troubles oculaires de la myasthénie

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Troubles oculaires de la myasthénie M.-C. Gaumond Les troubles oculaires de la myasthénie sont fréquents et souvent révélateurs de cette maladie auto- immune. Ils restent parfois isolés. Le ptôsis et la diplopie sont les principaux signes fonctionnels oculaires. Ils sont la conséquence fonctionnelle du dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire au niveau des muscles palpébraux et/ou oculomoteurs extrinsèques. L’atteinte élective à ce niveau fait l’objet d’hypothèses physiopathologiques. Le diagnostic est essentiellement clinique ; la fluctuation, l’aggravation à la fatigue et l’absence de systématisation neurologique sont caractéristiques. Lorsque ces troubles sont isolés, strictement limités à la région oculaire, le diagnostic peut être difficile. Toute atteinte oculomotrice, quel qu’en soit le type et surtout si elle est atypique, doit faire évoquer la possibilité d’une myasthénie et ce diagnostic est probablement sous-estimé dans ces formes limitées. Les examens complémentaires sont alors inconstamment positifs et leur négativité n’élimine pas le diagnostic. Ces troubles oculaires peuvent entraîner une gêne fonctionnelle visuelle importante retentissant sur la qualité de vie des patients. Le traitement est symptomatique. Les traitements optiques doivent être systématiquement proposés mais leur efficacité est limitée par l’habituelle fluctuation des troubles. Le traitement médical repose sur la prescription d’anticholinestérasiques en première intention. La corticothérapie isolée ou associée à d’autres traitements immunosuppresseurs est indiquée en cas d’échec des traitements précédents. L’indication et les modalités de la corticothérapie restent à préciser pour la prévention d’une généralisation de la maladie. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Myasthénie oculaire ; Ptôsis ; Diplopie ; Ophtalmoplégie ; Anticholinestérasiques ; Thymectomie Plan Introduction 1 Historique 1 Pathologie 2 Histoire naturelle 2 Symptômes et signes cliniques 2 Symptômes 2 Signes neuro-ophtalmologiques 2 Examens complémentaires 3 Examens biologiques 5 Tests pharmacologiques 5 Examens électriques 5 Examens radiologiques 5 Évolution 5 Formes cliniques 6 Myasthénie auto-immune de l’enfant 6 Maladies auto-immunes associées 6 Myasthénie induite par un médicament 6 Diagnostic différentiel 6 En cas de ptôsis 6 En cas d’ophtalmoplégie 6 Traitement 6 Moyens thérapeutiques 7 Indications thérapeutiques 8 Conclusion 8 Introduction Les manifestations ophtalmologiques que sont un ptôsis ou une diplopie représentent souvent les premiers symptômes d’une myasthénie auto-immune et parfois restent isolées définissant la myasthénie oculaire. Le ptôsis et la diplopie sont consécutifs au dysfonctionne- ment de la transmission neuromusculaire au niveau des muscles oculomoteurs et palpébraux. La gêne fonctionnelle induite est souvent importante. C’est dans cette forme localisée, surtout au début, que le diagnostic peut être difficile à affirmer en l’absence d’anomalie extraclinique. Il est essentiel cependant d’y penser car c’est à ce moment que le risque de généralisation est le plus important. La prise en charge thérapeutique de ces patients représente la seconde difficulté. L’efficacité des différents traitements est souvent limitée pour soulager le ptôsis et surtout la diplopie. Un traitement précoce par corticothérapie est de plus en plus discuté pour prévenir la généralisation. Historique Les premières descriptions cliniques détaillées de patients myasthéniques datent de la seconde moitié du XIX e siècle. La fluctuation des symptômes, qui s’aggravent en fin de journée, et l’atteinte élective des muscles oculaires sont notées. En 1934, Mary Walker observe que la physostigmine améliore de façon transitoire la faiblesse musculaire de patients myasthé- 17-172-B-15 1 Neurologie

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Page 1: Troubles Oculaires de La Myasthénie

Troubles oculaires de la myasthénie

M.-C. Gaumond

Les troubles oculaires de la myasthénie sont fréquents et souvent révélateurs de cette maladie auto-immune. Ils restent parfois isolés. Le ptôsis et la diplopie sont les principaux signes fonctionnels oculaires.Ils sont la conséquence fonctionnelle du dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire auniveau des muscles palpébraux et/ou oculomoteurs extrinsèques. L’atteinte élective à ce niveau fait l’objetd’hypothèses physiopathologiques. Le diagnostic est essentiellement clinique ; la fluctuation,l’aggravation à la fatigue et l’absence de systématisation neurologique sont caractéristiques. Lorsque cestroubles sont isolés, strictement limités à la région oculaire, le diagnostic peut être difficile. Toute atteinteoculomotrice, quel qu’en soit le type et surtout si elle est atypique, doit faire évoquer la possibilité d’unemyasthénie et ce diagnostic est probablement sous-estimé dans ces formes limitées. Les examenscomplémentaires sont alors inconstamment positifs et leur négativité n’élimine pas le diagnostic. Cestroubles oculaires peuvent entraîner une gêne fonctionnelle visuelle importante retentissant sur la qualitéde vie des patients. Le traitement est symptomatique. Les traitements optiques doivent êtresystématiquement proposés mais leur efficacité est limitée par l’habituelle fluctuation des troubles. Letraitement médical repose sur la prescription d’anticholinestérasiques en première intention. Lacorticothérapie isolée ou associée à d’autres traitements immunosuppresseurs est indiquée en cas d’échecdes traitements précédents. L’indication et les modalités de la corticothérapie restent à préciser pour laprévention d’une généralisation de la maladie.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Myasthénie oculaire ; Ptôsis ; Diplopie ; Ophtalmoplégie ; Anticholinestérasiques ; Thymectomie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Historique 1

