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UNIVERSITE DE SHERBROOKE Les effets d'un programme d'entraînement du contrôle de la vision excentrique pour des personnes âgées ayant une dégénérescence maculaire Par Louise Bertrand Maîtrise en gérontologie Faculté des lettres et sciences humaines Mémoire présenté a la Faculté des lettres et sciences humaines en vue de l'obtention du grade de maître es arts (M.A.) en gérontologie Sherbrooke, Avril, 2000

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  • UNIVERSITE DE SHERBROOKE

    Les effets d'un programme d'entraînement

    du contrôle de la vision excentrique pour des personnes âgées

    ayant une dégénérescence maculaire

    Par

    Louise Bertrand

    Maîtrise en gérontologie

    Faculté des lettres et sciences humaines

    Mémoire présenté a la Faculté des lettres et sciences humaines

    en vue de l'obtention du grade de

    maître es arts (M.A.) en gérontologie

    Sherbrooke, Avril, 2000

  • National Lbrary 1+1 ,,,da Bibliothèque nationale du Canada Acquisitions and Acquisitions et Bibliographie Serv'kes senrices bibliographiques 395 Wellington Street 395, rue Wellington ûttawa ON K1A O N 4 Ottawa ON K1A ON4 Canada Canada

    The author has granted a non- exclusive licence dowing the National Liïbrary of Canada to reproduce, ioan, distribute or sell copies of this thesis in microforrn7 paper or electronic formats.

    The author retains ownership of the copyright in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts fkom it may be printed or otherwise reproduced without the author's permission.

    L'auteur a accordé une licence non exclusive permettant à la Bibliothèque nationale du Canada de reproduire, prêter, distribuer ou vendre des copies de cette thèse sous la forme de microfichelfilm, de reproduction sur papier ou sur format électronique.

    L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou autrement reproduits sans son autorisation.

  • Composition du jury

    Les effets d'un programme d'entraînement

    du contrôle de la vision excentrique pour des personnes âgées

    ayant une dégénérescence maculaire

    Par

    Louise Bertrand

    Ce mémoire a Bté évalué par un jury composé des personnes

    suivantes :

    Madame Johanne Desrosiers, ergothérapeute, PhB., Directrice de recherche

    Monsieur Jacques Gresset, optométriste, Ph. D., Conseiller adjoint

    Monsieur Jacques AHard, M.D., Lecteur

    Maîtrise en gérontologie

    Faculté des lettres et sciences humaines

  • A Pierre, Hugo, Marianne et tous mes parents et amis qui m'ont encouragée dans

    la réalisation de ce mémoire.

  • REMERCIEMENTS

    Un mémoire de maîtrise se concrétise grâce à la collaboration et à

    l'encouragement de plusieurs personnes.

    J'aimerais, d'abord, adresser mes remerciements les plus sincères au Dre

    Johanne Desrosiers, directrice, pour sa collaboration infatigable tout au long de ces

    cinq années. Inlassablement, elle m'a supportée, conseillée, questionnée afin que

    ce projet devienne réalité. Merci pour le soutien, la disponibilité, le partage de

    connaissances, la rigueur, les encouragements et les conseils dont tu as toujours

    fait preuve à mon égard et particulierement durant les périodes dificiles.

    Je veux remercier le Dr Jacques Gresset, conseiller adjoint, qui, malgré ses

    nombreuses occupations, a accepté de contribuer à ma recherche. L'accès à toutes

    vos références a été d'un précieux support.

    Je souhaite remercier le Dr Jacques Allard, lecteur, pour sa participation à

    cette recherche. Ses remarques constructives ont été très appréciées. Elles ont

    contribué à l'amélioration de ce mémoire.

    Je désire souligner l'apport spécial du Dre Édith Guérin, optometriste au

    Centre de réadaptation Estrie. Elle n'a jamais hésité à me fournir d'inestimables

    conseils.

    J'adresse un grand merci à Géraldine Laperle pour les innombrables heures

    consacrées à la lecture, la correction et la mise en page de ce mémoire.

    Finalement, mes pensées vont vers ma famille et mes amis pour leur soutien

    moral et leurs encouragements. Un merci spécial à Pierre, Hugo et Marianne pour

  • 5

    leur patience de tous les jours, leur appui et leur collaboration.

    Je ne peux oublier les 34 personnes âgées qui ont accepte de participer à

    cette recherche. Votre collaboration constante, votre implication active et vos

    commentaires constructifs m'ont permis de progresser dacs cette recherche. Sans

    vous, rien n'aurait été possibie. Un merci sincère !

  • La dégénérescence maculaire est une pathologie oculaire liée à I'âge. Elle est

    la principale cause de déficience visuelle non traitable chez les personnes âgées.

    Au Canada, on la retrouve chez 40 % des personnes inscrites à l'INCA (Statistiques

    Canada, 1990). Son incidence augmente avec l'âge.

    La dégénérescence maculaire se manifeste par une perte du champ visuel

    central (annexe 1). La personne éprouve des difficultés à conduire son automobile,

    à reconnaître les gens, à regarder la télévision, à cuisiner et à réaliser toutes

    activités de motricité fine comme la couture, le tricot et le bricolage. Toutefois, la

    lecture demeure l'activité la plus perturbée et elle représente 56 % des difficultés

    exprimées (Zahn, 1989). La grandeur du scotome (îlot de non-perception dans le

    champ visuel) et une fixation pauvre ou instable sont des facteurs importants du

    faible rendement- Actuellement, on ne connaît pas de traitement médical réellement

    efficace à la degénérescence maculaire. Toutefois, la réadaptation en déficience

    visuelle propose différentes alternatives afin de compenser la perte de la vision

    centrale.

    L'objectif de cette étude était de vérifier l'impact d'un programme

    d'entraînement du contrôle de la vision excentrique sur l'acuité visuelle, la vitesse

    de lecture et la qualité de vie des personnes âgées atteintes de dégénérescence

    maculaire. Cette étude a suivi un dispositif longitudinal court de type expérimental

    pré-test 1 post-test avec un groupe expérimental et un groupe témoin. Les sujets ont

    été assignés aléatoirement à l'un des deux groupes. Le programme d'entraînement

  • 7

    du contrôle de la vision excentrique a constitué la variable indépendante. Les

    variables dépendantes étaient : 1) l'acuité visuelle qui a été mesurée à l'aide de

    l'échelle Snellen et &lle du Lighthouse Near Acuity; 2) la vitesse de lecture qui a

    été évaluée à partir d'un test tiré d'une grille d'évaluation issue du pro-

    gramme «Développement de la vision fonctionnelle-évaluation de la lecture))

    (Halzschuch, Menu 8 de la Porte des Vaux, 1996); 3) la qualité de vie qui a été

    évaluée à I'aide du questionnaire SF-36 (SF-36 Health Survey, 1 994). Les variables

    socio-démograp hiques et cliniques étaient 1) l'âge; 2) les habitudes de lecture; 3)

    la date d'apparition de la maladie et 4) le milieu de vie.

    Les sujets du groupe expérimental ont reçu le programme d'entraînement du

    contrôle de la vision excentrique domicile. Le programme a compris une session

    de travail individuel d'une heure par semaine pendant cinq semaines. Les sujets du

    groupe témoin ont béneficié du suivi régulier en basse vision qui est offert

    présentement au Centre de réadaptation Estrie. Ce suivi a été réalisé au domicile

    du sujet et la durée a varié selon les besoins de chacun.

    Les résultats obtenus ne permettent pas d'établir, hors de tout doute, que le

    programme d'entraînement du contrôle de la vision excentrique soit plus efficace

    que le suivi régulier déjà offert par le service de réadaptation en déficience visuelle.

    Toutefois, l'amélioration significative de la vitesse de lecture et d'une sous-variable

    de I'acuité visuelle tend A établir le bien-fondé de ce programme. De plus, malgré

    des résultats non statistiquement significatifs pour les treize autres variables, ils

    indiquent une amélioration des scores pour douze d'entre elles dans le groupe

    expérimental contre six dans le groupe témoin. Ces résultas peuvent s'expliquer,

  • 8

    en partie, par l'impact du suivi régulier donné au groupe témoin sur le

    fonctionnement visuel et par la faible puissance statistique de l'échantillon. La

    poursuite de cette recherche s'avère donc pertinente afin de valider ces résultats.

  • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COMPOSITION DU JURY 2

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . REMERCIEMENTS 4

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TABLE DES MATI~RES 9

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LISTE DES FIGURES 13

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LISTE DES TABLEAUX 14

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . AVANT-PROPOS 15

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . INTRODUCTION 16

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE 1 : LA PROBL~MATIQUE 22

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 . 1 Problématique 23

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Question de recherche 31

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Recension des écrits 32 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A . Principaux facteurs à considérer 32

    . . . . . . . . B . Programmes d'entraînement du contrôle de la vision excentrique 36 . . . . . . . . . C . Études traitant de l'impact psychologique et de la qualité de vie 52

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Cadre opératoire 63 A - Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 6 - Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . H

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C - Définition des variables 64 Variableindependante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

  • Variablesdépendantes ......................................... 65 . . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . variables socio-démographiques et cliniques .. 67

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6 Pertinence et retombées anticipées 68

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE 2 : LA METHODOLOGIE 70

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1 Stratégie d'acquisition 71

    . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Stratégies d'observation et procédure d'échantillonnage 72 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A . Population à l'étude 72

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . B Procédure d'échantillonnage .. 73

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Taille de l'échantillon 74

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4 Variables et instruments de mesure 74 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A - Variablesdépendantes 75

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 - Variables socio-dbrnographiques et cliniques 79

    . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5 Déroulement de l'étude et de la collecte de données 80 A . Variable indépendante : programme de contrôle de la vision excentrique . . 82

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 . Interventions offertes au groupe témoin 83

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6 Stratégies d'analyse des données 83

