Étude comparative des pratiques sectorielles de la...

59
HEC MONTRÉAL Étude comparative des pratiques sectorielles de la collecte de fonds au Québec : analyse des stratégies d’un mode de financement en évolution par Sébastien Boutonnet Projet d’intégration présenté au programme de Maîtrise en management des entreprises culturelles (M.M.E.C.) Août 2013 © Boutonnet, Sébastien

Upload: others

Post on 23-Aug-2020

6 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

HEC MONTRÉAL

Étude comparative des pratiques sectorielles

de la collecte de fonds au Québec :

analyse des stratégies

d’un mode de financement en évolution

par

Sébastien Boutonnet

Projet d’intégration présenté au programme de

Maîtrise en management des entreprises culturelles

(M.M.E.C.)

Août 2013

© Boutonnet, Sébastien

Page 2: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

ii

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION……………………………………………………………………………1

1. MÉTHODOLOGIE…………………………………………………………………. 3

2. BREF APERÇU DE L’ÉTAT DES LIEUX DE LA PHILANTHROPIE….……7

2.1 La philanthropie, le secteur culturel et son financement, au Québec….……...7

2.2 La collecte de fonds idéale.……………………………………………………...10

3. COMPARAISON DES SECTEURS ÉTUDIÉS.………………………………... 13

3.1 Les facteurs structurants des pratiques sectorielles de la philanthropie au

Québec…………………………………………………………………………... 16

3.1.1 Le secteur de l’Éducation………………………………………….……. 16

3.1.2 Le secteur de la Santé……………………………………………………. 21

3.1.3 Le secteur des services sociaux et communautaires………………...... 25

3.1.4 Le secteur de l’Environnement et du Développement durable………….. 29

3.1.5 Le secteur des arts et de la Culture……………………………………. 33

4. LES ENJEUX DE LA PHILANTHROPIE AU QUÉBEC……………………... 39

4.1 Constats et leçons tirés......................................................................................... 39

4.2 La collecte de fonds du futur............................................................................... 43

CONCLUSION : quelles conséquences pour les arts et la Culture ? …………………... 45

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………. 48

ANNEXES………………………………………………………………………………… 51

Page 3: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

iii

LISTE DES FIGURES

Figure n°1 : liste des organisations et professionnels rencontrés………………………… 6

Figure n°2 : Dons moyens annuels par province en 2010, population âgée de 15 ans et

plus……………………………………………………………………………………………. 9

Figure n°3 : matrice des liens unissant les donateurs aux OBNL………………………. 13

Figure n°4 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de l’Éducation..................................................................... 20

Figure n°5 : don moyen des Québécois par strate d’âge en 2010……………………….. 21

Figure n°6 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de la Santé………………………………………………… 24

Figure n°7 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur des services sociaux et communautaires………………... 28

Figure n°8 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de l’Environnement……………………………………… 32

Figure n°9 : Répartition des dons par classification des organismes, 2010…………..… 33

Figure n°10 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur des arts et de la Culture…………………………….......... 36

Page 4: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

1

INTRODUCTION

Ce projet de recherche consiste en une étude comparative des pratiques

philanthropiques des Organismes à But Non Lucratif (OBNL) québécois à travers leurs

programmes de collecte de fonds. Nous avons déterminé les cinq secteurs d’activité suivants :

L’Éducation

La Santé

Les services sociaux et communautaires

L’Environnement et le Développement durable

La Culture (subdivisée entre le secteur muséal et les arts de la scène)

Si une littérature existe bel et bien concernant la philanthropie et la collecte de fonds,

il s'agit plutôt d'une littérature générique, beaucoup plus que d'une recherche factuelle

spécifique au Québec comme réalisée ici afin de faire ressortir les pratiques les plus

couramment répandues – les plus ou moins efficaces – en termes de techniques, en tentant de

dégager les particularismes et les singularités caractéristiques de chaque secteur.

Effectivement, l’a priori d’une homogénéité des techniques est récurrent dans la littérature

déjà existante.

Il s’agit donc ici avant tout d’un projet pratique ayant pour objet d’être au plus près

possible de la réalité effective vécue par les OBNL québécois au regard de leur financement

par des fonds privés, autres que les commandites. À l’heure où les États – le Québec ne

faisant pas exception – mettent en place des réductions de subventions publiques jusqu’ici

acquises pour des raisons de diminution des déficits publics, la nécessité de l’intégration de la

philanthropie au sein du financement des OBNL se fait sentir très fortement. En outre,

s’ajoute à cet endettement un questionnement de la part des gouvernements et des sociétés

quant à la légitimité ou non de l’investissement de l’argent public provenant des impôts pour

Page 5: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

2

le soutien de causes que les citoyens n’approuvent pas forcément. Face à cette nouvelle

réalité, la question qui se pose au gestionnaire est comment parvenir à susciter l’intérêt auprès

de philanthropes, a fortiori dans un environnement concurrentiel très fort comme celui du

bassin montréalais. L’application des principes généraux et théoriques de la philanthropie à

des organismes aux préoccupations particulières en fonction de leur secteur et de leur taille,

est également une problématique cruciale posée aux gestionnaires d’OBNL. Le recensement

des habiletés ayant fait leurs preuves apparaît donc comme une nécessité pour ces derniers qui

souvent, pour les plus petits d’entre eux en tout cas, sont démunis quant à leurs pratiques

philanthropiques. Les spécificités de la gestion des OBNL chacun au sein de son milieu

spécifique, avec le rôle du Conseil d’administration et la prise en compte de ce paramètre

singulier du financement, sont donc au cœur de ce projet.

À cette fin, après avoir précisé notre méthodologie de recherche et effectué un bref

tour d’horizon de l’état actuel de la philanthropie au Québec, nous déterminerons les pratiques

les plus fréquentes en fonction des différents secteurs d’activité susmentionnés.

Suite à l’analyse des pratiques sectorielles, nous analyserons les enjeux et tirerons les

leçons de cette étude comparative, puis nous élaborerons des recommandations pertinentes au

regard des problématiques de gestion propres aux OBNL culturels en tenant compte des

spécificités de la place de la culture au sein de l’environnement québécois. Le point de

comparaison avec les autres secteurs permettant ainsi de renforcer l’acuité des outils proposés

pour le milieu si singulier des entreprises culturelles.

Page 6: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

3

1. Méthodologie

Afin de mieux cerner les pratiques philanthropiques présentes actuellement au

Québec, et ainsi être au plus près de la réalité vécue par les OBNL, nous avons réalisé des

entrevues avec des responsables de la collecte de fonds desdits organismes dans les secteurs

susmentionnés. Les exigences académiques du projet d’intégration ne permettant pas d’avoir

une approche exhaustive de la philanthropie, nous avons volontairement écarté de cette étude

d’autres secteurs, comme par exemple la religion, le sport, ou encore la cause animale, les

secteurs étudiés nous semblant les plus à même de servir de point de comparaison utile à

terme pour les OBNL culturels. L’objet de cette présente étude n’est donc pas l’exhaustivité,

mais bien plutôt la représentativité, à travers la pertinence des organisations contactées.

Pour ce faire, nous avons déterminé les organismes en question en fonction de deux

critères majeurs :

Premièrement, la taille des organisations. En effet, nous avons dans chaque secteur

repéré au minimum deux organismes de tailles différentes, afin de comprendre

l’impact de ces dernières sur les pratiques philanthropiques d’un OBNL.

Deuxièmement, lorsque nous le pouvions, l’appartenance des OBNL aux milieux

francophone et anglophone a été analysée en raison de la place particulière du Québec,

à mi-chemin entre les modèles français et étatsunien en termes de culture

philanthropique.

Pour ancrer ce projet de recherche dans la pratique, des entrevues ont donc été mises

en place avec des professionnels reconnus dans leur secteur d'activité. Nous les avons trouvés

au sein des OBNL qui nous sont apparus les plus pertinents pour cette recherche au sein des

secteurs susdits. À cette fin, nous avons eu recours à l’avis de la conseillère spéciale du

Président-Directeur Général pour le Québec de l'organisme Imagine Canada dont le rôle est

Page 7: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

4

de faire la promotion de l’importance sociale des OBNL ainsi que de soutenir ces derniers

dans leurs activités. Pour permettre également une meilleure représentativité des pratiques et

avoir un point de comparaison culturel, ont donc été aussi approchées des organisations

anglophones afin d’étudier les différences potentielles en termes d’us philanthropiques selon

ces deux cultures. En tout, dix-sept organisations ont été analysées par le biais d’entrevues. À

celles-ci s’ajoutent deux entretiens avec deux responsables de sociétés de consulting, dont la

vision transversale nous a paru pertinente. Deux entrevues au minimum ont été réalisées pour

chaque secteur afin de croiser les informations.

En-dehors du soutien apporté par Imagine Canada, nous avons aussi contacté les

responsables d’OBNL dont les noms apparaissaient sur les sites Internet des organismes, ces

dernières données étant le plus souvent accessibles au grand public. Ainsi, les professionnels

qui ont été approchés sont ceux connus pour leur expertise dans le domaine, les plus

expérimentés, mais qui étaient aussi bien entendu volontaires pour participer à ce projet de

recherche. Les contraintes budgétaires ne nous ayant pas permis de réaliser des entrevues

ailleurs qu’à Montréal, nous avons contacté certains professionnels par téléphone.

Les entrevues ont été semi-dirigées par le biais de questions1 servant à cerner les

pratiques et les enjeux dans chacun des secteurs étudiés. Les répondants ont la possibilité de

lire le rapport une fois celui-ci écrit s’ils le souhaitent, afin qu’ils puissent vérifier qu’aucune

erreur n’a été faite quant à la retranscription de leurs pratiques. À des fins méthodologiques,

nous nous sommes aussi servis des sites Web des différents OBNL rencontrés afin de cerner

la présentation générale faite de la philanthropie sur ceux-là.

Nous avons laissé le libre-arbitre aux répondants d'informer leur direction ou non de la

tenue de cette entrevue. De plus, comme nous l’avons précisé précédemment, les répondants

1 Voir à l’Annexe n°1 p.51 la liste des questions.

Page 8: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

5

ont eu un droit de regard sur le rapport pour qu'ils puissent vérifier si celui-ci retranscrivait au

mieux leur intervention. Les entrevues ont été enregistrées lorsque les professionnels ne s’y

opposaient pas, à des fins de meilleure analyse des données.

Ce projet de recherche se présente donc sous la forme d’une étude comparative à

double niveau : en interne à chaque secteur, et en externe entre les secteurs. L’analyse des

données brutes a ensuite été faite en perspective des pratiques considérées comme les plus

pertinentes dans la littérature sur la philanthropie, dans une optique dialectique entre théorie et

praxis, permettant de dégager les grandes tendances d’aujourd’hui et de demain. Nous avons

dans cet esprit retranscrit les pratiques de collecte de fonds au sein de chaque secteur en

regard de celles considérées comme « idéales » par la théorie dominante.

Enfin, parce qu’il s’agit d’un projet de recherche au sein de la maîtrise en

Management des entreprises culturelles, nous avons cherché pour terminer cette étude à faire

ressortir ce que le milieu des arts et de la culture pouvait emprunter – ou non – aux autres

secteurs.

Dans le tableau à la page suivante, nous présentons les différents responsables des

collectes de fonds des organismes contactés afin de rendre plus lisible cette présente étude

durant sa lecture.

Page 9: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

6

Figure n°1 : liste des organisations et professionnels rencontrés

Organismes

Gestionnaires rencontrés

Date de

l’entrevue

Université McGill

(Éducation)

Charlotte Cloutier, ancienne Directrice du

développement

à la Faculté de Gestion de l’Université McGill

18 avril 2013

Université de Sherbrooke

(Éducation)

Charlotte Cloutier, ancienne Directrice

Générale de la Fondation de

l’Université de Sherbrooke

18 avril 2013

Fondation HEC Montréal

(Éducation)

Eve Beauchamp, Conseillère en

développement philanthropique

8 mai 2013

Fondation du CHU de

La Ville de Québec

(Santé)

Guillaume Parent, Recherchiste et analyste à

la Fondation

31 mai 2013

(par téléphone)

Société canadienne de la

Sclérose en plaques

(Santé)

Yves Savoie, Président-Directeur Général 20 juin 2013

(par téléphone)

Leucan

(aide aux enfants atteints de cancer)

(Santé)

Lysanne Groulx, Directrice des

communications, marketing,

et médias sociaux

4 avril 2013

Sac à Dos

(insertion sociale des itinérants)

(services sociaux et communautaires)

Richard Chrétien, Directeur Général 30 avril 2013

CyberCap (lutte contre le décrochage

scolaire par les multimédia)

(services sociaux et communautaires)

Christian Grégoire, Directeur Général et

fondateur

14 juin 2013

Apathy is Boring (engagement des jeunes

dans la citoyenneté)

(services sociaux et communautaires)

Ilona Dougherty, Présidente et cofondatrice 2 juillet 2013

Nature Québec

(Environnement)

Mylène Bergeron, Coordonnatrice aux

communications et aux sollicitations

16 avril 2013

(par téléphone)

Équiterre

(Environnement)

Marie-France Dalcourt, Responsable

de la collecte de fonds

5 juin 2013

Fondation du Musée des beaux-arts de

Montréal

(arts et Culture)

Danielle Champagne, Directrice Générale 15 mai 2013

Fondation du Musée McCord

(arts et Culture)

Kathryn Muller, Directrice Générale 23 avril 2013

Musée des maîtres et artisans du Québec

(arts et Culture)

Pierre Wilson, Directeur-conservateur 24 avril 2013

Studio 303 (studio de danse contemporaine

et d’avant-garde)

Miriam Ginestier, Directrice Générale et

directrice artistique

30 avril 2013

SMCQ (Société de musique contemporaine

du Québec)

(arts et Culture)

Aïda Aoun, Directrice Générale 26 mars 2013

Orchestre métropolitain

(arts et Culture)

Jean R. Dupré, Directeur Général 10 juillet 2013

BNP Stratégies

(consultant en philanthropie)

Christian Bolduc, Président-Directeur Général 27 mai 2013

Phil Communications

(consultant en philanthropie)

Kim Fuller, Présidente-Directrice Générale 20 juin 2013

Page 10: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

7

2. Bref aperçu de l’état des lieux de la philanthropie

2.1 La philanthropie, le secteur culturel et son financement, au Québec

Le secteur des arts et de la culture a vu l’arrivée de grands changements durant le

courant des années 2000 en termes de modes de consommation comme de financement.

