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n°21 DOCTRINE DOCTRINE TAcTIQUE Revue d’études générales le combat des capitaines 2011

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n°21DOCTRINEDOCTRINETAcTIQUE Revue d’études générales

le combat des

capitaines

2011

Page 2: Doctrine 21 Fr

Directeur De la publication : Général (2S) Claude KoesslerréDactrice en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin : 01 44 42 35 91 - PNIA : 821.753.35.91Maquette : Christine Villey : 01 44 42 59 86 - PNIA : 821.753.59.86créDits photos : 1re de couverture : Arnaud Karaghezian/SIRPA Terre Image - 4e de couverture : Nanci Fauquet Diffusion & relations avec les abonnés : Major Catherine Bréjeon : 01 44 42 43 18 - PNIA : 821.753.43.18Diffusion : établissement de diffusion, d’impression et d’archives du commissariat de l’armée de Terre de Saint-EtienneiMpression : Imprimerie BIALEC - 95 boulevard d’Austrasie - BP 10423 - 54001 Nancy cedextirage : 6 400 exemplaires - Dépôt légal : à parution - issn : 2110-7386 - Tous droits de reproduction réservés. revue triMestrielle : Conformément à la loi «informatique et libertés» n° 78-17 du 6 janvier 1978, le fichier des abonnés àDoctrine tactique

a fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL, enregistrée sous le n° 732939. Le droit d’accès et de rectification s’effectue auprès du CDEF. Centre deDoctrine d’Emploi des Forces - 1, place Joffre - Case 53 - 75700 PARIS SP 07 Web : www.cdef.terre.defense.gouv.fr - Mel : [email protected]

Éditorial 3

mot du comft

Le combat des capitaines 4

Doctrine

Les principes d’entraînement des sous-groupements interarmes au CENTAC 6Le commandement du SGTIA à dominante infanterie 9Le commandement d’un SGTIA blindé 11Le renseignement aux bas niveaux tactiques 13L’intégration des appuis au niveau du SGTIA 15

Témoignages

Les enseignements tirés des engagements des SGTIA en OPEX 19Commander un SGTIA en opérations : témoignage d’un capitaine de SGTIA de la TF DRAGON 21Les principes de la formation du «capitaine interarmes» 25La formation à la mission opérationnelle : cœur de métier de l’Ecole de Cavalerie et cœur de formation du cours des futurs commandants d’unité (CFCU) 28La formation des lieutenants d’artillerie 32Les principes de la formation des lieutenants du génie 35La simulation pour l’entraînement des SGTIA 37

Histoire

Le combat des sous-groupements de la 2ème D.B. 41

S o m m a i rS o m m a i r ee

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LLe mot capitaine n’est accolé qu’à des superlatifsdans la langue française. C’est un mot chargé desymboles et de mythes, aussi loin que l’on remonte

dans l’histoire militaire jusqu’à l’Antiquité. Issu du motcaput (tête en latin), il exprime directement lecommandement, plus que tout autre grade. Le PetitRobert ne s’y trompe pas, qui donne en deux mots cettedéfinition première qui claque comme un drapeau : chefmilitaire.

En première ligne dans les opérations commandées parle chef des armées, les capitaines de l’armée de Terrefrançaise sont engagés au combat à la tête de leurunité. Ils agissent au cœur des missions tactiques lesplus essentielles et souvent les plus périlleuses quemènent nos forces.

Ce numéro de Doctrine Tactique veut les mettre dansleur ensemble sur le devant de la scène. Car ils sont tropimpliqués dans l’action pour avoir le temps d’êtremédiatisés. Surtout, ils assument un niveau de respon-sabilité crucial dans la chaîne de commandementopérationnelle, niveau requérant des qualités complé-mentaires d’exécution et d’initiative. Dans une proximitéphysique avec leurs hommes, ils commandent à lavoix et réalisent en temps réel les objectifs tactiquesde leur colonel. Ceux des capitaines qui commandentun SGTIA* mettent en œuvre un outil de combatparticulièrement performant mais sophistiqué, au seinduquel le maître-mot est l’exigence. Ils le font avecbrio dans une complexité croissante de leurenvironnement tactique.

Général de division Thierry OLLIVIERdirecteur du Centre de doctrine d’emploi des forces

* Sous-groupement tactique interarmes.

éditorialéditorial

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Il existe de multiples raisons à celà, maisje n’en retiens que trois, qui me sem-blent capitales :

- la menace est telle qu’elle impose unniveau d’emploi minimum à quarantecombattants.Engager une section, c’esten avoir au mois deux autres en appuiet en soutien, si possible une quatrièmeen réserve. Et quand bien même… Enseptembre dernier, un SGTIA du battlegroup Hermès a vu ses quatre sectionsprises à partie quasi-simultanément,sur quatre positions différentes.

- Le combat possède une dimensioninterarmes permanente, dans un cadretoujours aéroterrestre. Le pion d’em-ploi ne peut donc être que le sous-groupement tactique, car si la sectionet le peloton peuvent agréger des élé-ments d’autres armes, ni l’une ni l’autrene pratiquent à proprement parler lamanœuvre interarmes.

- La multiplication des moyens d’envi-ronnement immédiat du combat (ren-seignement ; appuis directs et indi-

rects, guerre électronique ; actions spé-ciales ; ACM…) requiert une planifica-tion et une conduite de l’action auniveau minimum du capitaine. Notonsd’ailleurs que cette complexité est telleque là où deux capitaines suffisaientpar SGTIA, il en faut maintenant trois.

Voilà donc trois caractéristiques impor-tantes de l’engagement majeur de nosforces terrestres depuis 2008. Elles sontnaturellement « dimensionnantes » etnous imposent des adaptations indis-pensables : structures, procédures,entraînement, matériels … Vous connais-sez les efforts remarquables déployésdans ces domaines par l’armée de Terre.Mais ne perdons néanmoins pas de vueque les guerres à venir ne ressemblerontpas toutes à notre engagement afghan,ce laboratoire de la contre-rébellion enfer-mé au cœur d’une vallée montagneusede 40 km de long sur 10 de large !

- La densité des moyens matérielsdéployés dans une zone, certes diffi-cile mais restreinte en taille, est excep-

tionnelle. Abondance, redondance etimmédiateté caractérisent ce déploie-ment, dans une mesure jamais connueauparavant : capteurs renseignement(techniques et humains, terrestres etaériens), moyens d’appui feu (mortiersde 81 et de 120, canons de 155 CAESAR,missiles AC, canon de 105 des AMX10RC, hélicoptères d’attaque, chasseursbombardiers), moyens de lutte anti-IED,appui CIMIC, opérations spéciales. Lechef d’orchestre est le plus souvent lecapitaine, qui compte ponctuellementjusqu’à 15 subordonnés sur son réseaude commandement ! Faut-il voir là unenorme nouvelle ou une circonstanceparticulière dans un engagement spé-cifique ? La «vérité» se trouve proba-blement entre les deux assertions.

- Les engagements eux-mêmes : ils sontle plus souvent limités dans le temps(les opérations dépassent rarement lajournée, mêmes si les « contacts » peu-vent durer plusieurs heures) et le sonttoujours dans l’espace (réduite, la zoned’action est de plus parfaitement con-

Le combat des capitainesGÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE HERVÉ CHARPENTIER, COMMANDANT DES FORCES TERRESTRES

Notre histoire militaire récente a conservé le souvenir de bien des chefs decorps, des Bigeard, Bréchignac, Jeanpierre, Gaucher… rendus célèbres parleurs succès tactiques, ou parfois des revers qui ne manquaient pas de

panache. C’était «L’heure des colonels», comme l’écrivait avec talent YvesCourrières. Un temps où les chefs de corps concentraient le plus souvent entreleurs mains toutes les commandes de la manœuvre.

Du Tchad à la Bosnie, en passant par bien d’autres pays africains et le Liban, nosengagements ont changé, marqués par la «maîtrise de la violence», symbolisésun peu vite par des soldats que d’aucuns voulaient croire «de la paix». Hormispour quelques actions ponctuelles, le temps des colonels est généralementdevenu celui des chefs de sections, lieutenants ou adjudants souvent isolés enpostes, jouissant de l’autonomie offerte par les missions de «contrôle de zone». Nombre d’entre eux ontconnu de véritables actions de feu, qui n’ont que très rarement été conduites au niveau de la compagnie, etencore moins à celui du régiment, Kolwezi et République de Côte d’Ivoire mis à part.

Aujourd’hui et pour quelque temps sans doute, l’Afghanistan nous impose une réalité encore différente. Lecombat que nous y menons est indubitablement celui des capitaines.

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nue et n’a pas changédepuis deux ans !).

- Que dire enfin del’environnement géographique ethumain, sinon qu’il est, lui aussi, trèsexceptionnel. Températures extrêmes,montagnes vertigineuses, zones déser-tiques côtoyant un bocage serré,population belliqueuse coupée du restedu monde depuis la nuit des temps,obscurantisme religieux, ignorancetotale des «lois de la guerre»…

Il y a bien peu de points communs entrece tableau et celui qui caractérisa un autrede nos engagements long et difficile,en Bosnie.Alors ?

Gardons nous d’abord de tirer des con-clusions définitives d’une expérienceexceptionnelle mais ponctuelle. Ne per-dons pas de vue que l’Histoire est unesuite ininterrompue de surprises. Demain nous quitterons l’Afghanistan. Unnouveau théâtre d’engagement, sans nuldoute fort différent, s’imposera à nous.

Demain… c’est l’horizon des jeunesofficiers, sous-officiers ou soldats quisont actuellement dans nos écoles etCFIM. C’est aussi l’obsession quoti-dienne de chacun de ceux qui les formeou les entraîne : s’adapter sans cessepour faire face à ce que personne n’aencore imaginé.Voilà pourquoi les principes del’entraînement restent immuables. Lescaractéristiques si particulières de la guerreen Afghanistan n’ont pour seul effet quede les renforcer, en maintenant la toutepremière priorité sur le niveau du SGTIA :

1- connaître et pratiquer les fondamen-taux du combat, avant de se préparerpour un théâtre particulier. En d’autrestermes ne pas sacrifier la préparationopérationnelle générique (face à unennemi symétrique ou dissymétrique)au profit de la mise en condition spéci-fique, bien sûr indispensable, mais pasexclusivement. Ces fondamentaux sontbien entendu ceux de la manœuvre, quivise tout simplement à contraindre l’ad-versaire par le feu. Que l’ennemi soitsymétrique ou asymétrique, quelle dif-férence quand finalement l’ordre de l’as-saut est donné à la compagnie ?

2- Développer l’aptitude des chefs à réagirface à l’imprévu, en privilégiant tou-jours l’intelligence de situation à la resti-tution de recettes apprises, ce qui n’ex-clut nullement la pratique du drill.

3- Développer le sens de l’initiative àtous les échelons, dans l’esprit de lamission reçue, en gardant en mémoireque le combat impose souvent la dis-persion et l’isolement, donc la prise dedécision rapide aux petits échelons.

Ces trois principes génériques que jechoisis de mettre en exergue, méritentnaturellement d’être déclinés dans lecontexte du moment, décrit par le LivreBlanc :

- Victime, enjeu et acteur du conflit,la population est au cœur de l’en-gagement.

- Les zones bâties (et pas simplement«urbaines») en sont donc naturelle-ment le théâtre privilégié.

- Dans ce cadre, l’adversaire estcomplexe et insaisissable, la perceptionde son action par les opinions comptedavantage que son effet réel sur leterrain.

Conséquence directe, nos capitainesdoivent développer leur aptitude à la réver-sibilité. Au-delà des mots, il s’agit de cettecapacité à combattre et favoriser les con-ditions du retour à une vie normale, qua-si simultanément, et au même endroit.Seules les meilleures troupes, les mieuxentraînées, commandées et aguerries, ontquelque chance d’y parvenir.

Encore faut-il que leurs chefs possèdentdes convictions éthiques d’autant pluséprouvées que si l’ennemi est dans la po-pulation, il n’est pas la population. Ainsi,prendre une localité n’a de sens qu’ «enpensant au marché qu’il faudra rouvrirle lendemain»…Enfin, bien sûr, c’est en anglais que lecapitaine – et pas seulement lui- doit con-cevoir et exprimer ses ordres… sans jamaisperdre de vue que ses références doctri-nales restent strictement françaises (ter-mes de mission, modes d’actions…). Le tableau ne serait pas tout à fait complets’il ne faisait allusion à l’environnementmédiatique de l’action, synonyme d’é-motion et de résonnance bien plus que deraison, mais que nul ne peut plus ignorer.

Il y eut sans doute des époques où il étaitplus simple d’être capitaine. Pourtant Fochn’écrivait-il pas déjà, au début du siècleprécédent, qu’à la guerre «pour pouvoirun peu, il faut savoir beaucoup» ? Le pre-mier devoir de nos capitaines est de«savoir»…

Savoir, pouvoir, vouloir, et finalement,Vaincre !

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« Pour pouvoir un peu, il faut savoir beaucoup »

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1.Intensité (ou le maintien dela prééminence du combatde coercition).

Le combat peut être d’intensité variablemais il met toujours en œuvre les mêmesfondamentaux qui peuvent s’exprimerde manière différente en fonction de lasituation. La maîtrise de ces fondamen-taux, tant individuels que collectifs, estune nécessité absolue et donc unepriorité. Tous les retours d’expériencedes théâtres, y compris l’Afghanistan,confirment l’importance pour nostroupes de maîtriser parfaitement leursrèglements d’emploi. La nature del’entraînement proposé, privilégiant lesphases de coercition, permet aux centresde suivre et de contrôler cette maîtriseet les aptitudes qui en découlent.

Au CENTAC, le cadre temps soutenu maislimité de l’exercice (96 heures) nepermet pas de restituer l’attente ducombat et les ruptures de rythme impo-sées par la réversibilité. Il s’agit doncpour le centre de regrouper et de privi-légier les phases cinétiques du combat.

Les caractéristiques techniques du centrele prédisposent à conduire des exercicesde coercition où la manœuvre interarmesdynamique est prédominante. En effet,les moyens de simulation restituentessentiellement les effets des armesmais peu les situations impliquant despopulations. En conséquence, lesscénarios mis en œuvre au CENTAC serapprochent le plus possible des typesd’engagements actuels dans des phasesd’intervention et de stabilisation, incluantdes phases de changement de postureafin d’entraîner les forces à laréversibilité. Le combat en zone urbaine pratiqué auCENZUB permet d’entraîner les unitésà des fondamentaux régulièrement misen exergue dans les RETEX des opéra-tions, en particulier en Afghanistan :cloisonnement des unités, isolementet difficultés accrues du commandement,initiative des cadres, engagementà très courte distance. Les exercicesconstituent un véritable aguerrissementet exigent un niveau d’entraînementphysique adapté à ce milieu particuliè-rement difficile et usant.Les deux centres s’appuient sur le Centrede doctrine d’emploi des forces (CDEF)

qui diffuse les évolutions doctrinales,les enseignements des théâtres où laFrance est engagée mais aussi ceux desengagements de nos alliés afin de mieuxappréhender les situations de «violen-ce extrême» que nos forces sont sus-ceptibles de rencontrer.

2 . L e r é a l i s m e ( o ul’affrontement de deuxvolontés pratiquant desmodes d’action s’ap-puyant sur les RETEX etl’adaptation réactive desmodes d’action Ennemi/Ami).

Les SGTIA sont confrontés à une forceadverse (FORAD) fournie par les centres.La FORAD constitue un ennemi réactif,manœuvrier et agressif qui opère aussidans le cadre d’un combat du niveausupérieur et pour lequel il a lui-mêmeconduit une MEDO1. Cette FORAD agit

Les principes d’entraînementdes sous-groupements interarmes(SGTIA) au CENTAC

ARTICLE COLLECTIF DU COMMANDEMENT DES CENTRES DE PRÉPARATION DES FORCES (CCPF)

Le Centre d’ENTraînement Au Combat (CENTAC) de Mailly et le Centred’ENtraînement aux actions en Zones UrBaines (CENZUB) deSissonne sont les deux centres spécialisés chargés d’entraîner et de

contrôler la manœuvre, sur le terrain, des Sous-Groupements TactiquesInterArmes (SGTIA) des forces terrestres. Ces centres complémentaires,intégrés au Commandement des Centres de Préparation des Forces(CCPF), mettent en œuvre des moyens de simulation instrumentée et

fournissent l’environnement interarmes, voire interarmées, indispensable pour forger lacapacité des commandants d’unité à employer tous les appuis et renforcements mis à leurdisposition.

Quatre principes guident cet entraînement : intensité, réalisme, intégration interarmes etpédagogie.

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ainsi en parfaite cohérence avec lesobjectifs tactiques qui lui ont été assi-gnés et que les SGTIA connaissent carce sont les modes d’action ennemis pré-sentés dans les ordres. Cette FORAD,entraînée et connaissant parfaitementle terrain, est un redoutable adversaire.

Le CENTAC conduit deux types d’entraî-nement. Le premier est tourné vers lecombat générique de coercition. Il s’agitde conserver « le fond de sac » indis-pensable à toute ambition de prépara-tion opérationnelle. Le second s’inscritdans la perspective de l’engagement desunités sur les théâtres d’opération par-ticuliers que sont le Liban et l’Afghanistan(rotation dite MCP2), avec des scénarioset des mises en situation les plus réa-listes possibles. La coercition de forcereste donc systématiquement présentedans les exercices mais d’autres modesd’action spécifiques sont égalementinclus : harcèlement sur les arrières,recherche des caches d’armes, imbrica-tion d’éléments armés et de civils, pré-sence des médias sur les théâtres d’opé-ration, …, sans abandonner pour autantdes actions limitées mais plus classiquesdu combat des véhicules blindés. LaFORAD du CENTAC est ainsi formée selonle TTA 808 en vue de privilégier desphases de combat dissymétriques etasymétriques avec un rapport de forceglobal toujours favorable aux joueurs.

Le réalisme des MCP, notamment pourl’Afghanistan, est garanti au CENTAC parla pratique de «l’adaptation réactive de

la FORAD». Cette adaptation réactivedes modes d’action de l’ennemi passe :- par la présence permanente d’au mini-

mum un officier du bureau entraîne-ment en cellule conduite de GTIA ou àla Task Force,

- par la sanctuarisation d’un poste RETEXsur le théâtre d’opération,

- et bien sûr, par l’exploitation des RETEXdu CDEF.

Des cadres du CENTAC s’insèrent enfindans les sessions organisées à Canjuerspar le Détachement d’AssistanceOpérationnelle (DAO) Afghanistan du1er RCA3. Ils bénéficient ainsi, avec lesGTIA projetés, des enseignements four-nis par les mentors des détachementsd’instruction opérationnelle (DIO) four-nis par les unités revenant du théâtre. Le CENZUB s’appuie sur son remar-quable complexe d’entraînement urbaincomplété ultérieurement sur ses champsde tirs spécifiques en cours de déve-loppement. Il agit toujours dans le cadrede la préparation opérationnelle géné-rique pour le combat en zone urbaine etdans le cadre de la MCP pour les enga-gements particuliers au contact desfoules (ECF). Ses exercices insistent surla réversibilité, alternant actions de for-ce et actions de sécurisation face à uneFORAD également fournie par le centreet dimensionnée pour assurer un rap-port de force réaliste selon la nature del’action. Cette FORAD contribue égale-ment à la phase d’instruction en effec-tuant les démonstrations du combatinterarmes en zone urbaine.

