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Page 1: Tome I
Page 2: Tome I

Mécanique Quantique Tome I. Histoires, bases et anciennes théories

I. Introduction

II. Histoire

III. Bases physiques

IV. La théorie de Bohr

V. L'expérience de Young

VI. Principes de base

Tome II. L'équation de Schrödinger

I. Hamiltonien

II. Equation de Schrödinger

III. Applications

IV. Etats liés

V. Théorie des collisions

VI. Formulation matricielle

Annexes

Tome III. Symétries et spin

I. Théorie des groupes

II. Symétries

III. Spin

IV. Particules identiques et spin

V. Physique statistique

VI. Formulation matricielle

Annexes

Tome IV. L'atome d'hydrogène, les atomes et la matière

I. Atomes et molécules

II. Rayonnement

III. Structure hyperfine

IV. Maser et Laser

V. Matière

VI. Le magnétisme

VII. Supraconductivité

Tome V. Mécanique quantique relativiste

I. Vers une équation d'onde relativiste

II. Equation de Dirac

III. Solutions

IV. Hydrogénoïdes

V. Théorie des trous

Page 3: Tome I

VI. Propagation et diffusion

Tome VI. Théories à variables cachées, théorèmes et décohérence

I. L'intrication quantique

II. Contextualité

III. Autres théorèmes

IV. Logique quantique

V. Applications

VI. Décohérence

VII. Théorie de Bohm

Tome VII. Interprétation de la mécanique quantique et classicalité

I. Introduction

II. Position du problème

III. Interprétations

IV. Expériences

V. Du quantique au classique

VI. Références

Page 4: Tome I

Tome I. Histoires, bases et anciennes théories I. Introduction

II. Histoire

II.1. Les premières idées

II.1.1. Newton et la lumière

II.1.2. La théorie ondulatoire

II.2. La découverte de l'atome

II.2.1. L'atome de Thomson

II.2.2. L'atome de Rutherford

III. Bases physiques

III.1. Le rayonnement du corps noir

III.2. L'effet photoélectrique

IV. La théorie de Bohr

V. L'expérience de Young

V.1. Expérience avec des corpuscules

V.2. Expérience avec des vagues

V.3. Expérience avec des électrons

V.4. Conséquences

V.4.1. Incertitude et complémentarité

V.4.2. Paquets d'ondes

VI. Principes de base

VI.1. Mesures

VI.2. Niveaux d'énergie

VI.3. Règles d'usage des amplitudes

VI.4. Interférences

Page 5: Tome I

Tome I Histoires, bases et anciennes théories

I. Introduction Bienvenue dans ce cours de mécanique quantique.

La mécanique quantique est la théorie du monde microscopique, des atomes, des particules, de la

lumière… Nous aborderons dans ce cours le développement de la mécanique quantique, ses

applications et son interprétation.

Si nous avons voulu rédiger ce cours c'est suite à un sentiment de manque. Certains livres sont fort

complets et fort techniques mais assez arides, avec fort peu d'explications. D'autres livres, dont

l'archétype est sans nul doute le cours de mécanique quantique de Feynman, sont des merveilles de

clarté et de pédagogie mais au sacrifice de certains développements et prolongements. Le cours de

Feynman est d'ailleurs remarquable et nous en sommes très largement inspirés sur la forme comme

sur le fond. Ne vous étonnez donc pas si vous trouver une similitude plus que de forme avec le

cours de Feynman ! Ce cours est pour une partie une synthèse, espérons le réussie, du cours de

Feynman, du livre très complet de Léonard L. Schiff et du livre de L Couture et R. Zitoun,

complété des travaux de nombreux auteurs repris en bibliographie et de travaux personnels, surtout

dans le dernier tome.

Enfin, un aspect fort important pour comprendre la mécanique quantique est l'interprétation. C'est

un domaine souvent négligé ou cantonné à des articles spécialisés. Ce domaine, qui recouvre

l'analyse de certains phénomènes étranges comme l'intrication, a pourtant des prolongements

modernes tel que la cryptographie quantique.

Il nous a donc semblé important d'opérer une synthèse et d'écrire un cours couvrant entièrement le

sujet. Le revers de la médaille d'un cours qui veut couvrir ces trois aspects est de nécessiter un

volume non négligeable. D'autant qu'à vouloir décrire les différents aspects sous différents angles

on est forcément conduit, à certains moments, à une certaine répétition. D'où l'organisation en sept

tomes distincts.

Page 6: Tome I

Comme pré requis à ce cours il faut connaître :

� La mécanique classique.

� L'électromagnétisme.

� La relativité restreinte.

� La statistique de Maxwell-Boltzmann sera un plus.

Et, bien entendu, les outils mathématiques qui vont avec. Peu d'outils mathématiques

supplémentaires sont nécessaires et ils seront présentés en temps voulu.

Ce cours couvre toute la mécanique quantique jusqu'à la mécanique quantique relativiste mais

n'aborde pas la théorie quantique des champs qui nécessiterait à elle seule un ou plusieurs cours.

� Tome I. Histoires, bases et anciennes théories

Nous aborderons plus particulièrement dans ce tome comment les premières idées sont

apparues et quels grands problèmes furent soulevés par le passé. Nous toucherons au vieux

débat de la dualité onde et corpuscule. Nous étudierons quelques expériences de base au cœur

de la mécanique quantique. Et nous poserons les premières briques de base de la théorie.

