travailleurs-euses dans...

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Bulletin d’information Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs 16, rue des Chaudronniers - case postale 3287 - 1211 Genève 3 - tél. 022 818 03 00 fax. 022 818 03 99 - www.sit-syndicat.ch - courriel : [email protected] Un secteur et des travailleurs-euses dans l'ombre Régularisons les sans-papiers et le secteur de l'économie domestique Septembre 2004 - N o 93

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Bulletin d’informationSyndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs16, rue des Chaudronniers - case postale 3287 - 1211 Genève 3 - tél. 022 818 03 00fax. 022 818 03 99 - www.sit-syndicat.ch - courriel : [email protected]

Un secteur

et des

travailleurs-euses

dans l'ombre

Régularisons

les sans-papiers

et le secteur

de l'économie

domestique

Septembre 2004 - No 93

Préambule…

Les personnes sans-statut à Genève sont dans leur écrasante majori-té des gens parfaitement honnêtes qui font tout pour se fondre dans lamasse. Jamais ils ne voleront un journal dans une caissette ou neprendront le bus sans leur billet en poche, afin de ne prendre aucunrisque de contrôle. Ces personnes sont pour la plupart éduquées et enbonne santé (…) Elles arrivent chez nous très motivées, sachant queleur séjour se fait en violation des règles relatives à la migration. Ellessont là pour essayer de gagner le plus vite possible de l’argent dontune bonne partie sera envoyée dans leur pays d’origine. Toutes cespersonnes donnent beaucoup à Genève. Elles répondent aux caren-ces actuelles en matière de place dans les crèches, à la demande enmain d’œuvre non qualifiée des petites entreprises qui ne peuvent ob-tenir des autorisations de travail en raison de la rigueur de la législa-tion fédérale.

Pascale Byrne-Suttonauteure d’un mémoire «Sans-papiers, quelle situation à Genève ?»

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Voilà déjà plusieurs années que leSIT se bat au premier rang pour une ré-gularisation collective des travailleurset travailleuses sans statut légal,c’est-à-dire toutes ces cohortes de per-sonnes qui composent les secteurs lesplus précaires de l’immigration : lessans-papiers.

En avril 2002, notre syndicat publiaitune brochure «Contre la précarité,régularisons les sans-papiers» danslaquelle il tentait de faire «sortir del’ombre» cette catégorie de travail-leurs-euses victimes d’une hypocrisiela plus totale. Il n’est plus acceptablede fermer les yeux sur ce problème desociété, ni d’accepter et de tolérer quedes milliers de ressortissant-e-s étran-gers-ères, sans statut légal (autre quecelui, au départ, de simple touriste)soient honteusement exploités. Sansaucune protection légale, sans réelcontrôle des services officiels sur lesemployeurs !

Pour les autorités, les choses sontsimples : ces personnes n’existent pasofficiellement, elles peuvent dès lorsêtre employées dans les activités quene veulent plus assurer les travail-leurs-euses locaux-ales, à des salairesdéfiant toute concurrence… et toutedécence. Elles peuvent également êtrelogées dans des conditions inaccepta-bles, tant du point de vue humain (êtreentassés à plusieurs dans un apparte-ment exigu, comme à la "belle" époquedes saisonniers) que financier, avecdes loyers prohibitifs; elles peuventséjourner chez nous sans coûter un souà la collectivité, ni être couvertes auniveau des assurances…

Par contre, il n’est pas rare que leursmaigres ressources soient amputéesd’un montant saisi à la source pour les

impôts et pour l’AVS ! Cette dernièresituation relève de ce que l’on appellecommunément le «travail au gris». Enfait, ces milliers de travailleuses et detravailleurs sont hypocritement tolé-ré-e-s, voire encouragé-e-s à resterchez nous, car ils et elles sont indispen-sables à la bonne marche de notreéconomie intérieure. Sans eux, dessecteurs entiers tels que l’hôtellerie,l’agriculture et, surtout, l’économiedomestique, seraient en crise.

La politique de la Confédération enmatière d’immigration est constituéede deux cercles. Le système binaire envigueur distingue en gros deux caté-gories de migrant-e-s : les privilé-gié-e-s, provenant des pays membresde l’Union européenne (UE) et les reje-té-e-s, provenant du reste du monde. Ilperpétue les logiques de catégorisa-tions et de subtils cloisonnements àl’œuvre depuis des décennies dansnotre pays. Cette politique a pourconséquence de laisser des pans en-tiers de l’économie hors de tout con-trôle, l’exemple le plus flagrant enétant l’économie domestique. Au ni-veau suisse, celle-ci emploie des dizai-nes de milliers de personnes; à Genèveseulement, on estime que ce sont plusde cinq mille personnes qui sont em-ployées dans ce secteur. La majoritéd’entre elles travaillent sans statut lé-gal, sans autorisation officielle… maiselles sont indispensables à la bonnemarche du secteur.

Depuis la publication de la brochurecitée ci-dessus, la situation collective etobjective des sans-papiers - pour ce quiconcerne Genève - n’a guère évolué ence qui concerne leurs conditions de vie,mais, cependant, beaucoup d’événe-ments se sont produits depuis lors.

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Comment la situationa évolué depuis deux ans

Au niveau syndical : renforcementde l'équipe de travail du SIT en chargede l’accueil des salarié-e-s sans-pa-piers, de leur défense collective et dusuivi des dossiers; poursuite de l’accu-mulation des données concernantcette catégorie particulière de sala-rié-e-s. Des permanences hebdoma-daires sont assurées par l’équipe et desmilitant-e-s et ce sont, à ce jour, desmilliers de personnes qui se sont pré-sentées au SIT et se sont regroupéespour donner encore plus de poidsdans les actions à mener; dès lors, par-ticipation à toutes initiatives suscepti-bles de faire «sortir de l’ombre» cescohortes de travailleurs-euses sans sta-tut légal, au niveau cantonal, commeau niveau fédéral. L’équipe du SIT res-ponsable de la migration est cons-ciente de jouer un rôle de «leadership»sur ce dossier, compte tenu de son ex-périence et de l’ampleur des activitésdéployées. La grande majorité desdossiers constitués servant de levier àl’action collective en cours émanentd’ailleurs de notre syndicat.

L’action ainsi initiée ne cesse de serenforcer au fil des mois grâce à la miseen commun des forces émanant dessans-papiers eux-mêmes avec cellesregroupées au sein du Collectif de dé-fense des sans-papiers; des forces quis’avéreront indispensables sur ladurée, compte tenu des énormes obs-tacles qu’il s’agira encore de surmon-ter, tout particulièrement auprès de laBerne fédérale.

Mais cette mobilisation n’évite pas, àl’occasion, les interventions en ur-gence que le SIT a dû entreprendre au-près des services cantonaux de lapolice et de la population pour empê-cher des expulsions intempestives :c’est ainsi que certaines demandes derégularisation à titre individuel et hu-manitaire ont été parfois déposées,mais aussi lorsque des raisons de santél’imposaient.

Précisons encore que toute personnese déclarant auprès du SIT est munied’une procuration attestant qu’elle estconnue du SIT et défendue par lui; undocument qu’elle peut produire en casde contrôle et d’arrestation par la po-lice… et qui s’avère, dans les faits, fortutile et appréciable. Il est bon de préci-ser que depuis que le mouvement dedéfense a été reconnu par les autorités,une sorte de moratoire a été établi met-tant ainsi fin à la pratique d’expulsion«manu militari».

Au niveau cantonal

L’action collective et unitaire dedéfense des sans-papiers englobe tousles syndicats du canton, de nombreu-ses associations sociales et de défensedes droits humains… et, bien sûr, lessans-papiers eux-mêmes. Elle apermis l’ouverture de contacts et dediscussions que l’on peut qualifier depositifs et de profitables, du moinsavec les autorités cantonales, tantlégislatives qu'administratives. Missous pression par le dépôt, en deux

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temps, de quelque 2500 demandesrevendiquant une régularisation col-lective de leur situation (et représen-tant près de 5000 personnes, conjointset enfants compris), le Conseil d’État etle Grand Conseil ont été amenés àprendre plusieurs initiatives.

En automne 2003, le Parlement can-tonal adoptait à une nette majorité unemotion «invitant le Conseil d’État à agiraux niveaux cantonal et fédéral pouraméliorer le sort des travailleurs-eusesclandestin-e-s et tenter de leur accorder unstatut légal».

Au début 2004, le Conseil d’État,donnant suite à cette invite, ouvraitune gamme de procédures en vue derégler de façon la plus favorable possi-ble la situation des sans-papiers, dansles limites du droit fédéral, qui nelaisse que peu de marge de manœuvreau canton. Par lettre, il invitait les or-ganisations membres du Collectif desoutien aux sans-papiers «à présenter àl’Office cantonal de la population, d’ores etdéjà en priorité, les dossiers de toutes lespersonnes dont la régularisation seraitpossible selon les critères actuels contenusdans la circulaire fédérale de décembre2001 (dite circulaire Metzler), afin de nepas prolonger sans raison leur situationprécaire». Il désignait ensuite une com-mission d’experts chargée en particu-l i e r « d ’ e x a m i n e r l e s q u e s t i o n sfondamentales que soulève la demande derégularisation collective des sans-papiers,de faire toute proposition utile permettantla mise en œuvre de l’invite du GrandConseil, de préparer les bases d’unerencontre du Conseil d’État avec lesautorités fédérales et de travailler en coor-dination avec le Conseil de surveillance dumarché de l’emploi…».

Sitôt désignée, la commission,composée de cinq personnes etprésidée par l’ancien Conseiller d’État

Dominique Föllmi, s’est mise au tra-vail dès février 2004. De son côté, leConseil de surveillance du marché del’emploi a constitué un groupe de tra-vail tripartite (État, syndicats etpatronat) sur la question spécifique del’important secteur de l’économiedomestique, qui est, chiffres à l’appui,de loin le plus grand pourvoyeurd’emplois pour les sans-papiers.Enfin, un mandat était donné, ceprintemps, à l’Université de Genève(équipe du professeur Flückiger) pourmener une étude sur cette mêmeéconomie domestique, secteur profon-dément atypique composé de milliersd’employeurs, disparates et éclatésdans leurs besoins et motivations…

Le Conseil de surveillance, quant àlui, a été chargé d’approfondir les ca-ractéristiques de ce même secteur encollaboration étroite avec les experts eten complément à l’étude universitairecommanditée. Plus précisément : fairedes propositions-cadre en matière dedroit du travail, en vue de faire le lienentre autorisation de travail et permisde séjour sur territoire suisse.

Voilà des avancées n’engageant pasencore beaucoup les autorités, pour-ra-t-on observer, mais elles représen-tent un saut qualitatif très appréciabledans la grisaille ambiante et elles ont lemérite de vouloir faire la lumière surdes secteurs de travail jusqu’à au-jourd’hui dédaignés ou considéréspeu productifs, comme l’économiedomestique; du même coup, ellesaboutiront inéluctablement à faire sor-tir de l’ombre les personnes qui y tra-vaillent. A ce stade, ces initiativesrelèvent déjà du cas particulier et fontapparaître encore un peu plus Genèvecomme un «sonderfall» dans la géopo-litique suisse !

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Au niveau fédéral

Hélas, rien de bien nouveau sur ceplan-là. Pire : le parlement fédéral estsur le point d’adopter - le vote final nefait aucun doute - la fameuse nouvelleloi sur les étrangers, la LEtr, tantcontestée par nos milieux. Cette loi est,dans son ensemble, négative; elle peutêtre affublée du terme de bricolage, carelle n’est que la juxtaposition de diver-ses ordonnances déjà en vigueur etn’anticipe guère sur les besoins futursde la Suisse en matière d’immigration.De plus elle se caractérise par une ab-sence totale de courage, car elle refusetoute clarification des principes debase des politiques des migrations.Elle manque une occasion historiqued’affirmer une attitude plus ouverte àl’égard de l’altérité; elle ne contient au-cune ligne directrice ni ne donne au-cun autre message au peuple suisseque celui marqué du sceau de la xéno-phobie et de la discrimination.

Dans notre document paru il y adeux ans, nous disions déjà : «La LEtrest conçue par ses promoteurs comme l’in-strument d’une réelle politique migratoireet d’intégration… pour mieux en faire ab-straction par la suite: elle est une coquillevide sans analyse ni proposition concrète.La LEtr introduit au niveau législatif deszones de non-droit et des discriminationssupplémentaires pour les non-européens,tels que ceux concernant l’assur-ance-chômage, le type de permis de séjour,le changement d’employeur ou de can-ton… La philosophie de Berne peut serésumer ainsi : la libre circulationcontenue dans les accords bilatéraux avecl’Union européenne (et donc limitée auxressortissant-e-s des pays qui en sontmembres) va résoudre tous les problèmesau niveau de l’emploi; il s’agit d’opter pourune politique d’immigration binaire et

qualitative, avec les seuls pays de l’Unioneuropéenne».

En outre, les tout nouveaux accordsbilatéraux (contestés d’ailleurs par lespopulistes) n’empêcheront pas l’accu-mulation des problèmes et des compli-cations dans le domaine des politiquesde l’immigration et de l’asile : les vi-sées de Berne apparaissent pour lemoins fragiles et illusoires, si l'onsonge à l’isolement dans lequel notrepays est confiné dans ces domaines.

La non adhésion à l’UE reste unevoie sans issue pour la Suisse. Cela dit,la LEtr, complétée par les ordonnancesfédérales, va précariser et clandestini-ser encore plus qu’aujourd’hui les tra-vailleurs-euses de plusieurs secteurséconomiques – bâtiment, hôtellerie,agriculture, nettoyage – qui, à la fa-veur de la dernière crise, avaientconnu un certain assainissement. LaLEtr, en terme de trompe-l’œil, va en-fin supprimer officiellement le statutde saisonnier – plus guère utilisé de-puis déjà des années à Genève – maislaisse le champ libre à de nouveauxstatuts encore plus précaires. Elle vapousser les immigré-e-s sans aucunechance d’être stabilisé-e-s dans la clan-destinité. Cette loi est une véritablemachine à fabriquer les sans-papiers !

C’est donc cette loi négative et, dansles faits, xénophobe et discriminatoire,qui est sur le point d’être adoptée parles chambres fédérales et qu’il s’agirade combattre par les moyens qui sontles nôtres, dans toutes les occasionsqui se présenteront. Notre premieracte de refus sera de la contester par lavoie référendaire… car les parlemen-taires, dans leur majorité, dans ce cascomme dans beaucoup d’autres, nesemblent plus savoir la significationdes droits humains. Moralement par-lant, ils/elles ne sont plus crédibles !

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Précision :il y a «sans-papiers et sans-papiers»

Il convient, en premier lieu, d’insis-ter sur le fait qu’il existe trop souventune confusion entre «travail clandes-tin ou semi-clandestin» (travail au gris,lorsque le/la travailleur-euse est dé-claré-e auprès des assurances de base)et «travail au noir». Cette confusionsemble sciemment entretenue, y com-pris par les autorités fédérales.

Le travail au noir est celui qui estassumé par toute personne n’étant niannoncée ni déclarée auprès des assur-ances sociales ni auprès du fisc; il peutêtre le fait de toute personne en posses-sion ou non d’une autorisation de tra-vail : Suisse, immigré-e ( en possessiond’un permis B ou C), requérant-ed’asile, sans-papiers, étudiant-e…

Le travail clandestin, outre qu’iléchappe aux assurances sociales et aufisc, est assumé par une personne sansstatut légal, un sans-papiers.

Enfin, le travail au gris est égale-ment accompli par une personne sansstatut légal mais (oh hypocrisie !), il estdéclaré auprès des assurances sociales,voire même auprès des impôts… sansque personne n’y trouve à redire !

