D’autre part, les patients se plaignent également de maux de tête [58, 72]. RIFAI (2003) a

montré qu’il existe une association entre le bruxisme du sommeil et les céphalées de

tension : dans son étude, 53% des sujets bruxistes souffrent de céphalées de tension contre

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22% dans le groupe témoin. Selon RIFAI, il semble très probable que les algies musculaires en

rapport avec le bruxisme favorisent les douleurs céphaliques, essentiellement au niveau de

muscles temporaux [72].

Ces maux de tête d’origine musculaire peuvent atteindre par recrutement des régions non

directement intéressées par les muscles masticateurs (région occipitale, vertex, front, région

auriculaire) [20].

Cependant, il convient de savoir distinguer une céphalée de tension d’une migraine. Pour

cela, l’auteur s’appuie sur la caractéristique selon laquelle la céphalée de tension peut durer de

30 minutes à 7 jours et présente deux des critères suivants [72] :

- la douleur est compressante mais non pulsatile,

- l’intensité est légère à modérée, avec une localisation bilatérale ou variable,

- la douleur n’est pas aggravée par l’activité physique et il n’y a ni vomissement, ni

nausée,

- la photophobie et la phonophobie sont possibles, mais non simultanées.

Enfin, les patients peuvent également se plaindre de douleurs au niveau des dents,

notamment au moment du réveil [58]. On retrouve également des plaintes douloureuses au

niveau de l’oreille [20] ainsi qu’au niveau du cou, du dos… [58]

1.1.3.d. Les autres signes subjectifs

Les effets du bruxisme dépendent particulièrement de la physiologie du patient et de son

état psychologique. Des troubles très divers peuvent donc lui être associés comme une

perturbation du sommeil, un goût métallique, une congestion des sinus, des douleurs au dos,

de l’arthrose, des douleurs articulaires, des problèmes digestifs, des vertiges, des

acouphènes… [87]

Pour notre part, nous nous attacherons tout particulièrement aux troubles liés au sommeil,

sachant que, souvent, le bruxisme s’accompagne de problèmes plus importants comme

l’apnée du sommeil pouvant perturber la structure du sommeil.

Par ailleurs, les douleurs à la colonne vertébrale peuvent signifier un trouble postural et

les vertiges sont souvent la conséquence d’un problème oculaire [18]. Ces signes devront

également être pris en considération quand on sait le lien qui semble exister entre le bruxisme,

la posture et l’œil... (cf. chapitre 1).

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1.2. L’observation clinique

L’observation du patient commence dès son entrée dans le cabinet de consultation. Son

attitude, son élocution, son regard sont autant de détails et d’indices qui renseignent sur sa

psychologie ou son état de stress [18].

Certains indices comportementaux sont à noter car ils peuvent être associés au bruxisme

de façon large. Ce sont, par exemple :

- le syndrome d’impatience des membres inférieurs,

- la posture générale du patient mais également la position de son unité fonctionnelle

supérieure (tête et mandibule) par rapport au reste du corps,

- la présence de tics au niveau de la sphère oro-faciale (mordillement de la lèvre,

propulsion mandibulaire, etc.).

On notera, enfin, la forme du visage et notamment, la présence d’une hypertrophie des

masséters ainsi que la contraction, visible à l’œil nu, de ces muscles.

Figure 18 : Hypertrophie massétérine a) chez une femme – VALLEE [83]

b) chez un homme – DUPAS [18]

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1.3. Le diagnostic clinique

Pour le chirurgien-dentiste, le diagnostic du bruxisme va s’établir essentiellement sur

l’observation des signes cliniques. L’étude de ces signes doit être d’autant plus rigoureuse que

le patient n’est pas toujours conscient de son attitude parafonctionnelle.

Le plus souvent, ce diagnostic est tardif car il s’appuie sur des signes cliniques qui sont,

en réalité, les conséquences à moyen ou long terme du bruxisme, lorsque celui-ci est exagéré

et chronique.

1.3.1. L’usure dentaire

L’usure dentaire localisée ou généralisée est la première chose qui interpelle le praticien et

constitue, la plupart du temps, le premier motif de consultation. Cependant, cette perte de

substance n’est pas spécifique au bruxisme et il convient d’en apprécier la sévérité afin de ne

pas confondre une usure dentaire physiologique et fonctionnelle avec une perte de substance

liée à la parafonction [38].

L’examen de ces atteintes pourra se faire directement en bouche ou sur des modèles

d’étude en plâtre.

1.3.1.a. Quelques généralités

L’usure correspond à la détérioration provoquée par un usage prolongé [27]. Le terme

« usure dentaire » est employé de façon courante pour désigner trois mécanismes d’usure bien

différents [28] :

- l’attrition ou usure des dents par contacts dento-dentaires répétés,

- l’abrasion ou usure mécanique des dents par contacts répétés avec un corps étranger,

- l’érosion ou usure chimique des dents par l’action d’un acide.

KALEKA et al. (2001) proposent une classification de ces différents mécanismes mis en jeu

dans l’usure dentaire, avec une terminologie clinique adaptée [28] :

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Mécanisme physique

Terminologie

Abrasion à 2 corps

Attrition (occlusale, proximale) = contacts dentaires liés à la fonction

manducatrice.

Usure par objets interposée (clou, pipe, outil, etc.).

Abrasion à 3 corps

Abrasion globale (demastication*) = friction des aliments et des parties

molles.

Abrasion globale et focale (cervicale) = brossage + dentifrice.

Usure tribo-

chimique

Tribo-érosion (perimolysis*) = dissolution chimique superficielle des

dents combinée à l’attrition et à l’abrasion.

Contraintes

Fragmentation (abfraction*) = destruction en sub-surface qui

surviendrait sous l’effet de flexions répétées (fatigue) à distance de

l’application de la force.

Corrosion de contrainte (stress corrosion*) = dégradation corrosive qui

pourrait être amplifiée par l’accumulation de contraintes mécaniques.

* terme anglais n’ayant pas d’équivalent établi en français.

Tableau 8 : Mécanismes d’usure dentaire (d’après KALEKA et al. [28]).

Pour être considérée comme physiologique, la vitesse de l’usure des tissus dentaires doit

être synchronisée avec le vieillissement de l’individu [28]. Ainsi, l’observation clinique d’une

perte de substance dentaire doit être réalisée avec une appréciation correcte de sa sévérité et

corrélée avec l’âge du patient, sa musculature... afin d’éviter toute conclusion trop hâtive [27].

1.3.1.b. L’usure dentaire liée au bruxisme

Concernant le bruxisme, la terminologie développée ci-dessus veut donc que nous

parlions d’attrition dentaire, l’usure excessive observée résultant de l’affrontement exagéré et

répété des dents entre elles. Ces frottements dento-dentaires produisent spécifiquement des

surfaces lisses et dures (lésions non carieuses) qui s’affrontent et se correspondent : ce

sont des facettes d’usures, encore appelées bruxofacettes [28].

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CHAPOTAT et al. soulignent que le groupe incisivo-canin est le premier à être touché

car la parafonction se limite le plus souvent à un mouvement de latéropropulsion. Puis, quand

les guidages fonctionnels ont disparu, ce sont les prémolaires et les molaires qui sont touchées

jusqu’à atteindre le milieu de la couronne (stade 4 de ROZENCWEIG) [10].

Il existe donc une chronologie dans l’atteinte des tissus dentaires ; le secteur antérieur est

touché en premier, et est donc généralement plus atteint que le secteur postérieur, ainsi que le

souligne ABRAHAMSEN (2005) [1].

Ces usures peuvent altérer les relations occlusales : les contacts occlusaux punctiformes

évoluent vers de larges surfaces de contacts et une occlusion de plus en plus instable [38].

En ce qui concerne le bruxisme du sommeil, on peut noter que les usures dentaires vont

être fonction de la position de sommeil dans laquelle la parafonction se manifeste. Selon

COLQUITT (1987), on pourra même prédire la position de sommeil du patient en observant la

ligne de son sourire [16] :

- Si la canine droite maxillaire est usée, on peut dire que le patient dort sur son côté

gauche, et vice versa (fig. 19 a et b).

- Si les deux canines maxillaires sont abîmées, mais l’une plus que l’autre, alors le

patient dort des deux côtés alternés mais passe plus de temps sur le côté opposé à la

canine la plus usée (fig. 19 c).