3. Intégration interarmes (oule combat de tous leséléments du SGTIA).

Les centres fournissent un environne-ment interarmes qu’il n’est pas possiblede restituer dans les garnisons. La capa-cité des commandants d’unité à com-mander un SGTIA disposant de l’en-semble des renforts interarmes dont ilpourra bénéficier en opération consti-tue alors un des objectifs majeurs descentres.

Le CENTAC concentre donc son effortpédagogique sur l’équipe de comman-dement du SGTIA. Confrontés à de mul-tiples contraintes de disponibilité et deplanification, les régiments envoient auCENTAC des unités dont l’équipe de com-mandement, interarmes, se découvre leplus souvent. Il s’agit donc dans un pre-mier temps de la préparer et de la mettreen situation par le biais d’exercices d’en-seignement tactique assisté par ordina-teur en veillant à la stricte applicationdu processus d’élaboration des ordres :dialogue interarmes, backbrief et rehear-sal en cours d’exercice. Dans un secondtemps, il s’agit d’optimiser l’emploi desappuis qui impose au préalable un bonniveau de connaissance des capacités,modalités d’exécution, besoins particu-liers, contraintes, délais, et mesures decoordination entre les uns et les autres.Cette optimisation n’est rendue possibleque par l’instauration d’un véritable dia-

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Capables de reproduire sur le terrain des actions relevant de tous les types de combats, le CENTAC et leCENZUB illustrent l’investissement de l’armée de terre dans le domaine de la préparation des forces.

Cependant, les unités n’en tirent un bénéfice complet que si elles ont pu préparer convenablement leurrotation en s’assurant d’une bonne maîtrise des actes élémentaires de chaque «Arme» ou fonctionopérationnelle : c’est la nécessaire continuité entre une instruction de qualité en garnison etl’entraînement dans les centres spécialisés du CCPF.De même, la qualité de l’entraînement logistique dépend de l’effort consenti pour l’équipement des TC1et le déploiement d’un TC 2 réaliste, indispensable à leur animation.

Enfin, tout en étant dédiés au contrôle des SGTIA, le CENTAC comme le CENZUB permettent aux PC deGTIA de s’auto entraîner dans un environnement interarmes particulièrement riche et réaliste, intégrantnotamment la numérisation de l’espace de bataille (NEB)

logue opérationnel que doit entretenirle capitaine avec ses chefs d’élémentinterarmes qui lui font des propositionsd’emploi. C’est donc bien au CENTAC quele capitaine s’entraînera à gérer lesmultiples paramètres interarmes.

Au CENZUB, le cloisonnement du terrainimpose encore plus l’intégration inter-armes aux plus bas niveaux. La premiè-re semaine de rotation est ainsi consa-crée à l’instruction des sections auxsavoir-faire interarmes et à la formationd’un détachement interarmes (DIA).Parallèlement, l’équipe de commande-ment bénéficie d’une instruction aux spé-cificités de la manœuvre en zone urbai-ne et d’une mise en application dudialogue interarmes au cours d’un exer-cice en carré vert. L’exercice synthèsede la deuxième semaine permet decontrôler la restitution de ces savoir-faire et la réalité du dialogue interarmesdans ce milieu particulièrementconfiné, en amont comme en conduitede l’action.

Les deux centres intègrent également lamanœuvre logistique du SGTIA : priseen charge des blessés, sécurité des ravi-taillements et des axes logistiques. Uneffort particulier est demandé dans ledomaine santé, avec une «sacralisation»de la volonté de l’unité de tout mettreen œuvre pour sauver ses blessés.Il s’agit d’obliger les sous-groupementsà prendre en compte cette dimensionessentielle des opérations. Au CENTAC,les TC14, déjà mis à contributionen procédant à des ravitaillementseffectifs, doivent évoluer en zone d’in-

sécurité et assurer leur sûreté à l’arrêtcomme lors des déplacements. Cettecontrainte oblige les commandants d’uni-té à intégrer une véritable dimensionlogistique à leur manœuvre, en antici-pant d’éventuelles pertes et en choisis-sant un schéma de relevage et d’éva-cuation des blessés adapté à la situationtactique.

4.Pédagogie (ou l’impé-rieuse nécessité de faireprogresser).

Les deux centres assurent ainsi, sur leterrain, l’entraînement du sous-groupe-ment au combat interarmes, dans unedémarche conjointe de contrôle et depédagogie du progrès adaptée pourchaque rotation. Le «conseil» est alorsdélibérément associé au «contrôle».

Au CENTAC, cette volonté se concrétisepar le déploiement sur le terraind’Observateurs -Arbitres- Conseillers(OAC), placés auprès de chacun des chefsde SGTIA ou de section. De plus, chaquemembre de l’équipe de commandementdes SGTIA est binômé avec le mêmeOAC du début à la fin de la rotation. Lecontrôle s’exerce aussi par la restitutionde la simulation instrumentée liée ausystème central CENTAURE. L’analyseaprès action, ou 3A, systématique en finde phase tactique quotidienne, permetde faire progresser les unités joueuses,en «décortiquant» leur combat de la

journée et de la nuit précédente, ensoulignant les déficiences constatées,en validant les acquis et les choixtactiques pertinents et en dégageant lesaxes d’effort pour la nuit et la journée àvenir.

Les mêmes principes sont appliqués auCENZUB. La continuité entre une semai-ne d’instruction puis une semaine derestitution permet d’observer de réelsprogrès au sein des unités. Les sectionssont, là aussi, accompagnées durant tou-te la durée de l’exercice de synthèse parles sous-officiers en charge de l’instruc-tion la semaine précédente, ce qui leurpermet de continuer à bénéficier de leurexpertise.

Les analyses après actions (3A) réaliséesdans les centres à la fin de chaque pha-se se révèlent essentielles pour tirer lesenseignements à chaud en vue de faireprogresser les unités tout au long de leurcycle de préparation et de renforcer leurconfiance dans leurs capacités à maîtri-ser le combat interarmes. A leur retouren garnison, un bulletin de fin de rota-tion est remis aux régiments pour pour-suivre cette préparation en tenant comp-te des observations formulées par lescentres au cours des exercices.

1 MEDO : méthode d’élaboration de la décisionopérationnelle

2 MCP : mise en condition avant projection3 1er régiment de chasseurs d’Afrique,

subordonné également au CCPF 4 TC1 : train de combat n°1.

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DDoctrineoctrine

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Le commandement du SGTIAà dominante infanterie

CHEF DE BATAILLON FRANÇOIS-XAVIER BRISSE- ECOLE DE L’INFANTERIE - DIVISION ETUDES ET PROSPECTIVES - SECTION DOCTRINE

LL’’infanterie ne combat jamais seule. L’emploi opérationnel la place en effet quasisystématiquement au cœur de sous groupements interarmes (SGTIA INF), structuresqui dotent les capitaines commandant d’unité de l’infanterie d’outils puissants,

volumineux et multiformes. Cette évolution n’est pas sans conséquences sur lecommandement de ce type d’unité qui évolue vers davantage de complexité.

Au cœur des préoccupations de la Division Etudes et Prospectives de l’infanterie et piècefondamentale de l’échelon tactique, le combat du SGTIA INF obéit aujourd’hui à des règles deplus en plus complexes qui doivent être inculquées aux capitaines lors de leur passage àl’école. Ces derniers, pour la plupart dotés d’une solide expérience opérationnelle,nourrissent les réflexions des officiers de la DEP.En quoi le combat interarmes a-t-il évolué ? Quels apports offrent les outils dont l’école del’infanterie dispose ? Que faire de l’expérience des officiers stagiaires ?

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Profiter de l’expérience et du vivier des capitaines

Un volet important dans l’élaboration de la doctrine d’emploi du SGTIA INF est indéniablement le retour d’expérience descapitaines. Acteurs privilégiés des engagements interarmes sur les différents théâtres d’opération, les capitaines, forts

de leurs expériences d’officiers adjoints et de chefs de sections, participent à l’évolution de l’infanterie. Ils sontrégulièrement sollicités dans le cadre de groupes de travail dont les réflexions viennent alimenter la cellule RETEX de laDEP infanterie, concourant par là à l’évolution de la doctrine.

La DEP doit permettre à l’Ecole d’Infanterie, par son action sur la formation des officiers, de préparer l’engagement desfuturs chefs tactiques à la tête d’une troupe interarmes.La prochaine grande évolution de la doctrine sera vraisemblablement liée à la pleine intégration du système FELIN. Cetteentrée du combattant individuel dans la NEB entraînera probablement des transformations dans la manœuvre actuelledu SGTIA numérisé

Spécificité du commandementd’un SGTIA INF

Par delà le fait que le combat d’un SGTIAINF a vocation à être mené débarqué,la complexité de son commandementest liée principalement à deux facteurs :- l’augmentation récurrente des tâches

au niveau du PC ;- l’ajout de pions tactiques supplé-

mentaires.

Aussi, n’est-il plus possible d’organiserla manœuvre tactique autour d’un seulhomme  : le commandant d’unité.Désormais, celui-ci doit apprendre à s’or-ganiser et répartir les tâches au sein desa cellule de commandement, et ceci dèsle stage des capitaines. L’enjeu du com-mandant du SGTIA INF est de les har-moniser au sein de son PC en fonction desrenforcements du moment. C’est sur ceprincipe, par exemple, que l’officier decoordination des feux (OCF) devient leresponsable de la « déconfliction »,allégeant ainsi notablement la charge detravail reposant sur les épaules du cheftactique. Ainsi, par certains aspects, le PCdu SGTIA INF fonctionne sur le modèled’un PC de GTIA avec des cellules de mêmenature.

L’apprentissage du dialogue interarmesinitial, le plus tôt possible dans la MEDO1,doit permettre au capitaine dès la phased’analyse de la mission d’intégrer l’apportque constitue l’adaptation d’unités IA.Mieux encore, les études sur l’adversaireet le terrain du point de vue des renforce-ments IA doivent permettre au capitained’articuler sa manœuvre. C’est à ce prixque la réflexion tactique sera la pluspertinente, notamment pour le choix del’effet majeur.

Ce dialogue peut-être considéré commela clé permettant de transformer uneaccumulation de moyens en unesynergie démultipliant les effets produitspar les sections d’infanterie et les ren-forts interarmes. Cette synergie estobtenue par la combinaison de cesmêmes effets.

L’objectif essentiel du combat interarmesest en effet de concourir à l’optimisationdes moyens en vue de réaliser l’effetmajeur du capitaine même si, pour cela,la manœuvre du SGTIA INF n’est pluscentrée sur la seule action de l’infanterie.Il est donc très logiquement nécessaired’acculturer le CDU aux autres armes etde décourager l’inclination naturelle àmener la bataille uniquement avec sesmoyens infanterie.L’enjeu, sans prétendre devenir un expertde/dans l’ensemble des composantesoeuvrant au sein du sous groupement,est bien de maîtriser les effets ou missionsdes moyens rattachés. Comme le maîtred’œuvre, il doit connaître chaque métierpour donner ses ordres, mais ne doit passe substituer à l’artisan qui reste lespécialiste de son art et de l’exécution.

Principes de formation :le point de vue de la DEP

Les officiers de la DEP sont très souventsollicités pour le contrôle des capitainesstagiaires de la DFCU lors de leurs exer-cices de tactique.Toute la difficulté de l’apprentissage del’interarmes est dans le terme même«d’interarmes». Comment disposer demoyens et de compétences de plusieursarmes sur toutes les phases d’appren-

tissage et pour chaque officier stagiaire ?L’instruction théorique en salle nereprésente pas un obstacle mais un pointde départ incontournable que viennentcompléter les exercices sur carte. Lesmanoeuvres de type «carré vert» sur leterrain ont des vertus que ne doivent pascacher les limites inhérentes à ce genred’exercice. Il n’est en effet matérielle-ment pas possible de fournir l’intégral-ité des moyens possibles aux capitainesjoueurs.

Pour compléter ce dispositif, l’Ecole del’Infanterie a recours à la simulation.Le système JANUS modélise de façonréaliste des moyens aujourd’hui comp-tés. Il permet de reproduire les capa-cités, aptitudes et faiblesses des dif-férents renforcements interarmes duSGTIA INF. L’expérience de la conduited’une mission, en temps réel et dans unenvironnement reproduisant un PC SGTIAest sans aucun doute un accélérateurdans la formation tactique des chefs. Deplus, l’exploitation de données infor-matiques qui permet le «re-jeu», assureun débriefing de qualité concourantégalement à optimiser la progressiondes officiers dans le commandement.

Complément indispensable du terrain,la simulation accroît la maîtrise etl’aisance du capitaine dans le comman-dement d’un SGTIA INF

1 Méthode d’Elaboration d’une DécisionOpérationnelle.

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DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 11

Le commandement d’un SGTIA blindé

CHEF D’ESCADRONS METZINGER DE L’ECOLE DE CAVALERIE

� La sécheresse obligée d’un ordre militaire, à quelque échelonqu’il soit donné, laisse à l’exécutant une marge de décision propreoù trouvent à s’affirmer sa technique et sa personnalité  : c’estl’initiative. �

Maréchal LECLERC

LLes qualités nécessaires aux cavaliers pour tirer le meilleur des unités sous leurs ordres sontbien connues  : audace, agilité intellectuelle, discernement, esprit d’initiative… Liées àl’exploitation des capacités des différents engins, et variables en fonction du matériel servi, elles

sont cependant, et avant tout, rendues nécessaires par les types de missions qui font la culturecommune des blindés (renseigner – couvrir – combattre – poursuivre). A ce titre, elles sontentretenues et recherchées par tous. Ces qualités, héritées des troupes à cheval, ont dûs’accommoder d’une grande rigueur d’exécution, notamment avec l’apparition des armementsmodernes et avec la complexité croissante des unités et des engagements.

De la même manière, les capacités et missions actuelles des unités blindées nécessitent de privilégiercertaines méthodes de commandement, dictées par les caractéristiques des unités et les missionsremplies habituellement. Il ne s’agit pas ici d’en faire l’énumération exhaustive mais plutôt d’endécrire plus particulièrement trois qui revêtent aujourd’hui une importance toute spéciale. Les impératifs d’initiative, de vitesse et d’exigence dans le commandement des troupes blindéesseront successivement développés jusqu’à déduire certaines modalités très concrètes de leur mise enœuvre.

Initiative et subsidiarité

L’initiative doit s’entendre au senslarge. Le capitaine à la tête de sonunité doit certes tirer partie de

toute occasion ou faiblesse de l’enne-mi, mais il doit aussi laisser une initiati-ve suffisante à ses subordonnés et assu-mer les décisions que ceux-ci prendrontdans le cadre obligatoirement fixé. Seulecette dose d’initiative aux plus baséchelons (engin, patrouille blindée)permettra à l’unité de s’adapter au mieux

aux circonstances changeantes ducombat et donc de faire preuve de laréactivité attendue d’une unité blindée,notamment face à l’imprévu. Ce premierprincipe est la clef de la réversibilité etrepose sur la confiance accordée : le chefde peloton sur son propre compartimentde terrain face à l’ennemi est souventle mieux à même de prendre la bonnedécision, surtout lorsque les zonesd’action sont vastes et le combat décen-tralisé comme c’est généralement le cas.Sans cela, les qualités de mobilité et demanœuvre du SGTIA blindé ne pourront

pas être exploitées au mieux. Il s’agitdonc pour le commandant d’unitéblindée de favoriser la subsidiarité endonnant à ses chefs de peloton la partd’initiative qui leur revient.

L’exemple dans ce domaine demeurele style de commandement du généralLeclerc dans les combats de la Libération,n o t a m m e n t s e s o r d r e s a u x groupements tactiques pour la libéra-tion de Paris, qui tiennent sur deux pagesdactylographiées.

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Vitesse de conception etd’exécution

La vitesse de conception et d’exécutionest incontournable pour l’emploi optimumd’un escadron ou SGTIA blindé, puisquec’est l’une des conditions de la surpriseet donc de l’efficacité de l’action amie. Elledemeure par ailleurs un gage de simpli-cité de la manœuvre, vertu sans cesserecherchée.Cette rapidité est obtenue de deuxmanières.

D’une part grâce à l’anticipationpermanente du chef qui doit réfléchirsans arrêt à l’étape suivante de sonaction, étudier ce que l’ennemi fait oupourrait faire (cas non conformes) enétant à l’affût des indices. Cela pourranécessiter de laisser régulièrementl’officier adjoint conduire une phase don-née de l’action, ce que les élongationsrendent d’ailleurs parfois inévitable.

D’autre part, la vitesse est directementliée au degré d’initiative laissé au subor-donné et à la capacité de ce dernier àfaire des propositions. Si le chef s’attacheessentiellement à fixer l’esprit de la mis-sion, le cadre de l’action et les détails decoordination, laissant la plupart des moda-lités d’exécution entre les mains de sessubordonnés, le temps de conception estextrêmement raccourci, laissant ainsile temps nécessaire à la réflexion de l’éche-lon de conduite de l’action. L’exécutionen sera d’autant plus rapide que chacunaura finalement peu d’éléments às’approprier et mettra en œuvre des moda-lités conçues par lui-même. La vitesse del’action elle-même reposera aussi surl’initiative ou plutôt sur l’habitude de

l’initiative acquise par les subordonnés,qui, ainsi désinhibés, sauront proposer,agir et réfléchir vite.

Le principe de vitesse nécessite de fairedes choix, en sachant discerner l’essen-tiel de l’accessoire, et implique aussi unecertaine audace : on ne peut pas attendred’avoir tout le renseignement nécessaireavant d’entreprendre certaines actions…ilfaut donc prendre des risques, après lesavoir évalués.

L’exigence…jusqu’à la fermeté !

La rigueur, qui va naturellement de soidans l’action militaire, a parfois pu êtreconsidérée comme incompatible avec lesdeux notions précédentes de subsidiari-té et de vitesse. Pourtant, c’est bien l’in-verse qui se vérifie. En effet, la subsidia-rité n’est pas une faiblesse, ou un prétexteà l’imprécision des ordres mais un choix,qui ne s’accommode jamais d’un com-

mandement moins ferme ou approxima-tif. Plus l’initiative des subordonnés estimportante et plus les limites de cette der-nière doivent être fermement et rigou-reusement marquées. De même, misersur la vitesse sans passer par l’étudeminutieuse du risque revient à faire uneconfiance aveugle au hasard ou à lachance.L’autonomie de chacun des subordon-nés, la dépendance collective à l’égarddu matériel, les vastes zones d’action etle travail sur un unique réseau radio, toutcela incite donc chacun à se surpasser età être d’autant plus exigeant avec lessiens.L’impératif d’exigence se traduit d’unepart dans la précision de la préparationd’une mission, car l’on ne peut exiger quece que l’on a demandé expressément,d’autre part, dans la conduite de cette

mission, notamment lorsqu’il s’agit decontrôler l’action des pelotons. La numé-risation de tous les engins en service dansla cavalerie blindée autorise désormais lechef à contrôler très simplement les mou-vements et secteurs de tir de ses subor-donnés, tout en facilitant l’émission decomptes-rendus de qualité par ces der-niers. La place du chef doit néanmoinsêtre choisie avec attention, pour qu’il puis-se tout à la fois appréhender la situationréelle, notamment au contact, tout en étanten mesure de prendre le recul nécessaireau moment opportun.

