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UNE HISTOIRE DE MONTRÉAL PAUL-ANDRÉ LINTEAU BORÉAL

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UNE HISTOIRE DE

MONTRÉALPAUL-AND RÉ L INT EAU

BORÉAL

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Les Éditions du Boréal4447, rue Saint-Denis

Montréal (Québec) h2l 2l2

www.editionsboreal.qc.ca

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du même auteur

Le Retard du Québec et l’Infériorité économique des Canadiens français (avec R. Duro-cher), Boréal, 1971.

Histoire du Québec contemporain, tome I: De la Confédération à la crise (1867-1929) (avec R. Durocher et J.-C. Robert), Boréal, 1979, 1989.

Maisonneuve ou comment des promoteurs fabriquent une ville (1883-1918), Boréal, 1981.

Nouvelle histoire du Québec et du Canada (avec L. Charpentier, C. Laville et R. Duro-cher), CEC, 1985.

Histoire du Québec contemporain, tome II: Le Québec depuis 1930 (avec R. Durocher, J.-C. Robert et F. Ricard), Boréal, 1986, 1989.

Histoire de Montréal depuis la Confédération, Boréal, 1992, 2000.

Clés pour l’histoire de Montréal. Bibliographie (avec J. Burgess, L. Dechêne et J.-C. Robert), Boréal, 1992.

Brève histoire de Montréal, Boréal, 1992, 2007.

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Barcelona-Montréal. Desarollo urbano comparado / Développement urbain comparé (avec Horacio Capel), Publicacions de la Universitat de Barcelona, 1998.

Vers la construction d’une citoyenneté canadienne (avec J.-M. Lacroix), Presses Sorbonne nouvelle, 2006.

Vivre en ville. Bruxelles et Montréal (xixe-xxe siècles) (avec S. Jaumain), P.I.E. Peter Lang, 2006.

France-Canada-Québec. 400 ans de relations d’exception (avec S. Joyal), Presses de l’Uni-versité de Montréal, 2008.

Investir, construire et habiter le monde. Les 25 ans de SITQ, histoire et perspectives (avec S. Marchand), Boréal, 2009.

La Rue Sainte-Catherine. Au cœur de la vie montréalaise, Éditions de l’Homme, 2010.

Place Ville Marie. L’immeuble phare de Montréal (avec F. Vanlaethem, S. Marchand et J.-A. Chartrand), Québec Amérique, 2012.

Quartiers disparus. Red Light, Faubourg à M’lasse, Goose Village (avec C. Charlebois), Cardinal, 2014.

Traces de l’histoire de Montréal (avec S. Joyal et M. Robert), Boréal, 2017.

Transposer la France. L’immigration française au Canada (1870-1914) (avec Y. Frenette et F. Le Jeune), Boréal, 2017.

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Paul-André Linteau

Une histoire de Montréal

Boréal

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© Les Éditions du Boréal 2017

Dépôt légal: 2e trimestre 2017

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Diffusion au Canada: DimediaDiffusion et distribution en Europe: Interforum

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de Bibliothèque et Archives Canada

Linteau, Paul-André, 1946-

Une histoire de Montréal

Comprend des références bibliographiques.

isbn 978-2-7646-2472-2

1. Montréal (Québec) – Histoire. I. Titre.

fc2947.4.l554 2017 971.4'28 c2017-940338-9

isbn papier 978-2-7646-2472-2

isbn pdf 978-2-7646-3472-1

isbn epub 978-2-7646-4472-0

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présentation 7

Présentation

Montréal est la ville de ma naissance. J’y ai toujours vécu et elle n’a jamais cessé de me fasciner. Depuis plusieurs décennies, je m’attache à explorer divers aspects de son

histoire et à faire connaître les résultats de ces recherches. Pendant longtemps, j’ai enseigné l’histoire de Montréal à l’université, ce qui m’a aidé à organiser mes idées à son sujet. La présente synthèse livre en quelque sorte le fruit d’un demi-siècle de fréquentation de cet objet passionnant.

En 1992, j’ai publié Histoire de Montréal depuis la Confédéra-tion, qui proposait une analyse détaillée portant sur 125 ans. Une deuxième édition, parue en 2000, ajoutait un chapitre sur les années 1990. Ce livre est épuisé depuis quelque temps. Toujours en 1992, j’ai publié une Brève histoire de Montréal, qui offrait un survol des 350 ans de la ville. Une seconde édition augmentée remonte à 2007. Dans l’un et l’autre cas, une nouvelle publication exigeait un important travail de mise à jour. En accord avec mon éditeur, j’ai choisi de rédiger une nouvelle synthèse qui ferait le pont entre les deux ouvrages précédents, qui serait moins détaillée que le premier et plus étoffée que le second.

