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Thèse de Doctorat / novembre 2010 Université Panthéon-Assas Thèse de doctorat en droit soutenue le 9 novembre 2010 Étude comparée des sûretés réelles en droit français et en droit chinois Auteur Rongxin ZENG Sous la direction de Monsieur Michel GRIMALDI Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II) Membres du jury : Madame Marie GORÉ Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II) Monsieur Philippe DUPICHOT (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne Monsieur Augustin AYNÈS (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne

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Thèse de Doctorat / novembre 2010

Université Panthéon-Assas

Thèse de doctorat en droit soutenue

le 9 novembre 2010

Étude comparée des sûretés réelles en

droit français et en droit chinois

Auteur Rongxin ZENG

Sous la direction de Monsieur Michel GRIMALDI Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II)

Membres du jury :

Madame Marie GORÉ Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II)

Monsieur Philippe DUPICHOT (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne

Monsieur Augustin AYNÈS (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne

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I

Avertissement

L’Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – économie – sciences sociales

n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans

les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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II

Remerciements

J’aimerais remercier vivement, mon directeur de thèse, Monsieur le

professeur Michel GRIMALDI, de l’attention et du soutien qu’il a porté à mon

travail de doctorant, de tout son dynamisme et ses compétences scientifiques qui

m'ont permis de mener à bien cette étude.

J’aimerais ensuite remercier Monsieur Philippe DUPICHOT et Monsieur

Augustin AYNÈS, Professeurs à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne,

qui m’ont fait l’honneur d’exercer les fonctions de rapporteurs de thèse et de

membres du jury.

Je suis aussi très reconnaissant envers Madame Marie GORÉ, Professeur à

l’Université Paris II, de la présence dans ce jury.

J'exprime également les remerciements à Monsieur René CASSIER,

Conservateur des Hypothèques et chef de la mission immobilière de l’Etat, pour

ses conseils professionnels en matière hypothécaire. Ces remerciements vont

également à Mademoiselle Emilie Chung, aux Mesdames Véronique

MÉNAGER, Laurence FABART et Pascal SADAUNE, et je les remercie pour

leurs efforts apportés à la correction de la thèse et leurs encouragements.

Enfin, l'aboutissement de cette thèse a été encouragé par mes parents et mes

amis. Je ne citerai pas de noms ici, pour ne pas en oublier certains. Merci à eux.

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III

Résumé

Cette thèse a pour objet une étude comparative des droits français et

chinois des sûretés réelles.

Au cours de ces dernières années, les sûretés réelles ont connu une

profonde mutation tant en droit français qu’en droit chinois, sous l’influence de

facteurs tantôt identiques tantôt très spécifiques. En droit français, le Code civil

regroupe les sûretés réelles en deux grandes catégories : les sûretés sur les

meubles (le gage avec ou sans dépossession, le nantissement, la fiducie-sûreté,

la réserve de propriété, les privilèges mobiliers) et celles sur les immeubles

(l’hypothèque, le gage immobilier, la fiducie-sûreté et les privilèges

immobiliers). En droit chinois, l’hypothèque (l’hypothèque immobilière et

l’hypothèque mobilière qui est comparable au gage sans dépossession en droit

français), le gage (le gage de meubles corporels et le gage de droits qui

s’approche du nantissement en droit français) et le droit de rétention forment la

structure essentielle du droit des sûretés réelles et, sont les seules sûretés

nommées en droit chinois. À part cette différence formelle, la différence du

fond des régimes des sûretés réelles dans les deux pays mérite aussi une étude

approfondie et, cette étude devrait ainsi toujours être conduite du double point

de vue français et chinois.

Mots clefs : droit chinois, sûretés réelles, droit réel, meuble, immeuble, gage,

nantissement, fiducie-sûreté, réserve de propriété, privilèges, hypothèque, droit

de rétention

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IV

Principales abréviations

al. alinéa

art. article

Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

C. civ. Code civil français

C. consom. Code de la consommation français

C. com. Code de commerce français

CAE Conseil des affaires d’État de la RPC

Cass. civ. Arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation

Cass. com. Arrêt d’une chambre commerciale de la Cour de cassation

cf. se reporter à

contra. Solution contraire

D. Recueil Dalloz

D. Affaire Dalloz affaires

DP Dalloz périodique

Dr. et patr. Droit et patrimoine

Éd. Édition

ELS Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (2000)

in dans

infra ci-dessous

Ibid. ibidem

JCP Juris-classeur périodique (Semaine juridique)

LAC Loi sur l’aviation civile de la RPC (1995)

LC Loi sur les contrats de la RPC (1999)

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V

LCE Loi sur les contrats économiques de la RPC (1981)

LCM Loi sur les commerces maritimes de la RPC (1992)

LDR Loi sur les droits réels de la RPC (2007)

LFE Loi sur la faillite d’entreprise de la RPC (2006)

LPC Loi sur la procédure civile de la RPC (2007)

LS La Loi sur les sûretés de la RPC (1995)

n° Numéro

MID Mesures d’inscription de bâtiments (2008)

op. cit. opere citato

P. Page

PGDC Les Principes généraux du droit civil de la RPC (1987)

RD banc. fin. Revue de droit bancaire et financier

RD bancaire et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse

RD imm. Revue de droit immobilier

Rev. Crit. DIP. Revue critique de droit international privé

Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

s. et suivants

supra ci-dessus

t. tome

v. Voyez

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VI

Sommaire

Introduction…………………………………………………………………..20

§ I – L’évolution du droit des sûretés réelles………………………..21

A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles………21

a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit

français…………………………………………………...21

b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit

chinois…………………………………………………....22

B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des

sûretés réelles…………………………………………….36

a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des biens…37

b. La recherche de l’efficacité maximale……………………………39

§ II - Difficultés et portée de la présente étude……………………...40

A. Difficultés rencontrées dans la présente étude…………………...40

B. Portée de la présente étude comparée……………………………42

Première partie Théorie générale des sûretés réelles (études

macroscopiques)……………………………………………………………...45

Titre I – La délimitation de « sûreté réelle » ………………………………….46

Chapitre I – La notion de « sûreté réelle » ……………………………...47

Section I – La définition de « sûreté réelle » ……………………….47

§ I – Les tentatives effectuées par la doctrine française…………….48

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VII

§ II – La définition donnée par le législateur chinois………………..49

Section II – Les caractères de « sûreté réelle » ……………………..50

§ I – Un droit réel……………………………………………………50

A. La qualification…………………………………………………..50

B. Les conséquences de la qualification…………………………….52

a. Le principe de légalité (numerus clausus) ……………………….52

b. La règle de spécialité……………………………………………..54

c. La règle d’indivisibilité…………………………………………..56

§ II – Un droit accessoire……………………………………………58

§ III – Un droit sur la valeur du bien………………………………..62

Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage

général…………………………………………………………65

§ I – Différence de nature…………………………………………...66

§ II – Différence de finalité………………………………………….67

Chapitre II – La typologie des sûretés réelles…………………………...71

Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette….71

§ I – Selon l’étendue de l’assiette…………………………………...71

A. Les sûretés générales……………………………………………..71

a. Les sûretés générales en droit français……………………………71

b. Les sûretés générales en droit chinois…………………………….72

B. Les sûretés spéciales……………………………………………...72

a. Les sûretés spéciales en droit français……………………………73

b. Les sûretés spéciales en droit chinois…………………………….73

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VIII

§ II – Selon la nature de l’assiette…………………………………...74

A. La nature de l’assiette - la classification des biens………………74

a. La dichotomie des biens en droit français………………………...75

b. La trichotomie des biens en droit chinois………………………...76

B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette……76

a. La classification en droit français………………………………...76

b. La classification en droit chinois…………………………………77

Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime…78

§ I – Le critère de la dépossession…………………………………..78

A. La notion et l’effet de dépossession……………………………...78

a. Notion de dépossession…………………………………………...78

b. Effets de dépossession……………………………………………80

B. La classification selon le critère de dépossession………………..80

a. La classification en droit français………………………………...80

b. La classification en droit chinois…………………………………82

§ II – Le critère de la propriété……………………………………...82

A. La reconnaissance de la propriété-sûreté………………………...83

a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français……….83

b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois………..86

B. La classification selon le critère de la propriété………………….88

a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété………….88

b. Les sûretés basant sur la propriété du bien……………………….88

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IX

Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles………………………92

Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application…93

Section I – La publicité en matière mobilière……………………….93

§I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit

français…………………………………………………...93

§II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit

chinois……………………………………………………95

Section II – La publicité en matière immobilière…………………...96

§I – La publicité foncière en droit français………………………….97

§II – La publicité foncière en droit chinois………………………….99

Chapitre II – Les finalités de publicité……………………………..…..103

Section I – Les finalités poursuivies en droit français…………......103

§I – L’opposabilité de la sûreté………………………………..…...103

§II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....104

Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois…………105

§I – La validité et l’opposabilité de la sûreté……………………....105

§II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....107

Deuxième partie Régimes des sûretés mobilières (études

microscopiques)…………………………………………………………..…109

Titre préliminaire – Les sûretés mobilières extra-conventionnelles…………111

Chapitre I – Les privilèges……………………………………………..112

Section I – Les privilèges en droit français………………………...112

§ I – Les privilèges généraux………………………………………112

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X

§ II – Les privilèges mobiliers……………………………………..114

A. Les privilèges mobiliers généraux……………………………...114

B. Les privilèges mobiliers spéciaux……………………………....115

§ III – Le classements des privilèges mobiliers……………………118

A. Conflits entre privilèges de même nature……………………….118

a. Entre les privilèges généraux……………………………………118

b. Entre les privilèges spéciaux…………………………………….118

B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges mobiliers

spéciaux…………………………………………………120

C. Influence de la procédure collective…………………………….120

Section II – Les privilèges en droit chinois………………………..121

§ I – Les privilèges nommés……………………………………….122

§ II – Les privilèges innomés………………………………………123

Chapitre II – Le droit de rétention……………………………………..125

Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention………125

§ I – La créance garantie…………………………………………...126

§ II – L’assiette du droit de rétention…………………………..…..126

§ III – La connexité entre la créance et le bien retenu…………..…129

Section II – Les effets du droit de rétention………………………..130

Titre I – Le gage de meubles corporels………………………………………133

Chapitre I – Le gage avec dépossession……………………………….134

Section I – La constitution du gage de meubles corporels…………134

§ I – Les conditions de fond……………………………………..…134

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XI

A. Les parties du gage……………………………………………...134

a. Le créancier bénéficiaire………………………………………...134

b. La qualité du constituant du gage…………………………..…...135

B. La créance garantie…………………………………………..….138

C. L’assiette du gage……………………………………………….139

§II – Les conditions de forme……………………………………...141

A. Les exigences formelles en droit français………………………141

a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..141

b. La dépossession du bien grevé…………………………………..142

B. Les exigences formelles en droit chinois……………………….143

a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..143

b. La dépossession du bien grevé…………………………………..144

Section II – Les effets du gage de meubles corporels……………...145

§ I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie…..146

A. Les obligations des parties……………………………………...146

a. L’obligation de conserver le bien grevé………………………....146

b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien

grevé…………………………………………………….147

B. Les droits des parties……………………………………………149

a. Le droit de percevoir les fruits…………………………………..149

b. Le droit de demander un complément du gage………………….150

§ II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie……...150

A. Le droit de rétention…………………………………………….151

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XII

B. Le droit de mettre en œuvre le gage…………………………….152

a. L’attribution du bien gagé……………………………………….152

b. La vente du bien grevé…………………………………………..156

C. Le droit de préférence…………………………………………..157

a. L’étendue du droit de préférence………………………………...157

b. Le classement du droit de préférence…………………………....159

D. Le droit de suite limité………………………………………….160

Chapitre II – Le gage sans dépossession………………………….........162

Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit

chinois………………………….....………………………….162

§I – La qualification en droit français………………………….......162

§II – La qualification en droit chinois………………………….......165

Section II – Différents régimes en droit français et en droit

chinois.. …………………………...…………………………166

§ I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun…166

A. Le gage sans dépossession en droit français……………………166

B. L’hypothèque mobilière en droit chinois………………………..168

a. L’hypothèque mobilière classique………………………….........168

b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière

spéciale …………………………....……………………175

§II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux..180

A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des moyens

de transport…………………………...............................181

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XIII

B. Le gage du matériel et de l’outillage…………………………....186

C. Le gage sur stocks………………………….... ………………...188

Titre II – Le nantissement de meubles incorporels…………………………..192

Chapitre I – Le nantissement de créance…………………………........195

Section I – La constitution du nantissement de créance…………...195

§ I – Les conditions de fond…………………………......................195

§ II– Les conditions de forme………………………….... ………..197

A. La seule formalité ad validitatem en droit français……………..197

B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois…………199

Section II – Les effets du nantissement de créance………………..201

§ I – En droit français…………………………................................201

A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la

créance garantie………………………….......................203

B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la

créance garantie………………………….......................204

§ II – En droit chinois…………………………...............................206

Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers……208

Section I – La constitution du nantissement……………………….208

§ I – Les conditions de fond…………………………......................208

§ II – Les conditions de forme…………………………..................210

Section II – Les effets du nantissement…………………………....212

§ I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance

garantie……………………………………………….....213

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XIV

§ II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie….214

Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux………………………217

Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un

caractère intuitu personae…………………………................217

§ I – En droit français……………………………………………....217

§ II – En droit chinois…………………………...............................218

Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de

capitaux…………………………............................................222

§ I – En droit français………………………….... ………………...222

§ II – En droit chinois…………………………...............................223

Titre III – La réserve de propriété…………………………............................225

Chapitre I – La constitution…………………………............................226

Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit

français…………………………....………………………….226

Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit

chinois…………………………....…………………………..228

Chapitre II – La nature juridique…………………………....................230

Section I – La qualification en droit français………………………230

Section II – La qualification en droit chinois………………………231

Chapitre III – Les effets juridiques………………………….................234

Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien……………234

§ I – La situation de l’acheteur du bien en droit français…………..234

§ II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois………….235

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XV

Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien…………..237

§ I – L’exercice du droit de revendication…………………………237

§ II – Les effet de la revendication sur le contrat…………………..242

Titre IV– La fiducie-sûreté………………………….... …………………….244

Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français………………………..245

Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté…………………….246

§ I – Le domaine d’application………………………….................246

§ II – Le formalisme………………………….... …………………247

§ III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté…………...250

Section II – Quelques observations du droit positif………………..252

Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit

chinois…………………………....………………………..……....255

Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté………………....255

Section II – Quelques observations…………………………...........256

Troisième partie Régimes des sûretés immobilières (études

microscopiques) …………………………....…………………………..…...261

Titre préliminaire – Les sûretés immobilières extra-conventionnelles………263

Chapitre I – Les sûretés immobilières légales…………………………264

Section I – Les privilèges immobiliers………………………….....264

Section II – L’hypothèque légale…………………………..............265

§ I – L’hypothèque légale en droit français………………………...265

A. L’hypothèque légale des époux…………………………............266

B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle……………………267

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XVI

§ II – L’hypothèque légale en droit chinois………………………..267

Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires…………………….270

Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français………..270

§ I – La publicité provisoire…………………………......................270

§ II – La publicité définitive………………………….....................271

Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en

droit chinois………………………….....................................272

Titre I – L’hypothèque conventionnelle…………………………...................275

Chapitre I – La constitution de l’hypothèque………………………….276

Section I – L’assiette de l’hypothèque…………………………......276

Section II – La créance garantie…………………………................282

§ I – Une ou plusieurs créances futures…………………………....282

A. En droit français…………………………...................................282

B. En droit chinois…………………………....................................283

a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant maximal..284

b. Fixation des créances garanties………………………….............286

c. Modification concernant l’hypothèque de montant maximal…...288

§ II – Hypothèque rechargeable…………………………................290

A. Le mécanisme…………………………......................................290

a. Les conditions de constitution et son opposabilité………………290

b. Le domaine d’application………………………….....................293

c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable……………………...293

B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable………….294

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XVII

§ III – Prêt viager hypothécaire…………………………................295

A. Le prêt viager hypothécaire en droit français…………………...295

a. La constitution………………………….......................................296

b. Le mécanisme………………………….... ……………………..297

B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois……………………299

a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire…………...299

b. Les problèmes à résoudre………………………………………..301

Section III – La qualité du constituant……………………………..302

§ I – Le titre du constituant………………………………………...303

§ II – La capacité…………………………………………………...307

Section IV– Les exigences de forme………………………………309

Chapitre II – L’inscription hypothécaire……………………………….312

Section I – Les mentions obligatoirement requises………………..312

Section II – Délai de l’inscription………………………………….314

Section III – La péremption, la radiation et la réduction…………..315

§ I – La péremption de l’inscription hypothécaire…………………315

§ II – La radiation de l’inscription hypothécaire…………………..317

§ III – La réduction de l’inscription hypothécaire…………………320

Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe

d’inscription………………………………………………….321

Chapitre III – Les effets de l’hypothèque……………………………...326

Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier

hypothécaire………………………………………………….326

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XVIII

§ I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque…………………...326

§ II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque………...331

A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français……331

B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois…….334

Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et

les autres créanciers………………………………………….338

§ I – Assiette du droit de préférence……………………………….339

§ II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence…342

§ III – Exercice du droit de préférence…………………………….343

A. Le rang des créanciers hypothécaires…………………………...343

B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers munis

d’autres sûretés réelles………………………………….344

C. Disposition de rang……………………………………………...345

Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et

le tiers acquéreur……………………………………………..347

§ I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français…...348

§ II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois…...352

Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque………..355

Section I – Transmission de l’hypothèque…………………………355

Section II – Extinction de l’hypothèque…………………………...358

§ I – Extinction par voie accessoire………………………………..358

§ II – Extinction par voie principale……………………………….359

Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles…………………363

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XIX

Chapitre I – Le gage immobilier……………………………………….364

Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière…………………………...366

Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière………...368

Section I – En droit français……………………………………….368

Section II – En droit chinois……………………………………….369

Conclusion générale………………………………………………………...371

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………376

ANNEXES…………………………………………………………………..388

INDEX ALPHABETIQUE………………………………………………...415

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Introduction

20

Introduction

1. La croissance économique a besoin du crédit1, le crédit a besoin des

sûretés, puisque celles-ci confèrent au créancier une action prioritaire ou

supplémentaire pour réduire les risques d’un défaut de paiement en cas

d’insolvabilité du débiteur. Donc, il n’y a pas d’économie moderne sans crédit,

pas de crédit sans sûretés2. Les sûretés ont besoin d’un régime juridique

efficace pour faire face à l’insolvabilité de l’emprunteur. En effet, l’histoire

nous montre que moins les sûretés ont d’efficacité, plus le crédit est rare,

notamment pour les petites et moyennes entreprises3.

2. Le droit des sûretés est donc le prolongement nécessaire du droit du

crédit. Actuellement il ne peut exister de droit du crédit sans droit des sûretés.

Le droit des sûretés rassemble, sous une terminologie commune, deux

catégories de sûretés : les sûretés personnelles et les sûretés réelles. Compte

tenu, d’une part, que la matière des sûretés personnelles est depuis longtemps

considérée soit dans le cadre des études générales du droit des sûretés, soit dans

celui des études du droit des obligations et, d’autre part, que les sûretés réelles

occupent une place de plus en plus importante dans la vie économique et dans

le commerce international, la présente thèse s'attachera uniquement à la

question des sûretés réelles.

3. Il convient, dans cette introduction générale, de présenter l’évolution du

droit des sûretés réelles, d'expliquer les raisons pour lesquelles nous

1 C’est-à-dire qu’un créancier accepte de son débiteur un paiement à terme qui peut résulter du contrat ou d’un aménagement du contrat.

2 Yves PICOD, Droit des sûretés, Puf, 2008, p. 1.

3 Une étude du Center on Institutional Reform and the Informal Sector (IRIS), à l’Université du Maryland à College Park, a pu nous montrer que le crédit garanti représente 80% de la valeur des prêts bancaires faits aux petites entreprises. Citée par Georges AFFAKI, De la relation perfectible entre le crédit et les sûretés, Repenser le droit des sûretés mobilières, Institut André Tunc, EJA, 2005, p. 10.

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Introduction

21

procéderons à la comparaison des droits chinois et français, et de rappeler les

difficultés rencontrées.

§ I – L’évolution du droit des sûretés réelles

4. Historiquement, les sûretés réelles sont postérieures aux sûretés

personnelles puisque l’apparition de ces premières suppose la distinction entre

la chose et le droit réel qui s'y rapporte. L'histoire nous montre que le

législateur a traité ce sujet en alternant rigueur et laxisme, les sûretés réelles

étant soit extrêmement précises, soit laissées dans le flou.

A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles

5. Ces sûretés étaient historiquement fondées sur la propriété : un débiteur

transmet la propriété d’un bien à son créancier qui la lui restituera au

remboursement. Ces sûretés présentent un gros avantage en ce qu’elles

confèrent une sécurité absolue au créancier ; leur défaut tient au fait qu’elles

font courir un risque au débiteur, qu’il ne peut plus se servir du bien et, sur le

plan économique, il y a gaspillage du crédit car un même bien ne pourra faire

l’objet une seconde garantie. Ces sûretés fondées sur la propriété connaissent

un regain de faveur alors qu’elles avaient quasiment disparu.

a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en

droit français

6. En France, le droit des sûretés réelles n’avait jamais été réformé depuis

1804. Seules certaines additions ou modifications ponctuelles étaient insérées

dans le Code civil ou entraient en vigueur en dehors de celui-ci. Cependant,

compte tenu de sa dispersion, de son ambiguïté et de sa complexité, il était

nécessaire de le réformer dans son ensemble.

7. En 2003, un Groupe de travail présidé par le Professeur Michel

Grimaldi se voyait confier par le garde des Sceaux la mission de concevoir et

de rédiger le texte d’un projet de réforme de l’ensemble du droit des sûretés.

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Introduction

22

Cependant, le Gouvernement n’ayant pas été habilité à réformer le

cautionnement et les privilèges que le Parlement considérait comme des

matières trop sensibles, la portée et l’ambition de l’ordonnance du 23 mars

2006 sont beaucoup plus restreintes que dans le projet initial ; le domaine du

droit des sûretés personnelles, notamment, n’a guère été touché par

l’ordonnance (à l’exception de la définition de la garantie autonome et de la

lettre d'intention). En définitive, seules les sûretés réelles ont été vraiment

reformées et actualisées. Les terminologies de « gage » et de « nantissement »

ont été clarifiées, la première concernant l’affectation en garantie de meubles

corporels et la seconde celle de meubles incorporels. Désormais, le gage sans

dépossession est également consacré dans le code, de même que le droit de

rétention, l’antichrèse-bail, l’hypothèque rechargeable et le prêt viager.

En outre, la réforme a amélioré certaines techniques des sûretés réelles qui

les rendent plus efficaces4. En premier lieu, le pacte commissoire par lequel le

bien sera attribué sans formalité au créancier moyennant une simple évaluation

par un expert a été généralement admis tant en matière mobilière qu’en matière

immobilière (dans ce dernier cas, l’immeuble grevé qui constitue la résidence

principale du constituant est exclu, art. 2459, C. civ.). Ensuite, en consacrant

l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué au créancier, les modalités de

réalisation de l’hypothèque sont assouplies en faveur du créancier.

En créant un nouveau livre (Livre IV) qui se fonde sur la distinction

fondamentale entre sûretés personnelles et sûretés réelles, la réforme du droit

des sûretés réorganise le Code civil.

b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en

droit chinois

4 Laurent AYNÈS, Présentation générale de la réforme, D 2006, n°19, p. 1290.

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Introduction

23

8. Depuis l’avènement de la République populaire de Chine (1949), le

système juridique chinois était totalement désorganisé. Même si les sûretés

existaient timidement en pratique, il n’y avait pas de système juridique officiel

dans ce domaine depuis longtemps.

9. Depuis 1978, la Chine a connu un épanouissement économique et

juridique. Il s’agit d’abord du développement de la libre circulation des

marchandises et des capitaux qui est garantie généralement sous l’empire des

Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986, min fa tong ze/民法通则) et du

droit des contrats. Le système du droit des contrats, dont plusieurs lacunes

juridiques ont été comblées durant les années qui ont suivi 1978, se

perfectionne graduellement5. Cependant, le seul régime contractuel n’est pas

suffisant pour assurer la poursuite du développement et la stabilité des relations

et de la circulation des biens et des capitaux ; il faut encore instaurer un

système de garantie qui suppose la distinction entre les sûretés personnelles et

les sûretés réelles. Selon la doctrine commune chinoise, les sûretés personnelles

« consistent dans l’adjonction d’un ou de plusieurs débiteurs au créancier

contre le non-paiement du débiteur principal »6. Elles se rattachent donc

essentiellement au droit des obligations, comme la doctrine française les

considère. Alors que la sûreté réelle « affecte au créancier garanti un droit de

préférence sur les biens grevés, soit en cas d’insolvabilité du débiteur, soit si les

conditions convenues entre les parties se réalisent, sauf disposition législative

exceptionnelle» (art. 179, Loi sur les droits réels). Pendant cette vingtaine

d'années, le droit des sûretés s’est profondément transformé. Avant la

promulgation de la Loi sur les sûretés (LS, 1995), plusieurs lois ont contribué à

5 Au niveau de la législation nationale, il existait en Chine trois lois spéciales des contrats : Loi sur les contrats économiques (1981), Loi sur les contrats économiques avec l’étranger (1985) et Loi sur les contrats techniques (1987). Toutes sont abolies et actuellement remplacées par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999.

6 CHEN Benhan, Traité du droit des sûretés, Éd. de l’Université de Wuhan, 1998, p. 60.

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Introduction

24

l’instauration du système des sûretés, parmi lesquelles la Loi sur les contrats

économiques (LCE, 1981) et les Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986)

étaient les plus importants. Cependant, jusqu'à la promulgation de la LS, aucun

régime systématique des sûretés n’avait été érigé. Ce dernier a été récemment

réformé en profondeur par la Loi sur les droits réels (LDR, 2007).

1) Avant la promulgation de la LS

10. La Loi sur les contrats économiques (LCE), quant à elle, s’appliquait

seulement aux relations contractuelles internes. C'est la première loi sur le

contrat en RPC, mais aussi la première loi concernant les sûretés. Elle ne

prévoyait cependant que le cautionnement dans son article 15 et le droit de

rétention dans le cadre du contrat de façonnage dans son article 19, alinéa 4.

Elle a été remplacée par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999.

11. Fondés sur le premier livre consacré aux principes généraux du Projet

de droit civil, les PGDC ont été promulguées le 12 avril 1986. Cette loi, dont

seul l’article 89 au contenu peu élaboré est consacré aux sûretés, ne porte que

sur les principes fondamentaux des relations juridiques civiles. En matière de

sûretés réelles, elle a instauré le système du droit de rétention et de

l’hypothèque (art. 89), mais n’a pas distingué le gage de l’hypothèque. Il

manque aussi des conceptions fondamentales et des dispositions précises,

notamment en ce qui concerne les qualités du constituant des sûretés, la

définition des biens grevés, les droits et les devoirs des parties intéressées, ainsi

que les modes de réalisation des sûretés.

12. Avant la promulgation de la LS, il existait encore d’autres lois qui ont

contribué à l’instauration du régime général des sûretés. Par exemple, la Loi sur

les contrats économiques avec l’étranger de 1985 stipulait dans son article 15

que « les parties du contrat peuvent convenir des sûretés » et que « le garant

assume la responsabilité dans l’étendue convenue de la garantie » ; la Loi sur

les contrats techniques de 1987 prévoyait dans son article 11 que « les parties

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Introduction

25

du contrat technique peuvent convenir des sûretés... », ce qui était précisé par la

Réglementation d’exécution de cette loi7 , dont l’article 17 concernait

l’hypothèque et stipulait que « les parties du contrat technique peuvent

convenir d’une hypothèque. Si l’obligation du contrat n’est pas exécutée, le

créancier hypothécaire a le droit de préférence sur le bien grevé. Après

l’exécution du contrat, le créancier doit rendre le bien grevé. Les biens limités

de circulation par des lois ou des règlements ne peuvent être hypothéqués ».

Ces deux lois importantes sur les contrats sont abolies et remplacées par la Loi

sur les contrats du 15 mars 1999.

13. Cependant, même s’il y avait des normes juridiques en matière de

sûretés à cette époque, il restait encore beaucoup de problèmes importants. Tout

d’abord, la législation sur les sûretés demeurait extrêmement incomplète. Il y

avait seulement deux articles concernant les sûretés en droit commun, à savoir

l’article 89 des PGDC et l’article 15 de la Loi sur les contrats économique

(LCE). Compte tenu de l'importance de cette matière du droit, deux articles ne

pouvaient satisfaire aux besoins de la pratique juridique des sûretés complexes.

En second lieu, beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées. Par

exemple, les PGDC n’ayant pas consacré un seul chapitre au droit réel, le droit

de rétention et d’hypothèque étaient intégrés au domaine du droit de créance.

Aucune distinction n'était faite entre hypothèque et gage. Leur qualification de

droit réel et leurs effets juridiques se sont vus affaiblis. Ainsi, avant la

promulgation de la Loi sur les sûretés de 1995, les dispositions juridiques

chinoises concernant les sûretés étaient obscures, hétérogènes, voire

impraticables. Cette situation confuse réclamait d’urgence une amélioration.

7 Réglementation d’exécution de la Loi sur les contrats techniques(技术合同法实施条例), promulguée par la Commission nationale des sciences et techniques (国家科学技术委员会), ratifiée par le Conseil des affaires d’État (CAE) le 15 février 1989.

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Introduction

26

14. Cette nécessité d’améliorer la législation du droit des sûretés était

davantage renforcée par la pratique économique chinoise à cette époque.

15. Pendant les dix premières années qui suivirent la politique de réforme,

à cause du régime de l’économie planifiée et de l’intervention excessive de

l'administration, les entreprises d’État, qui dominaient alors toute l’économie

chinoise, affichaient une rentabilité très faible, quand elles n'étaient pas

déficitaires. C’est pourquoi les contrats non exécutés sont devenus un

phénomène général et courant en Chine à la fin des années 80 et au début des

années 908. De plus en plus de dettes impayées avaient provoqué, après 1989,

un phénomène anormal sans précédent dans l’histoire : les dettes triangulaires9,

c'est-à-dire une chaîne de créances entre plusieurs entreprises. Voici un exemple

typique pour illustrer notre propos: imaginons trois entreprises, si A doit de

l’argent à B, B doit de l’argent à C, et que C doit de l’argent à A, alors les

créances entre ces trois entreprises constituent une dette triangulaire. À la fin

des années 80, ce type de créance était un phénomène général en Chine. Les

créanciers étaient obligés de tout mettre en œuvre pour se faire rembourser.

16. Dans ce contexte, d’une part, les cinq plus grandes banques d’État10

avaient un monopole absolu sur le marché financier. Dans la mesure où environ

8 Selon les statistiques, environ un million de contrats n’ont pas été exécutés en 1992 et ils concernaient entre 300 et 400 milliards de yuans (RMB). XIAO Yang. L’économie de marché et l’établissement des régimes du droit, Éd. du droit, 1994, p. 11.

En avril 1994, selon un sondage sur le taux de remboursement des emprunts des entreprises aux établissements financiers dans la Région économique spéciale de Hainan, la plus grande région économique de Chine, 4 100 millions de yuans de dettes à échéance n’ont pas été remboursés, ce qui représente 19% des prêts bancaires. À l’échelle nationale, 15% des prêts bancaires étaient à échéance. Selon d’autres statistiques, jusqu’à la fin de l’année 1992, les créances douteuses représentaient 15% du capital de crédit des banques. « Communiqué du Comité de l’Assemblée Populaire Nationale de la République populaire

de Chine »(《 中华人民共和国全国人民代表大会常务委员会公报 》),1995 N° 4, p. 20-21.

9 LI Shigang, Le droit chinois des sûretés – étude comparative, Thèse Paris II, 2008, p. 42.

10 Les cinq plus grandes banques chinoises d’État sont la Banque industrielle et commerciale de Chine, la Banque agricole de Chine, la Banque de Construction de Chine et la Banque de Chine.

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Introduction

27

76% de leurs obligations étaient des prêts, dont une partie considérable était

devenue des créances douteuses, ces prêts étaient cruciaux pour ces

établissements. D’autre part, les entreprises endettées ont demandé de

nouveaux prêts sous prétexte qu’elles avaient besoin de poursuivre leurs

affaires afin de rembourser leurs dettes. Même en sachant que ces entreprises se

trouvaient dans des situations très difficiles, les banques n’ont pas eu d'autres

choix que de leur octroyer de nouveaux prêts pour conserver la « possibilité »

d’un remboursement. Et ce, alors que les dettes des entreprises se multipliaient

et que les créances douteuses des banques étaient de plus en plus importantes.

17. En résumé, ce phénomène a provoqué une crise du crédit à la fin des

années 1980. Dans ce cas précis, les banques et autres établissements financiers

se sont mis à consentir des prêts hypothécaires pour éviter les risques crédits.

De même, de plus en plus d’entreprises ont pris des mesures de sûretés dans

leurs affaires commerciales.

18. Par conséquent, la législation chinoise très incomplète du droit des

sûretés à cette époque n’a pas pu satisfaire à la demande pressante des

opérateurs économiques. Le changement spectaculaire en matière économique

et en matière juridique réclamait d’urgence une normalisation du droit des

sûretés.

2) La promulgation de la Loi sur les sûretés (LS)

19. Pour satisfaire aux besoins de la pratique économique et juridique, la

Loi sur les sûretés (LS) promulguée le 1er octobre 1995 constitue le premier

jalon historique dans le domaine du droit des sûretés puisqu’elle a, pour la

première fois, instauré un régime systématique des sûretés. Cette loi est

profondément influencée par la législation des sûretés du droit

romano-germanique. Même si elle n’est pas parfaite et que sa technique

législative n’est pas excellente, son rayonnement est important et non

négligeable.

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Introduction

28

20. Tout d’abord, c’est grâce à l’application de cette loi, plutôt qu’à celle

des PGDC, que se sont établis le système et le régime contemporains chinois de

base du droit des sûretés. Ses règles sont beaucoup plus systématiques, précises

et claires qu’auparavant. Pour le moment, elle a satisfait les créanciers et a

aussi répondu aux attentes du législateur.

21. Par ailleurs, elle englobe différents modèles de sûretés. Face à

l’urgence de la demande, le législateur chinois a eu l’intention d’intégrer tous

les modèles de sûretés dans une loi, afin d’établir en une seule fois un système

de protection des créances et d’offrir aux créanciers toutes les options

possibles11. Il n’existait ni code civil ni système du droit réel au moment de la

rédaction de la LS en Chine ; il n’y avait donc pas d’entraves limitant la

structure de la loi. Cette caractéristique fait de la LS le droit commun des

sûretés.

22. Cependant, c’est après tout une loi faite dans la précipitation, qui

n'est pas exempte d'imperfections.

En premier lieu, c’est une loi où plusieurs notions de base font défaut. Au

moment de sa rédaction, la Chine ne possédait pas de code civil et les

connaissances relatives à certaines notions de droit civil étaient faibles.

Beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées, d’autant que le

système du droit réel n’était pas mis sur pied. Il manquait, par exemple, les

notions et les régimes d’immeuble, de meuble, de publicité, de dépossession, de

possession, de compensation, de consignation, etc. De même, l’expression

« droit réel » n’avait pas de source juridique lors de la rédaction de la LS, la

notion de « sûreté réelle » n’y figure pas. Par conséquent, des notions et des

régimes de base qui aurait dû être définis par la loi de base du droit civil sont

régis par la LS elle-même (par exemple, les notions d’immeuble et de meuble).

11 Ibid., p. 45.

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Introduction

29

En deuxième lieu, la structure de cette loi n’est pas assez logique et

pertinente. En effet, le législateur n’a pas mis l’accent sur sa structure interne. Il

n’a pas fait la distinction entre sûretés personnelles et sûretés réelles et a

directement prévu les cinq catégories de sûretés. Concernant les sûretés réelles,

des dispositions générales s’appliquant à tous les modèles sont prévues au

Chapitre III intitulé « De l’hypothèque ». La loi n’a pas non plus établi la

distinction entre sûretés mobilières et sûretés immobilières.

En troisième lieu, le régime d’inscription ne satisfait pas à la pratique des

sûretés réelles. Prenons l’exemple de l’inscription immobilière : les dispositions

afférentes sont très fragmentées, réparties entre plusieurs lois spéciales (la LS,

la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine, etc.). De plus, les

institutions chargées du service de la gestion d’inscription sont assez

nombreuses. Chacun fait à sa guise. Cette situation désordonnée aboutit

inévitablement à des inscriptions redondantes, voire à des inscriptions qui se

contredisent les unes les autres.

Enfin, dans le but de favoriser la réalisation des créances, cette loi crée un

déséquilibre entre l’intérêt du créancier et celui du constituant. Ce dernier se

trouve dès lors en position de faiblesse.

23. En résumé, la LS a établi le régime systématique du droit des sûretés

en Chine, mais elle ne contient que des règles relativement rudimentaires et

commet certaines erreurs du point de vue de la technique législative. Après son

entrée en vigueur, la pratique du crédit a évidemment été encouragée, mais elle

a rencontré aussi de grandes difficultés qui rendaient nécessaires une

amélioration des sûretés réelles.

3) La réforme de la Loi sur les droits réels (LDR)

24. La promulgation de la LDR, qui contient 247 articles et constituera la

partie « Des droits réels » du futur Code civil, est une étape importante sur la

voie de la rédaction du Code civil chinois.

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Introduction

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25. Elle a instauré, pour la première fois en Chine, les notions de base et

les principes généraux des droits réels.

En premier lieu, la LDR précise les notions importantes de « droit réel » et

de « chose ». L’article 2, alinéa 3 dispose que les droits réels sont « les droits du

titulaire d’emprise directe et exclusive sur la chose spécialisée, y compris la

propriété, le droit d’usufruit et les sûretés réelles ». Seules les « choses »

peuvent fait l’objet du droit réel. Alors, qu’entendons-nous par « chose » en

droit réel chinois ? Selon l’article 2, alinéa 2 de la LDR, « les choses

comprennent les immeubles et les meubles dans le cadre de la présente loi. Si

les droits peuvent être l’objet des droits réels selon certaines lois, celles-ci

s’appliquent». Quant aux notions d’immeuble et de meuble, La LDR les

renvoie à l’article 92 de la LS qui dispose que « dans le cadre de la présente loi,

les immeubles indiquent les fonds de terre et les choses adhérant au sol, tels

que les bâtiments, les arbres, etc. Les meubles indiquent les choses autres que

des immeubles ». Ici, il faut remarquer qu’en droit chinois, bien que les droits

puissent être l’objet des droits réels dans certains cas (par exemple, le gage de

créance), ils ne sont pas des choses, donc ne sont ni des immeubles ni des

meubles. Ce n’est qu’une exception aux droits réels car, selon la théorie

traditionnelle chinoise des droits réels, ces derniers ne touchent en principe que

des choses corporelles. Ce point diffère beaucoup de la règle du droit français

qui traite les droits comme des meubles incorporels.

En deuxième lieu, les règles concernant la classification et les types des

droits réels sont réarrangées et codifiées par la LDR dans son article 2, alinéa 3

qui dispose que les droits réels « comportent la propriété, les droits réels

d’usufruit et les droits réels des sûretés ».

En troisième lieu, bien que son nom, son organisation et ses compétences

ne soient pas encore précisés par des lois et des règlements, un nouvel organe

chargé de l’inscription immobilière sera certainement créé dans le futur proche.

Le régime d’inscription immobilière sera sûrement amélioré et unifié.

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Introduction

31

26. Pour protéger la stabilité des relations et la régularité des transactions

de biens, l’article 5 de la LDR, en énonçant que « les types et contenus des

droits réels sont fixés par les lois », consacre expressément le principe de

numerus clausus. De même, la LDR prévoit expressément le principe de la

publicité des droits réels (art. 6, LDR) qui signifie que la constitution, la

modification, la transmission ou l’extinction de ceux-ci est subordonnée à la

remise des choses ou à l’inscription, ainsi que le principe de spécialité selon

lequel les droits réels ne peuvent porter que sur les biens individualisés et

identifiés quant à leurs natures, leurs situations, leurs qualités et leurs quantités

(art. 2, al. 3, LDR).

27. En clarifiant les notions de base et en énonçant expressément les

principes généraux des droits réels, la LDR supprime les obstacles théoriques

des sûretés réelles. Néanmoins, la portée de la LDR en ce qui concerne les

sûretés réelles va plus loin que les points susmentionnés. Elle a aussi apporté

des améliorations directes aux sûretés réelles.

Tout d’abord, la LDR a consacré, pour la première fois en droit chinois, un

chapitre aux « Dispositions générales » (chapitre XV) des sûretés réelles. Après

une simple définition qui met l’accent sur le droit de préférence des sûretés

réelles (art. 170), ce chapitre présente les dispositions nouvelles concernant les

principes et les caractéristiques des sûretés réelles : le principe de numerus

clausus (art. 171, alinéa 1), le caractère accessoire (art. 172) et la subrogation

réelle (art. 174). Il se trouve aussi des dispositions qui répètent des règles déjà

prévues dans la LS : l’étendu de la créance garantie par les sûretés réelles

(art. 173), la transmission de la dette principale (art. 175), la relation entre les

sûretés réelles et les sûretés personnelles (art. 176) et les causes communes

d’extinction (art. 177). Cet arrangement a remédié au problème posé par la

structure illogique de la LS, où les dispositions générale figurent au Chapitre III

intitulé« De l’hypothèque ».

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Introduction

32

Quant au régime d’hypothèque, la LDR a pour but d’améliorer et préciser

les règles fixées par la LS. L’hypothèque immobilière entre en vigueur dès

l’inscription de l’hypothèque et non pas au moment de la conclusion du contrat

constitutif (art. 187). Cela a résolu le problème posé par la LS qui confondait la

constitution valable de l’hypothèque avec la validité du contrat constitutif de

l’hypothèque. Pour l’hypothèque mobilière, l’inscription n’est qu’une condition

d’opposabilité, elle entre en vigueur dès la conclusion du contrat hypothécaire.

Le régime du gage est stable. La LDR adopte la solution énoncée par les

« Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés

de la RPC »(2000), disposant que le gage entre en vigueur dès la remise de la

chose grevée et non pas au moment de la conclusion du contrat constitutif. Cela

a résolu le problème posé par la LS, qui a confondu l’entrée en vigueur du gage

avec l’effet du contrat constitutif du gage. D’ailleurs, les assiettes de

nantissement sont élargies parce que, dès l’application de la LDR, les créances

à recevoir peuvent être nanties (art. 223-6o et 228, LDR).

De plus, les champs d’application du droit de rétention, qui étaient limités

aux obligations résultant du contrat de conservation, de transport, de façonnage

et de forfait, de magasinage et de courtage par la LS et la LC, sont nettement

élargis. Ils peuvent comprendre tous types d’obligations, que ce soient des

obligations contractuelles ou délictuelles etc., sous réserve des dispositions des

lois ou des conditions convenues entre les parties12.

4) D’autres normes concernant les sûretés réelles

28. Outre les lois précitées, il existe aussi d’autres normes qui touchent

directement ou indirectement aux sûretés réelles.

12 LI Jianwei, Les 61 thèmes du droit civil – des symposiums de l’examen juridique national, Éd. de la cour populaire, p. 274.

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Introduction

33

29. En premier lieu, nous envisagerons les lois spéciales qui peuvent

relever du droit civil, du droit commercial ou économique13 ou encore des lois

procédurales.

En matière de droit commercial ou économique, il existe deux lois

importantes qui enrichissent beaucoup le droit chinois des sûretés : la Loi sur le

commerce maritime (LCM) de 1992 et la Loi sur l’aviation civile (LAC) de

1995. La première instaure le régime de l’hypothèque, de privilège et du droit

de rétention des navires de mer. La seconde aborde principalement le régime de

l’hypothèque et des privilèges des aéronefs civils. Ces deux lois ont élargi

l’assiette des sûretés réelles.

La nouvelle Loi sur la faillite d’entreprise (LFE) promulguée le

27 août 2006 et appliquée le 1er juin 2007 est très importante pour déterminer

les classements des créanciers ayant sûretés réelles en cas de liquidation

judiciaire. De plus, elle est aussi une source importante du droit en matière de

privilèges, même si la nature de ces droits est beaucoup discutée en doctrine

chinoise.

Par ailleurs, en raison du rôle central des sociétés dans l’activité

économique moderne, la Loi sur les sociétés a un statut majeur dans le système

du droit. En matière de sûretés, elle prévoit des dispositions spéciales relatives

à la procédure à suivre pour la constitution des sûretés fournies par sociétés

(art. 16, 105, 122 et 149). Mais elles concernent principalement la gestion et les

responsabilités internes d’une société.

De plus, la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine mérite

notre attention. Elle prévoit les règles relatives à la concession et l’allocation

des droits d’usage du terrain (chapitre II), la transaction et l’exploitation

13 En doctrine chinoise, on distingue le droit commercial, le droit économique du droit civil. XIAO Junyong, LIU Chengwei, De la division des branches du droit, in Quotidien du système législatif, 2003.

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Introduction

34

d’immeubles (chapitre III), ainsi que les règles concernant l’inscription

immobilière (chapitre V). De même, la « Loi sur la gestion des terres » fixe les

biens susceptibles d’être hypothéqués : la propriété et le droit d’usage du

terrain.

Il en est de même des lois qui organisent la liquidation des personnes

physiques ou morales, telles que la Loi sur les assurances, la Loi sur les

banques commerciales, la Loi sur les entreprises associées, la Loi sur les effets

de commerce, la Loi sur la procédure civile, etc.

30. En deuxième lieu, il existe des décrets et des arrêtés qui influencent

les sûretés réelles. Les décrets sont les normes émanant du Conseil des Affaires

d’État (CAE), dont le pouvoir de législation administrative est confié par

l’Assemblée populaire nationale (APN). Ils relèvent souvent du droit civil.

Citons, par exemple, quelques décrets concernant le droit des sûretés : le

« Règlement de la gestion des bâtiments privés en zone urbaine » promulgué

en 1983 mentionne dans son deuxième chapitre l’inscription immobilière ; le

« Règlement provisoire sur la concession et l’aliénation des droits d’usage du

terrain d’État dans les villes et les bourgs», qui se divise en sept chapitres

(Dispositions générales, Concession, Aliénation, Bail, Hypothèque, Session et

Affectation du droit d’usage des terres) suivis d’une annexe, touche directement

les sûretés réelles. De plus, le CAE promulgue aussi des décrets à caractère

explicatif qui peuvent préciser certaines règles civiles posées par la loi, tel que

le « Règlement sur les exécutions de la Loi sur la gestion des terres ». Depuis

l’application de la LS, les arrêtés fixent aujourd’hui principalement les règles

relatives à la gestion de l’inscription administrative (par exemple, les papiers à

fournir, les formulaires à remplir, les organes chargés de l’inscription, etc.). À

titre d'exemple, voici deux arrêtés ministériels : Règles concernant l’inscription

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Introduction

35

hypothécaire du droit d’usage des terres collectives rurales14 et Mesures

provisoires administratives concernant l’inscription des contrats de gage portant

sur les droits de propriété industrielle15. Ces arrêtés ont pour vocation de faire

appliquer les lois de hiérarchie supérieure concernant les sûretés réelles. En

pratique, si l’on procède à une inscription hypothécaire, il faut consulter de

multiples normes qui se situent à différents degrés dans la hiérarchie des

normes. Exceptionnellement, un arrêté peut être la source principale d’un type

de sûreté. Ici, la sûreté à l’étranger mérite une attention particulière. Les

sources principales en sont les Mesures d’administration des sûretés à

l’étranger consenties par les établissements intérieurs édictées par la Banque

populaire de Chine en 1996 et ses Règlements détaillés d’application

promulgués par l’Office national des changes en 1997.

31. En troisième lieu, il convient d’envisager aussi les explications

judiciaires édictées par la cour suprême chinoise. Selon la théorie dominante en

droit chinois, elles ne constituent pas une source du droit. En effet, la cour

suprême n’a pas de pouvoir législatif, ni le pouvoir d’interpréter une loi,

lesquels n’appartiennent qu’au Comité permanent de l’APN et à son organe

délégué. Cependant, pour des raisons historiques (les techniques législatives

chinoises ne sont pas assez accomplies et les juges chinois de base ne sont pas

toujours compétents, par exemple), les explications judiciaires ont force

obligatoire en pratique. Concernant les sûretés réelles, les Explications sur

certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS)

14 Promulgué par l’Administration nationale de la gestion des terres (remplacée par le Ministère du Territoire et des Ressources) et entre en vigueur le 11 septembre 1995. Cette loi, qui se compose de 14 articles, fixe les règles concernant l’organe administratif chargé de l’inscription, le domaine d’inscription de l’hypothèque du droit d’usage des terres collectives rurales et la requête et procédure d’inscription.

15 Promulgué le 19 septembre 1996 par le Bureau national de la propriété intellectuelle, entré en vigueur le 1er octobre 1996. Cette réglementation, qui se compose de 24 articles, précise l’organe administratif chargé de l’inscription de ce type de contrats de gage, la requête, l’examen et la procédure de l’inscription.

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Introduction

36

constituent un bon exemple. En pratique, l’application de cette norme prime

même sur celle de la LS et des autres normes écrites relatives aux sûretés, sauf

la nouvelle LDR16.

32. En outre, les politiques du Parti communiste chinois (PCC) et la

doctrine occupent une place importante en droit chinois. Concernant les

politiques du PCC, il faut remarquer qu’elles ne constituent pas une source du

droit. Toutefois, en raison du caractère du système politique chinois, quand

l’occasion se présente ou le cas échéant, elles peuvent devenir une loi ou un

règlement lorsqu’elles sont adoptées par le législateur. Le régime des privilèges

des employés d’une entreprise d’État en cas de « faillite politique » constitue

un bon exemple en matière du droit des sûretés.

33. Enfin, la doctrine ne constitue pas non plus une source du droit

chinois. Cependant, son rôle gagne en importance, notamment en droit civil,

car des professeurs et des chercheurs s’engagent de plus en plus dans les

organes législatifs et juridiques, participant ainsi directement à la législation ou

à la justice17. De plus, ils fournissent souvent des formations différentes aux

organes législatifs et juridiques. En pratique, il n'est pas rare que les tribunaux

s’inspirent de la doctrine pour rendre un jugement et pallier les lacunes

législatives.

B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des

sûretés réelles

34. L’exploitation de la valeur de crédit des biens et l’efficacité des

sûretés réelles sont toujours les buts poursuivis par le droit des sûretés réelles,

quel que soit le système juridique.

16 LI Shigang, op. cit., p. 93.

17 Par exemple, la LDR est profondément influencée par les projets rédigés par les chercheurs, notamment le projet proposé par le groupe présidé par le professeur LIANG Huixing, et celui proposé par le professeur WANG Liming.

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Introduction

37

a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des

biens

35. La sûreté réelle la plus ancienne est la fiducie, qui suppose le

transfert de la propriété du bien engagé. Cette sûreté prive le débiteur de l'usage

du bien grevé. La valeur de crédit du bien ne peut donc être utilisée qu’une

seule fois, car un même bien ne pourra plus faire l’objet une seconde sûreté.

Sur le plan économique, il y a évidemment gaspillage du crédit.

36. Sont apparues ensuite progressivement des sûretés réelles qui ne

supposaient plus un transfert de propriété, comme le pignus et l’hypothèque. La

première nécessite le dessaisissement du débiteur, de manière à éviter au

créancier le risque de détournement du bien grevé mais s’accompagne d’un

inconvénient pour le débiteur qui ne peut plus en tirer d’utilité économique ;

alors que la seconde ne nécessite pas le dessaisissement du débiteur. Elle peut

porter sur les meubles ou les immeubles. Elle confère à son créancier titulaire

un droit de préférence et un droit de suite.

37. Le Code civil de 1804 a consacré le gage, l’hypothèque et les

privilèges, les deux derniers ne supposant pas le transfert de propriété, ni le

dessaisissement du débiteur. Depuis lors, le constituant peut constituer

plusieurs hypothèques sur un immeuble, et peut aussi s’en servir. La valeur du

bien peut donc être autant exploitée que possible. Ce qui est regrettable, c’est

que les meubles ne puissent être l’objet d’une telle sûreté.

38. Au fil du temps, le législateur a consacré certaines sûretés mobilières

sans dépossession, tels que l’hypothèque maritime (créée en 1874, elle est

aujourd’hui régie par la loi du 3 janvier 1967, v. infra n° 327), l’hypothèque

fluviale (consacrée par la loi du 5 juillet 1917, elle est maintenant régie par

l’article 95 et s. du Code du domaine public fluvial et de la navigation

intérieure, v. infra n° 327) l’hypothèque aérienne (consacrée par la loi du

31 mai 1924, elle est maintenant régie par l’article L. 122-1 et s. du Code de

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Introduction

38

l’aviation civile, v. infra n° 327) et le gage des véhicules terrestres (créé par la

loi de 1934, modifié par le décret de 1953, et intégré par l’ordonnance du

23 mars 2006 dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, v. infra n°

326)18.

39. Enfin, la réforme de 2006 a généralisé le gage sans dépossession dans

le Code civil. Désormais, les meubles peuvent généralement faire l’objet de ce

type de sûretés sans dépossession. Ceci offre un avantage évident au débiteur

qui peut postérieurement constituer plusieurs sûretés sur un même bien et/ou

garder l’utilité du bien grevé.

40. En droit chinois, avant la promulgation de la LS, le régime juridique

des sûretés était, pour ainsi dire, impraticable. La valeur du bien contribuait

trop peu à l’octroi du crédit. L’entrée en vigueur de la LS a apporté une nette

amélioration. Les meubles pouvaient alors être affectés en gage pour garantir

une créance. Surtout, certains meubles pouvaient, comme les immeubles, faire

l’objet de l’hypothèque. Ainsi, la valeur du bien à l’égard du crédit était bien

exploitée. Sous l’empire de la LS, ce qui est regrettable, c’est que le constituant

de l’hypothèque ne puisse constituer une nouvelle hypothèque que sur la valeur

du même bien grevé excédant la créance initialement garantie et que

l’hypothèque portant sur les meubles n’ait pas été généralisée. Il demeurait

donc encore des gaspillages de la valeur du bien.

41. Heureusement, la LDR est venue perfectionner le régime des sûretés

réelles. En généralisant l’hypothèque sur les meubles et en supprimant la

restriction imposée par la LS aux hypothèques successives constituées sur un

même bien, le législateur chinois cherche toujours à favoriser la meilleure

exploitation de la valeur du crédit et l’utilité des biens.

18 Ce gage ne nécessitant pas une dépossession matérielle, le constituant peut encore faire user ou jouir de la chose.

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Introduction

39

b. La recherche de l’efficacité maximale

42. L’efficacité des sûretés réelles recherchée par le législateur se

manifeste sous plusieurs aspects.

43. En droit français, l’ordonnance de 2006 renforce nettement

l’efficacité des sûretés réelles relative à la leurs constitutions, leurs

opposabilités et leurs réalisations.

En ce qui concerne la constitution, le gage a perdu son caractère réel et

devient un contrat solennel. Un acte écrit suffit pour sa valable constitution.

Son opposabilité est désormais assurée par la dépossession du bien ou

l’inscription du gage. L’application du Décret n° 2006-1804 du 23 décembre

2006 pris pour l'application de l'article 2338 du Code civil et relatif à la

publicité du gage sans dépossession rend le gage sans dépossession plus

efficace que le gage avec dépossession.

L’efficacité de la réalisation, quant à elle, se manifeste d’abord par la

généralisation du pacte commissoire (v. supra n° 7) par lequel le créancier peut

devenir le propriétaire du bien grevé après une simple évaluation par un expert

en cas de non paiement de sa créance garantie. Ensuite, l’ordonnance généralise

l’attribution en paiement et facilite sa mise en ouvre en faveur du créancier.

Au-delà de l’ordonnance, la Loi de modernisation de l’économie de 2008 a

étendu le droit de rétention au gage sans dépossession (art. 2286, al. 4, C. civ.).

De plus, l’hypothèque rechargeable, qui permet d’affecter successivement

ou simultanément une même hypothèque en garantie de plusieurs créances,

simplifie la constitution de plusieurs hypothèques sur un même immeuble et en

réduit sensiblement les coûts. Elle renforce aussi les droits de préférences des

créanciers qui inscrivent leurs droits après le créancier initialement garanti.

Toutes ces caractéristiques renforcent l’efficacité des sûretés réelles en

droit français.

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Introduction

40

44. En droit chinois, l’efficacité des sûretés réelles traditionnelles est

renforcée par la LDR. Par exemple, la publicité de la sûreté, qu’elle soit

réalisée par la remise de la chose grevée ou par l’inscription, était une condition

de la validité du contrat constitutif de sûreté. La LDR l’a modifiée en

distinguant la validité du contrat de celle de la sûreté elle-même. Désormais, le

contrat constitutif de sûreté est valable par la simple conclusion écrite.

Étant donné que l’hypothèque de montant maximal qui « peut garantir,

dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se produiront

successivement pendant une période déterminée » est consacrée par la LDR

(art. 203, LDR), les parties de l’hypothèque n’ont pas à constituer plusieurs

hypothèques pour les créances successives. De plus, ce régime est aussi

applicable au gage, c’est ce que l’on appelle gage de montant maximal.

En outre, la LDR a créé l’hypothèque flottante, qui permet au constituant

d’affecter l’ensemble des machines de production, des matières premières, des

produits semi-finis et des produits finis en garantie d’une créance. Cette sûreté

nouvelle, non seulement renforce la fiabilité du droit de sûreté du créancier,

mais aussi réduit les coûts pécuniaires et en temps nécessaires à la constitution

des hypothèques sur chaque bien. Elle est donc plus efficace que les sûretés

réelles traditionnelles.

En résumé, le législateur chinois, comme le législateur français, cherche

toujours à améliorer l’efficacité des sûretés réelles.

§ II - Difficultés et portée de la présente étude

45. La présente étude comparée soulève, sans aucun doute, des difficultés

majeures. Elle revêt aussi une signification importante pour les juristes et les

commerçants des deux pays.

A. Difficultés rencontrées dans la présente étude

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Introduction

41

46. La première difficulté rencontrée concerne la traduction, et ceci pour

deux raisons. D'abord, le nombre astronomique des documents à traduire, y

compris les lois au sens strict, les règlements et autres normes juridiques, les

œuvres des juristes, etc. Ensuite, il est toujours difficile de trouver les

terminologies juridiques françaises pour correspondre exactement aux

terminologies juridiques chinoises, car les terminologies juridiques sont

toujours fondées sur leurs propres systèmes juridiques, lesquels sont

intimement liés aux traditions culturelles et sociales propres à chaque pays. Il

ne s’agit pas d’une traduction purement linguistique, mais plutôt d’une

approche de droit comparé. La traduction est donc un véritable travail de

spécialiste en droit. Nous essaierons d’abord de trouver les terminologies et les

institutions similaires en droit français et en droit chinois relatives aux sûretés

réelles, puis de trouver des expressions françaises qui peuvent bien refléter avec

justesse leurs significations chinoises. Pour ce qui concerne les institutions qui

n’existent pas en droit français, nous les traduirons directement (s’il n’existe

aucune terminologie en droit français qui correspond plus ou moins à leur

signification chinoise, nous utiliserons la transcription en pinyin/拼音), en

précisant leurs notions et fonctions de sorte à être bien compris des juristes

français.

47. La deuxième difficulté réside dans la documentation. Cet aspect

présente toujours une grande difficulté pour le travail de recherche, bien connue

des juristes sino-français : « malgré les efforts entrepris, il n’existe pas encore à

l’instar de nos démocraties occidentales de publication systématique et

exhaustive des lois et règlements, la publication des décisions de justice est un

phénomène nouveau et limité et la doctrine demeure embryonnaire »19. Et

surtout, en raison des réformes récentes des sûretés réelles en droit français et

en droit chinois, les recherches sur ces nouveaux sujets ne sont pas assez

19 Hervé LECLERCQ, Introduction au droit chinois des contrats, Éd. Joly, 1994, p.VII.

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Introduction

42

abondantes, a fortiori les études comparées des deux systèmes. Par exemple, le

législateur français a reclassé les sûretés réelles selon leurs assiettes, mais non

plus selon le critère de la possession, il a aussi consacré officiellement dans le

Code civil le « gage sans dépossession ». Sur ces nouveaux points, certains

auteurs ont fait des efforts et rencontré un certain succès, mais ce domaine reste

loin d’être étudié en profondeur.

48. En dépit de ces difficultés, c’est un sujet important et intéressant qui

mérite une étude approfondie.

B. Portée de la présente étude comparée

49. Pour mieux comprendre la portée de la présente étude, il nous semble

judicieux d’invoquer les paroles de monsieur Francesco COSENTINI : « j’ai

toujours considéré comme une grave erreur celle de Montesquieu, qui dans son

Esprit des Lois, prétend que les lois doivent être tout à fait le reflet de leur

milieu social, doivent différer d’un pays à l’autre, comme deux feuilles dont il

n’est jamais possible d’en trouver deux exactement semblables. L’histoire de la

législation et le droit comparé nous montrent tout le contraire. Le droit vise à

l’universalité »20 . Cette remarque est un appel à la recherche juridique

dynamique, qui peut se résumer en une simple phrase : comparer en unifiant et

unifier en comparant.

50. De nos jours, l’Union Européenne (UE), dont la France est l’un des

pays les plus importants, est le principal partenaire commercial et la première

destination d’exportation de la Chine. Réciproquement, la Chine occupe une

place très importante pour les importations et exportations de l’UE.

En conséquence, d’un côté, de plus en plus d’entreprises chinoises

commencent ou veulent commencer à développer leurs activités en France ; de

20 Francesco COSENTINI, Le droit comparé et l’Américain Common law, cité par Ph. REYMOND, Les sûretés mobilières aux Étas-Unis et en Suisse, Librairie Droz (Genève), 1983, p. 15.

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Introduction

43

l’autre côté, les entreprises françaises en Chine sont de plus en plus

nombreuses21. Les opérations de financement, où les sûretés réelles jouent un

rôle non négligeable, sont essentielles tant pour les entreprises chinoises en

France que pour les entreprises françaises en Chine. Dans ce contexte, une

étude comparée des systèmes de sûretés réelles en Chine et en France revêt une

importante signification, à la fois pratique et théorique :

--- pour les autorités judiciaires confrontées au problème de la

qualification et de la reconnaissance d’une sûreté réelle constituée à l’étranger ;

--- pour les commerçants, les fabricants et les importateurs dont la garantie

réelle constituée à l’étranger est menacée par le déplacement du bien grevé de

la Chine en France ou de la France en chine, ainsi que pour ceux-ci de l’un

pays qui désirent obtenir une sûreté réelle dans l’autres pays ;

--- pour les juristes dans ces deux pays, qui s’intéressent au droit

international privé ou au droit comparé.

51. En résumé, l’objet de cette étude consiste à analyser les points

communs et les divergences entre les systèmes concrets des sûretés réelles en

droit chinois et en droit français. Cependant, auparavant, il convient de

présenter et d’éclairer, sur un point particulier et important, les théories

générales des sûretés réelles dans les deux pays.

Ainsi, le présent travail comprendra trois parties :

Dans la première, nous comparerons la théorie générale des sûretés réelles

en droit chinois et en droit français.

21 Selon la statistique réalisée par le Ministère d’investissement français en 2007, le

nombre des entreprises chinoises en France est d’environ 100 ; selon la statistique réalisée

par l’Ambassade de France en Chine, le nombre des entreprises françaises en Chine est de

plus de 2 000.

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Introduction

44

La deuxième partie portera sur la comparaison des systèmes chinois et

français concrets des sûretés mobilières.

La troisième partie sera consacrée aux sûretés immobilières dans les deux

pays.

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Première partie Théorie générale des sûretés réelles

(approche macro juridique)

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Titre I – La délimitation de « sûreté réelle »

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

47

Chapitre I – La notion de « sûreté réelle »

52. L’analyse de notion est l’activité préalable des études juridiques. Elle

est sans aucun doute une condition préalable de la qualification juridique qui

nécessite les connaissances exactes des éléments constitutifs d’un terme

juridique.

53. Le terme de « sûreté réelle » n’était qu’un terme doctrinal en France

ainsi qu’en Chine pour s’opposer aux sûretés personnelles. Cependant, la

réforme française des sûretés et la réforme chinoise des droits réels adoptent,

pour la première fois et sans se donner le mot, officiellement le terme de

« sûreté réelle » dans leurs lois. Il semble donc que nous pouvons mettre cette

question de côté maintenant que le terme de « sûreté réelle » est officiellement

utilisé dans le Code civil français et dans la Loi sur les droits réels (LDR)

chinoise. Cette question nécessite toutefois une étude plus poussée en doctrine,

puisqu’en tant qu’un terme juridique, la « sûreté réelle » est loin d’être assez

précise et stricte : le Code civil ne donne pas la définition ; la LDR ne donne

qu’une définition sommaire. En effet, c’est un terme officiellement employé

par le législateur pour mieux organiser la structure de la loi. Il rassemble

certaines catégories de sûretés de même nature ou de nature similaire, mais

chacune a leur propre particularité.

Donc, l’étude de la notion de « sûreté réelle » est une question prioritaire

à approfondir. Pour mieux procéder aux études de la notion de « sûreté réelle »,

il s'avère d’abord nécessaire de donner la définition de « sûreté réelle », soit les

attributs essentiels qui enferment les sûretés réelles ; et puis d’exposer ses

caractères essentiels. Ceux qui nous permettent de distinguer la sûreté réelle du

gage général figurant dans l'article 2285 du Code civil.

Section I – La définition de « sûreté réelle »

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

48

54. Donner la définition d’un terme juridique, notamment un terme

comme « sûreté réelle » qui rassemble plusieurs catégories de sûretés, n’est pas

une mission facile. Nous envisagerons successivement la définition de « sûreté

réelle » en droit français qui n’est pas précisée par le législateur et qui n’existe

qu’en doctrine et, la définition imprécise donnée par la LDR de 2007.

§ I – Les tentatives effectuées par la doctrine française

55. En droit français, la définition de la sûreté réelle n’existe que dans le

domaine doctrinal et, est en partie incertaine: la sûreté réelle est la technique

spécifique de sûreté visant, d’une part, la rupture d’égalité entre les créanciers

qui est réalisée par le droit de préférence, d’autre part, l’affectation de biens au

paiement de la créance garantie qui est réalisée par le droit de prélèvement

prioritaire sur la valeur du bien22.

56. La réforme aurait du être une occasion de clarification. En effet, un

article de la rédaction de la réforme reprenait les deux critères précités pour

définir ce type de sûreté: la sûreté réelle est l’affectation d’un bien au profit du

créancier, en lui conférant un droit préférentiel23 . Cette définition n’a

finalement pas été reprise dans l’ordonnance de la réforme de 2006.

57. Heureusement, les auteurs s’accordent pour en délimiter les contours,

ce qui éclaire le régime des sûretés réelles : la sûreté réelle est un mécanisme

qui affecte un ou plusieurs biens déterminés ou encore un ensemble des biens

au paiement préférentiel du créancier ; elle constitue l’accessoire de la créance

garantie et confère à son bénéficiaire un droit réel sur ce ou ces biens24.

22 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, Traité de droit civil - droit commun des sûretés réelles, LGDJ, 1996, p.10.

23 Rapport de Michel Grimaldi, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/ 054000230/index.shtml.

24 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, 2006, V° Sûreté ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, Dalloz, 2009, p. 325.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

49

§ II – La définition donnée par le législateur chinois

58. Avant la promulgation de la LDR, la définition de sûreté réelle en

droit chinois étais aussi partiellement incertaine comme celle en droit français

avant la réforme de 2006. La Loi sur les sûretés (LS) a fixé trois catégories de

sûretés réelles (l’hypothèque, le gage et le droit de rétention) qui formaient

l’ossature du droit chinois des sûretés réelles, sans donner malheureusement la

définition de « sûreté réelle ». En théorie, il y avait principalement quatre

opinions: la première considérait que la sûreté réelle était un droit réel limité

portant sur le bien ou les droits particuliers du débiteur ou des tiers, afin de

garantir le paiement de la dette ; la deuxième était très simple, elle considérait

que la sûreté réelle était un droit réel portant sur la valeur d’échange de la

chose ; la troisième estime que la sûreté réelle était un droit réel d’autrui qui

porte sur le bien particulier du débiteur ou des tiers et qui confère à son titulaire

un droit de préférence, afin de garantir le paiement de la dette ; la dernière

considérait que la sûreté réelle était un droit réel portant directement sur la

valeur d’échange du bien particulier, afin de garantir le paiement de la dette25.

59. Cependant, ces points de vue ne révélaient que certains aspects de la

sûreté réelle. La situation est heureusement en train de s’améliorer après

l’entrée en vigueur de la LDR. Selon la LDR, la sûreté réelle est un droit

préférentiel sur le bien grevé au profit du créancier en cas d’inexécution de la

dette à l’échéance ou quand les conditions convenues par les parties sont

réunies (art. 170, LDR). En plus, étant insérées dans la LDR, les sûretés réelles

sont indiscutablement des droits réels.

60. À travers la définition doctrinale du droit français et celle donnée par

la LDR chinoise, nous pouvons conclure que la sûreté réelle est un droit réel

accessoire qui confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du

25 YANG Hong, Études sur les sûretés réelles, Éd. des sciences sociales de Chine, 2007, p. 1-2.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

50

bien grevé. De cette conclusion résultent quelques caractères de « sûreté

réelle ».

Section II – Les caractères de « sûreté réelle »

61. De la définition que la sûreté réelle est un droit réel accessoire qui

confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du bien grevé, nous

pouvons déduire les trois caractères communs des sûretés réelles en droit

français et en droit chinois.

§ I – Un droit réel

A. La qualification

62. La doctrine dominante française et la loi chinoise qualifient la sûreté

réelle d’un droit réel pour les raisons suivantes.

63. En premier lieu, elle confère à son titulaire un droit de préférence qui

est une inhérence naturelle du droit réel. Le créancier garanti peut se prévaloir

du droit de préférence sur le bien grevé. Cela signifie que la sûreté réelle

confère à son titulaire le droit d’être payé en préférence sur son assiette par

rapport aux autres créanciers chirographaires du constituant. De plus, grâce au

système de publicité, la sûreté réelle constituée antérieurement prime celle

constituée postérieurement. Cette attribution est diamétralement opposée au

principe d’égalité qui est le plus remarquable principe du droit des obligations.

Cela permet aussi de distinguer la sûreté réelle de la sûreté personnelle.

À la différence du droit personnel, la sûreté réelle est souvent assortie d’un

droit de suite, prolongement naturel du jus in re. Le titulaire d’un droit réel est

investi du droit de suivre la chose sur laquelle porte son droit entre les mains

des tiers qui l’auraient acquise par d’autres voies. Ainsi le propriétaire peut agir

en revendication contre le tiers acquéreur ou le simple possesseur de la chose

dont il a été dépouillé (sauf dans les cas où la loi paralyse la revendication,

comme celui prévu par l’article 2279 du Code civil français).

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

51

En matière immobilière, le créancier hypothécaire en droit français, grâce

à l’efficacité de la publicité immobilière, s’il n’est pas payé à l’échéance,

pourra efficacement saisir l’immeuble hypothéqué entre les mains d’un tiers

acquéreur pour le faire vendre et exercer son droit de préférence sur le prix (art.

2461, C. civ.). En droit chinois, bien qu’il ne dispose du droit de suite, le

créancier hypothécaire est spécialement protégé par l’interdiction de

l’aliénation du bien grevé (art. 191, LDR) et, cela permet de la distinguer du

droit personnel.

En matière mobilière, le droit de suite est souvent mis à mal à cause de

l’effet attributif de la possession mobilière en droit français (art.2279 du Code

civil français). Mais la loi intercède en faveur du créancier en lui attribuant un

droit de suite qui appuie sur la publicité de la sûreté26. Grâce au décret du 23

décembre 2006 pris pour l’application de l’article 2238 du Code civil relatif à

la publicité du gage sans dépossession et qui est entré en vigueur le 1er mars

2007, le créancier gagiste bénéficiaire d’un gage de droit commun bénéficie

d’un droit de suite sur le bien grevé dès lors que le gage est sans dépossession

et qu’il a été régulièrement publié. En droit chinois, c’est regrettable que la loi

soit silencieuse sur ce point.

64. En second lieu, la sûreté réelle réalise une emprise sur la chose, bien

que ce pouvoir soit plus faible que d’autres droits réels, tels que la propriété et

le droit d’usufruit. Cette emprise peut être à la foi matérielle et juridique,

comme dans le gage avec dépossession par exemple. Cependant, cette emprise

n’est pas pareille comme celle en cas d’un droit réel principal parce que le

gagiste est mis en possession pour conserver la chose grevée et non pas pour en

user ou jouir. Pour d’autres sûretés réelles comme l’hypothèque, l’emprise est

simplement juridique parce que le créancier hypothécaire n’est pas investi

d’aucune possession sur l’immeuble hypothéqué.

26 Marc MIGNOT, Droit des sûretés, Montchrestien, 2008, p. 291.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

52

B. Les conséquences de la qualification

a. Le principe de légalité (numerus clausus)

65. Le pouvoir de créer des sûretés réelles est-il monopolisé par le

législateur ? Y a-t-il de la place pour la volonté individuelle de créer des sûretés

réelles ? Cette question se pose en effet tant en droit français qu’en droit

chinois.

66. Etant qualifiées des droits réels, le numerus clausus s’applique en

principe aux sûretés réelles : généralement, il n’y a pas d’autres sûretés réelles

autres que celles énumérées par la loi.

67. En droit français, cette solution a été confirmée par la jurisprudence

du XIXe siècle27. Du point de vue des régimes des sûretés réelles, on peut aussi

trouver des reflets du numerus clausus. Par exemple, l’article 2323 du Code

civil énonce que « les causes légitimes de préférence sont les privilèges et les

hypothèques ». Les espèces des sûretés réelles sont donc limitatives et ne

comprennent que celles prévues par la loi28. De plus, toute sûreté ne saurait

opposable qu’au moment d’accomplissement de la formalité de publicité qui ne

peut être organisée que par le législateur, sauf certaines exceptions

expressément prévues par les dispositions. Aussi, les parties ne peuvent pas

modifier les règles d’une sûreté qui est traitées par la loi comme des règles

fondamentales, par exemple, la forme écrite de l’acte constitutif pour le gage ou

l’hypothèque. C’est aussi pour cela que le droit international privé français ne

27 V. Arrêt Caquelard, Cass. civ., 13 févr. 1834, S. 1834, 1, 205 ; DP 1834, 1, 218.

28 AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. III,Librairies Techniques, 1963, § 256, n° 79 ; Georges RIPERT, Jean BOULANGER, Traité e droit civil –d’après le traité de PLANIOL, t. III, LGDJ, 1958, no 11.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

53

reconnait les sûretés constituées à l’étranger que si elles correspondent aux

espèces reconnues en droit français29.

Si on peut librement constituer des sûretés réelles autres que celles

énumérée par la loi, la loi du concours et le classement des créanciers fixés par

la loi seront bouleversés. La sécurité juridique serait alors atteinte.

68. En droit chinois, en raison des mêmes considérations

susmentionnées30, la même solution a aussi été consacrée par l’article 5 de la

LDR qui énonce expressément que « les espèces et les contenus des droits réels

sont fixés par la loi ».

Cependant, le numerus clausus ne nie pas absolument le rôle des volontés

individuelles : il existe à côté des sûretés stricto sensu, désignées par la loi en

tant que telles, des mécanismes remplissant la même fonction que l’on peut

analyser comme des sûretés réelles. Tels que le gage-espèces en droit français

qui est cité par certains auteurs comme une création de la pratique31 dont la

qualification – gage ou cession fiduciaire – est discutée32 ; l’hypothèque en

droit chinois du droit d’usage des terres dans des zones rurales qui est interdite

par la loi et qui est pratiquement essayée dans certaines régions.

69. Quoi qu’il en soit, la question est aujourd’hui plus que jamais très

théorique eu égard au développement de nouvelles sûretés33.

29 En effet, ce type de conflit ne peut guère se produire que pour les sûretés mobilières. V. G. KHAIRRALAH, Les sûretés mobilières en droit international privé, Thèse 1984, préf. P. LAGARDE ; v. également, CA Paris, 19 janv. 1976, Rev. crit.DIP. 1977, 126, obs. P. LAGARDE, à propos d’une floating charge ; M. CABRILLAC, La reconnaissance en France des sûretés réelles sans dépossession constituées à l’étranger, Rev. crit. DIP. 1979, 487.

30 YIN Tian, Commentaires et réflexions de la théorie de droits réels, Éd. de l’Université du peuple de Chine, 2008, p. 122 -126, 135 -137.

31 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, Droit des sûretés, Litec, 2007, no 553.

32 Yves PICOD, op. cit., p. 322 - 323 et p. 471 - 473.

33 Ibid., p. 240.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

54

b. La règle de spécialité

70. Le principe de spécialité est aussi une des règles fondamentales du

droit des sûretés réelles en tant que droits réels, au moins en principe. Le

principe s’applique à la créance garantie d’un côté, et à l’assiette de la sûreté

d’autre côté. Autrement dit, une sûreté réelle ne peut garantir que certaines

créances déterminées et ne peut porter que sur certains biens déterminés. Le

principe de spécialité se justifie par le souci de protéger les intérêts du

constituant. Il le protège pour qu’il n’épuise pas toutes ses possibilités d’obtenir

des autres crédits par un seul acte isolé34. Il s’applique aussi bien en droit

français qu’en droit chinois.

71. Cependant, face au besoin du développement du crédit, le principe de

spécialité, bien qu’il n’ait pas été mis en cause dans l’ensemble, a connu des

assouplissements dans les deux systèmes juridiques.

72. En premier lieu, les tempéraments sont apportés quant à l’assiette de

la sûreté réelle.

En matière mobilière, le gage de droit commun se formais par la remise de

la chose grevée et la dépossession était une condition de la validité du gage

jusqu'à la reforme de 2006 en droit français. La dépossession du bien futur est

impraticable. Selon la théorie traditionnelle du principe de la spécialité, la

spécialité de la créance garantie et de l’assiette de sûreté était appréciée au

moment de la constitution de la sûreté. Il était ainsi logique que le gage ne

puisse porter que sur un bien déterminé. Cette situation correspond bien à la

situation actuelle du gage en droit chinois dont la validité nécessite la remise de

la chose grevée. Cependant, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance française

du 23 mars 2006, la dépossession devient une condition d’opposabilité de la

sûreté. Ce changement a rendu possible d’apporter des assouplissements au

34 Dominique LEGEAIS, Travaux dirigés de droit des sûretés, Litec, 2006, p. 197.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

55

principe de spécialité. Aujourd’hui, l’article 2333 du Code civil énonce que le

gage peut porter sur un bien ou un ensemble de biens présents ou futures. Cette

solution est aussi consacrée par l’article L. 527-1-6o du Code de commerce

concernant le gage des stocks. Ainsi, la sureté peut porter sur un bien futur, à

condition qu’il soit déterminable. En droit chinois, l’assouplissement du

principe de spécialité quant à l’assiette n’a pas été généralisé comme en droit

français. Seules les hypothèques portant sur des navires ou des aéronefs au

cours de construction (art. 180, LDR) ou portant sur des machines de

production, des matières premières, des produits semi-finis et des produits finis

futurs sont consacrées par la loi (art. 181, LDR).

En résumé, le principe de spécialité en matière des sûretés mobilières n’est

pas abandonné, mais est plus ou moins tempéré en droit français et en droit

chinois.

En matière immobilière, le principe de spécialité joue un rôle important.

L’hypothèque doit, en principe, porter sur un bien déterminé afin de pouvoir

être publiée. C’est une même règle qui s’applique aussi bien en droit français

qu’en droit chinois. Cependant, il arrive en droit français que l’hypothèque

puisse porter sur des biens futurs dans certains cas35. Par exemple, celui qui ne

possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour la sûreté de la

créance peut consentir une hypothèque sur chacun des immeubles qu’il

acquerra au fur et à mesure par la suite ; celui dont l’immeuble présents de

l’hypothèque a péri ou subi des dégradations importantes que sa valeur n’est

plus suffisante pour la sûreté de la créance, peut consentit une hypothèque ;

celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit sur le

fonds d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est

commencée ou simplement projetée. S’agissant du gage immobilier français,

35 F. MARTIN, Le principe de spécialité de l’hypothèque – Application et évolution, Dr. et patrimoine, nov. 2005, p. 58.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

56

comme la dépossession est une condition de validité pour lui, ne peut porter

que sur des biens présents déterminés. En droit chinois, l’hypothèque de

bâtiment au cours de construction ou simplement projetée est aussi consacrée

par la loi (art. 180, LDR). Mais il n’existe pas d’autre assouplissement.

Ainsi, en matière immobilière, le tempérament du principe de spécialité en

droit chinois est moins important qu’en droit français.

73. En second lieu, tenant compte des exigences de la pratique, les

assouplissements du principe de spécialité sont également apportés à l’égard de

la créance garantie.

En droit français, l’ordonnance admet que les sûretés réelles puissent se

constituer pour la garantie des créances futures à la condition d’être

déterminables. Aujourd’hui, les sûretés réelles, tels que le gage (art. 2333, al. 2,

C. civ.), le nantissement (art. 2357, C. civ.), l’hypothèque (art. 2421 et 2422, C.

civ.), etc., peuvent en principe garantir des créances futures36. Le principe de

spécialité est ainsi considérablement tempéré en droit français.

En droit chinois, en consacrant l’hypothèque de montant maximal (art. 203

et s., LDR ; v. aussi n° 496 et s.) et le gage de montant maximal (art. 222, LDR ;

v. aussi n° 247), la LDR admet expressément que les sûretés réelles peuvent

garantir des créances futures.

74. En résumé, le principe de spécialité des sûretés réelles est

considérablement tempéré dans les deux systèmes juridiques.

c. La règle d’indivisibilité

75. Considérant qu’elles sont qualifiées des droits réels et qu’un droit réel

porte sur la totalité de la chose qui en est l’objet, les sûretés réelles sont

36 Le gage des stocks fait exception à ce principe, puisqu’il garantit toujours le crédit consenti par un établissement de crédit (art. L. 527-1, C. com.). v. Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 200.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

57

indivisibles. Même si la dette se divise, le bien grevé répond entièrement de

chaque fraction de la dette. Par exemple, le créancier gagiste ou hypothécaire

peut faire valoir son droit sur le bien qui a été mis au lot d’un cohéritier tant

que la part de la dette d’un autre cohéritier ne lui a pas été payée.

Contrairement, même si la créance se divise, chaque fraction de la créance est

garantie par la totalité du bien grevé. Par exemple, la banque créancière qui

bénéficie d’un nantissement sur 10 000 titres du constituant peut encore saisir

tous ces titres même si une petite partie de sa créance n’a pas été remboursée.

En cas de division du bien grevé, chaque fraction du bien répond quand même

la totalité de la dette. Par exemple, le créancier hypothécaire peut exercer son

droit pour sa créance totale sur une portion détachée du bien qui lui avait été

affecté.

C’est la même règle qui s’applique aussi bien en droit français qu’en droit

chinois37. Ainsi, le bien sur lequel porte le droit de rétention, le gage, le

nantissement, l’hypothèque est entièrement affecté à la garantie de l’ensemble

de la dette.

76. Cette règle présente sans aucun doute des avantages pour la

protection du créancier. Elle emporte aussi des inconvénients parce qu’elle tend

à entraver la circulation des biens38.

En droit français, le législateur lui a apporté plusieurs tempéraments en

matière immobilière. Par exemple, en cas des prêts spéciaux à la construction

consentis par le Crédit foncier de France ou le Sous-comptoir des entrepreneurs,

si l’immeuble est fractionné, l’hypothèque demeure mais pèse sur chaque lot

37 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, Les sûretés – La publicité foncière, Defrénois, 2006, p. 159 ; M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569. En droit chinois, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin, Droits réels, Éd. du droit, 2007, p. 305 ; YANG Hong, op. cit., p. 3 ; v. également les articles 71, 72 et 96 de l’ELS.

38 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

58

pour la part du prêt mis à la charge de l’acquéreur39. En outre, le législateur

admet que les parties puissent conventionnellement exclure l’application de la

règle d’indivisibilité.

Le législateur chinois, comme le législateur français, a aussi tempéré la

règle d’indivisibilité. Par exemple, si le créancier permet au débiteur de

transmettre sa dette totale ou partielle sans le consentement du tiers constituant

de sûreté réelle, le dernier n’assume pas la responsabilité de garantie

correspondante de la partie transmise (art. 175, LDR). De surcroît, si le meuble

retenu est divisible, le créancier titulaire ne peut exercer son droit de rétention

que sur la fraction du bien dont la valeur correspond à sa créance impayée (art.

233, LDR). Enfin, il est raisonnable que l’on accepte la solution du droit

français qui ne confère pas le caractère d’ordre public à la règle d’indivisibilité.

Autrement dit, on devrait aussi admettre que la règle d’indivisibilité puisse

conventionnellement être exclue par les parties.

§ II – Un droit accessoire

77. Comme la France est l’héritier fidèle de la tradition du droit romain,

le but poursuivi par le système français des sûretés réelles est la garantie de

paiement de dette. Sur cette prémisse, il n’est pas irraisonnable que la doctrine

et la législation françaises considèrent la sûreté réelle comme l’accessoire de la

créance garantie. C’est un principe fondamental qui fait distinguer le système

français des sûretés réelles de celui du droit allemand qui ne met pas l’accent

sur le caractère accessoire des sûretés réelles. En droit chinois, les juristes

confirment aussi le caractère accessoire des sûretés réelles.

La sûreté réelle est un droit réel, mais c’est un droit réel accessoire de la

créance garantie. Alors qu’un droit réel principal peut exister sans être

39 H. MAZEAUD, La vente d’un logement hypothéqué en garantie d’un prêt à la construction, Mélanges Juliot de la Morandière, p. 367 et s. Rapporté par M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 955.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

59

dépendant d’un autre droit, une sûreté réelle ne peut pas être indépendante de la

créance garantie.

En premier lieu, la sûreté réelle ne peut exister que pour garantir une

créance valable, peu importe la date de la naissance de la créance. Cela signifie

que la créance garantie peut être future, mais qui existe au moins dans son

principe. Une sûreté réelle ne peut pas garantir un contrat nul (autrement dit

une créance nulle) tant en droit français qu’en droit chinois. Par exemple, une

entreprise A conclut un contrat de prêt de 1 million d’euros avec l’entreprise B,

hypothéqué par un immeuble de C. Cependant, le contrat de prêt est annulé par

le juge, le contrat ou les clauses d’hypothèque sont donc nuls.