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.7 Considérations éthiques 84

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE 3 : RÉSULTATS 85

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1 Déroulement du recrutement des sujets 86

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Description de l'échantillon 87

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Comparaison des variables dépendantes 90 A . Comparaison des variables dépendantes au temps 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

    . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 . Comparaison des variables dépendantes au temps 2 92 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C . Évolution des variables dépendantes 92

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE 4 : DISCUSSION 96

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1 Dispositif de recherche 97

  • 11

    4.2 Recrutement des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Taille de l'échantillon 100

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 Caractéristiques de l'échantillon 101

    . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5 Le programme de contrôle de la vision excentrique 102

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6 Intervention témoin 105

    4.7 Interpretation des résultats et vérification des hypothèses . . . . . . . . . . . . 105 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A . Acuité visuelle 105

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B . Vitesse de ledure 107 C - Qualitédevie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.8 Synthèse des forces et faiblesses de l'étude 112

    4.9 Signification et portée des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1 O Suggestions pour de futures recherches 114

    CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . RECOMMANDATIONS 118

    . . . . . ANNEXE 1 : Représentation visuelle de la dégénérescence maculaire 126

    . . . . ANN W E 2 : Formulaire de consentement : Étude de fidélité test-retest 128

    ANNEXE 3 : Questionnaire de la qualité de vie : SF -36 . . . . . . . . . . . . . . . . 131

    ANN W E 4 : Formulaire de consentement : Programme d'entraînement du contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de la vision excentrique 135

    ANNEXE 5 : Programme d'entraînement du contrôle de la vision excentrique 139

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ANNEXE 6 : Exemples d'exercices 143

    ANNEXE 7 : Autorisation du comité d'ethique de la recherche . . . . . . . . . . . 165

  • ANNEXE 8 : Chartes d'acuités visuelles . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . 168

    ANNEXE 9 : Autorisation du Centre de réadaptation Estrie . . . . . . . . . . . . . . 1 i l

  • LISTE DES FIGURES

    Figure 1.1 Vision normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Figure 1.2 Dégénérescence maculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Figure 1.3 Grossissement de l'image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Figure 1.4 Fixation excentrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Figure 1.5 Processus de Production du Handicap de la CQClDlH ....... 61 Figure 2.1 Dispositif de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 Figure 3.1 Déroulement du recrutement des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

  • LISTE DES TABLEAUX

    . . . . . . . . . . . . . . . . . Tableau 2.1 Résultats de l'étude de fidélité test-retest 77 Tableau 2.2 Variables dépendantes. Instruments de mesure et Intervenants 80 Tableau 3.1 Caractéristiques sociodémographiques et cliniques . . . . . . . . . 89 Tableau 3.2 Comparaison des variables dépendantes au temps 1 . . . . . . . . 91 Tableau 3.3 Comparaison des variables dépendantes au temps 2 . . . . . . . . 94 Tableau 3.4 Évolution des variables dépendantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

  • 15

    AVANT-PROPOS

    Oeuvrant en déficience visuelle depuis 17 ans, la recherche et le

    développement de nouveaux moyens d'intervention m'ont toujours intéressée. Au

    fil des années, j'ai réalisé qu'il existait peu de programmes pouvant être appliqués

    en réadaptation fonctionnelle et pouvant répondre aux besoins spécifiques des

    personnes âgées atteintes de dégénérescence maculaire. L'offre de la maîtrise en

    gérontologie s'est avérée l'opportunité rêvée pour. non seulement, développer un .

    nouveau programme d'intervention mais aussi pour l'évaluer auprès de la clientèle

    visée.

    Ce mémoire s'inscrit dans le cadre d'une recherche évaluative pour une

    population en réadaptation de la déficience visuelle. II s'adresse à toutes tes

    personnes intervenant dans le milieu et qui ont de l'intérêt pour le développement

    de nouvelles avenues visant à diminuer ['impact de la dégénérescence maculaire

    sur la réalisation des activités de la vie quotidienne et la qualité de vie. L'élaboration

    d'un programme du contrôle de la vision excentrique appliqué à domicile et la

    vérification de son impact sur la qualité de vie constituent deux nouveaux éléments

    de connaissance pour la recherche.

  • 16

    INTRODUCTION

    Le vieillissement de la population constitue une des priorités des

    gouvernements pour les prochaines années. Le Ministère de la Santé et des

    Services Sociaux précise, de plus en plus, ses orientations en regard de cette

    clientèle dans le but de prévenir et de minimiser les effets du vieillissement. En

    Estrie, le Programme régional d'organisation des services (PROS) pour les

    personnes âgées, adopté en septembre 1996, a défini le cadre d'action privilégié

    pour l995-2OO2. La réduction des incapacités reliées au vieillissement y représente

    un enjeu important.

    La vision joue un rôle important dans le développement et le maintien des

    acquis de la personne. Elle est utilisée dans la réalisation de la majorité des

    activit4s de la vie quotidienne comme la communication. l'alimentation, les soins

    corporels, la vie communautaire, les loisirs et les déplacements. Sa détérioration

    entraîne donc des incapacittss importantes qui viennent compromettre le

    fonctionnement global de la personne. Plusieurs pathologies oculaires se

    dbveloppent à l'âge adulte avancé. Les cataractes, le glaucome, la dégénérescence

    maculaire et la rétinopathie diabétique en représentent les plus fréquentes

    (Rosenbloom, 1 992).

    La réadaptation en déficience visuelle offre des services d'adaptation, de

    réadaptation et d'intégration sociale aux personnes ayant une déficience visuelle.

    Elle vise la réduction des situations de handicap découlant de leur incapacité

    visuelle. Le but de l'intervention est d'offrir a la personne tous les moyens

  • 17

    nécessaires pour actualiser son potentiel, maximiser son autonomie et faciliter son

    intégration sociale en toute harmonie.

    Cette étude traite de la dégénérescence maculaire et, plus spécifiquement,

    du contrôle de la vision excentrique. La dégénérescence maculaire est une maladie

    de l'oeil qui interfère sur le processus normal et naturel de la vision et nuit à sa

    qualité. II existe deux formes de dégénérescence maculaire. La forme atrophique

    ou sèche est la plus courante et amène une baisse graduelle de vision tandis que

    la forme néovasculaire ou humide, moins fréquente, cause une détérioration rapide

    et sévère de fa vision (Flax, Golernbiewski 8 Mc Caulley, 1993). La dégénérescence

    maculaire affecte la partie la plus sensible de la rétine soit la macula et son point

    central, la fovéa. Elle se manifeste par une hémorragie ou une cicatrice sur la

    rétine. II en résulte une perte de la vision centrale (scotome) alors que la vision

    périphérique est préservée. La rétine se divise en trois régions : la fovéa, la macula

    et la rétine périphbrique. Chacune d'elles contribue à la vision tout en jouant un rôle

    différent. La fovea constitue la partie la plus sensible de la rétine. C'est la région où

    la vision est la plus nette et la plus précise et où l'acuité visuelle est à son

    maximum, soit 616. La macula entoure la fovéa. Dans cette région, l'acuité diminue

    sensiblement : sans la fovéa, elle se situe entre 611 2 et 6/60 (Chapman, 1988). La

    macula est impliquée dans toutes les tâches requérant une vision du détail.

    Finalement, la dernière partie de la rétine sert à la vision périphérique. La vision y

    est moins nette, moins précise car plus on s'éloigne de la macula, plus l'acuité

    visuelle diminue. Cette partie est utilisée pour localiser les objets dans

    l'environnement et plus particulièrement a détecter le mouvement. Elle n'est pas

  • 18

    atteinte par la maladie et servira pour compenser la perte de la macula en y

    développant le contrôle de la vision excentrique.

    Les écrits scientifiques démontrent bien t'impact de la dégénérescence

    maculaire sur toutes activités impliquant la vision des détails et le rôle de la vision

    excentrique pour compenser la perte du champ visuel central (FayeJ 984; Jose,

    1983; Mehr & Freid, 1975). Plusieurs études ont vérifié les effets de différents

    programmes d'entraînement du w ntrôle de la vision excentrique sur la vitesse de

    lecture (Colenbrander & Fletcher, 1990; Goodrich & Mehr, 1986; Jose, 1983; Mehr

    & Freid, 1975; Whittaker & Cummings, 1987; Zahn, 1989). Tout récemment,

    quelques chercheurs se sont intéressés à la relation entre la capacité d'accomplir

    les activités de la vie quotidienne et la qualite de vie (Mangione, Gutierrez, Lowe,

    Orav 8 Seddon, 1999; Williams, Brody, Thomas, Kaplan & Brown, 1998). Toutefois,

    aucune étude connue n'a encore vérifié l'impact de l'amélioration du contrôle de la

    vision excentrique sur la qualité de vie.

    La présente étude tend donc à vérifier s'il existe un lien de causalité entre un

    programme de contrôle de la vision excentrique et une amélioration de l'acuité

    visuelle, une augmentation de la vitesse de lecture et une meilleure qualité de vie.

    De plus, l'élaboration d'un programme structur6 d'entraînement du contrôle de la

    vision excentrique, réalisable à domicile, devrait permettre l'application immédiate

    des nouveaux acquis dans des taches significatives pour la personne.

    L'intérêt de cette étude est d'abord de permettre à la personne atteinte de

    dégénérescence maculaire de comprendre et de développer ses capacités

  • !9

    visuelles. De plus, cet outil pourrait servir d'instrument de travail pour tous les

    intervenants oeuvrant en basse vision.

    Ce mémoire de maîtrise expose, dans un premier temps. la définition des

    principaux termes techniques suivie de toute la problématique engendrée par la

    dégénérescence maculaire au plan physique et psychosocial. La recension des

    écrits présente les principales études reliées à la vision excentrique et a la qualité

    de vie. Puis, le cadre conceptuel sur lequel s'appuie cette recherche est démontré.