Modes de consommation d’une part, avec la naissance des Nouvelles Techniques de

l’Information et de la Communication – les fameuses NTIC – comprenant bien sûr Internet,

les Smartphones, mais aussi le développement de l’idée de gratuité de l’accès à la culture avec

l’essor des réseaux sociaux à travers le Web 2.0, expression créée au début des années 2000

pour désigner une plus grande simplification de l’usage desdites NTIC comme du

renforcement de l’interaction entre celles-ci.

Financement d’autre part, avec des pays occidentaux (dont le Canada) réduisant les

subventions allouées à la culture pour des raisons budgétaires mais aussi de conception du

rôle de l’État dans le financement de cette dernière, et faisant face dans le même temps à des

bouleversements démographiques entraînant des adaptations indispensables à la pérennité des

OBNL culturels. Le Québec n’échappe pas à la règle2 avec une augmentation significative du

nombre d’immigrants non francophones, particulièrement à Montréal, arrivant avec des codes

culturels différents de ceux des Québécois, mais aussi avec un vieillissement de la population

québécoise de souche, ayant abouti à une réduction de la taille du marché de la culture de près

de 50 % en 40 ans3. En conséquence, les institutions et les organismes québécois vont être

confrontés aux efforts nécessaires pour développer de nouveaux publics et ainsi avoir recours

à du mécénat privé palliant le désengagement partiel du Gouvernement.

2 Voir La Presse canadienne (2009, 22 juin). « Québec doit redresser la barre du financement de la culture »,

[version électronique], Le Devoir, Actualités culturelles. Récupéré de

http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/256127/quebec-doit-redresser-la-barre-du-financement-

de-la-culture 3 Voir Dalphond, Claude Edgar (décembre 2008). Le système culturel québécois en perspective, document de

réflexion, Québec, Direction du lectorat et des politiques, 112 p. Récupéré de

http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs1927870

Page 11: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

8

En outre, en lien avec les constats qui viennent d’être soulevés, on peut relever que le

financement public de la culture au Québec se révèle à double tranchant en raison

paradoxalement de son importance. Effectivement, le Gouvernement assumant déjà 53 % des

dépenses faites par les OBNL culturels, contre 30 % en revenus autonomes et 17 % provenant

du financement privé4, deux phénomènes sont possiblement induits par cet état de fait :

Premièrement, un effet pervers en découlerait, le secteur privé, les consommateurs,

mais aussi de possibles mécènes se désintéresseraient du financement de la culture,

partant du principe que le gouvernement québécois y pourvoirait. « Il faudra se

demander si le rôle déterminant de l'État en culture ne pourrait pas expliquer les

réserves des mécènes, qui se sentiraient davantage interpellés par des secteurs moins

bien soutenus. »5

Deuxièmement, la part du PIB de 0,6% consacrée à la Culture par le gouvernement

provincial québécois (Dalphond, 2008) équivalant déjà, toutes choses égales par

ailleurs, à celle d'un pays comme la France, il est fort peu probable que le financement

public de la culture s’accroisse dans les années à venir, a fortiori dans un contexte de

restriction budgétaire.

Ainsi, comme nous venons de le voir, le secteur des entreprises culturelles québécoises

doit faire face à des défis inédits, tant économiques que stratégiques. Ces défis nous amènent

directement à la question cruciale du financement privé, et donc de la philanthropie, apte à

pallier les difficultés financières chroniques d’un grand nombre d’OBNL culturels, malgré un

financement gouvernemental québécois conséquent.

En effet, bien que les OBNL culturels soient, nous l’avons vu, financés à hauteur de

53% par l’État, il n’en demeure pas moins vrai que les entreprises culturelles ne peuvent se

4 Idem, p.55.

5 Idem, p.70.

Page 12: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

9

contenter ni de cette source de revenus ni de leurs revenus autonomes. Cette prise de

conscience – nous y reviendrons – de la nécessité d’impliquer des donateurs individuels mais

aussi corporatifs dans le financement des organisations n’est pas nouveau, mais il devient

nonobstant de plus en plus crucial. Corollaire de ce constat, de plus en plus d’OBNL

cherchent à professionnaliser leurs pratiques de collecte de fonds. De plus, cette

problématique de gestion inhérente aux OBNL culturels l’est aussi pour tous les OBNL, quel

que soit le secteur concerné.

Effectivement, même si le bassin de donateurs est en croissance, la philanthropie se

caractérise aussi par une certaine concurrence non seulement entre organismes d’un même

secteur, mais également entre secteurs. Les divers donateurs étant sollicités de toutes parts, et

les causes à soutenir nombreuses, la collecte de fonds ne peut s’apprécier sans tenir compte de

ce dernier paramètre. De plus, il faut souligner que les Québécois donnent en moyenne moins

que les autres Canadiens, même si des disparités persistent entre les anglophones installés au

Québec et les francophones, ce qui est confirmé par les statistiques officielles.

Figure n°2 : Dons moyens annuels par province en 2010, population âgée de 15 ans et plus6

Dons moyens

Alberta 562 $ Saskatchewan 544 $

Colombie-Britannique 543 $

Ontario 526 $

Manitoba 519 $

Yukon 514 $

Île-du-Prince-Édward 479 $

Territoires du Nord-Ouest 412 $

Nouveau-Brunswick 380 $

Nouvelle-Écosse 369 $

Nunavut 344 $

Terre-Neuve-et-Labrador 331 $

Québec 208 $

Source : Statistique Canada (2010). Enquête canadienne sur le don, le bénévolat et la participation.

6 Voir Lapointe, Daniel (2013). La gestion philanthropique. Guide pratique pour la collecte de fonds, Québec,

Presses de l’Université du Québec, pp.10-12.

Page 13: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

10

2.2 La collecte de fonds idéale

La littérature existant aussi bien aux États-Unis7 – pays majeur de la philanthropie où

ce mode de financement fait partie intégrante de la culture – qu’au Québec8, nous enseigne

que des campagnes de collecte de fonds réussies obéissent à certaines règles et à certains

facteurs clés de succès indispensables, quel que soit votre secteur d’activité (Klein, 2011) :

1) Articuler clairement la vision et le positionnement de l’organisation; faire une collecte de

fonds dans le seul but d’atteindre l’équilibre financier n’est pas suffisant. Il faut déterminer

clairement les raisons qui motiveront les gens à donner.

2) Établir un plan à long terme qui tienne compte des ressources, de la croissance, des revenus

potentiels, de l’environnement de donateurs, etc.

3) Pour les campagnes majeures, faire une étude de faisabilité; cela aide à préparer le terrain

et l’organisation.

4) Mettre en route une campagne majeure obéissant elle-même à plusieurs règles :

a. Collecter déjà des fonds à l’année.

b. Identifier les motivations et les retombées des dons recueillis pour la communauté.

c. Avoir un Comité de campagne dédié, dévoué, et efficace.

d. Identifier la croissance des donateurs actuels.

e. Identifier les donateurs qui ont le plus à cœur l’organisation.

f. Démontrer une grande confiance en l’organisation.

g. Mettre les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires en place.

h. Établir un échéancier réaliste.

5) Faire un plan dit SMART (Specific, Measurable, Attainable, Reviewable, Time-sensitive)

7 Voir Klein, Kim (2011). Fundraising for Social Change, 6

ème édition, Jossey-Bass, 540 p.

8 Voir notamment l’ouvrage de Daniel Lapointe déjà cité, et Cloutier, Charlotte (2012). « Les organismes à but

non-lucratif : Comment mieux gérer les relations avec les donateurs », Gestion, vol. 36, n°4, p. 85-94.

Page 14: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

11

De plus, certaines idées reçues contribuent à rendre une collecte de fonds moins

efficiente, voire moins efficace (Klein, 2011) :

Faire un bon lancement de campagne n’est pas suffisant pour assurer le succès sur la

durée.

Même si un projet est intéressant, il ne se vend pas tout seul.

Le Conseil d’administration ou le Comité de campagne ne peuvent pas faire le travail

seuls; ils doivent pouvoir compter sur l’organisation dans son ensemble.

À l’inverse, l’équipe ne peut réaliser seule la recherche de dons; il est important de

pouvoir compter sur des gens influents au sein de la société civile et de la

communauté d’affaires.

Une campagne majeure de collecte de fonds ne sera pas un succès si la campagne

annuelle génère un enthousiasme modéré au sein de l’organisation.

La campagne doit avoir une durée limitée.

L’absence de certains facteurs déterminants (Klein, 2011) peut a contrario servir

d’alerte pour ne pas se lancer dans une campagne de collecte de fonds à long terme car ces

défaillances peuvent s’avérer pernicieuses pour l’organisme et générer plus d’échec et de

frustration au sein de l’équipe qu’autre chose :

Si l’organisation ne possède pas de plan stratégique.

Si L’organisation ne possède pas les fonds nécessaires pour mettre en place les

conditions favorables de départ, incluant une étude de faisabilité.

Si les motivations ne sont pas pertinentes ou que la réputation de l’organisme est

vacillante; sans ces fondements, il vaut mieux attendre et rendre son organisation

optimale avant de débuter une campagne.

Si le président de campagne n’est pas pleinement engagé et dynamique.

Page 15: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

12

Si les membres du comité de campagne n’ont pas suffisamment de leadership au sein

de la communauté.

Si les employés et les collaborateurs ne sont pas eux-mêmes engagés dans la collecte

et pleinement convaincus de la pertinence de la campagne et de la qualité de

l’organisme.

Outre ces différents éléments, relatifs à l’organisation interne de l’OBNL, il est

également essentiel de nouer avec ses donateurs une relation privilégiée (Cloutier, 2012), ce

qui suppose un lien de confiance et de respect mutuel, débouchant sur un rapport qu’on

pourrait qualifier de « gagnant-gagnant », « Les OBNL qui parviennent à bâtir des liens

solides avec leurs donateurs entretiennent des relations soutenues avec eux, aussi bien

formelles […] qu’informelles […]. Là où les relations sont très fortes, les communications

sont presque toujours personnalisées et sincères. En somme, l’idée est de valoriser la relation

en soi, au-delà de son utilité immédiate. »9

Ce survol de l’état des lieux de la philanthropie au Québec, ainsi que d’un modèle de

collecte de fonds, a permis de dégager les grands principes inhérents à ce mode de

financement et de dresser un portrait général de la théorie dominante. Toutefois, notre objectif

est de préciser la réalité vécue par les OBNL dans leurs milieux spécifiques. Nous allons donc

maintenant aborder l’étude comparative en soi afin de confronter théorie et praxis, confirmant

ou infirmant ce que nous avons jusqu’ici affirmé.

9 Voir Cloutier, op. cité, p. 93.

Page 16: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

13

3. Comparaison des secteurs étudiés

Figure n°3 : matrice des liens unissant les donateurs aux OBNL

Groupe de donateurs restreint Faible proximité des donateurs avec l’OBNL

Forte proximité des donateurs Groupe de donateurs large

avec l’OBNL

Studio 303

SMCQ

CyberCap

Apathy is Boring

Nature Québec

Orchestre métropolitain Musée McCord

HEC Montréal

Université McGill

Université de Sherbrooke

MBAM Leucan

CHU de la Ville de Québec

Société canadienne de la sclérose en plaques

Équiterre

Musée des maîtres et artisans du Québec

Sac à Dos

Page 17: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

14

Analyse de la matrice

Nous allons constater dans le reste de cette étude, lors de l’analyse des techniques de

collecte de fonds des différents organismes, que deux facteurs-clés majeurs interviennent

quant au succès ou non des pratiques philanthropiques :

La capacité à rejoindre un public plus ou moins large en fonction de la nature même

de leur mission et des activités qui en découlent.

La proximité entretenue avec les donateurs par l’organisme.

Premièrement, au-delà de la taille en soi de l’organisation, c’est surtout la nature de

son activité, plus ou moins grand public, qui détermine en partie la réussite d’une collecte de

fonds, et qui est aussi responsable de la taille de l’OBNL.