Définitions

Dans le cadre des travaux de la Commis-sion d’évaluation des politiques publiques(CEPP), un groupe universitaire du Forumsuisse pour l’étude des migrations et de lapopulation définit ainsi le travail clandestin :« le travail illégal des migrants sans permisde séjour (et donc sans autorisation de tra-vail) se situe à l’intersection du phénomènedes migrations irrégulières et de celui du tra-vail non déclaré, mais il est erroné – quoiquetrès courant – d’assimiler ces deux

phénomènes. Cela dit, la terminologiecourante elle-même est révélatrice du flouexistant entre différents phénomènes. Letravail clandestin est également souventassimilé au «travail au noir» qu’il s’agissed’une violation des dispositions du droitsdes étrangers, de celles portant sur les con-tributions publiques ou sur les assurancessociales, ou encore des normes régissant ledroit du travail.Une étude du Fonds national de la recher-che scientifique (FNRS) estime qu’environun tiers des activités non déclarées enSuisse est effectué par des personnes denationalité étrangère, qu’elles soient aubénéfice d’un permis de travail ou non (…).Si, comme déjà relevé avant, la question dutravail au noir (non déclaré) est clairement àdistinguer du travail clandestin, il n’en restepas moins que la plupart des migrantsdépourvu d’un statut de séjour – sans lequelil est impossible d’obtenir une autorisationde travail en Suisse – font appel au travailclandestin pour assurer leur existence. Maisil faut mentionner que l’activité clandestineen violation des dispositions du droit desétrangers peut parfaitement être en règlesur tous les autres plans (impôts, assur-ances sociales, normes régissant le travail):il s’agit en quelque sorte d’un «emploiclandestin déclaré», souvent désignécomme «travail au gris». Par opposition, le«travail non déclaré» peut concerner desSuisses aussi bien que des résidentsréguliers. Par travail non déclaré, il faut en-tendre «toute activité rémunérée, de naturelégale, mais non déclarée aux pouvoirspublics».Le groupe de chercheurs relève encore uneautre confusion concernant les différentesétapes des trajectoires des migrant-e-s ensituation irrégulière, qui peuvent êtreentré-e-s légalement ou illégalement enSuisse et avoir séjourné de manière légale(overstayers) ou non avant de se retrouveren situation clandestine.

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Autre confusion, celle entretenuepar certains défenseurs du droitsd’asile qui emploient le terme desans-papiers pour qualifier ainsi les re-quérant-e-s d’asile qui ont été débou-té-e-s et se sont vu-e-s refuser l’asile).Ces derniers sont bien des «sans-pa-piers» dès lors qu’ils choisissent de res-ter en Suisse, dans la clandestinité,après avoir épuisé toutes les procédu-res pour obtenir, en vain, le statut deréfugié-e-s. Mais les sans-papiers dontnous parlons abondamment dans laprésente brochure ne sont pas arri-vé-e-s en Suisse via la procédured’asile, ils/elles ne demandent pasl’asile à notre pays et se trouvent cheznous comme «simples» travail-leurs-euses migrant-e-s, en quête detravail, après être arrivé-e-s sur solsuisse en tant que touristes !

La confusion relevée avant n’est enfait profitable ni à l’une ni à l’autre deces deux catégories : la première relèvede la Loi fédérale sur l’asile et doit êtredéfendue dans ce cadre-là, la secondeest à considérer comme populationmigrante intégrée dès son arrivée dansle monde du travail, et concerne la Loifédérale sur le séjour des étrangers.Car, dans les faits, on ne le répétera ja-mais assez, en raison du système decontingent de la main-d’œuvre étran-gère, le nombre de permis octroyésaux cantons n’est pas suffisant pour ré-pondre aux besoins des entreprises.Les autorisations de séjour sont accor-dées principalement aux entreprisesde la nouvelle économie et aux multi-nationales, pour engager du personnel(hautement) qualifié et spécialisé, et ilne reste donc plus de permis à disposi-tion pour les secteurs moins «porteurset prestigieux» comme l’économie do-mestique.

Les sans-papiers effectuent les tra-vaux les plus pénibles et les moins bienrémunérés, ceux que les travail-leurs-euses suisses ou immigré-e-s enpossession d’un permis de séjour oud’établissement ne veulent plus occu-per ! Les estimations statistiques relati-ves aux clandestin-e-s vivant en Suissechiffrent leur nombre à quelques200’000; elles semblent rester dans lesfourchettes similaires à celles d’il y aune dizaine d’années.

Ce constat, selon des chercheurs,tendrait à confirmer l’affirmationselon laquelle l’arrivée des mi-grant-e-s répond plus aux besoinsstructurels de l’économie qu’à lasituation de pauvreté sévissantdans les pays d’exil.

(Valli Marcelli, «Les migrants sanspermis de séjour à Lausanne»).

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L’économie domestiqueau cœur du problème

Si, en se fondant sur les données sta-tistiques accumulées dans le cadre del’action syndicale, l’on se penche surl’exemple particulier de Genève, lesgrandes tendances suivantes peuventêtre observées : par définition Genèveest un canton urbain, un canton-ville àforte vocation internationale. Aussin’est-il pas étonnant que les sans-pa-piers y soient quasiment tous et toutesemployé-e-s dans le secteur tertiaire, etsubséquemment dans l’économie do-mestique. La grande majorité dessans-papiers sont des femmes, en pro-venance surtout d’Amérique latine.

En tant qu’entité employeuse,l’économie domestique est un secteuréclaté, hybride, inorganisé, laissant lechamp libre à toutes les formes d’ex-ploitation, en particulier en ce quiconcerne les conditions de travail. Dufait que les travailleurs-euses sans-pa-piers sont sans défense et ne peuventpas faire valoir normalement leursdroits, les employeurs - par ignorance,par facilité ou de façon délibérée - nerespectent pas les conditions exigéespar la législation et par les contratstypes du secteur, comme cela estsouvent le cas pour les emplois desfemmes de ménage ou autresemployé-e-s domestiques. Ces condi-tions sont déjà extrêmement précaireset insuffisantes. Les employées(puisque femmes en nette majorité)sont livrées à elles-mêmes et setrouvent confrontées à une addition deproblèmes et de difficultés, tantmatérielles que psychologiques,s’enchaînant les uns aux autres.

Économie domestique et sans-pa-piers, voilà un couple qui semble doncfaire bon ménage dans notre pays !Au-delà de ce jeu de mot facile, tout lemonde sait, des autorités au citoyenlambda, que la majorité des emplois deménage sont assumés par des person-nes, femmes essentiellement, sans sta-tut légal, sans permis de travail. Ellestravaillent sans aucune protection lé-gale ni sociale. Ce ne sont pourtant pasdes fantômes : elles sont parmi nous,visibles par tout le monde, puisqu’el-les font le ménage dans tous les coinsde la ville, chez ma voisine, chez le mé-decin du quartier, dans la villa du di-recteur de telle ou telle boîte, en face,dans les locaux de l’étude des avocatsX bien connus, même chez moi,peut-être ! Faut-il le préciser, les fem-mes de ménage et autres employéesdomestiques qui ne seraient pasclandestines… travaillent la plupartdu temps au noir, sans être déclarées àl’AVS et autres assurances !

Le problème soulevé par l’économiedomestique n’est pas nouveau; dansnotre brochure précédente, nous met-tions en exergue que le travail clandes-tin y est très ancien et qu’en Suisse, il apris une dimension collective touteparticulière dès les années 1960,lorsque les femmes de saisonniers ac-compagnaient clandestinement leursépoux et faisaient des ménages, pourcompléter le revenu familial. Et déjà auvu et au su de tout le monde !

Pour sortir de l’ombre ce secteur,nous posions une série de questions et

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formulions un éventail de proposi-tions. En bref :

• renforcement du dispositif et duréseau des EMS (établissementsmédico-sociaux pour personnesâgées), crèches et autres lieuxd’accueil, et création d’emplois enconséquence;

• renforcement du secteur des ser-vices d’aide à domicile;

• mise sur pied d’une instance canto-nale de contrôle afin de faire re-specter les contrats-types (la plupartdu temps méconnus par lesemployeurs) régissant l’économiedomestique;

• modification de la loi fédérale pourfaciliter l’octroi de permis de séjouret de travail dans ce secteur en pleindéveloppement, de la mêmemanière que ce qui a été mis sur piedpour les secteurs de l’hôtellerie, dela restauration et de l’agriculture;

• mise sur pied d’un système centrali-sé (un chèque emploi) permettantaux employeurs de déclarer leurfemme de ménage aux assurancesociales et aux impôts.Tout cela supposant qu’un inven-

taire minutieux soit entrepris en ce quiconcerne les besoins globaux du can-ton dans le domaine de l’économiedomestique et sur l’état actuel desemplois dans le secteur, cela à l’aide derecherches et d’études universitaires.

Quel écho nos propositions et nosdemandes collectives ont-elles reçuauprès des autorités cantonales, Con-seil d’État et Grand Conseil réunis ?Plutôt favorables, si l’on évalue lesprogrès réalisés et les avancées faitesdepuis un certain nombre de mois.

Rappel :

• janvier 2004 : mise sur pied par leDépartement de l’action sociale etde la santé du «chèque service» dansl’économie domestique (voir plusloin) visant à mettre de l’ordre dansles rapports salariaux entre em-ployés et employeurs et à faciliter letravail administratif de ces derniersvis-à-vis des assurances et du fisc;

• mars 2004 : constitution d’ungroupe de travail au sein du Conseilde surveillance du marché del’emploi (qui réunit l’ensemble despartenaires sociaux du canton). Cegroupe est chargé de définir et préci-ser le cadre employeur de l’éco-nomie domestique et de faire despropositions d’amélioration, via lecontrat-type de travail, de l’en-semble du secteur;

• printemps 2004 : mandat donné àl’Université de Genève, faculté dessciences économiques et sociales(professeur Yves Flückiger) pourmieux cerner les contours de cet em-ployeur atypique “à directions mul-tiples” et inventorier les besoins enterme d’emploi. Perspective de cetravail de recherche : définir les be-soins en matière d’emploi, donc depermis de travail et d’autorisationsde séjour;

• juillet 2004 : entrée en vigueur dunouveau contrat-type de travailédicté par la Chambre des relationscollectives de travail, après consul-tation des syndicats du secteur,dont, bien entendu, le SIT. Ce con-trat-type concerne dorénavant aussibien les travailleurs-euses à tempspartiel que ceux à temps complet(antérieurement, il existait deuxcontrats-type distinguant ces deuxcatégories d’employé-e-s).

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L’économie domestique :tout d’abord un problème d’emploiset … d’employeurs «clandestins»

Vérité de la Palice : les sans-papiersne seraient pas des travailleurs-eusessans statut légal, s’il n’y avait pas, enpremier lieu, des emplois non déclaréspar les employeurs sur le marché dutravail. Sans du tout émettre ici un ju-gement à connotation morale, l’éco-nomie domestique, il faut bien lanommer ainsi, est un secteur clandes-tin; les employeurs se fondent pour laplupart dans l’incognito de la cité deCalvin; ils n’existent pas officielle-ment, mais, oh hypocrisie, ils em-ploient un-e clandestin-e au vu et au sude tout le monde, y compris des auto-rités.

Totalement atypique, à nul autrecomparable, du fait qu’il se situe histo-riquement à la charnière de l’emploisalarié et de l’activité familiale béné-vole, le secteur se caractérise par unesorte de flou artistique, sans structureni organisation, disséminé qu’il est ausein du tissu social de toute la popula-tion. L’emploi domestique, au risqued’être une résurgence de l’esclavage,doit nécessairement subir une pro-fonde adaptation liée aux transforma-tions de notre société postindustrielleet moderne. Car l’économie domes-tique fait appel aujourd’hui à des acti-vités professionnelles au même titreque les autres secteurs économiques.

Ce sont certes des emplois souventnon qualifiés, mais les contraintes quo-tidiennes qui y sont liées exigent unerémunération et des conditions de tra-vail correctes. Statistiques à l’appui

(voir plus loin), ce secteur emploieaujourd'hui des milliers de tra-vailleurs-euses, pour ce qui concerneseulement Genève.

La législation fédérale – la fameuseLEtr – devrait dès lors tenir compte decette nouvelle réalité et être modifiéeafin de permettre l’octroi de permis deséjour et de travail à ce secteur en pleindéveloppement (si l’on peut nommerainsi le fait que les emplois suppléentsouvent ici les carences de la collectivi-té), de la même manière que ce qui aété, dans les faits, mis en place en fa-veur d’autres secteurs, tels l’hôtellerie,la restauration et l’agriculture. Cettemodification devrait s’accompagnerd’une ouverture indispensable auxressortissant-e-s provenant des paysnon membres de l’UE, pour s’adapteraux réalités des travailleurs-euses ac-tuellement en place dans le secteur. Enagissant de la sorte, les autorités fédé-rales et cantonales se donneraient ainsiles moyens de maîtriser l’ensemble del’économie domestique.

D’un côté…

Les employeurs, au fil de nos perma-nences syndicales et des descriptionsqui en sont faites par les sans-papierseux-mêmes, apparaissent avec un pro-fil socio-démographique fort différentde celui des personnes qu’ils em-ploient. Ils sont en majorité d’originesuisse (près des deux tiers d’entre eux)et, lorsqu’ils sont étrangers, ils pro-viennent majoritairement d’un pays

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européen. Inversement aux sans-pa-piers, les employeurs sont en majoritéde sexe masculin, sont mariés et ontdes enfants; ils appartiennent à toutesles catégories sociales. Ce sont histori-quement des personnes aisées, de pro-fession libérale, faisant appel à desemployées domestiques, mais aussi àdes polyvalents, capables de conduireune voiture et tondre le gazon; ce sontdes familles de médecins, d’avocats,d’enseignants, etc, toutes fort occupéesprofessionnellement et centrées surleurs carrières… ce sont des personnesâgées, seules, handicapées ou sans his-toire, semblables à tout un chacun; el-les font appel à une femme de ménage,engagent un-e employé-e domestiquepolyvalent-e.

Les motivations de l’engagement detravailleurs-euses sans autorisation deséjour et, partant, sans autorisation detravail, apparaissent similaires entretous les employeurs. Raison princi-pale : faire des économies. Les em-ployeurs que nous avons pu contacterévoquent la difficulté de trouver de lamain-d’œuvre peu qualifiée au niveaude rémunération qu’ils souhaitentverser ! La concurrence existant dans

certains secteurs et l’urgence detrouver quelqu’un dans de brefs délaisaccroît encore la difficulté, selon eux,de trouver un-e employé-e en posses-sion d’une autorisation légale de sé-jour. Pour ces employeurs clandestins,il est relativement aisé de trouver unepersonne sans-papiers directementsur place; inutile de faire des démar-ches compliquées de recrutementdans des pays d’outre-mer : une maind’œuvre suffisante se trouve dispo-nible ici.

Ainsi, offre et demande de travailcorrespondent; il est même arrivéqu’un-e sans-papiers sanctionné-e ourentré-e spontanément dans son paysd’origine organise son propre rempla-cement en envoyant en Suisse une per-sonne de son réseau social ou familial.Mais, dans la presque totalité des casconnus, le recrutement s’opère directe-ment parmi les migrant-e-s se trouvantdéjà chez nous : par le biais du réseaupersonnel, par les offres spontanées desans-papiers, par des annonces pu-bliés dans les journaux, tant par desemployé-e-s que par des employeurs.

Malgré le risque lié à l’engagementd’une personne sans autorisation de

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séjour, les employeurs semblent per-durer dans la voie choisie, car ils sa-vent que les sanctions qu’ils peuventsubir, et que parfois ils subissent réel-lement (tout de même !) sont en géné-ral étonnamment légères (elles selimitent à des amendes, d’un montantsouvent dérisoire), sans aucune me-sure par rapport à celles qui peuvents’abattre sur leurs employé-e-s clan-destin-e-s, puisque dans ces cas, ils’agit d’arrestation, voire d’emprison-nement, puis de refoulement, de ren-voi, après une forte amende, à chaquefois supérieure à celle exigée de l’em-ployeur. L’expression «deux poids –deux mesures» prend ici tout son sens.

… et de l’autre

Les statistiques émanant des perma-nences syndicales confirment sans au-cune ambiguïté le constat qui précède :le secteur de l’économie domestiqueest de loin l’employeur cumulant net-tement le plus d’emplois précaires,non déclarés et illégaux… Plus desdeux tiers des personnes s’étant pré-sentées dans nos locaux y travaillent.Ce pourcentage augmente encore si

l’on aborde la question sous l’angledes emplois (les femmes de ménagesoccupant simultanément plusieurspostes à temps partiel) : 78% des em-plois proviennent de ce secteur. Lesfemmes qui y sont employées – carl’emploi domestique, dans nos socié-tés machistes, reste encore un secteuressentiellement féminin – sont en butteà une multitude de problèmes. Ellesremplissent les tâches de ménage, degarde d’enfants, de cuisine et de soinsde base aux personnes dépendantes,surtout des personnes âgées ou mala-des. La majorité des femmes concer-nées est contrainte de multiplier lesemplois pour survivre, un employeur(une famille, un couple ou une per-sonne seule) proposant en général untravail hebdomadaire de deux-troisheures. D’autres clandestines occu-pent cependant des emplois fixes chezdes personnes âgées ayant les moyensde verser un salaire et ne voulant pas,ou ne pouvant pas (faute de place) êtreplacées dans un EMS ou encore, dansdes familles pour la garde des enfantsd’âge préscolaire, à défaut, là encore,de places suffisantes dans les crèchesou garderies.