� Tome II L'équation de Schrödinger

� Tome III Symétries et spin

� Tome IV L'atome d'hydrogène, les atomes et la matière

� Tome V Mécanique quantique relativiste

� Tome VI Théories à variables cachées et théorèmes

� Tome VII Interprétation de la mécanique quantique et classicalité

Page 7: Tome I

II. Histoire Nous n'aborderons pas la naissance de la mécanique quantique sous l'angle historique mais plutôt

d'un point de vue pédagogique. Mais avant d'aborder la mécanique quantique, il est utile de voir les

premières manifestations dans l'histoire de phénomènes qui auraient mérité une analyse par la

mécanique quantique et de voir quelles furent les premières idées. Cela donnera une idée des

problèmes soulevés.

Nous allons commencer par voir comment les anciens ont abordé la nature de la lumière et, en

particulier, Newton. Puis nous verrons la découverte de l'atome et quelles furent les premières

théories tentant de décrire sa structure.

Page 8: Tome I

II.1. Les premières idées Commençons par passer en revue quelques grands problèmes rencontrés avant la naissance de la

mécanique quantique.

Les grands problèmes du passé A la fin du dix-neuvième siècle, les théories de la mécanique de Newton (plus sa théorie de la

gravitation) et de l'électromagnétisme de Maxwell pouvaient expliquer tous les phénomènes connus

ou presque. Les scientifiques pensaient qu'il n'y avait plus que quelques détails à comprendre et que

tout se réglerait facilement. Ils se trompaient lourdement.

En effet, les problèmes ont rapidement commencé à surgir. Et ce sont ces problèmes qui ont, en

particulier, conduit à la mécanique quantique.

Ces phénomènes étaient ceux qui s'avérèrent très vite défier la physique classique voire la

contredire et que l'on découvrit rapidement comme étant des problèmes rédhibitoires.

Citons en vrac :

� L'invariance de la vitesse de la lumière. Elle a conduit à la relativité restreinte. Mais, en réalité,

elle ne remet pas tout en cause en physique classique (même s'il s'agissait malgré tout d'un

profond bouleversement) car la théorie de l'électromagnétisme était déjà relativiste et les

équations de la mécanique furent aisément adaptées. Il s'agissait avant tout d'une remise en

cause des concepts de temps et d'espace plutôt que d'un changement de paradigme sur la nature

de la matière.

� Le corps noir. Un phénomène physique central, en apparence très simple, mais qui présentait un

comportement incompréhensible. Ce fut une des clefs qui ouvrit les portes de la mécanique

quantique et nous l'étudierons bientôt.

� Certaines propriétés de la lumière en relation avec sa nature un peu mystérieuse, comme l'effet

photoélectrique (celui qui fait fonctionner les cellules photoélectriques qui permettent, par

exemple, d'ouvrir une porte de magasin).

� La structure de l'atome qui commençait à pouvoir être explorée et qui était l'exact opposé de la

structure à laquelle conduisait la physique classique.

Page 9: Tome I

� La radioactivité. Phénomène trop énergétique pour trouver une explication simple en physique

classique.

La lumière Attaquons-nous maintenant à la nature de la lumière. La théorie de l'électromagnétisme a montré

que la lumière était elle-même une onde électromagnétique. Mais tous les mystères ne sont pas

résolus. Tout d'abord, si c'est une onde, quel peut-être le support des "vibrations lumineuses" ? Au

début, on imagina que l'espace était emplit d'un mystérieux fluide appelé "éther luminifère" siège

de ces vibrations. Face à des propriétés physiques de plus en plus contradictoires avec l'avancée des

expériences et face à l'impossibilité de le détecter directement, force fut de constater que ce milieu

était imaginaire. La relativité restreinte tua le peu qui restait de ce concept d'éther en montrant que

l'explication de sa propagation n'avait pas besoin de postuler l'existence d'un tel milieu (en montrant

qu'un "objet", de nature quelconque, mais sans masse, se propage automatiquement à la vitesse c ,

vitesse de la lumière dans le vide).

Donc, la lumière n'est pas une vibration d'un milieu, son comportement ondulatoire est à chercher

ailleurs. C'est simplement un champ électromagnétique qui se propage. Mais même si l'on sait que

la lumière est de nature électromagnétique, nous ne connaissons pas non plus la nature de ces

champs électriques et magnétiques. Est-ce une espèce de fluide ? Autre chose ?

Pour mieux comprendre la situation, faisons un petit retour en arrière dans le temps pour avoir une

meilleure perspective de la situation, sans toutefois remonter aux hypothèses antiques sur la

lumière. Nous commencerons avec le point de vue de Newton.

Page 10: Tome I

II.1.1. Newton et la lumière La nature de la lumière a longtemps été mystérieuse et elle a fait l'objet d'un grand nombre de

théories et d'hypothèses dans l'antiquité rarement fondées sur l'expérimentation.

Mais le débat commence réellement avec Sir Isaac Newton (1642 - 1727). Pour ce grand savant la

lumière était composée de petits corpuscules. Des espèces de petites billes dures microscopiques

Les premiers travaux de Newton sur l'optique datent de 1666. C'est alors qu'il construit un télescope

à réflexions multiples. Pourtant, l'ensemble de ses recherches sur la théorie de la lumière et des

couleurs ne paraîtra en 1704 et elles seront donc influencées par les résultats des études sur

l'attraction gravitationnelle et aussi par les polémiques diverses qu'avaient suscitées ses travaux.

Le 8 février 1672, dans une communication à la Royal Society, Newton avait attribué à la lumière

une nature corpusculaire, se basant sur la complexité de la lumière blanche que manifestent les

phénomènes de dispersion. Les couleurs, pense-t-il, préexistent au sein de la lumière blanche,

substance complexe, et ne sont pas engendrées par l'influence des milieux diaphanes.

