tribune : françois hollande et les jeunes, les raisons d'un divorce

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François Hollande et les jeunes : les raisons d'un divorce Tribune publiée le 6 mai 2015 Par Olivier Vial, Directeur du CERU (Centre d'études et de recherches universitaires), Président de l’UNI. Ni parader sur le plateau de la «nouvelle édition» de Canal +, ni reprendre son sempiternel refrain «la jeunesse est ma priorité» ne suffit à constituer une politique pour la jeunesse. C'est pourquoi, après trois ans de mandat, la jeunesse a tourné le dos à François Hollande. Si les jeunes n'ont jamais été aussi désenchantés et critiques vis-à-vis des politiques et des institutions, comme l'atteste une enquête réalisée en 2014 pour France Télévisions, il faut bien reconnaître qu'ils ont des raisons pour cela. Les postures jeunistes de la commu- nication du Président ne suffisent plus à faire oublier les dégâts causés par sa politique. En 2012, François Hollande s'était auto-proclamé président des étudiants allant jusqu'à leur faire miroiter l'idée d'une allocation d'autonomie. Trois ans après, plutôt que de leur remplir les poches, il s'est régulièrement servi dedans! Par deux fois, il a ainsi essayé de supprimer les bourses au mérite. Aujourd'hui encore, sa majorité souhaite réduire drastique- ment les aides au logement pour les étudiants, ce qui pénalisera près de 700 000 d'entre eux. Quant à sa politique fiscale, elle a essoré les familles qui ont par conséquent de plus en plus de difficultés à soutenir matériellement leurs enfants qui poursuivent des études. A ces premières déconvenues sont venues s'ajouter bien des renie- ments. Le jour de son entrée en fonction, François Hollande s'était placé sous le patronage de l'élitisme républicain de Jules Ferry. On ne peut que s'interroger sur ce qu'il en reste aujourd'hui. Où est la défense du mérite républicain quand sa ministre de l'Education assume un discours anti-élite, détruisant, avec sa réforme du collège, les classes bi-langues et l'enseignement des langues anciennes au nom d'un égalitarisme forcené? Quant aux universités, elles décou- vrent depuis quelques mois, ce que valent les engagements du gouvernement. Ce dernier ayant décidé de ponctionner 100 millions d'euros dans les fonds de roulement des universités et des écoles les plus vertueuses pour financer celles qui n'ont pas fait autant d'efforts. Avec les socialistes, c'est la revanche de la cigale sur la fourmi. Les désillusions ne se limitent pas à l'éducation. Malgré les promesses et l'utilisation massive de contrats aidés, les difficultés des jeunes pour trouver un emploi continuent de s'aggraver. Les derniers chiffres du chômage montrent bien que c'est la situation des 18-25 ans qui se détériore le plus rapidement (+ 1% en mars et + 1,5 % sur l'année). Ils sont de loin la population la plus frappée par le chômage (23,7 % des 18-25 ans sont au chômage contre 10,4 % pour l'ensemble de la population). Plus grave, pour économiser 550 millions d'euros et ainsi financer partiellement sa politique d'emplois aidés, le gouvernement a sacrifié l'apprentissage. Pendant deux ans, il a supprimé les aides à l'embauche des jeunes apprentis pour les petites entreprises. Le résultat d'une telle politique, c'est que le nombre d'apprentis en France a atteint son plus bas niveau depuis 10 ans. Désormais cette filière, pourtant plébiscitée par les jeunes, est en grande difficulté, le nombre d'apprentis ayant chuté de 8 % en 2013 et encore de 3 % en 2014. Déconvenues sociales, reniements des valeurs et des promesses, échec de la politique de l'emploi, on pourrait même citer la question de l'insécurité pour expliquer le rejet de la politique de Hollande chez les jeunes. En effet, on oublie trop souvent de rappeler que, aujourd'hui, ce sont les 14-24 ans qui sont les principales victimes de l'insécurité. Ils sont 8,4 % contre 3,5 % pour l'ensemble des Français à déclarer avoir été victimes d'un vol ou d'une tentative de vol selon la dernière enquête INSEE sur le cadre de vie et la sécurité. Voilà pourquoi après avoir majoritairement voté pour François Hollande lors de l'élection présidentielle (54 %), les 18-25 ans s'en sont désormais détournés. Les enquêtes d'opinion récentes montrent d'ailleurs que François Hollande et le PS sont rétrogradés en troisième position dans le coeur des jeunes (17 %), loin derrière l'UMP (31%) et le FN (28 %) (sondage IFOP sur intentions de vote pour les départementales mars 2015). Ce qui constitue le fait le plus nouveau, c'est que les 18-25 ans se positionnent désormais moins à gauche que la moyenne des Français (19 % selon la même enquête). Le divorce entre la jeunesse et François Hollande est désor- mais largement consommé et il faudra bien plus que l'ouverture de quelques salles de shoot pour qu'elle voie à nouveau l'avenir en rose. “Le gouvernement a sacrifié l'appren- tissage. Pendant deux ans, il a supprimé les aides à l'embauche des jeunes apprentis” “Où est la défense du mérite républic- ain quand sa ministre de l'Education assume un discours anti-élite, détrui- sant, avec sa réforme du collège, les classes bi-langues et l'enseignement des langues anciennes au nom d'un égalitarisme forcené?