Ici et là, lorsque c’était encore pertinent, des passages de l’un et de l’autre ont été conservés, mais pour l’essentiel, il s’agit d’un nou-veau texte. Par rapport à Brève histoire de Montréal, il offre une version plus développée des chapitres portant sur la Nouvelle-

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France et sur le régime britannique. Partout, il explique mieux les phénomènes et les événements. Il vise aussi à intégrer les résultats des nouvelles recherches produites au cours des dernières années. Le texte est enrichi d’un nombre restreint d’illustrations qui viennent renforcer le propos du livre. Le lecteur souhaitant élargir la couverture iconographique pourra consulter en parallèle l’ou-vrage Traces de l’histoire de Montréal.

L’histoire de Montréal est riche et complexe. Il n’est pas pos-sible, dans un ouvrage comme celui-ci, de rendre compte en pro-fondeur de tous ses aspects. Pour rédiger une synthèse, il faut savoir choisir les éléments les plus marquants afin de tisser un récit qui, tout en intégrant de nombreuses dimensions, donne un sens à l’évolution de la ville. Ce livre s’attache aux grands phénomènes, aux tendances générales qui ont façonné la ville à chaque moment de son histoire. Il tient compte des dimensions démographiques, économiques, spatiales, sociales, culturelles et politiques pour dresser le portrait le plus complet possible. Il mentionne au pas-sage certains personnages, mais il ne peut pas faire l’analyse systé-matique de leur apport singulier; il faudrait pour cela une encyclo-pédie. Il ne peut pas non plus traiter de tous les sujets de façon égale et à toutes les périodes. Plusieurs phénomènes reçoivent une atten-tion particulière à l’époque où ils font irruption de façon excep-tionnelle dans l’évolution de la ville.

Ce livre reflète évidemment ma propre vision de l’histoire de Montréal, mais celle-ci s’appuie sur l’apport de plusieurs centaines de spécialistes qui ont mené de remarquables recherches, parfois très pointues, sur un grand nombre de sujets. J’en nomme quelques-uns dans le texte et dans les notes bibliographiques. Il n’était malheureusement pas possible de tous les mentionner; j’in-vite ainsi les lecteurs qui souhaiteraient en savoir davantage à consulter la substantielle Bibliographie sur l’histoire de Montréal, disponible en ligne.

Pour faciliter la lecture, j’ai choisi de découper des chapitres

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présentation 9

portant sur des périodes assez courtes. Ceci permet de faire ressor-tir des phénomènes marquants pour chacune d’elles. Je suis certes bien conscient que les tendances qui se déploient à long terme tra-versent plusieurs périodes. J’ai aussi choisi d’arrondir les nombres et les pourcentages, car il me semble plus utile d’indiquer un ordre de grandeur que de fournir les chiffres très détaillés qui se trouvent dans les ouvrages spécialisés et dans les recensements. Par ailleurs, j’ai utilisé le gentilé «Montréalais» même s’il ne remplace celui de «Montréaliste» qu’au xixe siècle.

Je remercie Pauline Dion, Jean-Claude Robert, Léon Robi-chaud et Alan Stewart pour leurs précieux commentaires. Dans le choix des illustrations, j’ai bénéficié de l’aide inestimable de Fran-cis Back, un artiste au talent remarquable, et de Mario Robert, chef de la Section des archives de la Ville de Montréal. Je remercie éga-lement Louise Pothier et Éric Major, de Pointe-à-Callière, et Kéliane Crespin, de Pointe-du-Buisson. Le Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, dirigé par Joanne Burgess, a droit à toute ma reconnaissance pour son appui. Ma gratitude s’étend aussi à toute l’équipe des Éditions du Boréal.

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chapitre 1

Une île et ses premiers occupants

Montréal a été fondée en 1642, mais son territoire était connu et fréquenté depuis beaucoup plus longtemps. Avant de retracer cette histoire, il importe de s’arrêter à ses

caractéristiques géographiques, car elles ont conditionné son déve-loppement. Nous verrons aussi dans quel contexte de premiers humains se sont intéressés à ce lieu et comment certains ont choisi de l’habiter.

Un site remarquable

Il y a 13 000 ans, avec toute la plaine environnante, cette région est recouverte par la mer de Champlain, d’où émerge le sommet du mont Royal. Environ 5 500 ans plus tard, le retrait des eaux fait apparaître une vaste île en forme de boomerang, bordée au sud par le fleuve Saint-Laurent et au nord par la rivière des Prairies. Longue de 50 kilomètres et d’une superficie de 483 km2, cette île est au cœur de l’archipel d’Hochelaga, qui comprend aussi les futures îles Jésus, Perrot et Bizard ainsi que des dizaines d’autres îles plus petites. Son paysage est dominé par la colline du mont Royal et par les terrasses qui la prolongent.