Page 11: Tome I

Bien sûr, il fallait perdre tout espoir d'observer directement ces corpuscules puisque "voir" implique

de la lumière et donc l'utilisation de ces corpuscules eux même, on tourne en rond. Pour observer la

forme, la taille des corpuscules, il aurait fallu un "senseur" plus petit, plus fin que ces corpuscules.

Mais bien sur, les manifestations de ces corpuscules pouvaient être vues et étudiées.

En tout cas, cette hypothèse semble naturelle car la lumière se propage en ligne droite, comme la

lumière d'un projecteur, comme le montre l'optique géométrique. Si un rayon lumineux était

composé de "petits projectiles" très rapides, cette propriété deviendrait évidente. C'est moins facile

avec des ondes car, lorsqu'on jette une pierre dans l'eau, par exemple, on voit les vagues se

propager en cercles concentriques, non pas comme un faisceau en ligne droite.

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Expliquons l'émission et l'absorption de la lumière. Rien de plus facile à expliquer. La matière

chaude, lumineuse, émet un flot de petits corpuscules, et la matière (froide ou non) absorbe

aisément ces corpuscules.

Ensuite, il faut expliquer comment on peut voir les objets non lumineux. Là aussi, c'est facile. Les

corpuscules ne sont pas toujours absorbés, parfois ils rebondissent. Le fait qu'une partie soit

absorbée altère le rayon lumineux et donne une image de l'objet.

Page 13: Tome I

Mais il y a aussi le problème de la couleur. Et bien, Newton postula qu'il y avait des corpuscules de

différentes couleurs. Des corpuscules rouges, bleus, verts… Qui nous donnent chacun une

sensation différente lorsqu'ils atteignent notre œil. Si un corps absorbe de préférence tous les

corpuscules sauf les rouges, alors nous le verrons rouge (les seuls qui auront rebondis sur le corps

sans être absorbé).

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Enfin, il y a le phénomène de réfraction. Vous avez déjà tous observés ce phénomène dans votre

bain. L'image des objets à travers l'eau est déplacée. Un problème bien connu de ceux qui chassent

au harpon.

Page 15: Tome I

Comment expliquer ce phénomène ? L'idée, simple, est que les corpuscules se déplacent moins vite

dans l'eau. Pour être exact et pour respecter l'aspect historique, il faut signaler que Newton pensait

que les corpuscules allaient plus vite dans l'eau. Son explication était simplement différente (basée

sur les lois de la mécanique, le principe de moindre action). Mais nous préférons donner

l'explication qui va suivre car elle est intuitive et plus proche de la réalité. Notre but est de donner

une idée de ce qu'est la lumière, pas de donner un cours d'histoire.

Si l'on imagine que les corpuscules arrivent en rangs serrés à la surface de l'eau (en venant de l'air,

mais dans l'autre sens cela marche aussi) selon un angle légèrement penché, alors les premiers à

toucher l'eau seront ralentis. Les suivants, qui arrivent sur le coté, vont rattraper les premiers et la

trajectoire va s'incurver.

Page 16: Tome I

L'expérience est facile à mener. Soit une troupe d'hommes (nos corpuscules) qui marchent en rangs

serrés et qui passent d'un sol dur (notre air) à du sable (notre eau) où ils vont moins vite. S'ils

veulent rester en rangs et sans ralentir exprès avant d'atteindre le sable, alors ils seront obligés de

changer de direction pour compenser le fait que les hommes d'un coté arriveront sur le sable avant

ceux de l'autre coté. C'est exactement ce que l'on voit sur l'image ci-dessus.

Bien entendu, cette explication n'est qu'intuitive et il faudrait expliquer pourquoi les corpuscules

"veulent" rester en rang serré (rien n'interdit a priori un décalage des corpuscules). L'explication de

Newton basée sur la mécanique et le principe de moindre action était plus rigoureuse et conduisait

au résultat que la lumière se déplaçait plus vite dans l'eau (ce qui fut invalidé plus tard par Fizeau

qui put mesurer la vitesse de la lumière dans l'air et dans l'eau).

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Ces expériences de réfraction sont à l'origine de presque toute l'optique : les lentilles, les

microscopes, etc. L'explication en terme de corpuscules est donc puissante et utile.

Il reste un dernier problème. On constate que la réfraction est différente selon la couleur. Le bleu

est plus dévié que le rouge. On ne peut pas observer facilement le phénomène à la surface de l'eau

et deux surfaces séparées par de l'eau ne marchent pas, il faut pour cela utiliser un prisme.

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Mais là aussi l'explication est très simple : la vitesse des corpuscules dans l'eau (ou dans le verre

par exemple) est différente selon leur couleur. Puisque l'explication de la réfraction ci-dessus et la

déviation qui en résulte dépend du ralentissement dans l'eau, alors une vitesse différente dans l'eau

implique aussi une réfraction différente.

Cette hypothèse des corpuscules à un autre avantage. Elle est mécaniste. Et à l'époque de Newton,

la mécanique (de Newton !) est devenue un outil puissant.

On arrive ainsi à une description satisfaisante de la lumière.

Cette opinion avait entraîné de nombreuses controverses, en particulier les critiques de Hooke et de

Huygens. "Je savais fort bien, conclut Newton, que les propriétés de la lumière peuvent se

comprendre non seulement par l'hypothèse qui m'est attribuée, mais par une infinité d'autres. En

conséquence, j'ai pris le dessein de les éviter toutes."

Newton va donc éviter systématiquement de se prononcer sur la nature de la lumière. Il s'efforcera

de partir d'une définition strictement positive du rayon lumineux, de rattacher la formation

d'anneaux d'interférences (anneaux de Newton) à des dispositions périodiques de facile réflexion ou

de facile transmission. Ces "accès" sont caractérisés par une longueur fondamentale définie

quantitativement par l'expérience. Leur genèse hypothétique n'a donc pas besoin d'être explicitée.

