une expérience d’art-thérapie à dominantes peinture...

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AFRATAPEM Association Française de Recherche & Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine Une expérience d’art-thérapie à dominantes peinture, collage, et photographie auprès de personnes en situation de précarité Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute répertorié par l’Etat au niveau II Présenté par Anessa BOUSMINA Année 2016 Sous la direction de : Marie-Astrid JOLY Médecin Praticien Hospitalier Lieu de stage : Halte Santé – CHU Toulouse Hôpital la Grave 31059 Toulouse cedex 9

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AFRATAPEM Association Française de Recherche & Applications des Techniques Artistiques

en Pédagogie et Médecine

Une expérience d’art-thérapie à dominantes

peinture, collage, et photographie auprès de

personnes en situation de précarité

Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute

répertorié par l’Etat au niveau II

Présenté par Anessa BOUSMINA

Année 2016

Sous la direction de :

Marie-Astrid JOLY

Médecin Praticien Hospitalier

Lieu de stage :

Halte Santé – CHU Toulouse

Hôpital la Grave

31059 Toulouse cedex 9

AFRATAPEM Association Française de Recherche & Applications des Techniques Artistiques

en Pédagogie et Médecine

Une expérience d’art-thérapie à dominantes

peinture, collage, et photographie auprès de

personnes en situation de précarité

Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute

répertorié par l’Etat au niveau II

Présenté par Anessa BOUSMINA

Année 2016

Sous la direction de :

Marie-Astrid JOLY

Médecin Praticien Hospitalier

Lieu de stage :

Halte Santé – CHU Toulouse

Hôpital la Grave

31059 Toulouse cedex 9

1

REMERCIEMENTS

Mes remerciements se dirigent tout d´abord aux résidents de la Halte Santé de Toulouse qui

ont participé aux séances d’art-thérapie grâce à qui j’ai beaucoup appris et sans qui ce travail

n’aurait pas pu aboutir.

Je tiens à exprimer ma gratitude envers Marie-Astrid Joly, ma directrice de Mémoire, pour

son soutien tout au long de ce projet.

Je remercie également toute l’équipe médico-sociale de la Halte Santé, et plus particulièrement

mon Maître de stage Graciela pour son implication et son grand intérêt pour les bienfaits de

l’art-thérapie auprès des résidents. J’ai apprécié ses conseils et sa passion pour son métier. Un

grand merci à Yann et Johan qui ont suivi de près l’avancé de ce projet pour leur aide, leurs

conseils, leur disponibilité et leur bonne humeur. Je remercie la cadre de santé Madame

Lamaison et le Dr Estecahandy médecin coordinateur qui m’ont acceptée dans la structure et

qui ont soutenu ce projet.

Je tiens également à dire merci à toute l’équipe pédagogique de l’AFRATAPEM, pour la

richesse de leur enseignement en particulier Fabrice Chardon, directeur pédagogique, pour

son accompagnement tout au long de la formation.

Pour finir, je remercie mon amie Isabelle Walczak et mon conjoint Clément Trédez, pour

leurs encouragements et leurs soutiens dans cette aventure.

2

PLAN

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................. 1

PLAN ...................................................................................................................................................... 2

GLOSSAIRE ......................................................................................................................................... 7

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 9

PARTIE I – L’ART-THERAPIE A DOMINANTES PEINTURE, COLLAGE, ET

PHOTOGRAPHIE PERMET DE REDONNER UNE PLACE DE SUJET AUX PERSONNES

EN SITUATION DE PRECARITE EN RENFORÇANT LA CONFIANCE EN SOI, EN

L’AVENIR ET EN L’AUTRE. .......................................................................................................... 11

A. LA PRECARITE ET L’EXCLUSION SOCIALE ENTRAINENT DES SOUFFRANCES PHYSIQUES,

PSYCHIQUES ET SOCIALES QUI AFFECTENT L’ESTIME DE SOI ...................................................... 11

1°) L’être-humain aspire à être heureux ...................................................................................... 11

1.1 Les besoins fondamentaux de l’être-humain sont décrits et hiérarchisés par plusieurs

professionnels ........................................................................................................................... 11

1.2 La bonne santé* est un état de complet bien-être physique, mental et social tel que le décrit

l’Organisation Mondiale de la Santé ........................................................................................ 12

1.3 Pour s’épanouir pleinement, l’être humain a besoin de relations avec les autres et la

« précarité normale » décrite par le psychiatre Jean Furtos va favoriser ce lien social ............ 12

2°) Au cours de sa vie, l’être humain peut être confronté à une blessure de vie telle que la perte

effective ou possible des « sécurité de base » définies par Wresinski .......................................... 13

2.1 Il est important de faire la distinction entre pauvreté, exclusion* et précarité ................... 13

2.2 Bien souvent, les personnes en situation de précarité cumulent les pénalités telles que les

blessures de vie et le handicap social ....................................................................................... 14

2.3 Les personnes en situation de précarité voient très vite voir leur santé physique et

psychique se dégrader .............................................................................................................. 15

3°) Les parcours de vie des personnes en situation de précarité sont multiples et variés,

cependant l’estime de soi est toujours dégradée .......................................................................... 15

3.1 La précarité amène des souffrances telles que la perte de la saveur existentielle*, la

difficulté à redonner du sens à sa vie et à se projeter dans l’avenir, et la perte de sensation

d’être sujet ................................................................................................................................ 15

3.2 Il existe plusieurs modèles définissant l’estime de soi ....................................................... 16

3.3 Dans un contexte de précarité, l’estime de soi et plus particulièrement la confiance en soi,

en l’avenir, et en l’autre sont touchées ..................................................................................... 16

B. L’ART EST UN MOYEN PRIVILEGIE D’EXPRESSION QUI INCITE L’ETRE HUMAIN A SE METTRE

EN ACTION ........................................................................................................................................ 17

1°) L’Art est une activité humaine volontaire orientée vers l’esthétique ..................................... 17

1.1 L’Art se distingue des autres activités par sa dimension esthétique et se distingue de

l’artisanat .................................................................................................................................. 17

1.2 La réalisation d’une production est un acte d’expression volontaire en réponse à une

impression ................................................................................................................................ 17

1.3 La réalisation d’une production est un effort de l’être humain pour atteindre son idéal

esthétique ................................................................................................................................. 18

1.4 On distingue l’Art I*, activité artistique orientée vers le ressenti corporel, de l’Art II*,

activité artistique orientée vers l’esthétique et nécessitant un savoir-faire et une technique ... 18

1.5 L’Art dispose d’un pouvoir d’entrainement, d’un pouvoir éducatif et d’un pouvoir

relationnel ................................................................................................................................. 18

2°) L’Art mobilise le corps et l’esprit et fait appel à la confiance en soi, en l’avenir et en l’autre

...................................................................................................................................................... 19

2.1 L’activité artistique peut être décrite par le Bien*, le Beau* et le Bon* qui constituent la

théorie des 3B ........................................................................................................................... 19

3

2.2 L’activité artistique implique l’engagement de la personne et permet l’expression du style*

et du goût .................................................................................................................................. 20

2.3 L’Art mobilise le corps physique en passant par le ressenti corporel, la structure

corporelle, et la poussée corporelle .......................................................................................... 20

2.4 L’implication du corps et de l’esprit agit sur le rapport saveur/savoir ............................... 21

2.5 L’activité artistique, dans son rapport à l’action et aux autres, mobilise la confiance en soi,

en l’avenir, et en l’autre ........................................................................................................... 21

3°) La peinture, le collage et la photographie peuvent s’adresser et s’adapter à des profils variés

de personnes ................................................................................................................................. 22

3.1 La peinture, le collage et la photographie sont des disciplines diachroniques ayant la

particularité de laisser une trace tangible et concrète, preuve de la présence de l’artiste au

monde ....................................................................................................................................... 22

3.2 La peinture, le collage et la photographie sont un moyen d’expression non verbal

autorisant l’utilisation d’un autre langage ................................................................................ 22

3.3 La peinture et le collage disposent d’une multitude de spécificités qui peuvent s’adapter à

l’individu et à l’environnement ................................................................................................ 23

3.4 La photographie permet au sujet de porter un regard différent sur son environnement ..... 23

3.5 La photographie instantanée facilite l’engagement, ancre un moment dans l’instant T, et

mobilise le corps et l’esprit ...................................................................................................... 24

C. L’ART-THERAPIE EST UNE DISCIPLINE PARAMEDICALE QUI EXPLOITE LE POTENTIEL

ARTISTIQUE DANS UNE VISEE HUMANITAIRE ET THERAPEUTIQUE .............................................. 24

1°) L’art-thérapie se situe entre les sciences humaines et les sciences fondamentales................ 24

1.1 L’art-thérapie est l’Art au service du soin .......................................................................... 24

1.2 L’art-thérapie moderne se différencie de l’art-thérapie traditionnelle et ne doit pas être

confondue avec d’autres disciplines qui utilisent l’Art dans le soin ........................................ 25

1.3 L’art-thérapie est indiquée pour les troubles de l’expression, de la relation et de la

communication ......................................................................................................................... 25

1.4 L’art-thérapie a la particularité de valoriser les parties saines* de la personne afin de créer

des boucles de renforcement* positives ................................................................................... 25

2°) Les outils de l’art-thérapeute sont spécifiques et originaux et utilisent l’Art comme

processeur thérapeutique ............................................................................................................. 26

2.1 La prise en charge en art-thérapie s’organise grâce au protocole de soin .......................... 26

2.2 L’opération artistique* est un outil théorique qui permet de déterminer les sites d’actions*

et les cibles thérapeutiques* afin de déterminer une stratégie thérapeutique ........................... 26

2.3 La fiche d’observation adaptée à chaque patient est un outil de suivi et contrôle de l’art-

thérapeute ................................................................................................................................. 28

2.4 Le cube harmonique* permet une auto-évaluation du Bon, du Bien et du Beau, basée sur la

théorie de l’Art opératoire ........................................................................................................ 28

3°) La pratique de l’art-thérapie auprès d’un public de personnes en situation de précarité

permet grâce aux pouvoirs de l’Art de mettre la personne en action en retrouvant l’envie et

l’élan ............................................................................................................................................. 28

3.1 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie instaure un cadre et une

relation bienveillante ................................................................................................................ 28

3.2 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par l’impression artistique,

stimule les mécanismes sensoriels humains ............................................................................. 29

3.3 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par la réalisation d’une

production, stimule la capacité à faire et à refaire .................................................................... 29

3.4 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par l’accompagnement

personnalisé vers la recherche de l’esthétique, favorise les gratifications sensorielles qui

viennent renforcer l’engagement dans l’activité et la réalisation d’une production................. 29

3.5 Cette production, comme affirmation de la personnalité, est source de relation avec l’autre

et avec l’environnement ........................................................................................................... 30

4

D. AU REGARD DES DIFFERENTS ELEMENTS OBSERVES, NOUS POSONS L’HYPOTHESE

SUIVANTE : L’ART-THERAPIE A DOMINANTES PEINTURE, COLLAGE ET PHOTOGRAPHIE

PERMETTRAIT DE REDONNER UNE PLACE DE SUJET AUX PERSONNES EN SITUATION DE

PRECARITE EN RENFORÇANT LA CONFIANCE EN SOI, EN L’AVENIR ET EN L’AUTRE................... 30

1°) Plusieurs mémoires relatent des effets positifs de l’art-thérapie auprès des personnes en

situation de précarité mais aussi des limites ................................................................................ 30

2°) Dans tout projet de réinsertion, reprendre sa place de sujet est indispensable ..................... 31

2.1 La notion de sujet est liée à la notion de « conscience de soi » ......................................... 31

2.2 Dans un contexte où la notion d’assistance n’a pas toujours bonne réputation, l’art-thérapie

propose une approche basée sur l’action .................................................................................. 31

PARTIE II – UNE ETUDE CLINIQUE AUPRES DE DEUX ADULTES EN SITUATION

PRECAIRE ACCUEILLIS AU SEIN D’UNE STRUCTURE MEDICO-SOCIALE

D’HEBERGEMENT TEMPORAIRE NOUS PERMET D’EVALUER L’IMPACT DE L’ART-

THERAPIE SUR L’ACCOMPAGNEMENT VERS UN PROJET DE SORTIE. ........................ 32

A. LA HALTE SANTE EST UNE STRUCTURE MEDICO-SOCIALE D’HEBERGEMENT TEMPORAIRE

QUI ACCUEILLE DES PERSONNES EN SITUATION DE GRANDE PRECARITE .................................... 32

1°) La Halte santé est un acteur majeur dans la prise en charge de la précarité à Toulouse ..... 32

1.1 Les Lits Haltes de Soin Santé sont nés d’une expérience du fondateur du Samu social .... 32

1.2 La Halte Santé fait partie de l’unité fonctionnelle Santé Précarité du pôle santé publique et

médecine sociale du CHU de Toulouse ................................................................................... 32

1.3 La Halte Santé se place au cœur du dispositif de prise en charge médico-sociale de la

précarité à Toulouse ................................................................................................................. 32

2°) Au-delà du soin, l’équipe pluridisciplinaire a pour mission l’accompagnement vers la

réinsertion sociale ........................................................................................................................ 33

2.1 Une équipe pluridisciplinaire travaille au service des résidents au sein des locaux de

l’Hôpital La Grave dans le centre-ville de Toulouse ............................................................... 33

2.2 Le public accueilli à la Halte Santé est hétérogène ............................................................ 33

2.3 Les missions de la Halte Santé dépassent la simple vision biomédicale ............................ 34

B. DES ATELIERS D’ART-THERAPIE ONT VU LE JOUR A LA HALTE SANTE .................................. 35

1°) Une prise en charge en art-thérapie a complété le programme de soin de quatre résidents . 35

1.1 L’art-thérapie a été présentée à l’équipe médico-sociale ................................................... 35

1.2 La réunion médico-sociale a permis une première présentation des résidents ................... 35

1.3 Des indications ont été données pour quatre résidents ....................................................... 35

1.4 Les séances d’art-thérapie doivent s’adapter au cadre institutionnel ................................. 35

2°) Un protocole de soin est mis en place pour assurer les prises en charge .............................. 36

2.1 Un tableau présente le protocole mis en place pour les résidents qui ont reçu une indication

en art-thérapie........................................................................................................................... 36

2.2 Une séance d’ouverture est programmée pour chacun des résidents ................................. 36

2.3 Des outils d’évaluation sont mis en place pour suivre l’avancée de la prise en charge ..... 37

C. LES SUIVIS DE MARC ET HECTOR CONFRONTENT LA PRATIQUE CLINIQUE A L’HYPOTHESE

DE TRAVAIL ...................................................................................................................................... 38

1°) Marc a reçu une indication en art-thérapie dans le but de développer son autonomie en vue

de préparer sa sortie dans un nouveau logement ......................................................................... 38

1.1 L’anamnèse de Marc révèle un parcours de vie difficile et un enchainement de difficultés

entre schizophrénie, vie à la rue et isolement social ................................................................ 38

1.2 Les informations récoltées durant la séance d’ouverture viennent compléter l’état de base

de Marc qui révèle un comportement passif, une absence de motivation et une anxiété devant

les nouveaux projets ................................................................................................................. 38

1.3 Marc a subi des pénalités en cascade mais la blessure de vie quand il s’est retrouvé à la rue

semble être la pénalité la plus importante ................................................................................ 39

5

1.4 Une stratégie thérapeutique est mise en place afin de répondre à l’indication et vise à

renforcer la confiance en soi de Marc par l’apprentissage d’une technique et d’un savoir-faire

.................................................................................................................................................. 40

1.5 Les moyens et les méthodes permettent de répondre à l’objectif thérapeutique général ... 41

1.6 Sept séances d’art-thérapie ont été programmées pour Marc et montrent un engagement

dans l’activité et un réinvestissement de sa place de sujet dès la 3ème séance .......................... 42

1.7 L’évaluation de Marc se fait par l’analyse de faisceaux d’items comme l’attitude

corporelle, les prises d’initiatives, la capacité à faire des choix, la qualité de l’engagement, le

soin apporté à la réalisation ou encore l’expression du goût .................................................... 45

1.8 L’auto-évaluation de Marc par le cube harmonique a joué un rôle de processeur

thérapeutique ............................................................................................................................ 49

1.9 Un bilan de la prise en charge révèle une confiance en soi renforcée dans le cadre de

l’atelier d’art-thérapie qui a cependant besoin d’être maintenue dans le temps ....................... 49

2°) Hector, en attente de régularisation de sa situation, ne parle pas le Français et a reçu une

indication en art-thérapie dans le but de favoriser l’expression et de s’impliquer dans un projet

qui lui fasse plaisir ....................................................................................................................... 50

2.1 L’anamnèse de Hector met en avant de multiples problématiques comme un état de santé

dégradé, une situation sociale complexe en attente de régularisation et une barrière de la

langue ....................................................................................................................................... 50

2.2 La présentation de l’art-thérapie à Hector a été réalisée par l’intermédiaire d’un interprète

.................................................................................................................................................. 51

2.3 L’équipe pluridisciplinaire nous présente Hector comme une personne sociable mais en

sur-sollicitation de l’équipe médicale constamment inquiet de son état de santé .................... 51

2.4 La séance d’ouverture a joué un rôle capital dans l’alliance thérapeutique auprès d’Hector

et a permis de compléter l’état de base .................................................................................... 51

2.5 Hector a subi des pénalités en cascades mais la pénalité que nous avons jugé la plus

importante est la maladie ......................................................................................................... 53

2.6 Une stratégie thérapeutique est mise en place afin de répondre à l’indication et elle vise à

renforcer la confiance en soi d’Hector afin qu’il se sente capable de s’engager dans une

activité artistique malgré sa condition physique ...................................................................... 53

2.7 La dominante photographie instantanée est la plus adaptée pour susciter la curiosité

d’Hector afin de le mettre en action et d’atteindre notre objectif............................................. 55

2.8 Une prise en charge de 4 séances avec Hector montre une adhésion au projet et un passage

à l’action malgré une grande réticence initiale à participer aux séances .................................. 55

2.9 Le taux de participation, le nombre de plaintes, la durée de l’action artistique et d’autres

faisceaux d’items sont récoltés dans la fiche d’observation ..................................................... 58

2.10 Un bilan de prise en charge confirme l’implication d’Hector dans un projet artistique qui

lui a fait plaisir grâce à l’établissement d’un cadre rassurant et d’une alliance thérapeutique. 59

D. LE BILAN DES PRISES EN CHARGE NOUS PERMET D’EVALUER SI L’ART-THERAPIE A PERMIS

AUX RESIDENTS DE RETROUVER UNE PLACE DE SUJET EN RENFORÇANT LA CONFIANCE EN SOI,

EN L’AVENIR ET EN L’AUTRE .......................................................................................................... 60

1°) Deux autres résidents ont bénéficié de prise en charge en art-thérapie ................................ 60

1.1 Les cas de Sarah et Fabien ont permis de réaliser un essai thérapeutique puisque ces deux

personnes n’étaient plus résidentes au moment de la prise en charge en art-thérapie ............. 60

1.2 Le cas de Sarah qui a suivi huit séances d’art-thérapie alors qu’elle n’était pas résidente

durant toute la durée de la prise en charge confirme notre hypothèse ..................................... 60

1.3 Le cas de Fabien qui, une fois de retour à la rue, a abandonné la prise en charge nous

permet de mettre en évidence certaines limites de notre hypothèse ......................................... 61

2°) Le bilan des quatre prises en charge nous permet de valider notre hypothèse et de souligner

ses limites...................................................................................................................................... 61

3°) Malgré les limites évoquées, l’expérience a confirmé l’intérêt d’une prise en charge en art-

thérapie auprès des personnes en précarité accueillies à la Halte Santé .................................... 62

6

PARTIE III – L’ART-THERAPIE PEUT OCCUPER UNE PLACE ORIGINALE ET

SPECIFIQUE DANS L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES EN SITUATION DE

PRECARITE VERS LA REINSERTION SOCIALE ..................................................................... 63

A. LE BILAN DE CETTE EXPERIENCE CLINIQUE EST POSITIF BIEN QUE LE TRAVAIL REALISE

DOIVE ENCORE ETRE OPTIMISE ...................................................................................................... 63

1°) La prise en charge en art-thérapie s’intègre à la prise en charge globale du résident ......... 63

1.1 La prise en charge en art-thérapie répond aux orientations du projet d’établissement ...... 63

1.2 L’art-thérapeute et d’autres membres de l’équipe médico-sociale peuvent travailler sur un

objectif commun....................................................................................................................... 65

1.3 L’impact de la prise en charge en art-thérapie dans la vie quotidienne est difficilement

évaluable .................................................................................................................................. 66

2°) Pour une meilleure efficacité de la prise en charge, la collaboration avec l’équipe médico-

sociale doit être plus fréquente ..................................................................................................... 66

2.1 Dans une structure où les intervenants sont nombreux, il est important que le rôle de l’art-

thérapie soit clairement expliqué auprès des professionnels de l’équipe ................................. 66

2.2 La participation hebdomadaire à la réunion médico-sociale est nécessaire ....................... 67

2.3 Le programme d’accompagnement de soin (PAS*) permet de préserver les acquis ......... 67

3°) La rigueur de la démarche scientifique peut être discutée ..................................................... 68

3.1 L’hétérogénéité du public impose plus de précision dans l’hypothèse .............................. 68

3.2 La reproductivité totale du protocole thérapeutique n’est pas possible étant donné la

multiplicité de facteurs qui ont un impact sur l’efficience de la prise en charge ..................... 68

B. LA REINSERTION SOCIALE NE PEUT PAS PASSER UNIQUEMENT PAR LE LOGEMENT, L’EMPLOI,

OU LA SANTE .................................................................................................................................... 70

1°) L’art-thérapie stimule des potentialités enfuies ou oubliées .................................................. 70

1.1 Les notions « d’exister » et « d’habiter » sont évoquées par le philosophe Heidegger...... 70

1.2. Un spécialiste des questions sociales s’intéresse aux ingrédients de la réussite pour sortir

une personne de la difficulté .................................................................................................... 70

1.3 L’art-thérapie ne guérit pas ; cependant, elle peut donner envie de guérir ........................ 71

2°) L’art-thérapeute doit trouver la juste distance avec le résident ............................................. 71

2.1 Le concept de la relation d’aide est étudié par le psychologue Carl Rogers ...................... 71

2.2 La relation d’aide privilégie le savoir-être du thérapeute plutôt que son savoir-faire. ....... 71

2.3 Le résident doit adhérer au projet avant tout pour le bienfait que lui procure la prise en

charge en art-thérapie et non pour la relation établie avec l’art-thérapeute ............................. 72

C. L’ART-THERAPIE PEUT OCCUPER UNE PLACE TRANSVERSE DANS LE PAYSAGE COMPLEXE DE

L’AIDE AUX PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE ................................................................. 73

1°) L’art-thérapie pourrait être indiquée dans des passages délicats comme celui de la rue à

« l’après-rue » .............................................................................................................................. 73

1.1 La réinsertion par le logement, par le travail ou par le soin doit être accompagnée d’une

prise en charge globale de la personne ..................................................................................... 73

1.2 L’essai thérapeutique réalisé auprès de Sarah et Fabien pourrait être généralisé afin que la

prise en charge en art-thérapie permette d’accompagner les personnes dans leur projet de

sortie ......................................................................................................................................... 74

2°) L’art-thérapie pourrait également être indiquée en prévention de souffrances naissant de

situation de précarité .................................................................................................................... 75

2.1 La précarité est une notion subjective et les souffrances qui en découlent parfois peuvent

toucher toutes les classes sociales ............................................................................................ 75

2.2 « Il faut veiller à ne pas descendre de la marche car il est bien plus difficile de remonter »

a dit François Soulage, ancien président du secours catholique lors du colloque « Démocratiser

l’accès à la prévention » de 2015 ............................................................................................. 76

CONCLUSION .................................................................................................................................... 77

LISTE DES SCHEMAS, FIGURES ET TABLEAUX .................................................................... 78

BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 79

7

GLOSSAIRE

Tous les mots en gras suivis d’un astérisque lors de leur première apparition dans le texte du

mémoire sont définis ci-dessous. En l’absence de référence, les définitions sont extraites du

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL1). Les termes spécifiques à

l’art-thérapie signalés par la mention [AT] sont extraits des enseignements instruits à

l’AFRATAPEM et des ouvrages2 relatifs à ceux-ci .

Anamnèse : Reconstitution de l'histoire pathologique d'un malade.

Anxiété : État de trouble psychique, plus ou moins intense et morbide, s'accompagnant de phénomènes

physiques (comportement agité ou immobilité complète, pâleur faciale, sueurs, irrégularités du rythme

cardiaque, sensation de constriction épigastrique, spasmes respiratoires), et causé par l'appréhension de

faits de différents ordres.

Affirmation de soi : [AT] Capacité à percevoir le monde extérieur comme un enrichissement propre à

développer sa personnalité. L’affirmation de soi se révèle en Art par la détermination du goût.

Amour de soi : [AT] considération que l’on porte à soi-même, la capacité à s’aimer de manière

inconditionnelle et à ressentir du plaisir à être.

Autonomie : Faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d'agir librement.

Art : [AT] Activité humaine volontaire orientée vers l’esthétique.

Art I : [AT] Activité artistique non orientée vers l’esthétique mettant en évidence le ressenti corporel

sur le savoir-faire et la technique.

Art II : [AT] Activité artistique se traduisant par une action organisée à but esthétique, nécessitant

l’apprentissage d’un savoir-faire.

Art-thérapie : [AT] Exploitation de potentiel artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique.

Beau : [AT] Action réfléchie qui va de l’œuvre au ressenti humain et inversement, désigne l’impression

ou le sentiment éprouvé à la suite d’une satisfaction esthétique suivant son goût. Le Beau est associé à

l’affirmation de soi.

Bien : [AT] Passage de l’intention à la production, phase de l’activité proprement dite. Le Bien est à

même de réguler l’action au regard de la cohérence entre ce que veut l’artiste et ce qu’il est en train de

produire, c'est-à-dire son style. Le Bien est associé à la confiance en soi.

Bien-être : Sentiment général d'agrément, d'épanouissement que procure la pleine satisfaction des

besoins du corps et/ou de l'esprit.

Bon : [AT] Désigne ce qui est relatif à l’engagement de la personne dans la production artistique. Il met

en jeu le plaisir esthétique de la personne et son intérêt dans l’activité artistique. Le Bon est associé à

l’amour de soi.

Boucles de renforcement : [AT] Procédé qui augmente la probabilité de répétition d’un mécanisme de

manière positive.

Cachexie : État caractérisé par une maigreur extrême et une atteinte grave de l'état général

Cible thérapeutique : [AT] Mécanismes sur lesquels l’Art-thérapeute va s’appuyer pour atteindre les

objectifs fixés.

Confiance en soi : [AT] Capacité à agir et à se projeter dans l'avenir. En Art, la confiance en soi permet

à l’œuvre d’exister et au style de s’imposer à la matière.

Cube harmonique : [AT] Outil original d’autoévaluation des aspects caractéristiques de l’Art.

Emotion : Conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d'une

manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur.

Engagement : [AT] envie d’une personne d’assumer ou de réaliser une attitude face à l’art (contempler

ou produire). L’engagement qui se fonde sur le désir et l’envie d’une personne, est relié en art-thérapie

à l’amour de soi.

1 Disponible sur le World Wide Web : « http://www.cnrtl.fr » 2 Forestier, R. Tout savoir sur l’art-thérapie. 7é éd. Lausanne : Favre, 2012.

Forestier, R. Tout savoir sur l’art occidental. Lausanne : Favre, 2004.

Forestier, R. Le métier d’art-thérapeute. Lausanne : Favre, 2014.

Forestier, R. Petit dictionnaire raisonné de l’Art en médecine. Tours : Édition AFRATAPEM, 2015

8

Esthétique : [AT] Domaine des gratifications sensorielles pures relatives à la beauté et des modalités

sensibles de nature à provoquer ces sensations. Peut être artistique ou naturelle.

Exclusion : Éviction de quelqu'un ou de quelque chose (d'un lieu où il avait primitivement accès, d'un

groupe ou d'un ensemble auquel il appartenait).

Fierté : Souci de sa dignité, respect de soi-même. En art-thérapie, capacité à être fier d’être.

Fond : [AT] Ce que présente et contient l’œuvre. Le fond a besoin d’une forme pour apparaître. Partie

subjective de l’art.

Forme : [AT] Elle est redevable de la technique mise en œuvre. Elle se rapporte principalement à la

partie objective de l’art.

Goût : Faculté humaine d’apprécier qualitativement d’un point de vue sensoriel son environnement. En

art-thérapie, le goût concerne l’affirmation de soi.

Idéal esthétique : Adéquation complète entre l’idée et sa forme en tant que réalité concrète, d’après

Hegel. [AT] Juste rapport Fond/Forme.

Item : [AT] Plus petite unité appréciable d’un niveau d’organisation. Il peut être observé, ressenti ou

interprété.

Objet social3 : Chose concrète que l’on a ou que l’on n’a pas, comme l’emploi, l’argent, le logement,

les diplômes, la formation.

Opération artistique : [AT] Interface entre les mécanismes humains et les mécanismes artistiques

Partie saine : [AT] Capacités préservées physiques, mentales, et sociales du patient.

Précarité : du latin « precarius » qui signifie « obtenu par prière ». Caractère ou état de ce qui est

incertain, instable, fragile, dont l’avenir et la durée ne sont pas assurés.

Qualité de vie4 : Perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture

et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses

inquiétudes.

Santé5 : Etat de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une

absence de maladie ou d'infirmité.

Saveur existentielle : [AT] Capacité à ressentir la qualité de vie.

Sites d’action : [AT] Localisation sur l’opération artistique des mécanismes défaillants.

Stratégie thérapeutique : [AT] Organisation théorique des méthodes et moyens thérapeutiques au

regard des éléments de l’anamnèse et de l’état de base qui permettra de répondre aux objectifs

thérapeutiques.

Style : [AT] Personnalité de l’auteur qui s’exprime par et dans l’œuvre artistique. Le style concerne

l’expression. En art-thérapie le style est relié à la confiance en soi.

Acronymes

ACT : Appartement de Coordination

Thérapeutique

ACP : Approche Centrée sur la Personne

AFRATAPEM : Association Française de

Recherche et Applications des Techniques

Artistiques en pédagogie et Médecine

AME : Aide médicalisé de l’Etat

AS : Assistante sociale

ATS : Art-thérapeute stagiaire

CAF : Caisse d’Allocation Familiale

CCAS : Centre Communal d’Action Social

CHU : Centre Hospitalier Universitaire

CMP : Centre Médico Psychologique

CMU : Couverture Maladie Universelle

CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie

CRAM : Caisse Régionale d’Assurance Maladie

MDPH : Maison Départementale des Personnes

Handicapées

EHPAD : Etablissements d'hébergement pour

personnes âgées dépendantes

FAM : Foyers d'accueil médicalisés

LHSS : Lits Haltes Soin Santé

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PASS : Permanence d’Accès aux Soins de Santé

RSA : Revenu de Solidarité Active

3 FURTOS J., L’apparition du sujet sur la scène sociale et sa fragilité, In FURTOS J., Les cliniques de

la précarité. 4 Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé 5 Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé

9

INTRODUCTION

Sans jamais savoir pourquoi, l’Art* a toujours occupé une place importante dans ma vie. Je ne

parle pas de l’Histoire de l’Art, mais bien de l’Art, cette activité humaine volontaire orienté

vers l’esthétique*. En autodidacte, je peins, je dessine, j’expose, consciente des effets

bénéfiques que cette activité a sur moi.

Mon parcours professionnel est parfois qualifié d’atypique. Je me suis pourtant contentée de

faire comme tous les Hommes : chercher le bonheur. Mon bonheur professionnel se

caractérisait tout simplement par la satisfaction de mes besoins que j’avais depuis longtemps

identifiés : être utile, soigner, aider, le tout à mon échelle et évoluer dans un univers créatif,

rempli de beauté.

Pourtant, j’ai suivi une formation d’ingénieur Telecom puis j’ai travaillé en France et à

l’étranger. Ce métier qui ne me procurait pas directement de satisfaction m’a tout de même

apporté énormément d’un point de vue humain : j’ai vécu à l’étranger. Le Burkina Faso, la

Malaisie, le Vietnam, le Chili, le Pérou et les Etats-Unis m’ont permis de faire des rencontres

qui ont changé mon regard sur le monde. Je me suis impliquée dans des projets associatifs : j’ai

accompagné des personnes en situation de handicap en vacances et j’ai organisé pour eux des

ateliers artistiques, j’ai travaillé comme bénévole au sein d’une association d’un petit village

péruvien.

Progressivement, au fil des rencontres, j’ai commencé ma reconversion professionnelle.

Allier le soin et l’Art m’aurait paru idyllique à l’époque. En effet, ce n’est qu’en 2012 que j’ai

entendu parlé pour la première fois de l’art-thérapie*. Il était donc possible d’amener l’Art dans

le soin, et mieux encore, d’exploiter son potentiel dans une visée humanitaire et thérapeutique.

Le tout dans un cadre rigoureux, permettant à l’art-thérapeute de faire partie de l’équipe

paramédicale. Après avoir mûri le projet, j’ai décidé de suivre la formation d’art-thérapie enseignée à

l'A.F.R.A.T.A.P.E.M (Association Française de Recherche et d'Applications des Techniques

Artistiques en Pédagogie et Médecine) en vue d’obtenir le titre officiel d’Art-thérapeute

répertorié par l’Etat. J’ai choisi cette formation pour les valeurs qu’elle prône qui reposent sur

le courant humaniste ainsi que pour le cadre et la rigueur scientifique qu’elle défend.

Particulièrement sensible aux changements qui s’opèrent dans notre société tels que les

mutations que subit le monde du travail, la crise financière, les problèmes de logements, j’ai

souhaité m’intéresser à ces personnes qui étaient dans la difficulté suite à la perte de plusieurs

sécurités comme le logement ou le travail. Ces personnes sont désignées « en situation de

précarité* » bien que nous verrons dans ce travail que le terme « précarité » reste une notion

très subjective.

Ce mémoire relate donc d’une expérience d’art-thérapie auprès de personnes en situation de

précarité hébergé à la Halte Santé de Toulouse, une structure médico-sociale d’hébergement

temporaire.

Cette expérience sera retracée en trois parties distinctes :

La première partie aborde les problématiques que rencontrent les personnes en situation de

précarité qui ont souvent un parcours de vie très complexe. Les épreuves difficiles de la vie

appelées blessures de vie entrainent des comportements souvent passifs et moroses et une perte

d’envie et d’engagement* dans les projets est souvent observée. Ces comportements sont la

10

conséquence de souffrances telles que la perte de la saveur existentielle* et la difficulté à se

projeter dans l’avenir. Du handicap social peut s’ajouter et provoquer un sentiment d’être

inadapté, hors norme. Cette partie démontre comment l’art-thérapie est susceptible

d’accompagner ces personnes de manière pertinente et participer ainsi à leur parcours vers la

réinsertion sociale. L’hypothèse posée est que l’art-thérapie peut redonner aux personnes en

situation de précarité une place de sujet en renforçant la confiance en soi*, en l’avenir et en

l’autre.