En second lieu, la créance garantie doit être exécutable. La sûreté réelle est

inutile quand l’obligation est inexécutable, qu’elle ne puisse pas être exécutée

du tout ou ne puisse plus être exécutée. Concernant une obligation qui ne peut

pas être exécutée, par exemple, une obligation naturelle, peut-elle être garantie

par une sûreté réelle? Cette question a été discutée en doctrine française. En

principe, la réponse est négative, puisque le débiteur ne peut pas être contraint à

exécuter une obligation naturelle, il ne devrait pas avoir aucune garantie

d’exécution contre lui. Reste à savoir qu’une sûreté réelle, constituée par le

débiteur après que l’obligation est devenue naturelle, est-t-elle valable?

Autrement dit, une telle sûreté constitue-t-elle une promesse d’exécution de

l’obligation naturelle? La doctrine française considère que l’interprétation de la

volonté commune des parties de constituer la sûreté devrait être valable. Dans

cette hypothèse, la promesse de sûreté permet de transformer l’obligation

naturelle en obligation civile40. Concernant une obligation qui ne peut plus être

exécutée, la doctrine française considère que la sûreté réelle ne peut plus

garantir une obligation civile qui devient inexécutable par suite d’une force

majeure lorsque cette force majeure apparaît comme une véritable cause

40 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 316-317.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

60

d’effacement de l’obligation garantie41. En droit chinois, les normes écrites

n’ont rien dit sur ces deux questions. Cependant, s’agissant d’une obligation

naturelle, la doctrine dominante chinoise adopte la même solution que la

doctrine française, puisqu’elle considère que « …si le débiteur exécute la

prestation d’une obligation naturelle, ou y constituer une sûreté, il ne pourra pas

demander la restitution en invoquant son négligence de l’expiration de la

prescription »42. S’agissant d’une obligation qui ne peut plus être exécutée,

considérant que le droit du créancier n’existe plus, elle ne peut pas être garantie

par une sûreté réelle43.

En troisième lieu, la modification et la transmission de sûreté réelle

suivent celles du contrat principal. Nous pouvons citer un exemple en droit

chinois pour démontrer le caractère accessoire de sûreté face à modification:

une personne A doit 10 000 euros à B, cette obligation est garantie par une

sûreté réelle. Puis on a consenti de réduire l’obligation principale à 8 000 euros.

Dans ce cas là, le montant garanti par la sûreté réelle réduit de plein droit à 8

000 euros. Exceptionnellement, si la modification du contrat aboutit à

l’augmentation du montant de l’obligation, la différence qui égale au montant

avant et après la modification ne peut pas être garantie de plein droit par la

sûreté constitué s’il existe autres créanciers ayant sûreté réelle sur ce bien grevé.

C’est pour le but de protéger les créanciers intéressés. Concernant la

transmission, en droit chinois, l’art. 192 de la LDR stipulent simplement que

«…l’hypothèque ne peut pas être cédée ou garantir une autre créance en

séparant de la créance garantie. La cession de créance emporte la cession de

l’hypothèque, sauf en cas de disposition légale dérogatoire.» (il existait la

stipulation similaire dans l’article 50 de la Loi sur les sûretés). En droit français,

41 Ibid., p. 316-317.

42 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit.,, p. 312.

43 Ibid., p. 312.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

61

l’article 1692 du Code civil stipule expressément que « la vente ou cession

d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution,

privilège et hypothèque». De plus, son article 2424 dispose que « l'hypothèque

est transmise de plein droit avec la créance garantie ». De ces articles peut-on

résumer le caractère accessoire de la sûreté en cas de transmission volontaire de

la créance entre vifs. En cas de transmission à cause de mort, le décès du

créancier transfert aux héritiers ses créances et les sûretés qui les garantissent ;

pour les héritiers du débiteur, le décès emporte à eux ses dettes et les biens avec

les sûretés dont ils sont grevés44.

Enfin, la sûreté réelle s’anéantit en cas d’anéantissement de la créance

principale (art. 177, alinéa 1, LDR ; art. 2392 et 2488, C. civ.). Les causes

d’extinction de la créance principale entraînent aussi l’extinction de la sûreté

qui la garantit. De plus, la sûreté s’anéantit aussi en cas de novation de

l’obligation garantie. L’article 1279 du Code civil français prévoit

expressément que « lorsque la novation s'opère par la substitution d'un nouveau

débiteur, les privilèges et hypothèques primitifs de la créance ne peuvent point

passer sur les biens du nouveau débiteur. Les privilèges et hypothèques

primitifs de la créance peuvent être réservés, avec le consentement des

propriétaires des biens grevés, pour la garantie de l'exécution de l'engagement

du nouveau débiteur ». Cela signifie que la novation de l’obligation entraîne

l’extinction de la sûreté qui la garantit, sauf s’il y a le consentement du

constituant de la sûreté. En droit chinois, l’article 175 de la LDR dispose que

« lorsqu’une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le consentement écrit de la

part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de transférer, totalement ou

partiellement, ses obligations, le garant ne supportera plus la responsabilité

44 M.B EHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Thèse Economica, 1988, préf. G. Champenois.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

62

correspondante ». Autrement dit, la novation de l’obligation garantie sans le

consentement écrit du garant tiers libère ce dernier de son engagement.

§ III – Un droit sur la valeur du bien

78. La sûreté réelle est effectivement un droit sur la valeur du bien grevé

plutôt que sur le bien lui-même45, ce qui permet d’appliquer la règle de

subrogation réelle au sein des sûretés réelles.

79. La subrogation réelle est le remplacement d’une chose par une autre,

la remplaçante obéissant au même régime juridique que l'élément qu'elle

remplace. Le régime applicable à l'objet subrogé est ainsi le même que celui

auquel était soumis l’élément qu’il remplace. Elle est une qualité remarquable

des sûretés réelles, car sa fonction conservatrice des valeurs permet de

maintenir une sûreté réelle en cas de la perte ou l’aliénation du bien grevé46.

Elle joue donc un rôle important en droit français, ainsi qu’en droit chinois.

80. En droit français, on peut citer à titre d’illustration, la subrogation

réelle en cas de destruction de la chose grevée couverte par une assurance.

Dans une telle hypothèse, toute la sûreté se reporte sur l’indemnité d’assurance

(art. L. 121-13, C. assur.)47. Un autre exemple excellent, c’est que la sûreté

45 Marc MIGNOT, op. cit., p. 555.

46 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159.

47 Selon l’article L. 121-13 du Code des assurances, cette subrogation réelle sur l’indemnité d’assurance fonctionne en cas des hypothèques et des privilèges (y compris des gages puisque le droit de préférence du créancier gagiste est officiellement appelé privilège). De plus, l’article 2372 du Code civil a consacré la solution d’un arrêt de principe de la chambre commerciale (Cass. com. 1er oct. 1985, Bull. civ. IV, no 222, D. 1986, 246, n.. M. CABRILLAC) par laquelle la Cour avait reconnu la subrogation réelle en cas de la réserve de propriété. Davantage, il faut admettre que la subrogation réelle est un élément de base des sûretés réelles et doit s’appliquer à toute sûreté qui confère un privilège a son titulaire (sur ce point, v. M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 1042).

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

63

réelle se reporte sur le prix ou l’indemnité d’expropriation48. Cependant,

l’application de la règle de subrogation réelle est très limitée en droit français.

A l’exclusion des types d’indemnités spécialement mentionnées par la loi, la

jurisprudence ne reconnait pas la subrogation réelle en cas des autres

indemnités dues, par exemple, par un tiers responsable ou par l’Etat49. Car,

d’une part, la consécration spéciale par la loi de la subrogation réelle dans

certains cas particuliers signifie implicitement que celle-ci n’a pas une vocation

générale, sinon la loi n’a pas à la prévoir spécialement ; d’autre part, l’atteinte

principale au créancier muni de sûreté est l’insolvabilité du débiteur, le sinistre

du bien grevé n’est qu’une atteinte indirecte50.

Néanmoins, l’application limitative de la subrogation réelle est critiquée

par des auteurs. Selon eux, les motifs qui peuvent justifier l’application de la

subrogation réelle sont plus puissants que ceux qui la défavorisent. En effet,

l’indemnité de la réparation est une substitution qui représente la valeur de la

chose initialement grevée en cas de sa perte ou de sa détérioration. De la nature

d’un droit sur la valeur du bien grevé de la sûreté réelle, il est donc logique que

le créancier puisse se faire payer prioritairement sur l’indemnité représentant sa

valeur, peu importe qu’elle soit une indemnité d’assurance ou une indemnité

due par un tiers responsable ou par l’Etat51. De plu, le créancier titulaire d’une

sûreté réelle est la victime directe de la perte ou de la détérioration52. A fortiori,

48 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159. Il existe en effet certains autres exemples. Par exemple, la sûreté réelle se reporte sur l’indemnité aux victimes d’un événement de portée générale, tels que les indemnités causées par des guerres (art. 35, Loi du 28 oct. 1946) et les indemnités des rapatriés (art. 51, Loi du 15, juill. 1970). De plus, l’hypothèque maritime peut se reporter sur diverses indemnités de responsabilités, tels que d’avarie commune, d’opération d’assistance ou de sauvetage etc. (art. 47, Loi du 3 janv. 1967).

49 Cass. req., 31 déc. 1862, DP 1863, 1, 423 ; S. 1863, 1, 531 ; Cass. req., 12 mars. 1877, DP 1877, 1, 97 ; S. 1877, 1, 206 ; CA Aix, 30 juill. 1940, JCP 1940, II, 1519.

50 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 1045.

51 Ibid., no 1045.

52 Marcel PLANIOL, Georges RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. VIII, 2e éd. , par Emile BECQUE, LGDJ, 1953, no 966.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

64

il n’est pas logique que le sinistre bénéficie aux créanciers chirographaires au

détriment des créanciers titulaires de sûretés réelles en déniant l’application de

la subrogation réelle dans des cas.

81. En droit chinois, vu que la sûreté réelle porte sur la valeur plutôt que

sur le bien grevé lui-même, le législateur considère que la sûreté réelle peut se

reporter sur l’indemnité de la réparation qui est une substitution représentant la

valeur de la chose initialement grevée, peu importe la nature de l’indemnité53.

L’article 174 de la LDR a donc été ainsi formulé : « si le bien grevé est

détérioré, endommagé, perdu ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté

réelle pourra se faire payer par préférence sur les indemnités d’assurances, les

indemnités, ou les remboursements etc. Si la créance n’choit pas, on peut

également les consigner».

Ayant inséré l’article 174 dans le chapitre consacré aux dispositions

générales des sûretés réelles, le législateur chinois a généralisé la subrogation

réelle en matière des sûretés réelles. La subrogation réelle est considérée

comme une règle fondamentale des sûretés réelles. De plus, elle est considérée

comme le reflet de la qualification du droit sur la valeur du bien grevé de la

sûreté réelle.

A la différence du droit français, l’application de la subrogation réelle est

très étendue en droit chinois. La sûreté réelle peut se reporter non seulement sur

l’indemnité d’assurance, mais aussi sur les indemnités dues par un tiers

responsable ou sur les remboursements par l’Etat en cas d’expropriation et

d’autres indemnités54.

53 WANG Shengming, La lecture de la LDR de la RPC, Éd. du système juridique chinois, 2007, p. 368 ; YANG Hong, op. cit., 2007, p. 3 ; YAO Ruiguang, Des droits réels en droit civil, Éd. de la SARL des services culturelles, 1995, p. 199 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 305.

54 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, La Loi sur les droits réels de la RPC, Éd. du système juridique chinois, 2007, p. 59.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

65

82. Par conséquent, le rôle de la subrogation réelle est plus important en

droit chinois que celui en droit français.

Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage

général

83. L’article 2284 du Code civil français dispose que « quiconque s'est

obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens

mobiliers et immobiliers, présents et à venir». Cela signifie que tous les

créanciers du débiteur disposent d’un droit d’action sur le patrimoine du

débiteur, c’est un principe consacré par la Cour de cassation dans plusieurs

décisions55. En droit chinois, aucune disposition législative ne l’a précisé. Mais

tenant compte du but législatif, de la doctrine et des Explications sur certaines

questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS), on y

applique le même principe.

Premièrement, le droit du gage général du créancier porte sur le

patrimoine du débiteur qui est indivisible, mais non sur un bien individualisé.

Alors que la sûreté réelle porte sur un bien individualisé, au moins

individualisable, ou sur un ensemble des biens.

Secondement, le droit du gage général du créancier ne peut pas porter sur

le patrimoine d’autrui, ni sur un bien individualisé du patrimoine d’autrui, sauf

en cas d’apparence ou de simulation, ou de disposition légale dérogatoire56. Or,

une sûreté réelle peut porter sur un bien appartenant à un tiers – par exemple le

gage d’un bien fourni par un tiers.

84. Hormis cette déférence de l’assiette, la sûreté réelle se distingue aussi

du droit de gage général par sa nature et par sa finalité.

55 Cass. civ., 1re, 4 janv. 1995, Bull. civ., I, no 6, p. 5 ; Cass. civ.1re, 6 juill. 1988, Bull. civ., I, no 227.

56 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 101.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

66

§ I – Différence de nature

85. Étant donné que la doctrine dominante française et celle de la Chine

classent la sûreté réelle parmi les droits réels accessoires. Elle bénéfice donc du

régime applicable au droit réel, un droit de préférence et dans certains cas un

droit de suite. Alors que le droit de gage général n’est pas un droit personnel, ni

un droit réel.

86. On pourrait considérer que le droit de gage général est un droit

personnel. Mais « si l’on examine l’objet sur lequel porte le droit de gage

général, il s’agit d’une enveloppe patrimoniale dont le contenu est variable et

mouvant au gré de la fortune et des revers de fortune du débiteur.

Contrairement au droit personnel, à l’obligation, qui, en vertu de l’article 1129

du Code civil, doit avoir un objet déterminé ou au moins déterminable, le droit

de gage général a un objet au départ nécessairement indéterminé qui n’est fixé

que par la saisie. Si l’on examine le droit de gage général lui-même, il apparaît

comme un droit d’action dont l’objet est également indéterminé au départ, le

créancier mettant en œuvre le droit de gage général au moyen de procédures

civiles d’exécution qui obéissent chacune à des conditions légales particulières,

et entre lesquelles il a le choix, comme l’exprime l’article 2 de la loi du 9 juillet

1991 « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et

exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur

dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution »»57. Donc, le droit de

gage général n’est pas purement un droit personnel puisqu’il a recours au titre

exécutoire et que la force publique est nécessaire pour exécuter celui-ci.

87. Le droit de gage général n’est pas non plus un droit réel. Certes,

certains soutiennent parfois que le droit de gage général est un droit réel, parce

qu’il se traduirait par un pouvoir « d’abusus » sur les bien du débiteur, le

57 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 102.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

67

pouvoir de les faire vendre pour en obtenir le prix58. Mais il est difficile

d’assimiler ce pouvoir « d’abusus » sur le bien comme celui du propriétaire.

Parce que, en premier, bien que ce pouvoir « d’abusus » porte sur le bien du

débiteur, il ne peut pas directement être mis en œuvre par son titulaire. Il faut

qu’il soit mis en ouvre par la voie de saisie. La saisie est un droit reconnu par la

loi au créancier de « contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations

à son égard ». De plus, la mise en vente du bien saisi s’opère en principe par

voie de vente amiable à laquelle le débiteur procède lui-même en droit chinois.

On ne procède à la vente forcée qu’en cas de l’échec de la vente amiable. En

second, en cas de vente d’un bien, son propriétaire recherche normalement le

prix le plus proche possible de la valeur de celui-ci. Mais pour le créancier, il

ne recherche que le prix équivalant à sa créance que le débiteur n’a pas payée.

Le prix de la vente supérieur à sa créance ne l’intéresse pas parce qu’il n’a

aucun droit sur le surplus à recevoir.

§ II – Différence de finalité

88. Le droit de gage général n’est pas une garantie parce qu’il n’est pas

un accessoire de la créance. Selon l’idée que « l’accessoire ne se confond pas

avec le principal, il est individualisé. Affecté au service du principal, seul son

but relie au principal, sa structure l’en distingue »59, il n’est pas possible de

concevoir le droit de créance et le droit de gage général séparément. De plus,

l’article 2284 du Code civil français envisage la situation du point de vue du

débiteur, mais non de celui du créancier. L’affirmation selon laquelle «les biens

du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue

entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes

légitimes de préférence » (art. 2285 du Code civil) n’apparaît que comme une

58 J. DERRUPPE, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits réels et des droits de créance, Thèse Bordeaux 1952, no 339 et s.

59 G. GOUBEAU, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, 1969, préf. D. TALLON, no 18, p. 34.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

68

conséquence de ce principe. Ce principe selon lequel le débiteur est tenu de

remplir son engagement sur son patrimoine est une émanation de la

personnalité du débiteur. Le droit de gage général est inhérent à la dette car

sans lui l’exigibilité de l’obligation serait dénuée de sens. Le droit de gage

général n’est en définitif que l’expression du caractère civilement obligatoire de

l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de

contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du

débiteur60.

Alors que la sûreté réelle est une garantie qui confère à son titulaire un

droit de préférence, qui est diamétralement opposée au principe d’égalité. Plus

précisément, selon les tentatives effectuées par les législateurs et les auteurs

français et chinois, on peut découvrir que la finalité commune poursuivie par

les législateurs des deux pays est la garantie de paiement ou de crédit.

89. Dans le sens très général, la sûreté est une technique de garantie

contre le risque d’impayé61. Cependant, la garantie contre l’impayé peut

poursuivre diverses finalités précisées. Les diverses finalités poursuivies

peuvent être la garantie contre l’insolvabilité, la garantie de paiement et la

garantie de crédit62.

La garantie contre l’insolvabilité signifie que la sûreté est constituée dans

le but d’assurer le débiteur de disposer des biens suffisants pour honorer son

engagement. Alors que la garantie de paiement ou de crédit ne poursuit que le

but d’obtenir le paiement de la dette ou du crédit, elle peut donc ne pas être une

garantie contre l’insolvabilité. Par exemple, rien ne sert de prendre une

hypothèque de troisième rang, en cas des inscriptions des deux premières

hypothèques ont été prises pour des créances tellement importantes qu’elles

60 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 104.

61 Ibid., p. 2.

62 Ibid., p. 2.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

69

excèdent toute valeur de l’immeuble hypothéqué. Dans cette hypothèse, le

créancier hypothécaire de troisième rang n’a pris qu’une garantie de crédit,

mais pas une garantie contre l’insolvabilité du débiteur. Alors, est-ce qu’on peut

dire qu’il n’existe pas une véritable garantie contre l’insolvabilité? Si. En droit

français, il y a des sanctions contre l’insolvabilité organisée: sanctions pénales

comme le délit d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité (art. 314-7 et s.,

Code pénal), les mesures du droit civil --- par exemple les articles 2295 à 2297

du Code civil qui s’attachent à prévenir l’insolvabilité en cas de cautionnement

préviennent que le débiteur doit donner une caution solvable. En plus, certaines

sûretés personnelles se présentant comme des obligations de résultats

constituent pour leurs créanciers une garantie contre l’insolvabilité du débiteur.

Par exemple, les lettres d’intention par lesquelles une société mère apporte à

une banque sa garantie pour sa filiale, comportent parfois une obligation de

faire, consistant à soutenir la filiale par une augmentation de capitale, un prêt...

Elles constituent pour le banquier une garantie contre l’insolvabilité de sa

filiale63. Enfin, il existe d’autres techniques de garantie contre l’insolvabilité du

débiteur. Citons par exemple dans le domaine de l’assurance, le créancier qui

souscrit une assurance-crédit préfère à l’assurance-aval qui couvre simplement

le risque de non-paiement à l’échéance, et à l’assurance-insolvabilité qui

couvre le risque de l’insolvabilité du client64.

90. Quant aux sûretés réelles qui font l’objet de la présente thèse, leur

finalité poursuivie, qu’elles soient les sûretés réelles françaises ou chinoises,

appartiennent surtout au domaine de la garantie de paiement ou de crédit. Du

point de vue de l’utilité économique, il existe des différences délicates entre ces

deux types de garantie. La garantie de crédit proprement dite est le corollaire du

paiement à l’échéance ou échelonné des dettes, cela signifie qu’elle participe au

63 Ibid., p. 3.

64 Ibid., p. 3.

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Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »

70

financement des activités des entreprises et des besoins des consommateurs.

Elle est donc un régime nécessaire dans une économie fondée sur l’endettement.

Bien que l’économie chinoise ne soit pas fondée sur l’endettement, ce dernier

est un phénomène social de plus en plus fréquent. La garantie de crédit prend

donc une place de plus en plus importante. Cependant, l’acquittement des

dettes ne s’accompagne d’aucune idée de crédit, il existe aussi la garantie de

paiement. Leur utilité économique peut sembler moindre, mais les impératifs

qui les fondent ont une légitimité incontestable. Par exemple, les salariés ne

font pas crédit à l’employeur mais lui prêtent leur force de travail, et, comme le

salaire est pour eux en partie une créance alimentaire, il est juste de privilégier

cette créance. Le fisc ne fait pas crédit, mais l’intérêt général exige que leur

créance soient privilégié.

91. La finalité poursuivie par les sûretés réelles en droit français et en

droit chinois --- la garantie de paiement ou de crédit --- justifie la différence

entre la sûreté réelle et le droit de gage général. La sûreté réelle s’oppose donc

au droit de gage général. Le créancier va ainsi prendre une sûreté réelle pour

rompre à son profit cette égalité de tous les créanciers chirographaires, et cette

rupture d'égalité va se réaliser au travers de l'affectation qui lui sera faite d'un

bien ou d'un ensemble de biens sur lesquels il aura un droit de prélèvement

prioritaire, un droit de préférence.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

71

Chapitre II – La typologie des sûretés réelles

92. Concernant les sûretés réelles, il ne suffit pas d’énumérer toutes les

sûretés réelles pour en avoir une idée précise. Il vaut mieux les regrouper en

fonction de leurs assiettes et de leurs régimes pour qu’on puisse mieux

comprendre la typologie des sûretés réelles.

Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette

93. L’assiette des sûretés réelles peut être étudiée de deux points de vue:

son assiette et son étendue.

§ I – Selon l’étendue de l’assiette

94. Suivant l’étendu de l’assiette, les sûretés réelles, qu’elles portent sur

des meubles ou des immeubles, peuvent se diviser en deux groupes: les sûretés

réelles générales et les sûretés réelles spéciales.

A. Les sûretés générales

95. Nous envisagerons successivement les sûretés générales dans les

deux pays.

a. Les sûretés générales en droit français

96. En droit français, les sûretés générales sont normalement celles qui

relèvent la généralité des meubles et des immeubles du constituant (tels que les

privilèges pleinement généraux – le privilège des frais de la justice, le privilège

des salaires et créances assimilées, v. art. 2375, C. civ.) ou l’ensemble des

meubles du constituant( tels que les privilèges mobiliers généraux qui

comprennent le privilège des frais funéraires, celui des frais de la dernière

maladie et celui des fournitures de subsistance…, v. art.2331, C. civ.)ou

l’ensemble des immeubles du constituant (certaines hypothèques légales, v. art.

2400, C. civ.).

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

72

97. Cependant, selon la définition de l’article 2333 du Code civil, le gage

peut également porter sur « ... un ensemble de biens mobiliers corporels... ». De

la même façon, la définition du nantissement prévoit aussi que le nantissement

peut porter sur « ... un ensemble de biens meubles incorporels... » (art. 2355, C.

civ.).

b. Les sûretés générales en droit chinois

98. Contrairement à la situation française dans ce domaine, une sûreté

réelle générale en droit chinois ne désigne que la sûreté portant sur l’ensemble

des meubles et des immeubles du constituant, tels que les privilèges innommés

qui n’existent qu’en cas de procédure collective (v. infra n° 214 et s.) et qui

constituent les exceptions en droit chinois des sûretés réelles.

99. L’instauration du régime de floating charge ou dite hypothèque

flottante dont les assiettes susceptibles sont l’ensemble des biens appartenant au

constituant au moment de l’exécution de la sûreté, était une occasion de créer

une nouvelle sûreté réelle qui peut porter sur l’ensemble des meubles et des

immeubles du constituant. Les deux projets de la LDR énoncés par des auteurs

proposaient que les biens susceptibles d’être grevés d’hypothèque flottante

soient l’ensemble des biens appartenant au constituant de la sûreté. Cependant,

les biens susceptibles d’être grevé d’hypothèque flottante prévus par la LDR se

bornent aux quatre catégories de meubles corporels, présents ou futurs:

machines de production, matière première, produits semi-finis et produits finis

(art. 181, LDR).

100. D’ailleurs, il n’existe aucune sûreté réelle en droit chinois qui porte

uniquement sur l’ensemble des meubles ou sur l’ensemble des immeubles.

B. Les sûretés spéciales

101. Comme nous l’avons vu, le principe de spécialité, qui accentue

d’une part, la spécialité de la créance garantie, d’autre part, la spécialité de

l’assiette de la garantie, est un principe insisté par le droit français et chinois

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

73

des sûretés réelles. En conséquence, il est logique que la majorité des sûretés

réelles en droit français et en droit chinois soient les sûretés spéciales. Elles

portent donc, en principe, sur un ou des biens déterminés. Nous l’étudierons

respectivement de l’approche française et de l’approche chinoise.

a. Les sûretés spéciales en droit français

102. En droit français, la plupart des sûretés réelles sont spéciales. Elles

ne peuvent porter que sur un ou des biens déterminés.

103. Selon les définitions fixées par le Code civil, le gage et le

nantissement peuvent respectivement porter sur un meuble corporel et

incorporel (art. 2333, C. civ., art. 2355, C.civ). Ce sont les cas les plus

fréquents pour les constituants de constituer ces deux types de sûreté.

104. Parmi les privilèges, à l’exclusion des privilèges pleinement

généraux qui comprennent quatre catégories et des privilèges mobiliers

généraux qui comprennent huit catégories, il n’existe pas de privilège portant

seulement sur l’ensemble des immeubles. Les privilèges mobiliers spéciaux ne

peuvent porter que sur certains meubles (art.2332, C. civ.).

105. En matière immobilière, il n’existe que les privilèges spéciaux qui

portent sur certains immeubles (art.2374, C. civ.). Le gage immobilier ne peut

porter que sur un immeuble déterminé (art.2387, C. civ.). S’agissant des

hypothèques, sauf certaines hypothèques légales, toutes les hypothèques

conventionnelles et judiciaires ne peuvent porter que sur des immeubles

déterminés (art.2413, C. civ.).

106. En outre, le titulaire d’un droit de rétention ne peut exercer son droit

que sur le bien qu’il détient. En ce qui concerne la propriété-sûreté, il est

corollaire qu’elle est une sûreté spéciale, puisque la propriété porte

nécessairement sur un bien déterminé.

b. Les sûretés spéciales en droit chinois

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

74

107. A l’exclusion des privilèges innomés qui n’existent que dans la

procédure collective, toutes les sûretés réelles en droit chinois sont spéciales.

108. Le gage dont la constitution valable nécessite la dépossession du

bien grevé ne peut porter que sur un (des) bien(s) déterminé(s). Car la

dépossession d’un ensemble des biens du constituant est difficile à effectuer.

De même, le nantissement porte sur un droit subjectif déterminé ou un type de

droits déterminés puisqu’il est considéré comme une sûreté réelle avec

dépossession. L’hypothèque mobilière, y compris l’hypothèque flottante, est

aussi une sûreté spéciale qui ne peut porter que sur certains biens déterminés.

109. Quant à l’hypothèque immobilière, elle ne peut porter que sur des

immeubles déterminés. Puisqu’une propriété immobilière ne peut pas porter sur

plusieurs immeubles ou un ensemble des immeubles d’un individu.

110. S’agissant du droit de rétention, étant donné que son existence

nécessite la détention du bien, il ne peut aussi porter que sur des biens

déterminés.

111. En ce qui concerne la propriété-sûreté, considérant que la

fiducie-sûreté n’a pas été consacrée par la loi chinoise et que les juristes chinois

ne traitent pas la réserve de propriété comme une sûreté, c’est donc pas la peine

d’en discuter ici.

§ II – Selon la nature de l’assiette

112. Si nous choisissons la nature de l’assiette comme critère de

classification des sûretés réelles, il faut d’abord étudier la nature de l’assiette ou

plus précisément, la distinction des biens qui constitue la notion de base de ce

type de classification. Cependant, la classification des biens en droit français et

en droit chinois n’est pas pareille. Cette différence implique nécessairement une

différence entre les sûretés réelles dans les deux pays.

A. La nature de l’assiette - la classification des biens

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

75

113. Nous étudierons ici la différence entre les classifications des biens

en droit français et en droit chinois. Pour mieux comprendre cette différence,

un schéma est visuellement faite comme ainsi :

Classification des biens

En droit français En droit chinois

Immeubles Immeubles

Meubles

Meubles corporels Meubles

Meubles incorporels Droits

a. La dichotomie des biens en droit français

114. L’article 516 du Code civil prévoit que « tous les biens sont

meubles ou immeubles ». Cette double classification des biens est une

classification exhaustive. Les biens se divisent donc en deux parties: les

immeubles et les meubles. L’article suivant du même code stipule que « les

biens sont immeubles ou, par leur nature ou, par leur destination ou, par l'objet

auquel ils s'appliquent». Il énumère davantage les biens appartenant aux

immeubles.

115. Quant aux meubles, le code énumère aussi concrètement ceux qui

sont les meubles. Or, on peut résumer simplement que les biens qui

n’appartiennent pas aux immeubles sont meubles. Les meubles se divisent

davantage en deux catégories : meubles corporels et meubles incorporels. Cette

classification influence profondément la législation française et la classification

des sûretés réelles.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

76

b. La trichotomie des biens en droit chinois

116. Différant de la classification des biens en droit français, le droit

chinois classifie les biens en trois catégories.

La première catégorie est celle des immeubles. Selon l’article 92, alinéa 1

de la LS, le terme « immeuble » désigne les terres et les choses adhérant aux

terres telles que des bâtiments, des arbres, etc.

La deuxième est celle des qui correspondent à celle des meubles corporels

en droit français. Selon l’article 92, alinéa 2 de la LS, le terme « meuble »

désigne les choses à l’ exclusion des immeubles. Ce qui reste à remarquer est. il

convient de préciser que le terme « chose » en droit réel chinois ne désigne que

la chose corporelle.

La troisième est celle des droits subjectifs, qui correspondent aux meubles

incorporels en droit français. En principe, les droits subjectifs ne peuvent pas

faire l’objet d’un droit réel, sauf en cas de disposition légale dérogatoire.

117. Cette classification est profondément influencée par le droit réel

allemand dans lequel les choses ne désignent que les choses corporelles. C’est

une classification importante pour les sûretés réelles chinoises, mais la

classification législative de celles-ci n’est pas faite selon cette classification.

B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette

118. Les biens constituent les assiettes des sûretés réelles. En raison de la

différence de la classification des biens, la classification des sûretés réelles

française et chinoise est certainement différente.

a. La classification en droit français

119. Par suite de la double classification des biens, selon la nature

mobilière ou immobilière de l’assiette, les sûretés réelles peuvent être classées

en trois catégories : les sûretés mobilières, les sûretés immobilières et les

sûretés mixtes (soit mobilière soit immobilière, par exemple, les privilèges

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

77

pleinement généraux et la fiducie-sûreté). Cette classification constitue la base

de la structure du Titre II, Livre IV du nouveau Code civil français qui est

consacré aux sûretés réelles et qui comporte trois sous-titres « Dispositions

générales », « Des sûretés sur les meubles » et « Des sûretés sur les

immeubles ». Parmi les sûretés mobilières, il existe le gage de meubles

corporels, le nantissement de meubles incorporels qui correspondent

parfaitement à la classification des meubles et la réserve de propriété qui

s’insère dans le chapitre IV, sous titre II intitulé « Des sûretés sur les meubles»

du titre consacré aux sûretés réelles. Néanmoins, il existe encore des sûretés

réelles qui portent indifféremment sur les meubles ou les immeuble du débiteur

--- les privilèges pleinement généraux. Ainsi, on peut dire que la distinction des

biens est cruciale pour la classification législative des sûretés réelles en droit

français.

b. La classification en droit chinois

120. Selon la triple-classification des biens en droit chinois, les sûretés

réelles peuvent se deviser en : des sûretés immobilières (nécessairement sans

dépossession) qui portent sur les immeubles, tels que l’hypothèque de bâtiment ;

des sûretés mobilières qui portent sur les meuble corporels, tels que

l’hypothèque de meubles (nécessairement sans dépossession), le gage de

meubles (nécessairement avec dépossession) ; des sûretés de droits qui portent

sur les droits autres que la propriété des meubles et immeubles, par exemple,

nantissement de créance ; des sûretés mixtes qui peuvent porter sur n’importe

quelle catégorie de biens - meubles, immeubles ou droits, par exemple les

privilèges généraux, la réserve de propriété qui est fixée par l’article 134 de la

Loi sur les contrats de 1999 et qui peut être utilisé en matière mobilière ou

immobilière.

121. Cependant, cette classification des sûretés réelles en droit chinois est

seulement doctrinale. La classification législative se fait en fonction de leur

régime.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

78

Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime

122. Les sûretés réelles peuvent également être classées au regard de leur

régime. D’une part, certaines sûretés réelles entraînent la dépossession du bien

grevé du constituant, les autres n’exigent pas la dépossession. D’autre part,

certaines sûretés réelles confèrent à son créancier la propriété du bien sur lequel

elles portent, alors que les autres n’emportent pas le transfert de la propriété.

§ I – Le critère de la dépossession

123. Selon ce critère de classification, les sûretés avec dépossession

s’opposent à celles sans dépossession. Auparavant, il faut d’abord aborder la

notion et l’effet de dépossession.

A. La notion et l’effet de dépossession

124. S’exposeront successivement ici la notion et l’effet de dépossession.

a. Notion de dépossession

125. En droit français, l’article 2255 du Code civil prévoit que la

« possession » est « la détention ou la jouissance d’une chose ou d'un droit que

nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient

ou qui l'exerce en notre nom». Le possesseur doit l’être à titre de propriétaire.

C’est un pouvoir de fait sur le bien. Est donc exclue la simple détention et les

« actes de pure tolérance » (par exemple, une personne accepte qu'une autre

utilise provisoirement son fond) ou « actes de pure faculté » (par exemple,

quand une personne a un terrain mais ne veut pas construire tout de suite).

C’est le sens de la « possession » en droit des biens. En matière du droit des

sûretés réelles, il n’existe aucun texte qui définit les termes de « possession » et

de « dépossession ». Cependant, aux termes de l’article 2345 du code civil65,

65 Cet article dispose que « sauf convention contraire, lorsque le détenteur du bien gagé est le créancier de la dette garantie, il perçoit les fruits de ce bien et les impute sur les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette ».

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

79

nous remarquons que le législateur emploie le mot « détenteur ». Cela signifie

que la « possession » en droit des sûretés réelles désigne une simple détention

du bien grevé. Concernant la « dépossession », elle est étymologiquement liée à

la « possession ». Le préfixe «dé- » signifie qu’elle est l’antonyme de la

dernière. La dépossession désigne donc « la perte de la possession, soit par

violence ou voie de fait, soit à un titre juridique »66. Du point de vue statique,

c’est la privation effective de la détention et la jouissance matérielle d’une

chose. D’une approche dynamique, c’est le transfert de la détention matérielle

d’une chose.

126. En droit chinois, il n’existait pas de régime de possession avant la

LDR de 2007. C’est au moment de l’entrée en vigueur de la LDR que le régime

de possession a été instauré. Mais il est regrettable qu’il n’y ait quand même

aucune norme écrite qui donne une définition de la possession et de la

dépossession. Concernant la possession, influencée par le droit civil allemand,

la doctrine et la pratique judiciaire chinoises préfèrent la qualifier d’un « fait »,

ce qui diffère du droit français qui la qualifie d’un pouvoir de fait. Par exemple,

l’article 270 du Projet no 7 de la LDR (qui n’est pas inséré dans la LDR

promulguée) définissait la possession comme « le contrôle matériel de

l’immeuble ou le meuble ». Cette définition de possession rapproche

formellement celle en droit français, à ceci près qu’elle ne comprend pas

l’élément subjectif. Quant à la dépossession, nous ne pouvons pas trouver une

simple terminologie chinoise qui correspond bien à la notion de dépossession

du droit français. Les chercheurs emploient plutôt le « transfert de la

possession » en droit chinois, qui correspond justement à la dépossession dans

l’approche dynamique en matière du droit français des sûretés réelles. Dans les

suites de la présente étude, nous employons les termes de « dépossession » et

de « transfert de la possession » dans un même sens.

66 Gérard CORNU, op. cit., p. 292.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

80

b. Effets de dépossession

127. En comparaison des sûretés sans dépossession, les sûretés avec

dépossession ont certains avantages, mais aussi certains inconvénients. D’une

part, la dépossession renforce la protection du créancier en lui conférant un

droit de rétention qui lui permet d’éviter toute concurrence avec les autres

créanciers. D’autre part, la dépossession prive le constituant de son droit

d’usufruit et laisse la conservation du bien grevé au créancier. Pour ces raisons,

le droit moderne favorise les sûretés sans dépossession et laisse le choix aux

parties contractuelles.

En droit français, la dépossession constituait, pour les sûretés avec

dépossession, une condition de validité. Après la réforme de 2006, les sûretés

avec dépossession perdent leur nature de contrat réel. La dépossession n’est

donc plus une condition de validité pour les sûretés elles-mêmes. Elle devient

une condition de l’opposabilité des sûretés. Par exception, la dépossession

constitue bien une condition de validité pour le gage immobilier qui porte sur

des immeubles et emporte nécessairement la dépossession du bien grevé67.

En droit chinois, la dépossession constitue toujours pour les sûretés réelles

avec dépossession une condition de validité de la sûreté elle-même.

B. La classification selon le critère de dépossession

128. Comme les études précédentes des classifications, nous

l’envisagerons respectivement selon l’approche française et l’approche

chinoise.

a. La classification en droit français

67 G. PIETTE, La nature de l’antichrèse après l’ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006, Dalloz, 2006, Chron., p.1690.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

81

129. Auparavant, le gage (qui porte désormais par définition sur un bien

meuble corporel, avec ou sans dépossession) devait s'opérer avec dépossession.

L'avantage de la dépossession est qu'elle confère au créancier bénéficiaire un

droit de rétention sur la chose grevée dont le propriétaire a été dépossédé. Ce

droit permet au créancier bénéficiaire de l’opposer à tout créancier, et lui

permet de retenir la chose qu’il détient jusqu'au complet paiement de la dette

corrélative. Le droit de rétention lui permet d'être protégé lors des procédures

collectives, il est donc très recherché par les créanciers. Cependant, ce droit est

selon la jurisprudence insusceptible d'abus. Malgré cet avantage, la

dépossession s’accompagne d’un lourd inconvénient : elle prive le constituant

du droit d’usufruit et empêche le propriétaire d’user du bien grevé pour obtenir

un autre crédit. Ceci entraîne un gaspillage important du crédit économique.

130. Heureusement, la réforme de 2006 a apporté une nette amélioration

à cette situation. Désormais, le gage de meuble corporel peut être constitué

avec ou sans dépossession. C’est un choix pour les parties contractuelles. On

peut donc constituer un gage sans dépossession qui, pour avoir l’opposabilité

aux tiers, fait l’objet d’inscription.

Le nantissement, qui porte désormais par définition sur un bien meuble

incorporel, n'opère pas de dépossession : le plus souvent, sa constitution fait

l'objet d'une publicité qui informe les tiers de la présence d'un nantissement sur

le bien grevé.

En matière immobilière, le gage immobilier est sans aucun doute une

sûreté avec dépossession (art. 2387, C. civ.). L’hypothèque, qui ne peut porter

que sur les immeubles, n’emporte pas de dépossession de l’immeuble grevé.

Quant au droit de rétention, selon le dernier alinéa de l’article 2286 du

Code civil, son titulaire ne peut exercer ce droit que dès lors que le bien est en

sa possession. Autrement dit, ce droit suppose la dépossession du bien grevé.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

82

Enfin, la propriété-sûreté emporte nécessairement la dépossession du bien

grevé.

b. La classification en droit chinois

131. Nous pouvons découvrir que les termes – « gage », « nantissement »,

« hypothèque » – utilisés en droit chinois ne sont pas en même sens que l’on les

utilise en droit français. Les deux premiers emportent nécessairement la

dépossession du bien grevé et qu’ils ne peuvent constituer respectivement que

sur des meubles corporels et des droits subjectifs. L’hypothèque est une sûreté

sans dépossession qui peut porter sur des meubles (on utilise le terme

hypothèque mobilière), des immeubles (hypothèque immobilière) et des droits

(hypothèque des droits).

§ II – Le critère de la propriété

132. Normalement et traditionnellement, les sûretés réelles ne confèrent

pas à bénéficiaire la propriété du bien grevé. Il arrive cependant, en pratique,

que certaines sûretés réelles soient fondées sur l’utilisation de la propriété du

bien grevé. En effet, la propriété-sûreté n’est pas une nouveauté mais plutôt une

redécouverte. En effet, sous l’empire du droit romain et de l’ancien droit, il

était normal que la propriété puisse être utilisée pour garantir une créance. Dans

ce cas, le constituant transférait la propriété du bien grevé à son créancier qui

s’engageait à la lui restituer si le débiteur s’acquittait de la dette garantie. C’est

ce que l’on l’appelait fiducie cum creditore. Après l’apparition des mécanismes

de l’hypothèque et du gage, ce type de sûreté était abandonné car les deux

premiers étaient considérés comme satisfaisants pour les créanciers et les

débiteurs. Mais, l’historique se répète souvent. Face au déclin des sûretés

réelles mobilières, les créanciers remirent au goût du jour les techniques de cet

ancien mécanisme.

133. En France, ce furent dans un premier temps les créanciers vendeurs

qui amorcèrent ce mouvement avec la réapparition de la clause de réserve de

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

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propriété qui jusqu’en 1980 était de peu d’intérêt, puisque la Cour de cassation

l’a déclarée inopposable aux créanciers. En Chine, cette pratique n’est admise

que jusqu’en 1999.

Par la suite, la propriété utilisée à des fins de garantie est apparue

progressivement dans la pratique en droit français, ainsi qu’en droit chinois.

Désormais, il est expressément admis que l’on peut bien constituer une

propriété-sûreté sur des meubles ou des immeubles. On envisagera

successivement sa reconnaissance en droit français et en droit chinois, et sa

classification.

A. La reconnaissance de la propriété-sûreté

134. Nous l’étudierons respectivement du point de vue français et de

celui chinois.

a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français

135. La propriété-sûreté telle que la fiducie, n’a pas été retenu dans le

Code civil de 1804, parce qu’elle heurtait les principes fondamentaux du droit

civil français.

En premier lieu, la propriété-sûreté serait contraire à des règles

impératives des droits réels, un exemple illustré par excellence est la règle de

numerus clausus. Pour assurer la sécurité juridique, il est traditionnellement

admis que les droits réels sont en nombre limité. Il ne serait pas possible

d’adjoindre une nouvelle sûreté au nantissement (au sens avant la réforme de

2006), à l’hypothèque et aux privilèges qui sont fixés par la loi. Une autre est la

règle de prohibition du pacte commissoire. Le droit français était

traditionnellement hostile au pacte commissoire jusqu’à l’ordonnance du 23

mars 2006. La consécration de la propriété-sûreté permettrait de faire échec à la

prohibition du pacte commissoire, ce qui rendrait la protection du constituant

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

84

illusoire. En cas de défaillance du débiteur, le créancier pourrait conserver la

propriété du bien sans contrôle du juge68.

En second lieu, la nature même de la propriété ne lui permettait d’être

utilisé comme une sûreté. Selon la théorie traditionnelle, les droits réels se

devisent en deux parties: les droits réels principaux et les droits réels

accessoires. La propriété est l’exemple par excellence des droits réels

principaux. C’est un droit éternel. Le propriétaire d’un bien peut bien exercer

toutes les prérogatives attachées à cette qualité : le droit d’usus, du fructus et de

l’abusus. Alors que les sûretés réelles traditionnelles ont un caractère accessoire

et constituent les droits réels accessoires. Or, quand la propriété est utilisée à

des fins de garantie, elle a un caractère temporaire et les droits du propriétaire

sont limités car il s’est engagé à restituer le bien grevé au constituant et il doit

agir dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.

136. De plus, on a rencontré plusieurs difficultés sur ce point dans le

droit continental. Par exemple, l’Allemagne est un des pionniers à consacrer

l’utilisation de propriété à des fins de garantie. Les sûretés fondées sur la

propriété en Allemagne ne donnent pas lieu à une publicité, car celle-ci en la

matière mobilière est difficile à mettre en jeu. Cela suscite les conflits entre les

créanciers titulaires de propriété sur les mêmes biens grevés, ainsi que les

conflits entre les créanciers titulaires de propriété et les créanciers titulaires

d’autres sûretés réelles.

137. Cependant, il y a aussi dans des années 80 en France un retour de

propriété-sûreté. La propriété utilisée à des fins de garantie est à nouveau

pratiquée. D’une part, le contexte pratique était favorable à la reconnaissance

de la propriété-sûreté en France. Les praticiens cherchaient à introduire un

mécanisme qui est comparable au trust dans la Commun Law. Les autorités

68 Dominique LEGAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 492-493.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

85

françaises préféraient aussi modifier la pratique du crédit. Les effets des sûretés

réelles traditionnelles étaient affaiblis. Les droits du créancier gagiste ou

hypothécaire étaient limité face à l’ouverture d’une procédure collective. La

propriété-sûreté qui confère à un créancier bénéficiaire la qualité de propriétaire

du bien grevé redevenait donc attractive. D’autre part, la théorique favorable à

l’affirmation de propriété-sûreté tend progressivement à s’imposer. En effet, les

obstacles cités dans le texte plus haut n’existent pas vraiment. Un de ces

obstacles est la prohibition du pacte commissoire. Depuis la réforme de 2006

du droit des sûretés, le pacte commissoire est admis dans la majorité des cas.

Un autre obstacle est la règle de numerus clausus. En effet, cette règle subsiste,

mais elle n’aurait pas la portée absolue comme elle était dans le passé. Car,

premièrement, des décisions reconnaissant la valeur à des droits réels nouveaux

ont été recensées, deuxièmement, les auteurs prétendent qu’aucun droit réel

nouveau est crée en cas de l’utilisation de propriété à des fins de garantie69,

enfin, selon le point de vue matérialiste dialectique, c’est l’infrastructure

économique de la société qui en décide de la superstructure. Autrement dit,

c’est le besoin de la vie pratique économique qui décide la législation, le

législateur n’a rien fait que de répondre aux besoins de la vie pratique.

138. Dans ces contextes, le législateur a consacré l’opposabilité de la

réserve de propriété par la loi du 2 janvier 1981 et la cession de créance à titre

de garantie par la loi Dailly du 3 janvier 1982. La consécration de ce type de

sûreté est continue. Le Code monétaire et financier l’a consacré aussi dans son

article L. 431-7-3. La loi du 19 février 2007, qui s’insère dans l’article 2011 à

2031 du Code civil, a fait de la fiducie un mécanisme de droit commun en

réservant le bénéfice à certains professionnels70. Là-dessus, l’utilisation de la

fiducie à des fins de garantie était seulement implicitement autorisée par la

69 Ibid., p. 496.

70 Ibid., p. 497.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

86

référence de l’article 2011 du Code civil à un « but déterminé »71. Ensuite, la

loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 énonce expressément que

toute personne, que ce soit personne physique ou morale, peut bien constituer

une fiducie sur des meubles ou des immeubles. Enfin, l’ordonnance du 30

janvier 2009 place la fiducie-sûreté dans le Code civil auprès des sûretés réelles

classiques. Lé régime propre de fiducie-sûreté est alors vraiment instauré.

b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois

139. Pour connaître la propriété-sûreté en droit chinois, il faut

nécessairement aborder l’évolution du droit chinois moderne. À la fin de la

Dynastie des Qing, le gouvernement faisait rédiger un premier projet du Code

civil qui se référait principalement au code civil allemand, suisse et japonais et

dans lequel la propriété-sûreté était consacrée. Malheureusement, ce code ne

s’appliquait jamais. Le deuxième projet du code civil a vu le jour en 1925. Il

contenait aussi les dispositions concernant la propriété-sûreté, mais son sort

était tout à fait pareil comme celui du précédent. C’est après la fondation du

gouvernement national de Nanjing que le législateur a promulgué le code civil

en 1931. Ce code, influencé par les deux projets précédents, contient aussi des

dispositions concernant la propriété-sûreté. Ce code s’appliqua sur tout le

territoire chinois jusqu’à la fondation de la RPC et, il est toujours en vigueur à

Taïwan. Depuis l’avènement de la RPC, le système juridique était totalement en

désordre. Il connaissait une interruption de son histoire. Jusqu’en 1999, la

réserve de propriété, la fiducie et le crédit-bail sont successivement admis par

la loi chinoise.

140. Cependant, leur nature juridique est encore discutable. En tant qu’un

pays appartenant à la famille de droit continental, le droit chinois persiste à

71 Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, Dalloz, 2010, p. 367.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

87

maintenir les règles fondamentales de sûretés réelles, tels que la règle de la

prohibition du pacte commissoire et la règle numerus clausus.

La première est expressément maintenue par la LDR de 2007. Or, la

discussion concernant ce problème est vive en doctrine. Certains auteurs

s’opposent de consacrer le pacte commissoire, alors que certains favorisent sa

consécration72. Du point de vue de la tendance législative mondiale, la

prohibition du pacte commissoire se desserre. Mais, la consécration de sa

validité en droit chinois n’est pas possible dans un court temps. Cette

prohibition fait obstacle à utiliser la propriété à la fin de garantie.

La règle numerus clausus est admise en doctrine chinoise depuis des

dizaines d’années. En effet, cette règle suscite beaucoup de discussions au

cours de la rédaction de la LDR. Certains auteurs favorisent l’assouplissement

de la règle. Certains préconisent le retrait de la règle. Certains font un compris.

Ils considèrent que la flexibilité juridique est aussi importante que la stabilité

juridique. S’inspirant davantage du Code de commerce uniforme des Etats-Unis,

ils favorisent l’adoption de la règle numerus clausus, mais cette règle n’a pas le

même sens qu’elle avait par le passé. Selon eux, les types et les contenus des

droits réels ne soient pas fixés par la loi, mais la procédure de la qualification

doive être fixée par la loi73. Cela veut dire que pour être admis comme un droit

réel, le nouveau droit réel doit être conforme aux procédures légales.

Pourtant, l’article 5 de la LDR stipule expressément que « les types et les

contenus sont fixés par la loi », sans n’avoir admis aucun assouplissement de

celle-ci. C’est pour ceux-là que la qualification des différentes utilisations de

propriété à des fins de garantie est encore ambiguë. Différant de la situation

française, il y a, en Chine, très peu d’études qui traitent expressément les

72 YANG Hong, op. cit., p. 34-58.

73 YANG Yuxi, De la règle numerus clausus, in Recherche de droit comparé, 2002, I, p. 34.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

88

différentes utilisations de propriété à des fins de garantie comme les sûretés

réelles.

141. Nous pouvons donc résumer que la propriété-sûreté a connu un vrai

retour en droit chinois moderne. Son histoire est beaucoup plus longue que

celle de la propriété-sûreté en droit français.

B. La classification selon le critère de la propriété

142. La classification des sûretés réelles se fait d’après ce critère que si la

sûreté réelle confère à son bénéficiaire la propriété.

a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété

143. La majorité des sûretés réelles ne supposent pas la propriété du bien.

Elles confèrent souvent soit un droit de préférence, tels que les privilèges en

droit français, les privilèges innomés et les hypothèques en droit chinois, soit

un droit de préférence et un droit de suite, tels que l’hypothèque en droit

français, soit un droit de préférence et aussi un droit de retenir le bien grevé,

tels que les exemples du gage, du nantissement, de le gage immobilier et du

droit de rétention en droit français, ainsi que du gage et du droit de rétention en

droit chinois.

b. Les sûretés basant sur la propriété du bien

144. Il arrive parfois qu’une sûreté réelle soit constituée sur la base de la

propriété du bien grevé.

145. En droit français, le propriétaire d’un bien peut constitue une

propriété-sûreté sous deux formes: soit s’en réserver la propriété jusqu’au

paiement de la créance, par exemples dans l’hypothèse de réserve de propriété

(art. 2367 à 2372, C. civ.) ou crédit-bail (art. L.313-7 à L.313-11, CMF), soit le

propriétaire d’un bien ou le titulaire d’une créance en transfère la propriété à

titre de garantie qui est également désigné fiducie, prévue dans les articles 2011

à 2031 du Code civil.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

89

Au mécanisme du crédit-bail, l’établissement de crédit, qui finance

l’acquisition d’un bien, acquiert lui-même ce bien (mobilier ou immobilier), au

lieu d’en prêter la somme au demandeur de crédit. Ce dernier loue la chose,

avec la possibilité de l’acquérir en fin de bail, déduction faite des redevances

déjà versées. L’intérêt de cette opération est le même que celui de la réserve de

propriété : le créancier demeure propriétaire du bien jusqu’à la fin du

financement, ce qui lui permet de le revendiquer en cas de procédure collective

ou de redressement judiciaire du débiteur. Dans l’hypothèse de fiducie, la

propriété du bien grevé est transférée au fiduciaire qui le détient jusqu’à la fin

de l’opération.

Donc, dans toutes hypothèses de propriété-sûreté, la propriété du bien

grevé n’a jamais appartenu au débiteur. La propriété ne lui sera transférée qu’à

la fin de l’opération, c’est-à-dire lorsqu’il aura payé la totalité de la dette.

146. En droit chinois, existe-il ces trois types de propriété-sûreté? La

réponse est ambiguë. D’une part, il existe certainement les utilisations de

propriété à des fins de garantie. Bien que la réserve de propriété n’ait pas été

prévue par la LS, ni par la LDR, l’article 134 de la Loi sur les contrats de 1999

dispose que « les parties peuvent convenir dans le contrat de vente que si

l’acheteur n’exécute pas les obligations qu’il a engagées telle que le paiement

ou autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Concernant le

crédit-bail, il est prévu dans l’article 5 d’un arrêté ministériel - Règles

comptables des entreprises modernes qui sont promulguées par le Ministère des

finances en 2006 et est défini comme « un bail qui en effet transfert tous les

risques et rémunérations concernant la propriété du bien » . Quant à la fiducie,

elle est instaurée par la Loi de la fiducie de 2001 et est défini dans son article 2

comme «l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent, basant

sur la confiance, des droits patrimoniaux à un ou plusieurs fiduciaires qui

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

90

agissent à son propre titre et dans un but déterminé ou au profit d'un ou

plusieurs bénéficiaires ».

D’autre part, en Chine, la qualification des différentes utilisations du droit

de propriété à des fins de garantie est différente de celle qui existe en droit

français pour des raisons précitées. Normalement, il y a très peu d’études qui

les traitent expressément comme les sûretés réelles.

147. En outre, sur le plan théorique, nous pouvons aussi classer les sûretés

réelles selon leurs sources. Nous opposons donc les sûretés conventionnelles

aux sûretés non conventionnelles qui désignent les sûretés légales et les sûretés

judiciaires. La sûreté est conventionnelle lorsqu’elle est née d’un contrat. A

l’exception des privilèges, toutes les sûretés peuvent être conventionnellement

constituées dans les deux systèmes juridiques en cause.

Par exception, il arrive dans des différents systèmes juridiques que

certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou attachées à certaines

créances, sans qu’une convention ait été conclu ente le créancier et le

constituant. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent en

effet les sûretés légales et les sûretés judiciaires.

La sûreté est légale lorsqu’elle est accordée par la loi à raison de la qualité

de créance. Les sûretés réelles en droit français répondant à cette définition sont

les privilèges et les hypothèques légales. En droit chinois, les privilèges

généraux, les privilèges spéciaux qui ne contiennent que les privilèges sur les

aéronefs et les privilèges sur les navires, et l’hypothèque légale qui est fixé par

l’article 284 de la Loi sur les contrats de 1999 correspondent à cette sûreté. La

sûreté est judiciaire lorsqu’elle est accordée dans une décision judiciaire. En

droit français, l’hypothèque judiciaire conservatoire crée en 1950 répond à cette

définition. Cependant, cette hypothèque judiciaire du droit français n’a jamais

été admise par le législateur chinois.

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Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »

91

148. Enfin, la sûreté réelle est en principe constituée par le débiteur de la

créance garantie. Cependant, il est tout à fait possible, tant en droit français

qu’en droit chinois, pour un tiers de s’engager sur l’un de ses biens pour

garantir la dette d’autrui. Il s’agit là de la classification des sûretés réelles

fondée sur la qualité du constituant. Quant à la qualification de la sûreté réelle

pour autrui, il y avait pendant longtemps une confusion en droit français. La

réforme de 2006 l’a précisé expressément dans l’article 2334 du Code civil qui

prévoit que dans une telle hypothèse, « le créancier n’a d’action que sur le bien

affecté en garantie », le constituant tiers ne souscrit donc aucun engagement

personnel. Cette affirmation tombe d’accord avec le système juridique chinois

qui bien qu’il n’ait pas expressément fixé l’étendue de l’engagement du

constituant tiers dit que « le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en

garantie » est un principe implicite consacré par la doctrine et les textes de la

LS, des ELS et de la LDR.

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92

Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles

149. Les tiers, surtout les créanciers d’un débiteur, doivent être informés

des sûretés réelles qui grèvent les biens qu’ils ont acquis ou qu’ils vont acquérir,

puisque leurs droits sur ces biens sont profondément influencés par les sûretés

réelles afférentes. Les sûretés réelles sont donc intimement liées aux modalités

de la publicité des sûretés réelles qui sont réalisées soit par l’inscription des

sûretés réelles, soit par la dépossession du bien grevé.

150. Sachant que les législateurs français et chinois mettent

particulièrement l’accent sur la transparence des sûretés réelles, ces mesures

jouent donc un rôle déterminant.

Cependant, les modalités de publicité des sûretés réelles et leurs champs

d’application, ainsi que les finalités poursuivies, varient d'un pays à l’autre.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

93

Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

151. Le régime et les effets des différentes modalités de publicité en

matière mobilière ou immobilière ne sont pas identiques tant en droit français

qu’en droit chinois.

Section I – La publicité en matière mobilière

152. En raison de l’énorme quantité et de la mobilité des meubles, les

modalités de publicité des sûretés mobilières n’ont pas été unifiées, que ce soit

en droit français ou en droit chinois.

§I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit

français

153. En droit français, les sûretés mobilières conventionnelles et non

conventionnelles ne sont pas soumises aux mêmes règles de publicité.

S’agissant des sûretés mobilières conventionnelles, tels que le gage et le

nantissement, elles doivent en principe être publiées pour être opposables aux

tiers. L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, elle ne

dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 405).

S’agissant des sûretés mobilières légales ou judiciaires, elles n’ont pas en

principe à être publiées. La plupart des privilèges généraux ou spéciaux sont

occultes. Exceptionnellement, afin de limiter l’importance des sommes

privilégiées74 et de mieux protéger les intérêts des tiers, notamment les autres

créanciers du débiteur, la loi impose à certains créanciers de publier leurs

privilèges sur un registre spécial, tels que le privilège du Trésor public et celui

de la sécurité sociale (art. 1929 quater 1, CGI ; art. L. 245-5, al. 1er, CSS).

74 Marc MIGNOT, op. cit., p. 309.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

94

154. Il existe deux modalités de publicité des sûretés mobilières : soit par

une mesure matérielle, c’est-à-dire la dépossession du bien grevé ; soit par une

mesure immatérielle, c’est-à-dire l’inscription de la sûreté réelle.

En effet, le gage, avant la réforme de 2006, était un contrat réel qui

supposait la dépossession du débiteur. Cette dernière était considérée par la

jurisprudence comme une modalité de publicité du gage75. Depuis l’entrée en

vigueur de l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage n’est plus un contrat réel.

Les parties peuvent convenir de constituer un gage avec ou sans dépossession.

Dans le premier cas, la dépossession peut tout de même être considérée comme

une modalité de publicité au sens large76, puisqu’elle joue, comme l’inscription

pour le gage sans dépossession, vis-à-vis des tiers un rôle de publicité

rudimentaire et permet d’individualiser les biens objets de la sûreté. Dans le

second cas, la publicité du gage au sens strict se réalise par une inscription sur

un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce, c’est-à-dire par

une publicité proprement dite. Cette publicité s’applique aussi au gage des

stocks (art. L. 527-4, C. com.), au gage du matériel et de l’outillage

(art. L. 525-3, al. 2, C. com.).

155. Cependant, pour certaines sûretés mobilières, le registre chargé de la

publicité est tenu par d’autres autorités. Par exemple, le gage des véhicules

terrestres est publié dans un registre spécial tenu par la préfecture qui a délivré

la carte grise (art. 2351, C. civ.) ; l’hypothèque fluviale, dans un registre tenu

par le greffe du tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau

hypothéqué ; l’hypothèque maritime, dans un registre spécial tenu par les

conservateurs des hypothèques maritimes ; l’hypothèque aérienne, dans le

registre de l’immatriculation des aéronefs tenu par la Direction Générale de

75 Cf. Marc MIGNOT, op. cit., p. 310.

76 C’est dans ce sens que messieurs Bernard BEIGNIER et Marc MIGNOT ont utilisé, dans le manuel Droit des sûretés publié par Montchrestien en 2007, la notion de publicité pour couvrir la dépossession du bien grevé et l’inscription de la sûreté.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

95

l’Aviation civile ; le privilège de la sécurité sociale, dans un registre public tenu

par le greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance

(art. L. 245-5, al. 1, CSS). Les modalités de publicité des sûretés mobilières se

répartissent ainsi entre plusieurs registres, tenus par les différentes autorités

concernées. Cette dispersion présente un réel inconvénient dans la mesure où il

est difficile pour les tiers de connaitre l’ensemble du passif privilégié grevant

un même bien. Il convient donc de saluer le fait que ce problème soit en partie

résolu par le décret du 23 décembre 2006 relatif à la publicité du gage, lequel a

créé un fichier national des gages de droit commun. Il est toutefois regrettable

que ce dernier ne rassemble pas toutes les sûretés mobilières et ne puisse pas

vraiment garantir aux intéressés une information complète sur ce sujet.

§II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit

chinois

156. Par comparaison au droit français, la notion de publicité des sûretés

mobilières conventionnelles et non conventionnelles est plus flexible en droit

chinois. Selon l’article 6 de la LDR qui fixe les règles de la publicité des droits

réels, la publicité des sûretés réelles peut être réalisée selon deux modalités qui

ne soumettent pas aux mêmes règles : la dépossession du bien grevé et

l’inscription de la sûreté.

En ce qui concerne les sûretés mobilières conventionnelles, les règles sont

les mêmes qu’en droit français. Autrement dit, le gage, l’hypothèque mobilière

et le nantissement doivent être publiés pour avoir l’opposabilité aux tiers.

L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, qu’elle ne

dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 408).

Quant aux sûretés mobilières légales, elles n’ont pas à être publiées. Le

droit de rétention est dispensé de publicité. Les privilèges innomés sont

occultes, sans aucune exception (v. infra n° 214 et s.).

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

96

157. Comme en droit français, la publicité des sûretés mobilières en droit

chinois se réalise soit par la dépossession de la chose grevée, soit par

l’inscription de la sûreté.

Le gage en droit chinois suppose nécessairement la dépossession du bien

grevé. Cette dépossession a en réalité une double fonction : elle assure

simultanément la validité et l’opposabilité du gage. Ce principe s’applique

aussi au privilège sur l’aéronef qui doit être inscrit auprès du bureau compétent

pour être valide et opposable.

La publicité de l’hypothèque mobilière, qui correspond au gage sans

dépossession en droit français, est assurée par l’inscription sur des registres

spéciaux. L’hypothèque mobilière portant sur des machines de production, des

matières premières, des produits semi-finis et finis, doit être inscrite sur un

registre tenu par le bureau de l’industrie et du commerce ; celle portant sur des

bateaux, des aéronefs et des véhicules, auprès des organes d’administration

compétents. Quant à la publicité de l’hypothèque portant sur d’autres meubles,

la loi n’en a rien dit.

S’agissant du nantissement, la publicité se réalise soit par la remise du titre

des droits, soit par l’inscription auprès des organes compétents. Elle assure

aussi la validité et l’opposabilité du nantissement.

158. Ainsi, les modalités de publicité des sûretés mobilières sont aussi

diverses en droit chinois qu’en droit français. Elles se différencient de la

publicité en matière immobilière, qui est parfaitement centralisée.

Section II – La publicité en matière immobilière

159. Que ce soit en droit français ou en droit chinois, les sûretés

immobilières doivent être publiées pour être opposables et efficaces. Mais cette

publicité n'est-elle qu’une condition d’opposabilité ou constitue-t-elle une

condition de validité ? Les réponses données par les différents régimes

juridiques varient selon les sûretés immobilières. En effet, le régime de

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

97

l’inscription des sûretés immobilières est un problème qui est intimement lié au

principe de la publicité foncière, même si chaque système possède ses propres

règles.

§I – La publicité foncière en droit français

160. Le droit français des contrats soumet au principe du consensualisme.

Le contrat de vente, qu’il soit contrat d’échange ou de donation etc., réalise en

principe le transfert instantané de la propriété du bien par le seul échange des

consentements77. C’est le principe du transfert de propriété solo consensus. La

publicité n’est pas constitutive de droits réels, mais elle rend les droits réels

opposables à tous les tiers. Ce régime de publicité est fondé, en effet, sur les

décrets du 4 janvier 1955 et du 14 octobre 1955.

Selon le décret du 4 janvier 1955, seuls des actes translatifs ou constitutifs

de droits réels, tels que des restrictions au droit de disposer, des clauses

affectant rétroactivement le droit du titulaire, des droits personnels altérant la

valeur du bien etc., sont soumis à publicité à peine d’inopposabilité aux tiers.

Les hypothèques, ainsi que les privilèges, appartiennent à cette catégorie de

droits devant nécessairement être publiés.

Il existe en droit français trois registres – un registre des inscriptions, un

registre des publications et un registre des saisies immobilières – qui

accueillent les dépôts de bordereaux. Grâce aux fichiers immobiliers

systématiquement établis, qui se présentent sous trois formes – les fichiers

établis d’après les immeubles, d’après les titulaires de droits réels et d’après les

parcelles cadastrales – l’accès aux informations sur les immeubles est

nettement facilité. Toute personne peut demander la communication des

documents déposés dans les conservations dans les cinquante dernières

77 Michèle MULLER, Droit civil, Sup’ Foucher, 2006, p. 94.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

98

années78. Le fait que seuls des actes authentiques puissent être publiés renforce

la fiabilité de la publicité foncière, allège le fardeau des conservateurs des

hypothèques qui se chargent uniquement de vérifier la régularité formelle des

actes déposés. De plus, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 dispose que

« aucun acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bordereau des

hypothèques ne peut être publié au fichier immobilier si le titre du disposant ou

dernier titre n’a pas été préalablement publié, conformément aux dispositions

du présent article ». Il en découle le principe de l’effet relatif qui renforce

davantage la fiabilité du régime de publicité foncière.

161. Si un acte, soumis à publicité, n’est pas publié, il n’est pas

opposable aux tiers mais reste encore valable entre les parties, ce qui n’est

qu’une hypothèque "fantôme". Seuls les tiers intéressés qui, sur le même

immeuble, ont acquis du même auteur un droit réel concurrent, peuvent

invoquer l’inopposabilité de l’acte au sens de la publicité foncière. Cependant,

un tiers peut, dans certains cas, avoir connaissance d’un acte soumis à publicité,

sans que cette formalité ait été accomplie ; par exemple, si un créancier

hypothécaire peut prouver qu’un tiers a eu connaissance de l’hypothèque, cette

sûreté lui est-elle opposable ? Autrement dit, la connaissance effective peut-elle

remplacer la publicité foncière ? Il existe sur ce point deux courants de pensée.

Le premier, qui retient la conception subjective de la publicité, répond par

l’affirmative : il estime que le but poursuivi par la publicité étant l’information

des tiers, l’existence de cette information suffit à cette finalité, quel que soit le

moyen utilisé. Cette approche permet donc de sanctionner les tiers de mauvaise

foi et de privilégier la sécurité du crédit. Le second, qui fait valoir que la

publicité exigée est constitutive du droit d’opposabilité, privilégie une approche

objective et répond par la négative79. La jurisprudence navigue entre les deux.

78 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 418.

79 Ibid., p. 419.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

99

Elle retient, en effet, la conception subjective en cas de conflits des cessions

successives d’un même immeuble, et la conception objective s’agissant de

l’hypothèque80. Le régime de l’inscription hypothécaire est donc différent de

celui des autres droits réels immobiliers sur ce point. Les autres règles

gouvernant la publicité s’appliquent en principe à l’inscription de l’hypothèque.

162. Ainsi, les sûretés immobilières, qu’elles soient conventionnelles ou

non, doivent en principe être publiées pour être opposables aux tiers. Par

exception, l’article 2378 admet que les privilèges généraux et le privilège

spécial du syndicat des copropriétaires ne le soient pas. En outre, à la différence

de la publicité dispersée des sûretés mobilières, celle des sûretés immobilières,

qu’elle soit d’hypothèque, d’antichrèse ou des privilèges spéciaux immobiliers,

est centralisée à la conservation des hypothèques. Cette centralisation n’est

certainement pas considérée d’un point de vue géographique, mais plutôt

matériel, puisque toutes les sûretés sur un même immeuble doivent être

publiées en un seul et même lieu81.

§II – La publicité foncière en droit chinois

163. À la différence du droit français, le droit civil chinois est fortement

imprégné de l’influence des droits allemand et suisse. Les règles de

l’inscription foncière ont connu une grande évolution au fil du temps. La Loi

sur la gestion des terres de 1986 instaurait dans ses articles 9 et 10 le principe

de l’inscription foncière, en disposant que « les droits de propriété et d’usage

du terrain légalement inscrits sont protégés par la loi et personne ne peut

empiéter sur ces droits ». Mais ces dispositions étaient tellement générales

80 Cass. 3e civ., 17 juill. 1986, Bull.civ. III, no118, Defrénois 87, art. 34056, no78, p.1178, n. L.AYNES : la circonstance, à la supposer établie, que (les tiers acquéreurs) aient eu une connaissance personnelle des prêts consentis par la banque et des sûretés les ayant garantis ne pouvait suppléer à l’inscription, seul mode légal de publicité.

81 Marc MIGNOT, op. cit., p. 311.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

100

qu’elles sont restées pratiquement inexécutables par manque de mesures plus

précises.

164. Par la suite, la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en

zone urbaine de 1994 a introduit dans la section III du chapitre IV des

stipulations spéciales sur l’hypothèque immobilière et, dans le chapitre V, sur la

gestion de l’inscription de la propriété foncière. Cependant, elle ne prévoyait

pas les effets de cette inscription. De toute façon, ces lois ont instauré le

principe simple selon lequel les droits réels immobiliers devaient être inscrits à

peine de nullité. La Loi sur les sûretés (LS) de 1995 a ensuite instauré le

système relativement complet de l’inscription de l’hypothèque qui constitue

encore la base du régime de nos jours. Ses articles 41 et 42 stipulaient que

l’inscription était une condition de validité pour le contrat de l’hypothèque

immobilière et le contrat de l’hypothèque de certains meubles assimilés aux

immeubles.

165. Enfin, la LDR de 2007 a repris l’esprit de l’inscription foncière en

affinant le système : elle distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle

de l’hypothèque elle-même. Selon ses termes, le contrat est parfait dès lors

qu’il est conclu sous forme écrite et que l’inscription est une condition de la

validité de l’hypothèque immobilière. En effet, au cours de la rédaction de la

LDR ont prévalu deux conceptions sur l’effet de l’inscription : la première

prétendait abandonner la modalité de l’« inscription-validité » et adopter celle

de l’« inscription-opposabilité » pour toutes les hypothèques, à l’exemple du

droit français82; la seconde, sous l’influence de la théorie de l’acte juridique

réel en droit allemand, optait pour la modalité allemande83. L’une comme

82 WANG Liming, Recherche sur le droit civil et commercial (II), Éd. du droit, 1999, p.185.

83 SUN Xianzhong, Études sur la théorie de l’acte juridique réel, Éd. de sciences sociales de Chine, 2001, p. 135 ; SUN Xianzhong, Études sur les droits réels, Éd. du droit, 2001, p. 55.

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

101

l’autre a rencontré un écho positif dans la LDR promulguée : aujourd’hui, la

modalité de l’ « inscription-opposabilité » s’applique à toutes les hypothèques

mobilières et celle de l’ « inscription-validité » à toutes les hypothèques

immobilières. Ce sont les règles en droit positif chinois. Il a consacré

expressément le principe de la « publicité du changement » de droits réels. Le

changement de droit de propriété ou d’autres droits réels reposant en principe

sur un acte juridique ne sera considéré comme réalisé qu’une fois accomplie la

formalité de publicité (enregistrement pour des immeubles et délivrance pour

des meubles), même si l’acte juridique sur lequel ce changement repose est déjà

effectif. Autrement dit, aucune translation ou constitution de droit réel, par la

voie d’acte juridique, ne peut en principe être valablement réalisée sans la

formalité de publicité requise au préalable. Néanmoins, il existe certaines

exceptions pour les meubles ; par exemple, l’inscription n’est pas une condition

de validité pour l’hypothèque mobilière, mais une condition d’opposabilité aux

tiers. Pour les autres droits réels, tels que l’hypothèque immobilière,

l’inscription est donc une condition de validité. Si la connaissance effective de

l'existence de l'hypothèque peut jouer le rôle de la publicité et si un tiers a eu

connaissance de l'hypothèque, le problème de l'opposabilité aux tiers qui existe

en droit français ne se posera pas en droit chinois, puisque le non-exercice de

l’inscription rend l’hypothèque invalide, a fortiori son opposabilité.

166. Selon la LDR, le requérant doit, suite à sa réquisition, fournir les

dossiers nécessaires à l’inscription immobilière, notamment les titres

représentant ses droits, les documents et les indications sur les dimensions et la

localisation (art. 11). L’organe compétent devra les examiner, demander au

requérant le motif de l’inscription, enregistrer immédiatement et exactement les

éléments relatifs à l’inscription et, le cas échéant, demander au requérant de

fournir des dossiers complémentaires et procéder à l’observation sur place de

l'état de l'immeuble (art. 12). Cet organe exerce donc un contrôle complet sur la

forme mais non sur le fond. Après tout, l’état des droits réels concernant un

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Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application

102

immeuble figure sur les « registres d’immeuble » qui sont le support de la

publicité immobilière, la source de l’attribution et le contenu du droit réel

(art. 16, LDR). Les frais d’inscription doivent être fixés et ne peuvent varier

proportionnellement à la surface, au volume ou au prix de l’immeuble (art. 20,

LDR). Les dossiers d’inscription tenus par l’organe susmentionné, y compris

les registres d’immeuble, peuvent être consultés et copiés par le titulaire du

droit et les tiers intéressés (art. 18, LDR).

167. Il est regrettable que persistent encore aujourd’hui des problèmes en

matière d’inscription foncière en droit chinois. Ces derniers découlent en

définitive de la diversité des lois fixant les inscriptions des différents

immeubles ; par exemple, la nouvelle Loi sur la gestion des terres et ses

mesures d’application (1998), la nouvelle Loi sur la gestion des bâtiments et

des terrains en zone urbaine (2007), la Loi sur les forêts, la Loi sur la pêche, la

LS, la LDR etc. Selon une statistique incomplète, il existe une dizaine de lois

sur l’inscription foncière. Cette situation est source de problèmes : une

multitude d’organes en charge des inscriptions, des conflits entre certaines lois,

l’impossibilité de faire inscrire certains immeubles, la répétition des

inscriptions pour un même immeuble etc. Ces problèmes réduisent

considérablement l’efficacité des sûretés réelles et sont une forte entrave au

développement du crédit. Il est donc très urgent d’uniformiser les différentes

inscriptions foncières. Le législateur chinois a la volonté d'apporter des

solutions et d’établir le plus tôt possible un système unitaire d’inscription des

droits réels correspondant au besoin du crédit et de la pratique internationale.

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Chapitre II – Les finalités de publicité

103

Chapitre II – Les finalités de publicité

168. Quel que soit le système juridique, la publicité remplit plusieurs

fonctions qui visent principalement à : assurer l’opposabilité des sûretés aux

tiers ; constituer une condition de validité des sûretés dans certains cas ;

permettre d’attribuer un rang au créancier. Cependant, les finalités poursuivies

par le législateur varient selon les pays.

Section I – Les finalités poursuivies en droit français

169. En droit français, la publicité des sûretés permet d’abord de rendre

les sûretés opposables aux tiers et, ensuite, de fixer le rang des créanciers.

§I – L’opposabilité de la sûreté

170. Comme nous l’avons exposé, la publicité n’est pas en principe un

élément constitutif de droits réels, mais un élément relevant de l’opposabilité

du droit. Ainsi, la publicité de la sûreté réelle sert principalement à assurer son

opposabilité aux tiers. La sûreté conventionnelle demeure normalement valable

bien qu’elle n’ait pas été publiée. Elle est quand même valable entre les parties,

à l’instar du gage et du nantissement en matière mobilière, de l’hypothèque en

matière immobilière, et de la clause de réserve de propriété en matière

mobilière ou immobilière.

171. Néanmoins, l’opposabilité résultant de la publicité mobilière ou

immobilière ne présente pas le même degré d’efficacité. Par exemple, la

propriété-sûreté mobilière est opposable à l’acquéreur et à ses créanciers ; mais

elle n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi qui peut invoquer la

disposition de l’article 2276 du Code civil. De même, face au tiers acquéreur de

bonne foi, le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession ne peut pas

faire valoir son droit de gage sur le bien grevé. Par exception, dans l’hypothèse

du gage sans dépossession, une fois que le gage a été régulièrement inscrite, les

ayants cause à titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du

Code civil.

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Chapitre II – Les finalités de publicité

104

En matière immobilière, la publicité est plus efficace : elle rend toujours la

sûreté opposable aux tiers84. Cette différence d’efficacité entre les publicités

des sûretés mobilières et immobilières peut s’expliquer par la fiabilité du

système de publicité foncière et par l’intervention systématique du notaire dans

la pratique des opérations immobilières. Ainsi, toute opération immobilière

aboutit à la formalité de publicité et suppose la consultation préalable de la

publicité foncière. En matière mobilière, en revanche, la pluralité des registres

mobiliers et l’absence d’intervention systématique du notaire diminuent

nécessairement la fiabilité de la publicité.

§II – L’attribution d’un rang au créancier

172. Comme la publicité rend, en principe, la sûreté réelle opposable aux

tiers, il est logique qu’elle contribue à fixer le rang des différents créanciers.

Ainsi, dès lors qu’une sûreté est régulièrement publiée, son rang est en principe

déterminé par la date de l’accomplissement de la formalité de publicité. Cette

fonction de la publicité suppose que plusieurs sûretés réelles puissent être

successivement constituées sur un même bien. Ainsi, l’attribution d’un rang aux

créanciers ayant publié leurs droits sur le même bien est intimement liée au

classement des créanciers en conflit. Ces derniers sont classés selon l’adage

prior tempore potior jure. Celui qui a publié son droit à une date antérieure

l’emporte sur les suivants.

Dans cette hypothèse, la fonction d’attribuer un rang au créancier n’est, en

principe, concevable que s’agissant des sûretés conventionnelles traditionnelles,

tels que le gage avec dépossession et le gage sans dépossession, les

nantissements, les hypothèques, non s’agissant des propriétés-sûretés85 et des

sûretés extra-conventionnelles. Par exemple, la remise de la chose entre les

84 Marc MIGNOT, op. cit., p. 311.

85 Ibid., p. 312.

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Chapitre II – Les finalités de publicité

105

mains du créancier rend le gage avec dépossession opposable aux tiers ;

l’inscription rend le gage sans dépossession, le nantissement et l’hypothèque

opposables aux tiers, du moins en principe. Par dérogation, les privilèges

spéciaux prennent rang à la date de conclusion de l’acte donnant naissance à la

créance privilégiée. La conclusion de l’acte n’est pas une publicité proprement

dite.

173. À titre exceptionnel, la publicité de la sûreté réelle remplit certaines

autres fonctions. Par exemple, elle est parfois une condition de validité de la

sûreté. La sûreté doit être publiée, à peine de nullité. C’est le cas du gage des

stocks de droit spécial (art. L. 527-4, C. com.) et de la fiducie (art. 2019,

C. com.). S’agissant du gage immobilier, son régime de publicité est

exceptionnel, puisque les deux modalités de publicité – la remise de la chose

grevée et l’inscription – sont respectivement exigées pour la validité et

l’opposabilité de la sûreté. Autre exemple, la publicité de la sûreté réelle est

prise en compte par le législateur dans certains cas pour faire bénéficier son

titulaire d’une mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure de

sauvegarde, redressement ou liquidation, les créanciers antérieurs doivent

déclarer leur créance (art. L. 622-24, L. 631-14-I, L. 641-3, al. 1er, C. com.).

Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois

174. La publicité des sûretés réelles en droit chinois ne joue pas le même

rôle que celle en droit français. Sa fonction primordiale est d’assurer la validité

de la sûreté. Elle permet ensuite de rendre les sûretés opposables aux tiers et,

enfin, de fixer le rang des créanciers.

§I – La validité et l’opposabilité de la sûreté

175. Comme le système juridique chinois accepte la théorie allemande

selon laquelle aucune constitution et aucun changement de droit réel ne

pourraient en principe être valablement réalisés. Étant qualifiée du droit réel, la

validité d’une sûreté réelle suppose sa publicité, sauf dispositions contraires.

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Chapitre II – Les finalités de publicité

106

Ainsi, la publicité de la sûreté réelle, surtout de la sûreté conventionnelle, sert

d’emblée à assurer la validité de celle-ci. La sûreté réelle conventionnelle n’est

valable qu’une fois accomplies les formalités régulières de publicité. Par

exemple, le gage (avec dépossession) n’est valablement constitué qu’au

moment de la remise de la chose grevée entre les mains du créancier ; le

nantissement des droits n’est valable qu’à partir de la réalisation de la remise

du titre des droits ou de l’inscription ; la validité d’une hypothèque

immobilière suppose l’inscription hypothécaire ; le privilège sur l’aéronef doit

être inscrit auprès du bureau compétent pour être valablement constitué. Pour

ces sûretés réelles, la publicité assure aussi leur opposabilité aux tiers.

176. Dans certains cas, la publicité n’est pas une condition de validité,

mais une simple condition d’opposabilité de la sûreté elle-même. Par exemple,

l’hypothèque mobilière demeure valable entre les parties bien qu’elle n’ait pas

été publiée. De même, la validité de la clause de réserve de propriété en matière

mobilière ou immobilière ne suppose pas la publicité. Pour ces deux types de

sûretés réelles, la publicité assure simplement leur opposabilité, non leur

validité.

En effet, en tant qu’une modalité de la publicité des sûretés réelles, la

remise de la chose grevée et l’inscription ont pour même objet de porter l’état

de la sûreté réelle à la connaissance des tiers. Pourquoi jouent-elles des rôles

différents selon qu'il s'agit d'une sûreté avec dépossession (le gage) ou sans

dépossession (l’hypothèque mobilière) portant sur des meubles corporels ?

Pour l’instant, l’imperfection du système de l’inscription mobilière apporte une

explication peu convaincante à cette dualité. Or, dans une perspective à long

terme, cette situation compromet la simplicité et la logique du droit des sûretés.

177. En raison, d’une part, de la multiplicité des registres mobiliers et de

l’absence d’intervention systématique du juriste et, d’autre part, de la fiabilité

du système de publicité foncière et de la pratique des opérations immobilières

où interviennent souvent le notaire ou l’avocat, l’opposabilité résultant de la

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Chapitre II – Les finalités de publicité

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publicité des sûretés mobilières présente une moindre efficacité que celle des

sûretés immobilières. Ainsi, le créancier gagiste régulièrement publié ne peut

pas l’emporter sur le tiers acquéreur de bonne foi. En matière immobilière, la

publicité est plus efficace ; elle rend toujours la sûreté opposable aux tiers.

Cette disposition se rapproche du droit français.

178. Par exception, la publicité n’est exigée ni pour la validité ni pour

l’opposabilité de la sûreté. C’est le cas pour le droit de rétention, le privilège

nommé sur le navire et les privilèges innommés.

§II – L’attribution d’un rang au créancier

179. Comme en droit français, le rang de la sûreté en doit chinois est en

principe déterminé par la date de la réalisation de la publicité régulière. La

publicité fixe donc le rang des créanciers ayant publié leurs droits sur un même

bien. Celui dont la publicité des droits est antérieure l’emporte sur les suivants.

Ce principe est tout à fait semblable à celui appliqué en droit français.

180. De même, cette fonction suppose que plusieurs sûretés

conventionnelles se constituent sur un même bien. S’il n’y a qu’une sûreté

réelle sur un bien, sa publicité n’a aucun sens. Par exemple, si un bien fait

l’objet d’une propriétés-sûreté, d’autres créanciers du débiteur ne peuvent en

principe pas valablement constituer une sûreté réelle sur ce bien dont le

débiteur n’est plus le propriétaire. Ainsi, la remise de la chose entre les mains

du créancier rend le gage opposable aux tiers ; l’inscription rend l’hypothèque

mobilière, le nantissement et l’hypothèque immobilière opposables aux tiers,

comme en droit français.

181. Par dérogation, les privilèges innommés ne sont pas soumis à

publicité pour leur opposabilité. Ils sont automatiquement opposables aux tiers

dès leur naissance. Cependant, cette opposabilité n’est pas aussi forte que celle

des privilèges en droit français puisqu’elle n’est pas valable devant les

créanciers ayant des sûretés réelles portant sur un bien déterminé du débiteur.

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Chapitre II – Les finalités de publicité

108

182. En outre, la publicité de la sûreté réelle est aussi prise en compte par

le législateur chinois dans certains cas pour faire bénéficier son titulaire d’une

mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure collective, les créanciers

antérieurs doivent déclarer leurs créances, même si celles-ci ne sont pas échue

(art. 45 et s., LFE).

