traité complet de la théorie et de la pratique de l'harmonie, contenant la doctrine de la science...
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TRAIT
COMPLET
DE
LA
THORIE ET
DE
LA
PRATIQUE
DE
L'HARMONIE
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Imprimerie
ilo
E.
Martinet,
ruo
Mignon,
S.
-
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TRAIT
COMPLET
DE
LA
THORIE
ET DE LA
PRATIQUE
DE
L'HARMONIE
CONTENANT
LA
DOCTRINE
DE
LA
SCIENCE ET
DE
L'ART
PAR
F.
J.
FETIS
Kat
ti;
fouei
ouyjs'veia Ta ;
jy.cvxic xai
rot;
fjxc;
uval.
L'harmonie
et
le
ihythme
semblent ratine
nous tre
inhrente.
(Arist.,
Polit., lib.
VIII, dit. Bekk.,
t. II,
p.
1340,
col.
2.)
NEUVIME
EDITION
Berne, corrige
et
augmente
par 1
An leur
PARIS
G.
-
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R
/SJ
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AVERTISSEMENT
DE
LA NEUVIME
DITION
En
terminant
la
prface de
la
troisime
dition
de
cet
ouvrage, je
disais,
nonobstant
le
bon
accueil
qui lui
avait
t
fait ds sa
premire
publication,
qu'il
lui restait
encore
subir l'preuve du
temps,
pour
en
consacrer
la
doctrine.
Au
moment
o
je
viens
de
relire pour
la der-
nire
fois
ce
mme
livre,
prs d'un
quart de
sicle
s'est
coul;
huit
ditions de
l'ouvrage
-
ont t
puises;
des
milliers
d'harmonistes
ont t
enseigns par la
thorie
qui
y
est
tablie;
eux-mmes
sont
devenus
des
matres et
la
propagent;
enfin,
les
hommes
les
plus
comptents
dans
la science
de
riiarmonie
m'ont
adress
des
flicitations
de
toutes
parts.
Plusieurs,
dous
de
l'esprit
philosophique,
ont
compris
que
la
doctrine
expo-
se
dans
mon
ouvrage
n'est
autre
chose
que
la
rvlation
du
secret
de
l'art,
la
loi
fondamentale
sans
laquelle
les
uvresde
cel
arl
.
produites
depuis
prs
de
quatre
sicles,
n'existeraient
pas.
.le
n'ai rien
invent
:
j'ai
tout
dcou-
vitI
dans
l'histoire
monumentale
de
la musique.
La
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il
AVERTISSEMENT.
conviction
de cette vrit se
rpand
de
proche
eu
proche.
Ce
n'est pas
dire
que
le monde
musical
tout
entier
se
soit
ralli
la
doctrine
de
l'harmonie base
sur
la tona-
lit,
et qu'il
n'y en ait
plus
d'autre
admise
dans
l'enseigne-
ment
: il
n'est
pas
dans
la nature des
choses
humaines
de
faire
natre
une
semblable
unanimit
de
vues
et
d'opinions.
Jamais une
autre science
n'a
vu
produire
autant
de
rves
extravagants
que
celle
de
l'harmonie
:
nagure
j'en
ai
vu
poindre
de
nouveaux
dont
l'absurdit
ne le
cde
en
rien
aux
anciens
;
il
est
vraisemblable
que
l'avenir
n'en sera
pas
plus
avare.
f
En Allemagne,
les
Traits
de
composition
et
d'harmo-
nie
se
multiplient
chaque
anne :
ils
n'ont
de nouveau
que
leurs titres
ou
plutt
que
les
noms des
auteurs,
car
le
fond de tout
cela se
trouve
dans
les
vieux
ouvrages
de
Vogler et de
Frdric
Schneider.
Ce
sont
toujours
les
mmes
erreurs
d'accords
de
toute
nature
placs sur
tous
les degrs de
la gamme,
sans
gard
pour
leurs lois
de
succession.
En
France,
Paris
surtout,
tout
professeur d'harmonie
ayant
de
certains procds
d'enseignement
auxquels
il
attache
de
l'importance,
bien qu'au fond
il
ne
s'loigne
pas
du
systme de
Catel,
tout
professeur d'harmonie,
dis-je,
veut
mettre
au
jour
un
trait, une mthode
qui
porte
son nom
et
le
fasse
connatre
du public.
Au
point
de
vue
de
la
science,
ces
ouvrages sont
comme
non
ave-
nus
;
mais,
en
rsultat,
ils
sont
des obstacles opposs
la
propagation
de
la
saine
doctrine
de
la
science en
rap-
port
intime
avec l'art
;
obstacles
qui
toutefois ne sont
que
momentans.
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AVERTISSEMENT.
m
Pour exposer
en
peu
de
mots
les
principes
qui
mont
dirig
dans
la conception de ma thorie
de
l'harmonie,
je
dirai
qu'abandonnant
toute
ide
de
systme,
je
me
suis demand si
les
lois
secrtes qui
rgissent
les
rapports
de
succession
des
sons de nos
gammes
majeures
et
mi-
neurs
n'taient
pas
les mmes qui
dterminent
les
rap-
ports
de
simultanit
dans
les
accords;
en
d'autres
termes,
si le principe
de
la
mlodie n'tait
pas
identique
avec
celui
de l'harmonie
;
et
bientt
j'ai
acquis
la
con-
viction
de
cette
identit.
J'ai
vu
que
parmi
la
multitude
de
combinaisons
dont
se compose
l'harmonie
de
notre
musique,
il en
est
deux
que
notre
instinct musical
accepte
comme
existant
par
elles-mmes,
indpendamment
de
toute circonstance
prcdente et
de
toute prparation,
savoir:
l'harmonie
consonnante
appele
accord
parfait,
qui
a
le
caractre
du
repos et
de
la
conclusion,
et
l'har-
monie dissonante,
dsigne
sous
le nom
d'accord de
.sep-
time
dominante,
qui dtermine la
tendance,
l'attraction
et le
mouvement.
La
rsolution
ncessaire
des
notes
at-
tractives
de
celui-ci,
et
la position
de ces
notes
dans
la
gamme,
fournissant
les
lois
de
succession
de cinq
des
degrs
de
cette
gamine,
la
position
des
deux
autres
degrs
se
dduit
d'elle-mme.
Par
l
se
trouvent
dtermins
les rapports ncessaires
des
sons,
qu'on
design'
en
gnral
sous
h; nom
de
tonalit.
En
possession
de ces
donnes,
j'ai
donc
vu
que
tonte
l'harmonie
rside dans
ces
ncessits
alternatives
:
repos,
tendance
ou
attraction,
et
rsolution
de
ces
tendances
dans
un
repos nouveau. J'ai
vu
aussi
que
les
deux
ac-
cords
dont
je
viens de parler
fournissent
tous
Les
lments
ncessaires
pour
L'accomplissemenl
des
exigences
de
ces
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iv
AVERTISSEMENT.
deux
lois
de
toute
musique.
J'en
ai conclu
que
toutes
les
autres
harmonies
ne
sont
que des modifications
de
celles-
l,
et
j'ai class
ces
modifications
dans
l'ordre
suivant
:
1
renversement
des accords
naturels
consonnants
et
dissonants
-
,
2
substitution
d'une note
une autre
dans
l'accord
dissonant,
et
dans
ses
drivs par le
renverse-
ment;
3
prolongation
d'une
note
d'un
accord
sur
un
accord
suivant;
4
altration des
notes
naturelles
des
accords
par
des
signes
appartenant
des tons
divers
;
5
combinaisons
de
ces
modifications.
Voulant
m'assurer
que ces
considrations
m'avaient
conduit
des
vrits
irrfragables,
sans aucune
exception,
et
qu'il
n'existe
point en
musique,
un ton
tant
donn,
d'autres
accords
ncessaires
que
ceux
dont
je
viens de
parler,
j'ai
pris
des
compositions
de
tout
genre, et
leur
enlevant
successivement
toutes
les
modifications
que
le
sentiment
ou
la
fantaisie
du
compositeur
avait introduites
dans
les
harmonies
naturelles, j'ai vu
que celles-ci
suffi-
sent
pour
conserver
leurs
ouvrages
leur
signification
tonale,
mlodique
et harmonique;
d'o
j'ai conclu avec
certitude
que
les
deux
accords
consonnant et
dissonant
sont
les
seuls
ncessaires.