La seconde partie présentera la structure d’accueil ainsi que la manière dont l’art-thérapie a été

intégrée au parcours de soin des résidents. Les expériences cliniques réalisées auprès de deux

résidents, Marc et Hector, seront présentées dans le détail. Les résultats encourageants des

évaluations permettront de valider en partie l’hypothèse.

Enfin, la troisième partie abordera un regard critique sur cette expérience mettant en évidence

les limites de la pratique art-thérapeutique auprès de ce public.

Une discussion s’ouvrira autour des facteurs clés de succès nécessaires à un projet de réinsertion

réussi et de la place que l’art-thérapie peut y occuper. Des axes de travail seront proposés

jusqu’à imaginer une prise en charge art-thérapeutique au sein de programmes de prévention.

11

PARTIE I – L’art-thérapie à dominantes peinture, collage, et

photographie permet de redonner une place de sujet aux personnes en

situation de précarité en renforçant la confiance en soi, en l’avenir et en

l’autre.

A. La précarité et l’exclusion sociale entrainent des souffrances physiques,

psychiques et sociales qui affectent l’estime de soi

1°) L’être-humain aspire à être heureux

1.1 Les besoins fondamentaux de l’être-humain sont décrits et hiérarchisés par plusieurs

professionnels

À la base des théories humanistes, l'humain est vu comme un être fondamentalement bon se

dirigeant vers son plein épanouissement.

Afin de trouver son équilibre, l’être-humain va souhaiter répondre à ses besoins. Un besoin est

une nécessité ressentie, une exigence qui nait d’une sensation interne de manque, il est d’ordre

physique, mental, ou social. Lorsqu’un besoin est satisfait, l’être-humain ressent une sensation

agréable. Plusieurs professionnels se sont intéressés aux besoins fondamentaux de l’Etre-

humain, dont le célèbre Abraham Maslow (1908-1970), psychologue humaniste américain, qui

reste une référence dans le monde entier. Dans les années 1940, Maslow élabore une

représentation pyramidale des besoins hiérarchisés et classés en 5 catégories. (Schéma 1)

Schéma 1- Pyramide des besoins de Maslow

Selon lui, ce serait l’accomplissement

de ces besoins qui serait à l’origine des

motivations humaines, et ce, dans leur

ordre hiérarchique. Autrement dit,

derrière chaque motivation ou chaque

objet de désir se cache un besoin

fondamental. Pour passer à un niveau

supérieur de la pyramide il faut que le

niveau précédant ait été satisfait.

Ce modèle, bien que vivement critiqué

pour son aspect hiérarchique, reste

intéressant et globalement valable en

première approche. Il ne faut

cependant pas se limiter à cette

représentation statique des besoins qui

sont tous interdépendants.

Les travaux de Maslow présentent

surtout l’Homme comme un « tout »,

présentant des aspects physiologiques,

psychologiques, sociologiques et

spirituels.

Dans le milieu du soin, Virginia Henderson (1897-1996), infirmière, enseignante, et chercheuse

américaine, inspirée par les travaux de Maslow, présente quant à elle le modèle des 14 besoins

fondamentaux de tout être humain. (Annexe 1). Ces quatorze besoins entrent dans les cinq

catégories de Maslow car chaque besoin est dépendant de facteurs physiologiques,

psychologiques, sociaux ou culturel. Virginia Henderson définit ainsi qu'il n'est pas possible de

soigner une partie sans tenir compte de l'ensemble, de la globalité de l'être.

12

1.2 La bonne santé* est un état de complet bien-être physique, mental et social tel que le décrit

l’Organisation Mondiale de la Santé

En 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS*) définit la santé comme « un état de

complet bien-être physique, mental et social, et ne consistant pas seulement en une absence de

maladie ou d'infirmité. »

Cette définition, qui n’a pas été modifiée depuis, propose une approche globale de la santé. En

effet, la dimension physique n’est plus suffisante pour apprécier l’état de santé d’une personne.

De plus, la notion de bien-être* ajoute à la santé une dimension subjective. Le bien-être est un

sentiment général d'agrément, d'épanouissement que procure la pleine satisfaction des besoins

du corps et/ou de l'esprit.

Cependant, dans son aspiration à être heureux, la bonne santé à elle seule ne suffit pas à

l’Homme. La vie proprement humaine est avant tout une existence, c’est-à-dire une vie

consciente d’elle-même. La conscience d’être permet de savoir que l’on existe, ce que l’on est,

quel sens veut-on donner à la vie. L’Homme va se lancer dans une quête de qualité, apparait

ainsi la notion de qualité de vie*. L’OMS, en 1993, tente d’en donner une définition, qui vient

s’imbriquer à celle de la bonne santé : « La qualité de vie est la perception qu'a un individu de

sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels

il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. » Il est en effet

tout à fait possible d’avoir une santé altérée par une maladie mais d’avoir une bonne qualité de

vie. La qualité de vie, notion totalement subjective, permet à l’Homme de définir un bonheur

et un équilibre qui lui ait propre. De plus, elle ne considère pas uniquement l’individu, mais

introduit le contexte environnemental.

1.3 Pour s’épanouir pleinement, l’être humain a besoin de relations avec les autres et la

« précarité normale » décrite par le psychiatre Jean Furtos va favoriser ce lien social

Aujourd’hui, les sciences de l’homme et de la société s’accordent pour dire que l’être humain

est un être social, au sens où il se construit et il évolue dans et par les relations aux autres.

Comme le dit Aristote, l’Homme est « un être politique »6 c'est-à-dire un être qui ne peut

atteindre la plénitude de sa nature que dans la société et la somme des relations que cette société

engendre. La socialisation débute dès la naissance, se poursuit toute la vie et ne connaît son

terme qu'avec la mort.

A la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), John Bowlby (1907-1990),

psychiatre et psychanalyste britannique, réalisa des observations7 sur la santé mentale des

enfants sans foyer au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il en conclut l’importance

capitale d’un besoin d’une relation chaleureuse, intime et continue entre l’enfant et sa figure

maternelle. « La relation mère-enfant est aussi vitale pour le développement général du bébé

que les vitamines ou les protéines pour le développement physique ».

Bowlby décrit l’attachement comme étant le produit des comportements qui ont pour objet la

recherche et le maintien de la proximité d’une personne spécifique. C’est un besoin social

primaire et inné d’entrer en relation avec autrui. En ce sens, il s’éloigne de Freud pour lequel

les seuls besoins primaires sont ceux du corps, l’attachement de l’enfant n’étant qu’une pulsion

secondaire qui s’étaye sur le besoin primaire de nourriture.

La petite enfance est sans aucun doute la période la plus intense de socialisation qui se prolonge

jusqu'à l'adolescence. Une fois passée cette période intense de socialisation, l'adulte poursuit

encore sa socialisation tout le reste de sa vie.

D’après Jean Furtos, psychiatre spécialiste de la souffrance psycho-sociale, les premières

relations sociales naissent lorsque le bébé demande de l’aide. « Ce petit être qui ne peut manger

6 ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, I, 5, 1097b. 7 BOWLBY J., Soins maternels et santé mentale, 1951

13

seul, qui ne peut se changer, ne peut marcher, peut demander, et le fait qu’il demande et qu’il y

ait des personnes tutélaires qui entendent sa demande va créer les premières relations

sociales »8. Furtos introduit alors la notion de précarité normale ou ordinaire. Les relations

naissent à partir de la précarité et de la détresse qui produisent, quand le processus se passe

bien, de la confiance en soi, confiance en autrui, confiance dans l’avenir.

2°) Au cours de sa vie, l’être humain peut être confronté à une blessure de vie telle

que la perte effective ou possible des « sécurités de base » définies par Wresinski

2.1 Il est important de faire la distinction entre pauvreté, exclusion* et précarité

Pauvreté, exclusion et précarité sont des termes différents qu’il faut dissocier. En effet, il est

possible d’être pauvre sans être précaire et inversement d’être précaire sans être pauvre. Un

individu n’est pas forcément pauvre ou précaire lorsqu’il est exclu (d’un groupe, d’un lieu…).

Sans réduire la pauvreté à des données purement objectives, la pauvreté est mesurable et

mesurée. La pauvreté est l’état d’une personne qui a peu de ressources, de bien, d’argents. Elle

est souvent déterminée par un seuil de ressource monétaire. En France, et en Europe, le seuil

de pauvreté désormais utilisé est équivalent à 60 % du revenu médian. Ce revenu médian est de

1 680 euros mensuels pour un célibataire. Le seuil de pauvreté est donc de 1 008 euros pour

une personne seule (60 % de 1 680 euros). En-dessous de ce seuil, une personne est considérée

comme pauvre9. Ce seuil est relatif puisqu’il dépend du niveau de vie de l'ensemble de la

société. De plus, les instituts de statistiques utilisent parfois un seuil à 50%, et même un seuil à

40%. Pauvreté ne rime pas forcément avec souffrance, mais dans nos sociétés capitalistes, la

pauvreté peut entrainer du handicap social.

La précarité vient du mot latin precarius qui veut dire « supplier, prier pour avoir ».

Dans son sens le plus simple, être précaire signifie avoir absolument besoin de l’autre, des

autres, pour vivre ; sous réserve, bien sûr, qu’il y ait un autre, des autres en position d’y

répondre, dans le respect et la réciprocité. Ceci faisant écho à la « précarité normale » décrite

précédemment. Ainsi, dans nos sociétés précaires où tout est aléatoire, la personne qui va bien

saura rebondir, demander de l’aide, surmonter ses difficultés.

Pourtant aujourd’hui, le sens premier positif de la précarité s’est estompé au profit d’une

« mauvaise » précarité.

C'est à Joseph Wresinski (1917-1988), prêtre français, que l'on doit la définition officielle du

terme "précarité", telle que le Conseil Economique et Social français l'a adopté.

« La précarité est l'absence d'une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux

familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux.

L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou

moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande pauvreté quand elle affecte

plusieurs domaines de l'existence, qu'elle tend à se prolonger dans le temps et devient

persistante, qu'elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de réassumer

ses responsabilités par soi-même, dans un avenir prévisible. »10. Les sécurités dont il est

question sont le travail, les revenus, le logement, l’accès aux soins, l’école et l’accès à

l’instruction, l’accès à la culture, le lien familial, le lien social...

La précarité induit la notion de temps, d’incertitude, d’insécurité et de vulnérabilité.

8 FURTOS J., De la précarité à l’auto-exclusion, Edition Rue Ulm, Paris 2009, p12 9 Selon l’INSEE, Institut national de la statistique et des études économiques, données 2014 10 WRESINSKI J., Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Paris, Journal Officiel, 1987, p

14.

14

L’exclusion est l’action d’exclure, soit l’action de ne pas compter quelque chose dans un

ensemble. Le défaut de ce terme est d'induire une frontière entre les inclus et les exclus (On est

dedans ou dehors). Si l'exclusion est un processus, il est par définition difficile de comptabiliser

« les exclus ». Nous sommes tous à un moment « exclus », exclu d’un groupe, d’une discussion.

D’après le psychiatre Jean Maisondieu, « L’exclusion n’est pas en soi pathogène. Toutes les

sociétés et tous les groupes fonctionnent à l’inclusion et à l’exclusion. Tout exclu ou inclu peut

trouver une place ailleurs, sauf s’il est exclu de l’humanité. »11

L’exclusion de l’humanité, qui peut amener au syndrome d’auto-exclusion définit par Furtos,

ne sera pas développée dans ce travail.

Bien entendu, la réalité nous amène à des situations complexes propres à chaque individu et

variables dans le temps. Le sociologue Robert Castel a proposé une modélisation12 du processus

de précarisation que Furtos a ensuite repris et revisité13 (Annexe 2). Il ne s’agit pas de définir

des entités figées mais bien des trajectoires possibles.

Nous nous intéressons dans ce mémoire aux personnes dites « en situation de grande précarité ».

Ces personnes sont, dans la majorité des cas, sans domicile fixe, et ne jouissent pas ou de peu

de revenu. Elles naviguent entre la rue, un habitat précaire, ou des structures d’hébergement

social. La vulnérabilité de ces personnes est croissante. Du découragement et de la passivité

dans le comportement sont souvent observés, mais persistent les liens sociaux, ne serait-ce

qu’avec les organismes sociaux. Nous pouvons les situer dans la zone « d’assistance et

d’insertion » définie par Furtos. (Annexe 2). Furtos précise : « Les personnes ont toujours un

désir qui permet d’animer un projet, soit par l’ambition de « s’en sortir » et de repasser dans

une zone d’insertion moins précaire, soit par l’espoir de s’organiser convenablement et

durablement dans cette zone d’assistance (avec ou sans système D) qui permet de vivre… Il

suffit que la personne honteuse ou découragée entre dans une relation de respect et d’aide pour

qu’elle retrouve courage et fierté. Nous sommes dans une pathologie qui réagit aussi bien à ce

qui va mal qu’à ce qui va bien, donc assez proche de la santé ».14

2.2 Bien souvent, les personnes en situation de précarité cumulent les pénalités telles que les

blessures de vie et le handicap social

La grande précarité ne survient pas brutalement mais résulte d’épreuves sociales. Elle touche

les individus issus de tous les milieux sociaux mais frappe plus fortement les catégories les plus

démunies. La personne va vivre une épreuve difficile, qu’on appelle blessure de vie, telle que

le chômage, la perte du logement, le deuil, le divorce, des violences morales ou physiques, qui

va très vite entrainer une autre difficulté. La perte d’un emploi qui entraine un isolement puis

une rupture des liens familiaux jusqu’à la perte du logement et une vie à la rue, les récits

tragiques ne manquent pas. Sans oublier les problèmes d’alcoolisme, de toxicomanie, les

pathologies psychiatriques, qui viennent complexifier la situation. La solitude et l’absence de

solidarités familiales n’aideront pas. On parle de spirale de précarisation. De ces blessures de

vie va souvent naître une autre pénalité : le handicap social. La personne ne sera plus «

socialement adaptée » à son environnement.

11 MAISONDIEU J., De l’exploitation à l’exclusion, un progrès ? Le temps des cerises, Pantin, 2002, p6. 12 CASTEL R., Les métamorphoses de la question sociale, Galimard, 1995 13 FURTOS J., Epistémologie de la clinique psychosociale, la scène sociale et la place des psy, Pratiques

en Santé Mentale, n°1, 2000 14 Ibid.

15

2.3 Les personnes en situation de précarité voient très vite voir leur santé physique et psychique

se dégrader

En France, les données épidémiologiques permettant de caractériser la mortalité des personnes

sans domicile se font rares. Ce manque de données traduit bien la complexité de la situation.

Nous rappelons encore une fois qu’il n’est pas possible de désigner les personnes en situation

de précarité comme un groupe homogène.

L’ONPES, Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, a sorti un rapport

sur « La mortalité des personnes sans domicile en France entre 2008 et 2010 ». Selon ces

données, l’âge moyen au décès de la population sans domicile est de 49 ans, ce qui représente

en moyenne un écart de presque 30 ans avec la population générale présentant des

caractéristiques similaires en termes de genre.

L’état de santé général des personnes en situation de précarité est souvent dégradé, bien que

des possibilités d’accès aux soins de santé existent. Malheureusement, il ne suffit pas que les

personnes aient accès à une consultation dans un cabinet ou à l’hôpital pour qu’elles soient

soignées correctement. Certaines maladies nécessitent la prise de médicaments de façon

régulière et pendant une longue période. Suivre ce type de traitement est difficile pour ceux et

celles dont l’existence est déstructurée et précaire. De plus, ces personnes ont souvent recours

aux soins qu’en cas d’extrême urgence, laissant ainsi des problèmes bénins s’empirer. La santé

dentaire en est un exemple. On observe alors un vieillissement précoce chez de nombreuses

personnes. Au terme d’une hospitalisation, (après une opération chirurgicale par exemple),

l’état du patient nécessite souvent une période de repos et de convalescence, et parfois d’autres

soins. Encore une fois, des solutions existent mais le nombre de places est bien souvent

insuffisant par rapport à la demande croissante.

Des couvertures maladies sont possibles pour ces personnes en situation de grande précarité

mais nombre d’entre elles ne le savent pas. Quand bien même elles le sauraient, les démarches

leurs paraissent si complexes qu’elles ne sauraient s’y attaquer sans l’aide d’un professionnel.

La dégradation de l’état de santé ne s’arrête pas là puisqu’un autre mal va naître : un mal-être.

Certaines personnes utilisent parfois le mot « stress », mais il s’agit en fait d’une réelle

souffrance psychique d’origine sociale. Ces situations de souffrance sur l’individu s’expriment

principalement par une fatigue chronique, de l’anxiété*, une morosité associée à des

comportements d’agressivité ou de repli sur soi, à des difficultés de concentration et de

mémorisation. Déjà analysée par Freud en 1930, la souffrance d’origine sociale était pour lui le

type de souffrance le plus difficile à accepter par le sujet humain : « La souffrance issue de cette

source (les relations avec d’autres hommes), nous la ressentons peut-être plus douloureusement

que tout autre… ».15

3°) Les parcours de vie des personnes en situation de précarité sont multiples et

variés, cependant l’estime de soi est toujours dégradée

3.1 La précarité amène des souffrances telles que la perte de la saveur existentielle*, la difficulté

à redonner du sens à sa vie et à se projeter dans l’avenir, et la perte de sensation d’être sujet

De la diversité des parcours des personnes en situation de précarité naissent des problématiques

communes. Les différentes blessures de vie rencontrées sont des changements subis où la

personne n’a pas réussi à rebondir. De la passivité et de la morosité se sont installés et le rythme

des journées ralenti. Ce mal-être, par opposition au bien-être, ne permet plus la sensation

agréable provoquée par la satisfaction des besoins du corps et de l’esprit. La saveur

15 FREUD S., Malaise dans la culture, 1930

16

existentielle, cette sensation agréable qui donne le goût de vivre, est alors altérée. Les personnes

se trouvent très vite dans l’incapacité à redonner du sens à leur vie et à se projeter dans

l’avenir. Le handicap social qui peut naître va entrainer un autre sentiment : celui d’être

inadapté à cette société. L’individu va se sentir hors-norme et perdre la sensation d’être sujet

et acteur de sa vie.

Ces différentes souffrances vont avoir des conséquences néfastes sur la valeur que l’individu

s’attribue à lui-même : l’estime de soi.

3.2 Il existe plusieurs modèles définissant l’estime de soi

Nous présentons trois modèles de l’estime de soi sans le tableau 1 ci-dessous : Tableau 1- Trois modèles présentant l'estime de soi

Auteur Modèle

André.C et Lelord.F - 200216 Amour de soi – Confiance en soi – Vision de soi

Bernhard H. et Millot C. - 200617 Amour de soi – Confiance en soi – Affirmation de soi

Forestier R. et Fanger F. 2010 Estime de soi – Affirmation de soi – Confiance en soi

Le modèle choisi pour l’étude des cas cliniques présentée en seconde partie est celui de

Bernhard et Millot.

L’estime de soi comporte trois composantes interdépendantes :

- L’amour de soi* : considération que l’on porte à soi-même, la capacité à s’aimer de manière

inconditionnelle et à ressentir du plaisir à être. Ne dépend pas des performances.

- La confiance en soi* : compétences personnelles, capacité à faire et à refaire.

- L’affirmation de soi* : capacité à percevoir le monde extérieur comme un enrichissement

propre à développer sa personnalité, capacité à affirmer ses goûts*.

3.3 Dans un contexte de précarité, l’estime de soi et plus particulièrement la confiance en soi,

en l’avenir, et en l’autre sont touchées

Nous pouvons grâce au modèle choisi faire le lien entre les trois composantes de l’estime de

soi et les souffrances des personnes en situation de précarité (Tableau 2)

Tableau 2- Conséquences des souffrances que vivent les personnes en situation de précarité sur les trois

composantes de l'estime de soi

Estime de soi

Amour de soi Confiance en soi Affirmation de soi

Conséquences

dans un

contexte de

précarité

> Dégradation

- Difficulté à

éprouver du plaisir à

être

- Perte de la saveur

existentielle

- Diminution de

l’envie

> Perte ou dégradation

- Atteinte de la triple

confiance : en soi, en

l’avenir, en l’autre - Difficulté à se mettre

en action, à s’engager

dans un projet

> Dégradation

Conséquences de la

dégradation de l’amour

et la confiance

- Capacités

relationnelles pouvant

être perturbées

Les trois composantes de l’estime de soi étant interdépendantes, elles sont toutes trois atteintes.

Cependant, c’est l’atteinte de la triple confiance décrite par Furtos qui est la plus dégradée.

16 ANDRE C., LELORD F, L’estime de soi, Odile Jacob, Paris, 2002 17 BERNHARD H., MILLOT C., L’apport spécifique de l’auto-évaluation par le cube harmonique dans

la restauration de l’estime de soi In FORESTIER R. L’évaluation en Art-thérapie, pratique internationales,

Elsevier Masson, Issy-les-Moulineaux, 2007

17

Cette dégradation entraîne des comportements passifs et subits. Il devient difficile de faire face

aux cascades de problématiques. La personne en situation de précarité perd l’envie de s’engager

dans un projet.

B. L’Art est un moyen privilégié d’expression qui incite l’être humain à se mettre

en action

1°) L’Art est une activité humaine volontaire orientée vers l’esthétique

1.1 L’Art se distingue des autres activités par sa dimension esthétique et se distingue de

l’artisanat

Il existe de nombreuses activités auxquelles l’Homme peut s’adonner mais la grande

particularité de l’activité artistique est qu’elle est orientée vers l’esthétique.

Le mot esthétique est dérivé du grec aisthesis signifiant beauté/sensation. Bien qu’il ait une

racine grecque, ce mot était inconnu de l’Antiquité. Il a été inventé par le philosophe Allemand

Baumgarten (1714 – 1762). Etymologiquement, l’esthétisme est la « science du sensible ».

L’usage donne aujourd’hui au mot une autre signification « la science du Beau », pouvant être

perçue et admise dans l’Art mais aussi dans la nature. L’Homme n’étant donc pas le seul

producteur de l’esthétisme.

Il faudra attendre le XVIIème siècle pour que l’artiste et l’artisan soient différenciés. On

distinguera l’art, l’activité de l’artisan, de l’Art, l’activité de l’artiste.

On reconnait l’artisan comme un homme de métier qui va réaliser une production utile. Il se

charge de donner une fonctionnalité à la chose qu’il produit. L’artisan s’inscrit dans une

dynamique technicienne, il est propriétaire d’un savoir-faire qu’il a acquis.

L’Artiste, lui, exprimera le Beau de manière désintéressée. L’Art ne sert pas à autre chose qu’à

lui-même, il est une fin en soi. Sa seule « utilité » est le plaisir des sens, la stimulation de la

sensorialité humaine. Lorsqu’une œuvre nous plait, un tableau par exemple, ce n’est pas son

utilité qui nous plait, mais la seule présence de l’objet, soit la gratification sensorielle relative

au traitement de l’information. Cette gratification sensorielle caractérise le plaisir perçu : c’est

le plaisir esthétique. Charles Pépin évoque un plaisir étrange, une plénitude, une satisfaction

gratuite, fascinante et superficielle. « Comment ce qui est superficiel peut-il donc avoir le

pouvoir de nous toucher profondément ? »18. L’artiste aussi se base sur un savoir-faire

technique, mais celui-ci ne suffit pas, il n’est qu’une base pour arriver au réel objectif qu’est

l’idéal esthétique*, propre à chacun.

Le sujet de la Beauté est au cœur de débat philosophique depuis l’Antiquité, avec des

philosophes déterminants comme Platon, Aristote, Kant, ou encore Heideger. La question étant

de savoir si la Beauté est absolue, donc extérieure à l’être-humain, ou si c’est l’être humain qui

génère cette Beauté. Nous ne chercherons pas dans ce travail à définir ce qu’est la Beauté, mais

nous nous intéresserons aux effets de cette Beauté sur l’être humain. De la même manière,

puisque la Beauté est associée à l’Art, nous partirons du constat que l’Art existe, et que certaines

personnes y sont sensibles.

1.2 La réalisation d’une production est un acte d’expression volontaire en réponse à une

impression

L’œuvre d’Art peut donc produire sur l’être humain un impact émotionnel.

Cette capacité de l’être humain à recevoir des informations de l’extérieur fait appel à un premier

mécanisme fondamental : l’impression. L’impression est la perception et l’intégration des

éléments de notre environnement par nos sens : on parle de captation sensorielle. Ces

18 PEPIN C., Quand la beauté nous sauve, Marabout, 2013, p17.

18

stimulations sensorielles provoquent des sensations, qui sont véhiculées jusqu’au cerveau. Les

sensations vont être traitées et des émotions* vont leur être associées. C’est ici que va naître le

plaisir ou déplaisir à contempler un tableau ou écouter une musique.

En réaction à l’impression, le mécanisme d’expression peut s’opérer chez l’être humain.

L’expression, se définit comme le traitement extériorisé des informations intérieures, elle peut

être volontaire ou involontaire. L’activité artistique est considérée comme un acte

volontairement dirigé. L’artiste a la volonté de produire dans une orientation esthétique, il s’agit

de l’intention esthétique qui l’amènera à ressentir un plaisir esthétique.

1.3 La réalisation d’une production est un effort de l’être humain pour atteindre son idéal

esthétique

L’artiste a la volonté de produire dans une orientation esthétique, il donne une intention

esthétique à sa production qui l’amènera à ressentir un plaisir esthétique. Pour cela, il va devoir

adapter ses moyens. Cette recherche détermine un effort certain de l’être humain et un ensemble

d’interactions entre le corps et l’esprit. L’Art est représenté par son œuvre qui est constituée

d’un fond* et d’une forme*. Le fond est le contenu, le sujet de la production. Ainsi, une

peinture peut représenter un paysage, ou un ensemble de tâches colorées. Une danse peut

raconter une histoire, ou présenter un certain nombre de mouvements.« Le fond se rapporte

principalement à la partie subjective de l’Art »19. Il concerne le domaine des affects et de la

sensibilité. La forme est le contenant, elle se rapporte à la technique mise en œuvre. Cela peut-

être une sculpture, grande ou petite, en terre ou en bois, ou encore une musique, de longue ou

courte durée. « La forme se rapporte principalement à la partie objective de l’Art »20. Il relève

du domaine de l’intellect et de la connaissance. L’idéal esthétique sera atteint lorsqu’il y aura

un juste équilibre entre le fond et la forme.

1.4 On distingue l’Art I*, activité artistique orientée vers le ressenti corporel, de l’Art II*,

activité artistique orientée vers l’esthétique et nécessitant un savoir-faire et une technique

Il est possible de différencier deux phases durant l’activité artistique :

- l’Art I : cette phase est archaïque et accès avant tout sur le ressenti corporel. Prenons

l’exemple de l’enfant qui découvre son environnement, trempe sa main dans peinture, tape sur

une feuille et s’enchante du son ainsi produit. L’Art I est sans régulation ni maitrise gestuelle.

Il trouve le corps comme médiateur privilégié.

- l’Art II : cette phase est spécifique et ordonné. Elle nécessite la maitrise d’un savoir-faire. Le

corps est là aussi le médiateur privilégié.

Ces différences phases se succèdent durant la production. Le corps, médiateur commun, va

permettre une dynamique ArtI/ArtII qui, comme le cite Richard Forestier « sera le moyen

d’aller et venir des profondeurs de l’âme et de l’instinct au geste artistique le plus

remarquable »21.

1.5 L’Art dispose d’un pouvoir d’entrainement, d’un pouvoir éducatif et d’un pouvoir

relationnel

L’Art existe depuis que l’Homme existe et on lui reconnait de nombreuses spécificités.

Le pouvoir d’entrainement est très souvent observé dans nos vies quotidiennes dans le

domaine musical par exemple. En entendant une musique entrainante, nous tapons des pieds,

tapotons des mains, ou fredonnons. La musique invite à l’action et stimule le corps.

19 FORESTIER R., Regard sur l’Art – Approche épistémologique de l’activité artistique, SeeYouSoon,

2006,p 9 20 Ibid, p10. 21 FORESTIER R., Tout savoir sur l’Art-thérapie, Favre, 7ème édition, 2012, p56.

19

Ce pouvoir d’entrainement amène le spectateur à contempler encore et encore et l’artiste à

produire sans cesse.

Le pouvoir éducatif de l’Art est reconnu depuis l’Antiquité. L’Art éduque aussi bien le corps

que l’esprit. Ainsi, l’activité artistique développe la sensorialité, la motricité fine, l’équilibre,

l’attention, la mémorisation, le traitement mental de l’information et son analyse, etc.

Enfin, on reconnait un troisième pouvoir à l’Art qui est le pouvoir relationnel. Nous

distinguerons bien la relation de la communication. La communication est un échange

d’informations grâce à un code commun entre un émetteur et un récepteur. Nous sommes dans

le champ de la signification. La relation est le lien qui existe entre deux personnes qui vont

vivre une émotion en même temps. Prenons par exemple deux personnes qui vont assister à une

pièce de théâtre : elles vont rire, se laisser surprendre, ou pleurer en même temps. Elles vont

partager des émotions communes. L’Art a cette capacité à lier les Hommes entre eux, à

regrouper des personnes d’âge, de milieu, ou de culture différente.

2°) L’Art mobilise le corps et l’esprit et fait appel à la confiance en soi, en l’avenir

et en l’autre

2.1 L’activité artistique peut être décrite par le Bien*, le Beau* et le Bon* qui constituent la

théorie des 3B

La théorie des 3B22, ou théorie de l’Art opératoire, repose sur les travaux tourangeaux de

Richard Forestier et s’intéresse aux fondements humains de l’esthétique. Tout Homme

recherche le bonheur23. C’est pourquoi l’Homme ne réalise pas des actions au hasard mais des

activités réfléchies. Dans le cadre de l’activité artistique, un ensemble de processus vont être

activés impliquant le corps et l’esprit. L’ensemble de ces processus va être représenté par trois

notions que sont le Bon, le Bien et le Beau. L’objectif étant, durant et à l’issu de l’activité

artistique, la valorisation de la saveur existentielle qui, rappelons-le, est cette capacité à ressentir

la qualité de vie, cette sensation agréable qui donne le goût de vivre. Ces trois composantes sont

présentées de manière distinctes mais sont indissociables. (Schéma 224)

- Le Bon est le principe fondateur et la notion la plus difficile à cerner. Le Bon représente le

plaisir, l’intérêt pour l’activité. Il représente cette « poussée fondamentale » par laquelle tout

homme est animé puisqu’il recherche le bonheur. Le bon se fonde sur l’interaction entre ce qui

compose l’intérieur de l’homme et ce qui compose son extérieur. Le Bon est l’articulation

progressive entre l’état d’être, une tension archaïque, une tension orientée et une tension

volontaire dirigée vers un but : l’intention.

22 FORESTIER R., Tout savoir sur l’Art-thérapie, Favre, 7ème édition, 2012, p47 23 PLATON, Euthydème 278 d e. 24 FORESTIER R., Regard sur l’Art, Approche épistémologique de l’activité artistique, SeeYouSoon,

2006, p10.

Vie

Qualité de vie

Beau

Bon Bien

Schéma 2 - Dynamique relative à la

théorie des 3B

20

- Le Bien est le passage de l’intention à la production : c’est la phase d’activité proprement dite,

qui fait appel à la technique et au savoir-faire. Du geste anarchique initial, le mouvement

s’ordonne. Le Bien est à même de réguler l’action au regard de la cohérence entre ce que veut l’artiste

et ce qu’il est en train de produire.

- Le Beau est la qualité esthétique. Comme décrit précédemment, l’œuvre est caractérisée par

un fond et une forme. Le rapport harmonieux entre le fond et la forme détermine l’idéal

esthétique. Si la forme est objective, le fond distingue et concerne les hommes dans leur

singularité et sensibilité. Ainsi plusieurs personnes peuvent être émues à des degrés différents

par une même œuvre. Le Beau est relatif au fond, il est le sentiment éprouvé à la suite d’une

satisfaction esthétique suivant son goût.

2.2 L’activité artistique implique l’engagement de la personne et permet l’expression du style*

et du goût

L’activité artistique implique l’esprit, par l’engagement, le style et le goût, et elle est

directement liée à l’estime de soi.

L’engagement est « l’envie d’une personne d’assumer ou de réaliser une attitude face à l’Art

(contempler ou produire). »25, c’est l’intention de s’exprimer face à l’Art. Cela ne se résume

pas à un objectif fixé mais à une présence active.

Pour s’engager, la personne doit avoir de la considération pour ce qu’elle réalise, mais aussi

autant de considération pour elle-même. Ainsi l’engagement implique le Bon et l’Amour de

soi.

Le style est l’expression de la personnalité de l’auteur exprimée par et dans l’œuvre. C’est

l’empreinte de l’artiste, sa marque de fabrique. Il est relatif à l’activité artistique et concerne le

Bien. L’élaboration de la production et la production elle-même doivent résister au temps pour

que le style s’imprègne. Pour se projeter dans le temps (penser l’avenir), il est nécessaire de

croire en cet avenir. Le style fait donc appel à la confiance en l’avenir. Pour que le style

s’affirme, l’artiste doit croire en ses capacités à faire et à refaire, ainsi le style est associé à la

confiance en soi. Enfin, pour que l’œuvre soit considérée, elle doit être montrée. L’artiste révèle

alors son style, sa personnalité, sa sensibilité. Cette affrontement de la critique extérieur fait

alors appel à la confiance en l’autre.

Enfin, le goût est « la faculté humaine à se déterminer dans l’appréciation qualitative sensorielle

des choses qui nous entourent »26. Comme abordé précédemment, le goût concerne le Beau.

Ainsi chacun peut apprécier ou nom une musique, une peinture ou une pièce de théâtre, le plaisir

sera propre à chacun. Voilà pourquoi le goût entraîne une détermination de la personne et

sollicite la faculté d’assumer cette détermination. Le goût implique alors l’affirmation de soi.

2.3 L’Art mobilise le corps physique en passant par le ressenti corporel, la structure corporelle,

et la poussée corporelle

Durant l’activité artistique, le corps est constamment sollicité.

L’énergie nécessaire à l’engagement dans l’activité et à l’expression a été dénommée par

Richard Forestier comme la poussée corporelle. Elle a le pouvoir d’entrainer la masse

corporelle. Elle puise son énergie dans la tension existentielle. Elle est donc associée au Bon.