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109

Deuxième partie Régimes des sûretés mobilières (approche

micro juridique)

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110

183. Dans cette partie, nous mettrons en parallèle les dispositions du droit

français et du droit chinois en matière de sûretés mobilières, en soulignant leurs

similitudes et leurs divergences.

Il est à remarquer que la notion de « meubles » en droit français n’est pas

la même que celle en droit chinois. En droit français, les « meubles » inclurent

non seulement les « biens corporels » mais aussi les «biens incorporels ». Avant

la réforme du 23 mars 2006, le législateur français établissait une distinction

entre le gage qui nécessitait la dépossession et le nantissement qui était sans

dépossession. La réforme a abandonné le critère de dépossession mais retient la

nature de l’assiette de sûreté. La sûreté portant sur des meubles corporels se

nomme « gage », celle portant sur des meubles incorporels, « nantissement »,

qu’elles soient avec dépossession ou non.

En droit chinois, les « meubles » ne concernent que les biens corporels. Le

législateur distingue donc les sûretés de droits (des biens incorporels) des

sûretés mobilières (v. supra n° 113 et n° 120). Ainsi, à proprement parler, les

sûretés mobilières en droit chinois ne comportent pas les sûretés de droits ;

elles correspondent uniquement à la notion de gage en droit français.

Cependant, pour mener à bien cette étude, nous emploierons ici la notion

de « sûretés mobilières » au sens du droit français.

184. Dans les deux systèmes juridiques, nous distinguons, selon les

sources, les sûretés mobilières non conventionnelles des sûretés mobilières

conventionnelles. Celles-ci, qui sont soumises aux régimes juridiques différents,

seront successivement étudiées dans le texte suivant.

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111

Titre préliminaire – Les sûretés mobilières non conventionnelles

185. Il arrive souvent que dans les différents systèmes juridiques, afin de

promouvoir le développement du commerce et de satisfaire au besoin des

politiques sociales, certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou

attachées à certaines créances, sans qu’une convention ait été conclue entre les

parties. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent les

privilèges, le droit de rétention et certaines autres sûretés judiciaires.

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Chapitre I – Les privilèges

112

Chapitre I – Les privilèges

186. En droit français, le privilège est définit comme « un droit que la

qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers,

même hypothécaires » (art. 2324 C. civ.). Sa définition est bien simple, mais

ses formes et ses régimes sont relativement complexes. Il est en effet une

catégorie de droits qui existe depuis le droit romain et qui joue toujours un rôle

en droit des sûretés français. Cette définition est aussi reconnue par la doctrine

chinoise, bien que le régime général des privilèges ne soit pas reconnu par le

législateur.

Section I – Les privilèges en droit français

187. Le législateur confère un privilège aux créanciers, en raison de la

qualité de leur créance, par exemple ceux ayant intérêts que l’État tend à

préserver, basés sur la justice sociale ou fondés sur la notion de gage. Chaque

privilège traduit un choix politique86. Nous envisagerons successivement les

différents privilèges en droit français.

§ I – Les privilèges généraux

188. Ce sont les privilèges pleinement généraux qui portent sur

l’ensemble des biens d’un débiteur. Il existe aujourd’hui quatre privilèges

généraux : celui des frais de justice, celui des salaires, celui de la période de

conciliation de l’article L.611-11 et celui de la période d’observation consacré

par l’article L.622-17 du Code de commerce. Comme toute sûreté réelle, ils

sont soumis à la règle de spécialité: il s’exerce sur tout élément d’actif pour la

totalité qu’il garantit. Particulièrement, il se soumet aussi au principe de

subsidiarité : les privilèges doivent s’exercer d’abord sur les meubles de son

débiteur avant la vente de ses immeubles. C’est une règle qui traduit la volonté

traditionnelle du législateur de protéger la propriété immobilière. Ce principe

86 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 455.

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Chapitre I – Les privilèges

113

peut expliquer pourquoi nous l’abordons dans cette partie consacrée aux sûretés

réelles.

189. Les frais de justice sont toujours privilégiés (art. 2331, C. civ.). Il est

logique que les frais qui concourent à la procédure collective, tant à la

conservation, à la liquidation qu’à la réalisation des biens de son débiteur,

soient payés avant les autres créanciers, puisqu’ils sont dépensés dans l’intérêt

de tous les créanciers et qu’ils profitent à tous87. Cependant, afin de protéger les

intérêts des autres créanciers, le législateur a introduit par la loi du 7 juillet

1991 la limite d’utilité des frais de justice. Seuls les frais utilement engagés

sont opposable aux autres créanciers qui profiteront de cet acte88.

190. Les privilèges des salaires peuvent s’expliquer par le fait que, d’une

part le salarié ne participe pas aux profits de l’entreprise, il est donc logique

qu’il ne supporte pas le risque d’insolvabilité de l’entreprise ; d’autre part, le

salaire a un caractère alimentaire, ce qui est une raison humaine plus

importante. Le privilège garantit les six derniers mois du salaire et de tous ses

accessoires (indemnité de congé payé ou de licenciement) (art. 2331, 4o et 2375,

C. civ.). Les auteurs, compositeurs et artistes bénéficient de ce privilège pour le

paiement des redevances et rémunérations qui leur sont dues (art. L131-8, C.

prop. intell.)89. La créance privilégiée est exigible à la date du jugement

d’ouverture de redressement judiciaire. Elle doit être payée dès que les fonds

sont disponible et au plus tard dans les trois mois du jugement90. En cas de

procédure collective, les soixante derniers jours de salaires (de travail ou

apprentissage) et les indemnités de congés payés, et pour les marins du

commerce (art. L.143-10, C. trav.), les quatre-vingt-dix jours (art. L.742-6 et

87 Marc MIGNOT, op. cit., p. 387.

88 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 460.

89 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 182.

90 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 461.

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Chapitre I – Les privilèges

114

L.751-15, C. trav.), sont garantis par un super-privilège qui passe avant tous les

autres créancier et qui ne se soumet pas à la règle de subsidiarité. Sa finalité est

de permettre un paiement rapide des salaires et de les garantir au salarié.

L’administrateur ou le débiteur, s’il a en mains les fonds nécessaires, doit payer

la créance calculée sur la base du dernier bulletin de salaire et sans pouvoir

excéder le plafond, sur simple ordonnance du juge-commissaire dans les dis

jours du jugement déclaratif. Si les fonds détenus ne sont pas suffisants, il doit

l’acquitter dès les premières rentrées de fonds91.

191. Le privilège de la période de conciliation (art. L.611-11, C. com.,

consacré par la loi du 26 juillet 2005) et celui de la période d’observation (art.

L.622-17, C. com.) visent à aider les entreprises en difficulté. L’objectif de ce

privilège à ceux qui offrent un nouvel investissement à l’entreprise en difficulté,

en liquide ou en nature, ou à ceux qui continuent les affaires avec l’entreprise

en difficulté, est de faciliter la renaissance d’entreprises en difficulté.

§ II – Les privilèges mobiliers

192. Les privilèges mobiliers peuvent être divisés en deux catégories :

ceux qui portent sur l’ensemble des meubles – les privilèges mobiliers

généraux (art.2331, C. civ.) et ceux qui portent sur des meubles déterminés –

les privilèges mobiliers spéciaux (art.2332, C. civ.).

A. Les privilèges mobiliers généraux

193. Les privilèges mobiliers généraux énoncés par l’article 2331 du

Code civil sont au nombre de huit. Parmi lesquels les privilèges des frais de

justice et des salaires sont en effet les privilèges pleinement généraux, ceux des

frais funéraires et des frais de dernière maladie sont rendus inutiles par le

système de Sécurité sociale. Les autres sont beaucoup moins importants que les

privilèges fiscaux et ceux de la Caisse de Sécurité sociale qui ont leurs sources

91 Ibid., p. 462.

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Chapitre I – Les privilèges

115

spéciales – les lois hors Code civil92. Aujourd’hui, afin d’écarter l’atteinte à la

sécurité juridique, le rang des privilèges est fixé par l’article 2332-2 du Code

civil. Celui du privilège du Trésor public est déterminé par les lois qui lui sont

propres ; celui de la Caisse de Sécurité sociale vient au même rang que celui de

salaires.

194. Le privilège du Trésor public garantit la somme due par des

commerçants et personne morale de droit privé au titre des impôts et taxes. Il

doit être publié depuis la loi du 10 juin 1994. Lorsque la somme due par un

redevable pour un poste comptable ou service assimilé est inférieur au seuil de

12 200 euros, l’inscription est facultative ; si elle le dépasse, l’inscription est

obligatoire. Le défaut d’inscription obligatoire rend le privilège inutile en cas

de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable93.

195. Le privilège de Sécurité sociale garantit les cotisations dues aux

caisses pendant un an à compter de leur exigibilité. La publicité est exigée

depuis la loi du 1er mars 1984 et est renforcée par la loi du 10 juin 1994.

L’exigence de l’inscription est similaire à celle du privilège fiscal. L’inscription

obligatoire doit être prise dans les trois mois de l’exigibilité de la créance

lorsque la somme dépasse un seuil fixé. À défaut de cette formalité, le privilège

est inexécutable à l’encontre du redevable.

B. Les privilèges mobiliers spéciaux

196. Les privilèges mobiliers spéciaux sont les droits énoncés par l’article

2332 du Code civil à certains créanciers, en raison de gage tacite (le privilège

du bailleur d’immeuble, le privilège sur navire – articles L.31-L.42 de la loi du

3 janvier 1967 et celui sur aviation – article L.122-14 du Code de l’aviation

civile), de conservation de la chose, de l’augmentation de valeur du patrimoine

92 Ibid., p. 249.

93 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 471.

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Chapitre I – Les privilèges

116

du débiteur (privilège du vendeur de meuble) ou de la fixation des lois

spéciales. En raison de la concurrence des autres régimes qui concourent à

protéger le vendeur, tels que la réserve de propriété, le droit de rétention,

l’action en revendication, et l’action en résolution de droit commun, le

privilège du vendeur de meuble n’a plus qu’une fonction subsidiaire.

L’application du privilège de conservation du bien par la Cour de cassation est

étroite. Elle ne confère le privilège qu’à celui qui a contribué à faire naître une

créance dans le patrimoine du débiteur94. De même, le privilège ne bénéficie

pas à celui qui a fait des améliorations ou a assuré l’entretien d’une chose95,

puisqu’il n’a pas pour objet d’empêcher la perte de la chose96. De même le

remplacement ne donne droit au privilège que s’il était nécessaire et urgent97.

Le privilège mobilier spécial le plus important est donc celui du bailleur

d’immeuble.

197. Tout bailleur d’immeuble peut se payer en priorité sur les meubles du

locataire. Pourvu que son privilège soit exigible, le créancier doit avoir la

qualité de bailleur avec un véritable bail à la date de l’exercice de ce privilège.

Le locataire principal dans ses relations avec le sous-locataire peut aussi en

bénéficier, mais le fournisseur du crédit-bail est exclu car celui-ci n’est pas un

véritable bail. La somme garantie est le loyer plus les indemnités de toute

nature liées à la location. Tous les loyers échus impayés sont garantis s’ils ne

sont pas prescrits (art.2332-1o, al.1, C. civ.). Il existe des exceptions : le

94 Cass. com., 27 oct. 1965, Bull civ. III, no 535; D., 66.38, n. Ph. Bourdon: le sous-traitant n’a pas le privilège du conservateur sur les sommes que l’entrepreneur principal reçoit du maître d’ouvrage.

95 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 477.

96 Cass. com., 8 mars 1961, Bull civ. III, no 195 ; D., 62.2, n. R. Rodière: pose de radios sur un chalutier.

97 Cass. com., 16 mai 1965, Bull civ. III, no 254; D., 67.139, n. Ph. Bourdon: remplacement de pièces cassées ou usagées sur une automobile, alors que la réparation n’était ni urgente ni nécessaire. Au contraire, le remplacement du moteur d’un camion donne naissance au privilège, parce qu’il est indispensable : Cass. com.,12 janv. 1988, Bull civ. III, no 23.

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Chapitre I – Les privilèges

117

privilège du bailleur est limité au deux dernières années de loyer en cas de bail

commercial, et à deux ans échus (l’année courante et l’année suivante) en cas

de bail à ferme. Le privilège peut porter sur tous les meubles garnissant

l’immeuble loué, que le locataire soit propriétaire ou non, à moins qu’il soit

établi que le bailleur ait eu connaissance de l’origine des meubles lors de leur

entrée dans le local. Des objets accidentels ou personnels, tels que des bijoux,

des biens de banque etc., ne peuvent pas être l’assiette du privilège. En cas de

bail à ferme, l’assiette s’étend à tous ce qui sert à l’exploitation de la ferme98.

Le bailleur a un droit de préférence sur le prix de vente ou sur l’indemnité de

remplacement en cas de destruction des meubles.

198. Malgré que les privilèges soient une ancienne catégorie de sûretés

réelles en droit français, ils sont encore critiquables dans leur principe même. Il

existe toujours deux courants en droit français dont l’un favorise beaucoup la

multiplication des privilèges, l’autre tend à limiter leur portée et récemment

occupe la position dominante sur le plan doctrinal99. Pour le dernier courant,

« d’une part, il y a souvent de l’arbitraire lors de la reconnaissance, d’autre part,

le grand nombre de privilège et le caractère occulte de certains d’entre eux nuit

gravement à la cohérence de notre système juridique »100. En effet, la tendance

mondiale et irrésistible du développement du système juridique contemporain

est d’assurer une plus grande transparence des relations juridiques, les

privilèges occultes sont à contre-courant dans cette optique. Afin de réduire les

incertitudes causées par les privilèges occultes, le décret du 4 janvier 1955 a

profondément modifié le régime des privilèges en réduisant évidemment leur

nombre et soumettant les privilèges immobiliers à la publicité. Depuis ce décret,

il y successivement certaines lois qui visent, soit à limiter les portées de

98 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 475.

99 Ibid., p. 456.

100 Ibid., p. 456.

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Chapitre I – Les privilèges

118

privilèges, soit à les soumettre à la publicité. Il faut admettre que la suppression

complète des privilèges est sûrement une mission impossible à court terme,

mais il est indéniable qu’ils sont en recul.

199. Ces problèmes attirent beaucoup d’attention des juristes chinois et

c’est pour cela que le législateur chinois hésite toujours à instaurer des régimes

de privilèges.

§ III – Le classements des privilèges mobiliers

200. Le classement des privilèges est une question difficile en droit

français. Le législateur ne donne pas une réponse unique et générale mais des

réponses diverses en fonction de la nature des privilèges fortement influencés

par la procédure collective.

A. Conflits entre privilèges de même nature

a. Entre les privilèges généraux

201. En principe, le classement des privilèges généraux s’opère selon

l’ordre déterminé par l’article 2331 du Code civil. Les créanciers privilégiés qui

sont dans le même rang sont payés par concurrence (art. 2326, C. civ.).

Toutefois, cet ordre connait des exceptions. D’abord, le privilège du trésor

public déterminé par la loi spéciale a normalement le premier rang, à

l’exception du privilège des frais de justice101. Ensuite, le privilège des caisses

de sécurité sociale vient au même rang que le superprivilège des salariés (art.

2332-2, C. civ.)102.

b. Entre les privilèges spéciaux

101 Yves PICOD, op. cit., p. 343.

102 Les articles L. 243-4 al. 1er, L. 243-5, al. 1er et 3e du CSS limite l’effet de ce privilège pendant un an à compter de la date d’exigibilité de la somme et sous réserve que le privilège ait été régulièrement publie.

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Chapitre I – Les privilèges

119

202. Le classement des privilèges spéciaux se fait d’après l’ordre suivant

fixé par l’article 2332-3 du Code civil:

1° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont

postérieurs à la naissance des autres privilèges ;

2° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui ignorait l'existence des autres

privilèges ;

3° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont

antérieurs à la naissance des autres privilèges ;

4° Le privilège du vendeur de meuble ;

5° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui connaissait l'existence des

autres privilèges.

203. Entre les conservateurs du même meuble, la préférence est donnée au

plus récent. Cette solution est traditionnelle et s’explique par une considération

de justice élémentaire. Sans intervention de celui qui a exercé le dernier acte de

conservation, la chose se serait détérioré ou aurait péri en toute ou une partie.

Celui qui profite de la conservation doit donc s’effacer derrière celui qui y a

contribué103. De même, le privilège de la créance pour frais de conservation

postérieure à la constitution du gage ou d’autres privilèges fondé sur l’idée de

gage prime ces derniers104, alors que celui postérieure n’est pas préféré.

204. Entre les privilèges fondés sur l’introduction d’une valeur dans le

patrimoine du débiteur, tels que les privilèges des vendeurs du même meuble,

103 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p 716.

104 Tels que le privilège du commissionnaire, du bailleur, du créancier nanti sur le fonds de commerce etc.

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Chapitre I – Les privilèges

120

elle est donnée au plus ancien : il est absurde que un sous-acquéreur d’un

meuble qui ne l’a pas payé et qui l’a revendu prime son propre vendeur.

B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges

mobiliers spéciaux

205. Dans ce cas, sauf dispositions contraires, on applique l’adage

specialia generalibus derogant. Autrement dit, les privilèges spéciaux priment

les privilèges généraux (art. 2332-1, C. civ.). La solution se fonde sur l’idée

d’équité : plus l’assiette est réduite, plus son rang doit être élevé105. Sinon, les

privilèges spéciaux seraient inefficaces.

206. Néanmoins, le principe connait des exceptions. Tout d’abord, le

privilège général des frais de justice qui sont dépensés dans l’intérêt de tous les

créanciers se voit attribuer le premier rang. Ensuite, le privilège du Trésor

public de premier rang prime tous les autres privilèges et sûretés réelles (art.

1920, 1926, 1927, CGI). Et, aux termes de l’article 1929 du Code générale des

impôts, le privilège de second rang prend rang immédiatement après celui de

premier rang. Alors, il prime aussi les autres privilèges et sûretés réelles106.

Enfin, le superprivilège des salaires prime aussi les privilèges spéciaux.

C. Influence de la procédure collective

207. Afin de sauver l’entreprise en difficulté, le législateur établit des

privilèges destinés à inciter les créanciers postérieurs à financer la période

suivant l’ouverture de la sauvegarde ou du redressement.

208. Pendant cette période, le classement des sûretés réelles se fait suivant

l’ordre suivant : 1o superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ;

3o privilège de conciliation (art. L. 611-11, L. 622-17, II, C. com.) ; 4o privilège

105 Marc MIGNOT, op. cit., p. 386.

106 Ibid., p. 387 ; v. contr. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 719.

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Chapitre I – Les privilèges

121

des créanciers postérieurs pour les créances utiles (parmi eux, le classement est

déterminé par l’article L. 622-17, III, C. com.) ; 5o créances antérieures

garanties par d’autres sûretés (parmi eux, le classement est fixé par le droit

commun) ; 6o créances antérieures chirographaires.

209. Ces incitations prévues dans la phase de sauvegarde et de

redressement n’existent plus en période de liquidation judiciaire. Pendant cette

période, le classement des sûretés réelles se fait suivant l’ordre suivant : 1o

superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ; 3o privilège de

conciliation ; 4o créances antérieures garanties par des sûretés immobilières ou

par des sûretés mobilières assorties d’un droit de rétention, tels que gage de

droit commun avec dépossession, nantissement de compte d’instruments

financiers, gage automobile ou gage sur le matériel et l’outillage (art. 525-1 et

s., C. com.) ; 5o privilège des créanciers postérieurs pour les créances utiles

(dont le classement se fait selon l’article L. 641-13, III, C. com.) ; 6o créances

antérieures garanties par d’autres sûretés (selon le classement de droit

commun) ; 7o créances antérieures chirographaires.

210. En résumé, les règles des privilèges en droit français sont très

compliquées et, très fouillées tant pour les créanciers que pour le constituant de

sûretés. Ses expériences riches sont sans aucun doute des bonnes références

pour la Chine où le régime général des privilèges n’est pas encore

systématiquement consacré par la loi.

Section II – Les privilèges en droit chinois

211. À la différence du droit français, aucun texte juridique chinois ne fixe

un régime de base, ni un principe général des privilèges.

Le terme « privilèges » n’apparaît que dans les deux lois spéciales qui

traitent des affaires s’agissant d’un élément étranger: la Loi sur le commerce

maritime et la Loi sur l’aviation civile. D’autres lois, par exemple la Loi sur la

faillite d’entreprise (LFE), la Loi sur la procédure civile (LPC), bien qu’elles

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Chapitre I – Les privilèges

122

traitent certaines créances privilégiées lors de la phase de faillite, n’emploient

pas le terme « privilège » et n’en fixent pas les règles générales. Au cours de la

rédaction de la LDR, il existait une vive controverse sur l’introduction du

régime des privilèges. Cependant, en raison du manquement de la théorie

générale, du problème du régime général des privilèges, le législateur ne traite

pas ce sujet dans la loi promulguée. Le régime général des privilèges n’existe

donc pas en droit chinois. Il n’existe que les « privilèges » épars et non

systématiques. Néanmoins, on peut les classer en deux sortes : les privilèges

nommés et les privilèges innommés.

§ I – Les privilèges nommés

212. Cette première sorte des privilèges ne désigne que les deux privilèges

spéciaux en droit chinois : le privilège sur le navire et celui sur l’aéronef civil.

Le premier est prévu dans la section III intitulée « Privilège sur le navire »

du chapitre II de la Loi de la RPC sur le commerce maritime (LCM). Selon son

article 22, il y a cinq catégories de créances bénéficiant du privilège. Tout peut,

sans besoin d’inscription, être payé avant les créances hypothécaires et du droit

de rétention, mais après les frais de justice, de conservation, de vente de navire

et de distribution du prix de la vente, et ceux dépensés pour les intérêts

communs des créanciers.

Le privilège sur l’aéronef, prévu dans la section III intitulée « Privilège sur

l’aéronef civil » du chapitre III de la Loi de la RPC sur l’aviation civile (LAC)

bénéficie à deux types de créanciers : les rémunérations dues pour sauvetage de

l’aéronef civil et les frais nécessaires de conservation et de maintien de celui-ci.

La créance doit être inscrite auprès du bureau compétent dans les trois mois de

l’accomplissement de mission. Il passe avant des créances hypothécaires et du

droit de rétention, mais après ceux dépensés pour les intérêts communs des

créanciers, les frais de vente et d’exécution du jugement.

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Chapitre I – Les privilèges

123

213. La reconnaissance de ces deux privilèges s’inspire respectivement de

la convention internationale des droits sur l’aéronef signée à Genève le 19 juin

1948 et la convention internationale de 1926. Il ne mérite donc pas d’étude

profonde dans le présent texte.

§ II – Les privilèges innomés

214. Les privilèges innommés sont les privilèges prévus dans la Loi sur la

faillite d’entreprise (LFE). Ils portent sur le patrimoine du débiteur et il n’existe

pas de privilège mobilier ou immobilier général en droit chinois. Ils peuvent se

classer en deux sortes : les privilèges instantanés qui peuvent toujours être

payés de préférence et qui existent pendant toute procédure de collectivité ; les

privilèges en liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation

judiciaire.

215. Les privilèges instantanés sont consacrés aux « frais de faillite et les

dettes pour les intérêts communs des créanciers » prévus par le chapitre V de la

LFE. Ces privilèges peuvent s’exercer à tout moment dès leur naissance à

condition qu’elles soient après l’ouverture de la procédure collective. Lorsque

l’actif du débiteur ne suffit pas pour acquitter les deux créances, le premier

prime le deuxième. Au sein des frais de faillite et des dettes, les créanciers se

paye au prorata.

216. Les privilèges en liquidation énumérés par l’article 113 de la LFE

sont ainsi : (1) les salaires dus, les frais de maladie, les allocations médicales et

les allocations pour les blessures et l’infirmité, les pensions, les frais dus à

l’assurance médicale de base et l’assurance de retraite de base ainsi que les

autres compensations fixées par la loi ou le décret ; (2) les frais dus aux

assurances sociales autres que ceux précités et les impôts dus.

217. De ce même article, les privilèges instantanés priment ceux en

liquidation. Et au regard de l’article 109, tous ces privilèges sont toujours

primés par les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien spécial

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Chapitre I – Les privilèges

124

du débiteur, tels que le gage, l’hypothèque, le droit de rétention et les privilèges

spéciaux. L’ordre de paiement des créances en cas de liquidation est donc ainsi

déterminé:

- les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien déterminé du

débiteur ;

- les frais de faillite et puis les frais pour les intérêts communs ;

- les salaires dus et ses accessoires ;

- les frais dus aux assurances sociales et les impôts dus ;

- les créances chirographaires.

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Chapitre II – Le droit de rétention

125

Chapitre II – Le droit de rétention

218. Le droit de rétention est une sûreté légale émanant de la disposition

directe de la loi. Il est le droit reconnu au détenteur d’une chose d’en refuser la

restitution à son débiteur tant que ce dernier n’a pas exécuté son obligation107.

219. En France, le droit de rétention est crée par le Code civil 1804 qui le

limitait dans certaines situations particulières. Il est récemment généralisé par

l’article 2286 du Code civil introduit par l’ordonnance du 23 mars 2006. Le

domaine de ce droit est aujourd’hui beaucoup plus élargi qu’auparavant.

Néanmoins, le droit positif français ne suffit pas à lever des nombreuses

incertitudes entourant la nature juridique de ce droit qui ne confère ni droit de

préférence ni droit de rétention au bénéficiaire.

En Chine, le Code civil de la RC avait instauré le régime du droit de

rétention à l’instar des codes civils suisse et japonais. Il le traitait comme une

véritable sûreté réelle indépendante. Puisqu’il permettait non seulement au

créancier détenteur d’une chose d’en refuser la restitution au débiteur lorsque

ce dernier n’exécute pas son obligation, mais aussi, à la différence de celui du

droit français, conférait un droit de préférence au créancier. Après l’avènement

de la RPC, le droit de rétention était admis par la pratique juridique et par la

doctrine, même si aucun texte juridique ne le disposait expressément. Depuis

les PGDC, il est officiellement admis par la loi et devient une sûreté légale

indépendante.

220. Nous envisagerons le profil du droit de rétention en droit français et

en droit chinois actuels, y compris les conditions d’existence et les effets.

Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention

107 A. AYNES, Le droit de rétention – unité et pluralité, Economica, 2005, préf. Ch. LARROUMET.

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Chapitre II – Le droit de rétention

126

221. Tant en droit chinois qu’en droit français, le droit de rétention

s’exerce au sein des rapports des obligations, surtout dans les rapports actuels, à

condition qu’il remplisse les conditions fixées par la loi qui s’agissent de la

créance, de l’assiette et de la connexité.

§ I – La créance garantie

222. En droit chinois, avant la réforme de 2007, seules les créances

résultant du contrat de dépôt, le contrat de transport, le contrat de façonnage

(fixés par la LS) et le contrat de mandat (fixé par la LC) pouvaient bénéficier

du droit de rétention. La LDR 2007 a éliminé les limites. Elle n’exige que la

créance contractuelle soit certaine, exigible et liquide. Ce sont les mêmes

exigences qui s’appliquent en droit français.

La certitude ne rencontre guère de difficulté. La liquidité n’est pas exigée

au moment où le créancier obtient le droit de rétention, mais au moment de

l’exercice du droit où, soit le juge peut même liquider la créance en droit

français, soit la créance est liquidée par le juge ou par le consentement des

parties. Quant à l’exigibilité, elle est une condition nécessaire de la constitution

du droit de rétention. En principe, le créancier ne peut pas bénéficier de ce droit

avant que sa créance soit exigible. Néanmoins, ce principe subit une exception

en cas de l’insolvabilité du débiteur, si le créancier peut prouver que son

débiteur est insolvable, l’exigibilité de la créance n’est plus imposée. Elle est

prévue dans l’article 112 des Explications sur certaines questions de

l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) qui s’inspire du droit

suisse108, et dans l’article1612 et suivants du code civil français.

§ II – L’assiette du droit de rétention

108 L’article 897 du Code civil suisse dispose que « lorsque le débiteur est insolvable, le créancier peut exercer son droit de rétention même pour la garantie d’une créance non exigible …».

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Chapitre II – Le droit de rétention

127

223. En droit français, le bien corporel, notamment le bien mobilier

corporel constitue le support naturel du droit de rétention. L’immeuble peut

aussi l’être. Cependant, le bien incorporel peut-il l’être? L’article 2363 du Code

civil dispose que « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement

paiement de la créance donnée en nantissement tant en capitale qu’en intérêt ».

Il confère donc au créancier un droit de rétention puisqu’en notifiant au

débiteur, il a le pouvoir de bloquer le paiement de la créance à son seul profit.

Donc, l’esprit de la réforme 2006 est de confirmer que le bien incorporel peut

être l’objet du droit de rétention.

La chose objet du droit de rétention ne doit pas être nécessairement dans le

commerce, ainsi la carte grise, le passeport etc., des choses hors de commerce

peuvent aussi l’être. La seule limite est constituée par l’ordre public109, par

exemple, la prothèse, le corps du défunt, les drogues ou les marchandises

contrefaites ne peuvent pas être l’objet du droit de rétention110.

224. Le droit chinois nous montre cependant un autre paysage. Avant la

LDR, bien qu’aucune loi n’ait limité l’étendu du bien retenu, le bien objet du

droit de rétention était nécessairement un meuble. L’article 230 de la LDR

énonce expressément que le droit de rétention ne peut porter que sur des

meubles corporels. Étant donné que le droit chinois confère au créancier un

droit de préférence et un droit de réaliser son droit de rétention par les mêmes

moyens que de la réalisation du gage ou de l’hypothèque, les choses hors du

commerce, tels que le passeport, les dossiers comptables ou des objets illégaux

ne peuvent pas être l’assiette du droit de rétention. De plus, les meubles

légalement ou conventionnellement exclus du droit de rétention ne peuvent pas

être l’objet de ce droit (art. 232, LDR).

109 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 483.

110 Cass. 1re civ., 9 oct. 1985, Bull. civ. I, no 251; Seine, 20 nov. 1923, S., 23. II 44 ; D., 2000, som. p. 388, obs. S. PIEDELIEVRE.

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Chapitre II – Le droit de rétention

128

225. Quid si le créancier perd la détention de la chose? Il faut distinguer la

perte volontaire ou involontaire. Dans la première hypothèse, si la perte est

volontaire, par exemple le créancier restitue volontairement le bien au débiteur,

il perd alors le pouvoir de bloquer le bien, ainsi que son droit de rétention sur

ce bien, même s’il retrouve sa détention de ce bien. Par exemple, le garagiste

qui sans être payé de ses réparations restitue le véhicule à son débiteur, quelque

mois plus tard, ce dernier le confie à nouveau pour une autre réparation. Dans

ce cas-là, le garagiste peut-il exercer son droit de rétention pour sa première

créance? Les réponses données par le les deux systèmes juridiques sont

négatives, sauf certaines exceptions. L’exception en droit français est que si les

créances successives résultent d’un contrat unique – un contrat global111, le

créancier peut aussi exercer son droit de rétention dans l’hypothèse. Celle en

droit chinois est que le créancier bénéficiaire du droit de rétention énonce

expressément la conservation de ce droit112. Dans la deuxième hypothèse, le

droit de rétention subsiste. Par exemple, en cas de décision judiciaire ou de

saisie, grâce au principe de la subrogation réelle, le droit de rétention se

transporte sur le prix du bien113. L’article 2286, alinéa 2 du Code civil français,

inséré de l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré cette solution

jurisprudentielle. En droit chinois, la loi est silencieuse sur ce point. En

doctrine, certains auteurs s’alignent à la position du droit français, certains

autres qui se réfèrent au Code civil taïwanais prétendent que le droit de

rétention n’existe plus114. Il faut dire que la première opinion est plus logique et

111 Cass. Com., 29, janvier 1974, D., 74.245 ; n.p.B.Rap., affirmant que le commissaire de transport ne peut valablement exercer son droit sur des marchandises confiées après le jugement d’ouverture (de la procédure collective de son débiteur) pour obtenir le paiement des créances antérieures, Cass. Com., 13 nov. 2001, Bull. civ. IV, no179 ; JCP, Éd. G., 2002.I.120, no 7, obs. Ph. DELEBECQUE.

112 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 374.

113 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ,op. cit., p. 181.

114 DONG Xueli, Les causes spéciales d’extinction du droit de rétention, http://www. civillaw.com.cn/article/default.asp?id=15591.

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Chapitre II – Le droit de rétention

129

raisonnable : d’une part, le droit de rétention est une sûreté réelle indépendante,

il est logique que le principe de la subrogation réelle s’y applique de plein droit,

sauf s’il y a des dispositions spéciales ; d’autre part, si on adapte l’opinion

négative, cela pourrait conduire le débiteur à nuire aux intérêts du créancier par

des procédés déloyaux, par vol par exemple.

226. Il reste à savoir que ce droit peut-il porter sur un bien d’autrui? Le

droit français le confirme. Parce que le droit de rétention français n’est en effet

qu’un pourvoir de blocage et ne peut pas aboutir à en disposer. En droit chinois,

la réponse est négative, sauf que le créancier soit de bonne foi115.

227. En outre, le titulaire de la rétention exigé par les deux systèmes n’est

pas pareil. Alors que la détention peut être le fait même du créancier ou par un

tiers convenu pour le compte du créancier en droit chinois, elle ne peut être le

fait même du créancier en droit français.

§ III – La connexité entre la créance et le bien retenu

228. En droit français, pour que le droit de rétention soit valablement

existant, il faut qu’il existe le lien de connexité entre la créance et la détention

du bien ou le pouvoir de blocage du bien. La connexité, non la détention,

constitue en effet le véritable fondement de cette garantie116. Grâce au

développement progressif doctrinal et jurisprudentiel, la connexité peut être

juridique, matérielle, voire conventionnelle. Le no 2 de l’article 2286 du Code

civil consacre la connexité juridique en disposant que « … la créance impayée

résulte du contrat qui l’oblige (le rétenteur) à la livrer (la chose) », tel est le cas

qu’un commissaire aux comptes impayé peut retenir des documents comptables.

115 L’article 108 de l’ELS dispose que « lorsque le créancier se trouve également en possession de biens remis par le débiteur, dans la mesure où ce créancier ignore que le débiteur n’a pas le droit d’en disposer, il peut exercer son droit de rétention ». Cela s’inspire de l’article 895, alinéa 3 du Code civil suisse.

116 Augustin AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, Economica, 2005, préface de Christian LARROUMET.

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Chapitre II – Le droit de rétention

130

La connexité matérielle existe lorsque le droit de rétention est « reconnu à celui

dont la créance est née à l’occasion de la détention de la chose »117. L’exemple

par excellence est la créance de réparation impayée du garagiste qui retient le

véhicule. A la lecture du no1 de l’article 2286, un droit de rétention est reconnu

« à celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance », si le

débiteur ne lui l’avait remis en tant que gage. Il y existe la connexité

conventionnelle.

229. En Chine, auparavant, le droit de rétention se limitait dans les quatre

types de contrats, la connexité entre la créance et le bien détenu était simple.

Elle n’était pas explicitement exigée par la loi, mais était admise par la doctrine

et la jurisprudence. Ayant généralisé le droit de rétention et disposant dans son

article 231 que « le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent

se rattacher à un même rapport juridique …», le lien de connexité juridique et

seuls ce lien entre le bien détenu et la créance garantie est ainsi obligatoirement

et explicitement exigé par la loi. Mais le droit de rétention entres des

entreprises fait une exception (art. 231, LDR).

Section II – Les effets du droit de rétention

230. Le droit de rétention en droit français est purement négatif : c’est un

droit de blocage du bien pour obliger le débiteur à payer. Il est opposable à tous

créanciers, notamment aux créanciers saisissants. Il est indivisible si la chose

retenue est indivisible : le créancier peut détenir la entière chose tant que sa

créance n’est pas complètement payée. Il est accessoire à la créance garantie. Il

s’éteint et transmet avec la créance. La seule limite de droit de rétention est que

son titulaire ne peut pas l’exercer si le bien a déjà fait l’objet d’un gage sans

dépossession. Le courant doctrinal et la jurisprudence favorisent à une autre

117 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 486.

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Chapitre II – Le droit de rétention

131

limitation qui est concevable mais qui n’a pas été adapté par l’ordonnance de

2006 : celle de l’abus ou de l’exercice de mauvaise foi du droit de rétention118.

231. En cas de procédures collectives, en énonçant que « les dispositions

de présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas

d’ouverture d’une procédure de sauvegarde … », l’article 2387 du Code civil

consacre la subsidiarité du droit des sûretés au droit des procédures collectives.

L’effet de droit de rétention est ainsi réduit. Il n’est pas opposable aux

créanciers d’une procédure collective, sauf disposition spéciale119.

232. Néanmoins, le droit de rétention en droit chinois est une sûreté

indépendante expressément énumérée par la loi (art. 230 et s., LDR). Il est à la

foi un droit négatif et un droit positif. Il permet donc à son bénéficiaire de se

défendre et d’attaquer120. Il confère à son bénéficiaire un droit de refuser la

restitution du bien détenu pour obliger le débiteur à payer. Si le débiteur ne

paye pas la créance totale dans le délai de grâce fixé par le créancier ou par le

consentement des deux parties (afin d’équilibre les intérêts des deux parties, ce

délai de grâce est un étape obligatoire et en principe ne peut pas inférieur à

deux mois, à l'exclusion de la chose périssable, art. 236 de la LDR), le créancier

peut réaliser son droit de rétention par le moyen de procéder à la vente du bien

retenu (amiable ou par adjudication), sans avoir besoin d’un accord du débiteur,

ni d’une décision judiciaire, de s’approprier le bien (avec le consentement du

débiteur), ou de demander au juge de la vendre. Si le prix du bien retenu excède

le montant dû de la créance, le créancier doit verser la différence au débiteur ;

s’il n’est pas suffisant, il devient créancier chirographaire du débiteur. L’étendu

couvert par ce droit est tout à fait pareil comme les autres sûretés réelles,

118 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 487.

119 Pierre CROCQ, La réforme des procédures collectives et le droit des sûretés, D. 2006, 1306.

120 LI Shigang, op. cit., p. 138.

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Chapitre II – Le droit de rétention

132

autrement dit, la créance principale et ses intérêts, les dédits, les dommages et

intérêts, les frais de conservation du bien et de la réalisation du droit (art.83,

LS ; art.173, LDR).

233. Au surplus, il existe aussi en droit français quelques sûretés

judiciaires ou conservatoires mobilières : le nantissement judiciaire du fonds de

commerce et celui sur les actions, parts sociales et valeurs mobilières.

Considérant toutefois que la loi du 9 juillet 1991 les soumet, pour l’essentiel, au

même régime que celui de l’hypothèque judiciaire conservatoire (v. infra n°

474 et s.), et que ce genre de sûreté n’existe pas en droit chinois, nous ne les

approfondirons donc pas dans le présent texte.

234. Outre les sûretés non conventionnelles susmentionnées, les parties

dans les deux systèmes juridiques peuvent conventionnellement constituer de

plusieurs façons, sur des meubles du constituant, des sûretés mobilières.

Elles peuvent d’abord constituer un « gage » avec dépossession ou sans

dépossession qui transfère ou non la possession du meuble corporel grevé au

créancier.

Elles peuvent ensuite constituer un « nantissement » sur des meubles

incorporels en garantie de la créance.

Elles peuvent également convenir de transférer la propriété d’un bien en

garantie de la créance, tout en stipulant que le créancier doit restituer au

constituant le bien grevé après le paiement total de la créance garantie. C’est ce

que l’on l’appelle la « fiducie-sûreté ».

Elles peuvent enfin s’accorder à réserver la propriété du bien jusqu’au

paiement total de la créance garantie. C’est le régime de la « réserve de

propriété ».

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133

Titre I – Le gage de meubles corporels

235. La classification des sûretés françaises se fonde aujourd’hui sur

l’assiette des sûretés. À l’exclusion de la fiducie-sûreté et de la réserve de

propriété, toutes les sûretés conventionnelles portant sur des meubles corporels

sont principalement réunies sous le terme de « gage », qu’elles soient avec

dépossession ou non. Les règles applicables sont en majorité communes.

Cependant, cela ne signifie pas que la dépossession du bien grevé importe peu

pour le gage ; celle-ci influence tout de même le régime du gage121.

La situation est différente en droit chinois, qui retient le critère de

dépossession. Le législateur chinois emploie le terme de « gage » pour désigner

la sûreté mobilière avec dépossession et le terme d’« hypothèque mobilière »

pour la sûreté mobilière sans dépossession, qui correspondent respectivement

au gage avec dépossession et au gage sans dépossession en droit français. La

distinction entre le gage avec et sans dépossession demeure donc pertinente.

121 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 349.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

134

Chapitre I – Le gage avec dépossession

236. En droit français, le gage avec dépossession consacré par

l’ordonnance du 23 mars 2006 est l’héritier de l’ancien gage du Code civil.

Cependant, ses régimes de constitution, d’opposabilité et leurs effets ont été

modifiés.

En droit chinois, le gage impliquant nécessairement la dépossession existe

depuis la Loi sur les sûretés (LS) de 1995. La nouvelle Loi sur les droits réels

(LDR) de 2007 a repris le régime fondamental du gage instauré par la LS avec

certaines modifications et des ajouts importants.

237. En raison des spécificités des législations, il subsiste des différences

entre les régimes du gage dans les deux systèmes juridiques. Cependant,

compte tenu du rayonnement du Code civil français et de la transplantation en

droit chinois de dispositions juridiques étrangères122, leurs régimes ne sont pas

aussi éloignés qu’il y paraît. Nous procéderons ci-après à la comparaison, sur

des bases concrètes, de leurs constitutions et de leurs effets.

Section I – La constitution du gage de meubles corporels

§ I – Les conditions de fond

238. Les conditions de fond concernent les parties du gage, la créance

garantie et l’assiette du gage.

A. Les parties du gage

239. Les parties intéressées à une opération de gage sont le créancier

bénéficiaire et le constituant.

a. Le créancier bénéficiaire

122 En matière de droit des sûretés, la législation française influence profondément la législation japonaise, et la législation chinoise du droit des sûretés s’inspire beaucoup du droit japonais.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

135

240. D’après l’article 2333 du Code civil, le droit français ne pose aucune

restriction explicite quant au créancier gagiste. Toutefois, conformément à la

théorie générale du droit civil, le créancier bénéficiaire doit implicitement être

capable d’aliéner la chose, dans la mesure où la réalisation du gage peut

entraîner la transmission du bien au créancier ou à un tiers. À cet égard, la

situation en droit chinois est tout à fait identique.

b. La qualité du constituant du gage

241. Le nouvel article 2334 du Code civil français prévoit que le gage peut

être « consenti par le débiteur ou par un tiers ». Pour qu’un gage soit

valablement constitué, le constituant doit être capable de disposer de la chose

grevée. Si le gage a été constitué par un débiteur ou un tiers n’ayant pas la

capacité d’aliéner, le contrat est entaché de nullité relative et l’incapable peut,

après avoir fait prononcer la nullité, réclamer la restitution de la chose123. Sur

ce point, les articles 179 et 208 de la LDR chinoise posent la même exigence.

1) Un tiers en tant que constituant

242. Le gage peut être consenti par un tiers tant en France qu’en Chine.

Dans cette hypothèse, l’article 2334 du Code civil français précise que «... le

créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie ». Par cet article, la

réforme consacre la récente jurisprudence qui refuse de voir dans ce qu’on

appelait jusqu’alors un cautionnement réel un engagement personnel du tiers.

Le tiers n’est donc pas tenu de payer la dette. Il ne peut être poursuivi que sur le

bien affecté en garantie. Le créancier ne dispose que d’un simple droit

préférentiel sur le bien gagé. C’est donc un principe en cas de gage constitué

par un tiers.

En droit chinois, il n’existe aucun texte qui traite expressément cette

question. Dans la théorie et la jurisprudence, ce principe a cependant toujours

123 Marc MIGNOT, op. cit., p. 318.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

136

été appliqué124. En effet, l’on considère sinon que la situation serait très

défavorable pour le tiers et que de moins en moins de personnes consentiraient

à donner un gage pour autrui.

Cette règle s’applique à toute sûreté réelle conventionnelle (gage,

nantissement, gage immobilier et hypothèque) constituée par un tiers.

243. Toutefois, il existe un cas particulier dans cette hypothèse, celui où

un tel gage est consenti par un époux commun en biens. L’article 1422 du Code

civil a ajouté un alinéa 2 en ce sens, stipulant que les époux « ...ne peuvent non

plus l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un

tiers ». Dans ce cas-là, le concours du conjoint est requis. En effet, c’est une

règle de cogestion sanctionnée par la nullité125.

La législation chinoise n’a pas de disposition expresse sur ce point. Selon

les dispositions de l’article 17 de la Loi sur le mariage et de l’article 17

des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le

mariage de la RPC (I) 126, l’un des époux doit discuter avec l’autre sur la

disposition de leurs biens communs. Cependant, si le gage est valablement

constitué, l’un des époux ne peut s’opposer à un tiers de bonne foi se fiant aux

124 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 310.

125 Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND, Le gage de meubles corporels, Évolution des sûretés réelles: regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 34.

126 L’article 17 de la Loi sur le mariage dispose que « Les biens acquis au cours de mariages sont réputé acquêt de communauté : 1° salaires, primes ; 2° revenus de la production ou des exploitations ; 3° revenus de la propriété intellectuelle ; 4° biens acquis par héritage ou donation, sous réserve de l’article 18, alinéa 3 de la loi présente ; 5° d’autres biens qui doivent être considérés comme acquêt de communauté. Chacun des époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs.»

L’article 17 des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le mariage de la RPC dispose que « la disposition de l’article 17 de la Loi sur le mariage chacun des époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs doit être ainsi comprise : 1° chacun des époux a le même pouvoir de disposer des biens communs. L’un des époux a le droit de disposer seul des biens communs pour satisfaire les besoins quotidiens ; 2° hors des besoins quotidiens, si l’un des époux veut disposer des biens communs, il est nécessaire qu’il obtienne le consentement de l’autre. Si un tiers a lieu de croire qu’il y a une manifestation de la volonté commune des époux, l’un des époux ne peut pas invoquer son ignorance pour s’opposer au tiers. »

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

137

apparences que la disposition est de la volonté commune des époux et, c’est à

lui de prouver que le tiers n’est pas de bonne foi.

Les différences en matière d’exigences découlent des spécificités des

concepts sociaux attachés à la famille dans chaque pays. La société française

met l’accent sur la volonté individuelle des époux, alors que la société

traditionnelle chinoise penche pour l’affirmation selon laquelle la volonté d’un

des époux vaut la volonté commune des époux, sauf preuve contraire.

2) Propriété du constituant

244. En droit français, après la réforme de 2006, certains auteurs,

invoquant l’article 2335 du Code civil qui énonce que « le gage de la chose

d'autrui est nul. Il peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque le

créancier a ignoré que la chose fût à autrui », considèrent que le créancier

gagiste, avec dépossession ou non, n’est plus protégé par sa possession de

bonne foi127 mais peut engager la responsabilité du constituant s’il a ignoré que

ce dernier n’était pas propriétaire de la chose gagée, à condition qu’il justifie

d’un préjudice. D’autres, en revanche, se réfèrent à la jurisprudence française

avant la réforme de 2006, à savoir que tout créancier gagiste peut bénéficier de

la protection de sa bonne foi128. En effet, l’article 2335 vise à empêcher le

constituant de donner en gage un bien appartenant à autrui. De plus, le

gouvernement ne veut pas écarter l’application du nouvel article 2276. Il faut

en conclure que « la loi donne au gagiste découvrant que le constituant n’est

pas propriétaire du bien le droit de se débarrasser du gage contre indemnisation

sans attendre une éventuelle éviction par le verus dominus »129.

127 Marc MIGNOT, op. cit., p. 318.

128 M.FARGE considère que l’article 2279 continue à s’appliquer. Cf. Marc MIGNOT, op. cit., p. 318.

129 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 212.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

138

245. En droit chinois, la LDR de 2007 n’inclut aucune disposition sur ce

point. Cependant, les ELS adoptent une solution similaire à celle de la

jurisprudence française avant la réforme de 2006, laquelle appliquait l’ancien

article 2279 (nouvel art. 2276, C. civ.) au gagiste tenant la chose donnée en

gage d’un non-propriétaire. Si le gage est valablement constitué130, le gagiste

peut confondre l’action en revendication du véritable propriétaire en invoquant

la possession de son droit réel de gage. Pour ce faire, il faut que le gagiste soit

de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ait ignoré que le constituant n’était pas

propriétaire de la chose grevée. S’il ne pouvait l’ignorer ou s’il en était informé,

il n’est pas de bonne foi, et le gage est donc nul. Ainsi, le créancier de bonne foi

peut acquérir un gage sur un bien dont la propriété n’appartient pas au

constituant. Dans ce cas, c’est le constituant qui est responsable du préjudice

subi par le vrai propriétaire du bien gagé et qui lui doit réparation.

B. La créance garantie

246. Comme toute sûreté réelle, le gage est l’accessoire de la créance

qu’il garantit. Par conséquent, il ne peut exister que si la créance existe et est

valable. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit liquide, il peut s’agir d’une créance à

terme ou conditionnelle.

247. De surcroît, le droit français prévoit expressément la possibilité de

constituer un gage en garantie d’une créance future déterminable, voire

simplement une créance éventuelle. Il existe donc deux cas démontrant le

caractère accessoire de la sûreté : premièrement, le gage est l’accessoire de la

créance déjà existante ; deuxièmement, le gage sera l’accessoire de la créance

future. En droit chinois, la LS et les ELS ne disposaient pas expressément que

le gage peut être consenti pour garantir une créance future. Certains auteurs

130 CA Douai, 2e Ch., 17 juin 1999, Juris-Data no 1999-045431 ; JCP G 2000, I, 259, no 17, obs. Ph. DELEBECQUE (revendication du véritable propriétaire admise en raison de la dépossession irrégulière du débiteur).

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

139

chinois soutenaient toutefois qu’il suffisait que la créance soit valable au

moment de l’exercice du gage et de l’hypothèque, et qu’il était possible de

constituer un gage ou une hypothèque pour garantir la créance future131.

La LDR, en instaurant le régime du gage de montant maximal (art. 222,

LDR), permet aux parties de constituer un gage pour des créances futures. En

effet, l’alinéa 2 de l’article 222 de cette loi dispose que « le régime du gage de

montant maximal se réfère aux dispositions de la section II du chapitre XVI,

sans préjudice de l’application des dispositions de cette section (qui est

consacré au gage)». Autrement dit, s’agissant de la fixation, du transfert de la

créance garantie et de la modification du contrat constitutif du gage de montant

maximal, ce sont les règles relatives de l’hypothèque de montant maximal qui

sont applicables ; concernant la constitution, l’opposabilité, la conservation du

bien grevé, la réalisation etc., ce sont les règles propres du gage qui

s’appliquent.

C. L’assiette du gage

248. À partir de la réforme du 23 mars 2006, les règles françaises

relatives à l’assiette du gage ont été assouplies. Toutes les choses peuvent être

données en gage, pourvu qu’elles soient des meubles corporels et qu’elles

soient aliénables. En droit chinois, en principe, tout meuble aliénable peut aussi

constituer l’assiette du gage.

131 Selon eux, il suffirait que la créance garantie existe et que sa somme soit déterminée lors de la mise en œuvre du gage ou de l’hypothèque, peu importe que la créance principale existe ou non au moment de la constitution du gage ou de l’hypothèque. Le gage ou l’hypothèque peut parfaitement garantir une créance conditionnelle ou à terme dont seul le fait générateur a été créé, étant entendu qu’il faudra attendre sa liquidation avant de pouvoir mettre en œuvre la sûreté. WANG Liming, GUO Mingrui, YANG Lixin, Étude sur la théorie et la juridiction chinoise du droit civil chinois : droit réel, Éd. du droit, 2003, p. 240 ; CHEN Xiangjian, Étude sur les droits réels de sûretés, Éd. du parquet, 2004, p. 53. ZOU Hailin, CHANG Min, Les méthodes de la garantie des créances et leur application, Éd. du droit, 1998, p. 130.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

140

La chose donnée en gage doit être aliénable. C’est une règle commune aux

deux systèmes juridiques. Si elle est indisponible, elle ne peut faire l’objet d’un

gage, puisque la réalisation de ce dernier peut entraîner la transmission du bien.

L’inaliénabilité est soit légale soit conventionnelle. Dans le premier cas, la

constitution en gage n’est pas autorisée. Par exemple, les drogues sont

légalement interdites d’aliénation dans le monde entier, et ne peuvent donc être

l’assiette du gage. Dans le second cas, la chose ne peut pas non plus être

l’assiette du gage ; par exemple un bien rendu inaliénable par un testament ou

une donation.

249. Le gage peut porter sur un bien mobilier ou un ensemble de biens

mobiliers corporels en droit français. Dans le dernier cas, il suffit qu’un meuble

appartienne à un ensemble. Cette règle ne comporte pas d’exception. Un

meuble gagé, devenu immeuble par destination, est soustrait de l’assiette du

gage132.

250. En droit chinois, le caractère réel du gage avec dépossession est

toujours un obstacle à la constitution de ce type de gage sur des choses futures,

faute d’une remise concevable entre les mains du créancier. De plus, la

législation interdit le gage des matériels pédagogiques, médicaux et autres

biens destinés au bien-être de la population, appartenant aux institutions ou

organismes ayant pour mission l’intérêt général.

251. Enfin, des objets fongibles peuvent être l’assiette du gage. Ce dernier

peut porter indifféremment sur un corps certain ou sur des choses fongibles. Il

ne soulève aucune difficulté lorsqu’il s’agit d’un corps certain déterminé ou

déterminable. En revanche, un problème de détermination ou

d’individualisation se pose lorsqu’il porte sur des choses fongibles. C’est la

raison pour laquelle la loi exige que le créancier les tienne séparées des choses

132 Marc MIGNOT, op. cit., p. 319.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

141

de même nature qui lui appartiennent (art. 2341, C. civ.). En Chine, la LS et la

LDR ne disent rien sur ce point. Selon la doctrine dominante, les choses

fongibles ne peuvent en principe être l’objet d’un gage, sauf si elles peuvent

être déterminées ou individualisées. Cependant, en raison de l’absence de

dispositions détaillées relatives à la détermination ou à l’individualisation, le

gage portant sur des choses fongibles n’est pas faisable en pratique. Cette

situation doit être précisée et améliorée à l’avenir.

§II – Les conditions de forme

252. Pour être valablement constitué, un gage doit aussi remplir quelques

conditions formelles.

A. Les exigences formelles en droit français

253. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le contrat de gage en France

n’est plus un contrat réel, la seule solennité de la rédaction d’un écrit suffit pour

que le contrat et le gage lui-même soient parfaits. La dépossession n’est qu’une

condition d’opposabilité pour le gage avec dépossession.

a. La rédaction d’un écrit

254. Selon l’article 2336 du Code civil, « le gage est parfait par

l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la

quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Le

terme « parfait » vise en effet la validité du gage plutôt que l’existence propre

du contrat.

Avant l’ordonnance du 23 mars 2006, l’établissement d’un écrit était

également exigé (anc. art. 2074 et 2075, C. civ.), mais uniquement pour la

preuve du gage entre les parties et pour l’opposabilité du gage aux tiers. Ce rôle

de l’écrit a été modifié par l’ordonnance. Selon le nouvel article 2336 du Code

civil, le gage doit être constaté par écrit, à peine de nullité du contrat. Le gage

est dorénavant un contrat solennel, du moins en principe. Cette exigence de

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

142

l’écrit comporte toutefois une exception : elle n’est pas requise pour un gage

commercial constitué par un commerçant ou un non-commerçant.

255. L’acte écrit doit contenir les mentions relatives respectivement à la

créance garantie et à la chose grevée. Quant à la créance garantie, il faut que

l’acte contienne « la désignation de la dette garantie », autrement dit les

mentions qui permettent d’identifier la créance, comme sa cause et ses

caractères principaux. Quant à la chose grevée, l’acte doit mentionner « la

quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces

mentions visent à d’empêcher « les fraudes que pourrait réaliser un créancier

qui se prétendrait gagiste, à l’encontre d’autres créanciers, sur des biens qui ne

lui appartiennent pas et qui se trouvent entre ses mains pour une autre cause ou

à l’occasion d’une créance qui n’est pas celle qui a justifié la remise».133 Si la

désignation de la créance et de la chose n’est pas assez précise, le gage ne sera

pas valable.

b. La dépossession du bien grevé

256. Dans l’ancien système, le gage était un contrat réel, la dépossession

était donc obligatoire. Depuis 2006, il a perdu son caractère réel et la

dépossession n’est plus une condition de sa validité. Le gage est valablement

constitué lorsque l’acte écrit de la constitution est établi. La dépossession

devient une modalité de la publicité du gage et elle est facultative (art. 2333 et

2337, C. civ.). Lorsque l’acte écrit prévoit que le gage est constitué avec

dépossession, il se pourrait que le créancier pût contraindre par voie judiciaire

le constituant récalcitrant à remettre la chose134. Pour ce type de gage, la

publicité résulte de la dépossession elle-même.

133 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Sûretés – publicité foncière, Dalloz, 2007, p. 69.

134 Ibid., p. 69.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

143

257. La dépossession peut se faire au créancier gagiste lui-même ou à un

tiers convenu entre les parties, sous la forme de la remise effective

traditionnelle de la chose elle-même, ou de la remise des clefs d’un local dans

lequel se trouvent les biens grevés et de celle de documents juridiques, tels que

les lettres de voiture et les connaissements représentant des marchandises. Quel

que soit le mode choisi, la remise doit être au moins apparente de manière à

avertir les tiers du dessaisissement des objets grevés du patrimoine du

constituant. Les exigences relatives à l’effectivité pour le créancier gagiste

d’exclure les autres créanciers du constituant et la permanence, qui figuraient

dans le système avant l’ordonnance, ont été abandonnées. La dépossession est

aujourd’hui une simple condition d’opposabilité aux tiers pour le gage avec

dépossession.

B. Les exigences formelles en droit chinois

258. En droit chinois, la validité du gage avec dépossession est aussi

soumise à deux exigences formelles. Le contrat de gage doit se conformer au

droit commun des contrats et être conclu sous forme écrite. En outre, sa validité

et son opposabilité supposent aussi la dépossession du bien grevé.

a. La rédaction d’un écrit

259. Tout contrat de gage, qu’il soit avec ou sans dépossession, doit être

passé sous forme écrite. Cette exigence est commune à la LS et à la récente

LDR. L’acte écrit doit comporter aussi les mentions nécessaires, notamment

« la désignation de la dette garantie », par exemple le genre et la cause de la

créance, etc. Il doit aussi mentionner « la dénomination et la quantité des biens

donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces deux clauses sont

nécessaires et obligatoires pour le contrat de gage. Si elles ne sont pas prévues

dans le contrat, le gage n’est pas valablement constitué. Les raisons qui

motivent ces exigences sont à peu près comparables à celles susmentionnées en

droit français (v. supra n° 255). Néanmoins, l’exigence de l’acte écrit a été

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

144

assouplie : le gage constitué sous une forme non écrite est valable à condition

qu’une partie ait exercé son obligation principale et que l’autre partie l’ait

accepté.

260. À la différence du droit français, sous l’empire duquel le contrat écrit

est la seule solennité de la validité d’un gage, qu’il soit avec dépossession ou

non, et sous l’influence du droit allemand qui fait la distinction entre la validité

de l’acte personnel et la validité de l’acte réel, le droit chinois distingue la

validité du contrat de gage de la validité du gage lui-même. Le contrat écrit

suffit à garantir la validité du contrat de gage. Toutefois, la validité du gage est

plus complexe que celle de son contrat constitutif.

b. La dépossession du bien grevé

261. En droit chinois, le contrat constitutif du gage avec dépossession

était un contrat réel avant la LDR. La dépossession était donc requise pour sa

validité (art. 64, LS). Les juristes chinois critiquaient beaucoup cette règle,

estimant qu’elle confondait la validité de gage avec la validité du contrat de

gage et qu’elle était défavorable au créancier gagiste : si le constituant refusait

de remettre la chose grevée, aucun contrat valable n’existant entre les parties, le

créancier gagiste ne pouvait ni exiger cette remise, ni demander la

compensation de ses dommages-intérêts. C’est pourquoi les ELS disposaient

que le constituant du gage n’ayant pas réalisé la remise du bien grevé dans le

délai prévu au contrat et ayant causé des dommages au créancier, devait

assumer sa responsabilité corrélative. Cette responsabilité relevait de la culpa

in contrahendo. Le créancier pouvait demander le versement des

dommages-intérêts et la somme de la créance impayée qui aurait dû être

garantie par le bien grevé. Il n’avait en revanche aucun droit de préférence car

il n’existait aucun contrat de gage valable.

262. La loi LDR, qui fait perdre au contrat de gage son caractère réel par

essence, a finalement fait évoluer les choses. La forme écrite est la seule

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

145

solennité pour la perfection du contrat de gage. Mais la situation n’est pas

simplifiée pour autant. Son article 212 dispose de plus que le droit de gage

n’entre en vigueur qu’au moment où le constituant du gage remet la chose

grevée. En d’autres termes, une fois remplie l’exigence de la forme écrite, le

contrat de gage s’applique. Le créancier peut exiger la remise de la chose

grevée. Si le constituant ne la lui remet pas, il doit assumer la responsabilité du

dédit. En résumé, la dépossession de la chose grevée est une condition de la

validité du droit de gage, mais non du contrat de gage. Pour ce type de gage, la

publicité résulte sans aucun doute de la dépossession elle-même.

Constatation

263. Au sujet de la constitution du gage, les législateurs français et

chinois poursuivent des finalités différentes. Le premier vise à faire tomber la

cloison qui sépare le gage avec dépossession et celui sans dépossession. La

forme écrite suffit à garantir la validité tant du contrat de gage que du gage

lui-même. La publicité (dépossession ou inscription) n’est qu’une condition

d’opposabilité du gage.

264. Le législateur chinois, en revanche, cherche à installer une cloison de

séparation entre ces deux types de gage. Le système chinois des sûretés réelles

se fonde, en effet, sur la dépossession du bien grevé. Le gage sans dépossession

est considéré comme une hypothèque mobilière. Il est à noter que, depuis la

promulgation de la LDR, une distinction a été établie entre la validité du contrat

du gage et celle du gage lui-même. La validité d’un contrat de gage avec

dépossession implique qu’il soit conclu sous forme écrite. Quant au gage

lui-même, en dehors de l’exigence d’un contrat valable, sa validité exige aussi

la remise de la chose grevée, c’est-à-dire que la dépossession constitue à la fois

une condition de validité et une condition d’opposabilité aux tiers.

Section II – Les effets du gage de meubles corporels

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

146

265. Il convient de procéder par paliers pour étudier les obligations et les

droits des parties résultant du gage. Selon que l'on se situe avant ou à

l’échéance de la créance garantie, les effets du gage sont bien différents.

§ I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie

266. Nous envisagerons respectivement les obligations et les droits des

parties du gage en droit français et en droit chinois.

A. Les obligations des parties

267. Avant l’échéance de la créance garantie, les obligations principales

des parties consistent à conserver le bien remis en gage et à s’abstenir d’en user

ou d’en disposer.

a. L’obligation de conserver le bien grevé

268. Lorsque le gage est avec dépossession, il confère au créancier

gagiste la possession de la chose, avec obligation pour ce dernier de la

conserver. Selon la doctrine dominante, le créancier est tenu à une obligation de

moyen, c'est-à-dire à conserver la chose avec tout le soin d’un bon père de

famille. Par conséquent, si la chose remise périt ou est détériorée par un fait

imputable au créancier gagiste, celui-ci doit réparer le préjudice causé et peut

être condamné à des dommages-intérêts et à la restitution anticipée du bien

grevé. Les dispositions sont les mêmes en droit français et en droit chinois (art.

2344, al. 1er, C. civ. ; art. 215, LDR). La différence tient au fait que le créancier

ne satisfaisant pas à cette obligation est passible d’une sanction pénale en droit

français, mais aucunement en droit chinois.

269. À l’inverse, cette obligation du créancier confère des droits au

constituant.

En droit français, le constituant peut réclamer la restitution anticipée du

bien gagé, sans préjudice des dommages-intérêts, si le créancier ne satisfait pas

à son obligation de conservation du gage (art. 2344, al. 1er, C. civ.).

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

147

En droit chinois, la disposition est plus précise. Si le comportement du

créancier est susceptible de causer la perte ou la détérioration de la chose

grevée, le constituant a le droit de demander soit la consignation du bien, soit le

paiement anticipé et la restitution anticipée du bien (art. 215, LDR). Quiconque

peut être choisi comme tiers chargé de la consignation, mais en principe il

s’agit de l’établissement notarial.

Nous pouvons nous demander si, en droit français, le constituant peut

réclamer la consignation du bien ou le paiement anticipé. Compte tenu de la

finalité législative des sûretés réelles, qui vise à garantir le paiement de la

créance, nous penchons pour l’affirmative.

270. Au surplus, si le gage porte sur un bien fongible, le droit français

dispose que le créancier doit le tenir séparé des choses de même nature qui lui

appartiennent, à défaut, le constituant peut se prévaloir de la restitution du bien

gagé, poursuivre également le créancier pour sa responsabilité contractuelle

dans les termes du droit commun (art. 2344, al. 1er, C. civ.). Cependant, les

parties peuvent convenir de dispenser le créancier de cette obligation, à charge

pour lui de restituer au constituant une chose de même qualité et même quantité.

La loi chinoise n’a rien prévu sur ce point. Cette lacune n’est pas favorable à la

conservation de la valeur du bien grevé et à la protection des intérêts du

constituant.

271. Si le bien grevé est confié à un tiers convenu, celui-ci est considéré

comme un dépositaire qui s’occupe de la conservation du bien. Cette obligation

est aussi une obligation de moyen pour lui.

b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du

bien grevé

272. Dans le gage avec dépossession, le créancier est normalement

détenteur du bien grevé, mais il n’est investi ni de l’usus et ni de l’abusus, sauf

clause contraire.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

148

Avec la disposition relative à l’usus, la loi entend écarter le risque lié à

l’usure ou à la détérioration de la chose. L’obligation de ne pas user de la chose

est civilement sanctionnée par la responsabilité contractuelle du créancier. Cette

sanction s’applique tant en droit français qu’en droit chinois (art. 2344, C. civ. ;

art. 214, LDR). En outre, le créancier utilisant la chose sans autorisation du

constituant se rend coupable d’un abus de confiance au sens de l’article 314-1

du Code pénal, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros

d’amende en droit français. Cependant, aucune sanction pénale ne s’applique

pas en droit positif chinois. Les dispositions françaises apparaissent ainsi plus

rigoureuses.

Le créancier gagiste est aussi tenu de ne pas disposer de la chose grevée,

parce qu’il doit la restituer au constituant lorsque sa créance est complètement

payée à l’échéance. Cette règle est commune aux deux systèmes juridiques135.

273. Il nous reste ici deux questions à approfondir.

Premièrement, le créancier gagiste peut-il affecter le bien grevé en

garantie de sa propre dette ou d’une dette d’un tiers envers une autre personne ?

Le droit français est silencieux sur ce point. Cependant, selon une jurisprudence

de la Cour de cassation136, il apparaît que le créancier gagiste ne peut pas

mettre la chose grevée au service d’un tiers. En revanche, en droit chinois,

l’article 217 de la LDR dispose que si le créancier gagiste affecte, sans le

consentement du constituant, le bien grevé en garantie d’une dette à l'égard

d’un tiers, qu’elle soit sa propre dette ou celle d’autrui, il doit verser au

constituant des dommages-intérêts en cas de détérioration ou de perte de la

chose grevée. Autrement dit, si le constituant donne son accord, le créancier

gagiste peut mettre la chose grevée au service d’un tiers ; sans le consentement

135 Cf. M. CABRILAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, P. PETAL, op. cit., p. 510 ; article 214 de la LDR de la RPC.

136 Cass. com., 26 mai 1961, Bull. civ., III, no 237, RTD com. 1962, 292, obs. HÉMARD.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

149

du constituant, le créancier peut tout de même le faire, en assumant la

responsabilité des dommages-intérêts si la chose grevée est détériorée ou

perdue.

Deuxièmement, si le gage porte sur des choses fongibles, le créancier

gagiste peut-il en disposer ? En France, la convention du gage peut dispenser le

créancier de l’obligation de conserver les choses fongibles séparées de ses

propres biens de même nature. Il acquiert alors la propriété des choses gagées à

charge de restituer la même quantité de choses équivalentes (art. 2341, al. 2,

C. civ.). Cela signifie que le créancier gagiste peut en disposer dans ce cas-là.

En droit chinois, en revanche, l’utilisation d’une chose fongible comme assiette

de gage étant très rare (v. supra n° 251), ce problème ne se pose guère pour

l’instant. Il sera néanmoins possible que la situation évoluera dans le futur, et il

sera donc nécessaire de clarifier ce point. La législation et la pratique françaises

sont ici une source d’inspiration pour les juristes chinois.

B. Les droits des parties

a. Le droit de percevoir les fruits

274. Si le gage est avec dépossession, comme le bien grevé est remis

entre les mains du créancier, ce dernier est le seul à percevoir les fruits du bien.

Selon l’article 2345 du Code civil, sauf convention contraire, le créancier

gagiste perçoit les fruits du bien grevé et les impute sur les intérêts ou, à défaut,

sur le capital de la dette.

En droit chinois, le créancier gagiste a le même droit de perception qu’en

droit français. Toutefois, la loi stipule que, sauf convention contraire, les fruits

doivent être imputés sur les frais de leur perception. Reste à savoir si les fruits

peuvent être imputés sur les intérêts et sur le capital de la dette. La loi

n’éclaircit pas ce point, mais la Cour suprême chinoise va toujours dans ce sens.

En définitive, les fruits du bien gagé sont imputés, successivement, sur les frais

de leur perception, sur les intérêts et sur le capital de la dette.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

150

b. Le droit de demander un complément du gage

275. Selon l’article 216 de la LDR, s’il y a une détérioration ou une

diminution évidente de la valeur du bien gagé pour des causes non imputables

au créancier gagiste, et si cela porte atteint au droit du créancier, ce dernier peut

demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante. L’application

de cette disposition, qui est le droit de demander le complément du gage,

implique de remplir deux conditions. Premièrement, la détérioration ou la

diminution de la valeur du bien gagé ne doit pas avoir de causes, naturelles ou

non, imputables au créancier gagiste. Deuxièmement, la diminution de la valeur

du bien gagé doit être évidente. En effet, en raison notamment de la fluctuation

du marché, il est possible que le bien perde de sa valeur. Cette diminution

normale doit être prévue par le créancier gagiste. Ce dernier peut uniquement

demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante, autrement dit

un complément du gage, égale à la valeur détériorée ou diminuée de manière

évidente. Si le constituant ne le fait pas, le créancier peut vendre le bien grevé à

l’amiable ou en justice, puis se faire payer en avance sur le prix de vente ou le

consigner par voie de convention avec le constituant. Cette disposition vise à

renforcer le droit du créancier gagiste et à encourager les établissements

financiers ou d’autres fournisseurs de capitaux à développer le crédit. En

disposant que « … le créancier peut …solliciter un complément de gage si le

constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage », l’article

2344, alinéa 2 du Code civil français confère aussi au créancier gagiste le droit

de demander un complément du gage ; mais ce droit ne bénéficie qu’au

créancier bénéficiaire du gage sans dépossession.

§ II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie

276. Considérant que le gage est l’accessoire de la créance garantie, le

créancier doit restituer au constituant la chose grevée à l’échéance de la créance

garantie, si cette dernière a été entièrement désintéressée, puisque son gage n’a

plus de raison d’être. Quant à l’objet de la restitution, le droit français l’a

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

151

expressément prévu : il s’agit normalement du meuble même qui a été affecté

en gage ; si la chose grevée est fongible et si la convention du gage a dispensé

le créancier de la séparer de ses biens propres de même nature, ce dernier est

seulement tenu de restituer une chose de même qualité et même quantité137. Le

droit chinois, en revanche, n’a rien précisé sur ce point.

277. À l’inverse, si la créance à échéance n’a pas été désintéressée, le

créancier gagiste dispose de plusieurs droits pour protéger ses intérêts.

A. Le droit de rétention

278. Lorsque le gage est avec dépossession, le créancier dispose d’un

droit de rétention sur la chose. Si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette

exigible, le créancier gagiste peut exercer le droit de rétention pour l’obliger à

effectuer le paiement.

279. En droit français, cette prérogative est peu discutable aujourd’hui

puisque l’ordonnance du 23 mars 2006 consacre directement le droit de

rétention en matière de sûretés réelles. L’article 2286 du Code civil dispose que

« peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été

remise jusqu'au paiement de sa créance ». Le créancier bénéficiaire du gage

avec dépossession est donc directement concerné. La reconnaissance du droit

de rétention lui assure une position très favorable en cas d’ouverture d’une

procédure collective puisque celle-ci ne l’affecte pas. Le droit de rétention est

indivisible : la chose gagée peut donc être entièrement retenue pourvu que la

totalité de la dette garantie ne soit pas payée ; il en va de même en cas de la

division de la dette du débiteur au moment de la succession. Le droit de

rétention est aussi opposable aux tiers. Le créancier gagiste peut interdire la

saisie de la chose gagée par un autre créancier, sauf si ce dernier occupe un

137 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 544.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

152

rang préférable. De plus, le créancier titulaire du droit de rétention ne peut en

être privé que par la perte volontaire de la dépossession de la chose.

280. En droit chinois, la LDR ne contient aucune disposition concernant

directement le droit de rétention du créancier gagiste. Cette lacune peut

s’expliquer par le fait que la validité du gage suppose, à la différence du droit

français, la détention matérielle du bien grevé. La perte de celle-ci rend le gage

inopposable aux tiers ; elle entraîne aussi l’extinction du gage. Par conséquent,

si le gage est exécutable au moment de la réalisation, il en découle

nécessairement que le créancier détient le bien grevé. Certes, l’article 95 des

ELS stipulait que le créancier pouvait exercer son droit de rétention sur le bien

grevé jusqu’au complet paiement de sa créance.

Cependant, selon la théorie générale, les explications judiciaires ne sont

pas les sources du droit. Elles supposent la validité de la loi qu’elles

interprètent. Selon le principe général appliqué en cas de conflit entre la LDR et

la LS, l’article 75 de la LS sur les effets du gage n’est plus valide ; l’article 95

des ELS qui l’interprète est ainsi devenu invalide. Il semble donc que le droit

de rétention du créancier gagiste n’est plus admis par la LDR.

De plus, le créancier gagiste se trouve déjà dans une position très

favorable même en cas de procédure collective (v. supra n° 217). Donc, il

bénéficie ou non du droit de rétention importe peu.

B. Le droit de mettre en œuvre le gage

281. Si la créance arrive à terme et le débiteur ne s’en acquitte pas en

totalité, le créancier peut exercer son droit de réaliser le gage par plusieurs

moyens. En droit français, il dispose d’un droit de préférence qui peut être

exercé soit par l’attribution du bien gagé au créancier, soit par la vente du bien

grevé. Ces deux moyens peuvent également être mis en œuvre en droit chinois.

a. L’attribution du bien gagé

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

153

282. En droit français, le créancier non payé à l’échéance peut demander

au tribunal que la chose lui soit attribuée en paiement (art. 2347, C. civ.). En

cas de gage avec dépossession, le créancier est dispensé de la saisie puisqu’il en

est déjà détenteur. Le juge a la possibilité de désigner un expert pour évaluer le

bien, mais peut aussi procéder lui-même à l’estimation s’il possède les éléments

d’appréciation suffisants. En outre, les parties peuvent convenir d’une

évaluation conventionnelle138. Si la valeur du bien grevé excède ses droits, le

créancier gagiste doit rendre la différence au constituant ou, s’il existe d’autres

gagistes, la consigner. Si la valeur est inférieure à la créance, le reste non

couvert devient une créance chirographaire.

Comme l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré le pacte commissoire,

l’attribution du bien grevé peut aujourd’hui être extrajudiciaire si ce pacte est

convenu entre les parties. Ce pacte est une convention accessoire au gage, par

laquelle les parties conviennent que le bien grevé sera attribué au créancier

gagiste de plein droit s’il n’est pas payé à l’échéance. Pour protéger les intérêts

du constituant et parvenir à un point d’équilibre dans l’estimation du bien grevé,

il est nécessaire de recourir à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement,

lorsque cette cotation ne peut être déterminée sur un marché organisé au sens

du Code monétaire et financier. Le recours à un expert est obligatoire, toute

clause contraire est réputée non écrite (art. 2348, C. civ.). Néanmoins, la

validité du pacte commissoire connaît certaines exceptions lorsque le débiteur

est fragile ou en difficulté. Par exemple, est nul le pacte commissoire conclu

après le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de

redressement judiciaire (art. L. 622-7 al. 1 et L. 631-14, C. com.) ou dans un

contrat de crédit à la consommation (art. L. 311-32, al. 3, C. consom.).

283. En droit chinois, le créancier peut aussi se faire attribuer le bien

grevé, mais uniquement par voie conventionnelle. Il convient alors avec le

138 Marc MIGNOT, op. cit., p. 331.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

154

constituant de s’approprier le bien grevé. C’est la « prise en paiement du bien

grevé » (art. 219, al. 1, LDR).

Concernant le pacte commissoire, celui conclu lors de la constitution d’un

gage était expressément interdit par la loi sur les sûretés (art. 66, LS). La

nouvelle LDR a repris et renforcé cette interdiction dans son article 211.

Aujourd’hui, non seulement le pacte commissoire conclu lors de la constitution

du gage, mais aussi celui conclu après sa constitution et avant l’échéance de la

créance garantie, sont prohibés par la loi. Cependant, cette interdiction

complète du pacte commissoire ne fait pas taire les vives controverses en

doctrine. En effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux projets présidés

respectivement par les professeurs WANG Liming et LIANG Huixing

proposaient d’interdire le pacte commissoire ; mais ils préconisaient toutefois

que seul le pacte commissoire conclu au moment de la constitution du contrat

de sûreté réelle soit interdit, et que celui conclu postérieurement soit valide.

Pour justifier l’interdiction du pacte commissoire, les raisons suivantes sont

principalement invoquées :

1o protéger le débiteur contre les pressions du créancier et éviter que le

créancier ne puisse obtenir la propriété du bien grevé dont la valeur excède

sensiblement le montant de sa créance139 ;

2o protéger le tiers constituant du gage contre l’inexécution de mauvaise

foi du débiteur et la fraude entre le débiteur et son créancier140;

3o protéger les autres créanciers d’un débiteur. Dans l’hypothèse où la

valeur du bien grevé excède sensiblement le montant de la créance garantie, en

permettant au créancier bénéficiaire de devenir le propriétaire du bien grevé, le

pacte commissoire nuirait aux intérêts des autres créanciers du débiteur ;

139 XIE Zaiquan, Des droits réels au droit civil, Éd. de l'Université de science politique et de droit de Chine, 1999, p. 675.

140 YANG Hong, op. cit., p. 46-47.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

155

4o éviter la fuite des biens publics. En Chine, les entreprises nationales

occupent une place importante dans la vie économique, il est donc fréquent que

des biens publics soient affectés en garantie. En admettant que le créancier

devienne le propriétaire d’un bien public grevé sans requérir l’estimation de la

valeur, le pacte commissoire permet aux dirigeants des entreprises nationales

d’éluder facilement la supervision des biens publics141.

En effet, le nœud de la question tient à l’idée si l’essence du pacte

commissoire est d’écarter d’avance la possibilité de réévaluation du prix du

bien grevé au moment de l’exercice de la sûreté. Si, comme en droit français,

on admet l’estimation de la valeur du bien grevé au moment de la réalisation du

pacte commissoire et la liquidation de la dette, la question se résout sans

problème. A fortiori, la prohibition du pacte commissoire déroge au principe

autonome de la volonté des parties.

De plus, le pacte commissoire n’aboutit pas nécessairement au transfert de

propriété du bien grevé. Il constitue une force qui contraint le débiteur à

exécuter son obligation. Si le débiteur s’est acquitté de sa dette, le pacte s’éteint

avec la sûreté. Si, à l’échéance de la dette, le débiteur ne s’en est acquitté à

cause de sa insolvabilité, auquel cas le créancier peut s’approprier le bien grevé

avec l’accord du débiteur (art. 219, al. 2, LDR), autrement dit, le pacte

commissoire conclu après l’échéance de la créance est valide ; si le débiteur ne

s’en est acquitté pas à cause de sa mauvaise foi, il n’y a alors aucune raison de

le protéger.

141 WANG Liming, Livre consacré aux droits réels du Projet proposé par des experts et arguments législatifs du code civil chinois, Éd. du droit, 2005, p. 358.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

156

C’est pourquoi de nombreux auteurs sont favorables à la consécration du

pacte commissoire142.

284. L’attribution du bien grevé n’est certes pas toujours favorable au

créancier. Elle présente certains inconvénients. Elle oblige le créancier gagiste à

devenir le propriétaire du bien grevé dont la revente n’est pas nécessairement

aisée ou fructueuse. Les banques, par exemple, ne veulent faire ce choix qu’en

désespoir de cause143. En effet, le créancier opte plutôt pour la vente du bien

grevé que pour l’attribution de la propriété.

b. La vente du bien grevé

285. En droit français, pour procéder à la vente du bien grevé, le créancier

garanti par un gage avec dépossession n’a pas à saisir ce bien puisqu’il est déjà

en sa possession. Toutefois, la vente doit impérativement être ordonnée en

justice selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution

(art. 2346, C. civ.). Les formalités imposées par les voies d’exécution sont

d’ordre public. La vente du bien grevé est donc nécessairement forcée. La

clause de voie parée, dans laquelle les parties conviennent que le créancier

pourra vendre le bien engagé à l’amiable sans autorisation de justice, est

prohibée par la loi. La raison en est que cette clause est dangereuse pour le

débiteur et ses autres créanciers : si le créancier gagiste pouvait procéder à une

vente à l’amiable, il risquerait parfois de se contenter d’un prix inférieur à la

valeur réelle de la chose, pourvu que ce prix suffise à le désintéresser.

Par exception, les formalités sont simplifiées lorsque le gage est

commercial : le créancier peut faire procéder à la vente publique sans

142 YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le modernisme du droit civil, Éd. populaire du Jilin, 2002, p. 170, 175 ; ZHENG Yafang, Il faut consacrer le pacte commissoire dans la législation chinoise, in Administration et droit, 2003, VII ; JI Xiuping, Du déblocage du pacte commissoire, in Droit du Hebei, 2005, IV ; WANG Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, www. civillaw.com. cn/ article/ default.asp?id=23104.

143 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 220.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

157

autorisation préalable de la justice et la vente peut se faire par courtier

(art. L. 521-3, C. com.) ou par les prestataires de services d’investissement

lorsque l’objet du gage le requiert.

Lorsque la chose gagée a été vendue suivant les formes susmentionnées, le

créancier gagiste est payé sur le prix réalisé par privilège et préférence aux

autres créanciers (art. 2332, 2o, C. civ).

286. À la différence du droit français, le droit chinois prévoit que tout

créancier gagiste peut librement choisir de procéder à la vente conventionnelle

ou judiciaire du bien grevé (art. 219, LDR), dont les régimes sont similaires à

celui en vigueur pour l’hypothèque, à ceci près que le créancier n’a pas à faire

saisir le bien avant la vente (v. infra n° 578).

C. Le droit de préférence

a. L’étendue du droit de préférence

287. Le créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur le prix,

ainsi que sur les fruits naturels ou légaux de la chose (art. 2345, C. civ. ;

art. 213, LDR). Il peut aussi se prévaloir d’un droit contre l’assureur en cas de

destruction du bien objet du gage (art. L. 121-13, C. ass. ; art. 174, LDR). Ces

règles sont claires dans les deux systèmes juridiques. Cependant, peut-il exercer

son droit de préférence sur les indemnités versées en dédommagement en cas

de perte ou d’expropriation de la chose grevée ? En France, la jurisprudence

classique refuse d’appliquer la subrogation réelle et décide que les indemnités

de remplacement reçues par le constituant doivent être distribuées au marc le

franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf dispositions spéciales144. En

Chine, le principe de la subrogation réelle est généralement consacré par la loi,

qui s’applique indifféremment à toutes les sûretés réelles (art. 174, LDR). Le

144 Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos de primes d’arrachages.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

158

créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur toutes les valeurs de

remplacement dues par les tiers.

288. Nous nous demandons encore si l’étendue de la créance garantie

couverte par le droit de préférence du gage se limite au principal de la créance.

En droit français, le constituant doit rembourser les dépenses nécessaires

et utiles que le créancier gagiste a faites pour la conservation du bien gagé

(art. 2343, C. civ.). Ce remboursement porte sur toutes les dépenses nécessaires,

quand bien même l’objet aurait ensuite péri. Le créancier bénéficie du privilège

des frais de conservation d’un meuble pour se faire rembourser les sommes

engagées. Pour les dépenses utiles ou d’amélioration, le remboursement est

égal à la différence entre la valeur réelle et la valeur originale du bien gagé par

application des règles sur l’enrichissement sans cause145. Le créancier bénéficie

du droit de rétention pour ce type de dépenses. Quant aux dépenses superflues,

le créancier n’a pas le droit d’en réclamer le remboursement, sauf si elles ont

été faites avec le consentement du constituant. De même, les frais de réalisation

du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste.

En droit chinois, aux termes de l’article 173 de la LDR, le créancier, qui

doit exercer son obligation de conservation en bon père de famille146, dispose

aussi du droit de demander le remboursement des frais de conservation du bien

grevé engagés par lui. Ces frais bénéficient aussi du droit de préférence. Selon

cet article, les intérêts légalement convenus de la créance initiale, les dédits

légalement convenus, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de réalisation

du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste.

Notons que l’article 173 de la LDR, qui s’applique à toutes les sûretés

réelles, confère au créancier garanti le droit de préférence sur les dommages et

145 Marc MIGNOT, op. cit., p. 327.

146 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59.