- Si tout le groupe incisivo-canin est usé de façon uniforme, on pourra penser que le

patient se couche sur le ventre, sa tête étant tantôt à droite, tantôt à gauche (fig. 19 d).

- Enfin, si aucune dent antérieure n’est touchée, cela supposerait que le sujet dort sur le

dos et qu’il ne bruxe peut-être pas (fig. 19 e).

a

b

Figure 19 : Illustration de l’usure

dentaire antérieure en fonction de

la position de sommeil – COLQUITT

(1987). [16]

e

c

d

D G

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Outre ces surfaces d’usure occlusale directement provoquée par la parafonction, on note la

présence significative d’un autre type de lésions non carieuses retrouvées chez les patients

bruxistes au niveau cervical et couramment appelées « mylolyses ». KALEKA parle de Lésions

Cervicales d’Usure (LCU) qui se produisent à distance de l’application de la force selon un

phénomène de fragmentation ou « abfraction » (cf. tableau 8). Lors du bruxisme excentré,

l’émail subit des contraintes répétées en traction qui suffiraient à la longue à disjoindre, par

fatigue, les prismes d’émail dans la zone cervicale vestibulaire [28].

Figure 20 : Illustration des lésions cervicales non carieuses retrouvées

chez un patient bruxiste – E. d’INCAU.

Notons que ce type de lésions non carieuses n’est pas spécifique au bruxisme ; il peut

également être provoqué par un brossage trop agressif et inadapté (abrasion focale), ou être le

résultat d’une tribo-érosion (cf. tableau 8) [28].

Enfin, il ne faut pas oublier que l’usure dentaire n’est pas systématique chez les sujets

bruxistes et qu’il existe des cas de bruxisme sans usure [36]. De plus, la simple observation

clinique d’une usure anormale des dents ne signe pas forcément un bruxisme actuel mais peut

constituer le résultat d’un bruxisme passé et résolu [58].

1.3.1.c. Le diagnostic différentiel de l’usure dentaire

Comme nous l’avons signalé auparavant, l’usure dentaire n’est pas un signe spécifique du

bruxisme mais elle peut résulter d’autres phénomènes physico-chimiques.

ABRAHAMSEN (2005) propose une approche clinique qui permet de distinguer les lésions

liées au bruxisme des autres types d’usure pathologique [1].

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Figure 21 : Diagramme d’aide au diagnostic clinique des différentes causes de l’usure

dentaire par abrasion ou érosion – ABRAHAMSEN (2005) [1].

1.3.1.d. Quantifier l’usure dentaire

Il n’existe pas d’indice précis de quantification de l’usure dentaire [10]. On peut cependant

se référer à quelques classifications cliniques qui associent certains stades de bruxisme à

l’étendue observée des pertes de substance dentaire.

U S U R E D E N T A I R E

Usure antérieure

plus importante

Usure postérieure

plus importante

Disparition de certains détails anatomiques

(aspect luisant)

Autre Atteinte plus sévère des faces vestibulaires

des canines et prémolaires

mandibulaires

Concordance des facettes

d’usure

Lésions en forme de

coupelle ou de cratère

Usure des faces palatines du

groupe incisivo-canin maxillaire

Bruxisme Reflux gastro-

oesophagiens

Atteinte plus sévère de la 1°

molaire inférieure

Atteinte égale au niveau maxillaire

et mandibulaire

Boissons gazeuses

(gargarisme)

Macération perpétuelle de

fruits

Abus de pâte

dentifrice

?

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Classification de ROZENCWEIG [73] (cf. chapitre 1) :

Stade I : usure de l’émail avec moins de trois couples de dents concernés.

Stade II : usure de l’émail et de la dentine en îlots avec moins de six couples de

dents concernés.

Stade III : la dentine est véritablement apparente (sans îlots) avec plus de six

couples de dents concernés.

Stade IV : l’usure dépasse le milieu des couronnes.

Les deux derniers stades correspondent à la forme sévère du bruxisme : la brycose.

Classification de BROCARD et LALUQUE [8] :

Bruxisme débutant : facettes d’usure limitées pouvant être confondues avec des

facettes fonctionnelles, chez un patient généralement jeune.

Bruxisme installé : plages d’abrasion plus larges avec une anatomie dentaire

modifiée de façon nette, mais la position mandibulaire reste stable ; on retrouve

des lacunes sur les faces verticales des dents (en général vestibulaires).

Bruxisme marqué : usure de type brycose avec une anatomie naturelle détruite,

souvent inversée et une position mandibulaire perturbée et instable. Les facettes

sont larges, lacunaires et imbriquées et les contacts occlusaux sont étendus, forts et

constants dans tous les mouvements.

Rappelons que chez l’enfant, l’émail des dents lactéales étant plus fin, une usure modérée

peut être considérée comme physiologique [37].

1.3.2. Les autres atteintes dentaires et occlusales

Au-delà de l’usure dentaire exagérée provoquée par le bruxisme, il existe d’autres signes

concomitants qui peuvent permettent d’orienter le diagnostic vers la parafonction :

- l’atteinte des tissus dentaires (émail puis dentine) entraîne l’apparition d’une

sensibilité dentaire accrue, notamment à l’air et à l’eau froide [28, 31, 78],

- des fêlures et des fractures dentaires ou prothétiques sont souvent associées à l’usure

occlusale des dents [20, 31],

- des processus de rhizalyse ont même été notés sous l’effet des forces générées par le

bruxisme centré [20],

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- la diminution de l’espace pulpaire peut être observée par apposition de dentine

tertiaire réactionnelle dans les cas de bruxisme sévère [87],

- enfin, le descellement fréquent des reconstitutions prothétiques provisoires ou

permanentes peut également être un signe en faveur du diagnostic du bruxisme [87].

L’usure dentaire peut aboutir à une relation occlusale très instable comme nous l’avons

signalé auparavant. D’INCAU [27] montre que l’usure occlusale s’accompagne d’une

modification de la topographie des courbes de compensation sagittale (courbe de Spee) et

frontale (courbe de Wilson). Selon l’importance de l’usure, on pourra observer une usure dite

« ad planum » ou « ad vestibulum » accompagnant respectivement un aplanissement, voire

une inversion de la courbe de Wilson.

Usure « ad planum »

Usure « ad vestibulum »

Figure 22 : Inversion de la courbe de Wilson en fonction de l’avancée de l’usure dentaire.

– d’après OSBORN cité par d’INCAU [27].

1.3.3. Les atteintes parodontales

Les atteintes parodontales liées au bruxisme ne sont pas systématiques. En présence d’un

parodonte sain et d’une bonne hygiène, aucun effet délétère du bruxisme ne peut se manifester

si ce n’est un épaississement généralisé du parodonte correspondant surtout à une adaptation

des tissus face aux forces occlusales subies.

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On pourra notamment observer :

- Un épaississement de l’os alvéolaire qui apparaît plus dense [10], avec des hyperostoses

vestibulaires ainsi que des encorbellements d’os néoformé retrouvés sous la gencive

attachée en regard des dents les plus usées [20].

- Un épaississement de l’espace desmodontal [20] avec un renforcement du ligament [87].

- Une hyperplasie gingivale au niveau des dents surchargées [87].

Figure 23 : Exemples de parodonte très épais retrouvé chez un patient

bruxiste – E. d’INCAU.

En revanche, en présence d’un parodonte fragilisé, les forces appliquées lors de la

parafonction seront délétères. Le bruxisme apparaît comme un facteur aggravant les

parodontopathies, en particulier lorsque les forces occlusales sont mal réparties. Dans ce cas,

le bruxisme peut entraîner une mobilité accrue de certaines dents ainsi que des déplacements

dentaires sur un terrain défavorables [20, 87].

1.3.4. La dimension verticale d’occlusion (DVO)

L’usure dentaire exagérée va entraîner, à plus ou moins long terme, une diminution de

l’étage inférieur de la face : on observe un perte de la dimension verticale d’occlusion.

Pourtant, tous les patients ne présentent pas cet affaissement de l’étage inférieur car il existe,

d’après CHAPOTAT et al., une égression physiologique de la dent qui va compenser son usure

occlusale. Ainsi, la hauteur des étages de la face va demeurer constante grâce à une apposition

continue d’os sur les procès alvéolaires (cf. figure 23). Cependant, dans les cas de bruxisme

sévère, cette égression compensatrice ne suffit pas et on a effectivement une diminution de la

dimension verticale d’occlusion qu’il conviendra de rétablir lors du traitement [10].