Enfin, la diversité des éléments interarmessusceptibles d’entrer dans la compositiondu SGTIA à dominante blindée compliquenettement leur mise en œuvre cohéren-te. La facilité qui pourrait consister à nepas se préoccuper des renforcements età poursuivre la grande chevauchée d’unescadron sans apports extérieurs abou-tirait à une usure prématurée, caractéris-tique des troupes blindées utilisées à mau-vais escient, voire à contre-emploi

Les principes et modalités décrits ci-dessus sont extrêmementexigeants, non seulement pris individuellement mais surtout

lorsqu’il faut les associer étroitement.

Initiative, vitesse, exigence : ces trois impératifs, qui peuvent parfoisparaître antinomiques, sont en réalité quasiment indissociables dansle commandement d’une unité blindée lorsqu’ils sont bien compris. La clef du commandement des unités de cavalerie blindée apparaîtici  : concilier subsidiarité, initiative et vitesse avec l’indispensablerigueur dans l’expression des ordres et la fermeté dans lecommandement

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Le renseignementaux bas niveaux tactiques (niveaux 4, GTIA et 5, SGTIA)

LIEUTENANT-COLONEL NICOLAS DELLENBACH, CHEF SECTION RENS/BUREAU COMMANDEMENT RENSEIGNEMENT/DDO-CDEF

DDepuis de nombreuses années, les chefs de GTIA et parfois de S/GTIA jouissentd’une large autonomie, conséquence, notamment, de la taille croissante des zonesd’opérations qui leurs sont attribuées et des évolutions du contexte de leur enga-

gement. En RCI, lors des opérations de l’Union européenne au Tchad ou en Afghanistanaujourd’hui, les zones couvertes par les GTIA ou les SGTIA dépassent très largement cequi pouvait être défini dans de nombreux documents de doctrine récents.

Le RETEX met également en exergue des opérations qui obligent nos unités à faire face àun spectre de plus en plus large d’adversaires potentiels qui va de la force quasi conven-

tionnelle (RCI), à la milice ou bande armée (Afghanistan, Liban), jusqu’à l’adversaire irrégulier ou le rebelle(Afghanistan, Tchad).

CCe constat, assez ancien, mais quis’est révélé avec une plus grandeacuité en Afghanistan, est accom-

pagné dans les opérations de stabilisa-tion, d’une augmentation des domainesd’intérêt auxquels ces deux niveaux tac-tiques doivent désormais se consacreravec, parfois, des préoccupations diffé-rentes de celles de leur échelon supé-rieur.

Directement impliqué dans la concep-tion des opérations, le GTIA doit désor-mais prendre en compte le milieu (tantphysique qu’humain), indispensablepour comprendre les causes du conflitet identifier les effets à obtenir et lesactions à conduire. Ce besoin deconnaître et comprendre des acteurs etun environnement de plus en plus com-plexe se traduisent par un accroissementdes besoins en renseignement et doncdes flux d’informations, que les outilsactuels et le sous-dimensionnement descellules de leurs niveaux1ne permettentplus de traiter pleinement pour élabo-rer leur renseignement. La populationdevient désormais un enjeu. Il convientde l’isoler de l’adversaire dans desactions qui ne peuvent être basées que

sur du renseignement précis. Pourrépondre à tous ces besoins, la celluleS2 du GTIA, positionnée dans un PCélargi qui peut s’apparenter aujourd’huià un petit état-major de brigade, a étérenforcée en opérations.Au niveau du SGTIA, les besoins ontégalement fortement évolué et l’appuirenseignement est une réalité, notammentpour assurer la sûreté de l’unité déployée.

Cette mutation, constatée par l’ensembledes nations engagées dans les opérationsen Irak ou en Afghanistan, s’est heurtéeà un cloisonnement et une méconnais-sance réciproque des fonctions interarmeset du Renseignement. Les moyens derecherche attribués naguère aux niveauxsupérieurs (2 et au dessus) opèrent désor-mais aux niveaux 3, 4 et même 5, requé-rant une adaptation des S2 et justifiantl’effort de formation fait au profit des ORGTet SORGT. L’absence de bases de don-nées normée au niveau 4 gêne encorel’utilisation des données et renseigne-ment accumulés et leur transmission àl’unité relevante. Longtemps parentpauvre en la matière, le niveau 5 faitaujourd’hui l’objet des efforts de miseà niveau.

En Afghanistan, depuis 2008,l’adaptation2 aux GTIA de capteursspécialisés, issus de la Brigade de ren-seignement ou de la Brigade des forcesspéciales Terre avec leur structure decommandement3 a permis d’augmen-ter les capacités de recherche et d’ex-ploitation du GTIA et de satisfaire unegrande partie des besoins exprimés. LeCFT a également mis en œuvre plusieurspistes d’amélioration, notamment des-tinées à la sureté, avec la mise en placede moyens techniques spécifiques4ou,en matière de lutte contre les enginsexplosifs improvisés (EEI), l’intégrationd’une équipe «Weapon IntelligenceTeam (WIT)» au S2 de chaque GTIA. Cessolutions ont déjà permis d’améliorersignificativement la satisfaction desbesoins en renseignement liés à laconduite des opérations.

D’un apport incontestable, elles restentcependant insuffisantes au regard desbesoins, d’autant que ces moyens ne sontpas directement subordonnés au GTIA,mais dépendent le plus souvent d’un sous-groupement renseignement, plus à mêmeaujourd’hui d’employer des capteurs spé-cialisés peu connus au sein du PC de GTIA.

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L’objectif est maintenant de renforcerles capacités propres du GTIA.Le rôle du S2, dans le cadre de l’entraî-nement, de la préparation opération-nelle avant projection ou en appui auxopérations doit être réaffirmé avec lamise en place de moyens adaptés pourremplir ses missions (accès aux donnéespermettant la connaissance du futurthéâtre d’engagement, outils d’exploi-tation, bases de données adaptées, etc).La mise en place d’un vivier, au sein desbrigades, de spécialistes du renseigne-ment (officiers et sous-officiers) doit per-mettre d’armer les postes en OPEX avecde véritables professionnels du rensei-gnement.

Au niveau SGTIA - à l’instar de ce qui aété réalisé par les armées britanniqueset américaines ou en Afghanistan parcertains bataillons de la 27ème BIM - laprise en compte du renseignement parun cadre ayant suivi une formation auCEERAT peut être étudiée dans desmodalités qui doivent encore être défi-nies (mise en place d’un officier ou sous-officier qualifié)5.

Au niveau équipement, la mise enplace d’une version convergée du sys-tème d’aide à l’exploitation du rensei-gnement (SAER) permettra de donnerles outils nécessaires à l’exploitation età la gestion, dans la durée6, des don-nées opérationnelles. Pour la recherche,l’EMAT travaille dans le cadre de l’opé-ration SPECTRE (système de protectiondes éléments terrestres) sur des solu-tions adaptées aux niveaux GTIA et SGTIAavec les capteurs déposés (un conceptexploratoire est en cours de rédaction)ou d’outils de biométrie.

Le niveau interarmes doit égalements’approprier le renseignement qui n’estpas l’apanage des seuls spécialistes.Chaque niveau de la hiérarchie, du sol-dat en mission de patrouille jusqu’auchef de corps au contact des autoritéslocales ou artisan de sa manœuvredevient un acteur du cycle du rensei-gnement7. Le concept «tout soldat estun capteur» doit se traduire, notam-ment, par le développement de la cul-ture renseignement dans les diversesphases de la formation des officiers

(CFCU, EEM, CSEM, Ecole de Guerre),sous-officiers et militaires du rang. Laformation dispensée par les écoles d’ap-plication et l’enseignement militairesupérieur doit développer l’aptitude deschefs tactiques (chefs de corps, officiersopérations, commandants d’unité) àorienter le renseignement et employerles moyens de recherche à leur disposi-tion

1 Un effort conséquent a été réalisé depuisdeux ans au profit des brigades avec lerenforcement des effectifs des B2, la mise enplace des outils d’exploitation SAER (solutiond’aide à l’exploitation du renseignement) etdes BRB.

2 Position d’une unité mise pour emploi à ladisposition d’un échelon tactique qui en estorganiquement dépourvu (TTA 106).

3 Incluant notamment une capacité d’analyseavec l’outil GRANITE.

4 Par exemple mise en place d’un appuiimagerie (terminal Rover ou RVT) danschaque GTIA ou l’augmentation des capacitésaudio et image, la mise en place de liaisonssécurisées entre les Forward Operating Bases(FOB).

5 On retrouve dans une certaine mesure lemême type de cellule montée par descommandants d’unités élémentaires françaispendant la guerre d’Algérie avec unlieutenant, un à deux sous officiers quis’occupaient de la partie renseignement desopérations et de la gestion des détenus.

6 Souvent, chaque GTIA développe sa proprebase de données et à chaque relève, le S2perd tout ou partie des données capitaliséespar ses prédécesseurs.

7 En particulier dans la phase d’orientation oùle chef opérationnel doit exprimer clairementses besoins en renseignement à son S2.

8 Par exemple, rédaction par le CEERAT dedeux mémentos sur le renseignement àl’attention des unités interarmes et sur lesprocédés élémentaires de la recherchehumaine. Ces documents complètent le RENS131 plus particulièrement dédié au S2 pourl’exécution de sa mission).

SSi des actions sont dès à présent lancées5, la sortie d’un rapport d’étude sur le renseignement du

GTIA et SGTIA proposera des pistes de réflexion pour les années à venir. Ces propositions ne

viseront pas à une transformation radicale du renseignement aux bas niveaux tactiques mais à le

replacer au cœur des opérations. Le renforcement des B2 au sein des brigades interarmes et la mise en

place des batteries de renseignement de brigade (BRB) sont également des atouts pour permettre

d’innerver jusqu’aux plus bas échelons cette culture du renseignement.

Les récents retours d’expérience du théâtre afghan montrent que des progrès réels ont déjà été réalisés

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I - Intégration des appuis feux

LLes appuis feux interarmées(mortier, canon, Lance RoquetteUnitaire (LRU), hélicoptère, avion

et naval) sont au cœur du combat desunités de mêlée. Afin d’aider le chef tac-tique à intégrer ces appuis feux pourobtenir l’effet tactique qu’il recherche, ilconvient de s’appuyer sur un concept2,une doctrine3 et des procédures4. Cesdocuments visent à donner aux niveaux4 à 6 une capacité à demander, coor-donner et mettre en place des appuisfeux de manière rapide et réactive, enayant recours à une panoplie d’effecteursinterarmes et interarmées élargie.

En effet, chaque appui feu est mis enœuvre selon des procédures propres,destinées à en optimiser les effets et quile rende complexe à intégrer en raison :• du large panel de vecteurs et de leurs

contraintes d’emploi et de mise enœuvre,

• de la variété des munitions et destrajectoires, donc des effets,

• des procédures standardisées quirépondent à des contraintes tech-niques et tactiques,

• de son empreinte dans la 3ème dimen-sion.

L’intégration des appuis feux interar-

mées doit faciliter la tâche du chef inter-armes dans le choix de ses modesd’action et est destinée à augmenterl’autonomie de chaque niveau tactiqueen s’intégrant à la manœuvre à la foisdans la conception des ordres et dansla conduite de l’action. Le large éventaildes procédures et des connaissances àmaîtriser impose ainsi au chef inter-armes, tant au niveau du GTIA qu’à celuidu SGTIA, de bénéficier à ses côtés devéritables spécialistes des appuis feuxinterarmées au parcours professionnelspécifique.

11. Le détachement de liaison observa-tion et coordination (DLOC) apporte uneréponse aux besoins décrits supra endonnant au chef interarmes au contactun interlocuteur unique pour la gestiondes appuis feux et leur intégration dansla manœuvre afin de lui fournir au bonendroit et au bon moment l’appui feux lemieux adapté à l’effet tactique recherché.

Le DLOC tient ainsi un rôle central dansles domaines du conseil, de l’emploi etde la mise en œuvre des feux interar-mées. Il est chargé, en fonction de l’idéede manœuvre du chef interarmes de :- concevoir et proposer dès la concep-

tion de la manœuvre, un emploiadapté et optimisé des feux terrestres,aériens et navals afin de contribuer à

l’action du GTIA, au travers du dialogueinterarmes et du conseil entre «l’ap-puyant » et « l’appuyé », destiné àgarantir le juste effet tactique,

- coordonner les feux interarmées auprofit du GTIA et gérer leurs con-traintes,

- participer en liaison avec l’échelonsupérieur à la conduite de la coordi-nation des intervenants dans la3ème dimension (CI3D) dans la zoned’action du GTIA.

La structure du DLOC est, par essence,modulable en fonction de l’effet à obteniret son emploi n’est pas corrélé au seulemploi des canons d’artillerie de sonrégiment d’appartenance, mais bien àl’emploi de l’ensemble des feux inter-armes, interarmées et interalliés.

Le DLOC est placé pour emploi au seindu GTIA et déploie ses éléments auniveau GTIA et SGTIA comme présentépage 16.

DDoctrineoctrineL’intégration des appuis au niveau du SGTIA

LIEUTENANT-COLONEL FRANÇOIS VILLANUEVA, OFFICIER TRAITANT GÉNIE/BUREAU ENGAGEMENT INTERARMES/DDO-CDEF

«« Pas un pas sans appuis». La pertinence de cette maxime est quotidiennement vérifiée dans lesactions de combat menées par l’armée de Terre en opération extérieure. Selon le colonelChanson1 �L’intégration des appuis artillerie, génie, renseignement doit se faire au niveau

du détachement engagé, SGTIA ou détachement interarmes (DIA), et permettre ainsi uneapplication utile d’un principe fondamental de la guerre en termes d’unicité de commandement,d’appuis et de renseignement� .

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 15

Page 16: Doctrine 21 Fr

Intégré au PC du GTIA, le coordonnateurdes appuis feux (CAF) commande leDLOC et dispose auprès de lui pourl’assister dans ses missions : - de son équipe ATLAS/NEB plus parti-

culièrement dédiée aux feux sol-sol etmer-sol,

- de son équipe Tactical Air Control Party(Forward air controler) (TACP(FAC))plus principalement dédiée aux feuxair-sol et à la coordination des inter-venants dans la 3ème dimension.

Le coordonateur des appuis feux (CAF) :- possède une véritable expertise de la

manœuvre interarmes, avec une con-naissance poussée des effets et desprocédures de mise en œuvre des feuxinterarmées et de la coordination 3D,

- est en liaison avec toutes les chaînesd’appui grâce à des capacités de trans-missions spécifiques et connaît en per-manence les possibilités théoriquesde feux dont peut bénéficier le GTIA,

- propose l’emploi des appuis feux, enfait les demandes puis en assure lacoordination,

- est en mesure d’accueillir et de com-mander des modules supplémentaires,

notamment des équipes dédiées àl’acquisition (RATAC5, COBRA6, SL2A7,DRAC8, etc.),

- est le point d’entrée du GTIA pour laCI3D (planification des besoins, décon-fliction, gestion des volumes, etc.)…

- commande les éléments subordonnés,TACP(FAC), équipe NEB/ATLAS et élé-ments d’observation et de coordinationdéployés au sein de chacun des SGTIA.

Le TACP(FAC)Cette équipe du DLOC se trouve à lacharnière des opérations aériennes etdes opérations terrestres et, de ce fait,doit posséder une maitrise parfaite deces deux mondes.

Sa mission est :- d’assurer le conseil du GTIA pour

l’emploi du close air support (CAS) enapportant au CAF son expertise. Si uncontrôleur tactique aérien (CTA - issude l’armée de l’air et habituellementdéployé au niveau BIA) est donné enrenforcement au DLOC, le CTA prendla place et les missions normalement

dévolues au TACP(FAC) ainsi quecertaines missions complémentairespouvant être déléguées par l’échelonsupérieur. Le CTA assure cette fonctionde conseil au sein de la cellule appui-3D du GTIA. Le CAF demeure respon-sable de la synthèse des moyens feuxinterarmées disponibles pour répon-dre à une action et d’en proposer lapriorité d’emploi au choix du chef inter-armes.

- de participer, en liaison avec l’échelonsupérieur, à la coordination des inter-venants dans la 3ème dimension dansla zone d’action du GTIA,

- de conduire les actions CAS au profitdes troupes déployées. Le FAC assureles missions CAS soit directement ense portant lui-même au contact pourle CAS type 1, soit par l’intermédiaired’un National Fire Observer - Français(NFO-FR) pour le CAS de type 2. Dansce cas, le FAC assure le guidage del’aéronef grâce aux éléments d’attaquequi lui sont transmis par l’observateuravancé, qui est qualifié NFO-FRou toutautre personnel qualifié NFO-FR etdéployé dans la zone d’action du GTIA.

Le détachement de liaison, observation et coordination

GTIAS/GTIA

Officier coordination feux(OCF)

Observateur avancé(OA)

Renforcements possibles

Elément d’observation et de coordination (EOC)

Equipe ATLAS/NEB Equipe TACP (FAC)

Coordonnateur appui feux (CAF)

Renforcements possibles*

CTA ou

Equipe TACP (FAC) homogène

Radar Acoustique Imagerie CMD 3D

* Ces renforcements ne sont pas exhaustifs OA 2 OA 3 OA 4

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 16

Page 17: Doctrine 21 Fr

DDoctrineoctrine12. Intégré au PC du SGTIA, l’élémentd’observation et de coordination (EOC)a une double vocation :- conseil/commandement : rôle dévolu

à l’officier coordination feux ;- mise en œuvre des feux : rôle dévolu

aux observateurs avancés.

Commandé par l’officier de coordinationdes feux (OCF), l’EOC comprend de uneà quatre équipes d’observation avancéesselon le besoin tactique et peut être ren-forcé par un ou plusieurs FAC.

L’officier coordination des feux (OCF) :Directement sous les ordres du com-mandant de SGTIA, la mission de l’OCFconsiste à :- proposer l’emploi des appuis feux

disponibles ;- préparer avec le chef interarmes, en

liaison avec ses OA, les cataloguesde tir, pour disposer d’un baptêmeterrain commun ;

- informer le commandant du SGTIA surles capacités et la disponibilité desappuis feux (immédiats et ultérieurs),les règles d’engagement spécifiquesliées à chaque appui feux ainsi que surles capacités d’observation et d’ac-quisition de son équipe et des senseursde l’échelon supérieur.

Il est par ailleurs chargé de prendre encompte les contraintes liées à la CI3D etassurer, en liaison avec le TACP(FAC) sinécessaire, la déconfliction au sein desvolumes dédiés au SGTIA appuyé, decombiner les actions des OA et du FAC,lorsque ce dernier est présent au niveaudu SGTIA et enfin de conseiller le CDUpour la validation et le suivi des deman-des de tirs effectuées directement parles sections ou pelotons appuyés, viales SIT et/ou le SIR.