Un élément incontournable de la géographie de cet endroit est la présence du Saint-Laurent, qui forme, avec les Grands Lacs, un

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puissant réseau hydrographique pénétrant jusqu’au cœur du continent nord-américain. Un peu partout dans le monde, les grands fleuves ont été des berceaux de civilisation et ont favorisé l’émergence de villes importantes, d’autant plus que la navigation a longtemps représenté le principal moyen de transport sur de longues distances. Le Saint-Laurent ne fait pas exception. Il joue un rôle central dans le développement du Canada et du Midwest amé-ricain et sur ses rives apparaissent plusieurs cités d’envergure, dont Montréal. Cette ville y occupe d’ailleurs un emplacement straté-gique, là où se jette la puissante rivière des Outaouais, empruntée par les peuples amérindiens, puis par les commerçants de fourrure, et qui constitue pendant très longtemps un trajet plus direct pour atteindre la région des Grands Lacs. Comme nous le verrons, elle confère à Montréal un atout important à l’époque du commerce des fourrures.

Le fleuve Saint-Laurent lui-même représente une remarquable voie de transport mais, à partir de Montréal, son cours est parsemé de nombreux rapides (il y en a aussi dans la rivière des Prairies) qui forment autant d’obstacles à la navigation. Cela commence avec les rapides de Lachine, que les barques ou les navires en provenance de Québec ne peuvent pas franchir. Pour aller plus loin, il faut d’abord tout débarquer puis effectuer un long portage terrestre jusqu’à Lachine. Cet emplacement géographique fait donc de Montréal un lieu de rupture de la navigation et de déchargement obligatoire des marchandises. C’est là l’origine de la vocation por-tuaire de Montréal et du rôle que cette ville sera appelée à jouer en tant qu’interface entre la navigation océanique et le transport inté-rieur.

Au-delà du fleuve, l’île se trouve au cœur de la vaste plaine de Montréal, elle-même parsemée, au nord comme au sud, de plu-sieurs cours d’eau, dont les rivières Richelieu, L’Assomption et Châteauguay. Très fertile, cette plaine deviendra, à partir du xviiie siècle, une immense zone agricole – l’hinterland naturel de

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Montréal – dont la ville sera la principale place de marché. Le caractère insulaire de Montréal représente d’ailleurs un défi. Pour que cette ville puisse échanger avec sa plaine environnante et même au-delà, il faut évidemment franchir le Saint-Laurent ou la rivière des Prairies. Très tôt apparaissent des services de bac, remplacés par des ponts de glace en hiver. La construction de ponts perma-nents ne commencera qu’au xixe siècle et représentera par la suite un enjeu de communication essentiel.

Il ne suffit donc pas de disposer d’avantages naturels: il faut aussi les mettre en valeur. D’où l’importance historique de l’inter-vention humaine sur l’environnement. L’étude de celle-ci est fon-damentale pour comprendre la construction et le développement d’un espace urbain comme celui de Montréal.

À ce propos, il importe de souligner ici que les Montréalais ont élaboré depuis longtemps une bien curieuse façon de désigner les points cardinaux. Ce qu’ils perçoivent comme le nord de la ville est en réalité en direction ouest-nord-ouest. L’extrémité orientale de l’île pointe en fait vers le nord-nord-est. Longueuil, sur la rive sud du fleuve, se trouve à l’est du Vieux-Montréal. Cela peut s’expli-quer en partie par le choix, partout au Québec, de désigner par les vocables «nord» et «sud» les deux rives du fleuve. Ainsi, l’usage montréalais contredit la réalité géographique et scientifique. Pour être compris, l’historien n’a d’autre choix que de suivre l’usage, même s’il est faux. C’est donc ce qui est fait tout au long de ce livre, comme d’ailleurs dans la plupart des ouvrages qui traitent de Montréal.

Au temps de la préhistoire

La présence humaine dans la région de Montréal commence à se manifester il y a environ 6 000 ans. Profitant du retrait des eaux de la mer de Champlain, des populations, venues par le sud ou par

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l’ouest, s’y implantent. De petits groupes de chasseurs et de cueil-leurs s’y déplacent au gré des saisons, à la recherche de moyens de subsistance. Au confluent du Saint-Laurent et de l’Outaouais, la région se trouve au cœur de réseaux d’échanges très étendus, cou-vrant le nord-est de l’Amérique du Nord, un phénomène que ren-force l’adoption du canot d’écorce comme moyen de transport.