Toutefois, dès 1675, Newton est amené à développer une théorie mixte de la lumière : des

corpuscules spécifiques pourraient exciter les ébranlements de l'éther. Cette idée, selon Newton,

n'est destinée qu'à jouer le rôle des figures au milieu d'un texte obscur. Néanmoins l'introduction

d'un éther semble favoriser l'interprétation des accès.

Sans être hostile à l'introduction d'un éther, Newton reste cependant fidèle à l'interprétation

corpusculaire et n'ira jamais au-delà d'une théorie mixte. Les raisons de cette préférence sont

nombreuses : la nature corpusculaire explique plus intuitivement la propagation rectiligne, elle

permet d'interpréter les phénomènes de diffraction par le bord des fentes et des écrans au moyen

d'une attraction entre une lumière pesante et la matière située en son voisinage. Enfin Hooke,

adversaire déclaré de Newton, est considéré comme le défenseur attitré d'un éther.

Page 20: Tome I

Notons d'ailleurs que la formation des accès et la présence d'une périodicité est parfaitement

compatible avec une nature strictement corpusculaire de la lumière. Il suffit de postuler, comme le

fera plus tard Malus, l'existence de particules ellipsoïdales ou "polaires" reproduisant

périodiquement une même configuration. La diversité des couleurs serait due elle-même aux

différences de grosseur et de densité des particules lumineuses spécifiques.

Néanmoins, Newton s'efforce de maintenir une attitude prudente : "Nous sommes certains que la

lumière est une substance, mais il est plus difficile de déterminer ce qu'est cette substance […]. Je

ne veux pas mélanger ce qui est certain avec ce qui est incertain."

Les disciples de Newton ne garderont pas une telle réserve. Après le succès de la théorie de

l'attraction universelle, on essaiera d'introduire des lois de ce type dans tous les domaines.

L'attraction sera le processus destiné à interpréter réflexion, réfraction, diffraction d'une substance

lumière par la matière. Avec l'influence de Voltaire, le développement de la théorie Boscovitch, le

newtonianisme va étendre à l'optique les processus d'attraction. Le corpuscule lumineux, doué

implicitement d'une masse propre, est soumis aux forces de gravitation.

Au cours du XVIIIe siècle, Leonhard Euler revendique pourtant l'héritage de Huygens, critique les

conséquences de la théorie newtonienne (en particulier la proportionnalité entre dispersion

chromatique et déviation par réfraction, ce qui exclurait la possibilité des réaliser des appareils

achromatiques). Il esquisse un retour à une parenté entre lumière et son, mais cet apport reste isolé.

En même temps, et dans l'esprit du XVIIIe siècle, se développent les principes d'économies

naturelles (Leibniz, Maupertuis) qui, au moyen d'erreurs compensatrices, parviennent à faire

bénéficier la lumière d'un traitement applicable aux seuls corpuscules matériels.

Ce n'est qu'au début du XIXe siècle que la théorie ondulatoire prendra le pas sur la théorie

corpusculaire. On peut se demander pourquoi il aura fallu autant de temps, alors que l'on disposait

de nombreux phénomènes manifestement ondulatoires comme les interférences et des travaux

précurseurs de Huygens. Plusieurs raisons ont concourus à cet état de chose :

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� L'ingéniosité de Newton à faire de la théorie corpusculaire une théorie efficace et sa notoriété

ont donné à cette interprétation une force contre laquelle il était difficile de se dresser. Celui qui

serait intéressé par la discussion animée entre Newton et ses adversaires sur ce sujet consultera

avec plaisir le livre passionnant d'Einstein et d'Infeld intitulé "L'évolution des idées en

physique" (Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1963).

� Mais Newton ne peut être qualifié de responsable, on a vu que des tenants de la théorie

ondulatoire existaient et pas des moindres (comme Euler) et Newton lui-même a souvent adopté

une attitude prudente quant à la nature de la lumière. Les difficultés expérimentales sont aussi

une explication. On ne disposait pas à l'époque des instruments de qualités dont ont pu disposer

plus tard les physiciens et il n'était pas toujours facile d'obtenir une bonne précision des

mesures. Cela rendait difficile une expérimentation qui aurait pu trancher en faveur de l'une ou

l'autre théorie.

� Le caractère ondulatoire de la lumière peut nous sembler évident à notre époque, surtout si l'on

a eut l'occasion d'effectuer quelques expériences en ce sens en laboratoire (par exemple, des

phénomènes d'interférences de Young avec des lasers). Mais à l'époque, toutes les propriétés de

la lumière n'étaient pas connues et, malgré cela, la lumière restait un phénomène fort complexe,

difficile à débroussailler et encore plus à expliquer par quelque théorie que ce soit. Et n'oublions

pas que la propagation rectiligne de la lumière pouvait difficilement être comprise,

intuitivement, d'un point de vue ondulatoire.

� Enfin, une théorie corpusculaire est relativement facile à maîtriser mathématiquement. La

théorie ondulatoire nécessite un arsenal mathématique nettement plus élaboré dont la genèse

était seulement en cours et qui, en outre, n'était pas à la portée de n'importe qui. Les adversaires

de la théorie corpusculaire capables de coucher sur papier des résultats quantitatifs concrets et

précis n'étaient pas légions.

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II.1.2. La théorie ondulatoire Nous n'allons pas donner ici, bien entendu, un cours complet sur la théorie ondulatoire. Celle-ci

étant toutefois importante en mécanique quantique, nous en donnerons un rappel approfondi.