    Les objectifs, les hypothèses et les variables de I'étude sont ensuite décrits. Dans

    un deuxième temps, la méthodologie utilisée, la procédure d'échantillonnage, la

    définition des variables et le déroulement de I'étude sont énoncés. Les r6sultats

    obtenus sont ensuite produits et expliques. Troisièmement, la discussion traite de

    l'interprétation des résultats, de la vérification des hypothèses, des forces et

    faiblesses, de la signification et portée de I'étude et des suggestions pour de futures

    recherches. Finalement. la conclusion générale, englobant l'essentiel des résultats,

    le bilan de I'étude et les recommandations, terminent ce mémoire de maîtrise.

  • Afin de bien comprendre les différents éléments de cette étude, les principaux

    termes techniques qui y sont reliés, comme I'acuW et le champ visuel, le scotome

    et la déficience visuelle sont définis.

    La déficience visuelle se définl à partir de deux éléments de base : l'acuité

    visuelle et le champ visuel- L'acuité visuelle réfère à la capacité de voir les détails :

    elle est normale à 616. Par cons8quent. une personne qui a une acuité visuelle de

    6/21 voit à 6 métres ce qu'une personne avec une vision normale voit à 21 mètres

    (Rosenbloom, 1992). Ainsi, plus le dénominateur augmente, plus la déficience

    visuelle est grande. L'acuité visuelle au près indique la capacité de la rétine à

    résoudre une image. Elle précise la taille du caractère qu'une personne peut lire à

    40 centimètres. Elle s'exprime, le plus souvent, en notation M. Les caractères

    d'imprimerie ont, en génbral, une taille de 1 M. Ainsi, plus la taille du caractère

    augmente, plus l'acuité visuelle au près est faible.

    Le champ visuel consiste en la capacité de voir de chaque côté du point de

    fixation central; il est d'environ 150' en horizontal et 120' en vertical.

    Un scotome se définit par une «tache aveugle» résultant d'un accident, d'une

    pathologie ou d'une dégénérescence des photorécepteurs rétiniens, de la voie

    optique ou du cortex visuel (O'Connell, 1996). Les recherches ont démontré que les

    scotomes sont associés 64 % des variations de la vitesse de lecture (OIConnell).

    II faut faire une distinction entre la définition de la déficience visuelle basée sur

    les nomes de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (WMQ) (arrêté en conseil

  • 2 1

    # 2655-77) (Ministère des Affaires Sociales (M.A.S.), 1982) et celle de la «cécité

    Iégale>t, définie selon les normes de I'lnstiiut national canadien pour les aveugles

    (INCA). Selon la RAMQ, la déficience visuelle se définl à partir des critères sui-

    vants : "Toute personne résidant au Québec qui, après correction au moyen de

    lentilles ophtalmiques appropriées, à l'exclusion des systèmes optiques spéciaux

    et des additions supérieures à +4 dioptries, a une acuité visuelle de chaque oeil

    inférieure a 6/21 ,ou dont le champ de vision de chaque oeil est inférieur à 60°, dans

    les méridiens 180° ou 90°, et qui, dans l'un ou l'autre cas, est inapte à lire, à écrire

    ou à circuler dans un environnement familier".

    Selon I'INCA, la cécité légale est établie lorsque l'acuité visuelle des deux yeux

    avec des lentilles de réfraction appropriées est de 6/60 ou moins sur la charte

    Snellen ou l'équivalent, ou si le plus grand diamètre du champ de vision des deux

    yeux est inférieur à 20'. En milieu de réadaptation visuelle québécois, les critères

    de la RAMQ sont utilisés. Les critères de I'INCA servent principalement pour des

    fins administratives comme l'impôt.

  • CHAPITRE 1

    LA PROBLÉMATIQUE

  • 23

    Ce premier chapitre présente la problématique de l'étude associée à la

    dégénérescence maculaire ainsi que la recension des pn'ncipaux écrits sur le sujet.

    Par la suite, le cadre conceptuel sur lequel s'appuie cette recherche est précisé.

    Finalement, les objectifs de l'étude et les hypothèses qui en découlent ainsi que la

    pertinence et les retombées anticipées sont exposés.

    i.1 Problematique

    La dégénérescence rnaculaire est une pathologie oculaire liée à l'âge. Elle est

    la principale cause de déficience visuelle non traitable chez les personnes âgées

    (Baldasare, Watson, Whittaker & Miller-Shaffer, 1986; Jose, 1983; Kastner, 1990;

    Martin, 1990). Aux États-unis, I'4tude de Framingharn (Kahn, Leibowitz, Ganley,

    Kini, Colton, 1977) a évalué 2,477 sujets ambulatoires âgés de 52 à 85 ans qui

    présentaient des lésions rétiniennes peu importe le degré d'acuité visuelle. Les

    résultats démontrent, dans ce groupe, une prévalence de la dégénérescence

    maculaire (avec baisse d'acuitg visuelle) de 27,9 % chez les personnes de 65 ans

    et plus. L'étude de Baltimore (Sommer, Tielsch, Katz, Quigiey, Gottsch, 1991) a

    évalué la cécité et ses causes chez des sujets âgés de plus de 40 ans. La

    dégénérescence maculaire était présente chez 12,5 % des sujets de l'étude. Ce

    pourcentage plus faible peut s'expliquer par le fait que les sujets plus jeunes (40 à

    65 ans) sont moins susceptibles d'être atteints de dégénérescence rnaculaire.

    Au Canada, la dégénérescence maculaire se retrouve chez 40 % des

    personnes inscrites à l'INCA (Statistiques Canada, 1990). Selon les statistiques du

  • 24

    Centre de réadaptation Estrie (1995). dont les services couvrent la région

    administrative 05. sur un total de 571 usagers inscrits au service de basse vision,

    316 (55 %) sont des personnes agkes de 65 ans et plus. De ce nombre. 161

    (50.9 %) sont porteurs d'un diagnostic de dégénérescence maculaire. Son

    incidence augmente avec l'âge (Faye, 1984). Selon l'étude de Beaver Dam (Klein,

    Klein, Jensen 8 Meuer, 1997). échelonnée sur cinq ans, l'incidence annuelle est de

    0.9%. Considérant l'accroissement de l'espérance de vie, il est justifié de penser

    que cette déficience se retrouvera en plus grand nombre chez les personnes âgées

    de 80 ans et plus.

    La dégénérescence maculaire se manifeste par une perte du champ visuel

    central. Les premiers symptômes sont la métamorphopsie (les lignes droites

    apparaissent ondulées, déformées et floues), une intolérance au changement de

    luminosité. un besoin accru d'éclairage et une baisse de la sensibilité aux

    contrastes (Rosenbloorn, 1992). Peu à peu survient une diminution de l'acuité

    visuelle et des performances en lecture (Watson, Baldasare & Whittaker, 1990). La

    personne éprouve des difficultés à conduire son l'automobile, à reconnaître les

    gens, à regarder la télévision, à cuisiner et à réaliser toutes activités de motricité

    fine comme la couture, le tricot et le bricolage. Toutefois, la lecture demeure

    l'activité la plus perturbée puisqu'elle représente 56 % des ditficultés exprimées

    (Zahn, 1989). La grandeur du scotome et une fixation pauvre ou instable sont des

    indicateurs importants du faible rendement (Watson et al.). Lire signifie suivre des

    yeux une suite de mots individuels par des mouvements de saccades pour position-

    ner leur image au centre de la macula afin que les détails soient résolus (Watson

  • 25

    et al.). Pour les personnes ayant une dégénérescence maculaire, la présence d'un

    scotome masquant la macula empêche l'identification de symboles visuels. La

    figure 1.1 montre une representation hypothétique de la lettre A projetée dans les

    cellules (cercles) de la macula, pour une vision normale après correction; puis la

    figure 1.2 démontre les cellules endommagées (cercles noirs) de la macula

    masquant ainsi certaines parties de la lettre A. La personne peut la percevoir

    comme un E ou un L; elle devra donc deviner la lettre en se fiant plus au contexte

    du mot qu'à son apparence.

    Figure 1.1 : Vision normale Source : Zahn (1 989 : 26)

    Figure 1.2 : Dégénérescence maculaire Source : Zahn (1989 : 26)

  • 26

    Considérant l'implication de la lecture dans la réalisation des activités quo-

    tidiennes et domestiques, la personne subit donc des limitations fonctionnelles et

    des incapacités importantes au plan de la réception et de la transmission de

    l'information écrite comme le courrier, les recettes. les affaires personnelles

    (banque, comptes), la lecture de journaux ou de livres et les loisirs. Bref, elle peut

    difficilement accomplir ses tâches habituelies. Cette situation devient vite frustrante

    et décourageante. Lentement, son autonomie fonctionnelle diminue et la personne

    requiert l'aide de sa famille et de ses amis.

    Les répercussions psychosociales sont importantes quoique souvent sous-

    estimées au profit des limitations dans les activités. L'annonce d'un diagnostic de

    déficience visuelle permanente provoque des réactions ernotionnolles comme le

    choc, la dépression, l'anxiété, l'incrédulité, le chagrin, le déni et la colère. L'ordre

    des réactions ainsi que leur durée et intensité peuvent varier d'une personne à

    l'autre (Mehr & Freid, 1975). La personnalité de l'individu ainsi que l'attitude de la

    famille et de l'entourage sont des facteurs importants qui influencent la sévérité des

    réactions et la façon d'y faire face.

    L'attitude de la famille et des amis est très importante. Les proches, malgré de

    bonnes intentions, ont tendance surprotéger la personne. Ils peuvent presumer

    que la dépendance fait partie de la perte de vision. Conséquemment, ils

    l'encouragent peu ou deconseillent le maintien des activités (Hendricks, 1992). Ils

    craignent pour sa sécurité autant dans la maison qu'à l'extérieur. Considérant les

    limitations au niveau des activités de la vie quotidienne, cette attitude peut conduire

    à une demande d'hébergement prématurbe.