Les populations préhistoriques disposent d’amplement d’es-pace sur les deux rives du Saint-Laurent. L’île de Montréal elle-même semble les attirer surtout pour une raison: la possibilité d’y pratiquer la pêche dans les eaux du fleuve ou de la rivière des Prai-ries. Les vestiges archéologiques de cette époque, les plus anciens datant de 4 000 ans, indiquent la présence de campements saison-niers sur les rives des îles de l’archipel d’Hochelaga. De petits noyaux familiaux s’y installent pour quelques mois pendant la sai-son de la pêche. Pour d’autres, l’île est un lieu de passage, un arrêt provisoire dans des déplacements couvrant de plus longues dis-tances.

Au cours du premier millénaire de notre ère, les populations de la région ont tendance à augmenter. Elles recourent de façon crois-sante au poisson pour s’alimenter, de sorte que les saisons de pêche s’allongent et que les campements s’agrandissent pour devenir peu à peu des hameaux. Les vestiges archéologiques de la Pointe- du-Buisson, au sud-ouest de Montréal, révèlent bien ces transfor-mations. Au fil des siècles, imitant en cela d’autres peuples établis plus au sud du continent, les populations locales commencent à se convertir à l’agriculture, ce qui leur permet de nourrir un plus grand nombre de personnes. Elles cultivent en particulier le maïs ainsi que des haricots et des courges. Le passage à la production agricole conduit à la sédentarisation de groupes qui, jusque-là, avaient eu un mode de vie nomade.

Graduellement se constituent de véritables villages agricoles pouvant compter plusieurs centaines d’habitants. Pour les loger, on invente la maison longue, où se regroupent quelques familles.

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Ce processus se déroule très graduellement et paraît achevé quelques siècles avant l’arrivée des Européens. Dans la foulée émerge une nouvelle identité ethnoculturelle: les Iroquoiens du Saint-Laurent.

Les Iroquoiens du Saint-Laurent

Ce nom a été attribué à partir des années 1960 par des chercheurs qui voulaient désigner le groupe autochtone occupant la vallée du Saint-Laurent au moment où la France y envoie des expéditions officielles, entre 1534 et 1543. Comme ce groupe est disparu au xvie siècle, la façon dont ses membres se nommaient eux-mêmes ne nous a pas été transmise. Ces Amérindiens appartiennent à la grande famille linguistique des Iroquoiens, tout comme d’autres nations, dont celles des Hurons-Wendats, des Iroquois, des Ériés ou des Neutres, mais ils constituent un peuple distinct. Ils forment un groupe culturel spécifique vers 1300 et leur émergence est le résultat de l’évolution de groupes établis antérieurement dans la région. D’abord installés à l’extrémité est du lac Ontario, ils éten-dent ensuite leur emprise le long du fleuve jusqu’au-delà de Qué-bec. Les spécialistes relèvent des différences au sein de ce peuple, en particulier entre les groupes qui s’implantent dans les environs de Québec (Stadaconé) et ceux de Montréal (Hochelaga). S’agit-il de deux nations distinctes ou de deux groupes régionaux au sein d’une même nation? Nul ne peut le dire avec certitude.

À l’instar des Hurons-Wendats de la baie Georgienne et des Iroquois établis dans le nord de l’État de New York actuel, les Iro-quoiens du Saint-Laurent sont des sédentaires qui vivent principa-lement de l’agriculture et pratiquent la pêche et la chasse pour compléter leur alimentation. Ils entretiennent sans doute avec les chasseurs-cueilleurs algonquiens et avec les autres nations iro-quoiennes des relations de commerce, mais celles-ci ne sont mani-

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festement pas exemptes de conflits, puisqu’ils entourent leurs éta-blissements d’un système de défense.

Les femmes jouent un rôle important dans cette société et sont à la tête des familles et des clans. Ce sont elles qui cultivent la terre. Elles fabriquent aussi de la poterie ornée de motifs originaux qui témoignent des traits culturels distincts des Iroquoiens du Saint-Laurent et constituent, aux yeux des archéologues, un des mar-queurs de leur identité.

Ces Iroquoiens vivent dans des villages entourés d’une palis-sade de bois, dont les plus importants comptent au-delà de 1 000 habitants. Ils construisent de grandes maisons de forme oblongue dans lesquelles résident un certain nombre de familles

Fragments de poteries iroquoiennes

recueillis à Pointe- du-Buisson

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appartenant à un même clan. Ces habitations sont faites d’un treil-lis de bois recouvert d’écorce. Les champs cultivés entourent le vil-lage. Au bout d’une période de 10 à 20 ans, quand les champs sont devenus moins fertiles, les habitants déménagent leur village à un autre endroit, généralement à proximité du précédent.