L’observateur avancé (OA) :La mission de l’OA consiste à :- acquérir tout objectif dans la zone

d’action du SGTIA,- transmettre les demandes de tirs d’ar-

tillerie, d’appuis feux hélicoptère (AFH)et naval (AFN) puis les observer,

- en tant que de besoin combiner lesfeux d’appui,

- être en mesure de participer à unguidage aérien en liaison avec le FACen sa qualité de NFO-FR (CAS type 2),

- préparer, sur ordre du chef du SGTIA,les catalogues d’objectifs candidatsdu SGTIA au plan de feux du GTIA,

- participer au recueil d’informations.Les OA sont engagés auprès deséléments au contact du SGTIA (sectionsd’infanterie ou pelotons blindés) en fonc-tion de la manœuvre interarmes. Ils peu-vent basculer d’un EOC à un autre sinécessaire.

Structure modulaire par nature, le DLOCest donc apte à intégrer si nécessairedes capacités supplémentaires con-tribuant à l’appui feu du GTIA. Il peut s’a-gir d’observateurs avancés de l’arméede Terre ou de TACP(FAC) pouvantprovenir des trois armées mais aussi demoyens d’acquisition du renseignementde tous types ou d’un contrôleur tac-tique aérien (CTA) voire, plus rarement,d’un centre de management de ladéfense dans la 3ème dimension (CMD3Dauparavant connu sous le nom deMARTHA).

Les combats d’aujourd’hui réaffirmentsans ambiguïté la place de l’appui feudans la manœuvre des unités de mêlée.Le DLOC coordonne ces appuis feux, ausol et dans la 3ème dimension, dès laconception de la manœuvre, afin de con-tribuer à l’action interarmes en valorisantde manière optimale les effets des feux.La complémentarité de ces appuis feuxinterarmées disponibles et leur intégra-tion jusqu’au niveau de la section per-mettent de disposer en permanenced’une palette de capacités suffisammentlarge pour faire face à toutes les situa-tions tactiques. Le concept d’intégration des appuisémerge en parallèle dans toutes lesnations occidentales. La doctrine arméede Terre du DLOC a évolué vers une pub-lication interarmées (PIA) afin de garantirune compréhension commune et unelégitimité interarmées.

II - Emploi du génie dans la manœuvre du SGTIA

La section de combat du génie est le pluspetit élément de mise en œuvre du géniequi peut être détaché auprès d’une unitéinterarmes du niveau SGTIA.Dans ce cadre, le chef de section génieest placé pour emploi (TACOM) auxordres du capitaine commandant le

SGTIA. Il conserve cependant un lien desubordination avec sa compagnied’origine, et de fait, rend périodique-ment compte à son capitaine. Il prend etfait prendre toutes les mesures néces-saires afin de coordonner l’engagementde ses subordonnés au sein du disposi-tif interarmes, notamment dans ledomaine logistique. Enfin, il établit etmaintient un dialogue permanent avecles autres éléments d’appui.

21. Principes d’emploi

Grâce à sa structure ternaire, la sectionde combat du génie est apte à réaliser,au profit d’un SGTIA, simultanément troismissions différentes de niveau groupedans sa zone d’action. Le chef desection génie doit marquer un effortconcourant à la réalisation de l’effetmajeur du commandant d’unité inter-armes et l’exprimer sous la forme de prio-rités. Le chef de section génie et son sous-officier adjoint se répartissent alors lesresponsabilités tactiques en commandantles actions des groupes selon l’effort àappliquer, les priorités, les urgences etl’importance des réalisations.Les missions de la section de combat dugénie et les différentes positions desubordination afférentes sont toujoursdéfinies dans un cadre espace-tempsprédéterminé par l’échelon supérieurayant ordonné le détachement (annexegénie de l’ordre d’opérations de l’au-torité interarmes). Les différentes posi-tions de subordination induisent desnotions de commandement et decontrôle tactiques, logistiques et admi-nistratifs. Ces notions impliquent desconsignes propres et des mesures decoordination détaillées développéesdans les ordres d’opération de l’unitéd’appartenance et de l’unité bénéfi-ciaire si nécessaire.Dans le cadre particulier d’un engage-ment en zone urbaine, le chef de sectiongénie peut proposer l’engagement desa section au commandant du SGTIA,soit en privilégiant l’emploi centralisé deses moyens, soit en plaçant ses groupessous TACON des détachements inter-armes (DIA) pour un effet précis devantêtre conduit dans un cadre espace-tempsdéfini et une mission interarmes précise.

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22. Renforcement

La section de combat du génie détachéeauprès d’un SGTIA peut, selon les mis-sions confiées, être renforcée par un élé-ment du niveau groupe détenant desmoyens de combat (EBG9, SDPMAC10),d’organisation du terrain (MPG11,EGRAP12, bennes), de franchissement(MLF13), d’aide au déploiement d’urgence(EGRAME14, MATS15), d’aide audéploiement lourd (tracteur niveleur,niveleuse, compacteur).

La section de combat du génie met enœuvre les matériels en les conservantdans les délais strictement impartis etselon les prescriptions techniquesdéfinies dans l’ordre d’opération du com-mandant d’unité.

23. Détachée auprès d’une unité inter-armes du niveau SGTIA, la section decombat du génie peut réaliser les mis-sions principales suivantes :- participation au combat de contact en

appuyant l’attaque d’un point fort oula saisie d’un ouvrage, en contribuantaux opérations de fouille opéra-tionnelle ou aux actions de contrôledes foules,

- appui à la mobilité en ouvrant les axesde progression, en rétablissant unitinéraire, en participant au désen-gagement d’une unité ou à à uneopération de bréchage ; elle peutégalement appuyer les franchisse-ments autonomes,

- appui à la contre-mobilité par réalisa-tion d’obstacles ou en participant à undétachement de barrage ou à undétachement héliporté d’interventiondu génie,

- aide au déploiement d’urgence endéminant et/ou dépolluant une zone,en réalisant des plates-formes dedéploiement d’urgence ou des travauxsimples d’infrastructure horizontale ;elle peut également mener des travauxde renforcement sommaire des infra-structures verticales

1 Commandant la Task Force Korrigan(3eme RIMa) en Kapisa de juin à décembre 2009.

2 EMP 10-311 Intégration des appuis feuxinterarmes et interarmées à la manœuvre -Concept pour les niveaux 4 à 6 approuvéle 19 sept 2008 sous le N° 1189/DEF/EMAT/B.EMP.

3 EMP 20-311 Intégration des appuis feuxinterarmes et interarmées à la manœuvre -Doctrine pour les niveaux 4 à 6 approuvé19 août 2009 sous le N° 320/DEF/CDEF/DDO/CDM1.

4 Approuvé le 27 septembre 2010 sousle N° 71/DEF/RH-AT/EMD/EA/DEPA.

5 Radar de tir de l’artillerie de campagne(doppler).

6 Radar de contre batterie.7 Système de localisation acoustique de

l’artillerie8 Drone de renseignement au contact.9 EBG : engin blindé du génie.10 SDPMAC : système de déminage

pyrotechnique des mines antichar.11 MPG : moyen polyvalent du génie.12 EGRAP : engin génie rapide de protection.13 MLF : moyen léger de franchissement.14 EGRAME : engin génie d’aménagement.15 MATS : matériel d’amélioration de la

traficabilité des sols.

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LLe théâtre afghan a souligné l’importance d’intégrer dès la mise en condition avant projection

(MCP) la section de combat du génie qui sera détachée auprès d’une compagnie d’infanterie.

L’entraînement conjoint, mené pendant la MCP, s’inscrit nécessairement dans la durée et avec des

moyens d’entraînement réalistes. Il permet aux sapeurs d’acquérir les savoir-faire fondamentaux

individuels et collectifs du combat débarqué, de maîtriser la pratique de l’instruction sur le tir de

combat (ISTC) ainsi que les déplacements tactiques à pied en terrain difficile et le stationnement en

zone d’insécurité.

Cette intégration, en amont de la mission, permet une connaissance réciproque des procédures et

surtout de développer la confiance mutuelle qui sera essentielle au moment du contact avec

l’adversaire

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S’appuyant sur les comptes-rendus de fin de mission etdes entretiens d’acteurs de terrain, les enseignements tirésdes engagements des SGTIA en OPEX font apparaître lesconstats suivants :

- l’évolution du SGTIA vers une complexité croissante ;- la nécessité conjoncturelle d’un second officier adjoint ;- le renseignement comme clé pérenne de la réussite tac-

tique du SGTIA ;- la plus-value des unités du génie ;- la confirmation de la pertinence de l’expression «pas un

pas sans appui» ;- la préparation opérationnelle avec l’esprit «train as youfight». 

Evolution du SGTIA : une complexité croissante 

Les enseignements issus de l’ensemble des théâtres confir-ment la prise en compte au niveau des SGTIA de fonctionsauparavant dévolues au niveau supérieur.En Afghanistan, au Liban ou en République de Côte d’Ivoire,cette évolution se traduit par l’intégration au niveau SGTIA,de moyens d’appui (génie, feux sol-sol, feux sol-air, ren-seignement, guerre électronique, géographie…) mais aus-si de moyens d’environnement (CIMIC1, COMOPS2,PSYOPS3, OMI4, AMP5, …) indispensables à l’efficacitéd’ensemble. Pour une opération, un SGTIA peut à titred’exemple, être articulé autour de :- une section de commandement, deux sections d’infan-

terie, une section d’appui ;- une section du génie ;- une équipe d’observation qualifiée gui-dage aérien, une section d’appui mortier,une équipe du groupe commando mon-tagne ou parachutiste, un poste de secours,un peloton à deux escouades ;-une équipe EOD6, une équipe TST7/CIMIC,

une équipe de recherche de rensei-gnement humain, un groupe de ren-seignement électromagnétique.

En appui permanent de l’Armée NationaleAfghane (ANA), c’est bien alors un ensemblede 300 combattants qui est déployé sur leterrain aux ordres du commandant d’unité.Le poste de commandement du SGTIA doitpouvoir gérer cette complexité interarmes,voire interarmées.

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DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 19

Les enseignements tirés des engagements des SGTIA en OPEX

ARTICLE COLLECTIF DES CAPITAINES OFFICIERS TRAITANTS/DREX-CDEF

LLes opérations actuelles confirment la nécessité de maîtriser le combat interarmes, voireinterarmées, au niveau GTIA, SGTIA et même DIA. En Afghanistan en particulier, ellessoulignent tout particulièrement le rôle fondamental du renseignement, du génie, de la3ème dimension et des appuis feux.

Les théâtres afghan et libanais ont, par ailleurs, montré l’importance de la place des sous-groupementstactiques interarmes (SGTIA) dans les actions cinétiques ou non cinétiques.Enfin, la composition des SGTIA a évolué en cohérence avec la réalité des engagements actuels. Enconséquence, les commandants d’unité ont dû s’adapter à une complexification croissante, tant dans lecadre de leur préparation que sur le terrain.

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Les propos qui suivent reflètent les regards de capitaines, officiers traitants à la division rechercheet retour d’expérience de la DREX, sur l’engagement des unités commandées

par d’autres capitaines.

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Cette évolution justifie la réflexion en cours sur l’organisa-tion, le fonctionnement et l’entraînement des postes de com-mandement de GTIA et SGTIA.

De la nécessité d’un second officier adjoint

En Afghanistan, les SGTIA déployés sont donc des unitésvolumineuses dont le fonctionnement quotidien et l’emploitactique complexes nécessitent un deuxième officier adjoint(OA). En outre, les besoins en contact avec les autorités localeset la population requièrent un nombre significatif d’inter-prètes. Lors d’une opération de niveau SGTIA, il arrive fréquemmentqu’il faille donner le commandement d’un détachement dedeux sections renforcées à un officier adjoint, le second OAétant en charge de la gestion des appuis, du renseignement,de façon à ce que le commandant du SGTIA puisse conser-ver le recul nécessaire pour effectuer les bons choix tactiques.Cet adjoint peut également être détaché temporairementauprès d’une unité de l’ANA.

Le renseignement : clé de la réussite tactique duSGTIA

Dans le domaine du renseignement, on assiste à l’accrois-sement du rôle des cellules S2, notamment au sein des GTIAmais aussi à la nécessité de disposer d’officiers renseigne-ment qualifiés dès le niveau SGTIA.Le renseignement reste au cœur des actions des SGTIA quiconstituent les premiers éléments au contact de la popula-tion, enjeu des opérations actuelles. Le renseignement demeu-re essentiel à la compréhension d’un environnement com-plexe et agressif. En effet, il n’est pas d’action de contrôle dumilieu, ni de contre-insurrection victorieuse, sans rensei-gnement fiable provenant de sources humaine et technique.

La plus-value des unités du génie 

La création d’un 3ème SGTIA au sein de chaque GTIA lors dudéploiement de la task force Lafayette a incontestablementaugmenté la capacité opérationnelle de la Force.Pour autant, cette capacité opérationnelle reste relative, dansla mesure où ce SGTIA ne dispose pas de l’appui à la mobi-lité indispensable (détachement d’ouverture d’itinéraires)

pour sortir des FOB. En effet, le sous-dimensionnement desmoyens du génie et leur importante dispersion ne permet-tent pas de réaliser la totalité des missions au profit des SGTIAdans les domaines de l’aide au déploiement, de la « forceprotection» et du soutien à la population.

Pas un pas sans appui :

La mise en application de la récente doctrine d’appui feu per-met au chef du SGTIA de bénéficier d’un conseiller feux auplus près des actions principales et d’équipes de guidageaérien (TAC-P) considérées comme de véritables pièces maî-tresses. Pour qu’elles puissent réaliser pleinement leurs mis-sions, il convient qu’elles s’intègrent dès la phase de concep-tion, s’entraînent avant leur projection à travailler en équipe,maîtrisent les contraintes tactiques du combat d’infanterie. Pour ce qui touche à l’appui-feu lui-même, les efforts doi-vent se poursuivre dans les domaines des capacités d’ac-quisition et de désignation des objectifs aux plus bas éche-lons pour éviter les dommages collatéraux, par des feux précisquelles que soient les conditions météorologiques.

Préparation opérationnelle : «train as you fight» 

Dans plusieurs domaines, les unités françaises travaillent enliaison étroite avec des moyens alliés et principalement amé-ricains. Il importe donc de connaître, avant la projection etjusqu’au niveau SGTIA, les savoir-faire spécifiques à l’emploides hélicoptères alliés, les procédures de planification, derelève, de combat, de soutien santé (MEDEVAC8), d’appuiair-sol et de briefings qui précèdent les opérations.Au niveau individuel, la maîtrise de l’anglais opérationnel(idéalement dès le niveau chef de groupe spécialisé) et desprocédures multinationales permettent de s’intégrer effica-cement dans un environnement interallié.De plus, la formation de l’ensemble du personnel des unitésau secourisme de combat est indispensable. Quels que soientleur grade et leur fonction opérationnelle, les cadres et lesmilitaires du rang doivent maîtriser les «gestes qui sauvent».En outre, l’intelligence de situation des chefs tactiques auxplus bas échelons et l’importance de la compréhension del’esprit de la mission de même que la nécessité de maîtriserles savoir-faire spécifiques liés à la contre rébellion sont autantde gages de réussite dans la conduite des opérations. Laconduite des actions non cinétiques ou d’influence, néces-site en effet des aptitudes et des savoir-faire particuliers qu’ilimporte d’acquérir et de développer avant projection, voired’intégrer dans le cursus de formation des cadres et notam-ment des officiers.En définitive, les combats d’aujourd’hui sont plus que jamaisceux des commandants de SGTIA.Complexes et en évolution permanente, les opérationsactuelles imposent un entraînement rigoureux et le plusproche possible de la réalité pour les unités, afin de limiterau mieux la friction inhérente à la guerre

1 CIMIC : actions-civilo militaires - 2 COMOPS : communication opérationnelle.3 PSYOPS : opérations psychologiques - 4 OMI : opérations militaires d’influence5 AMP : assistance médicale aux populations - 6 EOD : explosive ordnance disposal7 TST : tactical support team - 8 MEDEVAC : medical evacuation

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Commander un SGTIA en opérations :témoignage d’un capitaine de SGTIAde la TF DRAGON

CAPITAINE THOMAS RIOU*

«La victoire ne se contente pas des vertus de la dernière bataille. La réalité du champ de bataille estqu’on n’y étudie pas ; simplement on fait ce que l’on peut avec ce que l’on sait.» (Maréchal FOCH).

SSur le théâtre afghan, si la situation est complexe, le sang froid et l’intelligence restent lesmeilleures armes du chef. La guerre tue et il faut s’y préparer. Pourtant, cette mêmeguerre, c’est aussi celle de la retenue, des feux maîtrisés, du dialogue et de l’implicationde la politique jusque dans la réflexion du commandant d’unité.

Dans cette guerre moderne, aussi complexe qu’exigeante, quel est dès lors le rôle du chef dans lapréparation de ses hommes et dans les choix des modes d’action à mettre en œuvre?Le chef, c’est avant tout celui qui pense, qui donne du sens à la mission. Et, plongé au cœur d’unemission qui tend à redéfinir le rôle du soldat en opération, il se doit de comprendre avant d’agir.S’il semble bon de revenir en premier lieu sur la réelle complexité de la mission en Afghanistan,nous verrons ensuite quelle est la réflexion que doit mener le chef de terrain et les modalitésconcrètes qui doivent régir son action. Enfin, sans doute est-il intéressant de réfléchir à ce quipourrait nous aider à mieux préparer nos soldats en vue d’un déploiement au royaume del’insolence.

* Le capitaine RIOU commandait la 2ème compagnie de la TF Dragon engagée en Afghanistan dans le cadre du 22ème mandat de l’opération PAMIRdu 30 juin 2009.

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L’Afghanistan est d’abord un théâtre aux fortesspécificités géographiques, humaines etopérationnelles.

LLes montagnes afghanes mettent nos hommes à rude épreuveet rendent impérieuse la nécessité d’avoir une condition

physique irréprochable. Sous un soleil de plomb ou dans uneneige épaisse nous patrouillons sans relâche portant plus de40 kg sur le dos. Dans ces conditions, il est difficile d’imaginerpouvoir agir en «commando de chasse». Nous devons en permanence, sous contrainte de sécurité,faire le choix de l’autonomie ou celui de la mobilité. La solu-tion de ne pas porter le gilet pare balle étant aujourd’hui unchoix irrationnel pour un commandant d’unité, le poids denos équipements s’impose ainsi à nous et doit être com-pensé par l’avantage que cet équipement nous procure surles insurgés.Par ailleurs, le cloisonnement géographique conjugué àune pauvreté extrême, explique la relative autarcie danslaquelle vit la population. Ces particularités nécessitent d’avoirune approche spécifique pour chaque région, chaque vallée,chaque village. Ainsi chaque chef doit comprendre quels sontles enjeux de sa zone, les préoccupations de la populationqui y vit, la complexité des relations qui la lie aux insurgés. Dèslors, à l’occasion des shuras* et des rencontres fortuites quivont ponctuer les relations entre la coalition et la population,il aura à démêler progressivement le nœud relationnel de sazone d’action.