Effectivement, si on observe la matrice ci-dessus et qu’on la compare aux montants

des collectes de fonds (Annexe n°2 p.52), on note une convergence logique entre un bassin de

donateurs large et des campagnes particulièrement rentables. Les OBNL se trouvant dans la

partie supérieure de la matrice sont tous ceux qui ont le plus de difficultés à mettre en place

des activités de collecte de fonds très rémunératrices. Si cette constatation paraît évidente

(plus on a un public important, plus on a de chances d’avoir un plus grand nombre de

donateurs), ce qu’elle met surtout en exergue est que la nature en soi de l’organisme joue, peu

importe au final le secteur auquel on appartient. Le fait d’avoir des activités artistiques

d’avant-garde (SMCQ et le Studio 303), concernant un aspect méconnu de la Culture (Musée

des maîtres et artisans du Québec), ou des activités sociales guère populaires auprès d’un

large public (Sac à Dos ou Apathy is Boring) limitent la capacité à se constituer une base de

données importante, renforçant un possible désintéressement des donateurs potentiels. La

nécessité de trouver des moyens pour pallier une activité qui n’est pas forcément très

Page 18: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

15

populaire devient alors primordiale ; on peut penser notamment au renforcement de la

visibilité de son OBNL afin de faire connaître la cause défendue et l’utilité de celle-ci.

Outre l’aspect que nous venons de décrire, un second élément mis en valeur dans la

matrice est intervenu lors de l’analyse des pratiques philanthropiques : la proximité entretenue

ou non avec les donateurs. En effet, celle-ci semble déterminante pour une collecte de fonds

optimale. Ainsi des organismes comme les universités, ayant tissé des liens forts avec leurs

étudiants sur plusieurs années dès le début de l’entrée de ceux-ci dans la vie professionnelle,

ou des organisations ayant noué des relations solides avec la communauté montréalaise depuis

longtemps comme le MBAM ou le Musée McCord, obtiennent parmi les montants les plus

élevés en dons de la part de mécènes très fidèles. Les organismes de santé (hôpitaux et

fondations contre des maladies) bénéficient aussi par le biais des patients de l’organisation ou

des malades et de leurs familles d’une grande proximité avec un grand nombre de leurs

donateurs, ainsi qu’une base de données très large.

Toutefois, il n’y a pas de fatalité, et cette proximité peut aussi se construire par la

multiplication d’activités accroissant la visibilité de l’organisation et l’action de cette

dernière, comme Équiterre peut le faire bien que son domaine d’activité, l’environnement et le

développement durable, ne se prête pas à la constitution d’une liste « naturelle » de donateurs.

De ce fait, la connaissance de son public cible grâce à une base de données étoffée et des

enquêtes régulières sur celui-ci permettent d’organiser des événements plus à même de

renforcer la proximité avec les donateurs ainsi qu’augmenter la base de ceux-ci.

Nous allons étudier plus en profondeur les caractéristiques des organisations entrevues

secteur par secteur afin de mieux comprendre les interactions entre les différents éléments

susmentionnés.

Page 19: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

16

3.1 Les facteurs structurants des pratiques sectorielles de la philanthropie au Québec

3.1.1 Le secteur de l’Éducation

A) Aperçu du secteur du point de vue philanthropique

Les campagnes majeures notamment, menées par les grandes universités, permettent

d’obtenir un niveau de dons global très élevé. Bien que le Québec ne soit pas au stade de ce

qui se pratique aux États-Unis dans les grandes universités privées dont les fonds de dotation

se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, l’idée que les anciens étudiants doivent contribuer

au financement de l’établissement en partie à l’origine de leur carrière a fait son chemin, et la

notion d’alma mater à soutenir est de plus en plus ancrée dans la tête des anciens (Lapointe,

2013). Le panel de techniques de collecte de fonds utilisées par les universités est assez large.

En effet, celles-ci mettent en place un grand nombre de programmes leur permettant de

rejoindre par divers biais leurs anciens étudiants.

B) Les caractéristiques des différents organismes étudiés

Toutefois, des différences persistent entre les milieux universitaires francophone et

anglophone, comme C. Cloutier a pu elle-même s’en rendre compte, ayant eu des postes de

responsable au sein des deux univers. Venant de McGill, elle a noté l’écart très important

dans l’approche de la philanthropie à l’Université de Sherbrooke, université francophone. Une

différence essentielle se constatait notamment au niveau de la gouvernance, primordiale pour

des collectes de fonds réussies. À la différence de McGill où un Comité de collecte de fonds,

le campaign cabinet, existe et est extrêmement efficace, avec un Conseil d’administration

(CA) très stratégique, cela n’était pas le cas à la Fondation de l’Université de Sherbrooke. Il

n’y avait pas d’organisation en comités, pourtant fondamentale si on veut que le CA soit le

plus pertinent possible. La Fondation de l’Université de Sherbrooke était moins flexible qu’un

campaign cabinet, administrativement plus lourde et plus coûteuse. Alors que le CA de

Page 20: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

17

l’université doit être représentatif du corps enseignant, des chercheurs, etc., cette obligation

n’existe pas dans le cas d’une fondation d’université, permettant ainsi une organisation plus

stratégique de celle-ci. Si on analyse, à ce titre, le CA de la Fondation de HEC Montréal10

, on

constate que celui-ci est extrêmement stratégique, et très peu représentatif, comportant surtout

des personnalités influentes du monde des affaires aux réseaux particulièrement utiles. Bien

sûr, la discipline académique de HEC Montréal, principale Faculté de Gestion du Québec,

joue en la faveur d’un tel CA.

Au-delà des techniques de collecte de fonds en soi, des divergences apparaissent

surtout en termes de culture, les francophones n’étant pas encore accoutumés complètement à

ce mode de financement qu’est la philanthropie. Effectivement ce qui est parfois encore perçu

comme un manque de professionnalisation de la part des francophones, concernant les

pratiques philanthropiques, est le plus souvent lié à une gêne persistante relative aux questions

d’argent, même au sein des universités, lorsqu’il s’agit de collecter des fonds auprès d’anciens

étudiants. À l’Université de Sherbrooke par exemple, les membres de l’Association des

anciens étudiants ne font pas partie de la Fondation et ne sont pas sollicités, « ce qui est

aberrant » selon C. Cloutier dans la mesure où c’est justement le rôle d’une association de ce

type que de participer à l’amélioration des conditions de l’enseignement, de la recherche, ou

encore des locaux, ce qui passe souvent par une augmentation des fonds. Un sentiment

d’exploitation des diplômés se perpétue encore aujourd’hui. La construction d’un relationnel

solide est essentielle afin de combattre ce préjugé (Cloutier, 2012).

C) Les spécificités de la collecte de fonds dans le secteur

Il est essentiel de comprendre que les universités bénéficient d’un avantage net par

rapport aux autres types de secteurs quant à leur liste de donateurs potentiels. En effet, elles se

10

Fondation HEC Montréal (2013). Le conseil d’administration de la Fondation, HEC Montréal. Récupéré le 7

août 2013 de http://www.hec.ca/fondation/fondation/conseil_administration/conseil-administration.html

Page 21: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

18

sont constitué au fil des années une base de données extrêmement riche, qui ne cesse de

s’accroître automatiquement année après année, tout simplement grâce aux étudiants membres

de l’université. Charlotte Cloutier nous avouait d’ailleurs à ce sujet que « chez les

professionnels de l’Éducation, tout est intégré, on sait tout sur les étudiants ayant fréquenté

l’université, donc la base de données est extrêmement précise sur qui peut donner quoi, les

centres d’intérêt, l’activité professionnelle de chacun, etc. C’est très ciblé. Il s’agit d’un

secteur où l’implication est très forte, l’attachement très fort, car il y a de fait une base

d’étudiants. Les universités ont l’avantage de ne pas avoir besoin de se créer une

constituency. ».

C. Cloutier faisait aussi remarquer qu’une université comme McGill possède un réseau

d’anciens étudiants un peu partout dans le monde, profitant de l’usage de la langue anglaise

utilisée pour l’enseignement et du nombre d’étudiants étrangers. Ce réseau d’influence de

l’établissement lui donne un avantage considérable lorsqu’il s’agit de collecter des fonds. Cet

aspect est encore quasi inconnu des universités francophones du Québec, et seule HEC

Montréal tisse un réseau international en raison de la diversité géographique des étudiants y

venant, notamment aussi à travers une implantation en France, proximité linguistique oblige,

où l’École possède un Bureau international – Europe à Paris. Ce réseau n’en demeure pas

moins timide comparé à une université comme McGill.

La position de HEC Montréal se situe justement à mi-chemin entre l’université

francophone type et l’université anglophone dans le rapport que l’École entretient à la collecte

de fonds. En tant que Faculté de Gestion, son lien avec le monde des affaires et son rapport à

l’argent sont plus décomplexés, ce qui est une force indéniable dans le secteur de la

philanthropie. Reflet de cet état de fait, les dons corporatifs à HEC Montréal représentent

Page 22: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

19

52.1% de l’ensemble des dons pour l’année 201211

. Ainsi, si on regarde l’aspect numéraire

d’une campagne majeure, on constate que là où l’Université de Sherbrooke amasse une

dizaine de millions de dollars lors d’une campagne majeure de financement, Campus

Montréal (Université de Montréal, HEC, et Polytechnique) espère atteindre 500 millions de

dollars12

, quand McGill vient de lever 1,026 milliard de dollars, un record13

.

11

Voir Fondation HEC Montréal (2012). Rapport annuel 2012, HEC Montréal. Récupéré le 7 août 2013 de

http://www.hec.ca/fondation/fondation/publications/rapport_annuel_fondation_2012.pdf , p.5. 12

Polytechnique Montréal (2013). Grande campagne de financement Campus Montréal, Carrefour de l’actualité.

Récupéré le 7 août 2013 de http://www.polymtl.ca/carrefour/article.php?no=4167 13

Gervais, Lisa-Marie (2013, 19 juin). « Philanthropie – McGill récolte 1 milliard », Le Devoir. Récupéré de

http://www.ledevoir.com/societe/education/381166/mcgill-recolte-1-milliard

Page 23: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

20

Figure n°4 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de l’Éducation

Types de collecte de fonds Modes d’acquisition des donateurs

Université McGill

Panel large d’activités de collecte de

fonds :

publipostage et envois de

courriels massifs aux anciens

étudiants.

activités mondaines (bals,

tournois de golf…).

comité spécifique pour les

dons majeurs et planifiés,

major gifts (dons annuels

importants très recherchés),

stop and think gifts (dons

réguliers, qui sont par exemple

mensualisés).

télémarketing aussi présent

avec une équipe dédiée à

l’appel des donateurs.

Organisation d’une campagne

annuelle de financement de

grande ampleur.

Liste de donateurs potentiels

créée naturellement par la

fréquentation de

l’établissement par les

étudiants chaque année.

Constituency créée de facto.

Le réseau de l’Université est

constamment entretenu par de

l’événementiel (soirées,

cocktails, bureaux

internationaux…) afin de

maintenir les contacts avec et

entre les anciens étudiants.

Base de données extrêmement

précise sur les étudiants

(activités professionnelles,

intérêts, etc.) et constamment

mise à jour. Le rôle du CA et

du campaign cabinet est

essentiel.

Université de Sherbrooke

Panel moins large d’activités.

Publipostage et envois de

courriels massifs aussi, mais

moins d’activités

événementielles.

Mise beaucoup sur des dons en

ligne, mais aussi des dons

d’actions en Bourse ou de

valeurs mobilières.

Dons jumelés entre l’ancien

étudiant et l’entreprise pour

laquelle il travaille.

Liste « naturelle » avec les

anciens étudiants, mais n’a pas

vraiment de réseau

international. Étudiants très

majoritairement québécois.

Événementiel beaucoup moins

utilisé et le relationnel est

moins travaillé qu’à McGill.

Par exemple l’Association des

anciens étudiants de

l’Université n’est pas utilisée à

des fins de collecte de fonds.

HEC Montréal

Publipostage, envois de

courriels aux donateurs dans la

base de données.

Dons corporatifs beaucoup

plus présents eu égard aux

disciplines enseignées.

Personnel dédié aux dons

majeurs et planifiés, plus

présents qu’à Sherbrooke.

Événementiel très présent

(bals, cocktails, soupers,

soirées, tournois de golf).

Une liste existe de facto grâce

aux anciens étudiants.

Liens très forts entre la

Fondation et la communauté

d’affaires par le biais de son

CA.

Placement des anciens

étudiants à des postes à

responsabilité dans les grandes

entreprises québécoises.

Page 24: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

21

3.1.2 Le secteur de la Santé

A) Aperçu du secteur du point de vue philanthropique

Il s’agit du secteur avec la capacité de collecte de fonds la plus importante (Lapointe,

2013). Néanmoins, les situations peuvent être plus ou moins disparates entre les hôpitaux,

dont l’utilité est immédiate pour la collectivité et tout citoyen, et les OBNL œuvrant pour une

cause en particulier, selon qu’il s’agisse d’une cause qui touche – au sens aussi bien émotif

qu’épidémiologique du terme – particulièrement la population. En outre, le vieillissement de

la population au Québec va rendre le secteur de la Santé de plus en plus vital car il y aura de

plus en plus de personnes âgées susceptibles d’avoir recours à des soins de santé. À cela

s’ajoute dans un même ordre d’idées le fait qu’au Québec les personnes de 65 ans et plus –

public cible du secteur de la Santé – sont sans surprise celles qui font dans l’ensemble des

secteurs le don moyen le plus élevé.

Figure n°5 : Don moyen des Québécois par strate d’âge en 201014

Strate d’âge Contribution

15-24 ans 71 $*

25-34 ans 164 $*

35-44 ans 253 $*

45-54 ans 172 $

55-64 ans 252 $

65 ans et + 311 $

*Donnée à utiliser avec précaution.

Source : Statistique Canada (2010). Canadiens dévoués, Canadiens engagés : rapport de tableaux, p.17.