Dans la grande région de Montréal, les archéologues ont mis au jour une dizaine de sites villageois iroquoiens, surtout aux abords du lac Saint-François. Ils ont aussi repéré un grand nombre de sites de campement des deux côtés du fleuve, y compris sur les rives de l’île de Montréal. Cependant, ils n’ont jamais pu retrouver l’emplacement du plus gros village, celui d’Hochelaga.

Hochelaga / Tutonaguy

On sait pourtant que les Iroquoiens érigent dans l’île de Montréal un important village agricole, puisque l’explorateur français Jacques Cartier le visite en 1535, lors de son deuxième voyage au Canada, et qu’il en produit ensuite une description écrite. Ainsi, la présence amérindienne à Montréal, temporaire et saisonnière pen-dant des millénaires, devient permanente. Depuis combien de temps cette population y est-elle installée de façon sédentaire? Peut-être quelques décennies, au plus deux ou trois siècles, mais on ne peut pas le savoir de façon précise.

À son deuxième voyage au Canada, en 1535, Jacques Cartier s’établit près du village iroquoien de Stadaconé, dont il avait ren-contré des habitants près de Gaspé l’année précédente. Son projet d’aller jusqu’à Hochelaga ne plaît pas aux chefs stadaconiens, qui tentent de l’en dissuader. Cartier choisit donc de partir en catimini, sans amener avec lui les Amérindiens qui pourraient lui servir d’interprètes. Il débarque à Montréal, probablement au pied du courant Sainte-Marie, le 2 octobre, mais c’est seulement le lende-main qu’il parcourt à pied le sentier le menant au village, où il est

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accueilli par plusieurs centaines d’Iroquoiens. L’absence d’inter-prètes l’empêche de comprendre toutes les informations que lui donnent ses hôtes.

Le village d’Hochelaga décrit par Cartier correspond au por-trait général des autres villages iroquoiens dont les archéologues ont pu étudier les vestiges. Il est entouré d’une haute palissade à laquelle sont accrochées des galeries permettant aux défenseurs de lancer des projectiles contre les assaillants. Une seule porte d’entrée donne accès au village. À l’intérieur, Cartier voit une cinquantaine de maisons, longues de 50 pas et larges de 12 à 15 pas. Chacune est subdivisée en espaces distincts pour chaque famille et dotée d’un foyer central où sont cuits les aliments. Le visiteur estime la popu-lation à 1 000 personnes, mais d’après le nombre et les dimensions des maisons, il faudrait probablement, selon l’ethnologue Bruce Trigger, compter environ 1 500 habitants, ce qui ferait d’Hochelaga le village iroquoien le plus peuplé de la vallée du Saint-Laurent. Cartier observe aussi les champs cultivés à proximité de l’établisse-ment et escalade la montagne qui se trouve tout près.

Où était situé Hochelaga? Cette question reste un mystère encore aujourd’hui. Au xixe siècle, on a découvert les vestiges d’un village iroquoien – le site de Dawson – au sud de la rue Sherbrooke, en face de l’Université McGill. Ses dimensions paraissent plus petites que celles du lieu décrit par l’explorateur français; il s’agi-rait probablement d’un autre village, peut-être d’un satellite d’Hochelaga. En l’absence d’autres découvertes archéologiques d’envergure, on en est réduit à des conjectures qui reposent sur l’interprétation du récit de Cartier. Si, comme le pensent la plupart des spécialistes, celui-ci a abordé l’île du côté du fleuve, alors Hochelaga se trouvait probablement sur une terrasse du mont Royal, entre l’actuelle rue Sherbrooke et la montagne. Si, comme l’a soutenu Aristide Beaugrand-Champagne, il est arrivé par la rivière des Prairies, alors le village était situé sur l’autre flanc de la montagne. Encore aujourd’hui, plusieurs sites sont proposés par

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divers auteurs. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas de relation directe entre l’emplacement d’Hochelaga, établissement agricole au pied de la montagne, et celui de la ville de Montréal d’origine, puisque celle-ci sera érigée au bord du fleuve.

Cartier ne passe que quelques heures à Hochelaga puis s’em-presse de retourner vers Québec. Il revient à Montréal en 1541. Le récit de son troisième et dernier voyage mentionne alors deux éta-blissements iroquoiens en bordure du fleuve, probablement des campements de pêche temporaires, l’un près du courant Sainte-Marie, l’autre au bord des rapides de Lachine. Cette fois-ci, il n’est plus question du village d’Hochelaga mais de celui de Tutonaguy, que Cartier ne visite pas. Pourquoi ce changement de toponyme? Une hypothèse pourrait être qu’un nouveau nom aurait été attri-bué à la suite d’un déménagement du village. Une autre voit en Tutonaguy le véritable nom du village décrit par Cartier en 1535. Quant à Hochelaga, ce nom désignerait plutôt l’ensemble de la région.

