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Traitement des angiomes par laser pulsé à colorant F Lemarchand-Venencie Résumé. Le développement du laser pulsé à colorant (LPC) a été un progrès décisif dans le traitement des angiomes plans : il a ouvert la voie du rêve thérapeutique de les effacer sans cicatrice. Si les progrès techniques des constructeurs ont permis en 10 ans d’améliorer son caractère douloureux et son efficacité, il reste cependant un traitement long et fastidieux pour les angiomes plans de très grande surface. L’angiome plan est son indication majeure et actuellement seule reconnue à la nomenclature des actes cotés à l’assurance maladie. Le LPC a en revanche un intérêt variable dans les autre classes d’angiomes : indications sélectives pour les hémangiomes, absence d’indication pour les malformations veineuses et contre-indications pour les malformations artérioveineuses. L’indication dans les malformations lymphatiques est à l’étude. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : laser pulsé à colorant, angiomes, télangiectasies, radiodermite, hémangiome, malformation veineuse, malformation lymphatique, malformation artérioveineuse. Introduction Le développement du laser pulsé à colorant (LPC) a été un apport décisif dans le traitement de certains angiomes, en particulier celui des angiomes plans. Par leurs caractéristiques physiques et leur mode d’action tout à fait particulier, les LPC ont enfin permis d’espérer l’effacement sans cicatrice de ces disgrâces congénitales que sont les angiomes plans et dont le préjudice esthétique, particulièrement lourd lorsqu’il siège au visage, motive la demande constante des patients. En revanche, l’efficacité de ces lasers (LPC) est pour l’instant presque élective sur les angiomes du secteur capillaire : plus que décevante sur les angiomes du secteur veineux ou lymphatique, l’utilisation des LPC peut même être préjudiciable dans le groupe des malformations vasculaires hémodynamiquement actives que sont les malformations artérioveineuses (MAV) : elles constituent la seule contre-indication pour l’instant connue à ce type de traitement. Classification des angiomes de l’ISSVA L’efficacité du laser pulsé à colorant n’étant pas identique sur tous les types d’angiomes, pour guider au mieux les indications justifiées de ce traitement, il est important de se référer à la classification des angiomes actuellement reconnue par le plus grand nombre, qui est la classification de l’International Society for the Study of Vascular Anomalies (ISSVA) (tableau I) [17, 20, 23] . Cette classification oppose le groupe des tumeurs vasculaires, essentiellement constitué par les hémangiomes à celui des malformations vasculaires. HÉMANGIOME Il est spécifique du nourrisson et de la première enfance : en règle générale, il apparaît après la naissance avec un décalage de quelques jours à quelques semaines, et est le plus souvent spontanément régressif au-delà d’une période d’évolutivité initiale (d’intensité imprévisible) dans les 6 ou 9 premiers mois. Sa structure vasculaire est extrêmement particulière, pseudotumorale, faite de cellules endothéliales rappelant les cellules endothéliales fœtales ou placentaires (marqueur phénotypique GLUT 1) [24] , retrouvées en amas compacts au sein desquels se différencient progressivement des espaces vasculaires aboutissant à un aspect capillaire cutané normal, au fur et à mesure de la régression. MALFORMATIONS VASCULAIRES Elles sont présentes dès le jour de la naissance, parfois à la limite de la visibilité, mais persistent tout au long de la vie, avec une évolutivité différente en fonction du type de secteur vasculaire intéressé. Françoise Lemarchand-Venencie : Ancienne interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique assistant, attaché consultant. Institut de recherche sur la peau, service du Professeur L Dubertret, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude- Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Consultation pluridisciplinaire des angiomes, service du Professeur Merland, hôpital Lariboisière Paris, France. Tableau I. – Anomalies vasculaires superficielles et indications du la- ser pulsé à colorant d’après la classification des angiomes (ISSVA). Hémangiomes Malformations vasculaires Indications sélectives Capillaires (1) = meilleure indication Veineuses (1) = non-indication Botriomycomes Lymphatiques (1) ) à l’étude Artérioveineuses (2) = contre-indication (1) hémodynamiquement inactives. (2) hémodynamiquement actives. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-370-F-14 50-370-F-14 50-370-F-14 Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemarchand-Venencie F. Traitement des angiomes par laser pulsé à colorant. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-370-F-14, 2003, 7 p.

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Traitement des angiomes par laser pulséà colorant

F Lemarchand-Venencie

Résumé. – Le développement du laser pulsé à colorant (LPC) a été un progrès décisif dans le traitement desangiomes plans : il a ouvert la voie du rêve thérapeutique de les effacer sans cicatrice.Si les progrès techniques des constructeurs ont permis en 10 ans d’améliorer son caractère douloureux et sonefficacité, il reste cependant un traitement long et fastidieux pour les angiomes plans de très grande surface.L’angiome plan est son indication majeure et actuellement seule reconnue à la nomenclature des actes cotésà l’assurance maladie.Le LPC a en revanche un intérêt variable dans les autre classes d’angiomes : indications sélectives pour leshémangiomes, absence d’indication pour les malformations veineuses et contre-indications pour lesmalformations artérioveineuses. L’indication dans les malformations lymphatiques est à l’étude.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : laser pulsé à colorant, angiomes, télangiectasies, radiodermite, hémangiome, malformationveineuse, malformation lymphatique, malformation artérioveineuse.