On le voit, les emplois dans l’éco-nomie domestique sont sans limites, ced’autant plus que les carences en équi-pements collectifs vont aller en s’am-plifiant, compte tenu des facteursdémographiques (notamment vieillis-sement de la population) et des atta-ques incessantes des partis de droite etdes milieux patronaux contre les servi-ces publics et contre ce qu’il rested’État social.

Le nombre d’employé-e-s dans lesecteur, certes souvent à temps partiel,correspond d’ailleurs à la fourchetterelevée dans nos statistiques : entre 5 à7000.

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Exemples de situationsconcrètes… et vécues

Voici, au fil des pages, quelques exemples de situations réelles.

Maribel et Raynaldo

Maribel et Raynaldo sont originaires desPhilippines. Sans se connaître auparavant– elle venant directement de Manille, lui deSéoul, après avoir vainement tenté sachance en Corée du Sud – ils débarquent àfin 1993, à quelques jours de différence.C’est donc à Genève, clandestins, qu’ils sesont connus, courant 1994, et qu’ilsunissent leurs destinées. De leur union naîtleur fils Jason au printemps 1995. Aprèsmaints péripéties, ils continuent à vivre et àtravailler à Genève, sans statut légal, 11ans après leur arrivée.

Maribel se souvient très bien de son pre-mier emploi, début 94, mémorable à plusd’un titre. Employée de maison dans la fa-mille d’un médecin, quasiment dès son ar-rivée, elle a dû séjourner (devoir, synonymede contrainte, est bien le verbe qu’elleemploye au cours de la conversation) plu-sieurs semaines, en plein hiver, dans la sta-tion de Montana-Crans. Elle en parleencore avec pleins de frissons dans soncorps, comme si elle avait vécu une sorte decauchemar éveillé, elle avait peur de laneige, de la grande nature, elle avait peurde tout. Avec le recul, elle raconte bien sûrcela en souriant et en riant d’elle-même.Quelques mois plus tard, elle doit, sans pa-piers, suivre la famille dans le sud de laFrance, dans un des hauts lieux de lajet-set, Saint-Tropez. Là-bas, de nouveau,elle vit dans l’angoisse de se faire arrêter;mais, bien installée sur le siège arrière de lavoiture de ses employeurs, elle franchitsans encombre la frontière. Mal payée,avec un salaire mensuel de 1200 francs (desurcroît sans être logée), sans aucune as-surance de base, travaillant sans cesse (en

moyenne 12 heures par jour, six jours sursept) elle songe très vite à changer d’em-ployeur. Quasiment jusqu’à son accouche-ment, elle poursuit ses activités deménages dans plusieurs familles répartiesaux quatre coins de la ville. À la maternité,une relation très positive se construit avecl’assistante sociale qui l’entoure lors de sonséjour hospitalier et qui se démène sanscompter afin de trouver les fonds nécessai-res à la couverture de tous les frais de l’ac-couchement. Ladite assistante sociale, quideviendra par la suite la marraine du petitJason, à défaut de pouvoir le faire pour lamère, fait assurer ce dernier auprès d’unecaisse maladie.

Deux mois après la naissance de l’enfant,Maribel se remet de nouveau au travail enfaisant des ménages dans plusieurs famil-les, pour environ 20 heures par semaines.Depuis bientôt deux ans, elle travaille à100% chez une seule famille, commeemployée de maison polyvalente. Ce n’estque depuis quelques mois que l’employeur,suite à l’intervention du SIT, respecte enfinle contrat-type de l’économie domestique etqu’il a déclaré Maribel auprès des assuran-ces sociales de base (AVS/AI, assu-rance-maternité, assurance-accident,etc.

Raynaldo, après avoir travaillé à pleintemps dans un fitness, aux Acacias, netrouve par la suite que des emplois à tempspartiel, comme employé de maison pourl’entretien de jardins chez plusieurs famillesde la place. Ces horaires souples suivisd’un emploi à mi-temps durant la nuit, lui ontpermis, dès la naissance, de s’occuper del’enfant durant le travail de Maribel… unesorte de partage des tâches entre hommeet femme, version précarité et clandestinité.

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… Maribel et Raynaldo

Raynaldo travaille toujours à temps par-tiel… mais n’est toujours pas déclaré au-près des assurances sociales de base, niassuré auprès d’une caisse maladie, ce quiest par contre le cas pour Maribel depuisplus d’un an.

En mars 2003, bouleversement dans lerythme de vie relativement tranquille de lafamille : à peine après avoir emménagédans un nouvel appartement à Châtelaine,en tant que sous-locataires, Maribel se faitcontrôler par la police. Arrêtée puis trans-portée à l‘aéroport pour y être expulsée, ellesubit un interrogatoire de plusieurs heu-res… qui se révèle fort utile, puisque c’estau cours de cet épisode que les douaniersdécouvrent que Maribel avait un enfant etqu’elle était mariée. Elle est ramenée à lamaison où se poursuit l’interrogatoire, cettefois avec les policiers. C’est de là qu’ellepeut téléphoner à la fameuse assistante so-ciale de la maternité, qui lui conseille decontacter le consulat des Philippines puisde demander d’urgence l’aide du SIT. Cedernier dut une nouvelle fois déroger à larègle de l’action en cours pour une régulari-sation collective de tous-tes les sans-pa-piers concerné-e-s en déposant unedemande de permis de séjour à des fins hu-manitaires, cela pour éviter l’expulsion de lafamille. Maribel raconte tout cela, plus d’unan après ces événements, avec effroi; il s’enest fallu de peu qu’elle soit renvoyée sansson enfant, sans être en mesure de revoirRaynaldo.

Quelques mois après, compte tenu del’intégration exemplaire des intéressé-e-s,l’Office cantonal de la population préavisefavorablement pour l’octroi d’un permis au-près des autorités fédérales. L’affaire estdonc pendante, mais le plus dur a été fait.

Jason, qui a neuf ans, fréquente assidû-ment l’école primaire de Balexert, il terminesa 3e en juin 2004. Maribel parle avec fiertéde ses deux hommes: «vous vous rendez

compte ... Jason parle trois langues cou-ramment : le français, bien sûr, mais aussil’anglais ainsi que la langue de notre pays,un dialecte; il se met même à parler l’alle-mand qu’il a commencé à apprendre l’au-tomne dernier»; «à mon goût, rajoute-t-elle,il est un peu trop calme, voire renfermé,mais cela est certainement dû au fait qu’il aété un peu traumatisé par les événementsque nous avons vécu l’an passé; et puis ilest comme son père, il est très timide, maisils sont tellement gentils tous les deux» !

Reste encore un gros problème, qui a l’al-lure d’un scandale. Maribel et Raynaldo ontreçu chacun une amende d’un montant res-pectif de 5000 francs. C’est à n’y rien com-prendre : un service de l’État de Genèvepréavise en faveur de l’octroi d’un permis deséjour pour le couple, alors qu’un autre ser-vice sanctionne lourdement le mêmecouple, fautif de travailler clandestinement.On est une nouvelle fois en pleine hypo-crisie, voire, schizophrénie. 10’000 francsd’amende pour un couple qui gagne en toutet pour tout moins de 5000 francs bruts parmois, alors que tous deux envoient en plusde l’argent chaque mois à leur famille res-pective ! C’est vraiment difficile à avaler !Dans l’immédiat, le SIT a obtenu l’étalementdu payement de cette amende, à raison demensualités d’un montant respectif de 200francs, soit 400 au total. Précisons que, deson côté, l’employeur de Maribel a, lui, reçuune amende de ... 2000 francs !

L’employé-e est toujours plus lourdementsanctionné-e que l’employeur. Inégalité etinjustice, même dans ce genre de situation !Face aux amendes infligées, de façon arbi-traire d’ailleurs, on sent les sans-papiers ré-signé-e-s; ils/elles savent qu’ils/elles n’ontpas les mêmes droits que les locaux pour sedéfendre à armes égales et acceptentd’avaler des couleuvres car ils/elles ont unepeur constante d’être refoulé-e-s; ils/ellespréfèrent l’humiliation et l’amende à la sanc-tion maximum pour eux/elles que repré-sente un renvoi hors du pays !

Précarité et emplois féminins

Comment expliquer ce nombre éle-vé d’emplois et le fait qu’il concerne es-sentiellement les femmes ?

Traditionnellement, le travail de re-production éducation, soins aux en-fants, aux malades et aux personnesâgées, etc.) et les activités domestiquesen général ont été dévolus aux fem-mes. Mais ce type de travail "bénévole"a subi depuis quelques décenniesd’importantes mutations et la de-mande a fortement augmenté. Quel-ques explications en vrac.• Tant le niveau de formation que le

taux d’activité professionnelles desfemmes habitant la Suisse se sontfortement accrus ces dernièresdécennies. Bien qu’inférieur à lamoyenne de beaucoup de pays eu-ropéens, le pourcentage des femmesayant une activité professionnelle etune vie active en dehors de leurfoyer a fortement augmenté depuisles années 1960; ces femmes, à justetitre, entendent accéder et bénéficierd’une véritable indépendance éco-nomique. De toute manière, haussedu coût de la vie et pression cons-tante sur les salaires rendent impos-sible, pour de nombreuses famillesavec enfants, de vivre avec un seulsalaire… d’où la nécessité d’engagerune employée de maison. Le cerclevicieux, quoi !

• Nombreuses sont donc les famillesoù les deux conjoints travaillent àl’extérieur; une plus juste répartitiondes tâches quotidiennes entrehomme et femme est rendue diffi-cile, voire impossible, par l’insuffi-sance des solutions à l’extérieurpour les enfants, en particulier, les

places d’accueil, les activités para etpériscolaires.

• Les conditions d'un partage équi-table des tâches éducatives, ména-gères et de soins entre femmes ethommes sont nettement insuffisan-tes. Même constat en ce qui concernele manque de coordination et d’har-monisation des horaires scolaires, ladurée de travail souvent trop élevéeet les salaires insuffisants, tout celane permet pas aux parents de seconsacrer suffisamment aux tâchesde reproduction et de soins aux per-sonnes proches.

• Le nombre des familles monoparen-tales ne cesse d’augmenter, ce quiprovoque de nouveaux besoins in-suffisamment comblés par les servi-ces publics; une grande majoritéd’entre elles sont contraintes detrouver des solutions de placementou de garde à la journée pour les en-fants.

• Le nombre des personnes âgéesaugmente de par le vieillissementdémographique; de même celui despersonnes dépendantes, pour desraisons d’atteinte à la santé phy-sique ou psychique; et celui des per-sonnes isolées. Toutes ces catégoriesde personnes, dépendantes ou han-dicapées, doivent faire appel à desfemmes de ménage ou à des aidessoignantes, pour sauvegarder uneautonomie relative.

• Le nombre des EMS est nettementinsuffisant pour répondre à la de-mande de placement, notammenten ce qui concerne les personnesâgées; le moratoire sur les EMS dé-crété par les autorités genevoises au

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début des années 1990 a encore am-plifié le problème.

• Les coupes dans les budgets des ser-vices publics et autres collectivitéspubliques freinent, voire bloquent,la redistribution des prestations so-ciales et mettent en péril la surviedes infrastructures ne répondantdéjà que partiellement aux besoinsde la population; les problèmes vonts’amplifier si les programmes derestriction budgétaire prévus par lespartis de droite entrent en vigueur.

• Très nombreuses sont également lesfamilles et les personnes qui, sim-

plement par solution de facilité, parcontrainte professionnelle ou parconfort, souhaitent ne pas ou ne plusassumer les tâches ménagères consi-dérées comme rébarbatives ! Cer-tains même, engagent une femmede ménage… par solidarité préten-dent-ils («en permettant à une clandes-tine de travailler, illégalement, je prendsdes risques pour lui venir en aide»).

• Bref, toutes ces catégories de per-sonnes font appel, régulièrement ouoccasionnellement, à des employéesde maison, à des femmes de ménageou à des aides-soignantes, à temps

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Carmen

Carmen est bolivienne; bien que mariéeet mère de quatre enfants, elle est arrivéeseule en Suisse, il y a de cela environ deuxans. Son visage est harmonieux et son re-gard ne semble être que douceur. Menue,paraissant sans défense, elle fait montred’une étonnante détermination et d’un cou-rage à toute épreuve. Elle vient de SantaCruz, la plus grande ville du pays; avec sonmari, elle a évalué que la situation devenaitintenable en Bolivie, une économie au bordde la faillite, des privatisations en chaînedans les secteurs les plus productifs, unerépression grandissante, bref, une situationrévélée au grand jour par les médias lorsdes affrontements ayant eu lieu en 2003 etayant poussé le président du gouvernementà démissionner. Carmen et son marin’étaient plus en mesure de subvenir auxbesoins de toute la famille. Elle a donc déci-dé de venir en «éclaireuse» en Suisse,seule, son mari restant encore au pays avecleurs quatre enfants, âgés de 3 à 13 ans,gardés en commun avec les grands-pa-rents.

Pourquoi avoir choisi la Suisse commepays d’exil ? Parce qu’elle connaissait desfemmes ayant déjà fait la traversée, ce quilui donnait à penser que cette destination re-présentait une sorte d’Eldorado, un paysriche où elle allait à coup sûr trouver du tra-vail et pouvoir envoyer de l’argent à sa fa-mille ! De toute façon cela ne pouvait pasêtre pire que de rester, sans aucun avenir, niaucune perspective, en Bolivie.

Accompagnée d’une nièce, Carmen faitdonc le grand saut et trouve un emploi à Ge-nève deux mois après son arrivée, par l'in-termédiaire d'une compatriote, elle-mêmesans-papiers, qui avait fait passer une an-nonce dans GHI (Genève Home Informa-tion). Un emploi de femme de ménage –femme à tout faire, chez un couple portu-gais, pour un salaire de 1'200 francs parmois. Le couple lui-même connait desconditions de travail et, surtout d’horaires,difficiles, dans la restauration, elle, commeserveuse, lui comme cuisinier.

Mais ne croyons pas que solidarité ou dé-sintéressement soient des vertus perma-nentes au sein du monde des sans-papiers,au contraire. La compatriote intermédiairen’est qu’une sorte de «souteneuse» -comme un proxénète chez les prostituées -pour les femmes de ménage en provenancede son pays.

partiel (la plupart du temps, de deuxà quatre heures par semaine), parceque le dispositif institutionnel est in-suffisant et parce que les besoins so-ciaux de la population ne sont pasactuellement assurés autrement :garde d’enfants à domicile, soinsaux personnes âgées ou dépendan-tes, ménages, repas, etc.C’est ainsi que le secteur de l’éco-

nomie domestique est en plein déve-loppement, en termes de nombred’emplois s’entend, car pour ce qui estdes conditions de travail, beaucoupreste à faire; certaines situations nousrenvoient même au moyen-âge ! C’estainsi également que les femmes clan-

destines d’hier, soit les femmes de sai-sonniers aujourd’hui régularisées, ontété remplacées depuis quelques an-nées, par de nouvelles catégories defemmes clandestines, des femmes sansstatut légal, venant de pays encoreplus éloignés. Or, on le sait, et cela iraencore en empirant avec la nouvelle loisur les étrangers, qui empêchera touteprise d’emploi officielle, du moinspour les emplois non qualifiés, pourles demandeurs provenant de paysnon membres de l’UE.

La politique de Berne pousse ainsitout un secteur, l’économie domes-tique, dans la clandestinité. Pas éton-nant que celles qui y travaillent soient

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… Carmen

Elle soutire une commission de 20% dupremier salaire, soit, dans ce cas, 200francs. Il n’y a pas de petit profit, surtout sicela se fait sur le dos de femmes sans dé-fense, trop crédules, trouvant presque nor-mal cette pratique ! Car la souteneuse ne selimite pas à voler ses compatriotes sur leplan des salaires, elle agit de la même ma-nière avec le logement, étant entendu queplusieurs femmes se retrouvent entasséesdans un appartement exigu. Si ces derniè-res ne versent pas la dite commission, ellen’hésite pas à faire des pressions, à base dechantage et de menaces, prête à dénonceranonymement les récalcitrantes auprès dela police !