Une mystérieuse disparition

On peut retenir de tout cela qu’au xvie siècle et peut-être avant, il y a eu dans l’île de Montréal au moins un important établissement sédentaire habité par des Iroquoiens du Saint-Laurent. Or, en 1603, quand Champlain explorera le fleuve, ces Iroquoiens n’occuperont plus Montréal ni d’ailleurs le reste de la vallée du Saint-Laurent. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer leur dispari-tion, probablement survenue avant 1580.

Une série de mauvaises récoltes causées par un climat trop rigoureux aurait pu causer des famines et provoquer une réduction ou un déplacement des populations, mais cela ne serait qu’un fac-teur aggravant, pas une cause première. Les maladies introduites par les Français, contre lesquelles les Amérindiens n’étaient pas

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immunisés, auraient pu clairsemer leurs rangs. La plupart des spé-cialistes estiment que ce choc microbien, qui décimera une grande partie des populations amérindiennes du nord-est du continent, se produit plus tard, au xviie siècle. Cependant, l’anthropologue Roland Viau croit que cela survient au siècle précédent pour les Iroquoiens du Saint-Laurent. Selon lui, le fait que plusieurs cen-taines de Français accompagnent Cartier, puis Roberval, et qu’ils transportent des animaux souvent vecteurs de maladies explique-rait l’infection, puis le décès, d’autochtones qui entrent en contact avec eux.

Le facteur déterminant est probablement d’ordre militaire. Les Iroquoiens du Saint-Laurent vivent des tensions avec leurs princi-paux voisins. À l’ouest, ce sont les Hurons-Wendats, au sud-ouest, les Iroquois, au nord, les Algonquins, et plus à l’est, les Micmacs. Ce conflit paraît s’intensifier au cours du xvie siècle. L’arrivée des Français et les possibilités d’échanges qu’elle offre attisent peut-être les convoitises contre ceux qui ont la mainmise sur le fleuve, principale voie de passage. Quoi qu’il en soit des raisons de cette disparition, les groupes iroquoiens du Saint-Laurent sont manifes-tement vaincus les uns après les autres et leurs villages disparais-sent. Cette défaite est peut-être accélérée parce que les rangs de leurs guerriers sont décimés par des maladies contagieuses. La situation est donc complexe, les acteurs sont nombreux et les fac-teurs explicatifs s’entremêlent sans doute. Le résultat final est la dispersion des Iroquoiens du Saint-Laurent et leur disparition comme entité socioculturelle distincte. Les survivants sont vrai-semblablement, selon la tradition amérindienne de l’époque, emmenés comme captifs par les vainqueurs puis intégrés dans les rangs de ceux-ci.

À la fin du xvie siècle, il n’y a donc plus à Montréal aucun éta-blissement sédentaire amérindien, bien que l’île reste un lieu de passage pour des groupes menant des expéditions de pêche, de chasse, de guerre ou de commerce.

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Les premiers Français

La dispersion des Iroquoiens du Saint-Laurent s’explique en partie par l’irruption des Français dans l’espace nord-américain. Même si la présence de ces Européens est brève, elle a commencé à pertur-ber l’équilibre écologique, économique et politique qui s’était éta-bli dans la vallée du Saint-Laurent. À trois reprises, des expéditions françaises, menées sous l’égide du roi, mènent à l’installation pro-visoire d’équipages qui hivernent dans la région de Québec. Cette histoire, qui marque les débuts de la Nouvelle-France, est bien connue. Quelle place y occupe Montréal?

Le personnage central est Jacques Cartier, premier Européen à mettre le pied sur les rives de l’île, en 1535, mais il n’y reste qu’une journée. Une de ses contributions les plus importantes est évidem-ment le récit qu’il fait de sa visite au village d’Hochelaga. Il livre aussi une première description du territoire, même s’il ne se rend pas compte qu’il s’agit d’une île. En outre, il contribue de façon durable à la toponymie en donnant le nom de «mont Royal» à la montagne, un nom qui sera par la suite étendu à toute l’île, puisque «Montréal» n’est qu’une autre façon de l’écrire («réal» étant synonyme de «royal»). Il fait également connaître le nom «Hochelaga», resté très présent dans la toponymie montréalaise.

Au cours du second bref voyage qu’il y effectue en sep-tembre 1541, Cartier n’ajoute pas grand-chose aux connaissances sur Montréal, sinon qu’il va cette fois-ci jusqu’au pied des rapides de Lachine. Ayant observé qu’ils représentent un obstacle à la navi-gation, il rebrousse chemin. Son but étant de trouver une voie vers le «royaume du Saguenay» et peut-être vers l’Asie, Cartier ne semble guère s’intéresser au potentiel de Montréal. En juin 1543, Jean-François de La Rocque de Roberval, avec le même objectif, se rend à son tour jusqu’à Montréal, mais on sait peu de choses de son voyage. Il est probablement allé lui aussi jusqu’aux rapides de Lachine.