B) Les caractéristiques des différents organismes étudiés

Le secteur de la Santé peut se diviser en deux types d’organismes, l’hôpital et l’OBNL

présent pour lutter contre une maladie. Nous avons cherché à conserver dans notre étude

comparative cette division à des fins de représentativité. Effectivement, si les hôpitaux sont

14

Tableau tiré de Lapointe, op. déjà cité, p.14.

Page 25: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

22

dans la même situation que les universités en termes de liste de donateurs potentiels et de base

de données, c’est-à-dire que leur constituency se fait naturellement par le biais de l’ensemble

des patients et des familles de ceux-ci qui sont passés un jour entre les murs de

l’établissement, il n’en va pas de même aussi facilement pour les OBNL constitués autour

d’une maladie. La situation diffère donc sensiblement puisqu’il faut à ces derniers acquérir

une liste de donateurs, et être proactif dans ces démarches alors que ceux-ci ont tendance à

venir naturellement – au sens propre comme au sens figuré – à l’hôpital. De plus, Yves

Savoie, P.-D.G. de la Société canadienne de la sclérose en plaques, nous disait que pour des

raisons de confidentialité des dossiers médicaux des patients, les hôpitaux ne sont pas

autorisés à communiquer ni l’adresse ni le nom de ceux-ci, ce qui complique la tâche d’un

OBNL dans sa recherche de donateurs éventuels.

Si on analyse l’acquisition de donateurs, on constate que le CHU de Québec, au-delà

même des patients venant à l’hôpital, est extrêmement ancré dans sa communauté, participant

ainsi à maintenir le sentiment de nécessité pour les habitants locaux de donner à la Fondation.

C’est bien cette idée de présence tous azimuts qui pousse la Fondation du CHU à multiplier

les activités de collecte de fonds. L’éventail est en effet très large, avec une très grande

professionnalisation : sept groupes de sollicitation ont été créés pour une base de données

extrêmement volumineuse qui compte entre 1 million et 1.5 million de personnes. Le recours

au publipostage est massif avec quatre envois par an (cette technique est particulièrement

nécessaire puisque la base de données est composée majoritairement de personnes entre 60 et

90 ans restées donc attachées au format papier). Cependant, le télémarketing et les activités-

bénéfices multiples (golf, bal, etc., rapportant en moyenne 1 million de dollars par an) restent

nécessaires. Les défis sportifs quant à eux sont de plus en plus populaires et il s’agit d’un

programme de collecte de fonds, nous y reviendrons, très significatif de la philanthropie

contemporaine et de celle à venir.

Page 26: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

23

L’avantage de l’hôpital, par rapport aux organismes dédiés à une maladie en

particulier, est une présence physique ne rendant pas nécessaire la vente de la cause en soi

pour se rappeler au bon souvenir de la population locale. Comme nous l’avons noté

auparavant, les personnes sollicitées sont passées par l’hôpital pour la plupart. Toutefois, les

organismes fondés sur la lutte contre des maladies particulières, comme la sclérose en plaques

ou l’aide aux enfants victimes de cancers, peuvent aussi se fonder sur la légitimité de la cause,

et un fort sentiment d’empathie de la part du public pour les malades en question. Yves

Savoie reconnaissait cependant que la SCSP n’a pas recours à des placements à la télévision

ni au street fundraising (sollicitation dans la rue) ni à des loteries car les effets de la sclérose

en plaques ne suscitent pas le même pathos que par exemple des enfants malades,

« nécessaire » à ce type de programmes de collecte de fonds. À ce titre d’ailleurs, Lysanne

Groulx (Leucan), nous confiait « que même si Leucan fait appel à l’émotion du public, à

l’empathie, l’association essaie toujours de ne pas tomber justement dans un pathos gênant

mais plutôt de mettre l’accent sur un message positif, de victoire sur la maladie ».

C) Les spécificités de la collecte de fonds dans le secteur

En-dehors de ces différences, de nombreux parallèles peuvent être faits entre les organismes

du secteur en termes de programmes d’activités. Tous trois ont de plus en plus recours aux

défis sportifs et à l’investissement de jeunes bénévoles qui essaient de ramener de l’argent par

leurs propres moyens, ce qu’on appelle aussi des programmes de collecte de fonds de tierce

partie, sorte de marketing relationnel où chaque bénévole fait appel à son propre réseau. Un

événement grand public comme la Marche de l’espoir par exemple est très prisé, car pour des

causes aussi sensibles que la Santé ce type d’investissement humain est gratifiant pour les

participants, heureux d’avoir contribué autrement que financièrement à la cause.

Page 27: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

24

Figure n°6 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de la Santé

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

Fondation du

CHU

de la Ville de

Québec

Panel d’activités large et lien très fort avec

la communauté locale.

7 groupes différents pour la sollicitation. 4

envois par an de publipostage et de

courriels massifs (base de données de 1 à

1.5 million de personnes).

Nombreuses activités bénéfices (golf, bal,

soirées…) rapportant 1 million de

dollars/an. Le financement en provenance

des défis sportifs est passé de 50,000 à

500,000 $ en deux ans.

Opérations grand public comme

Opération Enfants Soleil rapporte 2

millions/an.

Les legs testamentaires sont aussi

nombreux.

Utilisation aussi de La Ruche, plateforme

de financement social à Québec.

Constituency naturelle grâce aux

patients venus à l’hôpital. La

base de données est constituée

majoritairement de ceux-ci et de

leurs familles.

Ancrage dans la communauté

locale joue pour beaucoup en

faveur de sa visibilité.

Profilage économique des

donateurs par du télémarketing

les ciblant en fonction de leurs

moyens.

Si un donateur ne donne pas

pendant un an, sollicité de

nouveau pendant 3 ans. Après, il

reste dans la base de données

sans sollicitation.

Société

canadienne de

la sclérose en

plaques

Éventail très large d’activités pour la

collecte de fonds.

Publipostage et télémarketing sont utilisés

mais trop impersonnels selon Y. Savoie.

Volet des défis sportifs et des événements

de masse comme la Marche de l’espoir en

forte croissance.

Activités collées à la réalité

communautaire, donc diffèrent d’une

province à une autre.

Dons majeurs et planifiés sont les plus

gros dons.

Sollicitations en ligne sont aussi utilisées

(13 millions de dollars/an). Dons

préautorisés mensuellement recherchés

auprès des donateurs ayant déjà donné.

Activités aussi VIP du type bals, tournois

de golf pour les plus gros donateurs.

100,000 Canadiens touchés par

cette maladie, mais 800,000 à 1

million de donateurs dans la base

de données.

2 à 3 millions de domiciles/an

rejoints grâce aux adresses

physiques obtenues lors des

multiples activités. Le profil du

donateur : féminin de plus de 50

ans majoritairement.

Échange de listes pratiqué aussi

avec des organisations dont le

public a le même profil.

Peer-to-peer fundraising avec

événements de masse très

porteurs pour l’acquisition de

donateurs car la visibilité est

grande.

Nombreux comités (près de 95)

et un CA très stratégique

essentiels pour acquérir des

donateurs.

Leucan

Création d’événements familiaux.

Programmes de collecte de fonds de tierce

personne clés en main très rentables.

Lavothon, marchethon, ski-o-thon,

rasothon, etc.

Ventes (hot-dogs, chocolat, pâtisseries,

etc.).

Journées et fêtes thématiques.

Soupers-bénéfices.

Événements culturels (spectacles

d’humour, pièces de théâtre, concerts).

Collectes au travail, à l’école (campagne

« Vide tes poche$ »)…

Les événements grand public

sont à la fois des moyens de

collecte de fonds et d’acquisition

de nouveaux donateurs (150,000

personnes dans la base de

données).

Utilisation aussi d’affiches dans

le métro.

Fort ancrage dans la

communauté, à Montréal comme

en région.

Page 28: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

25

3.1.3 Le secteur des services sociaux et communautaires

A) Aperçu du secteur du point de vue philanthropique

Les enquêtes réalisées, notamment par Statistiques Canada lors de son Enquête sur le

don, le bénévolat et la participation de 2010, montrent que les Québécois sont près de 84,6%

à donner à des causes charitables15

, ce qui signifie que le secteur qui nous occupe dans cette

partie est susceptible d’attirer un très large public. Néanmoins, la multiplicité des petits

organismes et la variété des causes défendues exposent la collecte de fonds au sein de ce

secteur à une concurrence importante pour l’obtention de dons.

Contrairement aux deux précédents secteurs analysés, la première chose qui

transparaît à la lumière des entrevues réalisées est la difficulté pour les OBNL au sein de ce

secteur à obtenir la visibilité nécessaire pour avoir une base de données et donc une liste de

donateurs éventuels suffisantes. En effet, chaque organisme défendant une cause différente, il

faut réussir à faire connaître son OBNL et surtout la mission de celui-ci.

B) Les caractéristiques des différents organismes étudiés

Par exemple, Richard Chrétien (Sac à Dos) nous confiait que, même si dès le début de

l’organisation celle-ci a bénéficié du soutien des pouvoirs publics mais aussi de fondations

d’entreprises, « on a vite compris qu’il fallait organiser un événement grand public, comme

un spectacle récurrent du type de ce que fait le Refuge des jeunes, afin de mettre en avant la

cause sociale en question ». C’est pourquoi R. Chrétien et son CA ont pensé à la mise en

place de leur spectacle annuel, Solidari-Show, devenu un événement médiatique important

notamment grâce à la motivation de célébrités pour participer au spectacle. Le show est ainsi

devenu incontournable dans l’imaginaire montréalais, permettant d’accroître

considérablement la visibilité de l’organisme.

15

Voir Lapointe, op. déjà cité p.17.

Page 29: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

26

Christian Grégoire (CyberCap) a reconnu toute la difficulté aussi bien à accroître la

visibilité qu’à obtenir des dons. Son organisme étant financé à hauteur de 85% par des

subventions publiques depuis sa fondation et bénéficiant du soutien indéfectible de plusieurs

grandes entreprises comme Microsoft, C. Grégoire avouait que pour l’instant l’OBNL ne s’est

pas vraiment préoccupé beaucoup de cette question, le CA étant encore réticent à la dépense

pour cette activité. Néanmoins, le risque d’un désistement des pouvoirs publics fonctionne

comme une épée de Damoclès au-dessus de l’organisation.

C) Les spécificités de la collecte de fonds dans le secteur

Les organismes à vocation sociale et d’aide à la communauté doivent palier une

double problématique :

1°) Réussir avec des moyens souvent faibles aussi bien en termes financiers que de ressources

humaines à mettre en place des activités qui demandent donc beaucoup de temps. À Sac à

Dos l’employée qui s’occupe de la collecte de fonds est une étudiante qui fait cela

15h/semaine seulement, et à Apathy is Boring il s’agit le plus souvent de bénévoles sans

aucune véritable expérience dans le domaine de la philanthropie.

2°) Il s’agit en partie de la conséquence du premier problème ; arriver à se constituer une liste

suffisamment volumineuse de donateurs prêts à s’engager pour avoir des rentrées d’argent

suffisantes en plus des aides publiques.

En effet, à Sac à Dos en-dehors de partenaires du type des fondations d’entreprises ou

de donateurs très fidèles (liés aux membres du CA) depuis les débuts de l’organisme, il fallait

augmenter la base de données, ce qu’a permis un événement grand public comme Solidari-

Show. Les organisations caritatives étant celles qui sont soutenues par le plus grand nombre

de Québécois, il y a donc une forte probabilité que de tels spectacles correspondent à un

public de donateurs potentiels. D’ailleurs, R. Chrétien nous disait que Solidari-Show était le

Page 30: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

27

seul événement qui ramenait vraiment de nouveaux donateurs en nombre important. Le

problème étant que les dons moyens du grand public sont plus faibles, ce qui signifie qu’il en

faut un nombre plus important afin de combler ce fait. À ce titre, Ilona Dougherty (Apathy is

Boring) confirmait que la multiplicité des événements grand public, nombreux au sein de son

organisme (concerts notamment) pour attirer un public large n’est pas forcément le meilleur

moyen pour acquérir de nouveaux donateurs, en tout cas pas directement. Ces activités grand

public doivent être vues avant tout comme un outil pour la visibilité. Les concerts organisés

par Apathy is Boring sont là surtout pour attirer un public jeune, public ciblé par la cause

même de l’organisme. Ce public (voir figure n°8 p.25) donne en règle générale assez peu et

préfère s’investir physiquement pour la cause qu’il souhaite défendre, ce qui n’est pas

forcément ce dont a le plus besoin un OBNL arrivé à un certain stade.

C. Grégoire a reconnu que la visibilité était la clé de voûte d’une philanthropie réussie,

mais pour ce faire il y a la nécessité d’avoir un CA pleinement conscient de cette réalité et de

mettre en place une véritable stratégie visant à organiser des activités en congruence avec la

mission de l’organisation comme avec le public cible. Richard Chrétien nous disait à ce

propos que si les donateurs à Sac à Dos étaient très fidèles, c’était en grande partie parce que

la « mission de Sac à Dos est assez unique, donc les donateurs qui donnent sont intéressés par

cette cause-là véritablement, parce qu’ils savent qu’il n’y a pas d’autre organisme

communautaire faisant la même chose ». Cette remarque éclaire l’importance d’une mission

bien définie, a fortiori dans le secteur des OBNL des causes sociales et communautaires où la

concurrence est grande. Les donateurs souhaitent savoir exactement pourquoi ils donnent et

les activités mises en place pour la collecte de fonds doivent donc être pensées en fonction de

l’OBNL et du secteur dans lequel celui-ci évolue.