Il
n'est
pas de
philosophe
de
quelque
valeur, pas de
savant
ayant
l'habitude de
gnraliser,
qui
n'ait
espr
d'arriver
la
solution
dfinitive
de
problmes
demeurs
longtemps
obscurs
:
je
dois
avouer
que je
me
trouve
dans
une
situation
d'esprit
analogue, et
que
ma
persuasion
d'avoir
assis la
science
de
l'harmonie
sur sa
base
naturelle
est
inbranlable.
Pendant
soixante
annes
d'tudes
et
de
lecture
de
tout
ce
qui a
t
publi
sur
le
mme
sujet,
mes
ides
n'ont
pas
vari
l'gard
du
principe
de
cette
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AVERTISSEMENT.
y
science,
savoir
la
loi
tonale. J'ai
port toute l'attention
dont
je
suis
capable
sur
les
objections qui m'ont
t
faites,
et je crois
avoir
rfut
victorieusement
celles qui
prsentaient
quelque
apparence
de solidit
:
les
autres
ne m'ont
pas paru
devoir
m'occuper.
Aujourd'hui donc,
je
viens
dclarer, sans
tre
proccup d'aucun
intrt
de
vanit,
et
par le seul amour
de
la
science
et de l'art,
que
je
crois avoir
mis
dans
ce
livre
la
constitution
dfinitive
de
la
thorie
de l'harmonie.
L'AUTEUR.
Bruielles, 25 fvrier
ISC7.
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PREFACE
DE L
TROISIME
DITION.
Harmoniste
par
instinct,
j'crivais
ds
l'ge
de
neuf
ans
des
sonates , des concertos
,
des
messes
,
sans avoir
les
pre-
mires
notions de
la
thorie
de
l'art.
Admis
comme
lve
au
Conservatoire
de
Paris dans
ma
seizime
anne,
j'y suivis
le
cours
d'harmonie du
vnrable Rey, et
j'y
appris
le
systme
de la
basse
fondamentale
de
Rameau,
le seul
qui ft
connu
de
mon
vieux
matre.
Peu
de temps
aprs, Catel
publia
son
Trait
d'harmonie
dont
les bases
avaient t
discutes
dans
une
assemble
de
professeurs du
Conservatoire. Une
lutte
s'engagea
entre
les
partisans
de
l'ancien
systme
et
ceux de
la
nouvelle
doctrine.
Dispos
par la
nature srieuse
de mon
esprit
m'intresser
ces
questions
de
thorie, malgr
ma
jeunesse
et
mon inexprience,
je
me livrai
l'examen
des
deux
systmes
rivaux,
et
par
la
comparaison
que
j'en fis,
je
cherchai
m'clairer sur
le
degr de certitude de leur
prin-
cipe
fondamental.
Le
dcouragement
fut
le
premier
rsultat
de
mes
efforts
;
car
si ,
d'une
part,
je
trouvais une
mthode;
plus
philosophique
dans
les
crits de Rameau
,
j'y voyais
les
faits
naturels
de
l'art
tourments
pour
les accorder
au
prin-
cipe
d'un systme; et de
l'autre,
si
Catel me prsentait
un
ordre de faits plus conforme au
sentiment
de
l'harmonie
el
aux procds
pratiques
de
l'art,
cet
avantage
tait
balanc
par
les dfauts d'une mthode
purement
empirique,
dont
la
base
illusoire
reposait
sur
les
divisions
arbitraires
d'une
corde
sonore.
Quelques
annes s'coulrent, et
dans
cet intervalle
le
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16/343
vi
PRFACE.
hasard
ayant
mis successivement entre mes
mains
les
traits
d'harmonie
de
Roussier,
de
Langl,
du
chevalier
de
Lirou
,
deMarpurg,
de
Kirnbergeret
de
Sabbatini,
je les
lus
avec
attention,
et
mes
incertitudes
augmentrent.
Pendant
long-
temps encore
je
me fis
cette
question:
Quelle est la
base cer-
taine
de
l'harmonie ?
sans
y
trouver
de
rponse
satisfaisante.
Un nouvel ouvrage
de
M.
de
Momigny
1
,
qui
parut
en
180
G,
ne
m'claira pas davantage,
malgr
les
promesses
de
son
auteur.
Ce fut
alors
que,
croyant
trouver plus de
ressources
dans
les
crits
des
mathmaticiens
relatifs
l'objet
de
mes
recher-
ches,
je
lus
les
ouvrages de
Ballire,
de
Jamard,
de
Surre-
main-de-Missery,
de
Tartini,
l'Essai
d'Euler
et la
Gram-
maire
harmonique
et
physico-mathmatique
de
Catalisano
;
mais
l je
me
trouvai
plus loin
encore de
mon but
que
dans
les
livres
des
musiciens
;
car
ceux-ci
du
moins avaient t
di-
rigs
dans
leurs
travaux par
le
sentiment
de
l'art, tandis
que
les
gomtres
ne
m'offraient
que
des
spculations
abstraites,
sans
application
directe la
musique.
Je
parlais
quelquefois de
mes perplexits
l'illustre
com-
positeur
Mhul
;
mais
loin d'en
recevoir des
encouragements,
je
ne
trouvais
en lui qu'incrdulit sur la
possibilit,
et
mme
sur l'utilit
d'une thorie rationnelle
de
la
musique.
Tout
ce
qu'un musicien
doit savoir
de
cette
science,
me
disait
il
,
se
trouve
dans
le
Trait
de
Catel
;
le
reste
est
inutile.
Il
faut
l'avouer,
ces
paroles
taient
l'expression
sincre
d'une
opinion
que
partagent
la
plupart
des
artistes.
N'imaginant
pas
que
l'art puisse tre
l'objet d'une
science,
ils
n'attachent
d'importance qu'aux
procds
d'excution ,
et
prfrent
en
gnral
les
mthodes
empiriques celles
qui
exigent
l'exer-
cice
du
raisonnement.
Hommes de
sentiment,
par
cela
mme
qu'ils
sont
artistes,
leur attention
se
fixe
avec
difficult
sur
des choses srieuses
qu'ils considrent
comme
portant
atteinte
(1)
Cours
complet
d'harmonie
et
de
composition, d'aprs
une
thorie
neuve et
gnrale
de la
musique,
base
sur
les
principes incontestables
puiss
dans
lu
nature,
etc. Paris,
1800,
o
vol.
in-8.
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PRFACE.
vij
l'activit
de l'imagination.
Ils
ignorent
ce
que peut donner
d'lvation
et
de
nettet
aux
ides une
thorie
vraie
de la
science de
l'art,
et
le peu
d'intrt
qu'ils
y
prennent
est
pr-
cisment
l'effet
de
cette
ignorance.
Nonobstant
le
respect
que m'inspirait le
mrite
minent de
Mhul,
ses
objections
n'branlaient
pas ma foi
dans
l'exis-
tence d'un
principe de
l'harmonie
diffrent
des
hypothses
des
savants,
et
non
born au
seul
plaisir physique de
l'effet
des
sons. Sortant
un jour de chez
le
clbre
artiste, aprs
une
conversation
sur le mme
sujet, il
me
vint
une ide
qui fut
un
trait
de
lumire,
et
qui
me
mit
sur
la
voie
de
la
doctrine
que
j'ai
dveloppe depuis lors dans tous mes ouvrages. On
a cherch
(
me disais-je
)
le
principe
de
l'harmonie
dans
des
phnomnes acoustiques,
dans
des
progressions numriques
de
divers systmes, dans
des
procds
plus ou moins ing-
nieux
d'agrgations
d'intervalles
des sons
,
et
dans
des clas-
sifications
arbitraires
d'accords
;
mais
il
est
vident,
par l'exa-
men
des
monuments
de
l'histoire
de
la
musique,
que
ce
n'est
pas
par
ces choses que l'art
s'est
form.