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Ainsi, Montréal n’occupe pas une grande place dans ces trois expéditions officielles. L’île marque la limite ouest du territoire exploré par les Français, qui la voient comme un simple jalon sur une hypothétique route vers l’Asie. À la recherche d’or et de pierres précieuses, ils ne s’intéressent pas à ce qu’elle a à offrir.

Les choses en restent là pendant quelques décennies. Dans le contexte des guerres de religion, de 1562 à 1598, le roi de France se désintéresse du territoire canadien. Les pêcheurs français et les chasseurs de baleine basques y maintiennent toutefois une pré-sence constante, en viennent à s’aventurer à leur tour dans le Saint-Laurent et découvrent une autre ressource intéressante: les four-rures échangées sur les côtes avec les Amérindiens. Les marchands qui financent ces expéditions en tirent des profits considérables. Avec le temps, les Français s’aventurent peut-être plus loin, et il se pourrait qu’ils soient présents dans la région de Montréal dans les années 1580. Dans ce contexte, un neveu de Cartier, Jacques Noël, aurait peut-être refait le périple de son oncle.

À ce moment-là, les Iroquoiens du Saint-Laurent sont proba-blement disparus. L’île de Montréal est devenue un no man’s land. Aux yeux des Français, elle prend une nouvelle valeur comme lieu de commerce des fourrures, comme lieu d’échanges avec les nations de l’intérieur, qui les approvisionnent.

La venue de Champlain

C’est Samuel de Champlain, futur fondateur de Québec, qui reprend contact avec Montréal en 1603. Cette année-là, il remonte le Saint-Laurent jusqu’aux rapides de Lachine. Grâce à des guides amérindiens, il obtient des informations précises sur la géographie du territoire en amont de Montréal, en particulier sur le réseau du Saint-Laurent jusqu’au lac Huron ainsi que sur le rôle de l’Ou-taouais dans le transport des marchandises vers l’intérieur. Il est

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donc en mesure d’apprécier beaucoup mieux que ses prédéces-seurs la position stratégique qu’occupe Montréal au confluent de ces deux axes commerciaux.

Il faut toutefois attendre jusqu’en 1611, trois ans après la fon-dation de Québec, pour voir Champlain s’intéresser de plus près au potentiel de l’île. Il y fait alors un séjour de quelques semaines dans le but de se consacrer à la traite des fourrures. Il en profite pour explorer les environs. Il voit l’intérêt qu’il y aurait à établir un poste de traite à cet endroit et choisit même un emplacement, sur le site aujourd’hui appelé Pointe-à-Callière, précisément là où, 31 ans plus tard, s’installeront Maisonneuve et son groupe. Champlain y défriche un espace, qu’il nomme place Royale, puis fait construire un muret et préparer deux jardins qu’il ensemence. Sur une carte qu’il publie en 1613, il utilise pour la première fois le toponyme «Montréal» pour désigner l’île.

Au cours des années qui suivent, Montréal devient un lieu de rencontre entre les Amérindiens et les commerçants français. Les premiers y viennent par groupes, au cours de l’été, avec leurs canots chargés de fourrures du Pays d’en Haut, qu’ils échangent contre des produits européens. Cependant, le projet de Champlain d’y établir un poste permanent ne se réalise pas. Les effectifs français ne sont tout simplement pas suffisants pour maintenir deux habitations distinctes, l’une à Québec et l’autre à Montréal. Il faut donc se contenter d’une présence saisonnière à ce dernier endroit.

Un autre facteur dissuasif est la menace croissante que font peser les Iroquois. Champlain s’est en effet associé aux Algonquins et aux Hurons et accepte de participer à certaines de leurs expédi-tions guerrières contre les Iroquois. Or, ces derniers, et en particu-lier les Agniers (Mohawks), ont acquis une remarquable puissance guerrière et sont en mesure non seulement de résister à leurs enne-mis mais également de passer à l’offensive. Ils sont eux aussi deve-nus des intermédiaires dans le commerce des fourrures, non pas avec les Français mais avec les marchands de la Nouvelle-Hollande

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(plus tard la colonie de New York). Leur objectif est clair: contrôler le flux des fourrures qui passe par le Saint-Laurent en éliminant leurs concurrents.