  • La dégenérescence maculaire n'est pas apparente extérieurement et ne

    conduit pas à la cécité totale. La personne conserve un résidu de vision donnant

    accés à seulement une partie de l'information. Son comportement se modifie afin

    de s'ajuster à cette baisse de vision. Elle doit, par exemple, s'approcher très près

    des personnes et des objets pour réussir à les identifier; elle ne réagit plus aux

    gestes non verbaux comme le salut de la main, le hochement de tête, le clin d'oeil;

    elle ne regarde plus les gens directement lonqu'elle leur parle et elle ne salue plus

    les amis, les connaissances car elle ne les reconnaît pas. Ce changement

    d'attitudes est souvent mal interprété par l'entourage. Ce dernier qualifie la

    personne de snob, d'indifférente ou cherche ce qui l'a offensée. Le plus souvent,

    la personne atteinte est mal informée sur son fonctionnement visuel. Par

    conséquent, elle a de la difficulté à l'expliquer et préfère éviter d'en parler de peur

    de ne pas être comprise. Cette situation conduit très souvent à l'isolement et à

    l'inactivité.

    La détérioration de la vision occasionnée par la dégénérescence maculaire,

    les limitations dans les activités de la vie quotidienne, les répercussions

    psychosociales et l'attitude de la famille, de l'entourage ont une influence sur la

    qualité de vie. Les personnes expérimentent un sentiment d'impuissance,

    d'incompétence, d'inutilité et d'exclusion dans la réalisation des activités et des

    rôles sociaux (Negrin, 1983). Une intervention axée sur l'actualisation du potentiel

    et le développement d'habiletés compensatoires peut résulter en une amélioration

    de la qualité de vie.

  • 28

    On ne connaît pas, actuellement, de traitement médical réellement efficace à

    la dégénérescence maculaire. Dans la forme n~ovasculaire, si diagnostiquée

    précocement, le traitement au laser argon pourra être utilisé (Cohen 8 Coscas,

    1994). Le but sera de ralentir ou stabiliser la progression de la maladie. Les

    recherches actuelles se concentrent surtout sur sa prévention (Newsome, 1993;

    Pomerance, 1993; Rengstorff, 1992). Elles tendent, de plus en plus, à démontrer

    le rôle de la nutrition, en particulier les carences en zinc, dans l'apparition de la

    maladie. Les ophtalmologistes et les optometristes conseillent de plus en plus les

    suppléments vitaminiques contenant du zinc et des antioxydants pour prévenir la

    progression de fa dégénérescence rnaculaire. Les recherches se poursuivent afin

    de déterminer l'origine de cette maladie. Toutefois, l'absence de traitement m6dical

    efficace ne signifie pas pour autant que la personne doive abandonner ses activités,

    qu'il n'y a plus rien à faire. En effet, la réadaptation en déficience visuelle propose

    différentes alternatives afin de compenser la perte de la vision centrale.

    Le grossissement est sûrement la premiére et la plus vieille technique de

    réadaptation utilisée pour le traitement de la dégénérescence maculaire.

    L'agrandissement de l'image sur la rétine diminue l'influence des cellules atteintes

    sur le symbole (figure 1.3) et permet ainsi a la personne de réussir à décoder

    l'information visuelle transmise. Selon la grandeur du scotome, le grossissement

    peut s'avérer une solution adéquate et efficace. II est obtenu à l'aide d'aides opti-

    ques comme des lunettes de lecture, des loupes, des lentilles microscopiques, des

    télescopes et des télévisionneuses. Mais lorsque le scotome se sera développé, il

    faudra tellement agrandir l'image pour en faciliter la résolution que cela nuira au

  • 29

    fonctionnement général. En lecture. un fort grossissement diminue le nombre de

    caractères perçus simultanément, ce qui réduit la vitesse de lecture et la compré-

    hension du texte. Par conséquent. le seul grossissement de l'image n'est pas

    suffisant pour compenser la perte de vision centrale. Le contrôle de l'éclairage est

    un facteur important pour améliorer le fonctionnement visuel. A l'intérieur, un choix

    judicieux du genre d'éclairage et de son orientation sur la tâche ainsi que la

    réduction des sources d'éblouissement améliorent la situation. A l'extérieur, le port

    de verres fumés fait une différence appréciable. Le choix du grossissement optimal

    et l'adaptation de l'éclairage constituent des préalables à un programme de contrôle

    de la vision excentrique (Faye. 1976; Ferraro & Ferraro, 1983; Rosenbloom, 1992;

    Watson, 1 996).

    Figure 1.3 : Grossissement de l'image Source : Zahn (1989 : 27)

    Avant l'apparition de la dégénérescence maculaire, les personnes ont

    expérimenté une vision claire et précise. Au cours des années, elles ont utilisé un

    réflexe normal et spontané, la fixation centrale. qui consiste à amener l'information

    visuelle perçue dans l'environnement sur la fovea pour y être analysée. A

  • 30

    l'apparition de la maladie, elles persistent à utiliser œ même réflexe même si

    l'information disparaît dès qu'elle tente de la résoudre. Avec l'âge et

    l'incompréhension de la situation, t'adaptation B cette baisse d'efficacité visuelle

    s'avère souvent lente et difficile à réaliser. L'apprentissage du contrôle de la vision

    excentrique s'avère nécessaire pour tes personnes atteintes de dégenérescence

    maculaire. Pour y arriver, elles doivent apprendre à localiser l'image d'un objet sur

    une nouvelle région de la rétine. En agrandissant et en déplaçant la lettre en dehors

    de la macula (fixation excentrique), la personne utilise les cellules saines de la

    rétine pérÏph6rique pour arriver à mieux traiter l'information perçue (voir figure 1 -4).

    Certaines personnes parviennent d'elles-mêmes A trouver et à utiliser leur vision

    excentrique. Elles bougent parfois la tête, parfois les yeux. et la suite de plusieurs

    essais et erreurs, elles réalisent qu'en regardant à côté de la cible, elles réussissent

    à mieux percevoir les dbtails. Toutefois, elles ne comprennent pas vraiment ce qui

    se passe et par conséquent, elles ne répètent pas la même stratégie de façon

    constante. Elles persistent à se plaindre d'une vision fluctuante et que les objets

    apparaissent et disparaissent sans arret.

    Figure 1.4 : Fixation excentrique Source : Zahn (1989 : 27)

  • 3 1

    La majorité des personnes ayant une dégénérescence maculaire ont besoin

    d'un programme d'entraînement du contrôle de la vision excentrique structuré afin

    de maîtriser cette habileté. II existe différentes techniques d'entraînement mais pas

    vraiment de programme standardisé pour les personnes âgées; de p b , ces

    techniques nécessitent souvent plusieurs mois d'intervention. Présentement,

    l'intervention au Centre de réadaptation Estrie se concentre principalement sur

    l'utilisation des aides optiques et se limite à des conseils généraux visant à

    permettre l'acquisition du contrôle de la vision excentrique. Toutefois, il est évident

    que la personne âgée n'utilise pas son résidu visuel au maximum. Son regard est

    instable; parfois, elle réussit à le fixer pr@s de la macula où I'acuité est meilleure

    mais pas suffisamment longtemps pour être efficace. Elle cherche continuellement

    la meilleure position. Conséquemment, elle abandonne progressivement les

    activités nécessitant la vision des détails comme la lecture. La personne âgée

    atteinte aura besoin de techniques précises, de soutien et d'encouragement pour

    lui permettre d'acquérir cette habileté visuelle qui se traduira par une amélioration

    de son acuité, de sa vitesse de lecture et de sa qualité de vie. Considérant

    l'augmentation constante de la clientèle âgée et la problématique énoncée, il

    s'avère important de développer et de vérifier l'impact d'un tel programme.

    4.2 Question de recherche

    Quel est I'impact d'un programme d'entraînement du contrôle de la vision

    excentrique sur l'acuité visuelle, la vitesse de lecture et la qualité de vie des

  • personnes âgées atteintes de dégénérescence maculaire?

    1.3 Recension des écrits

    La recension des écrÏts traite d'abord des principaux facteurs à considérer

    dans l'élaboration d'un programme d'entraînement. Puis, les études portant sur des

    programmes d'entraînement du contrôle de la vision excentflque et sur l'efficacité

    de tels programmes sont ensuite presentées. Finalement, les etudes portant sur la

    qualité de vie complètent cette section.

    A - Principaux facteurs 4 consid6rer Le champ visuel central. l'acuité visuelle, la localisation de la vision

    excentrique, la motivation, les fonctions cognitives, l'âge et l'apparition de la

    maladie sont des facteurs importants & prendre en considération lors du

    développement d'un programme d'entraînement du contrôle de la vision

    excentrique. Ces facteurs se retrouvent dans la majorité des programmes et c'est

    l'importance accordée à chacun qui varie d'un &rit à l'autre.

    Champ visuel central

    L'évaluation du champ visuel central permet de préciser la grandeur, la forme

    et la position du scotome. Cette information est essentielle afin de déterminer la

    meilleure région de la rétine qui peut être utilisée pour développer la vision

    excentrique. La grandeur du scotome a une influence sur la baisse de l'acuité

    visuelle (Rubin, 1987) et sur l'augmentation de la variabilité de la fixation (Whittaker

  • 33

    & Cummings, 1987). La fixation permet de conserver l'objet observé dans la rétine

    périphérique. Si elle est instable, elle diminue la précision lors de l'analyse de

    l'information.