Du temps de Newton, une autre théorie était en gestation, la théorie ondulatoire de la lumière où

celle-ci est considérée comme une onde (à l'époque, vue comme les vibrations mécaniques d'un

milieu inconnu, l'éther).

Bien que la bataille fit rage entre les tenants de la théorie corpusculaire et de la théorie ondulatoire,

cette dernière resta pendant un long moment l'apanage de seulement quelques irréductibles

Notons que la description par les ondes explique tout aussi facilement que la théorie corpusculaire

nombre de phénomènes tel que la réflexion et la réfraction. Vous avez certainement déjà observé ce

phénomène de réflexion des ondes en observant des vagues approcher d'un mur et "rebondir" sur

celui-ci.

Mais il reste une difficulté que nous avons déjà suggérée : les ondes émises à partir d'un point se

propagent sous forme de cercles concentriques et non en ligne droite comme un projectile ou

comme un rayon lumineux. Toutefois, cette difficulté n'est qu'apparente.

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Il suffit de "couper" les ondes avec un obstacle (un mur avec une ouverture pour les vagues ci-

dessus) pour obtenir un faisceau d'ondes se propageant de manière rectiligne. Le faisceau est

légèrement divergent mais cela aussi est facile à observer avec le pinceau d'une lampe torche. Ce

n'est qu'avec une source lumineuse très lointaine, comme le soleil, qu'un tel procédé donne un

faisceau pratiquement rectiligne. En outre, le front d'onde se propage parfaitement droit (flèche sur

la figure), ce n'est que le faisceau sur toute sa largeur qui diverge, la flèche peut être considérée

comme un "rayon lumineux", l'onde étant constituée d'un faisceau de tels rayons légèrement

divergents. Enfin, une onde sphérique vue de très près semble plate comme le sol terrestre malgré

la rotondité de la Terre ou avec la petite portion d'onde la plus à droite qui est presque un petit

segment de droite.

A ce stade, nous sommes à peu près à égalité entre les deux théories, mais il y a bien d'autres

choses. En premier lieu, la théorie ondulatoire permet d'expliquer simplement des phénomènes

mystérieux du point de vue corpusculaire, et sans devoir faire les contorsions que Newton fut

parfois obligé de faire pour s'en sortir. Par exemple la diffraction. Si vous percez un petit trou dans

une feuille de papier (avec une épingle) et que vous regardez un rayon lumineux frapper ce trou,

vous constaterez qu'à la sortie le trou "brille". La lumière est dispersée dans tous les sens. C'est

exactement ce qui se passe lorsque des vagues frappent un trou dans une digue.

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La théorie ondulatoire explique cela très bien et montre en outre que le phénomène ne se produit

que pour un trou très petit et plus exactement, de l'ordre de la longueur d'onde. Pour un trou plus

grand, les ondes ne sont pas dispersées (diffractées) et se comportent comme dans la première

figure.

La théorie ondulatoire peut aussi expliquer des phénomènes tel que la polarisation ou la

décomposition d'un rayon lumineux par un cristal de calcite (le rayon est séparé en deux, comme si

le cristal provoquait deux réfractions différentes en même temps).

Mais ce n'est pas encore tout. Nous avons dit que la théorie corpusculaire nécessitait une vitesse

variable dans l'eau suivant la couleur. La vitesse de la lumière fut mesurée la première fois par

Armand Hippolyte Louis Fizeau (1819 - 1896). Le résultat était clair. La vitesse de la lumière dans

l'eau était bien inférieure à celle dans l'air (les deux tiers). Contrairement à l'hypothèse de Newton.

La lumière est également sujette aux phénomènes d'interférences. Incompréhensibles avec des

corpuscules, évidents avec des ondes.

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En envoyant deux faisceaux d'ondes à travers un jeu de petits trous, on provoque des superpositions

des ondes et des phénomènes d'interférences avec apparition sur l'écran de bandes sombres ou

claires.

C'est Thomas Young (1773 - 1829) qui mit clairement ce phénomène en évidence. Les phénomènes

d'interférences avec la lumière sont fréquents. C'est un des arguments les plus forts pour la théorie

ondulatoire de la lumière car des corpuscules ne sauraient pas se détruire entre eux !

Bien d'autres savants illustres apportèrent leurs contributions. Tel que Augustin Fresnel (1788 -

1827) ou Karl Weierstrass (1815 - 1897).

Notons que Newton était conscient d'une partie des difficultés, telles que les interférences (observés

à l'époque à travers un phénomène appelé "anneaux de Newton") ce qui le conduisit même à

adopter une théorie mixte (éther plus corpuscules).

Mais après sa mort, avec les progrès des expériences et de la théorie ondulatoire, celle-ci s'imposa

progressivement jusqu'à l'arrivée de l'électromagnétisme qui réussit brillamment à fusionner les

théories de l'électricité, du magnétisme et de la lumière. A ce stade, vers la fin du dix-neuvième

siècle, il ne semblait plus y avoir aucun doute. La lumière n'était pas composée de corpuscules mais

était une onde électromagnétique.

Notons qu'à l'époque les ondes lumineuses étaient supposées être les vibrations mécaniques d'un

milieu hypothétique, l'éther. Avec la multiplication des expériences cherchant à mettre en évidence

l'éther ou tout au moins ses propriétés, l'hypothèse de l'éther finit par devenir douteuse jusqu'à

perdre toute substance. La relativité restreinte porta un coup définitif à cette hypothèse en la

rendant inutile. Mais, de ce fait, la nature de la lumière revenait sur le devant de la scène et cela

ouvrait la voie à d'autres hypothèses et recherches. Le terrain était prêt pour la mécanique

quantique.

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Ondes Une onde est un phénomène physique étendu dans l'espace (un champ) et qui se propage.