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

159

intérêts forfaitaires et les dommages-intérêts qu’il a subis, une disposition qui

est vivement critiquée par la doctrine (v. infra n° 590). De plus, l’article 220 de

la LDR confère au constituant le droit de demander au créancier d’exercer

« promptement » son droit de gage à l’échéance de la dette garantie, puisque le

législateur estime que l’exercice tardif du droit de gage pourrait être

défavorable au constituant. En l’absence de réponse de la part du créancier, le

constituant a le droit de demander en justice la vente à l’amiable ou la vente

aux enchères publiques du bien grevé ; le créancier est alors aussi tenu de

réparer les dommages-intérêts causés par son retard.

b. Le classement du droit de préférence

289. Le droit de préférence permet au créancier d’être payé avant tous les

créanciers chirographaires du débiteur. Dans le cas où les autres créanciers sont

munis d’une sûreté réelle conventionnelle ou extra-conventionnelle, le

créancier gagiste entre en concours avec eux. Alors que les effets du droit de

préférence sont similaires en droit français et en droit chinois, les classements

des créanciers munis de différentes sûretés réelles n’obéissent en revanche pas

tout à fait aux mêmes règles.

290. En droit français, il arrive que le gage avec dépossession entre en

concurrence avec le gage sans dépossession. C’est l’ordre chronologique de la

publicité (de la dépossession et de l’inscription) qui détermine leur rang.

Autrement dit, si un bien donné en gage avec (sans) dépossession fait aussi

l’objet d’un gage sans (avec) dépossession, le droit de préférence du créancier

qui est antérieurement publié est opposable à celui qui est postérieurement

publié, nonobstant le droit de rétention.

Il est aussi possible que le gage avec dépossession viennent en

concurrence avec les privilèges résultant de la loi. Le législateur n’a pas

expressément prévu de règles pour résoudre ce conflit. Toutefois, étant donné

l’accent mis sur la transparence des privilèges, il est logique que ce soit l’ordre

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

160

de la publicité qui détermine le rang du droit de préférence du créancier gagiste

et des privilèges, sauf pour certains privilèges qui restent prioritaires, tels que

les privilèges des frais de justice, du Trésor public et des caisses de sécurité

sociale.

En principe, il ne peut y avoir conflit entre le gage avec dépossession et la

réserve de propriété, puisque le constituant du gage doit normalement être le

propriétaire du bien grevé. Cependant, étant donné que le créancier peut

invoquer sa bonne foi pour faire valoir son gage sur un bien grevé

n’appartenant pas au constituant (v. supra n° 244), ce conflit est possible. Dans

cette hypothèse, le droit de préférence du créancier gagiste de bonne foi est

ainsi opposable au vrai propriétaire du bien grevé.

291. En droit chinois, il arrive souvent que le gage avec dépossession

entre en concurrence avec l’hypothèque mobilière. La résolution de ce conflit

suit les mêmes règles qu’en droit français – l’ordre chronologique de la

publicité (de la dépossession et de l’inscription) détermine leur rang.

En cas de conflit entre le gage avec dépossession et les privilèges, leur

rang est expressément réglé par la loi : le gage avec dépossession prime

toujours les privilèges innomés ; les privilèges nommés (qui ne désignent que le

privilège sur le navire et le privilège sur l’aéronef) priment le gage avec

dépossession.

S’agissant du conflit entre le gage et la réserve de propriété, la situation et

la résolution en droit chinois sont tout à fait identiques à celles en droit français

(v. supra n° 290).

Il arrive aussi qu'il y ait conflit entre le gage et le droit de rétention, qui est

une sûreté indépendante en droit chinois. La LDR en fixe expressément la règle

de résolution : si un meuble affecté en gage ou en hypothèque est retenu, le

droit de rétention prime toujours le gage et l’hypothèque (art. 239, LDR).

D. Le droit de suite limité

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Chapitre I – Le gage avec dépossession

161

292. Le droit de suite permet au créancier d'exercer son droit sur un bien,

même entre les mains de celui qui a acquis le fonds du débiteur.

293. En droit français, il ne pose guère de problème pour le gage avec

dépossession, puisque la chose grevée est en possession du créancier gagiste et

que cette dépossession empêcherait le constituant de transférer la propriété et la

détention de la chose grevée à autrui. En cas de perte involontaire de la

détention du meuble grevé, le créancier gagiste peut reprendre le meuble par la

vindication pignoris ou la saisie-revendication, sauf si l’acquéreur est de bonne

foi.

294. En droit chinois, ce sujet n’est pas traité par la loi et les juristes le

mettent rarement au cœur de leurs discussions. Ils considèrent cependant, qu’en

cas de perte de la détention d’un meuble grevé, le gage subsiste si le créancier

gagiste peut reprendre le meuble par la vindication pignoris ou la

saisie-revendication ; sinon, le gage n’existe plus. Ce droit de reprendre le

meuble grevé n'est cependant pas considéré comme le droit de suite147,

puisqu’il est fondé sur la protection de « possession » figurant dans le titre V de

la LDR. Les juristes n’admettent donc pas le droit de suite du gage.

147 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 357.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

162

Chapitre II – Le gage sans dépossession

295. S’inspirant du régime du security interest américain, le législateur

français a consacré la sûreté portant sur des meubles corporels sans

dépossession, ce qui constitue l’une des innovations majeures de la réforme de

2006148. Alors qu’en droit chinois, ce type de sûreté existe depuis la LS de 1995.

Néanmoins, sa qualification et son régime dans les deux pays sont divergents et,

méritent donc des études approfondies.

Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit

chinois

§I – La qualification en droit français

296. En droit français, la qualification des sûretés mobilières sans

dépossession est un élément méritant d’être approfondie pour tenter de résoudre

les problèmes soulevés par « la réalité face aux carences et aux obscurités des

textes législatifs »149. Quelle est vraiment la nature de la sûreté portant sur les

véhicules, les matériels et outillages, ou encore sur les stocks? Doit-on les

qualifier des gages ou des hypothèques?

297. Un courant doctrinal considère qu’il est regrettable de recourir au

même terme --- «gage» --- pour désigner la sûreté sans dépossession portant sur

des meubles corporels qui est « fondamentalement différente » de celle

comportant la dépossession du créancier150. Considérant que sa publicité est

assurée par inscription sur un registre qui ne confère pas de droit de rétention à

148 Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361.

149 M. CABRILLAC, La protection du créancier dans les sûretés mobilières conventionnelles sans dépossession, Thèse Montpellier, 1953, no 31 ; C. LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelle sur meubles incorporels, Litec 2001.

150 Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

163

son bénéficiaire, ce courant doctrinal incline plutôt à traiter les sûretés

mobilières sans dépossession en hypothèques.

298. Un autre courant considère en revanche que la qualification de ces

sûretés dépend de l’analyse du gage et de l’hypothèque151. D’une part, si on

considère que la dépossession de la chose grevée est l’essence du gage, on ne

pourrait pas qualifier les sûretés en cause de gages. La dépossession de la chose

grevée qui protège le créancier bénéficiaire contre les éventuels détournements

du débiteur, il est logique de caractériser le gage par la dépossession et, de ne

pas admettre qu’une sureté portant sur des choses restées entre les mains du

constituant est un gage. Cette analyse classique est critiquée par plusieurs

auteurs. Selon eux, la dépossession est un élément naturel du gage, mais non

son élément essentiel. Elle n’est qu’une mesure de publicité pouvant être

remplacée par d’autres modalités de publicité, telle que l’inscription sur un

registre. Compte tenu aussi des inconvénients économiques de la dépossession

et grâce au perfectionnement des mesures de la publicité, il est séduisant

d’admettre l’existence de gages sans dépossession152 . D’autre part, la

qualification des sûretés sans dépossession portant sur des meubles corporels

suppose aussi que l’on admet l’existence d’hypothèque mobilière. Aux termes

des articles 2397 et 2398 du Code civil, on s’aperçoit que le législateur français

entretient le doute systématique sur ce point. Cependant, tout ce qui est réel

n’est pas nécessairement rationnel. Dans les économies modernes, les meubles

représentent des valeurs de plus en plus considérables et, peuvent être

individualisés par des mesures de publicité efficace. Rien ne semble donc

justifier l’interdiction maintenue par les dispositions précitées153. C’est au vu de

151 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 601.

152 Ibid., p. 602.

153 M. CABRILLAC, op. cit., no 32 ; comp. E. PUTMAN, Sur l’origine de la règle « … meubles n’ont pas de suite par hypothèque », RTD civ., 1994, 543.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

164

ces considérations que la plupart des auteurs admettent que le droit des sûretés

n’exclut nullement de son domaine les hypothèques mobilières154.

Or, il apparaît que ce courant de pensée n’est pas celui auquel s’est rangé

le législateur français, puisque jusqu’à présent la loi française ne reconnait

expressément que trois hypothèques mobilières spéciales dont l’assiette

s’apparente à l’immeuble155 – celle portant sur les bateaux maritimes, celle sur

les bateaux fluviaux et celle sur les avions civils. Cette position peut

s’expliquer par la cause apparente privilégiée par le législateur à savoir une

classification prenant pour critère la nature de l’assiette de garantie156. Mais

cette cause ne justifie pas la qualification des trois hypothèques mobilières

spéciales. Il faut donc chercher d’autres raisons plus convaincantes.

299. Un troisième courant de pensée propose un critère de distinction

fondé sur les prérogatives attribuées au créancier bénéficiaire157. Si on

considère que le gage confère toujours au créancier le droit de préférence, le

droit de suite et le droit de rétention, alors que l’hypothèque ne lui confère que

les deux premiers, il est possible de distinguer les gages sans dépossession des

hypothèques mobilières. Par conséquent, la sûreté mobilière sans dépossession

qui confère globalement au créancier bénéficiaire un droit équivalant à celui

conféré par le gage avec dépossession est un gage ; celle qui lui confère des

prérogatives appartenant au créancier hypothécaire est une hypothèque. Ce

critère peut expliquer pourquoi on qualifie les suretés portant sur les trois

meubles corporels spéciaux (les bateaux maritimes, les bateaux fluviales et les

avions civils) d’hypothèques mobilières et certains autres de gages. Néanmoins,

154 Charles BEUDANT, Cours de droit civil français, 2e éd., t. 13 par VOIRIN, no 329 ; M. CABRILLAC, op. cit., passim. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603.

155 Yves PICOD, op. cit., p. 348.

156 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 361.

157 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

165

ce critère n’est pas non plus la panacée d’une distinction non ambigüe, dès lors

que certaines sûretés mobilières sans dépossession n’attribuant pas des droits

équivalents à ceux conférés par le gage avec dépossession sont néanmoins

qualifiées de gage par le Code civil (v. infra n° 329 et s., le gage du matériel et

de l’outillage).

300. En résumé, force est de constater que le critère de la distinction entre

le gage et l’hypothèque est empreint d’une grande relativité. En résistant à la

généralisation de l’hypothèque mobilière, le législateur français qualifie des

sûretés mobilières sans dépossession du gage sans dépossession. En effet, de

nombreuses législations, telles que celles des pays de common law158, du

Québec, du Japon, de Taiwan ainsi que celle de la RPC, ont reconnu

l’hypothèque mobilière.

§II – La qualification en droit chinois

301. Comme nous l’avons exposé supra, le critère de la distinction

fondamental (summa divisio) des sûretés réelles en droit chinois est la

dépossession : celles nécessitant la dépossession du bien grevé sont des gages

et, celles ne réalisant pas la dépossession sont des hypothèques. Selon l’article

180 de la LDR qui dispose que « les biens suivants … sont susceptibles

d’hypothèques : …4o des machines de production, des matières premières, des

produits semi-finis et des produits finis ; 5o des véhicules… 7o les autres biens

non interdits par la loi et le décret…», les sûretés sans dépossession portant sur

des meubles sont des hypothèques mobilières.

158 Selon leurs législations, les créanciers peuvent, par le mortgage, obtenir du moins un droit de préférence et un droit de suite sur la chose. V. Commission des communautés européennes, Le droit des biens dans la communauté européenne, Bruxelles 1972, p. 217 ; V. aussi, A.M. MORGAN DE RIVERY-GUILLAUD, Le droit nord-américain des sûretés mobilières, LGDJ, 1990.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

166

302. Malgré les différentes qualifications exposées ci-dessus en droit

français et en droit chinois, la consécration des suretés sans dépossession

portant sur des meubles corporels est une tendance mondiale irréversible.

Section II – Différents régimes en droit français et en droit chinois

§ I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun

A. Le gage sans dépossession en droit français

303. Pour les auteurs de la réforme de 2006, le gage en droit français peut

désormais se constituer avec ou sans dépossession. Ainsi l’ordonnance de 2006

n’a pas consacré de place spéciale au gage sans dépossession. Ce gage ne se

distingue pas fondamentalement du gage avec dépossession. Comme le gage

avec dépossession, il doit aussi être conclu par la rédaction d’un écrit à peine de

nullité. Il peut aussi porter sur tout type de meuble corporel, présent ou futur. Il

peut même porter sur des choses fongibles. Ainsi conçu, les parties peuvent

constituer un gage sans dépossession sur des stocks. Elles ont dès lors le choix

de le soumettre au droit de commun ou au droit spécial du gage sur stocks. Les

règles applicables au gage avec dépossession s’appliquent également aux

contractants et à la créance garantie du gage sans dépossession.

304. En effet, le gage sans dépossession s’oppose au gage ordinaire avec

dépossession par la modalité de publicité qui accompagne sa constitution. Pour

être opposable aux tiers, il doit être publié, à la requête du créancier gagiste, sur

un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce du lieu

d’immatriculation du constituant ou du lieu de son domicile quand il n’est pas

soumis à l’obligation d’immatriculation. Au reçu de l’acte constitutif du gage le

greffier lui donne un numéro d’ordre et vérifie qu’il est accompagné d’un

bordereau en deux exemplaires comportant sept mentions obligatoires dont

l’indication de la catégorie du bien affecté en garantie est définie par référence

à une nomenclature fixée par un arrêté du 1er février 2006. Cette modalité de

publicité diffère en conséquence de celle du gage avec dépossession qui se

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

167

traduit par la dépossession de la chose grevée. La substitution de la

dépossession de la chose par l’inscription comporte les conséquences suivantes.

Il rend d’abord possible la constitution de plusieurs gages successifs sur le

même bien classés par l’ordre de leur inscription (art. 2340, C. civ.).

De plus, une fois que le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à

titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du Code civil159

et, le constituant ne peut demander la radiation de l’inscription jusqu’au

complet paiement de la créance garantie, le principal, intérêts et frais.

305. Toutefois, dès lors que l’objet du gage reste entre les mains du

constituant, le créancier bénéficiaire se trouve exposé à un certains nombres de

risques que la réforme de 2006 s’est efforcée de pallier en introduisant des

règles spécifiques.

Ainsi le constituant, à l’obligation de conserver le bien grevé ; s’il ne

satisfait pas à cette obligation, le créancier peut se prévaloir de l’échéance du

terme de la créance garantie ou solliciter un complément de gage (art. 2344, al.

2, C. civ.). Lorsque l’assiette du gage est constituée de choses fongibles, le

constituant peut les aliéner si la convention le prévoit, mais à charge de les

remplacer par la même quantité de choses équivalentes (art. 2342, C.civ.).

Le créancier, quant à lui, bénéficie de toutes les prérogatives d’un

créancier gagiste avec dépossession. Il dispose en premier lieu du droit de

préférence dont l’exercice suppose la vente forcée du bien grevé : cette vente

suit le régime de celle du gage avec dépossession, assortie toutefois de

l’obligation pour le créancier de faire préalablement saisir la chose.

L’ordonnance du 23 mars 2006 lui a de surcroît expressément accordé un droit

159 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 605 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 363.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

168

de suite qu’il peut exercer dans des conditions particulièrement favorable160.

Afin de réaliser son gage, le créancier gagiste bénéficie d’un droit de saisir la

chose grevée dans les mains de tout ayant cause du débiteur ou du fiduciaire

auquel le débiteur-fiduciant aurait transmis le bien en exécution d’un contrat de

fiducie. Néanmoins, celui qui achète un bien grevé d'inscriptions, peut libérer

ce bien des inscriptions en payant le prix du bien selon la procédure de purge.

Le créancier gagiste peut également se faire attribuer judiciairement ou

conventionnellement le bien grevé à l’instar du créancier garanti par un gage

avec dépossession ; néanmoins, en raison de l’absence de dépossession, il doit

préalablement faire saisir le bien grevé avant de se le faire attribuer. Quant au

droit de rétention (qui était pendant longtemps logiquement privé pour le

créancier gagiste sans dépossession en raison de l’absence de dépossession), il

a été expressément conféré à celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession

par la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de l’économie. Mais ce droit de

rétention peut être paralysé par l’ouverture de la procédure collective du

débiteur (art. 622-7-I, al. 2, C. com.).

B. L’hypothèque mobilière en droit chinois

a. L’hypothèque mobilière classique

306. Alors qu’en droit chinois, les sûretés mobilières sans dépossession

ont été qualifiées d’hypothèques mobilières (v. supra n° 301), le législateur

chinois, comme son homologue français, ne consacre que peu de place spéciale

à cette catégorie de sûreté : seules quelques dispositions concernant la publicité

spéciale ou les hypothèques mobilières spéciales sont expressément stipulées

dans la LDR. Cependant, à la différence du gage sans dépossession en droit

160 En effet, le droit de suite du créancier gagiste sans dépossession n’est pas absolu. Le créancier ne peut pas l’exercer quand il se trouve en concurrence avec le sous-acquéreur du bien qui n’est plus un ayant cause à titre particulier du constituant. V. R. BOFFA, L’opposabilité du nouveau gage sans dépossession, D. 2007, chr. p. 1361. Cité aussi par Dominique LEGEAIS, op. cit, p. 364.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

169

français qui soumet quasiment au même régime que le gage avec dépossession,

le régime de l’hypothèque mobilière en droit chinois se rapproche de celui de

l’hypothèque immobilière, à ceci près que l’inscription hypothécaire est une

condition d’opposabilité pour elle.

307. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la question de savoir si

l’hypothèque mobilière doit être généralisée à l’ensemble des meubles

corporels. Un courant radical considère même qu’en raison de la publicité

imparfaite de l’hypothèque mobilière et de la souplesse de la fiducie-sûreté, il

vaut mieux remplacer l’hypothèque qui existe déjà par la fiducie-sûreté161. Un

deuxième courant considère qu’il faut faire une interprétation restrictive de

l’article 180 de la LDR, l’assiette de l’hypothèque mobilière étant alors limitée

aux meubles expressément énumérés par le no 4 de cet article162. En se

prévalant du 7o de l’article 180 de la LDR qui énonce que peuvent être

hypothéqué « d’autres biens non interdits par la loi et le décret », un troisième

courant se déclare enfin favorable à la généralisation de l’hypothèque

mobilière163.

308. Cette dernière ligne doctrinale paraît tout à la foi la plus logique et

séduisante. Les meubles occupent en effet une place de plus en plus importante

dans la société moderne, notamment dans les petites et moyennes entreprises

qui ont peu de biens immobiliers et qui sont les demandeurs de crédits les plus

161 CHEN Benhan, Repenser le régime de l’hypothèque mobilière, in Droit chinois, 2003, II ; ZOU Hailin, op. cit., p. 125-127.

162 ZHAO Shuxia, Le conflit entre le régime de l’hypothèque mobilière et le droit réel traditionnel et l’option législative, Mémoire de l’Université des sciences politique et du

droit de Chine, 2007, p. 27-30;WANG Liming, De l’hypothèque mobilière, in Droit, 2007,

I;LIU Guosheng, Des analyses du régime de l’hypothèque mobilière, http://www.lw-cn.cn/ Lunwen/faxue/sfzd/200711/4477.html.

163 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.307 ; Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ; YU Kun, La généralisation de l’assiette de l’hypothèque mobilière et ses influences, http://52fyfz.fyfz.cn/blog/52fyfz/ index.aspx?blogid=373720.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

170

pressants. La fiducie-sûreté n’ayant pas été introduite en droit chinois positif, la

consécration générale d’hypothèque mobilière revêt donc une importance

majeure pour des emprunteurs. D’autre part, l’évolution même de la

terminologie utilisé par le législateur, la formulation « d’autres biens non

interdits par la loi et le décret » de la LDR (art. 180, LDR) se substituant à

l’expression « autres biens hypothécables fixés par la loi» de la LS (art. 34, LS)

manifeste sa volonté d’accroître l’assiette de l’hypothèque mobilière. Il ne

paraît dès lors pas pertinent de limiter strictement l’assiette de l’hypothèque

mobilière en ne faisant isolément référence qu’au 4° de l’article 180 et en

négligeant le 7° de ce même article et le but du législateur. En résumé, en droit

chinois, tout meuble, présent ou futur, à condition que le constituant ait le droit

d’en disposer, et qu’il ne soit pas interdit d’hypothéquer par la loi et le décret164,

peut servir d’assiette à l’hypothèque mobilière.

309. Dans un tel cas, le créancier de bonne foi peut-il acquérir une

hypothèque mobilière sur un bien qui n’appartient pas au constituant? La

législation chinoise était silencieuse sur ce point. La LDR ne donne pas non

plus une réponse directe. Certains auteurs refusent encore de reconnaître la

protection de bonne foi en considérant que l’inscription de l’hypothèque

mobilière n’est qu’une condition d’opposabilité et que ce type de sûreté

n’implique pas la dépossession. Selon eux, le propriétaire peut toujours

revendiquer le bien donné en gage par le possesseur et le gage ne peut jamais

valablement être constitué165. D’autres, en revanche, se prononcent pour la

protection de bonne foi du créancier gagiste. En nous référant à l’article 106

placé dans son chapitre consacré aux « Dispositions spéciales de l’acquisition

de propriété » qui dispose que la propriété mobilière et immobilière peut être

164 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63. 165 JIN Liting, L’acquisition de bonne foi du droit de l’hypothèque, www.kjwt.com/kjwt /llyj/20087162.html.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

171

acquise de bonne foi et que « ...les deux premiers alinéas s’appliquent aussi à

l’acquisition des autres droits réels par une personne de bonne foi ...», y

ajoutant la difficulté pour un tiers de connaître le véritable propriétaire des

meubles, nous penchons pour confirmer que le créancier peut préconiser la

constitution de l’hypothèque mobilière en invoquant sa bonne foi. En pratique,

des décisions jurisprudentielles a confirmé notre position166.

310. Si l’on excepte son assiette, l’hypothèque mobilière présente

plusieurs analogies avec son équivalent immobilier : elle doit ainsi, à peine de

nullité, être conclue par écrit, les règles applicables aux parties et à la créance

garantie dans l’hypothèque immobilière s’y appliquent aussi. Cependant, le

principe de l’inscription-opposabilité permet de distinguer l’hypothèque

mobilière de l’hypothèque immobilière qui est soumise au principe de

l’inscription-validité (art. 187, 188 et 189, LDR).

311. Pour être opposable aux tiers, l’hypothèque mobilière doit être

inscrite auprès des organes compétents. Cependant, la loi positive n’a pas

instauré le régime unique de l’inscription des hypothèques mobilières. Ainsi,

l’hypothèque portant sur les machines de production, matières premières,

produits semi-finis et produits finis doit-elle être inscrite auprès du bureau de

l’industrie et du commerce auquel est rattaché selon le cas, le domicile ou le

siège du constituant (art. 2, Mesures d’inscription des hypothèques mobilières

promulguées par l’Administration nationale de l’industrie et du commerce) ;

celle portant sur les bateaux, les aéronefs et les véhicules doit l’être auprès des

organes d’administration compétents. Actuellement, il est difficile de procéder

à l’inscription des hypothèques portant sur d’autres meubles, ce qui entrave

sérieusement le développement des hypothèques mobilières et les besoins du

166 Dans l’affaire la Coopérative de crédit Lao Ba Gang / la SARL Ai Zhi Yuan, le juge a consacré que l’hypothèque mobilière est valable car le créancier était de bonne foi.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

172

financement des petites et moyennes entreprises. L’urgence est donc d’unifier

l’organe d’inscription des hypothèques mobilières.

De plus, il n’existait pas de règles communes relatives à l’inscription de ce

type de gage avant la LS. Il n’existait que des règles différentes, voire

contradictoires fixées par certaines lois spéciales. Par exemple: l’article 17 du

« Règlement administratif relatif au crédit hypothécaire de la Zone Economique

Spéciale de Guangdong » de 1990 stipulait que l’inscription devait être faite

dans les 15 jours suivant la signature du contrat et que l’hypothèque ne prenait

effet juridique qu’à la date d’inscription. Selon cette disposition, l’inscription

était alors une condition de validité de l’hypothèque. Au contraire, aux termes

de la Loi sur le commerce maritime de 1992, l’inscription n’était qu’une

condition d’opposabilité aux tiers pour l’hypothèque de navire civil.

La LS de 1995 fixait complètement, pour la première fois, le régime de

l’inscription hypothécaire. S’agissant du régime d’inscription d’hypothèque

mobilière, elle établissait ainsi un système dualiste: pour une hypothèque

portant sur « les biens spéciaux » énumérés par l’article 42, y compris les

aéronefs, les navires, les voitures, les équipements et d’autres biens mobiliers

d’entreprise, l’inscription était une condition de validité du contrat

d’hypothèque (inscription-validité). Pour une hypothèque portant sur les autres

meubles en revanche, l’inscription hypothécaire n’était requise que pour son

opposabilité aux tiers (inscription-opposabilité). Cependant, l’application du

principe selon lequel « le droit spécial prime le droit commun »167, veut que

l’inscription des aéronefs et des navires civils soit requise à peine

d’inopposabilité aux tiers.

167 Ici, le droit spécial s’agit de l’article 13 de la Loi sur le commerce maritime, des articles 2 et 6 de la Réglementation sur l’inscription des navires, et de l’article 16 de la Loi sur l’avion civile.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

173

Ce régime dualiste a finalement été modifié par la LDR de 2007. Selon les

articles 188 et 189 de cette loi, le droit d’hypothèque portant sur les biens

suivants prend effet juridique dès que le contrat hypothécaire est valablement

constitué:

--- les machines de production, les matières premières, les produits

semi-finis et les produits finis ;

--- les navires ou aéronefs qui sont en cours de construction ;

--- les véhicules.

La seule solennité exigée pour que le contrat soit valablement constitué,

est qu’il soit conclu sous forme écrite. L’inscription n’est plus une condition de

validité de l’hypothèque, mais une condition d’opposabilité aux tiers.

L’hypothèque ne peut être opposable aux tiers qu’à partir de l’inscription.

312. L’inscription fixe le rang des créanciers hypothécaires sur un même

bien (art. 199, LDR): les créanciers hypothécaires inscrits prennent rang en

fonction de l’ordre d’inscription ; si l’ordre est identique, ils sont payés au marc

le franc. Les créanciers hypothécaires inscrits priment les créanciers non

inscrits. Pour les gages valables sans inscription, les créanciers sont payés au

marc le franc.

313. La question se pose néanmoins de savoir qui est chargé de

l’inscription mobilière? Concernant les moyens de transport, la LS prévoit que

l’inscription doit être requise auprès des organes administratifs chargés de

l’immatriculation et de la gestion de ces biens. Par exemple, l’inscription

d’hypothèque des aéronefs civils se fait auprès du département aéronautique ;

celle des bateaux civils aux départements de gestion de transport par eau ; celle

des voitures aux départements de police, etc. S’agissant de l’hypothèque des

équipements et d’autres biens mobiliers d’entreprise, ce sont les bureaux

administratifs locaux de l’industrie et du commerce du ressort du siège des

biens grevés qui sont chargés de l’inscription. Si un bien mobilier est

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

174

hypothéqué par une personne ou une association, son inscription doit être faite

auprès de l’établissement notarial du domicile du constituant. La LS attribuait

la compétence de l’inscription aux établissements notariaux car ces derniers

faisaient alors partie des organes administratifs. Aujourd’hui, ce ne sont plus

des organes administratifs et certains juristes proposent de les priver de cette

compétence. Cependant, considérant qu’il n’existe pas d’autre organe

administratif en charge de ce type d’inscription, la LDR maintient ce régime.

En bref, seul l’organe administratif ayant réalisé l’immatriculation

originale du bien grevé a compétence pour procéder à l’inscription

hypothécaire sur ce bien. A défaut, c’est l’établissement notarial du domicile du

constituant qui est chargé de l’inscription.

314. Ainsi, cette « diversité » des organes chargés de l’inscription

constitue le problème principal et apporte désordre et inefficacité dans les

inscriptions hypothécaires mobilières.

En effet, la première difficulté réside dans le fait qu’il existe plusieurs

organes d’inscription appartenant à différentes administrations qui ont

elles-mêmes défini par arrêtés les règles d’inscription. Ces règles ont donc des

sources différentes et leurs contenus sont souvent divergents voire

contradictoires.

En second lieu, la division du travail entre ces organismes est délicate et

quelque peu équivoque. Par exemple, l’organe d’inscription du secteur du

transport se divise même en différents départements, tels que l’aéronautique,

l’agriculture, la police, les chemins de fer, ou encore l’eau. Ainsi, quel est

l’organe chargé de l’inscription d’un véhicule terrestre principalement utilisé

pour l’agriculture? Il arrive souvent que les intéressées ne sachent ni auprès de

quel organe doit se faire l’inscription et ni même que les organes d’inscription

requièrent l’inscription du bien grevé.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

175

En dernier lieu, les coûts d’hypothèque mobilière sont très élevés. Ils

varient selon les organes et les régions. Mais dans la plupart des cas, les frais

d’inscription pesant sur les charges des parties ne sont pas calculés à la pièce,

mais proportionnellement à la valeur du bien grevé. De plus, il n’est pas facile

pour les tiers intéressés de consulter les registres hypothécaires. En effet, d’une

part, la consultation est payante168, d’autre part, les organes chargés de

l’inscription agissant comme des administrateurs contrôlent sévèrement

l’identité des personnes qui souhaitent consulter les registres sous prétexte de

protéger les informations personnelles relatives aux parties hypothécaires169.

315. En pratique, force est de constater que les difficultés de la publicité

ont pour effet de limiter les effets positif de l’hypothèque mobilière. La LDR

aurait du être une bonne occasion d’améliorer ce régime, mais cela n’a

malheureusement pas été le cas, du fait des résistances issues des coalitions

visant à maintenir les avantages acquis. Le régime relatif aux organes

d’inscription persiste encore. En effet, les chercheurs et les praticiens sont

parvenus à un consensus pour l’établissement d’un organe unificateur

indépendant de l’administration chargé de l’inscription. Pour promouvoir

l’application des hypothèques, le législateur chinois a décidé d’établir le plus

tôt possible un régime d’inscription des droits réels qui s’inscrit dans

l’évolution constatée au plan internationale.

b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière

spéciale

316. La « floating charge », crée par le droit anglais, est une institution

ayant une grande influence tant dans les systèmes juridiques de commun law

168 Bureau de droit civil de la Commission du travail législative du CAPN, Référence relatives au Projet de Loi sur les droits réels, Éd. de démocratie et droit de Chine, juillet 2005, p.115 -118.

169 LI Shigang, op. cit., p. 342-343.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

176

que dans les systèmes juridiques de droit civiliste170. Elle offre à son constituant

une voie pour obtenir des financements et ne nécessite pas la dépossession du

bien grevé. La LDR de 2007 a finalement introduit en droit chinois cette

institution baptisée « hypothèque flottante» (art. 181, LDR).

317. Considérant, d’une part que cette institution provient du droit anglais,

d’autre part que les juristes chinois ont souvent l’habitude de se référer au droit

civil japonais, notamment sur les problèmes concernant les droits réels171, il est

donc signifiant d’envisager l’hypothèque flottante en droit chinois par

comparaison avec ses équivalents en droit anglais et en droit japonais.

318. Quant au constituant de l’hypothèque flottante, le droit anglais

stipule expressément que seules des sociétés ayant la qualité de personne

morale peuvent être le constituant de la floating charge. Le droit japonais

permet uniquement aux sociétés anonymes de constituer l’hypothèque flottante

afin de garantir leurs obligations sociales émises (art. 1 de la Loi sur la sûreté

réelle grevant l’entreprise). Mais en pratique, comme les sociétés peuvent

émettre des obligations sans besoin de garantie, elles utilisent rarement cette

sûreté. En revanche, d’autres entreprises souhaitant d’en user pour leur propre

financement sont écartées par la loi. L’hypothèque flottante est plutôt une

décoration qu’une institution fréquemment utilisée.

Le constituant d’hypothèque flottante en droit chinois s’étend à trois

catégories de personnes – entreprise (tout type d’entreprise), commerçant

indépendant (ge ti gong shang hu/个体工商户) ou exploitant agricole (art. 181,

170 Frédérique DAHAN, La floating charge dans les rapports internationaux de droit privé – essai sur la reconnaissance d’une institution étrangère, Thèse Paris I, 1995, p. 212 et s.

171 En ce qui concerne l’hypothèque flottante, elle «résultait originellement des études sur le droit japonais des sûretés plutôt que de l’influence directe de commun law», v. LI Shigang, op. cit., p. 305. V. également, LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 337-340 : dans la partie consacrée à l’hypothèque flottante, tous les ouvrages cités sont ceux des auteurs japonais.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

177

LDR) ; ceci peut s’expliquer par l’objet du législateur de faciliter le

financement des petites et moyennes entreprises et des agriculteurs172. Mais,

cette extension suscite des vives critiques sur le plan doctrinal car elle

augmente le risque du créancier garanti à cause du changement assez facile de

capital et du régime relativement lâche des comptabilités des entreprises autres

que les sociétés173.

319. En ce qui concerne l’assiette de l’hypothèque flottante, tant en droit

anglais qu’en droit japonais, les biens susceptibles d’être l’objet de cette sûreté

sont constitués de l’ensemble des biens appartenant à la société constituante au

moment de l’exécution de la sûreté174. Mais, selon la disposition de l’article

181 de la LDR chinoise, seuls des machines de production, les matières

premières, les produits semi-finis et les produits finis sont susceptibles d’être

l’assiette de l’hypothèque flottante. Les immeubles et les biens incorporels

(actions, obligations, propriétés intellectuelles etc.) du constituant sont ainsi

exclus. Cette restriction déraisonnable détourne sans aucun doute le régime et

la valeur initiale de cette sûreté; elle est fortement critiquée par la doctrine

chinoise. Parce que les immeubles et les biens incorporels revêtent toujours une

grande valeur, s’ils constitueraient aussi l’assiette de cette hypothèque (avec

des meubles précités), les intérêts du créancier pourraient sûrement être mieux

172 La section du droit civile de la Commission des affaires juridiques de la Comite permanent de l’APN, Explications, motifs législatifs et règlements relatifs des articles de la LDR de la RPC, Éd. de l’Université de Pékin, 2007.

173 LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière flottante, www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong, Etudes sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, www.fl168.com/Lawyer10124/View/ 140245/.

174 XU Donggen, La contribution de la jurisprudence anglaise au développement de la floating charge, in Droit, 2003, VII, p. 110. V. également l’article 2 de la Loi japonaise sur la sûreté réelle grevant l’entreprise.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

178

protégés175. A fortiori, les régimes de la publicité des immeubles et des biens

incorporels, notamment des actions, obligation, propriété intellectuelle, sont

relativement parfaits par rapport à celui des meubles corporels.

320. Quant aux conditions formelles de la constitution de cette sûreté, le

droit anglais exige seulement que l’intention de la constitution de cette sûreté

soit expressément exprimée, par écrit ou par oral. De plus, la sûreté doit être

inscrite auprès de l’organe chargé de l’inscription pour avoir l’opposabilité aux

tiers176. En droit japonais, la sûreté doit être conclue par un acte notarié, et doit,

à peine de nullité, être inscrite sur le registre des sociétés anonymes du lieu du

siège de la société émettrice (art. 4 de la Loi sur la sûreté réelle grevant

l’entreprise). En droit chinois, l’hypothèque flottante doit être conclue par écrit

(art. 181, LDR) et, doit, à peine d’inopposabilité aux tiers, être inscrite sur le

registre auprès du bureau de l’industrie et du commerce dont dépend le

domicile ou le siège du constituant (art. 189, LDR). La divergence des trois

systèmes juridiques sur ce point peut simplement s’expliquer par les différentes

traditions juridiques.

321. S’agissant de la cristallisation, elle est la clé de l’hypothèque

flottante. Elle termine la situation flottante de cette sûreté et, la concrétise en

biens déterminés. Elle est donc la condition préalable de l’exécution de cette

sûreté. En droit anglais, il y a trois causes prévues qui peuvent aboutir à la

cristallisation des biens hypothéqués: la cessation de l’activité sociale (telles

que la dissolution et la liquidation de la société) ; sous l’autorisation judiciaire,

l’intervention du créancier en cas de l’insolvabilité du constituant pour

175 LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière flottante, http://www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong, Etudes sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, http://www. fl168.com/Lawyer 10124/View/140245/ ; CHEN Chi, MIN Bo, Cherches des défauts et des imperfections du régime de l’hypothèque flottante en droit chinois, http://www.chinacourt.org/ html/article/200908/06/368472.shtml.

176 REN Qing, De la floating charge en droit anglais, http://www.civillaw.com.cn/Article/ default.asp?id=8376.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

179

sauvegarder l’entreprise constituante (l’exemple par excellent est la désignation

du receiver) ; les autre causes convenues. Parmi celles-ci, l’intervention du

créancier est le régime le plus important pour la protection des intérêts du

créancier hypothécaire. En droit japonais, cette sûreté ne peut être cristallisée

que par voie juridique (art. 2, al. 1 de la Loi sur la sûreté réelle grevant

l’entreprise), ce qui entraîne la désignation du receiver (régisseur des biens

hypothéqués). Elle aboutit à la vente globale de l’entreprise ou seulement de

certains biens.

L’article 196 de la LDR chinoise prévoit quatre causes de la cristallisation

de l’hypothèque flottante : le non acquittement de la créance garantie à

l’échéance ; la déclaration de faillite ou la dissolution du constituant ;

l’apparition de cas convenus par les parties ; la réalisation d’autres cas

menaçant fortement la réalisation de la créance garantie (art. 196, LDR). Mais,

le droit chinois n’a pas instauré le régime de la désignation du régisseur des

biens hypothéqués comme le droit anglais et japonais. Puisque, extérieurement,

la dernière cause énumérée par l’article 196 de la LDR correspond à la

désignation du régisseur des biens hypothéqués qui n’aura lieu qu’en cas de

menaces graves pour la réalisation de la créance garantie, et, tous deux causent

la cristallisation de l’hypothèque. De plus, la limitation de l’assiette de cette

sûreté à une partie des biens (quatre catégories de meubles) du constituant ne

justifie pas l’intervention du créancier à l’opération du constituant. Mais nous

avons exposé que la limitation devrait être écartée dans la réforme future. Pour

l’essentiel, le régime du régisseur des biens hypothéqués équilibre les intérêts

du constituant pour sa sauvegarde et son redressement et les intérêts du

créancier, alors que l’arrangement de la LDR ne revêt pas cet avantage.

322. Enfin, le créancier garanti par cette sûreté bénéficie du droit de

préférence dans les trois systèmes juridiques. Simplement, l’efficacité de ce

droit n’est pas tout à fait pareille. En droit anglais, parmi les floatings charges,

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

180

la date d’inscription fixe le rang du droit de préférence ; entre la floating charge

et la sûreté disant fixe, la dernière prime toujours la première. En droit japonais,

le droit de préférence du créancier garanti n’est opposable qu’à l’égard des

créanciers chirographaires ; mais il est primé par les autres créanciers

bénéficiaires de sûretés réelles, même s’ils sont inscrits après l’inscription de

l’hypothèque flottante (art. 7 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise).

Alors qu’en droit chinois, la loi chinoise n’y consacre aucune disposition

spéciale. Mais, en vertu de la structure législative de la LDR, il est logique que

le rang se fixe selon la disposition de l’article 199 : l’ordre d’inscription

détermine le rang du droit de préférence des hypothèques, qu’elle soit

hypothèque flottante ou hypothèque normale. Le créancier garanti par

l’hypothèque flottante est ainsi mieux protégé que les créanciers dans les deux

situations précitées.

323. En outre, l’hypothèque flottante n’empêche pas la libre disposition

des biens hypothéqués du constituant avant sa cristallisation, les biens

normalement vendus se dégagent de la charge hypothécaire177. C’est l’avantage

le plus remarquable de cette sûreté et, c’est le point commun des trois systèmes

juridiques.

§II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux

324. Il est regrettable que la réforme de 2006 n’ait pas unifié les

différentes formes du gage. Les règles de droit commun du gage de meubles

corporelles se combinent avec les applications spéciales prévues en matière

commerciales et avec celles inscrites dans le Code civil relatives au gage

automobile.

177 Sur ce point, le droit chinois met l’accent sur le prix raisonnable des biens vendus (art. 189, al. 2, LDR).

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

181

A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des

moyens de transport

325. Rappelons que le droit français distingue les sûretés mobilières sans

dépossession portant sur des véhicules terrestres des celles portant sur des

moyens de transport nautiques ou aériens, en qualifiant les premières de gages

et les dernières d’hypothèques.

326. Le régime du gage de véhicules terrestres, résultant d’une loi de

1934 et d’un décret de 1953, a été intégré par l’ordonnance du 23 mars 2006

dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, et a été l’occasion d’une

simplification de ce régime178. Aujourd’hui, tout véhicule terrestre à moteur,

ainsi que ses remorques, peut constituer l’assiette de ce gage. En outre, les

bénéficiaires ne sont plus réservés à certaines personnes. Comme en droit

commun, le gage de véhicule peut garantir toute créance. La seule solennité du

gage est que le contrat soit rédigé par écrit. La déclaration n’est qu’une

condition d’opposabilité aux tiers et doit être faite à la préfecture qui a délivré

la carte grise. La préfecture doit délivrer au créancier gagiste un reçu de la

déclaration qui est considéré comme le titre de la dépossession du véhicule

grevé. Cette dépossession est fictive qui confère au créancier gagiste le droit de

rétention et le droit de suite. Néanmoins, le débiteur étant le détenteur réel de la

chose grevée, l’obligation de conservation de la chose lui incombe, en

contrepartie de quoi il peut en user ou jouir. Ce gage est donc en réalité un gage

sans dépossession qui peut être réalisé par les voies prévues par le droit

commun.

327. A la différence du gage des véhicules terrestres régi par le code civil,

les hypothèques portant sur les véhicules fluviaux, maritimes et aériens relèvent

de lois spéciales.

178 Dominique LEGEAIS, Le nouveau droit du gage automobile, JCP E 2007, 1482.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

182

La première, dont l’assiette est constituée par des bateaux (existants ou en

construction) de navigation intérieure jaugeant plus de 20 tonneaux, a reçu en

pratique le nom d’hypothèque fluviale (art. 95 du Code du domaine public

fluvial et de la navigation intérieure). Selon la théorie générale de sûretés

réelles, il est exigé que les parties de l’hypothèque (le créancier et le constituant)

soient capables et que le constituant soit propriétaire du bateau grevé. La

créance garantie peut être présente ou future, mais cette hypothèque ne garantit

au même rang que le capital et trois ans d’intérêts en plus de l’année courante

(art. 107 du même code). Elle doit aussi être constatée, à peine de nullité, par

écrit (acte sous seing privé ou acte authentique). Ce titre constitutif

d'hypothèque peut être à ordre et, dans ce cas, sa négociation par voie

d'endossement emporte la translation du droit hypothécaire (art. 96 du même

code). En simplifiant la formalité de la libre négociation, cette disposition

renforce considérablement le caractère attractif de cette sûreté. Pour être

opposable aux tiers, elle doit être inscrite sur un registre tenu au greffe du

tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué. Elle

confère au créancier bénéficiaire le droit de préférence et le droit de suite.

Néanmoins, elle ne lui confère aucun droit de rétention. Dans ce cas là, afin de

renforcer l’efficacité de cette sûreté, la loi sanctionne « tout fait tendant à

détourner frauduleusement un bateau grevé d’une hypothèque régulièrement

inscrite » par les peines prévue en cas de l’abus de confiance179.

L’hypothèque maritime, crée en 1874, est aujourd’hui régie par la loi du 3

janvier 1967. Tous les bâtiments de mer présents ou en construction

immatriculés auprès de l’administration des douanes, quel que soit leur tonnage,

peuvent être hypothéqués. Mais l’hypothèque de flotte portant sur l’ensemble

des bâtiments de mer appartenant à un même propriétaire n’est pas autorisée180.

179 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 637.

180 Yves PICOD, op. cit., p. 349 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 635.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

183

Comme toute sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque maritime doit être

constituée, à peine de nullité, par écrit. Comme l’hypothèque fluviale, le titre

constitutif d'hypothèque à ordre peut être négocié par voie d'endossement qui

emporte la translation d’hypothèque (art. 53, Loi du 3 janvier 1967). Elle n’est

opposable aux tiers qu’à partir de sa publication sur un registre spécial tenu par

les conservateurs des hypothèques maritimes dans la circonscription duquel se

trouve le port d'attache du navire. Cette hypothèque ne garantit au même rang

que le capital et deux ans d’intérêts en sus de l’année courante (art. 52 de la

même loi). Elle confère au créancier garanti le droit de préférence et le droit de

suite.

L’hypothèque aérienne est réglementée par le Code de l’aviation civile (art.

L. 122-1 et s.)181. Comme son homologue fluvial, elle doit aussi être constatée

par écrit, à peine de nullité de l’acte et, elle garantit au même rang que le

capital trois ans d’intérêts en sus de l’année courante. A peine d’inopposabilité

aux tiers, elle doit être inscrite sur le registre de l’immatriculation de l’aéronef

tenu par la Directions générales de l'Aviation civile (art. L. 122-7, Code de

l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient aussi du droit de

préférence et du droit de suite.

328. Cependant, en droit chinois, toutes les sûretés sans dépossession

portant sur des véhicules, qu’ils soient véhicules terrestres, nautiques ou

aériennes, sont qualifiées d’hypothèques (art. 180, LDR).

Le régime de l’hypothèque des véhicules terrestres est aujourd’hui régi par

la LDR et les Règles de l’inscription des véhicules à moteur (promulguées par

le Ministère de la Sécurité publique en 2008). Tout véhicule terrestre à moteur

peut constituer l’assiette de cette hypothèque. Comme l’hypothèque de droit

181 Cette hypothèque est introduite par la Loi du 31 mai 1924.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

184

commun, elle peut garantir toute créance. Ainsi, tout créancier peut être

bénéficiaire de celle-ci. La seule solennité exigée est que le contrat soit conclu

par écrit. L’inscription n’est qu’une condition d’opposabilité aux tiers et qu’elle

doit être réalisée à la demande commune du constituant propriétaire de véhicule

hypothéqué et du créancier bénéficiaire, auprès de l’organe dans le ressort

duquel est immatriculé le véhicule grevé. Ces dispositions sont en conséquence

très proches de celles du droit français. En revanche, alors qu’en France la

préfecture française qui a reçu l’inscription est chargée de la délivrance au

créancier bénéficiaire d’un reçu de la déclaration du gage, en droit chinois,

l’organe chargé de l’inscription ne délivre rien : il indique simplement le

contenu et la date de l’inscription hypothécaire sur le registre des véhicules.

C’est pourquoi le créancier gagiste de cette sûreté en droit français bénéficie du

droit de suite immédiatement, alors que ce n’est pas le cas en droit chinois.

Comme l’hypothèque de droit commun, l’obligation de conservation du bien

grevé incombe au constituant et, ce dernier peut donc faire user ou jouir de la

chose ; le créancier garanti bénéficie de tout droit conféré au créancier garanti

par l’hypothèque de droit commun.

Quant à l’hypothèque portant sur des bateaux, il faut distinguer les bateaux

de navigation intérieure des bateaux maritimes.

L’hypothèque portant sur les premiers doit répondre aux dispositions de la

LDR, alors que celle sur ces derniers est régie par la Loi sur le commerce

maritime (LCM). La première hypothèque peut porter sur des bateaux existants

ou en construction, de tout tonnage. La LDR n’y consacre qu’un seul article

(art. 188, LDR) relatif à son inscription : celui-ci stipule que, pour être

opposable aux tiers, l’hypothèque doit être inscrite (auprès de l’organe charge

de l’inscription hypothécaire du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué.),

à la demande commune du constituant et du créancier. A l’exception de cette

disposition, c’est l’ensemble du droit commun de l’hypothèque mobilière qui

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

185

s’applique à cette hypothèque. A la différence du droit français, il n’est donc

pas prévu de limite pour les intérêts garantis, pas d’avantage de possibilité de la

négocier par endossement. Enfin, le créancier garanti ne bénéficie que du droit

de préférence.

A la différence du système juridique français dans lequel tout bâtiment de

mer présents ou en construction dès lors qu’il est immatriculé peut être l’objet

d’une hypothèque, en droit chinois (art. 3 et 11, LCM), seuls les bateaux

maritimes civils jaugeant de plus de 20 tonnages (présents ou en construction)

peuvent être hypothéqués. La question se pose cependant de savoir si les

bateaux inferieurs à 20 tonneaux peuvent constituer l’assiette de cette

hypothèque? La LCM ne répond pas à cette question. Mais, selon les articles 24,

180 et 188 de la LDR, ces navires peuvent également être hypothéqués et sont

donc soumis aux mêmes règles de l’hypothèque portant sur les bateaux de

navigation intérieure. S’agissant de l’hypothèque de flotte, aucune loi ne

l’ayant pas prévue, elle est donc considérée comme étant interdite. En tant

qu’une sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque portant sur des bateaux

maritimes doit être constituée, à peine de nullité, par écrit. Mais, aux termes de

l’article 11 de la LCM, seuls le débiteur peut être constituant de cette sûreté ; en

conséquence, un tiers ne put être constituant. Cette limite suscite des critiques

de la doctrine, certains auteurs ayant n effet proposé de s’aligner sur les

dispositions relatives de la LS en ouvrant la possibilité aux tiers d’être

constituant182. Cette opinion est plus ou moins représentative de la tendance qui

pourrait présider à la future reforme de la LCM. Comme les autres hypothèques

mobilières, l’hypothèque portant sur des bateaux maritimes doit aussi, à peine

d’inopposabilité aux tiers, être inscrite à la demande commune du constituant et

du créancier sur un registre tenu par l’organe compétent. L’ordre d’inscription

182 SI Yuzhuo, HU Zhengliang, Des propositions, des références et des n.s pour la modification de la LCM, Éd. de l’Université maritime de Dalian, 2003, p. 2 ; LIANG Yuxian, Droit commercial, Éd. de l’Université du peuple de Chine, 2004, p. 341.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

186

détermine le rang des créanciers. Comme l’hypothèque portant sur les bateaux

de navigation intérieure, elle ne confère au créancier garanti que le droit de

préférence.

Par analogie au régime des hypothèques fluviale et maritime, la Loi sur

l’aviation civile prévoit que seuls les aéronefs civils peuvent être l’objet

d’hypothèque. L’hypothèque aérienne doit également être constatée par écrit, à

peine de nullité de l’acte. A peine d’inopposabilité aux tiers, elle droit être

inscrite, à la demande commune du constituant et du créancier, sur le registre

de l’aéronef tenu par l’Administration générale de l’aviation civile (art. 16, Loi

sur l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient seulement du droit de

préférence.

B. Le gage du matériel et de l’outillage

329. Créé par une loi de 1951 pour faciliter le renouvellement du matériel

professionnel, le régime juridique de ce type de gage s’apparentait à la foi à

celui du gage et à celui de l’hypothèque. Mais la réforme de 2006 le qualifie

désormais de gage. Aujourd’hui, le bénéfice de ce gage est réservé au vendeur

ou au prêteur des deniers ayant permis le financement du bien par l’acheteur

(art. L.525-1, C. com.). N’importe quel débiteur peut constituer ce gage qui ne

peut cependant garantir que la créance du prix d’acquisition du matériel ou

celle du prêt ayant permis son financement. Le but législatif est donc bien

évident : financer le rajeunissement des installations des producteurs.

330. Tout outillage et matériel d’équipement professionnel par sa

destination, qu’il soit d’occasion ou neuf, peut constituer l’assiette de ce gage.

Sont toutefois écartés certains biens sur lesquels une sûreté sans dépossession a

été spécialement aménagée : les véhicules terrestres ; les navires de mer et les

bateaux de navigation intérieure ; les aéronefs, ainsi que les marchandises (art.

L. 525-18, C. com.).

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

187

331. Pour que le gage soit valablement constitué, il faut qu’il soit consenti

par un acte authentique ou un acte sous seing privé enregistré, conclu dans le

délai de deux mois à compter du jour de la livraison du matériel sur les lieux où

il devra être installé (art. L. 525-3, al. 1er, C. com.). Il devra aussi être publié, à

peine de nullité et d’inopposabilité, au greffe du tribunal de commerce dans les

quinze jours à compter de la date de l’acte constitutif. Cette inscription

conserve le droit de préférence pendant cinq ans ; ce droit est renouvelable

deux fois et qui s’étend au capital assorti de deux ans d’intérêts de la créance

garantie.

332. En outre, le créancier peut exiger que les biens grevés soient revêtus

d’une plaque fixée à demeure indiquant le lieu, la date et le numéro

d’inscription du gage. Ce droit du créancier est facultatif et son absence

n’affecte pas la validité du gage, mais sans cette plaque, le créancier gagiste ne

bénéficie pas du droit de suite.

333. Ne réalisant pas la dépossession des biens grevés, l’obligation de

conservation incombe donc au débiteur qui ne peut conclure aucun acte de

disposition sur les biens grevés, sans le consentement préalable du créancier ou

une autorisation de justice. À défaut de paiement à l’échéance, le créancier

gagiste bénéficie du droit de préférence, du droit de suite limité lié à la

publicité du gage, mais il ne jouit d’aucun droit de rétention183. Il peut réaliser

son gage en faisant procéder à la vente publique ou en se le faisant attribuer en

paiement des biens grevés.

334. En droit chinois, les matériels et des outillages peuvent constituer

l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ils peuvent aussi

constituer l’assiette de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce

dernier cas, tout matériel et outillage du constituant présent ou futur peut faire

183 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 617.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

188

l’objet de l’assiette de cette hypothèque, sauf ceux qui sont spécialement visés

par un autre dispositif législatif, tels que les véhicules.

335. Il demeure cependant une ambiguïté sur le constituant de cette

hypothèque. En effet, aux termes de l’article 181 de la LDR, seules les

entreprises (tout type d’entreprise), les commerçants indépendants (ge ti gong

shang hu/个体工商户) et les exploitants agricoles (art. 181, LDR) peuvent être

constituants de l’hypothèque. Mais ce texte est majoritairement considéré

comme une disposition qui n’a trait qu’à l’hypothèque flottante184. Ce courant

doctrinal considère que l’hypothèque fixe portant sur des matériels et des

outillages n’a pas à répondre à ce texte. Elle serait donc soumise aux

dispositions régissant l’hypothèque mobilière ordinaire et, elle serait une quasi

hypothèque mobilière ordinaire. Ainsi, tout débiteur propriétaire des matériels

et des outillages peut constituer une hypothèque sur ces biens. Tout type de

créance peut être garanti par cette sûreté. L’hypothèque doit, à peine de nullité,

être constatée par écrit et à peine d’inopposabilité, être inscrite auprès du

bureau de l’industrie et du commerce dans le ressort du quel est situé le

domicile ou le siège du constituant. Le créancier garanti bénéficie du même

droit que le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire.

C. Le gage sur stocks

336. Ce gage sans dépossession en droit français peut garantir tout crédit

consenti par un établissement de crédit à une personne physique ou morale

professionnelle (art. L. 527-1, C. com.). Tous les stocks de matières premières

et d’approvisionnement, les produits intermédiaires, résiduels et finis, ainsi que

les marchandises appartenant au débiteur et estimées en nature et en valeur à la

date du dernier inventaire, peuvent être donnés en gage (art. L. 527-6, C. com.).

184 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 340 ; YANG Hong, op. cit., p. 124.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

189

Le contrat de gage contenant certaines mentions obligatoires doit être conclu

par écrit. De plus, ce type de gage est soumis à l’inscription-validité selon les

mêmes conditions de l’inscription du gage du matériel et de l’outillage. Ce qui

déroge au principe de la publicité-opposabilité du gage de droit commun.

337. Néanmoins, par dérogation au principe de l’indivisibilité des sûretés

réelles, les parties peuvent consentir que la part des stocks engagés diminue à

proportion du désintéressement du créancier (art. L. 527-8, C. com.).

338. Le constituant doit agir en bon père de famille pour conserver les

choses grevées. Il doit assurer les stocks contre les risques d’incendie et de

destruction (art. L. 527-6, C. com.). Il tient aussi à la disposition du créancier

un état des stocks engagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations les

concernant. D’ailleurs, il s’engage à ne pas diminuer la valeur des stocks de son

fait. Lorsqu’il y a une diminution de 20% de leur valeur, le créancier peut

mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la garantie, soit de rembourser

une partie des sommes prêtées en proportion de la diminution constatée. S’il ne

lui pas donné satisfaction, le créancier peut exiger le remboursement total de la

créance, considéré comme échu (art. L. 527-7, C. com.). Ce droit de demander

le complément du gage est un droit du créancier garanti par le droit commun en

droit chinois (v. supra n° 275). Il est évident que le législateur chinois et le

législateur français doivent mutuellement tirer partie de leur l’expérience

réciproque. Du côté chinois, il faut préciser ce qu’est la « diminution évidente ».

Comment évaluer la diminution de la valeur? A partir de quelle valeur peut-on

considérer qu’il y a une « diminution évidente »? Il n’y a rien à gagner mais

tout à perdre de laisser une ambiguïté sur ce point important. Du côté français,

cette mesure visant à protéger le créancier et à promouvoir le crédit devrait être

généralisé en droit commun de gage, notamment dans la situation difficile

comme aujourd’hui. Face à la crise financière, les valeurs des biens fluctuent

fortement et fréquemment. D’une part, les établissements de crédit et les

prêteurs des deniers sont circonspects et compriment leurs crédits pour éviter

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

190

les risques. D’autre part, le relèvement économique exige d’accroître les crédits

pour promouvoir la production et la consommation. Mais pour l’instant, la

sécurité des crédits est de première importance pour tous prêteurs des capitaux.

Il se peut que la consécration de ce droit soit une mesure effective pour

diminuer leurs risques et puisse promouvoir le développement des crédits.

339. Mais, ce gage n’empêche pas l’aliénation des biens grèves. Dans ce

cas là, la subrogation réelle permet de reporter le gage sur les choses qui

remplacent les stocks aliénés (art. L. 527-5, al. 2, C. com.).

340. Le créancier gagiste a, à tout moment et à ses frais, le droit de faire

constater l’état des stocks gagés (art. L. 527-5, al.3, C. com.). Il bénéficie aussi

du droit d’information nécessaire concernant les stocks engagés (art. L. 527-7,

C. com.). À défaut de paiement à l’échéance, il dispose des mêmes moyens de

réaliser son gage que les créanciers gagistes de droit commun, sauf le pacte

commissoire.

341. Alors qu’en droit chinois, le terme « stock » n’est pas utilisé par la

loi proprement dite. Il est en revanche définit par les Normes No 1 des

comptables d’entreprises promulguée par le Ministère des financements, qui

désigne en effet les mêmes choses qu’en droit français (art. 3 de la Norme No 1).

Tous les stocks peuvent faire l’objet de l’assiette de cette hypothèque.

342. Comme des matériels et des outillages, des stocks peuvent aussi être

l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ou être l’assiette

de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce dernier cas, il existe

donc la même ambiguïté relative au constituant comme en cas d’hypothèque

des matériels et des outillages. Étant donné qu’aucune loi spéciale ne la prévoit,

cette sûreté est soumise aux règles de l’hypothèque mobilière de droit commun.

La solution devrait être la même que pour cette dernière. Autrement dit, tout

débiteur propriétaire des matériels et des outillages peut constituer une

hypothèque sur eux. Tout type de créance peut être garanti par cette sûreté.

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Chapitre II – Le gage sans dépossession

191

L’hypothèque doit, à peine de nullité, être conclue par écrit et, à peine

d’inopposabilité, être inscrite. Le créancier garanti bénéficie du même droit que

le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire.

343. Ce qui nous rappelle qu’en droit français, on peut aussi constituer un

gage sans dépossession selon les règles du gage de droit commun sur un

ensemble de biens présents ou futurs, donc sur des stocks. Et, son régime est

plus souple que le gage spécial sur des stocks. Alors, on se demande quel rôle

jouera ce dernier gage en droit français185. Est- il vraiment nécessaire de

consacrer une sûreté spéciale qui soumet au régime spécial et qui a atténué le

succès de la reforme de 2006, alors qu’elle peut être couverte par le droit

commun?

344. Il existe aussi un autre gage spécial -- le warrant. Il s’agit d’un gage

pour lequel le constituant n’a pas à mettre son créancier en possession effective

des éléments gagistes de leur exploitation. C’est un gage propre aux

professionnels. Il peut porter sur les marchandises. Il peut être agricole,

commercial, industriel ou pétrolier. Cependant, ce type de gage est rarement

utilisé en pratique tant en droit français qu’en droit chinois. Il ne sera donc pas

utile de l’approfondir dans la présente thèse.

185 Yves PICOD, op. cit., p. 294 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 624.

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192

Titre II – Le nantissement de meubles incorporels

345. L’article 2355 du Code civil dispose expressément que « le

nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble

incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ».

Grâce à la réforme de 2006, les sûretés sur les meubles incorporels sont

aujourd’hui regroupées dans une seule catégorie. Cependant, l'unité de cette

notion n’implique pas forcément l’unification des régimes qui y sont rattachés.

Ceux-ci restent encore assez complexes et hétérogènes en raison de la diversité

de la nature de l’assiette du nantissement.

Le législateur chinois emploie le terme de « gage de droits » pour désigner

le « nantissement » au sens du droit français ; dans les textes suivants, nous

employons les termes de « gage de droits » et de « nantissement » dans un

même sens.

346. Pour être l’objet d’un nantissement, les meubles incorporels (les

droits selon la législation chinoise) doivent être des droits patrimoniaux

aliénables. La LDR pose expressément ces deux exigences. Les droits

extrapatrimoniaux, comme le droit de la personnalité et le droit au nom, ne

peuvent pas être gagés car ils n’ont pas de valeur économique. Les droits

inaliénables ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un nantissement ; c’est le

cas des droits inaliénables par nature (par exemple, le droit de succession,

l’obligation alimentaire réciproque entre ascendants et descendants), des droits

inaliénables convenus par les parties, des droits non saisissables (le droit à la

pension de retraite, etc.) et des droits interdits de cession, de saisie ou de gage

en vertu de lois spéciales, etc.. En effet, en cas de non-paiement de la créance

garantie, la réalisation du nantissement aboutit éventuellement au transfert de la

créance nantie.

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193

Le Code civil français est tacite sur ces points. Il ne mentionne que les

« meubles incorporels », mais il est tout logique que l'objet d'un nantissement

soit un droit patrimonial et aliénable en droit français.

347. Le Code civil français n’énumère pas les droits susceptibles d’être

nantis et n’unifie pas leurs régimes. Le chapitre consacré au nantissement de

meubles incorporels ne précise pas ce que recouvre cette notion car il ne traite

que du nantissement de créances. Les autres nantissements de meubles

incorporels sont soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues

pour le gage de meubles corporels (art. 2355, al. 4 et 5, C. civ.). Cette méthode

législative est singulière, car les termes de « gage » et de «nantissement »

touchent des assiettes bien différentes : l’assiette du gage est corporelle, celle

du nantissement est incorporelle186. S’il n’existe aucun nantissement autre que

le nantissement de créance et les nantissements réglés par lois spéciales, le

renvoi posé à l’article 2355 n’apporte donc aucun sens. S’il existe d’autres

nantissements autres que le nantissement de créance et les nantissements réglés

par lois spéciales, et si le même régime du gage de droit commun s’y applique,

il nous semble qu’il n’est pas nécessaire de distinguer les deux catégories

indépendantes de sûretés mobilières dans le code. Il est plus logique et plus

simple d’employer un seul terme, gage ou nantissement, pour couvrir le gage et

le nantissement en droit positif. S’agissant du nantissement de créance et des

nantissements spéciaux, il suffit de les traiter comme une application spéciale

du droit commun. Cette approche ne posera aucun problème structurel et

logique. De plus, elle s’adaptera mieux à la tendance à l’unité qui caractérise le

développement des sûretés mobilières internationales. Instaurer plusieurs

régimes de sûretés mobilières est sans aucun doute un point regrettable

important de la réforme de 2006.

186 Marie-Élisabeth MATHIEU, Les nouvelles garanties de financement, EFE, 2007, p. 41.

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194

348. Si cette situation en droit français relève plutôt d’un problème

technique inhérent à la structure du Code civil, il s'agit en droit chinois d’un

problème de fond. La LDR énumère avec précision sept catégories de droits

susceptibles d’être nantis : lettre de change, chèque, billet à ordre ; titre de

créance, livret d’épargne ; récépissé d’entrepôt, connaissement ; parts sociales

ou parts de fonds aliénables ; droits patrimoniaux aliénables des propriétés

intellectuelles ; effets à recevoir (ying shou zhang kuan/应收账款) ; droits

patrimoniaux susceptibles être nantis prévus par les lois ou décrets spéciaux.

Toutefois, cette loi ne compte que sept articles concernant le nantissement. Ces

dispositions sont évidemment insuffisantes pour une sûreté d’une telle

importance. C’est la raison pour laquelle son article 229 renvoie aux

dispositions du gage de droit commun, «à part les dispositions de la présente

section, le nantissement soumet également aux dispositions du gage situées

dans la première section du chapitre ». Malheureusement, deux types de sûretés

portant sur les assiettes de différentes natures soumettent au même régime, tout

comme le droit français. Le pire, c’est que le droit chinois maintient la

prohibition du pacte commissoire entravant la pratique du nantissement qui

aboutit souvent au transfert de la propriété du bien grevé.

349. De par la diversité des solutions offertes, les systèmes des

nantissements en droit français et en droit chinois sont l’un comme l’autre

d’une rare complexité.

Nous limiterons ici notre propos au nantissement de créance, qui constitue

le nantissement le plus emblématique des meubles incorporels, au nantissement

de compte d’instruments financiers et au nantissement de droits sociaux,

lesquels existent aussi bien en droit français qu’en droit chinois.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

195

Chapitre I – Le nantissement de créance

350. Le nantissement de créance est une sûreté assez complexe à deux

égards : d’une part, la créance nantie est incorporelle et sa possession est un

peu abstraite ; d’autre part, sa relation juridique est complexe car elle implique

une opération entre trois personnes – le créancier, le créancier et le débiteur de

la créance nantie. Il est à noter que le nantissement de créance recouvre une

notion assez distincte en droit français et en droit chinois. Nous l’analyserons

successivement par sa constitution et par ses effets.

Section I – La constitution du nantissement de créance

351. Pour constituer un nantissement de créance, certaines conditions de

forme et de fond sont à remplir.

§ I – Les conditions de fond

352. Est-ce que toute créance peut être donnée en garantie d’une créance ?

Si la réponse est négative, quel genre de créance peut l’être?

353. Le Code civil ne précise aucune condition de fond pour l’assiette du

nantissement. Toutefois, la créance nantie doit implicitement être patrimoniale

et aliénable. Autrement dit, toute créance disponible peut être nantie en droit

français. Il est possible notamment de donner en nantissement l’ensemble de la

créance nantie ou une fraction de celle-ci, si elle est divisible. Cette faculté

s’avère utile en matière de nantissement d’assurance-vie ou de police

d’assurance ; l’article L. 132-10 du Code des assurances autorise un tel

nantissement par renvoi exprès aux articles 2355 et suivants du Code civil187.

La créance présente ou future peut être nantie à la seule condition

d’assurer son individualisation. La créance future pouvant être l’assiette du

nantissement est explicitement visée aux articles 2355, alinéa 1 et 2356,

187 Marie- Élisabeth Mathieu, op. cit., p. 57.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

196

alinéa 3 du Code civil. Une créance future se définit comme une créance non

encore née mais dont les éléments permettant de l’identifier et d’assurer sa

naissance sont déterminés. La créance de prix d’un contrat de vente à terme est

l’exemple par excellence d’une créance future. En effet, l’article 2356, alinéa 3

stipule que « ...si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation

ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le

lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur

échéance ». Les éléments d’identification ne sont pas impératifs, les parties

sont libres de les déterminer. En pratique, il suffit que les créances puissent être

identifiées de quelque manière que ce soit. Dans cette hypothèse, le créancier

n’acquiert un droit sur la créance nantie qu’à la date de sa naissance (art. 2357,

C. civ.).

354. En droit chinois, la créance donnée en nantissement doit être

patrimoniale et aliénable. De plus, il faut distinguer les créances avec titre des

créances sans titre. Quant au nantissement de créance avec titre, il est soumis, à

défaut de dispositions spéciales, au régime du gage de droit commun. Quant au

nantissement de créance sans titre, la situation est beaucoup plus compliquée.

Afin de satisfaire les besoins des petites et moyennes entreprises et de

permettre l’épanouissement des activités bancaires de crédit, la LDR a instauré

un régime particulier du gage des effets à recevoir, suite aux demandes

pressantes des quatre banques commerciales d’État et de la banque centrale.

Issu de la comptabilité, le terme d’« effets à recevoir » est consacré par la LDR.

Mais les dispositions concernant ce gage sont trop simples : le gage ne prend

effet qu’une fois l’inscription faite auprès de l’organe de notation du crédit188,

le constituant ne peut transférer ses effets à recevoir après l’inscription, sauf

clause contraire (art. 228, LDR). L’article 4 des « Mesures d’inscription du

188 Il s’agit en effet du « centre d’administration de la notation du crédit » de la banque centrale de Chine.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

197

gage des effets à recevoir » (promulguées le 30 septembre 2007 par la Banque

populaire de Chine) en donne la définition, stipulant que les effets à recevoir

désignent les droits à paiement, présents ou futurs, du créancier en fournissant

des marchandises, des services ou des équipements. Selon le texte, ils

comprennent : les créances résultant de la vente, telles que les créances de

vente de marchandises, de fourniture d’eau, d’électricité, de gaz, de chauffage

et d’autorisation de propriété intellectuelle, etc. ; les créances résultant de la

location mobilière ou immobilière ; les créances résultant de la fourniture de

services ; les péages de route, de pont, de tunnel, d’embarcadère etc. ; les

créances résultant de prêts ou d’autres crédits. En revanche, ils ne comprennent

pas en principe les créances portant sur les effets de commerce ou les autres

titres de valeur mobilière, lesquelles sont considérées comme des créances

normales. Le terme d’« effets à recevoir » est ainsi un terme assez ouvert, à tel

point que nous pouvons nous demander s’il existe des créances sans titre autres

que les effets à recevoir au sens de la LDR. Selon le principe du numerus

clausus, seuls les effets à recevoir peuvent faire l’objet du nantissement de la

créance normale en droit positif chinois, sans préjudice de l’existence ou non

de créances normales autres que les effets à recevoir.

§ II– Les conditions de forme

355. Il y a deux conditions de forme : l'une est l’écrit qui constate la

convention du nantissement, l'autre est la publicité du nantissement.

A. La seule formalité ad validitatem en droit français

356. Quant aux conditions de forme, la réforme de 2006 a introduit une

simplification à deux égards.

357. D’une part, l’acte authentique ou enregistré qui était requis

avant 2006 est remplacé par un acte sous seing privé ou authentique. Sur ce

point, le législateur a abandonné la formalité impérative et laisse une plus

grande place à l’autonomie de la volonté des parties : c’est à elles qu’il revient

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Chapitre I – Le nantissement de créance

198

de choisir la forme de l’écrit. L’écrit demeure une condition ad validitatem d’un

nantissement de créance, qu’il porte sur la totalité ou une fraction de la créance

déterminé ou indéterminé : « à peine de nullité, le nantissement de créance doit

être conclu par écrit » (art. 2356, al. 1er, C. civ.). L’acte doit contenir la

désignation de la créance garantie et de la créance nantie (art. 2356, al. 2,

C. civ.). Si la créance est future, il doit contenir les éléments qui permettent de

la rendre individualisable : le débiteur, le montant de la créance ou son

évaluation, la date d’échéance ou bien la cause efficiente de la créance, etc. Dès

que cette seule formalité est remplie, le nantissement prend effet entre les

parties. Si le nantissement porte sur un objet particulier, tel qu'un compte

courant, l’article 2360 du Code civil le qualifie comme le nantissement du

solde du compte. L'objet visé est le « ... solde créditeur, provisoire ou définitif,

au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des

opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles

d'exécution ». Compte tenu de l’incertitude de l’assiette du nantissement, le

solde créditeur demeure éventuel tant que la sûreté n’est pas réalisée et la

créance nantie est susceptible de fluctuation ; l’intérêt de ce type de

nantissement est ainsi fortement limité dans la pratique189.

358. D’autre part, la dépossession n’est plus une condition de validité du

nantissement. Auparavant, le nantissement de créance était assimilé au gage de

droit commun, où la mise en possession de la créance nantie était une autre

condition de validité. La signification du nantissement au créancier (pour les

créances sans titre) ou la remise du titre de créance (pour les créances avec titre)

étaient les modalités principales de dépossession. Désormais, tout nantissement

de créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable

aux tiers à la date de l’acte du nantissement sans que cette opposabilité ne soit

189 Ibid., p. 61.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

199

soumise à une quelconque formalité190. Il est intéressant de noter la réserve

selon laquelle « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le

nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l'acte.

À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance »

(art. 2362, C. civ.). Avant la notification, seul le créancier de la créance nantie

(le constituant du nantissement) reçoit valablement paiement ; après la

notification, « seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance

donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts » ( art. 2363, C. civ.).

L’exigence stricte de signification du nantissement à peine de nullité est donc

remplacée par une simple notification qui rend le nantissement opposable au

débiteur de la créance nantie. La remise du titre résultant d’une jurisprudence

traditionnelle191 avait été cependant écartée par un arrêt lorsqu’elle était

impossible192. La réforme de 2006 consacre cette évolution jurisprudentielle en

abondant totalement dans le sens de l’exigence d’une remise du titre et réalise

ainsi une simplification du nantissement193.

B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois

190 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 235.

191 Cass. Req., 11 juin 1846, DP, 46. I. 252 : « le contrat de nantissement, même lorsqu’il a pour objet une créance, n’est parfait que par la remise de la chose faite par le débiteur à une époque où il a capacité pour en disposer ; la signification ne peut suppléer à la remise du titre ».

192 Cass. Civ. 1re, 10 mai 1983, sté Suisse d’assurances Winterturh, Bull. civ. I, no 141 ; D., 84.433, no Légier ; Defrénois 83, art. 33161, p. 1394, n. Piédelièvre ; D., 84, IR, 82, n. Vasseur. En l’espèce, les juges relèvent que la remise du titre était impossible parce que, d’une part, la dette n’était pas liquide (ce qui n’aurait pourtant pas empêché le créancier d’avoir un titre) et que, d’autre part, la mise en gage ne portait que sur une partie de la créance (cette fois, il y a, non pas vraiment impossibilité mais de graves inconvénients à obliger le cédant à se priver du titre dont il peut avoir besoin pour se faire payer la fraction de la créance qui n’a pas été cédée) : « si le privilège ne subsiste sur la chose donnée en gage qu’autant que celle-ci a été mise et est restée en possession du créancier conformément à l’article 2076, cette mise en possession est suffisamment réalisée au cas où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement impossible par la signification au débiteur de la créance donnée en gage prévue par l’article 1690 ». Le revirement par rapport à l’arrêt de 1846 est clair.

193 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 236.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

200

359. En droit chinois, la situation actuelle est similaire à celle qui

prévalait en droit français avant la réforme. La forme écrite et la dépossession

sont les deux conditions de validité du nantissement.

360. L’écrit est toujours une condition ad validitatem d’un nantissement

de créance. Cette exigence est tout à fait comparable à celle en vigueur en

France. L’acte doit contenir la désignation de la créance garantie et de la

créance nantie ou, si la créance est future, les éléments permettant de la rendre

individualisable.

361. Néanmoins, le nantissement de créance en droit chinois est assimilé

au gage de droit commun. Le législateur chinois employant le terme de « gage

de droits » pour désigner le nantissement de meubles incorporels, la remise de

la créance nantie au créancier est donc une autre condition de validité.

Concrètement, il faut distinguer les créances avec titre de celles sans titre.

Si la créance est avec titre (par exemple, lettre de change, chèque ou billet

à ordre), le gage de droits ne prend effet qu’à la remise matérielle du titre de la

créance (art. 224, LDR). La dépossession constitue à la fois une condition de

validité et d’opposabilité aux tiers. Par exception, si le titre de créance est à

ordre, c’est-à-dire que seul le créancier ou porteur indiqué sur le titre peut

exercer son droit de créance ou en jouir, le gagiste doit endosser le titre,

indiquant le fait du gage, avant de le remettre au créancier gagiste.

Si la créance est sans titre, soit une créance normale, il n’existe aucune

disposition qui la vise directement. La législation chinoise n’a pas reconnu

expressément, au sens général, le nantissement de créance comme c’est le cas

en droit français. Cette situation suscite une vive controverse. Certains auteurs

considèrent que l’objet du nantissement consacré par la loi ne comprend pas la

créance normale, telles que l’obligation du contrat, l’obligation de

l’enrichissement sans cause, etc. La doctrine majoritaire, toutefois, penche pour

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Chapitre I – Le nantissement de créance

201

l’affirmation du gage de créance normale194. Dans cette hypothèse, la remise

matérielle du titre est remplacée par la notification au débiteur de la créance

nantie. Cette notification vaut la dépossession de la créance nantie. Après

notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance

donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts. Sans autorisation du

créancier, le débiteur de la créance nantie ne peut régler sa dette au constituant

qui est créancier de la dette nantie. La notification au débiteur de la créance

nantie est alors une condition ad validitatem.

Il nous semble alors que le régime du nantissement de la créance est clair,

au moins sur le plan doctrinal. Cependant, Nous nous demandons si la

notification au débiteur de la créance nantie constitue une condition de validité

ou, au moins une condition qui lui serait opposable. Selon l’article 228 de la

LDR qui stipule que « ...le nantissement des effets à recevoir est valablement

constitué dès qu’il remplit la condition de la forme écrite et de l’inscription ...»,

il est logique de considérer que la notification constitue plutôt une condition

d’opposabilité au débiteur de la créance nantie. Le nantissement des effets à

recevoir est valablement constitué dès lors qu’il remplit la condition de la

forme écrite et de l’inscription.

Section II – Les effets du nantissement de créance

§ I – En droit français

362. Avant la réforme de 2006, il n’existait qu’un seul article consacré

aux effets du nantissement de créances, qui ne portait que sur les intérêts de la

créance nantie. Il ne disait rien du capital de la créance nantie sur lequel le

créancier garanti peut exercer son droit de nantissement. C’était donc le droit

194 WANG Liming, Titre consacré aux droits réels de l’avant-projet et les raisons législatives du Code civil chinois, Édition du droit, 2005, p. 509-511 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 360 ; FEI Anling, Études comparées du droit des sûretés, Éd. de l’Université de droit et de sciences politiques de Chine, 2004, p. 311.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

202

commun du gage qui s’appliquait, bien qu’il fût inadéquat en la matière.

Cependant, ce règlement posait deux difficultés majeures.

La première avait trait aux modalités de la réalisation du nantissement. En

théorie, ni la vente aux enchères, ni l’attribution judiciaire après estimation par

des experts n’avaient de sens pour une créance. Il ne restait ainsi qu’une seule

modalité de réalisation du nantissement, à savoir l’obtention du paiement direct

de la créance nantie. Cette pratique était consacrée par une jurisprudence195.

Cette modalité se heurtait peut-être au principe de prohibition du pacte

commissoire. Certains auteurs prétendaient qu’il n’en était rien lorsque la

créance avait pour objet une somme d’argent car la valeur du nantissement

sautait aux yeux, qu’il suffisait que le créancier garanti reçût un mandat ou une

délégation pour le paiement ; cela ne constituait pas un pacte commissoire196.

Cependant, cette solution comportait une faiblesse importante : le mandat était

caduc en cas de faillite du mandant (constituant du nantissement), dans

l’hypothèse où le créancier garanti avait besoin de plus d’exercer son droit de

mandat. En outre, le créancier garanti pouvait être primé par d’autres créanciers

titulaires d’une action directe contre le débiteur de la créance nantie.

La seconde difficulté concernait la discordance entre la créance nantie et la

créance garantie : « si la créance nantie venait à échéance avant la créance

garantie, aucun des deux créanciers ne pouvait recevoir seul le paiement -- ni le

constituant, car il n’était pas en possession de la créance, ni le créancier nanti,

car son droit n’était pas exigible – ils devaient le recevoir ensemble, à moins

que le débiteur de la créance nantie ne se libérât en faisant consigner le

paiement »197. Certains auteurs préconisent que le nantissement de créance dans

195 Cass. Com., 5 mars 1985, Bull. civ. IV, no 86, p. 75 ; 28 av. 1987, Bull. civ. IV, no 96, p. 73 ; D. 1988, somm. p.73, obs. F. DERRIDA ; 19, janv. 1988, Bull. civ. IV, no 43, p. 30.

196 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 239.

197 Ibid., p. 240.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

203

un tel cas se transformait en un nantissement de compte car le créancier

bénéficiaire avait en principe le devoir de consigner sur un compte productif

d’intérêts ; alors que certains autres n’est pas d’accord198.

363. Heureusement, l’ordonnance du 23 mars 2006 innove et pallie ces

faiblesses en affirmant que le créancier bénéficiaire du nantissement peut seul

recevoir valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en

intérêts. Cependant, la créance nantie n’est pas toujours à échéance à la même

date que la créance garantie. À cet égard, l’ordonnance apporte des solutions

claires.

A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la

créance garantie

364. Dans cette hypothèse, la créance nantie devient exigible, alors même

que la créance garantie ne l’est pas encore. Le créancier ayant effectué la

notification au débiteur de la créance nantie peut poursuivre l’exécution.

Cependant, le créancier de la créance nantie (constituant du nantissement) peut

aussi poursuive l’exécution. Les deux peuvent donc agir en paiement contre le

débiteur à condition, chacun, de prévenir l’autre créancier de son action. Mais,

quel que soit l’auteur de l’action, « seul le créancier nanti reçoit valablement

paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts »

(art. 2363, C. civ.). L’article 2364 alinéa 1 précise que « les sommes payées au

titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est

échue ». Ce paiement s’impute donc sur la créance nantie et sur la créance

garantie. Dans le cas contraire, l’alinéa 2 stipule, à l'égard des fonds perçus, que

« le créancier nanti les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès

d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si

198 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2002, no437 ; Contra, Cl. BRENNER, L’acte conservatoire, Bibl. de droit privé, t. 323, LGDJ, 1999, no 745, et invoquant la protection de droits concurrents éventuels, M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 2002, no 687.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

204

l'obligation garantie est exécutée ». Mieux encore, le créancier garanti affecte

les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées,

en cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une

mise en demeure restée sans effet.

365. Dans une telle hypothèse, le créancier garanti peut ainsi exiger le

paiement de la créance nantie, et le consigner sur un compte séquestre pour

protéger les intérêts du constituant du nantissement. Le propriétaire des

sommes ainsi consignées est le constituant. Le créancier de la créance garantie

ne peut pas percevoir ses intérêts. Le nantissement se transforme donc en un

gage-espèces jusqu’à l’échéance de la créance garantie, à charge de restituer les

espèces grevées au constituant.

B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la

créance garantie

366. Cette hypothèse suppose que le constituant tombe en faillite, sinon il

n’a pas besoin de réaliser le nantissement. La législation offre alors plusieurs

possibilités au créancier garanti.

En premier lieu, invoquant l’article 2365 du Code civil, le créancier

bénéficiaire du nantissement peut demander directement l’attribution judiciaire

de la créance nantie ou invoquer le bénéfice du pacte commissoire

éventuellement convenu dans l’acte constitutif du nantissement, sans attendre

l’échéance de la créance nantie. L’attribution peut donc être judiciaire ou

conventionnelle. Dans ce cas-là, l’estimation faite par expertise de la valeur de

la créance nantie n’est pas exigée car elle n’a pas de sens. Le créancier de la

créance nantie en devient alors le titulaire. Il peut donc se faire payer

directement par le débiteur de la créance nantie. Certes, en cas d’ouverture

d’une procédure collective à l’encontre du constituant, en application de

l’article L. 622-7 du Code de commerce, le pacte commissoire ne fonctionne

pas. Toutefois, cette gêne n’est que temporaire pour le créancier bénéficiaire du

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Chapitre I – Le nantissement de créance

205

nantissement car il a une seconde possibilité de réaliser son droit. En cas de

liquidation du constituant, rien n’empêche le créancier bénéficiaire de

demander l’attribution de la créance nantie.

En second lieu, il peut bien sûr attendre l’échéance de la créance nantie

pour agir en paiement contre son débiteur. Il n’y a pas grand risque pour le

créancier s’il a notifié le débiteur car lui seul peut recevoir le paiement après la

notification. La notification prive en effet le créancier de la créance nantie

(constituant du nantissement) du droit de percevoir le paiement. Elle constitue

alors un pouvoir de blocage et une forme du droit de rétention.

367. Cependant, le nantissement ne confère au créancier de la créance

garantie qu’un droit réel sur celle-ci. En principe, aucun droit personnel direct

ne le lie au débiteur de la créance nantie. Le paiement direct par le débiteur de

la créance nantie résulte de l’effet du droit réel de préférence du nantissement.

Pour créer un droit personnel direct, certains contrats fixent la délégation du

débiteur de la créance nantie agissant comme délégué, au créancier de la

créance garantie agissant comme délégataire. C’est pour cela que l’acte de

nantissement d’une police d’assurance-vie peut prévoir que l’assureur-délégué

paiera le créancier nanti délégataire199.

368. Un autre problème se posera si le créancier bénéficiaire du

nantissement ayant perçu le paiement peut le conserver quand un créancier

d’un rang préférable se manifeste et lui demande la restitution de cette somme.

C’est un problème difficile à résoudre. En principe, le créancier peut opposer

une exception de compensation entre sa dette de restitution du paiement perçu

et le montant de la créance garantie dû encore par le constituant. En effet, le

créancier d’un rang préférable n’a plus de droit sur la créance nantie déjà payée

puisque son débiteur (ici le constituant du nantissement) n’en avait pas

199 Marc MIGNOT, op. cit., p. 352.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

206

lui-même et puisqu’une telle exception de compensation aurait été opposable

au constituant, elle l’est nécessairement aussi à ce créancier. La Cour de

cassation a suivi ce raisonnement dans le cas du conflit opposant une banque

bénéficiant d’une cession Dailly et une autre banque réceptionnaire du

paiement de la créance cédée, donnant gain de cause à la seconde. Un tel

raisonnement suppose bien que la réception du paiement a une cause opposable

à celui qui agit en restitution ; si tel n’est pas le cas, la restitution du paiement

doit avoir lieu et la jurisprudence en donne une autre illustration : dans le

conflit opposant, d’une part, une banque bénéficiant d’une cession Dailly et

ayant reçu le paiement de la créance cédée et, d’autre part, un sous-traitant,

gain de cause a été donné au second au motif que, en application de

l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, la cession Dailly est inopposable

au sous-traitant200.