    Acuité visuelle

    L'acuité visuelle mesurée au loin et au près fournit des indications sur le

    fonctionnement visuel. Selon Goodrich et Quillman (1 977), l'amélioration de l'acuité

    visuelle suite à un programme d'entraînement n'est qu'apparente car ce n'est pas

    I'acuité visuelle, comme telle, qui s'améliore mais plutôt la capacité de la personne

    à utiliser son système visuel de façon fonctionnelle. Si la personne persiste à utiliser

    sa vision centrale, elle sera incapable d'identifier les symboles, les chiffres ou les

    lettres. De plus, considérant que I'acuité visuelle diminue à mesure que l'on

    s'éloigne de la macula, elle permet de vérifier la région de la rétine utilisée par la

    personne. Par ailleurs, la connaissance de I'acuité visuelle en relation avec le

    champ visuel peut permettre de mieux comprendre les problémes de la personne.

    Ainsi. la présence d'un scotome de 1 O0 et une mesure d'acuité de 611 20 suggèrent

    des vérifications supplémentaires car I'acuité devrait être supérieure dans cette

    région de la rétine. Selon Faye (1 W6), elle devrait être d'environ 6/24. Cela pourrait

    signifier la présence d'une autre pathologie oculaire qui influence le rendement

    visuel ou une instabilité dans l'utilisation de la vision excentrique qui pourrait alors

    bénéficier d'un programme d'entraînement. Finalement, la connaissance de I'acuité

    visuelle permet de déterminer le grossissement optimal nécessaire a la personne

    pour résoudre les détails (Faye; Jose, 1983).

  • 34

    Localisation de la vision excentrique optimale

    L'utilisation constante de la même région de la rétine facilite l'apprentissage

    de la vision excentrique et permet d'en maximiser son fonctionnement (Goodrich &

    Mehr, 1 986). Les personnes ayant une dégénérescence maculaire expérimentent

    différentes localisations en vue de trouver celle leur procurant la meilleure acuité

    visuelle. Peli (1986) mentionne que le contrôle des mouvements de l'oeil est plus

    facilement atteint dans une localisation orthogonale, c'est-àdire située dans I'axe

    vertical, donc au-dessus ou endessous de la fovéa plutôt que dans une localisation

    radiale, située dans I'axe horizontal, donc à droite ou à gauche de la fovéa. La

    localisation orthogonale donne une réaction immédiate et elle diminue les diffÏcu !tés

    d'apprentissage car la vision excentrique ne se slue pas dans I'axe de déplacement

    de l'image utilisé en lecture. Elle est privilégiée par les spécialistes en basse vision

    (Freeman 8 Jose, 1991; Inde, 1978). Toutefois, il n'existe aucune donnée

    scientifiquement valide qui confirme l'efficacité de cette approche.

    Motivation

    La motivation de la personne à entreprendre un programme d'entraînement

    doit être prise en considération. Théoriquement, la vision excentrique est facilement

    explicable par des photos, des dessins ou par une représentation mentale d'une

    tache au centre de l'oeil qui doit être évitée. Toutefois, son apprentissage et son

    utilisation sont beaucoup plus difficiles à acquérir. Ils demandent beaucoup de

    temps et d'effort et occasionnent souvent de la frustration. Considérant que la

    majorité des personnes qui doivent apprendre à développer cette vision excentrique

  • 35

    sont âgées, ii est essentiel de s'assurer de leur motivation à entreprendre un tel

    programme. OIConnell (1 996) mentionne qu'il est important d'évaluer les attentes

    de la personne à partir d'une entrevue mais aussi la quantité dt6nergie qu'elle est

    prête à investir pour les réaliser. La motivation doit être réévalube périodiquement

    car elle est une partie importante du succès d'un programme. Une personne qui

    avait l'habitude de lire beaucoup peut démontrer une plus grande motivation à

    reprendre cette activité qu'une autre peu intéressée par la lecture.

    Fonctions cognitives

    Les fonctions cognitives, comme la mémoire, l'attention, la compréhension et

    le jugement, influencent I'apprentissage. Un programme d'entraînement du contrôle

    de la vision excentrique implique des informations sur le fonctionnement visuel, des

    exercices à pratiquer et à réaliser en dehors des périodes d'entraînement. La

    personne doit avoir la capacité de comprendre, d'intégrer et. de mémoriser les

    différentes données. Ainsi, les problèmes de santé physique, les patnologies avec

    déficits cognitifs ou tout simplement des pertes de mémoire peuvent avoir un impact

    sur la réussite du programme (O'Connell, 1996). Toutefois, il n'est pas prouvé que

    ces personnes ne peuvent en profiter. II faudra, dans ces cas, élaborer un

    programme adapté à leurs limites plutôt que de les exclure automatiquement.

    Âge

    L'âge n'est pas un facteur influent dans I'apprentissage du contrôle de la vision

    excentrique. Selon Mehr et Freid (1 975), l'âge chronologique est moins important

    que les habiletés cognitives et les attitudes telles l'acceptation de la déficience. la

  • 36

    motivation et les réactions aux changements d'habitudes- Conrod, Bross et White

    (1986) ont démontré que les personnes de 60 ans et plus peuvent améliorer

    l'utilisation de leur résidu visuel suite à l'entraînement et la pratique. Des

    conséquences potentielles du vieillissement, telles la difficulté d'adaptation au

    changement, une plus grande fatigabilité, la réduction des activités et le support

    d'un tiers pour les réaliser. influencent plus l'apprentissage que l'âge lui-même.

    Apparition de la maladie

    La date d'apparition de la maladie est un autre facteur à considérer. Mehr et

    F reid (1 975) rapportent un meilleur pronostic de réussite, en réadaptation, cinq ans

    suivant l'annonce du diagnostic; si la perte est trop récente, la personne maintient

    un espoir de retrouver la vision et recherche surtout un traitement efficace. Ces

    données sont appuyées par d'autres chercheurs (Conrod et al., 1986; Zahn, 1989).

    Ainsi, l'élaboration d'un programme d'entraînement du contrôle de la vision

    excentrique doit prendre en considération les caractéristiques personnelles (âge,

    date d'apparition et la motivation) et cliniques (l'acuité, le champ visuel et la

    localisation de la vision excentrique) de la personne.

    B - Programmes d'entrafnement du contrôle de la vision excentrique Tous les chercheurs dans le domaine de la basse vision sont unanimes quant

    à l'importance d'un bon contrele de la vision excentrique pour améliorer les

    performances en lecture laquelle servira dans la réalisation des autres tâches

  • 37

    quotidiennes (Colenbrander & Fletcher, 1990; Goodrich 8 Mehr, 1986; Jose, 1983;

    Mehr 8 Freid, 1975; Whittaker & Cummings, 1987; Zahn, 1989). Des programmes

    d'entraînement ont été élaborés afin d'en faciliter l'apprentissage et ainsi réduire le

    temps d'intenrention requis pour son acquisition. De plus, des recherches ont été

    mises sur pied pour vérifier les effets de tels programmes.

    L'étude de Holcomb et Goodrich (1 976) visait à développer et comparer deux

    techniques d'entraînement destinées à des personnes ayant un scotome central à

    mieux utiliser leur résidu visuel en apprenant à fixer rapidement et régulièrement et

    ce, peu importe l'âge et la pathologie oculaire. Une des techniques consiste à

    utiliser une lampe stroboscopique afin de produire une apres-image (afterimage)

    dans la meilleure région de la rétine périphérique alors que dans la deuxième

    technique, l'intervenant en basse vision a dirigé verbalement la personne à regarder

    selon un angle de vision approprié. L'amélioration a été mesurée à partir du nombre

    d'erreurs enregistrees lors de la reconnaissance de lettres. Ils ont choisi un

    dispositif expérimental avec trois sujets utilisant la première technique, un même

    nombre de sujets pour la deuxième technique et deux sujets témoins. Un des sujets

    témoins a reçu la deuxième technique après quatre semaines sans amélioration et

    finalement la première technique, alors qu'un sujet de la deuxième technique a suivi

    la première technique. Ces résultats ont démontré une amélioration significative de

    la première technique pour les trois sujets initiaux (p

  • 38

    réduction du nombre d'erreurs. Cette étude a comporté peu de personnes âgées

    (n=2) et les groupes. en plus d'être de taille réduite, étaient non comparables. Les

    sujets de la premiere technique avaient une seule pathologie oculaire, des

    scotomes centraux inférieurs à 10' et une acuité visuelle supérieure à 611 10

    comparativement à deux pathologies oculaires pour deux des trois sujets de la

    deuxième technique, des scotomes centraux de 20' et une acuité visuelle inférieure

    à 61120. De plus, selon les données disponibles, il apparaît qu'un des sujets du

    groupe témoin démontrait une incohérence entre la grandeur de son scotome et

    l'acuité visuelle mesurée; il aurait fallu vérifier s'il ne présentait pas une deuxième

    pathologie oculaire. Malgré ses limites, l'étude a démontré que la vision excentrique

    est un comportement qui s'apprend.

    Suite à cette expérience avec la technique de l'après-image, les sujets se sont

    plaints de l'inconfort provoqué par la luminosité des éclairs en relation avec les

    problémes de photophobie qu'ils &prouvent. Cette constatation a conduit au

    développement de techniques alternatives.

    Goodrich et Quillman (1 977) ont élaboré quatre techniques d'entraînement. La

    première utilise un support télescopique avec une barre mobile contenant des

    lettres qui élimine les problémes d'eblouissement et qui permet d'entraîner le sujet

    à lire selon une variété d'angles obliques. La seconde, l'horloge, est une variante

    du support avec barre mobile. Elle permet de localiser et d'identifier une ou des

    cibles et a l'avantage de se transporter facilement. La troisième technique emploie

    un appareil disponible commercialement, le disque rotatif. II est utilisé pour

    enseigner le balayage visuel, la fixation et les poursuites visuelles. La cible est une

  • 39

    petite lumière rouge qui tourne à une vitesse déterminée selon la progression du

    sujet. Finalement, le projecteur à diapositives renforce la capacité de fixer et de

    poursuivre une cible tout en améliorant les habifetés de reconnaissance et de

    discrimination. Ces quatre techniques poursuivent les méme objectifs que ceux de

    l'après-image tout en ajoutant une plus grande variété pour contrer la monotonie et

    ainsi maintenir la motivation du sujet. De plus. en changeant de techniques, le

    thérapeute peut évaluer l'amélioration du sujet et son niveau de compréhension

    générale du concept de la vision excentrique. Si le sujet peut réussir rapidement,

    indépendamment des méthodes, c'est qu'il a bien compris le concept de base et

    aura ainsi plus de chance de l'actualiser dans d'autres situations quotidiennes.