Habituellement l'onde a une certaine périodicité dans l'espace mais ce n'est pas une obligation, dans

le cas d'une variation quelconque on parle aussi d'ondes.

Des exemples types sont : le son (des vibrations sonores), une ondulation sur une corde qui se

propage (fouet) ou les vagues dans l'eau.

L'amplitude de l'onde est sa grandeur (la hauteur de l'onde ci-dessus). Cette grandeur, qui varie

dans l'espace et le temps, peut être de différente nature : variation de la pression (comme dans le

cas du son), variation de température (onde de chaleur), champ électrique, etc.

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Il faut faire attention car on parle généralement de l'amplitude comme de la grandeur maximale de

l'onde mais aussi souvent de "l'amplitude instantanée", c'est-à-dire de la grandeur en un point et

instant donné. Le contexte lève en général toute ambiguïté.

L'onde est donc la variation d'une propriété d'un milieu quelconque. Dans le cas du son, par

exemple, c'est la pression de l'air. Dans ce ca et en général, le milieu en question ne se propage pas

en dehors d'une éventuelle variation (vibration) autour d'une position moyenne. C'est la variation

elle-même, différente en chaque point, qui se propage. Mais ce n'est pas non plus une obligation, on

peut très bien avoir une onde dans un milieu en mouvement.

Ci-dessus, l'onde est représentée comme une variation figée qui se déplace d'un bloc, mais ce n'est

pas non plus une obligation, les ondes sont une classe de phénomène très large. Ainsi, on parle

d'onde stationnaire lorsque la variation spatiale est périodique mais ne se propage pas tandis que

l'amplitude varie dans le temps. Il s'agit alors véritablement d'une vibration, stationnaire, dont

l'intensité varie périodiquement dans l'espace. Un exemple typique est la vibration d'une corde de

guitare. Dans ce cas, les endroits où l'intensité, l'amplitude, est la plus grande sont appelés les

"ventres", tandis que les endroits où l'amplitude de vibration est nulle sont appelés les nœuds.

Comme signalé ci-dessus, la propriété qui varie peut être de plusieurs types. On classe

habituellement le type d'amplitude par le type d'objet mathématique représentant cette amplitude.

Ainsi, on parle d'amplitude scalaire lorsqu'un simple nombre suffit à la représenter, comme dans le

cas d'une pression ou d'une température, on parle aussi d'amplitude vectorielle dans le cas où cette

grandeur est vectorielle, comme un champ électrique ou magnétique, enfin, il y a aussi des ondes

tensorielles comme c'est le cas de la gravitation en relativité générale. Par extension on parle

d'ondes scalaires, vectorielles, tensorielles…

L'amplitude peut aussi avoir une direction, par exemple une vibration peut être orientée dans

plusieurs directions ou une amplitude vectorielle peut aussi être orientée. On verra cela plus loin.

Mais qu'elle que soit le type d'amplitude et son orientation, on a l'habitude de représenter la

grandeur de cette amplitude sous la forme ci-dessus, même si elle n'est pas orientée où s'il ne s'agit

pas d'une vibration (variation de position). Dans ce cas, l'axe des ordonnées ne représente pas

Page 31: Tome I

nécessairement une direction spatiale mais simplement la grandeur en question (par exemple la

pression ou la température). Ce type de représentation est assez pratique pour montrer la variation

de la grandeur dans l'espace et le temps.

Une onde peut être caractérisée par plusieurs grandeurs :

Nous avons déjà vu l'amplitude a . La vitesse de propagation est v . La longueur d'onde λ est la

distance séparant deux crêtes, c'est à dire la longueur de périodicité.

On a aussi la fréquence ν qui est la fréquence avec laquelle on voit l'onde varier, lors de sa

propagation, si l'on se place en un point précis. Dans le cas d'une onde stationnaire, c'est facile, c'est

simplement la fréquence de vibration ou, dans ce cas, de "battement".

Il existe une relation évidente entre ces grandeurs :

(1) λν=v

Le nombre d'ondes est λπ /2=k , la pulsation πνω 2= . On a aussi le vecteur d'onde k dont la

grandeur est le nombre d'onde et la direction est donnée par la direction de propagation.

Page 32: Tome I

L'équation d'une onde sera donnée par une fonction dépendant de la position et du temps ( )t,rψ . Si

l'onde est périodique, ψ sera aussi une fonction périodique qui peut s'écrire comme

( )ϕ−−⋅ ta ωψ rk où ϕ est une phase, un décalage de l'onde par rapport à l'origine des

coordonnées, la phase totale étant donnée par ϕ+tω puisque l'onde se décale au cours du temps.

Le front d'onde est le lieu des points où l'amplitude à la même grandeur. Par exemple, le lieu où se

situe une crête de l'onde.

Page 33: Tome I

Lorsque ce lieu est plan, on parle d'ondes planes (comme dans la figure ci-dessus à deux

dimensions, le front d'onde est un droite). Lorsque ce lieu est sphérique on parle d'ondes sphériques

(comme, à deux dimensions, les ronds dans l'eau lorsque l'on y jette une pierre).

Ondes sinusoïdales On travaille beaucoup avec les ondes sinusoïdales.

Page 34: Tome I

Dans ce cas, l'équation de l'onde est particulièrement simple :

(2) ( )ϕ−−⋅ ta ωrksin

On peut noter qu'une onde sinusoïdale peut être "engendrée" par la rotation d'une barre autour d'un

cercle, la hauteur de la barre représentant l'amplitude de l'onde au cours du temps :

Page 35: Tome I
Page 36: Tome I

Une onde périodique quelconque peut se représenter comme la somme de plusieurs ondes

sinusoïdales (il suffit d'ajouter les amplitudes en chaque point).