Au cours de l’hiver, Carmen est licenciée,car le couple portugais a trouvé une jeunecompatriote qu’ils ont engagée à un salairenettement inférieur à celui de Carmen. Déci-dément, l’exploitation entre compatriotes neconnaît pas de limites !

Depuis, Carmen ne travaille plus qu’uneheure par semaine et les choses allant enempirant, son mari est venu la rejoindre;

mais il est reparti très vite explorer de nou-velles perspectives en Espagne. Là-bas, il ade la parenté; son grand-père est espagnol,curé, il était parti en Bolivie comme mission-naire… où il semble avoir pris racine et as-suré une descendance. C’est ainsi que lemari de Carmen a un grand-père curé !Elle-même a deux sœurs qui sont aussi enEspagne, car elles ont épousé des ressor-tissants de ce pays. La Suisse n’étant plusl’Eldorado escompté, le couple semble mi-ser maintenant sur l’Espagne, où les condi-tions lui apparaissent plus favorables, tantd’un point de vue familial, linguistique, éco-nomique que climatique.

Carmen ne se fait plus d’illusions etcompte partir pour le sud de l’Europe dansun délai rapproché; elle attend que le litigequi l’oppose encore à ses anciens em-ployeurs soit réglé, car, bien sûr, elle a été li-cenciée sans respect d’aucune des règlesdu contrat-type de l’économie domestique !Le SIT défend les intérêts de Carmen au-près des Prud’hommes. Le couple n’a plusqu’une idée en tête : accumuler un capitalpour pouvoir repartir en Bolivie, avec, en ar-rière pensée, l’ambition, à terme, de fairevenir toute la famille en Europe, car, décidé-ment, il n’y a aucun avenir pour eux en Bo-

elles-mêmes clandestines ! Pas surpre-nant, également, que les employeursne veuillent pas se déclarer; bienqu’ayant souvent pignon sur rue, ilssont eux-mêmes des employeurs-clan-destins ! Sans la présence de femmesclandestines, en provenance majoritai-rement d’Amérique latine et d’Asie(Philippines) vendant à bas prix leurforce de travail, les milliers d'em-ployeurs privés de l’économie domes-tique – vous, nous ! – se retrouveraientdans une impasse. Pire, ils seraientcontraints de revoir entièrement leur

mode de vie, leurs activités et carrièresprofessionnelles; les «femmes de mé-nage de l’ombre» leur sont indispensa-bles sous peine de bloquer des pansentiers de la société !

Un appel émanant des organisationsféministes, déposé auprès du Conseild’État le 28 avril, enfonce encore unpeu plus le clou : «l’attitude de la société,qui accepte et profite d’avoir recours à unemain d’œuvre clandestine pour effectuerces tâches ménagères, de garde d’enfants etde soins, tout en refusant à cestravailleuses un statut légal et digne,

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Regina

Regina est bolivienne et vit en Suisse de-puis plus de sept ans. Divorcée, elle estmère d’une fille de 17 ans, étudiante aulycée et qui habite chez sa grand-mère, àCochabamba, troisième ville du pays, aucœur de la Bolivie. Regina envoie régulière-ment, du moins quand elle en a la possibili-té, de l’argent pour l’entretien de sa fille et desa mère.

Son séjour prolongé a connu une cou-pure en septembre 2001, en une période oùles contrôles, comme on peut bien le pen-ser, se sont intensifiés suite au crash deNew-York. À l’aéroport, Regina, bien qu’enpossession d’un billet d’avion pour la Bo-livie, se trouve bloquée deux jours dans leslocaux de la douane : elle écope d’uneamende pour absence de visa et c’est à cemoment là, selon elle, que les douaniers ontdécouvert qu’elle était une sans-papiers. Ilsse sont mis à l’interroger sur son séjour illé-gal, ses motivations, ses activités; elle a dû,par conséquent, payer une deuxième foisson billet, le premier ayant été invalidé par lereport de son départ ! Il faut dire qu’elle avaitmal choisi la date de son départ si l’on peutdire, puisque c’était le 12 septembre…Outre ces ennuis d’ordre pécuniaire, extrê-mement lourds pour une personneemployée dans l’économie domestique,

Regina a été humiliée; elle affirme mêmeavoir été maltraitée par les douaniers et lapolice de l’aéroport.

Toutes ces péripéties ne l’ont pas pourautant découragée de revenir en Suissedeux mois plus tard. A son arrivée en 1996,Regina reste cinq mois sans travailler; logechez son frère, également un sans-papierset est aidée par sa sœur, qui a maintenantun statut légal, car elle a épousé un Espa-gnol en possession d’un permis d’établisse-ment. Ensuite elle fut employée au seind’une famille italienne à Lausanne, en tantque dame de compagnie, du moins officiel-lement, car ensuite les choses se sont gâ-tées. Nourrie, logée, elle gagnait 1'000francs par mois, mais son salaire n’était ja-mais versé dans les délais normaux; la maî-tresse de maison tentait chaque fois de luioctroyer un salaire inférieur, mais Reginane s’est jamais laissé faire, ce qui n’empê-cha pas son employeuse d’abuser d’elle etde l’exploiter jusqu’à la corde !

Son séjour lausannois, de cinq mois, ap-paraît comme une addition de contraintes etde vexations allant en s’amplifiant de jour enjour; elle dut assumer toutes les tâches demaison, devenant une sorte de bonne à toutfaire, à disposition en permanence ducouple employeur. Elle dut accomplir unnombre impressionnant d’heures supplé-mentaires… non rémunérées, bien sûr.

relève de la plus grande hypocrisie ! Laclandestinité aggrave encore les mauvaisesconditions de ces femmes : isolement,salaire indécent, absence de couverturesociale et d’accès aux soins médicaux,chantage à la dénonciation, violence,harcèlement sexuel et viol, logement dansla promiscuité, peur de faire valoir sesdroits devant les tribunaux, insécuritépermanente liée à la peur d’être expulsée !»

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… Regina

Dès qu’elle le put, elle revint à Genève. Ilfaut dire que Regina fréquente une égliseméthodiste et que des personnes de cetteéglise l’ont beaucoup aidée, affirme-t-elle.Ladite église lui trouva un travail chez uncouple : elle, française, employée à l’ONU,lui, Bolivien. C’est ainsi qu’elle garda cetemploi, affecté au ménage et à la garde d’unenfant, durant plus de cinq ans, pour un sa-laire de 1200 francs, sans aucune couver-ture sociale et sans être nourrie ni logée.Elle logea tout d’abord avec son frère puis,depuis bientôt deux ans, partage un loge-ment (en sous-location) avec une Péru-vienne, sans-papiers elle aussi.

Au cours de l’été 2003, elle perd son em-ploi pour des raisons de santé; elle avait degraves problèmes gynécologiques. En fait,elle est licenciée du jour au lendemain parses employeurs, sans aucun préavis decongé ni aucun délai de protection pour ma-ladie, car selon avis médical, elle était dansl’incapacité totale de travailler. Ses em-ployeurs, outre qu’ils l’avaient sous-payéeet bien exploitée durant une longue période,l’ont ainsi jetée, comme un citron pressé !Elle dut se faire opérer d’urgence en juillet, àla maternité. N’étant pas assurée pour lamaladie et n’étant pas couverte pour tous

les frais de l’hospitalisation, elle futsecondée par l’assistante sociale de la ma-ternité, qui entreprit des démarches auprèsde l’Hospice général pour tenter de trouverune solution financière… étant entendu queRegina, sans statut légal en Suisse, n’avaitaucun droit à l’assistance. Mais un fondsspécial dit de précarité fut débloqué pourcouvrir les frais. Regina doit, depuis, rem-bourser par mensualité les frais engagés.

Malgré l’emploi de longue durée chez lecouple franco-bolivien, le délai du licencie-ment ne fut donc pas respecté selon les rè-gles prévues dans le code des obligations etdans le contrat-type de l’économie domes-tique, si bien que Regina fit appel au SIT, quiintroduisit une plainte auprès de la juridictiondes Prud’hommes. L’affaire est pendantedevant la justice.

Aujourd’hui, Regina, diminuée dans sasanté, ne peut pas travailler normalement;pour mille francs par mois, tout de même,elle garde un enfant chez une nouvelle fa-mille et attend les décisions de la justicepour récupérer l’argent dû par ses em-ployeurs afin de pouvoir repartir en Bolivie.À moins que l’action collective en cours nelui permette d’être régularisée pour qu’ellepuisse enfin vivre normalement en Suisse,avec tous les droits qui lui reviennent !

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Luisa

Luisa, ressortissante brésilienne nativede São Paulo, est arrivée en Suisse en juin1998. Elle vient de fêter ses 45 ans. Enconversant avec elle, un détail frapped’emblée : elle est soucieuse de précision,se rappelle les dates qui ont jalonné sonhistoire de vie depuis son arrivée à Ge-nève, il y a 6 ans, tout cela dans un trèsbon français (du moins parlé, car pour cequi est de l’écrit, c’est beaucoup moinsbon, dit-elle). L’effort qu’elle fait pour s’inté-grer à la Suisse est indéniable, cela se voitjusqu’à ce petit détail caractéristique de la«précision suisse».

Au Brésil, elle a bénéficié d’une forma-tion de thérapeute en médecine alterna-tive, profession qu’elle ne peut bien sûrpas pratiquer ici. Mariée très jeune, à 16ans, elle a trois enfants de ce premier lit,qui ne dura que sept ans. Divorcée à 23ans, elle donne ensuite naissance à deuxautres enfants avec un compagnon quil’abandonna très vite, la laissant seuleavec ses cinq enfants. Son divorce, puissa vie en concubinage suivie d’une nou-velle séparation lui valurent d’être la ciblede fortes critiques et de réactions de rejetde la part de toute sa famille; elle dut dé-ménager dans un autre État du Brésil. Lapauvreté sévissant dans le pays, les diffi-cultés à affronter au niveau social et sco-laire, l’aggravation de sa situation familialeet professionnelle (elle fut amenée à tra-vailler 12 à 15 heures par jours chez troisemployeurs pour permettre la survie de safamille), tous ces facteurs l’amenèrent à laseule décision qui lui paraissait réaliste :quitter le pays. Elle choisit de venir enSuisse sur conseil d’un ami, qui lui prêtal’argent nécessaire à l’achat du billetd’avion.

À peine arrivée en Suisse, elle trouva unemploi de lingère, bien sûr non déclaré,dans un hôtel de la place, qui la licencia à

fin 2000, pour cause de mise en sous-trai-tance de la lingerie de l’établissement.Entre-temps, elle réussit à faire venir quatrede ses enfants – le dernier de son premiermariage refusant de quitter le pays. Pen-dant deux ans, vivant dans un appartementexigu avec d’autres personnes, elle assurale revenu familial en étant engagée commefemme de ménage dans plusieurs famillessimultanément.

Tout se passa bien jusqu’à cette datemaudite du printemps 2002, lorsque la po-lice l’arrêta, en vue d’expulsion, sur dénon-ciation de son propre fils ! Le lamentablecomportement de ce dernier (le deuxième,âgé de 25 ans) semble être subséquent àdes problèmes familiaux (lié à son propremariage avec une personne en possessiond’un permis de séjour) et de conflits àl’égard des enfants du deuxième lit, deux fil-les âgées aujourd’hui de 14 et 16 ans…Cette arrestation (l’entente passée de faitavec les autorités et l’attestation fournie parle SIT, n’évitent pas certains dérapages po-liciers), et le risque d’une expulsion manumilitari de Luisa, aux conséquences désas-treuses, amenèrent le SIT, en coordinationétroite avec les services sociaux des écolesque fréquentaient les filles, à intervenir au-près des autorités compétentes et à intro-duire une demande de régularisation pourl’intéressée et pour ses deux filles.

La dénonciation n’eut heureusement pasl’effet escompté par son auteur, au con-traire. Elle ne fit que précipiter les événe-ments pour que soit ouvert un processus derégularisation statutaire de Luisa et de safamille dans notre cité. Après avoir trouvéun nouvel emploi à plein temps dans un hô-tel, en tant qu’employée polyvalente, elleemménagea dans un nouvel appartementcomme sous-locataire, dans le quartier deSaint-Jean. L’employeur apprécie les quali-tés professionnelles de Luisa et l’a mise aubénéfice des conditions de travail de laconvention en vigueur dans le secteur.

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… Luisa

Seule ombre au tableau, mais qui finale-ment s’avérera jouer un rôle favorable à lademande de régularisation, les difficultés decomportement rencontrées par la plusjeune des filles actuellement placée dansune institution socio-éducative … et le faitque l’autre fille, Laura (17 ans en automne2004) a dû arrêter l’école (10e degré, àl’ECG) pour cause de maternité (heureuse-ment, le père, un jeune Portugais, a recon-nu l’enfant). Cependant, Laura compte bienreprendre ses études et acquérir ensuite,en devenant éducatrice ou assistante so-

ciale, une profession similaire à celle despersonnes qui l’ont tant aidée dans cestemps difficiles.

Avec une mère remarquablement bien in-tégrée, qui n’a jamais cessé de travailler de-puis son arrivée, et de filles au sujetdesquelles tout le monde convient qu’il estnécessaire qu’elles soient stabilisées cheznous, car pour elles le Brésil ne signifie plusrien, l’avenir semble se dessiner de façonpositive pour la petite famille. Un préavis fa-vorable a été déposé dans ce sens par lesservices compétents de l’Office cantonal dela population.

Marta

Marta est une ressortissante colom-bienne vivant et travaillant depuis trois anset demi à Genève, sans papiers. La raisonde son exil s’explique aisément, tant la si-tuation de sa famille était, et est encore, dra-matique : Marta, née en 1965, est originairede l’État du Cauca, en Colombie. Elle est laplus jeune d’une famille nombreuse, elle aeu un enfant en 1990, la contraignant à semarier avec le géniteur, qui l’a abandonnéedeux ans plus tard. Le père étant totalementirresponsable et n’ayant jamais assumé sonrôle de père, Marta a eu la charge et lagarde de l’enfant dès les débuts. Les sœursd’Marta sont dans la même situation, mèrescélibataires, elles assument seules leursenfants. Tous les membres de la famille vi-vent ainsi, aux crochets des parents âgés,de moins en moins en mesure de travailler.Le père de Marta est d’ailleurs décédé pré-

maturément. Enfin, l’un des frères est gra-vement épileptique et l’un de ses neveux esthandicapé mental.

Afin de subvenir aux besoins de sa fa-mille, afin de payer les médicaments et lessoins pour son frère et son neveu, afin degarantir une éducation décente à son fils,afin de contribuer à l’entretien de l’une deses sœurs, mère célibataire et la fille decelle-ci, afin, enfin, de fuir la violence sévis-sant dans la région… Marta n’avait qu’unchoix, s’exiler.

C’est ainsi qu’elle débarque à Genève,seule, en 2001. Elle trouve très rapidementun, puis deux emplois lui permettant de tra-vailler à 100% : deux employeurs, pour unefois, compréhensifs et désireux de contri-buer à la régularisation de l’intéressée. Elleremplit deux activités distinctes : l’une à75% chez une personne, de profession libé-rale, pour la garde de son enfant, l’autre à25% pour assurer le ménage chez uncouple.

Cinq portraits parmi des milliers

Les cinq portraits de sans-papiersprésentés montrent succinctement leparcours de quatre femmes et d’uncouple où cohabitent en continu déter-mination et doute, découragement etespoir. La plupart des personnes pré-sentées ici vont très probablement re-cevoir, un beau jour, une réponsefavorable à leur longue attente : l’ob-tention d’un permis de séjour semblese profiler au bout du tunnel. Elles lesavent et c’est certainement une desraisons qui explique qu’elles aient ac-cepté de parler. Mais elles ont toutesvécu des moments de grandes détres-ses, de solitudes, d’angoisse, de peurd’être dénoncées… et renvoyées ! Ellescontinuent malgré tout à vivre dans lacrainte. À côté de ce petit groupe, com-

bien d’autres personnes, connues ouméconnues, sont aujourd’hui encoreobjets d’une exploitation éhontée, vic-times d’abus, de violence, de chantage.

Combien d’enfants de sans-papiers,tout en allant à l’école, vivent dans unesorte de peur diffuse et permanente,quel avenir leur prépare-t-on enSuisse ? Tel est le lot des sans-papiers,tant qu’ils/elles n’auront pas recon-quis leur dignité et la reconnaissance,par la société, du fait qu’ils/elles sontdes travailleurs-euses à part entière,qu’ils/elles doivent être simplementrespecté-e-s et ont des droits à fairepleinement respecter. Des droits dansle champ du travail comme dans celuides droits humains au quotidien.