¶ Pathologie 2

¶ Histoire naturelle 2

¶ Symptômes et signes cliniques 2Symptômes 2Signes neuro-ophtalmologiques 2

¶ Examens complémentaires 3Examens biologiques 5Tests pharmacologiques 5Examens électriques 5Examens radiologiques 5

¶ Évolution 5

¶ Formes cliniques 6Myasthénie auto-immune de l’enfant 6Maladies auto-immunes associées 6Myasthénie induite par un médicament 6

¶ Diagnostic différentiel 6En cas de ptôsis 6En cas d’ophtalmoplégie 6

¶ Traitement 6Moyens thérapeutiques 7Indications thérapeutiques 8

¶ Conclusion 8

■ IntroductionLes manifestations ophtalmologiques que sont un ptôsis ou

une diplopie représentent souvent les premiers symptômesd’une myasthénie auto-immune et parfois restent isoléesdéfinissant la myasthénie oculaire.

Le ptôsis et la diplopie sont consécutifs au dysfonctionne-ment de la transmission neuromusculaire au niveau des musclesoculomoteurs et palpébraux. La gêne fonctionnelle induite estsouvent importante.

C’est dans cette forme localisée, surtout au début, que lediagnostic peut être difficile à affirmer en l’absence d’anomalieextraclinique. Il est essentiel cependant d’y penser car c’est à cemoment que le risque de généralisation est le plus important.

La prise en charge thérapeutique de ces patients représente laseconde difficulté. L’efficacité des différents traitements estsouvent limitée pour soulager le ptôsis et surtout la diplopie. Untraitement précoce par corticothérapie est de plus en plusdiscuté pour prévenir la généralisation.

■ HistoriqueLes premières descriptions cliniques détaillées de patients

myasthéniques datent de la seconde moitié du XIXe siècle. Lafluctuation des symptômes, qui s’aggravent en fin de journée,et l’atteinte élective des muscles oculaires sont notées.

En 1934, Mary Walker observe que la physostigmine améliorede façon transitoire la faiblesse musculaire de patients myasthé-

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niques. Elle émet l’hypothèse d’un dysfonctionnement auniveau des récepteurs à l’acétylcholine de la jonctionneuromusculaire.

En 1960, Simpson évoque un processus auto-immun sous-jacent après avoir observé une association notable de la myas-thénie à d’autres maladies auto-immunes.

La mise en évidence d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcho-line (Ac anti-RACh) dans le sérum d’une grande majorité depatients myasthéniques par Lindstrom en 1976 [1] et la produc-tion d’une myasthénie auto-immune expérimentale [2] chezl’animal confirment l’origine auto-immune de la maladie.

Le rôle du thymus et du système immunitaire cellulaire Tdans l’initialisation et la modulation de la production des Acanti-RACh est encore discuté mais semble important.

■ PathologieLes résultats des études électriques et histologiques ont mis

en évidence le fait que la myasthénie est secondaire à uneatteinte de la jonction neuromusculaire. Les études immunolo-giques plus récentes ont précisé que la localisation est postsy-naptique par atteinte des récepteurs à l’acétylcholine par les Acanti-RACh.

Les Ac anti-RACh sont des anticorps polyclonaux de la classedes immunoglobulines G (IgG). Ils accélèrent les phénomènesde dégradation des récepteurs chez certains patients ; chezd’autres, ils exercent surtout un effet de blocage de ces récep-teurs. L’hétérogénéité de ces anticorps rend compte de la variétédes manifestations cliniques de la maladie. Il n’y a pas derelation directe entre leur taux et la gravité de la maladie [3]

mais la réduction de leur taux, pour un patient donné, s’accom-pagne habituellement d’une amélioration clinique. Au coursd’une myasthénie oculaire (MO), ils ne sont retrouvés que dans50 % des cas, à un taux le plus souvent faible. Les formesséronégatives posent alors un problème diagnostique fréquenten cas de MO. La nature auto-immune de ces formes estreconnue mais, en règle générale, il n’y a pas d’anomaliethymique. Dans 40 à 70 % de ces myasthénies séronégatives,des anticorps dirigés contre le récepteur musculaire de latyrosine kinase (Ac anti-MuSK) sont retrouvés. [4, 5] La présenced’Ac anti-MuSK serait rare dans les cas de MO. [6]

Le rôle du thymus dans le déclenchement de la maladie esttrès probablement important, mais il est encore imparfaitementconnu. [7] Cette hypothèse est attestée par le fait qu’environ75 % des patients myasthéniques présentent des anomaliesthymiques, hyperplasie le plus souvent ou thymome. C’estd’ailleurs chez ces patients que le taux sérique d’anticorps esthabituellement le plus élevé. De plus, la thymectomie s’accom-pagne parfois, mais cela est encore sujet à discussion, d’uneamélioration, voire d’une rémission de la maladie, le plussouvent différée dans le temps. Plusieurs hypothèses sontévoquées. Les lymphocytes B, en grande quantité dans la glandethymique, sont capables de produire des Ac anti-RACh. De plus,certaines cellules thymiques peuvent exprimer des autoantigè-nes analogues aux récepteurs à l’acétylcholine.