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Tribune d'Olivier Vial, directeur du CERU et président de l'UNI, publiée le 6 mai 2015 sur Figaro Vox

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  • Franois Hollande et les jeunes: les raisons d'un divorce

    Tribune publie le 6 mai 2015

    Par Olivier Vial, Directeur du CERU (Centre d'tudes et de recherches universitaires), Prsident de lUNI.

    Ni parader sur le plateau de la nouvelle dition de Canal +, ni reprendre son sempiternel refrain la jeunesse est ma priorit ne suffit constituer une politique pour la jeunesse. C'est pourquoi, aprs trois ans de mandat, la jeunesse a tourn le dos Franois Hollande.

    Si les jeunes n'ont jamais t aussi dsenchants et critiques vis--vis des politiques et des institutions, comme l'atteste une enqute ralise en 2014 pour France Tlvisions, il faut bien reconnatre qu'ils ont des raisons pour cela. Les postures jeunistes de la commu-nication du Prsident ne suffisent plus faire oublier les dgts causs par sa politique.

    En 2012, Franois Hollande s'tait auto-proclam prsident des tudiants allant jusqu' leur faire miroiter l'ide d'une allocation d'autonomie. Trois ans aprs, plutt que de leur remplir les poches, il s'est rgulirement servi dedans! Par deux fois, il a ainsi essay de

    supprimer les bourses au mrite. Aujourd'hui encore, sa majorit souhaite rduire drastique-ment les aides au logement pour les tudiants, ce qui pnalisera prs de 700 000 d'entre

    eux. Quant sa politique fiscale, elle a essor les familles qui ont par consquent de plus en plus de difficults soutenir matriellement leurs enfants qui poursuivent des tudes.

    A ces premires dconvenues sont venues s'ajouter bien des renie-ments. Le jour de son entre en fonction, Franois Hollande s'tait plac sous le patronage de l'litisme rpublicain de Jules Ferry. On ne peut que s'interroger sur ce qu'il en reste aujourd'hui. O est la dfense du mrite rpublicain quand sa ministre de l'Education assume un discours anti-lite, dtruisant, avec sa rforme du collge, les classes bi-langues et l'enseignement des langues anciennes au nom d'un galitarisme forcen? Quant aux universits, elles dcou-vrent depuis quelques mois, ce que valent les engagements du gouvernement. Ce dernier ayant dcid de ponctionner 100 millions d'euros dans les fonds de roulement des universits et des coles les plus vertueuses pour financer celles qui n'ont pas fait autant d'efforts. Avec les socialistes, c'est la revanche de la cigale sur la fourmi.

    Les dsillusions ne se limitent pas l'ducation. Malgr les promesses et l'utilisation massive de contrats aids, les difficults des jeunes pour trouver un emploi continuent de s'aggraver. Les derniers chiffres du chmage montrent bien que c'est la situation des 18-25 ans qui se dtriore le plus rapidement (+ 1% en mars et + 1,5 % sur l'anne). Ils sont de loin la population la plus frappe par le chmage (23,7 % des 18-25 ans sont au chmage contre 10,4 % pour l'ensemble de la population).

    Plus grave, pour conomiser 550 millions d'euros et ainsi financer partiellement sa politique d'emplois aids, le gouvernement a sacrifi l'apprentissage. Pendant deux ans, il a supprim les aides l'embauche des jeunes apprentis pour les petites entreprises. Le rsultat d'une telle politique, c'est que le nombre d'apprentis en France a atteint son plus bas niveau depuis 10 ans. Dsormais cette filire, pourtant plbiscite par les jeunes, est en grande difficult, le nombre d'apprentis ayant chut de 8 % en 2013 et encore de 3 % en 2014.

    Dconvenues sociales, reniements des valeurs et des promesses, chec de la politique de l'emploi, on pourrait mme citer la question de l'inscurit pour expliquer le rejet de la politique de Hollande chez les jeunes. En effet, on oublie trop souvent de rappeler que, aujourd'hui, ce sont les 14-24 ans qui sont les principales victimes de l'inscurit. Ils sont 8,4 % contre 3,5 % pour l'ensemble des Franais dclarer avoir t victimes d'un vol ou d'une tentative de vol selon la dernire enqute INSEE sur le cadre de vie et la scurit.

    Voil pourquoi aprs avoir majoritairement vot pour Franois Hollande lors de l'lection prsidentielle (54 %), les 18-25 ans s'en sont dsormais dtourns. Les enqutes d'opinion rcentes montrent d'ailleurs que Franois Hollande et le PS sont rtrograds en troisime position dans le coeur des jeunes (17 %), loin derrire l'UMP (31%) et le FN (28 %) (sondage IFOP sur intentions de vote pour les dpartementales mars 2015). Ce qui constitue le fait le plus nouveau, c'est que les 18-25 ans se positionnent dsormais moins gauche que la moyenne des Franais (19 % selon la mme enqute).

    Le divorce entre la jeunesse et Franois Hollande est dsor-mais largement consomm et il faudra bien plus que l'ouverture de quelques salles de shoot pour qu'elle voie nouveau l'avenir en rose.

    Le gouvernement a sacrifi l'appren-tissage. Pendant deux ans, il a supprim les aides l'embauche des jeunes apprentis

    O est la dfense du mrite rpublic-ain quand sa ministre de l'Education assume un discours anti-lite, dtrui-sant, avec sa rforme du collge, les classes bi-langues et l'enseignement des langues anciennes au nom d'un galitarisme forcen?