L’Afghanistan, c’est aussi une grande complexité humaine.Sur ce point, toutes les doctrines de contre rébellion s’ac-cordent : la population est l’enjeu principal et se retrouvebien souvent au cœur d’un conflit dont elle supporte le poids.Mais cette complexité humaine est d’autant plus vraie qu’iln’y a pas en Afghanistan de bons ou de mauvais. On peutrépartir très schématiquement la population en 4 catégories ;les réformistes, les attentistes, les isolationnistes et nosadversaires, alliés à la rébellion.

Il est pourtant difficile, voire dangereux, de définir précisé-ment les contours de ces différentes catégories, tant il y ad’interactions entre elles et tant l’allié d’un jour peut devenirl’ennemi du lendemain.La population est ainsi un «impératif» à prendre en comptedans toutes nos opérations. Cette population, c’est d’abordcelle qui observe et qui peut nous renseigner, si tant estqu’elle nous fait confiance. C’est ensuite celle qui décide dela légitimité de notre action et du soutien qu’elle est prête ànous accorder. Et c’est enfin, et surtout, l’arbitre de ce con-flit car dans un combat au cœur des populations, elle se faitl’écho les batailles et choisit le vainqueur selon son ressen-timent.Triple est l’asymétrie à laquelle l’action du commandant d’u-nité est confrontée : asymétrie des moyens, asymétrie desobjectifs et asymétrie du risque acceptable.- Asymétrie des moyens, entre un sous-groupement tactique

interarmes et les bandes qui s’opposent à lui, car c’est lecombat des moyens les plus perfectionnés dont disposentles armées occidentales contre le RPG7, la Kalachnikov etla bombe artisanale.

* Conseils de village

- Asymétrie des objectifs, car ce qui importe pour un com-mandant d’unité c’est d’abord convaincre la populationqu’il faut aider l’armée afghane à la protéger avant que dedétruire l’ennemi. Tuer n’est pas une fin pour un soldat occi-dental engagé en Afghanistan. Notre ennemi, lui, n’a d’autresens à donner à la victoire que de détruire un blindé ou detuer un soldat français.

- Dès lors, une asymétrie du risque acceptable nous séparede nos adversaires. Ceux-ci sont prêts à tout pour tuer. Acontrario, nous ne pouvons nous permettre de prendre derisques injustifiés pour détruire l’adversaire, ni pour nossoldats, ni pour nos alliés, ni pour la population afghane.

L’Afghanistan, c’est aussi une mission vécue dansun cadre opérationnel très complexe.

LLes ROE en sont la première illustration car, même si laFrance n’impose pas de caveats à ses soldats, les règles

d’engagement guident en permanence la conduite à tenirsur le terrain. Le cas des «warning shots», ces tirs de miseen garde avant de tirer pour tuer illustrent la complexité deschoix que doivent faire les militaires : quelle est la limite entrele risque que représente l’explosion d’un véhicule suicidesur nos blindés et celui de blesser un civil innocent par un tirde semonce prématuré ? Nos choix sont difficiles et toujoursdictés par l’intelligence de situation.Le commandant de SGTIA est confronté également à la com-plexité des engagements menés avec les alliés, qu’ils soientaméricains ou afghans. Cette complexité s’explique par les dif-férences culturelles qui existent entre nos alliés américains ouafghans et nous lorsqu’il s’agit de faire la guerre. De manièreconcrète, parce qu’il en va de la vie de nos hommes sur le ter-rain et de la crédibilité de notre action aux yeux de la popula-tion afghane, s’engager avec une unité étrangère demande unénorme travail de planification et de coordination.Pour le capitaine commandant un SGTIA, cette complexitéopérationnelle s’illustre également par les nombreux appuiset renforts qui sont mis à sa disposition. Ils ont certes tousleur utilité et leur rôle à jouer dans la bataille mais imposentun travail permanent dans la préparation et la conduite desopérations. Pour une opération, un SGTIA infanterie peutregrouper, directement ou sur préavis : 4 sections d’infan-terie, 1 peloton blindé, 1 section génie, 1 SAM à 2 pièces de120mm, 1 EO, 1 JTAC, 1 patrouille de guerre électronique, 1 à2 équipes ROHUM, des créneaux SDTI, des appuis Tigre etGazelle, une équipe des actions civilo-militaires (ACM). Oncomprend dès lors que le commandant d’unité devient unvéritable chef d’orchestre pour que chacun trouve sa placeet comprenne quelle est sa contribution à l’effet majeur et àla réalisation de la mission.

L’Afghanistan est donc une mission complexe quidemande un effort d’adaptation pour faire face auxdifficultés d’un conflit asymétrique.

PPartant de là, le commandant de SGTIA doit comprendre lesenjeux de sa zone pour en déduire les points clés de son

action. Il doit aussi redéfinir la place des soldats dans un com-bat dont la finalité n’est plus l’attrition mais la politique.

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L’Afghanistan est réellement un pays en voie de stabilisation.Le combat asymétrique que nous y menons est par bien despoints celui que nous décrit la doctrine de contre rébellion.Cependant, certaines spécificités imposent une réflexionpropre à la réalité afghane. Tout d’abord, nous y sommesconfrontés à des insurrections plus qu’à une insurrection. Eneffet, cela a été rappelé plus tôt, l’Afghanistan est un payscloisonné. Dès lors, les insurgés agissent bien souvent sousle commandement d’un chef local qui poursuit ses propresbuts de guerre, ceux-ci étant liés à l’histoire et aux enjeuxrégionaux.

Par ailleurs, les modes d’action détaillés dans les documentsde doctrine ne sont pas toujours en parfaite adéquation avecle théâtre afghan à partir du moment où nous sommes loind’une action coercitive. Ainsi, il est impensable de s’inscrireaujourd’hui dans la même logique que celle de l’armée sovié-tique dans les années 80 (couvre-feu, etc). De même, la pra-tique du quadrillage qui guidait l’action de nos Anciens enAlgérie est-elle rendue difficile au vu de l’effectif aujourd’huidéployé sur le terrain et de la porosité des montagnesafghanes. Comment assécher la moitié d’un lac sans con-struire de barrage ? Comment couper les axes logistiquesdes insurgés quand ils progressent à pied à travers les mon-tagnes, accompagnés de mulets ? Enfin, et c’est réellementla question la plus importante, quel mode d’action choisirquand on sait que la perte de la vie d’un de nos soldats esten soi un échec alors que les insurgés semblent nourrirl’espérance de mourir en martyr ?

Le chef doit dès lors trouver un moyen concret d’agirefficacement dans sa zone en prenant en compte les règlesdu jeu afghan. Notre chef de bataillon avait mis en place unmoyen mnémotechnique : OSCAR 4. Un acronyme supplé-mentaire dans la longue liste des abréviations militaires maisqui avait néanmoins le mérite de guider notre action.

- O pour «objectif» : toute opération doit avoir un objectif,mais un seul, clairement défini.

- S pour «suite» : il est primordial de bien penser à ce quivient après la réalisation de l’effet majeur, notamment pourinscrire notre action dans la durée et lui donner la légiti-mité indispensable dont nous avons besoin vis-à-vis de lapopulation.

- C pour « chef » : pour chaque mission, le chef doit êtreprécisément désigné et adapté au niveau de l’opération.

- A pour «appui» : pas un pas sans appui, cette maximemilitaire est une condition impérative pour conduire uneopération en Afghanistan.

- R pour «renseignement» : il s’agit d’une priorité de notreaction ; la mission est complexe et impose de connaîtreprécisément les menaces ennemies ainsi que les inter-actions entre les insurgés et la population.

- R pour « radio » : une opération est commandée enconduite, et il ne peut y avoir de conduite sans radio.

- R pour «retour» : c’est souvent sur le chemin du retour queles actions insurgées sont les plus nombreuses et les mieuxcoordonnées, aussi c’est une phase de la manœuvre quidoit être pensée comme un temps à part entière.

- R pour «RETEX» : des enseignements doivent être tiréssystématiquement de nos opérations dans le but d’amé-liorer notre efficacité opérationnelle.

Ceci étant, et même au niveau du sous-groupement, le chefdoit œuvrer avec patience en comprenant que la manœuvremilitaire en Afghanistan s’inscrit totalement dans une actionpolitique plus globale et que, plus que jamais, l’action arméeen est son prolongement.

� Agir, précisément, c’est, à chaque minute,dégager de l’enchevêtrement des faits et descirconstances, la question simple qu’on peutrésoudre à cet instant là. �

(Général GRASSET).

TémoignagesTémoignages

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Il s’agit là d’une des clés de la mission en Afghanistan. Celaimpose, bien entendu, de comprendre avant d’agir. Il fautdonc se méfier des opérations de grande envergure qui nepeuvent être efficaces qu’à trois conditions : - permettre une sécurisation durable,- être légitimées par la population, - conduire à une mise en échec visible des insurgés.

Ainsi, notre engagement en Afghanistan tend dans unecertaine mesure à redéfinir l’action du soldat. Ce dernier seretrouve plongé dans une mission de stabilisation, au cœurd’un environnement complexe, où sa mission l’oblige à trou-ver le juste compromis entre la neutralisation des insurgéset la réalisation de projets d’aide au développement de lavallée dans laquelle il agit. L’objectif, finalement, étant plusde libérer les cœurs que de les gagner. Telle est là-bas notremission, celle des feux maîtrisés, qui nous oblige parfoisà renoncer au combat car la perte de la vie d’un soldat oupire encore d’un civil innocent sera forcément utilisée par lapropagande adverse et retournée contre notre action.

� Un peu d’intelligence employée par un cœurpassionné ira plus loin qu’un beau génie mis auservice d’une âme froide. �

(André Maurois)

La façon de conduire la mission en Afghanistan et le rôlenouveau qui y est joué par le soldat amènent donc à se poserdes questions sur l’adéquation entre notre entraînement et laréalité des missions que nous remplissons. Quel doit être lerôle du chef dans la préparation intellectuelle de ses hommes ?La MCP à laquelle sont assujetties toutes les unités déployéesen Afghanistan a considérablement évolué, et c’est une bonnechose. Les soldats sont très bien préparés, individuellementpuis collectivement, et bénéficient de tous les efforts del’armée de terre pour s’entraîner dans les meilleures conditions,au plus près de la réalité du terrain (tir, combat, secourisme,enseignements des prédécesseurs…). Il semble aujourd’hui

difficile d’améliorer ce cycle de préparation qui s’étale déjà sur6 mois.Néanmoins, il est bon de le rappeler à nouveau, la mission enAfghanistan tend à redéfinir le rôle du soldat. Ce dernier doitplus souvent veiller à préserver les bonnes relations avec lapopulation au milieu de laquelle il agit, plutôt que « chasser »les insurgés présents dans la zone. Et c’est dans ce change-ment fondamental de l’action de nos soldats que le chef trou-ve sa justification. A ces jeunes qui rêvent d’aventure et de gloiremilitaire, le chef doit expliquer les enjeux de la mission, il doitêtre un référent moral pour qu’ils comprennent le sens de leuraction.

Il semble dès lors primordial que nos soldats soient préparésà la guerre, celle qui tue, mais aussi à celle qui nous oblige àagir au cœur des populations, à montrer par notre retenue dansl’action que nous ne répondrons pas à la violence aveugle etmeurtrière des insurgés. Les Afghans doivent voir dans lesoldat français une solution pour la paix, et le soldat françaisdoit faire comprendre aux Afghans qu’il agira pour eux et aveceux. C’est pourquoi, le chef doit être à même de comprendre

la complexité du théâtre afghan et de ses enjeux pourremplir son rôle de référent moral dans l’action. Celapasse bien entendu par l’approfondissement de saculture, générale et spécifique au pays. Néanmoins,l’action en Afghanistan plonge le chef au cœur derelations quotidiennes avec la population, dans le butbien souvent de collecter du renseignement, deconvaincre, de légitimer une action, de négocier. Celan’est pas forcément évident et il serait sans doute utilede préparer les chefs à l’art de la négociation, de lapersuasion et de la collecte de renseignement car ils’agit d’un pan complet du travail en Afghanistan.

� Celui qui n’est que militaire n’est qu’unmauvais militaire, […]. L’homme complet, celuiqui veut remplir sa pleine destinée et êtredigne de mener des hommes, être un chef enun mot, celui là doit avoir ses lanternesouvertes sur tout ce qui fait l’honneur del’humanité �

(Maréchal LYAUTEY)

C’est là notre vocation d’officier et de chef. S’entraîner,toujours davantage, se préparer à commander des hommesdans des missions de plus en plus complexes. Mais surtout,c’est donner du sens, une direction et un repère moral pourguider nos soldats en opération.

Disposer d’une troupe entraînée et de chefs prêts à affronterles nouveaux enjeux des guerres modernes, c’est avoir le gagede l’efficacité en opération. Car si la qualité de l’exécution desmissions part du bas et impose aux échelons subordonnés unemaîtrise toujours plus grande des savoir-faire tant au niveaude la troupe qu’au niveau individuel, la qualité de la plani-fication, quant à elle, part du haut et impose aux chefs que noussommes une compréhension parfaite des enjeux et du milieudans lequel nous opérons

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Les principes de la formationdu «capitaine interarmes»

à l’école d’infanterie

LIEUTENANT-COLONEL DE PRÉVAL - ECOLE D’INFANTERIE - DFI /DFCU

LLes GTIA en opération extérieure s’articulent en sous groupement tactique interarmes(SGTIA) à dominante infanterie. En plus des unités de cavalerie, du génie et del’observateur d’artillerie habituellement associés à l’infanterie, le capitaine peut

intégrer dans sa manœuvre bien d’autres éléments comme les JTAC (joint tactical aircontroller), les équipes CIMIC (civil military coopération), les détachements de fouilleopérationnelle spécialisée, les équipes spécialisées en renseignement d’origine humaineou encore les équipes d’opération militaires d’influence.

Cette situation particulière souligne le devoir d’excellence du cours de formation descommandant d’unité de l’infanterie (CFCU) pour préparer au mieux les chefs de SGTIA dedemain à la diversité des engagements.

La formation que délivre l’école d’infanterie aux capitaines en stage au CFCU est en phaseavec les engagements extérieurs des SGTIA infanterie. Elle répond aux principesfondamentaux qui bâtissent l’efficacité  : la maîtrise des méthodes de raisonnementtactique, l’adaptation à l’environnement de la manoeuvre et surtout la combinaison deseffets des fonctions opérationnelles autour d’un noyau d’infanterie.

En premier lieu cette formation est nécessairement tournée vers le commandement d’unSGTIA infanterie puisque c’est le cadre normal de l’engagement opérationnel descompagnies d’infanterie. Ensuite, cette formation des chefs de SGTIA, clé de voûte et cœurdu commandement garantissant le fonctionnement du système, s’adresse à des officiersmatures, à même de s’adapter et de décider. Enfin, la division de formation descommandants d’unité s’attache à former aux principes de tactique, références qui servirontà fonder l’action du capitaine dans son unité.

TémoignagesTémoignages

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Le SGTIA à dominante infanterie est le cadrenormal de l’engagement opérationnel

des compagnies d’infanterie

Selon les théâtres, le niveau de l’intégration interarmes peutvarier. C’est un choix de commandement qui dépend du cadre,de la nature et du terrain des engagements. Cette intégra-tion interarmes de plusieurs fonctions opérationnelles auxordres d’un chef confère l’autonomie tactique nécessaire àune unité pour remplir sa mission. Le capitaine, à qui sonchef de GTIA confie une zone d’opération, a besoin dedisposer d’outils diversifiés pour conduire une manœuvreglobale. La complémentarité des fonctions opérationnellespermet par ailleurs d’obtenir un effet multiplicateur d’effi-cacité, en mettant les unes au service des autres. Pour autant,la plus value du système «SGTIA» n’existe que si le chefassure la cohérence indispensable de l’action. Son rôle estcentral dans les phases de planification et de conduite. Le choix d’une telle organisation a cependant un coût, par-ticulièrement en termes de délais. Sa mise en place doit êtreanticipée, pour que chaque unité en renfort puisse s’agrégerautour du noyau dur. C’est un impératif, gage d’efficacité etde cohésion, qui se travaille en amont de la mission. Plus lenombre de cellules intégrées est important plus la périodede préparation doit être longue. La préparation opérationnelledifférenciée en fonction des théâtres mise en place par le CFTrépond en particulier à cette nécessité.

Le choix du noyau dur du SGTIA dépend ensuite de l’ennemi,du type de mission et du terrain sur lequel est engagée l’unité.L’aptitude de l’infanterie à durer, à tenir le terrain et à agir dansdes terrains compartimentés et d’accès difficile, comme la mon-tagne et la zone urbaine, la désigne naturellement pour formerce noyau dur du SGTIA dans la plupart des opérations actuelles.C’est le cas en Afghanistan et aussi dans les conflits asymétriqueset dissymétriques dans lesquels l’armée de Terre a été engagéedepuis vingt ans.

Le commandant d’unité d’infanterie, responsable de lacohérence de l’action, est donc par vocation tourné vers lesautres armes, car son rôle de «chef de guerre» à la tête d’unSGTIA à dominante infanterie est par nature interarmes. C’estl’objectif primordial de la formation des commandantsd’unité (DFCU) à l’école de l’infanterie.

Le chef du SGTIA clé de maintien et cœurdu commandement garantissant le bon

fonctionnement du système

Le chef du SGTIA infanterie est la clé de voûte de l’unité, c’estlui qui assure la stabilité et la cohérence de l’ensemble. Sonrôle est d’autant plus important qu’il ne peut s’appuyer quesur une équipe de commandement aux effectifs struc-turellement très restreints puisque limités à un officier adjoint,voir un deuxième comme en Afghanistan, et à un sousofficier pour la logistique1. Il doit donc allier maturité, facultéd’adaptation et des qualités avérées de décideur.

L’officier arrivant à la DFCU est un capitaine qui après uneformation initiale a acquis au moins trois à quatre ans dematurité au contact de la troupe et s’apprête à prendre lecommandement de sa compagnie après trois ans de grade.Au cours de cette première expérience d’officier, il a com-mandé une section de combat et a été envoyé, en moyenne,deux à trois fois en opération extérieure. Beaucoup ont déjàparticipé à des engagements durs et mesurent, par avance,l’étendue des responsabilités à venir. Ce sont donc des officiersintelligents, solides et motivés qui rejoignent stage.

Pour autant, le stagiaire qui arrive n’a pas toujours consciencequ’il doit adapter son action au contexte et qu’il ne peut pas selimiter à mettre en œuvre des solutions toutes faites, apprisesen école. Les forces sont engagées depuis de nombreusesannées dans des opérations multinationales et dans un envi-ronnement « ami » qui est maintenant correctement maîtrisé.Par contre la connaissance des théâtres sera toujours impar-faite. En plus du développement indispensable de la culturegénérale qui fournira un socle de connaissances au capitaine,c’est bien la curiosité intellectuelle de ces officiers qu’il faut ren-forcer, pour les préparer à leur futurs responsabilités de chefdans un environnement en perpétuelle mutation.