Les
phnomnes
de
toute
espce
constats par
des expriences
modernes
, les
additions de tierces d'autres
tierces suprieures
ou inf-
rieures
,
et
les autres
faits
qui
ont
servi de bases aux thori-
ciens,
n'ont point
t
les
guides
qui,
ds
les
premiers
pas,
ont
dirig les
musiciens.
Une
cause plus
active,
plus
imm-
diate,
a
d\
agir
sur
eux
dans
la
formation
des
accords
et
dans
l'enchanement
qu'ils
leur ont
donn. Celte cause,
ou,
en
d'autres
termes,
ce
principe
de
l'harmonie,
et comme art et
comme
science, n'a pu tre
que ce
qui
rgle
les
rapports
des
sons
et
l'ordre
o ils
se suivent dans la
gamine des deux
modes;
car
il
est impossible
qu'il
y
ait
deux
principes dans
l'art, dont
un
rgirai
les
successions
de
la
mlodie, et l'autre
les
agrgations
de
l'harmonie,
puisque
ces
deux
choses
son
troitement
lies l'une
l'autre.
Or,
le
principe
rgulateur
des
rapports
des
sons,
dans
l'ordre
successif
el
dans
l'ordre
simultan,
se
dsigne
en
g-
nral
par
le
nom
de
tonalit.
Tout
ce
qui dans
l'harmonie
e.>t
-
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viij
PRFACE.
une
consquence
immdiate
de
l'ordre
tonal
appel diato-
nique,
et
en
peut
tre
considr
comme
l'expression
absolue,
abstraction faite
de toute
circonstance
trangre,
a donc n-
cessairement
une
existence
primitive
et
naturelle,
tandis
que
ce qui
n'est
pas conforme
cette
constitution
tonale,
et
ne
satisfait
pas immdiatement
la sensibilit
et
l'intelligence,
n'a
qu'une
existence
momentane
et
artificielle.
On
comprend
qu'
ce
point
de
vue,
je
cherchais
dans
la
musique
elle-mme
le principe
de
l'harmonie,
et
que j'en
cartais toute
considration
trangre
la nature humaine
,
c'est--dire
les
divisions
du
monocorde,
les progressions
nu-
mriques
et
les formations
mcaniques
d'accords
suivant
de
certains
systmes,
parce
que
nous
n'avons
conscience de
ces
choses
ni
dans
la composition,
ni dans
l'audition
de la mu-
sique;
qu'elles
ne sont
pas des
parties
intgrantes
de
l'art,
et consquemment
qu'elles
n'ont
pas contribu
sa
forma-
tion. Je
me demandai
quels
accords
existent
par eux-mmes,
comme
des
consquences
de
la
tonalit
actuelle
,
indpen-
damment
de
toute
circonstance
de
modification
,
et
je
n'en
trouvai
que
deux
:
le premier
consonnant
,
compos
de trois
sons,
et
appel
accord
parfait
;
le deuxime
dissonant, com-
pos
de
quatre sons
placs
des intervalles
de tierces
l'un
de
l'autre,
et
appel accord
de septime
de
la
dominante.
Je
vis
que le
premier constitue
le repos
dans
l'harmonie, parce
que
lorsqu'il
se
fait
entendre,
rien
n'indique
la
ncessit de
suc-
cession;
l'autre,
au
contraire,
est attractif, par la mise
en
relation
de
certains
sons
de
la gamme; par cela mme il
a
des
tendances
de
rsolution
,
et
il
caractrise
le
mouvement
dans
l'harmonie.
J'en
tais
ces
premires
et
importantes donnes, lorsque
des
intrts
de famille m'obligrent
m'loigner
de
Paris et
me
fixer
la
campagne,
dans
les
Ardennes.
Pendant
trois
annes
de sjour
dans
ce
pays
de
montagnes
et
de
bois
soli-
taires,
je
faisais
souvent
de
longues excursions
o
l'isolement
absolu
me
permettait
de
me
livrer sans distraction
mes
rveries sur la
lliorie
de
l'harmonie.
Aprs
avoir
fix
le
ca-
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
19/343
PRFACE.
.
ix
ractre
et les
fonctions
des
deux
accords consonnant
et
dis-
sonant,
je
cherchai
avec
soin si quelque
autre
agrgation
har-
monique
tait ncessaire
pour
constituer la tonalit
;
mais
je
n'en
pus
dcouvrir,
et
j'acquis la
conviction que
tous les
au-
tres
accords sont
des
modifications
de
ceux-l
,
et que'
leur
destination
est
de
jeter de la
varit dans les
formes de l'har-
monie,
ou
d'tablir
des
relations
de gammes
diffrentes.
Ds
que
je
fus
en
possession
de
cette
vrit fondamentale,
il
ne
me
resta
plus
qu' rechercher
la
nature
et le
mcanisme des
divers
genres
de
modifications.
J'y
employai les
longues.m-
ditations
de
mes prgrinations
solitaires.
En
1816,
le
manuscrit de
mon
Trait
de
l'harmonie
tait
achev.
J'ai
dit
ailleurs' les
motifs qui
m'ont
empch
de
le publier
cette
poque.
Cependant
j'en
fis connatre
sommairement
les
bases
, en
1823,
dans
une
Mthode
l-
mentaire et abrge
d'harmonie et d'accompagnement
,
dont
le
succs
fut
un
encouragement
pour
moi
,
car
il
en fut
fait trois
ditions
en peu de
temps,
et
il
fut
traduit
dans
plusieurs
langues trangres.
Lorsque
j'eus laiss refroidir
l'enthousiasme
qui
s'empare
presque
toujours
de
l'auteur
d'une thorie nouvelle, j'prou-
vai le
besoin de m'assurer,
d'une
part,
que je n'avais pas
t
prcd par quelque auteur
dans
la
voie
o
je
m'tais
en-
gag,
et
de
l'autre, que
l'histoire
de
l'art s'accordait
avec
mon
systme. Pour lever
mes
scrupules
sur
le
premier
point,
je
m'entourai
de tous
les
livres
o
il est trait de l'harmonie
d'une
manire
plus ou
moins
directe, plus ou moins
appro-
fondie. Le
nombre
d'ouvrages
de
ce
genre que j'ai
lus
dans
l'espace
de
vingt
ans
s'lve
plus
de huit cenls.
A
l'gard
des
compositions
de toute
espce que j'analysai
,
je
les
ran-
geai
par
poques
et
par catgories
de
transformations
de
l'art.
Il nie
serait
difficile
de donner une
ide
juste
de la
j
source
inpuisable
d'instruction
que
je
trouvai
dans
celte
tude
persvrante,
dont
li
rsultai
lui
de
me
conduire
la
(1)
Btograp
ericllc
des
musiciens
,
lova, [V,
pag.
lus,
L
rl
Jiiion.
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
20/343
x
PRFACE.
conviction
de
l'infaillibilit
de
mes
principes.
Mon
Esquisse
de l'histoire
de
l'harmonie,
considre
comme
art
et
comme
science
systmatique'
a fait
connatre
au
public
le
soin
que
j'ai
port
dans
mes
recherches
sur
ce sujet.
En
1822,
Chrubini,
qui
venait
d'tre
appel la
direc-
tion du
Conservatoire
de Paris,
m'avait
propos
de
me
char-
ger,
en
ma
qualit
de
professeur
de
composition de
cette
cole,
de
la
rdaction
d'un
livre
lmentaire
sur les formes
de
l'art
d'crire
la
musique,
dsignes
sous les noms de
contrepoint
et de
fugue,
pour
remplacer
les ouvrages suran-
ns
ou insuffisants
de
Fux
, Martini
,
Paoli
et
Abrechtsberger.