En vue de l’activité, les segments corporels (bras, mains, doigt, etc.) s’organisent : on parle de

la structure corporelle. Elle est associée à la phase d’activité, au Bien. Enfin, des sensations

25 FORESTIER R., Tout savoir sur l’Art-thérapie, Favre, 7ème édition, 2012, p161 26 Ibid, p160

21

seront ressenties devant l’œuvre produite en fonction du goût : c’est le ressenti corporel qui

est associé au Beau. Ce ressenti permet l’autorégulation du corps et donc de la structure

corporelle.

2.4 L’implication du corps et de l’esprit agit sur le rapport saveur/savoir

Les premières pages de ce chapitre nous ont rappelé que la vie humaine est avant tout une

existence où l’être humain cherche à tendre vers l’épanouissement. Il est alors doté d’une

conscience d’être.

Son corps fonctionne de manière mécanique, physique et biochimique. La physiologie est la

science qui étudie ces fonctionnements. Cet acquis génétique des mécanismes fondamentaux

est le savoir. Cependant cet aspect mécanique est régulé par des sensations archaïques : la

saveur. Le bon épanouissement de l’être humain dépend de l’harmonie du rapport

saveur/savoir. Ce rapport est le fondement de la conscience d’être.

L’activité artistique est le savoir-faire au service du savoir ressentir. La combinaison des deux

va agir sur le savoir-être, qui est la capacité à se sentir en vie et à répondre à ses besoins.

L’ensemble sera régulé par les sensations liées à ces mécanismes : la saveur. C’est ainsi que

l’être humain peut s’épanouir en rapport avec sa nature. (Schéma 3)

2.5 L’activité artistique, dans son rapport à l’action et aux autres, mobilise la confiance en soi,

en l’avenir, et en l’autre

Les passages 2.1, 2.2, 2.3, et 2.4 démontrent comment l’Art, cette activité humaine volontaire

orientée vers l’esthétique, va impliquer le corps et l’esprit et en faisant appel aux 3 composantes

de l’estime de soi. Pour mieux intégrer ces notions plus ou moins complexes il est utile de les

résumer dans un tableau (Tableau 3).

Tableau 3- Théorie de l’Art-opératoire : implication de l’être humain confronté à l’Art

Théorie de l’Art-opératoire :

Implication de l’être humain confronté à l’Art

Fondements humains de l’esthétique

Bon

Intérêt, plaisir pour l’activité Bien

Technique, savoir-faire Beau

Qualité esthétique

Implication de l’esprit

Engagement

Style

Goût

Implication du corps physique

Poussée corporelle

Structure corporelle

Ressenti corporel

Implication du corps physique et de l’esprit

Savoir être

Savoir-faire

Savoir ressentir

Lien avec les composantes de l’estime de soi

Amour de soi

Confiance en soi

Affirmation de soi

Savoir ressentir

Savoir-faire Savoir être saveur

Schéma 3- La saveur régule le savoir

22

L’activité artistique après des personnes en situation de précarité pourrait participer à la

revalorisation des 3 composantes de l’estime de soi, et plus particulièrement à celle de la triple

confiance qui est fortement atteinte. Il faudrait pour cela que les pouvoirs et spécificités de l’Art

soient correctement exploités.

3°) La peinture, le collage et la photographie peuvent s’adresser et s’adapter à des

profils variés de personnes

Nous avons évoqué jusqu’à présent l’activité artistique dans son ensemble. Pourtant, il existe

un grand nombre de dominantes : la musique, la peinture, la sculpture, le théâtre, la

photographie, etc. Chaque dominante à ses spécificités et impacts sur l’être humain d’un point

de vue physique, psychique et social. Nous nous intéressons dans ce travail à la peinture, le

collage et la photographie car ces trois dominantes ont un impact sur les pénalités et souffrances

identifiées chez les personnes en situation de précarité.

3.1 La peinture, le collage et la photographie sont des disciplines diachroniques ayant la

particularité de laisser une trace tangible et concrète, preuve de la présence de l’artiste au monde

La peinture, le collage et la photographie ont la particularité d’être des disciplines

diachroniques, c’est-à-dire qu’il existe dans le temps une phase d’activité, puis une production

qui est dissociée. (Par opposition aux arts synchroniques comme le théâtre par exemple où,

quand l’activité est terminée, l’œuvre l’est aussi).

Cette production « à part » instaure une distance entre l’artiste et son œuvre. Cette distance dans

un premier temps peut être rassurante pour des individus qui se portent peu de considération

(Altération de l’amour de soi). On ne parle pas d’eux, mais d’autre chose. Pourtant cette

production permet très vite d’affirmer son style et son goût, et donc sa personnalité et sa place

de sujet.

La personne peut avancer sur sa production, la corriger, faire une pause, la poursuivre le

lendemain, dans 2, 3 jours. Elle renforce sa capacité à faire et à refaire, et donc sa confiance en

elle et en parallèle sa capacité à se projeter dans l’avenir.

Enfin, lorsque l’activité est terminée, l’œuvre continue d’exister. Elle est visible, palpable, elle

est une emprunte de la présence de l’artiste. Pour des personnes qui ont leur saveur existentielle

dégradée, une attitude passive et une présence qui s’efface, cette œuvre représente une preuve

de l’existence. (Renforcement de l’affirmation de soi).

3.2 La peinture, le collage et la photographie sont un moyen d’expression non verbal autorisant

l’utilisation d’un autre langage

«Si vous pouviez le dire avec des mots, il n’y aurait aucune raison de le peindre »27

Le langage est une expression verbale. Le milieu social d’assistance aux personnes en situation

de précarité essaie comme il le peut d’alléger les souffrances. Parfois les mots ne sont pas

suffisants ou les mots ne sont tout simplement plus là. La personne découragée ne se contente

que d’un minimum d’expression verbale. La peinture, le collage et la photographie propose une

autre forme d’expression qui se situe dans le champ du hors verbal, permettant tout à fait

l’expression, mobilisant le corps et l’esprit et instaurant une relation entre l’artiste et le

contemplateur.

De manière plus concrète encore, auprès du public en grande précarité sociale se trouve un

certain nombre de personnes qui ne parle pas le Français. Demandeurs d’asile, travailleurs

venus d’autres pays, étrangers malades ou autre. La perte de la sensation d’être sujet est

encore plus intense. Si les personnes étaient découragées par la barrière de la langue, peut-être

27 Edward Hopper (1882-1967), peintre et graveur Américain.

23

retrouveront-elles l’envie de s’exprimer par cette autre forme de langage. Ces trois dominantes

permettent une forme d’expression, de communication et de relation non verbale.

3.3 La peinture et le collage disposent d’une multitude de spécificités qui peuvent s’adapter à

l’individu et à l’environnement

La peinture et le collage font appel à de la matière : peinture, pinceaux, feuilles, toiles, colle,

ciseaux, papier, etc. Le matériel est varié mais surtout il impose un cadre, ne serait-ce que par

le format de la toile ou du papier qui délimite déjà la production. Disposé sur une table, il cadre

l’atelier et participe au renforcement du sentiment de sécurité. Sentiment que notre public a

souvent perdu. Plus le public va être confronté au rayonnement de ce matériel, plus son

sentiment de confiance en lui va se renforcer, surtout si le matériel est toujours disposé au

même endroit. Des rituels vont se mettre en place, l’installation de la peinture sur la palette,

l’eau dans le récipient, les allers et venus au point d’eau. L’assurance des personnes sera

développée.

De plus, la grande spécificité de ces dominantes est qu’elles salissent. Il est rare de se sortir

d’une activité de peinture ou de collage sans avoir les mains sales. Elle force donc à adapter ses

gestes, sa structure corporelle, pour effectuer un travail soigné et propre. L’hygiène est un sujet

important auprès des personnes en situation de précarité. C’est un critère qui nous permet

d’évaluer la considération que la personne porte à elle-même. C’est pourquoi on l’associe à

l’amour de soi.

La peinture propose un éventail de matériel mais surtout de structure, de matière, et d’odeur qui

favorisent les gratifications sensorielles. La douceur des pinceaux qui effleure la peau, l’odeur

de l’acrylique qui sort du tube, les couleurs disposées sur la table. L’Art I, rappelons-le, cette

Art où le ressenti corporel est favorisé, est facilement abordable. Il permet aux personnes de se

concentrer sur l’instant, sur leur ressenti corporel pur, de ressentir du plaisir à être afin de

réactivité cette saveur qui fait défaut. En connaissant bien cette dominante, il est possible de

trouver la structure et la taille du papier, le modèle, les pinceaux, les conseils, qui procureront

un maximum de ressenti corporel positif, à condition bien-sûr, de pouvoir réactiver l’envie.

Le collage permet d’élargir le champ des matériaux à l’infini. Une photographie oubliée dans

une salle d’attente, une vieille publicité trouvée par terre. La matière est transformée et réutilisée

pour former une production esthétique. Cette transformation permet un autre regard sur le

monde extérieur, il permet de regarder les choses sous un autre angle. Auprès de notre public

qui se retrouvent coincé dans des spirales de précarisation, cette transformation qui passe du

quelconque au beau, permet de changer de point de vue et offre de nouvelles possibilités.

D’un point de vue physique, le collage nécessite une certaine dextérité. Il est associé au

découpage (avec ou sans ciseaux), et engage donc tout le corps. Les morceaux obtenus sont

souvent de taille relativement petite. Quant à la colle, elle colle ! L’artiste développera sa

patience, et sa concentration.

3.4 La photographie permet au sujet de porter un regard différent sur son environnement

Claire Giboureaux, Art-thérapeute, a présenté dans son mémoire de fin d’étude un tableau

complet28 présentant les mécanismes humains impliqués dans la photographie d’Art. (Annexe

3).

Nous allons présenter les spécificités utilisées pour les personnes en situation de précarité.

28 GIBOUREAU C., La pratique de l’Art-thérapie à dominante modelage et photographie auprès

d’enfants déficients auditifs en classe pour l’inclusion scolaire. Afratapem, 2014.

24

Comme évoqué en partie A.3), le manque d’envie et la passivité sont des comportements

fréquemment observés, d’un point de vue physique avec des gestes qui deviennent plus lents et

d’un point de vue psychique avec le manque d’implication et d’engagement. La photographie

a la particularité de demander peu d’efforts physiques, et donc adaptée aux personnes qui

auraient une santé altérée et une fatigue générale.

Cette technique est attrayante. Tout d’abord par son aspect technologique qui évoque la

curiosité, mais aussi par la facilité de compréhension. L’impact esthétique est agréable est

donne envie. « Créer une atmosphère, véhiculer une nostalgie, immortaliser le moment,

apporter un point de vue personnel et laisser son empreinte sur ce qui l’entoure, constituent la

motivation profonde du photographe d’Art. »29

La photographie, tout comme le collage, permet un regard différent sur son environnement. Là

encore il est question de trouver de la beauté là où les personnes avaient l’habitude de voir de

la morosité. La photographie ouvre le champ des possibles en permettant d’exploiter différents

lieux et recoins. Elle peut amener une personne à se déplacer de l’endroit où elle est. Elle

participe à redonner à la personne une place d’acteur, avec une présence active.

3.5 La photographie instantanée facilite l’engagement, ancre un moment dans l’instant T, et

mobilise le corps et l’esprit

Lorsque l’envie est vraiment très peu présente, la photographie instantanée peut être très

intéressante. Par son côté « gadget », elle intrigue. La personne s’y intéresse d’abord comme

un jeu, mais très vite elle est touchée par le résultat esthétique. La production est instantanément

terminée et, par son côté unique, le photographe y accorde de la valeur. D’un point de vue

physique, le photographe doit être minutieux puisque le viseur est petit. Le côté instantané (et

le coût de la pellicule) oblige le photographe à accorder du temps à la préparation de la scène à

photographier. D’un point de vue sociale, la simple présence de l’appareil crée un lien entre les

personnes puisque cet appareil attire et suscite l’intérêt.

C. L’art-thérapie est une discipline paramédicale qui exploite le potentiel artistique

dans une visée humanitaire et thérapeutique

1°) L’art-thérapie se situe entre les sciences humaines et les sciences fondamentales

1.1 L’art-thérapie est l’Art au service du soin

L’art-thérapie est la profession paramédicale qui permet l’exploitation du potentiel artistique

dans une visée humanitaire et thérapeutique30. Elle est basée sur le courant humaniste, c’est-

à-dire qu’elle place l’être humain au centre de la démarche de soin. Le courant humaniste fait

ressortir l’idée du potentiel humain : la personne, animée par un élan vital, a la capacité de

s’autodéterminer et de grandir. Pour cela, l’expérience et le ressenti sont valorisés. La

dimension corporelle est intégrée.

L’art-thérapie fait partie intégrante du soin, pour autant elle ne guérit pas, mais donne envie de

guérir. C’est une discipline à part entière qui tient une place originale dans le soin. Le

professionnel de cette discipline est l’art-thérapeute. Il est sous l'autorité médicale dans le

secteur sanitaire, ou sous l'autorité administrative de l'institution dans le secteur social ou

éducatif.

Pour être dans une démarche thérapeutique, l’art-thérapeute respectera quatre points

fondamentaux qui sont développés dans ce mémoire :

- la souffrance : l’art-thérapie s’adresse à des personnes en souffrance

29 GRIL, Julien. Oeil sur la Photographie d’Art. France : Editions Books on Demand, 2013. Préface p4 30 FORESTIER R, Tout savoir sur l'art-thérapie, Ed. Favre, Lausanne, 2000

25

- l’indication : l’art-thérapeute travaille sur indication médicale (ou sur indication de l’autorité

référente dans le cadre du social)

- le protocole : l’art-thérapeute respecte un protocole de soin

- l’évaluation : elle est indispensable pour évaluer l’efficacité et la pertinence de la prise en

charge

1.2 L’art-thérapie moderne se différencie de l’art-thérapie traditionnelle et ne doit pas être

confondue avec d’autres disciplines qui utilisent l’Art dans le soin

La pratique présentée dans ce mémoire fait référence à l’art-thérapie moderne, née en 1979

fondée sur les travaux tourangeaux de l’Afratapem. Elle est à dissocier de l’art-thérapie

traditionnelle qui est une forme de psychothérapie à médiation artistique (née dans les années

60). L’art-thérapie traditionnelle est une approche analytique ou interprétative centrée sur

l’expression symbolique de la souffrance.

Ainsi il est important de rappeler que l’art-thérapie moderne n’est en rien une psychothérapie.

L'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité

humaine et la santé. Son objectif est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités

humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Si l’ergothérapeute utilise souvent

l’activité artistique, il se situe dans le champ du savoir-faire.

L’animateur à un objectif occupationnel. Il se doit de faire passer un moment agréable sans

objectif thérapeutique ni éducatif.

Enfin, l’atelier d’Art permet l’apprentissage d’une technique, d’un savoir-faire. Il n’est pas

voué au soin et s’adresse à tous. Des ateliers d’Art dit « adaptés » peuvent d’adresser à des

publics déficients mais encore une fois l’objectif ne sera pas thérapeutique.

1.3 L’art-thérapie est indiquée pour les troubles de l’expression, de la relation et de la

communication

L’Art-thérapie est indiquée pour des personnes en souffrance physique ou psychique ayant des

troubles de l’expression, de la communication et de la relation, et de manière générale, des

pénalités existentielles. Ce cadre définit un vaste champ d’intervention.

1.4 L’art-thérapie a la particularité de valoriser les parties saines* de la personne afin de créer

des boucles de renforcement* positives

Une des grandes caractéristiques de l’art-thérapie moderne est la valorisation de la partie saine

du patient. La partie saine caractérise ce qui fonctionne chez la personne, d’un point de vu

physique, psychique, et social, sans chercher à en expliquer la cause.

En se basant sur les parties saines, l’art-thérapeute met tout en œuvre pour accompagner la

personne en travaillant sur le ressenti, les gratifications sensorielles, et le plaisir esthétique.

Il est ensuite supposé que la répétition d’expériences positives va modifier la saveur (la qualité

de ressenti de la sensation perçue). Cette répétition d’expériences positives va créer une boucle

de renforcement positive « je prends du plaisir dans l’activité donc je continue l’activité, je

prends du plaisir dans l’activité donc je recommence l’activité, je m’engage dans l’activité donc

je prends du plaisir dans l’activité ».

En cela l’art-thérapie se rapproche parfois des théories comportementales. Il est cependant

important de rappeler la grande particularité de l’art-thérapie : la partie saine. Contrairement à

certaines thérapies comportementales et cognitives (TCC), l’art-thérapie ne confronte jamais le

patient ni à ses difficultés ni à ses peurs.

26

2°) Les outils de l’art-thérapeute sont spécifiques et originaux et utilisent l’Art

comme processeur thérapeutique

2.1 La prise en charge en art-thérapie s’organise grâce au protocole de soin

Le protocole de soin est l’ensemble des éléments qui constituent l’intérêt, la faisabilité, et la

réalisation de la prise en charge thérapeutique. Le protocole thérapeutique est commun à toutes

les disciplines paramédicales, le protocole art-thérapeutique propose ses moyens, méthodes et

outils spécifiques.

Tableau 4- Le protocole de soin en art-thérapie

Indication

Rencontre

Etat de base

Objectifs thérapeutiques

Séances

Bilan

L’art-thérapeute reçoit une indication pour

un patient qui est orienté pour une prise en

charge en art-thérapie. Une première

rencontre permet à l’'art-thérapeute de faire

connaissance avec le patient de manière

informelle. Il remplit une fiche d’ouverture

avec les premières informations collectées.

L’art-thérapeute constitue un état de base* à

partir des éléments de l’anamnèse* du

patient et ceux de la fiche d’ouverture. L’état

de base recueille les informations sur les

capacités sensorielles, motrices, cognitives,

relationnelles de la personne, des notes sur

son comportement (en faisant au mieux la

distinction entre ce qui est de l’ordre de la

personnalité et ce qui est de l’ordre de la

pathologie ou encore des effets secondaires

de traitements médicamenteux), ainsi que des

informations sur ses goûts, ses intentions

sanitaires et artistiques.

L’art-thérapeute définit les objectifs thérapeutiques généraux et intermédiaires qui

permettront de répondre à l’indication et aux souffrances de la personne. Il met au point une

stratégie thérapeutique*.

Les séances permettent d’atteindre les objectifs et d’établir l’évaluation générale à l’aide

d’observations répertoriées dans la fiche d’observation. En parallèle, un programme

d’accompagnement de soin (PAS*) peut être mis en place avec l’équipe pluridisciplinaire.

Le bilan général de la prise en charge est transmis à l’équipe en mentionnant les conclusions

et limites de la prise en charge, ainsi que d’éventuelles recommandations.

2.2 L’opération artistique* est un outil théorique qui permet de déterminer les sites d’actions*

et les cibles thérapeutiques* afin de déterminer une stratégie thérapeutique

L’un des outils principaux de l’art-thérapeute est l’opération artistique (OA). C’est un outil

théorique qui représente l’interface entre les mécanismes humains et les mécanismes

artistiques. (Schéma 4)

Il permet de localiser les sites d’actions (SA), soit les difficultés ou problématiques liées au

patient, ainsi que les cibles thérapeutiques (CT), soit les mécanismes sur lesquels l’Art-

thérapeute va s’appuyer pour atteindre les objectifs fixés.

Dans la suite de ce travail, nous nous baserons sur cet outil théorique en faisant référence aux

phases de l’opération artistique. Nous utiliserons des chiffres entre parenthèse pour se localiser

27

sur le schéma. (Exemple : (6) : correspond à la phase où la personne se met en action. Elle

utilise un savoir-faire ou une technique).

L’avant : histoire du patient, contexte socio-culturel, familial

1: Une œuvre d’Art existe, c’est le point de départ

2 : L’œuvre d’Art rayonne d’un point de vue physique

3 : L’œuvre d’Art est captée par nos sens, c’est un traitement archaïque effectué au niveau du système limbique, de

l’ordre du ressenti corporel. Si notre intégrité physique ou psychologique est mise en danger, il peut y avoir un

réflexe et un arrêt de la captation.

4 : Traitement sophistiqué : mémoire, connaissances, capacités cognitives. C’est le début de l’intention, le corps se

structure

5 : Elan et poussée corporelle. Le corps, structuré, réponds aux intentions.

5’ : La contemplation de l’œuvre. Elle implique une intention.

6 : Action : savoir-faire et technique, impliquant la motricité du corps dans une activité orientée vers l’esthétique

(ou au contraire un acte volontaire non orienté vers l’esthétique).

7 : Production artistique

8 : Traitement mondain. L’œuvre est montrée à l’autre, avec éventuellement des critiques en retour

1’ : La nouvelle œuvre ainsi produite rayonne à son tour

La stratégie thérapeutique est l’organisation théorique des méthodes et moyens

thérapeutiques au regard des éléments de l’anamnèse et de l’état de base qui permettra de

répondre aux objectifs thérapeutiques.

Il s’agit donc au vue de l’état de base de repérer les sites d’actions pour cibler son travail

thérapeutique. Après avoir défini des objectifs généraux, l’art-thérapeute, suit un cheminement

thérapeutique. Au cours de la prise en charge, l’Art-thérapeute peut donc être amené à

redéfinir des objectifs intermédiaires pour atteindre les objectifs généraux, rajoutant ainsi des

niveaux d’organisation (NO) sur ce cheminement thérapeutique.

Le phénomène artistique représente la partie visible de l’OA, il correspond à l’intention,

l’action et la production.

4

1

3

2

5’

5

6

7 1’

Monde extérieur

Monde intérieur

8

Impression Expression

L’avant

(Histoire, culture)

Schéma 4- L'opération artistique

Acte Volontaire Non

Orienté vers l’Esthétique Réflexe

INTENTION

ACTION

PRODUCTION

28

2.3 La fiche d’observation adaptée à chaque patient est un outil de suivi et contrôle de l’art-

thérapeute

La fiche d’observation est l’outil qui accompagne l’art-thérapeute à chaque séance. Elle

permet de réaliser une évaluation grâce à des items* devant être le plus objectifs possible. Elle

sert de mémoire à l’Art-thérapeute, synthétise le travail de chaque séance, et permet de constater

l’évolution du patient au fur de la prise en charge. Une fiche existe pour chaque patient, elle

peut comporter des items spécifiques à la personne et elle est évolutive. Les items de la fiche

d’observation nous permettent d’évaluer les objectifs fixés pour la prise en charge.

La fiche d’observation sert de base à la rédaction des bilans transmis à l’équipe

pluridisciplinaire.

2.4 Le cube harmonique* permet une auto-évaluation du Bon, du Bien et du Beau, basée sur la

théorie de l’Art opératoire

Le cube harmonique est un outil d’auto-évaluation basé sur la théorie des 3B à l’initiative de

Richard Forestier.

Le but de cet outil est de synthétiser par une forme cohérente et connue les trois composantes

de la spécificité artistique : le Bon, le Bien et le Beau. « C’est une modalité objective qui permet

de mettre à jour la subjectivité des personnes »31.

Ainsi, la personne répond à 3 questions, en donnant une note de 1 à 5, 1 étant la note minimale.

Ces 3 cotations peuvent être représentées sous la forme d’un cube ou de manière simplifiée

(histogramme).

Le cube harmonique peut avoir une fonction de processeur sur le patient, c’est-à-dire

provoquer une réaction positive devant la possibilité d’épanouissement de son goût, son style

et son engagement personnel dans l’activité. Il participe alors au développement de la faculté

critique.

Tableau 5- L'autoévaluation du Bon, du Bien et du Beau

Notion Description Question posée à la personne

Bon Relatif au plaisir éprouvé, à l’envie de

recommencer

"Est-ce que j’ai éprouvé du plaisir ?"

Bien Relatif aux techniques et au savoir-

faire

"Est-ce bien fait ?"

Beau Relatif au jugement esthétique "Est-ce que cela me plaît ?"

3°) La pratique de l’art-thérapie auprès d’un public de personnes en situation de

précarité permet grâce aux pouvoirs de l’Art de mettre la personne en action en

retrouvant l’envie et l’élan

3.1 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie instaure un cadre et une

relation bienveillante

En plus du cadre instauré par la dominante, l’art-thérapie instaure un cadre plus large : celui de

la séance. Une prise en charge est cadrée par un nombre de séances, une fréquence, une tranche

horaire, une durée de séance, et un lieu ou espace dédié. Tous ces points qui instaurent une

certaine routine renforcent le sentiment de sécurité de la personne accueillie.

Auprès d’un public qui présente un comportement passif, et où l’envie de s’engager dans un

projet est encore faible voire inexistant, la durée de la séance est importante. En effet, il est plus

31 FORESTIER R, Tout savoir sur l'art-thérapie, Ed. Favre, Lausanne, 2012

29

facile de faire un effort quand l’on sait que l’activité sera terminée dans 45 minutes par exemple.

Un jour et une fréquence fixe pour les séances sont également nécessaires pour favoriser

l’engagement.

Enfin, la bienveillance dans la relation thérapeute/patient est une qualité fondamentale que doit

posséder l’art-thérapeute. Associée au non jugement de la personne, elles sont deux principes

nécessaires pour que la personne puisse s’exprimer et pour que les effets de l’Art puissent

opérer. La bonne relation thérapeute/patient, appelée l’alliance thérapeutique, doit s’établir

très vite afin de renforcer le sentiment de confiance en l’autre et de poursuivre la prise en

charge.

3.2 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par l’impression artistique,

stimule les mécanismes sensoriels humains

C’est la multiplication d’impressions gratifiantes qui va orienter le patient vers l’intention

esthétique et la volonté de se mettre en action. Pourtant il ne suffit pas de présenter un tableau

de Picasso à une personne sans domicile qui vient de se faire opérer des dents pour que celui-

ci se mette en action.

Le début de la prise en charge est un moment délicat à bien préparer quand l’art-thérapie

s’adresse aux personnes en situation de grande précarité. L’art-thérapeute va devoir dans un

premier temps analyser les mécanismes humains et identifier les mécanismes défaillants. Il ne

cherchera pas à les corriger mais il est important de les identifier pour ne pas mettre la personne

en situation d’échec, ou pire, pour ne pas voir la personne abandonner la prise en charge. En

parallèle, il va récolter un maximum d’informations dans son état de base pour proposer des

stimulations adaptées aux goûts et aux capacités de la personne.

Progressivement, par la mise en place d’une stratégie thérapeutique, l’art-thérapeute pourra

exploiter les spécificités de la peinture, du collage ou de la photographie pour obtenir un

maximum de gratifications sensorielles.

3.3 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par la réalisation d’une

production, stimule la capacité à faire et à refaire

La capacité à faire et à refaire est directement liée à la confiance en soi. Ainsi, à partir du

moment où la personne se met en action, elle est déjà en mesure de développer sa confiance en

elle. L’action commence par la contemplation. En effet, la simple contemplation d’une œuvre

est un acte volontaire orienté vers l’esthétique. Cependant, l’art-thérapeute va favoriser

l’engagement dans la réalisation d’une production basée sur des techniques et savoir-faire.

L’enrichissement des connaissances va directement participer au renforcement de la confiance.

C’est parce que la personne maitrise de mieux en mieux la technique de l’acrylique où la

maitrise de l’appareil photo numérique qu’elle aura envie de continuer. Une première boucle

de renforcement apparait qui vient renforcer la confiance : Action (6) > Production (7) >

Enrichissement des connaissances (4) > action (6) > Production (7).

Grâce aux variétés de possibilités de travail de la peinture, du collage et de la photographie,

l’art-thérapeute pourra favoriser les choix de la personne, ce qui participera au renforcement

de son autonomie*.

3.4 L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie, par l’accompagnement

personnalisé vers la recherche de l’esthétique, favorise les gratifications sensorielles qui

viennent renforcer l’engagement dans l’activité et la réalisation d’une production

L’art-thérapeute va favoriser les gratifications sensorielles en utilisant tous les outils dont il

dispose. La personne verra sa production correspondre de plus en plus à son idéal esthétique et

sa propre production lui procurera des gratifications sensorielles. Il s’agit ici d’une autre boucle

de renforcement possible : Gratification sensorielles (3) > Action (6) > Production (7) >

Gratification sensorielles (3).

30

3.5 Cette production, comme affirmation de la personnalité, est source de relation avec l’autre

et avec l’environnement

La production ainsi obtenue appartient à l’artiste. Lui seul peut décider de son devenir. L’art-

thérapeute, en fonction de l’indication et de l’objectif thérapeutique, peut orienter ou non la

personne vers la mise en valeur de sa production de manière sécurisée, voir progressive. Cette

étape correspond au traitement mondain de l’OA. L’exposition et l’acceptation des critiques en

retour peut créer une nouvelle boucle de renforcement valorisante. Puisque l’œuvre (7) est

montrée (8), elle existe et elle témoigne de la présence et de la personnalité de l’artiste. Cela

vient renforcer la saveur existentielle (3) et donc l’amour de soi (3), la confiance en soi et en

l’autre (6)(7)(8). L’exposition peut créer un lien avec son environnement et être source de

relation (8).

D. Au regard des différents éléments observés, nous posons l’hypothèse suivante :

L’art-thérapie à dominantes peinture, collage et photographie permettrait de

redonner une place de sujet aux personnes en situation de précarité en renforçant

la confiance en soi, en l’avenir et en l’autre.

1°) Plusieurs mémoires relatent des effets positifs de l’art-thérapie auprès des

personnes en situation de précarité mais aussi des limites

Tableau 6 - Comparaison de deux mémoires d'art-thérapie

Nom, Prénom, Année,

Diplôme

Cédric LEFEVRE

2011, Diplôme Universitaire

Sandie MEILLERAIS 2015,

Certification Afratapem

Hypothèse L’art thérapie peut aider à

l’amélioration de la qualité de vie des

personnes en situation de précarité et

d’exclusion sociale

La pratique des arts plastiques avec les

personnes souffrant d’exclusion sociale

facilite la communication et réengage

la personne dans l’espace, le temps et

la relation avec autrui par la

revalorisation de son estime

personnelle.

Public Personnes en situation de précarité et

d’exclusion sociale

Personnes souffrant d’exclusion sociale

dans un CCAS*

Dominantes Arts plastiques Arts plastiques

Bilan Estime de soi sensiblement améliorée

qui a participé à l’émergence d’envie,

de désir et de projet

Renforcement de la confiance des

personnes, et de leur capacité de

projection autonome dans l’avenir

Limites - Limites liée à la structure elle-même

et à son fonctionnement (absence d’une

équipe pluridisciplinaire, pauvreté de

l’information au sujet des

Participants)

- Limites liées au public et à la

difficulté du suivi (faible nombre de

participations régulières, 4

essentiellement, participation incertaine

d’une séance à l’autre)

- Limites liées à l’évaluation elle-même

des séances d’art-thérapie (

difficulté à discerner l’impact de

l’atelier de celui de l’environnement

très prégnant pour ce public.

Le volontariat et le libre accès aux

soins favorisent l’absentéisme aux

séances d’art-thérapie.

L’estime de soi est renforcée mais trop

fragile pour obtenir de meilleure

relation sociale

31

2°) Dans tout projet de réinsertion, reprendre sa place de sujet est indispensable

2.1 La notion de sujet est liée à la notion de « conscience de soi »

La notion de sujet évoquée dans l’hypothèse fait écho à la notion de « conscience d’être », qui

a été abordée par de nombreux philosophes, à commencer par Descartes au XVIIème siècle.

Il n’est pas question dans ce travail d’entrer dans des débats philosophiques, psychologiques,

ou psychanalytiques, mais de définir la « place de sujet » telle qu’elle est entendue dans ce

mémoire, auprès du public ciblé.

Devant l’attitude « passive » des personnes en situation de précarité, il est question de les

amener à une attitude où elles seront « actrices ». Pour cela, l’action seule n’est pas suffisante,

puisqu’il est possible d’agir de manière désintéressée ou de manière assistée. Il faut également

agir avec intention, être capable d’engagement, de présence active. Occuper une place de sujet,

c’est retrouver une meilleure harmonie entre la saveur et le savoir. (Voir paragraphe 2.4 p.12).

Ainsi l’art-thérapie, en se basant sur les propriétés de l’activité artistique (B .2°.2.2 page 11)

et les spécificités de la peinture, du collage et de la photographie (3°page 13), qui peuvent

tous deux améliorer la confiance en soi, en l’avenir et en l’autre, permettrait aux personnes

en situation de précarité d’agir à nouveau avec intention, et de s’engager dans un projet en

tant que sujet.

2.2 Dans un contexte où la notion d’assistance n’a pas toujours bonne réputation, l’art-thérapie

propose une approche basée sur l’action

Dans les structures d’aide médico-sociales, le public est toujours dans l’attente d’une aide. Une

aide pour ses démarches administratives, une aide financière, une aide alimentaire, ou encore

une aide psychologique. La notion « d’assistanat » a parfois mauvaise réputation car l’on

pourrait croire qu’un aidant de plus viendrait renforcer cette attitude passive.

Furtos évoque ce point : « Je reste stupéfait », ajoute-t-il, « que la notion d’assistance soit

devenue aussi dévalorisée depuis quelques années, comme s’il s’agissait d’une perversion

avérée. Assister une personne en difficulté n’a rien de péjoratif. Par contre, il convient d’en

connaître les effets pervers, comme l’on parle des effets iatrogènes de certaines thérapeutiques

médicales. La chronicité, l’impression de « tonneau des danaïdes » à remplir en permanence

peut d’autant plus décevoir qu’on se trouve en pleine idéologie de l’autonomie. Par contre, on

insiste avec juste raison sur l’intérêt de faire « avec » les gens qui ont des droits, des devoirs et

des compétences à ne pas sous-estimer »32.

La prise en charge en art-thérapie respecte tout à fait les recommandations de Furtos.

L’engagement de la personne dans le projet artistique est d’ailleurs indispensable pour obtenir

les effets voulus sur le renforcement de la confiance en soi, en l’avenir et en l’autre.

32 FURTOS J., Epistémologie de la clinique psychosociale, la scène sociale et la place des psy, Pratiques

en Santé Mentale, n°1, 2000

32

PARTIE II – Une étude clinique auprès de deux adultes en situation

précaire accueillis au sein d’une structure médico-sociale d’hébergement

temporaire nous permet d’évaluer l’impact de l’art-thérapie sur

l’accompagnement vers un projet de sortie.

A. La Halte Santé est une structure médico-sociale d’hébergement temporaire qui

accueille des personnes en situation de grande précarité

1°) La Halte santé est un acteur majeur dans la prise en charge de la précarité à

Toulouse

1.1 Les Lits Haltes de Soin Santé sont nés d’une expérience du fondateur du Samu social

Les ancêtres des Lits halte soins santé (LHSS*) ont été mis en place à titre expérimental en

1993 par le Docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du Samusocial. Il s’agissait de Lits

d’hébergement de soins infirmiers pour accueillir « des personnes en situation de grande

exclusion dont l’état de santé physique ou psychique nécessitait un temps de repos ou de

convalescence sans justifier d’une hospitalisation » afin de les soigner.