Enfin, le capitaine doit développer ses capacités de «leader-ship» pour créer la cohésion et générer ainsi une véritablesynergie de toutes les unités constituant le SGTIA avec commeobjectif la réalisation de la mission. L’accueil et l’intégrationrapide autour des sections d’infanterie de tous les renforce-ments sont une assurance d’efficacité opérationnelle. C’estau capitaine de savoir s’imposer pour, à la fois, être pleine-ment reconnu comme chef tactique et en même temps, créerun climat de confiance permettant aux différents chefs dedétachements interarmes d’apporter sans arrière pensée leurexpertise, en particulier au cours du dialogue interarmes.Après avoir écouté, bénéficié des compétences et des apportsde chacun, la responsabilité du commandant de SGTIA estbien, in fine, de décider et d’imposer sa manœuvre.Au bilan, le chef du SGTIA est un officier armé d’uneexpérience déjà riche et apte à s’adapter et à décider maisqui doit aussi maîtriser les méthodes et les connaissancestactiques indispensable à la manœuvre interarmes

Donner des références aux chefs de SGTIA à dominante infanterie

Le cours de formation des commandants d’unité de l’infan-terie a pour objectif transformer des chefs de section en chefde SGTIA, aptes à être engagés d’emblée en opération. C’estune véritable bascule qui doit s’opérer au cours de ce stagepour permettre au jeune officier de passer du commande-ment d’une simple unité d’infanterie à celui d’un SGTIA, pre-mier niveau véritablement à même de mener un combat danssa globalité et sa complexité.

Une partie importante du stage est consacré à l’acquisitionde la doctrine et des règlements d’emploi ainsi qu’à la maîtrisedes méthodes de raisonnement tactique, principalement laMEDO. Le stagiaire apprendra ainsi à manœuvrer avec un

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peloton de cavalerie, une section du génie, de l’artillerie etdes hélicoptères et aussi des capteurs renseignement,ROHUM et guerre électronique, du CIMIC et de moyensspécialisés comme un détachement de fouille opérationnelleet à acquérir une bonne maîtrise de la coordination 3D. Il fautdonc encadrer les stagiaires avec des officiers expérimentéset compétents. Les interventions sur le fond comme sur laméthode, lors de tous les exercices, d’instructeurs diplômésde l’école d’état major, fantassins, artilleurs, sapeurs, cava-liers ou logisticiens, participent directement à la réussite decette formation. L’échange de stagiaires organisé avecl’école de cavalerie répond également à cet impératif deformation interarmes. Par ailleurs, le volet multinational desopérations est enrichi par l’implication, à chaque stage, del’officier de liaison allemand et par un échange annuel avecl’école de l’infanterie allemande d’Hammelburg.

Un effort spécifique est réalisé pour apprendre aux capitainesà prendre en compte des environnements particuliers, objetsdes lectures de culture militaire imposées dans le cadre dela formation des officiers ou encore de l’étude historique deterrain mené sur le débarquement de Provence en 1944, quien plongeant les officiers dans un contexte différent, lesamènent à appliquer les méthodes de raisonnement et às’adapter à l’environnement d’une autre époque. Cet aspectest complété par de nombreux témoignages et des retoursd’expérience récents qui permettent aux stagiaires de mieuxappréhender les théâtres actuels. Cette ouverture d’espritet ce renforcement de la culture militaire sont par ailleurspoursuivis à travers des sujets de réflexion et des resti-tutions sur les conflits actuels, sur des évolutions dedoctrine ou encore la modernisation de l’infanterie.

La majeure partie du stage est constituée par une douzained’exercices tactiques ayant pour objectif de mettre en œuvreles connaissances acquises et de fournir au capitaine unepremière expérience de commandement, qui lui permettrade disposer de références lorsqu’il se trouvera à la tête d’unSGTIA. Chaque capitaine planifie les douze opérations quicouvrent tout le spectre des missions d’un SGTIA menéesdans des cadres très variés. Les exercices sont ensuite jouéspour mettre en situation chaque capitaine deux à trois foisdurant le stage. Sur le terrain, en plus de la DIREX, seuls lessubordonnés directs du capitaine sont représentés avec lessystèmes d’information et de commandement du niveau com-pagnie et le renfort de troupes partenaires se limitant auxchefs de section du génie, au chef de peloton de cavalerie età l’officier de coordination des feux (OCF) de l’artillerie. L’autremoitié des exercices est réalisée directement à l’école grâceà la simulation en mettant en communication les moyens SIRet JANUS. Enfin, un éclairage par le haut est donné pendantle module GTIA qui permet au stagiaire en conduisant deuxMEDO et l’exercice TESSON de comprendre pleinement lecadre tactique ami dans lequel il sera amené à agir.

Les capitaines retirent de ces exercices une véritable maîtrisetactique et apprennent à concevoir une manœuvre issuede leur créativité personnelle plutôt que de calquer unesolution tactique toute faite

1 Une étude est en cours pour mettre en place un «2e officier adjoint»dés 2011.

TémoignagesTémoignages

À la sortie de la DFCU de l’école d’infanterie, les capitaines possèdent tous les outils et connaissancesnécessaires au commandement d’un SGTIA à dominante infanterie en d’une opération.

Cependant, cette formation n’est qu’une base de la préparation du SGTIA. Pour être pleinementopérationnel, le chef doit forger la cohésion de son unité dans le travail et l’adversité. C’est l’objectifdes centres de préparation opérationnelle que sont le CENTAC et le CENZUB et des périodes depréparation avant projection qui rassemblent et font manœuvrer le noyau infanterie du sousgroupement tactique avec ses renforts interarmes.

La nouvelle proximité géographique de l’école d’infanterie avec l’école d’artillerie et l’école de l’ALAT vafaciliter le développement de la formation interarmes, en particulier dans le domaine de la coordinationdes feux et des appuis 3D. Cela se concrétisera par la mise en place, dès l’année prochaine, d’unexercice commun�

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La formation des capitaines : du cours des futurs commandants d’unité de cavalerie

au commandement d’un sous-groupement tactiqueinterarmes à dominante blindée

La formation à la mission opérationnelle : cœur de métier de l’école de cavalerie et cœur de formation du cours des futurs commandants d’unité (CFCU).

COLONEL FRANK BOSSION, DIRECTEUR DE LA FORMATION DES ÉLÈVES ET COMMANDANT LE COURS DES FUTURS COMMANDANTS D’UNITÉ DE L’ÉCOLE DE CAVALERIE

AAu sein des écoles militaires de Saumur (EMS), le cours des futurs commandants d’unité(CFCU) de l’école de cavalerie (EC) assure une des actions de formations (AF) de cursus ducontinuum de formation des officiers des armes de l’armée de Terre à destination des

jeunes capitaines appelés à commander une unité élémentaire du domaine de spécialités«combat des blindés».

Son objectif principal est de préparer directement ces capitaines [45 à 50 officiers stagiaires paran, dont 4 à 6 stagiaires étrangers] au commandement de l’unité élémentaire qui leur seraconfiée et de les rendre aptes au commandement d’un sous-groupement tactique interarmes(SGTIA) dont le noyau dur est une unité élémentaire de la nature de filière dans laquelle ilsservent [escadron de chars, escadron roues-canon, escadron de commandement et de logistiqueou escadron d’administration et de soutien]

A l’issue du stage du CFCU, l’officier stagiaire doit :- être reconnu apte à commander une unité élémentaire ;- maîtriser les procédures et les ordres de son niveau, le niveau 5, celui du sous-groupement

tactique interarmes (SGTIA) à dominante blindée ;- disposer d’une bonne connaissance du niveau immédiatement supérieur, le niveau 4, celui du

groupement tactique interarmes (GTIA)

Placée au cœur de l’AF du CFCU de l’EC, représentant près des 2/3 du volume horaire du stage,soit 63% du total du temps disponible, la formation à la mission opérationnelle viseessentiellement à faire acquérir aux officiers stagiaires les savoir-faire techniques et tactiquesleur permettant in fine de maîtriser le commandement, l’emploi et la manœuvre d’un SGTIA àdominante blindée évoluant au sein d’un GTIA à dominante infanterie ou blindée dans un cadreinterarmes et numérisé.

Après avoir préalablement rappelé succinctement la structure commune des SGTIA à dominanteblindée afin de situer le contexte de la formation tactique dispensée au CFCU de l’EC, la formationà la mission opérationnelle et les exercices tactiques menés dans ce cadre seront successivementabordés.

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1.La structure commune des SGTIA à dominanteblindée

Dans la cavalerie blindée d’aujourd’hui, mis à part le matérielde dotation, il n’y a plus de distinguo entre le SGTIA àdominante blindée char et le SGTIA à dominante blindéeroues-canon (RC), car les structures (noyau dur constitutifdu SGTIA) des escadrons de chars sur AMX LECLERC oud’engins blindés RC sur AMX 10 RC ou ERC 90 sont désor-mais uniformes :- 4 pelotons de cavalerie blindée (PCB) équipés de chars ou

d’engins blindés RC, avec 3 chars AMX LECLERC ou 3 enginsblindés RC type AMX 10 RC ou ERC 90 (cellule feu) et 3véhicules blindés légers type VBL (cellule investigation),cette structure quaternaire permettant le + 1/- 1 dans lecadre des renforcements et prélèvements ;

- 1 peloton de commandement et de logistique (PCL) avec 1groupe commandement, 1 groupe santé, 1 groupe logis-tique, 1 groupe systèmes d’information et de communi-cation, 1 groupe administratif et pour les seuls escadronsde chars, la présence d’un char AMX LECLERC pour le com-mandant d’unité.

Pour donner toute sa cohérence au SGTIA à dominanteblindée, les principes de constitution suivants doivent êtrerespectés : unicité de commandement, constitution autourd’un noyau dur, dominante infanterie ou cavalerie blin-dée, structure durable, appartenance à une même gran-de unité, complémentarité infanterie-cavalerie blindée,structure quaternaire et cadre national. La compositiontype d’un SGTIA à dominante blindée1 (sans moyen com-plémentaire) telle qu’elle figure dans l’ABC 35-1012 est rap-pelée ici pour mémoire :

Quel que soit le matériel majeur de dotation, le SGTIA àdominante blindée tire alors pleinement profit de ses capa-cités particulières que sont la mobilité, la protection etla puissance de feu, tout en possédant des aptitudesspécifiques : réactivité, rapidité, choc…

2. La formation à la mission opérationnelle auCFCU de l’EC

PRÉPARER UNE GUERRE GÉNÉRIQUE, PAS LA GUERRE DUMOMENT

Au CFCU de l’EC, la formation à la mission opérationnelle auxniveaux 5 (SGTIA) et 4 (GTIA) s’inscrit pleinement dans lecadre des documents fondateurs du socle des forcesterrestres (FT), FT-013 et FT- 024, du centre de doctrine d’em-ploi des forces (CDEF), des directives de formation de la sous-direction de la formation et des écoles (SDFE) de la directiondes ressources humaines de l’armée de terre (DRHAT) et descirculaires du domaine de spécialités « combat des blind-és ». Elle comprend deux modules, l’un consacré au com-mandant d’un SGTIA (le module SGTIA), l’autre consacré autravail d’officier traitant en état-major de GTIA (le moduleGTIA) Seul le premier, dédié au SGTIA à dominante blindée,sera évoqué ici.

La formation à la mission opérationnelle est conduite selonl’option stratégique militaire «action de force» dans ses deuxphases les plus exigeantes, l’intervention (modes tactiquesoffensif et défensif «classiques») et la stabilisation (modetactique sécurisation avec une aptitude particulière à laréversibilité), s’inscrivant dans un conflit de type symé-

TémoignagesTémoignages

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trique, asymétrique ou dissymétrique, afin de sepréparer à une guerre générique et non pas à la guerre dumoment selon l’adage de : «qui peut le plus, peut le moins».Pour les officiers stagiaires du CFCU, elle recouvre essen-tiellement l’acquisition de la méthode de raisonnementtactique et l’étude exhaustive des principes et modalitésd’emploi, ainsi que des missions et procédés particuliersdes escadrons de cavalerie blindée organisés en SGTIAà dominante blindée, quel qu’en soit le matériel majeur,afin de leur permettre d’en maîtriser le commandement,l’emploi et la manœuvre au sein d’un GTIA à dominanteinfanterie ou blindée, le tout dans un cadre interarmeset numérisé.

DU NÉCESSAIRE RAISONNEMENT TACTIQUE AUNÉCESSAIRE EMPLOI DES ARMES

En début de stage et tout au long de celui-ci, les officiersstagiaires du CFCU apprennent à raisonner tactiquement ens’appropriant et en mettant en œuvre la méthode d’élabo-ration d’une décision opérationnelle (MEDO) définie dansl’EMP 60-6315, méthode simplifiée au niveau du comman-dant d’unité, outil privilégié d’étude de la mission reçueet d’élaboration des ordres dans le cadre du tiers temps[à partir de la réception d’un ordre, tout niveau de comman-dement doit livrer son ordre dans le tiers du temps restant àcouvrir avant que cet ordre ne soit exécutoire].

La MEDO leur permet de concevoir et d’élaborer leurmanœuvre tactique, d’une part en déterminant leur effetmajeur (l’objectif qu’ils veulent atteindre pour remplir leurmission), en y faisant apparaître leur effort sur leur ennemidans l’espace et/ou dans le temps, ligne directrice de toutel’action du SGTIA, d’autre part en déroulant leur moded’action (mode d’exécution de leur mission intégrant les inter-armes). Elle leur permet surtout de prendre leur décisiond’engagement, puis in fine de rédiger leur ordre opérationnelafin de donner des missions à tous leurs subordonnés.

Concurremment, s’appuyant sur l’EMP 35-2016 qui définitles principes de constitution, l’organisation du commande-ment et les modalités de l’intégration interarmes du SGTIA,ils étudient tous les savoir-faire communs et les missions duSGTIA à dominante blindée figurant dans l’ABC 35-101 dansle cadre des quatre modes d’action (offensif, défensif, sécuri-sation et assistance) définis dans le FT-02. Par ailleurs,outre le nécessaire volet de leur formation consacré à la col-lecte, à l’exploitation et à la diffusion de l’information, ils sontinstruits sur l’emploi idoine de leurs renforcements et deleurs appuis interarmes :

- emploi de l’infanterie et coopération interarmes :intégration des capacités intrinsèques de l’infanterie à lamanœuvre d’ensemble du SGTIA, avec, dans ce cadre par-ticulier, un échange d’officiers stagiaires d’une durée d’unesemaine avec la division de formation des futurs com-mandants d’unité (DFCU) de l’école de l’infanterie (EI) pourapprofondir leur connaissance mutuelle des deux armesde la fonction mêlée ;

- emploi des appuis (artillerie et génie) et dialogue inter-armes : intégration des capacités spécifiques de l’appuifeux pour l’artillerie et de l’appui à la mobilité et à la con-tre-mobilité pour le génie, à la manœuvre d’ensemble duSGTIA en termes d’effet à obtenir ;

-sans omettre le nécessaire et vital suivi logistique.

LA NUMÉRISATION DE L’ESPACE DE BATAILLE

Parallèlement, les officiers stagiaires suivent une formationà la numérisation de l’espace de bataille (NEB) sous la formed’un stage usager du système d’information régimentaire(SIR) de 10 jours (5 jours lors du module SGTIA et 5 jours lorsdu module GTIA) qui leur permet de mettre en œuvre le SIRdans tous les exercices joués, en axant principalement sonutilisation opérationnelle sur la conception des ordres et laconduite de l’action du SGTIA, en tant qu’outil d’aide au com-mandement avant et pendant l’action tactique.

3. Les exercices tactiques au CFCU de l’EC

Au cours de la formation à la mission opérationnelle dumodule SGTIA, les exercices tactiques joués par les officiersstagiaires sont déclinés selon un thème unique entièrementnumérisé se déroulant dans un contexte opérationnel d’actionde force dans ses phases intervention et stabilisation et dansune continuité tactique et géographique cohérente.

Ces exercices mettent en œuvre d’un à cinq SGTIA ad hoc àdominante soit blindée (confer le point 1.), soit infanterie,évoluant au sein d’un GTIA ad hoc7 à dominante blindée etd’une brigade IA de type décision ou multi-rôle en fonctionde la missions à remplir, tous les deux déployés en avancede phase d’une force opérationnelle terrestre (FOT) agissantsous commandement multinational et ayant pour objectif deretarder l’engagement et d’empêcher la conquête territo-riale de tout ou partie de l’Anjou par un ennemi génériquede type «GLAISE»8 et/ou «IRREGULIER»9.

Au total, 7 exercices tactiques de niveau 5 sont joués :- 4 CAX10 en terrain ouvert ;

- 2 CAXen action en zone urbaine (AZUR), l’un joué en parte-nariat avec l’EI lors de l’échange commun évoquéprécédemment, l’autre intégrant l’emploi du détachementinterarmes (DIA) à dominante blindée tel que défini dansl’ABC 56-11211 ;

- 1 FTX12 en action de partenariat (AP) permettant de déroulerun exercice de synthèse afin d’évaluer concrètement tousles officiers stagiaires en situation de commandementeffective sur le terrain (élaboration et conduite de l’action,élongations, bascule de poste de commandement,contraintes terrain…) d’un SGTIA à dominante blindée avectout ou partie de son environnement organique (pelotonsde cavalerie blindée et moyens de commandement) etsurtout de ses renforcements interarmes (infanterie,artillerie et génie).

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Ces exercices tactiques sont toujours joués selon le déroulétype suivant :

- 1 journée dédiée à l’étude de la mission tactique et à l’élab-oration des ordres, selon le plan : briefing de mission duGTIA, MEDO simplifiée du commandant d’unité et dialogueinterarmes, back brief au GTIA, rédaction et diffusion del’ordre initial du commandant d’unité aux subordonnés etrépétition de la manœuvre (rehearsal) ;

- 1 journée dédiée au jeu de l’exercice en simulation (avecanalyse après action systématique), soit sur le simulateurtactique ROMULUS, soit sur le simulateur tactique JANUS,le commandant d’unité étant placé en situation à la têted’un SGTIA virtuel avec ses moyens de commandementréels : véhicule de l’avant blindé (VAB) SIR ou véhiculeposte de commandement (VPC) SIR ;

- 1 journée dédiée au jeu de l’exer-cice en terrain libre avec moyensde substitution (avec analyseaprès action systématique), lecommandant d’unité étant placéen situation à la tête de son SGTIA(substitution) avec ses moyens decommandement réels : VAB SIRou VPC SIR

1 Ces deux types de SGTIA à dominante blindée constituent la structured’emploi de base dans tous les exercices tactiques du CFCU en fonctionde la nature de la filière des officiers stagiaires (char ou roues-canon).

2 Manuel d’emploi du SGTIA à dominante blindée, édition 2010.3 Gagner la bataille, conduire la paix, édition 2007.4 Tactique générale, édition 2008.5 Méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle, édition 2010.6 Manuel du SGTIA, édition 2009.7 GTIA à dominante blindée constitué de 4 à 5 SGTIA, avec de 3 à 4 SGTIA à

dominante blindée (2 roues-canon et 1 ou 2 char) et 1 SGTIA à dominanteinfanterie mécanisée.