Introduction

Le développement du laser pulsé à colorant (LPC) a été un apportdécisif dans le traitement de certains angiomes, en particulier celuides angiomes plans. Par leurs caractéristiques physiques et leurmode d’action tout à fait particulier, les LPC ont enfin permisd’espérer l’effacement sans cicatrice de ces disgrâces congénitalesque sont les angiomes plans et dont le préjudice esthétique,particulièrement lourd lorsqu’il siège au visage, motive la demandeconstante des patients. En revanche, l’efficacité de ces lasers (LPC)est pour l’instant presque élective sur les angiomes du secteurcapillaire : plus que décevante sur les angiomes du secteur veineuxou lymphatique, l’utilisation des LPC peut même être préjudiciabledans le groupe des malformations vasculaires hémodynamiquementactives que sont les malformations artérioveineuses (MAV) : ellesconstituent la seule contre-indication pour l’instant connue à ce typede traitement.

Classification des angiomes de l’ISSVA

L’efficacité du laser pulsé à colorant n’étant pas identique sur tousles types d’angiomes, pour guider au mieux les indications justifiéesde ce traitement, il est important de se référer à la classification desangiomes actuellement reconnue par le plus grand nombre, qui estla classification de l’International Society for the Study of Vascular

Anomalies (ISSVA) (tableau I) [17, 20, 23]. Cette classification oppose legroupe des tumeurs vasculaires, essentiellement constitué par leshémangiomes à celui des malformations vasculaires.

HÉMANGIOME

Il est spécifique du nourrisson et de la première enfance : en règlegénérale, il apparaît après la naissance avec un décalage de quelquesjours à quelques semaines, et est le plus souvent spontanémentrégressif au-delà d’une période d’évolutivité initiale (d’intensitéimprévisible) dans les 6 ou 9 premiers mois. Sa structure vasculaireest extrêmement particulière, pseudotumorale, faite de cellulesendothéliales rappelant les cellules endothéliales fœtales ouplacentaires (marqueur phénotypique GLUT 1) [24], retrouvées enamas compacts au sein desquels se différencient progressivementdes espaces vasculaires aboutissant à un aspect capillaire cutanénormal, au fur et à mesure de la régression.

MALFORMATIONS VASCULAIRES

Elles sont présentes dès le jour de la naissance, parfois à la limite dela visibilité, mais persistent tout au long de la vie, avec uneévolutivité différente en fonction du type de secteur vasculaireintéressé.

Françoise Lemarchand-Venencie : Ancienne interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique assistant,attaché consultant.Institut de recherche sur la peau, service du Professeur L Dubertret, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France.Consultation pluridisciplinaire des angiomes, service du Professeur Merland, hôpital Lariboisière Paris,France.

Tableau I. – Anomalies vasculaires superficielles et indications du la-ser pulsé à colorant d’après la classification des angiomes (ISSVA).

Hémangiomes Malformations vasculaires

Indications sélectives Capillaires(1) = meilleure indicationVeineuses(1) = non-indication

BotriomycomesLymphatiques(1) ) à l’étude

Artérioveineuses(2) = contre-indication

(1) hémodynamiquement inactives.(2) hémodynamiquement actives.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemarchand-Venencie F. Traitement des angiomes par laser pulsé à colorant. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique,50-370-F-14, 2003, 7 p.

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¶ Secteur capillaire

Le représentant essentiel est l’angiome plan, fait d’une augmentationde la densification du réseau capillaire et du volume des capillairesdermiques. D’intensité et d’étendue très variables, (du rose très pâleau violine le plus foncé, recouvrant quelques millimètres à unhémicorps ou plus), son évolutivité spontanée est très lentementprogressive vers une accentuation de la couleur, un épaississementde l’angiome cutané et des autres téguments sous-jacents intéressés,et éventuellement constitution de petites ectasies nodulaires violinessuperficielles le plus souvent après la quatrième décade. Les autresreprésentants des malformations vasculaires du secteur capillairesont de plus petite taille, soit unitaires et isolés comme les angiomesstellaires et rubis ou au contraire associés entre eux, comme lestélangiectasies (des nappes d’érythrose et de couperose) ou associéesaussi à différents éléments de syndromes généraux comme lestélangiectasies de certaines collagénoses ou de certaines affectionsgénétiques (maladie de Rendu Osler, télangiectasies héréditaires deBlum, Rothmund-Thomson, etc).

¶ Secteur veineux

Hémodynamiquement inactif, il peut être le siège de malformationsdites veineuses ou capillaroveineuses, constituées par la dilatationpassive et progressive en grappe de raisin des segmentspostcapillaires veineux : une coloration tégumentaire bleutée peuts’accompagner d’une hypertrophie si la masse angiomateuse estimportante : elles sont lentement progressives et se compliquent designes secondaires à la stase sanguine au sein des poches veineuses(poussées inflammatoires, constitution de phlébolites, et de troublesde la coagulation dans les formes étendues : coagulationintravasculaire disséminée [CIVD] a minima). La coloration bleutée,le volume de la dilatation angiomateuse, et sa localisation souventprofonde, expliquent la résistance aux techniques actuelles de LPC.