Page 31: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

28

Figure n°7 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur des services sociaux et communautaires

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

Sac à Dos

Publipostage et envois de

courriels aux donateurs

répertoriés dans la base de

données.

Dons en ligne.

Entreprises et fondations très

fidèles.

Spectacle annuel Solidari-

Show très rentable par la

vente des billets.

Solidari-Show est le principal

outil d’acquisition de

nouveaux donateurs.

Indispensable maintenant à la

visibilité de l’organisme.

Affiches du spectacle et

publicités virales par les

médias sociaux comme

Facebook utilisés pour la vente

de billets.

CA stratégique avec membres

aux réseaux étoffés au sein de

la société civile.

Activités plus « mondaines »

avec soupers dans ce cadre-ci.

CyberCap

Dons par le site Internet en

raison de la mission même

de l’OBNL qui vise la

réinsertion par le

multimédia.

Utilisation des médias

sociaux essentielle, mais

l’OBNL est financé quasi

exclusivement par des

subventions publiques, et

aussi par des partenariats

avec de grands groupes

comme Microsoft.

En-dehors des fondations et

des entreprises partenaires

depuis le départ, l’OBNL n’a

pas pour l’instant mis en place

véritablement de plan

stratégique afin d’acquérir de

nouveaux donateurs. Les

expériences par le passé se

sont révélé des échecs.

Apathy is Boring

L’OBNL est beaucoup aidé

par les pouvoirs publics. Il

n’y a pas vraiment

d’activités de collecte de

fonds en tant que telles, mais

plutôt la création d’une

visibilité.

Événements de masse

impliquant des jeunes

(concerts, campagnes

ludiques, etc.).

Dons en ligne sur le site

Web de l’organisme.

Courriels envoyés aux

donateurs plusieurs fois par

an pour le renouvellement

de leurs dons.

L’accroissement de la visibilité

de l’organisme, notamment par

les médias sociaux (Facebook,

Twitter, You Tube) en raison

de la jeunesse du public cible,

est la principale tentative pour

essayer d’acquérir de

nouveaux donateurs.

Difficultés à réussir à

transformer l’action, le temps,

et l’investissement physique

des bénévoles en dons.

Page 32: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

29

3.1.4 Le secteur de l’Environnement et du Développement durable

A) Aperçu du secteur du point de vue philanthropique

Cet avant-dernier secteur est en pleine croissance. Même si des organisations existent

depuis plusieurs dizaines d’années, il n’a vraiment pris son essor auprès de l’opinion publique

que depuis une vingtaine d’années. Les problématiques environnementales concernent

beaucoup de Québécois en raison d’une nature très riche présente sur ce territoire, que le

grand public souhaite conserver. Nous allons voir par la suite que deux difficultés principales

ressortent de l’analyse des deux entrevues réalisées au sein de ce secteur :

1°) Clarifier la mission car soutenir la cause environnementale est extrêmement vaste, il faut

donc être capable de préciser les activités réalisées par l’OBNL.

2°) Transformer la volonté d’engagement physique des personnes défendant cette cause en

investissement en argent.

B) Les caractéristiques des différents organismes étudiés

Mylène Bergeron (Nature Québec) reconnaissait que « les jeunes préfèrent faire du

bénévolat que même devenir membres de l’organisme. Ils voient les dépenses pour la collecte

de fonds plus comme une simple dépense qu’autre chose. La recherche d’infos est très prisée

par les bénévoles, car ils veulent faire quelque chose d’intéressant à leurs yeux. Le

recrutement de donateurs est donc une très grosse problématique ». Ceci rend l’accroissement

de la liste des donateurs beaucoup plus compliqué car les donateurs sont plus ou moins les

mêmes depuis de nombreuses années, et ont généralement plus de 50 ans. Ceux-ci sont le plus

souvent des personnes très au courant de la cause, parfois même des spécialistes de certaines

questions environnementales, et donnent donc de l’argent pour un projet en particulier, une

Page 33: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

30

cause qui leur tient vraiment à cœur car sont passionnés par celle-ci. Cela génère aussi des

difficultés de gestion budgétaire de l’argent obtenu lors des collectes de fonds.

La question de la taille de l’organisation est ici essentielle, car si on compare la

situation de Nature Québec avec Équiterre, Marie-France Dalcourt nous disait mettre en place

de nombreuses activités de collecte de fonds, en utilisant des bénévoles à ce titre, mais aussi

avec des employés dédiés à cette mission, chose très difficile pour un OBNL de la taille de

Nature Québec. Par exemple, Équiterre met en place beaucoup de sollicitation téléphonique et

aussi sur le Web, par courriel, de manière périodique auprès des abonnés principalement,

origine du plus grand nombre de donateurs. Le dialogue direct est aussi très apprécié. Tout le

monde est concerné, mais le public cible est principalement la femme, dans la trentaine, mère

de famille, soucieuse de l’Environnement. M.-F. Dalcourt nous confiait que « la sollicitation

téléphonique en raison de l’équipe à l’interne a de très bons taux de réponse possible, mais le

taux de roulement des employés est important et Équiterre ne peut pas avoir beaucoup de

personnel consacré à ça (entre 2 et 5 personnes maximum). Le Web et les courriels sont très

intéressants, car cela ne coûte pas très cher, c’est malléable, les contenus peuvent changer

rapidement, comme pour les sollicitations téléphoniques qui permettent de savoir pourquoi les

gens donnent, ce qui permet d’adapter le contenu ensuite. Le Web permet de rejoindre

beaucoup de gens, mais le taux de réponse est peu élevé, surtout en fonction du lien des

personnes dans la base de données avec l’OBNL. Le dialogue direct quant à lui est complexe

car il se fait à froid dans la rue, même si les employés sont très outillés lorsqu’ils vont dans la

rue ; le problème est son coût extrêmement élevé ».

C) Les spécificités de la collecte de fonds dans le secteur

Il y a donc une vraie problématique au cœur du secteur environnemental car si la

volonté d’investissement physique est l’une des grandes tendances de la philanthropie

Page 34: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

31

aujourd’hui, elle prend une acuité toute particulière pour la cause du Développement durable.

M. Bergeron nous disait que si la majorité des donateurs a déjà donné, et se trouve donc dans

la base de données, le recrutement aujourd’hui passe par le Web principalement. L’utilisation

de la publicité virale et des médias sociaux est donc primordiale. Néanmoins, la

problématique de la transformation de l’intérêt en dons est encore plus forte sur Internet car

les personnes abonnées aux pages Facebook et Twitter ne sont pas forcément des donateurs.

La majorité des dons ne provient pas du Web. Les 50 ans et plus sont effectivement les

principaux donateurs, et sont le plus souvent rejoints par publipostage, mais celui-ci coûte

plus cher et n’est pas très en phase avec les questions de Développement durable.

On constate à la lumière de l’entrevue chez Équiterre qu’il y a une nécessité d’avoir

une variété de méthodes, et d’utiliser du multicanal, car on ne touche pas le même public en

fonction de ces différentes approches. Par exemple, les activités-bénéfices (2 cocktails

bénéfices à Montréal et à Québec) sont plus tournées vers le corporatif alors que les autres

activités sont plus ciblées vers les individus. Mme Dalcourt nous révélait que « la stratégie est

d’aller vers un réseau immédiat car celui-ci est très étoffé, Équiterre ayant beaucoup de

partenaires, donc une multiplicité d’activités qui rejoignent plusieurs centaines de milliers de

personnes est indispensable ».

La comparaison donc entre Nature Québec et Équiterre est très révélatrice de la

nécessité de bien analyser au sein de son secteur quel est son public, où celui-ci se trouve, afin

de ne pas « perdre » son temps avec des activités inutiles. La réflexion en amont est donc

vitale, et le secteur de l’Environnement peut essayer d’utiliser les bénévoles pour recruter de

nouveaux donateurs plutôt que de transformer les bénévoles en donateurs, ce que semble faire

Équiterre à la différence de Nature Québec.

Page 35: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

32

Figure n°8 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur de l’Environnement

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

Nature Québec

2 campagnes/an : au

printemps et à l’automne.

Envoi de lettres aux donateurs

ainsi que de courriels. Courriel

plus court que la lettre car

public plus jeune plus sensible

à des courriers courts.

Essai d’un encart dans une

revue qui rejoignait le public

en question mais cela a été un

échec total.

Les campagnes traditionnelles

sont trop chères pour un

organisme de cette taille.

L’OBNL recherche surtout

des donateurs en ligne car

moins cher à mettre en place.

Publipostage auprès des

donateurs et des membres car

les donateurs sont pour la

plupart âgés de 50 ans et plus.

Donateurs par publipostage sont

les plus fidèles et plus âgés. La

majorité des donateurs a déjà

donné, et se trouve donc dans la

base de données.

Recrutement de nouveaux

membres par le Web

principalement par des

publicités virales et les médias

sociaux mais les personnes

abonnées aux pages Facebook et

Twitter ne sont pas forcément

donateurs.

Lettre de remerciement mais pas

de campagne ciblée pour les

anciens donateurs qui ne

donneraient plus.

Avoir plusieurs enjeux

environnementaux permet de

rejoindre des personnes

différentes.

Grande présence dans les

médias est très utile pour la

visibilité mais pas de recherche

directe de financement via ce

moyen.

Équiterre

Sollicitation téléphonique

(avec de très bons taux de

réponse) et aussi sur le web,

par courriel.

Dialogue direct dans la rue

complexe car à froid mais les

employés sont très outillés, ce

qui est extrêmement coûteux.

Publipostage de moins en

moins pour des raisons

environnementales évidentes.

2 cocktails bénéfices à

Montréal et à Québec, plus

tournés vers le corporatif.

Équiterre organise aussi

beaucoup d’activités diverses

(marchés bios, événements en

faveur du Développement

durable) pour rejoindre un

public varié.

Lettre ou courriel de

remerciement. Un bulletin

mensuel est envoyé à tous les

membres.

Invitations à participer aux

activités pour Équiterre.

Enregistrements de voix

envoyés aux membres et à des

listes obtenues auprès de

partenaires.

Le dialogue direct rejoint

davantage les jeunes.

Envoi de 2 courriels, suivi d’un

appel.

Sollicitations ciblées en fonction

des activités auxquelles les

abonnés ont participé.

Donateurs surtout sur Montréal

et où Équiterre a des groupes

d’actions.

Activités grand public pour

accroître la base de données,

puis sollicitations ensuite.

Page 36: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

33

3.1.5 Le secteur des arts et de la Culture

A) Aperçu du secteur du point de vue philanthropique

Ce secteur est un paradoxe. Alors qu’il s’agit, de tous les secteurs analysés ici, celui

qui affronte le plus souvent des difficultés de financement (Dalphond, 2008), il est aussi dans

le même temps à la fois beaucoup subventionné par le gouvernement provincial mais aussi

très peu par la philanthropie (voir graphique ci-dessous).

Figure n°9 : Répartition des dons par classification des organismes, 201016

(en pourcentage)

En outre contrairement aux autres secteurs étudiés précédemment, comme le faisait

remarquer Kim Fuller (Phil Communications), les arts et la Culture ne bénéficient pas de la

part de la population en général du même sentiment de nécessité que la Santé, les causes

sociales, ou l’Éducation. Même si tous les sondages réalisés sur ce le sujet montrent un

attachement des Québécois à leur culture et à l’idée du subventionnement de celle-ci par le

Gouvernement (Dalphond, 2008) il n’en demeure pas moins qu’il est toujours très difficile, de

l’avis général des professionnels de ce secteur rencontrés lors de cette étude, d’obtenir des

16

Bourgie, Pierre (dir.) (juin 2013). Vivement, pour une culture philanthropique au Québec !, Québec, Rapport

du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle, p.7. Récupéré de

http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/autres/fr/AUTFR_PhilanthropiqueCulturelle.pdf

Page 37: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

34

dons d’individus qui ne fréquentent pas leur établissement assidument. Complexification donc

de la collecte de fonds, lorsqu’on sait que la plupart des OBNL en Culture sont de petits

organismes avec de facto une base de données assez réduite. Nous allons voir que peut-être

plus que dans les autres secteurs une différence existe entre les organismes culturels en

fonction du paramètre de la taille.

B) Les caractéristiques des différents organismes étudiés

Le premier élément distinctif apparaissant à l’analyse est la différence importante

entre les OBNL culturels en fonction de la taille de ceux-ci. Des musées comme le MBAM et

le Musée McCord sont particulièrement bien outillés pour mettre en place des collectes de

fonds efficaces, notamment par la création d’un lien fort avec leurs donateurs. Il ne s’agit pas

tant de la taille par le nombre d’employés (il n’y a que 6 personnes à la Fondation du MBAM,

la Directrice Générale comprise) que plutôt par la dimension globale de l’OBNL, notamment

la fréquentation de celui-ci et donc les revenus générés (pour un musée, cela peut être aussi

par exemple l’ampleur des collections). Effectivement, la taille joue un rôle dans la perception

de l’organisme comme solide auprès des plus importants donateurs, et ceux-ci sont essentiels

en Culture. Par ailleurs, plus un OBNL aura des moyens importants, plus il pourra donc

consacrer une bonne partie de ses revenus à l’accroissement de sa visibilité, ce qui justement

pose problème aux petits organismes, comme M. Ginestier (Studio 303) et P. Wilson (Musée

des maîtres et artisans du Québec) me l’ont tous les deux confié.