Deux textes sont ensuite venus pérenniser ces lits d’hébergement sous l’appellation Lits halte

soins santé (LHSS). Il y eut d’abord la loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 relative au

financement de la sécurité sociale pour 2006, puis le décret 2006-556 du 17 mai 2006, relatif

aux conditions d’organisation et de fonctionnement des structures dénommées « Lits halte soins

santé ».

A Toulouse, c'est en 1995 que l'Association Soleil crée des lits infirmiers dénommés « Halte

Santé » et en assure la gestion jusqu’en 2006. Le CHU de Toulouse, qui était déjà impliqué

dans le projet dès son démarrage, prendra ensuite le relais de la gestion de cet établissement.

1.2 La Halte Santé fait partie de l’unité fonctionnelle Santé Précarité du pôle santé publique et

médecine sociale du CHU de Toulouse

La Halte Santé est rattachée au pôle santé publique et médecine sociale, l’un des 5 pôles

médicotechniques du CHU de Toulouse (sur les 25 pôles que comptent l’établissement). Elle

fait partie au sein du pôle d’une unité fonctionnelle Santé Précarité, regroupant la PASS*

(Permanence d’accès aux soins de Santé), l’EMSS* (Equipe Mobile Sociale et de Santé) et la

Halte Santé. Le pôle est sous la direction du chef de pôle Pr Jean-Marc SOULAT.

1.3 La Halte Santé se place au cœur du dispositif de prise en charge médico-sociale de la

précarité à Toulouse

La précarité en Midi-Pyrénées, ne cesse de s’accroître depuis plusieurs années. Cette région est

particulière puisque son poids démographique repose essentiellement sur le département de la

Haute Garonne, où l’agglomération toulousaine joue un rôle primordial.

La Halte Santé s’inscrit dans une démarche de prise en charge globale et se place ainsi au cœur

du dispositif de prise en charge médico-sociale de la précarité à Toulouse.

Elle intervient aussi bien dans la promotion de l’accès aux droits, aux soins et à la citoyenneté.

Elle est en lien étroit avec l’EMSS et les autres acteurs de rue pour favoriser la continuité des

prises en charge. Elle travaille à accompagner le retour des personnes en situation de précarité

vers le droit commun : renouer avec la médecine de ville, favoriser l’accès en structure adaptée

si besoin (FAM, EHPAD*, ACT*…).

33

Schéma 5- La Halte santé au cœur des dispositifs de la précarité à Toulouse

2°) Au-delà du soin, l’équipe pluridisciplinaire a pour mission l’accompagnement

vers la réinsertion sociale

2.1 Une équipe pluridisciplinaire travaille au service des résidents au sein des locaux de

l’Hôpital La Grave dans le centre-ville de Toulouse

L’équipe pluridisciplinaire est composée de 3 médecins cliniciens, 2 infirmiers, une assistante

sociale, un éducateur spécialisé, un maître de maison et des veilleurs de nuits.

L’encadrement est assuré par un médecin coordonnateur, un cadre supérieur de santé, un cadre

de santé et le directeur de pôle.

La Halte Santé est située au sein de l’Hôpital La Grave. L’établissement dispose de 8 chambres

simples avec cabinets de toilette communicants, de 2 chambres doubles pouvant accueillir un

couple si besoin, et de 4 chambres individuelles, soit 16 places. Les résidents y sont accueillis

24h/24 et 365 jours par an.

En dehors des espaces privatifs, un espace collectif regroupe : une pièce à vivre, une cuisine,

une salle télévision, un fumoir, deux sanitaires avec douche, deux wc, une buanderie, quatre

bureaux, un local de rangement.

2.2 Le public accueilli à la Halte Santé est hétérogène

La Halte Santé accueille en moyenne 118 personnes différentes chaque année pour environ 175

séjours avec des durées moyennes de séjour de 3 semaines et un taux de remplissage optimum.

Certaines personnes sont accueillies pour des longs séjours de plusieurs mois voire années.

Le profil type des personnes accueillies se déclinerait comme suit :

L’accès à l’hébergement/

logement Centre d’hébergement d’urgence

(Escale, la Ramée, Antipoul,

Riquet, Vélane etc.)

Places rue

CDEF

Maison Goudouli

Maison tremplin (PACT)

Structures d’hébergement,

d’insertion et de logement adapté

Halte de nuit…

L’accès aux soins Le SAMU

Les urgences hospitalières

CHU Toulouse

Hôpital Marchand

Hôpital Joseph Ducuing

PASS

CMP

Cliniques

Infirmiers libéraux

Médecins du monde

L’accès aux droits Service des tutelles

Maison des solidarités (conseil

départemental)

CCAS de Toulouse

Services sociaux des hôpitaux

CPAM*

CRAM*

CAF*

MDPH*

Pôle emploi…

Les acteurs de la rue Médecins du monde/GAF

Croix rouge

Secours catholiques

Restos du cœur

Secours populaire

Boutique solidarité

Point Santé

Les a

cteurs p

ub

lics

Veille sociale EMSS

115

PAIO

Halte

Santé

Dro

it c

om

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Per

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etc

.

34

Un homme (81,5 % d’hommes)

Entre 26 et 50 ans (âge moyen des accueillis : 45 ans)

Vivant à la rue ou dans un habitat précaire dans 81% des cas

Ne jouissant pas de revenus (43% des personnes accueillies)

Bénéficiant de la CMU* (de base voir de la CMU-C (43% bénéficient de la CMU de

base et 35% de la CMU-C).

18% des accueillies bénéficient d’une AME* (Aide Médicale de l’Etat).

Leur état de santé est généralement très dégradé :

20% des personnes sont admises pour altération de l’état général (problématique de

santé justifiant l’admission)

Il existe des poly-pathologies - dont des troubles psychiques - pour 46% des

personnes

La majorité présente des conduites addictives, dont 35% liées à la consommation

d’alcool

Bien que ces tendances permettent de décliner un profil type des personnes accueillies, ce public

reste très hétérogène, présentant notamment une importante diversité culturelle.

Le cumul de problématiques qui caractérise certaines personnes en situation de précarité

demande une offre de prestation diversifiée, personnalisée, pluridisciplinaire et coordonnée.

2.3 Les missions de la Halte Santé dépassent la simple vision biomédicale

La Halte Santé accueille des femmes et des hommes majeurs, sans résidence stable, quelle que

soit leur situation administrative et dont l’état de santé nécessite des soins ponctuels et un suivi

médical, mais ne relèvent pas d’une hospitalisation.

Il y a une offre de soins médicaux ou paramédicaux, un suivi thérapeutique, un

accompagnement social, une offre de prestations d’animation et une éducation sanitaire

La Halte Santé s’inscrit dans un objectif global de promotion de la santé, décrit dans la charte

d’Ottawa.33. La santé est appréhendée dans sa dimension médico-psycho-sociale.

L’équipe sociale aide le résident dans l’accès à ses droits de santé et ses droits sociaux. Elle

accompagne la personne vers l’autonomie et la citoyenneté, et travaille sur la sortie qui est

dans la plupart des cas un moment difficile. L’équipe médico-sociale s’assure également du

bien-être du résident et lui offre un espace de parole, d’écoute et de soutien.

Dans cette optique de « prendre soin » et d’accompagner vers la réinsertion, la prise en charge

en art-thérapie trouve tout à fait sa place.

33 Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé - 21 novembre 1986 : La promotion de la santé est le

processus qui confère aux populations les moyens d'assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et

d'améliorer celle-ci. La santé est perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la

vie ; il s'agit d'un concept positif mettant en valeur les ressources sociales et individuelles, ainsi que les capacités

physiques. Ainsi donc, la promotion de la santé ne relève pas seulement du secteur sanitaire : elle dépasse les

modes de vie sains pour viser le bien-être. Les conditions et ressources préalables sont, en matière de santé : la

paix, un abri, de la nourriture et un revenu. Toute amélioration du niveau de santé est nécessairement solidement

ancrée dans ces éléments de base.

35

B. Des ateliers d’art-thérapie ont vu le jour à la Halte Santé

1°) Une prise en charge en art-thérapie a complété le programme de soin de quatre

résidents

1.1 L’art-thérapie a été présentée à l’équipe médico-sociale

L’art-thérapie était très peu connue de l’équipe administrative et médico-sociale. La discipline

et les intérêts pour les résidents de la Halte Santé ont été présenté afin d’obtenir l’accord pour

la mise en place de ce stage. De manière plus générale, l’art-thérapie moderne est très peu

représentée dans la région Midi-Pyrénées. Deux diplômes universitaires d’art-thérapie existent

à Toulouse mais sont orientés vers l’art-thérapie traditionnelle avec des pratiques très éloignées.

De plus, ces diplômes ne délivrent pas la certification officielle pour le titre d’art-thérapeute

validé par l’Etat. Dans ce contexte, il est primordial que la discipline soit présentée de manière

claire pour éviter toute confusion. C’est ainsi qu’une expérience d’art-thérapie s’est mis en

place pour la première fois auprès des résidents de la Halte Santé de Toulouse. Le stage s’est

déroulée du 24 août 2016 au 19 octobre 2016, représentant un total de 90 heures. L’art-

thérapeute stagiaire sera désigné ATS* dans ce mémoire.

1.2 La réunion médico-sociale a permis une première présentation des résidents

Chaque mardi après-midi, l’équipe médico-sociale se réunit pour discuter du parcours de soin

des résidents. C’est à cette occasion que l’assistante sociale (AS*), autorité référente pour cette

expérience d’art-thérapie, a donné les indications pour 4 résidents, en collaboration avec

l’équipe médico-sociale.

1.3 Des indications ont été données pour quatre résidents

Tableau 7- Indications reçues pour quatre résidents de la Halte Santé

Résident Anamnèse résumée Indication

Marc 48 ans. A été retrouvé à la rue dans un état

déplorable de santé en perte d’autonomie

totale. A la Halte depuis 3 mois suite à une

hospitalisation de plus d’un mois.

Diminuer l'anxiété et développer l'autonomie de

Marc afin de l’accompagner dans sa transition

vers un nouveau logement.

Hector 62 ans. A la Halte depuis 4 ans, en

demande de régularisation de séjour en

France pour se soigner. Ne parle pas

Français. Gros problèmes pulmonaires.

Favoriser un autre type d’expression car Hector

n'a pas l'occasion de s'exprimer étant donné la

barrière de la langue. L’impliquer dans une

activité qui lui fasse plaisir.

Sarah 27 ans. Polytoxicomane. A effectué 2

séjours de 2 semaines à la Halte suite à

une intervention chirurgicale (ablation de

plusieurs dents + traitement d’un abcès).

Sevrée depuis quelques semaines mais

situation fragile. S’énerve vite, peut être

agressive et violente.

Travailler sur les comportements agressifs et

violents. Accompagner Sarah vers la sortie,

garder un lien avec elle le temps de la transition

vers sa nouvelle situation.

Fabien 40 ans. Alcoolisme. Tumeur au cerveau.

Séjour à la Halte de 2 mois et demi et

sortie vers un appartement thérapeutique.

Sevré depuis quelques mois.

Travailler la gestion de la frustration et de

l’agressivité. Travailler le respect du cadre et des

limites. Accompagner Fabien dans cette phase de

transition pour qu’il s’adapte à son nouvel

hébergement en maintenant un lien avec la Halte-

Santé.

1.4 Les séances d’art-thérapie doivent s’adapter au cadre institutionnel

Le public accueilli souffrant d’un manque de confiance en soi et en l’autre, la prise en charge a

été souhaitée en atelier individuel pour ces 4 personnes.

36

Le bureau des médecins a été mis à disposition les matins ou après-midi où il était disponible.

Il s’agit d’un espace clos de 9m2 donc relativement petit mais comportant un point d’eau

(nécessaire pour la dominante peinture). Cet espace privé a permis d’instaurer un cadre

sécuritaire rassurant et de favoriser la relation entre l’ATS et le résident.

D’un point de vue matériel, la Halte Santé a pris en charge une commande de matériel divers

en Arts plastiques.

2°) Un protocole de soin est mis en place pour assurer les prises en charge

2.1 Un tableau présente le protocole mis en place pour les résidents qui ont reçu une indication

en art-thérapie

Tableau 8- Protocole de soin art-thérapeutique

mis en place à la Halte Santé

Indication

Donnée par l’AS, validée par l’équipe médico-

sociale en réunion d’équipe

1ère Rencontre

(Résident + AS + ATS)

Etat de base

Echange avec les infirmières

Accès aux dossiers médicaux sociaux

Séance d’ouverture d’une heure

Objectifs thérapeutiques

Stratégie thérapeutique unique pour chaque

résident

Moyens et méthodes

Séances

Fiche d’observation

Evaluation, autoévaluation si possible

Bilan écrit transmis à l’AS

Présentation orale à l’équipe

La première rencontre avec le résident s’est

faite en présence de l’AS. C’est elle qui a

présenté l’indication et qui a expliqué au

résident dans quel intérêt elle souhaitait

l’orienter vers cette prise en charge, dans le

contexte de son séjour et de sa réinsertion.

Cette étape était importante pour favoriser

l’engagement de la personne dans le projet.

Un entretien individuel avec l’AS, puis

l’infirmière a permis de récolter un maximum

d’informations afin de compléter l’état de

base du résident. Un dossier médico-social

était également à la disposition de l’ATS.

Malgré les efforts de l’équipe, l’anamnèse

n’est pas toujours complète pour certains

résidents aux parcours complexes.

Une séance d’ouverture permet de

compléter l’état de base et de se renseigner

sur les goûts et capacités du résident.

Etant donné la variété des profils et des

problématiques, la stratégie thérapeutique

a été élaborée pour chaque personne.

L’auto-évaluation a été proposée dans la

mesure du possible. En effet, la barrière de la

langue l’a parfois rendue impossible (voir cas

de Hector).

2.2 Une séance d’ouverture est programmée pour chacun des résidents

La séance d’ouverture est la première rencontre avec le résident, c’est un moment clé de la

prise en charge. Les objectifs sont multiples :

- Compléter l’état de base comme expliqué précédemment, mais surtout :

- Poser un cadre thérapeutique

- Etablir une alliance thérapeutique

- Présenter l’atelier d’art-thérapie

- Découvrir les goûts de la personne

37

Etant donné que le public présente un manque d’envie, parfois de l’anxiété face aux situations

nouvelles, et surtout un manque de confiance en soi, la séance d’ouverture doit être cadrée,

dirigée, et rythmée. Pour certaines personnes présentant de fortes personnalités et des risques

de comportement agressif, la séance doit également leur permettre d’exprimer leur personnalité.

Cette séance est décisive car les résidents décident ou non de leur participation et n’hésitent pas

à abandonner le projet. Il faut observer un maximum d’éléments afin d’adapter la séance à la

personne. Ces éléments correspondent à des items récoltés dans une fiche d’ouverture.

Certains seront repris dans la fiche d’observation utilisée pour chaque séance.

La séance d’ouverture a été organisée en 5 séquences, sous forme d’exercices. (Tableau 9)

Tableau 9- Organisation de la séance d'ouverture

Séq. Description Items observés 1

Accueil, rencontre, présentation de

l’atelier d’art-thérapie, discussion autour

des objectifs sanitaires et artistiques du

résidents

Capacités

d’expression,

de

communication,

de relation.

Anxiété

Attitude corporelle

2 Contemplation d’œuvres plastiques

(peintures, dessins, photos, objets) et

sélections des œuvres qui me plaisent/qui

ne me plaisent pas.

Plaisir exprimé (verbalement,

corporellement)

Plaisir ressenti d’après l’ATS

Souvenirs évoqués

Compréhension des consignes

Difficultés à réaliser l’exercice

Capacité à exprimer ce qu’il aime

Capacité à exprime ce qu’il n’aime pas

3 Ecoute d’œuvres musicales et expression

de ses goûts (j’aime, je n’aime pas),

donner une couleur et un pays qui nous

fait penser à la musique

4 Test de différents supports et mediums

artistiques (papiers, peintures, feutres,

crayons, fusain, collage…).

Investissement de l’espace

Mobilisation de son corps

Engagement dans l’exercice

Curiosité

Pose des questions

Demande de l’aide

Exprime ses préférences d’outils

Prise d’initiatives

5 Bilan et projection vers les prochaines

séances

Capacités de projection

Intérêt pour le projet

2.3 Des outils d’évaluation sont mis en place pour suivre l’avancée de la prise en charge

Pour suivre l’évolution des prises en charge, une fiche d’observation générale est utilisée.

(Annexe 4) Cette fiche d’observation est tirée du modèle de C.Lefèvre34, art-thérapeute, adapté

par J.Athané35, art-thérapeute. Des faisceaux d’items ont été modifié pour mieux s’adapter à la

prise en charge. De nombreuses informations sont observées, mais seuls les items relatifs à

l’évaluation des objectifs généraux et intermédiaires sont utilisés. En fonction des individus,

des items spécifiques sont ajoutés à la fiche d’observation. Nous rappelons que celle-ci est

individuelle et évolutive en fonction de l’évolution de la prise en charge.

34 LEFEVRE, C. Evaluation de l’impact de l’Art-thérapie à dominante arts plastiques sur l’estime de soi

auprès de personnes en situation de précarité et d’exclusion sociale, Mémoire de fin d’études du Diplôme

Universitaire d’Art-thérapie de la Faculté de Médecine de Grenoble, 2011 35 ATHANE J., La saveur en Art et sa fonction régulatrice de l’estime de soi dans la pratique Art-

thérapeutique, Intervention, Fondements théorique et pratiques, Lyon 2016

38

C. Les suivis de Marc et Hector confrontent la pratique clinique à l’hypothèse de

travail

1°) Marc a reçu une indication en art-thérapie dans le but de développer son

autonomie en vue de préparer sa sortie dans un nouveau logement

1.1 L’anamnèse de Marc révèle un parcours de vie difficile et un enchainement de difficultés

entre schizophrénie, vie à la rue et isolement social

Marc a 48 ans. De nationalité Algérienne, il vit en France depuis de nombreuses années (plus

de 15 ans, durée exacte inconnue). Il est en possession d’un titre de séjour. Marc est atteint de

schizophrénie paranoïde, syndrome délirant avec hallucinations auditives et idées

persécutrices. Il se serait retrouvé à la rue il y a quatre ans suite à un divorce. Il aurait donc

perdu son logement et arrêté son traitement neuroleptique.

Il a un jour été trouvé par l’équipe mobile dans la rue dans un état déplorable de santé.

L’équipe mobile l’a amené aux urgences le 13 avril 2016 et il a été hospitalisé pendant un mois

et demi pour altération massive de l’état général avec cachexie* et perte d’autonomie totale.

(Descendu à 31kg pour 1m65).

A sa sortie le 26 mai 2016, Marc a été hébergé à la Halte Santé. Il a fait de gros progrès dès le

premier mois. Il s’est correctement alimenté et s'est intégré à la structure, bien qu’il soit une

personne très discrète qui reste en retrait. Depuis son hospitalisation, Marc prend un traitement

neuroleptique et il est stabilisé. Une nette amélioration a été observée très rapidement. Il est

suivi par un psychiatre dans un CMP*. Son comportement présente aujourd’hui peu de signes

liés à sa pathologie psychique.

D’un point de vue familiale, Marc n’a pas de famille à Toulouse. Ses parents très âgés vivent

dans son pays d’origine, ainsi que sa sœur qui prend de temps en temps de ses nouvelles.

L'assistante sociale travaille avec lui sur un projet de sortie et sur l'accès à un logement mais

ce projet rend Marc très anxieux. Avant chaque visite d’appartement, il panique et cherche

parfois à annuler le rendez-vous. La sortie est un évènement qui l’angoisse. L’équipe a préféré

autoriser une extension de séjour pour Marc jugeant les risques de rechute trop élevés.

Traitement médicamenteux : Zyprexa pour le traitement de la schizophrénie.

Il prend également un anxiolytique chaque soir (Seresta)

Antécédents : poly-toxicomanie sevrée depuis novembre 2015. Alcolo-dépendance ancienne

sevrée.

Le 25 août, nous recevons l’indication de Marc :

Indication : Diminuer l'anxiété et développer l'autonomie de Marc afin de

l’accompagner dans sa transition vers un nouveau logement.

1.2 Les informations récoltées durant la séance d’ouverture viennent compléter l’état de base

de Marc qui révèle un comportement passif, une absence de motivation et une anxiété devant

les nouveaux projets

Les informations récoltées auprès de l’équipe, dans le dossier médico-social, et à l’issue de la

séance d’ouverture (Tableau 10) permettent de réaliser l’état de base de Marc (Tableau 11).

Tableau 10- Bilan de la séance d'ouverture de Marc

Marc est arrivé timidement à la séance (regard fuyant, attitude en retrait, peu d’expression verbale et

non verbale, peu d’échange). Il ne semble pas à l’aise dans l’expression, la communication et la

relation ce qui laisse supposer un manque de confiance en soi et d’affirmation de soi.

Il a compris et réalisé tous les exercices proposés sans difficulté technique. Néanmoins, son attitude

était désinvestie. Il semble considérer l’activité comme un devoir qu’il subit. Il n’a pas manifesté de

plaisir particulier à contempler les différentes œuvres proposées (musicales et picturales). Cette

39

attitude passive peut traduire une perte de la saveur existentielle. Elle peut également être renforcée

par l’effet inhibant des neuroleptiques.

Marc n’a posé aucune question et s’est contenté d’appliquer la consigne. Il n’a pris aucune initiative

et a montré peu de désir à faire des choix, ce qui traduit une faible capacité d’autonomie. Marc n’a

pas investi l’espace disponible. Il est resté dans un coin de la table pour tester timidement le matériel.

Il n’a évoqué aucun souvenir ou anecdote personnelle suite à la contemplation d’œuvres visuelles et

musicales. Il n’a pas cherché le dialogue ni la relation avec l’ATS. La confiance en l’autre est

certainement touchée.

L’activité artistique a un effet opérant sur Marc (geste de plus en plus net, le corps se détend) même

si celui-ci n’a pas manifesté de plaisir.

Marc accepte poliment le prochain rendez-vous mais le manque d’intérêt est évident.

Durant la séquence 1 et sur sollicitation, Marc a confirmé son attitude anxieuse quand il s’agissait de

visiter un logement. Il n’a pas développé. Il n’a fait aucune projection pour les séances suivantes. La

confiance en l’avenir semble elle aussi altérée.

Tableau 11- Etat de base de Marc

Bilan sensoriel : Bon, rien à signaler

Bilan moteur : Bon. Remarque : Marc est gaucher

Bilan cognitif : Bonne compréhension générale. Peu de références au passé ou aux souvenirs.

Capacités d'expression : S'exprime clairement, en français correct, mais très peu, d’une voie

faible.

Capacités de communication : Présentes mais minimes. Engage rarement une discussion.

Capacités relationnelles : Faibles. Attitude en retrait. Ne cherche pas la compagnie des autres

résidents.

Bilan psychoaffectif : Anxiété/stress devant une situation nouvelle.

Goûts de la personne : Aime le football, jouait dans sa jeunesse dans un club. Passe beaucoup de

temps dans la salle télévision.

Intention sanitaires/thérapeutiques : Diminuer son anxiété

Intentions artistiques : Sur sollicitation, dit être d’accord pour faire de la peinture, car il n'a jamais

essayé. Peu de sensibilité artistique.

Comportement : Calme, poli, timide, en retrait. Exécute pour faire plaisir aux autres. Peu

d’initiatives. Regard fuyant. Participe sur sollicitation aux sorties organisées par la Halte mais en

restant en retrait.

Autoévaluation : Capable d’exprimer ses goûts (ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas)

1.3 Marc a subi des pénalités en cascade mais la blessure de vie quand il s’est retrouvé à la rue

semble être la pénalité la plus importante

La pénalité principale retenue pour Marc est la blessure de vie. Se retrouver à la rue a été une

rupture considérable dans son parcours avec comme conséquence une perte de la saveur

existentielle (en (3) sur l’OA). Marc se retrouve en difficulté à redonner du sens à sa vie et à se

projeter dans l’avenir. En témoigne son comportement anxieux devant son projet de sortie vers

un nouveau logement. L’amour et la confiance en soi sont touchés.

Nous retenons également comme pénalité le handicap social. La perte progressive des liens

sociaux (8) a entrainé une diminution de l’implication dans des activités (5-6), qui a elle-même

provoqué une perte de motivation (4) avec comme souffrance la perte de sensation d’être sujet.

L’amour de soi est touché ce qui renforce le manque de confiance et d’affirmation de Marc.

En résumé, les trois composantes de l’estime de soi, à savoir l’amour, la confiance et

l’affirmation de soi sont touchées. Nous retrouvons ici les schémas décrits par Furtos évoqués

en partie I de ce travail. Ainsi la perte de la triple confiance se retrouve chez Marc.

40

1.4 Une stratégie thérapeutique est mise en place afin de répondre à l’indication et vise à

renforcer la confiance en soi de Marc par l’apprentissage d’une technique et d’un savoir-faire

Les problématiques liées à Marc sont complexes et toutes liées. Afin de définir une stratégie,

il est important de choisir une porte d’entrée, et de fixer un objectif thérapeutique réaliste et

réalisable dans le temps imparti.

Dans le cas de Marc, nous avons vu qu’un travail (sur le long terme) serait nécessaire afin de

renforcer les trois composantes de l’estime de soi. Cependant le parallèle avec l’indication reçue

nous permet de cibler notre travail. En effet, l’AS nous demande de travailler sur l’autonomie.

L’autonomie est la faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d'agir librement. En art-

thérapie, la capacité à faire des choix se travaille pendant la phase d’activité artistique. Pour

que Marc s’implique dans un projet artistique, nous décidons de travailler sur le renforcement

de la confiance en soi par l’apprentissage d’une technique et d’un savoir-faire. (OTG)

Quant à l’anxiété, elle est liée aux situations inconnues non maitrisées. En renforçant la

confiance en soi, mais aussi en l’autre (relation avec l’ATS), et en l’avenir (engagement dans

un projet artistique), l’anxiété diminuera.

OTG : Renforcer la confiance en soi par l’apprentissage d’une technique et d’un savoir-faire

OI1 : Diminuer l’anxiété que ressent Marc par rapport à l’atelier (CT : 2-4-6)

OI2 : Renforcer le savoir-faire et la technique de Marc (CT : 6)

OI3 : Impliquer Marc dans la réalisation d’une production artistique qui corresponde à son idéal

esthétique (CT :7)

Les sites d’action au regard des pénalités sont localisés sur l’OA :

Sites d’actions :

- Perte de la saveur existentielle, difficultés à ressentir du plaisir à être, perte d’envie :

origine : (3) ; expression : (6)-(7)-(8)

- Anxiété, manque de motivation : origine : (3)-(4) ; - expression : (5),(6),(7),(8)

- Perte d’élan : origine : (5) ; expression : (6)-(7)-(8)

- Difficultés relationnelles, difficultés à s’affirmer et à exprimer ses goûts : origine : (3)-(4)

; expression : (8)

Pour atteindre les trois objectifs intermédiaires, trois boucles de renforcements (BR) vont être

recherchées :

BR1 : Diminution de l’anxiété par le renforcement du sentiment de maitrise de son

environnement (4-5-6-3-4)

Marc ayant montré peu de sensibilité artistique et de l’anxiété devant ce nouveau projet, nous

décidons de commencer la prise en charge directement par l’action. Si Marc est rassuré par la

connaissance du cadre (matériel, horaire, objectif, lieu, relation avec l’ATS) (4) et s’il peut

appliquer rapidement une technique apprise, il pourra entrer dans l’action (6). Il y aura déjà un

premier impact sur la baisse de l’anxiété (3-4) dûe à l’activité. Travail sur le Bon. Cette boucle

de renforcement permettra de renforcer la confiance en soi de Marc.

> La BR1 permet d’atteindre l’OI1

BR2 : Renforcement des gratifications sensorielles par l’acquisition d’un savoir-faire

artistique (6-3-4-5-6) En renforçant les compétences techniques et le savoir-faire de Marc (6), celui-ci va ressentir du

plaisir à faire et à bien faire (3) et donc recevoir des gratifications sensorielles positives (3).

Celles-ci vont renforcer son envie (3), sa motivation (4), puis son engagement (5/6) dans

l’activité. L’implication dans l’activité permettra de développer sa capacité à faire des choix

(donc l’autonomie (4)), et à prendre des initiatives (4/6). Ainsi, au fur et à mesure de l’avancé

41

du travail, Marc prendra du plaisir à s’impliquer dans l’activité artistique parce que « c’est bien

fait » > travail sur le Bon et le Bien. Cette boucle renforce la confiance en soi de Marc.

> La BR2 permet d’atteindre l’OI2 et l’OI3

BR3 : Activation de la fierté* par l’expression de son idéal esthétique (1’-3-4-5-6-7-1’)

La simple contemplation de sa production, durant (7) et à l’issue (1’) de l’activité lui procurera

également des gratifications sensorielles en activant la fierté (être fier d’être) (3). Il faudra

pour cela développer la capacité de Marc à affirmer son style (6), son goût (7), et donc tendre

vers son idéal esthétique. Marc prendra du plaisir à s’investir dans l’activité parce que « ça lui

plait » > travail sur le Bon, le Bien et le Beau. Cela renforcera l’amour de soi, et par conséquent

participera au renforcement de la confiance en soi et de l’affirmation de soi.

> La BR3 permet de renforcer l’OI3

Remarques :

- Marc présente un site d’action important en (3). Le renforcement de la confiance en soi doit

forcément passer par l’activation des gratifications sensorielles. C’est pourquoi les 3 boucles

de renforcement recherchées agissent sur le ressenti corporel, et donc participent à

l’amélioration du Bon.

- La stratégie mise en place est axée de manière prioritaire sur la confiance en soi. Bien entendu,

l’action menée aura également un impact sur la confiance en l’autre. Une relation de confiance

avec l’ATS est tout d’abord indispensable pour que Marc s’implique dans le projet et révèle

son style et son goût. Si Marc décide à un moment de la prise en charge de parler de sa

production ou de montrer sa production à une personne extérieure, la confiance en l’autre sera

également indispensable. Enfin, l’implication dans la durée exige une confiance en l’avenir qui

peut être par exemple mesurée par la capacité de projection d’une séance à l’autre.

1.5 Les moyens et les méthodes permettent de répondre à l’objectif thérapeutique général

Tableau 12- Moyens et méthodes mis en œuvre pour la stratégie thérapeutique de Marc

Moyens

Description Justification (avec référence à l’OI visé)

Dominantes Peinture / Collage Les dominantes sont choisies en fonction de l’intérêt par rapport

aux souffrances identifiées. L’argumentation pour la peinture et

le collage se trouve en partie I de ce mémoire.(OI1, OI2, OI3)

Autres

techniques

artistiques

Induction Musicale Objectif : activer un maximum de gratifications sensorielles.

Cette sollicitation reste secondaire et ne doit pas prendre le dessus

sur les dominantes choisies. Le fond musical participe à créer un

cadre bienveillant et rassurant. (OI1)

Projet

artistique

A partir d’une

photographie

sélectionnée par Marc,

réaliser sur des feuilles

cartonnées une

déclinaison de 4

compositions en utilisant

la peinture et le collage.

En se basant toujours sur le même modèle de photographie

(composé de formes simples), Marc réalisera 4 productions

différentes. L’objectif étant de renforcer les compétences

techniques dans un premier temps. (OI2) Puis au fur et à mesure

de l’avancé dans les productions, Marc pourra se dégager de la

consigne et de la technique qu’il maitrisera mieux, pour laisser

place à la prise progressive d’initiatives, la capacité à faire des

choix, ainsi qu’à la créativité. (OI3)

Format 4 feuilles cartonnées A5

pour former une

composition

Le format A5 permet à la fois de travailler de manière confortable

dans la salle attribuée. Puis lors de l’assemblage des 4

productions, le format plus grand obtenu amènera Marc à investir

encore plus l’espace de l’atelier. (OI2)

Méthodes

Type d’atelier Dirigé vers semi-dirigé

Favoriser progressivement la prise d’initiatives (OI3)

Implication de Marc dans les tâches de préparation, de nettoyage

et de rangement.(OI1)

42

Fréquence /

Durée /

Horaire

1 fois par semaine

1 heure

14h30

Une séance hebdomadaire le mercredi (décidée en fonction de la

disponibilité de la salle, de l’ATS, du résident) (OI1)

La durée d’une heure est adaptée aux capacités de concentration

de Marc

L’horaire initialement prévue à 14h sera décalé à partir de la

séance 2 à 14h30 pour permettre à Marc de faire sa sieste et

d’arriver dans de bonnes conditions. (OI1)

1.6 Sept séances d’art-thérapie ont été programmées pour Marc et montrent un engagement

dans l’activité et un réinvestissement de sa place de sujet dès la 3ème séance

Tableau 13- Synthèse du déroulement des séances de Marc

Prise en charge de Marc

Indication Diminuer l'anxiété et développer l'autonomie afin d’accompagner la transition vers

un nouveau logement.

Objectif général Renforcer la confiance en soi

Objectifs

intermédiaires

OI1 : Diminuer l’anxiété que ressent Marc par rapport à l’atelier

OI2 : Renforcer le savoir-faire et la technique de Marc

OI3 : Impliquer Marc dans la réalisation d’une production artistique qui corresponde à

son idéal esthétique

Séance 1

Modalités Date : le 05/09/2016 à 14h30

Marc se présente le 05/09/2016 à 11h dans la salle commune. Il s’avance timidement et demande d’une voix

basse s’il est possible d’annuler la séance de l’après-midi car il ne se sent pas bien et il n’a pas envie. Son

attitude est en retrait et il semble anxieux. Sa demande est acceptée et un nouveau rendez-vous lui est proposé

le 07/09/2016. Comme noté lors de la séance d’ouverture, Marc est peu investi dans le projet et il faudra vite le

mettre dans l’action pour tester la stratégie.

Séance 2

Modalités Date : 07/09/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Affiner l’état de base

Favoriser l’engagement dans l’activité

Enrichir la technique et le savoir faire

Définir un projet artistique pour les prochaines séances

Méthodes et

moyens

Dominantes : peinture acrylique

Exercice dirigé : Explication et réalisation du cercle chromatique des couleurs

Déroulement de la

séance

Partie 1 : le cercle chromatique.

Marc arrive à l’heure à la séance. Il s’assoit et semble plus décontracté que

précédemment. Nous lui expliquons l’exercice. Il a quelques difficultés à retenir le

fonctionnement du cercle mais semble éprouver du plaisir à faire le mélange de couleurs

et à peindre son cercle. Cependant, son travail n'est pas soigné et il fait peu d'efforts pour

s'appliquer. Ses gestes sont rapides et il tâche régulièrement sa feuille.

Partie 2 : Présentation du projet artistique.

Marc choisi une image parmi celles qu’il avait aimé lors de la séance d’ouverture qui

servira de base pour le projet artistique. Il choisit une photographie de la lune, avec une

branche d’arbre en premier plan. Un projet artistique lui est proposé pour les séances

suivantes. Il affirme avoir compris la consigne.