¶ Secteur artériel

Les malformations vasculaires développées aux dépens du secteurartériel définissent un groupe hémodynamiquement actif quiconstitue celui des plus dangereuses des malformations vasculaires.Le plus souvent présentes mais invisibles ou quiescentes depuis lanaissance, elles peuvent être révélées à l’occasion d’un traumatismeou d’une modification hormonale (puberté chez le garçon, puberté,grossesse ou modification contraceptive chez la femme). Leurpronostic est dominé par leur extension locorégionale souventimprévisible, et leur risque hémorragique et hémodynamique quipeut devenir vital. Dans ce type de malformation, le traitement laserfait partie des stimulations iatrogènes, susceptibles de déclencherune poussée évolutive sans que l’on puisse actuellement définirpourquoi ni déterminer à l’avance celles des MAV qui y serontsensibles ou pas. La prudence est donc de mise pour ce groupe demalformations qui doit, jusqu’à plus ample connaissance, êtreconsidéré comme une contre-indication au traitement laser, quel quesoit son type.

Différents types de LPC (tableau II)

LPC CLASSIQUE DE PREMIÈRE GÉNÉRATION

Le mode d’action du LPC est fondé sur le principe dephotothermolyse sélective, qui consiste à chauffer très rapidementun vaisseau à une température très supérieure à 100 °C, tout enlimitant l’échauffement du derme avoisinant. Ce principe utilisedonc une impulsion laser très intense de l’ordre de 20 kW/cm2, maisplus courte que le temps de relaxation thermique du vaisseau. Il seproduit alors une élévation très importante de la température et dela pression à l’intérieur de ce vaisseau, à l’origine d’une rupture desa paroi et de l’extravasation du sang : cliniquement, cela se traduitpar un purpura caractéristique de ce mode d’action (fig 1). Sonmilieu actif est un colorant organique fluorescent, la rhodamine, quipermet d’obtenir une lumière dont les longueurs d’onde varient de570 nm à 610 nm, c’est-à-dire dans la zone où elle est le mieuxabsorbée par l’hémoglobine, avec un rendement maximum à590 nm. La première génération de LPC est caractérisée par unelongueur d’onde fixe à 485 nm, une durée d’émission très courte de450 µs et une fluence comprise entre 6 à 8 J/cm2. L’impact, de formeronde, varie de 3 à 5 mm de diamètre, et le purpura généré dure de5 à 15 jours en fonction de la fluence utilisée, de la réactionindividuelle du patient, et du type de l’angiome.En dépit du caractère très affichant de ce purpura immédiat (qui nedoit être ni bulleux ni croûteux), la résolution cutanée ad integrumest la règle dans les conditions normales d’utilisation, et les soinspostintervention doivent être réduits au minimum (exemple :pulvérisations d’eau thermale).Outre ce purpura, ces lasers de première génération présentent lescontraintes suivantes :

Tableau II. – Différents types de lasers pulsés à colorant.

Longueurs d’onde(nm) Durée de l’impact

Diamètre de l’impact(mm)

FluencesJ/cm2

Systèmede cryoanesthésie

1re

génération- Candela SPTL 1a 585 450 µs 3 et 5 4 à 8 non- Cynosure PhotoGenica 585 450 µs 3 et 5 5 à 20 non- SLS Chromos 585 585 150-240 µs 3 et 5 non

2e génération- Candela Sclero Plus 585, 590, 595, 600 1 500 µs (= 1,5 ms) (3)-5-7-(10) 5 à 20 oui- Cynosure PhotoGenical VLS 585, 590, 595, 600 350-1 1 500 µs oui

3e génération- Candela V-Beam 595 (450) à 1 500 µs 3-5-7-10 14 oui- Cynosure PhotoGenica 595 450 à 1 500 µs 3-5-7-10-12 7 à 40 oui

10, 20, 40 ms- Deka Dermobeam 595 500 µs à 40 ms 5 et 7 7,5 oui

1 Purpura, caractéristique du laser pulsé à colorant.

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– un caractère relativement douloureux, comparable à la sensationd’un coup d’élastique chaud à chaque impact ;

– un effet optimum retardé de 2 à 6 mois sur la zone traitée,nécessitant donc d’observer un délai minimum de 3 mois entre deuxpassages sur la même zone ;

– la possibilité de troubles hypo- ou hyperpigmentaires le plussouvent transitoires et à l’origine de consignes de photoprotectionstrictes dans les mois suivant les séances ;

– enfin, en raison de tous ces paramètres (petites surfaces unitairesde traitement, caractère douloureux, effet retardé, respect des saisonsensoleillées), une longueur de traitement d’autant plus importanteque l’effacement de l’angiome plan nécessite un grand nombre depassages et que l’angiome est étendu.

LPC DE DEUXIÈME GÉNÉRATION

Le but était de diminuer ces contraintes, et la deuxième générationde LPC est caractérisée par le choix possible entre quatre longueursd’ondes de 585, 590, 595 et 600 nm, une durée d’impulsion longuede 1500 µs (soit 1,5 ms), une durée moindre du purpura, une surfaced’impact possible de 7 à 10 mm de diamètre (meilleure efficacité à 7qu’à 10), et enfin au niveau de la pièce à main, l’association à unsystème cryogénique à double visée : anesthésiante et protectrice del’élévation thermique de l’épiderme et du derme.