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… Marta

Les employeurs respectent les exigen-ces des contrats-types régissant les condi-tions de travail et de salaire de l’économiedomestique. Les deux reconnaissent lesqualités professionnelles et la disponibilitéde Marta et ils se sont mis d’accord pour luifinancer plusieurs mois de cours de françaisdans une école privée. L’employeuse, mèrede l’enfant, affirme qu’elle ne saurait se pas-ser des prestations de l’intéressée, car iln’existe pas d’alternative pour elle (absencede crèche dans la commune où elle habite;son compagnon travaille à 100%, de mêmeles membres proches de sa famille ne sontpas disponibles). Dans un document remplien vue d’appuyer la régularisation de Marta,cette employeuse énumère toutes les bon-nes raisons d’avoir besoin d’elle.

En hiver 2003, Marta se fait arrêter par lesgardes-frontières lors d’un contrôle dans un

bus. Elle est transférée ensuite à la policeavant d’être confiée au poste de police duboulevard Carl-Vogt. À l’évidence, l’interro-gatoire, qui fut semble-t-il musclé, laissa parla suite des traces sur le comportement deMarta. Terrorisée par les menaces de ren-voi et par la fouille corporelle, elle craque.Heureusement, elle portait sur elle la fa-meuse procuration du SIT. Ce dernier, unenouvelle fois pour éviter une expulsionmanu militari, intervint pour déposer une de-mande auprès des autorités en vue d’ob-tention d’un permis à titre humanitaire.

Marta, quant à elle, est en situation desursis : elle a pu reprendre ses activités,mais, traumatisée, continue à être suivie auniveau médical par la Consultation médi-cale de l’Hôpital cantonal pour la préventionde la violence. Elle travaille, est logée chezson employeuse et continue avec acharne-ment à envoyer de l’argent à sa famille.

L’économie domestique en chiffres

C’est sans aucune surprise que l’éco-nomie domestique figure en tête detoutes les statistiques issues de nospermanences, en bref :• Les 2/3 des travailleurs-euses sans

papiers sont employés-es dans cesecteur, soit 1321 dossiers (sur 1972),représentant 2883 personnes; l’écra-sante majorité des personnes estconstituée de femmes, 89,47%.

• Comme beaucoup d’emplois dusecteur sont segmentés et limités àquelques heures hebdomadaires, denombreux-euses sans-papiers occu-pent plusieurs emplois, soit au total2106 sur les 2696 identifiés; dès lors,l’économie domestique augmenteencore d’importance; elle concernele 78% des emplois totaux.

• Les trois nationalités les plus repré-sentées sont les personnes venantdu Brésil, de Colombie et des Philip-pines.

Emplois par nationaliténombre %

Brésil 263 19.2

Colombie 260 19.0

Philippines 247 18.0

Bolivie 193 14.1

Equateur 192 14.0

Pérou 79 5.8

autres Am.latine 55 4.0

Afrique 54 3.9

Europe 25 1.8

autres Asie 2 0.1

Am.Nord-Océanie 2 0.1

• Les emplois actuels dans le secteurse subdivisent de la façon suivante :23% employés-es de maison, 1%garde de personnes âgées et gardesmalades, 9% garde d’enfants, ycompris «jeunes filles au pair», 65%femmes de ménage, 2% personnes àtout faire.

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L’urgence decombattre l’esclavagisme

L’économie domestique figure en-core parmi ce que l’on nomme les dé-serts syndicaux : dans un secteuréclaté, aux innombrables et inconnusemployeurs, tout autant clandestinsque leurs employé-e-s, les syndicatsn’ont pas (encore) les moyens d’impo-ser des négociations en vue d’obtenirune convention collective faute de sa-voir avec qui la négocier. Pas facile deregrouper des travailleurs-eusesn’osant et ne sachant pas se défendre,méconnaissant leurs droits, pas facilede construire une action syndicale col-

lective avec des personnes aux diffé-rences culturelles et idéologiques aussiprononcées, sans compter le barragedes langues, l’obstacle de la multiplici-té des lieux de travail.

À la demande des organisationssyndicales, la Chambre des relationscollectives de travail a donc élaborédeux contrats types de travail, l’unpour le temps complet, l’autre pour letemps partiel, qui ont été fusionnés de-puis juillet 2004, ce qui simplifie bienles choses et représente un petit pasdans la bonne direction ! Encore faut-il

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que les règles existantes soient respec-tées, ce qui est rarement le cas. C’estplutôt la loi de la jungle qui domine.Dans le cadre de nos permanences,nombreux sont les manquements, lesabus ou les erreurs commis par les em-ployeurs : travail sept jours sur sept; 60à 70 heures de travail hebdomadaires,salaires rarement respectés, alorsqu’ils sont déjà parmi les plus faibles(par ex. 18,20 francs l’heure pour unefemme de ménage); rapports de travailautoritaires et abusifs (mobbing, har-cèlement, y compris sexuel); licencie-ments abusifs ou sans respect desdélais contractuels…

Tout le monde en convient au-jourd’hui : il est urgent d’entrer en ma-tière sur des propositions propres àaméliorer la situation et, partant, à sedonner les conditions de mieux maîtri-ser et contrôler, le secteur.

Les acteurs économiques et politi-ques doivent reconnaître définitive-ment l’économie domestique commeun secteur économique à part entière,avec ses propres besoins en emplois etavec des règles claires à ériger en ma-tière de droit du travail.

Ce secteur souffre cependant d’unegrave carence en termes de «centrali-té»; il y aurait lieu de mettre en placeun système de regroupement des em-plois domestiques, de façon un peucomparable à celui qui a été trouvé de-puis une quinzaine d’années pourl’aide à domicile. Mais une structurepatronale classique n’étant ni souhai-table ni possible dans le secteur – dansles conditions actuelles, cela paraît detoute manière une vue de l’esprit – uneintervention toujours plus active del’État paraît nécessaire. Le Conseild’État l’a d’ailleurs bien compris, puis-

qu’il vient coup sur coup, de chargerl’Université de mener une étude dansce sens, et de lancer, il y a quelquesmois, le chèque service (voir plus loin).Cela dit, l’adhésion au chèque n’étantpas contraignante pour les em-ployeurs, il paraît nécessaire de se diri-ger vers des mesures plus offensives.

Une structure unique – une fonda-tion de droit privé conviendrait – de-vrait être conçue afin d’être en mesurede fédérer tous les employeurs, àtemps complet comme à temps partiel;elle pourrait être également le lieu decontact organique entre employeurs ettravailleurs-euses. Cette structure cen-trale, sous forme d’un guichet uniquepourrait assurer le fonctionnement etla généralisation du chèque service ré-cemment mis en place.

De la même manière qu’il appartient- et appartiendra encore plus à l’ave-nir - aux syndicats d’informer les tra-vailleurs-euses de leurs droits et dedéfendre leurs intérêts trop souventattaqués, ce lieu unique et centralaurait notamment pour mission d’in-former et de sensibiliser largement lesemployeurs, sur leurs responsabilitéset leurs devoirs. Trop souvent, ces em-ployeurs, qui n’en sont pas réellement,ne savent pas les démarches qu’ils doi-vent entreprendre lors de l’engage-ment d’une femme de ménage, toutcomme ils ignorent les règles qu’ilsdoivent respecter à son égard.

Une telle structure unique, avec lesmoyens informatiques appropriés afinde mieux maîtriser une vision d’en-semble qui fait aujourd’hui défaut, de-vra travailler en étroite relation avecles organismes publics et parapublicsconcernés, et avec les structures patro-nales et syndicales.

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Clandestinité :une atteinte aux droits humains

Les origines et les causes des mouve-ments migratoires clandestins sontmultiples et connues; nous les avonsmaintes fois mises en évidence. Enbref, le développement économiquetoujours plus inégal entre le Nord et leSud (mais aussi entre l’Ouest et l’Est,depuis la chute du rideau de fer) apour conséquence une misère et uneviolence croissante dans les pays deszones du sud et de l’est; il pousse decentaines de millions d’habitants surles routes de l’exil. Nous le savons, lespays riches sont grandement respon-sables de cette situation : le colonia-lisme puis l’impérialisme ont pillé lesrichesses du Tiers-monde; la mondia-lisation et le néo-libéralisme ne fontque perpétuer ces injustices. Cela dit,et l’on ne le répétera jamais suffisam-ment, les pays industrialisés se sonttoujours appuyés sur une maind’œuvre la meilleure marché possiblepour assurer leur croissance, les tra-vailleurs-euses immigré-e-s, par cou-ches et vagues successives, en étant lepilier, en tant que main d’œuvre cor-véable à merci, précarisée dans sesconditions de travail et de vie, ainsique dans son statut social et légal.

Ce sont ces pays eux-mêmes, laSuisse n’étant jamais en reste, qui ontouvert les flux migratoires en allantchercher dans les pays méditerranéensune main d’œuvre bon marché. Laclandestinité n’est pas un phénomènenouveau : elle était déjà encouragée,car nécessaire, lorsqu’affluèrent desdizaines de milliers de saisonniers,femmes et enfants suivant souvent

clandestinement le mari. Les femmes,sans statut légal, accomplissaient lesactivités, en particulier dans l’éco-nomie domestique, aujourd’hui assu-mées par les sans-papiers. Laclandestinité prend de l’ampleur denos jours, car d’un côté – et cela danstous les pays d'Europe – les autorités,sur pression populaire, rigidifient leurattitude à l’égard de l’immigrationalors que de l’autre côté, l’économie,en particulier ses segments les moinsdéveloppés technologiquement, a tou-jours autant besoin qu’avant d’unemain d’œuvre peu ou pas qualifiée.

Dans ce contexte, les sans-papiers,démunis de tout statut légal mais tolé-rés, voire souvent indispensables, setrouvent confrontés à un enchaîne-ment de difficultés allant grandissantau fil du temps : outre la précarité ma-térielle constante, état de stress lié à laclandestinité, sentiment de vivre enperpétuelle insécurité, peur d’être ar-rêté-e puis refoulé-e, isolement, désin-sertion sociale, etc.

Aujourd’hui, les pays de l’UE et laSuisse se barricadent; la libre circula-tion des personnes n’est acquise quedans le cadre de l’UE (avec des restric-tions cependant pour les dix nouveauxmembres). Les immigré-e-s, sanscompter les réfugié-e-s, viennent butercontre les murailles de la vieille Eu-rope. La terre tant promise leur est in-terdite : ils/elles sont contraint-e-s à laclandestinité, ce d’autant plusqu’ils/elles n’auraient même pas lesmoyens de retourner d’où ils/ellessont venu-e-s. Ces entrées clandestines

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se font quasiment au vu et au su detout le monde dans la plus grande hy-pocrisie des pays d’accueil. Car, bienqu’interdite, la population clandestineest la plupart du temps tolérée, voiresouhaitée comme main d’œuvre cor-véable à merci et bon marché. Pourl'Europe occidentale, les chiffres sontéloquents : aux centaines de milliers declandestins en provenance des paysdu Sud (Afrique et Amérique latine enmajorité) s’ajoutent, depuis une dé-cennie, les autres centaines de milliersde clandestin-e-s venant des pays del’Est. Le phénomène s’accentue ets’amplifie d’année en année, car le fluxmigratoire n’est pas prêt de se tarir, enregard de la misère persistante dansles pays d’exil incriminés… et en re-gard de la demande occidentale pourcette main d’œuvre docile et précaire.

Car il s’agit bien d’une sorte d’appeld’air de la part d'une Europe plus enmesure, malgré les hauts taux de chô-mage, de satisfaire la demande de cer-tains secteurs économiques qui font etferont toujours appel à une maind’œuvre non ou peu qualifiée, commel’agriculture, l’hôtellerie, le bâtimentet, surtout, l’économie domestique.

Le travail clandestin n’est peut-êtrepas encouragé par les gouvernementsconcernés, mais il est à coup sûr toléré,sans quoi les secteurs cités avant se-raient en crise permanente. Et qui dittravail clandestin dit «tout bonus»pour les acteurs et décideurs en cause :pression sur les salaires et la fiscalité,affaiblissement des politiques socialeset des assurances, d’autant plus que lessans-papiers ne coûtent, en principe,rien à la collectivité au point de vue as-sistance et santé. Cyniquement dit, laprécarité est partie intégrante du sys-tème économique, un levier indispen-sable du néolibéralisme.

Quid des droits fondamentaux ?

Il faut ici dénoncer le fait que laSuisse n’a toujours pas ratifié la Con-vention de l'ONU sur la protection desmigrant-e-s. Celle-ci élargit le respectdes droits fondamentaux à chaque tra-vailleur-euse migrant-e, avec ou sansstatut légal et leur reconnaît l’égalitéde traitement avec les nationaux enmatière d’éducation, de formationprofessionnelle, de logement, d’accèsaux services sociaux et sanitaires. LeConseil fédéral se justifie piètrementcar «il craint que les nouveaux droits pré-vus ne favorisent une augmentation destravailleurs migrants clandestins»…

Pas difficile de déduire d’une telle si-tuation qu'égalité et principe de nondiscrimination ne sont pas garantis enSuisse. Le procès d’une telle politique,de surcroît contraire à la Constitution,serait trop longue à faire ici. Précisonstout de même que la nouvelle Loi fédé-rale sur les étrangers (LEtr) qui va êtreadoptée par le Parlement, accentue en-core l’éventail des inégalités et des dis-criminations. La LEtr introduit denouvelles inégalités : à celles existantdéjà entre immigrés et nationaux s’a-joutent officiellement celles entre lesdiverses catégories d’immigré-e-s,entre «bons et les mauvais» ressortis-sants étrangers. Par la politique binaireadoptée, la Suisse officielle range lessans-papiers dans la catégorie des in-désirables; elle distingue les ressortis-sants des pays de l’UE de ceux/cellesdu reste du monde, à l’exception (nou-velle discrimination) de ceux/cellesdoté-e-s d’un bon curriculum vitae etd’une formation professionnelle hau-tement qualifiée. Nul doute que les or-ganismes de défense des immigré-e-set des droits humains vont être débor-dés de travail ces prochaines années.