De plus, la capacité de l’OBNL à être ancré fortement dans sa communauté est un

point crucial. Qu’il s’agisse du MBAM, du Musée McCord, ou encore de l’Orchestre

métropolitain (les trois OBNL étudiés dans ce secteur réussissant le mieux en collecte de

fonds), le lien tissé non seulement avec les donateurs, mais aussi avec les membres plus

largement, est très fort. L’OM par sa mission même de démocratisation de la musique

Page 38: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

35

classique et la présence de Yannick Nézet-Séguin, très populaire, a permis de construire une

relation forte avec son public. À l’inverse le Studio 303 a, de par sa mission même consacrée

à la mise en valeur de la danse d’avant-garde, un public restreint. À ce titre, l’analyse de la

figure n°4 de cette étude (p.18) montre combien la relation avec le public est la clé d’une

philanthropie réussie puisque les trois OBNL connaissant les collectes de fonds les moins

réussies sont ceux justement dont la relation avec le public est la moins forte.

C) Les spécificités de la collecte de fonds dans le secteur

Dans un secteur où les donateurs sont indubitablement moins nombreux que dans les

autres (voir figure n°9 p.33) mais qui est très subventionné, nous avons pu constater que ce

qui constitue spécifiquement la collecte de fonds est l’importance particulièrement

significative des gros donateurs. Ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui bénéficient de

dons majeurs (selon Jean R. Dupré l’OM a quelques donateurs représentant 400,000$, c’est-à-

dire 98% de la collecte de fonds annuelle). Deux conclusions s’imposent à la lecture de ce

constat : au-delà de l’intérêt en soi pour la cause en question, un certain prestige social est

associé au soutien des OBNL les plus réputés, et par voie de conséquence il est donc plus

difficile pour les petits OBNL d’attirer de gros donateurs, a fortiori si celui-ci se situe dans

une zone géographique moins riche, comme cela peut être le cas pour le Musée des maîtres et

artisans du Québec situé dans l’arrondissement Saint-Laurent. Cependant, nous avons vu que

même le Studio 303, pourtant en centre-ville à Montréal, connaissait aussi cette difficulté.

Toutefois, le secteur culturel a un avantage indéniable, la passion de ses membres pour

l’activité en question quelle qu’elle soit (les beaux-arts, la danse, la musique, etc.) liée à un

niveau d’éducation souvent supérieur de ceux-ci, avantage sur lequel il est bon de s’appuyer.

En outre, il est indiscutable que pour toutes ces raisons, le secteur culturel s’appuie encore sur

les galas et les bals annuels car il s’agit aussi de mondanités correspondant au segment de

marché des donateurs majeurs.

Page 39: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

36

Figure n°10 : tableau comparatif des pratiques de collecte de fonds et de constitution des

listes de donateurs du secteur des arts et de la Culture

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

Fondation du MBAM

Campagnes annuelles de

financement. Les campagnes

majeures jusqu’ici organisées tous

les 10 ans mais maintenant en

continu.

Dons d’œuvres d’art très

importants au Musée, donc lien

fort à tisser avec les donateurs.

Bal du Musée, plus corporatif, et il

y a 8 ans création d’un événement

visant les 25-45 ans pour assurer la

relève.

Donateurs très fidèles, et il y a

aussi beaucoup de grandes

entreprises du Québec. 80% des

dons sont faits par des individus et

20% de dons corporatifs, à

l’inverse de ce qui se faisait il y a

20 ans.

Membres contactés par téléphone,

courriel, et courrier.

Les donateurs qui ne donneraient

plus sont conservés jusqu’à 5 ans

dans la base de données du

MBAM et sont relancés.

Télémarketing, publipostage,

campagne Web, ont été

abandonnés.

Musée n’est pas d’État, et les

liens tissés avec la

communauté sont forts car

fondé par des Montréalais.

Le MBAM sollicite des

personnes d’affaires,

notamment grâce au CA du

Musée très stratégique.

Le Musée essaie d’amener de

simples visiteurs à devenir

membres, et ensuite sont

sollicités pour des dons

rapidement.

Une enquête a été faite sur le

comportement des donateurs.

Les évènements grand public

ne servent pas vraiment à

ramener des donateurs, car il

faut vraiment un public très

ciblé avec un intérêt pour la

Culture, Montréal et le Musée.

Il y a plus de 400 bénévoles, et

l’Association des bénévoles

organise les activités de

collecte de fonds, comme le

Bal, le concert-bénéfice, et

d’autres activités du même

type qui misent sur un certain

prestige social.

Fondation du Musée

McCord

50% des revenus philanthropiques

proviennent d’une campagne

annuelle, et d’un programme de

dons majeurs et de dons planifiés.

Dons physiques pour les

collections font partie d’une liste

spécifique.

Les événements grand public

comme le Bal sont plus mitigés car

un simple billet à acheter, donc pas

de lien vraiment créé entre le

participant et le musée.

Les dons planifiés nécessitent des

relations publiques sur le long

terme. Planification nécessaire.

30% des revenus philanthropiques

du musée sont des dons majeurs

d’individus, alors que pour les

OBNL au Canada, la moyenne est

autour de 10%.

Il y a une véritable tradition du

Musée pour la collecte de

fonds, inscrite dans les valeurs

de management de celui-ci.

Présence de grands donateurs

fidèles au musée. Parmi les

personnes venant aux

événements, le taux de réponse

pour devenir donateur est assez

faible car le lien avec

l’organisation est peu présent.

Les membres du CA du Musée

et de la Fondation jouent un

rôle prépondérant pour

rechercher de nouveaux

donateurs et donnent eux-

mêmes beaucoup. Tentent

d’impliquer leurs propres

entreprises.

Page 40: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

37

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

Musée des maîtres et

artisans du Québec

Encan et une soirée-bénéfices faite

en collaboration avec la Fondation

du Cegep, avec un partage des

profits à 50%.

Les plus grosses sommes

ramassées en dons privés

correspondent à des demandes à

des fondations.

Quelques donateurs très fidèles –

une donatrice donne entre 5,000 et

10,000$ tous les ans – mais peu.

Beaucoup de personnes âgées qui

mettent le musée sur leur testament

pour des dons en nature, d’objets,

mais pas de dons financiers.

Une fête organisée chaque année

pour les plus importants bénévoles

et les grands donateurs (à partir de

5,000$/an) et qui sont remerciés

par une plaque à leur nom.

Il y a 140 membres au musée

qui sont sollicités tout de suite

pour des dons, et réseau

d’environ 1,600 personnes qui

sont également sollicitées pour

l’encan ou don en ligne le site

Web.

Entreprises ont été sollicitées

mais n’ont pas donné de retour.

Les tentatives ont donc été

abandonnées au profit

seulement des fondations en ce

qui concerne les dons

corporatifs.

Les activités éducatives et les

vernissages ne sont pas pensés

pour obtenir des dons.

CA élu en assemblée générale,

plus représentatif de la

communauté et de l’artisanat

que véritablement stratégique.

Studio 303

Une fois/an le studio fait une

collecte de fonds par email et par

envoi postal (2,000 lettres).

Le studio a fait d’autres activités

mais juste une fois, sans succès.

Le choix des envois par courriel ou

par courrier est fait de manière

aléatoire et le Studio réfléchit à se

concentrer sur les 50 donateurs qui

donnent réellement car ce sont

toujours les mêmes donateurs.

Campagne Indiegogo a été menée.

Dons en ligne possibles sur le site

Web. Crowdfunding

demande beaucoup de travail sans

de vrai résultat.

Pas de stratégie globale de

collecte de fonds. Fait appel

aux gens dans la base de

données (clients du studio et

personnes qui sont venues aux

spectacles).

Remerciements par une carte

signée pour fidéliser les

membres.

Les donateurs qui ne donnent

plus sont contactés directement

par la DG pour savoir pourquoi

ils ne donnent plus.

SMCQ

Soirée-bénéfice organisée chaque

année.

Alternance entre quatre grands

événements : la Série hommage sa

série de concerts, son volet

jeunesse, et le Festival Montréal /

Nouvelles Musiques.

Infolettre envoyée à toutes les

personnes se trouvant dans la base

de données, mais pas de données

sur le reste du public occasionnel.

La SMCQ bénéficie de quelques

grands donateurs, mécènes,

Les activités grand public ont

pour objectif de ramener de

nouveaux donateurs et aussi un

nouveau public.

SMCQ très présente sur les

médias sociaux pour essayer de

rajeunir un public vieillissant :

Facebook, Twitter, You Tube,

la présence d’un blog SMCQ

aussi.

Les donateurs sont

généralement des hommes de

plus de 50 ans d’un niveau

socio-professionnel supérieur.

Page 41: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

38

Types de collecte de fonds Mode d’acquisition des donateurs

présents depuis longtemps, qui

donnent beaucoup.

Les donateurs qui arrêteraient de

donner restent tout de même dans

la base de données, et continuent à

recevoir l’infolettre. Sont appelés

par la DG en personne.

Soirée VIP organisée pour

remercier particulièrement les plus

gros donateurs.

Le public se partage entre les

personnes de plus de 50 ans et

des étudiants en musique.

Orchestre métropolitain

À l’automne campagne de collecte

de fonds auprès de tous les

membres et de tous les gens ayant

donné leur adresse lors de l’achat

des billets (environ 5,000

personnes), ce qui permet une

déduction fiscale avant la fin de

l’année fiscale.

Avant Noël cocktail pour

remercier les donateurs. Tous ceux

qui ont donné y sont invités.

Vers la fin de la saison (avril cette

année), dernier événement ;

cocktail bénéfice a été choisi cette

année, dépend des années, parfois

cela peut même se faire chez

certains donateurs.

L’infolettre est adressée à tout le

monde.

Par téléphone ou physiquement,

quand l’abonnement est vendu,

sollicitation d’un don, et beaucoup

de personnes donnent.

Utilisation de Pro-Don aussi.

Cocktail dînatoire et encan

silencieux.

Il faut recontacter les fondations

chaque année pour entretenir le

lien.

Dons corporatifs, comme avec la

Banque Nationale.

Sollicitation ciblée chez les

mécènes, dont 3 importants

(400,000$) sans qui l’orchestre ne

pourrait pas exister.

Mise en place de la vente d’une

expérience : à l’achat d’un billet de

concert, l’acheteur participe à une

soirée.

Montage d’un club des jeunes

philanthropes pour assurer la

relève.

Donateurs sur le long terme

bénéficient d’un traitement VIP

(rencontre du chef d’orchestre,

etc.).

Lors des Journées de la

Culture, participation du chœur

de l’OM à une activité grand

public pour sensibiliser ainsi le

public à la musique classique.

Les 8 membres du CA appuient

beaucoup les activités de

collecte de fonds, et sont

choisis pour leurs réseaux.

Exigence d’un investissement

aussi bien humain que

financier. Yannick Nézet-

Séguin est très impliqué aussi

dans la recherche de

financement.

Déplacement dans les

arrondissements pour attirer les

membres des communautés

ethniques. L’OM réfléchit

aussi à intégrer au CA un

membre des communautés

juive et/ou italienne.

Page 42: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

39

4. Les enjeux de la philanthropie au Québec

4.1 Constats et leçons tirés

Parmi l’ensemble des traits principaux ressortant de cette étude comparative, trois se

dégagent nettement :

1°) Professionnalisation du secteur

La perception de la collecte de fonds uniquement comme source de revenus annexes,

obtenus par une simple demande à des donateurs potentiels, est encore trop présente dans

beaucoup d’OBNL. La légitimité de la cause, aussi louable soit-elle, ne suffit pas. En effet,

presque toutes les causes sont susceptibles d’apparaître justes aux yeux de certains donateurs.

La question est donc plutôt comment trouver les donateurs et les convaincre de s’engager

financièrement aux côtés de l’organisme.

L’investissement de la part de ce dernier dans des ressources humaines qualifiées est

essentiel, mais encore trop souvent ignorée au sein des OBNL. Il s’agit ici encore à notre

époque de la persistance d’une importante différence entre les cultures philanthropiques

anglophone et francophone. C. Cloutier faisait remarquer à quel point l’approche

philanthropique était professionnalisée chez les anglophones jusque dans l’attitude des

donateurs en soi, gérant les rendez-vous pour les demandes de dons comme des rendez-vous

d’affaires, alors que les francophones préféraient toujours une approche moins directe, le

rapport à l’argent étant moins affiché.

Trop d’organismes refusent encore l’idée d’investir si le ROI (retour sur

investissement) n’est pas immédiat. La nécessité de faire la collecte de fonds graduellement,

et de doser les attentes, est nonobstant bien réelle. Comme pour tout investissement dans un

secteur économique quel qu’il soit, il faut tout d’abord développer son marché et accepter que

Page 43: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

40

certaines années soient plus rentables que d’autres, ce qui suppose une bonne planification

stratégique. Il faut noter par exemple, comme nous l’affirmait le consultant Christian Bolduc

(BNP Stratégies) que « l’acquisition de donateurs est beaucoup plus dispendieuse que son

renouvellement » ; il faut donc analyser les coûts associés à chaque technique et ce que l’on

veut vraiment mettre en place, en congruence avec la mission, les moyens de l’organisme, et

le profil des donateurs potentiels.

Il est plus facile de déterminer les donateurs sur un territoire très défini localement, en

ayant un fort ancrage dans sa communauté proche. Un marché plus délimité est toujours plus

facile à circonscrire. La compréhension des segments de marché auxquels on s’adresse exige

de mettre à jour la base de données constamment. L’importance de celle-ci est primordiale

dans une bonne gestion des donateurs, et à l’image des établissements de l’enseignement

supérieur une connaissance très précise de ceux-ci est fortement recommandée. Ainsi,

Guillaume Parent du CHU de Québec tout comme Yves Savoie de la SCSP ont tous deux

insisté sur la précision des informations qu’ils avaient sur leurs donateurs ou sur les abonnés à

leur newsletter ainsi que sur la mise à jour régulière des informations relatives à ces derniers.