J'employai
deux
annes
d'un travail
assidu
ce grand
ou-
vrage, dont la
deuxime
dition
a
paru
en 1846
2
,
et
les nou-
velles
rflexions
auxquelles
je
dus
me
livrer
pour dcouvrir
la
raison
des
rgles
,
qui
n'avaient
t
prsentes
par mes
prdcesseurs
que d'une
manire
empirique et
par l'autorit
de la
tradition,
me
firent
dcouvrir
de
nouvelles
et
innom-
brables
applications
de la loi de
tonalit,
qui
me
dmontr-
rent,
avec une
force
nouvelle et
plus
grande, l'identit
absolue
des principes
qui
rglent
la
succession mlodique
des
sons
et
de ceux
qui
sont
les
bases de
l'harmonie.
Ainsi
donc,
il
n'y avait plus
de
doute
pour
moi,
et
j'avais
la
certitude
qu'une
seule
loi rgit
les
rapports des
sons ,
dans
l'ordre
suc-
cessif
comme
dans les
agrgations
simultanes.
Mais
quelle
est
la
loi de la
tonalit
elle-mme,
et
d'o
procde-t-elle ?
Si
je
m'en
rapportais
l'opinion
unanime
des
thoriciens
et
des
historiens
de
la
musique, la
nature
a
fix
l'ordre
des
sons de la
gamme, et
nous
en
trouvons
les
lments dans
les
rsonnances
multiples de
certains corps,
dans la
division mthodique d'une
corde
tendue,
et
mme
dans
certaines
progressions
numriques
qui
sont
l'expression
renverse
des
longueurs de
cordes
correspondantes
chacun
(1)
Paris,
imprimerie
de
Rouigognc et
Martinet,
18A0,
1
vol.
in-8 de
178
pages.
Voyez aussi
la
Gazette
musicale
de
Paris,
anne
1840,
numros
9, 20,
1h,
35, 60,
52,
63, 67,
OS,
72,73,75,76,
77.
(2)
Truite
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
21/343
PRFACE.
xi
des
sons de la
gamme,
ou
du
nombre de
leurs
vibrations.
Mais quoi
n'avons-nous
pas
la
preuve
que
la
tonalit n'a
pas
t la
mme
partout et
dans
tous
les temps?
Ne
savons-
nous pas
qu'aujourd'hui mme
elle
n'est
pas
identique
chez
tous
les
peuples,
et
qu'en
Europe
elle
se
formule
d'une
ma-
nire trs
diffrente dans
les
chants de
l'glise
et
dans ceux
de la
scne?
D'ailleurs,
ces
sons
donns
par la nature
sont
bien
les
lments d'une
gamme
,
mais
n'en
dterminent
pas
la
forme,
d'o dpend
le
caractre
de toute musique.
Il
faut
donc reconnatre
que
la
loi mystrieuse
qui rgle les
affinits
des sons
a
une
autre origine
;
or
je
ne
pouvais
la
trouver
que
dans
l'organisation
humaine
;
mais
le
mode d'action de
celle-
ci
,
qui
dtermine
telle
ou
telle
constitution tonale d'o
se
tirent
toutes les
consquences
,
ne
se
prsentait
mon esprit
que
d'une manire confuse.
Mes
incertitudes
me
faisaient
toujours reculer la
publication
de ma thorie
de
l'harmonie
;
car
je
comprenais qu'elle
resterait
incomplte
jusqu'
ce que
mes
doutes fussent
dissips.
Le
moment vint enfin
o
je
pus
entrer
en
possession
d'une
doctrine
de
la
science
et
de
l'art dont
pas un
seul
point ne
restait obscur
ou
incertain,
dont
toutes
les
parties
taient
consquentes l'une
l'autre,
et
qui seule pouvait fournir la
solution complte
de
tous les
problmes.
Voici
dans
quelles
circonstances
elle
me
fut rvle :
Par
un beau jour
du mois
de
mai
1831
,
j'allais
de Passy
Paris,
et,
suivant mon habitude,
je
marchais dans
un
che-
min
solitaire
du
bois
de
Boulogne,
rvant
celle thorie
de
la
musique, objet
de
mes constantes
mditations,
el
dont
je
voulais
faire une science
digne
de
ce
nom. Tout
coup
la
vrit
se
prsente mon esprit;
les
questions
se posent
net-
tement,
les
tnbres se
dissipent ; les fausses
doctrines
tom-
bent pice
pice autour de
moi
;
et
(mil
cela est
le
rsultat
des
propositions
suivantes,
qui
sont
mon
point
de
dpart:
La
nature
ne
fournil
pour
lments
de
la
musique
qu'une
multitude
de
sons
qui
diffrent
entre
eux
d'intom
tion
,
de
dure
et
d'intensit,
par des
nuances
ou
plus
grandes
ou
plus petites..
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
22/343
x
,j
PRFACE.
Parmi ces
sons,
ceux
dont
les
diffrences
sont
assez
sensibles
pour
affecter
l'organe de
l'oue
d'une
manire
dtermine
,
de-
viennent
l'objet
de
notre
attention;
l'ide
des
rapports
qui
exis-
tent entre eux
s'veille dans
l'intelligence,
et
sous
l'action
de
la
sensibilit
d'une part,
et
de la
volont
de
l'autre,
l'esprit
les
coordonne en
sries
diffrentes,
dont
chacune
correspond
un
ordre particulier
d
motions
,
de
sentiments
et
d'ides.
Ces
sries deviennent
donc
des
types
de
tonalits
et
de
rhythmes
qui
ont
des
consquences ncessaires
,
sous
l'influence
desquelles
l'imagination
entre
en
exercice
pour
la
cration
du
beau.
Tout
cela
m'avait
frapp
la
fois
comme
un
clair,
et l'-
motion m'avait
oblig
de
m'asseoir
au pied
d'un
arbre. J'y
passai six
heures
absorb dans la mditation
;
mais
ces heures
furent
pour
moi
une vie tout entire,
pendant
laquelle
le
ta-
bleau
historique de
toutes les
conceptions
de l'art,
de
toutes
les
formes
tonales, depuis l'antiquit
jusqu'
nos
jours,
se
dploya
sous mes yeux. J'en
saisis
les
principes,
les causes
de
transformations,
et j'arrivai
ainsi jusqu'
l'avenir
de la
musique,
se
dveloppant
dans les
conditions
finales de la to-
nalit, du rhythme
et
de
l'accent.
Je conus
en mme
temps
la
classification
des divers ordres de
tonalit
qui se
sont
suc-
cd
depuis
trois
sicles par les
affinits
de sons
que
l'har-
monie
y
a introduites.
Enfin, l'examen
des
causes
dtermi-
nantes
de
l'attraction
des
sons
dans
l'harmonie
me fit
dcou-
vrir
l'origine
des erreurs
qui
ont
fauss
jusqu'
ce
jour
la
thorie mathmatique
de la
musique
;
car
je
vis
que
l'attrac-
tion provenait
des tendances
des
deux demi-tons mineurs
de
la
gamme,
qu'une hypothse de
Ptolme,
admise
sans
exa-
men
,
avait fait considrer comme majeurs
;
d'o
est venue
la
double
erreur,
1
de supposer des
intervalles
de
tons
dans
des
proportions
diffrentes,
tandis
qu'ils
sont
tous
gaux;
2
de
donner
aux
sons
descendants plus d'lvation
qu'aux
sons ascendants,
alors
que le
contraire a
prcisment
lieu.
Enfin,
j'aperus par
intuition la
ncessit
de variations
dans
L'intonation
des
sons,
en
raison
de
tendances
dtermines
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
23/343
PHFACE.
xiij
par
leurs
agrgations
harmoniques
;
conjecture que
j'ai
vri-
fie
ensuite
par
de
nombreuses
expriences
,
et
qui
,
runie
aux
observations
prcdentes
,
m'a
conduit
la
rforme
de
la thorie
mathmatique de la
musique.