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Figure 24 : Schéma de l’apposition osseuse – d’après CHAPOTAT et al. [10] (A : dent normale – B et C : l’apposition osseuse s’effectue en fonction de l’usure dentaire, ce qui permet de

maintenir la dimension verticale d’occlusion).

Lorsque la DVO est diminuée, la mandibule se retrouve en rotation antérieure exagérée

lors des contacts dentaires. De plus, dans son étude sur l’usure abrasive des populations du

passé, d’INCAU [27] montre que l’usure des incisives s’accompagne d’une palatoversion, en

particulier au maxillaire. Le patient peut alors se retrouver progressivement en bout à bout

incisif, voire même parfois en articulé inversé (de type classe III d’Angle).

1.3.5. Les tissus mous environnants

Lors de l’examen clinique des tissus mous environnants, on pourra noter la présence

d’indentations au niveau des bords de la langue (langue « crénelée »), et parfois sur la face

interne des joues [20, 31, 87]. Pour KATO et al. (2001), ce signe fait partie du tableau clinique

typique d’un patient qui souffre de bruxisme [31].

1.3.6. Les atteintes musculaires

L’hypertrophie des muscles élévateurs de la mandibule et, notamment, des masséters et

des temporaux est notée dès l’entrée du patient dans le cabinet [31, 38].

Selon une étude menée par LACHICHE et BONAFE, 54% des patients bruxistes présentent

une hypertrophie musculaire, d’autant plus qu’il s’agit d’un bruxisme excentré [36].

Cette hypertrophie peut avoir un retentissement cosmétique chez certains patients. Parfois,

l’hypertrophie massétérine peut bloquer le canal de Sténon et être à l’origine d’une parotidite

ou d’une sialodochite [11].

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Le corollaire de cette hypertrophie est l’hypertonie musculaire qui résulte de

l’hyperactivité des muscles masticateurs. Cette augmentation du tonus musculaire entraîne

des raideurs musculaires dont se plaint le patient au réveil (cf. 1.1.3.) ainsi que des myalgies

liées à des contractures [36].

La palpation des muscles masticateurs est primordiale dans le diagnostic du bruxisme car

elle permet de mettre en évidence les zones sensibles au niveau de l’insertion musculaire.

Pendant la palpation, le patient doit serrer les dents et indiquer au praticien le ou les muscles

sensibles. Au-delà de la détection des spasmes musculaires douloureux, la palpation permet

aussi d’apprécier la tonicité des muscles masticateurs. Quand un muscle est hyperactif, son

volume est plus important et sa consistance est plus ferme que la normale [18].

DUPAS nous indique un protocole simple pour la palpation des muscles masticateurs

principaux [18] :

Les masséters : palpation simultanée de la face antéro-externe en effectuant des petits

mouvements circulaires.

Les temporaux : palpation simultanée des faisceaux antérieurs avec les index, des

faisceaux médians avec les majeurs et des temporaux postérieurs avec les annulaires. En

cas de douleur, le patient montre le doigt correspondant au faisceau palpé.

Les ptérygoïdiens médians : ils sont palpés à leur attache basse, derrière l’angle

goniaque.

Les digastriques : on les met en évidence en contrariant l’ouverture buccale d’une

main (ce qui permet leur contracture) et on les palpe de l’autre main.

1.3.7. Les atteintes articulaires

La relation entre le bruxisme et les désordres temporo-mandibulaires (DTM) est un sujet

de controverse [38]. Les claquements articulaires ainsi que les douleurs au niveau de

l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) font partie des signes observés chez les patients

bruxistes [11, 31, 38]. En 2005, LACHICHE et BONAFE réalisent une étude dans laquelle elles

montrent que 72% des sujets bruxistes de la population étudiée présentent un DTM. Elles

concluent en disant que le bruxisme favoriserait les pathologies discales, et que le bruxisme

excentré, plus particulièrement, pourrait induire des désordres discaux unilatéraux [36].

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Selon CHIKHANI et DICHAMP (2003), en l’absence de prise en charge du bruxisme, il

apparaît fréquemment des bruits articulaires discaux, et à long terme, des arthropathies

arthrosiques par usure mécanique des surfaces articulaires condylo-temporales.

Ces auteurs proposent également quelques explications quant à la physiopathologie de la

douleur articulaire dans le bruxisme. Selon eux, l’hypertrophie musculaire serait à l’origine

d’un déséquilibre dans le jeu musculaire et les muscles élévateurs, plus puissants,

entraîneraient un excès de pression au niveau des ATM où la pression est normalement nulle.

Par ailleurs, pour compenser la perte de DVO, la mandibule est en excès d’autorotation lors

de l’occlusion, ce qui amène le condyle en position plus postérieure, pouvant ainsi comprimer

la zone bilaminaire richement innervée et provoquer les douleurs articulaires [11].

1.3.8. Les problèmes posturaux

Comme nous l’avons abordé dans le premier chapitre, il existe une certaine relation entre

la posture et le bruxisme, par le biais, notamment, des chaînes musculaires mis en jeu. Lors de

l’examen clinique, la palpation douloureuse des muscles sterno-cléido-mastoïdiens et des

trapèzes, qui contrôlent l’horizontalité de la ceinture scapulaire, est caractéristique d’un

trouble postural associé au bruxisme. Cette complication posturale est soit originelle, soit

directement dépendante de la parafonction [18].

Dans le bruxisme, la formation réticulaire est désorganisée (cf. chapitre 1 – 6.) et devient

renforçatrice : elle fausse alors la synchronisation des muscles masticateurs et leurs

antagonistes directs et indirects (sterno-cléido-mastoïdiens, supra-hyoïdiens, muscles

postérieurs du cou) qui ont un rôle dans l’ajustage horizontal de la ceinture scapulaire. On

peut alors observer une bascule des ceintures scapulaire et pelvienne lorsque le bruxisme

décompense au niveau de la posture [18].

Ainsi, dans notre approche thérapeutique, il est intéressant de savoir reconnaître les

troubles posturaux afin d’orienter le patient vers un spécialiste de la posture en cas de besoin.

DUPAS propose un protocole clinique simple qui permet au chirurgien-dentiste de suspecter la

présence éventuelle de problèmes posturaux. Ce protocole consiste à contrôler l’horizontalité

de la ceinture scapulaire (en appréciant la longueur des bras du patient allongé sur le fauteuil)

et la convergence oculaire. Ces tests nous permettront de faire appel à un ostéopathe ou à un

orthoptiste si nécessaire. Par ailleurs, la palpation douloureuse des muscles sterno-cléido-

mastoïdiens et des trapèzes, qui contrôlent l’horizontalité de la ceinture scapulaire, est

révélatrice d’un trouble postural associé [18].

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1.4. Le diagnostic paraclinique

Pour préciser le diagnostic du bruxisme du sommeil et affirmer ses caractéristiques, il est

indispensable de réaliser une étude paraclinique du sommeil du sujet et de l’activité motrice

associé à la parafonction, selon les critères développés par LAVIGNE et al. (1999) [45] et repris

par KATO et al. (2001) [31], ainsi que le soulignent LALUQUE et BROCARD [38].

Outre l’apport diagnostic de ces enregistrements, cela peut mettre en avant d’autres

pathologies liées au sommeil et nous permettre d’orienter le patient vers un médecin

spécialiste du sommeil lorsque cela s’avère nécessaire. Par ailleurs, lorsqu’un patient nous est

adressé par un médecin du sommeil, ce dernier peut nous envoyer les enregistrements qu’il a

réalisés. Ainsi, cette partie va nous fournir les bases de lecture de ce type d’enregistrement et

les critères diagnostic à ne pas manquer lors de l’analyse des tracés.

Il existe plusieurs méthodes permettant d’enregistrer l’activité motrice associée au

bruxisme du sommeil :

- l’enregistrement électromyographique ambulatoire

- l’enregistrement polysomnographique réalisé au laboratoire du sommeil.

1.4.1. L’enregistrement électromyographique en ambulatoire

Cette approche utilise un appareillage portable qui permet l’enregistrement

électromyographique du patient dans son milieu naturel. Les conditions d’enregistrement sont

ainsi plus proches de la réalité quotidienne de sommeil du sujet. De plus, c’est une technique

moins onéreuse que la polysomnographie [31].