Enfin, il faut signaler que la myasthénie est assez souventassociée à d’autres pathologies auto-immunes : [8] dysthyroïdie(9 à 18 % des patients), lupus érythémateux disséminé, poly-arthrite rhumatoïde, syndrome de Sjögren. La myasthénieapparaît habituellement la première.

■ Histoire naturelleLa prévalence de la myasthénie auto-immune est estimée

entre 50 et 100 par million. [9] Elle atteint les deux sexes, toutesles races et s’observe à tout âge. Il existe cependant unedistribution bimodale liée à l’âge et au sexe avec une prédomi-nance féminine avant 40 ans et une prédominance masculineentre 60 et 70 ans.

Les manifestations oculaires sont présentes chez plus de 90 %des patients atteints de myasthénie et sont la première manifes-tation clinique de la maladie dans environ 50 % des cas. Parmices patients ayant une forme oculaire initiale, environ la moitié

restent purement oculaires. Pour l’autre moitié de ces patients,l’extension à d’autres territoires se fait le plus souvent dans lesdeux années suivantes [10] et serait plus fréquente après 50 ans.Enfin, une rémission spontanée, parfois définitive, s’observedans environ 10 % des cas.

Plusieurs raisons pourraient expliquer l’atteinte élective de lamusculature oculaire extrinsèque au décours de la myasthé-nie. [11, 12] Une atteinte « modérée » d’un muscle oculomoteurserait suffisante pour provoquer une perte du parallélisme desglobes oculaires, entraînant une diplopie rapidement sympto-matique, mais cela n’explique pas la fréquence observée duptôsis. Les fibres musculaires oculomotrices seraient plussensibles que les fibres musculaires périphériques au blocage dela transmission neuromusculaire pour plusieurs raisons : leursfréquences de décharge sont plus élevées, la densité des récep-teurs postsynaptiques à l’acétylcholine serait moindre, laquantité d’acétylcholine libérée dans la synapse serait moindre.Enfin, il pourrait exister des antigènes spécifiques (épitopes durécepteur à l’acétylcholine) au niveau des muscles oculomoteursresponsables d’une plus grande sensibilité à la réaction immune,voire de la production localisée d’anticorps spécifiques nonidentifiés. [13]

■ Symptômes et signes cliniques

SymptômesUn ptôsis fluctuant et/ou une diplopie variable d’un moment

à l’autre dans son intensité et sa direction sont les deuxsymptômes évocateurs d’une MO. L’interrogatoire rechercheune aggravation au cours de la journée. Parfois, le ptôsis estmodéré immédiatement au réveil, s’améliore dans la matinéepuis se complète en fin de journée. La plainte matinale peut selimiter à une simple difficulté d’ouverture palpébrale dediagnostic difficile. La diplopie peut apparaître au cours de lajournée, devenant invalidante le soir. La diplopie peut aussi êtreaggravée après la prescription intempestive de séances derééducation orthoptique pour ce qui paraît être initialement unebanale insuffisance de convergence.

Certains facteurs peuvent aggraver, voire révéler la maladie :fièvre, infection, stress, traumatisme oculaire ou autre, certainsmédicaments (patch de nicotine dans le sevrage de l’intoxica-tion tabagique).

Signes neuro-ophtalmologiques

PtôsisLes anomalies palpébrales, souvent initiales, sont la manifes-

tation la plus fréquente au cours de la MO.Le releveur de paupière supérieure est le muscle le plus

souvent atteint. Si le ptôsis ne s’accompagne pas d’un déficitmusculaire, le diagnostic de MO doit être reconsidéré.

L’atteinte peut être initialement unilatérale mais avec letemps, elle devient souvent bilatérale et asymétrique. Il existealors parfois une rétraction paradoxale de l’une des deuxpaupières. Ce phénomène s’explique par la loi de Hering(stimulation également répartie entre les deux releveurs) etl’effort fait par le patient pour contrôler le ptôsis (stimulationaccrue entraînant une rétraction de la paupière la moinsptôsée). En soulevant la paupière la plus basse, on observe unrelâchement de la paupière rétractée qui retrouve la positionprimaire, voire se ptôse à son tour (signe du voile). Unealternance du ptôsis entre les deux paupières est aussi évoca-trice. Lorsque l’atteinte est bilatérale, le patient se présentetypiquement avec le menton relevé, une élévation des sourcilset une augmentation des plis frontaux de façon à libérer l’axevisuel.

La fatigabilité musculaire se traduit par une augmentation duptôsis en cours de journée. Ponctuellement, on peut la mettreen évidence en demandant au patient de maintenir de façonprolongée le regard vers le haut. À l’inverse, le ptôsis diminuesi le patient garde les yeux fermés quelques minutes. L’applica-tion d’un glaçon sur la paupière ptôsée pendant 2 minutes peut

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également réduire le ptôsis. On considère qu’il est positif si lafente palpébrale s’ouvre d’au moins 2 mm par rapport à laposition initiale. Le mécanisme d’action en est inconnu. Ce testassez sensible et non invasif n’est pas spécifique [14] même s’ilreste plus spécifique que le test de repos simple. [15] Lorsque lepatient regarde vers le bas et qu’on lui demande de ramenerrapidement le regard en position primaire, on observe de petitesoscillations rapides et excessives du bord libre palpébral quis’épuisent rapidement. C’est le signe de Cogan. [16]

Une atteinte et une fatigabilité des orbiculaires sont égale-ment fréquentes au décours de la MO. L’atteinte se traduit parune diminution de la force opposée par le patient au relève-ment passif de la paupière supérieure, plus rarement par unemauvaise occlusion palpébrale.