Aprs avoir
employ
environ
une
anne
mettre
en
ordre
mes
nouvelles
ides, je
crus
devoir
les
soumettre
l'opinion
des
savants
et de
quelques
artistes
minents
;
pour
cela
j'ou-
vris
,
au
mois
de juillet
1
832
,
un cours
gratuit
dans lequel
je
fis
l'expos
de ma
doctrine
devant
un
auditoire
o
j'eus
l'honneur
de
voir
figurer
des
membres
de
l'Acadmie
des
sciences
de
l'Institut , la
plupart
des
professeurs
du
Conser-
vatoire et
les
artistes
les plus
clbres.
Les
flicitations
qui
me
furent adresses
pendant et
aprs ce
cours,
m'auraient
dcid
mettre
au jour
mes
thories de
l'art
et
de la
science,
si bientt
aprs
je
n'avais
t
appel
loin
de
Paris
pour
prendre
la
position
que
j'occupe encore.
Les
soins
exigs
pour
l'organisaton
d'une
cole
nouvelle,
et
l'immense
tra-
vail
que j'eus faire
pour
mettre
en
ordre,
terminer et
publier
ma
Biographie
universelle
des
musiciens
1
,
retardrent
encore longtemps
la
ralisation
de
mes
vues
concernant la
philosophie de la musique.
Enfin, au
mois de
janvier
1844,
je
me
dcidai faire
paratre
mon
Trait
de
V
harmonie,
qui
renferme une partie
de
ce
corps
de
doctrine, et je
me
ren-
dis
Paris
o
j'ouvris
un
nouveau
cours
gratuit,
destin
expliquer
au
public
les ides
qui
m'avaient jet
dans
une
voie
absolument
oppose celle
des autres
thoriciens.
Mon au-
ditoire
fut
nombreux
:
une
vive
agitation
se
manifestait
la
fin
de
chaque
sance parmi
les partisans
des
divers
systmes
suivis dans les
coles
et
ceux
chez
qui
je
faisais
pntrer
nus
convictions.
Des conciliabules
anims
se
prolongeaient
quel-
quefois
pendant
plusieurs
heures
aux
environs
du
local
o
je
donnais
mes
leons.
Ce
fut
dans ces
circonstances
que
parut
l'ouvrage
dont
je
(1)
Bruxelles,
Mllne,
Caris ci C ,
1835-
M,
I
;
ol.
gr.
ln-8
a
2
colonnes.
Paris,
lit
uni)
Didol
frres,
Ois
elC
1
,
1 160
L8
15,
2 ikllt.,
8
vol
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
24/343
xiv
PRFACE.
donne
aujourd'hui
la
troisime
dition.
Le
bon
accueil
qui
lui a
t
fait
est constat
par le prompt
coulement
des
deux
premires.
D'ardentes
polmiques
ont
cependant
t
soule-
ves
par les thories
qui
sont
exposes
:
les
journaux
spciaux
de musique et autres en
ont
t
remplis,
non
seulement
en
France, mais
l'tranger.
J'ai cru devoir
analyser, dans des
notes places
la fin
de
cette
dition
,
quelques
objections
qui
m'ont
t
faites concernant
les
classifications d'accords
o je
me
suis
loign
de
certaines
mthodes.
Mais les
diffi-
cults
les
plus
considrables
ont
port
sur
le
principe
intel-
lectuel
que
je
donne
la
constitution
de
la tonalit
;
car
si le
sensualisme
et le fatalisme
sont
tombs
dans
le discrdit
chez
les
philosophes, ils
ont encore
une existence
vivace
dans les
prjugs
des
artistes.
On
veut absolument
qu'il
y
ait une
gamme donne
par
la
nature,
des
accords
dont nous
trouvons
le principe dans
les
rsonnances
de
plaques
sonores,
de cy-
lindres,
de
cloches,
que
sais-je? enfin,
on
veut
que
l'oreille
soit
le
juge
et
que le
plaisir
physique
soit le
but.
La
science
de
l'harmonie
n'est
que la partie d'un tout
dont
la
philosophie de la
musique doit
offrir
le
systme
complet.
Ceux
de mes
lecteurs qui
n'ont
point
assist
l'exposition
orale
que j'en ai
faite n'en
ont
pas saisi
l'enchanement;
j'ai
cru ne
pouvoir
mieux rpondre
leurs
objections
que
par
le
rsum que
je
vais
en
prsenter
dans
cette
prface.
Vrai-
semblablement
je
ne
porterai
pas
la
conviction
dans
tous
les
esprits
:
mais du
moins
tout
malentendu
devra cesser
quand
j'aurai
dit toute
ma
pense.
Si
nous
remontons jusqu'aux
ides les
plus anciennes
du
panthisme
oriental,
nous
trouverons
toutes
les
notions de
l'harmonie
des
sons
unies
celles de
l'organisation
de
l'uni-
vers.
Chez
les
peuples
de
l'Inde,
c'est
dans
les
Vdas
mmes,
ou
livres
sacrs,
qu'il
en
faut
chercher l'origine,
contempo-
raine
de
la cration, et
insparable de la
cosmogonie,
de la
thogonie
et
de la
philosophie
thologique.
Au
nombre
des
dieux
et
des
gnies,
sont placs
ceux
qui
prsident
aux di-
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
25/343
PRFACE.
xv
verses parties de la
musique
;
l'ther
est le
son
pur
1
;
les
sept
nymphes
Swaras
sont les
notes de
musique
personnifies
(les
sons
dtermins).
Sardja,
premire
note
ou
tonique
de
l'-
chelle des
sons,
parait souvent
sous les traits de Saraswati
fille,
femme
et
sur
de
Brahma.
Ces
nymphes sont rsumes
dans
la
personne
de
Swaragrama,
desse de la gamme,
et l'-
chelle
gnrale
des
sons
est
divinise en
Mahasivaragrama,
qui
n'est
autre que
Saraswati, sous un
de
ses
attributs. Les l-
gres Apsaras,
cres
pour
charmer
la cour
du
Dieu
Indra,
roi
du
firmament,
forment
des
concerts
avec
les
Gatulhar-
bas,
musiciens
clestes
2
,
au nombre de sept,
qui
prsident
l'harmonie
des
sphres lances dans
l'espace.
De
l'union
de
Brahma
et
de
Saraswati
nat
Nardja
,
qui invente la
vina, instrument
de
musique
par excellence,
et la
forme
de
l'caill de
la
tortue
qui
,
suivant
la cosmogonie indienne,
porte le
monde
sur
son dos.
Six
autres
fils
de
Brahma
et
de
Saraswati, appels
Ragas,
sont
les
gnies
qui
prsident
aux
passions
principales
et aux
modes musicaux
qui
en sont
l'ex-
pression.
Filles
de
Mahaswaragrama,
les
nymphes
musicales,
appeles
Ragins,
sont
unies
au
nombre
de
cinq chacun
des
Bagas,
et
personnifient
les
passions ou modes secondaires.
Parmi elles, quatre
principales reprsentent chacune
sept
modes en quatre
systmes
auxquels elles
donnent
leurs
noms.
Une
cinquime,
qui en
est
le
symbole
gnral, marche leur
tte : c'est Mahaswaragrama
elle-mme
,
c'est--dire
la mu-
sique, dont
la conception
renferme
tous
les
systmes
et tous
les
modes. De
l'union
des Bagas
et des
Baginis naissent
une
multitude
d'enfants,
qui sont
autant
de
modes
drivs. Leur
production
n'a
pas
de bornes , disent les
commentateurs des*
Vdas
:
pareils
aux flots
de
la
mer, ils
peuvent
tre
multiplis
l'infini.
Il
est
facile
de
comprendre
(pie
ces enfants
des
Ba-
gas
et des
Haginis
,
en
nombre
infini , ne
sont
que les
mlo-
(ij
v.
Manava
d'Harmasaslra,
nu
Livre des
lois
Se
Manou,
comprenant les Insti-
tutions
civiles
t
religieuses
des
indiens,
traduit du
sanscrit
par
M.