Afin de caractériser un épisode de bruxisme à partir de cet enregistrement, LAVIGNE et al.

ont proposé quelques critères diagnostic, précisés par Kato et al. en 2001 [31, 45, 46]. Ainsi, pour

déterminer un épisode de bruxisme en tant que tel, les caractéristiques suivantes seront

requises :

L’activité électromyographique (EMG), acquise à une fréquence minimale de 16,7

Hz, doit présenter une amplitude supérieure d’au moins 10% à celle enregistrée

lors de la contraction volontaire des muscles masticateurs à l’état d’éveil.

L’évènement EMG relevé doit durer au moins 3 secondes et l’intervalle de temps

entre deux activités musculaires ne doit pas excéder 5 secondes.

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Enfin, il faut relever une augmentation d’au moins 5% du rythme cardiaque

durant l’épisode de contraction musculaire.

Malheureusement, dans cette approche, l’absence d’enregistrement audio-visuel ne permet

pas de différencier les épisodes de bruxisme des activités orofaciales survenant au cours du

sommeil (déglutition, toux, somniloquie…) [31].

1.4.2. L’enregistrement polysomnographique

La polysomnographie est l’enregistrement continu et simultané des variables

physiologiques pendant le sommeil. Elle offre la possibilité d’utiliser des récepteurs audio-

visuels couplés aux enregistrements électroencéphalographique (EEG),

électrocardiographique (ECG) et électromyographiques (EMG) ainsi qu’à la mesure du flux

aérien nasobuccal [63].

Cette technique permet donc une meilleure discrimination entre le bruxisme et les autres

activités orofaciales (myoclonies, tics, somniloquie…) et permet de mettre en évidence la

présence d’apnée du sommeil, d’éveils répétés, d’épilepsie… [31, 45]

En revanche, les conditions d’enregistrement étant particulières, il faudra procéder à deux

nuits d’enregistrement au minimum, la première nuit permettant au patient de s’adapter à

l’environnement [31, 45].

Figure 25 : Photographies d’un laboratoire du sommeil avec ses postes

d’enregistrement et de contrôle.∗

∗ Photographie extraites de la page Internet du laboratoire de sommeil du C.H.U. de Luxembourg : http://www.chl.lu/html/maternite/sommeil.html

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LAVIGNE et al. (1999) ont décrit plusieurs critères permettant de reconnaître un épisode de

bruxisme d’une part, et de poser le diagnostic du bruxisme du sommeil, d’autre part [45].

L’épisode de bruxisme est reconnu lorsque [31, 45, 46] :

- L’activité électromyographique (EMG), enregistrée au niveau des muscles

masticateurs (masséters ou temporaux) :

présente une amplitude supérieure d’au moins 20% à celle

enregistrée lors de la contraction volontaire des muscles

masticateurs à l’état d’éveil,

dure au moins 0,25 seconde, afin de le distinguer de toute

manifestation de myoclonie.

- Deux intervalles d’au moins 3 secondes séparent chaque épisode, de type :

phasique (grincement) si on enregistre 3 (ou plus) pics d’activité EMG

d’une durée de 0,25 à 2 secondes,

tonique (serrement) si on enregistre un pic d’activité EMG durant plus

de 2 secondes,

ou mixte.

- Une augmentation du rythme cardiaque (entre 10 et 27%) est également présente.

Ayant ainsi déterminé un épisode type de bruxisme du sommeil, le diagnostic de la

parasomnie sera posé, avec une fiabilité de 80%, si le patient présente conjointement [31, 45, 46] :

- plus de 4 épisodes ou plus de 25 pics d’activité EMG par heure de sommeil

- au moins 2 épisodes de bruxisme associés à des bruits occlusaux de type grincement

de dents par nuit.

Ces critères diagnostic ont été proposés par les auteurs pour les cas de bruxisme modéré à

sévère. Ils ont montré une sensibilité de 72% et une spécificité de 94% [31, 45].

Le seul moyen d’avoir un diagnostic sûr et sans appel du bruxisme du sommeil reste donc

l’enregistrement polysomnographique. Compte tenu du coût que cela peut représenter, il

convient de réserver ce type d’examen dans les cas très sévères de bruxisme où l’on suspecte

des troubles associés dont le patient n’a pas connaissance. En effet, lorsque la qualité de

sommeil est diminuée avec une répercussion sur l’humeur, on peut se douter que la

macrostructure du sommeil du patient est perturbée. Sachant que le bruxisme est souvent

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associé à des troubles tels que le syndrome d’apnée du sommeil et que le nombre d’éveils

nocturnes augmente, cela peut entraîner des problèmes généraux, notamment d’ordre

cardiaque (hypertension, arythmies…). Ainsi, le chirurgien-dentiste doit savoir reconnaître

ces situations à risque afin d’orienter le patient vers un spécialiste du sommeil.

2. STRATEGIE THERAPEUTIQUE

Le traitement du bruxisme du sommeil n’est pas simple et est très peu spécifique. Il va

dépendre de l’évaluation de chaque patient. BADER et LAVIGNE parlent de trois types

d’approche thérapeutique [2] :

- l’approche psychocomportementale,

- l’approche pharmacologique,

- et l’approche odontologique.

En tant que chirurgien-dentiste, notre rôle consiste à :

- Repérer les facteurs de risque majeurs qui favorisent la parafonction et tenter de les

supprimer.

- Pallier les plaintes oro-faciales associées au bruxisme.

- Protéger les structures oro-faciales des effets délétères du bruxisme et rétablir une

fonction manducatrice efficace en cas de besoin.

2.1. L’approche psychologique et comportementale

Si l’on se réfère aux facteurs étiologiques majeurs mis en cause dans la genèse du

bruxisme (stress, tabac, alcool, médicaments, etc.), on va chercher à mettre en place des

stratégies visant à les supprimer ou à les diminuer.

2.1.1. La prise en charge du stress

Face au stress, le chirurgien-dentiste va tenter de repérer, avec l’aide du patient, les

différents stresseurs de sa vie professionnelle et personnelle. Dans un premier temps, il faut

faire prendre conscience au patient du lien qui existe entre ses états émotionnels et sa

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parafonction, et l’inviter à apprendre à gérer son stress au quotidien. Des techniques simples

de relaxation peuvent être apprises et répétées tous les jours, comme la respiration abdominale

lente avec soupir et le relâchement musculaire [31, 39].

Cependant, lorsque le stress est invalidant et hors de contrôle du sujet (notamment dans

les cas de brycose), on proposera au patient une prise en charge psychologique par un

spécialiste qui affinera la recherche des stresseurs et mettra en place des méthodes de

relaxation et une psychothérapie adaptée en cas de besoin. Il est important de noter que,

parfois, le patient peut s’offusquer et réfuter la part de responsabilité du psychisme. Le

recours à une tierce personne (le médecin traitant, par exemple) peut alors s’avérer judicieux

et nous permet d’orienter le patient en douceur vers une prise en charge psychologique [33].

2.1.2. Les thérapies cognitivo-comportementales

Au cours de l’interrogatoire, il est primordial de repérer tous les comportements

susceptibles de favoriser le bruxisme du sommeil : alcool, tabac, prise de psychostimulants,

neuroleptiques… L’entretien clinique est un moment privilégié de la relation entre le praticien

et le patient. Le praticien doit rechercher la confiance du patient afin de connaître les

conduites délétères de ce dernier.

Le patient doit être informé des effets secondaires de certaines de ses habitudes de vie et

prendre conscience de la possibilité d’une relation avec son bruxisme. La reconnaissance de

ses activités nocives est la base de toute thérapie cognitive, ainsi que l’a souligné FLEITER lors

du dernier congrès de l’ADF en 2005.∗

La prise de conscience effectuée, il s’agira de modifier les comportements du patient en

mettant en place une stratégie comportementale qui instaurera une certaine hygiène du

sommeil et diminuera les risques de manifestation du bruxisme au cours de la nuit.

LAVIGNE et al. (1999) donnent les recommandations suivantes [45] :

Rester au calme, se reposer en deuxième partie de soirée (1 à 2 heures avant l’heure du

coucher) et éviter toute activité physique afin de favoriser le sommeil.

Apprendre une technique de relaxation et la mettre en œuvre durant la journée et avant

le coucher.

∗ Congrès ADF 2005 ; Paris – Séance A15 : Bruxisme, quelle prise en charge ? – Organisée par le Collège National d’Occlusodontologie avec LALUQUE J-F., FLEITER B., HOORNAERT A. et BROCARD D.