Il faut noter qu’aucun de ces signes palpébraux n’est spécifi-que de la myasthénie (Fig. 1).

OphtalmoplégieLes anomalies oculomotrices sont la seconde manifestation la

plus fréquente au cours de la MO et sont habituellement

associées à un ptôsis. Elles sont très variables et peuvent simulertoute autre atteinte oculomotrice : infranucléaire (III extrinsè-que, IV ou VI), nucléaire ou supranucléaire (ophtalmoplégieinternucléaire, syndrome « un et demi »). De même, tous lesmuscles oculomoteurs peuvent être atteints avec cependant uneplus grande fréquence d’atteinte des muscles droit médial, droitinférieur ou oblique supérieur. Un nystagmus parétique associépeut se voir.

La variabilité de l’atteinte d’un moment à l’autre, la fatigabi-lité entraînant une fluctuation de la diplopie et l’absence desystématisation neurologique doivent faire évoquer le diagnostic(Fig. 2A, B et C).

Autres signes

Il n’y a pas d’atteinte pupillaire, ce qui permet d’éliminer unsyndrome de Claude Bernard-Horner ou une atteinte intrinsè-que du nerf oculomoteur commun.

Une atteinte de la musculature faciale peut être notée.Les saccades oculaires des patients myasthéniques sont

souvent anormales, le plus souvent avec une phase initialerapide puis un ralentissement important (fatigue) aboutissant àun mouvement hypométrique. Elles peuvent alors s’accompa-gner d’un nystagmus parétique dissocié.

■ Examens complémentairesLe diagnostic de myasthénie oculaire est évoqué devant une

atteinte clinique variable et fluctuante. Les examens complé-mentaires confirment le plus souvent le diagnostic. La répéti-tion dans le temps de ces examens est parfois nécessaire pourobtenir un diagnostic de certitude.

“ Point important

Principaux signes palpébraux au cours de la myasthénie :• ptôsis unilatéral ou bilatéral asymétrique ;• signe du voile ;• signe de Cogan ;• fatigabilité ;• atteinte orbiculaire.

Figure 1. Ptôsis myasthénique (photos dues à l’obligeance du docteur Vignal-Clermont).A. Ptôsis droit chez une patiente myasthénique.B. Ptôsis droit après test au glaçon.C. Ptôsis gauche associé à un discret ptôsis bilatéral involutionnel et une limitation de la latéralité droite chez une patiente myasthénique.D. Ptôsis gauche après test au glaçon.

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C

Figure 2. Diagramme de Lancaster (chez la même patiente à différentes dates).A. Septembre 2002 : parésie du droit latéral gauche chez une patiente myasthénique.B. Décembre 2003 : quasi-normalisation du trouble oculomoteur.C. Mai 2004 : réapparition d’une diplopie oblique avec parésie du droit latéral droit, de l’oblique inférieur droit et du droit inférieur gauche au test au verrerouge.

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Examens biologiquesLa présence d’Ac anti-RACh est spécifique de la myasthénie

auto-immune. Elle permet d’affirmer le diagnostic mais n’estmise en évidence que dans 50 % des cas de MO. Si le patientest vu au début de la maladie, un second dosage doit êtreproposé 6 à 12 mois après car il peut exister une positivitédifférée dans le temps.

La recherche d’Ac anti-MuSK permet parfois le diagnostic desformes séronégatives. [17]

Le dosage des anticorps antimuscles striés, peu sensible maisassez spécifique de myasthénie, est utile en cas de suspicion dethymome. [18]

La biopsie musculaire est très sensible et spécifique. Elle n’estpas de réalisation courante sauf pour éliminer une pathologiemusculaire, en particulier une cytopathie mitochondriale.

Tests pharmacologiquesL’administration d’inhibiteurs de l’acétylcholinestérase

(chlorure d’édrophonium par voie intraveineuse : test auTensilon® ou néostigmine par voie intramusculaire : test à laProstigmine®) entraîne une régression temporaire de l’atteinte,plus nette au niveau du ptôsis que de l’ophtalmoparésie. Ce testest négatif dans 20 % des MO avérées et même plus lorsquel’atteinte ne concerne que les muscles oculomoteurs sans ptôsis.Parfois, le test se positive secondairement et certains proposentde le répéter. Il existe également des faux positifs au décoursd’autres anomalies de la jonction neuromusculaire (syndromede Lambert-Eaton) et même au décours de pathologies tumora-les. La positivité de ce test n’est donc pas un argument diagnos-tique formel et doit être interprétée en fonction des autresdonnées cliniques et paracliniques. Enfin, ce test n’est pasdénué d’effets secondaires potentiellement graves. [19]

Examens électriquesL’électromyographie (EMG) standard recherche une diminu-

tion progressive de l’amplitude des potentiels d’action muscu-laires (décrément) après stimulation nerveuse supraliminaire

répétée. Elle se réalise au niveau des muscles de la face ou desmuscles proximaux des membres. Le décrément survienthabituellement entre la deuxième et la cinquième stimulation etdoit être supérieur à 10 % pour être positif. Ce test est rarementpositif en cas de MO.