L'Oiseleur
(ta
Loa-
champs (
Pai I
,
i
'63,
ln-8
),
7i>.
(2)
IMS.,
37,
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
26/343
xvi PRFACE.
dies
formes
avec
les modes. Rgulatrices
de
l'art
de
combiner
les
sons, les llaginis les
psent
:
leur marche
est
arythmique,
leur
geste
est
une
harmonie,
leur
pose
une
cadence.
Ces ides,
concernant
l'origine
cleste
de
la musique,
de
cet
art
primordial
qui
seul
a
joui ds la plus
haute antiquit,
chez
tous
les peuples, du privilge
d'tre l'ouvrage
des
dieux,
se retrouvent sous
certaines modifications dans
diverses
par-
ties de
l'Orient;
mais sous
ces modifications, une
ide prin-
cipale traverse
les sicles,
savoir :
l'harmonie
que
produi-
sent
les
mouvements
des
corps
clestes,
et
dont
la
mu-
sique
des hommes
n'est qu'une
imparfaite
imitation.
Les
H-
breux l'empruntent
aux Chaldens
et
aux
Saducens
qui
,
observateurs attentifs
de la
marche
des
astres,
avaient fini
par
leur
attribuer
une influence directe,
suprme,
ternelle,
sur tout l'univers.
Ce
principe, admis
par
les
Hbreux,
les
conduisit la conception
d'intelligences
particulires et
abstraites
qui prsidaient
l'harmonie
des
astres.
Ces
intel-
ligences
sont
les
Anges
,
et les
concerts
par
lesquels
ceux-ci
glorifient
l'ternel
sont
forms
par les
mouvements
des
sphres
clestes.
L'Elohim
de
la
Gense,
qui n'est autre que
le
Mtatrne
du
Talmud,
et dont la
puissance n'est soumise
qu'
l'auteur de toutes
choses,
rgne sur les
sphres rpan-
dues dans
l'espace, comme
sur
les
anges
qui les
dirigent.
C'est
aussi
cette
mme
ide
d'une
puissance
infrieure
celle
du
crateur
de
l'univers
,
mais qui
donne la
vie
et le
mouvement son
uvre,
que
Pythagore
emprunta aux
peu-
ples
de
l'Orient,
avec
l'ide
de
l'harmonie universelle.
Il
en
fit l'me du
monde ,
laquelle il
attribua
des
proportions
harmoniques que
Platon
a
fait
connatre
dans
un
passage
assez obscur du Time,
et
qui
sont
celles
de
l'chelle
des
sons
dans
la
musique
des
Grecs.
C'est
de
lame
du
monde
que
naissentles
mes
particulires
qui
tirent
d'elle
leur
substance,
la
vie,
le mouvement
et
l'organisation
harmonique.
L ne
s'arrta pas la
tradition
de
l'me du
monde
et
de
l'harmonie
universelle;
propage
de
sicle
en
sicle,
recueil-
lie
et
modifie
par
l'cole
d'Alexandrie,
reproduite
dans les
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
27/343
PRFACE.
xvij
crits
de
Plutarque',
de
Cicron
2
,
de
Ptolme'',
de
Censo-
rin
4
,
de
Macrobe
3
,
de
Boce
6
,
et
de
beaucoup
d'autres,
elle
reparut
aprs
la
renaissance
des
lettres
dans
les
ouvrages
des
commentateurs
de
Platon
,
donna
naissance
aux
bizarres
r-
veries de
Robert
Flud
7
,
et
finit
par
garer
la
puissante
tte
de
Keppler
8
dans
le
moment
mme
o
ce
savant
homme ve-
nait de faire
la
dcouverte
des
lois
fondamentales
de
l'astro-
nomie.
Laissant
part
ce
qu'il
y
a
de
faux
dans
l'hypothse
de
l'identit
de
l'harmonie
universelle
et
de
l'harmonie
des
sons
de
la
musique,
on
peut
dire
que
sa
ralit
aurait
pour
r-
sultats
d'enlever
l'homme
sa
libert
dans
la
conception
de
l'art, de
lui
en
imposer
les
conditions
d'une
manire
fatale,
et
d'interdire
ses
facults
intellectuelles
et
sentimentales
la
possibilit
d'en
modifier
les lments.
Les
thoriciens
qui,
chez
les
modernes,
ont
essay
de
reproduire
cette
hypothse
9
,
n'ont
pas
compris
que
le
but de
leurs
efforts
est
antipathique
l'organisation
humaine.
Si
l'on
suppose, en
effet,
que
la
cration
a
rgl
d'une
manire
invariable
la
formule
des
sons,
et
que
l'homme
a
conscience
de
son
immutabilit
,
il
faudra
donc
admettre
que
la
varit
dans le
caractre
de
la
musique
et
de
l'harmonie
est
impossible,
et
que
les
impres-
sions
produites
par
les
combinaisons
de
ces
sons
doivent
tre
identiques
chez
tous
les
individus
dous
de
l'organe
de
l'oue?
Or,
c'est
ce qui
n'a
pas
lieu;
car
l'histoire
de
l'art,
tudie
avec
intelligence,
dmontre
que
les
intervalles
et
les
chelles
des
sons
ont
t
conus
de
manires
diffrentes,
sui-
(1)
De
la
cration
de
l'dme,
12, 19,
21,
22.
De
Musicd,
22, lia.
(2)
DeRepubl.,
lib. vt
(3)
llarm.,
lib.
m,
c. 4-16.
(Il)
De
die
natali,
c.
13.
(5)
Commentaire
sur le
Songe
de
Scipion,
liv.
n,
cli.
1-.
(6)
Dr
Mus.,
liv.
n.
(7)
Vtriuique
Cosmi,
lib.
m. De Mut.
mundana.
(H)
Harmonicei
mundi,
lib. iv, c.
6;
lib.
v,
c U-8.
(9)
Cf.
Roussier.
Mmoire sur
lu
musique
des
anciens,
p.
73,
87.
Lettre
tou-
chant
lu
division
du
zodiaque et
l'institution
de
lasemaine
plantaire
relativement
une
progression
gomtrique
,
d'o
dpendt
ni li
t
pi
oporlions
musicales.
[Journal
des
leaux-urts
et
dt
,
novembre,
1770.)
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
28/343
xviij
PRFACE.
vant
les
temps et les lieux
;
et
nous
savons
par
exprience
que
les
impressions
produites par
la musique
ne
sont
pas
les
mmes chez tous les
hommes.
Les
physiologistes,
dont
les
opinions tendent
substituer
l'action de l'organisme
celle
de
l'intelligence,
ont
voulu
attribuer
la
conformation de l'oreille
la
dtermination
des
sons,
de leur
justesse
absolue
et
de
leurs
intervalles. Sans
parler
de Borhave, qui suppose
que les canaux semi-cir-
culaires
de
cet
organe
sont
composs d'une
suite
d'arcs
de
diamtres
diffrents,
destins
produire
autant de sons d-
termins
correspondants
ceux
de
l'chelle
chromatique
1
;
de
Lecat, qui conjecture
que le limaon
est
un clavier
instru-
mental
,
mont
de
beaucoup
de
petites
cordes
tendues
le
long
de la
cloison
mdiane, ayant
des
longueurs et des
gros-
seurs diverses
ordonnes entre
elles
et
destines
vibrer iso-
lment
l'unisson des
sons
qui
les
frappent
;
de Dumas, qui
prtend
que
la
membrane du
tympan
est elliptique
et
com-
pose
de
cordes
diverses
qui
correspondent
autant
de
sons
particuliers';
et
enfin de
beaucoup
d'autres
qui ont
hasard
des
hypothses
du mme
genre,
n'avons-nous
pas
des livres
o
des
physiciens et
des professeurs
de
mathmatiques
en-
treprennent
de
fonder
des
systmes
de
tonalit,
de
mlodie
et
d'harmonie sur la conformation de
l'organe auditif', et qui
ont
pour but
de
dmontrer
que
les
lois
de succession
et
d'a-
grgation
des
sons
ont
pour
bases
les
phnomnes
de
la
per-
ception? Ce
que
ces
auteurs
ont
prtendu
tablir
d'aprs
des
considrations
physiologiques
et
des
suppositions
de
faits, les
philosophes
sensualistes
du
dix-huitime
sicle
l'ont fait
entrer
dans leur
mtaphysique.