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Une action collective de longue durée :les permanences au SIT

Dès l’hiver 2001, face à l’ampleur duproblème qui émergeait dans le cadresyndical et face aux demandes d’aideémanant des personnes concernées, leSIT a donc décidé la mise sur piedd’une permanence spécifique pour lestravailleurs-euses sans statut légal, lessans-papiers. Depuis lors, grâce aurenforcement de l’équipe détachée àcette nouvelle activité et grâce à l’ap-pui de militant-e-s, nous sommes enmesure d’accueillir chaque semainedes dizaines de sans-papiers dans lecadre de deux permanences hebdoma-daires. À la faveur de ces permanen-ces, nous voulions, et voulonstoujours, viser plusieurs objectifs defaçon simultanée :

a) Accueillir des personnes sansdéfense, les rassurer, les dé-

fendre, cas après cas. Les permanen-ces, de ce point de vue, sont toutd’abord un lieu d’écoute, d’échange etd’information, voire de formationconcernant leurs droits (travail, assu-rances sociales, AVS, IIe pilier, assu-rances maladie, etc.); les permanencespermettent aux sans-papiers de parler,de s’exprimer à propos de leurs diffi-cultés et des nombreux problèmes ren-contrés au quotidien. De plus, nousremettons à chaque personne la procu-ration déjà mentionnée, qui atteste quecette la personne est connue et dé-fendue par le SIT; une procuration as-surant une évidente protection en casde situation critique.

b) Assumer notre travail syndicalclassique consistant à dé-

fendre, cas par cas, ces travailleurs-eu-

ses sans défense auprès de leurs em-ployeurs : les abus et les infractions audroit du travail commis par ces der-niers sont tellement innombrables. Laplupart du temps, les contacts avecceux-ci étant difficiles et conflictuels,nous sommes amenés à réclamer le dûdes travailleurs-euses auprès desPrud’hommes. Cette instance est dé-bordée par les plaintes que nous dépo-sons chaque semaine.

c) Développer une logique collec-tive, mettre ensemble des tra-

vailleurs-euses que tout divise entermes d’origine, de culture, delangue, mais que réunit leur statut d’il-légalité, de clandestinité; les réunir ré-gulièrement en assemblées pour fairele point avec eux/elles, pour renforcerles liens de solidarité entre eux/elles.

d) Collecter, avec l’accord des in-téressé-e-s (ce qui est quasi-

ment toujours le cas), le maximum dedonnées concernant cette cohorte detravailleurs-euses de l’ombre; c’estainsi que chaque personne, lors dupremier accueil, est invitée à remplirun dossier complet la concernant, cequi permet d’accumuler de précieusesinformations et données statistiques.

e) Dès lors, rendre visible un pro-blème collectif, trop souvent nié

ou évacué, porteur de graves consé-quences au niveau social et humain,auprès des autorités et des décideursde Genève et de la Suisse.

f) Par les données ainsi accumu-lées, faire de ces permanences

un précieux outil permettant de mieux

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démontrer l’importance quantitativeet qualitative du travail clandestin et,partant, la nécessité d’une solution col-lective, d’octroyer une régularisationcollective à chacun-e. Car ceux/cel-les-ci sont nécessaires à notre éco-nomie; il ne s’agit pas de résoudre casaprès cas, à des fins humanitaires, unproblème dont les fondements sontéconomiques et politiques; notre ac-tion vise à mettre ainsi fin à une hypo-crisie qui n’a que trop duré.

g) Enfin, «last but not least», cespermanences nous permet-

tent, à nous, syndicalistes, d’ap-prendre beaucoup, en toute humilité,de nos semblables venant d’autres ho-rizons et qui portent, parfois, un autreregard que le nôtre sur le monde dutravail : bien sûr d’abord sur la réalitéde vie, le vécu et l’errance, mais aussisur la culture et l’origine des sans-pa-piers eux-mêmes. Elles donnent desindications précieuses sur les em-ployeurs, clandestins également, àleur façon; elles permettent d’appro-fondir notre réflexion et préciser nospositions en matière de politique desmigrations; elles nous permettent demieux connaître les secteurs économi-ques employant des travailleurs-eusessans statut légal, notamment l’éco-nomie domestique, vrai désert syndi-cal, méconnu du monde du travail, unsecteur aussi clandestin que les travail-leurs-euses qui y sont employé-e-s; cespermanences nous donnent enfin l’oc-casion de nouer de nouveaux contactsavec les services de l’administrationcantonale en charge de ces problèmes.

Ces contacts nous font découvrir, ànotre grande surprise, il faut l’ad-mettre, un état d’esprit très positif etouvert de la plupart d’entre eux : po-lice, gendarmerie, Office cantonal de la

population (OCP), Office cantonal dela main d’œuvre étrangère (OME), etc.

C’est ainsi que nous avons ouvert,de janvier 2001 à aujourd’hui, plus de2000 dossiers, représentant près de4500 personnes (avec les conjoint-e-s etenfants). Nous avons été amenés à in-tervenir à maintes reprises auprès desservices concernés, dont la police. Àl’exception d’un ou deux dérapages,tous les contacts ont été corrects et ontempêché toute expulsion. La procura-tion remise à chaque sans-papierss’avère, de ce point de vue, un instru-ment utile et préventif contre les arres-tations et autres renvois. À sa lecture,les policiers sont ainsi en mesure denous contacter pour clarifier la situa-tion et pour éviter l’irréparable.

Enfin, autre aspect positif de l’ac-cueil assuré lors des permanences : lessans-papiers ne cachent plus la vérité,ni la réalité de leur situation, y comprisvis-à-vis des autorités : ils/elles osentparler des difficultés rencontrées ou del’enquête, voire de l’arrestation dontils/elles ont été victimes. Auparavant,soit avant la mise sur pied des perma-nences, une très grande majorité desans-papiers se déplaçaient dans Ge-nève la peur au ventre, constammentsur le qui-vive, cachant une part de vé-rité, ne dévoilant pas leur lieu de tra-vail ni ne donnant le nom de leuremployeur. Ils/elles n’indiquaient pasla durée et l’origine de leur séjour enSuisse, ni l’éventuelle présence d’un-econjoint-e ou d’enfants. Contraire-ment au but recherché (une plusgrande protection), cette carence d’in-formation ne faisait que contribuer da-vantage à détériorer des conditions devie des intéressé-e-s, par exemple, parune séparation familiale, en cas de ren-voi, les enfants étant de fait «abandon-né-e-s seul-e-s» à Genève.

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Profil des sans-papiers

Il y a deux moyens de connaître untant soit peu le profil des sans-papiers :les statistiques des services cantonaux,en cas de sanction et de renvoi – uneétude approfondie ayant été menéesur cette question dans le cadre des tra-vaux de la Commission externe d’évalua-tion des politiques publiques (CEPP) – etles permanences du SIT. Les élémentsmis en évidence ci-après concernentl’ensemble des travailleurs-eusess’étant manifesté auprès du SIT, toussecteurs confondus. Mais commel’économie domestique draine plusdes trois quarts des emplois identifiés,c’est bien les caractéristiques domi-nantes des sans-papiers de ce secteur

qui sont présentées. Les comparaisonsentre les données statistiques et les ta-bleaux confirment cette omniprésencede l’économie domestique.

Origine: les deux tiers des sans-papiers venu-e-s à nos permanences,viennent d’Amérique latine, enmajorité du Brésil (20,4%), puis deColombie (17,4%) et de Bolivie(14.5%) (voir tableau). Mais plus de50 nationalités sont représentéesdans l’ensemble des dossiers : on yretrouve des ressortissants du Koso-vo, de Macédoine, et de plus en plussouvent des pays d'Europe de l’Est(Roumanie, Pologne, Ukraine, etc.).

L'origine des sans papiersPays Demandeur Conjoint Enfant Total %

Brésil 485 103 324 912 20.4Colombie 366 91 322 779 17.4Bolivie 260 66 324 650 14.5Equateur 258 75 279 612 13.7Philippines 251 85 233 569 12.7Pérou 98 27 86 211 4.7ex-Yougoslavie 97 37 119 253 5.7Autres 264 55 164 483 10.8

soit, par continent :Europe 150 39 139 328 7.3Asie 257 88 235 580 13.0Afrique 118 5 63 186 4.2Am.lat 1551 374 1412 3337 74.7Am.nord - Océanie 3 0 2 5 0.2inconnu 33 33 0.7

Situation familiale : la moyenned’âge des sans-papiers est d’environ32 ans; elle ne présente pas de diffé-rences majeures entre les sexes (âge

moyen des femmes un peu plus basque celui des hommes), ni entre lesnationalités. Une majorité de la po-pulation concernée a indiqué êtrecélibataire (le reste étant séparé-e,

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marié-e, divorcé-e ou veuf-ve). Maisplus du tiers des célibataires de sexeféminin sont mères cheffes de fa-mille. Plusieurs centaines d’enfantssont à Genève, avec leurs parents,ou avec leurs mères seules. Parmiles célibataires, le nombre de mèresseules, responsables de leurs en-fants, est relativement élevé; il cons-titue environ le quart de l’ensemblede la population concernée. Dèslors, cette dernière est composéemajoritairement de femmes.

Sexe et situation familiale

Ensemble Hom. Fem. Total %Seul-e-s 441 1033 1474 70.9En couple 323 282 605 29.1Total 764 1315 2079% 36.7 63.3

Economie domestiqueSeul-e-s 82 909 991 72.2En couple 140 241 381 27.8Total 222 1150 1372% 16.2 83.8

Autre donnée sur la cellule fami-liale : un tiers des enfants se trouve àGenève, alors que les deux autres tierssont restés dans le pays d’origine. Se-lon nos informations, ces derniers setrouvent la plupart du temps pris encharge par les grands-parents restéssur place; ils vont à l’école ou font desétudes grâce à l’argent envoyé depuisGenève par la mère ou par les parents.Cette situation précaire se compliqueencore lors du décès des grands-pa-rents, ce qui oblige la génitrice, ou lesgéniteurs, à faire venir les enfants enSuisse. Un grand nombre de ces en-fants étant sous la responsabilité defemmes seules, on comprendra viteque celles-ci se trouvent, en général,dans une situation nettement plus pré-caire que celle des hommes. Ces fem-mes seules ou célibataires avec enfantsrencontrent de nombreux problèmes:en général, elles n’ont pas pu, pour dif-férentes raisons, faire reconnaître le

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père de leurs enfants à l‘état civil. Sou-vent c’est le père lui-même qui a refuséde reconnaître l’enfant : en particulierdes hommes déjà mariés, Suisses ouétrangers en possession d’un permis Bou C. Dans certains cas, ceux-ci ontmême menacé de dénoncer la femmeclandestine s’aventurant à donner leurnom ! L’attitude scandaleuse de cespères amplifie bien évidemment lesproblèmes auxquels est confrontéecette catégorie de femmes sans-pa-piers : elles se trouvent dans une totaleprécarité et vivent dans une insécuritépermanente; seules, elles doivent non

seulement survivre elles-mêmes, maiségalement garantir la survie de leursenfants, sans aucune reconnaissancedu père. Et en plus, faut-il le rappeler,elles sont clandestines : une doublemenace plane sur elles.

Scolarité – formation : près de lamoitié des sans-papiers identifiés aaccompli l’école obligatoire, soit unescolarité d’environ 10 ans. On cons-tate que les personnes d’Amériquelatine et d’Afrique (majoritairementdes femmes) ont plus souvent un ni-veau de formation supérieure ouuniversitaire que celles originaires

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Formation (ensemble des sans papiers)

Formation (économie domestique)

d’Europe et d'autres continents. Par-mi les personnes d’origine portu-gaise (minoritaires) aucune n’a unniveau scolaire de degré secondaire.Mais, on l’aura vite compris, forma-tion et qualification antérieures nejouent aucun rôle dans le typed’emploi accompli en Suisse : mal-gré un niveau de formation parfoisélevé, le travail des employé-e-sdans notre canton – mais cela vautcertainement également pour toutela Suisse – reste, dans l’écrasantemajorité des cas, non qualifié; il n’arien à voir avec la formation anté-rieure des personnes concernées.

Secteurs et emplois : les secteurséconomiques les plus représentéssont des branches typiquement fé-minines, comme l’économie domes-tique essentiellement et, de façonsubsidiaire l’industrie du sexe.L’économie domestique regroupetrois quarts des personnes sans au-torisation de séjour, l’industrie dusexe comprend environ 10%. Il n’estde ce fait pas étonnant de remar-quer une nouvelle fois que lessans-papiers sont essentiellementdes femmes. Très peu d’hommesexercent en effet ce type d’activités,mais travaillent dans l’hôtellerie, larestauration et le bâtiment.

Les secteurs économiques diffèrentégalement en fonction de la nationalitédes sans-papiers. Ainsi, les personnesoriginaires d’Amérique latine, d’Asie(Philippines) et du Moyen-Orient setrouvent en majorité dans l’économiedomestique, alors que les Euro-péen-ne-s, certes très minoritairesdans nos statistiques, travaillent prin-cipalement dans l’hôtellerie, la restau-ration et dans une moindre mesuredans la construction. Enfin, les person-

nes originaires d’Afrique travaillenten majorité dans l’industrie du sexe.

Les secteurs Nombre %

Economie domestique 2259 78.1Hôtellerie-restauration 294 10.2Services 104 3.6Nettoyage 103 3.6Bâtiment et industrie 93 3.2Terre 41 1.4

La répartition des sans-papiers selonleur sexe et leur origine géographiquecorrespond de manière logique à cequi précède. Les femmes latino-améri-caines sont sans surprise plus nom-breuses (près des trois quarts) que lesemployés masculins de même origine.En revanche, on compte des propor-tions inverses entre les sexes pour lesmigrant-e-s européen-ne-s.

En résumé : le profil-type d'un-esans-papier vivant à Genève est celuid’une femme de 30 ans, célibataire,ou mariée mais seule à Genève, avecun enfant, d’origine latino-améri-caine, ayant au minimum accomplil’école obligatoire dans son paysd’or ig ine et travai l lant dansl’économie domestique.

Les raisons de l’exil

Au gré des entretiens tenus dans nospermanences, on peut constater queles motivations de fuir leur pays d’ori-gine et de faire le choix de venir tenterleur chance en Suisse sont en gros si-milaires pour chaque sans-papiers.Pratiquement toutes les personnesconcernées ont quitté leur pays pourdes raisons économiques; la situationest à ce point désastreuse dans leurpays qu’elles n’y voyaient et n’y voientencore aucune perspective, tant pourelles que pour leurs familles. Selon el-les, la situation continue même à se dé-

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grader sans cesse; c’est le cas de laColombie, de la Bolivie, de l’Argentineplus récemment, etc. Ces personnessont donc venues en Suisse pour tenterd’améliorer leurs conditions d’exis-tence, soit parce qu’elles ne voulaientplus être à la charge de leurs parents –c’est le cas pour les jeunes célibatairessans enfants qui sont sans emploi dansleur pays d’origine – soit, pour les per-sonnes mariées seules ou célibatairesavec enfants, dans le but de subveniraux besoins de leur famille restée aupays. Bien que ces migrant-e-s aientsouvent une activité lucrative dansleur pays, ils/elles décident de la quit-ter, à cause d’un revenu insuffisantpour garantir un avenir décent à leurenfants et/ou leurs parents.

Ces personnes sont venues en Suissecar elles avaient entendu dire, avantleur exil, qu’il était facile d’y trouverdu travail, mais rares sont celles quiont eu un emploi assuré depuis le pays

d’origine. Cela dit, quasiment toutesavouent être déçues de leur situationet de leur maigre salaire ici en Suisse :leur séjour clandestin n’est pas l’Eldo-rado escompté, au contraire, elles secomparent volontiers à des esclavesdes temps modernes. Elles souffrenten plus de l’absence de contacts ou-verts, la froideur du climat social lesrebutent. Elles aspirent, non pas à re-tourner au pays (cela paraîtrait commeun aveu d’échec auprès de leurs sem-blables) mais à rejoindre un pays plusaccueillant, plus proche de leur cultureet de leur langue, mais également plusouvert et disposé, selon elles, à leur oc-troyer un permis de séjour, donc detravail : c’est le cas, par exemple, desfemmes latino-américaines, qui ont lesecret espoir d'aller dans la péninsuleibérique, au Portugal ou en Espagne.

Cela dit, nombre de sans-papiers ontdes attaches familiales en Suisse. Auxraisons économiques évoquées avant

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s’ajoute souvent le désir de rejoindredes parents chez nous. Il apparaît quedes flux, sinon des liens migratoires,existent entre certains pays et Genève.Un réseau d’information existe, il esten mesure de favoriser la venue denouveau migrant-e-s, informé-e-s surle marché du travail local, sur lesconditions de vie et le pouvoir d’achatdans notre pays. D’ailleurs, il n’est pasrare, selon les informations collectéeslors des permanences, de relever quedes personnes n’ont pu rejoindre Ge-nève que grâce à l’aide concrète et fi-nancière du réseau familial et social setrouvant déjà sur place.

L’entraide et la solidarité entremembres d’une même famille, ou d'unmême réseau social ou national, sontdes facteurs essentiels de la survie dessans-papiers dans le pays d’exil, puis-qu’aucune aide officielle ne peut leur yêtre octroyée. En effet, aucune assis-tance d’ordre financier ne peut, par dé-finition légale, être accordée à unepersonne clandestine, soit à une per-sonne qui n’existe pas.

Cela dit, cette solidarité de la partdes proches a parfois de sérieuses limi-tes : il n’est en effet pas rare que des mi-grant-e-s , parfois eux-mêmesclandestin-e-s, se mettent à exploiterdes sans-papiers de même nationalité.Une sorte de réseau d’entretien entrecompatriotes qui se paye parfois trèscher, comme dans le cas des réseaux deprostitution – des hommes lati-no-américains proxénètes de femmes,également latino-américaines, con-traintes de s’adonner à la prostitution;de même pour des réseaux africains.

Dans le cadre de ces réseaux, des ac-tivités moins lucratives que celles desproxénètes peuvent exister : c’est le casde personnes qui, dans l’économie do-mestique, jouent les intermédiaires

entre des employeurs contactés via despetites annonces dans des journaux lo-caux, tel GHI, et les clandestines en re-cherche d’emploi, ces dernièresdevant reverser un fort pourcentagedu premier salaire à l’intermédiaire.Comme quoi, il n’y a pas de limitesdans l’exploitation entre humains !