L’électromyographie sur fibre unique (EMG-FU) réalisée auniveau de l’orbiculaire de la paupière présente un intérêtdiagnostique en cas de MO, en particulier lorsque les Ac anti-RACh sont absents. [20, 21] Elle mesure l’intervalle séparant lespotentiels d’action des fibres musculaires d’une même unitémotrice (jitter). C’est un test parfois douloureux pour le patient,très sensible mais non spécifique. [22] Il peut aussi être réalisé auniveau du muscle frontal [23] avec une moindre sensibilité(Fig. 3A et B).

Examens radiologiquesSi le diagnostic de myasthénie est suspecté, la recherche

d’une anomalie thymique est nécessaire soit par radiographiesdu thorax de face et de profil soit par tomodensitométrie et/ouimagerie par résonance magnétique (IRM) du médiastin.

Si le diagnostic ne peut être établi de façon formelle devantun ptôsis ou une diplopie, une IRM cérébrale s’impose pouréliminer une pathologie cérébrale tumorale ou vasculaire.

■ ÉvolutionLa généralisation de la MO survient dans environ la moitié

des cas, le plus souvent (44 %) au cours des deux premièresannées d’évolution. [10] Il n’existe pas de caractère clinique,biologique ou électrique prédictif formel d’extension de lamaladie. La généralisation serait plus fréquente après 50 ans,mais cela n’est pas retrouvé dans toutes les études. Le sexe n’estpas non plus un facteur prédictif même si la maladie semblemoins souvent se généraliser à 2 ans chez la femme de moinsde 40 ans. La présence d’Ac anti-RACh à un taux élevé et d’undécrément à l’EMG semble plus fréquente chez les patients dontla maladie va se généraliser. La positivité de l’EMG-FU auraitune valeur prédictive plus nette. [24]

Étude du jitter neuromusculaire sous stimulation axonaleorbiculaire des paupières gauches

Fibres musculaires étudiées : 20Jitters neuromusculaires anormaux (≥ 30 µs) : 4Jitter moyen : 19,55 µs (normale ≤ 20 µs)Fibres musculaires avec bloc : 0

1234567891011121314151617181920

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Jitter neuromusculaireen µs

Bloc

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Étude du jitter neuromusculaire sous stimulation axonaleorbiculaire des paupières gauches

Fibres musculaires étudiées : 18Jitters neuromusculaires anormaux (≥ 30 µs) : 6Jitter moyen : 46,2 µs (normale ≤ 20 µs)Fibres musculaires avec bloc : 0

123456789101112131415161718

2417182218100222515311126773315122025114

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Jitter neuromusculaireen µs

Blocen %

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Figure 3. Électromyographie sur fibre unique (EMG-FU)A. EMG-FU compatible avec un dysfonctionnement peu sévère de la jonction neuromusculaire chez une patiente ayant une diplopie variable sans ptôsis (cf.Lancaster de la patiente, Fig. 2) et dont les anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine (Ac anti-RACh) sont positifs.B. EMG-FU en faveur d’un dysfonctionnement de la jonction neuromusculaire chez un patient ayant des troubles oculomoteurs et un ptôsis bilatéral majeur.Les Ac anti-RACh sont négatifs, le test au Tensilon® est positif.

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Une rémission temporaire ou permanente existe chez 10 à20 % des patients ayant une MO. [25]

La présence d’un thymome est probablement moins fré-quente en cas de MO que de myasthénie généralisée.

■ Formes cliniques

Myasthénie auto-immune de l’enfantUne série chinoise retrouve une nette prédominance de la

forme oculaire pure chez l’enfant, [26] moins de 10 % despatients ayant une forme généralisée. De plus, le taux derémission serait plus élevé que chez l’adulte. D’autres études, aucontraire, trouvent un profil évolutif superposable à celui del’adulte ; la moitié des enfants développant une forme généra-lisée et la rémission spontanée survenant dans 15 à 30 % descas. Le ptôsis est l’atteinte la plus fréquente. Chez le jeuneenfant, une amblyopie strabique secondaire à la déviationoculaire peut apparaître. [27]

Maladies auto-immunes associéesLa myasthénie est assez souvent associée à une autre maladie

auto-immune. La dysthyroïdie est l’association la plus fréquem-ment retrouvée et certains préconisent un dosage systématiquede la thyroid stimulating hormone (TSH) chez les patients ayantune MO. Le bilan clinique permet alors de préciser ce quirevient à chaque pathologie puisque les deux pathologiespeuvent entraîner des anomalies de la statique palpébrale et/oude l’oculomotricité. D’autres associations sont moins fréquen-tes : lupus érythémateux disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde.

Myasthénie induite par un médicamentCertains médicaments sont susceptibles d’induire ou d’aggra-

ver une myasthénie : bêtabloquants, quinine, certains antia-rythmiques, antibiotiques et antiépileptiques, et tous les agentsbloquants la transmission neuromusculaire.

■ Diagnostic différentielLe diagnostic de MO peut être difficile à affirmer surtout au

début de la maladie, lorsque les caractères typiques que sontl’aggravation à la fatigue et à l’effort, la variabilité dans letemps, la topographie bilatérale et non systématisée ne sont pasévidents. La négativité des examens complémentaires (Ac anti-RACh et EMG-FU) et l’absence de réponse nette au traitementd’épreuve par les anticholinestérasiques sont fréquentes dans cesformes et compliquent encore le diagnostic.

En cas de ptôsisIl faut éliminer une atteinte d’origine musculaire ou

neurologique.