Bilan et projection Marc a aimé la séance, il donne d’ailleurs une note de 5 au plaisir éprouvé durant

l’activité en ajoutant « sinon je ne viendrai pas ». L’impliquer directement dans l’action

a fonctionné et a limité les inquiétudes de Marc Son corps était plus détendu. Marc a

autoévalué son anxiété comme étant « faible ».

Prochaine séance : débuter le projet artistique, travailler sur le soin accordé par Marc à

ses productions.

Auto évaluation Bon : 5/5 Bien : 4/ 5 Beau : 4/5 Remarque : Pour cette première auto évaluation, Marc

semble avoir donné une note « pour faire plaisir » à l’ATS. Un net changement sera

observé dès la séance 3 où le cube harmonique sera un véritable processeur et où Marc

évaluera le Bon, le Bien et le Beau en fonction de ses propres ressentis.

Séance 3

Modalités Date : 14/09/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

43

Objectifs de la

séance

Enrichir la technique et le savoir faire

Débuter une production artistique

Favoriser le choix

Soigner sa production et son espace de travail

Méthodes et

moyens

Dominantes : Peinture acrylique et collage

Exercice dirigé : Réaliser 4 compositions à partir d’une même photographie

Déroulement de la

séance

Marc arrive pile à l’heure en s’exclamant « on commence à l’heure, comme ça on finit à

l’heure ». Il est dynamique et ses gestes sont vifs. Son humeur est bonne. Il dit qu’il va

bien, il n’a toujours pas de nouvelles pour son logement mais il a fait sa carte de bus. Il

peut maintenant se déplacer. C’est la première fois que Marc parle de lui-même sans

sollicitation.

Le travail commence. Marc sépare sa feuille A4 en 2 grâce à une règle et un crayon de

bois. Il s’applique peu et nous lui rappelons l’importance de travailler avec soin dès le

début. Il ne répond pas. Il prend une initiative en se servant d’un verre pour dessiner la

lune. Il peindra le fond de la même couleur que le modèle. Pour la lune, il décide de la

réaliser en collage vert. Pour la première fois, nous observons une volonté esthétique

puisque Marc souhaite corriger un dessin de feuille qu’il avait fait un peu vite. Il

s’exclame « là j’ai fait une connerie ». Il reviendra sur ce tracé pour le corriger. Marc

finira une première des 4 compositions. Il dit être fier de ce premier travail. Sur

sollicitation, il se projette sur les séances suivantes.

Bilan et projections Marc s’est engagé dans le projet et commence à prendre du plaisir à réaliser cette activité

artistique. Il est plus à l’aise avec le matériel et prend prudemment quelques initiatives.

Prochaine séance : accorder un temps d’observation et de discussion autour de la

première composition. L’objectif est d’amener Marc à prendre du recul sur son travail

avant d’entamer la suite.

Auto évaluation Bon : 4/5 Bien : 3/ 5 Beau : 5/5

Séance 4

Modalités Date : 21/09/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Enrichir la technique et le savoir faire

Débuter la partie 2/4 de la production artistique

Favoriser les initiatives

Soigner sa production et son espace de travail

Déroulement de la

séance

Marc arrive à l’heure. Il s’assoit tout de suite sur sa chaise et prend connaissance du

travail réalisé la séance précédente. « Ça rend bien » dit-il d’un air fier et étonné. Il pose

pour la première fois une question concernant un autre résident, il aimerait savoir si cette

personne participe aussi aux séances d’art-thérapie. Marc commence la deuxième

production. Il a bien compris qu’il devait cette fois se baser sur le même modèle mais en

le réalisant différemment. Il a tout de suite des idées et semble savoir ce qu’il veut faire.

Au cours du travail, il fait une erreur en tachant sa production et s’exclame inquiet « je

ne sais pas pourquoi j’ai fait ça ». Il corrige sans problème et démontre sa volonté à bien

faire. Il commence doucement à corriger ses gestes pour être plus soigné. Il termine sa

2ème production et la compare à la 1ère. Il est satisfait, même si sa première production est

d’après lui mieux réussie. Il proposera spontanément de ranger l’espace de travail et nous

fixerons le prochain rendez-vous.

Bilan et projections Marc est maintenant à l’aise avec le projet et a pris plusieurs initiatives. Il a décidé seul

des couleurs sans recherche d’approbation. Il fait des efforts pour travailler plus

proprement même s’il peut encore beaucoup progresser. Il reste très distant quant à sa

relation avec l’ATS et n’engage jamais de conversation. La communication est limitée

et centrée uniquement sur son travail.

Prochaine séance : proposer un temps de discussion autour du travail réalisé pour

renforcer la faculté critique de Marc. Entamer la production 3/4 en favorisant le choix et

la créativité. Proposer à Marc de se trouver une signature (pour affirmer son style et sa

personnalité).

Auto évaluation Bon : 5/5 Bien : 3/5 Beau : 4/5

Séance 5

Modalités Date : 05/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Enrichir la technique et le savoir faire

Débuter la partie 3/4 de la production artistique

Favoriser les initiatives

44

Soigner sa production et son espace de travail

Favoriser l’expression des goûts de Marc par une discussion en début et fin de séance

Favoriser l’expression du style de Marc en lui proposant de travailler sur une signature

pour ses production

Déroulement de la

séance

Marc arrive en forme à l’atelier, toujours très ponctuel. Il demande immédiatement à

voir le travail réalisé précédemment. Il est très satisfait de son travail « c’est beau ».

Suite à une proposition de l’ATS, il revient sur un détail de la production précédente

pour améliorer une partie du dessin. Marc travaille ensuite sur sa signature. Il trouve une

signature qu’il lui plait et la place sur les 2 premières productions, de manière peu

soignée. Il débute ensuite la 3ème production. Seul, il décide des couleurs et de

l’emplacement des éléments. Il corrige spontanément quand il se trompe, prend des

initiatives. Nous notons une amélioration de la volonté d’effectuer un travail esthétique,

qui tend vers son idéal. A la fin de l’atelier, il se projette pour la première fois à la séance

suivante sans sollicitation, où il dit qu’il terminera la production 3 et qu’il fera la 4ème.

Bilan et projections Marc poursuit ses progrès. Amélioration de la capacité à faire des choix, de la capacité

à prendre des initiatives. Marc travail sur son idéal esthétique.

Prochaine séance : cesser d’apporter de nouvelles connaissances techniques puisque

Marc est maintenant à l’aise avec le matériel. Favoriser les temps d’échange et de prise

de recul sur son travail.

Auto évaluation Bon : 5/5 Bien : 4/5 Beau : 5/5 Commentaire de Marc concernant le Bien « on pourrait

mieux faire les feuilles »

Séance 6

Modalités Date : 12/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Terminer la production 3 et commencer la 4ème

Prendre un temps pour contempler le travail déjà réalisé pour multiplier les gratifications

sensorielles

Commencer à présenter le projet d’encadrement du travail réalisé

Déroulement de la

séance

Marc arrive à l’heure, il dit qu’il est un peu fatigué aujourd’hui « sûrement à cause du

temps ». Nous prenons un temps pour regarder ses productions. Il demande si nous allons

emporter son travail à la fin. Nous lui précisons que son travail lui appartient, qu’il

décidera de son devenir. Il peut le garder pour son prochain logement, l’exposer à la

Halte Santé, l’offrir, le ranger… Ce sujet sera abordé à la dernière séance.

Marc commence son travail, il va vite et ne s’applique pas beaucoup. Sur remarque de

l’ATS, il s’applique un peu plus. Il termine la production 3 et commence la 4. Marc a

une idée, plutôt que de peindre les feuilles, il souhaiterait les réaliser en collage. Il

demande de l’aide (pour la première fois), car le geste de découpe est trop précis, il pense

ne pas y arriver. Le collage des feuilles aussi demande de la précision. « C’est difficile »,

dit-il. Il arrive finalement à réaliser ce qu’il voulait et en est très satisfait.

Remarque : Marc a du mal à repasser au feutre un trait qu’il a fait au crayon de bois. Il

dit qu’il ne le voit pas. Ce fait sera signalé à l’équipe pour vérification de sa vision.

Bilan et projections Prochaine et dernière séance : terminer la production et l’encadrer. Marc décidera de son

devenir. L’exposition à la Halte sera proposée (avec précaution toutefois), ce qui

renforcerait son affirmation et sa confiance.

Bilan avec Marc sur le travail effectué et bilan sur la prise en charge en art-thérapie.

Auto évaluation Bon : 5/5 Bien : 4/5 Beau : 5/5

Séance 7 – Dernière séance

Modalités Date : 19/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Terminer la 4ème et dernière production. Encadrer les quatre productions réalisées.

Décider du devenir de la production.

Faire un bilan du travail réalisé.

Faire un bilan de la prise en charge.

Déroulement de la

séance

Marc arrive avec 45 minutes de retard suite à un rendez-vous au CMP mais nous avons

été prévenu de ce contretemps. A son arrivée, il s’excuse plusieurs fois pour son retard

et précise qu’il a fait de son mieux pour arriver au plus vite. Il semble gêné et un peu

agité. Nous le rassurons et lui laissons un peu de temps pour qu’il se détende.

Les objectifs de cette dernière séance sont présentés puis Marc commence son travail.

En voyant les cadres disposés dans la pièce, il dit ne vraiment pas savoir quoi faire de sa

production. Il termine la dernière peinture. Après un temps de contemplation, Marc dit

aimer ce qu’il a fait. Il précise que sa production préférée est la première. Nous lui

proposons de tester l’encadrement. Quand Marc apprend qu’un autre résident a exposé

45

son travail dans les locaux de la Halte Santé, il est curieux et demande à voir. Ce détail

le rassure et il décide d’exposer lui aussi. Nous terminons l’encadrement et Marc est très

satisfait. Au moment de sortir dans le couloir pour choisir l’endroit de l’exposition, Marc

semble un peu anxieux et peu sûr de lui. (Il piétine sur place, ses gestes sont plus

saccadés). Nous lui précisons qu’il aura le droit s’il le souhaite de reprendre son travail

plus tard si cela ne lui convient pas. Marc se détend. Une fois le cadre accroché, il

s’étonne du rendu qui lui plait. A ce moment, deux membres de l’équipe sociale passent

dans le couloir et Marc va montrer pour la première fois son travail. Les réactions

bienveillantes et encourageantes de l’équipe sont accueillies de manière très positives

par Marc Il précise plusieurs fois « j’ai fait ce que j’ai pu ».

Lors de la clôture de l’atelier, il est rappelé à Marc le nombre de séances et les progrès

effectués. Marc dit qu’il ne pensait pas être capable de réaliser ça, d’autant plus qu’il

n’avait jamais fait de dessin ou de peinture. Il est très satisfait.

Il ne développera pas plus. Marc remercie l’ATS et regagne sa chambre.

Bilan et projections Cette séance de clôture a joué un rôle important dans la prise en charge de Marc. En

allant jusqu’au bout du projet jusqu’à l’exposition, la confiance a été encore une fois

renforcée. Quand Marc a décidé d’exposer son travail, il est allé plus loin puisqu’il a

décidé d’affronter la critique. Cette étape qui a tout de même été appréhendée par Marc

est venue renforcer l’affirmation de soi. L’empreinte de Marc rayonne maintenant dans

les locaux.

Auto évaluation Bon : 5/5 Bien : 4/5 Beau : 5/5

1.7 L’évaluation de Marc se fait par l’analyse de faisceaux d’items comme l’attitude corporelle,

les prises d’initiatives, la capacité à faire des choix, la qualité de l’engagement, le soin apporté

à la réalisation ou encore l’expression du goût

L’évaluation de l’OTG se fait par l’évaluation des 3 OI. Chaque OI est évalué grâce à des items

regroupés en faisceaux d’items. Pour cela, nous nous basons sur un modèle de fiche

d’observation générale (Annexe 4), à laquelle s’ajoutent (ou se retirent) des faisceaux d’items

spécifiques à la personne. Dans le cas de Marc par exemple, une auto-évaluation de l’anxiété a

été ajoutée, ainsi que sa participation à l’atelier.

Tableau 14- Evaluation de l’OI1

Evaluation de l’OI1 : Diminuer l’anxiété que ressent Marc par rapport à l’atelier Participation à l’atelier

5 - Ponctuelle, sans rappel

4 - Ponctuelle, avec rappel ou retard anticipé

3 - Retard justifié

2 - Retard non justifié

1 - Ne s’est pas présenté

Commentaires : Après un début difficile et

l’annulation de la séance 1 pour cause d’anxiété,

Marc a participé à l’atelier de manière régulière, sans

rappel de l’équipe sociale ou de l’ATS.

Figure 1- Evolution de l’item « participation à l’atelier

»

4

1

45 5 5 5

4

012345

Participation à l’atelier

46

Auto-évaluation de l’anxiété

5 - Pas du tout

4 - Faible

3 - Modérée

2 - Beaucoup

1 - Extrême

Commentaires : Attention à bien interpréter le

graphique, le 5 correspond à une absence d’anxiété.

La tendance générale est donc la diminution de

l’anxiété.

Figure 2- Evolution de l'item "auto-évaluation de

l'anxiété"

Structure corporelle et investissement de l’espace

5 – Adapte très bien sa position et utilise l’espace en

fonction de ses besoins

4 – Adapte sa structure corporelle raisonnablement

3 – Utilisation souple du buste et des bras dans un

espace restreint

2 – Produit assis. Buste et bras hésitants. Investit

très peu l’espace

1 – Structure corporelle rigide, n’investit pas

l’espace disponible

Commentaires : Marc a investi de plus en plus

l’espace disponible en adaptant sa structure

corporelle. Ceci démontre qu’il s’est senti de plus en

plus à l’aise dans l’atelier.

Figure 3- Evolution de l'item « structure corporelle et

investissement de l'espace »

Conclusion OI1 : La tendance pour l’atteinte de l’OI1 est positive. (Figure 4) Le simple fait que Marc se soit

investit dans le projet jusqu’à la fin témoigne d’une baisse de l’anxiété. Rappelons en effet qu’un comportement

trop anxieux l’empêche tout simplement de participer (exemple de la séance 1 annulée). Cette tendance témoigne

de l’engagement dans le projet.

Figure 4- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items correspondants à l'OI1

32

4 4 4 4 43

012345

Auto-évaluation de l’anxiété

2 23 3

4 43

012345

Structure corporelle et investissement de

l’espace

3,0

1,5

3,34,0 4,0 4,3 4,3

3,3

012345

Moyenne des faisceaux d'items

47

Tableau 15- Evaluation de l’OI2

Evaluation de l’OI2 : Renforcer le savoir-faire et la technique de Marc Pour l’évaluation de cet objectif intermédiaire,

nous avons observé les faisceaux d’items

suivants (les items sont détaillés en annexe 4) :

- Implication dans l’activité

- Investissement dans l’activité (qualité de

l’engagement)

- Capacité à faire des choix

- Prise d’initiatives

- Autonomie dans l’acte artistique / demande

de l’aide

- Gestuelle / Qualité du geste

- Projection vers un projet artistique

Conclusion OI2 :

L’OI2 permet d’évoluer le Bon et le Bien. Il

permet de déterminer si le plaisir s’accroit

grâce à l’engagement dans l’activité. (BR2) Il

est intéressant de faire le parallèle entre

l’implication dans l’activité, qui est relative

au simple fait de « faire » et l’investissement

dans l’activité, qui est la qualité de

l’engagement et qui induit la notion de plaisir

(Bon) Si l’implication (liée à sa participation et

sa concentration) est relativement constante,

on note une nette amélioration de

l’investissement (d’une note de 1 en S0 à 5 en

S7) (Figure 5).

En parallèle, l’autonomie dans l’acte artistique

(faire seul sans avoir besoin d’aide) a

également progressé (Figure 6).

La moyenne de ces items est présentée sur la

Figure 8 et témoigne du renforcement de la

technique et du savoir-faire de Marc, avec

un net progrès sur la capacité à faire des choix

et les prises d’initiatives (Figure 7).

Figure 5- Comparaison de l'évolution de 2 items

Figure 6- Evolution de l'item "Autonomie dans l’acte artistique

/ demande de l’aide"

Figure 7- Comparaison de l'évolution de 2 items

Figure 8- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items correspondants à l'OI2

23

4 4 4 4 4

12

34 4 4

5

012345

Implication / Investissement

Implication dans l’activité

Investissement dans l’activité (qualité de l’engagement)

2 2 23 3 3

4

012345

Autonomie dans l’acte artistique / demande de

l’aide

1 12

34 4 4

1 12

4 4 4 4

012345

Evolution de la capacité à faire des choix et

des prises d'initiatives

1,3 1,72,6

3,3 3,6 3,7 3,9

012345

SO S1(absent)

S2 S3 S4 S5 S6 S7

Moyenne des faisceaux d'items

48

Tableau 16- Evaluation de l'OI3

Evaluation de l’OI3 : Impliquer Marc dans la réalisation d’une production artistique

qui corresponde à son idéal esthétique Dans cet objectif apparait la notion de Beau qui

aura un nouvel impact sur le Bien et le Bon. Nous

nous intéressons particulièrement aux faisceaux

d’items suivants :

- Expression du goût

- Faculté critique sur sa production

- Intention esthétique Art I / Art II

- Recherche de l’idéal esthétique / correction

- Soin apporté à la réalisation

- Devenir de la production

Figure 9 - Evolution de l’item « Recherche de

l’idéal esthétique / correction »

Conclusion OI3 :

Dès la séance 3, un net changement a été

observé chez Marc qui est passé d’un

comportement passif a un comportement actif

(voir évaluation de l’OI2) Très vite, il a fait des

progrès sur la recherche de l’harmonie entre le

fond et la forme, il a cherché à adapter ses

moyens pour tendre vers un idéal (Figure 9)

Ceci en faisant de nombreux efforts, notamment

sur le soin accordé à sa production (Figure 10).

Marc a considérablement développé la faculté

critique sur sa production (Figure 11) en

passant de 1 « ne parle pas de sa production » en

S0 à 5 « critique sa production en vue de

l’améliorer » en S7.

La tendance globale présentée sur la Figure

12 confirme l’évolution encourageante du

travail effectué sur l’OI3.

Figure 10 - Evolution de l'item "Soin apporté à sa

production"

Figure 11 - Evolution de l'item "Faculté critique sur sa

production

Figure 12- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items

correspondants à l'OI3

En conclusion, l’ensemble de ses résultats témoigne du renforcement de la confiance en soi de

Marc (OTG) durant cette prise en charge. Les conclusions, limites, et recommandations sont

décrites dans le bilan de prise en charge (voir paragraphe 1.9) transmis à l’équipe médico-

sociale.

2 23 3

4 4 4

012345

Recherche de l’idéal esthétique /

correction

23 3 3 3

4 4

012345

Soin apporté à la réalisation

1 12

4 45 5

012345

Faculté critique sur sa production

1,7

0,0

1,92,6

3,1 3,6 3,9 4,1

012345

Moyenne des faisceaux d'items

49

1.8 L’auto-évaluation de Marc par le cube harmonique a joué un rôle de processeur

thérapeutique

Figure 13- Auto-évaluation du Bon

Figure 14- Auto-évaluation du Bien

Figure 15 - Auto-évaluation du Beau

A partir de la séance 4, Marc a évalué le plaisir

ressenti à 5/5, (Figure 13) ce qui confirme les

résultats positifs de l’évaluation des trois

objectifs intermédiaires. Le bon est lié au

plaisir ressenti et à l’envie de recommencer. Il

confirme bien la baisse de l’anxiété et

l’engagement dans le projet.

Il est intéressant de remarquer que cette auto-

évaluation a joué un rôle de processeur chez

Marc. A la séance 2, surpris par ces questions,

Marc a répondu « pour faire plaisir ».

Pourtant, dès la séance 3, la qualité de son

investissement dans le projet a changé et Marc

a pris soin de répondre aux 3 questions, en

s’accordant un temps de réflexion plus long. Il

a pris conscience du fait de « bien faire ». A la

séance 3, il a d’ailleurs évalué le « bien » à 3,

en meilleur accord avec les observations de

l’ATS. Cette auto-évaluation a permis un

travail sur la « conscience d’être ». Elle a

permis à Marc de se positionner en tant que

sujet et de prendre conscience de ses ressentis.

Elle a également donné un « sens » à cette

prise en charge.

Enfin, l’auto-évaluation du « Beau » (Figure 15) peut être observée en parallèle de la moyenne

des items correspondants à l’OI3. Elle est à interpréter avec précaution. En effet, d’après la

fiche d’observation de l’ATS, la capacité de Marc à exprimer ses goûts à, certes, progressé en

passant de 1 « Jamais » en S0 à 3 « Fréquente, avec recherche d’approbation », mais un travail

important reste à faire, même si Marc évalue le Beau à 5/5.

1.9 Un bilan de la prise en charge révèle une confiance en soi renforcée dans le cadre de l’atelier

d’art-thérapie qui a cependant besoin d’être maintenue dans le temps

Tableau 17- Bilan de Marc – Le 20/10/2016

Nous avons reçu Marc pour une prise en charge en art-thérapie dans le but de répondre à l’indication

suivante : Diminuer l'anxiété et développer l'autonomie de Marc afin de l’accompagner dans sa

transition vers un nouveau logement.

Marc a participé à un cycle de 8 séances d’une heure dont une séance d’ouverture, du 31 août au 19

octobre 2016.

Suite à l’établissement et à l’analyse de l’état de base de Marc, une stratégie thérapeutique a été

élaborée afin de renforcer la confiance en soi de Marc.

Lorsque nous avons débuté la prise en charge, Marc a montré en atelier un comportement désinvesti,

passif et anxieux. Il a souhaité décaler la première séance car il n’avait pas envie. Lors de la séance

54

5 5 5 5

012345

S2 S3 S4 S5 S6 S7

Bon

43 3

4 4 4

0

2

4

S2 S3 S4 S5 S6 S7

Bien

45

45 5 5

012345

S2 S3 S4 S5 S6 S7

Beau

50

d’ouverture et de la séance 2, il semblait participer à l’atelier par devoir et sans plaisir. Très vite, nous

l’avons mis dans l’action et la réalisation d’un projet.

Le cadre bien défini, la mise en action, et la relation établie avec l’ATS a renforcé le sentiment de

sécurité de Marc qui n’a plus présenté d’anxiété à partir de la 3ème séance. Marc a progressivement

amélioré sa technique et son savoir-faire, ce qui a permis des prises d’initiatives, de l’autonomie dans

l’activité artistique, une amélioration du soin accordé à son travail. La confiance a ainsi été renforcée.

Dès la 3ème séance, la qualité de l’engagement de Marc a elle aussi changé. Il est devenu acteur et

s’est investi dans le projet par plaisir. Il a exprimé ses goûts en cherchant de moins en moins

l’approbation de l’ATS. Marc cherchait à bien faire afin que sa production soit belle et lui plaise.

Nous avons observé la naissance du plaisir esthétique. En s’impliquant dans cette activité orientée

vers l’esthétique, Marc a renforcé sa confiance en lui.

Lors de la dernière séance, Marc a choisi d’exposer son travail dans les couloirs de la Halte Santé. Ce

choix l’a tout de même rendu anxieux mais une fois son travail exposé aux autres, Marc s’est détendu.

En conclusion, cette prise en charge a permis un travail très encourageant sur le renforcement

de la confiance en soi de Marc, avec une baisse de l’anxiété et une augmentation de l’autonomie

observée. Cependant, un autre cycle est recommandé afin de poursuivre le travail effectué et de

renforcer le sentiment de confiance. C’est dans la répétition de ces expériences positives que

nous pourrons observer des changements durables dans la vie quotidienne de Marc. Il serait

également intéressant d’intégrer Marc à un atelier collectif afin de travailler à la fois sur la

confiance en soi et la relation à l’autre.

2°) Hector, en attente de régularisation de sa situation, ne parle pas le Français et

a reçu une indication en art-thérapie dans le but de favoriser l’expression et de

s’impliquer dans un projet qui lui fasse plaisir

2.1 L’anamnèse de Hector met en avant de multiples problématiques comme un état de santé

dégradé, une situation sociale complexe en attente de régularisation et une barrière de la langue

Hector a 62 ans. De nationalité Arménienne, il ne parle pas le Français et le comprend un peu.

Arrivé en France il y a 7 ans, il est hébergé à la Halte Santé depuis 4 ans. En arrivant en France,

il a fait une première puis une seconde demande d’asile qui ont été refusé. Il est aujourd’hui en

attente d’une réponse pour une demande de titre de séjour avec le statut « Etranger malade ». Il

s’agit d’une deuxième demande puisque la première a été refusée. Hector n'a aucune ressource

financière, il est de plus menacé d’expulsion.

Il a une fille en France qui était mineur et placée en foyer pour jeunes travailleurs. Elle est

maintenant majeure et menacée elle aussi d'expulsion. Il a de bons contacts avec elle. Elle est

en formation en hôtellerie. Elle rend visite régulièrement à son père et parle le Français.

Peu d’informations sont connues sur le passé d’Hector en Arménie.

D’un point de vue médical, Hector a de gros problèmes pulmonaires suite à une tuberculose.

Il a également une BPCO (Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive) suite à cette

tuberculose et au tabac. Il ne fume plus depuis 1 an.

Hector souffre d’une grande fatigabilité, il s’essouffle rapidement et contracte souvent des

infections.

Traitement médicamenteux : Différents traitements pour ses difficultés pulmonaires et

anxiolytique (Seresta).

Une prise en charge en art-thérapie est recommandée pour Hector, avec l’indication suivante :

Indication : Favoriser l’expression et impliquer Hector dans un projet qui lui fasse

plaisir

51

2.2 La présentation de l’art-thérapie à Hector a été réalisée par l’intermédiaire d’un interprète

Il est tout d’abord important de souligner la difficulté à présenter l’art-thérapie dans de telles

conditions. Tout d’abord, parce que discuter par l’intermédiaire d’un interprète n’est pas une

chose aisée. Lorsque l’interprète s’efforce de rester neutre dans ses traductions, il n’est pas

possible de percevoir un certain nombre d’informations qui pourraient aider à mieux

comprendre la personne, telles que le choix des mots, l’intensité, le débit de parole, l’émotion

ressentie… Mais plus important encore, la traduction mot à mot n’est pas suffisante car s’ajoute

à cela la dimension culturelle et la représentation propre à chaque personne des mots comme

par exemple « Art » et « thérapie ».

Nous avons volontairement décidé de simplifier les explications et de proposer à Hector « une

prise en charge qui utiliserait le dessin, la peinture, la photo ou la musique, et qui améliorerait

son bien-être. Une opportunité pour lui de s’impliquer de manière individuelle dans un projet ».

Tableau 18- Bilan de l'entretien entre Hector, l'ATS, un éducateur spécialisé, par l'intermédiaire d'un

interprète.

Suite à la présentation d’une éventuelle prise en charge à Hector, celui-ci a immédiatement refusé,

rappelant qu’il était fatigué, que sa condition physique ne lui permettait pas de telles activités, que de

plus il ne savait « ni dessiner, ni faire de la musique, ni rien ». Il a rappelé la barrière de la langue.

Il a fallu le rassurer en lui précisant que le médecin était au courant et soutenait le projet. De plus, les

séances se dérouleraient dans les locaux de la Halte Santé, Hector serait donc assis, et les séances ne

durerait qu’une heure, à raison d’une fois par semaine.

Quant à l’activité artistique, il s’agirait de projets simples, adaptés à sa condition physique, et aucune

connaissance préalable ne serait requise. Enfin, nous lui avons précisé que la langue n’était pas une

barrière, et qu’il n’avait qu’à accepter pour le constater.

Au fur et à mesure de la discussion, nous avons noté, surtout vers la fin, que le corps d’Hector se

détendait. Il a pris quelques secondes de réflexion et a accepté un rendez-vous pour la semaine

suivante, mais toujours très sceptique.

2.3 L’équipe pluridisciplinaire nous présente Hector comme une personne sociable mais en sur-

sollicitation de l’équipe médicale constamment inquiet de son état de santé

Hector étant le résident le plus ancien à la Halte Santé, il est connu de tous. Malgré la barrière

de la langue, Hector est doté de grandes capacités de relation, par sa présence, son regard. Il

est capable de se faire comprendre lorsqu’il souhaite obtenir quelque chose.

L’équipe médicale se plaint cependant d’une sur-sollicitation, Hector a en effet besoin d’être

rassuré sur son état de santé. La prise de médicament le rassure également.

Hector ne sort jamais très loin, il descend simplement dans la cour et se rend une fois par

semaine chez le psychologue. D’une part, parce qu’il ne s’en sent pas capable physiquement et

d’autre part, d’après l’équipe sociale, parce qu’il a peur d'être contrôlé (bien qu'il soit autorisé

grâce au récépissé de sa demande de papiers.) Hector présente une grande anxiété.

2.4 La séance d’ouverture a joué un rôle capital dans l’alliance thérapeutique auprès d’Hector

et a permis de compléter l’état de base

Suite à la première rencontre avec Hector, nous avons pris conscience de l’intérêt de porter une

attention toute particulière à la séance d’ouverture. Etant donné le grand scepticisme de celui-

ci, cette séance devait être cadrée et rassurante par rapport aux inquiétudes qu’il avait énoncées

(Fatigabilité, mauvaise condition physique, absence de connaissances et compétences

52

artistiques, barrière de la langue). Hector ne devait pas se sentir perdu ou en difficulté car cela

pourrait renforcer son anxiété et il n’hésiterait pas à quitter la séance.

Nous décidons de prévoir la même séance d’ouverture que pour les autres résidents.

Cependant, nous préparons, avec l’aide d’un traducteur en ligne, deux petites pancartes. L’une

avec écrit « J’aime », et l’autre « Je n’aime pas », traduit en Arménien.

Ainsi Hector sera capable d’exprimer ses goûts. Nous préparons également quelques consignes

simples traduites en arménien. Grâce à ces simples outils, Hector aura les moyens de

s’exprimer. Nous espérons ainsi créer une alliance thérapeutique.

Tableau 19- Bilan de la séance d'ouverture d'Hector

Hector est arrivé à l’heure au rendez-vous. Lorsque nous lui avons demandé s’il allait bien, il a

répondu « fatigué, fatigué » en ajoutant un signe de la main qui signifiait « moyennement ». Il

semblait légèrement anxieux de participer à la séance et visiblement toujours sceptique.

Hector a pris le temps de s’assoir sur la chaise mise à sa disposition. Nous lui avons montré de suite

le premier papier avec écrit en arménien « Aujourd’hui, j’ai besoin de savoir ce que vous aimez, et ce

que vous n’aimez pas ». Devant ce texte en Arménien le visage d’Hector s’est immédiatement

décrispé. Il a mis ses lunettes et a acquiescé vivement pour faire comprendre qu’il avait bien compris.

Nous avons installé plusieurs séries de photographies, peintures, dessin, successivement sur la table

devant lui. Hector a très vite compris la consigne. Il a pris le temps de contempler chaque image et

n’a eu aucune difficulté à exprimer ses goûts. Il faisait parfois des commentaires, avec l’usage de

mots clés en français ou arménien.

Lors de la deuxième partie d’écoute musicale, en comprenant qu’il s’agissait d’écoute musicale,

Hector a spontanément sorti son téléphone pour passer une musique qu’il aimait. Il a fait comprendre

par des gestes et mots clés que cette musique lui faisait penser à sa mère.

Hector n’a eu aucune difficulté à réaliser la suite de l’exercice, ce qui nous a permis de mieux cerner

ses goûts musicaux.

Durant la dernière partie, nous avons proposé à Hector de tester du matériel de peinture. Il s’est montré

curieux, en touchant le matériel, l’observant de près, ce qui démontrait l’intérêt pour l’activité.

Cependant, au moment de tester le matériel avec de la peinture, il a eu des difficultés à se lancer. Cet

exercice, trop libre puisque sans réelle consigne, l’a mis dans une situation d’anxiété. Nous sommes

donc passés à autre chose en lui donnant la dernière traduction qui lui proposait de construire un projet

ensemble la semaine suivante.

Cette première séance confirme l’intérêt de la prise en charge. En effet, le besoin d’Hector de

s’exprimer a été démontré très vite dans la séance.

Les informations récoltées viennent compléter son état de base (Tableau 20)

Tableau 20- Etat de base d'Hector

Bilan sensoriel : Porte des lunettes pour corriger sa vue

Bilan moteur : Se déplace lentement, grande fatigabilité. A besoin de s’assoir régulièrement pour

se reposer. Se déplace avec une canne.

Bilan cognitif : Bon bilan - bonne compréhension, capacité à évoquer des souvenirs, bonne

mémoire.

ես հավանում եմ

Ես չեմ սիրում

53

Capacités d'expression : Ne parle que le russe et l’arménien. Comprend quelques mots de français

et en connait quelques rares.

Capacités de communication : Compliquées mais existantes. Hector s’adresse aux autres résidents

et à l’équipe médico-sociale en arménien pour communiquer.

Capacités relationnelles : Hector étant présent depuis 4 ans à la Halte-santé, il fait partie des

visages connus : il apaise. Malgré son impossibilité à discuter, il est très présent. On le trouve

souvent dans la pièce commune, où il aime jouer aux dames. Hector apprécie la compagnie, c’est

une personne sociable.

Bilan psychoaffectif : Très anxieux surtout par rapport à son état de santé. Sur-sollicitation de

l’équipe médicale. Peur de s’engager dans une activité physique. Peur de s’éloigner de la Halte

Santé.

Goûts de la personne : Aime la boxe, jouer aux dames, savait jouer un peu de piano dans le passé.

Intention sanitaires/thérapeutiques : Nulles. Rappel : il a fallu convaincre et surtout rassurer

Hector pour qu’il accepte la prise en charge.

Intentions artistiques : non exprimées

Comportement : Refuse de s’impliquer dans des projets car ne se sent pas capable.

Autoévaluation : Capable d’exprimer ses goûts (ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas)

2.5 Hector a subi des pénalités en cascades mais la pénalité que nous avons jugé la plus

importante est la maladie

Nous ne connaissons pas les détails concernant la décision d’Hector de quitter son pays pour

rejoindre la France il y a 7 ans. Cependant cette décision, qui implique sa fille, représente une

première pénalité liée au choix de vie. Nous pouvons supposer une certaine culpabilité, avec

comme conséquence une diminution de l’estime de soi.

Hector a ensuite subi une blessure de vie en arrivant en France et en se retrouvant dans une

situation sociale complexe. Cette pénalité implique une perte de la saveur existentielle, et une

difficulté à redonner du sens à sa vie. Ceci ayant comme conséquences une diminution de la

considération que l’on se porte à soi-même (amour de soi) ainsi qu’une difficulté à se projeter

dans l’avenir (diminution de la confiance en soi, en l’avenir).