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Eviter les dîners trop copieux et les substances comme le café, le thé ou l’alcool

(pendant les 3 heures précédant le coucher pour l’alcool).

Arrêter de fumer après 19h car la nicotine augmente la tonicité musculaire et l’état de

veille, et constitue un des facteurs de risque du bruxisme du sommeil.

Se créer un environnement favorable à l’endormissement (baisser la lumière, éviter le

bruit…).

De plus, CHAPOTAT et al. recommandent la pratique d’un sport au cours de la journée car

cela permet de diminuer le bruxisme en favorisant la coordination motrice et en augmentant la

durée de sommeil profond (stade 3 et 4) aux dépens du sommeil léger (stade 2) pendant lequel

le bruxisme survient préférentiellement [10].

Enfin, concernant les positions de sommeil, KRIEF souligne que la position sur le ventre

est à proscrire car elle augmente de 600% les pathologies mandibulaires [33]. Il est donc du

même avis que COLQUITT qui recommande plutôt la position sur le dos car elle rétablit

l’équilibre nécessaire de la mandibule. Cet auteur préconise, pour les sujets ayant du mal à

dormir sur le dos, une position latérale améliorée plaçant la tête dans le prolongement de la

colonne vertébrale grâce à l’utilisation d’un oreiller « anatomique » [16].

Cependant, LAVIGNE conseille plutôt de ne pas dormir sur le dos car c’est une position qui

va favoriser les épisodes d’apnée quand le patient en souffre. Le bruxisme étant parfois

associé au syndrome d’apnée du sommeil (cf. chapitre 2), la position de sommeil sur le dos

sera à bannir [91]. De plus, il a été montré que la majeure partie des ARMM survient dans la

position de sommeil sur le dos (cf. chapitre 2).

Il semble donc qu’il n’y ait pas de consensus établi quant à la position de sommeil idéale

dans le cas du bruxisme. On préfèrera donner au patient des conseils sur l’hygiène de son

sommeil plutôt que d’essayer d’intervenir sur un paramètre physique n’ayant pas de lien

direct avec l’apparition du bruxisme, et, qui plus est, difficile à maîtriser.

LAVIGNE et al. (1999) citent deux autres approches comportementales : le biofeedback (ou

rétroaction positive) et l’hypnose [45].

Le biofeedback est utilisé pour le traitement du bruxisme du sommeil sur un court terme,

lors d’un épisode intense par exemple [45]. Il utilise un signal audio qui permet de réveiller

le patient à chaque fois que son activité EMG dépasse un seuil fixé à l’avance. C’est un

conditionnement basé sur la « punition » [31]. Cependant, cette technique perturbe le

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sommeil du patient (ainsi que celui de son partenaire) avec des conséquences gênantes

comme l’hypersomnolence diurne [31, 45].

WATANABE et al. (2001) rapportent un cas clinique utilisant un autre système de

rétroaction positive basée sur une stimulation vibratoire permettant d’inhiber le bruxisme

du sommeil lorsque celui-ci se manifeste, sans perturber le sommeil du patient,

contrairement au système précédent [88].

L’hypnose est une approche cognitive basée sur la suggestion qui enseigne au patient la

relaxation et le relâchement musculaire, permettant ainsi de diminuer l’activité EMG des

masséters au cours du sommeil [31].

2.2. L’apport de la physiothérapie

La physiothérapie est une discipline paramédicale qui permet de traiter le corps humain et

ses maux grâce à l’utilisation des agents naturels tels que l’eau, l’air, la lumière, les massages,

etc. Son objectif est de restituer la qualité et l’intégralité des mouvements corporels entravés

par les douleurs, les raideurs, les paralysies et autres troubles organiques [94].

Cette discipline trouve une application directe dans la prise en charge des raideurs,

douleurs et fatigues musculaires retrouvées chez le patient bruxiste, que ce soit au niveau des

muscles masticateurs qu’au niveau des muscles posturaux.

En 2005, lors du congrès à l’ADF, FLEITER∗ a développé l’apport de la physiothérapie

dans la prise en charge du bruxisme. Il recommande ainsi :

Une application de chaleur humide ou de froid au niveau des muscles

douloureux.

Des exercices d’étirement et de renforcement des muscles masticateurs.

Des exercices mettant en jeu les muscles posturaux du cou et du dos.

Des automassages de tous ces muscles.

Les exercices sont à réaliser 6 fois par jour pendant 6 semaines. Les fiches techniques

fournies par le Collège National d’Occlusodontologie (CNO) sont répertoriées en annexe 1.

∗ Congrès ADF 2005 ; Paris – Séance A15 : Bruxisme, quelle prise en charge ? – Organisée par le Collège National d’Occlusodontologie avec LALUQUE J-F., FLEITER B., HOORNAERT A. et BROCARD D.

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DUPAS (2005) parle d’exercice de rééducation musculaire à réaliser dans les cas très

sévères avec une composante psychologique lourde. Il s’agit de travailler les muscles

masticateurs symétriquement en isotonie et en isométrie [18].

C’est ce qu’on peut également appeler la gymnothérapie qui consiste à rétablir la position

de repos musculaire par des exercices d’étirement et de relaxation qui vont permettre de

relâcher et d’allonger la fibre musculaire [87].

Au-delà de la prise en charge de la tension musculaire, la physiothérapie apporte une

réponse face à la douleur musculaire et s’intéresse à la fois aux muscles masticateurs et

posturaux. Les exercices décrits ont à la fois un rôle de prévention en favorisant la relaxation

musculaire, et un rôle thérapeutique en permettant une prise en charge des contractures

musculaires à l’origine des douleurs.

2.3. L’approche pharmacologique

2.3.1. Les traitements médicamenteux

Il n’existe aucun traitement efficace du bruxisme du sommeil [31]. De nombreuses études

ont montré les effets positifs de certaines substances dans la réduction de la parafonction.

Ainsi, il a été montré que les myorelaxants (comme le diazepam), certains antidépresseurs

(buspirone [5], amytrityline [40,67]…) et d’autres substances (propanolol [2], L-Dopa…)

permettaient de diminuer la fréquence et l’intensité du bruxisme.

Les produits pharmaceutiques comme la L-Dopa (anti-parkinsonien), le propanolol (β-

bloquant) ou la gabapentine (antiépileptique)… ont montré un effet bénéfique sur le bruxisme

[9, 31, 87]. En ce qui concerne la gabapentine en particulier, il a été montré qu’elle avait très peu

d’effets indésirables, qu’elle était bien tolérée et généralement prescrite dans le traitement de

l’anxiété et des troubles de l’humeur. Elle apparaît comme un traitement efficace et

prometteur du bruxisme [9]. Cependant, la majeure partie de ces substances et leurs effets sur le

bruxisme du sommeil sont encore en cours d’investigation. Leur utilisation reste encore, à ce

jour, limitée et peu recommandée [10].

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Par ailleurs, les médicaments tels que les benzodiazépines, les myorésolutifs et les

antidépresseurs sont connus pour améliorer le syndrome du bruxisme grâce à leur rôle

anxiolytique (diminution du stress), physiologique (amélioration du sommeil et augmentation

du sommeil profond) ou par leur action directe sur le système exécutif masticatoire

(relaxation des muscles, par exemple) [10].

SALETU et al. (2005) ont montré que le Clonazepam améliorait non seulement le

syndrome du bruxisme du sommeil, mais qu’il influençait également, de façon positive, la

qualité du sommeil du sujet (mesure objective et subjective) et ne provoquait aucun

changement d’humeur ni de performances au cours de la journée. C’est donc une substance

bien tolérée par le patient et un traitement efficace du bruxisme du sommeil [76].

Ces médicaments sont assez communément utilisés pour traiter les états dépressifs ainsi

que les douleurs orofaciales et les contractures musculaires, en supplément des antalgiques

classiques de palier 1 et 2 [31, 39, 87]. Cependant, compte tenu des effets indésirables à long terme

(dépendance, somnolence diurne…) de ces substances, leur utilisation doit rester ponctuelle et

se limiter à des phases aiguës de bruxisme, sur quelques jours seulement [10, 31, 39].

Ainsi, d’un point de vue clinique, LAVIGNE recommande la prescription de produits tels

que Robaxacet®, Tylenol Muscle® ou Flexeril®∗, administrés au coucher et permettant de

diminuer la douleur musculaire et d’augmenter la relaxation durant les périodes de bruxisme

intenses. Pour les cas les plus sévères, le Rivotril® (clonazepam) peut être prescrit pour une

courte durée [91].