Ptôsis d’origine musculaire

Le ptôsis par désinsertion de l’aponévrose du musclereleveur de paupière supérieure (RPS) est la cause la plusfréquente de ptôsis acquis chez l’adulte, en particulier chez lesujet âgé. Typiquement, il n’y a pas de fatigabilité même siune discrète augmentation du ptôsis peut être notée en fin dejournée. La conservation d’une fonction dynamique normaledu RPS est de règle. Le test à la néosynéphrine à 10 %provoque une diminution nette du ptôsis, voire une rétractionde la paupière ptôsée.

Le ptôsis myopathique s’observe en cas de cytopathiesmitochondriales, de dystrophie myotonique ou de dystrophieoculopharyngée. Le ptôsis est habituellement bilatéral, progressifet symétrique. Il peut être isolé au début de la maladie et posealors un problème diagnostique. La fonction dynamique du RPSest toujours déficitaire, ainsi que celle des orbiculaires. Labiopsie musculaire permet habituellement le diagnostic.

Ptôsis d’origine neurologique

Le ptôsis du syndrome de Claude Bernard-Horner est unilaté-ral, souvent peu marqué, non fluctuant. La fente palpébrale estrétrécie du fait du ptôsis « inverse » de la paupière inférieure. Lapupille est en myosis modéré avec retard pupillaire à ladilatation.

Le ptôsis accompagnant une atteinte de la 3e paire crânienne(III) est rarement isolé et s’accompagne d’anomalies oculomo-trices habituellement systématisées. Même en cas de normalitéde la fonction pupillaire, il faut, au moindre doute, éliminerune atteinte cérébrale compressive tumorale ou vasculaire(anévrisme) par la réalisation d’une imagerie cérébrale. [28]

En cas d’ophtalmoplégieDans les cas moins fréquents où la myasthénie se manifeste

uniquement par une diplopie sans ptôsis, le diagnostic différen-tiel se pose de la même façon qu’en cas de ptôsis entre ophtal-moparésie d’origine musculaire (myopathies, dysthyroïdies) etophtalmoparésie d’origine neurologique (lésions cérébralescompressives). [29]

Classiquement, la combinaison du dosage des Ac anti-RACh,du test à l’édrophonium et la réalisation de l’EMG-FU apportentla confirmation du diagnostic de myasthénie dans au moins95 % des cas. [30] En cas de MO, surtout au début, ce diagnosticest en fait moins facile à affirmer. À l’inverse, il faut garder enmémoire que la MO peut se manifester par des troubles oculo-moteurs de tout type, plus ou moins systématisés. Il faut doncy penser devant toute atteinte oculomotrice atypique que ce soitdans sa topographie ou son évolution (Fig. 4).

■ TraitementLe traitement des troubles oculaires de la myasthénie doit

prendre en considération deux problèmes. Il doit d’abordpermettre de soulager la gêne fonctionnelle liée au ptôsis et/ouà la diplopie en sachant que ces troubles peuvent être franche-ment invalidants et retentir sur la qualité de vie des patients. Ildoit également essayer de prévenir ou au moins diminuer lerisque de généralisation de la maladie par un contrôle précocedu trouble dysimmunitaire.

“ Point important

Diagnostics différentiels des troubles oculaires de lamyasthénie :• désinsertion de l’aponévrose du RPS ;• cytopathies mitochondriales (ophtalmoplégie externeprogressive) ;• dystrophie myotonique ;• dystrophie oculopharyngée ;• syndrome de Claude Bernard-Horner ;• parésie du III ;• parésie du IV ;• dysthyroïdies.

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Moyens thérapeutiques

Médicaments anticholinestérasiques

Les anticholinestérasiques représentent le traitementde première intention au cours d’une MO. Par blocage sélectifde la cholinestérase, ils prolongent la durée d’action de l’acétyl-choline au niveau postsynaptique.

Trois molécules sont utilisées en France : la pyridostigmine(Mestinon®), le chlorure d’ambénomium (Mytelase®) et lanéostigmine (Prostigmine®). Ils se distinguent par leur duréed’action et les effets muscariniques associés plus ou moinsprononcés. Le Mestinon® a la durée d’action la plus courte(4 heures). La Prostigmine® et la Mytelase® ont des effetsmuscariniques plus marqués : hypersalivation fréquente,hypersécrétion bronchique, sueurs, troubles digestifs et diarrhée.L’administration simultanée d’atropine permet de diminuerl’importance des effets secondaires gênants s’ils restent modérés.Les trois molécules ont également des effets secondairesnicotiniques à type de fasciculations et de crampes musculaires.Ces molécules doivent être administrées à distance des repas(absorption digestive) et de façon régulière au cours de lajournée. La posologie débute par de faibles doses et est progres-sivement augmentée jusqu’à obtention d’un point d’équilibreentre efficacité clinique et présence d’effets secondaires quidoivent rester très modérés. En effet, le risque de surdosagecholinergique est potentiellement grave et doit être prévenu parla reconnaissance précoce des signes muscariniques et nicotini-ques. Si ces effets secondaires sont nets, le traitement doit êtreinterrompu de façon provisoire puis repris à une posologieinférieure.

Les anticholinestérasiques sont contre-indiqués en casd’asthme ou de maladie de Parkinson.

La réponse à ce traitement est variable. Le ptôsis est souventnettement amélioré alors que la diplopie est habituellement peumodifiée par ce traitement médical (Tableau 1).

Traitements optiques, orthoptiques

Les mesures optiques sont souvent négligées mais doiventêtre connues car elles peuvent apporter un réel soulagement.