Des salaires de misère

La motivation de fuir son pays et dechoisir la Suisse est quasiment sem-blable pour chaque sans-papiers; maisles conditions de vie et de travail ren-contrées ici peuvent être très différen-tes, selon l’origine de la personne, letype d’emploi occupé et l’ancienneté.Malgré la grande précarité et l’insécu-rité rencontrées, malgré les bas salai-res, la grande majorité des personnesque nous voyons font des sacrificesimportants pour envoyer le maximumd’argent à la famille restée au pays,mais également afin d’économiserdans le but d’acheter une maison ou demonter un petit commerce au pays,dans les plus brefs délais possibles.

Ces sacrifices financiers sont extrê-mement importants dès lors que le sa-laire mensuel moyen des sans-papiersrencontré-e-s aux permanences est in-férieur à 2000 francs. Mais, selon lesdonnées accumulées, les salaires indi-viduels touchés, nets de toutes déduc-tions (dont le logement et la nourriturefont parfois partie), oscillent entre 500et 6000 francs. Afin d’augmenter leurfaible revenu (car, on l’aura compris lemontant de 6000 francs représente uneexception !), près de la moitié des per-sonnes concernées exercent plusieursemplois, ou, surtout, ont un mêmetype d’activité chez plusieurs em-ployeurs. C’est évidemment le casdans l’économie domestique.

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Précarité, peur, bassalaires… et quoi encore ?

Le sombre tableau décrit ci-dessusserait incomplet si, au-delà des ques-tions de statut et de travail, d’autresproblèmes rencontrés par les sans-pa-piers n’étaient pas rappelés.

Santé : les sans-papiers ont desproblèmes de santé comparables àceux de la population en général.Avec une grande différence cepen-dant : une absence de couverturedes soins au niveau financier. Selonnos statistiques, seuls 261 deman-deurs-euses (titulaires d’un dossier)sur environ 2000 sont assuré-e-sauprès d’une caisse-maladie, soitseulement le 12%; ce pourcentageétant doublé (25%) pour les enfants.Cette situation de sous-assuranceentraîne les sans-papiers à ne pasconsulter de médecin, en cas demaladie, d’accident ou autre pépinde santé, encore moins à entre-prendre des démarches de préven-tion, totalement ignorées. À cela ilfaut rajouter que des personnesprovenant de pays mal dotés enpolitique sanitaire peuvent véhicu-ler des maladies contagieuses sansle savoir… comme la tuberculose.Campagne d’information insuffi-sante, refus de certaines caissesmaladie d’assurer les sans-papiers(attitude clairement en contradic-tion avec la demande des autoritéscantonales) et salaires insuffisantssont les principales causes de ce fai-ble taux d’assuré-e-s.

Comment serait-il d’ailleurs pos-sible de s’assurer et des payer les coti-sations à une caisse maladie avec unsalaire oscillant la plupart du tempsentre 1000 et 2000 francs ? Impossibili-

té doublée par le fait que les sans-pa-piers ne peuvent bénéficier d’aucunsubside ni d’aucune aide financière, àde rares exceptions près, à moins quede compliquées et délicates démar-ches administratives ne soient entre-prises par un service social. L’accèsaux soins est donc une gageure pourbeaucoup. Les femmes rencontrent degraves problèmes quant aux soins spé-cifiques les concernant, notamment auniveau gynécologique et à celui de laprévention du cancer du sein.

Heureusement, Genève a mis enplace une structure de soins ambula-toires qui prend en charge les person-nes en situation de précarité, dès l’âgede 16 ans, Suisses ou étrangers-ères,avec ou sans statut : l’Unité mobile desoins communautaires (UMSCO),créée en 1997 par le département demédecine communautaire de l’Hôpi-tal cantonal , financée conjointementavec l’Hospice général. L’UMSCO dis-pose d’un budget propre et dispensedes services minimaux et gratuits (sui-vis, soins infirmiers, souffrance psy-chologique, conseils en matière decontraception…). Saluons au passageles nombreuses et bénéfiques collabo-rations que cette unité entretient avecd’autres organismes : les services spé-cialisés et services sociaux des HUG(Hôpitaux universitaires de Genève),l’Arcade des sages-femmes, leCIFERN (Centre d’information et derégulation des naissances), la FSASD(Fédération d’aide et de soins à domi-cile), des dentistes, des pharmaciens,des communautés d’immigré-e-s, dessyndicats, etc.

Cette structure est très importante,puisqu’elle a assuré plus de 7000consultations en 2003, mais cela dé-montre l’ampleur des problèmes sani-taires à affronter dans le champ de la

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précarité et de la clandestinité.Au-delà des coûts qui en découlentpour la collectivité, cette situation nepeut perdurer sans qu’émerge un nou-velle injustice, la constitution d’unemédecine à deux vitesses. De plus, unetelle situation n’est pas exempte d’ar-bitraire, des sans-papiers doivent rem-bourser des factures médicales,d’autres pas; pour d’autres encore, desfonds d’aide sont sollicités.

Sans papiers assurésauprès d'une caisse maladie

Demandeurs 261 sur 2082

Conjoints 13 sur 298

Enfants 156 sur 566

Logement : bien que les sans-pa-piers soient en majorité employé-e-sdans l’économie domestique, raressont les employeurs mettant unlogement à disposition. Comptetenu de la pénurie et de la chertédes logements à Genève, les condi-tions de vie des sans-papiers sontsouvent inacceptables, totalementinsalubres, la promiscuité dans unmême logement exigu n’étant pas lemoindre des problèmes. Despropriétaires de logements, maiségalement des locataires, aussi bienSuisses qu’étrangers-ères stabili-sé-e-s profitent honteusement de lasituation. Les premiers mettent enlocation, les deuxièmes en sous-lo-cation, des appartements à des prixprohibitifs (par ex. un deux piècesde 600 francs mis en sous location à1500 francs). Selon nos statistiques,près de la moitié des personnesconcernées s’entassent jusqu’à 9personnes, à rotation, dans un loge-ment d’une seule pièce ! Ces condi-tions de vie déjà déplorables pourles adultes deviennent définitive-

ment inqualifiables pour les enfantset les jeunes. Ajouter à cela, toutd’abord que les sans-papiers n’ontpas droit à l’allocation-logementdestinée aux personnes ayant unfaible revenu, ensuite que l’État nedispose pas de compétence en ma-tière de contrôles des loyers abusifs,ce domaine relevant du droit privé(une contestation doit suivre la voiehabituelle auprès des tribunauxcivils, justice longue et inaccessibleaux sans-papiers) et l’on compren-dra aisément qu’il y a urgence à ceque les partenaires sociaux semettent autour d’une table pourrésoudre un problème qui a l’allured’une bombe à retardement.

Les sans-papiers et "leur" logementNombre de pièces Personnes

1 pièce 2242

1,5 et 2 1368

2.5 1035

3 et plus 625

Éducation et formation : la ques-tion de la formation professionnelledes sans-papiers adultes, ne posepas de problème, hélas, si l’on peutdire, puisque le niveau de formationet de qualification de ces personnesest étonnamment bon, mais celui-cin’est pas reconnu chez nous : il n’ypas concordance entre leur forma-tion antérieure (acquise dans leurspays d’origine) et l’emploi qu’ellesoccupent à Genève.

En ce qui concerne les enfants, laquestion de la scolarité ne se pose heu-reusement pas, puisque la Suisse s’estengagée à respecter la Convention re-lative aux droits de l’enfant : le droit àl’éducation de tout être humain demoins de 18 ans et l’accès gratuit etobligatoire à l’enseignement primaire.

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Mais encore faut-il que ces clandes-tin-e-s mineur-e-s soient en mesure desortir de la clandestinité et osent fré-quenter l’école publique. Selon les in-formations collectées lors despermanences, il apparaît en effet quedes enfants d’âge scolaire ne vont pastoujours à l’école. Cela dit, la politiquegenevoise est certainement l’une desplus progressistes et ouvertes aumonde en terme de droit à l’enseigne-ment pour tous-tes. Saluons ici les pré-cautions et les mesures prises par lesenseignant-e-s pour éviter tout risqued’interpellation d’élèves en situationirrégulière (par ex. l’option de ne pasorganiser de déplacements ou decourses d’école hors des frontières).

Le droit à la formation n’est parcontre pas garanti. Même à Genèvenombre de problèmes restent à ré-soudre dans ce domaine. Genèvesemble pourtant être le seul canton àpermettre l’accès d’élèves sans-pa-piers à l’enseignement post-obliga-

toire, mais il faut reconnaître que lenombre de jeunes clandestin-e-s y esttrès limité.

Par contre le droit à une formationprofessionnelle, par apprentissage,n’est pas admis. Cette situationconcerne déjà un nombre assez élevéd’élèves n’ayant pas le niveau scolairerequis pour poursuivre des étudesau-delà de la scolarité obligatoire.L’augmentation, chaque année, de jeu-nes soudainement livré-e-s à eux/el-les-mêmes, lâché-e-s par la sociétédevient un problème majeur dans lapolitique de la jeunesse. Là encore, ils‘agit d’une vraie bombe à retarde-ment ! Tout reste à résoudre sur le planmacro-social, malgré la bonne volontédont font preuve sur le terrain les pro-fessionnel-le-s (enseignant-e-s,conseillers-ères sociaux-ales, psycho-logues …) pour imaginer des alternati-ves et trouver des solutions au cas parcas pour ces jeunes.

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Les menaces légales pesantsur les clandestin-e-s

La répression du travail et du séjourclandestins est réglée par le droit fédé-ral mais son application incombe auxautorités cantonales. Deux objectifssont visés: tout d’abord, la limitationde la présence sur sol suisse d’étran-gers-ères sans statut légal exerçant ounon une activité lucrative (c’est le fa-meux combat des nationalistes contrela «surpopulation étrangère»); ensuite,la maîtrise par les pouvoirs publics del’accès au marché du travail (il s’agit icide protéger le marché national).

On ne sera pas surpris de découvrirqu’historiquement, le droit fédéral secentre prioritairement sur le premierobjectif : le séjour clandestin est consi-déré comme plus grave que le seulexercice d’une activité sans autorisa-tion dans la mesure où cette dernièrene saurait, notamment, constituer unmotif suffisant d’éloignement du terri-toire pour une personne en possessiond’une autorisation de séjour. Les per-sonnes découvertes sont tout d’abordsanctionnées à cause de leur présenceillégale et non en raison de l’exerciced’une activité au noir.

C’est donc en toute logique, si l’onpeut dire, que la sanction qui s’abatsur l’employé-e sans-papiers est pluslourde que cel le dest inée àl’employeur, que l’amende infligéeau/à la premier-ère est bien plusélevée que celle que reçoit ce mêmeemployeur reconnu pourtant cou-pable de non respect des formalitésen matière d’autorisation de travail.

Sont ici présentées les principaux ar-ticles de la Loi fédérale sur le séjour desétrangers en Suisse (LSE) et del’Ordonnance fédérale (OLE) régissantles sanctions du travail clandestin. Ilfaut relever que les dispositions envigueur proviennent de diverses lois,que les modes d’application diffèrentd’une instance à l’autre et que l’on ob-serve un manque évident de coordina-tion entre les intervenants possibles(police, autorités du marché del’emploi, de la population, contribu-tions publiques, tribunaux, assur-ances, etc.).

Extrait de l’éventail dessanctions possibles

Renvoi de l’employé «sans-papiers»(article 12, LSEE) :

L’étranger qui n’est au bénéfice d’aucuneautorisation peut être tenu en tout temps dequitter la Suisse.

Interdictions d’entrée à l’égard del’employé (article 13, LSEE) :

L’autorité fédérale peut interdire l’entréeen Suisse d’étrangers indésirables. Ellepeut aussi, mais pour une durée n’excé-dant pas trois ans, interdire l’entrée enSuisse d’étrangers qui ont contrevenu gra-vement ou à réitérées fois à des prescrip-tions sur la polices des étrangers…

Détention de l’employé«sans-papiers» - mesures decontrainte – (article 13, al. A, LSEE) :

Afin d’assurer le déroulement d’une pro-cédure de renvoi, l’autorité cantonale peutordonner la détention d’un étranger qui nepossède pas d’autorisation régulière de sé-jour ou d’établissement pour une durée de

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trois mois au plus, pendant la préparationde la décision sur son droit de séjour, sicette personne, a) refuse de décliner sonidentité, b) quitte une région qui lui as-signée (note : en cas de dépôt d’une de-mande d’asile), c) franchit la frontièremalgré une interdiction d’entrée en Suisseet ne peut être renvoyée immédiatement.

Sanctions à l’égard de l’employé«sans-papiers» - emprisonnement,amende – (article 23, al. 1, LSEE) :

… Celui qui entre ou réside en Suisse il-légalement sera puni de l’emprisonnementjusqu’à six mois. À cette peine pourra êtreajoutée une amende de 10’000 francs auplus. Dans le cas de peu de gravité, lapeine peut consister en une amende seule-ment (article 23, al. 1).

En cas de refoulement immédiat, il pour-ra être fait abstraction de toute peine pourentrée illégale (article 23, al. 3).

Sanctions à l’égard del’employeur (article 23, al. 4, LSEE) :

Celui qui, intentionnellement, aura occu-pé des étrangers non autorisés à travailleren Suisse sera puni pour chaque casd’étranger employé illégalement d’uneamende jusqu’à 5’000 francs. Celui quiaura agi par négligence sera puni d’uneamende jusqu’à 3’000 francs.

Sanctions à l’égard de l’employeuren cas de récidive – emprisonnement(article 23, al. 5, LSEE) :

Celui qui, ayant agi intentionnellement,aura déjà fait l’objet d’un jugement exécu-

toire selon le 4e alinéa et qui, en l’espacede cinq ans, occupera de nouveau unétranger illégalement, pourra être puni, enplus de l’amende, de l’emprisonnementjusqu’à six mois ou à des arrêts.

Autres infractions(article 23, al. 6, LSEE) :

Les autres infractions aux prescriptionssur la police des étrangers ou aux déci-sions des autorités compétentes seront pu-nies de l’amende jusqu’à 2'000 francs;dans les cas de très peu de gravité, il pour-ra être fait abstraction de toute peine.

Sanctions «cantonales» à l’égardde l’employeur (article 55, OLE) :

Si un employeur a enfreint à plusieurs re-prises ou gravement les prescriptions dudroit des étrangers, l’Office cantonal del’emploi (OCE) rejettera totalement ou par-tiellement ses demandes, indépendam-ment de la procédure pénale. L’OCE peutégalement mettre en garde le contrevenantpar sommation écrite, sous menace d’ap-plication de sanctions. Les frais d’assis-tance et le rapatriement pour les étrangersqui ont été occupés sans autorisation se-ront à la charge de l’employeur. S’il ne s’ac-quitte pas de son obligation et si l’autoritécompétente doit avancer la somme néces-saire pour couvrir les frais, elle pourra se re-tourner contre lui.

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Le chèque service

Le chèque service mis en place parles autorités cantonales est une struc-ture administrative destinée à mettreun peu d’ordre dans l’économiedomestique. Ce nouveau service apour but de faciliter les démarchesadministratives pour les personnes etles familles employant, régulièrementou occasionnellement, une femme deménage ou tout-e autre employé-e demaison (emplois au pair, emploisdomestiques). C’est un début deréponse à un problème plus vaste quidépasse largement ces questionsd’ordre administratif, celui visant àconstituer l’économie domestique enune réelle entité employeuse. Cesecteur, grand pourvoyeur d’emploisau noir et/ou clandestins, devra bien,un jour, être défini et identifié en tantqu’employeur collectif. Nombreusessont en effet les familles qui doiventfaire appel (pour toutes sortes de rai-sons) à une femme de ménage, unegarde d’enfant ou une aide soignante,qui ne sont pas reconnues sur lemarché du travail officiel, ni admisesdans un statut légal.

On évalue à quelque 25'000 lenombre des familles employant ainsi,clandestinement, des employé-e-s,sans (presque) jamais les déclarer auxassurances sociales, aux impôts, parfacilité, paresse, ignorance ou parceque l’employé-e, mal conseillé-e, le de-mande à tort. C’est ainsi que, la plu-part du temps sans le savoir, cesfamilles contribuent à maintenir desmilliers de personnes dans la précaritéla plus totale. Il est vrai qu’il n’est pasforcément aisé de remplir les démar-ches de tout employeur vis-à-vis des

assurances et du fisc, pour un simplepère de famille, un couple âgé ou unepersonne seule ayant charge de fa-mille. Avec le Chèque service, ces per-sonnes et ces familles n’auront plusd’excuse à faire valoir ! De plus, ducôté des employé-e-s, avec ou sans-pa-piers, il s’agit de généraliser le principeapplicable à tout emploi : toute per-sonne salariée participe à la solidarité,en cotisant aux assurance sociales –mais également en en bénéficiant – etaux impôts; de la même façon, toutemployeur doit y participer, de façonparitaire.