Quant
aux
sons
proprement dits, l'oreille
(ditCond'lac)
tant
organise
pour
(1)
Dans
les
notes
de
son
dition
des Opuscules
anatomiques
d'Eusiachi, Delft,
1726,
in-8.
Opusc.
2.
(2)
Thorie de
l'oue
,
la
suite de
son
Trait
des
sensations
et
des passions en
g-
nral, et des
sens
en particulier.
Paris, 1766
(tom.
II).
(3)
Principes
de
physiologie ,
etc.,
tom.
III, pag.
bUU,
2
e
dition.
(Il)
Cf.
Pierre
Mengoli
,
Speculazioni
di
musica
(Bologne,
1670,
in-i). Spccul.
1,
2,
3, U,
5.
Al.
J.
Morel
,
Principe acoustique
nouveau
et
universel
de
la
thorie
musi-
cale,
ou Musique explique
(Paris,
1816, in-8).
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
29/343
PRFACE.
xix
en
sentir
exactement les
rapports,
elle
y
apporte
un
discerne-
ment
pins
fin
et plus
tendu.
Ses
fibres semblent
se
partager
les
vibrations
des
corps
sonores,
et elle
peut
en entendre
plusieurs
la fois
1
.
Les
consquences de
ces
doctrines
sont
que
la musique
tout entire
nous est donne
par
le
mcanisme
de
l'organisation de
l'oreille
,
sous
l'impression
des
faits
extrieurs,
et
que
les
jouissances
qu'elle
nous
donne
sont
purement physiques.
Ce
n'est
pas
sans
tonnement
qu'on
voit
se
reproduire
de
nos
jours
ces
thories
dans
les
leons
d'anthropologie
d'un
savant
professeur de l'universit
de
Knigsberg
,
de
cette
mme
universit
o
la
voix
de
Kant
faisait
entrendre
des doctrines
bien
diffrentes quarante
ans
auparavant
2
.
Suivant
M.
de Baer,
auteur de ces leons
(%
1
75),
l'oreille
a la
facult
de
distinguer
les
sons, en raison
de
leur
gravit
et
de
leur acuit
(die
Fhigkeit
unsers
Ohrs
die
Tne
nach
ihrer-Hhe und
Tiefe
su
unlerschieden
)
;
la relation
de
deux sons
est
d'autant
plus
agrable
l'oreille que leur rap-
port
numrique
est
plus
simple
(Je einfacher
die
Zhlenver-
hllnisse
zweier
Tne,
um
desto
angenchmer
ist ilire
Vcrbindung
fur
das
Ohr)
;
et,
enfin,
l'oreille a
des
dsirs (Begierden),
des
exigences
(Erfurderungen)
.
Si
l'oreille
a
tout
cela dans son
domaine,
quelle est
donc la
part de
l'intelligence?
Evidem-
ment,
dans cette
hypothse,
la
musique
n'est
qu'un
jeu
de
sensations
;
elle
ne
saurait
devenir
un
art.
Rien
n'est
plus
digne
d'attention
que
la
persvrance
qu'on
a
mise dans tous
les temps
chercher
l'origine
de
la
musique
ou dans
des
causes cosmogoniques,
ou
dans
des
phnomnes
naturels,
et
supposer
qu'elle
a
t
impose
l'homme
par
le
Crateur sous
des
conditions
dtermines, ne
lui
laissant
que la
libert
d'en
combiner les
lments.
De
l
l'ide
d'une
gamme ou
chelle de
sons donne par
la
nature,
qu'on
a
voulu
trouver
dans
l'harmonie
universelle,
ou
dans
(1)
Trait
des sensations
,
part. [,chap.
vin,
&
(2)
Vorlesungen
liber
Anthropologie,
von
Dr.
Karl-Ernst
von
Baer.
Knigsberg,
l82/i,
ln-8
pag.
277
ctsuiv.).
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
30/343
xx
PRFACE.
l'organisation
de
l'oue, ou dans
celle
de
la
voix
humaine
1
,
ou
bien
dans
les
divisions
acoustiques
de
certains
tubes,
ou
enfin
dans
des
progressions
gomtriques
et
arithmtiques.
On
a
mme
t
jusqu'
contester
l'intelligence
et
au
senti-
ment de l'espce
humaine
la dcouverte
spontane
de
l'har-
moniesimultane
des
sons;
et
parce
qu'il
s'est
trouv
dans
les
rsonnances
de certains
corps
sonores,
soumises
aux
exp-
riences
de
physiciens
modernes, des phnomnes
qui font
en-
tendre l'harmonie
des consonnances,
et
d'autres,
plus
rcem-
ment
observs,
o l'on
a cru
reconnatre
celle
des dissonances,
on
s'est
persuad qu'on
donnerait
une
base
plus
lgitime
cette
partie
de l'art par
des
phnomnes
ignors
au
temps
o
elle
s'tait
forme,
que
par
l'instinct qui l'avait
trouve; en
sorte que
les gnrations
dont
les
heureuses inspirations
et
les
travaux ont dvelopp les
combinaisons harmoniques
des sons
auraient t places sous
l'influence
de
causes
occultes
,
lorsqu'elles croyaient
n'obir
qu'aux lois de leur
organisation
sentimentale
et
intellectuelle
2
.
Pour
nous
clairer
sur
l'erreur
de la plupart
des
thori-
ciens et
des
historiens de la
musique dans
la
supposition
qu'ils
ont
faite d'une
gamme
invariable donne
par
la
nature
,
je-
tons
un coup d'il sur
la
conception
des
chelles
de sons
qui furent
les
bases
de l'art chez
diffrents
peuples
des
poques
diverses.
Parmi
les
monuments
de
la
langue
sanscrite
antrieurs
de
plus
de
deux
mille
ans
l're
chrtienne, on
trouve
des
traits
de musique o
nous
voyons l'expos
d'un
systme de
tonalit
dans
lequel
des
intervalles
un
peu plus
grands
que
des
quarts
de
tons
entraient dans la
composition
et
dans
les
modifications
d'un grand
nombre de
modes.
Ces
modes
avaient
aussi
pour
principe,
la varit des
sons
par
lesquels
chaque
gamme
commenait.
Enfin,
il
y
avait
des
mode?
dont
(1)
The
Philosophy
oflhe
human
voice,
etc., by
James
Rush.
Philadelphie,
1827,
gr.
in-8(pag. 29-50).
(2}
Voyez lu quatrime
partie de cet
ouvrage.
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
31/343
PRFACE.
xii
les
gammes
taient incompltes
et
ne
contenaient
que
cinq
ou
six
sons,
et
dont
les
intervalles
n'avaient aucun
rapport
avec
ceux de
la
gamme
de
la
musique
moderne.
Chez
les
anciens
habitants
de
la
Perse ,
l'chelle
gnrale
des
sorts tait
divise
par
des
quarts de
tons
,
et ces
lments
entraient dans
les
combinaisons
d'un
certain nombre
de
modes qui avaient
de l'analogie avec
ceux
de
la
musique
des
habitants de
l'Inde. Nonobstant
les grandes
rvolutions dont
la
Perse
avait
t le
thtre,
ce
systme
de
tonalit s'tait
conserv
jusqu'au
dix-septime
sicle de
notre
re;
car les
musiciens
persans
qu'Amurat
IV
emmena
en
esclavage
Constantinople aprs la
prise
de
Bagdad,
en
1638,
l'intro-
duisirent en
Turquie o
il
tait encore
en
usage
la
fin
du
dix-huitime sicle
1
.