LPC DE TROISIÈME GÉNÉRATION

Il sélectionne les caractéristiques intéressantes des LPC de deuxièmegénération : durée d’impulsion longue (1,5 ms) qui peut être portéeà 10, 20 voire 40 ms, système cryogénique associé, mais restreint lechoix de la longueur d’onde à 595 nm seulement : en se rapprochantdu mode d’action par photocoagulation, il permet de minimiservoire d’éviter le purpura qui était un frein à l’utilisation de latechnique, essentiellement dans les indications purementesthétiques. Cependant, l’identité d’efficacité avec ces modalités sanspurpura reste à démontrer.

LPC et malformations vasculaires

LPC ET MALFORMATIONS CAPILLAIRES

¶ LPC et angiome plan

Il est logique de commencer par l’étude de ce groupe puisquel’angiome plan, principal représentant des malformations de typecapillaire, est l’indication initiale et majeure du traitement par leLPC [12, 27, 30].Cet angiome, appelé tache de vin dans le langage populaire, a detout temps constitué un préjudice esthétique mal vécu par lespatients, d’autant plus s’il siège au visage, ou que, localisé sur letronc ou les membres, il est extrêmement étendu et donc affichantsocialement. Ceci explique le comportement parfois irraisonné decertains patients qui, par le passé, ont accepté des traitementsinutiles (cryothérapie), aggravants esthétiquement (cicatricesd’interventions itératives, greffes, lambeaux) voire dangereux(radiothérapie [8], à condamner d’autant plus qu’elle n’a jamais euaucune efficacité objective). Le maquillage (ou plus camouflage) étaitla seule technique sans risque que l’on pouvait proposer, mais ôcombien insatisfaisante dans un monde où « l’on vit avec sa peau »,et où l’importance esthétique est chaque jour mise en exergue parles médias de tous types.Le LPC a donc réalisé un progrès fondamental dans la conduite àtenir devant un angiome plan, puisqu’il a enfin permis d’accéder aurêve d’effacer sans cicatrice cette disgrâce naturelle (fig 2A, B).L’ensemble des données actuellement évaluées concerneessentiellement les traitements effectués depuis une quinzained’années avec les LPC de première génération, c’est-à-dire émettant

à 577 puis 585 nm, pendant un temps très court (impact de 450 µs)avec une pièce à main très facilement maniable, mais à impact dediamètre limité à 5 mm. L’effet secondaire immédiat de ces lasers, àsavoir le purpura impressionnant mais transitoire pendant unedurée de 8 à 15 jours, est mieux accepté par ces patients qu’il nel’est dans le domaine de l’esthétique. Cependant, il reste un facteurlimitant dans la programmation des séances ou des passagesthérapeutiques, difficiles à accepter « socialement » lorsquel’angiome siège au visage, que ce soit au cours de la vieprofessionnelle ou de la vie scolaire. Les lasers de deuxièmegénération ont déjà permis un raccourcissement de ce temps depurpura, et l’efficacité d’un traitement sans aucun purpura est àl’étude avec les lasers de troisième génération, avec des tempsd’impact de 10 à 20 ms.Le caractère douloureux de la technique justifie l’utilisation desdifférentes méthodes anesthésiques, en particulier chez l’enfant,pour une meilleure tolérance du traitement :

– l’anesthésie de contact par crème anesthésiante Emlat [16] permetdans nombre de cas, si elle est correctement réalisée, de faire letraitement dans de bonnes conditions en dehors des zonespériorificielles, et est possible très tôt dans la vie (3 mois).

– l’anesthésie générale est utilisée par certaines équipes, en particulierdans les angiomes plans de grande surface du visage incluant leszones palpébrales, nasales, et labiales. Mais elle est à répéter àchaque passage avec à chaque fois un risque vital estimé à 1 sur12 000 avant l’âge de 10 ans, considéré comme minime par certains,inacceptable par d’autres [21]. La conduite à tenir dans ce domainen’est pas codifiée : elle doit être discutée au cas par cas, en pesantavec rigueur l’intérêt et le risque médical, la pression parentale et sajustification, et le motif réel de la décision, le seul souci d’une prise

2 A. Angiome plan avant traitement.B. Angiome plan après six passages de laser pulsé à colorant.

*A

*B

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en charge intégrale par la sécurité sociale étant hautementdiscutable. Il faut espérer que les progrès réalisés dans ce domaine,en particulier par les LPC de troisième génération (V Beam, V Star,Dermobeam) permettront de surseoir à cette discussion et d’effectuerun maximum de traitements avec simple anesthésie de contact. Eneffet, c’est pour pallier cet effet « limitant du traitement » (à savoirl’effet douloureux particulièrement ressenti chez l’enfant), que lesfabricants ont équipé les appareils des deuxième et troisièmegénérations d’une pièce à main un peu plus difficilement maniable,mais couplée à un système de refroidissement automatique parcryojet à chaque point.Le traitement par LPC est reconnu comme la technique de choixpour le traitement des angiomes plans en particulier de l’enfant,conformément à l’étude d’évaluation menée par l’Agence nationalepour le développement de l’évaluation médicale (Andem) en 1998 [1,