369. En outre, quelle que soit l’hypothèse, en application du principe

selon lequel la réalisation d’une sûreté ne peut jamais apporter au créancier une

satisfaction plus grande que la valeur de sa créance garantie, « s'il a été payé au

créancier nanti une somme supérieure à la dette garantie, celui-ci doit la

différence au constituant » (art. 2366, C. civ.).

§ II – En droit chinois

370. Le régime du nantissement de créance de droit commun en France

est ainsi nettement amélioré par la réforme du droit des sûretés de 2006, alors

qu’en droit chinois subsistent les deux difficultés susmentionnées. Comme nous

l’avons vu, le nantissement de créance avec titre ne pose guère de problème. En

revanche, le nantissement des effets à recevoir (soit des créances sans titres) est

difficile. Dans la mesure où la LDR ne consacre qu’un seul article à ce

nantissement, son régime renvoie en principe à celui du gage de droit commun.

200 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 241.

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Chapitre I – Le nantissement de créance

207

Ainsi, les problèmes qui existaient en droit français sous l’empire du droit

avant la réforme de 2006 apparaissent au grand jour en droit chinois.

371. D’une part, les modalités de réalisation du gage de droit commun ne

sont pas parfaitement adaptables au nantissement de créance. En particulier, la

vente aux enchères et la vente amiable n’ont pas de sens en matière de créance.

Il ne reste qu’une seule modalité – l’attribution conventionnelle de la propriété

de la chose grevée à travers la compensation sur estimation des parties lorsque

le gage est à échéance. L’estimation n’a guère de sens ici, car la créance nantie

est en principe pécuniaire. Nous considérons que cette modalité peut

s’appliquer parce que le créancier peut devenir le « propriétaire » (ici plutôt le

« titulaire », non au sens strict du droit des biens) de la créance nantie et ainsi

se substituer au constituant pour agir en paiement contre le débiteur de la

créance nantie. Le nantissement impliquerait alors nécessairement le transfert

de la propriété, lequel se heurte toutefois au principe de la prohibition du pacte

commissoire, toujours maintenu en droit chinois.

Les trois modalités de réalisation du gage de droit commun sont alors

impraticables dans le nantissement de créance. La doctrine propose que seul le

créancier de la créance garantie puisse valablement recevoir le paiement de la

créance nantie, après la constitution valable du nantissement et la notification

au débiteur. Cette modalité n’est cependant pas encore admise par la loi et

n’existe qu’en doctrine. Elle n’est pas applicable en pratique.

372. D’autre part, la créance garantie et la créance nantie n’arrivent pas

toujours à échéance en même temps. Si l’échéance de la créance nantie est

antérieure ou postérieure, comment réaliser le nantissement ? Ni la LDR ni les

autres textes législatifs ne donnent de réponse. Ce problème rend le

nantissement de créance impraticable en pratique. Le législateur et les

chercheurs chinois peuvent ainsi s’inspirent du droit français pour combler le

plus vite possible cette lacune législative.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

208

Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

373. Nous envisagerons successivement les conditions de la constitution

du nantissement de compte d’instruments financiers et leurs effets en droit

français et en droit chinois.

Section I – La constitution du nantissement

§ I – Les conditions de fond

374. En France, les « instruments financiers » sont une catégorie juridique

créée par la loi du 2 juillet 1996, aujourd’hui intégrée au Code monétaire et

financier. La loi n’admet la constitution du nantissement que sur certains

instruments financiers : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts

ou actions d’organismes de placement collectifs et les instruments financiers à

terme. Aujourd’hui, la plupart sont dématérialisés mais inscrits sur un compte

ouvert au nom de leurs titulaires et tenu par un tiers : une personne morale

émettrice, un intermédiaire habilité ou un dépositaire central. Le nantissement

d’instruments financiers semble porter sur un compte. En outre, l’objet du

nantissement peut être considéré comme une universalité de fait constituée par

le compte, un bien distinct des objets qui le composent. Le nantissement ne

porte pas sur le compte lui-même, qui est un simple portefeuille, mais sur tel

instrument figurant au compte au moment de la constitution. Cela permet une

gestion dynamique de l’assiette initialement figurée au compte pendant la durée

du nantissement, par le jeu de la subrogation réelle, de l’accessoire, de

l’accession... Telle est la position de l’ordonnance du 24 février 2005 qui ajoute

une phrase à l’article L. 431-1 du CMF affirmant que « les instruments

financiers et les sommes en toute monnaie postérieurement inscrits au crédit du

compte gagé, en garantie de la créance initiale du créancier gagiste, sont soumis

aux mêmes conditions que ceux y figurant initialement et sont considérés

comme ayant été remis à la date de déclaration de gage initiale ». L'objet du

nantissement comprend donc les instruments financiers y figurant initialement,

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

209

ceux qui y sont substitués par subrogation réelle, ainsi que ceux qui les

complètent par clause d’arrosage. Il comprend également les fruits et produits

de ces instruments financiers. Ces dispositions expliquent l’attrait de ce type de

nantissement dans la pratique du crédit.

375. En droit chinois, en revanche, aucune loi ne définit expressément les

« instruments financiers ». Se référant aux Normes comptables internationales

No 32 (IAS 32), certains auteurs les définissent comme des contrats « qui

constituent des actifs financiers dans une entreprise et à la fois, des passifs

financiers dans une autre entreprise »201. Il s’agit alors d’un terme comptable au

sens très large. En effet, grâce à la mondialisation économique, les régimes des

instruments financiers dans les différents pays sont plus ou moins proches. En

matière de ce genre de nantissement, le régime chinois est proche de celui du

droit français. Seuls certains instruments financiers peuvent faire l’objet d’un

nantissement : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts ou actions

d’organismes de placement collectifs et leurs produits dérivés. Récemment ils

sont pour l'essentiel dématérialisés sur un compte ouvert au nom de leurs

titulaires et tenu par un tiers : une personne morale émettrice, un intermédiaire

habilité ou un dépositaire central. Le nantissement d’instruments financiers

semble ainsi porter sur le compte. Or, ce n’est pas sur le compte proprement dit,

mais sur les valeurs qui y figurent au moment de la constitution. La gestion

courante des biens initialement inscrits au compte se poursuit pendant la durée

du nantissement. Outre les instruments financiers y figurant initialement,

l’assiette du nantissement s’étend à ceux qui leur sont substitués par

subrogation réelle, ceux qui les complètent par clause d’arrosage, ainsi que

leurs fruits et produits.

201 HUANG Huoping, Des instruments financiers, http://www.chinapostnews.com.cn /1070/10700706.htm.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

210

376. Cependant, la loi française, pas plus que la loi chinoise, ne prévoit

expressément la créance garantie. Ce sont donc les règles du droit commun des

sûretés réelles qui s’appliquent.

§ II – Les conditions de forme

377. Comme toute sûreté réelle, le contrat du nantissement doit être

conclu sous forme écrite entre le constituant et le gagiste, en précisant les

éléments essentiels de la convention et les règles de fonctionnement du compte

pendant la durée de la garantie. C’est la même exigence dans les deux systèmes

juridiques.

378. Cependant, en droit français, le nantissement n’est valablement

constitué, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et

des tiers, que par une déclaration signée par le titulaire du compte à

l'établissement teneur du compte. Cette déclaration est maintenant une

condition de validité du nantissement (art. L. 431-1 et L. 431-4, CMF). La

constitution du nantissement ne peut donc résulter que de la déclaration

adressée au teneur du compte (en respectant les conditions de forme énoncées

par l’article 1er du décret du 21 mai 1997), mais non de la dépossession des

instruments financiers au profit du créancier, qui était antérieurement acceptée

par la Cour de cassation dans la mesure où la déclaration ne constituait pas une

condition de validité de gage202. Donc, le nantissement de compte d'instruments

financiers ne prend effet qu'à compter de la date de réception de la déclaration

par le teneur du compte.

S’agissant du contenu de la déclaration, celle-ci doit comporter certaines

mentions obligatoires fixées par décret203: la dénomination « déclaration de

202 Cass. Com., 7 mars 1995, Bull. civ. IV, no 73, Defrénois 95, art. 36091, no 2, n. Hovasse ; sous l’empire de l’article 29 dans sa version initiale, les formalités n’étaient pas des conditions de validité du contrat de nantissement ; seul importe le fait que des valeurs mobilières aient été « entiercées » ; Contra : Dominique LEGEAIS, op. cit., no 22.

203 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2008, p. 392.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

211

gage de comptes d'instrument financiers » ; les mentions stipulant que la

déclaration est soumise aux dispositions de l'article L. 431-4 du Code

monétaire et financier ; le nom ou la dénomination sociale, ainsi que l'adresse

du constituant et du créancier gagiste ; le montant de la créance garantie ou, à

défaut, les éléments permettant d'assurer l'identification de cette créance ; les

éléments permettant l'identification du compte spécial ; la nature et le nombre

des instruments financiers inscrits initialement au compte gagé.

Le constituant du nantissement, ainsi que le créancier nanti, peuvent

obtenir, sur simple demande de leur part, une attestation du teneur de compte

leur indiquant l’inventaire des instruments financiers et les sommes en toute

monnaie inscrits dans le compte nanti à la date de délivrance de cette

attestation.

En énonçant que « le créancier gagiste définit avec le titulaire du compte

les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des instruments

financiers et des sommes en toute monnaie figurant dans le compte gagé »

(art. L. 431-4 IV, CMF), le CMF confirme que la déclaration ne réalise pas la

dépossession de l’assiette du nantissement du constituant, lequel reste en

possession du bien nanti. Il peut donc gérer son compte nanti, ou en disposer,

par exemple constituer plusieurs nantissements successifs.

379. À la différence de l’exigence de signification en droit français, la loi

chinoise exige que le nantissement soit inscrit auprès d’organes chargés de

l’inscription si les instruments nantis sont dématérialisés ; s’il existe encore des

titres matériels, la loi requiert la dépossession des titres du constituant (art. 224

et 226, LDR). L’inscription ou la dépossession est une condition de validité de

la constitution du nantissement. La dépossession des titres se réalise par la

remise entre les mains du créancier garanti et ne suscite aucun problème. En

revanche, l’inscription du nantissement se heurte à des difficultés car la loi

n’unifie ni le procédé ni le contenu de l’inscription. Seuls deux règlements

traitent des nantissements des actions (y compris les parts des fonds de

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

212

placement en valeurs mobilières) cotées à la Bourse des valeurs de Shanghai et

à celle de Shenzhen204.

380. Il existe aussi un texte normatif sur le nantissement des obligations :

La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement

des obligations205. Cependant, ses articles traitent tous du nantissement des

instruments financiers détenus par les établissements financiers. En pratique et

en doctrine, les instruments financiers détenus par des individus n’attirent guère

l’attention des praticiens et des juristes ; or, aux termes des articles 223, 224 et

226 de la LDR, rien ne s’oppose à leur nantissement. Les obstacles sont plutôt

d’ordre pratique, en raison de l’extrême déstabilisation des valeurs de ce type

de bien (notamment le fait que les marchés chinois des actions soient

relativement défectibles par rapport aux pays où l’économie de marché est

relativement développée et, contreviennent souvent aux lois économiques

fondamentales).

381. Par conséquent, le nantissement des instruments financiers en droit

chinois est plutôt restrictif et inefficace comparé au système établi par le droit

français. Il sera nécessaire de combler cette lacune, pour ne pas dire de

révolutionner tout le système.

Section II – Les effets du nantissement

382. Les instruments financiers sont des produits artificiels géniaux et

complexes. Leur nantissement implique au moins trois parties : le créancier

garanti, le constituant et la société émettrice ou un intermédiaire financier. Les

204 V. Les guides des opérations d’inscription du nantissement des actions détenues par les sociétés de portefeuille rendus par la succursale à Shenzhen de la société à responsabilité limitée (SARL) chargée des inscriptions et des règlements des valeurs mobilières et les Règlements détaillés d’application d’inscription du nantissement des actions rendus par la Bourse des valeurs à Shanghai.

205 La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement des obligations est promulguée par la SARL chargée des inscriptions et des règlements des obligations nationales.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

213

effets varient selon que l’on se situe avant ou après l’échéance de la créance

garantie.

§ I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance

garantie

383. En premier lieu, pendant la période qui suit la constitution du

nantissement et avant l’échéance de la créance garantie, les valeurs des

instruments financiers varient toujours selon le cours du marché. Il est donc très

important, non seulement pour le constituant lui-même, mais aussi dans

l’intérêt du créancier nanti, de permettre au titulaire de gérer quotidiennement

son compte.

Dans cette optique, le droit français reconnaît le droit de gestion au

constituant. Par exemple, si les cours des marchés boursiers ou des instruments

financiers à terme sont en baisse, le titulaire peut vendre immédiatement afin

d’éviter l’accroissement de la perte. Ce mécanisme, ajouté au fait que le

nantissement est constitué par la seule déclaration signée par le constituant,

rend concevable la constitution de plusieurs nantissements successifs206.

Sur ce point, le droit chinois est trop rigoureux et archaïque car il interdit

au constituant de céder les biens nantis, sauf consentement préalable du

créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR), alors que les marchés boursiers varient et

réagissent aujourd'hui en un clin d’œil. L’exigence du consentement préalable

augmente le délai de transaction et donc les risques de perte. Cette rigidité

s’explique par le fait que les juristes chinois ne réalisent pas très bien que le

nantissement ne porte pas directement sur les instruments eux-mêmes mais sur

le compte, qui est considéré comme une universalité de fait en droit français207.

206 G. FERREIRA, Le nantissement de second rang, JCP E 2005, 80.

207 D. R. MARTIN, Du gage d’actifs scripturaux, D. 1996, Chron. no 12, p. 265 ; F. ZENATI, L’immatériel et les choses, APD 1999, t. 43, p. 94 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 580.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

214

De toute façon, après la constitution du nantissement, le constituant en droit

chinois ne peut ni aliéner librement les instruments nantis, ni les affecter pour

garantir une autre créance. S’il les aliène avec le consentement du créancier

garanti avant l’échéance de la créance, il doit consigner le prix acquis ou

procéder à l’acquittement anticipé de sa dette (art. 226, al. 2, LDR).

384. En deuxième lieu, le contenu du contrat du nantissement est

relativement libre. La convention initiale conclue entre les parties peut préciser

les règles de fonctionnement du compte et les pouvoirs respectifs des parties208.

Dans la pratique du crédit français, les parties conviennent souvent d’une

obligation pour le constituant de reconstituer la valeur de la garantie dès lors

qu'elle atteint un plancher fixé par les parties. Alors qu’en droit chinois, elles

accordent souvent au créancier garanti le droit de solder les actions ou d’autres

instruments financiers à terme figurant sur le compte si l’abaissement de leur

valeur atteint le seuil fixé par les parties.

385. En troisième lieu, au cours du nantissement, le créancier bénéficie

des droits patrimoniaux des instruments mais ne peut exercer les droits

personnels qui s’y rattachent. En tant que titulaire des instruments, le

constituant exerce, sauf convention contraire, les droits de vote et les droits

pécuniaires les concernant. Les droits français et chinois adoptent ici la même

solution.

§ II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie

386. À l’échéance de la créance garantie, le créancier garanti peut exercer

ses droits attachés au nantissement, lesquels apparaissent à l'énoncé des règles

relatives aux droits conférés au créancier gagiste. Afin de renforcer les

avantages de cette garantie, le législateur a instauré un régime relativement

souple qui facilite l’exercice des prérogatives reconnues au créancier.

208 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 393.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

215

387. Tout d’abord, le créancier garanti en droit français bénéficie du droit

de rétention sur le compte nanti, qui peut s’exercer aussi bien sur les

instruments financiers nantis que sur la somme en toute monnaie figurant au

compte nanti, comme la loi le reconnaît expressément (art. L. 431-4 IV, CMF).

Cette disposition est le corollaire de l’universalité de fait qui qualifie le compte

nanti. Selon certains auteurs, une telle reconnaissance du droit de rétention était

une condition du succès de ce type de sûreté, mais elle n'allait pas de soi dès

lors que l'on considérait que le nantissement avait pour assiette des biens

dématérialisés209 ; d’autres, à l’inverse, analysent que la reconnaissance se

fonde sur la nature corporelle des instruments nantis210. En droit chinois, le

droit de rétention ne peut s’exercer que sur des meubles (art. 230, LDR) et la

notion de meuble ne comprend pas les droits qui sont des biens incorporels. Le

créancier du nantissement ne bénéficie donc pas du droit de rétention. Dans ce

cas, afin de protéger les intérêts du créancier garanti, la loi interdit au

constituant d’aliéner les instruments nantis. Cette interdiction est toutefois

difficile à mettre en pratique car l’inscription du nantissement n'équivaut pas au

blocage du compte, le constituant peut aussi gérer son compte ; pour ces raisons,

le nantissement des instruments financiers détenus par des individus est presque

impraticable en droit chinois.

388. Par ailleurs, le créancier garanti bénéficie du droit de préférence sur

la valeur des instruments financiers nantis. En effet, cette valeur est facilement

réalisable puisqu’il existe des procédures particulières de mise en vente des

instruments financiers nantis. Grâce à l’organisation des marchés boursiers et

au fait que la majorité des instruments financiers sont cotés en bourse, la loi

française confère au constituant la possibilité de les vendre directement, sans

209 Ibid., p. 394.

210 D. R. MARTIN, op. cit., p. 265.

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Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers

216

avoir besoin de l’autorisation judiciaire ou de celle du créancier211. Ce dernier

exerce son droit de préférence sur la valeur figurant sur le compte, grâce à la

qualification de l’universalité du compte nanti. En droit chinois, l’exercice de

ce droit rencontre des problèmes : les instruments financiers nantis restant sur

le compte du constituant, le créancier ne peut les vendre lui-même directement

sans le concours du constituant et, qu’il ne peut donc que faire une demande en

justice, dont le traitement prend du temps.

389. Enfin, en droit français, le créancier garanti peut se faire attribuer les

instruments financiers nantis jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

Par rapport au droit commun du gage, l'attribution est largement facilitée. Le

problème de l’estimation des biens nantis et le risque de fraude disparaissent

dès lors que les instruments financiers sont cotés en bourse. En droit chinois, en

revanche, il manque là encore des règles pour assurer le fonctionnement de ce

mécanisme.

211 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 394.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

217

Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

390. Les droits sociaux sont des droits personnels et patrimoniaux

conférés au profit de chaque associé contre la société. Ils se matérialisent soit

dans une part sociale seulement cessible, soit dans une action négociable plus

ou moins librement. Ils sont maintenant susceptibles d’être l’objet d’un

nantissement tant en France qu’en Chine. Quant à la technique législative, les

législateurs français et chinois emploient, aux termes respectifs de

l’article 2355, alinéa 5 du Code civil et de l’article 229 de la LDR, la même

méthode de renvoi au droit commun du gage de meubles corporels s’il n’existe

pas de dispositions spéciales. Néanmoins, il convient d’établir une distinction

entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux puisque les règles qui

s'appliquent sont bien différentes.

Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un

caractère intuitu personae

§ I – En droit français

391. Selon l’article 1866 du Code civil, les parts sociales de sociétés

civiles peuvent faire l’objet d’un nantissement. Ce dernier est constaté par un

écrit authentique ou sous seing privé qui doit être signifié à la société ou

accepté par elle dans un acte authentique. La signification peut être considérée

comme une forme de dépossession212. Aucune remise du titre n’est exigée. En

revanche, la publicité213 est requise pour son opposabilité, dont la date

détermine le rang des créanciers nantis. Quant à la réalisation du nantissement

par attribution en paiement ou vente forcée, il faut distinguer deux cas, selon

que le nantissement a été préalablement autorisé ou non par les associés autres

que l’associé constituant. Dans le premier cas, l’autorisation préalable

212 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578.

213 Cette publicité exige que le nantissement soit inscrit sur un fichier tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de la société dont les parts sont nanties.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

218

« emporte agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts

sociales à la condition que cette réalisation soit notifiée un mois avant la vente

aux associés et à la société » (art. 1867, C. civ.). Pour éviter l’irruption d’un

associé étranger dans la société, celle-ci peut racheter les parts sans délai et

réduire son capital. Dans le second cas, la réalisation forcée du nantissement se

heurte principalement à l’intuitu personae qui caractérise les sociétés de

personnes. Les associés n’acceptant pas la réalisation du nantissement et

l’entrée d’un étranger dans la société peuvent demander la dissolution de la

société ou se substituer au cessionnaire dans un délai de cinq jours à compter

du jour de la vente (art. 1867 et s., C. civ.).

392. S’agissant des sociétés en nom collectif (SNC) et à responsabilité

limitée (SARL), leurs parts sociales peuvent aussi être nanties214. Il n’existe

cependant aucun texte spécial concernant ce type de nantissement et,

conformément au renvoi fixé par l’article 2355 du Code civil, c’est le droit

commun du gage de meubles corporels qui s’applique. Le nantissement est

donc un contrat solennel qui doit prendre la forme écrite. La publicité sur un

registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de

la société dont les parts sont nanties assure son opposabilité. Quant aux effets

de ce type de nantissement, comme il ne réalise pas de dépossession, il ne revêt

aucun droit de rétention. Régie par l’article L. 223-15 du Code de commerce, sa

réalisation s’approche de celle du nantissement en droit des sociétés civiles215.

§ II – En droit chinois

393. La définition des parts sociales qui peuvent être l’objet d’un

nantissement est ambiguë en droit chinois. L’article 223 de la LDR énonce

simplement que des droits sociaux aliénables peuvent être nantis. En invoquant

214 Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 314 ;, Yves PICOD, op. cit., p. 578.

215 Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

219

les articles 75 et 78 de la LS, certains auteurs considèrent que les droits sociaux

objets du nantissement ne visent que les parts sociales de SARL et les actions

de SA216. D’autres s’opposent à cette restriction, en arguant du fait que les parts

des entreprises en coopération (assez comparables aux sociétés en nom collectif

en droit français) peuvent aussi faire l’objet de ce type de nantissement217.

Si nous nous référons à l’article 25 de la Loi sur les entreprises en

coopération, qui énonce expressément que « si un associé affecte sa part sociale

en nantissement, il doit avoir le consentement unanime de tous les associés.

Sinon, le nantissement est nul … », il nous faut admettre la dernière opinion.

Pour constituer ce type de nantissement, il faut donc qu’il soit conclu par acte

écrit, ait le consentement unanime préalable de tous les associés, et soit inscrit

auprès du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de

l’entreprise (art. 226, al. 1, LDR). Après la constitution, l’associé ne peut pas

aliéner ses parts, même si l’aliénation est conforme au statut de l’entreprise,

sauf avoir le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR).

Néanmoins, ce type de nantissement soulève des difficultés quant à sa

réalisation, qui résident principalement dans la responsabilité des associés. En

effet, les associés d’une entreprise en coopération sont tenus solidairement et

indéfiniment des dettes de l’entreprise. Si un associé constitue un nantissement

sur sa part sociale, qui est accordée par tous les associés, comment réaliser le

droit du créancier nanti en cas de non paiement de la créance ? Le cessionnaire

devient-il l’associé de l’entreprise ou cette dernière rachète-t-elle les parts

nanties comme en droit français ? En effet, l’associé constituant du

nantissement va sûrement chercher par n’importe quel moyen à se retirer de

l’entreprise. Il en découlera inévitablement un changement de solvabilité de

216 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 362-363 ; Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 84.

217 YANG Hong, op. cit., p. 259-261.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

220

l’entreprise. Deux hypothèses sont envisageables pour protéger les intérêts des

créanciers. Dans la première hypothèse, si l’entreprise rachète les parts nanties,

l’associé constituant se trouve évincé de l’entreprise. Les intérêts du créancier

bénéficiaire du nantissement sont assurés, mais les associés doivent procéder au

règlement de compte lors de la mise à l’écart. Dans la seconde hypothèse, le

créancier nanti devient associé de l’entreprise. Il a donc le droit de gérer

l’entreprise, de bénéficier des profits, et il est tenu solidairement et

indéfiniment aux dettes de l’entreprise. Dans les deux cas, l’associé constituant

n’est pas complètement libéré des dettes de l’entreprise, il est encore tenu des

dettes qui sont nées avant son départ (art. 53, Loi sur les entreprises en

coopération).

394. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée (SARL), le

principe du nantissement des parts rencontre peu d’opposition. Pour la valable

constitution, il faut qu’il soit conclu sous forme écrite et inscrit auprès du

Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société

(art. 226, al. 1, LDR). La loi ne prévoyant pas d’autre texte spécial pour ce type

de nantissement, c’est le droit commun du gage de meubles corporels qui

s’applique, conformément au renvoi fixé par l’article 229 de la LDR. Ce renvoi

s’avère en fait la source des difficultés. En effet, l’article 178 de la LDR énonce

un principe général selon lequel « il faut appliquer la présente loi en cas de

conflit entre celle-ci et la LS ». L’article 78 de la LS stipule que « il faut

appliquer au nantissement de parts de SARL les règles concernant la cession de

parts dans la Loi sur les sociétés ». Vu que la règle sur les conflits énoncée par

l’article 178 de la LDR et la règle de renvoi fixée par l’article 229 de cette

même loi, il ne reste aucune place pour appliquer les règles concernées de la

Loi sur les sociétés. Cependant, les auteurs se réfèrent toujours aux règles de

cession de parts prévues par la Loi sur les sociétés. Il faut donc établir une

distinction entre le nantissement de parts d’une SARL pour le créancier

intérieur, associé de la société, et le nantissement pour le créancier extérieur à

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

221

la société. Dans le premier cas, les auteurs s’accordent à dire que le

consentement de la majorité (majorité simple) ne doit pas être exigé. Dans le

second cas, en revanche, certains auteurs insistent sur le fait que le

consentement majoritaire est exigé en vertu de l’article 72 de la Loi sur les

sociétés218 ; d’autres considèrent que cette exigence ne s’applique qu’à la

cession de parts, c’est-à-dire pour la réalisation du nantissement, et n’est pas

nécessaire pour sa constitution219. Cette dernière opinion est plus raisonnable

car, d’une part, le nantissement n’entraîne pas nécessairement la cession de

parts nanties et, d’autre part, l’exigence de consentement préalable provoque

inévitablement l’augmentation du délai et des coûts pécuniaires associés à la

constitution d’un nantissement.

Avant l’échéance de la créance, le constituant ne peut pas aliéner les parts

nanties sans le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR). Ce

dernier bénéficie des droits patrimoniaux des parts nanties. Il en perçoit donc

les fruits et les impute sur les intérêts et le principal de la créance comme en cas

du gage de meuble corporel. Quant aux droits personnels, tels que le droit de

vote, de gestion etc., seul l’associé a le droit de les exercer en sa qualité

d’associé de la société. En cas de non paiement de la créance à l’échéance, le

créancier peut exercer ses droits découlant du nantissement. Il peut choisir de

devenir associé de la société, si la majorité des associés sont d’accord ; si tel

n’est pas le cas, les associés autres que l’associé constituant doivent acheter les

parts nanties et, s’ils ne les achètent pas, cela équivaut à un consentement à la

cession (art. 72, Loi sur les sociétés). Il peut également choisir de vendre les

parts nanties et, dans ce cas là, les autres associés ont le droit de préemption

dans les mêmes conditions. Or, la société ne peut pas racheter les parts nanties

218 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 363 ; GUO Mingrui, Droit des sûretés, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1998, p. 228.

219 YE Jinqiang, La théorie du droit des sûretés, Éd. de science, 2002, p. 217 ; YANG Hong, op. cit., p. 258.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

222

car une telle opération entraînerait la diminution du capital social et affaiblirait

sa solvabilité.

395. Quant à la société civile, ce type de société n’existe pas en droit

chinois.

396. Par conséquent, le nantissement des parts sociales des sociétés de

personnes est plus restrictif en droit chinois qu’en droit français. De plus, leurs

règles s’appliquant aux différents types de sociétés sont plus diverses que le

dernier.

Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de capitaux

§ I – En droit français

397. En ce qui concerne le nantissement de parts des sociétés de

capitaux220, le législateur français n’a rien prévu. Selon le renvoi posé à

l’article 2355 du Code civil, il est soumis aux dispositions du droit commun du

gage de meubles corporels. En effet, les juristes français consacrent peu de

recherches fouillées sur ce point. Certains estiment qu’il convient aussi de faire

une distinction selon que la société anonyme a consenti ou non au nantissement

d’actions221. Dans le premier cas, la solution est similaire à celle du

nantissement des parts de sociétés de personnes. Dans le second cas, il semble

que la société ne peut que racheter les actions du cessionnaire. Cependant, une

société de capitaux ne présente aucun caractère intuitu personae propre aux

sociétés de personnes. Il s’agit d’une société ouverte dont les actions sont

librement négociables et transmissibles. Rien n’empêche les actionnaires de

librement aliéner ses actions, sauf dans certains cas particuliers. Il n’est donc

pas raisonnable d’appliquer par analogie les règles en vigueur pour les sociétés

220 Considérant le petit nombre des sociétés en commandite par actions en pratique, il vise principalement les sociétés anonymes (SA).

221 Marc MIGNOT, op. cit., p. 359.

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

223

de personne. La lacune législative sur ce point doit être comblée dans la

réforme à venir.

§ II – En droit chinois

398. En droit chinois, personne ne s’oppose à la possibilité du

nantissement des actions de société anonyme (SA). À la différence des parts de

SARL, celles-ci sont en principe librement négociables et transmissibles. Un

actionnaire peut donc, en principe, librement affecter la totalité ou une partie de

ses actions en nantissement, sans avoir besoin du consentement des autres

actionnaires. Toutefois, comme pour le nantissement de parts de SARL, la

constitution du nantissement est soumise à la forme écrite et à une inscription

auprès de l’établissement chargé des inscriptions et des règlements des actions

ou, du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société

si les actions ne sont pas émises publiquement et le nombre des actionnaires est

inférieur à 200 (art. 226, al. 1, LDR). Cependant, il n’existe pas d’autre texte

spécial dans la LDR concernant ce type de nantissement et le droit commun du

gage de meubles corporels s’applique comme pour le nantissement de parts de

SARL.

399. Il existe en particulier des actions dont la libre aliénation est limitée

par la Loi sur les sociétés. Ce sont les actions détenues par les fondateurs de la

société qui ne peuvent être aliénées pendant un an à compter de la constitution

de la société, celles par les administrateurs, les membres du conseil de

surveillance et les gérants de la société qui ne peuvent être aliénées, chaque

année, que dans la limite de 25% de la totalité du portefeuille détenu etc.

(art. 42, Loi sur les sociétés). Ces actions limitées peuvent-elles être nanties ?

La doctrine témoigne d’une vive controverse sur ce point. Certains auteurs

estiment que, dans la mesure où elles ne peuvent pas être aliénées pendant une

période ou dans une quantité restreinte, il est logique qu’elles ne puissent pas

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Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux

224

être l’objet d’un nantissement dans le cadre de cette restriction222. D’autres

considèrent que la prohibition du nantissement de ce type d’actions est trop

sévère pour leurs titulaires, puisque c’est la réalisation du nantissement qui va

entraîner la cession des actions nanties, non sa constitution. Par conséquent, la

constitution du nantissement des actions dans la période limitée ne posera

aucun problème si l’échéance de la créance nantie est postérieure à celle-ci223.

Il faut dire que ce dernier point de vue est beaucoup plus favorable au

développement du crédit. Maintenant que des biens futurs (qui ne sont pas

aliénables lors de la constitution de la sûreté réelle) peuvent être l’objet de

sûreté réelle, il n’est donc pas judicieux d’interdire le nantissement des actions

limitées qui sont comparables aux biens futurs, puisque celles-ci sont

temporairement inaliénables et seront aliénables dans le futur. Il suffit donc que

les actions nanties ne soumettent plus aux limites posées au moment de sa

réalisation, d'autant plus que le nantissement n’entraîne pas nécessairement la

cession de parts nanties.

222 GUO Mingrui, op. cit., p. 227 ; YAN Tianhuai, Du nantissement de droits sociaux, in Droit chinois, 1999, I ; HU Ji, De la constitution du nantissement de droits sociaux, in Droit, 1998, VI.

223 YANG Hong, op. cit., p. 256-257.

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225

Titre III – La réserve de propriété

400. La réserve de propriété est une disposition contractuelle par laquelle

les parties d’un contrat conviennent de réserver au vendeur le droit de propriété

du bien vendu jusqu’au complet règlement du prix. Elle a pour but d’assurer au

vendeur qui consent un crédit à l'acheteur le paiement au prix de la chose

vendue, sans avoir à courir le risque de subir des éventuels créanciers de

l'acquéreur.

401. La réserve de propriété fait échec, en droit français, à celui énoncé

par l’article 1583 du Code civil « la propriété est acquise de droit à l’acheteur à

l’égard du vendeur, dès lors qu’on est convenu de la chose et du prix… », et, en

droit chinois, au principe énoncé par l’article 133 de la LC « la propriété (de la

chose vendue) est transférée dès la remise de la chose…». Le transfert normal

de la propriété de la chose vendue est ainsi retardé jusqu’au jour du paiement

total. Nous envisagerons ici sa constitution, sa nature juridique et ses effets

juridiques.

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Chapitre I – La constitution

226

Chapitre I – La constitution

402. La réforme française de 2006 réglemente très précisément la réserve

de propriété sur les meubles. En cette matière, en permettant au vendeur de

revendiquer la chose vendue en tant que propriétaire et de déjouer ainsi la

concurrence des autres créanciers, la réserve de propriété joue vraiment un rôle

de garantie du crédit224. La réserve de propriété peut donc être utilisée en

matière immobilière comme en matière mobilière, à condition d’être conclue

dans le contrat de vente, ou dans tout autre contrat225 comme un contrat

d’entreprise226.

403. En droit chinois, l’article 134 de la LC consacrant la réserve de

propriété énonce simplement que « les parties peuvent convenir dans le contrat

de vente que si l’acheteur n’exécute pas ses obligations convenues telle que le

paiement ou d’autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Ainsi,

seule la clause de réserve de propriété conclue dans le contrat de vente est

valable, celle conclue dans tous autres types de contrat est inutile. Cependant,

la disposition ne traite pas expressément de son domaine d’application en

matière mobilière ou immobilière. Pratiquement et théoriquement, personne ne

met pas en question son application en matière mobilière.

Nous envisagerons successivement sa constitution dans les deux systèmes

juridiques.

Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit français

404. La réserve de propriété est une opération de nature conventionnelle.

Elle doit donc faire l’objet de l’accord des volontés des parties intéressées.

224 Yves PICOD, op. cit., p. 452.

225 Cass. com., 19 nov. 2003, JCP G 2004, I, 113, p. 336, n. Ch. CARON ; RD banc. fin., mars-avr., 2004, comm. 70, obs. D. L. ; D. Affaires, 2004, J. 801, n. A. et E-X. Lucas ; Yves PICOD, op. cit., p. 452.

226 Cass. com., 21 mai 2001, RTD civ. 2001, no 6, p. 930, obs. Pierre CROCQUE.

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Chapitre I – La constitution

227

405. En droit français, seule la créance qui constitue la contrepartie du

transfert de propriété peut être garantie par cette opération. Cette créance

garantie peut résulter de tout type de contrat, mais en pratique, c’est dans les

contrats de vente mobilière qu’elle présente le plus d’utilité227.

Le consentement de la réserve de propriété doit être exprimé sous forme

écrite en matière civile (art.2368, C. civ.). Il doit aussi l’être au plus tard au

moment de la livraison de l’objet s’il s’agit de la matière commerciale (art.

L.624-16, C. com.). Dans le dernier cas, la clause de réserve de propriété peut

figurer dans le contrat qui ne vise que cette opération ou dans le contrat qui

régit un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties (art.

L.624-16, al.2, c. com.). La clause écrite doit être suffisamment apparente,

claire et lisible pourvu qu’elle puisse être acceptée par l’acheteur en

connaissance de cause. Dès que la clause est ainsi conclue, l’exécution du

contrat par l’acheteur vaut acceptation228. L’acceptation de la réserve de

propriété par l’acheteur ne doit pas nécessairement être écrite. Mais, en

l’absence de l’accord des parties, la réserve de propriété ne produit aucun

effet229. Cette exigence vise à préserver les tiers contre le risque de fraude entre

vendeur et acquéreur en ce qui concerne la date de l’écrit230.

Cependant, le simple écrit est loin d’être suffisant pour la transparence et

la sécurité du commerce juridique. Il est dommage que la généralisation de la

227 F. DERRIDA, A propos de la réserve de propriété dans les ventes immobilières à crédit, Defrénois, 1989, 1089 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p.503.

228 Cass. Com., 13 juin 1989, Bull. civ. IV, no186, p.124 ; 11 juill. 1995, Bull. civ. IV, no210, p.196 ; D. 1996, comm.. p.211, obs. F. PEROCHON.

229 En réalité, afin de favoriser les petits fournisseurs qui face aux grandes surfaces refusant généralement et systématiquement la réserve de propriété, l’article L.621-122, alinéa 2 du Code de commerce énonçait que « nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l’acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou de la modifier ». Ce qui suscitait des difficultés (v. Pierre CROCQUE, RTD civ. 1996, no7, p.675). L’ordonnance du 23 mars 2006 a enfin supprimé cette disposition.

230 Yves PICOD, op. cit., p.452.

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Chapitre I – La constitution

228

publicité de réserve de propriété que préconisait la commission de réforme ait

été refusée par l’ordonnance promulguée. Désormais, l’opposabilité de la

réserve de propriété ne dépend d’aucune publicité obligatoire. Mais pour

pouvoir plus facilement faire valoir ses droits, le vendeur peut procéder à la

publicité facultative organisée de la réserve de propriété.

Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit chinois

406. En droit chinois, la disposition de la loi concernant la réserve de

propriété est loin d’être suffisante. Elle ne consacre que la possibilité de

l’application de la réserve de propriété et ne dit rien sur son régime. Sur le plan

de la doctrine, de nombreux auteurs se consacrent à la recherche de la réserve

de propriété. Mais il y a très peu de recherche touchant son régime concret, tels

que sa constitution, son formalisme, etc.

407. Considérant qu’elle est prévue dans le chapitre IX de la Loi sur les

contrats (LC) intitulé « Le contrat de vente », la réserve de propriété ne peut

donc être utilisée que pour garantir la créance résultant du contrat de vente. Ce

qui signifie que la réserve de propriété ne peut résulter que de l’accord entre les

parties intéressées. Mais, le champ de la créance garantie est plus étroit que

celui en droit français. Par contre, l’élément commun est que seule la créance

en contrepartie du transfert de propriété peut être garantie par la réserve de

propriété.

408. Quant à la forme de la clause de réserve de propriété, la loi ne pose

aucune exigence spéciale. A la lecture de l’article 10 de la LC, le contrat peut

être conclu sous la forme écrite, orale ou autres formes. Par conséquent, la

clause de réserve de propriété peut aussi théoriquement être convenue par écrit,

oral ou sous une autre forme. Cependant, la réserve de propriété qui est une

disposition du droit réel joue un rôle de garantie, il est donc raisonnable d’y

appliquer la règle de sûreté réelle. Autrement dit, la clause de réserve de

propriété devrait être conclue par écrit. Étant donné que le contrat de la réserve

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Chapitre I – La constitution

229

de propriété est un contrat solennel, il faut mieux qu’il soit conclu le plus tôt

possible.

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Chapitre II – La nature juridique

230

Chapitre II – La nature juridique

Section I – La qualification en droit français

409. La réserve de propriété, qui n’est pas un mécanisme traditionnel du

droit français, a en premier lieu été analysée au regard des principaux

mécanismes de droit des obligations231. Tenant compte de son effet retard du

transfert de propriété, la jurisprudence, guidée par la doctrine, l’a analysé soit

comme un terme suspensif232, soit comme une condition suspensive233 de

l’obligation de transférer la propriété du bien. Aucune d’entre elles n’est

pourtant parfaitement satisfaisante. D’une part, le « terme » est un événement

certain alors que le non-paiement du prix est incertain. Qualifier la clause de

réserve de propriété d’un terme suspensif n’est pas complètement convaincante.

D’autre part, l’analyse en une condition suspensive suppose que le paiement en

totalité du prix de vente soit considéré comme une modalité de l’exécution de

l’obligation de transfert de propriété234. Mais selon le principe solo consensu, le

transfert de propriété, objet de la réserve, n’est pas une obligation de donner

mais un effet légal automatiquement attaché au contrat par la loi235.

410. La doctrine se tourne vers la nature de sûreté de la réserve de

propriété236. Retenant une conception large de la sûreté, certains auteurs la

231 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501.

232 Cass. com., 9 janv. 1996, no 93-12667, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M. CABRILLAC ; Dr. et part. Mai 1996, n01345, p. 85, obs. M.-H MONSERIE ; JCP 1996, I, 3942, no 4, obs. Ph. DELBECQUE ; RTD civ. 1996, no4, p. 436, obs. Pierre CROCQUE ; D. 1996, p. 184, obs. F. DERRIDA ; RTD com. 1997, obs. A. MARTIN-SERF.

233 Cass. com., 1er oct.1985 et CA Nancey, 19 déc. 1985, D. 1986, p. 246, n. M. CABRILLAC. Contra: Cass. com., 24 sep. 2002, JCP G 2003, I, 134, no 5, obs. J.-J. CAUSSAIN, F. DEBOISSY et G. WICKER.

234 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501.

235 Marc MIGNOT, op. cit., p. 483.

236 En réalité, on s’est demandé si la propriété pouvait constituer une véritable sûreté réelle dès qu’elle apparaît en pratique. V. Marc MIGNOT, op. cit., p. 483.

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Chapitre II – La nature juridique

231

considèrent comme une véritable sûreté237. Or, la doctrine dominante ne la

considère pas comme une véritable sûreté, en estimant que la réserve de

propriété ne s’ajoute pas au rapport d’obligation mais qu’elle résulte du

montage contractuel lui-même, et que sa mise en œuvre n’a pas non plus pour

effet l’extinction par exécution de la créance qui est l’une des fonctions de la

sûreté238.

411. En plaçant la réserve de propriété dans la partie consacrée aux

sûretés réelles, l’ordonnance du 23 mars 2006 a mis fin à cette controverse. Elle

est désormais une véritable sûreté, et est donc l’un des accessoires de la créance

garantie239.

Section II – La qualification en droit chinois

412. À la différence du droit français, la nature juridique de la réserve de

propriété n’est pas jusqu’ici clarifiée par la loi. Pour rendre compte de son effet

retard du transfert de propriété, les chercheurs ont proposé plusieurs solutions :

certains la qualifie d’un terme suspensif ou d’une condition suspensive du

transfert de la propriété, certains la qualifie d’un transfert partiel de propriété,

certains la qualifie d’une sûreté réelle …240

413. Tenant compte de la même raison évoquée par les auteurs français (v.

supra n° 409), la qualification de terme suspensif n’est pas très justifiée.

237 Ch. LARROUMET, Le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété peut-il revendique sans avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l’acheteur, D. Affaire 1996, p. 603.

238 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 503.

239 Le caractère de l’accessoire de la réserve de propriété est consacré par la jurisprudence depuis longtemps. V. Cass. com., 15 mars 1988, 330, n. F. PEROCHON ; Defrénois 1988, p.1990, n. L. AYNES ; RTD civ., 19791, n. M. BANDRAC. Cependant, la jurisprudence ne déduisait pas toutes les conséquences de la qualification d’accessoire. Par exemple, le vendeur conservait la propriété du bien, alors que la créance du prix était éteinte faute de déclaration. V. Cass. com., 9 janv. 1996, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M. CABRILLAC ; RTD civ. 1996, p. 436, obs. Pierre CROCQ. V. aussi, Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 502.

240 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 391.

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Chapitre II – La nature juridique

232

414. S’agissant de la qualification de transfert partiel de propriété donnée

par l’auteur allemand Ludwig Raiser, c’est une théorie imaginative. Selon cette

qualification, en cas de vente avec la réserve de propriété, une partie de la

propriété est transférée à l’acheteur dès la remise de la chose. Puis, le transfert

partiel de la propriété à l’acheteur se réalise à chaque paiement échelonné,

jusqu’au transfert total de la propriété au moment du paiement total du prix de

vente241. Cela s’attache au caractère abstrait du droit civil allemand et rencontre

des problèmes théoriques de la propriété. Elle n’a pas été acceptée par la

doctrine chinoise.

415. Certains auteurs ont insisté pour la réglementer dans la LDR242

comme une sûreté réelle, mais leur proposition n’a pas été reprise par la loi qui

a été promulguée. Étant donné que le droit chinois retient toujours la règle de la

prohibition du pacte commissoire (v. supra n° 140) et la règle numerus clausus

(v. supra n° 68), et que la réserve de propriété est expressément prévue dans la

LC, il y a peu d’auteurs qualifiant expressément la réserve de propriété de

sûreté réelle.

416. Enfin, étant donné que le transfert de propriété en droit chinois

suppose la remise de la chose pour des meubles et l’inscription immobilière

pour des immeubles, la vente fait naître une obligation de donner. La clause de

réserve de propriété a temporairement suspendu cette obligation. La

qualification de condition suspensive est alors la qualification la plus acceptée

en droit chinois et occupe donc le rôle dominant dans la doctrine243. Cependant,

241 LIU Dekuan, Les problèmes et perspectives du droit civil, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 2002, p. 7-8.

242 LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. du droit, 1997, p. 367.

243 LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. de droit, 2007, p. 391 ; HE Zhi, op. cit., http://www.civillaw.com.cn/article/default.asp?id=27707.

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Chapitre II – La nature juridique

233

personne ne peut refuser de reconnaître le rôle de garantie de la réserve de

propriété244.

244 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392.

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Chapitre III – Les effets juridiques

234

Chapitre III – Les effets juridiques

417. Au cours de l’exécution du contrat avec la clause de réserve de

propriété, le vendeur remet l’objet entre les mains de l’acheteur, mais conserve

la propriété de l’objet jusqu’au paiement total du prix de vente. La clause de

réserve de propriété crée donc une situation compliquée. Ses effets doivent être

appréciés vis-à-vis de l’acheteur, et vis-à-vis du vendeur.

Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien

§ I – La situation de l’acheteur du bien en droit français

418. En tant que détenteur de l’objet, l’acheteur en droit français dispose

du droit d’en user et d’en jouir. La réserve de propriété entraîne en réalité la

dissociation entre, d’un côté, la propriété et, de l’autre, l’usage et la

jouissance245. Certains auteurs, considèrent que cette dissociation est difficile à

expliquer. Parce que, d’une part, le vendeur demeure pleinement propriétaire de

la chose vendue, que la réserve de propriété ne réalise pas de démembrement de

la propriété ; d’autre part, que l’usage et la jouissance de la chose par l’acheteur

dépendent du vendeur. L’acheteur se voit concéder un droit personnel par le

vendeur pour la jouissance de la chose et se trouve dans une situation voisine à

celle d’un locataire246. Certains autres essayent de l’expliquer par la théorie de

la séparation entre la propriété juridique et la propriété économique247. D’après

eux, le vendeur et l’acheteur conserveraient respectivement la propriété

juridique et la propriété économique du bien. L’acheteur exerce les prérogatives

245 Marc MIGNOT, op. cit., p.487.

246 Ibid., p. 487.

247 G. BLANLUET, Brèves réflexions sur la propriété économique, Dr. et patr., mars 2001, p. 80. Il définit la propriété économique comme « le droit de disposer … de la totalité de la substance économique d’un bien dont la propriété appartient à autrui ».

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Chapitre III – Les effets juridiques

235

du propriétaire, use et jouit du bien acquis comme s’il était le sien. Mais cette

théorie demeure largement descriptive248.

419. Quant à la disposition du bien, théoriquement, l’acheteur n’en a pas

le droit. Mais en pratique, il apparaît qu’il en dispose souvent soit

matériellement, soit juridiquement249 . Comme l’acheteur n’est pas le

propriétaire du bien, le contrat de disposition du bien est donc susceptible

d’être confirmé. Si le prix de la vente est finalement payé par l’acheteur, le

contrat est rétroactivement valable. Au contraire, il faut distinguer la disposition

matérielle de la disposition juridique. Si elle est matérielle, la revendication du

vendeur aboutit à la liquidation des comptes entre les parties. Si elle est

juridique, le tiers acquéreur de bonne foi peut invoquer l’article 2279 du code

civil pour s’opposer au droit de revendication du vendeur.

§ II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois

420. Le droit chinois admet aussi que l’acheteur dispose du droit d’usage

et de jouissance du bien250, mais les chercheurs chinois font peu de recherches

sur ce point. Influencés par le droit civil allemand, ils s’intéressent plutôt au

droit d’expectative (qui s’oppose au droit acquis) de l’acheteur251. Le droit

d’expectative est le droit d’acquérir un droit252. C’est un droit indépendant

protégé par la loi. En ce qui concerne la réserve de propriété, il désigne le droit

de l’acheteur d’acquérir la propriété du bien réservé. La nature de ce droit

suscite des vives controverses sur le plan de la doctrine. En droit allemand,

certains auteurs le considèrent comme un droit réel253; certains autres

248 Marc MIGNOT, op. cit., p. 487.

249 Ibid., p. 487.

250 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392 ; CHEN Benhan, op. cit., p. 392.

251 Le droit d’expectative est un terme traduisant du mot « anwartschaftsrecht » en allemand qui est crée par la doctrine et la jurisprudence allemande.

252 CHEN Benhan, op. cit., p. 392.

253 RAISER, Dingliche anwartschaftsrecht, J, C.B. Mohr, Tubingen, 1961.

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Chapitre III – Les effets juridiques

236

considèrent que ce droit d’expectative se rapproche du gage avec le pacte

commissoire254. En droit taïwanais, des auteurs considèrent que le droit

d’expectative est un droit mixte: il a en même temps des caractéristiques du

droit réel et du droit personnel255. En droit chinois, certains penchent pour ce

dernier courant256 ; d’autres refusent de le qualifier de droit réel ou de droit

personnel257, considérant que la distinction entre le droit réel et le droit

personnel, et celle entre le droit acquis et le droit d’expectative sont deux

classifications de natures différentes. Il n’y a donc pas de place pour classer le

droit d’expectative lui-même parmi les droits réels ou les droits personnels.

Mais l’objet du droit d’expectative peut être un droit réel ou un droit personnel.

Le droit d’expectative de l’acheteur dans la réserve de propriété est donc un

droit d’expectative du droit réel, plus précisément, un droit d’expectative de la

propriété du bien réservé.

421. En tant que titulaire du droit d’expectative, l’acheteur a le droit d’en

disposer. S’il ne dispose que de son droit d’expectative, cela ne posera aucun

problème. S’il dispose du bien, avec le consentement du vendeur, le problème

ne se posera pas non plus. Dans le cas contraire, la disposition arbitraire du bien

par l’acheteur pose un réel problème. Comme en droit français, il faut aussi

faire la distinction entre la disposition matérielle et la disposition juridique. Si

elle est matérielle, la revendication du vendeur aboutit à la liquidation des

comptes entre les parties. Si elle est juridique, selon l’article 51 de la LC, les

effets du contrat de disposition du bien sont suspendus. Si l’acheteur s’est

finalement exécuté le paiement total du prix de vente, le contrat est

rétroactivement valable. Au contraire, les effets du contrat dépendent de

254 BLOMEYER, Bedingungslehre, II, s. 186ff.

255 WANG Zejian, op. cit., p.158-159.

256 CHEN Benhan, op. cit., p. 394.

257 YU Nengbin, HOU Xianglei, Études comparées de la vente avec réserve de propriété, Éd. du droit, p.86-87.

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Chapitre III – Les effets juridiques

237

l’inscription de la réserve de propriété. Si elle a été inscrite, le contrat de

disposition du bien est nul. Si elle n’a pas été inscrite, le tiers de bonne foi peut

acquérir la propriété du bien, celui de mauvaise foi ne peut pas l’acquérir.

422. En outre, l’acheteur doit exercer son obligation de payer selon les

dispositions du contrat dans les deux systèmes juridiques. Dans le cas contraire,

le vendeur peut exercer son droit résultant de la réserve de propriété.

Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien

423. En tant que propriétaire du bien, le vendeur peut intenter une action

de revendication contre l’acheteur pour la restitution du bien dont la propriété

est conventionnellement réservée.

§ I – L’exercice du droit de revendication

424. En droit français, il faut distinguer le régime de revendication du

droit commun du Code civil de celui du droit spécial du Code de commerce.

Les dispositions spéciales du Code de commerce ne prévoient que la

revendication des meubles lorsque l’acheteur est soumis à une procédure

collective (art. L.624-9 et s. ; art. R.624-13 et s., C. com.). Donc, selon la

théorie générale que toute dérogation au droit commun doit être interprétée de

façon restrictive, l’action en revendication de meubles dont l’acheteur sera in

bonis et d’immeubles258 sont soumises au droit commun ; celle dont l’acheteur

sera soumis à une procédure collective est soumise au droit spécial du Code de

commerce259 . Ainsi, dans la première hypothèse, l’action n’est pas

prescriptible260. Dans la dernière hypothèse, l’action doit être exercée dans les

258 On applique le droit commun de la revendication à la revendication des immeubles par nature ou par destination, même si son acheteur soit soumis à une procédure collective. Pour un immeuble par destination, v. cass. com., 5 fév. 2002, no 99-19425, Rev. Proc. coll. 2003, p. 306, obs. M.-H. MONSERIE-BON.

259 Marc MIGNOT, op. cit., p. 489.

260 Cass. civ. 3e, 23 janv. 2007, n° 06-10491, www.lexinter.net/JPTXT4/JP2005/ action_ en_revendication_et_prescription.htm

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Chapitre III – Les effets juridiques

238

trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective

(art. L. 624-9, al.1er, C. com.) ; si le créancier ne l’exerce pas dans ce délai, son

droit est inopposable à la procédure collective du débiteur.

425. La revendication s’opère en principe sur les marchandises

elles-mêmes. Cette opération suppose que les marchandises vendues se

trouvent encore en nature dans le patrimoine du débiteur au moment de

l’ouverture de la procédure261. Et, c’est au revendiquant de prouver l’existence

en nature des biens revendiqués. Aux termes de l’article 2370 du Code civil et

de l’article L. 624-16 du Code de commerce, la revendication peut s’exercer

malgré l’incorporation de la chose objet de la réserve de propriété dans un autre

meuble ou immeuble, à condition que la séparation des choses peut être

effectuées sans subir de dommage. En tant qu’une véritable sûreté, la valeur du

bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est supérieur à la

dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence (art.

2371, C. civ.).

426. Selon l’article 2369 du Code civil et l’article L. 624- 18 du Code de

commerce, la revendication peut également s’exercer sur des biens fongibles,

de même nature et de même qualité, détenus par le débiteur ou pour son compte.

Or, quel fondement justifie cette revendication ? Trois interprétation sont

proposées en doctrine: la première la justifie par la présomption de propriété

des biens retrouvés dans les mains du débiteur au bénéfice du vendeur ; la

seconde la considère comme une règle de fond attribuant la propriété de ces

choses au revendiquant et, la troisième, à l’instar d’autres sûretés réelles,

considère que la réserve de propriété se transforme en un droit sur la valeur262.

261 Cass. com., 2 mars 1999, Bull. civ. IV, no 50, p. 41 ; JCP G 1999, I, 177, no 15, obs. P. PETEL ; Rev. proc. Coll., mars 2001, p. 25, obs. B. SOINNE ; D 2000, somm., p.69, 2e esp., obs. F. PEROCHON et D. MAINGUY.

262 Yves PICOD, op. cit., p.454 : le fait que les biens fongibles de même espèce et de même qualité retrouvés dans le stock de marchandises ne soient pas ceux qui avaient été vendus par le créancier importe peu, ce qui laisse place à une rotation rapide des stocks.

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Chapitre III – Les effets juridiques

239

La jurisprudence a fait valoir la seconde interprétation. Le droit de propriété du

vendeur disparaît au moment de la revente des marchandises par l’acheteur,

mais se reporte sur les marchandises nouvelles de même nature et de même

qualité entrant dans ses mains263.

427. En cas de revente du bien objet de la réserve de propriété, la

revendication n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi264. Le

vendeur initial ne peut donc pas revendiquer la chose elle-même, mais son droit

se reporte sur la créance du prix à l’égal du sous-acquéreur (art. 2372, C. civ. ;

art. L. 624-18, C. com.). Cette revendication se justifie par la subrogation de la

créance de prix au bien en nature qui a été revendu. Pour ce faire, le créancier

doit adresser sa demande en revendication à l’administrateur du bien ou, à

défaut, au débiteur après accord du mandataire (art. L. 624-17, C. com.). Il peut

revendiquer le prix contre le sous-acquéreur dès qu’il a revendiqué les biens en

nature dans le délai légal contre l’acquéreur265. De plus, pour que la

revendication puisse être effectivement effectuée, il faut remplir deux

conditions. La première exige que les biens vendus au sous-acquéreur par le

premier acquéreur se retrouvent en nature comme ils étaient, au moment de leur

livraison au sous-acquéreur266. Si les biens ont été transformés avant la revente

ou ont perdu leur identité dans le patrimoine du premier acquéreur, la

revendication du prix de revente n’est pas possible. La seconde exige que le

sous-acquéreur n’ait pas payé le prix au revendeur au moment du jugement de

l’ouverture de la procédure contre lui. Si les conditions sont remplies, le

263 Cass. Com., 5 mars 2002, D. 2002, AJ, 1139, obs. A. LIENHARD ; Marc MIGNOT, op. cit., p. 491.

264 CA Versailles, 14e Ch., 21 févr. 1990, D. 1991, somm., p. 44, obs. F. PEROCHON. En effet, si la réserve de propriété est inscrite, elle est opposable à tous, le sous-acquéreur ne peut donc pas invoquer sa bonne foi en vertu de l’article 2279 du Code civil.

265 Cass. com, 24 mai 2005, Bull. civ. IV, no 110, p. 116 ; Cass. Com., 24 nov. 1998, Bull. civ. IV, no 279, p. 233.

266 CA Paris, 3e Ch. C, 28 mai 1999, Juris-Data no 1999-023119 ; Rev. Proc. Coll. Mars 2001, p. 20, obs. B. SOINNE.

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Chapitre III – Les effets juridiques

240

vendeur initial peut demander à être payé par le sous-acquéreur267. Cette

demande n’est pas vraiment une revendication du prix268, mais ressemble plutôt

à une action directe par laquelle le sous-acquéreur paye sa dette au vendeur

initial au lieu du premier acquéreur pour éteindre les deux créances à la fois. Le

sous-acquéreur peut mettre des sommes dues dans les mains du mandataire

judiciaire qui va ensuite les remettre au revendiquant à concurrence de sa

créance (art. R. 624-16, C. com). Il peut aussi exerce le paiement direct au

revendiquant, ce qui est plus logique et plus efficace269. Si le sous-acquéreur a

déjà payé le prix, il se trouve dans la même situation qu’un sous-acquéreur de

bonne foi, la réserve de propriété ne lui est plus opposable.

428. La revendication peut enfin s’exercer sur l’indemnité d’assurance

subrogée au bien en cas de perte des biens vendus, s’il y en a (art. 2372, C. civ. ;

art. L. 624-18, C. com.). Sinon, selon l’adage res perit domino, c’est le vendeur

qui assume la perte, à moins que les parties en aient disposé autrement dans le

contrat.

429. Se différenciant du droit français, le droit chinois ne fait pas la

distinction entre le droit commun et le droit spécial, en raison de la seule

disposition traitant de la réserve de propriété270. Considérant que l’action de

revendication est une action poursuivant la restitution de la propriété, elle n’est

pas prescriptible.

430. Comme en droit français, l’objet de la revendication en droit chinois

concerne généralement les marchandises elles-mêmes, à condition que les

267 Cass. Com., 3 déc. 2003, Bull. civ. IV, no 191, p. 215 ; D. 2004, AJ, p.140, obs. A. LIENHAR. V. aussi, Marc MIGNOT, op. cit., p. 493.

268 La revendication est une action qui poursuive à la restitution d’une chose dont le revendiquant est propriétaire. Alors que l’hypothèse envisagée n’est pas le cas.

269 Marc MIGNOT, op. cit., p. 494.

270 Comme nous l’avons vu dans le texte précité, on ne peut trouver que l’article 194 de la LC qui traite la réserve de propriété.

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Chapitre III – Les effets juridiques

241

marchandises vendues se retrouvent encore en nature dans le patrimoine du

débiteur au moment de l’ouverture de la procédure. La responsabilité de

prouver l’existence en nature des biens revendiqués incombe aussi au

revendiquant. En cas d’incorporation des biens vendus, les juristes chinois ne

donnent pas de réponse expresse. Ils énoncent simplement que le droit doit

s’exercer selon les règles générales d’accession271 . Autrement dit, si

l’incorporation est détachable, il faut les détacher ; la revendication s’exerce

donc sur les biens vendus (art. 86, Opinions sur certaines questions de

l’exécution et l’application des PGDC, application à titre d’essai). Si

l’incorporation n’est pas détachable ou la séparation des biens va entraîner des

dommages, la revendication ne peut ni s’exercer sur les biens vendus, ni sur le

bien nouveau après l’incorporation. En l’occurrence, comment protéger le droit

de revendication du créancier? Il est logique que la revendication se reporte sur

l’indemnité par l’incorporation272; à défaut, elle se reporte sur la valeur des

biens représentés dans le patrimoine du débiteur.

431. En cas de revente du bien objet de réserve de propriété, la doctrine

chinoise se rapproche des dispositions françaises. Soit, le créancier exerce la

revendication sur le prix trouvé dans les mains du premier acquéreur s’il a été

payé par le sous-acquéreur, selon le mécanisme de subrogation réelle ; soit, il

exerce directement la revendication contre le sous-acquéreur, selon le

mécanisme de subrogation personnelle.

432. En cas de perte des biens objets et, s’il y a des indemnités, la

revendication s’exerce sans aucun problème sur l’indemnité grâce à la

généralisation de subrogation réelle. Sinon, on applique aussi l’adage res perit

domino comme en droit français.

271 YU Nengbin, HOU Xianglei, op. cit., p.89.

272 En cas d’incorporation des biens du premier acquéreur à d’autres biens appartenant à un tiers, si la séparation ne peut être effectuée, le premier acquéreur obtient souvent une somme d’indemnité de ce dernier.

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Chapitre III – Les effets juridiques

242

433. Concernant le problème de la revendication par le créancier des

biens fongibles, les juristes chinois font beaucoup moins d’attention que ses

homologues français. C’est un problème important, surtout pour des

fournisseurs qui approvisionnent, sous réserve de propriété, les grandes

surfaces en marchandises, ou en cas de perte d’identité des biens objets de

réserve de propriété dans le patrimoine du débiteur avant la revente. La solution

française est indubitablement une bonne référence.

§ II – Les effet de la revendication sur le contrat

434. En droit français, la revendication n’aboutit pas à la résolution du

contrat. Les deux actions sont bien différentes : la résolution du contrat suppose

une demande en justice et appelle une appréciation du juge, alors que la

revendication est une action visant à reconnaître un droit de propriété sur une

chose, qui peut être doublée d’une action en restitution pour récupérer

matériellement la chose273. Ainsi, les effets passés du contrat subsistent. Cela

signifie que le vendeur n’a pas à rendre au débiteur les sommes déjà perçues

par l’acheteur avant l’action de revendication ; l’acheteur pour sa part restitue

au vendeur la chose dans l’état lors de l’action et ne rembourse pas la valeur

représentant son usure naturelle lorsqu’il a été utilisé. Après la revendication, la

valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est

supérieure à la dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la

différence (art. 2371, C. civ.). Dans la mesure où la réserve de propriété est une

véritable sûreté, le créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cependant, la

détermination de la valeur du bien repris est une véritable difficulté.

Alors qu’en droit chinois, quatre appréciations sont proposées sur le plan

doctrinal pour qualifier l’effet de la revendication. La première considère que

273 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.646.

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Chapitre III – Les effets juridiques

243

l’action de revendication entraîne directement la résolution du contrat274. La

seconde considère que la revendication aboutit à une résolution à terme du

contrat275. La troisième, tenant compte du fait que la réserve de propriété est

une garantie, estime que la revendication n’entraîne pas la résolution du contrat

et, que la valeur des biens revendiqués s’impute sur le solde de la créance

garantie276. La quatrième soutient que la revendication n’entraîne pas la

résolution du contrat et, le vendeur doit, au moins en principe, revendre les

biens revendiqués277. Parmi eux, la troisième appréciation joue en fait un rôle

dominant. La solution est donc la même que celle choisie par les juristes

français. Le créancier peut aussi être protégé par une clause pénale de

dédommagement du préjudice entraîné par l’inexécution du contrat ou, à défaut,

les dommages réels doivent être remboursés par le débiteur278. Après la

revendication, la valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance

garantie et sur les dommages-intérêts ; si elle est supérieure à ceux-ci, le

créancier doit au débiteur une somme égale à la différence.

274 LIN Yongrong, Des commentaires de la Loi de sûreté mobilière, Éd. Wunan de Taiwan, 1987, p. 705.

275 HUANG Jingjia, La loi de sûreté mobilière, Banque de Taiwan, 1980, p. 44 et s. Après la revendication de la chose, le contrat n’est pas immédiatement résolu. Le débiteur dispose d’un délai d’exercer son obligation de paiement. A l’échéance du délai, si le débiteur a exercé son obligation, il peut reprendre la chose entre ses mains ; sinon, le contrat est résolu.

276 WANG Zejian, op. cit., p. 45-48 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 394.

277 CHEN Benhan, op. cit., p. 398.

278 ZONG Xuejun, La théorie et pratique du régime de vente avec la réserve de propriété, Éd. des sciences sociales de Xinjiang, 2005, II, p. 70-71. Selon son opinion, le créancier peut aussi demander le remboursement de l’usure naturel de la chose objet. Il faut dire que ce n’est pas très justifié. Car, d’une part, le contrat n’a pas été résolu, ses effets passés subsistent ; d’autre part, si le créancier a ce droit, pour équilibre les intérêts des parties, il est aussi logique que le débiteur puisse demander les intérêts légaux des sommes déjà payées.

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244

Titre IV– La fiducie-sûreté

435. Ayant été officiellement consacré dans le Code civil, il reste encore,

pour la fiducie-sûreté, des problèmes difficiles à résoudre en droit français. En

droit chinois, bien que la fiducie-sûreté ne soit pas consacrée par la loi, les

idées issues de la discussion chronique en doctrine peuvent quand même

fournir des renseignements utiles pour des juristes français.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

245

Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

436. La fiducie en droit français est définie comme « l'opération par

laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des

sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à

un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre,

agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires »

(art.2011, C. civ.). Sa généralisation a connu un processus progressif (v. supra

n° 135 et s.), mais elle répond enfin au souhait exprimé par de nombreux

praticiens279. Il s’agit aujourd’hui d’une institution permettant de faciliter la

gestion des biens (fiducie-gestion) et d’assurer la fonction de garantie

(fiducie-sûreté), qui s’approche du trust dans les pays anglo-saxons.

Conformément au sujet du présent texte, nous n’envisagerons que la

fiducie-sûreté.

En ajoutant la section II intitulée « De la propriété cédée à titre de

garantie » au chapitre IV « De la propriété retenue ou cédée à titre de garantie »

qui se place sous la partie consacrée à « Des sûretés sur les meubles » dans le

Code civil, et un chapitre intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » se

plaçant dans la partie consacrée à la « Des sûretés sur les immeubles » dans le

même code, l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la fiducie énonce

expressément que tous meubles et immeubles peuvent être cédés à titre de

garantie d'une obligation en vertu d'un contrat de fiducie. Cette ordonnance a

ainsi divisé les règles de la fiducie-sûreté en deux corps, ce qui peut s’expliquer

par la classification bipartite du Code civil en matière des sûretés réelles qui

distingue les sûretés réelles portant sur des meubles de celles portant sur des

immeubles. Certes, la coexistence n’est point source d’incohérence, puisque du

point de vue substantiel, les articles relatifs à la fiducie-sûreté immobilière sont

279 A. CERLES, La propriété, nouvelle reine des sûretés, Mélanges M. VASSEUR, Banque éditeur, 2000, p. 39 ; J.-P. BORNET, Marchés financiers, vers la fin de l’aliénation fiduciaire, Mélanges AEDBF, II, 1999, p.97.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

246

les reproductions de ceux qui relatifs à la fiducie-sûreté mobilière. Cependant,

pourquoi nous ne remplaçons pas ces reproductions par un simple renvoie aux

règles relatives à la fiducie-sûreté mobilière? D’autant plus que du point de vue

formel, ce double emplacement entrave l’accessibilité et lisibilité matérielle du

droit de la fiducie, dont le régime est déjà compliqué par le cumul nécessaire

entre ces règles spéciales et le régime général instauré par les articles 2011 à

2030 du Code civil.

437. De toute façon, le mécanisme de la fiducie-sûreté a été bien amélioré

et, est aujourd’hui beaucoup plus praticable qu’auparavant.

Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté

§ I – Le domaine d’application

438. S’agissant des parties de la fiducie, il était initialement limité par la

loi du 19 février 2007 qui a instauré le régime général de la fiducie: seule une

personne morale soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés

pouvait être le constituant ; seul des établissements de crédit, des entreprises

d’investissement, des entreprises d’assurance ou des établissements assimilé

pouvaient être le fiduciaire. Heureusement, la loi de modernisation de

l’économie du 4 août 2008 a supprimé les restrictions imposées au constituant.

Toute personne capable, peu importe qu’elle ne soit personne physique ou

morale, peut être constituant de la fiducie. Quant à la fiducie-sûreté elle-même,

c’est la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

d'allègement des procédures qui consacre expressément que toute

personne morale et physique peut être constituant de la fiducie-sûreté. Toutefois,

« sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, le constituant peut, à tout

moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts

dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la

loi accorde au constituant. Lorsque le constituant est une personne physique, il

ne peut renoncer à cette faculté» (art.2017, c. civ.) (il s’agit donc d’une

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

247

fiducie-sûreté avec entiercement)280. On se demande ici que soient les intérêts

de cette restriction. Existe-il des exigences spéciales pour être le tiers ?

Malheureusement, le code civil est tacite sur ce point. Il doit être clarifié dans

la réforme à venir.

439. Quant aux restrictions au fiduciaire, la loi de 2008 du 4 août 2008

maintient les restrictions posées par la loi du 19 février 2007, en ajoutant qu’un

membre de la profession d'avocat peut aussi être le fiduciaire. Si, dans une

opération de fiducie-sûreté, le créancier bénéficiaire est un établissement

financier ou un avocat, cela va sans dire qu’il peut être le fiduciaire de celle-ci.

Cependant, quid si le créancier est une personne physique ou un établissement

non précité? Le code civil ne le traite pas expressément. En déduisant de

l’article 2372-3, 2488-3 et de l’article 2015 du code civil, il faut dire qu’une

personne physique ou un établissement non précité peut aussi être le créancier

bénéficiaire de la fiducie-sûreté. Mais l’opération est plus compliquée. Il faut

prévoir dans le contrat constitutif que, pendant la durée du crédit accordé, le

bien affecté en garantie sera transféré à un établissement ou un avocat énuméré

par l’article 2015 du Code civil. Se référant à l’article 2017, alinéa 2 du code

civil, la mission de ce dernier est d'assurer la préservation des intérêts dans le

cadre de l'exécution du contrat.

440. Au surplus, en consacrant expressément la possibilité de recharger la

fiducie-sûreté, la Loi du 12 mai 2009 a apporté une innovation très favorable.

Désormais, le constituant peut l'offrir en garantie, non seulement au créancier

originaire, mais aussi à un nouveau créancier, encore que le premier n'ait pas

été payé. Ça va sans aucun doute réduire les couts du temps et pécuniaires de

l’utilisation de ce genre de sûreté, et ainsi favorise à la pratique du crédit.

§ II – Le formalisme

280 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 350.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

248

441. La fiducie-sûreté se constitue par un contrat écrit qui doit

expressément prévoir de constituer une fiducie-sûreté. De plus, le contrat doit

comporter, à peine de nullité, certaines mentions obligatoires:

1° la dette. Le contrat constitutif doit désigner, à peine de nullité, la dette

garantie. Cette exigence correspond au principe de spécialité en matière de

sûretés réelles conventionnelles. Ce principe n’entrave pas que l’affectation de

la fiducie en garantie de plusieurs créances ou, des créances futures

déterminables. Cependant, le principe de spécialité en matière de fiducie,

comme en matière d’autres sûretés réelles conventionnelles, a été tempéré par

la loi du 12 mai 2009 introduisant la fiducie-sûreté rechargeable. La

fiducie-sûreté peut dès lors être ultérieurement affectée à la garantie de dettes

autres que celles mentionnées par l'acte constitutif pourvu que celui-ci le

prévoie expressément (art. 2372-5 et 2488-5, C. civ.).

2° les biens transférés, et leurs valeurs. L’article 2018, 1° impose

initialement seulement que les biens eux-mêmes doivent été précisés dans le

contrat constitutif. Alors que les nouveaux articles 2372-2 et 2488-2 du Code

civil créés par l’ordonnance du 30 janvier 2009 y ajoutent une exigence

supplémentaire – l’estimation de la valeur des biens transférés, ce qui s’est

expliquée par le souci de « garantir une parfaite connaissance par le constituant

personne physique de la portée de son engagement », puisque « la fiducie peut

avoir de graves conséquences sur le patrimoine du constituant »281. Cependant,

ces motifs révélant surtout la méfiance déplacée du droit français envers la

fiducie ne sont pas parfaitement convaincants282, puisque le pacte commissoire

en cas de sûreté réelles traditionnelles peut aussi engendre de graves

conséquences sur le patrimoine du constituant, alors que l’estimation de la

281 V. Rapport au président de la République relative à l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, JO 31 janv. 2009, p. 1851.

282 Ph. DUPICHOT, La fiducie-sûreté en pleine lumière. À propos de l’ordonnance du 30 janvier 2009, JCP 2009. I. 132, n° 7.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

249

valeur des biens grevés n’y est pas exigée à peine de nullité. En outre, étant une

opération radicale pour le constituant qui perd définitivement la propriété des

biens grevés, la réalisation de la fiducie-sûreté devrait impérativement

s’accompagner d’une estimation de la valeur des biens au moment où elle a lieu,

au lieu d’une estimation au moment de la constitution de la fiducie-sûreté283.

3° certaines autres mentions, telles que la durée du transfert (ne peut

excéder 99 ans) ; l’identité du constituant (ou des constituant) et du fiduciaire

(ou des fiduciaires), ou à défaut, les règles permettant de l’identifier ; l’étendue

des pouvoirs du fiduciaire (ou des fiduciaires) et sa mission.

442. Peu importe qu’il ait pour l’assiette mobilière ou immobilière, le

contrat constitutif et ses avenants doivent d’abord être enregistrés, à peine de

nullité, au registre national des fiducies dans le délai d’un mois auprès du

service des impôts du siège du fiduciaire (ou des non-résidents si le fiduciaire

n’est pas domicilié en France (art.2019, al.1, C. civ.). Cependant, cet

enregistrement n’a pas pour fonction d’assurer la publicité des opérations284,

mais pour la fin de contrôler des activités illicites, tels que le blanchiment,

l’évasion fiscale, etc. Ce n’est donc pas un registre consultable.

443. D'ailleurs, si la fiducie-sûreté porte sur des immeubles ou des droits

immobiliers, il doit faire l’objet d’une publicité foncière, à peine de nullité

(art.2019, al.2, C. civ.). Dans ce cas là, les formalités de l'enregistrement du

contrat et ses avenants de la fiducie-sûreté et de la publicité foncière sont

fusionnées pour les actes publiés au fichier immobilier. La nouvelle formalité

prend nom de "formalité fusionnée" qui doit être procédé au bureau des

hypothèques de la situation de l'immeuble (art.647 et 657, C. imp.). Si la

fiducie-sûreté porte sur des meubles corporels ou incorporels, le Code civil ne

283Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 370.

284 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.598.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

250

l’a pas précisé ; la fiducie-sûreté reste donc occulte, puisque l’enregistrement

obligatoirement requis ne constitue pas une mesure d’information à l’égard des

tiers. Alors, la fiducie-sûreté n’est généralement opposable qu’au moment où

les meubles corporels grevés ou les titres des meubles incorporels grevés sont

remis entre les mains du fiduciaire285. Toutefois, ce principe subit une exception:

selon la loi du 4 août 2008, la fiducie-sûreté portant sur la créance est

opposable au débiteur de la créance cédée par la notification qui lui en est faite

par le constituant (le créancier de la dette cédée) ou le fiduciaire, et est

opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la

constate (art.2018-2, C. civ.). Ce qui s’inspire directement des solutions

admises en matière de nantissement de créance et est en voie d’exprimer le

droit commun de la cession de créance286. Mais, pendant la période suspecte, la

conclusion de la fiducie-sûreté est nulle de plein droit (art. L.632-1 9o, C.

com.).

§ III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté

444. À l’échéance de la durée fixée, si la créance garantie n’a pas été

totalement payée, le bénéficiaire peut réaliser la fiducie-sûreté. Cependant, la

loi du 19 février 2007 n’a rien prévu sur ce sujet. Il s’avérait opportun, pour

combler cette lacune, d’appliquer le régime commun de la réalisation des

sûretés réelles conventionnelles, plus précisément les règles relatives au pacte

commissoire 287: la détermination de la valeur des biens grevés devait recourir à

un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, sauf s’il s’agissait de sommes

d’argent, de créances ou d’instruments financiers admis aux négociations sur un

marché réglementé ; le créancier ne pouvait pas s’approprier la différence entre

285 Ibid., p.598.

286 Ibid., p.598.

287Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 375.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

251

la valeur des biens grevés et la solde de la créance garantie, toute clause

contraire était réputée non écrite (art.2348, 2366 et 2460, C. civ.).

445. L’ordonnance du 30 janvier 2009 a comblé la lacune de la loi de

2007 relative à la réalisation de la fiducie-sûreté, en introduisant dans le Code

civil les règles différentes selon que le fiduciaire est le créancier bénéficiaire

lui-même ou un tiers.

Si le fiduciaire est le créancier bénéficiaire, la réalisation de la

fiducie-sûreté s’opère très simplement : sauf stipulation contraire, le fiduciaire-

bénéficiaire acquiert la libre disposition du bien ou du droit cédé à titre de

garantie. Celui-ci peut donc s’approprier du bien grevé, le vendre ou le faire

vendre etc.

Si le bénéficiaire n’est pas le fiduciaire, il peut lui demander de le remettre

entre ses mains, puis il peut en disposer librement (art.2372-3, C. civ.). La

difficulté réside en la juste évaluation des biens. Il faut obligatoirement recourir

à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement pour déterminer la valeur du

bien, sauf s’il existe, pour le bien grevé, une cotation officielle sur un marché

organisé au sens du code monétaire et financier ou si le bien est une somme

d'argent (art.2372-3, al.3, et art.2488-3, al.3, C. civ.). Étant donné que la

fiducie-sûreté a pour fin de garantie, le créancier ne peut pas s’en enrichir. Il

doit verser au constituant la différence entre la valeur d’expertise des biens

grevé et la solde de la créance garantie, sous réserve du paiement préalable des

dettes nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire.

446. L’extinction de la créance garantie peut entraîner l’extinction de la

fiducie-sûreté, c’est l’extinction de la fiducie-sûreté par voie accessoire.

Cependant, ça dépend de la stipulation du contrat constitutif. S’il y a une clause

de rechargement, l’extinction de la dette initialement garantie n’entraîne pas de

plein droit l’extinction de la fiducie-sureté et, cette dernière reste réutilisable en

couverture de nouvelles créances; si la fiducie n’est pas rechargeable,

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

252

l’extinction de la dette garantie entraîne de plein droit l’extinction de la

fiducie-sûreté.

L’article 2029 du Code civil prévoit que « le contrat de fiducie prend fin

par le décès du constituant personne physique », autrement dit, le décès du

constituant personne physique est une clause d’extinction du contrat constitutif

dans le régime général de la fiducie. Dans ce cas là, le patrimoine fiduciaire fait

de plein droit retour à la succession et, l’efficacité de la fiducie utilisée à des

fins de garantie s’en trouve complètement ruinée pour le créancier bénéficiaire.

Heureusement, la loi du 12 mai 2009 a supprimé cette source d’inefficacité de

la fiducie-sureté, en disposant que « par dérogation à l’article 2029, le décès du

constituant personne physique ne met pas fin au contrat de fiducie constitué en

application de la présente section » (art. 2372-1 et 2488-1, C. civ.). Par

conséquent, la fiducie-sûreté dans un tel cas constituera avec l’héritier ou les

héritiers. L’efficacité de la fiducie-sûreté est ainsi désormais forcée.

Section II – Quelques observations du droit positif

447. Comme toute institution juridique nouvelle, même si y a déjà

plusieurs lois qui ont contribué à l’améliorer288, il existe encore des difficultés à

résoudre pour la fiducie-sûreté.

En premier lieu, la fiducie-sûreté présente deux avantages indéniables

pour ses bénéficiaires. L’un réside dans la situation d’exclusivité sur les biens

grevés qui permet aux bénéficiaires d’échapper à tout concours avec les autres

créanciers du constituant. L’autre est sa souplesse de la réalisation par rapport à

d’autres sûretés réelles traditionnelles : certaines prohibitions en cas de gage ou

d’hypothèque, telles que l’interdiction de la clause de voie parée et

l’interdiction de stipuler un pacte commissoire dans le contrat d’hypothèque

288 Après la promulgation de la loi du 19 février 2007, il y a la loi du 4 août 2008, la loi du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009 qui ont traité des problèmes de la fiducie-sûreté.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

253

portant sur la résidence principale du constituant, n’ont pas cours pour la

fiducie-sûreté. Le constituant de la fiducie-sûreté peut même conserver l'usage

ou la jouissance du bien grevé si la convention constitutive l’a prévu (art.

2018-1 et 2372-3, al. 2, C. civ.,). Cependant, ces avantages de la fiducie-sûreté

supposent plus ou moins son opposabilité aux tiers. Alors, comment assurer son

opposabilité aux tiers dans la mesure où la loi ne prévoit aucune règle de

publicité? Si celles portant sur des immeubles peuvent être portées à la

connaissance des tiers par le régime de publicité habituel et relativement parfait,

celles portant sur des meubles autres que des créances en droit positif, en

revanche, ne devraient devenir opposable aux tiers que les meubles corporels

grevés ou les titres des biens incorporels grevés entre en possession du

fiduciaire. La fiducie-sûreté mobilière priverait alors le constituer d’en user,

d’en jouir et de l’affecter en garantie pour une autre créance. Cet inconvénient

s’approche de celui du gage traditionnel. Ou, nous pouvons pencher pour

l’autre solution : « modifier le fonctionnement du registre appelé à recevoir les

déclarations de fiducie pour le transformer d’un registre à des fin d’ordre public

en un registre à des fins de publicité, au moins pour les fiducie-sûreté

mobilière »289.

En second lieu, il faut dire que les dispositions concernant la fiducie-sûreté

(ou dite la fiducie) changent trop vite. Cela n’est pas favorable à la sécurité

juridique et à l’accessibilité et la compréhensibilité de loi. Une telle instabilité

entraîne aussi l’augmentation des coûts législatifs. Cela ne vaut pas dire que les

dispositions de la loi ne peuvent pas être modifiées, mais la fréquence de

promulgation de quatre lois en trois ans est vraiment inimaginable. La loi du 19

février 2007 limitait le constituant de la fiducie à une personne morale soumise

de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, qui a été rapidement

289Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 371.

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Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français

254

modifié par la loi du 4 août 2008. Elle énonce une simple consécration que la

fiducie peut être utilisée à la fin de garantie, et ne dit rien sur le fonctionnement

de l’institution. Il nous semble que ce manquement peut se justifier par le fait

que la loi relève principalement de la matière d’opération financière, mais non

de la matière de sûreté. Étant basé sur ce fil de la pensée, les règles principales

de la fiducie-sûreté, qui sont principalement énoncé par la loi du 30 janvier

2009 et la loi du 12 mai 2009, auraient dues être énoncées dans l’ordonnance

du 23 mars 2006 qui procède une réforme du droit des sûretés.

448. En résume, il ne faut pas exagérer la signification de la fiducie-sûreté.

Elle ne peut ni être le droit commun de sûreté, ni être la reine de sûreté comme

certains auteurs le considèrent290.

290 A. CERLES, La fiducie, nouvelle reine des sûretés, JCP E, 2007, 2054.

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

255

Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiduci e-sûreté en droit chinois

449. En droit chinois, la fiducie a été consacrée par la Loi de la fiducie de

la RPC en 2001. Étant donné que la loi s’inspire directement du régime

hongkongais qui suit le droit anglais, le régime de la fiducie fixé par cette loi

s’approche plutôt du trust en droit anglais, et ne peut pas être utilisée à la fin de

garantie.

En effet, intéressés par le régime de fiducie-sûreté en droit japonais et

taïwanais, de nombreux juristes se consacrent à la recherche de son régime

pendant ces dernières années291. Même, au cours de la rédaction de la LDR,

certains projets (no1, no4, et no5) de la loi en déjà prévoyaient des règles

principales. Enfin, la LDR promulguée ne l’a pas consacré. Mais le refuse

législative n’a pas éteint les vives controverses en doctrines sur l’introduction

de la fiducie-sûreté. Avant d’approfondir le débat, il faut d’abord montrer le

régime de la fiducie-sûreté projeté en doctrine chinoise.

Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté

450. Malgré des vives controverses, les juristes s’accordent plus ou moins

sur le mécanisme de la fiducie-sûreté. Selon les recherches achevées, la

fiducie-sûreté est une opération par laquelle un constituant (débiteur ou tiers)

transfère à un créancier un bien (des choses, des droits ou des sûretés) en

garantie de sa créance, à charge pour le créancier de le restituer en cas de

paiement de sa créance.

451. Selon les idées des souteneurs, la fiducie-sûreté présente des

avantages qui peuvent compléter les inconvénients des sûretés réelles

traditionnelles.

291 Il existe une centaine d’essais de recherche concernant la fiducie-sûreté sur le site de Périodiques chinois (www.cnki.net). Si on utilise le moteur de recherche Google (www.google.com), il y a 291 000 de résultats en chinois concernant la fiducie-sûreté. Alors qu’on utilise le même moteur de recherche, il n’y a que 9430 de résultats en français concernant la fiducie-sûreté.