2.3.2. L’utilisation de la toxine botulique

Les toxines botuliques sont des neurotoxines bactériennes ayant une action paralysante.

Elles sont produites par différentes souches de Clostridium qui sont des bactéries anaérobies

strictes. Il existe sept types de neurotoxines botuliques (de A à G). La toxine botulique A est

la plus utilisée, notamment dans le traitement de l’oculomotricité, du spasme hémifacial, du

torticolis spasmodique, etc. Elle est commercialisée sous les noms de Botox® (aux USA) et

Dysport® (en France) [83].

∗ Robaxacet® et Tylenol Muscle® sont des myorelaxants ; Flexeril® est un antalgique (paracétamol) ; ces composés sont commercialisés au Canada et délivrés sans ordonnance. En France, Décontractyl® (par exemple) peut se substituer à ces produits.

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La toxine botulique est administrée par des injections intramusculaires. Elle va bloquer la

libération d’acétylcholine au niveau présynaptique de la jonction neuromusculaire,

provoquant ainsi une dénervation chimique de la plaque motrice. L’étendue de la dénervation

va dépendre de la dose et du volume injectés [11, 83, 87]. Il en résulte une hypotrophie et une

diminution de puissance et de volume du muscle injecté [11].

Depuis quelques années, l’injection de toxine botulique est utilisée dans le traitement du

bruxisme et de l’hypertrophie massétérine et temporale. Cette injection intramusculaire

permettrait de rétablir l’équilibre entre les muscles élévateurs et abaisseurs de la mandibule,

de soulager les douleurs et de corriger l’hypertrophie massétérine avec amélioration des

contours du visage [11].

On retrouve peu d’études dans la littérature portant sur cette approche neurologique du

traitement du bruxisme. L’étude de CHIKHANI et al. (2003) porte sur une population de 1150

patients présentant un bruxisme (centré ou excentré) associé à un syndrome

algodysfonctionnel des articulations temporo-mandibulaires (SADAM). Elle permet de

recueillir les résultats suivants [11] :

- sédation complète des douleurs chez 64% des patients,

- amélioration de l’amplitude d’ouverture buccale, avec une augmentation moyenne de

8mm,

- correction de l’hypertrophie musculaire,

- suppression du bruxisme chez 53% des patients, et diminution de la parafonction chez

22% d’entre eux,

- amélioration du confort masticatoire chez 73% des sujets étudiés.

Toutefois, LAVIGNE souligne que le manque d’études contrôlées quant à l’utilisation

sécuritaire et efficace de la neurotoxine ne nous permet pas d’en recommander l’utilisation

dans le traitement du bruxisme pour le moment [91]. De plus, il s’agit là d’une indication

thérapeutique hors AMM et l’effet du traitement ne dure que 4 à 5 mois, ce qui supposerait de

recommencer les injections tous les 6 mois environs chez les patients qui présenteraient

encore des symptômes [11].

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2.4. L’approche odontologique

Devant l’évidence actuelle de l’origine centrale et neurochimique du bruxisme du

sommeil, les traitements purement dentaires vont être d’un apport réduit [38].

L’approche odontologique peut être considérée comme une thérapeutique palliative qui va

prendre en charge les conséquences du bruxisme et tenter de limiter les dommages engendrés

par la parafonction.

BADER et LAVIGNE notent qu’il existe deux types de traitement en odontologie [2] :

- les thérapeutiques réversibles que sont les orthèses occlusales

- les thérapeutiques invasives ou irréversibles

2.4.1. Le traitement orthopédique

2.4.1.a. Aspects préventifs et thérapeutiques

Bien que l’occlusion dentaire joue un rôle mineur, voire inexistant dans l’étiologie du

bruxisme, le port de dispositifs interocclusaux de type gouttière occlusale est le « traitement »

classique habituellement proposé par le chirurgien-dentiste face à cette parafonction [38].

Les orthèses occlusales (terme choisi et recommandé par le CNO [14]) présentent

certainement un aspect préventif en regard de l’usure dentaire associée au bruxisme. Ce rôle

de protection est d’autant plus recherché lorsque le praticien réalise une restauration

prothétique chez ce type de patient [10, 38, 45]. Au même titre qu’elle limite l’usure dentaire,

l’orthèse va permettre de diminuer les surcharges au niveau articulaire en permettant une

redistribution des forces occlusales [38]. Elle permet aussi de prévenir l’apparition des douleurs

musculaires en augmentant leur longueur de travail et de repos [87].

Les effets de port d’une orthèse occlusale sur le bruxisme du sommeil ne sont pas clairs et

les mécanismes d’action encore méconnus. Certaines études ont montré une diminution de

l’activité EMG masticatoire pendant le sommeil alors que d’autres études montrent une

augmentation de cette activité ou aucun changement [31].

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Lors de recherches récentes portant sur 9 sujets bruxistes, DUBE et al. (2004) ont montré

que le port d’une plaque palatine ou d’une gouttière occlusale permettait [17] :

- de réduire les épisodes de bruxisme du sommeil de 41%,

- de diminuer les épisodes de grincements de dents sonores de 50%,

- et de réduire l’activité musculaire associée au bruxisme du sommeil.

Au contraire, VAN DER ZAAG et al. (2005) ont mené une étude sur 21 sujets qui montrent

qu’aucun des deux dispositifs interocclusaux nommés ci-dessus n’avait d’influence sur le

bruxisme du sommeil et que leur rôle se limitait à la protection des dents contre l’usure

excessive… [84]

Certaines théories ont été avancées pour expliquer les effets de l’orthèse occlusale sur le

bruxisme. Tout d’abord, l’orthèse, en tant que corps étranger, attirerait l’attention du patient et

lui permettrait de prendre conscience de sa parafonction et de l’autogérer [18]. C’est ce qu’on

appelle la conscience cognitive. Cet effet n’est cependant pas effectif durant le sommeil, le

patient étant dans un état d’inconscience. Par ailleurs, l’orthèse provoquerait une modification

de l’activité musculaire par l’altération sensori-motrice qu’elle induit. Enfin, certains auteurs

suggèrent également le rôle de l’effet placebo [2, 31].

Cependant, tous les sujets bruxistes ne sont pas soulagés par les dispositifs orthopédiques

et il a été montré que 20% des patients présentent une augmentation de l’activité musculaire

avec une orthèse occlusale en bouche [45]. C’est pourquoi, les autres approches thérapeutiques

(psychocomportementale, physiothérapeutique, pharmacologique…) doivent toujours être

considérées par le chirurgien-dentiste, et compléter le traitement orthopédique si nécessaire.

En tout état de cause, l’efficacité clinique des orthèses occlusales dans la protection des

dents, la diminution des bruits occlusaux durant le sommeil et le traitement des douleurs

musculaires associées existe. C’est pourquoi, l’approche orthopédique du bruxisme reste

encore d’actualité.

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111

2.4.1.b. Choix du type d’orthèse

Le choix du type d’orthèse occlusale est en partie dictée par la situation clinique, l’âge du

patient ainsi que l’état de la denture. Les réflexions cliniques sont en faveur de la gouttière

occlusale à recouvrement total de l’arcade mandibulaire qui est généralement bien tolérée et

rapidement intégrée à condition d’avoir expliquer au patient le rôle du dispositif [18].

L’orthèse sera réalisée en matériau rigide en tenant compte des éventuelles allergies du

patient dans le choix du matériau, ainsi que l’a fait judicieusement remarqué HOORNAERT lors

du congrès de l’ADF en 2005∗. Dans le cas d’un bruxisme avéré, l’orthèse occlusale de type

rigide est de mise car elle va se dégrader moins rapidement qu’une gouttière en résine molle

et pourra être portée sur du long terme [31, 45].

Classiquement, le dispositif préconisé dans le cas d’un bruxisme du sommeil est une

gouttière occlusale dite « anti-stress ». Elle ne recouvre que les dents en ménageant

l’environnement parodontal. Elle est réalisée en relation centrée et présente une surface

triturante lisse, avec des contacts répartis et généralisés ainsi que des bosses canines. Cette

gouttière est portée la nuit lorsque le contrôle du bruxisme est inefficace [18].