Suite à cela, l’état de santé d’Hector s’est aggravé et la maladie s’est ajouté aux enchainements

de difficultés. La qualité de vie d’Hector s’en est vue impactée et une angoisse s’est installée.

Ceci est venu renforcer la difficulté à se projeter, puisque l’énergie nécessaire à l’implication

dans un projet vient à manquer.

Est venu s’ajouter un handicap social dont souffre certainement Hector, qui entraine une perte

de la notion de sujet. L’estime de soi est très impactée.

Le cas d’Hector est complexe. Les souffrances sont renforcées par une situation sociale bloquée

qui dure, une fatigue qui s’accroit et une morosité installée.

Dans le cadre de l’intervention en art-thérapie, et compte tenu de l’indication reçue, la pénalité

que nous retenons afin de cibler la prise en charge est la Maladie.

2.6 Une stratégie thérapeutique est mise en place afin de répondre à l’indication et elle vise à

renforcer la confiance en soi d’Hector afin qu’il se sente capable de s’engager dans une activité

artistique malgré sa condition physique

Afin de répondre à l’indication, nous fixons comme objectif thérapeutique général le

renforcement de la confiance en soi, dans le sens de « se sentir capable ». En effet, Hector

doit se sentir capable de s’impliquer, et donc retrouver sa confiance en lui, afin de s’engager

dans une activité gratifiante qui favorisera l’expression.

Afin d’atteindre cet OTG, trois objectifs intermédiaires sont posés :

OTG : Renforcer la confiance en soi, « se sentir capable de »

OI1 : Renforcer le sentiment de sécurité au sein de l’atelier (CT : 3-4)

OI2 : Créer une alliance thérapeutique (CT-8)

54

OI3 : Impliquer Hector dans la réalisation d’un projet artistique (CT : 4-6-7)

Les OI1 et OI2 sont directement liés et sont tous deux nécessaires à l’atteinte de l’OI3.

Les sites d’action au regard de la pénalité sont localisés sur l’OA :

- Perte de la saveur existentielle : Origine : 3 ; Expression : 6-7-8

- Maladie qui génère anxiété, angoisse, peur de s’impliquer dans une activité : Origine : 3-

4 ; Expression : 5,6,7,8

- Perte d’élan et d’envie : Origine : 4-5 ; Expression :5-6-7-8

- Difficultés relationnelles du fait de la barrière de la langue et de son refus de participer

à des activités : Origine : 3-4 ; Expression : 8

Remarque : le site d’action le plus important d’Hector se situe en (4). A cause de sa maladie et

de son état de santé global, Hector est inquiet, anxieux, angoissé et a peu à peu réduit ses

activités (5-6). En parallèle, malgré son tempérament social, la barrière de la langue réduit ses

contacts avec les autres (8) et vient renforcer le fait qu’il soit désinvesti des activités (4-5), ce

qui accentue également la peur, l’anxiété et le besoin d’être rassuré par l’équipe médicale. (4)

Il s’agit ici de deux boucles d’inhibition.

L’ATS va chercher à créer des boucles de renforcement en s’appuyant sur les mécanismes qui

fonctionnent chez Hector (CT), à savoir :

- Bonnes capacités cognitives (intelligence, raisonnement, mémoire) (4)

- Capacités relationnelles malgré la barrière de la langue (8)

Boucles de renforcement recherchées :

BR1 : Favoriser les gratifications sensorielles et l’engagement dans l’atelier par une phase

de contemplation. (1-3-5-5’) Lors des séances d’ouverture, Hector a manifesté un intérêt et du plaisir à contempler des

œuvres (visuelles ou musicales). La contemplation, en provoquant des gratifications

sensorielles positives, peut être utilisée pour favoriser le sentiment de sécurité d’Hector et

contribuer à diminuer son anxiété. Travail axé sur le Bon.

> La BR1 permet d’atteindre les OI1 et 2, et prépare à l’OI3

BR2 : Créer une relation de confiance en donnant à Hector les moyens d’exprimer ses

goûts (8-3-4-5-8). En trouvant un moyen de contrer cette barrière de la langue, montrer à Hector qu’il est capable

de s’exprimer autrement (4-5). Le fait de pouvoir exprimer ses goûts (8) créera une relation

privilégiée avec l’ATS. Cela renforcera son sentiment d’exister (3) et lui procurera des

gratifications sensorielles (3). Travail axé sur le Bon et le Beau.

> La BR2 permet d’atteindre l’OI2

BR3 : Sollicitation des capacités cognitives pour l’engagement dans l’action et la

réalisation d’une production (4-5-6-7-3-4) Solliciter les capacités cognitives d’Hector (4), ce qui l’empêchera de se focaliser sur sa peur

et son anxiété, pour susciter l’envie de s’impliquer (5-6) dans une activité. Nous « dévions » le

site d’action important en (4). La réalisation d’une production (7) qui lui permettra d’exprimer

son style viendra procurer de nouvelles gratifications sensorielles (3). De plus, la sollicitation

des capacités cognitives de Hector a un effet gratifiant qui vient renforcer son plaisir (3) et son

sentiment de sécurité (4). Travail axé sur le Bon, le Bien

> La BR3 permet d’atteindre l’OI3 et de renforcer l’OI1

55

2.7 La dominante photographie instantanée est la plus adaptée pour susciter la curiosité

d’Hector afin de le mettre en action et d’atteindre notre objectif

Tableau 21- Moyens et méthodes mis en œuvre pour la stratégie thérapeutique d'Hector

Moyens

Description Justification (avec référence à l’OI visé)

Dominantes Photographie / Photographie

instantanée

Pour susciter l’élan d’Hector qui refuse de s’engager

dans toute activité qu’il juge fatigante, la dominante

photographie instantanée est choisie. (OI3) Le détail de

l’intérêt de cette dominante est présenté en partie I de ce

mémoire.

Autres

techniques

artistiques

Peinture Utilisée dans un premier temps pour enrichir les

connaissances d’Hector. (OI3)

Projet

artistique

Sur le thème des échecs, mettre

en scène différentes pièces de

l’échiquier dans l’environnement

de son choix, en utilisant la

photographie instantanée. Mettre

en valeur la ou les

photographie(s) sélectionnées

dans une composition.

L’objectif de ce projet est d’atteindre la BR3 Il faut donc

se baser sur les capacités cognitives d’Hector.

Le thème proposé est en rapport avec ses goûts.

Méthodes

Type d’atelier Dirigé vers semi-dirigé

L’atelier doit être cadré et rythmé pour éviter à Hector

de s’angoisser (4), ses capacités cognitives doivent être

sollicitées de manières régulières (OI1).

Une certaine liberté sera toujours laissée pour qu’Hector

puisse exprimer son style et ses goûts.

Fréquence /

Durée /

Horaire

1 fois par semaine

1 heure

14h30

Une séance hebdomadaire le lundi (décidée en fonction

de la disponibilité de la salle, de l’ATS, du résident)

(OI1)

La durée d’une heure est adaptée aux capacités de

concentration et à la fatigabilité d’Hector.(OI1)

Remarque : l’auto-évaluation n’a pas été proposée à Hector pour cause de difficulté à traduire

le questionnaire en arménien, ce qui est regrettable car elle aurait pu jouer un rôle de processeur

et participer directement à l’expression de ses goûts et de sa personnalité.

2.8 Une prise en charge de 4 séances avec Hector montre une adhésion au projet et un passage

à l’action malgré une grande réticence initiale à participer aux séances

Tableau 22- Synthèse du déroulement des séances d'Hector

Prise en charge d’Hector

Indication Favoriser l’expression et impliquer Hector dans un projet qui lui fasse plaisir

Objectif général Renforcer la confiance en soi « se sentir capable de »

Objectifs

intermédiaires

OI1 : Renforcer le sentiment de sécurité au sein de l’atelier

OI2 : Créer une alliance thérapeutique

OI3 : Impliquer Hector dans la réalisation d’un projet artistique

Séance 1

Modalités Date : 19/09/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Affiner l’état de base

Créer une relation de confiance

Affiner les goûts

Enrichir les connaissances, la technique

56

Méthodes et

moyens

Dominantes : peinture acrylique

Exercice dirigé/jeu : explication et réalisation du cercle chromatique des couleurs

Déroulement de la

séance

Partie 1 : Présentation des couleurs

Hector arrive à l’heure en séance. Il précise immédiatement qu’il est fatigué. Il s’assoit.

Un travail sur le cercle chromatique des couleurs lui est proposé. Il ne connait pas les

mélanges de couleurs. Il comprend très bien le principe de la séance grâce à l’aide de

mots clés imprimés en Arméniens. Hector se montre curieux. L’exercice est tout d’abord

présenté sous forme d’un jeu où Hector doit deviner quelle est la couleur obtenue en

mélangeant deux couleurs. Il dispose de cartes avec les couleurs pour s’exprimer. Il aime

la partie « réflexion » et semble prendre du plaisir à apprendre et à participer.

Partie 2 : Réalisation du cercle chromatique des couleurs à la peinture

Au moment de passer à l’action et de prendre le pinceau, Hector dit qu’il est « anxieux

». Son comportement change radicalement. Il se montre distant et anxieux. Hector se

lance tout de même dans l’exercice. Il se plaint de nombreuses fois, disant qu’il est «

handicapé » et tente plusieurs fois d’arrêter. Il ira tout de même jusqu’au bout de

l’exercice sous de nombreuses sollicitations.

Bilan et projection Hector s’est montré volontaire pour la première partie de la séance. Il aime la réflexion,

cependant, il se montre inquiet quand il s’agit de s’engager physiquement

Prochaine séance : proposer une autre dominante qui suscitera l’intérêt d’Hector.

L’activité devra solliciter ses capacités cognitives et correspondra à ses goûts. Cesser la

peinture pour le moment.

Séance 2

Modalités Date : 03/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Renforcer le sentiment de sécurité par la contemplation

Favoriser l’expression du goût

Débuter une production artistique

Créer une relation thérapeutique

Méthodes et

moyens

Dominantes : Photographie

Exercice semi-dirigé : Sur le thème des échecs, réaliser 4 photographies qui mettent en

scène les pièces de l’échiquier, avec l’aide d’un appareil photo instantané.

Déroulement de la

séance

Lorsque nous sommes arrivés dans l’établissement pour le rendez-vous avec Hector,

celui-ci était assis dans la salle commune. Anxieux, il agitait ses deux jambes et regardait

d’un regard vide par la fenêtre. En nous voyant arriver, il a dit plusieurs fois qu’il était

« nerveux ». Après s’être assis quelques instants avec lui, nous lui avons proposé de

rejoindre la salle pour démarrer la séance. Hector, après quelques secondes d’hésitation

et quelques soupirs, s’est levé pour rejoindre la salle.

Partie 1 : contemplation de photographies artistiques mettant en scène différents objets.

Hector a regardé de manière attentive chaque photographie, en exprimant ses goûts grâce

aux pancartes. Il a évoqué des idées, des mots clés, en Français, Russe, ou Arménien.

Il a manifesté de l’intérêt et du plaisir à contempler ses photos.

Partie 2 : proposition de l’activité photo instantanée.

A la vue de l’appareil, Hector a souri. Comme toujours, il a compris les consignes très

rapidement. Il a saisi l’appareil avec délicatesse pour l’observer longuement. Il a préparé

sa première mise en scène en choisissant le « cavalier ». Pour la première fois, Hector

s’est engagé corporellement de manière volontaire. Il a investi la table devant lui en

restant assis. Après avoir préparé la scène qu’il souhaitait, il a décidé de prendre sa

première photo. Il a regardé plusieurs secondes dans le viseur, pour obtenir le bon

cadrage. Il s’est montré très enjoué devant la photo sortant instantanément. Cependant,

il n’était pas satisfait du résultat. Hector a alors préparé une seconde mise en scène. Cette

fois, pour mieux cadrer, il a décidé de se lever de sa chaise. Il a retiré sa veste pour être

plus à l’aise. Il a réalisé ainsi sa 2ème photo.

La journée étant belle, nous avons proposé à Hector de faire la prochaine photographie

à l’extérieur, dans le jardin de la structure. Il a immédiatement refusé, s’exclamant

« fatigué » et faisant un geste indiquant qu’il irait la prochaine fois. Pourtant, après une

seconde demande, il a accepté. Nous sommes descendus et Hector a pris 2 dernières

photos en plaçant des pièces sur une petite fontaine en pierres.

A la fin de la séance, Hector a décidé de rester dehors pour profiter du soleil assis sur un

banc.

Bilan et projections Hector s’est détendu progressivement en décidant de rester à l’extérieur en fin de séance.

Les plaintes étaient toujours présentes mais pas bloquantes.

57

Il a manifesté du plaisir à réaliser l’activité photographie, en impliquant à la fois son

corps et son esprit. Sa structure corporelle s’est régulée en fonction de son intention

esthétique.

Prochaine séance : contemplation du travail réalisé, choix de 2 photographies, mise en

valeur des photos

Séance 3

Modalités Date : 10/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Favoriser l’expression du goût

Poursuivre la production artistique (mise en valeur des photographies)

Déroulement de la

séance

Hector arrive à l’heure à l’atelier, sans sollicitation. Il a amené des bonbons pour partager

avec l’ATS, il semble détendu.

Partie 1 : contemplation des 4 photographies prises à la séance précédente.

Hector prend son temps pour observer, il fait des commentaires et après réflexion, il

choisit 2 photos. Il choisit également une façon de les mettre en valeur, ce sera un petit

cadre en bois.

Partie 2 : action. Hector doit maintenant peindre le cadre en bois, ainsi qu’un fond où il

disposera les photographies. Il souffle une fois mais prend le pinceau pour commencer

le travail. Il choisit ses couleurs sans difficultés, utilisant le cercle chromatique réalisé

en séance 1. Afin de ne pas le mettre en difficulté, nous l’aidons pour cette tâche qui ne

doit pas lui paraitre trop longue et fatigante. Hector terminera son travail à la prochaine

et dernière séance.

Bilan et projections Le nombre de plaintes a nettement diminué. L’anxiété également. La durée

d’investissement dans l’action a augmenté.

Prochaine séance : terminer la production. Clôturer la prise en charge.

Séance 4 – Dernière séance

Modalités Date : 17/10/2016 à 14h30 - Durée : 1 heure - Lieu : Bureau médecin

Objectifs de la

séance

Terminer la production

Clôturer la prise en charge art-thérapeutique

Déroulement de la

séance

Hector n’est pas venu de manière spontanée à l’atelier. Nous sommes allés le voir dans

sa chambre, il était assis sur son lit, sous masque respiratoire. Nous l’avons laissé,

supposant que la séance n’aurait pas lieu. Pourtant à 14h45 Hector s’est présenté à

l’atelier. Il a dit bonjour, et évoqué des problèmes respiratoires. Cependant il ne s’est pas

plaint et s’est assis, prenant en main le travail réalisé à la séance précédente, et

s’exclamant « joli ». La production obtenue lui plaisait donc. Hector s’est remis au

travail pour terminer son assemblage. Nous lui avons proposé de signer son œuvre, ce

qui a plu à Hector. Il s’est entrainé sur un brouillon, et a expliqué que son nom pouvait

s’écrire en Arménien ou en Russe. Il a choisi le Russe et a signé son travail. Hector l’a

emporté pour l’exposer dans sa chambre. Nous avons clôturé l’atelier, rappelant le

nombre de séances écoulées avec l’aide du calendrier, Hector nous a remercié et a

regagné sa chambre.

Bilan et projections Hector est allé jusqu’au bout de son projet artistique, en exprimant ainsi son style et son

goût. Il ne s’est pas plaint de sa condition physique pour cette dernière séance, malgré

son état de fatigue visible en début de séance. Il n’y a pas eu de manifestation d’anxiété.

Hector a quitté l’atelier satisfait du travail réalisé.

58

2.9 Le taux de participation, le nombre de plaintes, la durée de l’action artistique et d’autres

faisceaux d’items sont récoltés dans la fiche d’observation

L’évaluation de chaque OI nous permet d’évaluer l’OTG.

Tableau 23- Evaluation de l'OI1

Evaluation de l’OI1 : Renforcer le sentiment de sécurité au sein de l’atelier Le sentiment de sécurité est indispensable à Hector pour

qu’il puisse participer à l’atelier. Ainsi, le taux de

participation correspond à un premier item. Hector a

participé à 100 % des séances planifiées, malgré une

grande réticence exprimée clairement en début de prise

en charge.

Le nombre de plaintes est un faisceau d’items

spécifique à Hector retenu pour l’évaluation de l’OI1.

Nombre de plaintes sur une séance

5 - Aucune

4 – Une fois

3 – 2 fois

2 – 3 à 4 fois

1 – Plus de 5 fois

En effet, plus Hector se sent en sécurité, moins il se plaint

de sa condition physique. La tendance générale observée

est positive puisque le nombre de plaintes passe de « plus

de 5 fois » en S0 à « Aucune » en S4.

Enfin, la qualité de l’engagement témoigne de

l’investissement dans l’activité. (Figure 16)

En conclusion,

Figure 16- Evolution de l'item "Investissement dans

l'activité"

Conclusion OI1 :

Tous ces éléments témoignent du renforcement du sentiment de sécurité d’Hector dans l’atelier.

Tableau 24- Evaluation de l'OI2

Evaluation de l’OI2 : Créer une alliance thérapeutique Tout comme l’OI1, le taux de participation à

l’atelier, ainsi que l’implication dans la réalisation

d’une production artistique témoignent de l’alliance

thérapeutique établie.

S’ajoute à ses informations l’observation de

l’évolution (Figure 17) du faisceau d’items

suivant :

Implication relationnelle avec l’art-

thérapeute

5 – Relation privilégiée / active

4 – Relation / besoin d’écoute

3 – Expression, participe

2 – Ecoute, implication réservée

1 – Absence, pas d’implication

Figure 17- Evolution de l'item "Implication relationnelle

avec l'ATS"

Conclusion OI2 :

L’alliance thérapeutique établie a rendue possible la prise en charge en art-thérapie pour Hector. La relation (8)

a été une cible thérapeutique primordiale.

1

3

4 4

5

0

1

2

3

4

5

SO S1 S2 S3 S4

Investissement dans l’activité (qualité

de l’engagement)

23

5 5 5

0

2

4

6

SO S1 S2 S3 S4

Implication relationnelle avec l’Art-

thérapeute

59

Tableau 25- Evaluation de l'OI3

Evaluation de l’OI3 : Impliquer Hector dans la réalisation d’un projet artistique L’OI3 permet de réaliser un travail sur le Bon et le Bien,

qui correspond à la BR3 recherchée. Nous allons

observer ici plusieurs faisceaux d’items qui vont

témoigner du plaisir ressenti dans l’activité, de l’envie

de s’impliquer (corps et esprit) dans la réalisation d’une

production qui corresponde à l’expression de son style.

- Durée de l’action artistique (hors contemplation)

- Réaction face à la difficulté

- Recherche de l’idéal esthétique

- Comportement durant la séance

- Intention esthétique ArtI/ArtII

- Désir / Intention

Figure 18- Evolution de la moyenne des faisceaux

d'items pour l'OI3

Conclusion OI3 :

L’évolution de la moyenne des faisceaux d’item montre un pic en séance 2 (Figure 18). C’est durant cette séance

qu’Hector a réalisé les photographies instantanées. Ces résultats confirment le bon choix de la dominante. Hector

a trouvé un équilibre entre l’ArtI et l’Art2 : il a pour cela adapté ses gestes (corps) à son intention, ce qui a

provoqué des gratifications sensorielles.

L’analyse de ces items permet de confirmer un autre point important : lorsqu’Hector décide de s’investir dans

l’activité (grâce aux boucles de renforcement mises en place), il n’a pas de difficulté particulière à faire des

choix, à prendre des initiatives ou à exprimer son style. La vraie difficulté est de retrouver l’énergie nécessaire

pour le faire, d’où la stratégie mise en place validée ici.

En conclusion, cette courte prise en charge a permis un travail prometteur avec Hector.

Il aurait été intéressant de pouvoir effectuer un bilan par l’intermédiaire d’un interprète, ou

d’avoir au moins la possibilité d’utiliser l’autoévaluation par le cube harmonique.

Le partage des résultats avec l’équipe sociale a été accueilli de manière très encourageante. En

effet, en voyant les résultats obtenus en un temps réduit de séance, l’équipe a retrouvé l’envie

de mettre en place de nouvelles initiatives auprès d’Hector afin d’améliorer sa qualité de vie. Il

est vrai qu’après 4 années passées à la Halte Santé, l’équipe peut facilement avoir tendance à

réduire ses efforts.

Les conclusions, limites et projections concernant la prise en charge sont présentées dans le

bilan transmis à l’équipe (paragraphe 2.10 suivant).

2.10 Un bilan de prise en charge confirme l’implication d’Hector dans un projet artistique qui

lui a fait plaisir grâce à l’établissement d’un cadre rassurant et d’une alliance thérapeutique

Tableau 26- Bilan d’Hector, le 19/10/2016

Nous avons reçu Hector pour une prise en charge en art-thérapie dans le but de répondre à l’indication

suivante : Favoriser l’expression et impliquer Hector dans un projet qui lui fasse plaisir.

Hector a participé à un cycle de 5 séances d’une heure dont une séance d’ouverture, du 12 septembre

au 17 octobre 2016.

Suite à l’établissement et à l’analyse de l’état de base d’Hector, une stratégie thérapeutique a été

élaborée dans le but de renforcer la confiance en soi d’Hector, afin qu’il se sente capable de s’engager

dans un projet artistique malgré son état de santé. La présentation de la prise en charge en art-thérapie

a été présentée à Hector par l’intermédiaire d’un interprète. Celui-ci s’est montré très réticent et

anxieux, mais a finalement accepté de se présenter à la première séance, sans conviction.

Basée sur une relation bienveillante et un cadre rassurant, une stratégie thérapeutique a été mise en

place afin de réduire les inquiétudes d’Hector en l’impliquant dans un projet artistique réfléchi sur-

mesure. Dès la séance 2, Hector a manifesté un grand intérêt à s’impliquer dans un projet de

photographie. Nous avons noté une diminution de l’anxiété et du nombre de plaintes relatives à sa

condition physique. Hector a adapté sa structure corporelle pour réaliser l’activité. En S2, il a même

2,2

3,2

4,33,8 3,8

0

1

2

3

4

5

SO S1 S2 S3 S4

Moyenne des faisceaux d'items

60

accepté d’aller à l’extérieur pour poursuivre son travail. Hector a finalement participé à toutes les

séances planifiées. A travers ce projet, Hector s’est exprimé par l’usage d’un autre moyen que le

langage. Cette expérience lui a rappelé ses nombreuses capacités oubliées et a permis de renforcer sa

confiance en lui.

La limite de cette prise en charge est évidente : ce premier cycle n’est pas suffisant et un second cycle

est fortement recommandé afin de renforcer la confiance.

D. Le bilan des prises en charge nous permet d’évaluer si l’art-thérapie a permis

aux résidents de retrouver une place de sujet en renforçant la confiance en soi, en

l’avenir et en l’autre

1°) Deux autres résidents ont bénéficié de prise en charge en art-thérapie

1.1 Les cas de Sarah et Fabien ont permis de réaliser un essai thérapeutique puisque ces deux

personnes n’étaient plus résidentes au moment de la prise en charge en art-thérapie

La fin de séjour à la Halte Santé est un moment difficile que l’équipe essaie d’anticiper au

mieux. Certains séjours courts de deux semaines génèrent parfois de la frustration auprès de

l’équipe sociale. En effet, des progrès observés durant un séjour peuvent vite s’envoler suite à

un retour à la rue.

A la demande de l’AS, nous avons effectué un essai thérapeutique auprès de deux résidents, en

leur proposant de poursuivre la prise en charge en art-thérapie après leur sortie de la Halte Santé.

Il y aurait alors deux objectifs : tout d’abord travailler sur l’indication reçue, mais aussi garder

un lien avec la personne, lui permettant une meilleure transition vers sa nouvelle situation. Des

conclusions par rapport à ce deuxième objectif seront tirées en partie III de ce mémoire.

1.2 Le cas de Sarah qui a suivi huit séances d’art-thérapie alors qu’elle n’était pas résidente

durant toute la durée de la prise en charge confirme notre hypothèse

Sarah a 27 ans, elle a été hébergé à deux reprises durant l’été 2016 suite à des interventions

chirurgicales (ablation de plusieurs dents + traitement d’un abcès). Sarah présente des

antécédents de polytoxicomane ; elle était sevrée depuis quelques semaines lors de notre

rencontre. Elle a vécu plusieurs blessures de vie (rupture amoureuse, perte de son emploi, perte

de son logement, passage à la rue).

Sarah aime l’écriture qu’elle pratique seule. Elle aime écrire des textes de nature triste et

mélancolique. Elle a reçu une indication en art-thérapie dans le but de prévenir ses

comportements qui pouvaient être parfois agressifs et violents. En effet, Sarah a tendance à

vite s’énerver lorsqu’elle rencontre une difficulté. Elle a exprimé en début de prise en charge

son besoin de s’apaiser. Nous avons fixé comme objectif thérapeutique le renforcement de la

confiance en soi afin d’impliquer la résidente dans un projet basé sur le développement d’une

technique et d’un savoir-faire. Les éléments observés pendant ce suivi étaient principalement

la réaction face aux difficultés, l’humeur, l’implication/investissement, l’expression des

difficultés, l’expression des émotions, la concentration et la projection personnelle.

Les résultats obtenus ont permis de renforcer la confiance en soi de Sarah, en révélant son

potentiel dans une discipline qu’elle ne connaissait pas. Sarah a exprimé son plaisir ressenti

qui, d’après elle, est bien différent du plaisir qu’elle ressent lorsqu’elle écrit, qui ressemble plus

à du soulagement. A partir de la 4ème séance, Sarah vivait de nouveau à la rue. Elle a tout de

même assisté à toutes les séances prévues (avec quelques retards). Elle a avoué avoir pensé à

arrêter la prise en charge à la séance 5, car elle rencontrait trop de difficultés à l’extérieur et elle

avait perdu l’envie. Pourtant, elle est revenue car, dit-elle « j’avais quand même envie de

terminer ce que j’ai commencé, ça me plait ». Terminer sa production malgré sa sortie a été

source de gratifications supplémentaires chez Sarah.

L’expérience de Sarah vient confirmer l’hypothèse posée.

61

1.3 Le cas de Fabien qui, une fois de retour à la rue, a abandonné la prise en charge nous permet

de mettre en évidence certaines limites de notre hypothèse

Fabien, 40 ans, a été hébergé à la halte santé pendant 2 mois et demi suite à un lourd traitement

relatif à sa tumeur cérébrale. Alcoolique, Fabien était sobre depuis 1 mois lors de notre

rencontre. L’AS l’a orienté vers l’art-thérapie dans le but de travailler sur la gestion de la

frustration et de l’agressivité, ainsi que le respect du cadre et des limites, afin de l’accompagner

vers sa sortie vers un logement thérapeutique.

Fabien a participé à une séance d’ouverture d’une heure durant laquelle nous avons confirmé

l’intérêt de la prise en charge. Fabien s’est montré très volontaire et particulièrement sensible à

l’Art. Malheureusement, après sa sortie de la Halte Santé, il n’a pas honoré les rendez-vous

suivant. Nous l’avons croisé dans l’établissement un après-midi, alcoolisé et très agressif. Il a

promis de revenir une autre fois mais ne l’a jamais fait.

Le cas de Fabien nous montre les limites de la prise en charge dans des cas complexes comme

les cas d’alcoolisme ou de toxicomanie, qui s’ajoutent à la maladie et à la précarité. Une

participation régulière est nécessaire pour que la prise en charge soit bénéfique.

2°) Le bilan des quatre prises en charge nous permet de valider notre hypothèse et

de souligner ses limites

Tableau 27- Synthèse des prises en charge

Marc Hector Sarah Fabien

Indication Diminuer l'anxiété

et développer

l'autonomie afin

de l’accompagner

dans sa transition

vers un nouveau

logement.

Favoriser

l’expression et

impliquer Hector

dans un projet qui lui

fasse plaisir.

Travailler sur les

comportements

agressifs et violents.

Accompagner Sarah

vers la sortie, garder un

lien avec elle le temps

de la transition vers sa

nouvelle situation.

Travailler la gestion de

la frustration et de

l’agressivité. Travailler

le respect du cadre et

des limites.

Accompagner Fabien

dans cette phase de

transition pour qu’il

s’adapte à son nouvel

hébergement en

maintenant un lien

avec la Halte-Santé.

Anamnèse 48 ans. A été

retrouvé à la rue

dans un état

déplorable de

santé en perte

d’autonomie

totale. A la Halte

depuis 3 mois

suite à une

hospitalisation de

plus d’un mois.

62 ans. A la Halte

depuis 4 ans, en

demande de

régularisation de

séjour en France pour

se soigner. Ne parle

pas Français. Gros

problèmes

pulmonaires

27 ans. Toxicomane. A

effectué 2 séjours de 2

semaines à la Halte

suite à une intervention

chirurgicale (ablation

de plusieurs dents +

traitement d’un abcès).

Sevrée depuis quelques

semaines mais situation

fragile. S’énerve vite,

peut être agressive et

violente.

40 ans. Alcoolisme.

Tumeur au cerveau.

Séjour à la Halte de 2

mois et demi et sortie

vers un appartement

thérapeutique. Sevré

depuis quelques mois.

Suivi 1 séance de

rencontre (20min)

+ 1 séance

d’ouverture (1h) +

7 séances (1h)

Dominantes :

peinture et collage

1 séance de rencontre

(30min) + 1 séance

d’ouverture (1h) + 4

séances (1h)

Dominantes :

photographie et

peinture

1 séance de rencontre

(20min) + 1 séance

d’ouverture + 7 séances

(1h) dont 4 alors

qu’elle venait de

l’extérieur

Dominante : peinture

1 séance de rencontre

(20min) + 1 séance

d’ouverture (1h)

62

OTG Renforcer la

confiance en soi

par

l’apprentissage

d’un savoir-faire

et d’une technique

Renforcer la

confiance en soi, « se

sentir capable »

Renforcer la confiance

en soi et en l’avenir

Objectif thérapeutique

non posé car arrêt de la

prise en charge

Bilan Renforcement de

la confiance en

soi. Renforcement

de la technique et

du savoir-faire.

Implication dans

la réalisation

d’une production

et exposition de

son œuvre. Baisse

de l’anxiété

notable.

Autonomie dans

le projet artistique

renforcée.

Malgré une forte

réticence en début de

prise en charge,

renforcement de la

confiance en soi.

Implication réussie

dans un projet

artistique. Résultats

très prometteurs en

peu de séances.

Renforcement de la

confiance en soi et de

la capacité à se

projeter.

Comportement anxieux

et impatient noté dès le

lendemain de la sortie

mais poursuite de

l’activité jusqu’au bout.

Implication réussie.

Plaisir exprimé.

Intérêt de la prise en

charge confirmé suite

à la séance

d’ouverture.

Suite à sa sortie vers

un appartement

thérapeutique, Fabien

n’a pas honoré son

prochain rendez-vous.

Arrêt de la prise en

charge.

Limites Confiance en soi

encore fragile

pour constater des

effets durables.

Prise en charge trop

courte. Pas d’auto-

évaluation effectuée.

Lorsque la personne

n’est plus hébergée sur

place, un ensemble

d’éléments viennent

interagir sur le

comportement de la

personne et

l’évaluation de

l’impact de l’art-

thérapie est difficile.

Une ré-alcoolisation de

Fabien a été suspectée.

N’étant plus hébergé

sur place, il est

difficile dans les cas

d’addiction de faire un

suivi régulier.

L’hypothèse posée a été validée pour 3 expériences sur 4. Le renforcement de la confiance en

soi a permis l’implication dans le projet, grâce au renforcement de la confiance en l’autre (en

l’ATS) et de la confiance en l’avenir (capacité à se projeter dans le projet). Ce faible nombre

de prise en charge et leur courte durée ne permet cependant pas de généraliser l’hypothèse mais

les conclusions sont encourageantes.

Les résultats obtenus auprès de Marc et d’Hector sont plus réguliers. En effet, ces deux

personnes étaient hébergées à la Halte Santé pendant toute la durée de la prise en charge. Ils

n’en restent pas moins « en situation de précarité » mais la structure leur a tout de même offert

un minimum de sécurité et stabilité, ce qui a favorisé l’implication dans le projet.

Dans les cas de Sarah et de Fabien, le travail était bien plus difficile et il n’est pas réellement

possible de comparer les évaluations.

Enfin, toutes les prises en charge devraient pouvoir être renouvelées afin de poursuivre le travail

qui a été réalisé.

3°) Malgré les limites évoquées, l’expérience a confirmé l’intérêt d’une prise en

charge en art-thérapie auprès des personnes en précarité accueillies à la Halte

Santé

Suite à la présentation des résultats des prises en charge à l’équipe de la Halte Santé, l’intérêt

de la discipline dans la structure a été confirmé. En effet, l’art-thérapie vient enrichir l’offre de

soin de manière nécessaire pour certains résidents. De plus, le travail effectué par les résidents

a un impact positif auprès de l’équipe médico-sociale, comme l’a témoigné le cas d’Hector. Les

résultats déterminants en art-thérapie encouragent les autres membres de l’équipe dans leur

discipline. Le résident est vu sous un autre regard. Lorsqu’il accepte de montrer ses œuvres, il

révèle une sensibilité et surtout un potentiel qui n’était parfois pas supposé.

63

PARTIE III – L’art-thérapie peut occuper une place originale et

spécifique dans l’accompagnement des personnes en situation de

précarité vers la réinsertion sociale

A. Le bilan de cette expérience clinique est positif bien que le travail réalisé doive

encore être optimisé

1°) La prise en charge en art-thérapie s’intègre à la prise en charge globale du

résident

1.1 La prise en charge en art-thérapie répond aux orientations du projet d’établissement

Cette expérience d’art-thérapie a démontré l’intérêt de la discipline auprès des résidents de la

Halte Santé mais aussi la place originale qu’elle occupe dans le parcours de soin.

Dans un contexte plus large, nous avons relevé dans le Tableau 28 les missions de la Halte

Santé qui sont décrites dans le projet d’établissement36. En parallèle, nous présentons

comment l’art-thérapie peut participer à l’atteinte les objectifs.

Tableau 28- L'art-thérapie peut répondre aux exigences du projet d'établissement de la Halte Santé

Halte Santé - Préparation à la réinsertion

Page Partie Missions (Extrait du projet

d’établissement)

Application art-thérapie

9 Contexte éthique « La démarche de coopération

entre l’action publique et les

acteurs de terrain qui a prévalu

donne à la structure une tonalité

particulière. C’est en partant des

valeurs partagées qu’il est

possible de comprendre

l’organisation actuelle et le

fonctionnement de la structure.

Ces valeurs, socles des principes

d’action sont : le respect de la

personne et de sa dignité, la

solidarité, l’humanisme, la

tolérance et l’égalité. »

La bienveillance est l’un des

principes fondamentaux de l’art-

thérapie. Elle inclut les notions de

respect, dignité et humanisme.