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

256

En premier lieu, l’assiette de la fiducie-sûreté est très étendue. Les biens

corporels ou incorporels, présents ou futurs, mobiliers ou immobiliers, peuvent

indifféremment être son assiette, à condition qu’ils soient aliénables. Il n’existe

non plus de striction spéciale concernant le constituant ou le créancier.

En second lieu, la fiducie-sûreté a pour objet le transfert de propriété ou

d’autres droits, mais ne réalise pas la dépossession du bien grevé. Alors le

constituant peut encore en user et jouir.

Enfin, la réalisation de la fiducie-sûreté est simple. À l’échéance de la

créance et en cas de non-paiement de celle-ci, le créancier devient propriétaire

du bien grevé et donc dispose de la priorité sur tous les autres créanciers de son

débiteur, sans avoir à soumettre à la procédure des sûretés réelles traditionnelles

qui dure éventuellement longtemps et qui coûte cher.

452. Néanmoins, les mérites ci-dessus suffisent-elles pour justifier

l’introduction de la fiducie-sûreté en droit chinois? Pas forcément. Il faut

examiner des observations sur ce point.

Section II – Quelques observations

453. Pour la transplantation dans notre système juridique d’une institution

venue d’autres pays, il est très important de rechercher son contexte. Parce que

c’est lui qui décide la nécessité de l’instauration et le but législatif, et encadre le

mécanisme de l’institution. Considérant que les juristes chinois se réfèrent

principalement à la fiducie-sûreté en droits allemand, japonais et taïwanais,

nous étudierons respectivement les contextes différents dans ces pionniers de

l’institution.

454. Parmi les systèmes juridiques romano-germaniques, celui

d’Allemagne et celui de Japon sont les devanciers les plus importants qui ont

instauré l’institution de la fiducie-sûreté. Le droit taïwanais, pour des causes

historiques, influence beaucoup le droit chinois continental.

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

257

Le code civil allemand de 1896 distingue strictement la sûreté mobilière

de la sûreté immobilière. Le prototype de la sûreté immobilière est

l’hypothèque qui n’emporte pas la dépossession du bien grevé, alors que la

seule sûreté mobilière est le gage qui nécessite la dépossession du bien grevé.

Jusqu’à maintenant, le code civil allemand ne consacre pas la sûreté mobilière

sans dépossession ou dite l’hypothèque mobilière. Le pacte commissoire, peu

importe qu’il soit conclu lors de la constitution ou postérieure à la constitution,

est toujours interdit par le code. En outre, en cas de procédure collective, il

existait certaines créances privilégiées jusqu’à 1999292 qui primaient la sûreté

réelle traditionnelle. Les effets de l’hypothèque et du gage sont donc entamés.

Mais du côté de la pratique de crédit, l’hypothèque immobilière et le gage

mobilier ne peuvent plus offrir des garanties suffisantes. Les biens mobiliers,

tels que les équipements de production, occupent une place de plus en plus

importante. La seule possibilité de les affecter en garantie est de constituer un

gage sur eux. Mais une telle sûreté empêchera les activités courantes de

l’entreprise. Par conséquent, comment offrir assez de garantie pour le crédit,

mais n’emporter pas la dépossession du bien grevé saute aux yeux des juristes

allemands. Étant donné que les juristes n’ont pas voulu entamer la théorie et la

typologie traditionnelle de sûreté réelle, les jurisprudences allemandes ont

consacré successivement la fiducie-sûreté293.

En droit japonais, le code civil n’aborde que l’hypothèque immobilière, le

gage immobilier et le gage mobilier avec dépossession. L’hypothèque mobilière

292 La priorité de ces créances privilégiées a été supprimée par la nouvelle loi de faillite (Insolvenzordnung) qui entre en vigueur le 1er janvier 1999. Depuis ce jour là, il n’existe plus les créances privilégiées et toutes ces créances sont créances chirographaires.

293 La fiducie-sûreté en droit allemand est une institution issue de vente à réméré. Elle a été successivement consacrée par la jurisprudence. Par un arrêt rendu le 11 mars 1903, la Cour d’Empire a refusé de qualifier la fiducie-sûreté de vente, puis par un arrêt du 10 avril 1906, la même cour l’a qualifié d’une fiducie. V. WANG Na, L’institution de la fiducie-sûreté en droit allemand, in Collection des essais de droit allemand et chinois, Éd. du droit, 2003, p. 450.

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

258

est consacrée par des lois spéciales, tels que la Loi sur l’hypothèque des

véhicules à moteur, la Loi sur l’hypothèque des aéronefs et la Loi sur

l’hypothèque des machines à construire, mais son domaine d’application est

très strict. Elle est donc limitée à des véhicules à moteur, des aéronefs et des

machines à construire. Elle n’a donc pas été généralisée à d’autres meubles. De

plus, le pacte commissoire est interdit par le code civil. Et, les créanciers

hypothécaires ou gagistes sont probablement primés par les privilèges qui sont

plus ou moins occultes. L’hypothèque et le gage sont donc précaires. Cherchant,

d’une part, à affecter des meubles en garantie et n’empêcher pas leur usage et

jouissance, d’autre part, à assurer la fiabilité de garantie, la jurisprudence a

consacrée enfin la fiducie-sûreté294.

En droit taïwanais, les juristes ont discuté avec véhémence sur

l’introduction de la fiducie-sûreté à l’instar du droit allemand. Mais ils ont

finalement démarré cette intention en se tournant vers la modalité américaine.

Enfin, il a promulgué la Loi des sûretés mobilières en 1963, dans laquelle sont

consacrés trois modalités de sûretés mobilières: l’hypothèque mobilière, la

vente conditionnelle et la fiducie-sûreté. Pourquoi la loi juxtapose l’hypothèque

et la fiducie-sûreté ? Selon les auteurs, les raisons principales sont ainsi295:

premièrement, les meubles susceptible de l’hypothèque sont limités296 ;

secondement, l’ensemble des meubles, tel que le stock, ne peut pas être

l’assiette de l’hypothèque mobilière ; enfin, les coûts de réalisation de la

fiducie-sûreté sont moins onéreux que ceux de l’hypothèque et du gage.

294 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 384.

295 XIE Zaiquan, Les droits réels (volume II), Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1999, p. 899-900.

296 V. l’article 4 de la Loi des sûretés mobilières en 1963, sont susceptibles d’être hypothéqués des machines, des équipements, des outils, des matières premières, des semi-produits, des produits finis, des véhicules, des produits agricoles, sylvicoles, pêcheurs ou des élevages, des bestiaux, des bateaux cinétiques de tonnage inférieur à 20 ton et des autres bateaux de tonnage inférieur à 50 ton.

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

259

455. En résume, la consécration de l’institution de la fiducie-sûreté

suppose généralement l’inexistence de l’hypothèque mobilière (au moins la

limitation des assiettes susceptibles de l’hypothèque mobilière), le

fléchissement des efficacités de l’hypothèque ou du gage à cause de l’existence

des sûretés réelles non conventionnelles occultes, ou l’interdiction complète (ou

au moins partielle) du pacte commissoire.

456. Alors, la situation juridique chinoise correspond-t-elle aux situations

susmentionnées?

En ce qui concerne l’hypothèque mobilière, tous les meubles, sauf ceux

qui sont interdits par la loi (art.184, LDR), sont théoriquement susceptibles

d’être hypothéqué. En pratique du crédit, la cause de l’utilisation faible de

l’hypothèque mobilière portant sur des meubles généraux réside en désordre de

l’inscription. Force est d’unifier et d’éclairer le régime de l’inscription

hypothécaire mobilière, non de recourir à d’autre institution nouvelle.

S’agissant de leurs efficacités, il n’existe point de sûretés légales occultes

primant l’hypothèque et le gage. En cas de procédure collective, ils sont payés

en premier rang et priment les soi-disant privilèges. De plus, considérant que

« … sans consentement du créancier hypothécaire, le constituant ne peut pas

aliéner le bien grevé …» (art.191, al.2, LDR), l’hypothèque exclu en effet la

disposition du bien grevé du constituant. Par conséquent, si on fait abstraction

du bien-fondé de la disposition, on peut même dire que, dans n’importe quel

pays, aucune sûreté ne peut être plus efficace que l’hypothèque en droit chinois.

Enfin, concernant le pacte commissoire, il est partiellement interdit: seul le

pacte commissoire conclu lors de la constitution de sûreté est interdit. Il nous

semble que cette prohibition peut, d'un certain point de vue, justifier la

fiducie-sûreté. En effet, le pacte commissoire est un véritable dilemme pour les

auteurs favorables à la fiducie-sûreté. Si on maintient le pacte commissoire,

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Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois

260

cela signifie que l’appropriation du bien grevé par le créancier garanti est

interdite. Alors, pourquoi on introduit la fiducie-sûreté qui permet, lors de sa

constitution, au créancier garantit de devenir propriétaire du bien grevé en cas

de non-paiement de sa créance, ce qui se heurte nécessairement à la prohibition?

Si on admet complètement la validité du pacte commissoire, les efficacités de

l’hypothèque ou du gage peuvent alors être davantage renforcées. Tenant

encore les analyses plus hautes, il nous semble qu’il est encore moins

nécessaire d’introduire la fiducie-sûreté en droit chinois. A fortiori, l’institution

de la fiducie-sûreté a elle-même des problèmes d’efficacité, par exemple, les

coûts de deux transferts de propriété et les coûts de réalisation ne sont pas très

bas, et la réalisation n’est pas aussi simple que l’on l’imagine297.

297 Par exemple, la Cour suprême japonaise impose le créancier de restituer au constituant la différence entre la valeur du bien et le montant de la dette due. Et, pour la détermination de la valeur du bien, si le créancier s’approprie du bien grevé, il ne peut pas l’estimer arbitrairement, les auteurs considèrent qu’elle doit être déterminée par le juge compétent. Ce recours au juge nécessite sûrement des coûts pécuniaires et du temps. S’il l’a vendu à un tiers, la valeur du bien se convertit donc en prix de la vente. Mais dans ce cas là, le créancier se contenterait d’un prix égal à sa créance, même si la valeur du bien grevé est beaucoup importante. S’il l’a vendu à un prix inférieur à la valeur véritable du bien grevé, quid? V. Masamichi NOZAWA, le transfert de propriété à titre de garantie en droit français et en droit japonais, RIDC, 2001, no 3, p. 670-671.

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261

Troisième partie Régimes des sûretés immobilières (approche

micro juridique)

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262

457. Selon les sources, les sûretés immobilières dans les deux systèmes

juridiques, comme les sûretés mobilières, peuvent aussi être classées en deux

catégories qui sont soumises aux régimes juridiques différents: les sûretés

immobilières non conventionnelles et les sûretés immobilières

conventionnelles.

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263

Titre préliminaire – Les sûretés immobilières non

conventionnelles

458. Comme en matière mobilière, il arrive aussi que certaines sûretés

soient, hors le cadre de convention entre les parties, conférées à certains

créanciers ou attachées à certaines créances : les sûretés réelles immobilières

non conventionnelles qui rassemblent les sûretés légales et les sûretés

judiciaires.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

264

Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

459. Les sûretés immobilières légales comprennent les privilèges

immobiliers et les hypothèques légales.

Section I – Les privilèges immobiliers

460. Les privilèges immobiliers ici ne désignent que les privilèges

spéciaux. Ils sont accordés aux créanciers qui introduisent une valeur dans le

patrimoine du débiteur. Leur régime est assez proche de celui de l’hypothèque

conventionnelle: principe de spécialité, non dépossession du bien, droit de suite

et de préférence au créancier, transmission et extinction, ainsi que la publicité.

La différence est que la publicité des privilèges a un effet rétroactif qui permet

au créancier de prendre rang à la date antérieure à la publicité. Cela peut

s’expliquer par le fait que la créance « naît privilégiée » de certains actes :

vente d’immeuble, prêt de deniers…298, puisque dans l’hypothèse, le débiteur

s’enrichit de ces actes.

461. Selon l’article 2290 du Code civil, les privilèges immobiliers

spéciaux sont au nombre de huit, parmi lesquels celui de la vente d’immeuble

et celui reconnu au prêteur de deniers sont les plus importants. En effet,

transférer tous les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèque légale était

l’ambition tenue par le Group Grimaldi, ce qui n’a pas été finalement accepté

par le législateur299.

462. Le vendeur d’immeubles dispose du privilège qui le protège du

risque de non paiement du prix de vente. Le privilège prend effet à la date de

l’inscription qui doit être faite dans les deux mois de la vente (art. 2379, C. civ.).

298 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 318.

299 Ph. DUPICHOT, La réforme du régime hypothécaire, D. 2006, 1291 ; Ph. DELEBECQUE, L’hypothèque, no spécial JCP 17 mai 2006, 8 ; Dossier Le renouveau de l’hypothèque, Dr. et patr. mai 2007, p. 41.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

265

Si le vendeur laisse passer ce délai, l’effet rétroactif de l’inscription est perdu,

le privilège prend rang alors à la date de l’inscription300.

Ce privilège permet au vendeur d’être payé en priorité par rapport aux

autres créanciers sur le prix provenant de la vente de l’immeuble impayé. Le

prix impayé, les frais de vente mentionnés dans l’acte et les intérêts légaux ou

conventionnels dans la limite de trois ans sont couvert par ce privilège.

463. En comparaison du privilège de vendeur d’immeuble, celui du

prêteur de deniers est plus important, car le crédit immobilier contemporain est

généralement consenti par eux. Selon l’article 2374, 2o du Code civil, le prêteur

bénéficie du privilège à la condition que l’acte d’emprunt ait authentiquement

constaté que la somme était destinée à l’achat du immeuble et que la quittance

du vendeur constate authentiquement que la somme a été constituée à partir des

deniers empruntés. Les deniers accordés sont utiles pour tous les créanciers

d’emprunteur, ce qui justifie ce privilège. Ce privilège garantit le principal du

prêt et les intérêts conventionnels pour trois ans. L’exigence de publicité est en

tout point identique à celle du privilège du vendeur d’immeuble. Il est à noter

que ce privilège du prêteur est inférieur à celui du vendeur d’immeuble. Certes,

les parties du prêt peuvent l’écarter par voie conventionnelle à l’occasion de

l’octroi de crédit.

Section II – L’hypothèque légale

§ I – L’hypothèque légale en droit français

464. L’article 2400 du Code civil énumère les créances dont le titulaire

bénéficie d’une hypothèque légale sur immeubles. Une hypothèque légale est

donc reconnue aux époux, aux mineurs ou majeurs en tutelle, aux personnes

morales de droit public, ainsi aux titulaires des privilèges mobiliers généraux,

300 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 465.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

266

sauf le créancier du frais de justice. Parmi eux, certaines hypothèques sont

issues des anciens privilèges immobiliers occultes. Ce genre d’hypothèque leur

confère une protection particulière. Elle prend rang à la date de son inscription,

ce qui la distingue des privilèges immobiliers. Elle doit respecter le principe de

spécialité quant à l’inscription à peine de nullité301.

465. Nous n’envisagerons que l’hypothèque des époux et celle de

personnes en tutelle, les autres dont les particularités relèvent de droits spéciaux

(droit fiscal, droit de la copropriété etc.) ne seront pas traitées dans la présente

thèse.

A. L’hypothèque légale des époux

466. Cette hypothèque a un lien intime avec le régime matrimonial302.

Elle est en effet l’héritière de l’hypothèque légale de la femme mariée et, est

utilisé par la loi du 13 juillet 1965 pour accentuer l’égalité entre les époux303.

Aujourd’hui, non seulement le mari, mais également la femme, peuvent

bénéficier de cette hypothèque. Cependant, son rôle est réduit et ne présente un

intérêt que dans une situation de crise, puisque sa procédure de constitution

devient lourde : l’hypothèque doit être inscrite et, prend rang à la date

d’inscription ; l’inscription doit être demandée au juge accompagnant

normalement d’une inscription provisoire et avec une inscription définitive

intervenant après l’autorisation judiciaire (art.2403, C. civ.). Néanmoins,

l’autorisation judiciaire n’est pas nécessaire dans le régime de participation aux

acquêts (art.2402, C. civ. ). L’inscription sera donc désormais exceptionnelle et

n’apparaîtra que lorsque l’entente conjugale a été rompue, et que deux

conjoints sont dans un rapport de défiance304.

301 Ibid., p.443.

302 J. FLOUR, Cours de droit civil, 1965-1966, Les Cours des droits, ronéo, p.653 et 654.

303 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op.cit., p.323.

304 Ibid., p.324.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

267

B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle

467. Le tuteur de mineurs et de majeurs incapables est responsable sur ses

propres biens, mais ce n’est qu’un gage général qui reste insuffisant pour

protéger les incapables. Le régime de cette hypothèque vise justement à mieux

protéger les mineurs ou majeurs sous tutelle qui courent le risque de voir leurs

biens dilapidés par leurs représentants.

Grâce à la loi du 14 décembre 1964 qui a élargi l’étendu des bénéficiaires

de cette hypothèque, tous mineurs et majeurs en tutelle peuvent en bénéficier.

De plus, face à l’accroissement de l’importance des biens mobiliers, le régime

de la protection s’est assoupli. La protection peut être remplacée par la

constitution d’un gage (art. 2409, al. 1 et 3, C. civ.) lorsque le tuteur a peu de

biens immobiliers, mais a un patrimoine mobilier important.

468. Malheureusement, la constitution de cette hypothèque devient lourde

à cause du décret de 1955. L’hypothèque doit être inscrite à la diligence du

conseil de famille en cas de tutelle ou du juge des tutelles en cas

d’administration légale. L’inscription doit aussi respecter le principe de

spécialité. Cette formalité lourde rend ce régime moins praticable, et en fait

même une mesure de crise en déclin comme l’hypothèque des époux305.

§ II – L’hypothèque légale en droit chinois

469. L’article 286 de la Loi sur les contrats de 1999, qui figure au chapitre

XVI intitulé « Contrats de construction », dispose que « si le donneur

d’ouvrage n’a pas payé l’entrepreneur du montant prévu par le contrat de

construction, le dernier peut le mettre en demeure de le payer dans un délai

raisonnable. Si le donneur manque du paiement dans le délai fixé,

l’entrepreneur pourra, avec l’accord du donneur, soit prendre en paiement la

305 Ibid., p.324.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

268

construction, soit demander au tribunal de vendre aux enchères la construction.

Son paiement est fait en priorité sur la valeur de la construction ».

Par là, on peut conclure que la prérogative de l’entrepreneur résulte de la

loi, mais pas du contrat de construction. Seul l’entrepreneur entrant directement

en contact avec le donneur et faisant des travaux peut bénéficier de cette

prérogative, négatif pour tous les autres. Outre cet article, on ne peut trouver

d’autre règle concernant cette prérogative.

470. L’ambiguïté de la nature de cette prérogative - l’article 286

n’utilisant ni le terme d’« hypothèque », ni celui de « privilège » - entraîne des

controverses sur sa qualification : certains juristes la qualifient de privilège,

certains la considèrent comme un droit de rétention, d’autres comme une

hypothèque légale306. C’est un problème assez important, puisque le régime

d’hypothèque légale, de droit de rétention et de privilège sont très différents.

Alors que le premier prend rang à la date de son inscription, le deuxième est

soumis à un régime spécial et le dernier prend rang à la date de l’acte qui lui

donne naissance. Considérant, d’une part que cet article s’inspire de l’article

513 du Code civil de la RC et que ce dernier la considère comme l’hypothèque

légale, d’autre part que le système général de privilège n’est pas instauré et que

l’objet du droit de rétention en droit chinois est un meuble, les juristes ont

tendance à accepter la qualification d’hypothèque légale.

471. Depuis la Dynastie des Qing jusqu’à aujourd’hui, aucun texte

juridique ne reconnaît l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables

comme c’est le cas en France.

L’absence de ces régimes est due, d’une part, au régime particulier de la

famille chinoise qui diffère beaucoup de celui de la France. Historiquement, les

306 V. XU Jie, ZHAO Jingwen, Droit des contrats, Éd. du droit, 2000, p. 486 ; JIANG Ping, Lecture de la Loi sur les contrats de la RPC, 1999, p. 223 ; ZHANG Xuewen, L’études sur certains problèmes de prérogative de l’entrepreneur, in Étude du droit, 2000, III, p. 102.

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Chapitre I – Les sûretés immobilières légales

269

membres d’une même famille habitaient tous ensemble, sur plusieurs

générations et formaient une « grande famille », une sorte de communauté

solide en Chine. Surtout dans les campagnes, où dominaient les hommes, « la

personnalité des femmes et des enfants mineurs et même des interdits, se

trouvant absorbée par ce genre d’association »307 . Dans ce contexte,

l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables n’a pas eu d’opportunité de

se développer. Elle « ne se manifestait donc ni dans les coutumes, ni dans la

législation historique en Chine, où la structure sociale était encore plus ou

moins communautaire et patriarcale »308. D’autre part, le gouvernement chinois

appliquait un système unique de propriété publique, supprimait les régimes et

les notions du droit privé, intervenait dans la vie familiale par tous les moyens,

voire celui d’administration309. L’État intervenait dans les affaires des individus

dès leur naissance jusqu’à leur mort. Il n’y avait donc ni possibilité ni nécessité

pour le régime de l’hypothèque légale de se développer.

472. Cependant, la situation sociale chinoise évolue progressivement :

l’organisation familiale s’effrite sous l’impulsion de l’urbanisation et du

contrôle des naissances ; le taux de divorce augmente progressivement… Dans

ce contexte, la nécessité de mieux protéger les intérêts des femmes mariées et

des mineurs devient une problématique réelle pour les juristes. L’hypothèque

légale française des conjoints ou des mineurs est sans doute un choix valable.

307 YU Tchen-pong, L’hypothèque dans le droit coutumier chinois, Bosc Frère et Riou,, Thèse de l’Université de Lyon, 1940, p.24.

308 Ibid., p.25.

309 LI Shigang, op. cit., p.266.

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Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

270

Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

473. Les sûretés immobilières judiciaires ne désignent ici que les

hypothèques judiciaires résultant de décisions judiciaires.

Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français

474. En droit français, l’hypothèque judiciaire est une sûreté réelle créée

par la loi du 12 novembre 1955 et reprise avec certaines modifications par la loi

du 9 juillet 1991. Elle permet d’empêcher le débiteur poursuivi en paiement de

tirer profit des longs délais de procédure pour organiser son insolvabilité, et de

créer en faveur du créancier une stratégie d’anticipation310.

Il s'agit d’une sûreté réelle portant sur des immeubles appartenant au

débiteur. Tous les créanciers du débiteur, quels qu’il soient, incapables ou

établis hors de France (art. 89 de la Loi du 9 juillet 1991), peuvent demander au

juge l’inscription d’une hypothèque conservatoire, s’ils peuvent prouver que la

créance paraît fondée en son principe qui est fonction de l’appréciation

souveraine du juge et si les circonstances sont susceptibles d’en menacer le

recouvrement (art. 67, al. 1er de la Loi du 9 juillet 1991 et art. 210 du Décret du

31 juillet 1992). Donc, à la différence de l’état du droit avant 1991, l’urgence,

qui ne pouvait être caractérisée que par le péril du recouvrement de la créance,

n’est plus requise.

Après l’autorisation rendue par le juge, le créancier doit procéder à la

publicité de son hypothèque pour qu’elle soit opposable aux tiers.

§ I – La publicité provisoire

475. L’hypothèque est soumise à une publicité provisoire opérée sur

l’autorisation d’un juge ou sur justification de la dispense de l’autorisation.

Dans le premier cas, le créancier doit, à peine de caducité, procéder à la

310 Yves PICOD, op. cit., p. 399 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 421-422.

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Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

271

publicité de son hypothèque auprès du bureau des hypothèques dans les trois

mois de l’autorisation rendue et, dans le dernier cas, aucun délai n’est requis.

Sous même peine, le débiteur doit être informé de cette mesure dans les huit

jours par acte d’huissier. Il peut contredire l’inscription de l’hypothèque en

tentant une action tendant à la mainlevée de l’inscription. Sa demande de

mainlevée peut être approuvée par le juge s’il peut prouver que la créance ne

paraît pas fondée en son principe et les circonstances menaçant le recouvrement

de la créance ne sont pas établies ; ou que les règles procédurales n’ont pas été

pas respectées et l’engagement de procédure au fond dans le délai requis est

manqué311. Une fois que la mainlevée est ordonnée par le juge, le créancier

peut être condamné à indemniser le débiteur des dommages-intérêts pour le

préjudice causé par la mesure conservatoire (art. 75, al. 2 de la Loi du 9 juillet

1991).

476. Après l’accomplissement de l’inscription provisoire, l’hypothèque

est opposable aux tiers, et le rang de l’inscription définitive est par avance fixé

par celle-ci. L’inscription provisoire n’est valable que pour trois ans, sauf être

renouvelée312. Et elle n’empêche pas l’aliénation du bien grevé. Si le bien est

vendu, le créancier ne pourra recevoir sa part que s’il accomplit dans les délais

prescrits la publicité définitive. Mais, elle confère au bénéficiaire un droit de

préférence et un droit de suite, juste comme une sûreté conventionnelle ou

légale les confère à leur titulaire (art. 77 de la Loi du 9 juillet 1991).

§ II – La publicité définitive

477. Comme le créancier ne peut se prévaloir que d’une créance

provisoire, la part qui lui revient dans la distribution est consignée et ne lui sera

311 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 427.

312 Cass. civ. 3e, 24 avr. 1974, D. 1975, 107. Le renouvellement de la publicité provisoire doit se faire dans la même forme et pour la même durée (art. 257, Décret du 31 juillet 1992). V. également l’Instruction du 28 févr. 1997, Defrénois 1997, 1216.

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Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

272

remise que s’il accomplit les formalités de publicité définitive. La chambre

commerciale de la Cour de cassation a statué, par un arrêt du 12 mai 2009, qu’à

défaut de publicité définitive, la publicité provisoire ne peut pas conserver

l’hypothèque judiciaire et donc l’hypothèque judiciaire est inopposable aux

tiers313.

Si le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire préalable, il doit

assigner le débiteur au fond. La publicité définitive interviendra dans les deux

mois à partir du moment où le jugement est passé en force de chose jugée.

Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable qui est un jugement

exécutoire par provision, le créancier doit attendre que le jugement passe en

force de chose jugée. Il doit aussi procéder à la publicité définitive dans les

deux mois qui suivent.

Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable définitif autre qu’un

jugement passé en force de chose jugée, le délai de deux mois ne court qu’à

compter de l’expiration du délai de huit jours après le dépôt des bordereaux

d’inscription pour l’hypothèque judiciaire conservatoire ou après la

signification de l’hypothèque.

478. Une foi que la publicité définitive est correctement accomplie dans

les délais, elle donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale dans la

limite des sommes conservées par cette dernière. La publicité définitive

rétroagit à la date de la publicité provisoire. Egalement à peine de caducité, le

débiteur doit être informé dans les huit jours par acte d’huissier comme pour la

publicité provisoire.

Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en

droit chinois

313 Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-11. 421.

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Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

273

479. Les sûretés réelles judiciaire ne sont pas reconnues par le droit

chinois ancien, puisque « le pouvoir public s’abstenait toujours d’intervenir

dans les activités économiques du peuple en employant les méthodes du droit

civil»314. Sous l’empire de la féodalité, « si, dans un cas extrême où le créancier

était poussé au pire, c’est-à-dire à assigner le débiteur devant le tribunal, le

jugement comportait plutôt des châtiments --- une exécution forcée sur les

biens du débiteur. Ne pas payer des dettes était un crime contre la morale »315.

La qualification du non paiement de dettes comme « crime » n’a désormais

plus cours. Néanmoins, aucun texte juridique ne prévoit de sûretés judiciaires.

480. Certains considèrent qu’il existe des sûretés judiciaires en droit

chinois positif. Certes, on retrouve des soi-disant sûretés judiciaires. L’article

92 de la Loi de la procédure civile dispose que « le tribunal peut, à la demande

d’une partie, adopter des mesures conservatoires sur les biens de l’autre partie

qui est susceptible de rendre le jugement de condamnation impossible ou

gênant à exécuter. Le cas échéant, le juge peut en adopter d’office. Si le juge

décide d’adopter des mesures conservatoires, il peut sommer le demandeur de

fournir des sûretés… ».

481. Cependant, ces sûretés judiciaires ne sont pas du tout les sûretés

judiciaires au sens du droit français. Les premières sont constituées par les

créanciers qui demandent au juge d’adopter des mesures conservatoires

empêchant le débiteur de gérer son bien grevé. Elles constituent donc la

garantie des mesures conservatoires et visent à protéger les intérêts du débiteur.

Pour gérer son bien grevé, le débiteur peut offrir une sûreté inversée. C’est un

processus scolastique et complexe. Les secondes visent, en revanche, à protéger

les intérêts du créancier dont le recouvrement de créance est menacé ou est

susceptible d’être menacé, et constituent à la foi une mesure conservatoire et

314 LI Shigang, op. cit., p. 266.

315 YU Tchen-pong, op. cit., p. 6.

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Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires

274

une sûreté réelle. Même si leur inscription de ces dernières est un peu lourde et

compliquée, elles présentent certains avantages importants : d’une part, elles

confèrent à leur bénéficiaire un droit de préférence et un droit de suite ; d’autre

part elle n’empêche pas le débiteur de gérer son bien et établisse un équilibre

entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Le droit chinois d’exécution

civile peut s’inspirer de l’expérience du droit français.

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275

Titre I – L’hypothèque conventionnelle

482. L’hypothèque est une sûreté immobilière conventionnelle par

excellence dans les deux systèmes juridiques, grâce à son régime de

l’inscription relativement parfait et à sa souplesse.

En effet, l’ « hypothèque » en droit chinois est une sûreté réelle sans

dépossession portant indifféremment sur des meubles ou des immeubles (v.

supra n° 131). Cependant, l’hypothèque mobilière ayant été étudiée dans la

partie consacrée aux sûretés mobilières et que l’hypothèque en droit français ne

portant que sur l’immeuble (ou certains meubles qui s’apparentent à un

immeuble, tels que des navires et avions civils, v. supra n° 327), nous

n’envisagerons ici que l’hypothèque immobilière, en examinant successivement

sa constitution, sa publicité et ses effets.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

276

Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

483. Pour qu’une hypothèque soit valablement constituée, il faut que

soient remplies les trois conditions de fond relatives à son assiette, à la créance

garantie et au constituant, auxquelles s’ajoutent un certain nombre de

conditions de forme.

Section I – L’assiette de l’hypothèque

484. Selon l’article 2397 du Code civil, sont seuls susceptibles

d'hypothèques :

1° les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires

réputés immeubles ;

2° l'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée.

L’assiette de l’hypothèque n’est donc toujours constituée par des choses, mais

par les droits portant sur ces biens316. Par une coïncidence singulière, la Loi sur

les droits réels de la RPC (LDR) a remplacé l’expression de « chose

hypothéquée » par celle de « bien hypothéqué », le premier était utilisé par la

Loi sur les sûretés (LS) visant en effet des biens corporels ainsi que des biens

incorporels.

485. Sauf les deux exceptions précitées, l’hypothèque en droit français a

nécessairement pour assiette des droits immobiliers et en principe des biens

présents.

486. Puisque la réalisation de l’hypothèque peut entraîner la transmission

du bien grevé, son assiette doit donc être aliénable. Certains droits immobiliers,

tels que le droit d’usage, d’habitation, et les servitudes, ne peuvent donc pas

constituer l’assiette de l’hypothèque. Les articles L.526-1 et L.526-6 du Code

de commerce permettent au commerçant entrepreneur individuel d’exclure son

316 LI Shigang, op. cit., p.267

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

277

immeuble de résidence du champ de l’hypothèque. En revanche, les autres

droits immobiliers, que sont par exemples, la propriété, la nue-propriété, le

droit d’usufruit, le droit de superficie et l’emphytéose, peuvent naturellement

être hypothéqués.

487. Néanmoins, le droit chinois sur ce point est beaucoup plus

compliqué. Ainsi la LDR consacre quatre articles (art. 180, 182, 183 et 184)

d’une particulière complexité au régime de l’assiette de l’hypothèque

immobilière. Les critères de biens susceptibles d’hypothèque prennent en

compte non seulement la nature des biens, mais aussi leurs titulaires et leurs

moyens d’acquisition. De plus, le législateur chinois délimite expressément les

biens susceptibles d’hypothèque de ceux qui ne peuvent pas l’être. Ainsi,

l’article 180 de la LDR énumère d’une manière positive les biens immobiliers

pouvant être hypothéqués : les bâtiments et autres choses adhérant au sol d’une

manière fixe (tels que les cultures, les arbres, tunnels, barrages etc.) ; le droit

d’usage du terrain à bâtir ; le droit forfaitaire d’exploitation du terrain en friche

acquis par appel d’offre, adjudication ou négociation publique ; les bâtiments

en cours de construction ; et enfin les autres biens qui ne sont pas interdits

d’hypothèque par la loi ou le décret.

A l’inverse, l’article 184 de la LDR issu de l’article 37 de la LS stipule

d’une manière négative les biens immobiliers interdits d’hypothèque :

1o les terrains. Alors que ces biens représentent une part importante de la

propriété privée en France et dans d’autres pays, ils ne peuvent faire l’objet

d’une hypothèque en droit chinois. La Constitution de la RPC déclare en effet

qu’une personne de droit privé ne peut pas être propriétaire de terrains qui sont

l’objet de la propriété exclusive de l’État ou de la collectivité, «… aucun

groupe ou individu ne peut s’approprier, ni acheter, ni louer, ni transférer

illégalement les terres sous d’autre formes…» (art.10, Con.). Conformément à

la constitution, la LDR interdit donc l’hypothèque de la propriété du terrain.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

278

2o le droit d’usage du terrain collectif rural, tels que la terre cultivée, la

terre servant au logement, la parcelle et les champs dans les montagnes réservés

à usage individuel, sauf disposition contraire de la loi spéciale317. Cette

interdiction vise en effet à maintenir la totalité des superficies des terres

cultivées et à protéger les intérêts des collectivités rurales et de leurs membres.

La sollicitude du gouvernement chinois peut s’expliquer par l’importance de la

population et, en regard, la faiblesse de la superficie moyenne des exploitations

agricoles. Cette interdiction résulte donc d’un choix politique et humain.

3o les immeubles appartenant à des établissements d’utilité publique ou à

des organismes sociaux ayant pour objet les intérêts publics, tels que les

établissements d’éducation, les hôpitaux, les hospices etc. Cela vise clairement

à assurer le fonctionnement normal de ces établissements ou organismes et,

ainsi à protéger les intérêts publics.

4o les biens dont la propriété ou le droit d’usage est litigieux ou n’est pas

clairement établi ;

5o les biens légalement scellés, saisis ou mis sous la garde (garde

douanière par exemple) ;

6o les biens interdits d’hypothèque par la loi ou le décret.

Toutefois le régime foncier chinois est très particulier. L’hypothèque de

propriété de terrain étant interdite par la Constitution et la loi, la LDR admet

l’hypothèque de bâtiment et celle de droit d’usage du terrain à bâtir pour

satisfaire le besoin urgent du développement de crédit. Les régimes juridiques

317 Les exceptions sont principalement visées par l’article 180 et 183 de la LDR : le droit forfaitaire d’exploitation du terrain en friche qui est acquis par le moyen d’appel d’offre, d’adjudication ou de négociation publique peut être hypothéqué ; l’hypothèque de bâtiments d’entreprise rurale s’étend au droit d’usage de terrain sur lequel les bâtiments se situent.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

279

de ceux-ci méritent donc un examen plus approfondi. En réalité, afin de

simplifier la relation juridique foncière, le droit chinois a suscité le principe de

l’indivisibilité entre le droit d’usage du terrain et la propriété de bâtiment sur

celui-ci, qui est énoncé plus précisément par la doctrine comme « le bâtiment

suit la terre, la terre suit le bâtiment ». La LDR, et la LS appliquent

explicitement ce principe à l’hypothèque. Ainsi, l’hypothèque du bâtiment

s’étend au droit d’usage du terrain sur lequel il se situe, même si les parties

n’ont pas entendu l’étendre à ce dernier ou, vice versa (art.182, LDR). Le droit

chinois limitant strictement le changement de la destination du terrain collectif

rural, il faut donc distinguer le régime du bâtiment et du droit d’usage dans les

zones rurales et suburbaines où le terrain est la propriété de la collectivité de

celui dans les zones urbaines où le terrain est la propriété de l’État. Dans cette

dernière hypothèse, l’hypothèque de bâtiment ou celle de droit d’usage du

terrain respecte strictement le principe de l’indivisibilité précitée. Dans la

première hypothèse, en revanche, l’hypothèque de bâtiment n’est pas

théoriquement interdite par la loi, mais le droit d’usage du terrain est

inaliénable et ne peut donc être hypothéqué (art.153, 184, LDR). Cela interdit

en réalité l’hypothèque de bâtiment rural et réduit les droits du propriétaire du

bâtiment. Cette interdiction subite toutefois une exception. L’hypothèque de

bâtiment rural constituée par une entreprise se situant dans les zones rurales

s’étend naturellement au droit d’usage du terrain s’attachant au bâtiment

hypothéqué318. En résumé, cela interdit en pratique l’hypothèque de bâtiment

rural, alors même que l’essentiel du patrimoine de la majorité des agriculteurs

est précisément constitué de biens de cette nature. Cette restriction crée un

traitement discriminatoire, au demeurant fort critiqué, entre les immeubles

318 Selon l’article 183 de la LDR, l’hypothèque constituée par une entreprise rurale peut porter sur le bâtiment situé dans les zones rurales et suburbaines. Dans ce cas là, elle s’étend au droit d’usage du terrain occupé.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

280

ruraux et les immeubles urbains. Toutefois, la pratique du crédit rural ne tient

toujours pas compte de cette distinction.

488. En droit français, l’assiette de l’hypothèque peut être étendue du fait

du mécanisme propre au droit des biens. Ainsi, tous les accessoires du bien

hypothéqué, qu’ils soient juridiques ou matériels, qu’ils soient inscrits ou non

lors de l’inscription hypothécaire, peuvent servir d’assiette à l’hypothèque. De

même, l’hypothèque s’étend à toutes les améliorations apportées à l’immeuble

grevé (dernier alinéa, art.2397, C. civ.). Cela a une grande importance en

pratique car l’amélioration accroît souvent la valeur d’immeuble hypothéqué.

Le droit chinois consacre aussi l’extension de l’hypothèque à tous les

accessoires du bien grevé319 et, à toutes les améliorations apportées, sauf que

les biens apportés à l’amélioration sont séparables du bien grevé et que cette

séparation ne nuit pas à la valeur du bien.

489. L’hypothèque porte en principe sur les biens présents. Généralement,

les biens à venir ne peuvent être hypothéqués. Cela peut s’expliquer par

l’application du principe de spécialité relative à l’assiette d’hypothèque d’une

part320, et d’autre part, par la sollicitude morale qui veut que l’on «ne

mange pas son blé en herbe »321. Ce principe de prohibition est expressément

maintenu par la réforme française du droit des sûretés (art.2419, C. civ.), qui

admet toutefois trois exceptions (art.2420, C.civ) justifiées par les exigences du

crédit:

1o celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour

la sûreté de la créance peut, au fur et à mesure, consentir une hypothèque sur

319 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.314.

320 F. Martin, op. cit., p.59.

321 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p.287 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUEE, op. cit., no 401, p. 358.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

281

chacun des immeubles qu’il acquerra par la suite. La question se pose ici de

savoir si le débiteur qui n’a aucun immeuble actuel peut hypothéquer ses

immeubles futurs. Cela entraîne une controverse en doctrine. Certains auteurs

apportent la réponse négative322 qui se justifie par l’exigence de

« l’insuffisance » de biens présents fixée par la loi. D’autres au contraire y

apporte la réponse affirmative, mais insistent sur l’inopportunité de la première

opinion : si tel qui n’a pas assez de biens mérite une concession, celui qui n’en

pas du tout y a droit davantage323 . Il faut dire que l’exigence de

« l’insuffisance » de biens présents n’est qu’un pavillon suspendu dans les airs,

puisqu’il suffirait au débiteur d’acquérir un petit bien (voire un mètre carré

dans une terre aride) pour satisfaire à la condition de « l’insuffisance ». De plus,

pour obtenir plus de crédits en utilisant l’hypothèque d’immeubles futurs, le

débiteur dira toujours que ses immeubles sont insuffisants.

2o celui dont l’immeuble présent grevé d’une hypothèque a péri ou subi

des dégradations importantes que sa valeur n’est plus suffisante pour la sûreté

de la créance, peut consentir une hypothèque prévue dans le cas 1o ;

3o celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit

sur le fond d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est

commencée ou simplement projetée324.

490. En droit chinois, l’hypothèque de bâtiment en cours de construction

ou simplement projetée est aussi consacrée par la loi. En réalité, le principe de

prohibition était retenu depuis la LS même si elle n’y consacrait aucun article.

Cependant, à la lumière du régime de mortgage du droit anglais, la Loi sur la

322 MARTY, RAYNAUD, JESTA, III, no 184 ; MZEAUD, CHABAS, no 273 ; Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288.

323 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288.

324 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 405.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

282

gestion des bâtiments et des terrains urbains de 1994 a contrevenu ce principe,

en admettant la vente des bâtiments commerciaux en construction. En 2000, la

Cour suprême a consacré la validité de l’hypothèque grevant sur les bâtiments

en cour de construction ou même simplement projetés, sous l’autorisation des

autorités compétentes (art.43, ELS). La LDR a repris la consécration et l’a

étendu, en disposant dans son article 180 que l’hypothèque peut porter sur des

« bâtiments, navires ou aéronefs en cours de construction », à la seule condition

qu’elle soit légalement approuvée.

Section II – La créance garantie

491. Afin de se conformer aux impératifs de la publicité foncière et de

protéger les intérêts du constituant, le principe de spécialité s’impose tant en

droit français qu’en droit chinois. Étant un droit réel accessoire, l’hypothèque

ne peut, du moins en principe, que garantir une ou plusieurs créances existante

et valable.

492. Néanmoins, l’ordonnance française du 23 mars 2006 et la LDR ont

tous les deux abandonné les critères immobiles de spécialité, en l’assouplissant

toutefois quant aux créances garanties. Les parties peuvent aujourd’hui

constituer une hypothèque pour créances futures ou une hypothèque

rechargeable. Le droit français permet aussi aux parties de constituer une

hypothèque renversée, qui n’est pas admise par le droit chinois positif mais qui

attire beaucoup d’attention des chercheurs et du législateur chinois.

§ I – Une ou plusieurs créances futures

A. En droit français

493. Jusqu’à la réforme de 2006 du droit des sûretés, dans un souci de ne

pas ruiner entièrement le crédit du débiteur et ne le priver pas de son droit

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

283

d’aliénation de ses immeubles325, l’hypothèque ne pouvait pas être constituée

pour garantir des créances futures. Dans la pratique du crédit, cette prohibition

était néanmoins largement atténuée par les banques, puisque les prêts

hypothécaires (la créance garantie), surtout les crédits à consommation,

naissaient souvent après la constitution de l’hypothèque.

494. La réforme de 2006 a heureusement clarifié l’ambigüité sur ce point.

Aux termes de l’article 2421 du Code civil, « l’hypothèque peut être consentie

pour sûreté d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures. Si elles sont

futures, elles doivent être déterminables ». Il n’est donc pas nécessaire que la

créance garantie soit liquide et, elle peut être une créance à terme ou

conditionnelle, à condition que l’acte constitutif a fixé les conditions de sa

détermination. En l’occurrence, l’hypothèque sera l’accessoire de la créance

future.

495. Si l’hypothèque est constituée pour sûreté de créances futures et pour

une durée indéterminée, le Code civil confère au constituant la faculté de la

réaliser à tout moment sauf pour lui à respecter un préavis de trois mois. Une

fois réalisée, l’hypothèque ne demeure que pour la garantie des créances nées

antérieurement (art. 2423, al. 3, C. civ.).

B. En droit chinois

496. À la différence du droit français, aucun texte en droit chinois ne

dispose expressément que l’hypothèque classique peut être consentie pour

garantir une créance future. Cependant, la LS de 1994, s’inspirant du droit

japonais326, a consacrée une section spéciale à l’hypothèque de montant

maximal qui est considérée comme une modalité particulière de l’hypothèque

325 Yves PICOD, op. cit., p. 364.

326 Une section intitulée « L’hypothèque de montant maximal », qui comprend vingt et un articles (de l’article 398-2 à l’article 398-22), a été ajoutée pour la première fois au Code civil japonais le 3 juin 1971.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

284

et qui « peut garantir, dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se

produiront successivement pendant une période déterminée » (art. 59, LS).

Cette technique législative a été reprise et précisée par la LDR de 2007, dans la

section II du chapitre XVI intitulée « L’hypothèque de montant maximal ».

a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant

maximal

497. L’hypothèque de montant maximal peut porter indifféremment sur

les meubles ou immeubles. Cependant, sur la base de la structure de la présente

thèse, nous aborderons ici uniquement l’hypothèque de montant maximal

portant sur des immeubles.

498. L’hypothèque immobilière de montant maximal se constitue par un

contrat écrit dans lequel les parties conviennent de constituer une hypothèque

de montant maximal. À peine de nullité, cet acte doit être inscrit et, le montant

maximal doit figurer en marge de cette inscription hypothécaire.

499. De par sa définition et sa constitution, nous constatons deux

caractères essentiels de l’hypothèque de montant maximal :

-- l’hypothèque de montant maximal apparaît comme ayant une

indépendance relative. D’une part, les créances garanties sont principalement

futures, et ne se produisent pas encore lors de la constitution de l’hypothèque.

Le nombre de créances garanties et leurs sommes finales sont indéterminés,

voire même indéterminables, lors de sa constitution. Qui plus est, l’existence de

la créance initiale, qui est exigée en droit français, n’est pas nécessaire à sa

constitution. De plus, le non-paiement, le transfert ou l’extinction de certaines

créances garanties n’influence pas l’hypothèque elle-même. C’est son caractère

indépendant qui déroge au principe d’accessoriété et de spécialité de

l’hypothèque normale. D’autre part, elle comporte aussi le caractère accessoire

car ses effets sont également sujets à des créances garanties : le montant garanti

par cette hypothèque dépend du plus élevé des deux montants, à savoir le

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

285

montant effectivement réalisé et le plafond fixé dans l’acte constitutif. C’est la

raison pour laquelle l’indépendance de l’hypothèque de montant maximal est

relative.

-- l’hypothèque de montant maximal a aussi un caractère de limitation. Les

limitations se trouvent sur deux plans:

1° sur le plan de la nature des créances : seules les créances régies par une

relation successive (qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle327) de même

nature entre les mêmes créanciers et débiteurs peuvent être garanties par cette

hypothèque. Ces limitations affectent beaucoup la portée de l’hypothèque. Elle

explique aussi pourquoi cette hypothèque spéciale, qui existe en droit chinois

depuis 16 ans, n’a jamais connu un grand essor et ne joue qu’un rôle mineur.

L’introduction de cette hypothèque calquée sur le droit japonais poursuit un but

législatif qui vise principalement à satisfaire les besoins des banques et des

grands négociants. Sans nul doute, cet objectif trop étriqué manque totalement

d’ambition. Mieux vaut se référer au droit français pour libérer cette

hypothèque de ses entraves, afin de réduire le gaspillage du crédit et

d’équilibrer les intérêts des parties concernées328, et afin de promouvoir la

concurrence entre les établissements de crédit et de contribuer au

développement des crédits pour les consommateurs et pour les petites et

moyennes entreprises.

2° sur le plan quantitatif, le montant maximal des créances garanties est

fixé dans le contrat de constitution de l’hypothèque. Après l’inscription,

l’hypothèque est valablement constituée. Les créances prévues au contrat nées

327 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 333.

328 Selon le régime de l’hypothèque de montant maximal en droit positif chinois, le gaspillage du crédit de la valeur du bien hypothéqué est difficile à éviter : des créanciers, afin d’accaparer la valeur du bien grevé et de diminuer le risque de non-paiement de sa créance, préfèrent toujours obtenir une hypothèque dont le montant excessif ne répond souvent à aucune nécessité commerciale. Sur ce point, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 332 ; YANG Hong, op. cit., p. 193.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

286

successivement se glissent automatiquement dans l’hypothèque dans la limite

du montant maximal.

500. Hormis les particularités exposées ci-après, le régime de

l’hypothèque normale s’y applique aussi.

b. Fixation des créances garanties

501. Avant la fixation, les créances garanties par l’hypothèque de montant

maximal ne sont pas déterminées. Elles devront l’être pour l’exercice de

l’hypothèque. Cette procédure fait de l’hypothèque de montant maximal une

hypothèque normale. Dès la fixation, les créances nées postérieurement ne sont

plus garanties par cette hypothèque et, les règles d’hypothèque normale

s’appliquent (art. 83, al. 1, ELS). Selon l’article 206 de la LDR, les causes de la

fixation des créances garanties sont au nombre de six, dont la plus fréquente et

la plus importante est l’échéance du délai de liquidation.

502. Le délai de liquidation désigne « la durée d’existence du droit

d’hypothèque » fixée dans le contrat constitutif de l’hypothèque329. Il permet de

déterminer l’étendue et la somme finale des créances garanties dans la limite du

montant maximal. Lorsque le délai est à échéance, la somme finale des

créances garanties est établie automatiquement ; pour se réaliser, l’hypothèque

de montant maximal aboutit donc à la liquidation.

Cependant, l’hypothèque de montant maximal ne garantit que les créances

qui se produiront pendant une période déterminée (art. 203, LDR). Cela

signifie-t-il que cette période doit être fixée dans le contrat constitutif, à peine

de nullité ? Autrement dit, l’hypothèque de montant maximal peut-elle être

valablement constituée à défaut de période fixée dans le contrat constitutif ? La

LS n’a apporté aucune réponse. Les auteurs considèrent que les parties peuvent

329 ZOU Hailin, CHANG Min, La théorie et la pratique des sûretés de créances, Éd. des documentations des sciences sociales, 2005, p. 226.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

287

modifier le délai de liquidation avant son échéance, et donc convenir de fixer la

durée après la constitution du contrat330. Selon la disposition de l’article 206, 2o

de la LDR, l’hypothèque de montant maximal peut valablement se constituer

sans que « la durée d’existence du droit d’hypothèque » soit stipulée dans le

contrat constitutif. Dans ce cas ou si la convention est floue, le créancier

hypothécaire ou le constituant peut demander la fixation de la somme finale des

créances garanties dans les deux ans de la constitution valable de l’hypothèque.

503. Outre l’échéance du délai de liquidation, d’autres causes peuvent

aussi entraîner la fixation des créances garanties. Un exemple par excellence est

l’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance (art. 206, 3o, LDR), comme

lors de la cessation définitive de la relation de base entre une banque et son

client causée par la résiliation de tout contrat d’affaire ; alors, le créancier ou le

constituant de l’hypothèque de montant maximal peut demander la liquidation

de la somme finale garantie afin d’exercer l’hypothèque ou de l’éteindre par

anticipation.

De même, la fixation des créances peut résulter de la saisie du bien

hypothéqué (art. 206, 4o, LDR), de la faillite ou de la résolution du débiteur ou

du constituant (art. 206, 5o, LDR). En effet, du point de vue de la technique

législative, la disposition 5o de l’article 206 apparaît comme la cinquième roue

du carrosse. D’une part, la faillite ou la résolution du débiteur est une cause

d’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance, déjà prévue par la

disposition 3o du même article. D’autre part, le régime de faillite d’une

personne physique n’existe pas en droit chinois. D’autant plus qu’il n’est pas

possible de « résoudre » une personne physique. Par conséquent, la

disposition 5o de cet article ne vise que des personnes morales en tant que

330 Se référant au droit japonais, certains considèrent que « les parties peuvent en convenir dans les cinq ans de la constitution du contrat », v. CHEN Benhan, op. cit., p. 269 ; certains estiment simplement que les parties peuvent en convenir après la constitution du contrat, sans limite de durée, v. LI Shigang, op. cit., p. 314.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

288

constituant de l’hypothèque de montant maximal. Or, cette hypothèque est

ouverte aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Il faut

donc supprimer la disposition 5o de cet article dans la réforme à venir.

Enfin, les créances garanties peuvent aussi être fixées dans « les autres cas

prévus par la loi » (art. 206, 6o, LDR).

c. Modification concernant l’hypothèque de montant

maximal

504. La modification concernant l’hypothèque de montant maximal s’agit

de deux points : le transfert de créance garantie et la modification du contrat

constitutif.

505. Quant au transfert de la créance principale, il avait était refusé par la

LS qui disposait dans son article 61 que « les créances principales garanties par

l’hypothèque de montant maximal ne peuvent être cédées ». Selon cet article,

les créances principales ne pouvaient être cédées qu’après leur fixation (où

l’hypothèque de montant maximal se transforme en hypothèque normale). Cette

restriction, qui privait le créancier de la libre disposition de son droit, suscitait

de vives critiques. Elle a été abandonnée par la LDR, qui consacre dans son

article 204 la possibilité de céder les créances principales avant leur fixation331.

Dans ce cas, si une créance principale a été cédée avant sa fixation,

l’hypothèque de montant maximal qui la garantit n’est pas transférée avec elle ;

la créance cédée devient une créance chirographaire, sauf dispositions

contraires des parties. En pratique, les parties peuvent convenir de transmettre

l’hypothèque de montant maximal avec la créance principale cédée dans deux

hypothèses332 :

331 Cet article s’inspire en effet des articles 398-12 et 398-12 du Code civil japonais.

332 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 73.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

289

1o la cession de la créance principale entraîne la transmission partielle de

l’hypothèque (la quote-part de l’hypothèque transférée est fixée par les parties) ;

l’hypothèque qui garantit la créance cédée doit être réinscrite. Le plafond

garanti par l’hypothèque ancienne de montant maximal doit alors

corrélativement abaissé et, cette hypothèque doit ainsi faire l’objet d’une

inscription de modification.

2o la cession de la créance principale entraîne la transmission totale de

l’hypothèque de montant maximal. Les créances principales non cédées

deviennent alors des créances chirographaires.

506. En ce qui concerne la modification du contrat de l’hypothèque de

montant maximal, la LS est silencieuse. Les Explications sur certaines

questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) ont traité

cette question pour la première fois, en disposant dans l’article 82 que la

modification du plafond ou du délai de liquidation de l’hypothèque de montant

maximal par les parties au contrat constitutif ne peut s’opposer aux créanciers

hypothécaires de rang postérieur333. L’article 205 de la LDR précise que « avant

la fixation des créances garanties, le créancier hypothécaire et le constituant

peuvent modifier, par convention, le délai de fixation, l’étendue et le montant

maximal des créances garanties, cette modification ne pouvant néanmoins

défavoriser les autres créanciers hypothécaires ». Si cette règle n’est pas

respectée par les parties, quelle est la sanction ? En d’autres termes, quelle est

la sanction en cas de modification du contrat de l’hypothèque de montant

maximal défavorable aux autres créanciers hypothécaires : la nullité ou

l’inopposabilité ? La disposition de la LDR n’est pas claire. Compte tenu du but

législatif poursuivi par cet article, qui cherche à équilibrer la liberté

333 Cette disposition se référait à l’article 398-5 du Code civil japonais qui prévoit que « le plafond de l’hypothèque de montant maximal ne peut être modifié sauf consentement de tous les intéressés ».

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

290

contractuelle et les intérêts des autres créanciers hypothécaires, la sanction

d’inopposabilité apparaît comme la plus raisonnable.

507. Nous nous demandons encore qu’une hypothèque soi-disant normale

peut-elle garantir des créances futures. Certains auteurs chinois soutiennent

qu’il suffit que la créance soit déterminée et valable au moment de l’exercice de

l’hypothèque. En effet, il faut admettre que l’hypothèque normale peut aussi

garantir de créances futures. Dans la pratique du crédit, en particulier du crédit

à consommation, le prêt hypothécaire - la créance garantie - nait souvent après

la constitution de l’hypothèque. Donc, on peut tout à fait constituer une

hypothèque traditionnelle pour garantir une créance future, à condition d’être

légale et déterminable.

§ II – Hypothèque rechargeable

508. L’hypothèque rechargeable, qui est l’« innovation la plus médiatisée

de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006 »334 vise à

stimuler le crédit hypothécaire en diminuant le coût du recours à cette sûreté335,

puisqu’elle peut garantir des crédits successifs, et que les formalités et le coût

sont considérablement allégés.

A. Le mécanisme

509. Selon la définition donnée par l’article 2422 du Code civil,

l’hypothèque rechargeable est une hypothèque qui « peut être ultérieurement

affectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées par l’acte

constitutif ».

a. Les conditions de constitution et son opposabilité

334 Alain GOURIO, L’hypothèque rechargeable, RD banc. fin., 2006, p. 39.

335 Michel GRIMALDI, L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire, D, 2006, no 19, p. 1294.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

291

510. La constitution de l’hypothèque rechargeable est soumise à certaines

conditions. Son mécanisme requiert impérativement deux actes : l’acte

constitutif de l’hypothèque initial, encore appelé l’acte de recharge, et celui de

rechargement. Dans un premier temps, l’acte constitutif de l’hypothèque doit

prévoir expressément une clause de recharge par laquelle le constituant se

constitue une réserve hypothécaire (il l’affecte ultérieurement à la garantie de

créances autres que celles visées par l’acte constitutif) ; celle-ci doit être

publiée avec l’inscription de l’hypothèque (art. 2428, al. 3, 3o, C. civ.). Les

conditions de validité sont celles exigées pour toute hypothèque

conventionnelle ordinaire, sauf certaines particularités propres aux créances

garanties par l’hypothèque rechargeable. Dans la mesure où les créances

garanties ne sont pas prévues dans l’acte constitutif, ni connues, ni déterminées

ou déterminables, il y a une dérogation au principe de spécialité et

d’accessoriété quant à la créance garantie. Les créances, qu’elles soient déjà

nées lors de la constitution de l’hypothèque ou qu’elles lui soient postérieures,

peuvent être garanties par cette hypothèque si le constituant le consent. Seul le

montant maximal de la créance garantie est fixé dans l’acte, à peine de nullité.

511. Dans un second temps, le constituant peut recharger l’hypothèque

par une convention de rechargement passée avec le créancier initial ou d’autres

créanciers. Cette créance glissée ultérieurement dans l’hypothèque ne pourra

être efficacement garantie que dans la limite du montant du plafond fixé –

diminué des créances antérieures restant à acquitter336. Une question se pose

ici : ce plafond peut-il être supérieur au montant de la créance initiale ? Il nous

semble que non puisque, en vertu du principe de spécialité et d’accessoriété, il

n’y a aucune raison que ce montant dépasse la créance initiale. Cependant, la

logique même de l’hypothèque rechargeable, qui détache la sûreté de la créance,

justifie théoriquement qu’il n’y ait rien d’incongru à ce que leurs montants

336 Ibid., p. 1295.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

292

soient différents337. De plus, plusieurs textes contiennent des dispositions qui

consacrent implicitement ce principe, tel que l’article L. 313-14-1, 3o et 4o du

Code de la consommation, lequel dispose que l’offre de crédit doit mentionner

à la fois le montant maximal garanti et le montant du crédit initial souscrit, ce

qui sous-entend que ces deux montants peuvent bien être différents338. Dans la

pratique, imaginons qu’un immeuble ait une valeur de 100, le premier prêt une

valeur de 50, et que le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable soit

fixé à 80. Même en cas de non-paiement du premier prêt, le créancier pour

lequel l’hypothèque est rechargée ultérieurement recevrait encore 30. À

l’inverse, si le montant maximal ne peut excéder la créance initiale, l’efficacité

du rechargement subordonnerait complètement au paiement de cette dernière.

Le créancier ultérieur ne recevrait rien en cas de non-paiement de la première

créance et l’hypothèque rechargeable ne serait qu’un régime fantôme. En

résumé, le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable peut excéder la

créance initiale.

512. La convention de rechargement doit être notariée et publiée par une

mention en marge de l’inscription initiale à peine d’inopposabilité aux tiers

(art. 2430, al. 3, C. civ.). Ce régime permet aux créanciers inscrits de prendre

rétroactivement le rang de l’hypothèque initiale à l’égard des tiers, ce qui

permet de la distinguer de l’hypothèque pour des créances futures. ; entre eux,

c’est leur ordre d’inscription qui détermine leur rang. Imaginons qu’une

337 Ibid., p. 1295.

338 Il existe aussi d’autres textes, par exemple l’instruction de la direction générale des impôts du 1er décembre 2006 concernant l’hypothèque rechargeable et l’allongement de la durée des inscriptions, qui mentionnent que la taxe de publicité foncière est payée sur la plus élevée des deux sommes : la somme rechargeable fixée dans l’acte ou la valeur du capital de la créance. Ceci signifie expressément que les deux montants puissent être différents. L’article 10, III, alinéa 2 de la loi no 2007-212 du 20 février 2007 énonce que « par dérogation à l’article 2423 du même code, la somme garantie ne peut être supérieure au montant en capital de la créance privilégiée » ; comme il s’agit d’une « dérogation », la règle normale est au contraire que « la somme garantie peut être supérieure au montant en capital de la créance initialement souscrite ».

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

293

hypothèque rechargeable inscrite le 1er janvier bénéficie à A, puis que B ait

inscrit une hypothèque ordinaire le 1er février, et que C ait publié une

convention de rechargement le 1er mars, leur rang de paiement sur le prix de

l’immeuble serait comme suit : A, puis C et enfin B.

b. Le domaine d’application

513. L’hypothèque rechargeable est ouverte à tous : personnes physiques

ou personnes morales, consommateurs ou professionnels, à condition qu’ils

aient implicitement la capacité d’aliéner. Cependant, quand elle garantit un

crédit relevant du Code de la consommation, la loi impose un formalisme

informatif protecteur du consommateur (et des petits entrepreneurs

hypothéquant leur résidence principale339). L’offre de crédit (crédit à la

consommation au sens strict ou crédit immobilier) doit comprendre un

document annexe, intitulé « situation hypothécaire », comportant certaines

mentions obligatoires, sous peine pour le prêteur de perdre son droit aux

intérêts et d’être puni d’une amende de 3750 euros (art. L.313-14-1 et

L.313-14-2, C. consom.). De plus, l’hypothèque ne peut pas garantir un crédit

revolving à la consommation (art. L.313-14, C. consom.).

c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable

514. La spécificité de l’hypothèque rechargeable tient aussi à son mode

d’extinction.

339 Solange BECQUÉ-ICKOWICZ, Les réformes de l’hypothèque, Évolution des sûretés réelles : regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 87 : ces règles s’appliquent aussi pour les petits entrepreneurs en vertu du nouvel article L. 526-5 du Code de commerce, les étendant aux personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel, aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle, agricole ou indépendante ou au gérant associé unique d’une SARL quand ils concluent un prêt garanti par une hypothèque rechargeable inscrite sur l’immeuble où ils ont leur résidence principale.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

294

D’une part, elle ne s’éteint pas par l’extinction d’une des créances qu’elle

garantit (art. 2422, C. civ.). Elle subsiste et reste disponible entre les mains du

constituant qui peut l’affecter en garantie de nouvelles créances.

D’autre part, elle ne peut pas faire l’objet de la renonciation du créancier

inscrit (art. 2488, 2o, C. civ.), mais est sujette à la renonciation du constituant

ayant cette capacité, que la durée de l’hypothèque soit déterminée ou

indéterminée. Cette renonciation ne prend effet que dans le futur et n’est donc

pas opposable aux créanciers déjà inscrits (art. 2423, al. 3, C. civ.). Après la

renonciation, s’il existe encore des créances à rembourser, une mention doit

être portée en marge de l’inscription hypothécaire précisant que l’hypothèque

n’est plus rechargeable ; s’il n’existe plus de créance garantie, une radiation

pure et simple est requise.

B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable

515. L’avantage le plus remarquable de l’hypothèque rechargeable est que

son constituant peut ultérieurement l’affecter en garantie, dans la limite du

montant du plafond fixé, au créancier initial ou à un nouveau créancier, avant

que le premier n’ait été payé (art. 2423, C. civ.). Le nouveau créancier se

trouvant à un rang postérieur au premier, son risque est particulièrement élevé

lorsque la créance initiale absorbe l’intégralité de la valeur du bien hypothéqué,

notamment lorsque la première créance est une créance future au montant

incertain, tel que le prix de la fourniture à venir de biens ou services, ou un

crédit revolving à un non-consommateur340. L’hypothèque rechargeable n’offre

une garantie au second créancier que dans la mesure où le montant du plafond

fixé est supérieur à celui de la créance initiale. C’est là le risque normal auquel

est exposé tout créancier de sûreté de second rang. Dans ce sens, cette sorte

d’hypothèque n’est rechargeable et favorable que pour le constituant. Quant

340 Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1296.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

295

aux créanciers inscrits garantis par l’hypothèque rechargeable, ils se trouvent

dans la même situation que dans le cas d’hypothèques ordinaires inscrites sur

un même immeuble – le créancier hypothécaire antérieurement inscrit prime le

suivant. En théorie, l’hypothèque rechargeable est aussi favorable aux

créanciers qu’elle garantit, puisqu’ils priment les créanciers intermédiaires

bénéficiant des hypothèques ordinaires. Si nous reprenons l’hypothèse précitée,

leur rang est A, C et enfin B. Dans la pratique, le créancier intermédiaire B se

montrerait rationnel et n'aurait donc pas choisi de constituer une hypothèque

ordinaire en connaissant l’existence de l’hypothèque rechargeable. En effet,

l’hypothèque ordinaire se trouve ici en second rang et elle ne revêt un intérêt

pour B que dans la mesure où le montant de sa créance est supérieur à celui

disponible de l’hypothèque rechargeable (le montant maximal fixé dans l’acte

constitutif diminue le montant des créances antérieures qui est encore garanti

par l’hypothèque) et où la valeur de l’immeuble est supérieure au montant du

plafond de l’hypothèque rechargeable. Donc, en toute hypothèse, le meilleur

choix pour B est de publier une convention de rechargement qui se glisse

ultérieurement dans l’hypothèque rechargeable et, dans le même temps,

d’inscrire une hypothèque ordinaire en second rang.

§ III – Prêt viager hypothécaire

516. Le prêt viager hypothécaire, encore appelée l’hypothèque renversée,

est introduite en droit français par l’ordonnance du 23 mars 2006. Dans un

contexte de vieillissement de la population chinoise, ce nouvel instrument de

crédit éveille aussi un vif intérêt parmi les chercheurs chinois.

A. Le prêt viager hypothécaire en droit français

517. Sans reprendre la définition précise donnée par l’article L.314-1 du

Code de la consommation, disons simplement que le prêt viager hypothécaire

est un prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un bien immobilier

(résidence principale ou secondaire) qui ont un besoin de financement et ne

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

296

souhaitent pas vendre leur bien immédiatement. Nous envisagerons

successivement sa constitution et son mécanisme de fonctionnement.

a. La constitution

518. L’article L. 314-1 du Code de la consommation stipule que le prêt

viager hypothécaire ne peut avoir lieu qu’entre un établissement de crédit ou un

établissement financier, qui est le prêteur de deniers, et une personne physique

capable, qui est l’emprunteur.

Quant à l’objet de cette hypothèque, l’immeuble doit appartenir à

l’emprunteur et être affecté à un usage exclusif d’habitation. Cette disposition

exclut l’immeuble affecté à une activité professionnelle, mais pas celui affecté

à l’habitation d’un tiers.

Quant à la créance garantie, un prêt in fine dont le capital et les intérêts ne

sont exigibles qu’à l’échéance du terme peut être garanti par l’hypothèque. Il ne

peut être destiné à financer les besoins d'une activité professionnelle. Il vise à

financer les besoins de la vie quotidienne des consommateurs, mais non des

investisseurs (art. L. 314-2, C. consom.).

519. Outre les conditions de fond précitées, il faut remplir aussi certaines

conditions de forme.

L’opération du prêt viager hypothécaire est strictement encadrée. Elle ne

peut faire l'objet d'un démarchage au sens du Code monétaire et financier

(art. L. 314-4, C. consom.), sous peine d’un emprisonnement de cinq ans, d’une

amende de 375 000 euros et de peines complémentaires (art. L. 314-18, 19,

C. consom.). Elle commence normalement par la publicité du prêt émanant du

banquier. Cette publicité, quel qu’en soit le support, doit être loyale et

informative, et comprendre les mentions obligatoires, telles que l'identité du

prêteur, la nature et les modalités du terme de l'opération proposée etc.,

permettant aux intéressés potentiels d’apprécier le prêt, (art. L. 314-3,

C. consom.).

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

297

Toute personne intéressée peut obtenir une offre préalable du banquier qui

contient un certain nombre d’informations, telles que l'identité des parties et la

date d'acceptation de l'offre, l’identification de l’immeuble hypothéqué, la

valeur du bien hypothéqué estimée par un expert choisi, et les modalités du prêt,

notamment les dates et les conditions de mise à disposition des fonds etc. (art.

L. 314-5, C. consom.). L’offre est valide pendant une durée qui ne peut être

inférieure à trente jours ; son acceptation ne peut intervenir que dix jours après

sa réception par l'emprunteur ; avant cette acceptation, tout versement de fonds

sous quelque forme que ce soit est exclu (art. L. 314-6, 7, C. consom.). Le

prêteur qui ne respecte pas les règles ci-dessus s’expose à des sanctions civiles

et pénales : la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts et une amende

de 3 750 euros (art. L. 314-15, 16, C. consom.).

Enfin, le contrat du prêt doit être conclu sous la forme d’un acte notarié

(art. L. 314-7, C. consom.). La raison en est simplement que le prêt est garanti

par une hypothèque341.

b. Le mécanisme

520. Après la conclusion du contrat du prêt, le prêteur est tenu de remettre

le crédit selon les modalités convenues. Le prêt peut être versé en une seule fois

sous forme d'un capital, ou suivant un échéancier de versements périodiques

(art. L. 314-1, C. consom.).

Le prêt a pour but de permettre au débiteur d'obtenir des liquidités de son

immeuble sans s'en dessaisir, pour améliorer ses revenus, faire face à des

dépenses imprévues (dépendance, réparation du logement) ou aider sa

descendance (études des petits-enfants...)… Il lui laisse l’usage et la jouissance

de son bien immobilier. En contrepartie, il est tenu, jusqu’à l’échéance du terme

d’apporter à l’immeuble hypothéqué tous les soins d’un bon père de famille, de

341 Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1297.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

298

n’en pas changer l’affectation et de permettre au prêteur d’accéder à

l’immeuble pour en vérifier l’état (art. L. 314-8, C. consom.).

521. Le montant du remboursement ne peut être exigé qu’à l’échéance du

terme, autrement dit, au moment du décès de l’emprunteur ou, avant son décès,

de l’aliénation de l’immeuble ou du démembrement de la propriété

immobilière 342 . Exceptionnellement, le prêt peut être remboursé par

anticipation si l'emprunteur en fait la demande. La banque est toutefois en droit

de refuser cette demande si le montant du remboursement partiel anticipé est

inférieur à 10% du capital versé (art. R*314-1, C. consom.). Dans l'hypothèse

où la demande est acceptée, il faut distinguer deux cas de figure pour la fixation

du plafond de l'indemnité éventuellement due par l'emprunteur : le cas où le

capital du prêt a été versé en une seule fois ou a fait l’objet de versements

périodiques (art. R*314-2, C. consom.)343. Dans le premier cas, c’est-à-dire le

versement en une seule fois, le montant maximal de l'indemnité sera fonction

de l'année à laquelle interviendra la demande de remboursement anticipée

(entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la 9ème année, à partir la

10ème année) et s'exprimera en nombre de mois d'intérêts sur le capital à

rembourser (4 mois / 2 mois / 1 mois). Dans le second cas, le montant maximal

de l'indemnité sera fonction de l'année à laquelle interviendra la demande de

remboursement anticipée (entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la

9ème année, etc.) et s'exprimera en nombre de versements mensuels dus ou

versés au titre de la 1ère année (5 mois, 3 mois, 2 mois).

En tout état de cause, le montant du remboursement ne peut dépasser le

plafonnement de la valeur de l’immeuble à l’échéance du terme (art. L. 314-9,

C. consom.) ; c’est une disposition logique, dans la mesure où le prêt ne peut

342 Ibid., p. 1297.

343 V. Décret n° 2006-1540 du 6 décembre 2006 pris en application de l'article L. 314-10 du Code de la consommation relatif au remboursement anticipé des prêts viagers hypothécaires, qui a créé les articles R*314-1 à R*314-2 du Code de la consommation.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

299

rendre le débiteur insolvable. Le plafonnement est fixé soit par l’estimation

convenue entre le prêteur et les héritiers ou par un expert désigné amiablement

en cas de décès de l’emprunteur, soit par la valeur effectivement réalisée en cas

d’aliénation de l’immeuble hypothéqué. Si la valeur du bien s'avère supérieure

à la dette, la différence doit être versée à l’emprunteur ou à ses héritiers. Si elle

est inférieure, la perte est alors supportée par l'établissement de crédit.

522. En cas de décès de l’emprunteur, la succession peut choisir de garder

le bien, en remboursant le prêt, qui peut alors être rééchelonné. À défaut, elle

bénéficie de la valeur résiduelle du bien après remboursement (l'excédent de la

valeur du bien après le remboursement de la dette). Si les héritiers refusent la

succession, ils laissent l'établissement de crédit soit se voir attribuer la propriété

de l'immeuble (attribution judiciaire ou pacte commissoire), soit revendre le

bien pour se rembourser.

B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois

523. À la différence du droit français, la loi chinoise n’a pas prévu

expressément l’hypothèque renversée. Toutefois, son régime est actuellement

étudié et il se peut qu’elle soit instaurée par la loi dans la réforme à venir. Nous

étudierons ici la nécessité de son instauration et les problèmes qui se posent.

a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire

524. Au fur et à mesure du vieillissement démographique de la société, le

nombre des personnes de plus de 60 ans s’accroît rapidement344, et ce alors que

le régime chinois des retraites est pour le moins imparfait. La plupart des

retraités perçoivent une pension très faible qui ne suffit pas à couvrir les

dépenses de la vie quotidienne, alors que leurs besoins financiers sont bien

344 Selon la statistique de la Commission nationale des affaires du vieillissement, les personnes âgées de plus de 60 ans représentaient 10% de la population totale en 1999 ; et ce pourcentage a atteint 12.5% en 2010 et, atteindra environ 18% en 2020 et 30% en 2050.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

300

supérieurs à la solvabilité du Trésor public345. Du fait de cette situation, à

laquelle s’ajoute la tradition familiale, l’obligation alimentaire à l’égard des

personnes âgées incombe en principe à leurs héritiers. Si cette solution n’a

guère posé de problème jusqu’à présent, elle rencontre et va rencontrer de plus

en plus de difficultés pratiques. D’une part, en raison de la politique de

planification familiale, une personne née dès la fin des années 1970 est

généralement enfant unique. Cela signifie que les deux époux nés à cette

période doivent généralement assumer l’obligation alimentaire à l’égard des

parents des deux parties, autrement dit, de quatre personnes âgées. C’est donc

un fardeau très lourd pour les jeunes couples, d’autant plus que le coût de la vie

dans les villes, notamment le prix immobilier, a atteint un niveau très élevé,

voire insupportable pour certains jeunes. Pour subvenir aux besoins de la

famille, ils n’ont d’autre choix que de réduire leurs dépenses quotidiennes et ce

changer leur train de vie. Il en résulte une contraction de la demande intérieure

et des obstacles plus importants au développement sain de l’économie de la

Chine. Afin de faire face à ce défi, les chercheurs se creusent la tête pour

trouver des solutions adéquates. Certains regardent vers l’Amérique du nord et

préconisent l’introduction en droit chinois le modèle américain du reverse

mortgage346 qui correspond à l’« hypothèque renversée » en droit français. En

effet, une société d’assurance appelée SA Happy Insurance (xing fu ren shou/

幸福人寿), dont l’activité principale est le prêt viager hypothécaire, a été mise

sur pied depuis 2007. Ce mode d’opération, où le prêt viager hypothécaire est

géré par une société d’assurance, diffère du régime appliqué en droit français.

345 Selon l’estimation du Conseil d’administration national des fonds de protection sociale, le déficit des fonds de protection sociale a atteint mille milliards de Yuan en 2006 et il va s’accroître rapidement.

346 En effet, selon l’énoncé de la Fédération Bancaire Française (FBF), le prêt viager hypothécaire en droit français s’est aussi inspiré du « modèle américain du reverse mortgage ». V. http://www.senioractu.com/pret-viager-hypothecaire-hypotheque- inversee- comment-fonctionne-t-il_a6501.html. Dans ce sens, le prêt viager hypothécaire en droit français correspond en effet à l’hypothèque renversée en droit chinois.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

301

Cependant, il ne signifie pas que le prêt viager hypothécaire doive

nécessairement être régi par une société d’assurance. D’après certains

chercheurs, il est en effet plus logique qu’il soit géré par des banques ou

d’autres établissements financiers spéciaux. Par conséquent, les prêts viagers

hypothécaires dans les deux pays ne sont pas substantiellement différents ; le

contenu des opérations en droit chinois est similaire à celui en droit français,

puisqu’il désigne là aussi le prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un

immeuble qui ont un besoin de financements mais ne souhaitent pas vendre

immédiatement leur bien.

525. Compte tenu de l’absence de dispositions concrètes concernant ce

type d’opération en droit chinois, nous ne procéderons pas à une étude détaillée

du régime existant, comme nous l’avons fait pour le prêt viager hypothécaire en

droit français, mais nous nous attacherons plutôt à analyser les problèmes à

résoudre pour l’instauration du prêt viager hypothécaire en droit chinois.

b. Les problèmes à résoudre

526. En premier lieu, comme le prêt viager hypothécaire est une opération

financière à long terme (une dizaine ou une vingtaine d’années, en principe), la

prolongation de la durée du droit d’usage du terrain est donc un problème

crucial. Selon le droit positif chinois, les terrains dans les zones urbaines

appartiennent à l’État. Un individu ne peut jouir du droit d’usage du terrain que

dans la durée maximale de 70 ans. Par exemple, une personne de 20 ans a

acheté un immeuble de 100 m2. Quand il a 60 ans, il affecte cet immeuble en

hypothèque renversée pour un prêt viager. Le prêteur estime sa durée de vie à

80 ans. Dans ce cas-là, à l’échéance de la créance (le décès de l’emprunteur), la

durée du droit d’usage du terrain de l’immeuble n’est plus que de 10 ans. Si elle

ne peut être prolongée gratuitement ou, tout au moins à bas coûts, la valeur de

l’immeuble hypothéqué sera considérablement réduite et les intérêts du

créancier hypothécaire seront donc menacés. La question de la prolongation de

la durée du droit d’usage du terrain fait maintenant partie de la révision de la

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

302

Loi sur la gestion des terrains. Le sort du prêt viager hypothécaire en droit

chinois dépend plus ou moins des mesures qui seront prises.

527. En second lieu, le prêteur ne peut être remboursé qu’à l’échéance de

la créance, soit, en principe, dans une dizaine d’années. Comme la pratique du

prêt viager hypothécaire se développe progressivement, ses besoins en capitaux

représenteront une proportion de plus en plus importante des capitaux du

prêteur. L'établissement financier se mettant à exercer cette activité doit donc

disposer de capitaux suffisants pour éviter le défaut de liquidité des créances. À

cet égard, les chercheurs sont favorables à la titrisation des créances nées du

prêt viager hypothécaire, afin d’améliorer la fluidité de la circulation des

capitaux des établissements financiers347.

528. Enfin, il reste encore des problèmes techniques qui portent sur

l’estimation de la durée de vie de l’emprunteur, sur la fixation de l’échéancier

et du montant des versements périodiques. Il vaut mieux que les sociétés

d’assurance, qui sont normalement expérimentées sur ce point, soient invitées à

participer. Etant donné que cette opération nécessite des sommes astronomiques,

et qu’elle vise principalement à compléter et améliorer la couverture sociale, le

prêt viager hypothécaire doit être progressivement exercé par les banques, avec

la participation des sociétés d’assurance et sous la direction du ministère du

Travail et de la Protection sociale.

Section III – La qualité du constituant

529. Le constituant d’hypothèque est en principe le débiteur, mais un tiers

peut aussi l’être. Dans ce dernier cas, les règles applicables s’approchent de

celles du gage. En tout cas, le constituant doit être propriétaire d’immeuble

grevé ou titulaire de droits immobiliers ; il doit également avoir la capacité

347 XIAO Yao, Les études des modalités de titrisation du prêt viager hypothécaire – économie coopérative, in sciences et techniques, oct. 2007, p. 56 ; WANG Pan, Le prêt viager hypothécaire doit être essayé, in Finances foncières, 2007, III, p. 74.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

303

d’aliéner le bien grevé. Ce sont les conditions communes exigées par le droit

français et le droit chinois.

§ I – Le titre du constituant

530. En exigeant que le constituant soit propriétaire ou titulaire du bien

grevé, le législateur vise en effet à interdire l’hypothèque de la chose d’autrui,

ce qui participe du même principe que celui d’interdire l’hypothèque des biens

à venir. Sur ce point, les législateurs français et chinois ont adopté les mêmes

règles, tout en poursuivant des finalités différentes : alors que le premier vise à

protéger les intérêts du constituant348, le dernier prétend principalement à

protéger les intérêts des biens publics349. Le non-respect de ce principe est

sanctionné dans les deux systèmes juridiques par la nullité absolue de la sûreté,

quand bien même le constituant viendrait à acquérir la propriété du bien.

531. Certes, ce n’est pas un principe immobile ou absolu. Il subsiste

certains tempérament : l’hypothèque peut porter sur des biens à venir dans

certains cas (v. supra, n° 489 et n° 490). D’ailleurs, la prohibition est rendue

inapplicable par la théorie de l’apparence en droit français350 et par la théorie

de l’acquisition de bonne foi en droit chinois. La première théorie exige que

l’apparence existe vraiment. Du côté du constituant, il doit avoir un titre et se

comporte comme un propriétaire apparent. Du côté du créancier bénéficiaire, il

doit être de bonne foi, c'est-à-dire ignorer la cause de la nullité du titre ; en

348 «… (Le principe de la prohibition de l’hypothèque de la chose d’autrui) se rattache à la prohibition de l’hypothèque des biens à venir :la chose d’autrui est souvent l’immeuble que le constituant envisage d’acquérir » et que la dernière vise à « …éviter qu’une personne, sous la pression du besoin ou de ses créanciers, ne prenne des engagements qu’elle risque de regretter par la suite ». Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 289 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 411.

349 En Chine, il arrive souvent que des dirigeants d’entreprises publiques hypothèquent des biens d’entreprises pour leurs propres intérêts.

350 La théorie qui permet de se fonder sur l’apparence d’une situation pour lui faire produire des effets juridiques qui ne lui sont pas normalement attachés puis qu’en réalité, au delà de l‘apparence, elle ne remplit pas les conditions nécessaires à cette fin.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

304

outre la cause doit nécessairement avoir été ignorée de tous351. La théorie de

l’acquisition de bonne foi en droit chinois exige que le créancier bénéficiaire

doive ignorer que le constituant n’ait pas le droit d’en disposer, que

l’acquisition du droit est réalisée à un prix raisonnable, et que la publicité du

droit doive déjà avoir été effectuée (art. 106, LDR).

532. L'indivision est une « situation juridique qui existe, jusqu’au partage

d’une chose ou d’un ensemble de choses, entre ceux qui ont sur cette chose ou

cet ensemble un droit de même nature, chacun pour une quote-part, aucun

n’ayant de droit privatif cantonné sur une partie déterminée et tous ayant des

pouvoirs concurrents sur le tout »352. Un indivisaire ne peut donc pas se

prévaloir de sa qualité de propriétaire avant la décision du partage, alors même

que pour pouvoir constituer une hypothèque, il faut que le constituant soit le

propriétaire de l'immeuble en question. Se pose donc ici la question de savoir si

on peut constituer une hypothèque sur un bien indivis avant la décision du

partage.

533. En droit français, les immeubles indivis peuvent aussi être

hypothéqués, sans l’accord d l’ensemble des indivisaires. Sa validité ne pose

aucun problème. Toutefois, lorsque l’hypothèque porte sur l’immeuble indivis,

son efficacité est différente selon qu’elle a été consentie par l’ensemble des

indivisaires ou non. L’article 2414, alinéa 2 du Code civil fixe expressément les

règles applicables à ces deux situations. Dans la première hypothèse353,

l’hypothèque produit tous les effets de l’hypothèque ordinaire, quel que soit le

résultat du partage. Le créancier bénéficiaire prend rang de créancier de

351 Dominique, LEGEAIS, op. cit., p.412.

352 Gérard CORNU, op. cit., p.476.

353 Il arrive souvent en pratique, que lorsque tous les indivisaires sont débiteurs du même créancier ou lorsqu’ils acceptent d’affecter la totalité de l’immeuble pour permettre à l’un d’entre eux de se procurer le crédit dont il a besoin. V. Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 413.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

305

l’indivision. La jurisprudence de la Cour de cassation lui permet de saisir le

bien alors même qu’on se trouve dans le cadre d’une procédure collective354.

En cas de non paiement de sa créance, le créancier hypothécaire pourra faire

saisir et vendre le bien même avant le partage. Dans la dernière hypothèse,

l’efficacité de l’hypothèque dépend des résultats du partage. Le partage fait

disparaître rétroactivement les droits indivis et donne à chacun des attributaires

un droit de propriété exclusif depuis la naissance de l’indivision. L’hypothèque,

si elle est consentie par l’attributaire ou un des attributaires, porte donc sur les

biens acquis par lui ou par eux ; si elle est consentie par un indivisaire non

attributaire, l’hypothèque est rétroactivement anéantie355. Si le bien indivis est

vendu à un tiers, l’hypothèque se reporte sur la fraction du prix acquis par le

constituant.

Quant à l’hypothèque d’une quote-part dans un ou plusieurs immeubles

indivis, elle ne conserve son effet que si l’indivisaire constituant est alloti du ou

des immeubles indivis. Si l’immeuble grevé est vendu à un tiers, l’hypothèque

porte sur le prix que le constituant a alloti (art.2414, al.2, C. civ.).

Dans les hypothèses où l’hypothèque n’est consentie que par l’un des

indivisaires ou qu’elle porte sur une quote-part d’un ou des immeubles indivis,

comment réaliser le droit du créancier hypothécaire lorsque l’immeuble grevé

n’a pas été partagé, ni vendu à un tiers lors de sa réalisation? Le créancier

hypothécaire peut-il demander immédiatement le partage pour réaliser son droit?