Chez les Arabes de nos
jours,
dont
les
murs ont
con-
serv le
caractre
des
temps antiques,
les
tons sont
diviss
par
tiers,
et
les
demi-tons sont
gaux
ceux
de
notre
mu-
sique.
Ces
lments
se
combinent
dans
un
grand
nombre
de
modes
analogues
par
la
varit
des
notes
initiales,
et
quel-
quefois
par la
suppression de
certains tons,
ceux de
l'Inde
et
de
la
Perse. Les
divisions des
manches
de
leurs
instru-
ments
nous
fournissent
une
preuve
suffisante
de
la
ralit de
ce
systme qui,
vraisemblablement,
fut celui
de
tous les
peu-
ples
smitiques.
Le
principe
esthtique de
l'art
bas
sur
ces
chelles
de
sons
petits
intervalles
variables,
qu'on
trouve
chez tous les
peuples de
l'Orient, est
celui d'une
musique
langoureuse et
sensuelle,
conforme
aux
murs des
nations
qui les
ont
con-
ues.
On
ne voit,
en
effet,
d'autre
emploi de
la
musique
chez
ces peuples
que
dans
les chansons
amoureuses
et
dans
les
danses
lascives.
Au
contraire,
chez les
rudes
et
srieuses
populations
issues
de
la
race
jaune
ou
mongolique,
la
musique, grave
et
mono-
tone,
trange
et dure pour des
Europens,
est
le
produit
'1)
V.
la Lettcralura turchesca, de
Toderinl
,
t. I,
\>-
243-252.
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
32/343
scxij
PRFACE.
d'un
systme
de
tonalit
o
le
demi-ton
disparat
trs
sou-
vent,
et
dont
la
gamme
incomplte ne
se
compose
que
de
cinq
sons
placs
des
intervalles
d'un
ton
l'un
de
l'autre,
avec
des
lacunes
l o sont
les
demi-tons
de
la
gamme ap-
pele
diatonique.
Tel est le
systme
de la
musique
des Chi-
nois
,
des
Japonais
,
des
Cochinchinois
,
des Corens
,
des
Mandchous,
et des
Mongols proprement
dits.
L'accent doux
ne
s'y
t'ait
pas
entendre, parce
qu'on
ne
peut
le
trouver que
dans
l'emploi
du
demi-ton.
>
Si
nous
portons
l'examen
sur
l'organisation
de
la
tonalit
chez les peuples
plasgiques de
la
Grce
et
de
l'Asie-Mineure,
nous
y
apercevons
des
transformations
qui,
dans
l'espace
d'en-
viron dix
sicles,
en changent
compltement la
nature.
Une
partie
des
Plasges
s'tait tablie
dans
laThrace :
c'est
parmi
eux
que naquirent
Linus,
Orphe,
Thamyris, clbres
potes
musiciens,
qui
se
servirent
vraisemblablement
des
mmes
to-
nalits
que
les
Plasges
de
l'Asie-Mineure.
Antrieurement
au
sige
de Troie
,
Olympe
et
d'autres
musiciens
de la Phrygie
et
de
la
Lydie,
composaient
des
hymnes
dans
une tonalit
appele
enharmonique, dont
les
sons
taient
disposs par deux
intervalles
de
quarts de ton
(appels dises)
,
suivis
d'une
tierce
majeure,
laquelle
succdait
l'intervalle d'un
ton
;
puis
venaient
deux autres quarts de
ton, suivis d'une
tierce ma-
jeure.
Telle
tait
la
division
de
l'octave
dans
ce
systme
de
tonalit
enharmonique,
qui
blesserait la sensibilit
musicale
d'un
Europen
moderne,
mais
qui a
beaucoup
d'analogie
avec certains
modes
de la
plus
ancienne musique
de
l'Inde.
Or,
Olympe
et les
autres
musiciens
de
la Phrygie
et
de
la
Ly-
die,
dont il
vient
d'tre
parl, taient de
la
mme
race que
ceux
qui
suivirent Plops
dans la Grce,
et
qui
y
portrent
modes
de
musique
'.
Ces
compagnons
de
Plops
taient
Plasges,
et
les Plasges
taient
Hindoux
ou
lindo-Scythes.
Plus
tard,
lorsque
les
Hellnes, venus de
la Scylhie cauca-
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7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
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PfeFACB. xxiij
sique
dans
la
Grce
, sous la
conduite de
Deucalion
,
furent
devenus
puissants
et
eurent fait la
conqute
du Ploponse,
ils
substiturent l'ancienne
tonalit
enharmonique des
P-
lasges
la division du ton
par tiers,
qu'ils
avaient
puise dans
les
gammes des
peuples
smitiques
dont ils
tiraient
leur
ori-
gine.
Par exemple,
trois sons placs
un
tiers
de
ton
l'un
de
l'autre
,
suivis
d'un
quatrime
l'intervalle
d'un
ton
,
puis
d'un
cinquime la
distance
d'un
demi-ton
de
celui-ci
,
et
enfin
de
trois
sons
des
intervalles
de
tiers
de
ton
,
taient
les
divisions
de
l'octave
dans
le
genre
enharmonique de
l'un
des
modes
de la
musique
grecque,
appel
mode
lydien.
Or,
cette
disposition
de
sons
est
prcisment celle
d'un
des
modes
de
la
musique
des
Arabes
de nos
jours.
Cette seconde
forme
de
la
tonalit
enharmonique
fut
en usage
pendant
plusieurs
sicles.
Lorsque
d'autres
genres,
appels
chromatique
et
diato-
nique,
eurent introduit des
formes
d'intonation
plus
facile dans
chaque mode
, les
petits
intervalles du
genre
enharmonique
furent
abandonns, et
ce
genre
ne
figura
plus
qu'en thorie
dans
le tableau
des
modes.
Le
genre
chromatique
tait
de
plusieurs
espces,
dont
la
plus
facile
pour
le
chant
tait
le
chromatique
tonique.
L'chelle
de ce
genre
tait
forme par un
demi-ton,
un
autre
demi-ton,
puis
une
tierce
mineure
suivie
d'un
ton,
auquel
succdaient
deux
demi-tons
suivis
d'une
tierce
mineure.
Celte
nouvelle
formation de
la
tonalit
se
ressentait encore
de
l'origine
orientale
par
les
deux demi-
tons
conscutifs,
et
par
la
lacune
de
la
tierce
mineure.
Celle
origine
ne
cessa de
se
faire
apercevoir
que
lorsqu'on
eut
trouv
la
forme
tonale
appele
diatonique,
dans
laquelle
le
demi-ton
est
isol, avant ou
aprs deux
ou
trois
tons.
Cette
forme
linil
par
tre
la
seule
dont on lit
usage:
on l'appliqua
aux
diffrents
modes.
Dans
l'origine, les
modes
de
la
musique
grecque
n'axaient
t
qu'au nombre de
trois,
savoir,
le
phrygien,
le
lydien
el
le
dorien
;
mais
ce
nombre
s'augmenta
progressivement
el
fut
port jusqu'
treize,
puis
enfin
jusqu'
quinze.
Comme
dans
les
modes
de
la
musique
des
Hindoux
el
dan-
ceux
de
-
7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18
34/343
xx
jv
PRFACE
la
musique
arabe, le principe del
diversit
des
modes grecs
consista
dans la facult de
changer
la
position des
intervalles
des sons,
en
commenant
chaque
gamme
par
un
son
diff-
rent
pris
dans l'chelle diatonique. La diffrence de position
des
tons
et
des
demi-tons
constitua
ce
qu'on
appela
les
es-
pces d'octaves
'.
Bien
que
nous
n'ayons
que
des
notions
insuffisantes de ce
qu'tait
la
musique
grecque base sur ces
lments
de
modes
et
de
genres, et
sur
les
mtres potiques
qui
s'appliquaient
;i
chaque
mode
en
particulier,
nous
comprenons
que
ses
qualits
esthtiques rsultaient principalement de la
pro-
prit
d'accent
et
de
rhythme
dans
la
posie chante.
A
l'-
gard de
la
question
si
souvent
controverse