La poignée de Français installés en Nouvelle-France ne fait pas le poids face aux milliers de guerriers que peut mobiliser la Confé-dération des Cinq-Nations iroquoises. Les Iroquois ont bientôt à leur disposition des armes à feu fournies par les Hollandais, de sorte que les Français perdent leur avantage technologique initial. Pour l’heure, les Iroquois font surtout des incursions de harcèle-ment, mais c’est suffisant pour créer un climat d’insécurité et per-turber l’acheminement des fourrures par la voie du Saint-Laurent. Quand finalement, en 1634, Champlain sera en mesure de créer un deuxième poste permanent, il le fera à Trois-Rivières.

Le projet d’établir une habitation à Montréal est donc remis à des jours meilleurs. En 1636, Jean de Lauson, directeur de la Com-pagnie des Cent-Associés qui contrôle la Nouvelle-France, se fait concéder par cette entreprise, en utilisant un prête-nom, une sei-gneurie comprenant toute l’île de Montréal. Il n’a manifestement pas l’intention de remplir ses obligations de seigneur en y établis-sant des colons. Il s’agit plutôt d’un geste spéculatif, car Lauson est bien placé pour connaître le potentiel du site de Montréal. Le ter-rain est prêt. Il faut attendre les circonstances favorables.

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table des matières 355

Table des matières

Présentation 7

chapitre 1

Une île et ses premiers occupants 11

chapitre 2

La fondation de Montréal 1642-1665 26

chapitre 3

Une vocation continentale 44

chapitre 4

Une ville en émergence 1665-1713 61

chapitre 5

Une petite ville française et nord-américaine 1713-1760 76

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chapitre 6

De nouvelles directions 1760-1815 92

chapitre 7

La tête de pont britannique 1815-1840 112

chapitre 8

Une ville en transition 1840-1867 132

chapitre 9

Le grand centre industriel 1867-1896 153

chapitre 10

À la Belle Époque 1896-1914 175

chapitre 11

De la Grande Guerre aux années folles 1914-1929 202

chapitre 12

De la crise à la guerre 1930-1945 224

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table des matières 357

chapitre 13

Une métropole à redéfinir 1945-1960 243

chapitre 14

Excitation et lendemain de veille 1960-1976 265

chapitre 15

Morosité et résilience 1976-1996 294

chapitre 16

La renaissance de Montréal 1996- 319

Conclusion 341

Orientations bibliographiques 345

Sources des illustrations 351

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mise en pages et typographie: les éditions du boréal

achevé d’imprimer en mai 2017 sur les presses de marquis imprimeur

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Ce livre a été imprimé sur du papier 100% postconsommation, traité sans chlore, certifié ÉcoLogo

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UNE HISTOIRE DE MONTRÉALPA U L - A N D R É L I N T E A U

Ville portuaire, centre industriel et métropole de services, Montréal a joué un rôle exceptionnel dans le développement du Québec et du Canada et elle continue à le faire. Montréal est un carrefour où circulent non seulement des personnes et des marchandises mais aussi des idées, des cultures et des influences multiples. Certes, beaucoup d’autres villes ont de telles fonctions, mais celles-ci prennent une coloration spécifique à Montréal. Ce qui la distingue avant tout, c’est sa fibre francophone.

Cette ville a été fondée par une poignée de Français dont les des-cendants ont su négocier avec les autochtones qui occupaient déjà le territoire nord-américain. Ils y ont très tôt forgé une identité spé-cifique, celle de Montréalistes, qui encore aujourd’hui les distingue de leurs compatriotes du Québec. Montréal a aussi été profondé-ment marquée par l’apport des peuples de souche britannique, les Montrealers, qui sont présents dans la ville depuis deux siècles et demi et qui ont laissé des traces durables dans l’organisation spatiale et économique du territoire, dans les institutions et la sociabilité urbaines ainsi que dans le patrimoine architectural.

Depuis un peu plus d’un siècle, la métropole vit au rythme de l’arri-vée continuelle de vagues de nouveaux Montréalais. Les Juifs et les Italiens, puis les Grecs et les Haïtiens, les Chinois et les Pakis ta-nais côtoient les Algériens, les Marocains, les Libanais et tant d’autres peuples qui font de Montréal un creuset interculturel et renforcent son rôle de ville d’accueil.

La présente synthèse intègre les recherches les plus récentes et tient compte des dimensions démographiques, économiques, spatiales, sociales, culturelles et politiques de l’histoire de Montréal pour en dresser le portrait le plus complet possible.

Historien réputé, Paul-André Linteau a consacré une grande partie de sa carrière à étudier et à enseigner l’histoire de Montréal. Auteur d’un grand nombre de livres et d’articles en ce domaine, il a aussi obtenu plusieurs reconnaissances publiques, dont le prix Léon-Gérin.