Il est conduit à l’admettre, à défaut de quoi l’hypothèque ne revêtirait guère

d’intérêt. Le créancier hypothécaire peut alors provoquer le partage pour se

prévaloir ses prérogatives356.

354 « …le créancier pouvait saisir le bien alors même qu’une procédure collective est ouverte au nom des coindivisaires ». Cass. 1re civ., 28 juin 2005, JCP N 2006, 1025, n. V. BRÉMOND.

355 Cass. 3e civ., 27 mai 1986, JCP N 1987, II, 13, n. M. DAGOT.

356 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 414.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

306

534. En droit chinois, la possibilité de l’hypothèque des immeubles

indivis dépend de la situation de l’indivision. Sous l’empire des PGDC, l'accord

unanime de tous les indivisaires est nécessaire pour chaque acte de gestion,

d'administration et disposition sur le bien commun357 , parmi lesquels

l’hypothèque. L’hypothèque de l’immeuble ou des immeubles indivis sans

l'accord unanime de tous les indivisaires est donc interdite. La LDR a repris

cette exigence dans son article 97 en distinguant l’indivision commune de

l’indivision par quote-part358: la disposition du bien indivis sous régime de

l’indivision commune exige le consentement unanime de tous les indivisaires,

tandis que celle sous régime de l’indivision par quote-part n’a pas besoin d'être

prise à l'unanimité, mais à la majorité des deux tiers des droits indivis.

Cependant, dans les deux cas, une stipulation contraire dans la convention

d'indivision suffit à rendre caduques les effets de cette loi (art.97, LDR).

535. Cependant, il convient de distinguer la situation de la disposition de

quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis de celle de la disposition

totale de l’immeuble ou des immeubles. Si la dernière disposition concerne les

intérêts de tous les indivisaires et, exige donc leur consentement unanime, la

première ne concerne que la quote-part du disposant qui sera alloti dans le futur

partage, et ne porte en conséquence pas atteinte aux intérêts des autres

indivisaires. En conclusion, on peut dire que l’article 54 des ELS admet

expressément les effets de l’hypothèque de quote-part, dont le régime

357 V. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application des PGDC (application à titre d’essai) rendu par la Cour suprême l3 26 janvier 1988 dispose que « les indivisaires ont les mêmes droits sur des biens indivis et assurent les mêmes obligations. Sans avoir le consentement de tous les indivisaires, la disposition des biens indivis avant la décision du partage est en principe nulle. Sauf que le tiers acquéreur est de bonne foi et l’a acquit à titre onéreux… ». Cet article ne vise que l’indivision commune

(共同共有/ gong tong gong you) et ne dit rien de l’indivision par quote-part (按份共有/ an fen gong you).

358 V. n. 134. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application de la PGDC ne vise que l’indivision commune et ne dit rien de l’indivision par quote-part.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

307

s’assimile à celui en droit français: elle ne conserve son effet que si l’indivisaire

constituant est alloti du ou des immeubles indivis, et ne porte que sur le prix

alloti au constituant si l’immeuble grevé est vendu à un tiers.

536. Cette analyse démontre donc que les règles en droit français sont

beaucoup plus souples que celles en droit chinois.

§ II – La capacité

537. L’article 2400 du Code civil français exige que le constituant ait la

capacité d’aliéner le bien grevé à peine de nullité relative. C’est logique dès

lors que la réalisation de l’hypothèque puisse entraîner la vente ou le transfert

du bien. C’est une règle visant à protéger le constituant. Pour la constitution

d’hypothèque, la capacité d’agir des mineurs, et des majeurs sous tutelle est en

conséquence limitée.

Le droit chinois des sûretés ne prévoit pas de dispositions spéciales sur ce

point. Or, selon la théorie générale de la capacité, les incapables n’ont pas la

capacité d’exercice (art.12 à 14, PGDC). Ils ne peuvent ni exercer eux-mêmes

une action civile, ni assurer une responsabilité civile. Il est donc raisonnable

qu’ils ne puissent pas être constituants d’hypothèque.

538. D’ailleurs, les droits français et chinois exigent également que le

constituant doive disposer du pouvoir nécessaire pour consentir une

hypothèque. Les restrictions au pouvoir de consentir une hypothèque ont

toutefois des sources différentes.

En droit français, les restrictions sont principalement les suivantes :

1o l’hypothèque des biens des incapables et ceux des absents, ne peut être

constituée que pour les causes légales et dans les formes établies par la loi, ou

en vertu de jugements (art.2415, C. civ.).

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

308

2o dans les régimes matrimoniaux, l’hypothèque portant sur le logement

familial (art.215, C. civ.) ou sur l’immeuble appartenant aux biens communs

(art.1422 et 1424, C. civ.) doit recueillir le consentement des deux conjoints.

L’hypothèque consentie par l’un des époux peut être annulée à la demande de

l’autre.

3o il existe aussi certaines restrictions particulières, telles que la limite de

la constitution d’hypothèque sur les biens d’une société qui nécessite des

délibérations ou délégations de pouvoir établies sous signatures privées

(art.1814-2, C. civ.) ou celle de la constitution d’hypothèque après l’ouverture

d’une procédure collective.

Ce sont en réalité des restrictions qui s’appliquent à toute sûreté réelle

conventionnelle.

Les restrictions en droit chinois se trouvent leurs sources dans :

1o les régimes des incapables (art. 12 et s., PGDC) et des absents (art.21,

PGDC). Le curateur des biens des incapables et des absents ne peut donner les

biens en hypothèque que pour les dettes ou les intérêts de la personne sous sa

curatelle.

2o dans les régimes matrimoniaux, les règles appliquées au gage sont

également applicables à l’hypothèque. Autrement dit, l’hypothèque constituée

par l’un des époux sans consentement de l’autre conjoint est en principe nulle,

sauf si le créancier bénéficiaire est de bonne foi et se fie à l’apparence qui lui

semble que c’est la volonté commune des époux. La responsabilité de preuve

de mauvaise foi du créancier incombe à celui qui poursuit la nullité de

l’hypothèque.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

309

3o selon le droit chinois des sociétés, la limite de la constitution

d’hypothèque sur les biens d’une société exige aussi des délibérations ou

délégation spéciales.

Section IV– Les exigences de forme

539. Quel que soit le système juridique dans lequel elle s’inscrit,

l’hypothèque doit satisfaire à certaines conditions formelles.

540. Le contrat d’hypothèque est un acte solennel par excellence en droit

français359. L’article 2415 du Code civil exige que l’hypothèque ne puisse se

constituer que par un acte notarié. C’est donc une condition obligatoire de la

validité d’hypothèque. L’inobservation de cette exigence est sanctionnée par la

nullité absolue de l’hypothèque. L’hypothèque est donc un acte solennel plus

sévère que la vente d’immeuble qui peut valablement se passer par un acte sous

seing privé. Cela peut s’expliquer par les faits suivants:

Premièrement, l’hypothèque est vraiment un acte plus grave que la vente.

En effet, alors que celui qui vend l’immeuble peut recevoir immédiatement une

contrepartie raisonnable, celui qui l’hypothèque ne voit pas sa situation se

modifier et risque de s’engager à la légère360. L’intervention du notaire vise

donc à protéger le constituant qui a besoin de ses conseils professionnels.

Deuxièmement, le notaire étant responsable de la validité de l’hypothèque

tant pour son efficacité que pour son évaluation (sauf la dépréciation ultérieure

et imprévisible de l’immeuble), l’acte authentique protège également les

intérêts du créancier bénéficiaire.

359 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 415.

360 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 281.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

310

541. En vertu du principe général qui veut la procuration permettant

d’accomplir un acte solennel est soumise à la même forme que celui-ci,

l’exigence d’acte notarié s’applique aussi au mandataire dans la constitution

d’hypothèque. Ce principe souffre cependant des exceptions relatives à

l’hypothèque constituée au profit de l’État ou à celle constituée par

représentants statutaires des sociétés (art.1844-2, C. civ.). Cette dernière

exception peut s’expliquer « par les nécessités pratiques et le fait qu’une société

n’a pas besoin d’être protégée »361.

542. En outre, cette exigence ne s’applique pas à la promesse

d’hypothèque, par laquelle le promettant s’engage à constituer une hypothèque

à la demande du créancier. La promesse d’hypothèque sous seing privé est donc

valable.

On considérait qu’en cas de refus du promettant de respecter son

engagement, le créancier pourrait l’y contraindre. Mais la Cour de cassation

consacre avec constance que celui qui ne respecte pas son engagement de faire

est seulement sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts. L’exécution

forcée n’y est pas applicable parce que l’acte notarié est une condition de

validité de l’hypothèque. La promesse d’hypothèque est donc « une vraie

fausse garantie »362.

543. L’acte notarié doit mentionner: les conditions permettant de

déterminer les créances garanties, celles déterminant les biens hypothéqués

(art.2418, C. civ., tels que la nature et la situation de chacun des immeubles), le

montant de la créance garantie (art.2423, C. civ.), la cause d’hypothèque

361 Ibid., p. 282.

362 Cass. com., 3 mai 1988: D. 1989, 58, n. Ch. GAVALDA ; Cass. 3e civ., 7 avr. 1993: JCP E 1993, I, 300, no 12, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE ; M. MATHIEU, Une vraie fausse garantie: la promesse d’affectation hypothécaire, RD bancaire et bourse 1992, 48.

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Chapitre I – La constitution de l’hypothèque

311

(art.2421, ali.2), la mention que l’hypothèque est rechargeable ou non (art.2422,

C. civ.).

544. À la différence du droit français, la validité du contrat de

l’hypothèque en droit chinois ne soumet qu’à une solennité restreinte – comme

le contrat de gage ou de nantissement – la forme écrite du contrat. C’est une

condition de validité du contrat d’hypothèque consacrée par la LS et la LDR.

Les mentions nécessaires, que doit comporter l’acte écrit, sont la désignation de

la dette garantie – la nature et le montant de la créance - et le siège, l’état et la

nature des immeubles donnés en hypothèque. Ce sont les deux clauses

nécessaires et obligatoires à la validité du contrat d’hypothèque363.

545. Mais comme pour la vente ou la transmission d’immeubles, l’acte

authentique n’est toutefois pas obligatoirement exigé pour la validité de

l’hypothèque en droit chinois. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce

formalisme limité: premièrement, le recourt au notaire dans les transmissions

de droits réels n’est pas habituel, il ne serait donc pas approprié de l’imposer

par la loi ; deuxièmement, le législateur chinois estime que le recours

obligatoire au notaire engendrerait un coût de transaction supplémentaire non

nécessaire ; troisièmement, les notaires chinois étaient des fonctionnaires et

nombre d’entre eux n’étaient pas suffisamment compétents. Par conséquent, le

notariat chinois ne jouait le rôle majeur qui est le sien en droit français.

546. Il faut remarquer également que, comme dans la situation du gage, le

droit chinois distingue aussi la validité du contrat de l’hypothèque de celle de

l’hypothèque elle-même. La validité du contrat de l’hypothèque n’emporte pas

nécessairement celle de l’hypothèque. Alors que l’acte écrit suffit pour la

validité du contrat de l’hypothèque, la validité de l’hypothèque est soumise à la

formalité de l’inscription hypothécaire immobilière.

363 YANG Hong, op. cit., p. 141.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

312

Chapitre II – L’inscription hypothécaire

547. Conformément à leurs propres principes de publicité foncière,

l’inscription hypothécaire en droit français et celle en droit chinois poursuivent

des finalités différentes. Dans le premier cas, l’inscription joue principalement

un rôle dans la condition d’opposabilité et dans l’attribution du rang au

créancier. En droit chinois, l’inscription hypothécaire remplit les fonctions plus

importantes que celles qui lui sont dévolues en droit français. Hormis les deux

fonctions précitées qu’elle joue en droit français, l’inscription hypothécaire est

aussi une condition de validité de l’hypothèque elle-même en droit chinois.

Néanmoins, cela ne signifie pas que les inscriptions hypothécaires dans les

deux pays sont complètement différentes. Si on fait abstraction des différences

relatives aux effets d’inscription, leurs régimes sont largement comparables.

Section I – Les mentions obligatoirement requises

548. La validité de l’inscription hypothécaire est impérativement

subordonnée à l’observation des règles posées par le droit de la publicité

foncière.

549. En droit français, l’inscription doit obéir à un certain ordre : le

créancier doit d’abord déposer à la conservation des hypothèques (une

institution française administrative et fiscale de la direction générale des

finances publiques) une copie signée et certifiée de l’acte constitutif de

l’hypothèque (soit l’acte notarié de l’hypothèque). Puis il doit également y

déposer un bordereau en deux exemplaires comportant les mentions exigées par

l’article 2428 du Code civil ; ces mentions doivent permettre de désigner les

parties, l’immeuble hypothéqué et la créance garantie. Le dépôt doit donc

mentionner, à peine d’être refusé, l’indication du titre générateur de la sûreté. Il

doit respecter le principe de l’effet relatif gouvernant la publicité foncière qui

oblige le bordereau à viser la publication préalable du titre de propriétaire de

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

313

l’immeuble hypothéqué364. Le principe de spécialité s’applique aussi à

l’inscription hypothécaire, ainsi le bordereau doit mentionner :

- la désignation de l’immeuble hypothéqué, par référence au cadastre ;

- le titre générateur de la créance garantie, ainsi que sa cause et son

montant, et le cas échéant, la clause de rechargement (les indications permettant

de déterminer le montant de la créance garantie).

Les accessoires de la créance garantie sont couverts par l’hypothèque si

l’inscription les a mentionnés. Cependant, tous les accessoires ne sont pas

automatiquement garantis. Cette inscription principale ne garantit que les

intérêts et arrérages échus avant l’inscription et ceux échus après l’ouverture de

la procédure de la distribution du prix365. De plus, elle ne les couvre que « pour

trois années seulement, au même rang que le principal ». Certes, le créancier

peut procéder à une inscription particulière portant hypothèque à compter de

leur date, pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés par

l'inscription primitive (art. 2432, C. civ.).

Après l’inscription, l’un des bordereaux sera retourné au requérant avec

mention de l’accomplissement de la formalité. Sauf dispositions contraires, ces

règles s’appliquent aussi aux privilèges immobiliers, hypothèques légales et

judiciaires.

550. En droit chinois, bien que la LDR exige dans son article 10

l’établissement d’un « organe unique » chargé de l’inscription foncière, il est

regrettable que l’inscription hypothécaire n’ait pas encore été uniformisée.

364 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 420.

365 Ibid., p. 421.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

314

Le créancier doit procéder à l’inscription hypothécaire auprès du bureau

des bâtiments ou/et des terrains, ou encore d’autres organes chargés de

l’inscription immobilière en vertu de lois spéciales (tels que le bureau des forêts

qui est chargé de l’inscription de l’hypothèque portant sur des forêts). Le

créancier doit y déposer une demande de l’inscription hypothécaire, l’acte

constitutif de l’hypothèque et l’acte constitutif de l’obligation principale. Il doit

ensuite y déposer un bordereau comportant les mentions nécessaires à la

désignation des parties, de l’immeuble hypothéqué et de la créance garantie.

Pour ce faire, le créancier doit également présenter la pièce d’identité du

demandeur, et le certificat de propriété immobilière. Le cas échéant, d’autres

mentions sont également requises (telles que les indications permettant de

déterminer le montant de la créance garantie).

Dès que les conditions légales de l’inscription sont remplies, l’organe

chargé d’inscription mentionne sur le registre les parties intéressées à

l’hypothèque, le montant de la créance garantie (s’il s’agit d’une créance

indéterminée, les conditions permettant de la déterminer) et la date de

l’inscription.

Section II – Délai de l’inscription

551. Contrairement aux règles qui prévalent pour l’inscription de

mutations immobilières, en droit français, il n’existe pas d’exigence expresse

du délai d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut l’inscrire

quand il veut. Mais il faut remarquer qu’il existe en droit français quatre

événements qui arrêtent le cours d’inscription et rendent l’inscription inefficace.

Ces événements visent toujours à protéger les intérêts de tiers366. Ce sont les

arrêts du cours d’inscription :

366 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 293.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

315

--- en cas de décès du constituant, l’inscription hypothécaire est empêchée

si la succession est acceptée à concurrence de l’actif net par un ou plusieurs

héritiers (art.792-2, C. civ.) ;

--- en cas de mutations immobilières, l’inscription hypothécaire

postérieure à la publication de l’aliénation sera rejetée par le conservateur367 ;

--- s’il y a un commandement de saisie publiée, le débiteur titulaire de

l’immeuble n’a plus le droit d’en disposer (interdiction de l’aliéner ou de

constituer sur lui un droit réel), l’inscription hypothécaire postérieure est donc

inutile ;

--- en cas d’ouverture d’une procédure collective ou de surendettement

personnel, l’inscription hypothécaire postérieure est interdite selon les articles

L.622-30, L.634-14 et L.641-3 du Code de commerce. Considérant que ces

procédures rendent l’inscription inutile, et que l’inscription est attributive du

rang, il va sans dire que le créancier l’inscrira le plus rapidement possible.

552. Le droit chinois n’impose pas non plus d’exigence quant au délai

d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut procéder à

l’inscription à tout moment. Le droit chinois retenant le principe de

l’inscription-validité pour les droits immobiliers, le créancier procède

normalement à l’inscription hypothécaire le plus rapidement possible.

Section III – La péremption, la radiation et la réduction

553. L’inscription hypothécaire n’est pas absolue tant en droit français

qu’en droit chinois, puisqu’elle peut faire l’objet de péremption, de radiation ou

de réduction.

§ I – La péremption de l’inscription hypothécaire

367 Cass. 3e civ., 12 juin 1996, Bull. civ. III, no 145 ; D., 1997, som.p257, obs. S. PIEDELIÈVRE ; RD imm. 1997, p.114, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

316

554. En droit français, les parties peuvent librement convenir de la durée

de l’inscription en se conformant aux exigences fixées par l’article 2434 du

Code civil : l’inscription prend fin au plus tard un an après l’échéance de la

créance et cinquante ans après l’inscription ; si l’échéance de la créance est

indéterminée ou s’il y a une clause de rechargement, la durée maximum de

l’inscription est de cinquante ans après l’inscription ; si la créance est déjà

échue, la durée maximum de l’inscription est de dix ans après l’inscription.

Au bout de ce délai, l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité. Le

créancier peut certainement l’inscrire à nouveau, mais cette nouvelle inscription

ne garde pas le rang de l’inscription primitive. Il risque donc de subir les

conséquences des quatre événements précités ou d’autres contingences. Afin

d’éviter ces risques, le créancier peut, sans requérir le consentement du débiteur,

procéder à un renouvellement de l’inscription avant que la péremption ne

s’accomplisse. Ce renouvellement garde le rang primitif de l’inscription de

l’hypothèque et fait échec à la péremption antérieure. La nouvelle péremption

court de la date de la nouvelle inscription. Antérieurement, lorsque l’immeuble

hypothéqué avait été transformé en prix (l’effet légal de l’hypothèque), le

renouvellement de l’inscription était inutile. De plus, on distinguait

déraisonnablement les prix résultant de la vente volontaire, de la saisie ou de

l’indemnité versée en cas de perte ou d’expropriation de l’immeuble. La

nouvelle rédaction de l’article 2435, alinéa 3 du Code civil met fin à cette

distinction. Aujourd’hui, le renouvellement de l’inscription est obligatoire

jusqu’au paiement total ou à la consignation du prix (la consignation du prix

s’assimile au paiement, parce qu’elle permet ensuite de distribuer le prix aux

créanciers hypothécaires d’après leur rang). Si le paiement ou la consignation

du prix est partiel, le créancier doit procéder au renouvellement de l’inscription

avant la péremption pourvu que le montant restant de la créance soit garanti par

l’hypothèque.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

317

555. À la différence du droit français, la loi chinoise ne limite pas la durée

de l’inscription hypothécaire. Il n’est pas non plus nécessaire pour les parties de

convenir de la durée de l’inscription, car les juristes chinois considèrent que la

durée convenue n’affecte pas l’hypothèque en raison du principe de numerus

clausus.

Il découle du caractère accessoire de l’hypothèque que la durée de

l’inscription hypothécaire dépend de la créance qu’elle garantit. Selon l’article

12 des ELS, « la durée de sûreté réelle est indépendante de la durée de

l’inscription de celle-ci convenue par les parties ou fixée par l’organe

d’inscription. Après la prescription de la créance garantie, si le créancier garanti

exerce son droit de sûreté réelle dans les deux ans à compter de la prescription,

le tribunal populaire doit le soutenir ». Autrement dit, la durée implicite de

l’hypothèque équivalait à la durée convenue de l’exercice de la créance

garantie majorée de quatre ans (2 ans de la durée de prescription de la créance

garantie plus 2 ans). Néanmoins, l’article 202 de la LDR a modifié la règle, en

énonçant que le créancier hypothécaire doit exercer son droit avant la

prescription de la créance garantie ; sinon, il perdra le bien-fondé du procès. En

synthétisant les deux dispositions, nous pouvons conclure que la durée de

l’hypothèque égale à la durée convenue de l’exercice de la créance garantie

plus deux ans (la durée de prescription de la créance garantie), qu’à l’expiration,

l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité tant à l’égard des tiers qu’à

l’égard du constituant.

§ II – La radiation de l’inscription hypothécaire

556. La radiation est une opération qui consiste en une mention en marge

de l’inscription et qui informe les tiers. Qu’elle soit volontaire ou judiciaire368,

368 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 498.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

318

son effet est identique en droit français : la radiation rend l’hypothèque

inexistante (art.2440, C. civ.). C’est donc un acte grave.

La radiation d’une inscription peut résulter du consentement des parties

intéressées. C’est ce que l’on l’appelle la « radiation volontaire ». La réforme

de 2006 a facilité la formalité de radiation. Néanmoins, considérant la gravité

de l’acte, la radiation doit être exécutée sous forme d’un acte notarié, à

l’exception toutefois de la radiation consentie par un dirigeant de société qui

procède par le dépôt « d’une copie authentique d’un acte notarié certifiant que

le créancier, à la demande du débiteur, a donné son accord à cette radiation ».

Le conservateur doit s’assurer de la capacité et des pouvoirs du requérant de

radiation ; son contrôle ne se limite pas à la régularité formelle de l’acte, sauf

en cas de radiation simplifiée369. Ce contrôle excède la prescription du droit

commun.

De plus, le créancier doit avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Si

la mainlevée est faite après le paiement, le créancier doit avoir la capacité de

recevoir le paiement. Si elle est faite en l’absence du paiement, le créancier doit

avoir la capacité de renoncer à un droit réel immobilier. Après la radiation,

l’hypothèque est éteinte, mais la créance subsiste en tant qu’une créance

chirographaire.

Lorsque l’hypothèque est éteinte ou si l’inscription est prise après l’arrêt

du cours de l’inscription, le refus indu de radiation du créancier constitue une

faute. Il doit rembourser les dommages et intérêts si le constituant a subi un

préjudice.

369 Cass. Civ. 3e, 16 juill. 1975, D. 1975, 593. Dans l’arrêt, la Cour de cassation a décidé que le contrôle exercé par le conservateur ne se limite pas à la régularité formelle de la mainlevée, mais s’étend à sa validité au fond.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

319

La radiation judiciaire d’une inscription hypothécaire est ordonnée par le

juge. Compte tenu de la gravité de l’acte de radiation, l’article 2440 du Code

civil exige que le jugement soit en dernier ressort ou passé en force de chose

jugée.

557. En droit chinois, les Mesures d’inscription de bâtiments (MID) du 15

février 2008 rendu par le ministère de la construction disposent dans l’article 48

que les parties peuvent demander la radiation de l’hypothèque en cas

d’extinction de la créance garantie, de réalisation de l’hypothèque, de

renonciation du créancier hypothécaire. D’autres cas de l’extinction

d’hypothèque sont en outre expressément prévus par la loi ou le décret.

La radiation peut aussi être ordonnée par un jugement en dernier ressort ou

passée en force de chose jugée.

La radiation peut donc résulter du consentement des parties intéressées,

plus précisément, de la renonciation du créancier bénéficiaire370. Pour ce faire,

ce dernier doit déposer au bureau d’inscription une demande de la radiation de

l’hypothèque, la pièce d’identité du demandeur, l’acte constatant l’extinction de

l’hypothèque (tel que la renonciation sous forme écrite du créancier, etc.), le

certificat du droit réel autre que la propriété, et le cas échéant, d’autres

documents (art.49, MID). Cela signifie implicitement que la radiation de

l’hypothèque nécessite la participation du créancier hypothécaire, car lui seul

détient le certificat du droit réel autre que la propriété. Le créancier doit bien

sûr avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Ce qui s’apparente au régime

du droit français. Après la radiation, l’hypothèque n’existe plus. La créance

antérieurement garantie subsiste mais devient chirographaire.

370 Le constituant poursuit toujours à libérer son bien hypothéqué le plus vite et le plus simplement possible.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

320

En cas de refus indu de radiation du créancier, la loi chinoise ne dit rien.

Cette lacune devrait être comblée à l’avenir. Il est pertinent de qualifier de faute

ce refus, et comme en droit français, de le sanctionner par des dommages et

intérêts.

La radiation peut être complète ou partielle. Dans ce dernier cas, elle

constitue une réduction de l’hypothèque.

§ III – La réduction de l’inscription hypothécaire

558. Le droit chinois, comme le droit français, prévoit la réduction

volontaire de l’hypothèque : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la

radiation.

559. En droit français, la réduction hypothécaire peut aussi être judiciaire,

ce qui n’est pas possible en droit chinois en raison de l’inexistence

d’hypothèque judiciaire, puisqu’elle ne peut pas porter sur l’immeuble grevé

d’une hypothèque conventionnelle, même si la valeur de l’immeuble

hypothéqué excède le montant de la créance garantie. En effet, l’hypothèque

conventionnelle est le fruit du consentement des parties ; l’intervention du juge

qui constituera une révision du contrat nuirait à la liberté contractuelle. Cette

réduction est donc interdite, sauf si le montant de l’inscription est

unilatéralement évalué par le créancier des créances conditionnelles,

éventuelles ou indéterminées (art.2445, C. civ.). S’il s’agit d’une hypothèque

légale ou judiciaire, la réduction judiciaire est possible lorsque l’inscription

hypothécaire est excessive par rapport au montant de la créance garantie.

« Sont réputées excessives les inscriptions qui grèvent plusieurs immeubles

lorsque la valeur d'un seul ou de quelques-uns d'entre eux excède une somme

égale au double du montant des créances en capital et accessoires légaux,

augmenté du tiers de ce montant » (art.2444, C. civ.). La réduction porte donc

sur la quantité de biens grevés ou sur le montant de l’inscription. La réduction

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

321

étant une radiation partielle, le jugement de réduction doit aussi être en dernier

ressort ou passé en force de chose jugée.

Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe d’inscription

560. Alors que les dispositions relatives à la mission et à la responsabilité

de l’organe chargé de l’inscription sont en droit français relativement abouties,

cette question fait jusqu’ici l’objet d’une grande sollicitude des juristes chinois.

Les règles du droit français offrent en effet de très bonnes références aux

juristes chinois.

561. En droit français, c’est le bureau des hypothèques, ou plus

précisément le conservateur des hypothèques en charge de ce service qui est

responsable de l’inscription. Le conservateur est un fonctionnaire dépendant du

ministère des finances dont le statut est un peu particulier, car il est rémunéré

par les émoluments versés par l’usager de la publicité foncière371. Il est chargé

de procéder, sur réquisition, aux inscriptions des actes qui doivent être soumis à

la publicité et aux radiations correspondantes ; de conserver les registres,

fichiers et archives ; de renseigner le public sur l’état juridique des biens

figurant sur les registres et fichiers372. Outre le salaire, il perçoit également

certaines taxes (la taxe de publicité foncière, TVA …) pour le compte de l’état

ou des collectivités locales373.

562. Cependant, le conservateur des hypothèques n’exerce qu’un contrôle

de la régularité formelle des actes qui lui sont présentés. Il n’est pas juge de la

validité des actes, ni de la réalité des droits du requérant374. Ses pouvoirs, qui

371 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.789.

372 C’est l’objet fondamental de tout système de publicité foncière.

373 Cette dualité des fonctions du conservateur des hypothèques est particulièrement évidente dans le cadre de la formalité unique de publicité foncière et d’enregistrement. V. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.790.

374 Il existe ne exception : en cas de radiation de l’hypothèque, le conservateur des hypothèques exerce un contrôle particulier. V. supra n° 556.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

322

sont prévus par les décrets du 4 janvier et du 14 octobre 1955, se divisent en

deux: le pouvoir de refuser le dépôt et le pouvoir de rejeter la formalité.

Le conservateur peut refuser le dépôt de la requête en cas d’irrégularité

grave ou flagrante375, s’il s’aperçoit immédiatement l’irrégularité des actes. Il

doit le notifier au requérant dans le délai maximum de quinze jours à compter

de la remise des documents. Il lui restitue les documents présentés, avec une

décision datée et signée indiquant succinctement les causes du refus. Le dépôt

refusé ne produit aucun effet. Le requérant, après avoir complété ou rectifié les

documents, peut présenter une nouvelle requête, qui ne prendra rang qu’à la

date de ce nouveau dépôt si elle est acceptée. Ce type de refus est donc très

grave, puisqu’il peut conduire à anéantir ce droit si un autre acte a été publié

entre-temps376.

Si le conservateur constate une ou plusieurs irrégularité des actes377 après

l’acceptation du dépôt, il peut encore refuser de les publier (rejet de la

formalité). Dans ce cas, le conservateur doit notifier au requérant un rejet

provisoire dans le délai d’un mois à compter du dépôt. Une annotation

375 Peuvent être considérées comme cas d’irrégularité grave ou flagrante: 1o les expéditions, copies ou bordereaux présentés ne mentionnent pas les références de la publicité du titre du disposant du droit ou si la publicité du titre ou de l'attestation n'est pas effectuée au plus tard en même temps que la formalité nouvelle (art. 34, Décr. 14 oct. 1955) ; 2o les actes présentés n’ont pas été dressés en la forme authentique (Ibid., art. 68) ; 3o si la requête se rapporte totalement ou partiellement à des immeubles situés hors du ressort du bureau des hypothèque demandé ((Ibid., art. 68-1) ; 4o si les même documents ne sont pas conformes aux prescriptions, notamment quant à la certification de l’identité des parties, à la désignation des biens et à la remise simultanée de l’extrait cadastral (Ibid., art.64, art.34, 2, Décr. 4 janv.1955) ; 5o si la demande de renouvellement d’une inscription hypothécaire est présentée après péremption ou radiation (art.64, Décr. 14 oct. 1955). Sur ce point, v. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.791-792.

376 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p.279. Par exemple, après le refus de dépôt de l’hypothèque et avant le nouveau dépôt, un autre acquéreur publie une vente du même bien, l’hypothèque est inopposable à l’acquéreur.

377 L’irrégularité peut être l’une des irrégularités justifiant le refus du dépôt (V. n. précitée 153) ou d’autres irrégularités moins graves, telles que des discordances être le contenu des actes et les mentions du bordereau ou entre le contenu des actes à publier et celui d’acte précédemment publiés (art. 34, 3, Décr. 4 janv. 1955). V. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.792.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

323

sommaire et provisoire doit, en même temps, être mentionnée au fichier

immobilier. Le rejet laisse un délai d’un mois au requérant pour compléter ou

rectifier sa demande ou le contenu des actes. Une fois que la régularisation est

achevée dans le délai, le conservateur procède à la publication effective et, la

publication prend rang au jour initial du dépôt. À l’inverse, le conservateur va

notifier au requérant un rejet définitif dans le délai de huit jours à compter de

l’expiration du délai d’un mois de régularisation.

En cas du refus du dépôt ou du rejet de formalité, le requérant dispose du

recours contre la décision du conservateur des hypothèques. Le recours est

porté, dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le président

du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles

qui statue comme en matière de référé (art.26, Décr. 4 janv.1955)378.

L’ordonnance de celui-ci n’est pas susceptible d’exécution provisoire, elle est

susceptible de recours et, en ce cas, le juge statue par priorité et d'extrême

urgence. Dès que la décision judiciaire est passée en force de chose jugée, la

formalité en cause est, soit définitivement refusée ou rejetée, soit exécutée dans

les conditions ordinaires. Autrement dit, si le rejet de la formalité est annulé, le

conservateur doit accomplir celle-ci, qui prend rang au jour initial du dépôt ; si

le refus du dépôt est annulé, la partie intéressée procède à un nouveau dépôt qui

ne prend rang qu’à la date du nouveau dépôt. Dans ces deux cas, le

conservateur des hypothèques engagent sa responsabilité.

563. Le conservateur des hypothèques est responsable des fautes

commises dans l’exercice de ses fonctions qui ont causé un préjudice aux

378 En effet, la disposition initiale de l’article 26 du Décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière n’ouvrait ce recours au requérant qu’en cas de rejet définitif de la formalité. Rien n’était prévu en cas de refus du dépôt. Les auteurs voulaient l’y faire étendre, mais la jurisprudence n’admettait pas l’extension (Cass. civ. 3e, 30 mai 1978, Bull. civ. III, no225). C’est l’article 17 de la Loi n°98-261 du 6 avril 1998 qui a modifié l’article 26 de la loi précédente et qui a ouvert le même recours dans les deux hypothèses.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

324

parties intéressées. Selon l’article 2450 du Code civil, il est responsable du

préjudice résultant:

1° du défaut de publication des actes et décisions judiciaires déposés à son

bureau, et des inscriptions requises, toutes les fois que ce défaut de publication

ne résulte pas d'une décision de refus ou de rejet ;

2° de l'omission, dans les certificats qu'ils délivrent, d'une ou de plusieurs

des inscriptions existantes, à moins dans ce dernier cas, que l'erreur ne

provienne de désignations insuffisantes ou inexactes qui ne pourraient lui être

imputées.

De plus, il est aussi responsable du refus ou du rejet mal fondé du dépôt ou

de la formalité (art. 2452, C. civ.), et plus généralement, de l’ensemble de

l’accomplissement de sa mission379.

564. Corrélé à la modalité particulière de sa rémunération, la

responsabilité du conservateur des hypothèques est une particularité de ce

système. En effet, bien qu’il soit agent de l’État, sa responsabilité civile est

complètement personnelle, même si elle est engagée dans l’accomplissement de

sa mission. C’est donc la juridiction judiciaire du siège du bureau des

hypothèques qui est compétente pour connaître des litiges en cause, et non la

juridiction administrative. Elle se prescrit donc par cinq ans selon la règle du

droit commun (art. 2224, C. civ.).

Cette responsabilité est garantie soit par un cautionnement traditionnel qui

est en réalité une sûreté réelle, soit par un système de garantie collective, par le

truchement de l’Association des conservateurs des hypothèques agréée à cet

379 V. CA Orléans, 21 juill. 1952, s. 1954, p.277 ; CA Paris, 29 nov. 1968, D. 1969, p.401 ; CA Paris, 15 oct. 1976, GAZ. Pal. 1977, 1, p. 159. V. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 794.

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Chapitre II – L’inscription hypothécaire

325

effet et qui souscrit une assurance collective380. En outre, la contravention aux

dispositions qui régissent le statut du conservateur est sanctionnée par une

amende de 30 à 300 euros pour la première infraction et par la destitution en

cas de récidive (art. 2455, C. civ.).

565. En droit chinois, comme nous l’avons vu dans le texte plus haut (v.

supra, n° 550), l’organe chargé de l’inscription n’est pas unique, il existe encore

plusieurs organes dépendant des ministères différents dont leurs missions et

leurs responsabilités sont tellement flous qu’elles devraient être éclaircies le

plus vite possible. Ainsi, l’expérience concluante française sur ce point est sans

aucun doute une bonne référence pour les juristes chinois.

380 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.795.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

326

Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

566. L’hypothèque est une sûreté réelle qui affecte un immeuble au

paiement de la créance garantie. Elle produit de nombreux effets car elle

intéresse non seulement le constituant et le créancier, mais également les autres

créanciers du débiteur et, éventuellement, les tiers acquéreurs de l’immeuble

hypothéqué.

Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier

hypothécaire

567. L’hypothèque produit ses effets entre le constituant et le créancier

hypothécaire dès la constitution du contrat de l’hypothèque en droit français et

dès l’inscription hypothécaire en droit chinois. Même si le moment de la

naissance est différent dans les deux systèmes juridiques, il est néanmoins

possible de procéder à la comparaison des effets de l’hypothèque lors de deux

phases spécifiques : avant la réalisation de l’hypothèque et au moment de sa

réalisation.

§ I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque

568. Dans cette phase, le constituant conserve la propriété de l’immeuble

hypothéqué et jouit donc des prérogatives liées à cette qualité. Tant que le

créancier n’a pas réalisé l’hypothèque, le constituant conserve toutes les

prérogatives de propriété sur l’immeuble hypothéqué : les droits d’usus,

d’abusus et de fructus. Cependant, les droits et les devoirs sont indissociables.

L’exercice des droits du constituant ne peut pas nuire à la valeur du bien grevé,

comme le justifie le principe selon lequel « le propriétaire de l'immeuble

hypothéqué ne peut, au détriment du créancier hypothécaire, faire aucun acte de

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

327

disposition matérielle ou juridique qui directement ou de sa nature même aurait

pour conséquence de diminuer la valeur de cet immeuble »381.

569. En premier lieu, rien n’empêche le constituant de disposer de

l’immeuble hypothéqué en droit français. Il peut l’affecter en garantie d’une

nouvelle créance, voire l’aliéner, sans avoir l’autorisation du créancier ni l’en

informer. En effet, si l’hypothèque est inscrite, le créancier hypothécaire n’a

pas à craindre un tel acte qui est postérieur à l’inscription et qui lui est

inopposable. En outre, si cet acte est de nature à dégrader la valeur de

l’immeuble grevé, le créancier a aussi le droit d’y faire opposition par les

mesures conservatoires, par la nomination d’un séquestre ou par la

consignation du prix de vente. Ce droit est souvent exercé par le créancier

hypothécaire en cas de vente des immeubles par destination, où le tiers

acquéreur du bien peut invoquer sa bonne foi pour s’opposer au créancier. Il est

donc très important pour le créancier d’exercer son droit d’opposition, soit pour

empêcher la délivrance du bien, soit pour obtenir la consignation du prix.

La loi chinoise n’interdit pas non plus au constituant de grever une

nouvelle hypothèque sur l’immeuble hypothéqué, ou d’exercer certains droits

réels accessoires, tels que le droit d’usus, le droit de construire, etc. Quant à

l’aliénation du bien grevé, la LS imposait au constituant d’en informer le

créancier hypothécaire (art. 49, LS). Cependant, la LDR interdit au constituant

d’aliéner l’immeuble grevé sans l’autorisation du créancier hypothécaire

(art. 191, al. 2, LDR). Il faut dire que cette interdiction n’est pas judicieuse,

puisqu’elle déroge aux principes généraux du droit des biens et de l’hypothèque

d’une part, et est trop rigoureuse pour le constituant d’autre part382. La LDR

381 AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. II,Librairies Techniques,

1963, § 286, no 317.

382 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 318.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

328

marque donc un recul historique sur ce point. En effet, la règle selon laquelle le

créancier hypothécaire doit être informé de l’aliénation du bien grevé, laquelle

entraîne le paiement anticipé de la créance ou la consignation du prix de la

vente, suffit à protéger le créancier hypothécaire.

570. En second lieu, le constituant dispose du droit d’administration de

l’immeuble hypothéqué. Cependant, ce droit est limité par le souci de conserver

au bien sa valeur, puisqu’un immeuble occupé a en principe moins de valeur

qu’un immeuble vacant. En droit français, les baux légalement constitués et

publiés avant l’inscription de l’hypothèque sont opposables au créancier

hypothécaire pour toute sa durée. Les baux constitués après l’inscription de

l’hypothèque sont plus compliqués. Ceux d’une durée inférieure à douze ans

sont des actes d’administration et donc valables et opposables aux créanciers

hypothécaires. Ceux d’une durée supérieure à douze ans sont considérés

comme des actes de disposition. Peu importe qu’ils soient publiés ou non, ils ne

sont opposables aux créanciers hypothécaires que pour une période de douze

ans. Par ailleurs, grâce à l’intervention du notaire en bail immobilier, la

publicité du bail ne posera guère de problème en pratique.

En droit chinois, l’article 190 de la LDR dispose que « si le bien

hypothéqué a été loué avant la constitution du contrat de l’hypothèque, le

louage est opposable à l’hypothèque. Si le bien est loué après la constitution de

l’hypothèque, le louage n’est pas opposable à l’hypothèque ». C’est le principe

« l’hypothèque ne détruit pas le bail » qui découle du principe « la vente ne

détruit pas le bail ». Il s’applique indifféremment au bail à long ou à court

terme. Cette disposition est cependant critiquable, dans la mesure où le droit

chinois distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle de l’hypothèque

elle-même. D’une part, le contrat de l’hypothèque immobilière est parfait par sa

seule forme écrite, mais l’hypothèque proprement dite n’est ni valide ni

opposable avant l’inscription. Il est alors logique que le louage immobilier

intervenu après la conclusion du contrat hypothécaire, mais avant l’inscription

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

329

hypothécaire, soit opposable à une telle hypothèque. D’autre part, l’hypothèque

mobilière est valablement constituée entre les parties dès lors que le contrat

constitutif est valable, mais elle n’est pas opposable avant l’inscription. Il est

donc pertinent que le louage mobilier conclu après la constitution de

l’hypothèque, mais avant son inscription, lui soit encore opposable. En résumé,

cet article doit être reformulé.

En outre, l’inscription de bail d’immeuble étant facultative en Chine, le

problème se pose de la publicité du bail à l’encontre de l’hypothèque. Comme

nous l’avons exposé, un immeuble occupé a toujours moins de valeur qu’un

immeuble vacant. Afin d’obtenir le plus de crédit possible, le constituant a donc

intérêt à cacher le bail existant sur l’immeuble hypothéqué. Dans cette

hypothèse, la preuve que le bail a été conclu avant l’inscription

hypothécaire est un sujet très important. En réalité, l’article 53 de la Loi sur la

gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine exige que le bail

d’immeuble soit enregistré auprès du bureau compétent, sans pour autant

préciser la nature de cet enregistrement. La doctrine dominante considère que

l’enregistrement est instauré dans un souci de gestion administrative et qu’il

n’est donc pas une condition de validité du bail. Cet enregistrement

constitue-t-il une condition d’opposabilité au tiers ? Théoriquement, il nous faut

répondre par l’affirmative. Mais, dans la pratique, l’enregistrement du bail n’est

pas publié et ne produit pas d’effet de publicité383. De plus, peu de parties

procèdent à cette formalité de baux. La jurisprudence ne peut donc faire

autrement que de parvenir à un compromis. Citons, par exemple,

l’arrêt « société He Bang/Huang Jinfu et Chen Liqin » rendu par le tribunal

populaire de deuxième instance de Xia Men, qui a statué que la remise de

l’immeuble loué est une condition nécessaire et opposable au tiers acquéreur ;

383 DAI Shaoxiong, Jugement civil de la Cour populaire d’arrondissement Luohu de Shenzhen, http://www.szlhfy.gov.cn/flws_detail.php?InfoID=0404000020041220002.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

330

nous pouvons en déduire que, pour obtenir l’opposabilité à l’hypothèque, le

bail antérieurement conclu doit être effectif sur le plan matériel, c’est-à-dire

que le locataire doit occuper l’immeuble hypothéqué.

De surcroît, compte tenu de la possibilité pour le créancier de demander la

réalisation anticipée de l’hypothèque (art. 193, LDR), l’inopposabilité absolue

de baux constitués après l’inscription hypothécaire est-elle trop rigoureuse ?

Est-il nécessaire d’introduire en droit chinois la notion d’administration

d’immeuble comme en droit français ? Imaginons que le constituant ait mis un

bâtiment en hypothèque pour une durée de 20 ans et que l’hypothèque soit déjà

inscrite. Ce bâtiment est ensuite rapidement loué à un tiers, pour une durée de

10 ans par exemple (un bail ne peut excéder 20 ans en droit chinois). Deux ou

trois ans après, le créancier hypothécaire obtient le droit de réalisation anticipée

de l’hypothèque. Dans cette hypothèse, le bail n’est pas du tout opposable au

créancier hypothécaire selon l’article 190 de la LDR. Dans la mesure où la

réalisation de l’hypothèque est anticipée et le locataire ne peut prévoir cette

situation, il n’apparaît pas raisonnable qu’il doive en subir l’inconvénient. Ainsi,

l’immeuble hypothéqué serait difficile à louer car le risque est trop important

pour le locataire. Pour équilibrer les intérêts du créancier hypothécaire et ceux

du constituant et du locataire, le législateur chinois peut sûrement s’inspirer de

l’expérience française sur ce point.

571. En troisième lieu, l’article 2423, alinéa 2 du Code civil stipule que

« l’hypothèque s’étend de plein droit aux intérêts et autres accessoires » mais,

en tant que propriétaire de l’immeuble, c’est le constituant qui a le droit de

percevoir librement les fruits de l’immeuble hypothéqué avant l’exercice de

celle-ci. La perception anticipée peut toutefois nuire aux intérêts futurs du

créancier hypothécaire. Le droit français impose donc certaines restrictions à ce

droit. Si la perception des fruits de plus de trois ans a été publiée avant

l’inscription hypothécaire, elle est intégralement opposable au créancier

hypothécaire. Si elle n’est pas publiée, ou si elle est publiée après l’inscription

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

331

hypothécaire, cette perception par avance n’est opposable au créancier

hypothécaire que pour une durée maximum de trois ans384. À la différence du

droit français, les effets de l’hypothèque en droit chinois ne s’étendent pas aux

fruits perçus avant la réalisation de l’hypothèque. Autrement dit, la perception

des fruits avant la saisie de l’immeuble hypothéqué est opposable au créancier

hypothécaire. La loi chinoise est silencieuse sur la question de la perception

anticipée, mais la doctrine courante insiste sur le fait que la perception doive

être normale. Par exemple, la perception de la récolte d’arbres fruitiers qui n’est

pas mature est considérée de mauvaise foi et donc inopposable au créancier

hypothécaire385. De même, la perception anticipée de fruits légaux - des loyers,

par exemple - pour une longue durée entraîne la même sanction. Après la saisie,

c’est le créancier hypothécaire qui a le droit de percevoir les fruits, sauf qu’il

n’en informe pas le constituant (art. 197, LDR).

§ II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque

572. À défaut de paiement de la créance échue, le créancier hypothécaire

dispose de plusieurs moyens pour réaliser son droit.

A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français

573. En consacrant l’attribution judiciaire et le pacte commissoire, la

réforme des sûretés de 2006 a marqué une profonde évolution des règles de

mise en œuvre de l’hypothèque. Le créancier hypothécaire peut, à son choix,

procéder à la réalisation de l’hypothèque, soit par la voie judiciaire, soit par la

voie extrajudiciaire.

574. La voie judiciaire vise, en effet, la vente de l’immeuble hypothéqué

et l’attribution judiciaire.

384 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 434.

385 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 315.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

332

575. La vente du bien grevé permet au créancier hypothécaire d’exercer

son droit de préférence sur le prix acquis. Dans la pratique du crédit, les

prêteurs créanciers sont souvent les banques, qui ne s’intéressent pas à la

propriété du bien grevé. La vente constitue donc la voie principale de réaliser

l’hypothèque. Considérant le danger de la clause de voie parée, qui dispense le

créancier de faire saisir le bien grevé, sa prohibition est maintenue (art. 2458, C.

civ.) en cette matière comme en matière de gage ou de nantissement, sauf dans

le cas où la clause est conclue postérieurement à la constitution de

l’hypothèque386. Pour obtenir la vente du bien grevé, le créancier hypothécaire

doit impérativement mettre en œuvre la procédure de saisie immobilière, qui

peut être engagée par tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une

créance exigible et liquide (art. 2191, C. civ.). Le créancier hypothécaire doit

respecter les formalités de la saisie immobilière. La procédure de saisie s’ouvre

par un commandement de payer adressé au débiteur, qui rend le bien grevé

indisponible et restreint ainsi sensiblement les droits de jouissance et

d’administration du débiteur. Même si le bien est encore en sa possession, il ne

peut plus l’aliéner, ni le grever de droits réels, ni en percevoir les fruits

(art. 2198, al. 2, C. civ.). La procédure se poursuit par l’intermédiaire de

l’avocat du créancier saisissant, qui doit déposer un cahier des charges

précisant les conditions nécessaires de la vente de l’immeuble (telles que la

mise à prix, la détermination de l’immeuble, etc.) au greffe du tribunal du lieu

de situation de l’immeuble, et en informer les créanciers inscrits387. Après ces

formalités, la procédure aboutit enfin à la vente de l’immeuble hypothéqué, qui

s’effectue soit par la vente amiable sous l’autorisation du juge, soit par la vente

aux enchères. Après la consignation du prix et le paiement des frais de vente,

l’acheteur ou l’adjudicataire obtient la propriété du bien vendu. Le prix est

386 Cass. Civ., 25 mars 1903, DP 1904, n. Guenée.

387 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 437

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

333

distribué entre les créanciers poursuivants, ceux inscrits sur l’immeuble à la

date de la publication du commandement de payer, ceux inscrits avant la

publication du titre de vente, ceux intervenant dans la procédure et ceux

titulaires d’un privilège général388. Les créanciers ayant omis de déclarer leurs

créances perdent leur droit de sûreté sur le prix du bien vendu.

576. Grâce à la réforme des sûretés de 2006, le créancier peut aussi

réaliser son droit sur l’hypothèque par le pacte commissoire – une voie

conventionnelle (art. 2459, C. civ.). Le pacte commissoire est une clause par

laquelle les parties consentent à ce que, à défaut de paiement à l’échéance, le

créancier puisse devenir le propriétaire de l’immeuble grevé sans autorisation

judiciaire. En effet, contrairement à l’hypothèse du gage et du gage immobilier

(anciens art. 2978 et 2088, C. civ.), ce genre de pacte n’a jamais été

expressément interdit par le Code civil en cas d’hypothèque. De fait, la

jurisprudence était réticente à appliquer la prohibition du pacte commissoire à

l’hypothèque389. La doctrine se montrait-elle aussi réticente390. En consacrant la

validité du pacte commissoire, la réforme a radicalement changé la règle. C’est

un grand progrès, mais cette consécration ne lève pas toutes les incertitudes.

D’une part, la valeur de l’immeuble hypothéqué doit être évaluée par un expert

compétent. Ce dernier joue donc un rôle très important. Les questions liées à sa

rémunération, à sa responsabilité, ainsi que les effets de l’évaluation, qui ne

sont pas résolus par le Code civil, doivent être éclaircies par les textes

juridiques. D’autre part, des conflits existent aussi entre le créancier

hypothécaire bénéficiant du pacte commissoire et les tiers ayant des droits de

préemption. C’est un problème technique qui doit être résolu. Enfin, le pacte

388 Ibid., p. 438.

389 Cass. civ. 1re, 25 mars 1957, Bull. civ. I, no149. Dans le même sens, Cass. civ. 1re, 26 déc. 1961, Bull. civ. I, no622, D.1962, 381, n. Voirin : refuse d’étendre la prohibition du pacte commissoire à l’hypothèque. Contra, Cass. civ. 1re, 5 nov. 1958, Bull. civ. I, n° 476, attribution à une opération similaire un caractère abusif.

390 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 431.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

334

commissoire est exclu en cas de procédure collective (art. L.622-7, C. com.), ce

qui limite sensiblement les intérêts de ce nouvel instrument.

B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois

577. Comme en droit français, le créancier hypothécaire en droit chinois

dispose aussi de deux voies de réalisation de l’hypothèque : la voie judiciaire et

la voie conventionnelle. Sous l’ancien régime de la LS, la voie conventionnelle

était la procédure préalable de la voie judiciaire, puisque son article 53 était

ainsi formulée : « si, à l’échéance de l’obligation, le créancier hypothécaire

n’est pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l’hypothèque,

prendre en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de

vente ou d’adjudication de la chose hypothéquée ; si les parties ne sont pas

parvenues à conclure une convention, le créancier peut intenter un procès

auprès de la Cour populaire ». Cette disposition obligeait paradoxalement le

créancier à négocier avec le constituant avant d’avoir recours à la justice.

Heureusement, en énonçant que « …si les deux parties n’ont pas convenu du

moyen de réalisation de l’hypothèque, le créancier hypothécaire peut demander

à la Cour populaire de vendre le bien hypothéqué », la LDR a abandonné

l’ancienne disposition. Maintenant, le créancier hypothécaire a le choix de

réaliser son hypothèque soit par voie conventionnelle, soit par voie judiciaire,

sans qu’il existe d’ordre de priorité.

578. Quant à la voie conventionnelle de la réalisation de l’hypothèque, le

droit chinois est bien différent du droit français, où la seule voie

conventionnelle est le pacte commissoire. En disposant que « avant l’échéance

de la créance garantie, le créancier hypothécaire ne peut pas convenir par

contrat avec le constituant qu’il devient propriétaire du bien grevé à défaut de

paiement de la dette échue », la prohibition du pacte commissoire en matière

d’hypothèque est donc maintenue par la nouvelle LDR (art. 186, LDR), comme

elle l’est en matière de gage. Cependant, cette énonciation légale n’est pas

parfaitement convaincante et il subsiste de vives controverses en doctrine. En

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

335

effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux collèges d’experts présidés

respectivement par les professeurs Wang Liming et Liang Huixing proposaient

d’interdire le pacte commissoire. Ils préconisaient toutefois que seul le pacte

commissoire conclu au moment de la constitution du contrat de l’hypothèque

fût interdit, celui conclu postérieurement étant valide. Il existe aussi certains

auteurs favorables à la consécration du pacte commissoire391. Bien que la voie

conventionnelle par le pacte commissoire soit interdite, le législateur chinois

consacre d’autres voies conventionnelles, en raison de leur efficacité et de leurs

économies de coûts pour réaliser l’hypothèque. Faute de paiement de la créance

échue, les parties peuvent conclure une clause selon laquelle le créancier peut

s’approprier le bien grevé d’hypothèque ou le vendre sans autorisation

judiciaire. Le créancier hypothécaire chinois dispose aujourd’hui de trois

moyens conventionnels autorisés par la loi.

Le premier est la prise en paiement du bien grevé – une opération par

laquelle les deux parties consentent à ce que le créancier prenne en paiement le

bien hypothéqué en le convertissant en argent.

Le deuxième est la vente amiable par négociation du bien grevé – une

opération par laquelle les parties concluent une clause par laquelle l’une est

autorisée à vendre le bien hypothéqué de gré à gré, permettant ainsi de choisir

librement et directement l’acheteur par simple accord entre les intéressés. Il

existe ici une possibilité de fraude – la possibilité de fraude entre le constituant

et le créancier hypothécaire, qui nuit aux intérêts des autres créanciers en

premier cas, et la possibilité de fraude du créancier hypothécaire, qui nuit aux

intérêts du constituant et des autres créanciers en deuxième cas, car le créancier

391 YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le modernisme du droit civil, Éd. populaire de Jilin, 2002, p. 170 et 175 ; WANG Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, http://www.civillaw. com.cn/ article/default.asp?id=23104.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

336

hypothécaire se contente du prix égal à sa créance, même si le bien hypothéqué

a une valeur supérieure.

Afin de protéger les intérêts du constituant et des autres créanciers, la loi

exige, pour ces deux moyens conventionnels précités, que la détermination de

la valeur du bien grevé se réfère au prix du marché (art. 195, al. 3, LDR). Si le

prix réalisé est excessivement bas et, nuit aux intérêts des autres créanciers, ces

derniers peuvent exercer leur droit de révocation dans un an à compter du

moment où il a été pris ou aurait dû être pris connaissance de la survenance de

la cause de révocation (art. 195, LDR). De plus, ce droit s’éteint au bout de

cinq ans à compter de la date du transfert du bien vendu (art. 75, LC).

Le troisième moyen conventionnel possible est l’adjudication volontaire

du bien grevé : l’une des parties peut, après consentement des deux parties,

vendre le bien hypothéqué par adjudication. Dans ce cas, le demandeur doit

obligatoirement avoir recours à une entreprise d’adjudication. Cette dernière se

charge d’organiser la vente aux enchères et le constituant ou le créancier

hypothécaire peuvent aussi être enchérisseurs. Le contrat de vente se forme au

moment du coup de marteau ou tout autre moyen qui met fin aux enchères.

L’adjudicataire est alors tenu de payer le prix de vente et les frais afférents

(art. 39, Loi sur l’adjudication) ; en contrepartie, le vendeur est alors obligé de

lui transmettre l’immeuble vendu. Après paiement des frais de vente, le solde

du prix de vente est distribué entre les créanciers selon leur classement.

En tout cas, si le prix réalisé est supérieur au montant de la créance

garantie, le créancier hypothécaire doit la différence au constituant ; en

revanche, la créance non couverte devient chirographaire (art. 198, LDR).

579. Outre les moyens conventionnels, le créancier hypothécaire peut

aussi avoir recours à la voie judiciaire, qui consiste en la vente de l’immeuble

hypothéqué. À la différence du droit français où le créancier hypothécaire peut

engager directement la procédure d’exécution civile, l’ancien régime chinois

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

337

fixé par la LS exigeait un jugement préalable pour l’exécution civile (art. 53,

LS). C’était donc une procédure longue, coûteuse et peu efficace. Après

l’entrée en vigueur de la LDR, le jugement préalable n’est plus obligatoire

(art. 195, al. 2, LDR). Néanmoins, il faut avoir un titre exécutoire pour mettre

en œuvre la procédure d’exécution civile. Malheureusement, la loi chinoise

n’exige pas que le contrat d’hypothèque soit conclu par un acte notarié. Ce

contrat ne vaut pas un titre exécutoire. Ainsi, les bénéfices de la nouvelle

disposition de la LDR ne peuvent pas être mis en pratique. Le créancier doit

encore intenter une action civile pour obtenir le titre exécutoire - le jugement.

Concrètement, si le contrat de l’hypothèque n’est pas notarié, le créancier

hypothécaire doit d’abord intenter une action civile auprès du tribunal et subir

donc toutes les étapes d’un procès – comparution, audience, jugement. Il lui

faut aussi attendre que le jugement ait force de la chose jugée. Il passe ensuite à

l’étape exécutoire. Le constituant doit exercer les obligations fixées par le

jugement, à défaut le créancier peut demander l’exécution forcée auprès du

Bureau d’exécution du tribunal. Cette étape est également longue. Le juge

chargé de l’exécution doit d’abord envoyer une notification d’exécution au

constituant, par laquelle ce dernier est tenu d’exercer ses obligations fixées par

le jugement en une durée déterminée. À défaut, le juge applique les mesures

d’exécution forcée. Il scelle ou saisit le bien hypothéqué, puis procède à la

vente amiable ou à la vente par adjudication (art. 220, Loi de procédure civile).

580. En pratique, les parties, surtout le créancier hypothécaire, recourent

souvent au notariat au moment de la conclusion du contrat de l’hypothèque,

afin d’échapper à cette procédure compliquée. Les parties conviennent alors

d’une clause d’exécution forcée devant notaire pour lui conférer l’effet

authentique. À l’échéance de la créance, si le débiteur ne s’acquitte pas de sa

dette, le créancier hypothécaire peut demander au notaire de faire un acte

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

338

authentique d’exécution forcée392. Avec ce titre exécutoire, il peut demander au

juge l’exécution forcée, laquelle aboutit enfin à la vente du bien hypothéqué

soit par négociation (vente amiable) soit par adjudication. Entre ces deux voies,

la vente par adjudication est prioritaire393, puisqu’elle est le meilleur moyen de

protéger le créancier et les tiers intéressés. À la demande du créancier

hypothécaire ayant titre exécutoire, le bureau d’exécution du tribunal peut

directement confier à une entreprise d’adjudication le soin de vendre le bien

hypothéqué aux enchères. À la différence du droit français, le tribunal en droit

chinois ne peut pas lui-même procéder à la vente par adjudication ; le recours à

une entreprise d’adjudication est donc obligatoire. Les formalités de la vente

sont similaires à celles par voie conventionnelle. La vente amiable par

négociation est souvent appliquée en cas de vente d’objets prévue par

l’interprétation judiciaire précitée ou dans les petits districts ou les zones

rurales souvent dépourvus d’entreprises d’adjudication.

Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et

les autres créanciers

581. Si le bien hypothéqué est vendu, le droit du créancier hypothécaire

se transforme essentiellement en droit de préférence sur le prix réalisé par la

vente. Ce droit lui permet d’être payé en priorité par rapport aux autres

créanciers sur la totalité de la valeur de l’immeuble. Bien que les effets de

l’inscription d’hypothèque soit différents en droit français et en droit chinois, le

droit de préférence du créancier hypothécaire dans les deux pays ne peut

s’exercer qu’après l’accomplissement de l’inscription hypothécaire. L’exercice

du droit de préférence exige que le bien grevé soit converti en argent. L’assiette

392 GAO Shengping, Les études de la réalisation de l’hypothèque, http://www.civillaw. com.cn/article/default.asp?id=27539.

393 V. Les fixations relatives à la vente amiable et par adjudication du bien en exécution civile de la Cour populaire, interprétation judiciaire promulguée par la Cour suprême populaire en 2005.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

339

de l’hypothèque – l’immeuble grevé – est alors libérée de sa charge

hypothécaire, l’hypothèque produit donc son effet légal394.

Nous étudierons tout d’abord la détermination de l’assiette touchée par le

droit de préférence et l’étendue de la créance bénéficiant de ce droit, avant

d’énoncer les règles de son exercice.

§ I – Assiette du droit de préférence

582. L’assiette du droit de préférence n’est pas forcément identique à

l’assiette de l’hypothèque. Certes, le droit de préférence ne peut s’exercer que

sur la valeur représentée par l’assiette de l’hypothèque ; mais au moment de

l’exercice, cette assiette n’existe plus dans la relation hypothécaire, elle a déjà

été transformée en argent qui constitue l’assiette du droit de préférence.

583. Le droit de préférence s’exerce normalement sur le prix réalisé par la

vente de l’immeuble hypothéqué, à condition que celui-ci ait été payé ou

consigné. Dans le cas d’une action en nullité, rescision ou résolution, les droits

du créancier hypothécaire s'anéantissent au cours du procès, le droit de

préférence ne s’exerce donc pas sur les sommes à payer ou à restituer au

débiteur395. En cas de dissimulation du prix, le créancier hypothécaire peut

quand même exercer son droit de préférence sur le prix total, y compris la

partie dissimulée, d’autant plus que la loi stipule que « est nulle et de nul

effet… toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente

d'immeubles » (art. 1321-1, C. civ.). Ces règles s’appliquent aussi en droit

chinois.

584. Cependant, il arrive souvent que le bien hypothéqué soit affecté par

des vicissitudes imprévisibles ; les exemples par excellence sont les indemnités

394 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, Les sûretés – la publicité foncière, Defrénois, 2008, p. 317.

395 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

340

en dédommagement ou les indemnités d’assurance reçues par le constituant.

Alors, le droit de préférence peut-il se reporter sur ces valeurs de

remplacement ?

585. En droit français, l’article L.121-13 du Code des assurances dispose

expressément que « les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie,

contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont

attribuées, sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers

privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang ». Le droit de préférence du

créancier hypothécaire peut donc se reporter directement sur les indemnités

d’assurance, sans que ces dernières ne transitent dans le patrimoine de l’assuré

qui est le constituant de l’hypothèque dans cette hypothèse. Il n’existe

cependant aucun principe général de la subrogation réelle396. Quant aux

indemnités en dédommagement en cas de perte ou d’expropriation de la chose

hypothéquée, la jurisprudence classique refuse d’appliquer la subrogation réelle

et décide que les indemnités de remplacement reçues par le constituant doivent

être distribuées au marc le franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf

dispositions spéciales397. Toutefois, cette position est critiquable, puisque

l’hypothèque est une sûreté réelle portant plutôt sur la valeur du bien grevé que

sur la chose grevée elle-même. La subrogation devrait s’appliquer dans tous les

cas où il s’agit de conserver à sa destination la valeur d’un bien soumis à

affectation spéciale398. Maintenant que l’on admet la subrogation réelle dans le

cas des indemnités d’assurance, il est logique de l’appliquer à toute valeur

remplaçant le bien grevé lui-même. De plus, le créancier hypothécaire

risquerait beaucoup plus en l’absence de subrogation en cas de perte ou

d’expropriation de la chose grevée. En effet, cette solution favorable à la

396 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 433.

397 Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos de primes d’arrachages.

398 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462-463.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

341

subrogation réelle est de plus en plus admise399. Cependant, les indemnités

peuvent-elles être accordées au créancier avant l’échéance de la créance ? On

considère que le créancier n’a pas le droit d’obtenir le paiement tant que la

créance n’est pas échue. Compte tenu du droit de préférence reconnu au

créancier sur ces valeurs, le constituant ne peut pas non plus percevoir le

paiement. Jusqu’à l’échéance, les indemnités restent donc bloquées dans les

caisses de l’assureur, sauf à ce que les parties ne trouvent une solution

consentie400. En pratique, le créancier hypothécaire préfère souvent obtenir une

nouvelle hypothèque sur les nouvelles constructions ; en contrepartie, il

autorise le débiteur à recevoir le paiement des indemnités401.

586. En droit chinois, le principe de la subrogation réelle est généralement

consacré par la loi (art. 174, LDR). Il s’applique indifféremment à toutes les

sûretés réelles. Le créancier hypothécaire peut donc bénéficier du mécanisme

de la subrogation réelle sur les valeurs de remplacement dues par les tiers. Sur

la question de savoir si le créancier peut avoir le droit d’obtenir le paiement

avant l’échéance de la créance, le droit chinois distingue les causes des valeurs

de remplacement. S’il s’agit de la cession du bien hypothéqué (sous

l’autorisation du créancier hypothécaire), le prix de la cession doit, avant

l’échéance de la créance et avec le consentement des parties, désintéresser la

créance garantie ou être consigné par le tiers choisi (art. 191, LDR). Dans les

autres cas, tels que les indemnités de la perte de la chose grevée et les

indemnités d’assurance, le créancier hypothécaire peut aussi recevoir le

paiement anticipé, après le consentement des parties, et, à défaut, les consigner

(art. 174, LDR). Ainsi, le mécanisme de la subrogation réelle en droit chinois

est plus souple et plus pratique que celui en droit français.

399 Ibid., p. 463.

400 Ibid., p. 463.

401 George DURRY, Hypothèque et assurance, L’évolution du droit des sûretés, RJ com. 1982, 27, s., spéc. p. 30.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

342

§ II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence

587. Nous nous interrogeons ici sur la question de savoir si la créance

garantie est limitée aux seuls capitaux de la créance, ou peut être étendue à ses

intérêts, indemnités, dommages-intérêts et aux frais nécessaires à la réalisation

de l’hypothèque.

588. Quel que soit le système juridique, il va sans dire que la créance

principale est de plein droit garantie par l’hypothèque. Cependant, le contrat de

l’hypothèque est l’accessoire du contrat principal d’obligation et, il arrive que

le montant de la créance inscrite dans le contrat hypothécaire ne soit pas

identique à celui de la créance née du contrat principal d’obligation. Dans ce

cas, selon la théorie générale du droit civil et le principe d’opposabilité, si le

montant de la créance effectivement née est supérieur à celui de la créance

inscrite, c’est la somme inscrite qui est garantie par l’hypothèque ; à l’inverse,

l’hypothèque ne garantit que le montant de la créance effectivement née car le

créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cette règle s’applique en droit

français et en droit chinois.

589. Quant aux intérêts de la créance, ils sont régis par des règles

complexes en droit français. Pour les intérêts sur trois ans à compter de

l’inscription, la simple mention dans l’inscription suffit pour qu’ils prennent le

même rang que le capital. Pour les intérêts sur une période supérieure aux trois

dernières années, une inscription complémentaire est requise pour qu’ils soient

opposables402. En droit chinois, l’article 273 de la LDR dispose que « l’étendue

de la créance garantie par les sûretés réelles comprend la créance principale et

ses intérêts, les dommages et intérêts forfaitaires, les dommages-intérêts, les

frais de conservation du bien grevé et de la réalisation de la sûreté réelle ». Les

juristes considèrent donc que la mention ou l’inscription spéciale des intérêts

402 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 303.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

343

lors de l’inscription hypothécaire n’est pas nécessaire pour leur opposabilité.

Les intérêts de la créance sont automatiquement garantis par l’hypothèque, sauf

disposition contraire dans le contrat. Étant donné que les intérêts sont souvent

lourds et que la charge doit être publiée dans l'intérêt des tiers, il n’apparaît pas

judicieux que tous les intérêts de la créance garantie, qu’ils soient inscrits ou

non, soient automatiquement garantis par l’hypothèque.

590. En ce qui concerne les dommages et intérêts forfaitaires et les

dommages-intérêts, ils sont automatiquement garantis par l’hypothèque au

même rang que la créance principale en droit chinois, sauf si la convention de

l’hypothèque les écarte expressément. Ce sont les caractéristiques les plus

spécifiques de l’hypothèque chinoise. L’objectif du législateur est évidemment

de renforcer les droits du créancier hypothécaire. Néanmoins, considérant

d’une part que ces deux types de dommages et intérêts sont normalement

stipulés dans le contrat principal d’obligation qui n’a pas à être inscrit, d’autre

part qu’ils sont aléatoires et potentiellement lourds, il est donc très difficile

pour les tiers (notamment ceux qui veulent obtenir aussi une hypothèque sur

l’immeuble hypothéqué) d’estimer le montant véritable de la créance garantie

sur l’immeuble hypothéqué. En réalité, cette disposition empêche le

développement de l’hypothèque et cause un gaspillage du crédit. Elle doit être

supprimée dans la réforme à venir. 0

591. Enfin, les frais de réalisation de l’hypothèque ne posent guère de

problème, tant en droit français qu’en droit chinois, puisqu’ils doivent être

payés avant la distribution du prix réalisé aux créanciers.

§ III – Exercice du droit de préférence

592. En pratique, le cas le plus fréquent est l’existence de plusieurs

sûretés immobilières sur un même immeuble. Il faut donc fixer un ordre de

paiement.

A. Le rang des créanciers hypothécaires

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

344

593. En droit français, le rang des créanciers hypothécaires est fixé

d’après l’ordre chronologique de l’inscription. S’il existe plusieurs hypothèques

inscrites le même jour sur un même immeuble, la préférence est donnée au

créancier dont le titre est le plus ancien (art. 2425, al. 2, C. civ.). Toutefois,

l’hypothèque légale et judiciaire prime toutes les autres hypothèques inscrites le

même jour. De plus, s’il y a compétition entre des titres de même date ou entre

des créanciers dispensés de titre, les inscriptions prises le même jour viennent

en concurrence403.

En droit chinois, le rang des créanciers hypothécaires est fixé aussi par

l’ordre chronologique de l’inscription. De plus, selon les dispositions de

l’interprétation judiciaire « Réponse au problème de la prérogative de

l’entrepreneur résultant du contrat de construction » rendue par la Cour

suprême de la RPC, l’hypothèque légale l’emporte sur l’hypothèque

conventionnelle dans les six mois à compter de l’achèvement de la construction.

Cependant, dans le cas où plusieurs hypothèques sont inscrites le même jour

sur un même immeuble, le droit chinois les classe au même rang (les créanciers

sont payés au marc le franc, art. 199, LDR), quelle que soit la date du titre

constitutif de l’hypothèque. Cette approche est plus judicieuse que les

dispositions du droit français, puisque c’est l’inscription qui rend l’hypothèque

opposable aux tiers, il n’y a pas à tenir compte de l’ordre du titre de la créance

elle-même, qui n’a aucun effet d’opposabilité aux tiers.

B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers

munis d’autres sûretés réelles

594. En droit français, en cas de conflit entre une hypothèque et un

privilège sur un même immeuble du constituant, la situation est complexe. En

principe, c’est l’ordre de la date d’inscription hypothécaire et la date qui donne

403 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 456.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

345

naissance au privilège (v. supra n° 460) qui détermine le rang entre la créance

privilégiée et celle hypothécaire. La règle de conflit entre l’hypothèque et les

privilèges généraux qui n’ont pas à publier, en cas d’avoir eu lieu404, fait une

exception : les derniers priment toujours la première. Alors que la règle de

conflit entre l’hypothèque et les privilèges en droit chinois est très simple :

l’hypothèque prime tous les privilèges en droit chinois (art. 109 et 113, LFE).

Il arrive aussi en droit français que l’hypothèque entre en conflit avec le

droit de rétention résultant par exemple d’une convention ou d’un gage

immobilier, c’est la publicité foncière qui le règle : prior tempore potior jure.

Autrement dit, l’hypothèque antérieurement publiée est opposable au droit de

rétention en droit français. Le conflit du genre n’est pas possible en droit

chinois puisque des immeubles ne peuvent pas être l’assiette du droit de

rétention.

C. Disposition de rang

595. Le rang fixé peut être modifié par une convention de cession de rang

ou d’antériorité (art. 2424, C. civ.; art. 194, LDR), à savoir qu’un créancier

hypothécaire cède son antériorité à un créancier de rang postérieur ou de même

rang. Cette cession convenue entre créanciers hypothécaires ne prend effet

qu’entre eux, sans modifier les droits ou les obligations des autres créanciers, ni

de toute personne intéressée. Les effets de la cession de rang dépendent à la fois

de la situation du bénéficiaire et de celle du cédant. D’un côté, le droit

hypothécaire du bénéficiaire doit subsister ; de l’autre, la créance du cédant doit

exister et son droit hypothécaire doit être conservé405. En fait, le cédant et le

bénéficiaire sont payés sur le prix de la vente réalisée du bien hypothéqué selon

404 Les privilèges généraux ne peuvent s’exercer sur les immeuble qu’à titre subsidiaire (v. supra n° 188).

405 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 434 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 320.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

346

leur rang initial ; mais sur le paiement obtenu par ces deux parties, c’est le

bénéficiaire qui sera payé avant le cédant.

Imaginons qu’un immeuble valant 400 000 € est affecté en hypothèque

pour garantir quatre créances de 200 000 €, 150 000 €, 50 000 €, 200 000 €

dont les titulaires sont respectivement A, B, C, D. Parmi eux, A prend le

premier rang, B et C prennent le deuxième, D le troisième. Selon leur rang,

après la réalisation de l’hypothèque, A obtiendra 200 000 €, B obtiendra

150 000 €, C obtiendra 50 000 €, D obtiendra 0 €.

Si, avant la réalisation, A cédait son rang à D, alors le montant obtenu

après la réalisation par A et D serait de 200 000 €, dont 200 000 € serait

distribué à D, et il ne resterait rien à distribuer à A ; les montants que B et C

obtiendraient seraient encore de 150 000 € et 50 000 €, et ils ne seraient pas

influencés par la cession entre A et D. La même règle est appliquée en droit

français et en droit chinois.

Si la cession est faite entre les créanciers hypothécaires de même rang,

(dans notre hypothèse, B cèderait son rang à C), la solution est aussi la même

en droit chinois et en droit français : la distribution finale du prix que A et D

obtiendraient (A : 200 000 €, D : 0 €) ne serait pas influencée par la cession, le

montant que B et C obtiendraient serait de 200 000 €, dont 50 000 € serait tout

d’abord distribué à C, le reste – 150 000 € – étant distribué à B. Cependant, la

qualification diffère d’un pays à l’autre : le droit français l’analyse comme une

renonciation de rang faite par un créancier au profit d’un autre, alors que le

droit chinois la considère comme une cession de rang. En effet, en droit chinois,

la distribution du prix n’est pas la même en cas de renonciation de rang et en

cas de cession de rang précitée. Dans le cas de la renonciation de rang, les

créanciers hypothécaires en cause seront encore payés selon leur rang initial sur

le prix réalisé du bien hypothéqué. Les sommes reçues seront cependant

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

347

distribuées proportionnellement à leurs créances garanties respectives406. Par

exemple, dans l’hypothèse précitée, si A renonce à son rang au bénéfice de D,

le résultat final de la distribution du prix serait le suivant : A (100 000 €), B

(150 000 €), C (50 000 €), D (100 000 €).

596. La question la plus délicate est le régime de la publicité de cession

ou de renonciation de rang. En droit français, on considère que l’article 2430 du

Code civil est applicable407. L’opération de cession ou de renonciation doit être

mentionnée en marge de l’inscription existante. Toutefois, considérant que les

effets de cession ou de renonciation de rang ne peuvent ni nuire ni bénéficier

aux droits des tiers, cette mention n’est requise par la jurisprudence qu’à titre

d’information408. En droit chinois, la mention de cession ou de renonciation de

rang doit aussi figurer en marge de l’inscription existante pour l’information

des tiers intéressés409.

Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et

le tiers acquéreur

597. Les effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et le tiers

acquéreur se manifestent normalement par le droit de suite. Ce droit est

généralement admis comme un caractère principal de l’hypothèque, tant en

droits allemand ou suisse qui sont profondément influencés par le droit

germanique qu’en droit français qui est l’héritier du droit romain. Le droit

chinois, qui refuse de conférer le droit de suite au créancier hypothécaire, fait

exception sur ce point.

406 XIE Zaiquan, op. cit., p. 75 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 321.

407 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484.

408 Cass. Civ. 3e, 19 déc. 1990, Bull. civ. III, no 269 ; Cass. civ. 3e, 20 déc. 1989, Bull. civ. III , no 246, D. 1990. somm. 389, obs. L. AYNES, RD imm. 1990, 234 ; 16 juill. 1987. Bull. civ. III, no 145, RD imm. 1988, 331, obs. Ph. SIMLER.

409 GUO Mingrui, Études sur l’évolution des droits réels des sûretés, in Droit, 1996, II, p. 129.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

348

§ I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français

598. Dans la mesure où le droit d’aliéner le bien grevé est conservé au

constituant, l’article 2166 du Code civil confère au créancier hypothécaire,

comme au créancier privilégié, le droit de suite qui lui permet de saisir

l’immeuble aliéné et de le vendre pour réaliser son droit de préférence sur le

prix de la vente.

599. Pour que le créancier puisse exercer son droit de suite, il faut que la

créance garantie soit exigible. L’hypothèque ou le privilège doit aussi avoir été

inscrit pour être opposable aux tiers. En outre, le créancier doit avoir un titre

exécutoire qui ne pose pas de problème pour l’hypothèque et le privilège

constitué par un acte notarié ou par un jugement. Le droit de suite s’exerce

contre les seuls tiers détenteurs de l’immeuble, à savoir les ayants cause à titre

particulier, tels que l’acquéreur, le donataire ou le légataire410. En revanche, les

ayants cause à titre universel ne sont pas tiers détenteurs parce qu’ils sont

successeurs de la personne du constituant.

600. Après que le créancier a adressé un commandement au débiteur et

une sommation au tiers détenteur du bien grevé, ce dernier dispose en réalité de

cinq choix.

1o Il peut tout d’abord invoquer une exception appartenant au débiteur ou

une exception personnelle pour se défendre.

2o Il peut choisir de payer le créancier poursuivant, au lieu de payer le

débiteur. C’est le choix le plus simple et peut être le plus intéressant quand le

prix de la vente n’a pas encore été payé. S’il a payé la totalité des créances

hypothécaires, les créanciers sont alors tous désintéressés, les hypothèques

grevées sur l’immeuble sont ainsi éteintes. Si le paiement est partiel, le tiers

détenteur ne paye les créanciers par le rang que dans la limite du prix de la

410 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

349

vente. Dans ce cas, il bénéficie de la subrogation légale aux créanciers

désintéressés (art. 1251-2o, C. civ.) et obtient ainsi les hypothèques que ceux-ci

avaient sur l’immeuble même qu’il détient. Il en résulte une situation curieuse :

le tiers détenteur a désormais une hypothèque sur lui-même411. Le tiers

détenteur ne risque donc guère d’être poursuivi par les autres créanciers

subséquents qui, compte tenu du droit de préférence du tiers détenteur prenant

souvent le premier rang, ont peu d’intérêt à faire vendre l’immeuble

hypothéqué. Cependant, si la valeur de l’immeuble hypothéqué augmente et

dépasse sensiblement le montant que le tiers détenteur peut prélever compte

tenu de son droit de préférence, les autres créanciers subséquents retrouvent un

intérêt à vendre ce bien.

3o Pour éviter les tracas causés par les procédures judiciaires éventuelles,

le tiers détenteur peut aussi délaisser l’immeuble (art. 2467, C. civ.). Il déclare

au greffe du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble qu’il

abandonne la détention matérielle de l’immeuble à un curateur désigné par ce

tribunal.412 En effet, le délaissement présente peu d’intérêt pour le tiers

détenteur, hormis un moyen d’échapper à la procédure de saisie.

4o Le tiers détenteur peut ne rien faire et laisser se dérouler la procédure de

saisie engagée par le créancier hypothécaire. Cette procédure aboutit à un

jugement d’adjudication, lequel vaut purge. Les droits des créanciers

hypothécaires se reportent donc sur le prix de vente. La propriété du tiers

détenteur sur l’immeuble sera expropriée et transférée à l’adjudicataire. Le tiers

détenteur a le droit de recevoir le reliquat éventuel du prix de vente après

411 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 469 ; J. MESTRE, La subrogation personnelle, LGDJ, 1979, no 120. Dans ce cas-là, l’intéressé a encore intérêt à renouveler les inscriptions hypothécaires.

412 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

350

désintéressement des créanciers inscrits413 . Ces derniers doivent aussi

l’indemniser pour la plus-value apportée au bien. En outre, le tiers détenteur

peut exercer un recours en garantie d’éviction contre son vendeur, qui lui

permet de percevoir une indemnisation complète s’il a acheté l’immeuble

(art. 1630, C. civ.). Lorsqu’il a payé pour d’autres, il peut aussi exercer un

recours subrogatoire contre son débiteur principal (art. 1251-3o, C. civ.).

5o La procédure de purge permet à l’acquéreur du bien hypothéqué

d’éviter les conséquences de l’exercice du droit de suite des créanciers

hypothécaires. L’idée est que, lorsque l’immeuble hypothéqué est transformé en

argent correspondant à sa véritable valeur, le droit de préférence des créanciers

hypothécaires inscrits s’exerce alors sur cette somme et il n’est donc plus

nécessaire de maintenir le droit de suite. Dans certaines hypothèses, le prix de

l’aliénation est déjà réalisé par la voie publique, ou sous autorisation du

créancier hypothécaire, ou pour des raisons particulières. Dans ces cas-là, la

revente ne présente guère d’intérêt. Les aliénations, telles que la vente

volontaire autorisée (le débiteur peut convenir avec tous les créanciers

hypothécaires inscrits d’affecter le prix de vente à leur désintéressement,

art. 2475, C. civ.)414, la vente forcée à la procédure de saisie immobilière

(art. 2213, C. civ.), la vente aux enchères publiques et l’expropriation pour

cause d’utilité publique415, valent donc purge par elles-mêmes. Le paiement ou

la consignation du prix purge l’hypothèque sur l’immeuble grevé, qui se trouve

ainsi libéré de toutes ses charges hypothécaires.

601. Dans tous les autres cas, il est nécessaire de procéder aux formalités

requises pour produire les effets de purge (art. 2476 et s., C. civ.). L’acquéreur

413 PLANIOL RIPERT et BECQUE, no 1159. Comp. Req., 15 déc. 1862, S. 1863, 1, 57, DP 1863, 1, 161.

414 Jacques COMBARIEU, La purge amiable des privilèges et hypothèques, JCP N 2008, 1059 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 476.

415 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 320.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

351

doit tout d’abord notifier aux créanciers inscrits un extrait de son titre

d’acquisition, un extrait de la publication de l’acte de vente, et un état

hypothécaire sommaire sur formalités faisant apparaître les charges réelles qui

grèvent l'immeuble (art. 2478, C. civ.). Dans ce document, l’acquéreur leur

notifie aussi le prix qu’il doit payer, ou qu’il détermine en cas d’acquisition à

titre gratuit. Les créanciers disposent de quarante jours pour décider de leur

option. acceptent l’offre (le silence vaut acceptation), ils se payent sur le prix.

L’immeuble est libéré des hypothèques au moment du paiement ou de la

consignation du prix (art. 2481, C. civ.). S’ils rejettent l’offre, ils doivent

demander la mise en vente aux enchères de l’immeuble hypothéqué en offrant

eux-mêmes un prix supérieur d’un dixième si aucune surenchère n’est proposée.

Après la vente, le prix sera distribué aux créanciers hypothécaires selon leur

rang ou être consigné. L’immeuble sera ainsi libéré de toutes ses charges

hypothécaires.

602. La purge est cependant rarement utilisée, puisque la pratique

notariale emploie souvent d’autres moyens.

Si la créance n’est pas exigible au moment de l’aliénation, l’acquéreur

peut prendre généralement à sa charge la dette hypothécaire due. Étant donné

que cette dernière est à terme, il y trouve un avantage416. La pratique notariale

utilise souvent la technique de la délégation et celle de l’indication de paiement.

Dans le premier cas, où le concours du créancier est nécessaire à la vente, le

vendeur (délégant) délègue à l’acquéreur (délégué) le paiement de la dette du

créancier hypothécaire (délégataire). La délégation peut être parfaite si le

délégant est libéré ou, être imparfaite s’il reste tenu envers le délégué. En cas

d’indication de paiement qui ne nécessite pas le concours du créancier à la

416 Ibid., p. 321. Par exemple, la dette hypothécaire due est de 5 000 €, le prix de vente est de 10 000 €, l’acquéreur verse donc 5 000 € au vendeur et prend la charge de la dette à terme de 5 000 €.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

352

vente, le débiteur donne mandat à l’acquéreur de payer la dette en son nom,

mais il n’est pas ainsi libéré.

Il arrive souvent qu’une clause d’exigibilité anticipée soit prévue dans

l’acte constitutif de l’hypothèque. Dans un tel cas, l’acquéreur confie souvent le

prix de vente au notaire, qui se chargera d’obtenir l’accord des créanciers et qui

l’utilisera pour désintéresser les créanciers inscrits.

§ II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois

603. Sous l’influence de la doctrine selon laquelle le droit de suite

s’applique dans l’hypothèse où il n’existe aucune restriction au droit de

disposition du constituant de l’hypothèque417, ni la LS, ni la LDR ne confère le

droit de suite au créancier hypothécaire en droit chinois.