Lorsque le patient souffre de spasmes musculaires, on réalisera une gouttière occlusale de

type musculaire répondant aux mêmes caractéristiques de fabrication que la gouttière anti-

stress, au détail près que l’environnement parodontal ne sera pas forcément dégagé. Cette

orthèse devra être réglée de façon régulière et portée pendant deux mois en permanence. [18]

Dans le cas où la DVO est diminuée, on pourra réaliser une gouttière dite de

« verticalisation » qui ressemble aux précédentes, avec une épaisseur qui permet de mimer la

nouvelle DVO. Cette gouttière permet de tester la nouvelle position mandibulaire d’emblée

avant une éventuelle réhabilitation prothétique, tout en assumant un rôle de protection des

tissus [18].

Enfin, face aux complications articulaires associées au bruxisme, on s’orientera vers les

gouttières de décompression et de repositionnement articulaire qui répondent à des

caractéristiques de fabrication différentes et entrent dans le traitement conventionnel des

désordres temporo-mandibulaires [18, 87]. ∗ Congrès ADF 2005 ; Paris – Séance A15 : Bruxisme, quelle prise en charge ? – Organisée par le Collège National d’Occlusodontologie avec LALUQUE J-F., FLEITER B., HOORNAERT A. et BROCARD D.

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2.4.1.c. Le NTI-tss (Nociceptive Trigeminal Inhibition – tension suppression

system)

Nous avons choisi de présenter ici le système NTI-tss car nous nous sommes aperçu qu’il

se trouvait au cœur des débats lors des différentes conférences auxquelles nous avons

assistées récemment : la conférence de l’ONFOC le 17 novembre 2005 à Bordeaux et le

congrès 2005 de l’ADF à Paris (conférence A15).

Comme son nom l’indique, le NTI-tss exploite le réflexe d’inhibition du nerf trijumeau

pour réduire l’hyperactivité et les tensions musculaires. Ce système se présente sous la forme

d’un petit dispositif acrylique que l’on personnalise pour chaque patient et qui s’insère sur les

incisives maxillaires. Sa mise en œuvre ne nécessite aucune empreinte et son adaptation peut

se faire en moins de 20 minutes directement au fauteuil. Le NTI-tss serait indiqué dans le

traitement des céphalées chroniques et des migraines, du bruxisme, des troubles de l’ATM et

dans la prévention des traumatismes occlusaux (cf. brochure en annexe 2).

a b

Figure 26 : Le dispositif NTI-ss a) essayage du système

b) adaptation clinique du dispositif

GARRELON, chirurgien-dentiste en Aquitaine, que nous avons rencontré lors du congrès de

l’ONFOC du 17 novembre 2005 à Bordeaux, utilise ce système et affirme qu’il a pu observer

une nette diminution de la puissance de serrage des muscles masticateurs chez les patients

traités par le NTI-tss. Selon lui, les patients perdent tout simplement l’habitude de serrer grâce

à cette inhibition réflexe des muscles masticateurs.

Bien que le NTI-tss ait été accrédité par la FDA (Food and Drug Administration) aux

Etats-Unis, aucune étude mettant en œuvre ce dispositif dans le traitement du bruxisme sur

une population cible n’a été menée à ce jour. Il convient donc de rester prudent car on dispose

de très peu de recul clinique concernant ce système.

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Outre la possibilité qu’il puisse effectivement réduire le bruxisme, il convient de se

demander si des égressions des dents postérieures peuvent apparaître après un certain temps

de port. De plus, du fait de la petite taille du dispositif, serait-il possible que le patient l’ingère

ou l’inhale durant son sommeil, si tant est que l’adaptation du système présente un défaut ?

Selon les fabricants, la remise en occlusion quotidienne des dents lors de la mastication

permet de maintenir leur position, éliminant ainsi le risque d’égression. Le protocole clinique

pour l’adaptation du NTI-tss est retrouvée en annexe 2.

2.4.2. Les thérapeutiques restauratrices

L’objectif des thérapeutiques restauratrices est double :

Réhabiliter les pertes de substances dentaires et rétablir l’équilibre mandibulaire quand

cela s’avère nécessaire [33].

Répartir les forces occlusales de manière équilibrée sur toute l’arcade dentaire [87].

La décision d’intervenir sur l’usure dentaire dépend de chaque praticien et parfois, il

arrive que cette décision soit repoussée jusqu’à ce que les dents atteignent un stade plus

d’usure avancée [10]. Il s’agit d’apprécier la demande esthétique du patient ainsi que la

nécessité fonctionnelle d’une réhabilitation de la denture, et d’évaluer correctement le rapport

entre le bénéfice que l’on peut obtenir et les risques encourus. Il sera parfois préférable de

s’abstenir…

Quelque soit le type de traitement restaurateur choisi, il faut veiller à obtenir l’adhésion

totale du patient au plan de traitement et au pronostic, les risques d’échec restant fréquents

chez les sujets bruxistes.

Les techniques dites « d’équilibration occlusale » par soustraction sont à proscrire car on

aggrave l’usure dentaire, ainsi que l’a souligné BROCARD lors du dernier congrès de l’ADF∗.

Selon CHAPOTAT et al. (1999), si la destruction est minime, on peut arrondir, adoucir et polir

les bords écaillés ou fissurés [10]. Les techniques additives seront préférées, et selon l’étendue

de l’usure dentaire, on pourra avoir recours :

- soit à des restaurations par techniques adhésives,

- soit à des reconstructions prothétiques. ∗ Congrès ADF 2005 ; Paris – Séance A15 : Bruxisme, quelle prise en charge ? – Organisée par le Collège National d’Occlusodontologie avec LALUQUE J-F., FLEITER B., HOORNAERT A. et BROCARD D.

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2.4.2.a. Les techniques adhésives

Lorsque les pertes de substances sont minimes et concernent une seule dent ou une faible

surface (par exemple, la zone cervicale) sans modification de l’occlusion, elles peuvent être

restaurées par des résines composites en méthode directe. Pour des pertes de substance plus

volumineuses altérant la fonction occlusale, on pourra faire appel à des restaurations

composites par technique indirecte, ce qui permet d’éviter les contraintes de rétraction

rencontrées lors de la polymérisation. Dans ce cas, la réhabilitation sera surtout fonctionnelle

et la démarche clinique initiale sera strictement analogue à celle d’une restauration

prothétique [15].

Cette solution est moins mutilante, moins coûteuse et plus évolutive qu’un traitement

prothétique mais elle doit rester transitoire. C’est une solution d’attente dans le cas où le

traitement prothétique doit être différé pour des raisons diverses (financières, pathologie de

l’ATM…) [15]. La durée de vie de ces restaurations est toutefois conditionnée par le port d’une

gouttière occlusale de protection, surtout si ces collages ont été réalisés dans les zones

occlusales postérieures ou sur les trajets fonctionnels [10].

En terme de résultat esthétique comme de longévité, les traitements restaurateurs en

composite ne prétendent pas atteindre les résultats à long terme d’un traitement prothétique.

Cependant, elles sont peu mutilantes, réversibles et restent évolutives, ce qui en fait une

alternative intéressante dans les cas où l’on souhaite attendre avant d’envisager une

reconstruction prothétique globale [15].

2.4.2.b. Bruxisme et prothèse conjointe

Quelque soit le type de prothèse à réaliser, quelques étapes initiales devront être

effectuées [8] :

- Améliorer les conditions musculaires et articulaires des patients symptomatiques,

notamment par le port de gouttières adaptées (cf. 2.4.1.)

- Réaliser une analyse pré-prothétique sur articulateur afin de déterminer les positions

de référence, la dimension verticale d’occlusion et les autres critères de reconstruction.

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Dans le cas d’une reconstruction de petite étendue (couronne ou petit bridge), la prothèse

doit s’incorporer dans le schéma occlusal du patient et dans les mouvements fonctionnels ou

parafonctionnels par l’intégration des formes dentaires [8]. La position d’intercuspidie

maximale du patient sera donc conservée lorsque l’analyse occlusale pré-prothétique permet

d’affirmer qu’elle est stable.

Lorsque l’occlusion d’intercupidation maximale (OIM) et la DVO du patient sont

perturbées, la décision de modifier ces positions va impliquer une reconstruction prothétique

étendue, avec la modification de tous les critères de l’occlusion. Cette décision implique

d’analyser et de valider les nouvelles références (ORC et DVO réévaluée) par la réalisation de

prothèses provisoires portées suffisamment longtemps [8]. KRIEF, rapportant les propos de D.