6]. Il apparaît, avec le recul d’utilisation, qu’environ 30 % desangiomes sont bons répondeurs, avec un effacement total ou quasitotal (légère ombre rosée persistante à la limite de visibilité le plussouvent très bien acceptée par les patients), par comparaison à l’étatinitial ; 30 % sont des répondeurs moyens avec un degréd’effacement variable de 20 à 70 % de la couleur initiale, en sachantque l’évaluation est difficile en l’absence d’échellechromatographique ou d’un test objectif mesurable. Enfin, 30 % desangiomes plans sont considérés comme mauvais ou nonrépondeurs [15], un nombre de passages conséquent (> 5 ou 6) n’ayantpas abouti à une amélioration notable de la couleur de départ ; defaçon inattendue, ceci peut concerner aussi bien des angiomes planstrès pâles que des angiomes vieillis, lorsqu’ils sont en fait épaissis etnodulaires. Le pâlissement de l’angiome est progressif dans letemps, au fur et à mesure d’un nombre de passages imprévisible endébut de traitement. Il varie en fonction de nombreux facteursconnus ou non (localisation de l’angiome sur le tégument, âge detraitement, structure et type de l’angiome plan, couleur initiale,influence d’éventuels traitements antérieurs d’une autre nature).Cependant, l’expérience acquise a permis de définir des lignesdirectrices :

– en l’absence d’épaisseur et de nodule, les angiomes plus foncésrépondent en général bien mieux et beaucoup plus vite autraitement par le LPC que les angiomes très pâles [7] ;

– la réponse de l’angiome dépend aussi de sa localisation [26] : lesangiomes plans du visage répondent mieux que ceux des membres ;au visage, les zones du front, des tempes, des mandibules et du courépondent mieux que les zones médiojugales ou de la lèvresupérieure, en termes de dermatomes, les localisations V1 et V3répondent mieux que V2 ; au niveau des membres, la localisation aumembre supérieur est plus favorable qu’à l’inférieur, et les angiomesplans des extrémités sont plus résistants que les proximaux. Il estdes situations cliniques particulièrement difficiles, comme celle dusyndrome de Sturge-Weber (SW) où l’angiome plan facial atteignantau moins un territoire de la localisation V1 s’associe à une atteinteoculaire et une atteinte homolatérale cérébroméningée. Dans cesyndrome, l’angiome plan est souvent hypertrophique, atteignanttous les téguments jusqu’à la muqueuse buccale, et participe pourbeaucoup à une dysmorphose faciale à fort retentissementpsychosocial : en dépit de nombreux passages thérapeutiques et desprogrès récents de la technique, le résultat du traitement par LPCreste souvent décevant, modeste et imparfait.L’autre problème du traitement au LCP des angiomes plans dusyndrome de Sturge-Weber est lié à l’atteinte neurologique et au

possible déclenchement d’une crise comitiale par les stimulationsrépétitives des tirs lasers : bien que rare, ce risque nécessite une miseau traitement anticomitial préventif.L’âge de traitement est certainement aussi un facteur important dupronostic thérapeutique : le traitement dans le jeune âge permet detraiter un angiome peu épais, et sur une surface limitée, puisqueavec les années l’angiome va s’étendre proportionnellement à lacroissance cutanée et s’épaissir, en particulier au-delà de la troisièmedécade. Les résultats des études ont progressivement abaissé l’âgede début de traitement, et il apparaît maintenant très favorable detraiter dès que possible après la naissance lorsque les parents lesouhaitent et que le bon sens rend raisonnable un traitement aussiprécoce [2].Les modalités de ce traitement sont actuellement encadrées par lesdirectives de la cotation à la nomenclature de la sécurité sociale,puisque l’angiome plan est la seule indication de LPC actuellementcotée à la nomenclature des actes professionnels, remaniée par ledécret du JO du 28 février 1998 (tableau III). Cette cotation complexe,directement liée à la surface de l’angiome, associe une cotation debase à une cotation supplémentaire liée au type de l’appareil utilisé ;elle s’accroît de façon proportionnelle à la surface traitée. La cotationde base K18 couvre jusqu’à 30 cm2, et elle augmente de K6 parpaliers de 10 cm2. La cotation complémentaire est de K20 pour letraitement par LCP jusqu’à 30 cm2, elle augmente de K7 par tranchede 10 cm2 supplémentaire. Si elle a le mérite d’exister, cette cotationest cependant d’utilisation très compliquée pour les angiomes plansde grande surface, et reste souvent en dessous du coût réel dutraitement ; ce qui explique la faible proportion d’équipementshospitaliers ou en structures conventionnelles de secteur I.Le traitement est précédé d’une consultation initiale cotée K20, aucours de laquelle sont réalisées des photos de départ et une séancetest dont le résultat, apprécié après 8 à 12 semaines, permetd’évaluer la réponse de l’angiome et d’adapter si nécessaire lesparamètres du traitement. Il faut cependant prévenir le patient que« l’épaisseur » de l’angiome n’est pas identique sur toute sa surface,et que certaines zones de l’angiome (en particulier centrales) serontplus longues à traiter que la périphérie.Cette cotation fait appel à la notion de séance et de passage :