De plus, l’activité de l’art-

thérapeute est exercée dans le

respect du Code de déontologie

art-thérapeutique. Ce règlement

a été réalisé par l’AFRATAPEM

en 2007 après avis d’une trentaine

d’art-thérapeutes professionnels au

niveau national. Dans ce code,

sont déterminés les éléments

fondamentaux du « savoir–faire »

et « savoir–être » concernant le

métier afin de définir un gage de «

qualité professionnelle » pour les

patients, les familles, les

encadrants et les employeurs.

15

Cadre d’action de

la Halte Santé

« La Halte Santé s’inscrit dans

un objectif global de

promotion de la santé,

découlant directement de sa

mission générale. Elle adopte

une conception large de la santé

et ne la résume pas à une

conception biomédicale. « La

promotion de la santé a

précisément pour but de créer,

L’art-thérapeute, dans sa

démarche humaniste, place la

personne au centre de la

démarche de soin.

36 HALTE SANTE, Projet d’établissement, Halte Santé, 2016-2021

64

grâce à un effort de

sensibilisation, les conditions

favorables indispensables à

l’épanouissement de la santé »37,

elle cherche alors à conférer aux

personnes accueillies les moyens

d'assurer un plus grand

contrôle sur leur propre

santé. »

31 Un environnement

contraint -

Une offre inadaptée

et insuffisante pour

certains besoins

spécifiques

Le cumul de problématiques

(addictions, troubles mentaux,

problèmes de santé, handicap,

vieillissement précoce) qui

caractérise certaines personnes

en situation de précarité,

demande une offre de prestation

diversifiée, personnalisée,

pluridisciplinaire et coordonnée.

L’art-thérapeute, par ses

connaissances transverses,

travaille en collaboration avec les

autres membres de l’équipe

médico-sociale. Il prend en

compte l’ensemble des

problématiques vécues par les

résidents afin de construire une

stratégie unique et adaptée. L’art-

thérapie vient compléter l’offre de

soin en s’intéressant aux pénalités

existentielles, ce qui complète

l’offre de soin existante.

37 La mission

sanitaire

La mission sanitaire relève :

- du soin d’une pathologie aigue

ou subaigüe.

- du prendre soin de la personne.

La santé est appréhendée dans sa

dimension médico-psycho-

sociale.

L’indication en art-thérapie peut

être directement liée au sanitaire

(travail sur la douleur, le sommeil,

l’hygiène).

Elle peut être liée au « prendre

soin » en travaillant sur des

pénalités existentielles (ex :

amélioration de la qualité de vie,

renforcement de la confiance en

soi) ou des problématiques

sociales.

37 La mission

sanitaire

Education thérapeutique L’éducation thérapeutique doit

permettre aux malades de vivre

avec leurs maladies, tout en

essayant de réduire ou retarder le

plus longtemps possible

l’apparition des complications et

en améliorant leur qualité de vie.

L’art-thérapie peut s’inscrire dans

le champ de l’éducation

thérapeutique

42 La mission socio-

éducative

S’assurer de la qualité du séjour

de la personne au sein de la

structure

L’art-thérapie participe à

l’amélioration de la qualité de vie

43 La mission socio-

éducative

Accompagnement vers

l’autonomie et la citoyenneté

Comme dans le cas de Marc,

l’autonomie peut être une

indication en art-thérapie.

De même, le travail sur

l’amélioration des capacités

relationnelles fait partie des

37 La Charte d’Ottawa du 21 novembre 1986, adoptée par la Conférence internationale pour la promotion

de la santé

65

missions majeures de l’art-

thérapeute (si telle est l’indication

reçue). Ce travail participe à la

citoyenneté (travail sur les

comportements agressifs ou

violents, travail sur les

comportements d’isolement, etc. )

43 La mission socio-

éducative

Les liens avec la famille ou les

proches

L’art-thérapie peut inclure la

famille ou les proches dans la

démarche de soin en prévoyant des

ateliers collectifs. Les indications

sont diverses, elles sont fixées par

le médecin ou le membre de

l’équipe sociale référent.

44 La mission socio-

éducative - Le

travail

d’orientation en

sortie

La sortie est abordée dès l’entrée

de la personne et compte tenu

des durées de séjour, le

travailleur social s’appuie sur les

partenaires externes. Ces liens

partenariaux sont maintenus par

des rencontres régulières ou des

visites au sein des structures

partenaires.

Comme dans le cas de Sarah et

Fabien, la prise en charge en art-

thérapie pourrait accompagner les

résidents dans leur transition vers

un nouveau logement.

45 La mission socio-

éducative -

L’accompagnement

collectif

Favoriser le « bien-vivre

ensemble » au sein de la

structure.

Durant notre expérience, la prise

en charge individuelle était la

mieux adaptée aux personnes

reçues. Dans le cas de difficultés

relationnelles, il peut être

intéressant de travailler dans des

ateliers collectifs. (L’évaluation

reste individuelle, trois personnes

maximum peuvent être prises en

charge simultanément).

1.2 L’art-thérapeute et d’autres membres de l’équipe médico-sociale peuvent travailler sur un

objectif commun

Le cas de Marc fut un bel exemple « d’interdisciplinarité », autre notion développée dans le

projet d’établissement38 de la Halte Santé. L’interdisciplinarité repose sur la connaissance

mutuelle des métiers et fiches de poste de chaque membre du personnel et sur des outils de

communication adaptés. Ces outils sont des réunions et des transmissions écrites et orales.

Le volet sanitaire (médecins et infirmiers) et le volet socio-éducatif (travailleurs sociaux,

veilleurs et maître de maison) se doivent d’être en étroite collaboration. Au-delà de la

pluridisciplinarité, il s’agit de travailler en interdisciplinarité apportant ainsi une cohérence des

prestations proposées face aux nombreuses problématiques rencontrées par les personnes

accueillies. L’objectif est de faire coïncider le travail de plusieurs disciplines sur un même objet,

un même sujet. L’interdisciplinarité met en place un dialogue et des échanges entre les

disciplines.

Dans le cas de Marc, l’indication donnée par l’AS était de travailler sur son autonomie en vue

de préparer sa sortie. Ce travail sur l’autonomie est un objectif commun à l’équipe médicale et

38 HALTE SANTE, Projet d’établissement, Halte Santé, 2016-2021, p.53

66

à l’équipe sociale. Il aurait alors été intéressant de partager les résultats obtenus de manière plus

régulière.

1.3 L’impact de la prise en charge en art-thérapie dans la vie quotidienne est difficilement

évaluable

Dans les deux cas cliniques présentés en partie II de ce mémoire, les changements observables

au cours de l’atelier ont été évalué. Pourtant, dans le cas de Marc par exemple et du travail

réalisé sur l’autonomie, nous aurions dû pouvoir observer des changements dans sa vie

quotidienne. Ainsi, l’intérêt de la prise en charge aurait pu être réellement évalué.

Plusieurs remarques peuvent être faites à ce sujet :

- De manière générale, les items utilisés dans le cadre des prises en charge sont encore à

retravailler. La fiche d’observation s’adapte au public, à l’individu et à l’indication. Du

temps et de l’expérience sont nécessaires à l’obtention de bons items d’observation.

- Comme évoqué dans le bilan de Marc transmis à l’équipe médico-sociale, ce premier

cycle de huit séances n’était pas suffisant pour observer des résultats durables observables

en dehors de l’atelier.

- Pour évaluer les changements dans la vie quotidienne, il faudrait soit prévoir du temps

supplémentaire « hors atelier » dans la structure (repas, sortie), soit recueillir les

informations auprès des autres membres de l’équipe, en leur fournissant des items précis.

- Enfin, un certain nombre de facteurs interagissent dans la mesure de l’efficacité de la

prise en prise, nous développerons ce point en partie 3.2.

2°) Pour une meilleure efficacité de la prise en charge, la collaboration avec

l’équipe médico-sociale doit être plus fréquente

2.1 Dans une structure où les intervenants sont nombreux, il est important que le rôle de l’art-

thérapie soit clairement expliqué auprès des professionnels de l’équipe

L’art-thérapie étant peu connue et expérimentée pour la première fois à la Halte Santé, elle peut

vite être associée à du simple bien-être, au même titre par exemple que les esthéticiennes qui

interviennent ponctuellement dans la structure. C’est pourquoi il est indispensable de multiplier

les efforts pour replacer l’art-thérapie dans le contexte du soin.

Afin de clôturer son expérience à la Halte Santé, l’ATS a fait une présentation orale du bilan

du travail effectué. L’assistante sociale, l’éducateur spécialisé et le maître de maison étaient

présents. Un membre de l’équipe médicale devait y assister mais malheureusement, cette

personne a eu un contretemps, ce qui fut regrettable. En effet, c’est à l’issue de cette présentation

et donc à l’issue du stage que l’équipe a commencé à bien cerner la discipline, son intérêt pour

les résidents, mais surtout sa place légitime dans le parcours de soin.

Le point principal à améliorer est le partage d’informations avec l’équipe, et plus

particulièrement avec l’équipe médicale. En effet, si des échanges réguliers ont eu lieu avec

l’AS, autorité référente, il aurait été plus pertinent de travailler davantage avec un membre de

l’équipe médicale (médecins, infirmières).

Pour cela, des mesures simples devraient être mises en œuvre :

- Un suivi écrit de la prise en charge en art-thérapie devrait figurer dans le dossier médico-

social du résident

- Une participation régulière aux réunions d’équipe devrait être envisagée

Rappelons tout de même qu’il s’agissait d’une première expérience d’art-thérapie à la Halte

Santé. Les efforts mis en œuvres par chacun ont permis d’inclure l’art-thérapie au parcours de

soin des résidents d’une manière rapide et efficace, étant donné la courte période de stage étalée

67

sur seulement trois mois. Il est compréhensible que la mise en place d’une nouvelle discipline

prenne un certain temps afin de s’intégrer au mieux au fonctionnement existant.

2.2 La participation hebdomadaire à la réunion médico-sociale est nécessaire

L’ATS n’a participé qu’à une seule réunion d’équipe en début de stage, ce qui est insuffisant.

En effet, la participation à cette réunion est nécessaire et présente plusieurs avantages :

- Permettre une meilleure compréhension du champ d’intervention de l’art-thérapeute.

Nous l’avons observé durant cette expérience : en travaillant sur des cas cliniques,

l’intérêt de la prise en charge en art-thérapie se démontre de lui-même. Au fur et à mesure,

les médecins et l’AS peuvent faire des indications plus pertinentes vers des prises en

charge en art-thérapie.

- Etre informé sur les nouveaux arrivants, définir alors si une prise en charge en art-thérapie

est nécessaire ou non.

- Recueillir les informations sur les résidents suivis. D’un point de vue social et médical,

les informations récoltées permettent à l’ATS d’adapter son suivi (stratégie, évaluation).

Des évènements comme une problématique médicale, un souci familial, un refus

administratif, sont à prendre en considération dans le travail effectué en art-thérapie.

- Partager avec l’équipe ses propres résultats. De la même manière, les résultats obtenus en

art-thérapie peuvent être intéressants pour les autres membres de l’équipe. L’exemple

d’Hector illustre ce point : les résultats encourageants obtenus ont stimulé et encouragé

les autres membres de l’équipe dans leur travail avec Hector.

2.3 Le programme d’accompagnement de soin (PAS*) permet de préserver les acquis

Le PAS est un des outils de l’art-thérapeute. Il a pour objectif de maintenir un lien entre deux

séances. Il participe à l’atteinte du but thérapeutique recherché.

Pour cela l’art-thérapeute a deux possibilités :

- Donner au patient soit des exercices, œuvres, objets en lien avec sa production, qui

vont rayonner entre deux séances. (En fonction de l’objectif thérapeutique recherché)

- Mobiliser l’équipe médico-sociale pour un travail hors atelier d’art-thérapie

Nous avons utilisé le PAS une seule fois à la Halte Santé auprès de Sarah. Lorsqu’elle était

encore hébergée à la Halte Santé, nous avons laissé à Sarah sa toile, un pinceau et de la peinture,

pour qu’elle termine une partie de sa production pour la prochaine séance. Ce geste a permis de

maintenir son engagement et son investissement dans le projet, il fut également un gage de

confiance entre l’ATS et Sarah. Si l’ATS prête du matériel, c’est qu’il a confiance en Sarah, ce

qui participe à la valorisation de son estime.

Le PAS aurait pu être testé avec Marc afin de travailler la technique et le soin accordé à sa

production. Il aurait été intéressant de donner à Marc quelques brefs exercices à réaliser entre

deux séances, en impliquant éventuellement un membre de l’équipe sociale. Malheureusement

le PAS n’a pas été exploité au maximum durant cette expérience.

68

3°) La rigueur de la démarche scientifique peut être discutée

3.1 L’hétérogénéité du public impose plus de précision dans l’hypothèse

Nous devons revenir sur l’hypothèse en elle-même. « L’art-thérapie à dominantes peinture,

collage et photographie permettrait de redonner une place de sujet aux personnes en situation

de précarité en renforçant la confiance en soi, en l’avenir et en l’autre. »

Comme évoqué depuis le début de ce mémoire, il est délicat de placer les personnes en situation

de précarité dans une catégorie. Tout d’abord parce que la précarité est un terme subjectif, qui

peut rapidement concerner la majorité de la population. Il est question dans ce travail des

personnes souffrants de cette précarité.

De plus, afin d’être plus rigoureux, il aurait été intéressant de mieux cibler cette précarité, en

précisant par exemple qu’il s’agit de personnes « sans logement ». Le contexte est lui aussi à

préciser car ces personnes sans logement étaient hébergées de manière provisoire dans un centre

d’accueil. La prise en charge aurait été tout à fait différente si ces personnes avaient été par

exemple dans la rue. La formule correcte aurait été « personnes en situation de précarité sans

logement accueillies dans un centre médico-social d’hébergement provisoire ».

3.2 La reproductivité totale du protocole thérapeutique n’est pas possible étant donné la

multiplicité de facteurs qui ont un impact sur l’efficience de la prise en charge

L’efficacité de la démarche art-thérapeutique ainsi que de toutes les thérapies en général sont

difficilement évaluables. Un certain nombre de facteurs interagissent sur l’efficience de la prise

en charge et sont représentés sur le schéma 6.

Notons que le facteur humain est toujours le plus déterminant.

Schéma 6- Facteurs agissant sur l'efficience de la prise en charge art-thérapeutique

Personne accompagnée

Contexte général

L'art-thérapeute

La relation thérapeutique

La stratégie art-

thérapeutique

Les autres prises en charge

69

- La personne accompagnée : L’art-thérapie prend en compte la personne dans sa

globalité et dans sa singularité. Cela induit sa personnalité, son histoire, les éventuelles

maladies, ses souffrances. Mais aussi ses compétences, ses goûts, ses attentes, sa

sensibilité, ses projets.

- L’art-thérapeute : il a lui aussi sa singularité avec sa personnalité, ses compétences, ses

capacités relationnelles et empathiques, ses compétences techniques.

- La relation thérapeutique : elle implique à la fois la personne accompagnée et l’art-

thérapeute. Selon plusieurs études réalisées dans le domaine de la psychothérapie, il

semblerait que jusqu’à 45 % de la variance des résultats thérapeutiques obtenus pourrait

être attribué à la qualité de l’alliance thérapeutique39.

- Le contexte général ou le contexte environnemental : il est lié à la vie quotidienne. Des

évènements extérieurs non prévisibles peuvent survenir comme une bonne ou une

mauvaise nouvelle, un changement dans la situation administrative, une visite d’un

membre de la famille, une dispute avec un autre résident, etc. Dans notre expérience à la

Halte Santé, le climat, l’ambiance, les locaux ont eu une incidence sur les prises en charge.

La bienveillance et le soutien de l’équipe pour le projet ont eu un impact positif sur la

prise en charge.

- La stratégie art-thérapeutique : elle comporte l’ensemble des méthodes et moyens mis

en œuvres afin de répondre à l’objectif thérapeutique. Etant donné la singularité de

l’individu, il n’est pas possible d’appliquer une stratégie unique. Nous avons vu que les

stratégies thérapeutiques étaient différentes pour Marc et Hector. Nous ne pouvons donc

pas assurer la reproductivité d’un protocole précis, qui est pourtant une condition pour

valider une hypothèse. La reproductibilité totale est impossible, elle l’est tout autant dans

les autres disciplines thérapeutiques. Cette remarque affaiblit l’hypothèse mais ne

l’invalide pas pour autant.

De plus, la stratégie thérapeutique induit l’évaluation grâce à l’établissement d’items. Les

modalités évaluatives sont déterminantes. Ainsi, plus les items et faisceaux d’items sont

précis et nombreux, plus l’évaluation sera objective. Pourtant, comment évaluer

objectivement la subjectivité ? Cette difficulté n’est pas propre à l’art-thérapie, elle est

commune à toutes les thérapies. Elle n’invalide pas nécessairement l’évaluation mise en

place. La clé de la réussite se situe dans la capacité de l’art-thérapeute à établir sa fiche

d’observation et à être fidèle à sa cotation. Les items que nous avons utilisés durant notre

expérience demandent encore des améliorations.

- Les autres prises en charge : la personne bénéficie souvent d’autres prises en charge.

Dans notre expérience, l’assistante sociale travaillait elle aussi sur l’autonomie de Marc.

Hector avait quant à lui un suivi psychologique hebdomadaire. Ces prises en charges

peuvent être la cause d’améliorations observées en art-thérapie. Voilà pourquoi il aurait

été intéressant de récolter plus d’informations concernant ces prises en charge.

39 LECOMTE C., & LECOMPE T., Au-delà et en deçà des techniques cognitives béhaviorales dans le

traitement des troubles graves : les facteurs communs, Santé mentale au Québec, vol. 24, n° 1, 1999, p. 19-38.

70

B. La réinsertion sociale ne peut pas passer uniquement par le logement, l’emploi,

ou la santé

1°) L’art-thérapie stimule des potentialités enfuies ou oubliées

1.1 Les notions « d’exister » et « d’habiter » sont évoquées par le philosophe Heidegger

Le terme « insertion » a envahit le débat français ces dernières années, au point qu’on ne sait

parfois plus de quoi on parle. Il évoque souvent l’insertion par le logement, par le travail, par

la santé, par l’éducation.

Les personnes reçues à la Halte Santé sont dans la plupart des cas « sans résidence stable ».

Dans nos normes sociales, « habiter » définit comme « avoir sa demeure » constitue le point de

départ de l’intégration. Dans le dictionnaire, on associe souvent au mot « habiter » le mot

« vivre ». Pourtant, pour le philosophe Heidegger, l’habitation ne peut être prise comme un

comportement parmi d’autres puisqu’il préside à tout comportement possible, qu’il est le socle

fondateur de tous les comportements. Pour le philosophe, « habiter » est une condition, c’est

« le trait fondamental de la condition humaine »40, c’est la manière d’être au monde.

On considère souvent Heidegger comme la figure majeure de la philosophie de l’existence.

Pour Heidegger, seul l’homme existe car exister c’est habiter un monde (et non simplement être

dans ce monde à la manière d’un objet dans une boîte), c’est-à-dire en faire l’horizon de ses

projets.

Le philosophe Thierry Paquot, commentant Heidegger, définit le terme d’habiter ainsi :

«“habiter” (wohnen) signifie “être-présent-au-monde-et-à-autrui”. […] L’action d’“habiter”

possède une dimension existentielle. […] “habiter” c’est […] construire votre personnalité,

déployer votre être dans le monde qui vous environne et auquel vous apportez votre marque et

qui devient vôtre. […] C’est parce qu’habiter est le propre des humains […] qu’inhabiter

ressemble à un manque, une absence, une contrainte, une souffrance, une impossibilité à être

pleinement soi, dans la disponibilité que requiert l’ouverture »41.

1.2. Un spécialiste des questions sociales s’intéresse aux ingrédients de la réussite pour sortir

une personne de la difficulté

Jean-Baptiste de Foucauld, spécialiste des questions d'emploi, de lutte contre le chômage et de

solidarité, a exposé son point de vue afin de sortir quelqu’un de la difficulté.42

D’après lui, il faut travailler simultanément sur plusieurs dimensions de la personne :

- La « dimension professionnelle » : la capacité de chacun à maîtriser le travail, à accéder

aux normes du travail rémunéré d’aujourd’hui, qui sont des normes exigeantes. Il faut

désormais faire preuve de qualification, d’abstraction, de capacité de relation, etc.

- La « dimension relationnelle » : développer la capacité de la personne à donner, à

recevoir, à créer du lien, trouver sa place. Créer du capital social dans une société

individualiste.

- La « dimension éthique » : pour sortir quelqu’un de la difficulté, il faut qu’il retrouve

sens à sa vie, qu’il ait un certain goût de vivre, une estime de lui-même.

40 HEIDEGGER M., Essais et conférences, Gallimard, 1958. 41 PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel, YOUNÈS Chris (2007). Habiter le propre de l’humain, villes,

territoires et philosophie. La découverte, coll. Armillaire. 42 Colloque organisé par le Conseil économique et social régional Rhône-Alpes « L’exclusion : pour s’en

sortir enfin ! » (Février 2006).

71

Pour Foucauld, l’équilibre entre les dimensions professionnelles, relationnelles et éthiques est

la clé du succès. L’art-thérapie s’intéresse exactement à cette dimension éthique qui est la

plupart du temps la dimension la moins traitée dans les structures d’aides sociales.

A ces trois conditions, le spécialiste ajoute qu’il faut se donner du temps afin d’agir en

profondeur. Foucauld parle de créer des espaces de communication désintéressés, « où

l’efficacité n’est pas le but premier, où l’on cherche le sens ».

1.3 L’art-thérapie ne guérit pas ; cependant, elle peut donner envie de guérir

Si l’on se base sur les concepts évoqués précédemment, la prise en charge en art-thérapie peut

être vue comme un maillon manquant de la chaine dans le processus d’aide à la réinsertion

sociale.

Les fondements enseignés à l’AFRATAPEM nous apprennent très vite que « l’art-thérapie ne

guérit pas, mais elle peut donner envie de guérir ». Dans le milieu du social, l’art-thérapie peut

donner envie à la personne de s’en sortir, afin qu’elle vive consciemment, qu’elle ait conscience

de son existence. Pour cela, l’art-thérapeute exploite des mécanismes défaillants mais existants,

il stimule des potentialités enfuies ou oubliées. Il s’agit de « restaurer » la qualité existentielle

des personnes.

La partie II de ce mémoire a mis l’accent sur les outils de l’art-thérapeute et sur le protocole

thérapeutique qu’il met en place. A cette technique nécessaire qui caractérise le métier à part

entière de l’art-thérapeute, s’ajoute une condition indispensable : la bonne relation

aidant/aidé.

2°) L’art-thérapeute doit trouver la juste distance avec le résident

2.1 Le concept de la relation d’aide est étudié par le psychologue Carl Rogers

Carl Rogers (1902-1987), psychologue Américain Humaniste, a travaillé sur la qualité de la

relation entre le thérapeute et le patient en proposant l’Approche Centrée sur la Personne

(ACP*).

Au lieu d’agir en expert qui comprend le problème et décide de la façon dont il doit être résolu,

le thérapeute doit, selon lui, libérer le potentiel que possède le « client » pour résoudre par lui-

même ses problèmes personnels. Carl Rogers a remplacé le mot patient par "client" pour

souligner le rôle actif de ce dernier : lui seul sait ce qui lui convient.

Tout individu possède ce potentiel et ce, de façon innée. C’est un système de motivation appelé

la tendance actualisante, à savoir que l’être profond est orienté positivement vers la

maturation, l’autonomie et les rapports constructifs avec autrui.

Pour que la tendance actualisante soit favorisée, le thérapeute doit s’impliquer en tant que

personne, ce qui nécessite des compétences et attitudes particulières. Il s’agit d’un échange à la

fois verbal et non verbal qui favorise la création d’un climat de compréhension et l’apport d’un

soutien dont la personne a besoin au cours d’une épreuve. L’aidant cherche donc la croissance

de l’autre, son développement et sa maturité.

Toute la théorie de l'approche centrée sur la personne repose sur une confiance fondamentale

dans l'être humain.

2.2 La relation d’aide privilégie le savoir-être du thérapeute plutôt que son savoir-faire.

Pour Carl Rogers, le thérapeute doit adopter trois attitudes fondamentales, nécessaires et

suffisantes :

72

- La congruence (ou l’authenticité) du thérapeute : plus le thérapeute est lui-même dans la

relation, n'affichant pas de façade professionnelle ou d'image personnelle, plus grande est

la probabilité que le client changera et se développera de manière constructive. Cela

signifie que le thérapeute est ouvert sur les sentiments et les attitudes qui circulent en lui

au moment présent. La congruence est perceptible par l’autre, consciemment ou

inconsciemment. Il y a concordance entre le message communiqué verbalement et

l’expression corporelle, les micro-attitudes de la communication non verbale. La

congruence n’est possible que si l’authenticité est présente. Cette perception de la

congruence contribue au sentiment de confiance et de sécurité que peut éprouver une

personne aidée face à l’aidant. Elle facilite la communication entre deux personnes.

- La considération positive inconditionnelle : acceptation totale et inconditionnelle du

client tel qu’il apparaît à lui-même dans le présent. Il est donc essentiel que le client se

sente respecté sans jamais avoir l’impression d’être jugé ou évalué selon une théorie

quelconque. La confiance, source de liberté d’expression et de relation dynamique, est en

effet l’élément moteur de la thérapie.

- La compréhension empathique : c’est la capacité du thérapeute à restituer ce qu’il a

compris de l’autre. Le thérapeute essaie de percevoir le monde du client sans se laisser

submerger par celui-ci. Il en accepte toutes les colorations, les contradictions, en faisant

abstraction de tous ses préjugés et de toutes ses valeurs. Il aura pour objectif de

transmettre au client sa compréhension de ce qui se passe à un moment précis.

2.3 Le résident doit adhérer au projet avant tout pour le bienfait que lui procure la prise en

charge en art-thérapie et non pour la relation établie avec l’art-thérapeute

Dans ses travaux, Rogers explique comment ces trois attitudes peuvent favoriser le changement

chez le client :

« Comment le climat que je viens de décrire peut-il être facteur de changement ? Brièvement

je dirai que lorsque les personnes sont acceptées et estimées, elles ont tendance à être davantage

bienveillantes vis-à-vis d'elles-mêmes. Lorsque les personnes sont entendues avec empathie

elles peuvent écouter avec plus de justesse le flot de leurs experiencings43 internes. Dans la

mesure où une personne comprend et estime son propre soi, le soi devient plus congruent avec

les experiencings. La personne devient plus réelle, plus authentique. Ces tendances, réciproques

des attitudes du thérapeute, permettent à la personne d'être un acteur encore plus efficace dans

l'accomplissement de son propre développement. A être vraie et totalement elle-même la

personne jouit d'une plus grande liberté. »44

Un certain nombre de principes décrits par Rogers se retrouve dans les fondements de l’art-

thérapie (l’humanisme, la bienveillance, le respect, etc.). Les trois attitudes qu’il décrit peuvent

faire partie d’une démarche auprès de l’art-thérapeute. L’activité artistique est un générateur

d’expériences où la personne a l’opportunité de faire et de refaire. Elle renouvelle les

expériences en trouvant en elle les ressources nécessaires pour atteindre son idéal esthétique.

43 Experiencing : terme qui n'a pas d'équivalent lexical en français. Il signifie une expérience interne qui

est en train de se faire. 44 ROGERS C. Les caractéristiques d’une approche centrée sur la personne, par Carl Rogers, Revue

francophone internationale de l’approche centrée sur la personne,1962. http://www.acp-pr.org

73

Le savoir-faire de l’art-thérapeute associé à son savoir-être permettront l’accompagnement de

la personne. Son savoir-être peut se baser sur les attitudes recommandées par Porter.

Auprès d’un public en situation de précarité ayant un parcours de vie très complexe, la

considération positive inconditionnelle est indispensable au sein de l’atelier. L’art-thérapeute

se doit, d’une manière authentique, de faire abstraction de tout jugement concernant la

personne, et de l’accepter et l’accueillir telle qu’elle se présente au moment présent. Durant le

déroulement de la séance, l’art-thérapeute adopte la compréhension empathique, afin de se

mettre à la place de la personne et de ressentir avec justesse les sentiments et les significations

de ce dont la personne est en train de faire l'expérience. Ainsi, la personne pourra s’exprimer et

évoluer, et l’art-thérapeute pourra adapter sa stratégie thérapeutique de manière efficace.

L’art-thérapeute adopte une attitude humaine, bienveillante et chaleureuse, mais il est

indispensable qu’il sache garder la bonne distance entre lui et le patient. Cette distance est

de fait instaurer par le cadre de l’atelier (un début de séance, une fin de séance) ainsi que le

cadre de la prise en charge (un début, une fin de prise en charge). L’art-thérapeute doit être clair

et replacer s’il le faut l’atelier d’art-thérapie dans son contexte de soin. Auprès d’un public

fragile où les trois composantes de l’estime de soi sont touchées, l’art-thérapeute doit être

vigilant à ce que ce ne soit pas la relation avec l´art-thérapeute que le la personne recherche

avant tout.

Grâce à ces items d’observation, l’art-thérapeute est capable de s’assurer du bon déroulement

de la stratégie thérapeutique.

C. L’art-thérapie peut occuper une place transverse dans le paysage complexe de

l’aide aux personnes en situation de précarité

1°) L’art-thérapie pourrait être indiquée dans des passages délicats comme celui

de la rue à « l’après-rue »

1.1 La réinsertion par le logement, par le travail ou par le soin doit être accompagnée d’une

prise en charge globale de la personne

Les personnes en situation de précarité sans logement voyagent souvent d’une structure à une

autre : foyer de jour, foyer de nuit, hôpital, logement précaire, passage à la rue.

Durant ces épreuves de plus ou moins longues durées, la dégradation de l’état de santé physique

et psychique est rapide. Pourtant, ces personnes ont encore des liens sociaux, certains

rencontrent leur référent social, d’autres sont en lien avec des associations ou des médecins.

Pour les personnes qui ont la chance de trouver un logement, le pari n’est pourtant pas gagné.

Se retrouver livré à soi-même n’est pas chose aisée et ces personnes n’en restent pas moins

vulnérables.

Dans un rapport de la Fondation Abbé Pierre45, des associations témoignent dans le cadre d’un

projet d’accompagnement de personnes (ex)SDF en grande précarité logées dans des

appartements en diffus en Ardèche : « Car le logement, s’il est primordial dans un processus de

stabilisation, ne règle pas pour autant les souffrances de ces personnes. Pour beaucoup, la

période de désillusion consécutive à l’entrée dans le logement a été douloureuse. Elle arrive à

plus ou moins long terme et fragilise beaucoup la personne accompagnée. Cette période se

concrétise par des ré-alcoolisations massives, une démobilisation sur le projet de vie, de

nombreux doutes et questionnements qui nécessitent de la part de l’accompagnant écoute,

45 Fondation Abbé Pierre, L’accès à l’habitat des personnes sdf en situation de grande précarité, 2013,

p.14.

74

soutien, et une disponibilité importante afin de ne pas laisser la personne à nouveau

s’abandonner. »

Que la réinsertion sociale ait lieu par le logement, le soin, ou la santé, une prise en charge

personnalisée de l’individu est nécessaire sur du long terme. Elle doit prendre en compte les

souffrances de la personne et s’assurer de l’amélioration de sa qualité existentielle. C’est dans

ce contexte que l’art-thérapie peut être intéressante et complémentaire aux démarches

existantes.

1.2 L’essai thérapeutique réalisé auprès de Sarah et Fabien pourrait être généralisé afin que la

prise en charge en art-thérapie permette d’accompagner les personnes dans leur projet de sortie

Le cas de Sarah a été présenté dans la partie II de ce travail. Celle-ci avait reçu une indication

comportant deux objectifs :

- Prévenir ses comportements agressifs et violents

- L’accompagner dans son projet de sortie, garder un lien avec elle le temps de la

transition vers sa nouvelle situation.

Nous allons nous intéresser ici au deuxième objectif.

Le bilan du séjour de Sarah a été positif. Elle a eu un comportement approprié et de bonnes

relations avec les travailleurs sociaux. Lorsqu’elle est sortie de la Halte Santé, la jeune fille

n’avait pas défini de projet précis pour son avenir, mais elle avait relancé un certain nombre de

démarches administratives pour régulariser sa couverture de santé et faire une demande de

RSA*. Toujours sans logement, Sarah a rejoint un foyer de nuit, passant ses journées à la rue.

Dès le lendemain de sa sortie de la Halte Santé, elle a assisté à l’atelier d’art-thérapie et un

changement net a été observé dans son comportement : anxiété, geste brusque, irritabilité,

manque de concentration, fatigue. A la séance suivante, Sarah est arrivée en retard et a avoué

avoir pensé à tout arrêter.

Elle présentait pourtant depuis le début de la prise en charge une forte implication dans le projet.

Sans développer, Sarah nous a confié « qu’elle rencontrait beaucoup de difficultés dans sa vie,

qu’elle ne savait plus par quoi commencer ni vers qui se tourner ».

Elle était pourtant au rendez-vous. Elle a trouvé en elle les ressources nécessaires pour terminer

son projet d’art-thérapie. Si Sarah s’est engagée, c’est tout simplement parce ce projet lui

procurait du plaisir. En le terminant, il lui a procuré de la satisfaction, de la fierté et lui a peut-

être même redonné de l’espoir.

Nous ne pouvons pas évoluer l’impact de cette prise en charge dans la vie de Sarah. Il aurait

tout d’abord fallu prolonger le temps d’accompagnement afin d’avoir plus de recul. Cependant,

si nous nous basons sur le retour de l’équipe sociale et sur celui de Sarah, cette expérience fut

bénéfique et a permis une transition plus douce vers la sortie.

Si l’expérience pouvait être généralisée, elle permettrait de répondre à un besoin exprimé par

l’équipe. En effet, la sortie est un moment difficile que l’équipe médico-sociale prépare dès

l’arrivée du résident. Pourtant, le personnel rencontre souvent de la frustration devant son

impuissance quand certaines personnes qui présentent du potentiel « pour s’en sortir » quittent

si rapidement la structure. Certains individus reviennent parfois quelques mois plus tard pour

un nouveau séjour, dans un état de santé qui s’étant dégradé depuis leur sortie.

Dans le cas de Fabien, l’expérience n’a pas fonctionné puisque celui-ci n’a pas honoré les

séances. Il démontre les limites de cette proposition. Contrairement à Sarah, Fabien avait déjà

75

quitté la Halte Santé quand la prise en charge en art-thérapie lui a été proposé. Il n’avait donc

pas encore montré d’engagement dans le projet.