ROZENCWEIG, parle de prothèse « probatoire » permettant de valider le concept occlusal

choisi ainsi que l’esthétique [33]. CHAPOTAT et al. soulignent que ce type de réhabilitation

prothétique globale doit être réalisée de préférence après 50 ans car les forces délétères sont

alors moins importantes [10].

Notons certains principes de reconstruction à respecter chez le sujet bruxiste [87] :

- réaliser un guidage antérieur efficace lors des mouvements de propulsion et de

latéralité,

- éliminer toute interférence ou prématurité, que ce soit au niveau des dents ou des

prothèses,

- avoir un nombre suffisant de piliers prothétiques pour une meilleure répartition des

forces,

- proscrire les bridges cantilevers et les extensions distales.

L’évaluation de la DVO est un élément difficile à appréhender. Si elle est diminuée, on la

restitue dans une réalisation prothétique classique. Par contre, si elle est restée stable, on

pourra adopter deux attitudes opératoires [8, 10] :

- Augmenter légèrement la DVO en restant dans la zone de confort du patient et en

respectant notamment les paramètres esthétique et phonétique.

- Réaliser des chirurgies d’allongement coronaire pour retrouver une hauteur coronaire

satisfaisante favorisant esthétique et fonction.

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Le choix du matériau de reconstruction des faces occlusales prothétiques est fondamental

pour la pérennité de la prothèse. Il est généralement recommandé de préférer les surfaces

occlusales en or car son coefficient d’abrasion est comparable à celui des tissus dentaires

(coefficient relatif d’usure or/émail = 1). L’opposition or/émail se rapproche donc le plus des

conditions naturelles. La céramique est le matériau cosmétique de choix car elle présente une

résistance à l’usure supérieure à tous les autres matériaux [8, 33].

Dans tous les cas de bruxisme avéré, le port d’une gouttière nocturne, précisé par écrit

dans le consentement éclairé, reste le seul moyen de protéger nos réalisations prothétiques,

mais aussi de nous mettre à l’abri de réclamations judiciaires [33]. En effet, les reconstructions

occluso-prothétiques chez ces patients ne prennent en compte que l’aspect périphérique et le

bruxisme reste présent [38].

2.4.2.c. Les autres traitements en odontologie

D’autres moyens peuvent être mis en œuvre pour prévenir les complications parodontales

liées au bruxisme, en répartissant favorablement les forces sur toute l’arcade :

Le traitement orthodontique est une thérapeutique à envisager en présence d’une

malocclusion sévère car la transmission des forces au parodonte se fait de manière

déséquilibrée et peut aboutir à des destructions parodontales réelles [87]. Le but de ce

traitement sera de supprimer les éventuelles prématurités et de déverrouiller l’occlusion

afin d’obtenir une occlusion statique et dynamique équilibrée.

La prothèse amovible permet de remplacer les dents manquantes ; on veillera à ce que

les appuis prothétiques soient bien répartis [87].

La prothèse sur implant est parfois utilisée en privilégiant les implants de gros diamètre

qui permettent d’avoir une surface os/titane plus important et d’optimiser la réussite du

traitement [87]. Cependant, il conviendra de bien évaluer l’intensité du bruxisme ainsi que

les risques encourus et de savoir s’abstenir et s’orienter vers une solution thérapeutique

plus adaptée en cas de besoin.

Enfin, quel que soit le type de thérapeutiques que l’on mettra en place chez un patient

bruxiste, il est primordial que ce dernier soit clairement averti des risques encourus de part sa

parafonction. Il doit être totalement conscient de l’importance du port de la gouttière de

protection pour la pérennité des reconstructions implanto-dento-prothétiques.

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CONCLUSION

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CONCLUSION

Les premières manifestations cliniques du bruxisme ont été décrites il y a près d’un siècle.

Cependant, l’étiologie et les mécanismes physiopathologiques de cette parafonction restent

encore peu connus à ce jour. Plusieurs facteurs ont été mis en cause dans l’apparition du

bruxisme et les recherches actuelles s’orientent de plus en plus vers une étiologie d’origine

centrale mettant en jeu les neuromédiateurs du système nerveux central.

L’observation clinique a permis de mettre en évidence plusieurs formes de bruxisme avec

des caractéristiques propres à chacune (centré ou excentré, de l’éveil ou du sommeil, primaire

ou secondaire, léger, modéré ou sévère, de l’adulte ou de l’enfant).

Le bruxisme du sommeil, que l’on décrit à la fois comme une parafonction et une

parasomnie, a tout particulièrement retenu notre attention pour deux raisons :

- Contrairement au bruxisme de l’éveil, le bruxisme du sommeil se manifeste à l’état

inconscient ; il est, de ce fait, impossible de le maîtriser et de l’autogérer.

- Le bruxisme du sommeil entraîne des dommages importants sur la sphère oro-faciale

(attrition, myalgies, céphalées…). Il se répercute également sur l’état général du

patient (hypersomnolence diurne, hypertension artérielle…) lorsqu’il est associé à

d’autres troubles du sommeil (apnée obstructive du sommeil, syndrome des

mouvements périodiques du sommeil…) qui viennent perturber sa structure et son rôle

réparateur.

Selon les auteurs, le bruxisme du sommeil serait une manifestation exagérée d’une activité

normale des muscles masticateurs survenant au cours du sommeil. Cette activité rythmique

des muscles masticateurs exagérée est considérée comme pathologique lorsqu’elle entraîne

des effets délétères sur la santé bucco-dentaire et l’état général du patient.

Cette parasomnie est considérée comme une réaction d’éveil et s’accompagne d’une

augmentation du rythme cardiaque et d’une activité électroencéphalographique accrue. La

présence de micro-éveils nocturnes est tout à fait normale, mais lorsque ceux-ci deviennent

trop fréquents, cela perturbe la structure du sommeil qui n’est, alors, plus réparateur.

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La prise en charge d’un patient souffrant de bruxisme du sommeil demande une vigilance

accrue de la part du praticien, surtout que le patient n’a, en général, pas conscience de son

problème.

L’entretien puis l’examen clinique doivent être menés de façon rigoureuse afin de détecter

tous les facteurs pouvant favoriser la manifestation du bruxisme au cours du sommeil, et

permettre au chirurgien-dentiste de réorienter le patient vers un spécialiste lorsque sa

compétence est dépassée (psychologue, médecin du sommeil, ostéopathe…). Parfois, face à

des signes tels que l’hypersomnolence diurne, l’orientation du patient vers un médecin

spécialiste qui réalisera une exploration paraclinique de son sommeil peut s’avérer nécessaire

pour le diagnostic des troubles associés. C’est l’enregistrement polysomnographique effectué

en laboratoire du sommeil qui va permettre d’établir le diagnostic certain et définitif du

bruxisme du sommeil, et d’en préciser les caractéristiques.

Il n’y a pas de traitement spécifique du bruxisme mais plutôt une stratégie thérapeutique

réunissant plusieurs approches pour tenter de contrer la parafonction.

En règle générale, le chirurgien-dentiste s’orientera vers une prise en charge

psychocomportementale (incluant la relaxation et la mise en place d’une hygiène du sommeil)

accompagnée de quelques procédés de physiothérapie et du port d’une orthèse occlusale de

protection à vie.

Parfois, lors d’épisodes aigus de manifestation du bruxisme et face à des douleurs qui ne

cèdent pas, la prescription d’analgésiques associés à un myorésolutif (ex : Rivotril®), voire à

un anti-dépresseur (ex : Buspirone®) pourra se faire. Cette prescription devra cependant se

limiter à quelques jours et rester ponctuelle afin d’éviter toute accoutumance

médicamenteuse.

Enfin, la mise en œuvre des thérapeutiques en odontologie reste limitée et ne consiste

qu’en un traitement palliatif prenant en charge les dommages bucco-dentaires générés par le

bruxisme. L’apport de ces thérapeutiques, bien que parfois spectaculaire lors de réhabilitation

prothétique globale, reste réduit, incertain et directement dépendant du port de la gouttière

occlusale durant la nuit et du suivi du patient. Le consentement éclairé du patient en regard du

pronostic et des risques encourus est, ici, indispensable.

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ANNEXES

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ANNEXE 1

Fiches du CNO

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ANNEXE 2

Le NTI-tss

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Vu, Le Président du Jury :

Vu, Le Directeur de l’UFR d’Odontologie :

Vu, Le Président de l’Université de Bordeaux 2 :