– un passage correspond à un traitement sur toute la surface del’angiome, réalisé en un nombre de séances qui dépend de la taillede celui-ci et de la tolérance du patient. Un passage sur toute lasurface de l’angiome est autorisé tous les 2 mois jusqu’à l’âge de 1an, puis tous les 3 mois ultérieurement, avec nécessité d’une ententepréalable au-delà du sixième passage ;

– le nombre de passages, imprévisible au départ, dépend en fait dela réponse de l’angiome au traitement. Pour les angiomes de surfaceinférieure ou égale à 30 cm2, une séance et un passage sontconfondus. Le nombre de passages possible est théoriquementillimité, puisqu’à l’heure actuelle il n’a pas été dénoncé de toxicitéou d’effet secondaire péjoratif à moyen et long terme du traitement.Certaines études américaines font état de 35 passages pour obtenirun maximum de décoloration. En France, la majorité des utilisateurss’accorde pour penser qu’après six passages, la poursuite dutraitement avec une technique donnée ne se justifie que s’il y aencore un éclaircissement entre chaque passage. Il faut alorsprocéder à une demande d’entente préalable pour chaque passagesupplémentaire. La stagnation de la couleur de l’angiome estprobablement un bon signe de perte de sensibilité à une techniquedonnée. Il est maintenant possible de passer aux techniques de

Tableau III. – Laser pulsé à colorant. Nomenclature : cotation sécurité sociale (Journal officiel du 28.02.98).

Indication Cotations de base Cotation supplémentaire

- Exclusivement angiomes plans Surface ≤ 30 cm2 = K18 surface ≤ 30 cm2 = K20- Séance test + photo = K20 puis par 10 cm2 supplémentaires = K6 puis par 10 cm2 supplémentaires = K7- Sans EP → sixième passage- Un passage tous les 2 mois avant 1 an d’âge- Un passage tous les 3 mois après 1 an d’âge- Anesthésie = K25

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nouvelles générations, avec une surface d’impact plus grande(7 mm), une modification de la longueur d’onde utilisée de 585 à595, cette dernière étant actuellement considérée comme la plusprometteuse. Jusqu’à ce jour, le traitement par le LPC reste long,fastidieux, handicap non négligeable tant pour les enfants que pourles patients adultes qui, ayant longtemps attendu, souhaitent sedébarrasser au plus vite de leur disgrâce. Les nouvelles générationsde LPC ont été conçues pour diminuer le temps de traitement dechaque séance et le temps de traitement global, en espérantdiminuer le nombre de passages. Lorsque l’angiome plan estincomplètement effacé, la récidive est possible ; le risque seraitréduit lorsque le traitement est effectué avant l’âge de 10 ans [22].Les effets secondaires immédiats et à moyen terme du LPC sontlimités, et avec le recul a posteriori de plus de 15 ans, cette donnéesemble confirmée [18, 29, 32]. L’effet résille dû à la juxtaposition desimpacts de forme ronde est repris au passage suivant.L’incidence des cicatrices reste exceptionnelle et est surtoutaccidentelle ; celle des troubles pigmentaires, le plus souventspontanément résolutifs, varie de 2 à 10 % selon les séries. Cettedernière est à l’origine des mesures de photoprotection ou évictionqui entourent le traitement, ou le fait de certaines localisations où lapeau est réputée « fragile ». Il est recommandé d’attendre aussi ladisparition du bronzage pour entreprendre ou poursuivre untraitement après l’été. Une dermite eczématiforme en zone traitéeest décrite chez des patients atopiques [18], elle est résolutive aprèscorticothérapie locale. Enfin, des botryomycomes ont étérapportés [32].Même lors du traitement de très grandes surfaces en une séance, iln’a jamais été rapporté de complication secondaire au purpura. Enrevanche, un facteur limitant à l’utilisation de grandes quantitésd’Emlat, en particulier chez l’enfant, est la possibilité d’uneméthémoglobinémie.La survenue d’un cas de brûlure pilaire au cours d’un traitementsous anesthésie générale a conduit à des règles strictes de sécuritélors de ce type de traitement : concentration d’oxygène la plus bassepossible, enrichissement éventuel en hélium, délivrance de l’oxygèneen dehors du champ de laser, éviction des masques faciaux et choixdes masques laryngés, éviction des anesthésiques inflammables ethumidification large des cheveux et des poils situés près ou dans lechamp du laser [9]. C’est aussi au cours de séances sous anesthésiegénérale qu’ont pu survenir des « surdosages » thérapeutiques aveccicatrices secondaires, en particulier avec les appareils de deuxièmeet troisième générations, une panne de cryojet n’étant alors pasdétectable par le seuil douloureux du patient endormi.Les risques oculaires sont mal documentés : une protection oculaireefficace est obligatoire pour le patient, le praticien et toutes lespersonnes présentes dans la salle de traitement : lunettes équipéesde verres adaptés à la longueur d’onde utilisée pour le praticien outoute personne présente dans la pièce lors du traitement, et coquesplastiques ou métalliques opaques pour le patient, et mêmedirectement posées sur la cornée avec anesthésie de contact pour letraitement des paupières.