Discuter un autre diagnostic :- IRM- biopsie musculaire

Scanner thoraciqueBilan thyroïdien

Ac anti-RACh

MYASTHÉNIE

Redoser Ac anti-RAChAc anti-MuSK

FORTE

VariabilitéAggravation à la fatiguePas de systématisation neurologique

EMGEMG-FU Test au Tensilon®

FAIBLE

Atteinte pupillaireDouleurAtteinte du V

SUSPICION CLINIQUEPtôsis et/ou diplopie

-

- -

-

+

+

+

+

Seul le dosage des Ac anti-RACh est spécifique

Figure 4. Arbre décisionnel. Arbrediagnostique des troubles oculaires dela myasthénie. IRM : imagerie par réso-nance magnétique ; Ac anti-RACh : an-ticorps antirécepteurs à l’acétylcho-line ; EMG-FU : électromyographie surfibre unique ; Ac anti-MuSK : anticorpsdirigés contre le récepteur musculairede la tyrosine kinase.

Tableau 1.Médicaments contre-indiqués au cours de la myasthénie (liste nonexhaustive).

Formellementcontre-indiqués

À utiliser avecprécaution

Antibiotiques Aminosides Aminosides etpolymyxines enapplication locale

Colistine Clindamycine

Cycline injectable

Polymyxine B

Médicamentscardiovasculaires

Quinidine Lidocaïne i.v.

Procaïnamide

Bêtabloquants

Médicaments dusystème nerveuxcentral

Triméthadione Carbamazépine

Diphényl-hydantoïne Chlorpromazine

Dantrolène Lithium

Anesthésiques Curarisants Barbituriques i.v.ou i.m.

Kétamine

Propanimide

Anesthésiquesvolatils

Divers Quinine Benzodiazépines

Magnésium i.v. Phénothiazines

D-pénicillamine Magnésium per os

Bêtabloquants en collyre

i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux.

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7Neurologie

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La rééducation orthoptique est inutile au décours d’une MO.Elle risque, à l’inverse du but recherché, d’exacerber les troublesoculomoteurs.

En cas de trouble oculomoteur assez stable, une correctionprismatique temporaire et modulable peut apporter une aide.Lorsque la diplopie est « fixée », une incorporation de lacorrection prismatique dans le verre correcteur est possible.Dans les cas les plus invalidants, l’occlusion d’un œil par uncache ou un verre dépoli supprime la diplopie.

La correction optique par verres progressifs est souvent maltolérée et l’on privilégie l’utilisation de deux paires de lunetteschez le presbyte.

Les systèmes mécaniques « antiptôsis » à fixer sur la monturedes lunettes peuvent également apporter une aide modérée. Enfait, ils sont souvent mal supportés par les patients.

Dans de rares cas, une chirurgie du ptôsis peut être proposée.Elle sera toujours très « prudente » de façon à ne pas se compli-quer de kératite postopératoire par malocclusion palpébrale.Une chirurgie du strabisme par sutures ajustables peut aussi êtreproposée en cas de déviation importante et peu variable desaxes visuels. [31]

Corticothérapie

La corticothérapie est habituellement très efficace pourdiminuer la symptomatologie fonctionnelle au cours de lamyasthénie. [32] Dans la MO, elle est proposée en cas d’ineffica-cité des anticholinestérasiques et lorsque la maladie est nette-ment invalidante. Cependant pour certains, elle serait moinsefficace en cas de MO que de myasthénie généralisée [33]

suggérant une moindre sensibilité de la forme oculaire pure auxtraitements immunosuppresseurs.

L’amélioration fonctionnelle est rapide en 2 à 4 semaines.L’efficacité maximale est obtenue entre le 3e et le 6e mois.

Les modalités de traitement sont assez variables. La cortico-thérapie débutée à faibles doses diminue le risque classique maisimprévisible d’aggravation initiale et passagère de la symptoma-tologie. En cas de MO, ce risque est plus rare [34] et certainsauteurs proposent de débuter le traitement à la dose de1 mg kg–1 j–1.

L’administration peut être quotidienne ou alternée un joursur deux dans le dessein de diminuer les effets secondaires. Ladurée du traitement est variable. La dose efficace minimale esttoujours recherchée mais le traitement doit souvent êtrepoursuivi plusieurs années pour maintenir l’amélioration. Leseffets secondaires de ce traitement sont fréquents et impor-tants [35] et l’on doit en tenir compte lors de l’indication d’unecorticothérapie pour MO.

Plusieurs études récentes préconisent une corticothérapieprécoce, même en cas de MO modérée, pour prévenir l’évolu-tion vers la généralisation. [36-39] Ainsi pour Kupersmith, lespatients ayant reçu une corticothérapie dans la première annéed’évolution d’une MO ont un taux de généralisation de 7 % à2 ans alors que les patients non traités ont évolué vers unemyasthénie généralisée dans 36 % des cas. Compte tenu desrésultats concordants de ces études, une étude multicentriquedoit débuter pour préciser l’efficacité et les modalités de lacorticothérapie dans la prévention d’une éventuelle généralisa-tion secondaire. En effet, il est possible que l’absence decontrôle de la réponse immune au cours de la MO entraîne desmodifications structurelles des autoantigènes situés à la jonctionneuromusculaire et une destruction de l’architecture de cettejonction. [40]

Autres traitements immunorégulateursou suppresseurs

Un traitement immunosuppresseur, principalement parl’azathioprine (Imurel®) ou par le mycophénolate mofétil(Cellept®), mais aussi par le cyclophosphamide ou la ciclospo-rine, peut être proposé. Son efficacité est reconnue et semble àpeu près identique à celle de la corticothérapie. Ce traitementest cependant peu indiqué en cas de troubles oculaires isolés etreste plutôt réservé, seul ou en association à une corticothéra-pie, aux myasthénies généralisées.