Cette décomposition, toujours possible, se traduit mathématiquement par la décomposition en série

de Fourrier :

(3) ( ) ( )∑∞

=

++=1

0 sincos2 k

kk kxbkxaa

xf

Les coefficients ka et kb sont appelés coefficients de Fourrier. Ils sont obtenus aisément comme

Page 37: Tome I

(4)

( )

( )∫

=

=

π

π

π

π2

0

2

0

sin1

cos1

nxdxxfb

nxdxxfa

n

n

On peut aussi utiliser les nombres complexes :

(5) 2

nnn

ibac

−=

avec

(6) ( )∫−=

π

π2

02

1dxexfc inx

n

et

(7) ( ) ∑+∞

−∞=

=n

inx

necxf

L'avantage de cette représentation est aussi de pouvoir se généraliser facilement en remplaçant la

somme par une intégrale. Dans ce cas, on peut décomposer (presque) toutes les fonctions comme

une intégrale sur des fonctions sinusoïdales. Les nombres complexes sont un outil puissant dans

l'analyse des ondes.

L'avantage de cette décomposition est également de pouvoir se limiter à l'étude des ondes

sinusoïdales, plus simples, en particulier lorsque le comportement des ondes est linéaire (le résultat

de la somme de deux ondes est la somme des résultats de chaque onde).

Polarisation Revenons à la direction de l'amplitude.

Dans le cas d'une vibration, elle peut se produire soit dans le sens de la propagation (on parle

d'ondes longitudinales), c'est le cas des ondes sonores. On peut aussi représenter cela par un

ensemble de ressorts vibrants attachés ensembles.

Page 38: Tome I

La vibration peut aussi se faire perpendiculairement au sens de propagation, comme dans le cas

d'une corde (un fouet) ou d'une vague. On parle d'ondes transversales.

Si l'amplitude n'est pas une vibration mais une grandeur vectorielle quelconque, le vecteur

amplitude peut aussi être longitudinal ou transversal.

Lorsque l'onde est transversale, la direction a encore une certaine liberté puisqu'elle se situe dans un

plan perpendiculaire à la direction de propagation.

On parle de polarisation linéaire lorsque la direction est précise et constante. Par exemple, si la

propagation se fait horizontalement vers l'avant, la direction de l'amplitude peut être vers le haut ou

vers la gauche. La direction de polarisation est représentée par un vecteur unitaire appelé vecteur

polarisation P .

Une onde longitudinale est dite aussi polarisée longitudinalement.

Une onde non polarisée a une amplitude dont la direction n'est pas définie. Pour être exact, il s'agit

en général d'un mélange d'ondes de polarisations linéaires (et éventuellement longitudinale)

variées.

Page 39: Tome I

En faisant la somme vectorielle de trois vecteurs polarisation, on peut obtenir n'importe quelle

direction. Ainsi, on dit qu'une onde vectorielle peut avoir jusqu'à trois états de polarisation.

Enfin, citons le cas de la polarisation circulaire. Dans ce cas, le vecteur polarisation est transversal

mais il tourne en même temps que l'onde se propage. On parle ainsi de polarisation circulaire

gauche ou droite selon le sens de rotation.

Equation des ondes Les ondes étant données par une formule périodique dans l'espace et le temps, elles peuvent se

déduire d'une équation différentielle, dite équation des ondes. Elle s'écrit

(8) 01

2

2

2

2 =∂∂−∇tv

ψψ

ou sous forme développée

(9) 01

2

2

22

2

2

2

2

2

=∂∂−

∂∂+

∂∂+

∂∂

tvzyx

ψψψψ

où v est la vitesse de l'onde.

Les formes sinusoïdales, en particulier, sont solutions de cette équation.

Dans le cas des vibrations dans un milieu matériel, on peut utiliser les lois de la mécanique pour

étudier la manière dont ce milieu réagit à une petite perturbation. On obtient alors pour la vitesse de

propagation des vibrations :

(10) 0

=

ρddp

v

où p est ici la pression et ρ la densité.

On voit ainsi que si le milieu est difficilement compressible, il faudra une très grande variation de

pression pour obtenir une variation de densité. Ainsi le son se propage plus vite dans l'eau que dans

l'air. Dans le cas de l'air sec dans des conditions normales, le calcul (et la mesure) donne une

vitesse de 340 m/s et pour l'eau 1448 m/s.

Page 40: Tome I

Un solide élastique est caractérisé par deux constantes d'élasticité (longitudinale et transversale) λ

et µ (ne pas confondre la constante d'élasticité longitudinale avec la longueur d'onde). Dans ce cas,

la vitesse des ondes longitudinales et transversales est donnée par

(11)

ρµ

ρµλ

=

+=

T

L

v

v2

On voit ainsi que les ondes longitudinales sont toujours plus rapides. Cette propriété, et le fait

qu'une vibration transversale ne peut pas se propager dans un fluide (à cause du manque de

cohésion, une vibration transversale ne saurait se communiquer au fluide tandis qu'une vibration

longitudinale n'a qu'à "pousser") rend ces relations très utiles dans les études de sismologie pour

étudier la nature du sous-sol (pétrologie, sismologie, géologie).

Propagation de plusieurs ondes Dans le cas général où la propagation a lieu dans un milieu dispersif, deux ondes de fréquences

différentes se propagent avec des vitesses différentes. Examinons si, dans ce cas, il est possible de

définir une vitesse de propagation qui soit liée à la propagation du phénomène résultant.

Remarquons de suite que ce problème est très important car l'onde produite par un phénomène

vibratoire limité dans le temps n'est jamais rigoureusement sinusoïdale (les ondes sinusoïdales tout

comme les ondes planes sont des idéalisations). Il y a donc lieu d'étudier ce que signifie la vitesse

de propagation dans ce cas.