Le modèle de chèque mis sur pied àGenève est similaire à ce qui existedéjà, de façon probante, à Martigny,depuis plusieurs années déjà, dans lecanton de Vaud, plus récemment, et enFrance, sous le label « chèque emploi ».À Genève, feu le Conseil économiqueet social avait prôné, avec le soutien duSIT, un modèle comparable au fran-çais, plus ambitieux que celui qui vientd’être concrètement mis sur pied.

Précisons qu’après quelques moisde fonctionnement, le Chèque servicecommence à prendre son rythme decroisière : sur les milliers d’em-ployeurs potentiels, l’institution FoyerHandicap chargée d’assurer l’admi-nistration de la structure, annonçaitprès de 300 inscriptions à la fin duprintemps 2004. 300 employeurs quiont fait le pas de sortir de l’ombre, c’estun début encourageant alors que lacampagne d’information vient à peinede démarrer.

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Comment ça marche ?

Afin de décharger les nombreux em-ployeurs de l’économie domestiquedes démarches administratives affé-rentes aux obligations susmention-nées, les autorités cantonalesconcernées (DASS, DEEE, DIP) et laFondation Foyer Handicap ont mis surpied une association à but non lucratif :«Chèque service»… qui mandate l’ins-titution Foyer-Handicap pour :• prendre en charge la gestion

comptable du système;• assurer le rôle d’interface entre les

employeurs et les assurancessociales ainsi que l’administrationfiscale.Les objectifs du système sont de :

• garantir une protection sociale debase aux employé-e-s (assurancesAVS, AI, APG, AC, Amat, acci-dents);

• décharger les employeurs desdémarches administratives tout enles mettant en règle avec les assur-ances sociales de base;

• permettre une meilleure transpa-rence des relations de travail.

Les autorités cantonales ont confiécette mission à l’institution Foyer-Handicap, tout d’abord pour bénéfi-cier des expériences et compétences enplace, mais également pour favoriserl’intégration de personnes handica-pées dans le prolongement de l’annéeeuropéenne du handicap.

Le système Chèque service est trèssimple :• l’employeur verse les charges

sociales prévisibles à Chèque ser-vice;

• l’employeur, comme normalement,paie l’employé comptant;

• l’employeur complète le chèque et leremet à Foyer Handicap.

Le chèque comprend trois volets :

• un volet blanc quittance pour l’em-ployeur;

• un volet central que l’employeuradresse à Chèque service pourtraitement des décomptes de salaireet des cotisations sociales;

• un volet décompte pour l’employé.Ainsi, sur mandat de l’association

Chèque service, Foyer Handicapprend en charge l’enregistrement desemployeurs adhérents et la gestioncomptable, alors que dans le domainedu droit du travail et des assurancessociales, c’est le service des Relationsdu travail de l’OCIRT qui conseille lesemployé-e-s et les employeurs.

Pratiquement, le ménage privé ou lafamille qui désire adhérer au systèmeadresse un formulaire d’adhésion partravailleur-euse à Chèque service et luiverse le montant des charges prévisi-bles, lequel Chèque service calcule lescotisations sociales et, après les avoirprélevées sur l’avance versée par l’em-ployeur, les destine aux différentes as-surances sociales. Chèque serviceétablit le certificat de salaire annuel.

Pour ce qui concerne le montant descharges prévisibles que doit verserl’employeur, celui-ci se situe à 20% dusalaire (environ 14% pour les chargesproprement dites et environ 6% pourles frais administratifs et de gestion).

Toutes les informations concernantChèque service sont disponibles auprès des22 centres d’actions sociales et de santé(CASS) du canton et auprès de la plupartdes mairies.

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Les sans-papiers,acteurs-trices de leur propre lutte

Tout au long de l’action collective encours, les travailleurs-euses sans-pa-piers se maintiennent organisé-e-s etmobilisé-e-s; ils se réunissent réguliè-rement en assemblées d’information etd’échanges, à l’appel du SIT, pour fairele point sur les actions en cours, pourrépondre aux questions que se posentles intéressé-e-s, etc. De plus, lessans-papiers se sont constitué-e-s éga-lement en associations nationales, quisont de plus en plus actives et remplis-sent un rôle important en termes delien social et d’intégration. Ils/elles neveulent pas de solution individuelle,au cas par cas, sans issue, porteuses dedivision et qui font appel à des critèresjugés souvent déplacés et arbitraires;ils/elles ne demandent pas la charitémais la justice et aspirent à une solu-tion d’ensemble, seule en mesure defaire admettre et reconnaître que leurprésence en Suisse, dès lors qu’ils/el-les y travaillent, répond à une exigencedu marché du travail. Ils/elles deman-dent que soit mis fin à l’hypocrisie ac-tuelle, car ils/elles ont un emploi, il estdonc logique qu’un permis de travail,donc de séjour, leur soit octroyé.

Leur mot d’ordre: un emploi – unpermis de séjour ! Ils/elles sont destravailleurs-euses à part entière;i ls /e l les entendent se fairereconnaître comme tel-le-s, engénérant des solidarités concrètesentre eux/el les, immigré-e-soriginaires de multiples pays et avecles travailleurs-euses locaux-ales. Leslogan travailleurs suisses –immigrés unité et solidarité trouve

ici toute sa signification et sa portéesociale.

Ils/elles savent qu’en se serrant lescoudes et en interprétant au quotidienle vieil adage «l’union fait la force»,ils/elles gardent intact leur espoir dese voir un jour autorisé-e-s à vivre enSuisse sans plus raser les murs ni se ca-cher. Vivre, quoi ! En toute liberté !

Beaucoup d’entre eux/elles (et lesexemples qui jalonnent ce texte leprouvent) se trouvent en Suisse depuisde nombreuses années. Patiemment,ils/elles attendent que les effets del’action en cours se fassent sentir; les si-gnaux venant de Genève, on l’a vu,sont perçus par eux/elles comme en-courageants. Les recherches et étudescommanditées par le Conseil d’État,vont sans nul doute apporter des élé-ments de clarification décisifs. L’exé-cutif genevois sera alors mieux àmême de comprendre et de maîtriserau mieux ce dossier atypique de l’im-migration en vue de convaincre à sontour les autorités fédérales.

Avec le SIT, les sans-papiers deman-dent que les autorités admettent unefois pour toutes, de façon particulière,que l’économie domestique constitueun secteur économique à part en-tière, au même titre que l’agricultureou l’hôtellerie-restauration; que cesecteur ne peut fonctionner sans quelui soient attribués les emplois néces-saires et, partant, les autorisations detravail et de séjour qui y sont liées.Lorsque ce secteur sera sorti del’ombre et réglementé comme il se

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doit, un grand pas aura été franchi endirection d’une régularisation collec-tive des sans-papiers.

Protagonistes de la lutte pour leurreconnaissance, les sans-papiers, àl’appel du SIT, se sont réuni-e-s massi-vement en assemblée, le 18 mai 2004,dans le lieu historique du mouvementouvrier et syndical genevois, la salledu Faubourg. Ils/elles étaient plus de1500 à ainsi démontrer la force et la dé-termination de leur mouvement. Uneassemblée qui constitue le dernier actedu document présent.

Après avoir fait le point de la situa-tion, chaque fois à une grande majori-té, les participant-e-s ont pris desdécisions importante au cours de lasoirée, en réaffirmant avec force leurdétermination à poursuivre la luttepour une régularisation collective deleur situation, de façon unitaire et soli-daire. Bien que les choses évoluentplus lentement que souhaité, ils/ellesont pris acte que les expulsions manumilitari n’ont plus cours et que le dia-logue reste ouvert avec les autorités.Cependant le statu quo n’étant pas fa-vorable à terme, ils/elles ont décidé dedonner partiellement suite à l’invitedu Conseil d’État, telle que contenuedans sa lettre de janvier 2004 (extraits):

«…Par ailleurs, en prêtant attentionaux statistiques annexées à vos deux dé-pôts de dossiers, nous avons remarquéqu’un certain nombre de personnes, sansstatut légal à Genève, sont susceptibles desatisfaire aux conditions posées par la cir-culaire fédérale du 21 décembre 2001 (ditecirculaire Metzler) pour une régularisa-tion. L’un des critères d’examen est, en ef-fet, celui d’un séjour minimal en Suisse dequatre ans, auquel viennent s’ajouterd’autres éléments essentiels, en particulierl’intégration au marché du travail, l’indé-

pendance financière, un comportement ir-réprochable ou encore le fait que le renvoiserait considéré comme un cas de rigueurexcessive.

Nous vous invitons, dès lors, à présenterà l’Office cantonal de la population, d’oreset déjà et en priorité, les dossiers de toutesles personnes dont la régularisation seraitpossible selon les critères actuels, afin de nepas prolonger sans raison leur situationprécaire ».

Par ces lignes, le Conseil d’État émetune position que le SIT et l’assembléeont jugé timorée, mais comme ellen’est ni définitive, ni impérative, lesparticipant-e-s ont décidé de mettre lepied dans la porte entrouverte, pouréviter qu’elle ne se referme, mieux,pour faire en sorte qu’elle s’ouvretoute grande !

Tout en refusant les critères, sourcesd’arbitraire, contenus dans la circu-laire Metzler, hormis peut-être celui del’ancienneté, les sans-papiers sont par-venu-e-s à se mettre d’accord sur le faitqu’il s’agissait d’engranger ce qui étaitpossible sans plus tarder. Quatre ans(ou plus) et un emploi sont d’ailleursles deux seuls critères pris en comptedans le débat. Les personnes répon-dant à cette condition d’ancienneté re-présentent plus du tiers des dossiersaux mains du SIT. Il va sans dire queles deux autres tiers ne seront en aucuncas laissés sur les bas côtés de la route,ni livrés à eux-mêmes. Anciens ounouveaux, la lutte continue pour touset toutes dans l’unité. D’ailleurs, étantdonné la lenteur de la procédure dansce type de problématique, ceux/cellesqui n’ont pas aujourd’hui cette ancien-neté… l’auront bien un jour ! D’aucunspourraient déceler un piège dans cenouveau dépôt collectif partiel de ré-gularisation; un risque de division ausein de la communauté des sans-pa-

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piers n’est pas à minimiser, mais nerien entreprendre ni ne rien tenter re-présenterait un risque encore plusgrand : celui, notamment, de voir despersonnes, gagnées par l’impatience,déposer individuellement des deman-des de permis, démarches pourtant,comme on le sait d’expérience, vouéesquasiment toutes à l’échec. Il n’est hé-las pas rare que de telles demandessoient déposées par certains avocatsqui ont tendance à profiter de la tropgrande crédulité de leurs client-e-s, enles leurrant sur les chances bien min-ces de réussite, pour se faire du fric àbon marché !

L’assemblée du Faubourg a doncmandaté le SIT pour qu’il entametoute démarche nécessaire en faveurde cette première cohorte de sans-pa-piers ayant un emploi et quatre ans ouplus d’ancienneté, étant entendu quepour tous-toutes les autres, la revendi-cation d’une régularisation collective aété réaffirmée avec force. Socle indis-pensable à la poursuite du dialogue, lenon renvoi manu militari des sans-pa-piers interrogé-e-s par la police et ledroit au travail, sans obstacle nitracasserie à l’égard des intéressé-e-s.Dans la foulée, et dans la droite lignedes options adoptées au cours de lasoirée, les sans-papiers ont étévivement invité-e-s à participer aux

manifestations et autres actions à venircontre la LEtr, véritable machine àfabriquer des sans-papiers…

C’est ainsi que l’action collective encours est en train de franchir une nou-velle étape. La lutte pour une régulari-sation de tous/toutes les sans-papierstravaillant dans notre canton, dansl’économie domestique comme dansles autres secteurs, sera encore longue,pleine d’embûches et de difficultés.Mais nos ami-e-es travailleurs-eusessans statut légal connaissent très bienla signification de ces mots, car tous ettoutes ont déjà eu à maintes reprises àsurpasser de tels obstacles. Leur espoird’une intégration définitive dans notresociété est à la mesure de la patience etdu réflexe de solidarité qui les habitenttous.

En tant que syndicat, pas après pas,nous accompagnons leur lutte; nousnous engageons avec eux/elles pourcombattre la précarité et la peur aveclesquelles ils/elles vivent quotidien-nement; nous sommes déterminé-e-s àéradiquer l’hypocrisie qui perduredans ce dossier de l’immigration et del’emploi, et qui n’a que trop duré; noussavons que la lutte en cours sera en-core longue et périlleuse, car elles’intègre dans un combat sans fin… etsans cesse à renouveler pour la dignitéet pour le respect des droits humains.

Un emploi = un permis !Les sans-papiers sont des travailleurs-euses à part entière;

leurs droits doivent être reconnus !Travailleurs-euses suisses et immigré-e-s, unité et solidarité

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Rejoignezla commission migration du SIT

La commission migration du SIT est composée de militant-e-s et desecrétaires syndicaux et est ouverte à toute personne désireuse defaire mettre en pratique la ligne du SIT dans ce domaine.

Elle se réunit environ une fois par mois, mais a besoin de compter surde nouvelles forces vives pour contribuer à la défense au quotidiendes sans papiers.

La participation à cette action peut donc être de rejoindre la commis-sion migration de façon régulière pour participer à la réflexion et à l’ac-tion, ou de fournir une aide ponctuelle, en fonction de sesdisponibilités et de ses compétences pour aider aux permanencesmise sur pied pour les sans papiers, accepter des parrainages, etc.

Si vous y êtes intéressé-e, vous pouvez contacter le secrétaire syndi-cal responsable de cette commission : Ismail Metin Türker.

Merci

Le SIT et sa commission migration tiennent à remercier chaleureuse-ment :

• l’un de ses membres, Daniel Dind, qui a participé très activement àla rédaction de cette brochure;

• le dessinateur Pierre Reymond, dont les dessins d’une précédentebrochure ont été réutilisé, lui qui a réussi à mettre des traits sou-riants dans un dossier qui ne l’est guère, et à qui il n’y a pas eu be-soin de faire de petits dessins pour en montrer l’importance.

Ces ouvrages ont servi pour la rédaction de ce texte :

• Pascale Byrne-Sutton - "Sans papiers, quelle situation à Genève?" -Genève, 2003

• Commission d'évaluation des politiques publiques - "Emploi clan-destin : quelles sanctions ?" - Genève, avril 2003

• Chimienti, Milena, Efionayi-Mäder, Denise - "Evaluation de l'appli-cation des mesures de répression du travail clandestin: rapportconcernant les modules 2 et 3", mandat de la CEPP. Neuchâtel: Fo-rum suisse pour l'étude des migrations et de la population, 2003

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Sommaire

Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1

Comment la situation a évolué depuis deux ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Précision : il y a «sans-papiers et sans-papiers». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

L’économie domestique au cœur du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

L’économie domestique : tout d’abord un problèmed’emplois et …d’employeurs «clandestins» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Exemples de situations concrètes… et vécues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Précarité et emplois féminins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Cinq portraits parmi des milliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

L’économie domestique en chiffres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

L’urgence de combattre l’esclavagisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

La clandestinité : une atteinte aux droits humains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Une action collective de longue durée : les permanences au SIT. . . . . . . 28

Profil des sans-papiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

Les menaces légales pesant sur les clandestin-e-s . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Le chèque service . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41

Les sans-papiers, acteurs-trices de leur propre lutte. . . . . . . . . . . . . . . . . 43

La commission migration du SIT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .46

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L'action collective en cours esten train de franchir une nouvelle étape.La lutte pour une régularisation detous/toutes les sans-papierstravaillant dans notre canton,dans l’économie domestiquecomme dans les autres secteurs,sera encore longue, pleine d’embûcheset de difficultés.Mais nos ami-e-s travailleurs-eusessans statut légal connaissenttrès bien la signification de ces mots,car tous et toutes ont déjà euà maintes reprisesà surpasser de tels obstacles.Leur espoir d’une intégration définitivedans notre sociétéest à la mesure de la patience etdu réflexe de solidarité qui les habitent.

Genève, septembre 2004 - SITReproduction autorisée et souhaitée, mais en mentionnant la source