    Les auteurs rapportent, sans résultats quantitatifs à l'appui, que ces

    techniques s'avèrent efficaces mais pas également pour tous les patients.

    Toutefois, ces méthodes rencontrent toutes la même limitation importante : elles

    nécessitent jusqu'à quinze sessions d'entraînement individuel de 30 a 60 minutes

    chacune (Goodrich & Mehr, 1986). En plus d'être exigeantes au plan des

    ressources humaines, elles impliquent un grand nombre de visites en clinique.

    Considérant que les personnes âgées ont une autonomie de déplacement réduite,

    un risque important d'abandon pour ce genre d'entraînement peut suwenir.

    Maplesden (1984) a proposé un programme d'entraînement à domicile en

    utilisant une adaptation de la technique de l'horloge. La thérapeute utilisait son

    visage pour faire comprendre le concept de la vision excentrique. Elle a rapporte

    plusieurs cas de succès mais aucune étude rigoureuse n'a évalué l'impact de son

    programme.

  • 40

    Considérant la quantité de temps requis pour l'application des programmes

    d'entrainement de la vision excentrique en clinique, Quiilman (1980) ainsi que

    Freeman et Jose (1 991) ont développé des manuels d'entraînement. Ces derniers

    comprennent des techniques pour favoriser la localisation du point de vision

    excentrique, le balayage visuel et la poursuite visuelle ainsi que des exercices

    pratiques de lecture avec différentes grandeurs de caractères. Ces manuels servent

    de référence aux intervenants en basse vision. Toutefois, ils sont dispendieux A

    rzproduire dans une grande variété de grandeur de caractères afin de répondre aux

    incapacités de tous et chacun, la qualité des photocopies laisse souvent à désirer

    et la quantité d'exercices est limitée. De plus, aucune recherche précise n'a

    démontré l'efficacité de tels exercices.

    Toutes ces techniques nécessitent différents appareils, souvent dis pend ieux

    et devant être utilisés en clinique. De plus, la personne peut avoir de la difficulté à

    transférer les habiletés visuelles nouvellement acquises dans son vécu quotidien.

    Un programme d'entraînement, à domicile, incluant des exercices à réaliser entre

    les sessions, peut s'avérer mieux adapté aux besoins de la personne âgée.

    En 1982, Romayananda rapporta un taux de réussite de 100% du contrôle de

    la vision excentrique en utilisant des prismes (type de lentilles) pour les personnes

    ayant un scotome central. Cette étude suscita beaucoup d'intérêt et de controverse

    chez les chercheurs, dont Rosenberg, Faye, Fischer & Budick (1 989) qui décidèrent

    de reprendre l'étude en suivant un dispositif expérimental avec un groupe qui a

    porté les prismes et un groupe témoin qui a utilisé des lentilles simulant des

    prismes. Le r61e des prismes est de déplacer l'image de la fovea vers la meilleure

  • 4 1

    région de la rétine p6riphérique tout en maintenant la position normale de la tête et

    des yeux. CIchantillon (n=30) se composal de sujets âgés de plus de vingt-deux

    ans présentant un désordre de la macula, non exclusivement de la d6générescence

    maculaire. Les résultats démontrent une amélioration de l'acuité visuelle et des

    performances fonctionnelles chez 91 % des sujets du groupe expérimental (n=18)

    alors qu'un seul sujet n'a démontré aucun changement. Le groupe témoin ( n = l l )

    s'est amélioré dans 60 % des cas (n=7) pendant que quatre sujets (36 %) n'ont eu

    aucune amélioration. L'article ne mentionne pas les caractéristiques visuelles des

    sujets comme les acuités, la grandeur du scotome et les activités réalisées. Ce type

    de programme requiert de nombreuses mesures d'optométrie ainsi qu'une longue

    période d'adaptation à l'utilisation des prismes car ils peuvent provoquer des

    nausées et des difficultés de perception des distances. Actuellement, les prismes

    sont peu utilisés comme technique de base mais servent parfois comme

    complément ou alternative lorsque les autres programmes d'entraînement s'avèrent

    peu efficaces.

    Suite à l'élaboration de ces programmes d'entraînement spécifiques,

    différentes études ont été réalisées afin d'en verifier l'impact sur les activités au

    près, principalement la lecture.

    L'étude de Whittaker et Watson (1982) a porté sur le developpement et

    l'expérimentation de méthodes pour évaluer et améliorer les habiletés visuelles en

    lecture. Un des objectifs de l'étude visait le developpement d'une technique de

  • 42

    rétroaction biologique auditive afin d'enseigner aux patients presentant une perte

    de vision centrale, la meilleure poslion de l'oeil dans la rétine périph8rique. Cette

    technique constitue une aide supplémentaire à I'entraînement conventionnel en

    utilisant des sons pour informer le sujet sur la position de la cible dans la région de

    la rbtine presentant la meilleure acuité. L'étude a été réalisée auprès de deux

    personnes ayant une dégénérescence maculaire depuis deux à cinq ans et qui

    lisaient les caractères de journaux. Les résultats préliminaires ont démontré que le

    critère optimal pour I'entraînement par la rétroaction biologique auditive est une

    région excentrique d'un degré de diamètre autour de la macula. Le premier a réussi

    à positionner l'image en deux saccades et à la maintenir dans une région de 0,75

    degré de diametre. Pour le deuxiéme sujet, la position de l'image a vari6 considé-

    rablement dans une région d'environ 2.75 degrés de diamètre. Ce sujet rapporte

    une difficult6 à maintenir une image claire de la cible. D'après ces résultats préli-

    minaires, cette technique s'adresse à des kasonnes qui maîtrisent déjà :zur vision

    excentrique et qui veulent acquérir une meilleure stabilité de la fixation afin d'amé-

    liorer leur rendement en lecture. Dans l'article, les auteurs annoncent la poursuite

    de l'étude pour au moins trois ans. Curieusement, à ce jour, les résultats finals ne

    semblent pas être publiés.

    Watson et Jose (1 976) ont établi un programme structuré d'entraînement avec

    des aides optiques pour les tâches de lecture. Ce programme visait a rendre le

    sujet à l'aise avec les aides prescrites afin d'en augmenter l'efficacité dans le

    fonctionnement visuel. Il utilise une variété d'exercices gradués du plus facile au

    plus complexe, comme la reconnaissance de symboles, de lettres et de mots. Afin

  • 43

    d'inclure un aspect pratique, le programme se termine par la lecture du courrier, de

    comptes et parfois de revues et de journaux. La progression du programme vise a

    favoriser des progrés rapides pour susciter la motivation et le sentiment de réussite.

    L'efficacité du programme a 6té etudiée auprès d'une population adulte âgée de 16

    à 65 ans avec différentes pathologies oculaires dont la dégénérescence maculaire.

    L'acuité visuelle des participants se situait entre 6/60 et 6/150, incluant aussi des

    champs visuels restreints autant en central qu'en périph4rie. Les entraînements

    étaient réalisés principalement en individuel, ce qui permettait à l'intervenant de

    r6agir immédiatement Ce dernier peut mieux repérer les exercices comportant des

    erreurs et ainsi modifier le matériel pour assurer un plus haut taux de succès.

    L'approche individuelle a permis au sujet de s'exprimer plus facilement sur ce qu'il

    a vu, comment il l'a vu, ce qu'il n'a pas compris et œ qui pourrait mieux fonctionner.

    Les frustrations étaient identifiées au fur et à mesure qu'elles apparaissaient. Ce

    programme a été en constante évolution. II s'est adapté au besoin de chaque sujet

    qui avait le potentiel d'apprendre ou de réapprendre à utiliser la communication

    écflte avec des aides optiques. A partir d'histoires de cas (n=4) et de rapports

    hebdomadaires des instructeurs, les comportements en lecture pré et post-entraî-

    nement ont été enregistrés. Tous les sujets ont amélioré leurs habiletes

    personnelles. Une approche individuelle et humaniste peut favoriser l'augmentation

    de la motivation et de la confiance en soi, facteurs nécessaires pour la réussite d'un

    programme d'entraînement.

    Conrod et al. (1986) ont 6valué deux m6thodes d'entraînement perceptuel

    visant à améliorer la vision résiduelle des personnes âgées de 60 ans et plus ayant

  • 44

    une dégénérescence maculaire. L'acuité visuelle a été divisée en deux catégories:

    déficience moyenne (6121 à 6/60) et déficience sévère (6160 et moins). Le disposlif

    de recherche suivi est expén'rnental (essai clinique randomisé) et les sujets ont 6t6

    répartis aléatoirement en trois groupes: apprentissage passif (n=l O), apprentissage

    actif (n=lO) et témoin (n=10). Des tâches visuo-motrices ont été utilisées pour

    l'entraînement de la vision excentrique ainsi que pour l'évaluation de l'amélioration

    des habiletés perceptuelles. Les personnes ont appris à appliquer des stratégies

    de recherche visuelle sur des dessins dans le but de séparer et d'identifier des

    formes qui se chevauchaient ou s'enchâssaient. Le groupe passif ne faisait que

    reagir verbalement, sans bouger, aux stimuli présentes alors que le groupe actif

    étal encourage à bouger et à tracer les formes cachées avec des marqueurs.