8 EMP 20-611 TTA 808 tome II/1 sur l’ennemi générique pourl’entraînementet l’instruction des forces terrestres (armées classiques),édition 2006.

9 EMP 20-611 TTA 808 tome III sur l’ennemi générique pour l’entraînementet l’instruction des forces terrestres (forces irrégulières), édition 2007.

10 Computer assisted exercise.11 Mémento sur l’emploi du DIA à dominante blindée, édition 2010.12 Field training exercise.

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LLa formation à la mission opérationnelle au CFCU de l’EC s’inscrit bien dans le droit fil des deuxdocuments fondateurs du socle qui décrivent les conditions actuelles d’engagement des FT enopération. Elle met résolument l’accent sur l’acquisition concrète par les officiers stagiaires des

outils (MEDO simplifiée) et savoir-faire techniques et tactiques, leur permettant, en fin de stage, demaîtriser efficacement le commandement, l’emploi et la conduite de la manœuvre d’un SGTIA àdominante blindée, évoluant au sein d’un GTIA à dominante infanterie ou blindée, le tout dans un cadreinterarmes, un espace de bataille numérisé et ce, quelle que soit la typologie de l’engagement.

Constituant la partie fondamentale de la formation dispensée au CFCU de l’EC, la formation à la missionopérationnelle constitue donc bien le cœur de métier de l’EC et le cœur de formation du CFCU

TémoignagesTémoignages

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La formationdes lieutenants d’artillerieCAPITAINE (TA) ARNAUD CHERBONNEL/ECOLE DE GUERRE

DDurant son année au groupement d’application (GA), le lieutenantd’artillerie doit acquérir les connaissances nécessaires pour occuper lesfonctions opérationnelles tenues par un jeune officier en corps de troupe,

instruire et entraîner sa section, assumer les responsabilités organiques de chefdans le domaine de la gestion du personnel. Pour atteindre ce but, l’écoled’artillerie organise la formation au GA en considérant que les lieutenantsdoivent être capables à l’issue de leur scolarité :

� de remplir immédiatement leur mission opérationnelle dès qu’ils rejoignent leurs unités, cequi englobe l’éventualité d’une projection extérieure (sous réserve de l’accomplissement dela MCP),

� de maîtriser les apprentissages du temps de paix.

Ceci suppose de posséder les connaissances de la coordination des feux au sol et dans la troisièmedimension, mais aussi de développer la capacité de conseiller le chef interarmes, ce qui imposeune formation mettant l’accent sur «le segment de l’avant» et la manœuvre interarmes.

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Un apprentissage qui s’articule autour de trois piliers

• Le premier est constitué par les qualités individuelles dechaque lieutenant, héritées ou acquises, de leur bagageintellectuel et de leur sensibilité propre, développés enécole de formation initiale ou au cours de leur premièrepartie de vie et de carrière.

• Le second réside dans l’acquisition d’un savoir-faire le pluscomplet possible, dans le cadre général de l’apprentissagedu métier d’artilleur et dans le cadre particulier de laspécialité choisie par les lieutenants. Les connaissancestechniques, la capacité tactique, les qualités physiques etsportives, l’aptitude à commander sont développées.

• Le troisième, et non le moindre, repose sur l’appro-fondissement de la culture, du caractère et de la réflexionpersonnelle afin de donner à chaque lieutenant uneautonomie optimale dans la plupart des configurationsqu’ils seront amenés à rencontrer, dans le but ultimed’acquérir la qualité la plus rare et la plus positive quepuisse souhaiter avoir un officier, à savoir l’intelligence desituation.

Un cycle de formation en trois phases

L’instruction est organisée selon une progression répartieen trois périodes.

• Le cycle débute par un tronc commun général de forma-tion d’artilleur, suivi de plusieurs mois consacrés à laconnaissance des fonctions de chef de section dans undomaine de spécialité (FDP1 ou DSA2). Il se termine par lamaîtrise du premier emploi tenu en unité. De septembreà mi-octobre, il s’agit d’apprendre les caractéristiques etles missions de l’artillerie sol-sol et sol-air et de déve-lopper la culture d’arme.

• La deuxième phase est, quant à elle, consacrée à l’acqui-sition des connaissances du domaine de spécialité et à laformation sur les systèmes d’armes équipant en doubledotation l’ensemble des unités DSA (canon 20 mm,MISTRAL) ou FDP (mortier). Elle se termine fin février.

• La dernière période, de mars à juillet, a pour objectif demaîtriser la 1ère fonction que le lieutenant occupera dès son

affectation en corps de troupe. Cette ultime phase permetdonc de conduire une formation approfondie sur le matérielchoisi et sur la spécificité du régiment dans lequel chaquelieutenant servira. L’effort est également fait sur l’appren-tissage des savoir-faire tactiques, en s’appuyant sur uneexcellente connaissance de la chaîne artillerie et del’environnement interarmes.

Une mise en œuvre qui s’articuleautour de trois principes

fédérateurs

Afin de pouvoir répondre à cesexigences en matière de formation,

le premier principe pouvant êtredégagé est la responsabilisation.

Le lieutenant doit gagner enautonomie et pour cela, les

activités qui visent à développer le sens de l’initiative sontsystématiquement recherchées. En effet, il faut savoir pré-parer des ordres cohérents, expliquer le sens de son actionpuis vérifier leur exécution par un contrôle approprié. Chaquelieutenant participe ainsi à l’élaboration de la mission enpréparant la montée en puissance des exercices.

Ensuite, la mise en situation est sans cesse recherchée.Il faut mettre autant de fois que possible l’officier élève à latête d’une section soit en situation réelle soit par des moyensde substitution (simulateur). Ces mises en situation decommandement permettront au lieutenant de remplir samission opérationnelle dans le cadre d’un sous-groupe-ment tactique interarmes. Le drill dans la fonction ainsi queles manœuvres avec des régiments partenaires offrent lapossibilité au stagiaire de servir au niveau de respon-sabilités qui sera le sien. Très concrètement, chaque lieu-tenant occupe la fonction de chef de section dans le cadredes partenariats, au cours du séjour à DJIBOUTI et au CIA-DA3, pour un total d’environ 80 heures cumulées.

Inscrite dans le cadre de la démarche qualité de l’écoled’artillerie, la formation n’est pas figée, mais s’adapte à laréalité des engagements récents. Elle est évaluée par lesstagiaires eux-mêmes et par l’encadrement de contact aucours de l’année d’application, puis par les chefs de corpsquelques mois après l’affectation des jeunes lieutenantsdans leur régiment. Le but est de voir si les objectifs del’instruction répondent aux attentes des uns et des autres.Par ailleurs, le retour d’expérience est privilégié au traversde conférences ou de témoignages et le contenu de la for-mation est revisité chaque année. Cette volonté incessanted’adaptation du cycle d’instruction est exigeante mais ils’agit là d’une démarche pragmatique incontournable pourfaire correspondre la formation aux nécessités de la prépa-ration et de l’engagement opérationnels.

Enfin, l’artillerie est bien consciente qu’elle ne travaille paspour elle-même. Son rôle est bien d’appuyer par ses feuxsol-sol et sol-air d’autres unités sur les différents théâtres

«Afin de remplir parfaitement samission, il est indispensable de savoircomment les autres travaillent. La cultureinterarmes et interarmées est donc unapprentissage largement dispensé.»

TémoignagesTémoignages

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 33

Page 34: Doctrine 21 Fr

d’opération. Afin de remplir parfaitement sa mission, il estindispensable de savoir comment les autres travaillent. Laculture interarmes et interarmées est donc un appren-tissage largement dispensé. Les exercices en terrain libreou sur simulateur sont construits dans ce sens. Le lieute-nant FDP ou DSA est une force de proposition dans lecadre de la MEDO4 conduite par le capitaine fantassin oucavalier, commandant de SGTIA.

Dans le domaine FDP, le centre de gravité de la manœuvreinterarmes se situe clairement au niveau du segment avant.Les officiers élèves destinés à occuper un emploi d’obser-vateur doivent être capables d’effectuer des demandes detir d’artillerie, mais également des tirs à partird’aéronefs (enseignements assurés à l’EA et au CFAA5)ou même effectuer des demandes d’appui feu naval (instruc-tion AFN6 à Toulon), ce qui nécessite une excellenteconnaissance de la manœuvre des unités de mêlée ainsique des possibilités des moyens d’agression des forcesaériennes et navales.

Dans le domaine DSA, si le dialogue avec l’armée de l’air atoujours été recherché, il devient une réalité encore plusprégnante avec la montée en puissance du programmeMARTHA7. Celui-ci permet de coordonner et de dialoguer entemps réel avec l’ensemble des intervenants dans la3ème dimension (avions, drones, tirs sol-sol, ALAT).

Le lieutenant d’artillerie, riche de ses connaissances et desa compréhension générale de la manœuvre des autrescomposantes des forces est donc plus que jamais au cœurdu combat interarmes et interarmées dans sa missiond’appui au sein d’un sous-groupement tactique interarmes

1 Feux dans la profondeur.2 Défense sol-air.3 Camp interarmes des divisions d’application.4 Méthode d’élaboration à la décision opérationnelle.5 Centre de formation à l’appui aérien.6 Appui feux navals.7 Maillage des radars tactiques pour la lutte contre hélicoptères et aéronefs à

voilure fixe.

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 34

AAu bilan, l’année d’application à l’écoled’artillerie se veut très concrète et prochedes réalités des conflits dans lesquels les

forces françaises sont engagées. L’enseignementdes vertus cardinales que sont la rigueurprofessionnelle, l’enthousiasme, la volonté et lacamaraderie permet au jeune officier de l’artilleriede s’engager sereinement aux côtés de sescamarades des unités de mêlée pour leurapporter, à bon escient et au moment voulu,l’appui feux nécessaire à la réussite de leurmission.

La création des Ecoles Militaires de Draguignanest une formidable opportunité d’approfondir ledialogue avec l’école d’infanterie, maiségalement avec l’école de l’aviation légère del’armée de Terre en développant des synergies enmatière de formation.Enfin, la réorganisation récente et non encoreachevée des régiments d’artillerie où la distinctionsol-sol et sol-air tend à s’amenuiser doit conduirel’EA à explorer de nouvelles pistes pour laformation de ses lieutenants. Des évolutionssensibles sont donc envisagées à moyen terme.

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Page 35: Doctrine 21 Fr

Les principes de formationdes lieutenants du génie

CHEF DE BATAILLON XAVIER THIEBAUT - ECOLE DU GÉNIE/DEP - CHEF DU BUREAU ÉTUDES GÉNÉRALES

LLe génie est caractérisé par la diversité et l’importance du nombre desavoir-faire à maîtriser. Intervenir sur un engin explosif ou coulerune dalle de béton doivent faire partie du fond de sac du lieutenant.

Simultanément, au sein d’un sous-groupement, il doit faire preuve de lamême aisance tactique que ses camarades des autres armes.

Ce large éventail de connaissances à acquérir a toujours été la difficultéde la formation des lieutenants du génie. De surcroît, l’évolution rapide dela nature des opérations implique, aujourd’hui, une adaptationpermanente de la formation au besoin opérationnel.

L’évolution rapide des engagements implique une adaptation permanente dela formation des lieutenants du génie, afin de répondre au besoinopérationnel. Les priorités du moment sont la lutte contre les IED, la RH decommandement, l’appropriation de l’environnement interarmes et ledéveloppement de la rusticité.

TémoignagesTémoignages

Une population de provenances et à destinationstrès variées, ponctuellement réunie pour un objectifcommun

AAla division d’application, il s’agit de former des chefs desection aptes à assurer leur premier emploi opérationneldans leur formation d’affectation. Or, pour ajouter à la

complexité mentionnée en introduction, ce premier emploi peutrevêtir des caractéristiques très différentes. En effet, le lieu-tenant du génie d’un SGTIA évolue au sein d’une populationvariée comprenant des camarades destinés à servir dans desunités d’appui général (travaux, infrastructure, énergie), NRBC,de sécurité civile ou à la BSPP. Si cette diversité culturelle apporteune plus-value évidente à chacun d’entre eux, elle constitue unvéritable casse-tête quand il s’agit de faire évoluer unprogramme de formation équilibré, harmonieux et répondantaux objectifs de tous.

La solution permettant de donner à chacun l’instruction dontil a besoin a été de diviser l’année scolaire en deux phases.

Elle commence par un tronc commun destiné à préparerl’engagement opérationnel d’une section, conduire unemission tactique et appliquer les principes d’engagementdu génie en opérations tout s’appropriant les règles de basedes ressources humaines nécessaires.

Pour les futurs lieutenants sapeurs des SGTIA ellese poursuit ensuite par un module différencié axé surle combat, les préparant plus spécifiquement aux particu-larités du commandement d’une section de combat,qui prend en compte ses aspects incontournables, à savoirl’engagement dans un contexte multinational, l’engagementen zone urbaine, la lutte contre les IED, l’aide au déploiement,la numérisation, l’aguerrissement et la rusticité.

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 35

Page 36: Doctrine 21 Fr

Une formation actualisée pour répondre au besoinopérationnel

Afin de pouvoir garantir le meilleur appui possible enopérations, l’effort immédiat a été porté sur le CIED. Ainsi,le futur chef de section acquiert la capacité de conseillerson chef tactique, d’organiser et de conduire des mis-sions dans les domaines EOD et fouille opérationnelle.Ensuite, il s’agit d’acquérir un socle minimal de connaissancesdans le domaine de l’aide au déploiement, travaux deterrassement et d’infrastructure sommaires (les missionsrelatives à la production, au transport et à la fourniture d’eauet d’énergie restant l’apanage des spécialistes).

A ces deux dominantes s’ajoutent ensuite l’éventail completdes missions plus traditionnelles du génie, du bouchon demines au franchissement. A ce stade, il est devenu un bontechnicien.

«Comme un poisson dans l’eau» dans son sous-groupement

Mais connaître l’aspect technique de sonmétier n’est pas suffisant. En effet, le sapeuren opérations évolue dans le même cadreespace-temps, sous la même pression del’adversaire que les autres composantesde son SGTIA. Dans ce cadre, il est impé-ratif qu’il possède le même aguerrisse-ment physique et moral, la mêmeaisance avec les procédés tactiques queles autres officiers qu’il côtoie. Même sice volet relève en partie de la responsabilitédes organismes de formation initiale, l’hétéro-généité de la population (OSC, OST) impliquede garantir un socle vital minimal à chacun,et le caractère permanent de l’entraînementphysique et moral implique de maintenir lapression à un niveau suffisant durant toute

l’année d’application afin que les nouveaux chefs de sectionarrivent «affûtés» dans leurs régiments. Un changement deton assez radical a donc été opéré pour atteindre cet objectifmultiple : le style athlétique et olympique des activités physiquess’est effacé au profit d’un ton beaucoup plus militaire visant àdévelopper résistance, endurcissement et agressivité.

La juste place du combat

Le RETEX,principalement provenant du théâtre afghan, montreque les sapeurs sont de plus en plus employés en tantque soldats, plus qu’en tant que spécialistes. Même sicette tendance n’est pas à rechercher afin de rationaliser l’em-ploi de spécialistes chèrement formés, la réalité opérationnellesouligne l’importance de faire acquérir aux jeunes officiersun niveau minimal en combat débarqué. Il est évident quele lieutenant n’apprendra pas deux métiers au lieu d’un en unan, celui de sapeur étant déjà suffisamment complexe ne lais-sant pas le temps nécessaire à l’acquisition de celui de fan-tassin qui demande aussi un an à Draguignan. Néanmoins cetimpératif est pris en compte

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 36

LLes ingrédients sont réunis pour que le lieutenant du génie, puisse, en un mot, appuyerefficacement son sous-groupement  : le sapeur, spécialiste compétent, conseille son chef etréalise des missions à son profit. Il n’est pas une contrainte pour ses proches, on est content de

le voir arriver et il combat parmi ses camarades.

Tout cela a l’air assez nouveau, implique un certain changement de portage dans l’esprit de l’instruction,un mélange de retour aux fondamentaux mâtinés d’adaptation permanente aux enseignements desRETEX les plus récents. Pourtant, une vieille affiche américaine de la deuxième guerre mondiale incitantà s’engager dans le génie de l’US Army montre un sapeur à l’air confiant et solide, avec dans une main unfusil et dans l’autre une pelle. Cette vision résume tout : c’est celle d’un sapeur qui fait la guerre, et c’esttout simplement de cela qu’il s’agit aujourd’hui

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Page 37: Doctrine 21 Fr

La simulation pour l’entraînement

des SGTIACHEF D’ESCADRONS JEAN-GABRIEL HERBINET/ BUREAU SIMULATION OPÉRATIONNELLE DSRO/CDEF

LLa force d’un sous-groupement tactique ne se résume pas à une addition d’hommes etd’équipements. Elle dépend d’abord de ce savoir que Foch mentionnait quand ilécrivait : «Dès lors, pour y [à la guerre] pouvoir un peu, il faut savoir beaucoup et bien»

et ainsi de la maîtrise de savoir-faire collectifs. Leur acquisition et leur entretien au rythmedes évolutions de la doctrine et de l’apparition de nouveaux équipements doivent aussi sefaire dans le respect de contraintes financières de plus en plus sévères et de restrictionsimposées en temps de paix. La simulation constitue alors un moyen efficace autant pourassurer la meilleure performance opérationnelle des SGTIA qu’elle l’est déjà pourl’instruction individuelle.

L’armée de Terre dispose de moyens variés et complémentaires qu’elle adapteprogressivement pour satisfaire une partie de ce besoin. L’arrivée du simulateur OPOSIA1 àpartir de 2012 au CENTAC, puis éventuellement dans les organismes de formation et lesrégiments, développera les possibilités existantes et permettra de prendre en comptepleinement les conflits actuels et les apports techniques liés à la numérisation. Cesimulateur est spécialement dédié au niveau GTIA, section peloton inclus.

TémoignagesTémoignages

LLes systèmes de simulation employés pour entraînerles SGTIA procurent déjà des possibilités multiples,allant des exercices à double action avec moyens

organiques au CENTAC grâce au système d’instrumentationCENTAURE jusqu’aux exercices de procédure réalisés enorganisme de formation ou en régiment avec ROMULUS quifournit une animation sur écran d’ordinateur. Des moyenscomplémentaires, comme SYSIMEV2 au CENTAC, ontprouvé l’intérêt d’une simulation apportant une visuali-sation 3D pour entraîner les commandants d’unité et leurssubordonnés à manœuvrer ensemble dans le cadre du SGTIA.Ce moyen employé lors de la semaine de préparation d’unerotation au CENTAC a permis d’améliorer sensiblementle rendement des SGTIA lors du premier des quatre joursd’exercice avec moyens organiques.

Les moyens actuels demeurent cependant insuffisants pourdiverses raisons :- Au CENTAC, la disponibilité et le coût des créneaux

d’entraînement restreignent les possibilités d’entraînementinstrumenté au plus proche de la réalité opérationnelle.