Nous l’avons vu, notamment avec les petits OBNL (Nature Québec, Studio 303,

Musée des maîtres et artisans du Québec), le risque est de vouloir souvent utiliser seulement

un des spectres de la collecte de fonds, comme le publipostage ou les événements-bénéfices

tous deux aux frais importants, alors qu’il vaut toujours mieux user de plusieurs méthodes. En

effet, les activités de collecte de fonds doivent varier car les donateurs peuvent être attirés par

une technique plus que par une autre. Toutefois, multiplier les événements-bénéfices n’est pas

forcément très payant car cela coûte cher et occupe une grande partie des ressources humaines

(c’est le cas par exemple de la mise en place des soupers « spaghetti » très en vogue au

Québec dans les années 1980, des tournois de golf ou encore des galas annuels). Avoir

quelques activités, mais mieux faites, est plus rentable. Il faut aussi segmenter le marché en

Page 44: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

41

fonction des profils des donateurs pour ne pas sur-solliciter les mêmes personnes. Ainsi un

équilibre, obtenu en diversifiant les techniques de sollicitation, entre une base de donateurs

plus communs et d’autres donateurs effectuant des dons majeurs est un bon moyen de mettre

en pratique l’adage populaire « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ».

Dans la continuité de ce que nous venons de voir, il ne faut pas oublier de catégoriser

l’argent que son OBNL reçoit. En effet, certaines manières de donner laissent l’OBNL

totalement libre de l’usage de l’argent obtenu, comme par exemple les dons obtenus dans la

rue, anonymes. Il n’en va pas de même pour des dons majeurs par exemple, car le donateur

est susceptible de vouloir l’attribution des fonds à un objectif ou à un projet en particulier. C.

Bolduc et C. Cloutier affirment même qu’avec les donateurs les plus importants, il y a un

risque de refus en cas de demande trop globale. Il faut donc préciser les attentes de ces

derniers, car ils veulent que leur don serve véritablement à quelque chose de particulier et ne

soit pas perdu au milieu de tous les autres dons anonymes.

2°) Le rôle du Conseil d’administration et la perception de la gouvernance

Bien qu’un virage incontestable de professionnalisation ait été pris récemment dans la

philanthropie québécoise (et nous l’avons constaté au sein d’organismes aussi divers

qu’Équiterre, le MBAM, ou encore la Fondation du CHU de Québec), certains aspects

essentiels restent à améliorer, notamment le rôle du Conseil d’administration. Pour certains

administrateurs, l’idée que la collecte de fonds devrait être presque gratuite est encore très

présente (ce que nous confirmait C. Grégoire à propos du CA de CyberCap et des tentatives

passées de collecte de fonds). Les enjeux de gouvernance apparaissent donc primordiaux.

Au Québec, l’idée de la sollicitation principalement des entreprises est encore

fortement ancrée, alors que souvent derrière les grands groupes se trouvent de riches familles

québécoises propriétaires de leurs propres fondations. On ne va pas assez voir les individus

Page 45: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

42

pour les collectes de fonds contrairement aux anglophones. Effectivement, nous avons vu lors

de l’analyse du secteur de l’Éducation, que des universités comme Sherbrooke ou HEC

Montréal bénéficient d’un nombre encore très important de dons de la part de grands groupes,

beaucoup plus qu’à McGill qui fonctionne sur un système à l’américaine plus tourné vers les

individus. Si aller vers les entreprises n’est pas une chose mauvaise en soi, les individus

doivent être beaucoup plus sollicités, notamment au travers des dons majeurs et planifiés, et

c’est à ce niveau que le rôle du CA peut être crucial grâce aux réseaux de membres

stratégiques. L’évolution donc du rapport à la gouvernance est un point clé des constats tirés

de cette étude, d’autant plus qu’une confusion s’opère parfois entre les rôles de la direction et

des administrateurs, et certains CA veulent se substituer à celle-ci, alors que leur rôle doit être

avant tout stratégique. L’organisation en comités a ainsi démontré toute sa pertinence.

3°) Une organisation totalement investie dans la cause

Le plan de communication de l’organisation doit être absolument relié à son plan

stratégique. Il faut mettre en ordre les objectifs pour que la mission apparaisse le plus

clairement possible. Aucune collecte de fonds ne peut être efficace, quel que soit le secteur

d’activité, s’il y a des messages confus par rapport à la mission de l’OBNL, ou s’il y a un

manque de transparence dans les objectifs poursuivis par celui-ci. Les donateurs

d’aujourd’hui sont beaucoup plus exigeants que par le passé. La congruence entre la mission,

les valeurs défendues, et le positionnement vis-à-vis de la concurrence doit être parfaite et

apparente. Il faut donc se différencier des autres afin de créer d’une certaine manière une

identité de marque distinguant son OBNL des autres du secteur.

Dans cette même optique l’une des caractéristiques reconnues d’une pratique

philanthropique idéale, confirmée par nos entrevues, est d’avoir des employés motivés par la

collecte de fonds, et donc conscients de son importance. Même dans les organismes étudiés

Page 46: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

43

où la collecte de fonds semble bien rodée mais où les employés ne sont pas forcément eux-

mêmes donateurs (comme Équiterre), ceux-là sont tout de même très investis dans les

campagnes de financement, parfois sur leur temps libre. A contrario les organisations avec

des employés très peu conscients de la nécessité de la philanthropie, et donc peu investis dans

celle-ci, sont celles qui réussissent le moins bien dans cette tâche (Nature Québec et le Studio

303 par exemple). Est-ce une conséquence ou une cause ? C’est assez difficile à déterminer et

certainement un peu des deux, mais c’est à coup sûr un élément probant.

4.2 La collecte de fonds du futur

Outre les constats que nous venons de faire sur les pratiques actuelles de la collecte de

fonds au Québec, de grands enjeux se dessinent en ce qui concerne l’avenir de cette dernière.

En effet, les activités de collecte de fonds ont beaucoup évolué ces dernières années,

aussi bien au niveau des mentalités des donateurs potentiels qu’en termes de technologie avec

les nouveaux médias qui modifient profondément l’approche marketing de la philanthropie.

Les responsables d’OBNL vont être amenés à se poser plusieurs questions : que recherchent

les donateurs contemporains ? Les tournois de golf sont-ils encore rentables, par exemple ?

Intéressent-ils encore les jeunes philanthropes d’aujourd’hui ? S’ils n’intéressent plus ces

derniers, alors il faut trouver absolument des substituts pour des activités qui jusqu’ici

pouvaient s’avérer essentielles pour le financement de nombreux OBNL.

Une grande tendance caractérise la collecte de fonds actuelle, les défis physiques et

sportifs en tous genres. Les donateurs veulent de plus en plus vivre une expérience dans le

cadre de leur don, un investissement de leur personne. C’est un grand changement par rapport

aux donateurs de 60 ans et plus dont le rapport à la cause soutenue était surtout pécuniaire.

Cette nouvelle donne transcende l’importance des donateurs, car la nouvelle génération de

leaders désire aussi s’investir physiquement. Le domaine de la Santé organise beaucoup

Page 47: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

44

d’événements-bénéfices de ce type. Les organismes qui ont compris ce phénomène et savent

d’ores et déjà l’exploiter intelligemment réussiront mieux que les autres à prendre le virage de

la nouvelle philanthropie qui est en train de naître. Dans ce même ordre d’idées la mise sur

pied de programmes de collecte de fonds de tierce partie pour outiller les bénévoles, clés en

mains, a de plus en plus de succès. Ainsi les OBNL se déchargent d’une partie des coûts liés

aux ressources humaines, et cela permet aussi aux organisations de pallier le problème

fréquent d’avoir des bénévoles plus que des dons, puisque ceux-là se retrouvent indirectement

dans une position de « donateurs » grâce à ce type de programmes.

Néanmoins, l’événementiel et les défis sportifs ne peuvent résumer à eux seuls la

philanthropie moderne. Comme nous l’avons vu précédemment, une bonne politique

philanthropique dans un OBNL doit inclure plusieurs types d’activités, et il faut aller de plus

en plus vers la sollicitation de contributions financières plus importantes (dons majeurs, dons

planifiés, legs testamentaires) pour se démarquer, ce que font très bien les secteurs de

l’Éducation et de la Santé.

Le marketing peer-to-peer (P2P, campagnes de personne à personne) et l’utilisation

des médias sociaux sont devenus – nous allons y revenir en conclusion – incontournables

aujourd’hui si on veut rejoindre un large public. Une démarche philanthropique efficace ne

peut plus faire l’impasse sur l’intégration de son site Web à la collecte de fonds. Celui-ci doit

donc être pensé en ce sens.

Enfin – ici encore l’enjeu est au cœur de la problématique des organismes culturels –

l’aspect multiculturel de la société québécoise est devenu le défi majeur des OBNL pour

l’avenir (Dalphond, 2008). En effet connaître son public cible et donc les attentes de celui-ci,

compte tenu des différences culturelles importantes composant les communautés du Québec

contemporain, est primordial pour mettre en place une bonne campagne de collecte de fonds.

Page 48: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

45

CONCLUSION : quelles conséquences pour les arts et la Culture ?

Si nous revenons à la problématique de départ qui nous préoccupe ici, nous nous

questionnions en introduction sur la spécificité ou non de la collecte de fonds en fonction des

secteurs d’activités. Nous avons constaté que, si les principes de la collecte de fonds idéale

que nous avons détaillés auparavant valaient pour tous les secteurs, il n’en demeurait pas

moins vrai que chacun avait des particularismes influant sur la prédominance de tel ou tel

principe. En effet, quel que soit le secteur, les grandes techniques de collecte de fonds sont

revenues et des éléments se sont eux aussi réitérés : rôle primordial du Conseil

d’administration et de la gouvernance en général, clarté de la mission, investissement de ses

employés, création d’une relation privilégiée avec ses donateurs, accroissement de la visibilité

de son organisation.

Toutefois, en fonction du public auquel on s’adresse, des techniques sont plus ou

moins efficaces, par exemple les défis sportifs sont particulièrement utilisés dans le secteur de

la Santé mais ne seraient pas aussi pertinents dans le secteur culturel. De plus, les valeurs de

management et les pratiques professionnelles en résultant diffèrent elles aussi. Les secteurs de

la Santé et de l’Éducation partagent souvent les mêmes défis : trop de hiérarchie, pas assez de

souplesse d’organisation, structures lourdes. Dans le Développement durable, les OBNL

savent très bien mobiliser, mais de manière trop artisanale peut-être comme on l’a vu à Nature

Québec. Le public de ce secteur veut souvent voir les résultats directs de sa contribution, et

peut être déçu dans ce domaine car les efforts déployés comme l’argent dépensé sont

susceptibles de mettre des années à se constater dans les faits.

En ce qui concerne le secteur des arts et de la Culture qui nous intéresse

singulièrement, les notions de plan stratégique et l’approche business ne sont pas là très

souvent – le Studio 303, la SMCQ, le Musée des maîtres et artisans du Québec en sont la

Page 49: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

46

meilleure preuve – et rendent la collecte de fonds parfois complexe, car il n’y a pas vraiment

de comité qui s’attache à cette dernière, mais il s’agit plutôt d’un travail individuel. Les petits

OBNL culturels s’organisent difficilement au regard de la philanthropie. L’urgence des

situations entraîne souvent des prises de décision pas assez éclairées et réalistes par rapport

aux objectifs, et trop rapides. Cette dernière remarque s’est avérée particulièrement

significative pour le Studio 303 ces dernières années. De cette étude comparative, certaines

recommandations se font jour. Hormis les éléments détaillés lors de l’analyse des enjeux, du

rôle du CA à la clarté de la mission en passant par la mise en place d’une vraie planification

stratégique, valables pour tous les secteurs, d’autres sont également apparus.

Premièrement, tous les rapports récemment publiés sur la philanthropie au Québec

(notamment Dalphond, 2008 et Bourgie, 2013) insistent sur la nécessité croissante pour les

organismes culturels de la prise en compte de la donnée multiculturelle de la société

québécoise. En effet, si les causes comme les maladies ou les hôpitaux, les causes sociales,

l’Environnement, voire l’Éducation, sont possiblement des causes que peuvent naturellement

soutenir les individus issus de l’immigration car elles les concernent aussi directement, il n’en

va pas de même aussi aisément pour les arts et la Culture. Ceux-ci renvoient, comme le nom

du secteur l’indique, à une culture donnée qui n’est de facto pas celle des immigrants ; il faut

donc faire un travail pédagogique spécifique auprès de ces populations pour matérialiser cette

culture qui leur est exogène. En outre, le secteur muséal et celui des arts de la scène ne

peuvent jouer sur le même registre. Autant le premier incarne un patrimoine tangible évident à

conserver, symptôme d’une culture passée, autant le second est plus intangible et s’avère être

aussi un divertissement, aussi culturel soit-il, incarnant une culture vivante et en devenir.