    Quatre instruments de mesure ont évalue les effets du programme : le test de

    figure-fond de Frostig et le Bender Gestalt (perception visuelle). le Famsworth

    Munsell-100 Hue (FM4 00) (vision des couleurs) et un test de lecture. Les effets des

    différents modes d'apprentissage et des degrés de déficience sur les performances

    aux tests ont été mesurés. Le facteur apprentissage a un effet significatif important

    sur la différence entre les trois groupes (pcO.01). Les résultats démontrent que la

    pratique et l'entraînement peuvent améliorer davantage l'utilisation du résidu visuel.

    Plus spécifiquement1 I'apprentissage actif. qui implique l'initiation du mouvement,

    est un composant nécessaire dans le processus d'adaptation en déficience visuelle.

    Par ailleurs, le niveau de déficiences (modérée ou sévère) n'a aucun effet sur

    l'apprentissage qui s'est avéré bénbfique à tous, peu importe le degrb de la perte

    de vision. Au test de figure-fond de Frostig, le groupe actif s'est amélioré

  • 4s

    significativement (p

  • 46

    réception d'informations écrites, l'habitation et les loisirs. Les faibles performances

    en lecture du groupe actif sont surprenantes. Les résultats du groupe témoin sont

    rarement rapportés. t'étude ne permet pas de conclure qu'un entraînement

    perceptuel permet un meilleur contrôle de la vision excentrique mais qu'il favorise

    plutôt sa pratique. Par conséquent, l'ajout d'exercices perceptuels à un programme

    d'entraînement du contrôle de la vision excentrique peut s'avérer une avenue

    intéressante.

    Nilsson (1990) a évalué les effets d'un programme d'entraînement sur la

    manipulation des aides optiques et sur t'utilisation de la vision résiduelle pour les

    personnes ayant un diagnostic de dég8nérescence maculaire et une acuité visuelle

    cotrigbe de 6/60 et moins. Le devis est prospectif avec un groupe exp6rimental

    (n=20) et un groupe témoin (n=20). Au pré test, les groupes étaient comparables

    au niveau des pathologies oculaires et physiques, de l'âge, de l'acuité visuelle, de

    l'habileté de voir et de lire dans certaines situztions pratiques telles la télévision, les

    journaüx, l'écriture, le tricot et le genre d'aides optiques prescrites. Le groupe

    expérimental était pris en charge par un thérapeute en basse vision afin de

    bénéficier d'un programme d'entraînement. Les sujets ont appris à bien contrôler

    la distance de travail requise par les aides optiques à la lecture, à la vision intermé-

    diaire (écriture, tricot) et à la vision de loin (télévision). Pour les personnes ayant un

    scotome central (50 % des cas), un entraînement en vision excentrique a été

    entrepris. Le programme visait le développement d'une fixation orthogonale. soit au-

    dessus ou en dessous du texte et un déplacement du texte devant les yeux plutôt

    que le balayage visuel pour les courtes distances de lecture. L'angle d'excentricité

  • 47

    a été entraine, de façon rc5pétitive. jusqu'à l'automatisme. La durée du programme

    était en moyenne de 4,8 sessions à raison d'une heure par semaine. Les sujets du

    groupe témoin étaient pris en charge par un opticien qui leur fournissait uniquement

    les instructions relibes à la manipulation adéquate des aides optiques. Les sujets

    retournaient à la maison et pratiquaient par eux-mêmes. Le mois suivant, suite à

    l'évaluation post test, certains sujets ont reçu l'entraînement en vision excentrique

    (55 % des cas) par le thérapeute en basse vision et une deuxième mesure a alors

    été prise. Les instruments utilisés pour la mesure des acuités visuelles sont des

    chartes calibrées pour I'optométrie. La validité et la fidélité du test de lecture utilisé

    ne sont pas mentionnées.

    Les résultats démontrent une amélioration significative de I'acuité visuelle

    indiquant une meilleure utilisation du système visuel. Les deux groupes se sont

    améliorés de façon significative au niveau de l'acuité visuelle au loin passant de .O8

    (6172) à i -40 (6/15) (pc0,OOI) et au pres allant de i 22 points (2.5M) à 4 points

    (-5M) (p

  • 48

    amélioration de 100 % dans la pratique des loisirs et de l'écriture de courts

    messages et de 85 % pour l'écriture de longues lettres alors que le groupe témoin

    ne s'est améliork que de 35 % pour les loisirs et de 20 % pour I'écriture de courts

    messages et de longues lettres. Par la suite, les sujets du groupe témoin ont reçu

    le programme d'entraînement; leurs résultats se sont améliorés de façon

    significative et ont rejoint ceux du groupe expérimental.

    Tous les résultats de l'étude de Nilsson (1 990) démontrent qu'un entraînement

    spécifique dans la manipulation des aides optiques et dans l'utilisation de la vision

    résiduelle améliore l'efficacité dans certaines activités de ia vie quotidienne. En

    effet, considérant que l'amélioration de l'acuité visueile au loin et au pr&, mesurée

    avec les aides optiques, est comparable dans les deux groupes, il est pensable

    d'attribuer l'efficacité constatée dans la réalisation des activités au programme

    d'entraînement en vision excentrique. Toutefois, il y a peu d'informations sur le

    genre de programme utilisé. Les instruments de mesure pour les activités de la vie

    quotidienne ne sont pas mentionnes. Les données au pré test sont basées sur les

    déclarations subjectives des personnes lors d'une entrevue alors qu'au post test,

    l'évaluation semble avoir été plus objective. Ainsi, si la personne mentionnait qu'elle

    était incapable de lire les articles de journaux, un score de zéro lui était attribué au

    pré-test alors qu'au post test, un test de lecture était utilisé. Les entraînements

    étaient réalisés en milieu clinique, sous supervision et dans de bonnes conditions

    d'éclairage et d'organisation physique. II n'est pas mentionné si les sujets du groupe

    témoin ont respecté les consignes de l'opticien et profite des mêmes condlions. Les

    activités évaluées, lecture - tricot - écriture - télévision, sont statiques et n'impliquent

  • 49

    qu'une seule distance de travail à la fois et un espace bien aménage (support à

    lecture, éclairage) œ qui n'est pas le cas pour des actiiÏtes comme la cuisine,

    l'entretien et les loisirs (cartes).

    Conrod et Overbury (1998) ont évalué les effets de deux programmes

    d'entraînement, perceptuel et psychosocial, sur l'adaptation à une baisse de vision

    pour des personnes agées. Le programme d'entraînement perceptuel visait le

    développement de stratégies dont le balayage visuel, la vision excentrique et la

    coordination oeil-main. Le programme psychosocial étal divise en cinq sections :

    1) anatomie de base et troubles visuels; 2) adaptation sociale. dépendance,

    planification de stratégies et relations avec la famille et les amis; 3) utilisation de la

    vision, facteurs mhdicaux et diniques, éclairage. contraste, mythes et stéréotypes

    et importance du suivi médical; 4) strategies perceptuelles, amélioration du

    contraste et de l'éclairage, utilisation des techniques de balayage visuel et

    informations de base sur le grossissement; 5) ressources disponibles dans la

    communaut~. en réadaptation. service de bibliothèque, aide dans les

    déplacements. déductions d'impôt. champs d'expertise des différents

    professionnels et procédure de recherche d'aide pour un problème visuel. Le

    dispositif est expérimental de type pré testlpost test. L'échantillon se compose de

    49 adultes et personnes âgées (z=70 ans) ayant une basse vision dont 38 porteurs

    d'un diagnostic de dégénérescence maculaire. Les sujets ont &té r6partis

    aléatoirement dans quatre groupes : rencontre individuelle (n=16); rencontre de

    groupe (n=ll); entraînement perceptuel (n=12); et sans entraînement (n=lO). De

    plus, un groupe de personnes d'âge comparable sans problème de vision (n=50)

  • 50

    a permis d'obtenir des données de comparaison, au pré test, pour des mesures

    dépendantes comme les acuités visuelles, les activités, les croyances et les

    attentes. Différents instruments ont été utilisés pour mesurer les effets des

    programmes. Lacuite visuelle au près a été rnesurke à l'aide du Canadian National

    lnstitute for the Blind Low Vision Reading Test Card. Cet instrument n'est pas connu

    ou utilisé au Québec. Le Sloan eye chart a été utilise pour mesurer l'acuité visuelle

    au loin. Le test figure-fond de Frostig a permis d'évaluer les tâches de perception.

    Finalement, quatre questionnaires ont été développés afin de recueillir de

    l'information détaillée sur le fonctionnement visuel dans quatre sphères d'adaptation

    psychosociale : les activités (les sorties, le magasinage); les croyances (les

    stéréotypes et les attitudes); les attentes; et I'auto-évaluation de la capacité à

    accomplir les activités de la vie quotidienne (lire, cuisiner).

    Les cinq instructeurs ont suivi une formation afin de s'assurer de l'uniformité

    d'application des protocoles d'interventions et des manuels d'enttabement. Ils ont

    éte assignés aléatoirement aux participants. L'étude s'est échelonnée sur une

    période de dix sessions dont cinq ont été consacrées à établir l'histoire de cas et

    aux évaluations pré et post entraînement. Les programmes ont été offerts en cinq

    sessions d'une heure par semaine, en individuel sauf pour ceux du groupe de

    rencontre. Les sujets du groupe sans entraînement ont été avisés qu'ils pouvaient

    recevoir le programme a la fin de l'étude, s'ils le désiraient. Les sujets sans

    problème de vision ont répondu à un questionnaire téléphonique et se sont

    déplacés pour un rendez-vous unique afin de compléter les évaluations. Une

    entrevue téléphonique a éte réalisée, trois mois suivant le post test, afin de verifier

  • 5 1

    le maintien d'activités depuis la fin du programme. Le questionnaire téléphonique

    a été compl6té pour 29 des 49 sujets ayant une basse vision.