¶ LPC et angiome stellaire

L’angiome stellaire ou étoile vasculaire est un angiome isolé,fréquent en particulier chez l’enfant. Il est simplement gênant auplan esthétique lorsqu’il siège au niveau du visage, et devient malvécu par l’enfant (ou plus souvent par ses parents) d’une façoninjustifiée, car inversement proportionnelle à la taille et au préjudicemédical de cette lésion. Il faut se souvenir que 30 % des angiomesstellaires disparaissent spontanément (en particulier ceux de lafemme enceinte), et que 30 % ne partiront pas ou récidiveront quelleque soit la technique employée, même avec les appareils les plusrécents de LPC. Cette résistance peut être le fait des angiomesstellaires de grosse taille et/ou liés à un problème hépatique(hépatites B et C).Dans sa localisation la plus fréquente sous-palpébrale inférieure chezl’enfant, le traitement peut être proposé après application de crèmeanesthésiante et avec un délai d’observation prolongé avant de

décider une deuxième séance : le « blanchiment » est possible entrele 2e et le 6e mois après le traitement. La répartition des impacts encouronne permet en général dès le premier traitement de diminuerle chevelu périphérique, et c’est la partie centrale qui est la plusrécalcitrante. Cette indication est hors nomenclature.

¶ LPC et télangiectasies

Nous ne traitons pas ici les indications esthétiques (érythrose,couperose, varicosités des membres inférieurs, qui serontdéveloppées dans un autre article. Cependant, dans le domaine destélangiectasies, il peut s’agir de télangiectasies du visage au coursde collagénoses comme dans le CRST syndrome, ou des maladiesgénétiques comme dans la maladie de Rendu-Osler ou despoïkilodermies congénitales. Le traitement est alors uniquementsymptomatique sur les lésions déjà développées, et n’est en aucuncas préventif de l’éruption d’autre lésion : l’utilisation du LPC detroisième génération sans purpura avec des temps d’impact longs(20 ms) est actuellement proposé dans ces indications.Un type de télangiectasie mérite une attention particulière : lestélangiectasies de la radiodermites bien rouges sont une excellenteindication de LPC, avec un nombre de passages très limité à 585 nm,et en utilisant des fluences basses de l’ordre de 5,5 à 6 J/cm2.Cependant, dans toutes ces indications de LPC dans lestélangiectasies, il n’y a à l’heure actuelle pas de cotation prévue à lanomenclature de la sécurité sociale : le traitement doit être effectuéhors nomenclature pour toutes les indications purement esthétiques,ou sur accord particulier de la sécurité sociale demandé au cas parcas pour les télangiectasies de radiodermite ou des syndromescongénitaux.

LPC ET MALFORMATIONS VEINEUSES

Les LPC actuellement disponibles n’agissent pas sur lescomposantes angiomateuses bleutées. Ceci est probablement le faitde la couleur, de la profondeur du vaisseau et de son calibre, lesmalformations veineuses étant constituées de poches dilatéesremplies de sang stagnant.

LPC ET MALFORMATIONS LYMPHATIQUES

Les essais de LPC pratiqués sur les malformations lymphatiques ontété souvent infructueux, car ne permettant pas d’obtenirl’éradication des vésicules purement lymphatiques ou mixteshémolymphatiques. Le risque est même dans certains cas de lesdécapiter, et de générer un suintement persistant post-thérapeutiquebeaucoup plus gênant. Les LPC de troisième génération donnentcependant des résultats intéressants dans certains angiokératomes,à condition de s’astreindre à un nombre important de passages.

LPC ET MALFORMATIONS ARTÉRIOVEINEUSES

Au même titre que tous les autres lasers et que toutes les techniques« invasives » au niveau cutané, le LPC est contre-indiqué dans letraitement des MAV.Ces angiomes hémodynamiquement actifs sont longtempsquiescents sous une peau normale ou à peine rosée, simulant unangiome plan (faux angiome plan). Ils sont susceptibles d’évolutivitéà la faveur de modifications hormonales (puberté, grossesse), detraumatisme accidentel ou iatrogène. Cette évolutivité se fait par uneextension régionale et locorégionale de la MAV autour de son nidus,avec troubles trophiques, risque hémorragique qui peut être vitaldans les formes très actives ou évoluées, et retentissementhémodynamique surtout pour les MAV thoraciques et des membres.En aucun cas, le LPC (ni d’autre laser vasculaire) ne peutactuellement traiter efficacement un angiome de ce type. Afin de nepas le méconnaître et donc de ne pas induire son évolutivité parune séance de laser intempestive, il faut connaître les signescliniques qui doivent donner l’éveil : un aspect atypique d’angiomeplan par sa couleur, sa nuance, sa répartition, le caractère acquis ou

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la notion de modification, d’extension après une tentative detraitement, un choc ou une modification hormonale, physiologiqueou médicamenteuse.Un geste simple s’impose alors devant toute indication de traitementLPC sur un angiome plan : la recherche par la palpation d’unechaleur anormale par rapport à celle du tégument avoisinant, etd’une pulsatilité synchrone au pouls. Au moindre doute clinique,un examen échodoppler permet de conforter la décision depréconiser ou de réfuter l’indication du traitement LPC.