Les imperfections de l’instrumentation limitent égalementla possibilité de restituer certains effets, en particulier ceuxdes appuis feu.

- Le principe même des simulations dites constructives detype ROMULUS ou JANUS impose aux joueurs d’êtredissociés du système de simulation mais alors, la représen-tation de la situation sur une simple carte est insuffisantepour restituer aux entraînés une perception de qualité deleur environnement et de leurs actions. Or le niveau duSGTIA, et plus encore ceux de la section ou du peloton,exigent d’être au contact du terrain et de l’environnementopérationnel. Les systèmes d’entraînement ne peuvent s’enaffranchir.

La numérisation provoque également une évolution du besoin.Les moyens employés pour l’entraînement doivent nourrirles systèmes d’information et de commandement (SIC) autantque les sens des joueurs mis en situation. Leur emploi estdésormais incontournable dans le cadre des procéduresopérationnelles.

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 37

Page 38: Doctrine 21 Fr

Pour toutes ces raisons l’armée de Terre a exprimé depuis2006 un besoin pour une nouvelle simulation qui devra êtreprioritairement déployée au CENTAC : OPOSIA.Le processus de réalisation industrielle est en cours dedémarrage ; il a pour objectif de créer un système qui apporteune représentation de l’environnement en trois dimensions,représentation de très haute qualité, qui restitue tous leseffets des appuis et qui intègre les systèmes d’informationen service avec une restitution fidèle des fonctionnalités desSITEL3, SIT V14 et SIT COMDE5 ou du TTO ATLAS6.Les possibilités en matière d’animation par l’utilisation d’au-tomates seront également développées pour pouvoir enrichirles scénarii et limiter les effectifs nécessaires au déroule-ment d’un exercice.

Sur chacune des trois plates-formes de quinze postesqui sera disponible au CENTAC, il sera donc possibled’entraîner un commandant de SGTIA numérisé avec sessubordonnés (chefs de section ou de peloton, chef de sec-tion du génie, observateur d’artillerie, contrôleur aérien, chefdu TC1). Chacun d’entre eux animera son unité en bénéficiantde mécanismes d’automatisation pour assurer un rendu com-plet de la situation.La même plate-forme pourra également accueillir l’en-traînement d’un DIA. Les postes sont alors occupés par leschefs d’engin et chefs de groupe avec une restitution fidèlede l’environnement interarmes.Ces trois plates-formes du CENTAC pourront également êtrecouplées. Il sera donc possible d’entraîner les commandantsde SGTIA dans le cadre de la manœuvre d’ensembled’un GTIA. Les dimensions duprincipal terrain disponible(plusieurs dizaines de kilomètresautour de Mailly avec unenrichissement varié) commel’existence à terme de bases« désert » et « brousse » don-neront la possibilité de varier lesscénarii et de s’affranchir ducadre strict de l’échauffementavant rotation au CENTAC.

OPOSIA permettra surtout uneimmersion des entraînés et desjoueurs dans un environnementvirtuel nettement plus évoluéqu’avec les systèmes actuelle-ment disponibles.Cela passe bien sûr par unereprésentation graphique degrande qualité de l’environ-nement extérieur dans une vue3D. Un autre aspect de la simu-lation, moins immédiatementperceptible, est néanmoinsd’une importance capitale :l’animation tactique. Une étudede l’armée de Terre américaine7,effectuée auprès des officiers enformation de commandant decompagnie d’infanterie ayant

pour leur majorité une expérience opérationnelle en Irak ouen Afghanistan, souligne que le réalisme de l’entraînementdépend plus du comportement tactique de l’ennemi (actesélémentaires collectifs) que du rendu graphique de chaqueindividu. Le calcul des détections, des tirs et des destructionsne sera donc qu’une partie du logiciel. Des composantsd’ «intelligence artificielle» y seront incorporés pour donnerla possibilité de faire évoluer les acteurs synthétiquesconformément à une doctrine de référence, en fonction duterrain, de la situation perçue, de la mission reçue, et desrègles d’engagement. La modélisation de cette logiqued’ensemble des comportements, décalque des actesréflexes et actes élémentaires, demandera une expertiseopérationnelle exigeante qui sera apportée sous la directionde la DSRO8 du CDEF.

Dans ce projet, il est également recherché une facilitémaximale de mise en œuvre pour les entraînés comme pourle personnel chargé de l’administration du système et de lapréparation des exercices. La DSRO, en charge de ce projetpour l’armée de Terre, mettra à profit l’expérience acquiseavec SCIPIO9 et JANUS et collaborera étroitement avec leCENTAC pour assurer un accompagnement opérationnelperformant auprès de l’industriel. Dans la perspective d’unemploi ultérieur plus étendu de ce système, une contri-bution sera également demandée aux organismes deformation. Une capacité d’adaptation est aussi acquise afinde pouvoir générer les forces et les terrains nécessaires poursimuler les engagements du moment. Il s’agira de concevoir

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 38

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Restitution 3D d’un village

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En finale, OPOSIA constituera un point de départ pour les systèmes d’entraînement associés au

projet SCORPION10 et servira de référence pour préparer l’avenir des systèmes d’entraînement.

Avec les outils d’adaptation, il pourra également être employé à la mise en condition avant

projection voire, avec des déploiements légers, à la répétition de mission. Une modélisation précise du

terrain d’engagement comme de l’ennemi et de ses tactiques sera employée pour « driller » les équipes

de commandement des SGTIA à leur future mission.

TémoignagesTémoignages

un outil qui réponde effectivement au besoin en matière depréparation des forces et de disposer des moyens néces-saires pour l’adapter aux évolutions en matière d’équipementdes forces, de doctrine et de méthodes pédagogiques.

Puis dans une seconde phase, il est prévu de déployer pluslargement OPOSIA dans les organismes de formation et lescorps de troupe. Si l’objectif recherché d’un emploi le pluslarge possible de ce système d’entraînement sera atteint parla contribution de tous les participants au projet, deuxprincipes essentiels devront les guider :- premièrement, le système d’entraînement ne vaut que par

l’emploi pédagogique qui en est fait. Il est un outil dans lesmains de l’instructeur qu’il ne peut en aucun cas remplacer,

- deuxièmement, l’instructeur et l’entraîné doivent pouvoirs’abstraire autant que possible de la technique de mise enœuvre. Un effort d’intuitivité et de simplicité doit donc êtregaranti lors de la conception.

1 OPOSIA (Outil de Préparation Opérationnelle des Sous groupementstactiques InterArmes) : système de simulation destiné à remplacerSYSIMEV.

2 SYSIMEV : SYstème de SIMulation et d’Entraînement Virtuel3 SITEL : Système d’Information Terminal Elémentaire4 SIT V1: Système d’Information Terminal5 SIT COMDE : Système d’Information Terminal du Combattant

Débarqué6 TTO ATLAS : Terminal Tactique Opérationnel du système

d’Automatisation des Tirs et Liaisons de l’Artillerie Sol-sol: 7 Exploring the Use of a Massive Multiplayer Game (Mmpg) to Train

Infantry Company Commanders, Dr. Scott A. Beal, U.S. ArmyResearch Institute (IITSEC Paper 2009 n°9007). Cette étude a étéprésentée lors de l’Interservice Industry Training and Simulation andEducation Conference de décembre 2009.

8 DSRO : Division Simulation et Recherche Opérationnelle9 SCIPIO : Simulation de Combat Interarmes pour la Préparation

Intéractive des Opérations10 SCORPION : programme d’armement structurant pour l’armée de

terre et répondant à une des grandes priorités du Livre blanc, laremise à niveau des moyens des forces terrestres ; ce programmedoit assurer la modernisation des groupements tactiques interarmes(GTIA). Le lancement du stade d’élaboration du programme a étédécidé le 22 février 2010 en conseil ministériel d’investissement(CMI).

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 39

Page 40: Doctrine 21 Fr

Le combatdes sous-groupements de la 2ème D.B.

LIEUTENANT-COLONEL CLAUDE FRANC - CM/DDO - CDEF

DDans ce numéro consacré au combat des capitaines età l’emploi des sous-groupements interarmes, il aparu judicieux de remonter à la source des sous-groupements, articulation codifiée dès l’avant-guerre et qui a été remarquablement mise en œuvrelors des campagnes de la Libération. (NdR)

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 40

Le Chef d’escadrons GRIBUIS, commandant de sous-groupement,

reçoit ses ordres du Général de LANGLADE

Page 41: Doctrine 21 Fr

LLes groupements et sous-groupements

immortalisés par les divisions blindées de

l’armée de la Libération1 trouvent leur

origine dans l’Instruction pour l’emploi des

grandes unités de 1936, dite IGU 36.

L’armée française a en effet mis sur pied sa

première grande unité blindée, en 1934, la

division légère mécanique (D.L.M.), appelée à

moyen terme à devenir la grande unité type de la

c a v a l e r i e . C e t t e d i v i s i o n e st a r t i c u l é e

organiquement en deux brigades, l’une de chars à

deux régiments et l’autre comprenant un régiment

de découverte2 et un régiment de dragons portés

qui constituait alors une véritable infanterie

portée3. Paradoxalement, cette articulation

régimentaire ne correspond pas toutefois aux

conditions d’engagement de la division, destinée à

l’exploitation plus qu’à la rupture. Aussi, sous

l’impulsion du général Georges, les rédacteurs de

l’IGU se sont appliqués à préciser la constitution

de groupements mixtes, soit de découverte, soit de

combat, sur la base des escadrons de dragons

portés (9 répartis en 3 bataillons) avec soit, des

escadrons de découverte sur leurs AMD4 Panhard,

soit de chars, des SOMUA, sous forme de

groupements de découverte ou de combat.

Leclerc, lui même cavalier, a préparé le concours

de l’Ecole de guerre à Saint Cyr5 entre 1936 et

1938. Comme tous ses camarades candidats, l’IGU

est un véritable livre de chevet, afin de résoudre

les thèmes tactiques auxquels il est astreint.

Par ailleurs, après le début de la Seconde guerre

mondiale, l’armée américaine doit assurer sa

montée en puissance, seule la Flotte ayant été

développée en temps de paix. Marshall confie

alors la formation des officiers de l’Armour6 à

Patton qui s’installe à Fort Benning. Francophile et

ayant conservé un vif souvenir de son séjour sur le

front de France en 1918, celui-ci monte des

exercices en s’inspirant des règles édictées par

l’IGU 36. C’est ainsi qu’il en vient à prôner la

dissociation des brigades organiques de la toute

nouvelle armoured division pour constituer des

groupements, dénommés Combat Command. C’est

ainsi que par un curieux retournement de

l’histoire, la Wehrmacht sera vaincue en Europe

par une armée qui s’est directement inspirée de la

doctrine de l’armée française écrasée en 19407

« par la force mécanique ».

Leclerc était tellement imprégné de cette notion

de groupements qu’en février 1941, ayant

rassemblé à Faya-Largeau une colonne de

circonstance, constituée d’éléments hétérogènes,

il l’articule en un groupement mixte de découverte

et deux de combat et c’est à leur tête qu’il se lance à

l’assaut du fort d’El Tag dans l’oasis de Koufra à

l’issue d’une infiltration de près de 1000 kilomètres

dans le désert libyen. Lorsque la mise sur pied de la

2ème D.B. lui est confiée au Maroc fin 1943, d’emblée,

il organise sa division sous la forme de trois

groupements tactiques (GT) dont il confie le

commandement à ses trois chefs de corps les plus

anciens, chaque GT reprenant l’initiale du patronyme

de son chef : Dio, commandant le RMT8, Langlade le

12ème R.C.A et Warabiot le 501ème R.C.C.9. Les sous-

groupements seront confiés, pour le R.M.T. aux

commandants de bataillon et pour les régiments de

chars aux officiers supérieurs des régiments

respectifs. Leurs noms vont rapidement devenir

célèbres : parmi eux, il suffit de citer Guillebon, La

Horie, Rouvillois, Cantarel, Quilichini, Noiret,

Massu ou Putz.

Cette organisation en sous-groupements, très

souple, non figée et adaptable aux circonstances,

(noyau dur d’un ou deux escadrons de chars, une

compagnie d’infanterie, un peloton de TD10, des

éléments d’éclairage et un DLO) permet un style de

commandement très décentralisé et imprimait un

rythme rapide à la manœuvre. Depuis un PC

tactique, Leclerc peut ainsi, en conduite,

commander directement les sous-groupements de

tête, le PC principal prenant à sa charge les

indispensables mesures de coordination avec les

groupements. En outre, s’agissant du maintien du

rythme de la manœuvre, il n’est pas remis en

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 41

Hi s t o i reHi s t o i re

Page 42: Doctrine 21 Fr

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 42

question par des réarticulations en cours d’action,

les unités étant déjà mixées, ce qui facilite

également les rattachements logistiques. L’emploi

de ces sous-groupements de circonstance devient

presque systématique.

C’est ainsi qu’en Normandie, entre Le Mans et

Alençon, face aux bouchons anti chars mis en

place par la 9ème Panzer dans le cadre de son action

de retardement, Leclerc a pu décupler le

rendement des unités des groupements Dio et

Langlade en utilisant tous les axes libres. Il va

même, avant Alençon, jusqu’à constituer lui-

même un sous-groupement de circonstance,

confié à Noiret, avec lequel il peut s’emparer du

pont d’Alençon, objectif de Langlade qui fut fort

dépité d’y être coiffé par son chef et de s’y faire

copieusement «engueuler».

A Paris, tandis que le groupement Billotte est

ralenti sur l’axe de la RN 20, Leclerc confie à

Dronne un détachement mixte, sa compagnie du

RMT, un peloton de chars11 et un peloton de

reconnaissance du 1er Spahis avec mission de

précéder les gros de la division en s’infiltrant

jusqu’à l’Hôtel de Ville, objectif à atteindre une

heure plus tard. Quant aux sous-groupements de

Langlade, devant aborder Paris par l’Ouest, c’est

par des itinéraires détournés qu’ils atteignent les

ponts de Sèvres et de Saint Cloud.

A Baccarat, le sous-groupement Rouvillois pénètre

dans la ville par le Nord, alors que les Allemands

sont fixés face au sud par le reste du «GT D».

Mais la plus belle manœuvre des sous-

groupements demeurera le forcement de la ligne

de défense des Vosges, permise grâce à l’action du

sous-groupement la Horie à Badonvilliers, le

double débordement de la résistance de Saverne –

au nord par Quilichini à la Petite Pierre et au sud

par Massu par Dabo - et la «charge» en plaine

d’Alsace en exploitation via Strasbourg de

l’ensemble de la 2ème D.B., largement déployée en

sous-groupements pour aborder simultanément

toutes les résistances12 défendant les accès de la

capitale alsacienne dont la garnison capitule très

vite. Malheureusement, peu adaptée au combat en

zone urbaine, du fait de la faiblesse quantitative

de son soutien d’infanterie, la division ne peut

atteindre le pont de Kehl et Strasbourg demeurera

sous le feu allemand jusqu’au contrôle de la plaine

de Bade par la 1ère Armée en avril suivant.

Le Colonel NOIRET Commandant du 12è Cuirassiers s’entretient avec

le Capitaine JEANNEY, affecté aux Liaisons de l’Etat-Major

de la Division avec l’US Army.

Le Lieutenant-colonel ROUVILLOIS

qui succéda au Colonel NOIRET, fin 1944.

Page 43: Doctrine 21 Fr

Témoignage de la vigueur de leur engagement, le

tribut payé par les commandants de sous-

groupements n’a pas été anecdotique puisque

deux d’entre eux, La Horie avant les Vosges et Putz

en Alsace ont été tués au combat.

Cette recherche de la valorisation des capacités de

manœuvre par un mixage systématique des unités

et par une adaptation permanente de ceux-ci au

terrain et à l’ennemi est un souci constant chez

Leclerc.

Pour la rédaction de ses ordres quotidiens, Leclerc

avait donné comme consigne à son état-major de

consacrer un paragraphe aux enseignements des

combats livrés la veille par les unités de la division

et s’en réserve souvent personnellement la

rédaction. Dans l’OPO de la 2ème D.B. du 11 août,

on peut y lire :

« L’expérience de cette première journée de

guerre est qu’il est indispensable, en

fonction du terrain et des facilités qu’il

donne à l’ennemi dans sa mission de

combat retardateur, de faire le maxi-

mum de détachements de toutes nature

(1 peloton de chars, 2 sections d’in-

fanterie, 1 groupe13 de TD, quelques

obusiers), chacun de ces détachements

étant lié à un axe ou une zone. C’est dans

leurs zones respectives que chacun

des commandants de sous-groupements

doit manœuvrer ses détachements et

c’est entre ces commandants de sous-

groupements que le commandant de

groupement doit établir son idée de

manœuvre. »

On ne saurait mieux illustrer l’emploi actuel

des sous-groupements tactiques interarmes,

redécouverts il y a quelques années

1 Au sein des 1ère et 5ème D.B., ils avaient conservé l’appellation

américaine de combat command, tandis que Leclerc avait francisé

ce terme en groupement tactique (GT) au sein de sa division.

2 Terme de l’époque pour désigner l’actuelle notion d’éclairage,

quoiqu’au niveau divisionnaire, la découverte de l’époque ait une

portée plus profonde que l’actuel éclairage.

3 Ce qui n’existait pas dans l’infanterie, puisqu’au sein des régiments

d’infanterie motorisés, seuls les trains de combat étaient

réellement motorisés, les bataillons étant uniquement

transportés par camions et ne disposaient d’aucun véhicule de

combat.

4 Automitrailleuses de découverte (tourelle armée d’un canon de

25, puis de 47 mm).

5 Il commande alors l’escadron au sein duquel sont rassemblés les

candidats cavaliers, il impose à la hiérarchie de l’école qui y était

assez récalcitrante, un exercice blindé en terrain libre en fin de

seconde année, dit «exercice DLM». Voir à ce sujet les souvenirs du

général Compagnon (34-36) dans sa biographie définitive

consacrée à Leclerc.

6 L’arme blindée.

7 Pour des raisons tenant à l’histoire, aux évolutions doctrinales, aux

matériels en dotation, à l’état d’esprit général du pays, cette

doctrine n’a été que très imparfaitement appliquée par le

commandement français en 1940, bien que son inspirateur, le

général Georges, fût numéro deux au sein du haut-

commandement.

8 Régiment de marche du Tchad.

9 Une fronde des capitaines commandant ayant éclaté pour ne pas

servir sous les ordres du colonel Warabiot, non FFL d’origine, a

amené ce dernier à résilier son commandement, et bien que le

commandement de son « GT » ait été confié au colonel Billotte, il

conservera néanmoins l’appellation de GT «W».

10 Tank Destroyer : chasseur de chars. Un châssis de Sherman et une

tourelle ouverte permettant le service d’un canon AC.

11 A l’époque, les pelotons étaient à 5 chars, donc étaient capables de

manœuvrer.

12 C’est le sous-groupement Rouvillois qui parviendra le premier à

s’infiltrer en ville.

13 On dirait aujourd’hui une patrouille.

Crédits photos : ECPAD

DOCTRINE TACTIQUE N° 21/MARS 2011 43

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