604. Sous l’empire de la LS, le constituant devait informer le créancier

hypothécaire et le tiers détenteur de la cession, à peine de nullité. Si cette

formalité avait été accomplie avant la cession, le créancier hypothécaire ne

bénéficiait pas du droit de suite sur le bien cédé. Il disposait cependant du droit

de demander au constituant le paiement anticipé de sa créance garantie sur le

prix de la cession, ou de le consigner chez un tiers choisi par le constituant et le

créancier. S'il était évident que le prix de la cession était inférieur à la valeur du

bien cédé, le créancier pouvait demander au constituant de fournir une autre

sûreté correspondante ; en cas de refus, la cession était nulle. Le législateur

chinois pensait que ces restrictions au droit de disposition du constituant

suffisaient à protéger les intérêts du créancier hypothécaire. Mais dans la

pratique, le tiers payait en général directement le constituant au lieu du

créancier hypothécaire ; ce dernier pouvait certes lui demander les dommages

417 PENG Wanlin, Le droit civil, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1999, p. 405 ; YANG Hong, op. cit., p. 171 ; MEI Ruiqi, WANG Shuhua, Réflexion sur le droit de suite de l’hypothèque, www.law-lib.com/lw/lw_view.asp?no =1353.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

353

et intérêts qui n’étaient qu’une créance chirographaire, « il en résultait que

l’article 49 (de la LS) n’aurait pas à s’appliquer dans un pays idéal »418.

605. Soutenue par la doctrine, la Cour suprême énonçait avec audace dans

l’article 67 des ELS que « lorsque le constituant cède son bien hypothéqué sans

en informer le créancier hypothécaire ou le tiers, le créancier hypothécaire

inscrit peut exercer son droit d’hypothèque ». Il résultait de cet article que

l’information du créancier hypothécaire ou du tiers n’était plus une condition

de validité de la cession, mais une condition qui décidait de l’existence du droit

de suite du créancier hypothécaire. Si le constituant cédait le bien hypothéqué

sans informer le créancier hypothécaire, ce dernier disposait ainsi du droit de

suite sur le bien cédé. Un autre cas dans lequel le créancier hypothécaire

disposait du droit de suite était prévu par l’article 68 des ELS : « lorsque le bien

grevé d’hypothèque est donné à autrui ou lui échoit en succession, le créancier

hypothécaire peut exercer son droit d’hypothèque ». Cependant, ne pouvant pas

excéder sa compétence judiciaire en matière d’interprétation, la Cour suprême

ne peut généraliser le droit de suite.

606. La LDR ne reprend pas l’esprit des ELS qui recouraient au droit de

suite pour protéger le créancier hypothécaire, mais continue à renforcer les

restrictions au droit de disposition du constituant. Elle dispose que « le

constituant de l’hypothèque ne peut aliéner son bien qu’avec le consentement

du créancier hypothécaire, sauf si le tiers détenteur paye la dette à la place du

débiteur en vue d’éteindre le droit d’hypothèque » (art. 191, al. 2, LDR), et que

« le prix de la cession doit être utilisé pour le paiement anticipé de la créance

garantie ou être consigné » (art. 191, al. 1, LDR) en cas de cession du bien

hypothéqué avec le consentement du créancier hypothécaire.

418 CAO Shibing, La résolution et la perspective des problèmes de sûretés chinoises, Éd. du droit, 2001, p. 218.

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Chapitre III – Les effets de l’hypothèque

354

Jusqu’à présent, le droit de suite de l’hypothèque n’est donc pas consacré

par la loi chinoise. Étant donné qu’il n’existe pas de droit de suite pour les

créanciers hypothécaires, elle ne prévoit pas expressément de régime de purge.

Toutefois, il existe implicitement certaines aliénations qui valent purge par

elles-mêmes, telles que la vente volontaire autorisée, la vente sans autorisation

en cas de paiement des dettes hypothécaires par le tiers acquéreur au lieu du

débiteur (art. 194, LDR) et l’expropriation de l’immeuble hypothéqué. Dans

ces cas-là, le paiement ou la consignation du prix purge l’hypothèque sur

l’immeuble grevé. L’immeuble grevé est ainsi libéré de toutes ses charges

hypothécaires.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

355

Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

Section I – Transmission de l’hypothèque

607. Selon l’article 2424 du Code civil français « l’hypothèque est

transmise de plein droit avec la créance garantie » ; selon l’article 192 de la

LDR chinoise « …si une créance est transmise, l’hypothèque qui la garantit est

cédée avec elle …». Dans les deux pays, l’hypothèque peut donc être transmise

à titre accessoire. Cette transmission peut être à titre universel en cas de

succession, ou à titre particulier en cas de cession d’une créance hypothécaire

ou en cas de paiement de subrogation.

608. En cas de succession, les héritiers du créancier sont les ayants cause

à titre universel. Quel que soit le système juridique, ce cas de figure ne pose

aucun problème.

609. En cas de cession, il existe un marché des créances hypothécaires en

France. La loi du 15 juin 1976 distingue la cession entre particuliers et celle

entre établissements de crédit. Dans la première hypothèse, si la créance est

constatée par un acte sous seing privé et revêt une hypothèque ou un privilège

spécial immobilier, les parties de la cession doivent signifier le transport au

débiteur ou obtenir l’acceptation du transport du débiteur dans un acte

authentique (art. 1690, C. civ.). Si la créance est constatée par un acte notarié,

l’établissement de copies exécutoires à ordre doit être expressément prévu dans

cet acte ou un acte notarié subséquent. Les copies exécutoires à ordre peuvent

se transmettre par endossement qui doit être, sauf dispense en faveur des

établissements de crédit419, notarié ou notifié au notaire rédacteur de l’acte

constatant la créance. L’endossement est opposable aux tiers soit à la date de la

notification au débiteur, soit à la date de notification au notaire420 .

419 Cass. com., 9 mars 1999, Bull. civ. IV, no 55, RD imm. 1999, 451, obs. Ph. Théry, D. 1999, somm. 304, obs. S. PIEDELIEVRE, JCP 1999, I, 158, no 10.

420 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 440.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

356

L’endossataire bénéficie aussi du principe de l’inopposabilité des exceptions. À

savoir que les exceptions qui peuvent être invoquées par le débiteur contre le

bénéficiaire initial ou les subséquents ne sont pas opposables à l’endossataire

définitif. Toutefois, les endosseurs (les titulaires précédents de la copie

exécutoire à ordre) ne sont pas en solidarité pour la créance cédée421. En cas de

cession entre établissements de crédit, la cession est beaucoup plus simple et

efficace. Il suffit que l’établissement de crédit cédant souscrive un effet de

commerce endossable, tel que le billet à ordre, au profit d’un autre

établissement de crédit cessionnaire. En cas de cession par endossement, seul

l’émetteur est garant de cet effet. Le cessionnaire peut aussi demander la mise à

sa disposition du contrat principal d’obligation, ce qui vise à affecter les prêts

en gage au profit du cessionnaire et lui permet d’en devenir le propriétaire en

cas de défaillance de l’émetteur (art. L.313-46, C. mon. et fin.). Au surplus, il

est possible pour les banques de rendre négociables les créances qu’elles

détiennent dans leurs bilans depuis 1988422. C’est la tendance à la titrisation des

créances bancaires. Pour alléger leurs bilans et économiser leurs fonds propres,

les banques peuvent céder leurs créances hypothécaires au fonds commun de

créances. La cession s’opère par la seule remise d’un bordereau contenant

certaines mentions obligatoires et prend effet, aussi bien entre les parties qu’à

l’égard des tiers, à la date apposée sur ce bordereau. La remise du bordereau

entraîne de plein droit le transfert des sûretés garantissant chaque créance

(art. 34, al. 7, Loi du 23 décembre 1988). Dès la cession, c’est le fonds

commun de créances qui a le droit de percevoir les paiements effectués par les

emprunteurs initiaux et de les transformer en parts négociables qui sont

assimilées aux obligations423. Plus récemment, la mobilisation des prêts

421 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 481.

422 Ce qui est consacré par la loi du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances.

423 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 482.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

357

hypothécaires a été encore facilitée par la loi du 25 juin 1999. Le régime précité

s’applique aussi à la cession des prêts aux sociétés de crédit foncier et à la

cession financée par l’émission d’obligations foncières.

En Chine, il n’existe pas de marché des créances hypothécaires. Or,

certains auteurs appellent de leurs vœux son établissement pour favoriser

davantage le développement du marché financier424. À cet égard, l’expérience

de la titrisation en droit français est une référence idéale pour le législateur

chinois. De toute façon, l'instauration de ce régime juridique n'est pas encore

achevée pour l’instant. La transmission d’une créance et de l’hypothèque qui la

garantit ne peut se réaliser que selon la modalité traditionnelle, c'est-à-dire sans

distinguer la cession entre particuliers de celle impliquant des établissements de

crédit : l’hypothèque est transmise avec la créance qu’elle garantit (art. 192,

LDR). L’une des parties (cédant ou cessionnaire) de la cession doit signifier le

transport au débiteur. Cette signification ne vaut qu’à titre d’information, son

acceptation n’est donc pas nécessaire. En ce qui concerne l’inscription de la

transmission de l’hypothèque, la loi est silencieuse. Certains auteurs

considèrent que l’inscription est une condition de validité de la transmission,

d’autres insistent sur le fait que l’inscription est simplement une condition

d’opposabilité aux tiers. Cette incertitude entraîne beaucoup de problèmes dans

la pratique. Il conviendra donc de la lever dans la réforme à venir.

610. L’hypothèque peut aussi être transférée à titre principal en droit

français. Elle s’exerce sous la forme de cession de rang ou d’antériorité. Cette

catégorie de cession, qui a déjà été évoquée plus haut, existe aussi en droit

chinois, mais elle n’est pas considérée comme la transmission à titre principal

424 XU Jianming, La conception de l’établissement du marché des créances bancaires, Journal de finance de Shanghai, 2003-08-30 ; XIAO Jinquan, YANG Rongxu, La pratique juridique de l’acquisition de mauvais actifs, Journal de commerce de Chine, 2001-02-01.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

358

de l’hypothèque. L’hypothèque en droit chinois ne peut donc faire l’objet que

d’un transfert à titre accessoire (art. 192, LDR).

Section II – Extinction de l’hypothèque

611. En raison de son caractère mixte, l’hypothèque est affectée par toutes

les vicissitudes qui touchent la créance garantie d’une part et, par des facteurs

qui lui sont propres d’autre part. Elle peut donc s’éteindre par voie accessoire et

par voie principale.

§ I – Extinction par voie accessoire

612. En tant qu’accessoire de la créance garantie, l’hypothèque disparaît

en même temps que l’obligation principale qu’elle garantit (art. 2488-1o,

C. civ. ; art. 177-1o, LDR). Dans les deux pays, l’extinction doit être totale,

pure et simple425 ; sinon, l’hypothèque, compte tenu de son caractère indivisible,

subsiste sur tout le bien grevé, à l’exclusion de l’hypothèque rechargeable, de

la subrogation légale. Autrement dit, toutes les causes d’extinction totale de

l’obligation principale peuvent éteindre l’hypothèque par voie accessoire, que

ce soit le paiement total, la dation en paiement ou la compensation.

613. En cas de novation de créance, s’il s’agit de la subrogation d’une

obligation nouvelle à l’obligation garantie initiale, cette dernière n’existe plus.

Cela entraîne alors l’extinction de l’hypothèque qui la garantit, sauf dans le cas

où cette subrogation a obtenu le consentement du constituant de l’hypothèque

et que l’acte de changement stipule expressément de la conserver. Cette

solution est commune dans les deux pays étudiés (art. 1278, C. civ. ; art. 72,

ELS). S’il s’agit d’un changement de débiteur, les solutions diffèrent selon les

systèmes législatifs. En droit français, l’hypothèque qui garantit la dette de

l’ancien débiteur s’éteint automatiquement, qu’elle soit constituée par le

débiteur ou par un tiers. Il est toutefois possible de réserver cette hypothèque,

425 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 326 ; LI Shigang, op. cit., p. 371.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

359

puisque « les privilèges et hypothèques primitifs de la créance peuvent être

réservés, avec le consentement des propriétaires des biens grevés, pour la

garantie de l'exécution de l'engagement du nouveau débiteur » (art. 1279, al. 2,

C. civ.). Le droit chinois, quant à lui, distingue l’hypothèque constituée par le

débiteur de celle constituée par un tiers. Dans le premier cas, le créancier

conserve son hypothèque, à moins qu’il y renonce expressément ou que le

nouveau débiteur accepte d’offrir une nouvelle sûreté. Dans le second cas, il ne

peut conserver son hypothèque, à moins que le tiers constituant donne son

consentement au changement de débiteur426. Nous pouvons déduire de cette

différence que le législateur chinois met l’accent sur la protection des

créanciers hypothécaires, alors que le législateur français met en avant

l’équilibre des intérêts entre créanciers hypothécaires et constituants.

614. De surcroît, le droit français présente une particularité dans la

mesure où, en cas de prêt spécial à la construction garanti par le Crédit foncier,

l’hypothèque qui garantit le prêt est maintenue de plein droit lors du transfert

du prêt de plein droit aux acquéreurs successifs de l’immeuble427 ; les

propriétaires intermédiaires sont libérés de la charge hypothécaire.

§ II – Extinction par voie principale

615. L’hypothèque peut disparaître aussi par voie principale, sans qu’il

soit tenu compte de la créance garantie. Ainsi en est-il de la renonciation du

créancier à son hypothèque. Aucune formalité particulière n’est requise pour la

renonciation de l’hypothèque par le créancier hypothécaire capable. Elle peut

être expresse, tel qu’un acte sous seing privé, ou tacite, tel qu’un acte

impliquant l’intention de renonciation du créancier. Cette renonciation entraîne

l’abandon de son droit réel et profite donc à tous les créanciers du constituant.

426 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59.

427 H. MAZEAUD, op. cit., 367 et s. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 487.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

360

616. La renonciation de l’hypothèque doit être distinguée de la

« promesse d’abstention » en droit français, par laquelle le créancier

hypothécaire s’engage à ne pas exercer son droit de préférence dans le seul

intérêt d’un créancier de rang inférieur. Cette promesse n’éteint donc pas

l’hypothèque. Le créancier bénéficiaire conserve son hypothèque pour le cas où

le bénéficiaire ne recevrait rien en exerçant la promesse d’abstention, en raison

de la présence des créanciers inscrits intercalés entre le promettant et le

bénéficiaire428. Cette notion est appelée « renonciation de rang hypothécaire »

en droit chinois et elle soumet à certaines règles particulières (v. supra n° 595 et

n° 596).

617. En cas de perte totale du bien hypothéqué, l’hypothèque s’éteint s’il

n’y a pas de valeur de remplacement (sinon, elle se reporte sur celle-ci)429.

L’exemple par excellence en droit chinois est celui concernant l’hypothèque sur

un terrain. Un terrain, et plus précisément le droit d’usage obtenu sur ce terrain,

doit être utilisé conformément au but prévu dans le contrat de concession. De

plus, afin de diminuer les actions de stockage des terrains à des fins

spéculatives et de stabiliser le marché immobilier en zone urbaine, le

concessionnaire doit exploiter les terrains dans les deux ans qui suivent la

428 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 490 : « il s’agit le plus souvent pour le créancier hypothécaire de faciliter l’obtention d’un prêt par son débiteur en renonçant à exercer son hypothèque contre le prêteur… La promesse d’abstention n’équivaut donc pas à une renonciation, car l’hypothèque conserve sa valeur à l’égard des autres créanciers. Elle n’équivaut pas non plus à une renonciation translative, car le bénéficiaire de la convention n’obtient pas le droit d’être colloqué au rang du promettant comme le ferait une cession de priorité : elle oblige simplement le promettant à ne pas produire à l’ordre si sa collocation est de nature à nuire au bénéficiaire ».

Il faut dire que la dernière distinction n’est plus nécessaire. En effet, en cas de cession de rang hypothécaire (renonciation translative), la publicité n’est requise qu’à titre d’information (v. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484). La cession de rang non publiée est donc valable entre les parties, le cessionnaire bénéficiaire n’obtient pas le droit d’être colloqué au rang du promettant contre le constituant et les autres créanciers, mais il peut l’invoquer contre le cédant promettant. En ce sens, la promesse d’abstention équivaut à la renonciation translative.

429 En droit français, étant donné l’absence de subrogation réelle générale, l’hypothèque s’éteint en cas de perte du bien hypothéqué, sauf s'il existe des indemnités d’assurance.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

361

conclusion du contrat. Sinon, les terrains inexploités peuvent être récupérés

sans indemnisation par le gouvernement local430. L’hypothèque portant sur ces

terrains disparaît ; une telle situation est fréquente en Chine.

618. Quant à la prescription, il est à noter qu’en droit français, si le bien

hypothéqué est resté la propriété du constituant, la créance garantie peut

s’éteindre par sa prescription et entraîner, par voie accessoire, la disparition de

l’hypothèque (art. 2488-4o, C. civ.) ; si le bien hypothéqué est passé aux mains

d’un tiers acquéreur, la prescription de l’hypothèque suppose deux conditions

qui ne peuvent souvent pas être réunies en pratique431: elle tient, d’une part, à

l’échéance de la créance garantie pour que la prescription extinctive de

l’hypothèque commence à courir, d’autre part, à la prescription acquisitive qui

s’accomplit par la possession prolongée du tiers acquéreur.

En droit chinois, la prescription de la créance garantie n’entraîne ni

l’extinction de la créance, ni celle de l’hypothèque qui la garantit. À

l’expiration de la prescription, la créance garantie devient en effet obligation

naturelle, à savoir que le créancier perd gain de cause devant le tribunal.

Concernant l’hypothèque, l’article 202 de la LDR dispose explicitement que

« le titulaire du droit d’hypothèque doit exercer son droit avant l’expiration de

la prescription de la créance garantie ; s’il ne le fait pas, il perd gain de cause

devant le tribunal ». Si le constituant de l’hypothèque exerce son devoir

hypothécaire, le créancier pourra encore réaliser son hypothèque.

619. Au surplus, il existe certainement des autres causes qui peuvent aussi

provoquer l’extinction de l’hypothèque, telle que la purge de l’hypothèque

(v. supra n° 600 et s.) ou la radiation de l’inscription (v. supra n° 556 et n° 557)

430 V. « Notification relative au stockage des terrains » rendue par le CAE en 2008 et l’article 26 de la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine.

431 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443.

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Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque

362

qui sont abordées dans les textes précités. Nous nous abstenons donc de les

réétudier ici.

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363

Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles

620. L’article 2373, alinéa 1 du Code civil français énonce deux types de

sûretés immobilières conventionnelles traditionnelles: l’hypothèque et le gage

immobilier (l’ancien antichrèse jusqu’à la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de

simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures). En

disposant que « la propriété de l’immeuble peut également être retenue en

garantie », son alinéa 2 ajoute une nouvelle modalité - la réserve de propriété

immobilière. Plus récemment, la Loi du 12 mai 2009 de simplification et de

clarification du droit et d'allègement des procédures crée un nouveau chapitre

intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » qui se place dans la partie

consacrée à « Des sûretés sur les immeubles ». Cela signifie expressément que

la fiducie-sûreté peut porter sur les immeubles. Cependant, l’hypothèque ayant

été étudiée dans le titre précédent, nous aborderons dans ce titre uniquement les

sûretés immobilières autres que l’hypothèque : le gage immobilier, la

fiducie-sûreté immobilière et la réserve de propriété immobilière.

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Chapitre I – Le gage immobilier

364

Chapitre I – Le gage immobilier

621. Le gage immobilier est défini par l’article 2387 du Code civil

comme l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation, il emporte la

dépossession de celui qui le constitue. Traditionnellement, le débiteur ne peut

plus disposer, jouir ou user de l’immeuble grevé après la constitution du gage

immobilier; il ne peut pas non plus affecter cet immeuble en garantie pour un

nouveau crédit. Quant au créancier gagiste, il doit conserver et maintenir le

bien gagé. D’autant plus que ce genre de gage nécessite une double publicité :

la dépossession du bien pour sa validité et l’inscription pour son opposabilité432,

ce qui est très lourde et est donc un régime mal construit dès son origine. Car la

possession et l’inscription sont les deux modalités différentes de publicité des

droits réels. Elles ont toues deux pour objet de rendre l’état des droits réels

connaissable par les tiers. En tout cas, il n’est pas judicieux d’exiger à la fois la

possession et l’inscription pour un acte.

622. Le gage immobilier ne présente guère d’intérêt pour les praticiens et

les chercheurs433. En effet, les arrêts rendus par la Cour de cassation concernant

le gage immobilier sont beaucoup moins nombreux qu’en matière

d’hypothèque ou de privilèges immobiliers. Il est même qualifié de « garantie

marginale » par certains auteurs434, « d’archaïque » par d’autres435. Son régime

est certes amélioré par la consécration de l’antichrèse-bail et par la réalisation

facilitée achevées par la réforme de 2006. Il restera toutefois une sûreté

immobilière peu utilisée, non pas seulement à cause des inconvénients exposés

plus haut qui ne sont pas complètement rédhibitoires et qui peuvent

partiellement être améliorés, mais plus sûrement à cause des améliorations des

432 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 450; Marc MIGNOT, op. cit., p.406.

433 Sébastien ROBINNE, L’antichrèse, Évolution des sûretés réelles - regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 94.

434 S. PIÉDELIÈVRE, Les sûretés, Armand Colin, 2001, p. 253.

435 M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 2002, no 814.

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Chapitre I – Le gage immobilier

365

autres sûretés immobilières, telles que la consécration du pacte commissoire à

l’hypothèque, la généralisation de la fiducie-sûreté etc.

623. Chose non moins importante, il n’existe pas en droit chinois le

régime du gage immobilier au sens du droit français ; les juristes n’ont pas non

plus l’intention d’introduire un tel régime en droit chinois. Certains auteurs

considèrent que le régime de Dian s’en approche436. Étant donné toutefois que

la durée de Dian ne peut pas excéder six mois, que seule la société de Dian

peut être la bénéficiaire de Dian, et que le bénéficiaire de Dian ne peut pas user

ou jouir du bien grevé, le régime de Dian n’est pas du tout comparable à celui

du gage immobilier en droit français.

Par conséquent, il n’est pas possible d’exécuter une comparaison entre le

gage immobilier en droit français et le Dian en droit chinois.

436 FEI Anling, Études comparatives du droit des sûretés, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 2004, p. 237.

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Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière

366

Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière

624. La fiducie-sûreté en matière immobilière est aujourd’hui consacrée

par le Code civil français. Son régime fixé par les articles 2488-1 et suivants du

Code civil est quasiment identique à celui de la fiducie-sûreté en matière

mobilière fixé par les articles 2372-1 et suivants du même code (v. supra n° 436

et s.) ; nous n’allons donc pas détailler ce point. Il faut toutefois rappeler que si

ce type de sûreté immobilière deviendra une nouvelle reine de sûreté

immobilière.

625. Malgré ses avantages, la fiducie-sûreté présente tout de même des

inconvénients. D’abord, étant donné que la fiducie joue un rôle de garantie, le

fiduciaire doit restituer l’immeuble grevé au constituant après le paiement de la

créance garantie. Cela entraîne nécessairement des coûts fiscaux relativement

élevés en raison de deux mutations de propriétés de l’immeuble. Ensuite, le

transfert de propriété empêchait le constituant d’aliéner le bien grevé ou de

constituer une nouvelle sûreté sur ce bien. Cela entraînait un gaspillage grave

du crédit. Cet inconvénient est heureusement amélioré par la consécration de la

fiducie rechargeable par la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et

de clarification du droit et d'allègement des procédures. Enfin, sa réalisation

n’est pas aussi simple que l’on l’imagine437. Il faut aussi recourir à un expert

pour déterminer la valeur du bien, ce qui entraîne une augmentation des coûts.

De plus, le créancier bénéficiaire doit restituer au constituant la différence entre

la valeur du bien et le montant de la dette encore due. Tout cela nécessite des

charges supplémentaires en argent et en temps. De ce point de vue, la

fiducie-sûreté portant sur des immeubles ne présente pas beaucoup de

supériorités que l’hypothèque immobilière. En effet, par comparaison à

l’hypothèque immobilière qui concède sa priorité à certains privilèges nés

437 En théorie, en cas de non paiement de la créance garantie, le créancier bénéficiaire devient propriétaire du bien grevé. Mais en pratique, son application est beaucoup plus complexe.

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Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière

367

ultérieurement, l’avantage le plus remarquable de la fiducie-sûreté en matière

immobilière réside dans son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure

collective, puisque le patrimoine fiduciaire ne sera pas affecté par l'ouverture

d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation

judiciaire au profit du fiduciaire (art.2024, C. civ.). De plus, le créancier

bénéficiaire n’a pas à craindre la concurrence des autres créanciers (créanciers

hypothécaires ou créanciers privilégiés) de son débiteur, car les immeubles

affectés en garantie n’appartiennent plus au débiteur constituant.

626. Alors qu’en droit chinois, considérant, d’une part, que le régime

général de fiducie-sûreté n’a pas été consacré par la loi (v. supra n° 449),

d’autre part, que l’hypothèque immobilière est assez efficace, même en cas de

procédure collective du débiteur constituant de l’hypothèque (v. supra n° 449 et

s.), peu de juristes prêtent une attention suffisante à l’assiette mobilière ou

immobilière de la fiducie-sûreté.

627. Ainsi, la fiducie-sûreté en matière immobilière ne mérite pas une

étude détaillée dans le présent texte.

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Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière

368

Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière

Section I – En droit français

628. La clause de réserve de propriété en matière immobilière n’est pas

précisément règlementée par le Code civil français. Par comparaison à la

consécration d’une section complète à la réserve de propriété en matière

mobilière (art.2367 à 2372, C. civ.), le Code civil évoque simplement à titre de

disposition générale que la réserve de propriété à titre de garantie sur un

immeuble est possible (art.2373, al.2, C. civ.).

629. La réserve de propriété en matière immobilière, qui est fréquente

lorsque le compromis de vente prévoit que le transfert de propriété ne sera

réalisé qu’au jour de la signature de l’acte authentique et du paiement du prix438,

est plutôt étrangère à toute finalité de crédit439. La réserve de propriété n’est

guère pratiquée en tant que sûreté dans le domaine immobilier, puisque, d’une

part, elle présente certains inconvénients, tels que la situation ambiguë de

l’acheteur ( car on ne sait pas s’il est locataire ou détenteur précaire?)440, la date

d’exigibilité des droits de mutation, la publicité de l’acte…; d’autre part, le

vendeur des immeubles n’a pas à recourir à la clause de réserve de propriété

comme garantie, puisqu’il est déjà protégé par son privilège (v. supra n° 462)

dans 95% des cas sa créance est intégralement désintéressé par le prêteur de

deniers auquel son cocontractant s’est adressé441.

438 Elle a donc pour objet de donner du temps à l’acquéreur pour organiser son plan de financement, et au notaire pour accomplir toutes les formalités que requiert l’inscription des privilèges : du privilège du vendeur dans lequel le prêteur de deniers est subrogé et du privilège du prêteur de deniers accordé en propre à ce dernier créancier.

439 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348.

440 V. la note de l’Institut d’études juridiques de Conseil supérieur du notariat, Les dangers de la clause de réserve de propriété dans les ventes immobilières, JCP CI 1986, Prat. 9976.

441 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348.

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Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière

369

Section II – En droit chinois

630. En droit chinois, la Loi sur les contrats (LC) consacrant la réserve de

propriété ne traite pas expressément du domaine d’application de l’institution.

Du point de vue de certains auteurs, la réserve de propriété ne peut être utilisée

en matière immobilière442, puisqu’en droit chinois, seul le registre immobilier

fait foi pour le droit immobilier. Si on maintient que le transfert de propriété

immobilière ne se réalise que par l’inscription, et permet en même temps la

réserve de propriété contractuelle, on se trouvera donc face à un dilemme443. La

force de foi du registre immobilier sera ainsi entamée. D’autant plus que le

paiement total du prix de vente n’entraîne pas de plein droit le transfert de

propriété immobilière. Il n’est donc pas nécessaire de stipuler dans le contrat de

vente que la propriété n’est pas transférée que jusqu’au paiement total du prix

de vente. Il suffit pour le vendeur de transférer la propriété immobilière à

l’acheteur et de constituer une hypothèque sur l’immeuble vendu444.

631. Mais pour d’autres auteurs, les arguments que les opposants

évoquent ne sont pas vraiment soutenables, puisque la propriété immobilière

n’est pas transférée avant le paiement total du prix de vente, il n’est pas

nécessaire de procéder à l’inscription immobilière. La force de foi du registre

n’est donc pas entamée. De plus, il est vrai que le vendeur de l’immeuble,

même s’il ne réserve pas la propriété, peut aussi être garanti par une

hypothèque. Mais les coûts d’hypothèque sont relativement élevés445, parce que

442 LONG Zhuhua, Le droit de revendication du vendeur dans la vente avec la réserve de propriété, in Recherche de Droit et de Commerce, 2000, 4, p. 73; CHEN Benhan, op. cit., p. 390.

443 SHI Shangkuan, Des droits réels, Éd. de Rongtai, p.48; WANG Zejian, Le droit de l’acheteur dans la vente conditionnelle, in La théorie et la recherche de jurisprudence du droit civile, I, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1997, p. 133.

444 QU Zonghong, La réserve de propriété immobilière, in Le système juridique et la société, p. 13.

445 YU Nengbin, Des études comparées de la réserve de propriété, in Études du droit, 2000, V, p.81.

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Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière

370

le vendeur de l’immeuble doit procéder au transfert de la propriété à l’acheteur,

à l’inscription du transfert de propriété, à l’estimation de l’immeuble, à

l’inscription hypothécaire etc. En outre, étant donné que la propriété

immobilière est transférée par l’inscription, les parties ne peuvent pas procéder

à l’inscription que jusqu’au paiement total du prix de vente. Il suffit pour le

vendeur de refuser de procéder à l’inscription immobilière pour réserver la

propriété immobilière. La stipulation de la réserve de propriété dans le contrat

est simplement une justification légale du non-exercice de son obligation de

transférer la propriété du bien vendu. Cela ne posera donc aucun problème à

l’inscription immobilière. De surcroît, la réserve de propriété est vraiment plus

séduisante que l’hypothèque tant en termes de coûts que d’efficacités.

632. De toute façon, la disposition de la loi chinoise concernant la réserve

de propriété est loin d’être suffisante. Tenant compte de cette situation et de la

situation en droit français, la réserve de propriété en matière immobilière ne

sera pas approfondie dans la présente thèse.

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Conclusion générale

371

Conclusion générale

633. La présente thèse a pour objet de comparer les systèmes de sûretés

réelles en droit français et en droit chinois.

634. Le terme de « sûreté réelle » en droit français est officiellement

employé mais n’a pas été défini par l’ordonnance du 23 mars 2006. Sur le plan

théorique, les auteurs considèrent que « les sûretés réelles sont un mécanisme

qui affecte un bien ou des biens au paiement préférentiel au créancier » (v.

supra n° 57). En droit chinois, en revanche, en disposant que « le titulaire de

droit réel de sûreté a le droit de préférence sur le bien grevé de sûreté, lorsque

le débiteur n’exécute pas son obligation échu ou lorsqu’il y a des cas de la

réalisation de l’hypothèque prévus par les parties, sauf si la loi en dispose

autrement», l’article 170 de la LDR donne expressément la définition de

« sûreté réelle ».

635. Etant qualifiées des droits réels, les sûretés réelles doivent, au moins

en principe, respecter le principe de légalité (numerus clausus), la règle de

spécialité et la règle d’indivisibilité. Une sûreté réelle est aussi l’accessoire de

la créance garantie et un droit réel sur la valeur du bien grevé.

636. En effet, les sûretés réelles regroupent plusieurs catégories de sûretés

dans les deux systèmes juridiques étudiés.

La classification officielle des sûretés réelles, et la plus importante en droit

français, se fonde sur leur assiette (et plus précisément, sur la nature de

l’assiette). Elle se distingue de la classification selon le critère du régime

(c'est-à-dire la dépossession du bien grevé), qui avait été adoptée par le

législateur français et, qui est officiellement retenue par le législateur chinois à

l’heure actuelle.

La classification suivant l’assiette prend en compte deux critères : son

étendue (les sûretés générales et les sûretés spéciales) ou sa nature (les sûretés

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Conclusion générale

372

mobilières les sûretés immobilières en droit français ; à ces deux catégories

s'ajoute la sûreté de droits en droit chinois). La classification selon la nature de

l'assiette constitue la classification légale des sûretés réelles en droit français.

La classification selon le régime appliqué opère une distinction selon la

dépossession du bien grevé ou selon le critère de propriété. Dans le premier cas,

le droit français classe les sûretés réelles comme sûretés avec dépossession et

sûretés sans dépossession, alors que le droit chinois établit une distinction entre

les gages (les sûretés avec dépossession) et les hypothèques (les sûretés sans

dépossession). Quant à la classification selon le critère de propriété, les deux

systèmes juridiques distinguent les sûretés réelles ne supposant pas la propriété

et les propriétés-sûretés. Seul le critère de dépossession du bien est adopté par

le législateur chinois.

En outre, les sûretés réelles peuvent théoriquement être classées en sûretés

conventionnelles et sûretés non conventionnelles désignant les sûretés légales

et les sûretés judiciaires.

637. Les sûretés mixtes portant soit sur des meubles, soit sur des

immeubles, l’étude comparée détaillée prend donc en compte deux types de

sûretés : les sûretés mobilières et les sûretés immobilières.

638. En matière des sûretés mobilières, nous opposons les sûretés non

conventionnelles à celles conventionnelle.

Les sûretés mobilières non conventionnelles couvrent principalement les

privilèges et le droit de rétention qui sont conférées à certains créanciers ou

attachées à certaines créances hors cadre conventionnel. S’agissant des

privilèges, le droit chinois ne reconnaît que deux privilèges nommés --- sur le

navire et sur l’aéronef civil. Les autres privilèges prévus par la Loi sur la faillite

d’entreprise (LFE) sont les privilèges innomés : les privilèges instantanés qui

existent pendant toute la durée de la procédure de collectivité ; les privilèges en

liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation judiciaire.

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Conclusion générale

373

Concernant le droit de rétention, son champ d’application a été généralisé par la

réforme française de 2006, mais sa nature de sûreté n’a pas été clarifiée ; en

droit chinois, en revanche, il constitue une sûreté indépendante depuis l’entrée

en vigueur de la Loi sur les sûretés (LS, 1995).

Les sûretés mobilières conventionnelles, qui désignent les sûretés nées des

conventions, comprennent le gage de meubles corporels, le nantissement de

meubles corporels, la réserve de propriété et la fiducie-sûreté en droit français,

dont les trois premières sont légalement reconnues en droit chinois.

Quant au gage de meubles corporels, il se divise en gage avec

dépossession et gage sans dépossession en droit français. La dépossession ou

l’inscription est toujours une condition d’opposabilité aux tiers, sauf certaines

exceptions (tels que le gage du matériel et de l’outillage et le gage sur stocks).

Alors qu’en droit chinois, la dépossession est toujours une condition de validité

pour le gage avec dépossession ; l’inscription est une condition d’opposabilité

pour l’hypothèque mobilière qui correspond au gage sans dépossession en droit

français.

En ce qui concerne le nantissement de meubles incorporels, la

dépossession ou l’inscription est aussi une condition d’opposabilité en droit

français. Cependant, ce type de sûreté est connu en droit chinois sous le nom

de « gage de droits » dû à la différence de la notion chinoise de « meubles »,

pour lequel la dépossession ou l’inscription est toujours une condition de

validité.

S’agissant de la réserve de propriété, la publicité n’est en principe pas

requise en droit français. Elle existe aussi en droit chinois, mais elle n’est pas

officiellement considérée comme une sûreté réelle.

Concernant la fiducie-sûreté, l’inscription est à la fois une condition

d’opposabilité et une condition de validité pour la fiducie-sûreté en droit

français.

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Conclusion générale

374

639. En matière des sûretés immobilières, comme en matière des sûretés

mobilières, nous opposons aussi les sûretés non conventionnelles aux sûretés

conventionnelles.

Les sûretés immobilières non conventionnelles désignent les sûretés

immobilières légales et les sûretés immobilières judiciaires.

Au sein des sûretés immobilières conventionnelles, l’hypothèque joue un

rôle principal dans les deux systèmes juridiques qui sont l’objet de notre étude.

Cependant, la propriété du terrain qui est une propriété privée importante et

constitue une assiette essentielle de l’hypothèque en droit français, n’est jamais

individuelle et ne peut donc faire l’objet d’une hypothèque en droit chinois. En

l’occurrence, le droit d’usage du terrain et le bâtiment se situant sur ce terrain

constituent les assiettes les plus importantes de l’hypothèque immobilière en

droit chinois. L’inscription, qui est une condition d’opposabilité de

l’hypothèque en droit français, est à la fois une condition de validité et une

condition d’opposabilité de l’hypothèque en droit chinois. Après l’inscription

hypothécaire, c’est le principe suivant qui s’applique : le bâtiment suit la

terre (le droit d’usage du terrain) ; la terre (le droit d’usage du terrain) suit le

bâtiment.

640. Du point de vue du droit comparé, il reste principalement les

problèmes suivants à résoudre en droit chinois :

Tout d’abord, le droit chinois montre une indifférence à l’égard de la

protection des intérêts des parties faibles. Il en résulte une situation

déséquilibrée entre créanciers et débiteurs, dans la mesure où, pour renforcer la

protection des intérêts du créancier, le droit chinois méprise voire sacrifie les

intérêts du débiteur. C’est aussi la raison pour laquelle, en cas de faillite d’une

entreprise, les créances garanties par les sûretés priment toujours les privilèges

des salaires. À ce sujet, la réforme de 2006 du droit français des sûretés est

riche d’enseignement : elle reste fidèle à l’équilibre des intérêts qui constitue

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Conclusion générale

375

l’un des traits majeurs de la tradition juridique française et qui maintient ou

crée des régimes de la protection des parties faibles (tel que le superprivilège

des salaires).

Ensuite, le traitement inégal entre les droits d’usage du terrain rural et

celui du terrain urbain devrait être éliminé dans la réforme à venir. Le droit

d’usage du terrain dans les zones rurales devrait pouvoir être aliéné et donc être

hypothéqué, tout comme celui dans les zones urbaines.

Enfin, pour renforcer la transparence et la sécurité du transfert de bien, un

organe unitaire chargé de l’inscription des droits réels devrait être établi dans

les plus brefs délais.

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388

ANNEXES

I – La loi de la République populaire de Chine sur les sûretés…………..389

II – La loi de la République populaire de Chine sur les droits réels…….401

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

389

I – Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés (promulguée le 30 juin 1995, appliquée le 1er octobre 1995) (extrait)

Sommaire

Chapitre I Dispositions générales

Chapitre II Du cautionnement

Chapitre III De l'hypothèque

Chapitre IV Du gage

Chapitre V De la rétention

Chapitre VI Des arrhes

Chapitre VII Dispositions diverses

……………………………………………………………………………………

Chapitre III De l'hypothèque

Section I De l’hypothèque et des choses hypothéquées

Article 33. Le terme d'hypothèque dans la présente loi signifie qu'un débiteur ou un tiers prend (un des) biens énumérés à l'article 34 de la présente loi, sans transmettre la possession, comme une garantie d'une créance. Si le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier a le droit de, conformément aux dispositions de la présente loi, se désintéresser de manière prioritaire en prenant en paiement le bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de ce bien.

Le débiteur ou tiers évoqué dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de l'hypothèque, le créancier s'appelle créancier hypothécaire, le bien grevé d'hypothèque s'appelle la chose hypothéquée.

Article 34. Les biens ci-dessous sont susceptibles d'hypothèque:

(1) les bâtiments et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe, qui appartiennent au constituant de l'hypothèque ;

(2) les machines, les véhicules de transport et les autres biens dont le constituant de l'hypothèque est propriétaire ;

(3) les droits d'usage du terrain d'Etat, les bâtiments et les autres choses adhérant au sol appartenant à l'Etat que le constituant de l'hypothèque a le droit de disposer ;

(4) les machines, les véhicules de transports et les autres biens d'Etat que le constituant de l'hypothèque (qui ne sont pas la propriétaire) a le droit de disposer ;

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

390

(5) les droits d'usage des terrains en friche, y compris les montagnes, ravines, collines, plages en friche, que le constituant de l'hypothèque ont légalement loués, à condition que le louant consente (l'hypothèque sur ce droit) ;

(6) les autres biens susceptibles d'hypothèque selon les dispositions des lois.

Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens énumérés à l'alinéa précédent.

Article 35. La créance garantie par l'hypothèque ne peut excéder la valeur de la chose hypothéquée.

Dans la mesure où la valeur de la chose hypothéquée excède la créance garantie par l'hypothèque, cette chose peut être grevée d'une autre hypothèque (afin de garantir une autre créance). Cependant, la somme de cette nouvelle créance garantie ne peut dépasser sa valeur non grevée.

Article 36. En cas d'hypothèque d'un bâtiment sur le terrain d'Etat, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain d'Etat qui est occupé par ce bâtiment.

En cas d'hypothèque d'un droit d'usage du terrain d'Etat concédé, on doit hypothéquer simultanément le bâtiment sur ce terrain.

Le droit d'usage du terrain de l'entreprise de la campagne ne peut être grevé isolement d'hypothèque. En cas d'hypothèque d'un bâtiment de l'entreprise de la campagne, par exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain occupé par le bâtiment.

Article 37. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués :

(1) les propriétés des terrains.

(2) les droit d'usage des terrains collectifs, tels que la terre labourée, la terre servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la montagne individuelle, sauf les cas prévus par l'article 34, alinéa 5 et l'article 36, alinéa 3 de la présente loi.

(3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant au bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique ou des organisations sociales ayant pour objectif le bien-être public, notamment les établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches.

(4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair ou est litigieux ;

(5) les biens scellés, saisis ou placés sous la garde;

(6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois

Section II Du contrat hypothécaire et de l'inscription de la chose hypothéquée

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

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Article 38. Le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire doivent conclure le contrat d'hypothèque sous la tonne écrite

Article 39. Un contrat hypothécaire comprend les points suivants :

(l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par l'hypothèque;

(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;

(3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété ou de droit d'usage de la chose hypothéquée ;

(4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ;

(5) les autres points que les parties trouvent nécessaires.

A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le contrat de d'hypothèque peut être complété par les parties.

Article 40. Lorsque le créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque passent le contrat hypothécaire, ils ne peuvent stipuler qu'à défaut de paiement à l'échéance, la propriété de la chose hypothéquée appartient au créancier hypothécaire.

Article 41. Lorsque l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'article 42, les parties doivent faire une inscription de la chose hypothéquée et le contrat hypothécaire ne prend effet qu'à partir de la date de l'inscription.

Article 42. Les organes chargés d'inscription sont :

(1) établissements administratifs des terrains qui approuvent et confèrent les titres du droit d'usage des terrains lorsque les hypothèques portent sur les terrains sans immeubles;

(2) établissements désignés par le gouvernement soit du district, soit de l'échelon supérieur, lorsque les hypothèques grèvent les biens fonciers dans les zones urbaines ou les constructions des entreprises de la campagne ;

(3) établissements administratifs, soit du district, soit de l'échelon supérieur, des forêts et bois, lorsque les hypothèques grèvent les forêts et bois ;

(4) établissements d'inscription des véhicules de transport, lorsque les hypothèques portent sur des aéronefs, des navires, des voitures ;

(5) établissements locaux administratifs des industries et commerces, lorsque les hypothèques portent sur des équipements et d'autres biens mobiliers d'entreprise.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

392

Article 43. Lorsque l'hypothèque grève d'autres biens, l'inscription de la chose hypothéquée est facultative et le contrat hypothécaire en prend effet entre les parties dès la conclusion du contrat.

Une hypothèque sans inscription est toutefois inopposable aux tiers. Si les parties veulent faire une inscription de la chose hypothéquée, les établissements notariaux locaux du domicile du constituant de l'hypothèque sont ceux d'inscription.

Article 44. Les documents ci-dessous ou leurs copies doivent être fournis aux organes d'inscription :

(1) le contrat principal et celui d'hypothèque ;

(2) le titre de propriété ou celui du droit de l'usage.

Article 45. Les documents inscrits dans les organes d'inscription doivent pouvoir être consultés, notés ou copiés.

Section III De l'effet d'hypothèque

Article 46. Rentrent dans l'étendue de la garantie hypothécaire : la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les indemnités, les dommages-intérêts et les Irais de la réalisation du droit de l'hypothèque. Si les parties en ont convenu autrement, leur convention prévaudra.

Article 47. Lorsque la chose hypothéquée est saisie par un Tribunal Populaire suite au défaut du débiteur d'exécuter son obligation, le créancier hypothécaire n'a le droit de percevoir fruits naturels et civils de la chose hypothéquée qu'à partir du jour où cette assiette est saisie. Le créancier est obligé d'avertir de la saisie les débiteurs des fruits civils, à défaut le droit d'hypothèque n'étend pas à ces fruits civils.

Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur les frais de leur perception.

Article 48: Lorsque la chose hypothéquée a été louée, le constituant doit énoncer l'hypothèque au locataire sous la forme écrite, et le contrat de louage reste en vigueur.

Article 49. Pendant l'hypothèque, lorsque le constituant de l'hypothèque veut céder la chose hypothéquée inscrite, il doit annoncer la cession au créancier hypothécaire et avertir le cessionnaire du fait de l'hypothèque ; la cession est nulle s'il ne fait pas cette annonce ou cet avertissement.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

393

Si le prix de la cession de la chose hypothéquée est nettement inférieur à sa valeur, le créancier hypothécaire peut demander au constituant de l'hypothèque de lui offrir une autre sûreté correspondante ; si le constituant ne lui en offre pas une, il ne peut céder la chose hypothéquée.

Le prix de la cession de la chose hypothéquée doit d'abord désintéresser la créance garantie ou être consigné au tiers désigné par le créancier et le constituant. La part au-delà de la créance appartient au constituant ; si le prix est insuffisant, le créancier doit être désintéressé par le débiteur.

Article 50. Le droit d'hypothèque ne peut isolément ni être cédé ni garantir les autres créances.

Article 51. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible de diminuer la valeur de l'assiette hypothéquée, le créancier hypothécaire a le droit de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a diminué, le créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de lui fournir une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur.

Si le constituant n'a pas commis de faute dans la diminution de la valeur de la chose hypothéquée, le créancier ne peut lui réclamer de fournir une sûreté que dans le cadre des dommages-intérêts ; le solde de valeur sert alors de garantie pour la créance principale.

Article 52. Le droit d'hypothèque existe à la fois avec la créance principale garantie par elle, si la créance principale s'éteint, le droit d'hypothèque aussi.

Section IV De la réalisation du droit d'hypothèque

Article 53. Si, à l'échéance de l'obligation, le créancier hypothécaire n'est pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de vente ou d'adjudication de la chose hypothéquée ; si (les parties n'ont) pas réussi à conclure une convention, le créancier peut intenter un procès auprès de la Cour populaire.

Après la vente à l'amiable ou l'adjudication de la chose hypothéquée ou la prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie, la différence appartient au constituant. S'il est inférieur, c'est le débiteur qui se charge de la part insuffisante.

Article 54. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la disposition suivante :

(1) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès l'inscription

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

394

hypothécaire, l'ordre de paiement suit le rang d'inscription ; si le rang est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances ;

(2) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès la signature du contrat, si les hypothèques sont inscrites, l'alinéa l du présent article s'applique ; pour les hypothèques sans inscription, leur rang est déterminé par l'ordre d'entrée en vigueur des contrats. Si l'ordre est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances. Des hypothèques inscrites priment celles sans inscription.

Article 55. Dans le cas qu'un bien foncier dans les zones urbaines est hypothéqué, les nouveaux bâtiments, constitués sur les terrains après la signature du contrat hypothécaire, ne sont pas la chose hypothéquée. Lors de l'adjudication, le bien foncier et les nouveaux bâtiments peuvent se mettre aux enchères ensemble, mais le créancier n'a pas le droit de préférence sur le prix des nouveaux bâtiments.

On ne peut illégalement changer la propriété de la collectivité des terrains ni la destination des terrains après la réalisation de l'hypothèque, lorsque l'assiette hypothéquée est le droit d'usage du terrain en friche procédé des contrats forfaitaires ou des terrains qu'occupent les constructions des entreprises, tels que les bâtiments de produit, dans la campagne.

Article 56. Le créancier hypothécaire n'a le droit de préférence sur le prix de vente du droit de l'usage du terrain d'Etat alloué qu'après avoir versé la somme correspondante aux frais de concession du droit d'usage de ce terrain.

Article 57. Après l'exercice de droit d'hypothèque, le constituant hypothécaire, s'il avait grevé son bien d'hypothèque pour garantir la dette d'autrui, a le droit de recours contre le débiteur garanti et de lui demander de rembourser.

Article 58. L'hypothèque s'éteint toutes les fois que la chose hypothéquée est détériorée ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien hypothèque pour garantir la même créance

Section V De l'hypothèque de montant maximal

Article 59. On parle d'hypothèque de montant maximal lorsque le créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque conviennent de, dans la limite d'un montant maximal de créance, affecter la chose hypothéquée à la garantie des créances qui se produiront successivement pendant une période déterminée.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

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Article 60. Des contrats de prêt peuvent être accompagnés du contrat de l'hypothèque de montant maximal.

Des contrats de transactions successives d'un genre de marchandise pendant une période déterminée peuvent être accompagnés du contrat de l'hypothèque de montant maximal.

Article 61. Les créances principales garanties par l'hypothèque de montant maximal ne peuvent être transférées. '

Article 62. L'hypothèque de montant maximal obéit aux dispositions de cette section ainsi qu'aux autres dispositions du présent chapitre.

Chapitre IV Du gage

Section I Du gage de meubles

Article 63. Un gage de meubles est (l'acte par lequel) le débiteur ou un tiers transfert son bien mobilier au créancier afin de garantir une créance. Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier, conformément à la présente loi, aura le droit de prendre ce bien en paiement ou de se désintéresser par préférence sur le prix de la vente ou d'adjudication de ce bien.

Ce débiteur ou tiers s'appelle constituant du gage, ce créancier s'appelle titulaire du droit de gage (créancier gagiste), le bien mobilier s'appelle chose gagée.

Article 64. Le constituant du gage et le créancier gagiste doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite.

Le contrat de gage n'entre en vigueur qu'au moment où la chose gagée est mise en la possession du créancier gagiste.

Article 65. Le contrat de gage doit comprendre les clauses suivantes :

(1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ;

(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur;

(3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ;

(4) l'étendue de la garantie ;

(5) le moment de la remise du bien gagé ;

(6) les autres contenus que les parties trouvent nécessaires.

A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le contrat de gage peut être complété par les parties.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

396

Article 66. Dans le contrat de gage, le créancier gagiste ne peut conclure avec le constituant du gage une convention par laquelle, à l'échéance de la dette garantie, à défaut de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au créancier.

Article 67. Le gage garantit (au créancier) la créance principale et ses intérêts, les dommages intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de conservation du bien gagé et ceux de réalisation du droit de gage, sauf si le contrat de gage en dispose autrement.

Article 68. Sauf si le contrat du gage en dispose autrement, le créancier gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien gagé.

Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de leur perception.

Article 69. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement la chose remise en gage. En cas de détérioration ou de perte causée par son imprudence (en la conservant), il doit assumer la responsabilité civile.

Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la perte ou la détérioration de la chose gagée, le constituant peut se prévaloir de consigner la chose gagée ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant la déchéance du terme et la restitution de la chose gagée.

Article 70. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa valeur diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est suffisante pour compromettre le droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au constituant du gage de lui fournir une sûreté correspondante. Si le constituant du gage ne lui en fournit pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre la chose gagée à l'amiable ou par adjudication, et puis de se désintéresser par préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner chez un tiers convenu.

Article 71. Si le débiteur a exécuté son obligation à l'échéance ou le constituant a payé en avance la créance garantie, le créancier gagiste a l'obligation de restituer la chose gagée.

Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation à l'échéance, le créancier peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement la chose gagée ; il peut aussi se désintéresser sur le prix de vente ou d'adjudication de la chose gagée.

Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par adjudication, lorsque le prix de la chose gagée excède le montant garanti, la différence

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

397

appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la créance, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier.

Article 72. Si le gage est donné par un tiers pour le débiteur, ce tiers aura le droit de recours contre le débiteur après la réalisation du droit de gage.

Article 73. Le gage s'éteint toutes les fois que la chose gagée est détériorée ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien gagé (pour garantir la même créance).

Article 74. Le gage doit exister ensemble avec la créance principale garantie, (par conséquent,) si celle-ci s'éteint, le gage s'éteint également.

Section II Du gage de droits

Article 75. Les droits suivants sont susceptibles d'être grevés de gage :

(1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt, le connaissement ;

(2) les parts transférables et les actions transférables ;

(3) les droits patrimoniaux transférables du droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, du droit de brevet d'invention et du droit d'auteur ;

(4) les autres droits suivant les autres lois ou les règlements administratifs.

Article 76. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt, ou le connaissement, le constituant doit, conformément au délai fixé dans le contrat, transférer au créancier le titre de droit. Le contrat de gage entre en vigueur à partir du jour du transfert du titre.

Article 77. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement (d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage.

Article 78. Lorsque le gage porte sur les actions transférables, le constituant et le créancier gagiste doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite et faire l'inscription de gage auprès du bureau d'inscription des titres. Le contrat de gage entre en vigueur dès l'inscription de gage.

Après la constitution du gage, les actions ne peuvent être cédées, sauf si le

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

398

constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Si le constituant transfert les actions, le prix de transfert doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou (le) consigner au tiers convenu.

Dans le cas où le gage porte sur les parts de S.A.R.L. s'appliquent les dispositions relatives au transfert des actions dans la Loi sur les Sociétés. (En ce cas,) le contrat du gage entre en vigueur depuis le jour de l'inscription du gage faite sur le registre d'actionnaire.

Article 79. Lorsque le gage porte sur un ou des droits patrimoniaux transférables du droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, du droit de brevet d'invention et du droit d'auteur, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite et faire l'inscription auprès des autorités administratives concernées. Le contrat de gage entre en vigueur à partir du jour où s'effectue l'inscription de gage.

Article 80. Si le gage porte sur un ou des droits prévus à l'article 79 dans la présente loi, après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ni permettre aux autres de le(s) utiliser, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Lorsque le constituant le(s) transmet ou permet aux autres personnes de le(s) utiliser, le prix doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou être consigné au tiers.

Article 81. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la première section du présent chapitre.

Chapitre V De la rétention

Article 82. Rétention, dans la présente loi, signifie que, lorsque, par application de l'article 84, le créancier, selon les stipulations contractuelles, se trouve en possession d'un meuble du débiteur, si le débiteur n'exécute pas son obligation dans le délai convenu, le créancier a le droit, conformément à la présente loi, de retenir le bien et de se désintéresser de manière prioritaire en prenant en paiement ce bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de celui-ci.

Article 83. L'étendue (de l'engagement) du droit de rétention comprend la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de la conservation de la chose retenue et ceux de la réalisation du droit de rétention.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

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Article 84. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance, le créancier, dont la créance procédée des contrats de dépôt, de transport, (ou) de façonnage, (peut) avoir le droit de rétention.

Si les autres lois permettent expressément aux créanciers dans le cadre d'autres contrats de réclamer le droit de rétention, l'alinéa précédent s'y applique10.

Les parties peuvent dans le contrat convenir d'exclure certains biens de la rétention.

Article 85. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette.

Article 86. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin la chose retenue. Il doit supporter la responsabilité civile pour la perte ou la détérioration de la chose causée par son imprudence en la conservant.

Article 87. Le créancier et le débiteur doivent conclure dans leur contrat que le débiteur doit exécuter son obligation pendant au moins deux mois à partir la rétention de la chose faite par le créancier. S'ils n'en conviennent pas, le créancier doit désigner un délai au moins de deux mois à partir de sa rétention de la chose et avertir au débiteur d'exécuter son obligation pendant ce délai.

A l'échéance de ce délai, le créancier peut se désintéresser en prenant en paiement la chose retenue avec l'accord du débiteur ou en manière de la vendre ou de la mettre aux enchères.

Dans le cas de l'alinéa 2 de cet article, si le prise en paiement ou le prix de vente excède la somme de la créance, le créancier doit verser la différence au débiteur ; si cela est insuffisant, le débiteur doit désintéresser le créancier.

Article 88. Le droit de rétention s'éteint si:

(l) la créance s'éteint ;

(2) (ou si) le débiteur fournit une autre sûreté et le créancier l’accepte.

Chapitre VI Des arrhes

……………………………………………………………………………………

Chapitre VII Dispositions diverses

Article 92. L'expression d'« immeuble » employée dans la présente loi indique les terrains et les choses adhérant au sol d'une manière fixe telles que les bâtiments, les bois et la forêt.

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Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés

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Les meubles indiquent toutes les autres choses qui ne sont pas immeubles.

Article 93. Le contrat de cautionnement, d'hypothèque, de gage ou d'arrhes organisé par la présenté loi peut s'avérer un contrat indépendant sous une forme écrite, par exemple les lettres ou fac-similés entre les parties en matière de sûreté ou une clause de sûreté dans le contrat principal.

Article 94. On doit se référer au prix du marché, lorsque l'on vend les choses hypothéquées, gagées ou retenues ou lors que l'on les prend en paiement.

Article 95. Lorsque la Loi sur le commerce maritime ou les autres lois fixent les règles spéciales relatives aux sûretés, celles-ci s'appliquent.

Article 96. La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 1995.

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels (promulguée le 16 mars 2007, appliquée le 1er octobre 2007) (extrait)

Sommaire

Livre I. Partie générale

Chapitre 1. Principaux généraux

Chapitre 2. Constitution, modification, transfert et extinction des droits réels

Section 1. Inscription immobilière

Section 2. Remise du meuble

Section 3. D'autres dispositions

Chapitre 3. Protection des droits réels

Livre II. Propriété

Chapitre 4. Dispositions générales

Chapitre 5. Propriétés d'Etat, propriétés de collectivité et propriétés d'individu Chapitre 6. Propriété d'immeuble divisé

Chapitre 7. Voisinage

Chapitre 8. Copropriété

Chapitre 9. Dispositions spéciales relatives à l'acquisition de la propriété

Livre III. Droits réels d'usage

Chapitre 10. Dispositions générales

Chapitre 11. Droit forfaitaire d'exploitation du terrain

Chapitre 12. Droit d'usage du terrain pour la construction

Chapitre 13. Droit d'usage de base des appartements

Chapitre 14. Servitude foncière

Livre IV. Droits réels des sûretés

Chapitre 15. Dispositions générales

Chapitre 16. Droit d'hypothèque

Section 1. Droit d'hypothèque ordinaire

Section 2. Droit d'hypothèque de montant maximal

Chapitre 17. Droit de gage

Section 1. Droit de gage de meubles

Section 2. Droit de gage de droits

Chapitre 18. Droit de rétention

Livre V. Possession

Chapitre 19. Possession

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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……………………………………………………………………………………

Livre IV. Droits réels des sûretés

Chapitre 15 Dispositions générales

Article 170. Le titulaire de droit réel de sûreté a le droit de préférence sur le bien grevé de sûreté, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou lorsqu'il y a des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, sauf si la loi en dispose autrement.

Article 171. Dans le cadre des activités civiles telles que le prêt-emprunt, la vente-achat, si le créancier en a besoin, on peut, conformément aux dispositions de la présente loi et d'autres lois, constituer des sûretés réelles pour garantir la réalisation de la créance.

Lorsqu'un tiers fournit une sûreté au créancier pour le débiteur, il peut demander au débiteur une contre-sûreté. Les dispositions de la présente loi et d'autres lois s'appliquent à la contre-sûreté.

Article 172. Pour constituer un droit réel de sûreté, on doit, conformément aux dispositions de la présente loi et d'autres lois, conclure le contrat de sûreté. Le contrat de sûreté est l'accessoire du contrat principal. Si le contrat principal est nul, le contrat de sûreté aussi, sauf si la loi en dispose autrement.

Lors de la nullité d'un contrat de sûreté, au cas où le débiteur, le garant et le créancier sont fautifs, ils assument respectivement leurs responsabilités civiles selon leurs fautes.

Article 173. Rentrent dans l'étendue garantie par le droit réel de sûreté : la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de conservation de l'assiette et ceux de réalisation du droit de sûreté réelle. Si les parties en ont convenu autrement, leur convention prévaudra.

Article 174. Si le bien grevé de garantie est détérioré, endommagé, perdu ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté réelle pourra se faire payer par préférence sur les indemnités d'assurance, les indemnités, ou les remboursements etc. Si la créance n'échoit pas, on peut également consigner les indemnités d'assurance, indemnités ou remboursements, etc.

Article 175. Lorsqu'une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le consentement écrit de la part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de transférer, totalement ou partiellement, ses obligations, le garant ne supportera plus la responsabilité correspondante.

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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Article 176. Si la créance est garantie à la fois par une sûreté réelle et une sûreté personnelle, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou lorsqu'il y a des cas de réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier est obligé, conformément à la convention, s'il en y a, de réaliser son droit de créance ; en l'absence de convention ou de stipulation claire ( à l'égard de la réalisation), dans le cas où la sûreté porte sur un ou plusieurs biens propres du débiteur, le créancier doit se faire payer sa créance préalablement sur cette sûreté ; en cas où la sûreté réelle est offerte par un tiers, le créancier peut satisfaire sa créance sur la sûreté réelle, et il peut aussi obliger la caution à supporter la responsabilité de cautionnement. Le tiers fournissant une sûreté, après avoir supporté la responsabilité de sûreté, a le recours contre le débiteur.

Article 177. Le droit réel de sûreté s'éteint, dans l'une quelconque des circonstances suivantes :

(1) La créance principale s'éteint ;

(2) La créance principale est réalisée ;

(3) Le créancier renonce au droit réel de sûreté ;

(4) Les autres cas prévus par la loi.

Article 178. Lorsque les dispositions de la Loi sur les sûretés contredisent celles de la présente loi, celles de la présente loi s'appliquent.

Chapitre 16 Droit d'hypothèque

Section 1 Droit d'hypothèque ordinaire

Article 179. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur ou un tiers hypothèque son bien, sans transmettre la possession, envers le créancier, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si apparaissent des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur le bien grevé.

Ce débiteur ou tiers prévu dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de l'hypothèque, le créancier s'appelle titulaire du droit d'hypothèque, le bien grevé d'hypothèque s'appelle le bien hypothéqué.

Article 180. Les biens suivants peuvent être grevés d'hypothèque, à condition que le débiteur ou le tiers aient le droit d'en disposer :

(1) la construction et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe;

(2) le droit d'usage du terrain pour la construction ;

(3) le droit forfaitaire d'exploitation du terrain en friche qui est attribué au

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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moyen d'appel d'offre, d'adjudication, ou de négociation publique ;

(4) la machine de production, les matières premières, produits semi-finis et produits finis ;

(5) la construction, le navire ou l'aéronef qui est en train de se faire (d'être construit) ;

(6) les véhicules;

(7) Selon les lois et les règlements administratifs, les autres biens qui ne sont pas soumis à une interdiction d'hypothèque peuvent être hypothéqués

Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens énumérés à l'alinéa précédent.

Article 181. Dans le cas d'une convention écrite, une entreprise, une famille individuelle industrielle et commerciale (个体工商户/ge ti gong shang hu) ou un exploitant agricole peut hypothéquer ses machines de production, matières premières, produits semi-finis et produits finis, présents ou futurs, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur les meubles au moment de la réalisation de son droit d'hypothèque.

Article 182. Dans le cas d'une hypothèque sur construction, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain pour la construction qui est occupé par elle. Dans le cas d'une hypothèque sur le droit d'usage du terrain pour la construction, on doit hypothéquer simultanément la construction sur ce terrain.

Si le constituant de l'hypothèque n'a pas constitué l'hypothèque suivant l'alinéa précédent, le bien non grevé est réputé être simultanément hypothéqué.

Article 183. Le droit d'usage du terrain pour la construction de l'entreprise de la campagne ne peut être grevé isolement d'hypothèque. En cas d'hypothèque d'une des constructions de l'entreprise dans la campagne, par exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain pour la construction occupé par cette construction.

Article 184. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués:

(1) les propriétés des terrains ;

(2) les droits d'usage du terrain collectif rural, tels que la terre labourée, la terre servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la montagne individuelle.

(3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant au bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique ou des organisations sociales fondées en vue du bien-être public, notamment les

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches.

(4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair ou est litigieux ;

(5) les biens scellés, saisis ou placés sous garde ;

(6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois ou les règlements administratifs.

Article 185. Pour constituer le droit de l'hypothèque, les parties doivent conclure le contrat hypothécaire sous la forme écrite.

Le contrat hypothécaire généralement comprend les clauses suivantes :

(l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par l'hypothèque;

(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;

(3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété ou de droit d'usage du bien hypothéqué ;

(4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ;

Article 186. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier ne peut faire de conventions avec le constituant de l'hypothèque selon lesquelles, à défaut de paiement à l'échéance, le bien grevé d'hypothèque appartient au créancier.

Article 187. L'inscription hypothécaire est exigée lorsque l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (1) - (3) de l'article 180 de la présente loi ou sur la construction en cours prévue par l'alinéa 1 (5) de même article. Le droit d'hypothèque se constitue dès l'inscription hypothécaire.

Article 188. Si l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (4) - (6) de l'article 180 de la présente loi ou sur le navire ou l'aéronef qui est en train de se faire prévu par l'alinéa 1 (5) du même article, le droit d'hypothèque se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en l'absence d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers.

Article 189. Lorsque l'entreprise, la famille individuelle industrielle et commerciale (个体工商户/ ge ti gong shcmg hit) ou l'exploitant agricole hypothèque les meubles prévus à l'article 181 de la présente loi, on doit inscrire l'hypothèque à l'établissement administratif des industries et commerces du lieu du domicile du constituant de l'hypothèque. Le droit d'hypothèque se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en l'absence d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers.

L'hypothèque prévue par l'article 181 de la présente loi est inopposable au tiers acheteur qui, au cours de l'exploitation normale de l'entreprise ou du

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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commerçant, a payé, à un prix raisonnable, un des biens grevés et qui (ce tiers acheteur) l'a (déjà) acquit.

Article 190. Si le bien hypothéqué a été déjà mis en location avant la conclusion du contrat hypothécaire, cette relation de location n'est pas influencée par le droit d'hypothèque. Si le bien hypothéqué est mis en location après la constitution de l'hypothèque, la relation de location est inopposable au droit d'hypothèque déjà inscrit.

Article 191. Pendant l'hypothèque, le constituant de l'hypothèque peut aliéner son bien qu'avec le consentement du créancier, le prix de la cession doit être payé par avance la créance hypothécaire ou être consigné au tiers. La part dépassant la créance appartient au constituant ; si le prix est insuffisant, le créancier doit être désintéressé par le débiteur.

Le constituant de l'hypothèque ne peut aliéner son bien qu'à condition du consentement du créancier, sauf si le tiers détenteur paye la dette à sa place (le débiteur) en vue d'éteindre le droit d'hypothèque.

Article 192. Le droit d'hypothèque ne peut isolément être cédé ni garantir les autres créances. Si la créance (hypothécaire) est cédée, le droit d'hypothèque doit être cédé avec elle, sauf si la loi ou la convention en dispose autrement.

Article 193. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible de diminuer la valeur du bien hypothéqué, le créancier hypothécaire a le droit de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a diminué, le créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de lui fournir une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur. Si cette demande est refusée par le constituant, le créancier peut demander au débiteur d'exercer ses obligations avant l'échéance de la dette garantie.

Article 194. Le créancier hypothécaire peut renoncer à son droit d'hypothèque ou à son antériorité en rang. Le créancier hypothécaire et le constituant d'hypothèque peuvent modifier par convention le rang hypothécaire et la somme garantie par l'hypothèque, mais, à défaut d'accord écrit des autres créanciers, la modification ne peut résulter d'influence défavorable aux autres créanciers.

Lorsqu'un droit d'hypothèque porte sur le bien propre du débiteur, si le créancier renonce à ce droit d'hypothèque ou à son antériorité en rang ou s'il modifie ce droit d'hypothèque, les autres garants auront le droit de dispenser leurs engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la part de créancier, sauf si le garant promet de tenir encore son engagement de garantie (après la renonciation).

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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Article 195. Si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou s'il y a des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier hypothécaire peut, avec l'accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement le bien hypothéqué ou se désintéresser du prix de vente ou d'adjudication du bien hypothéqué. Si la convention (relative à la réalisation du droit d'hypothèque) cause des préjudices aux autres créanciers, ceux-ci pourront demander en justice de la révoquer pendant un an à compter du moment où il a appris ou aurait du apprendre la survenance de la cause de révocation.

Si le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire n'ont pas fait une convention du moyen de la réalisation de l'hypothèque, le créancier peut demander à la Cour populaire de vendre à l'amiable ou par adjudication le bien hypothéqué.

On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien hypothéqué ou si on le prend en paiement.

Article 196. Lorsque l'hypothèque se constitue conformément à l'article 181 de la présente loi, les biens hypothécaires sont fixés dès l'apparition d'un des cas suivants :

(1) la créance n'est pas réalisée à l'échéance de l'exécution de l'obligation ;

(2) le constituant est déclaré en faillite ou supprimé ;

(3) un des cas prévus par les parties apparaissent ;

(4) d'autres cas aggravant fortement la réalisation de la créance se réalisent.

Article 197. Lorsque le bien hypothéqué est saisi par la Cour populaire suite au fait que le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, à partir du jour où la saisie est pratiquée, le créancier hypothécaire a le droit de percevoir les fruits naturels et civils du bien hypothéqué, sauf si le créancier n'a pas averti (de la saisie) les débiteurs des fruits civils.

Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur les frais de leur perception.

Article 198. Après la vente à l'amiable ou l'adjudication du bien hypothéqué ou la prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie, la différence appartient au constituant. S'il est inférieur, le débiteur se charge de la paît insuffisante.

Article 199. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la disposition suivante :

(1) Lorsque les droits d'hypothèque sont déjà inscrits, l'ordre de paiement

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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suit le rang d'inscription; si le rang est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances ;

(2) Les droits d'hypothèque inscrits priment les droits d'inscription non inscrits ;

(3) Si les droits d'hypothèque ne sont pas inscrits, le paiement s'effectue proportionnément aux créances.

Article 200. Après la constitution de l'hypothèque portant sur le droit d'usage du terrain pour la constitution, la nouvelle construction établie sur le sol n'est pas le bien hypothéqué. Lors de la réalisation du droit d'hypothèque, le droit d'usage du terrain pour la constitution hypothéquée et la nouvelle construction doivent être disposées ensemble. Cependant, le créancier n'a pas de droit de préférence sur le prix de la nouvelle construction.

Article 201. Lorsque l'hypothèque se constitue, aux termes de l'article 180, alinéa 1 (3) de cette loi, sur le droit forfaitaire d'exploitation du terrain, ou lorsqu'elle porte, selon l'article 183 de la présente loi, sur le droit d'usage pour la constitution du terrain occupé par des constructions de l'entreprise en campagne, après la réalisation du droit d'hypothèque, en l'absence de procédure légale, on ne pourra changer ni la nature de propriété des terrains, ni la destination des terrains.

Article 202. Le créancier hypothécaire doit exercer son droit d'hypothèque avant l'expiration du délai de prescription ; s'il ne le tait pas, le tribunal ne le protège plus.

Section 2 Droit d'hypothèque de montant maximal

Article 203. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur ou un tiers affecte un ou plusieurs biens à la garantie des créances qui se produiront pendant une période déterminée, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, le créancier aura le droit de, dans la limite du montant maximal, se désintéresser par préférence sur le bien grevé.

Il se peut que les créances qui se sont produites avant la constitution de l'hypothèque de montant maximal rentrent dans le cadre des créances garanties par elle, à condition que les parties y consentent.

Article 204. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal, si des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal sont partiellement cédées, l'hypothèque de montant maximal ne peut être cédée, sauf si les parties en disposent autrement.

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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Article 205. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal, les parties au contrat d'hypothèque de montant maximal peuvent conventionnellement modifier le délai de liquidation des créances, l'étendue des créances garanties et le montant maximal, à condition que la modification ne puisse défavoriser les autres créanciers hypothécaires.

Article 206. Les créances du titulaire du droit d'hypothèque se fixent dans l'une des circonstances suivantes :

(1) Le délai convenu de fixation des créances s'échoit ;

(2) En l'absence de convention ou de stipulation claire à l'égard du délai de fixation des créances, le créancier hypothécaire ou le constituant a le droit de demander de fixer les créances après deux ans à compter de la date de constitution de l'hypothèque de montant maximal ;

(3) La naissance d'une nouvelle créance se voit impossible ;

(4) Le bien hypothéqué est scellé ou saisie ;

(5) Le constituant de l'hypothèque est déclaré en faillite ou supprimé ;

(6) Les autres cas prévus par les lois.

Article 207. L'hypothèque de montant limité, en dehors de l'application des dispositions de cette section, se réfère aux dispositions relatives à l'hypothèque ordinaire dans la première section du présent chapitre.

Chapitre 17 Droit de gage

Section 1 Droit de gage de meubles

Article 208. Lorsque, pour garantir l'exécution d'obligation, le débiteur ou un tiers offre en gage son bien mobilier (et transfert) sa possession au créancier, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou qu'il y a des cas de la réalisation du droit de gage prévus par les parties, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur ce meuble.

Le débiteur ou tiers prévu à l'alinéa précédent est le constituant du gage, le créancier est le titulaire du droit de gage (créancier gagiste). Le bien remis est le bien gagé.

Article 209. Les meubles interdits d'être aliénés par les lois ou les règlements administratifs ne sont pas susceptibles d'être gagés.

Article 210. Pour constituer le droit de gage, les parties doivent conclure le

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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contrat de gage sous la forme écrite.

Le contrat de gage généralement comprend les clauses suivantes :

(1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ;

(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;

(3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ;

(4) l'étendue de la garantie ;

(5) le moment de la remise du bien gagé.

Article 211. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier gagiste ne peut conclure avec le constituant du gage une convention par laquelle, à défaut de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au créancier.

Article 212. Le droit de gage entre en vigueur dès la remise du bien gagé par le constituant.

Article 213. Le créancier gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien gagé, sauf convention contraire.

Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de leur perception.

Article 214. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a pas le droit d'user et de disposer du bien gagé, sous peine de responsabilité de réparation des dommages causés par son use ou de sa disposition.

Article 215. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement le bien remis en gage. En cas de détérioration ou de perte imputable à son imprudence, il est responsable de la réparation des dommages subis par le constituant du gage.

Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la perte ou la détérioration du bien gagé, le constituant peut se prévaloir de consigner le bien gagé ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant l'échéance du terme et la restitution du bien gagé.

Article 216. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa valeur diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est entrainée par une cause non imputable au créancier, si elle est suffisante pour compromettre le droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au constituant du gage de lui fournir une sûreté correspondante. Si le constituant du gage ne lui en fournit pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre le bien gagé à l'amiable ou par adjudication, et puis, par voie de convention avec le constituant, de se désintéresser par préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner.

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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Article 217. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a pas le droit de donner en gage le bien gagé, sous peine de responsabilité de réparation des dommages subis par le constituant du gage.

Article 218. Le créancier gagiste peut renoncer à son droit de gage.

Lorsqu'un droit de gage porte sur le bien propre du débiteur, si le créancier renonce à ce droit de gage, les autres garants auront le droit de dispenser leurs engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la part du créancier, sauf si le garant promet à nouveau de tenir son engagement de garantie (après la renonciation).

Article 219. Si le débiteur a exécuté son obligation ou le constituant a payé en avance la créance garantie, le créancier gagiste a l'obligation de restituer le bien gagé.

Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou que des cas de la réalisation du droit de gage prévus par les parties se présentent, le créancier peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement le bien gagé ; il peut aussi se désintéresser du prix de vente ou d'adjudication du bien gagé.

On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien gagé ou lorsqu'on le prend en paiement.

Article 220. Le constituant du gage peut demander au créancier gagiste d'exercer promptement le droit de gage après l'échéance de la dette garantie. Si le créancier ne l'exerce pas, le constituant a le droit de demander en justice de vendre le bien gagé à l'amiable ou par adjudication.

Si le constituant demande au créancier de promptement exercer le droit de gage, le créancier sera tenu de réparer les dommages-intérêts causés par son retard.

Article 221. Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par adjudication, lorsque le prix du bien gagé excède le montant garanti, la différence appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la créance, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier.

Article 222. Le constituant du gage et le créancier gagiste peuvent convenir de constituer le gage de montant maximal.

En référence aux dispositions relatives à l'hypothèque de montant maximal dans la deuxième section du seizième chapitre, les dispositions de cette section s'appliquent au gage de montant maximal.

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Section 2. Droit de gage de droits

Article 223. Le débiteur ou un tiers peux donner en gage un ou plusieurs de ces droits suivants à condition qu'il ait le droit d'en disposer :

(1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre ;

(2) les obligations, le certificat de placement (d'épargne) ;

(3) le récépissé d'entrepôt, le connaissement ;

(4) les parts sociales transférables et les parts du fond transférables ;

(5) les droits patrimoniaux transférables de propriété intellectuelle, tels que le droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, le droit de brevet d'invention et le droit d'auteur ;

(6) les effets à recevoir ;

(7) les autres droits spécifiquement prévus par les lois ou les règlements administratifs.

Article 224. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt ou le connaissement, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Le droit de gage se constitue à partir du moment de la remise au créancier du titre de droit ; à défaut de titre de droit, le droit de gage se constitue dès le moment de l'inscription de gage auprès des autorités compétentes.

Article 225. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement (d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage.

Article 226. Lorsque le gage porte sur les parts du fonds ou les parts sociales, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Si le gage porte sur les parts du fonds ou sur les parts sociales inscrites auprès du bureau d'inscription des titres, le droit de gage se constitue dès l'inscription de gage faite auprès du bureau d'inscription des titres ; si le gage porte sur les autres parts, le droit de gage se constitue dès l'inscription de gage auprès du bureau administratif des industries et commerces.

Après la constitution du gage, les parts sociales ou les parts du fonds ne peuvent être cédées, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Si le constituant du gage transfert les parts du fonds ou les parts sociales, il est obligé de payer sur le prix de transfert en avance au créancier la

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Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels

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dette (garantie) ou (le) consigner au tiers.

Article 227. Lorsque le gage porte sur un ou plusieurs droits patrimoniaux transférables de propriété intellectuelle, tels que le droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, le droit de brevet d'invention et le droit d'auteur, les parties doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le droit de gage se constitue à partir du moment où s'effectue l'inscription de gage auprès des autorités administratives concernées.

Après la constitution du gage, le constituant du gage ne peut les transmettre ni permettre à d'autres personnes de le(s) utiliser, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Lorsque le constituant le(s) transmet ou permet à d'autres personnes de le(s) utiliser, le prix doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou être consigné au tiers.

Article 228. Lorsque le gage porte sur les effets à recevoir, les parties doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le droit de gage se constitue dès le moment où l'inscription de gage se fait auprès de l'organe de notation du crédit.

Après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ses effets à recevoir, sauf convention contraire. Lorsque le constituant transfert les effets à recevoir, il doit payer en avance au créancier la dette (garantie) sur le prix de transfert ou (le) consigner au tiers.

Article 229. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la première section du présent chapitre.

Chapitre 18 Droit de rétention

Article 230. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance, le créancier peut retenir le meuble du débiteur qu'il a légitimement possédé et il a le droit de se désintéresser par préférence sur ce meuble.

Le créancier évoqué dans l'alinéa précédent est le titulaire du droit de rétention (au sens de rétenteur), le meuble possédé est le bien retenu.

Article 231. Le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent se rattacher à un même rapport juridique, sauf en cas de rétention entre les entreprises.

Article 232. Les biens interdits d'être retenus par la loi ou par la convention passée entre les parties ne peuvent être retenus.

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Article 233. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette.

Article 234. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin le bien retenu ; s'il ne satisfait pas à son obligation de conservation et si cela cause la perte ou la détérioration du bien retenu, il doit supporter la responsabilité des dommages-intérêts.

Article 235. Le rétenteur a le droit de percevoir les fruits du bien retenu.

Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent être préalablement imputés aux frais servant à les percevoir.

Article 236. Le rétenteur et le débiteur doivent convenir du délai de l'exécution de l'obligation après que le bien a été retenu ; à défaut de convention ou de convention claire à cet égard, le rétenteur doit prévoir un délai d'au moins deux mois, sauf si les meubles de caractères, notamment périssables ou altérables, défavorisant leur conservation. Si le débiteur n'exécute pas son obligation après ce délai, le rétenteur peut, avec l'accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement le bien retenu ou se désintéresser du prix de vente à l'amiable ou par adjudication du bien retenu.

Il faut se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien hypothéqué ou lorsqu'on le prend en paiement.

Article 237. Le débiteur peut demander au rétenteur d'exercer le droit de rétention après l'échéance de la dette garantie. Si le créancier ne l'exerce pas, le débiteur a le droit de demander en justice de vendre le bien retenu à l'amiable ou par adjudication.

Article 238. Après la prise en paiement ou la vente, lorsque le prix du bien retenu excède le montant de la créance, la différence appartient au débiteur ; s'il est insuffisant, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier.

Article 239. Lorsqu'un droit d’hypothèque ou droit de gage s'est déjà constitué sur un bien, si celui-ci est retenu, le rétenteur se fera payer par préférence.

Article 240. Le droit de rétention s'éteint, lorsque le créancier perd la détention du bien retenu, ou lorsque le débiteur fournit une autre sûreté et le créancier l'accepte.

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INDEX ALPHABETIQUE

(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes)

A

Adjudication volontaire, 578 Apparence, 83, 243, 531, 538

Attribution judiciaire, 362, 366, 522 s., 573 s.

B

Bonne foi, 171, 177, 226, 243 s., 290, 309, 419, 427, 531

D

Droit de préférence - notion de sûreté, 55, 58, 60 s., 85, 88 - gage avec dépossession, 281, 287 s., s., - nantissement de compte d’instruments financiers, 388 - droit de rétention, 219, 224 - gage sans dépossession ou hypothèque mobilière, 299, 305, 322, 327

s. - privilèges mobiliers, 197 - hypothèque, v. hypothèque - droit de préférence

Droit de suite, 63, 143, v. gage et hypothèque Droit de rétention, 110, 129 s., 218 s., 305, 326 s, 332, 366, 387, 470, 594,

- constitution -- créance garantie, 221 s., -- assiette, 223 s. -- connexité, 228 s.

- effets, 230 s.

E

Effets à recevoir, 348, 354, 361, 370

F

Fiducie, 34, 132, 135, 138 s., 145, 307 s., 435 s., 624 s. Frais

- de conservation, 202 s., 232, 288, 589

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- de dernière maladie, 193, - funéraires, 96, 193, - de justice, 188 s., 206, 208 s., 464, - de réalisation, 288, 591,

G

Gage avec dépossession - constitutions -- de fond, 238 s. -- de forme, 252 s. - effets -- obligation de conserver le bien grevé, 268 s.

-- obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien grevé, 272 s.

-- droit de percevoir les fruits, 274 -- droit de demander le complément du gage, 275 -- droit de rétention, 278 s. -- droit de mettre en œuvre le gage, --- attribution du bien gagé, 282 s. --- vente du bien grevé, 285 s. -- droit de préférence, 287 s. -- droit de suite, 292 s.

Gage sans dépossession - qualification, 296 s. - de droit commun, 303 s. - de droits spéciaux

-- portant sur les moyens de transport, 325 s. -- du matériel et de l’outillage, 329 s. -- sur stocks, 336 s.

H

Hypothèque flottante, 44, 99, 316 s. Hypothèque judiciaire, 147, 474 s. Hypothèque légale, 147, 464 s., 559, 593 Hypothèque

- constitution, 483 s. - inscription hypothécaire, 547 s.

-- mentions obligatoires, 548 s. -- délai d’inscription, 551 s. -- péremption, 554 s. -- radiation, 556 s. -- réduction, 558 s.

- réalisation,

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-- modes de réalisation, 573 s. -- effet 566 s.

--- droit de préférence, 582 s. --- droit de suite, 598 s.

- transmission, 607 s. - extinction, 611 s.

Hypothèque rechargeable, 508 s. Hypothèque de montant maximal, 496 s. Hypothèque renversée, 516 s.

I

Immeuble, 25, 113 s., 159 s., 196 s., 460 s. Indivisaire, 532 s.

Inscription - inscription hypothécaire, 159 s., 311, 547 s. - inscription-opposabilité, 165, 310 s. - inscription-validité, 165, 310 s., 336, 552, - organes, 157, 166, 311, 313 s., 328, 354, 379, 550 s., 560 s.

M

Meuble, 25 s., 40 s., 183 s.

N

Nantissement, 97, 103, 108, 119 s., 130, 345 s. - de créance, 350 s. - de compte d’instruments financiers, 373 s. - de droits sociaux, 390 s.

Numerus clausus, 26 s., 65 s., 137, 140, 354, 415, 555, 635

P

Pacte commissoire, 7, 43, 135, 137, 140, 282 s., 348, 362, 365 s., 371, 415, 420, 441, 444, 447, 454 s., 522, 573, 576 s.

Privilèges - mobiliers, 96, 104, 119 s., 188 s. - immobiliers, 96, 105, 119 s., 460 s. - nommés

-- sur l’aéronef, 212 s. -- sur le navire, 212 s.

- innomés, 98, 214 s. Publicité, 149 s.

- des sûretés immobilières judiciaires, 475 s. - des sûretés réelles, 149 s.

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- gage avec dépossession, 154 s., 261 s. - nantissement, 154 s., 358, 361 s. - fiducie, 154 s., 442 s. - gage sans dépossession, 154 s., 304, 306, 326 s., 331, 336, 342 - réserve de propriété, 405 s., - privilèges, 154 s., 188 s., 196 s., 212 s., 460 s. - hypothécaire, v. hypothèque – inscription hypothécaire - provisoire, 475 s. - définitive, 477 s.

Propriété, 5, 25, 29 s., 36 s., 106, 111, 120 s., 132 s., 244 s., 273, 290 s., 309, 371, 400 s., 436 s., 530, 533, 550, 625, 627 s.

- réserve de propriété, v. Réserve de propriété

R

Réserve de propriété - nature juridique, 409 s. - mécanisme

-- constitution, 402 s. -- effets, 417 s.

Responsabilité, 12, 76, 244, 261 s., 270, 272 s, 430, 537 s., 560 s., 576

S

Subrogation réelle, 27, 78 s., 225, 287, 339, 374 s., 431 s., 585 s.

V

Vente amiable, 87, 371, 575, 578 s. Voie judiciaire, 256, 573 s., 577 s.