LPC et « tumeurs vasculaires »

LPC ET HÉMANGIOMES

Cette indication est actuellement en cours d’évaluation : elle faitdepuis déjà 10 ans l’objet d’une vaste polémique liée à l’évolutionspontanément favorable d’un bon nombre d’hémangiomes [4, 5, 10, 11,

19, 25]. Son intérêt serait de bloquer les hémangiomes dès leurapparition, en empêchant l’extension superficielle des nappestélangiectasiques et tubéreuses, en prévenant les phénomènesd’ulcération et en empêchant les poussées sous-cutanées souventtardives entre le 6e et le 9e mois. Les données actuelles permettentde penser qu’effectivement le traitement précoce par LPC peutaccélérer le blanchiment des lésions tubéreuses superficielles maisn’empêche le plus souvent pas le développement des composantessous-cutanées tardives ou secondaires, qui constituent en fait le vraiproblème de ces angiomes en période évolutive [3, 5, 25, 28]. Un certainnombre de phénomènes ulcératifs ont été observés au décours detraitement sur des lésions télangiectasiques ou tubéreuses traitéesprécocement, ce qui doit inciter à la prudence puisque les cicatricesdes ulcérations sont en général indélébiles.Enfin, cette indication pour l’instant est hors nomenclature(tableau III). Trois formes particulières d’hémangiomes ont étéproposées comme indications de traitement par LPC.

¶ Hémangiomes ulcérés

Ils siègent avec prédilection dans les régions périorificielles : labialeset périnéales, vulvaires ou périanale, l’ulcération est unecomplication favorisée par la macération et le port des couches. Cesulcérations surviennent en général précocement avant le 3e mois etsont souvent très douloureuses ; elles justifient des traitementsmajeurs : antalgiques et corticothérapie par voie générale. C’estparadoxalement dans cette indication que les premiers essais de LPCdans les hémangiomes ont été faits, avec des résultats initialementtrès prometteurs bien qu’inexplicables au plan physiopathologique[14]. Le caractère immédiatement antalgique et la cicatrisation rapideen quelques jours en ont fait, dans un premier temps, une indicationde première intention dans ce type d’hémangiome compliqué. Maisl’inconstance des résultats, le rôle propre des pansements occlusifssecondaires à la séance de laser, et parfois même l’aggravation de

certaines ulcérations au décours immédiat du traitement laser, ainsique le développement et les résultats très satisfaisants despansements hydrocolloïdes, ont relégué cette indication audeuxième plan après échec de cette dernière thérapeutique locale,ou dans les formes périorificielles sur lesquelles le plan d’adhésiondu pansement est impossible [13].

¶ Hémangiomes télangiectasiques précoces étendusLes formes télangiectasiques ou tubéreuses superficielles vuesprécocement réalisent une indication intéressante, puisqueindiscutablement le traitement par LPC aboutit à un blanchimentbeaucoup plus précoce que celui de l’évolution spontanée. C’estcependant dans certaines formes télangiectasiques superficiellesrapidement extensives que peuvent se voir les phénomènesd’ulcération spontanée, et leur survenue au décours d’un traitementLPC conduit à discuter aussi le rôle du traitement dans ledéclenchement de cette complication. À l’heure actuelle, aucunmoyen n’existe de prévoir la survenue de ces ulcérations qui, elles,laisseront une marque définitive.

¶ Hémangiomes télangiectasiques résiduels tardifsL’indication actuellement la plus indiscutable de traitement par leLPC dans les hémangiomes reste le traitement des séquellestélangiectasiques tardives, lacis résiduel rouge ou violine, nappeparfois un peu atrophique de toute intensité possible, du rose aurouge : le traitement par LPC se fait alors dans d’excellentesconditions sous anesthésie de contact, car l’enfant est plus grand etmotivé. D’une façon inattendue, ce traitement peut avoir aussi uneffet lissant sur la composante un peu fripée du tégumentpostangiomateux. Les résultats sont le plus souvent excellents etdurables.

LPC ET BOTRYOMYCOMES

Cette indication est peu documentée dans la littérature [31], car, enraison de l’épaisseur de la lésion, ce sont plus souvent les techniquesde cryothérapie, d’exérèse chirurgicale ou de lasers continus qui sontproposées, surtout lorsque le botryomycome est hémorragique ourécidivant. Le LPC de troisième génération, avec ses tempsd’exposition proches de ceux des lasers dits continus et ses fortesfluences possibles, mériterait d’être plus souvent essayé.

ConclusionIndiscutablement, le laser pulsé à colorant (LPC) est un progrès majeurdans l’approche thérapeutique des angiomes, et plus particulièrementdes angiomes plans. Les progrès techniques devraient à relativementcourt terme améliorer les conditions des traitements, à savoir leurlongueur, leur caractère désagréable, et la résistance d’un petit groupemal défini cliniquement. Malgré son excellente tolérance, la rigueur desindications et de l’exécution reste indispensable pour obtenir le résultatde qualité auquel a droit le patient.

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