    Les données recueillies, au pré test. ont indiqué que les sujets des quatre

    groupes étaient comparables. Des analyses de variance répétées ont été calculées

    pour les trois mesures de la perception (figure-fond de Frostig, acuité visuelle au

    près et au loin) et pour les quatre mesures psychosociales (activités. croyances,

    attentes et auto-évaluation de la capacité à accomplir les activités de la vie

    quotidienne). Les résultats démontrent que te groupe en entraînement perceptuel

    s'est améliorb dans toutes les sphères de la mesure de la perception (p

  • sujets sur certaines tâches visuelles et psychosociales.

    Cette étude a démontré l'importance d'inclure dans un même programme de

    l'information sur le fonctionnement visuel et les r6percussions psychosociales. des

    tâches oculomotrices et une mise en pratique dans les activités de la vie

    quotidienne. De plus, l'entraînement individuel a semblé mieux répondre aux

    besoins des personnes, particulièrement au début du processus de réadaptation.

    Les interventions de groupe peuvent s'avérer efficaces après une période

    d'adaptation à la déficience visuelle.

    C- Études traitant de l'impact psychologique et de la qualité de vie

    Très peu d'études cliniques ont vérifié l'impact de la déficience visuelle,

    incluant la dégénérescence maculaire, sur la sphère psychologique et la qualité de

    vie. Les répercussions psychologiques découlant d'une pathologie oculaire sont

    présumées être le sentiment d'impuissance, d'incompétence, d'inutilité et

    d'exclusion dans la réalisation des activites et des rôles sociaux (Negrin, 1983).

    Karlsson (1998) a étudié la relation entre la sévérité de la déficience visuelle

    et la perception de détresse psychologique. Trois objectifs ont été formulés : 1)

    vérifier si les personnes ayant une déficience visuelle étaient plus sujettes à

    présenter des symptômes de detresse comme des sentiments dépressifs, de

    l'anxiété. de l'inquiétude, des pensées intruses, de l'isolement et de la solitude; 2)

    étudier la relation entre la perception de la santé et la détresse et 3) examiner si la

    rumination (méditation irrépressible et anxieuse de la même préoccupation) face

  • 53

    à la perte de vision etait reliée à une plus grande détresse. Les sujets ont été

    répartis en deux groupes : les 18-69 ans (n=141) et les 70-97 ans (n=77). Les

    acuités visuelles variaient de 611 8 à cécité totale. Dans le groupe des 18-69 ans,

    les principales causes de déficience étaient des pathologies héréditaires, comme

    la rétinite pigmentaire. et des anomalies congénitales, comme l'atrophie optique.

    Pour les 70-97 ans. la dégénérescence maculaire constituait la principale cause.

    Sur les 213 personnes qui ont répondu au questionnaire, 64 (30 %) avaient une

    déficience congénitale. 97 (46 %) avaient perdu la vision progressivement et 52 (24

    %) l'avaient perdu subitement. Des entrevues téléphoniques, de type structuré,

    réalisées par des interviewers expérimentés ont permis de recueillir les données.

    L'entrevue comportait quatre questions du Hospital Anxiety and Depression (HAD)

    Rating Scale (Schaaber, Smari & Oskarsson, 1990), plusieurs questions issues

    d'une 6tude auprès de 1.000 Islandais (Olafsson, 1990) portant principalement sur

    leurs attitudes concernant les préoccupations économiques et leur mode de vie et

    deux questions pour évaluer la rumination : "Pensez-vous à ce qui aurait pu arriver

    si vous n'aviez pas eu de déficience visuelle?" et 'Est-ce que votre déficience

    visuelle a diminué votre bonheur dans la vie?"

    Les résultats, pour le premier objectif, ont démontré l'existence d'une

    différence significative pour les sujets ayant une cécité légale (6/60 ou 20' de

    champ ou moins) concernant le bonheur (p

  • 54

    ayant une cécité légale ont éprouvé plus de sympt6mes de dépression et se sont

    sentis plus tendus et nerveux. Par ailleurs, l'inquiétude, les tensions, la nervosité,

    les sentiments de dépression et la solitude ont été significativement reliés (p4.001)

    aux préoccupations économiques. Pour le deuxième objectif, les résultats ont

    confirmé la relation entre la perception de la santé et le sentiment de dépression.

    En effet, les personnes qui considéraient avoir une mauvaise santé (pe0.05) et

    celles qui estimaient que la déficience visuelle influence négativement leur état de

    santé (p~0.001) se rapportaient plus d6primées. Finalement, pour le troisième

    objectif, les résultats ont prbcisé la relation entre la rumination et la détresse. Les

    personnes ont eu plus tendance à penser que la déficience visuelle a diminué leur

    bonheur (p4,Ol). De plus, la rumination a et6 corréiée avec les inquiétudes pour

    l'avenir (pc0,001), l'influence négative de la déficience visuelle sur la santé

    (p

  • 55

    Williams et al. (1 998) ont evalué l'impact de la dégénérescence maculaire sur

    la qualité de vie, la détresse émotionnelle et les activités de la vie quotidienne.

    L'échantillon est composé de 86 sujets volontaires dont l'âge moyen est de 79 ans.

    La répartition des sujets dans les deux groupes s'est fait en fonction du degré de

    vision. Le groupe 1 est composé de personnes ayant une cécité légale (201200

    (6160) ou moins) à un oeil et une acuité de 20160 (611 9) à 201200 (6160) au meilleur

    oeil. Les sujets du groupe 2 ont une cécité légale aux deux yeux. Un assistant de

    recherche a rencontrb les sujets en entrevue pour la collecte des données.

    Cinq instruments ont été utilisés pour mesurer les différentes variables : le

    Quality of Well-being Scale (QWB) pour la qualité de vie (Kaplan & Anderson,

    1996), le Profile of Mood States (POMS) pour la détresse émotionnelle (McNair. Lor

    8 Dropplernan, 1980), l'Instrumental Activities of Daily Living Index pour les activités

    de la vie quotidienne (Spiegel, Brunner, Ermini-Funfschilling, 1991). le Self-Rated

    General Health Status pour I'auto-évaluation de la sant6 (Lawton & Brady, 1969)

    et le LogMar Vision Scale pour les acuitbs visuelles (Bailey 8 Lovie, 1976).

    Afin de mieux comprendre l'impact de la d6générescence maculaire, les

    résultats obtenus dans cette étude ont été comparés à ceux obtenus dans d'autres

    études de personnes âgées notamment auprès de groupes sans déficience et

    vivant dans la communauté et de personnes avec un diagnostic de maladie

    chronique comme une arthrite, une obstruction sévère des voies respiratoires, un

    syndrome d'immunodéficience acquise et une transplantation de la moelle osseuse.

    Les résultats démontrent une différence significative (pe0,OOl) au niveau de la

    qualité de vie, de la détresse émotionnelle et des activités de la vie quotidienne

  • 56

    avec les résultats des groupes vivant dans la communauté mais sont comparables

    à ceux présentant une maladie chronique.

    De plus, la relation entre les diverses variables a été 6tudiée. Les résultats ont

    démontré que la qualité de vie est influencée par la détresse émotionnelle (r= -0.25)

    la perception de la santé (r= 4 2 1 ) et le degré d'actualisation des activités de la vie

    quotidienne (r= -0.38). La détresse émotionneHe est corrélée avec le niveau

    d'indépendance dans les activités de la vie quotidienne (r= 0,26). La réalisation des

    activités de la vie quotidienne est reliée au degré d'acuité visuelle (r= 0,28). Par

    conséquent, une personne ayant une faible acuité visuelle accomplit plus

    difficilement ses activités de la vie quotidienne. En état de dépendance, elle

    exprime un niveau de dbtresse émotionnelle plus élevé. Sa perception de la santé

    est alors diminuée et elle rapporte une qualité de vie détériorée.

    Dans cette même étude, la relation entre les variables (qualité de vie, détresse

    Brnotionnelle et activités de la vie quotidienne) et les caractéristiques

    d6mographiques (âge, sexe. éducation, statut civil, residence et statut 6conomique)

    et cliniques (date d'apparition et maladie physique) a été évaluée. Les résultats ont

    démontré que les personnes plus âgées présentent plus de difficultés dans la

    réalisation des activités (F 0,32) et qu'elles ont des acuités visuelles inférieures (r=

    0,22). De plus, les hommes cotent une meilleure qualité de vie (p

  • 57

    -0,24) et plus particulièrement à la sous-section «colère, (r= -0,25). Les personnes.

    dont l'apparition de la maladie date de moins de quatre ans, ont eu un score total

    de détresse émotionnelle plus élevé (7211 00) que ceux dont le début est survenu

    de plus de quatre ans (61/100). Considérant que 66/78 sujets de l'étude avaient

    une autre maladie, ils ont été comparés avec les 12 sujets ayant seulement une

    degénbrescence maculaire. Les résultats n'ont démontré aucune différence

    significative entre les deux groupes.

    L'impact de la dégénérescence maculaire ne peut être expliqué uniquement

    par une faible acuité visuelle. La crainte d'une baisse de vision, au meilleur oeil,

    peut avoir une influence plus grande que l'acuité visuelle. L'hypothése suivante a

    donc été avancée par les chercheurs : 'Les personnes ayant une cécité Iégale à

    seulement un oeil présentent une détresse émotionnelle plus grande que celles

    ayant une cécité Iégale aux deux yeuxn. La difference des moyennes, entre les

    groupes. pour la qualit6 de vie, la détresse 6motionnelle et les activités de la vie

    quotidienne a été examinée. Les résultats des deux groupes sont comparables pour

    la qualité de vie et les activités. Toutefois, les sujets du groupe 1 (cécité légale à un

    oeil) ont démontré une différence signifi