Pour que cette expérience soit efficace, il faudrait intégrer l’art-thérapie dès l’arrivée du résident

à la Halte Santé. Il faudrait également définir dans quelle situation cette prise en charge pourrait

être proposée. Bien que l’expérience de Sarah fut positive, elle présentait également un risque :

celui qu’elle abandonne la prise en charge, ce qui aurait renforcé le sentiment de découragement

et de désorientation qu’elle a exprimé. Devons-nous pour autant la priver de cette prise en

charge ?

Pour minimiser ce risque, une solution serait de proposer ce type d’accompagnement aux

personnes qui sortiraient de la Halte Santé vers un logement. Ce logement permettrait un

minimum de sécurité et de stabilité, donc plus de disposition à s’engager.

Le cas de Marc aurait pu être un bon exemple.

Rappelons en effet que Marc a été retrouvé à la rue, en perte totale d’autonomie, dans un état

de santé extrêmement dégradé. Il a fait des progrès considérables en quelques mois seulement

à la Halte Santé mais reste très anxieux quant à son projet de sortie. La prise en charge en art-

thérapie a permis de faire un premier travail sur son autonomie en renforçant la confiance en

soi. Malheureusement, l’accompagnement a été clôturé avant la sortie effective de Marc, le

stage arrivant à sa fin. Dans ce cas précis, maintenir un lien et poursuivre le travail sur

l’autonomie parait nécessaire et bénéfique.

Il s’agit ici de pistes de réflexion qui mériteraient d’être approfondies avec l’équipe de la Halte

Santé. L’assistante sociale, à l’initiative de cet essai, s’est montrée très satisfaite de ces premiers

essais réalisés.

2°) L’art-thérapie pourrait également être indiquée en prévention de souffrances

naissant de situation de précarité

2.1 La précarité est une notion subjective et les souffrances qui en découlent parfois peuvent

toucher toutes les classes sociales

Pour avoir une action préventive, encore faut-il pouvoir identifier les personnes à risque.

Quelles sont les personnes qui se retrouvent à la rue ? L’image du « sans-abri clochard

alcoolique » est dépassée.

De manière plus générale, quelles sont les personnes susceptibles de souffrir d’une situation

précaire ?

Rappelons que la précarité est liée à une incertitude de conserver ou de retrouver une situation

acceptable. Elle induit les notions d’incertitude, d’insécurité et de vulnérabilité.

Elle ne doit pas être durable au risque d’entrainer de lourdes souffrances. Dans notre expérience

clinique, nous avons travaillé avec des personnes sans résidence. Mais la précarité touche tout

le monde, avec ou sans logement, avec ou sans travail. Bien entendu, elle aura souvent des

conséquences plus lourdes chez les plus démunis.

Lors d’une interview46accordée à un journaliste, Furtos affirme même que « Cadres et SDF sont

atteints de la même pathologie ». Dans le contexte économique difficile de notre société, une

transformation s’est opérée dans le monde du travail induisant des souffrances psychiques. Les

personnes qui ne réussissent pas à s’en sortir en construisant un réseau, du lien, sont dans la

46 Interview publiée dans le numéro d’avril 2009 de Lyon Capitale, magazine mensuel Lyonnais.

76

zone de vulnérabilité. L’anticipation de la perte des objets sociaux peut alors provoquer une

grande souffrance.

Le défi est donc de pouvoir repérer les souffrances naissantes avant que les situations ne se

dégradent. La difficulté dans la prise en charge de la souffrance liée à la précarité est qu’elle

n’a pas de nom. Elle peut être dénommée fatigue, tristesse, angoisse, anxiété, stress, mal-être,

etc. mais on ne parle pas de maladie. Lorsque la maladie arrive, comme par exemple la

dépression, il est déjà trop tard. Puisqu’il ne s’agit pas d’une maladie, cette souffrance sort

souvent du domaine d’intervention du médecin, malgré la définition de la santé ne consistant

pas seulement « en une absence de maladie ou d'infirmité ».

Pourtant le médecin généraliste, le médecin du travail ou le médecin de structures d’aides

sociales paraissent être les personnes les plus aptes à repérer les mal-être naissants. Ils ont

d’ailleurs un rôle de soin mais aussi de prévention.

Se pose bien entendu la question du financement.

Les disciplines telles que l’art-thérapie qui pourraient être des solutions de prévention

intéressantes ne sont malheureusement pas prises en charge par la sécurité sociale.

Heureusement, la vision de la santé évolue chaque année et l’art-thérapie moderne, malgré ses

40 ans d’existence, reste une discipline nouvelle qui tend de plus en plus à se développer.

2.2 « Il faut veiller à ne pas descendre de la marche car il est bien plus difficile de remonter » a

dit François Soulage, ancien président du secours catholique lors du colloque « Démocratiser

l’accès à la prévention » de 2015

En France, le système de santé reste centré sur le curatif bien que des initiatives s’intéressent

au passage du « cure »47 au « care »48 pour inciter les concitoyens à « prendre soin » d’eux. Les

projets de prévention et les financements associés dépendent de nos politiques.

Lors du colloque « Démocratiser l’accès à la prévention » organisé par l’Institut Pasteur de Lille

et la Fondation PiLeJe à l’Assemblée Nationale en octobre 2015, des débats sur la

problématique santé-précarité-prévention ont eu lieu. Pour le Dr Jean-Michel Lecerf, il faut

faire attention à ne pas stigmatiser les personnes les plus défavorisées : « Si les gens ne font pas

ce qu’il faut en matière de prévention, c’est qu’ils ne le peuvent pas toujours. Il faut aider ces

gens, pas les pénaliser ». Valoriser, redonner confiance, restaurer l’estime de soi... La fraternité

et la solidarité doivent être, selon lui, les éléments moteurs de ce changement de paradigme, du

« cure » vers le « care ».

Pourquoi ne pas imaginer un professionnel, comme l’art-thérapeute, dont la principale mission

serait justement cette restauration de l’estime de soi, qui semble être une des conditions

nécessaires à une bonne qualité de vie ?

47 Terme anglais, relatif au curatif 48 Terme anglais, relatif au « prendre soin »

77

CONCLUSION

L’idée de proposer une prise en charge art-thérapeutique auprès de personnes en situation de

précarité qui n’ont ni logement stable, ni ressources financières peut paraitre décalée. En effet,

comment une personne peut-elle s’impliquer dans un projet artistique alors qu’elle ne sait pas

où elle dormira le lendemain ? Et pourtant… Il ne s’agit pas de faire de ces personnes des

artistes, mais bien de mettre l’Art au service de l’être-humain et du soin.

Ce mémoire s’est attaché à rendre compte des bénéfices apportés par l’art-thérapie auprès de

personnes en situation de précarité accueillies dans un centre médico-social d’hébergement

temporaire à Toulouse : la Halte Santé. Ces personnes ayant cumulé un certain nombre de

difficultés dans leurs parcours ont fini par perdre cette sensation agréable que donne le goût de

vivre : la saveur existentielle. Elles se retrouvent dans la difficulté à donner du sens à leur vie.

Quand le handicap social s’ajoute, il peut entraîner un sentiment d’être inadapté à la société.

L’individu perd alors la sensation d’être sujet. La confiance en soi, en l’avenir et en l’autre est

altérée. On observe souvent chez ces personnes des comportements passifs et une certaine

morosité.

La Halte Santé propose aux personnes accueillies une prise en charge à la fois médicale et

sociale. La santé est abordée dans sa dimension globale en vue de « prendre soin » de l’individu

et donc de le considérer dans sa dimension médico-psycho-sociale. Les équipes ont des

missions purement sanitaires et sociales, mais s’assurent également du bien-être des résidents,

travaillent sur l’autonomie, la citoyenneté, le « bien-vivre » ensemble afin de favoriser leur

réinsertion sociale.

Nous avons fait l’hypothèse dans ce mémoire qu’une prise en charge en art-thérapie permettrait

à ces personnes de reprendre une place de sujet, en renforçant la confiance en soi, en l’avenir

et en l’autre. La place de sujet se traduit par un engagement et un investissement dans un projet

par une présence active.

L’art-thérapie offre un espace sécurisé où le potentiel artistique peut s’exprimer librement. La

gratification sensorielle, inhérente à l’activité artistique, recentre la personne sur ses sensations.

Elle lui permet d’exprimer son style et ses goûts. L’expérience positive de l’action favorise

l’envie et donc l’engagement dans le projet.

Les résultats observés grâce à l’analyse des cas cliniques ont été encourageants : les évaluations

montrent un renforcement de la confiance en soi, une baisse de l’anxiété, une manifestation du

plaisir esthétique, une capacité à se projeter dans l’avenir ainsi qu’un engagement et un

investissement dans le projet. Les prises en charge ont montré cependant plusieurs limites :

l’engagement n’a pas été effectif avec Fabien qui ne s’est pas présenté aux rendez-vous, les

durées de prises en charge étaient trop courtes pour pouvoir assurer un changement durable, le

nombres de prises en charges étaient insuffisant, et les modalités d’évaluation sont encore à

améliorer.

De manière générale, les résultats sont très favorables même si dans cette démarche

scientifique, ils ne permettent pas de valider entièrement l’hypothèse.

Cette expérience originale a été appréciée par l’équipe médico-sociale qui a jugé la prise en

charge nécessaire et complémentaire aux soins proposés. L’idéal serait de pouvoir poursuivre

le travail effectué sur du plus long terme.

Ce travail a permis un questionnement sur la place que pourrait occuper l’art-thérapie dans le

milieu de l’accompagnement des personnes en situation de précarité. En effet, que la réinsertion

passe par le logement, le travail, ou la santé, de nombreux spécialistes s’accordent à dire qu’un

travail sur la revalorisation de l’estime de soi est indispensable.

78

LISTE DES SCHEMAS, FIGURES ET TABLEAUX

Schéma 1- Pyramide des besoins de Maslow .................................................................................................... 11

Schéma 2 - Dynamique relative à la théorie des 3B .......................................................................................... 19

Schéma 3- La saveur régule le savoir ................................................................................................................ 21

Schéma 4- L'opération artistique ....................................................................................................................... 27

Schéma 5- La Halte santé au cœur des dispositifs de la précarité à Toulouse ................................................... 33

Schéma 6- Facteurs agissant sur l'efficience de la prise en charge art-thérapeutique ........................................ 68

Figure 1- Evolution de l’item « participation à l’atelier » ................................................................................. 45

Figure 2- Evolution de l'item "auto-évaluation de l'anxiété" ............................................................................. 46

Figure 3- Evolution de l'item « structure corporelle et investissement de l'espace » ........................................ 46

Figure 4- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items correspondants à l'OI1 ............................................ 46

Figure 5- Comparaison de l'évolution de 2 items .............................................................................................. 47

Figure 6- Evolution de l'item "Autonomie dans l’acte artistique / demande de l’aide" ..................................... 47

Figure 7- Comparaison de l'évolution de 2 items .............................................................................................. 47

Figure 8- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items correspondants à l'OI2 ............................................ 47

Figure 9 - Evolution de l’item « Recherche de l’idéal esthétique / correction » ............................................... 48

Figure 10 - Evolution de l'item "Soin apporté à sa production" ........................................................................ 48

Figure 11 - Evolution de l'item "Faculté critique sur sa production .................................................................. 48

Figure 12- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items correspondants à l'OI3 .......................................... 48

Figure 13- Auto-évaluation du Bon ................................................................................................................... 49

Figure 14- Auto-évaluation du Bien .................................................................................................................. 49

Figure 15 - Auto-évaluation du Beau ................................................................................................................ 49

Figure 16- Evolution de l'item "Investissement dans l'activité" ........................................................................ 58

Figure 17- Evolution de l'item "Implication relationnelle avec l'ATS" ............................................................. 58

Figure 18- Evolution de la moyenne des faisceaux d'items pour l'OI3 ............................................................. 59

Tableau 1- Trois modèles présentant l'estime de soi ......................................................................................... 16

Tableau 2- Conséquences des souffrances que vivent les personnes en situation de précarité sur les trois

composantes de l'estime de soi .......................................................................................................................... 16

Tableau 3- Théorie de l’Art-opératoire : implication de l’être humain confronté à l’Art.................................. 21

Tableau 4- Le protocole de soin en art-thérapie ................................................................................................ 26

Tableau 5- L'autoévaluation du Bon, du Bien et du Beau ................................................................................. 28

Tableau 6 - Comparaison de deux mémoires d'art-thérapie .............................................................................. 30

Tableau 7- Indications reçues pour quatre résidents de la Halte Santé.............................................................. 35

Tableau 8- Protocole de soin art-thérapeutique mis en place à la Halte Santé .................................................. 36

Tableau 9- Organisation de la séance d'ouverture ............................................................................................. 37

Tableau 10- Bilan de la séance d'ouverture de Marc ......................................................................................... 38

Tableau 11- Etat de base de Marc ..................................................................................................................... 39

Tableau 12- Moyens et méthodes mis en œuvre pour la stratégie thérapeutique de Marc ................................ 41

Tableau 13- Synthèse du déroulement des séances de Marc ............................................................................. 42

Tableau 14- Evaluation de l’OI1 ....................................................................................................................... 45

Tableau 15- Evaluation de l’OI2 ....................................................................................................................... 47

Tableau 16- Evaluation de l'OI3 ........................................................................................................................ 48

Tableau 17- Bilan de Marc – Le 20/10/2016 ..................................................................................................... 49

Tableau 18- Bilan de l'entretien entre Hector, l'ATS, un éducateur spécialisé, par l'intermédiaire d'un interprète

........................................................................................................................................................................... 51

Tableau 19- Bilan de la séance d'ouverture d'Hector ........................................................................................ 52

Tableau 20- Etat de base d'Hector ..................................................................................................................... 52

Tableau 21- Moyens et méthodes mis en œuvre pour la stratégie thérapeutique d'Hector ................................ 55

Tableau 22- Synthèse du déroulement des séances d'Hector ............................................................................. 55

Tableau 23- Evaluation de l'OI1 ........................................................................................................................ 58

Tableau 24- Evaluation de l'OI2 ........................................................................................................................ 58

Tableau 25- Evaluation de l'OI3 ........................................................................................................................ 59

Tableau 26- Bilan d’Hector, le 19/10/2016 ....................................................................................................... 59

Tableau 27- Synthèse des prises en charge ....................................................................................................... 61

Tableau 28- L'art-thérapie peut répondre aux exigences du projet d'établissement de la Halte Santé .............. 63

79

BIBLIOGRAPHIE

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Fondation Abbé Pierre : http://www.fondation-abbe-pierre.fr/

ANNEXES

Annexe 1 : Les 14 besoins fondamentaux selon Virginia Henderson

Classification des besoins selon Virginia Henderson

1- Respirer

Capacité d’une personne à maintenir un niveau d’échanges gazeux

suffisant et une bonne oxygénation.

2- Boire et manger

Capacité d'une personne à pouvoir boire ou manger, à mâcher et à

déglutir. Également à avoir faim et absorber suffisamment de

nutriments pour capitaliser l'énergie nécessaire à son activité.

3- Eliminer

Capacité d'une personne à être autonome pour éliminer selles et urine

et d'assurer son hygiène intime. Également d'éliminer les déchets du

fonctionnement de l'organisme.

4-Se mouvoir,

bouger, maintenir

une bonne posture

Capacité d'une personne de se déplacer seule ou avec des moyens

mécaniques, d'aménager son domicile de façon adéquate et de

ressentir un confort. Également de connaître les limites de son corps.

5- Dormir, se

reposer

Capacité d'une personne à dormir et à se sentir reposée. Également

de gérer sa fatigue et son potentiel d'énergie.

6- Se vêtir, se

dévêtir

Capacité d'une personne de pouvoir s'habiller et se déshabiller, à

acheter des vêtements. Également de construire son identité physique

et mentale.

7-Maintenir sa

température

corporelle

Capacité d'une personne à s'équiper en fonction de son

environnement et d'en apprécier les limites.

8-Se laver, soigner

son épiderme,

prévention des

escarres, hygiène

corporelle, etc.

Capacité d'une personne à se laver, à maintenir son niveau d'hygiène,

à prendre soin d'elle et à se servir de produits pour entretenir sa peau,

à ressentir un bien-être et de se sentir belle. Également à se percevoir

au travers du regard d'autrui.

9-Respecter ses

valeurs et ses

croyances

Capacité d'une personne à connaître et promouvoir ses propres

principes, croyances et valeurs. Également à les impliquer dans le

sens qu'elle souhaite donner à sa vie.

10-Eviter les

dangers

Capacité d'une personne à maintenir et promouvoir son intégrité

physique et mentale, en connaissance des dangers potentiels de son

environnement.

11-Communiquer

avec ses semblables

Capacité d'une personne à connaître et promouvoir ses propres

principes, croyances et valeurs. Également à les impliquer dans le

sens qu'elle souhaite donner à sa vie.

12-Envie de se

réaliser

Capacité d'une personne à avoir des activités ludiques ou créatrices,

des loisirs, à les impliquer dans son autoréalisation et conserver son

estime de soi. Également de tenir un rôle dans une organisation

sociale

13- Se divertir, se

recréer

Capacité d'une personne à se détendre et à se cultiver. Également à

s'investir dans une activité qui ne se centre pas sur une problématique

personnelle et d'en éprouver une satisfaction personnelle.

14-Apprendre

Capacité d'une personne à apprendre d'autrui ou d'un événement et

d'être en mesure d'évoluer. Également à s'adapter à un changement, à

entrer en résilience et à pouvoir transmettre un savoir.

Annexe 2 : La précarité envisagée sous forme de trajectoire (Castel/Furtos)

Robert Castel va modéliser le processus de précarisation selon 4 zones. Ces ne sont pas

étanches, il est possible de passer d’une zone à l’autre en fonction des 2 axes qui structurent le

diagramme à savoir : l’intégration par le travail et l’insertion par le lien social.

CASTEL R., Les métamorphoses de la question sociale, Galimard, 1995

Vulnérabilité Intégration

Désaffiliation* (exclusion) Assistance

Jean Furtos développe ensuite ces quatre manières de réagir à la perte des objets sociaux.

FURTOS J., Epistémologie de la clinique psychosociale, la scène sociale et la place des psy,

Pratiques en santé mentale, n°1, 2000

- -

+

+

Intégration par le travail

Insertion dans le lien social

Annexe 3 : Mécanismes humains impliqués dans la photographie d’Art

Réalisé par Claire Giboureau, art-thérapeute, dans son mémoire de fin d’étude « La pratique

de l’Art-thérapie à dominante modelage et photographie auprès d’enfants déficients auditifs

en classe pour l’inclusion scolaire », Afratapem, 2014.

Nature et description des mécanismes humains impliqués dans la photographie d’Art

Impression Domination du savoir ressentir

Expression Domination du savoir-faire

Ph

ysi

qu

e

Corps récepteur : -Mécanisme de la vue dominant.

-Mécanisme du toucher avec l’appareil photo.

-Mécanisme de l’ouïe non prédominant.

-Pas de contact avec une matière salissante.

Corps moteur : -Motricité fine peu sollicitée pour manipuler l’appareil.

-Mobilité du corps pouvant être statique ou mettre tout le

corps en mouvement.

-Action psychomotrice pour adapter la position du corps.

-Activité qui demande peu d’effort physique donc peu

fatigante.

Men

tale

Impact émotionnel de L’Art : -Impact du sujet extérieur souvent en 3D qui

permet la perception d’une image en 2D.

-Impact esthétique agréable qui donne envie de

faire la photographie.

-Vision immédiate de l’image produite au moyen

de l’écran numérique de l’appareil.

-Impact esthétique qui peut faire dominer le

représenté ou le ressenti.

-Attrait lié à l’utilisation d’un appareil

technologique et informatique.

-Demande peu de connaissances pour

comprendre la production.

-Peut avoir un impact émotionnel lié à un

souvenir en rapport avec l’image, peu solliciter

ou raviver la mémoire.

-Plaisir d’une production instantanée. -Perception de l’image possible

Intention, faculté et capacité artistique : -Savoir-faire simple et accessible aux plus jeunes qui peut

devenir technique pour les initiés.

-Sollicite modérément la mémoire ou la patience pour son

apprentissage.

-Pas de mise en échec car on peut effacer immédiatement la

production et la refaire.

-Intention esthétique perceptible par l’angle de vue choisi,

par le sujet, la distance avec le sujet, la lumière exploitée, les

retouches, les transformations informatiques sur la

production.

-Offre de grandes possibilités pour exprimer sa singularité et

sa personnalité.

-Permet de matérialiser un concept de la pensée.

-La photographie séquencée permet de décortiquer un

mouvement, une action.

-Intention d’associer une image matérielle à une émotion,

vouloir une trace visible d’un espace, d’un temps et d’une

émotion.

-Modalité qui peut être très libre.

-Peut s’imprimer sur plusieurs supports 2D (noir et blanc ou

en couleurs).

-Apprentissage rapide et activité qui peut être de courte

durée.

So

cia

le

Perception de son environnement : -Communication hors verbale directe avec le

sujet ou indirecte avec l’œuvre.

-Permet d’avoir une perception différente de son

environnement, d’un lieu, d’un objet ou d’une

personne grâce à l’œuvre.

-Voir avec le regard du photographe donc être en

relation hors-verbale et indirecte avec lui.

-Permet la compréhension et le ressenti par la vue

d’un message transmis par le photographe.

-Percevoir par la production une trace visible et

durable de la personnalité du photographe.

Communication, relation avec son environnement : -Nécessite un appareil photo et un ordinateur.

-Activité qui peut se pratiquer dans tous les lieux et à tous

moments.

-Permet d’affirmer sa personnalité aux yeux de son

environnent.

-Transmettre sa vision sur l’un des éléments abstrait de son

environnement.

-Faire connaître par l’image la nature de son environnement,

lieu, objet, personnes.

-Laisser une trace de soi visible et durable.

-Le choix du sujet peut permettre d’aller à la rencontre, à la

découverte d’un autre environnement. -Peut engager le photographe

Annexe 4 : Items de base de la fiche d’observation

Cette fiche d’observation est tirée du modèle de C.Lefèvre, Art-thérapeute, adapté par J.Athané,

Art-thérapeute. Des faisceaux d’items ont été modifié ici pour mieux s’adapter à la prise en

charge.

BIEN > ACTION : CONFIANCE EN SOI – Espoir

EXPRESSION – structure corporelle / confiance en soi / style (empreinte qu’on donne, idéal du bien)

Bien = vouloir / pouvoir => la technicité Autonomie dans

l’acte artistique /

demande de l’aide

5 – Autonome, réalise ou choisit seul même sans consigne

4 – Essaie d’utiliser les consignes et conseils (fait seul mais a besoin d’être rassuré)

3 – Demande d’aide (validation avant de faire)

2 – Attente d’aide (ne fait rien spontanément)

1 – Passivité (demande à l’Art-thérapeute de faire à sa place)

Prise d’initiatives 5 – Nombreuses (>=4 initiatives)

4 – Quelques (3 initiatives)

3 – Rares (2 initiatives)

2 – Une

1 – Aucune

Résolution de

problèmes

Réaction face à la

difficulté

5 – Trouve des solutions et est satisfait du résultat obtenu

4 – Imagine au moins une solution mais n’est pas satisfait du résultat obtenu

3 – Demande de l’aide et met en application la solution retenue

2 – Refuse la proposition d’aide, ne fait que ce qu’il sait déjà faire

1 – Refuse la proposition d’aide, abandonne face à la difficulté

Attention sélective

Concentration

5 – Soutenue, investit son travail

4 – Continue

3 – Moyenne, discontinue

2 – Faible, continue à condition d’être relancé, perturbée

1 – Très faible, non perçue

Investissement dans

l’activité (qualité de

l’engagement)

5 – Certain tout au long de la séance

4 – Certain à plusieurs moments

3 – Mitigé, hésitant

2 – Faible, subit, « fait pour faire »

1 – Non investi

Projection vers un

idéal esthétique / un

projet artistique

5 – Spontanément expression d’un projet à moyen / long terme

4 – Spontanément expression d’un projet pour la ou les séances à venir

3 – Sous sollicitation, expression d’un projet pour les séances à venir

2 – Sous sollicitation, expression d’un projet pour la séance

1 – Même sous sollicitation, absence de projet ou envie pour la séance

Projection

personnelle

5 – Spontanément projection à moyen / long terme

4 – Spontanément projection à court terme

3 – Sous sollicitation, projection à moyen / long terme

2 – Sous sollicitation, projection à court terme

1 – Même sous sollicitation, absence de projection

Gestuelle / Qualité du

geste

5 – Agit harmonieusement, gestuelle précise et sophistiquée

4 – Agit de façon souple, gestuelle appliquée et recherchée

3 – Agit avec adresse, gestuelle mesuré, simple

2 – Commence à contrôler son geste, gestuelle maladroite

1 – Agit de façon rigide, gestuelle archaïque et grossière

Recherche de l’idéal

esthétique / correction

5 – Adapte très bien son action à son objectif

4 – Modifie après réflexion, lent

3 – Gomme et refait, hésitant

2 – Corrige après stimulation

1 – Refuse de corriger

Structure corporelle /

investissement de

l’espace

5 – Adapte très bien sa position et utilise l’espace en fonction de ses besoins

4 – Adapte sa structure corporelle raisonnablement

3 – Utilisation souple du buste et des bras dans un espace restreint

2 – Produit assis. Buste et bras hésitants. Investit très peu l’espace

1 – Structure corporelle rigide, n’investit pas l’espace disponible

BEAU > PRODUCTION : AFFIRMATION DE SOI – Sympathie

PRODUCTION – ressenti corporel (autorégulations motrices) / affirmation de soi (avis) / goût

Beau (qualité esthétique) = fond / forme = > la réalisation

Faculté critique sur sa

production

5 – Critique sa production en vue de l’améliorer

4 – Dit ce qu’il pense de sa production

3 – Dit ce qu’il pense de sa production sur sollicitation

2 – Parle très peu de sa production

1 – Ne parle pas de sa production

Capacité à faire des choix 5 – Choix facile, sans recherche d’approbation

4 – Choix difficile, sans recherche d’approbation

3 – Choix facile, après recherche d’approbation

2 – Choix difficile, après recherche d’approbation

1 – Choix non perçu

Invention / Reproduction 5 – Mobilise son imaginaire en toute autonomie

4 – Innove en demandant avant à l’Art-thérapeute

3 – Reproduit à partir d’un modèle ou d’une démonstration de l’AT

2 – Reproduit à partir d’un modèle récurrent

1 – Ne choisit rien seul

Capacité de

communication orale

5 – Délai de réponse normal, en engageant un dialogue

4 - Délai de réponse normal, sans engager de dialogue

3 – Répond de façon cohérente, délai de réponse important

2 – Répond de façon incohérente, inapproprié

1 – Ne répond pas à une question posée

Expression du goût 5 – Fréquence, sans recherche d’approbation (>=2)

4 – Peu fréquente, sans recherche d’approbation

3 – Fréquente, après recherche d’approbation (>=2)

2 – Peu fréquente, après recherche d’approbation

1 – Jamais

Contact visuel 5 – Contacts visuels nombreux et soutenus

4 – Contacts visuels

3 – Rare contacts visuels

2 – Regard fuyant ou fixe

1 – Absent

Expression de ses besoins

et envies esthétiques et

techniques

5 – Fréquente, sans sollicitation (>=2)

4 – Peu fréquentes, sans sollicitation

3 – Fréquente, après sollicitation (>=2)

2 – Peu fréquente, après sollicitation

1 – Jamais

Expression des émotions

Joie 󠆢 Surprise 󠆢

Dégoût 󠆢

Peur 󠆢 Tristesse 󠆢

Colère 󠆢

5 – Expression d’émotions positives et négatives

4 – Expression d’émotions positives

3 – Expression d’émotions négatives

2 – Faible niveau d’expression émotionnelle

1 – Expression émotionnelle non perçue

Attitude corporelle 5 – Dynamique

4 – Calme

3 – Relâchée

2 – Crispée, dans le contrôle

1 – Impulsivité, agitation, nervosité

Expression des difficultés 5 – Expression de l’impact de l’atelier sur les difficultés et souffrances

4 – Expression des difficultés et souffrances

3 – Plaintes incessantes (>2)

2 – Plaintes

1 - Aucune

BON > INTENTION : AMOUR DE SOI – Fierté

INTENTION esthétique – poussée corporelle (élan, énergie, tension existentielle) / amour de soi

(valeur) / engagement (capacité à être et à éprouver du plaisir)

BON (plaisir, intérêt pour l’activité) = réception / réaction => l’expression

Implication dans

l’activité

5 – Forte, très impliqué

4 – Certaine, fait volontiers

3 – Mitigée, hésitante

2 – Faible, subie, réticente

1 – Pas du tout impliqué, refusée

Implication

relationnelle avec

l’Art-thérapeute

5 – Relation privilégiée / active

4 – Relation / besoin d’écoute

3 – Expression, participe

2 – Ecoute, implication réservée

1 – Absence, pas d’implication

Comportement

durant la séance

Rapport physique

/ mental

5 – Enthousiaste, rapport physique/mental équilibré

4 – Disponible

3 – Calme

2 - Agitation ou plaintes, se sert peu du corps

1 – Désorientation, passivité, fuite, se sert peu de l’esprit

Thymie 5 – Bonne humeur avant / pendant / après la séance

4 – Mauvaise humeur en arrivant puis bonne humeur pendant la séance

3 – Humeur égale avant / pendant / après la séance

2 – Humeur égale pendant la séance et mauvaise humeur en partant

1 – Mauvaise humeur avant / pendant / après la séance

Vécu émotionnel /

Expression du

plaisir esthétique

5 – Exprime verbalement son bien-être / plaisir rayonnant

4 – Recherche des sensations, émotions nouvelles, exprime non verbalement son plaisir

3 – Profite de l’espace, soupçon de plaisir

2 – Plaisir non perçu

1 – Retrait total ou sentiment d’échec, déplaisir

Soin apporté à la

réalisation /

engagement dans

l’action

5 – Production soignée, rythme soutenu

4 – Production soignée mais lenteur dans la réalisation

3 – Production peu soignée réalisée assez rapidement

2 – Production sale, bâclée, réalisée rapidement

1 – Production sale, trouée ou déchirée, réalisé à un rythme expéditif

Intention

esthétique

Art I / Art II

5 – Intention forte avec équilibre entre l’Art I et l’Art II

4 – Intention existante avec prédominance de l’Art II

3 – Intention émergente avec équilibre entre l’Art I et l’Art II

2 – Intention quasi inexistante avec prédominance de l’Art II

1 – Action spontanée, intention non perçue, Art I exclusif

Désir / intention 5 – A déjà une envie en arrivant à la séance, la mène de bout en bout

4 – Trouve rapidement ce qu’il veut faire, non guidé par l’Art-thérapeute, et réalise

librement

3 – N’a pas d’envie particulière, attend des propositions de l’Art-thérapeute, puis réalise

librement

2 - N’a pas d’envie particulière, a besoin du soutien fréquent de l’Art-thérapeute, en

attente de ses propositions

1 – N’a aucune envie, ne veut rien faire

Tenue

vestimentaire et

hygiène

5 – Tenue et hygiène correctes

4 – Vêtements propres mais débraillés

3 – Vêtements sales ou inadaptés à la saison, hygiène correcte

2 – Vêtements sales, mauvaise hygiène, garde son blouson

1 – Vêtements sales, déchirés, négligés

Devenir de la

production

5 – Exposée ou offerte

4 – Demande à emporter son travail

3 – Confiée à l’Art-thérapeute, rangée dans sa pochette

2 – Oubliée, comportement indifférent envers sa production

1 – Jetée, détruite

AFRATAPEM Association Française de Recherche & Applications

des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine

Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre

d’art-thérapeute répertorié par l’Etat au niveau II

Anessa BOUSMINA

2016

Une expérience d’art-thérapie à dominantes

peinture, collage, et photographie auprès de

personnes en situation de précarité

Résumé : La précarité est l’incertitude de conserver

ou de retrouver une situation acceptable. C’est une

notion subjective et relative. Dans nos sociétés, la

précarité est liée à la perte de sécurités telles que le

travail, les revenus, le logement, l’accès aux soins,

etc.

Certains individus au parcours de vie complexe

multiplient les difficultés en entrant dans des spirales

de précarisation. Ces situations peuvent être source

de grandes souffrances physiques, psychiques et

sociales. Une perte de la confiance en soi, en l’avenir

et en l’autre est observée et peut induire des

comportements passifs et moroses.

Le présent mémoire s’intéresse à des personnes

« sans résidence stable » accueillies dans une

structure médico-sociale d’hébergement temporaire.

Des ateliers d’art-thérapie à dominantes peintures,

collage et photographie ont été proposé afin de

compléter l’offre de soin. L’hypothèse étant que

l’art-thérapie, en renforçant la confiance en soi, en

l’avenir et en l’autre, peut redonner à l’individu une

place de sujet. Le bilan montre que l’art-thérapie, en

ravivant le plaisir ressenti par l’activité artistique,

stimule l’envie et l’engagement de la personne dans

un projet, lui redonnant ainsi sa place de sujet.

Nous proposons une analyse critique de cette

expérience, puis nous discutons de la place que peut

occuper l’art-thérapie dans l’accompagnement des

personnes en situation de précarité vers la réinsertion

sociale. Nous concluons que l’art-thérapie peut

occuper une place légitime non seulement pour

l’aide à la réinsertion, mais pourquoi au sein de

programmes de prévention.

Mots clés : art-thérapie, précarité, souffrance,

réinsertion sociale, confiance en soi, confiance en

l’avenir.

An experience in art therapy with prevailing

subjects such as painting, collage, and

photography among people in a precarious

situation

Summary: precariousness is the uncertainty to

maintain or regain an acceptable situation. It is a

subjective and relative concept. In our society,

precariousness is linked to the loss of security factors

such as work, revenue, accommodation, welfare

system, etc.

Due to a chaotic path, some people come across

growing difficulties and enter into a spiral of

insecurity. These situations could be the reason for

huge physical, mental, and social suffering. We can

witness a loss of self-confidence, faith in the future,

and trust in the other and these factors can lead to

passive and depressive behaviours.

The topic of this thesis is based on people “without

stable residence” hosted in a medico social structure

of temporary accommodation. Art therapy

workshops with a dominant use of painting, collage,

and photography have been proposed in order to add

a value to the health care. Art therapy could give back

a place of subject to the individual by strengthening

his/her self-confidence, faith in the future, and trust

in the other. The overview shows that art therapy

stimulates the individual´s desire and involvement in

a project thanks to the pleasure experienced during

the artistic activity: this gives him/her back his/her

place as subject.

A critical analysis for this experience is presented and

some views are exchanged about the impact of art

therapy in accompanying measures implemented for

people facing a precarious situation towards a social

reintegration. The conclusion is that art therapy can

occupy a crucial part in reintegration support as well

as in prevention programmes.

Keywords : art therapy, precariousness, suffering,

social reintegration, self-confidence, faith in the

future.