Deuxièmement, plus que les autres secteurs encore, le culturel doit utiliser à son

potentiel maximum les nouveaux médias, eu égard à l’aspect créatif de ces derniers. Si

jusqu’ici nos remarques ont surtout concerné l’aspect managérial des organisations, il s’agit

Page 50: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

47

surtout ici de marketing. Il faut souligner l'importance des campagnes P2P qui permettent

justement à des gens de mener leur mini-campagne de collecte de fonds auprès de leurs amis

et des membres de leur famille. Un des éléments qui favorise l'essor de cette stratégie est

l'utilisation accrue des réseaux sociaux qui permet de solliciter ses proches de manière plus

efficace. Selon l’entreprise spécialisée en marketing philanthropique Blackbaud17

, les

utilisateurs des outils en ligne (courriel, Facebook, Twitter) recueillent 6 fois plus de dons que

les non-utilisateurs. Toute plateforme de collecte de fonds P2P devrait donc idéalement offrir

l'intégration des réseaux sociaux afin que tous les participants puissent les utiliser. Même si

une plateforme P2P n'a pas encore intégré les réseaux sociaux, un OBNL devrait mettre des

processus de communication en place dans le but d'accroître au maximum l'utilisation des

réseaux sociaux et du courriel par les participants. Certains éléments devraient être respectés

pour qu’un site Web soit attractif pour le donateur potentiel : un design simple et efficace, un

message clair et priorisant l’information, partager une mission claire dès la page d’accueil,

expliquer à quoi va servir le don… Il est donc indispensable d’optimiser le site Web pour les

moteurs de recherche, mettre à contribution les réseaux sociaux, ajouter régulièrement du

contenu, et déployer des outils de communication électronique en alimentant une liste de

contacts courriel.

En résumé, pour connaître le succès en recherche philanthropique, il ne faut pas

simplement mesurer les accroissements de revenus consécutifs aux efforts, mais aussi

analyser les tendances du marché, continuer à prospecter et à conserver les donateurs, revoir

constamment les listes de donateurs et les ressources disponibles pour trouver de nouvelles

voies, motiver les membres de l’organisation sur l’importance de resserrer les liens avec les

spectateurs, visiteurs, et donateurs de l’OBNL (Bourgie, 2013).

17

Voir Barry, Frank (2011). The Power of Social Fundraising and Friends Asking Friends, np Engage. Récupéré

le 23 août 2013 de http://www.npengage.com/social-media/the-power-social-fundraising-and-friends-asking-

friends-infographic/

Page 51: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

48

BIBLIOGRAPHIE

Sites Web des OBNL étudiés :

Secteur de l’Éducation :

Université McGill : http://aoc.mcgill.ca/give/campaign-mcgill

Fondation de l’Université de Sherbrooke : http://www.usherbrooke.ca/lafondation-

lereseau/

Fondation HEC Montréal : http://www.hec.ca/fondation/

Secteur de la Santé :

Fondation du CHU de la Ville de Québec : http://www.fondationduchuq.org/

Société canadienne de la sclérose en plaques : http://mssociety.ca/fr/

Leucan : http://www.leucan.qc.ca/fr/

Secteur des services sociaux et communautaires :

Le Sac à Dos : http://www.le-sac-a-dos.ca/

CyberCap : http://www.cybercap.qc.ca/home/index.aspx

Apathy is Boring : http://www.apathyisboring.com/fr

Secteur de l’Environnement et du Développement durable :

Nature Québec : http://www.naturequebec.org/accueil/

Équiterre : http://www.equiterre.org/

Secteur des arts et de la Culture :

Fondation du Musée des beaux-arts de Montréal :

http://www.mbam.qc.ca/fondation-du-musee

Fondation du Musée McCord : http://www.mccord-

museum.qc.ca/fr/soutenez/fondation/

Musée des maîtres et artisans du Québec : http://www.mmaq.qc.ca/

Page 52: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

49

Studio 303 : www.studio303.ca

Société de musique contemporaine du Québec : www.smcq.qc.ca

Orchestre métropolitain : www.orchestremetropolitain.com

Références :

Bourgie, Pierre (dir.) (juin 2013). Vivement, pour une culture philanthropique au

Québec !, Québec, Rapport du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle, 80 p.

Récupéré de

http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/autres/fr/AUTFR_PhilanthropiqueCulturel

le.pdf

Cloutier, Charlotte (2012). « Les organismes à but non-lucratif : Comment mieux

gérer les relations avec les donateurs », Gestion, vol. 36, n°4, p. 85-94.

Dalphond, Claude Edgar (décembre 2008). Le système culturel québécois en

perspective, document de réflexion, Québec, Direction du lectorat et des politiques,

112 p. Récupéré de http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs1927870

Fondation HEC Montréal (2013). Le conseil d’administration de la Fondation, HEC

Montréal. Récupéré le 7 août 2013 de

http://www.hec.ca/fondation/fondation/conseil_administration/conseil-

administration.html

Gervais, Lisa-Marie (2013, 19 juin). « Philanthropie – McGill récolte 1 milliard », Le

Devoir. Récupéré de http://www.ledevoir.com/societe/education/381166/mcgill-

recolte-1-milliard

Klein, Kim (2011). Fundraising for Social Change, 6ème

édition, Jossey-Bass, 540 p.

Lapointe, Daniel (2013). La gestion philanthropique. Guide pratique pour la collecte

de fonds, Québec, Presses de l’Université du Québec, 254 p.

Page 53: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

50

La Presse canadienne (2009, 22 juin). « Québec doit redresser la barre du financement

de la culture », [version électronique], Le Devoir, Actualités culturelles. Récupéré de

http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/256127/quebec-doit-redresser-

la-barre-du-financement-de-la-culture

Polytechnique Montréal (2013). Grande campagne de financement Campus Montréal,

Carrefour de l’actualité. Récupéré le 7 août 2013 de

http://www.polymtl.ca/carrefour/article.php?no=4167

Page 54: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

51

ANNEXE N°1

Page 55: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

52

ANNEXE N°2

Synthèse des pratiques philanthropiques des organisations analysées

Organisations

analysées

Mission Motivations clés

des donateurs

Segments de

marchés

Publipostage Télé

marketing

L’événement-

bénéfice

Loteries Défis sportifs

et

investissement

physique

Les dons

corporatifs

Dons

en

ligne

Dons

majeurs

et

planifiés

Université

McGill

(Éducation)

Fonds de

dotation ($) :

1,071 milliard.

Budget ($) : 710

millions.

***

Sentiment

d’appartenance à

un réseau

international.

Participer à

l’encouragement

de l’excellence

académique.

Prestige.

Anciens

étudiants :

notion

d’alumni.

Entreprises

désirant être

associées à

université

prestigieuse.

XXX

XXX

XXX

XX

X

XX

XXX

Université de

Sherbrooke

(Éducation)

Fonds de

dotation ($) :

39,16 millions.

Budget ($) :

354,2 millions.

***

Encouragement

de la

communauté.

Participer à

l’excellence

académique.

Anciens

étudiants.

Entreprises

concernées par

des projets de

recherche de

l’Université.

XX

X

X

X

XX

X

XX

Page 56: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

53

Organisations

analysées

Mission Motivations clés

des donateurs

Segments de

marchés

Publipostage Télé

marketing

L’événement-

bénéfice

Loteries Défis sportifs

et

investissement

physique

Les dons

corporatifs

Dons

en

ligne

Dons

majeurs

et

planifiés

HEC Montréal

(Éducation)

Fonds de

dotation ($) : 50

millions.

Budget ($) : 127

millions.

***

Sentiment

d’appartenance à

un réseau

international.

Participer à

l’encouragement

de l’excellence

académique.

Prestige.

Anciens

étudiants.

Entreprises

désirant être

liées à une

université

ancrée dans

communauté

francophone.

XX

XX

XX

X

XXX

XX

XXX

Fondation du

CHU de la Ville

de Québec

(Santé)

Collecte de fonds

2011-12 :

15,110,842 $

***

Aider la

communauté

grâce à un hôpital

de qualité.

Avoir à

proximité un

hôpital de

qualité.

Sentiment

d’utilité du don

pour l’ensemble

de la population.

Anciens

patients ou

familles de

ceux-ci.

Ensemble de la

communauté

locale,

susceptible

d’utiliser les

services du

CHU.

XXX

XXX

XX

X

XXX

XX

X

XX

Société

canadienne de la

sclérose en

plaques

(Santé)

Collecte de fonds

2011-12 : 55

millions de

dollars.

***

Aider les

malades.

Participer à

trouver des

solutions

concrètes pour

ceux-ci.

Aider la

recherche.

Proches de

malades.

Maladie

diffuse sur le

territoire, donc

couvre tout le

Canada.

XXX

XX

XXX

X

XXX

XX

X

XXX

Page 57: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

54

Organisations

analysées

Mission Motivations clés

des donateurs

Segments de

marchés

Publipostage Télémarketing L’événement-

bénéfice

Loteries Défis sportifs

et

investissement

physique

Les dons

corporatifs

Dons

en

ligne

Dons

majeurs

et

planifiés

Leucan

(Santé)

Collecte de fonds

2011-12 :

11,704,135 $

***

Empathie pour

les enfants

atteints par cette

maladie.

Sentiment

d’utilité du don.

Personnes

ayant connu

cette maladie.

Public très

large : toute

personne

susceptible

d’être touchée

par la

souffrance des

enfants.

XXX

XX

XX

XX

XXX

XX

XXX

XXX

Sac à Dos

(services sociaux

et

communautaires)

Collecte de

fonds : ??

**

Soutien à une

cause noble.

Empathie pour

les itinérants.

Utilité du don

pour aider un

petit OBNL.

Donateurs

concernés par

l’aide à la

communauté

montréalaise.

XXX

XXX

XXX

X

X

CyberCap

(services sociaux

et

communautaires)

Collecte de

fonds : ??

***

Cause noble.

Intérêt marqué

pour les

nouvelles

technologies.

Personnes

concernées par

le high tech et

le décrochage

scolaire.

XXX

X

Apathy is Boring

(services sociaux

et

communautaires)

Collecte de

fonds : ??

**

Volonté de

renforcer le rôle

des « jeunes »

dans la politique.

Investissement

communautaire.

Tout Canadien

qui souhaite

que les autres

jeunes

s’investissent

en politique.

X

XX

XXX

XXX

XXX

Page 58: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

55

Organisations

analysées

Mission Motivations clés

des donateurs

Segments de

marchés

Publipostage Télémarketing L’événement-

bénéfice

Loteries Défis sportifs

et

investissement

physique

Les dons

corporatifs

Dons

en

ligne

Dons

majeurs

et

planifiés

Nature Québec

(Environnement)

Collecte de fonds

2011-12 :

83,060$

**

Intérêt pour la

cause

environnementale

et plus

spécifiquement au

Québec.

Principalement

Québécois déjà

accoutumés aux

problématiques

de

Développement

durable.

XX

XX

XX

XXX

Équiterre

(Environnement)

Collecte de

fonds :

1,322,737$

***

Intérêt pour toute

cause

environnementale

locale, nationale,

internationale.

Public plus

large, surtout

femmes de +30

ans et mères de

famille.

XXX

XXX

XXX

X

XXX

X

Fondation du

MBAM

(Arts et Culture)

Collecte de

fonds 2011-12 :

18,460,489$ dont

14,951,189$ en

œuvres d’art

***

Passion pour

l’Art en général.

Prestige d’une

institution

réputée.

Amateurs d’art.

Public plus

éduqué.

XXX

XXX

XX

XX

XXX

Fondation du

Musée McCord

(Arts et Culture)

Collecte de fonds

2011-12 :

2,474,076$

***

Intérêt pour le

Patrimoine

montréalais et

canadien.

Donateurs

investis dans la

communauté

montréalaise.

XXX

XX

XX

X

XX

Musée des

maîtres et

artisans du

Québec

(Arts et Culture)

Collecte de fonds

11-12 : 75,000$

**

Soutenir le

Patrimoine

québécois en

artisanat.

Conservation de

ce Patrimoine.

Québécois

principalement.

Habitants et

entreprises aux

alentours du

musée.

XX

XXX

X

X

Page 59: Étude comparative des pratiques sectorielles de la ...ideos.hec.ca/wp-content/uploads/2014/04/Projet-dintégration-dernièr… · la présentation générale faite de la philanthropie

56

Organisations

analysées

Mission Motivations clés

des donateurs

Segments de

marchés

Publipostage Télémarketing L’événement-

bénéfice

Loteries Défis sportifs

et

investissement

physique

Les dons

corporatifs

Dons

en

ligne

Dons

majeurs

et

planifiés

Studio 303

(Arts et Culture)

Collecte de fonds

2011-12 :

11,000$

*

Soutenir la

création avant-

gardiste

montréalaise.

Personnes en

lien avec le

milieu de la

danse

contemporaine.

X

X

X

X

SMCQ

(Arts et Culture)

Collecte de fonds

2011-12 :

55,210$

**

Soutenir création

avant-gardiste de

la musique

contemporaine

québécoise.

Amateurs de

musique

contemporaine.

XX

XXX

X

X

X

Orchestre

métropolitain

(Arts et Culture)

Collecte de

fonds : 407,994$

***

Vouloir

démocratiser la

musique

classique.

Personnes

sensibles à

l’accès de la

Culture pour

tous.

XX

XXX

XX

X

XXX

Légende :

Montants des fonds de dotation, des budgets, et du montant global des collectes de fonds, trouvés dans le dernier rapport annuel de chaque organisation lorsque les données

étaient disponibles.

*** : Mission très bien définie et très claire. XXX : Technique de collecte de fonds et type de dons essentiels pour l’OBNL.

** : Mission définie et assez claire. XX : Technique de collecte de fonds et type de dons moyennement efficaces et moyennement utilisés.

* : Mission peu définie et peu claire. X : Technique de collecte de fonds et type de dons peu efficaces et peu utilisés.

Pas de signe : technique non utilisée.