Les échanges plasmatiques ou les perfusions d’immunoglobu-lines n’ont pas d’indication en cas de MO. Ils sont principale-ment indiqués au cours des poussées aiguës de myasthénie.

Thymectomie

La thymectomie est indiquée de façon formelle en cas dethymome. Elle a pour but l’exérèse de la tumeur pour prévenirune extension tumorale aux organes de voisinage. En cas dethymome extensif, une radiothérapie ou une chimiothérapie decomplément sont réalisées. La thymectomie n’a pas pour butd’améliorer l’évolution de la maladie.

L’indication d’une thymectomie en l’absence de tumeurthymique dépistable est beaucoup plus controversée. Cela a faitl’objet de nombreuses études mais il n’existe pas à ce jourd’étude randomisée contrôlée [41] permettant une décisionthérapeutique formelle. La thymectomie pourrait peut-être avoirun effet bénéfique sur l’évolution de la myasthénie pourcertains sous-groupes de malades (intervention précoce parrapport au début de la maladie, sujets de moins de 40 ans,femmes). Les données de la littérature concernant l’indicationde la thymectomie en cas de MO isolée résistante au traitementmédical et en l’absence de thymome sont contradictoires :certains auteurs [42] la préconisent, d’autres ne la recommandentpas. [43]

Indications thérapeutiques (Fig. 5)

La prise en charge thérapeutique des troubles oculaires de lamyasthénie peut être difficile. [44]

Le traitement anticholinestérasique est le traitement depremière intention. Cependant, la diplopie est souvent peuaméliorée par ce traitement qui, par ailleurs, ne modifie pasl’évolution naturelle de la maladie. [45]

Les aides optiques et, à un moindre degré, la chirurgiepeuvent apporter une aide substantielle dans cette prise encharge.

La corticothérapie représente l’étape suivante. [46] Avant del’instaurer, il faut considérer trois éléments. La corticothérapieva-t-elle diminuer suffisamment les signes fonctionnelsgênants ? Est-ce que ces signes sont suffisamment gênants pourcontrebalancer les effets secondaires d’une corticothérapiesouvent prolongée ? Quelle est la probabilité que cette cortico-thérapie diminue le risque de généralisation ? Un ptôsis bilatéralimportant et/ou une ophtalmoplégie sévère retentissant sur lafonction visuelle et la qualité de vie sont des indications. Laposologie initiale habituelle est de 0,5 mg kg–1 j–1 avec unedécroissance lente, une détermination de la dose minimaleefficace, voire un arrêt de la corticothérapie au bout de quelquesmois. La modification de l’évolution naturelle de la maladie parune corticothérapie précoce doit faire l’objet d’études randomi-sées. L’azathioprine ou le mycophénolate mofétil sont réservésaux formes plus graves.

La thymectomie est impérative en cas de thymome. Sonindication, en l’absence de thymome, est controversée. [47]

Enfin, l’information du patient est capitale. Il doit connaîtrele caractère fluctuant de sa maladie, les signes annonciateursd’une crise myasthénique ou d’un surdosage par les anticholi-nestérasiques (en particulier en cas de rémission spontanée sansdiminution concomitante du traitement). Il doit respecter lescontre-indications médicamenteuses et être en possession descoordonnées de centres susceptibles de le prendre en charge encas de décompensation aiguë.

■ ConclusionLa myasthénie oculaire est un diagnostic essentiellement

clinique. Un ptôsis ou un trouble oculomoteur quelle qu’en soitla nature doivent l’évoquer. La fluctuation et l’aggravation à lafatigue des symptômes sont très évocatrices. Les examenscomplémentaires permettent de façon inconstante de confirmerle diagnostic et leur négativité n’élimine pas le diagnostic. La

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8 Neurologie

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recherche d’un thymome est impérative. Sa présence imposeune thymectomie. Le traitement médical est symptomatique.Les anticholinestérasiques constituent le traitement de premièreintention. La corticothérapie est actuellement réservée auxformes invalidantes. Son rôle dans la prévention de la générali-sation de la maladie reste à valider. Les aides optiques etl’information du patient ne doivent pas être oubliées.

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INFORMATION PATIENTTHYMOME

Thymectomie± radiothérapie

Corticothérapie± immunosuppresseurs

Thymectomie ?

ImportanteModérée

Surveillance

ANTICHOLINESTÉRASIQUES

GÊNE FONCTIONNELLE

MOYENS LOCAUX

Système antiptôsisPrismesChirurgie locale

TROUBLES OCULAIRES DE LA MYASTHÉNIE

-+Contre-indication médicamentsSignes de surdosageCrise myasthénique

Figure 5. Arbre décisionnel. Schéma thérapeutique des troubles oculaires de la myasténie.

Troubles oculaires de la myasthénie ¶ 17-172-B-15

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M.-C. Gaumond, Ophtalmologiste, ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux ([email protected]).1, boulevard de Courcelles, 75008 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gaumond M.-C. Troubles oculaires de la myasthénie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-172-B-15,2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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