Soient deux ondes sinusoïdales planes, de périodes différents ν et νν ∆+ , se propageant

respectivement avec les vitesses v et vv ∆+ selon l'axe des x :

(12) ( )

( ) ( )[ ]xkkta

kxtax

ta

∆+−∆+=

−=

−=

ωωψ

ωλ

νπψ

sin

sin2sin

2

1

Page 41: Tome I

Le phénomène résultant est donné par

(13)

∆+−

∆+

∆−∆=+= xk

ktxk

ta22

sin22

cos221

ωωωψψψ

Si ω∆ et k∆ sont petits par rapport à ω et k , on voit que l'amplitude de la vibration résultante

varie lentement dans le temps et l'espace, elle vaut :

(14)

∆−∆= xk

taA22

cos2ω

En un point donné, on a donc un phénomène de battement (comme pour les ondes stationnaires), la

période de battement valant ωπ ∆/2 .

A un instant donné, l'amplitude résultante varie périodiquement dans l'espace, avec une périodicité

Λ telle que :

(15) π=Λ∆2

k

d'où

(16) ( )

λλλλ

λλλ

π∆

∆+=−

∆+

=∆

=Λ11

12

k

Les ondes qui sont comprises entre deux valeurs nulles consécutives de A forment ce qu'on appelle

un "train" ou un "groupe" d'ondes. On parle aussi de paquet d'ondes. On voit plus clairement cette

forme si l'on considère la somme d'un grand nombre d'ondes de fréquences et de vitesse légèrement

différentes.

Page 42: Tome I

On y voit clairement une onde de petite longueur d'onde "enveloppée" dans un "paquet d'ondes". Il

est à noter que la vitesse du paquet peut être différente de la vitesse de l'onde. Par exemple, si

l'onde est plus rapide, les ondulations naissent à gauche du paquet, se déplacent en grandissant puis

diminuant dans le paquet, pour disparaître au bout. Ce phénomène de croissance décroissance de

l'onde étant dû au fait qu'elle est composée de plusieurs ondes de vitesses légèrement différentes

qui s'additionnent.

La possibilité de pouvoir réaliser de tels paquets d'ondes qui se déplacent sans se déformer (des

"solitons") est très utile en communication par fibre optique.

La vitesse de ces paquets d'ondes est obtenue en recherchant la vitesse de déplacement d'une

amplitude donnée. L'amplitude est constante si :

(17) cstxk

t =∆−∆22

ω

Cette relation entre x et t n'est autre que la loi de propagation d'une amplitude donnée et on trouve

immédiatement la vitesse de déplacement de cette amplitude, c'est-à-dire la vitesse de groupe :

(18) kdt

dxvg ∆

∆== ω

ou, si les variations sont suffisament petites :

Page 43: Tome I

(19) ( )λω

/1d

dv

dk

dvg ==

ou encore

(20)

ννd

dv

v

vvg

−=1

De la même façon, on calcule la vitesse de phase du phénomène résultant (la vitesse des

ondulations de courte longueur d'onde dans le paquet). En effet, la phase sera constante si :

(21) cstxk

kt =

∆+−

∆+22

ωω

D'où l'on trouve la vitesse de propagation des points de phase donnée, c'est-à-dire la vitesse de

phase :

(22)

2

2k

kdt

dxv ph ∆+

∆+==

ωω

Comme vk =/ω , la vitesse de phase est comprise entre v et vv ∆+ . Si v∆ est très petit, la vitesse

de phase est pratiquement égale à celles des ondes composantes.

Dans le vas où 0/ <νddv , la vitesse de groupe est plus petite que la vitesse de phase et on parle de

dispersion normale. Dans le cas inverse (exceptionnel et toujours dans une bande très étroite de

fréquence) on parle de dispersion anormale.

Quelle est la signification physique de la vitesse de groupe ?

Généralement, un signal consiste en une série d'oscillations qui commencent à un certain instant. A

cause de sa propre limitation dans le temps, ce signal peut être considéré, par application de la

transformation de Fourier, comme la superposition d'ondes monochromatiques (fréquence précise)

Page 44: Tome I

plus ou moins groupées autour d'une fréquence moyenne. Ceci est particulièrement bien caractérisé

dans le cas où le signal est formé d'une onde sinusoïdale amortie.

En tout cas, un signal ne peut jamais être considéré comme formé d'une onde sinusoïdale pure.

Celle-ci étant invariable dans le temps, elle ne transmet aucune information, il faut, au minimum

une variation de l'amplitude (modulation d'amplitude, impulsions transmettant des bits

d'informations,…). En conséquence, il y a lieu de se demander quelle est la vitesse de propagation

du signal, telle qu'elle résulterait d'une mesure.

L'image du paquet d'onde montre que le paquet peut transmettre l'information recherchée. Dans le

cas où la dispersion est normale, cette vitesse de propagation du signal coïncide avec la vitesse de

groupe : elle correspond à la vitesse de propagation du premier groupe d'ondes qui est enregistré

par le dispositif expérimental (avant, l'intensité de l'onde est trop faible).

Dans le cas où la dispersion est anormale, on montre que la vitesse de groupe n'est plus égale à la

vitesse de propagation d'un signal et n'a plus cette signification physique. En effet, les vibrations se

déplaçant à la vitesse de phase, le paquet d'ondes ne peut dépasser le front d'ondes (les paquets

d'ondes disparaissent au fur et à mesure qu'ils rattrapent le front d'ondes). Par conséquent,

l'information est transmise par le front d'onde à la vitesse de phase.

Interférences Les phénomènes d'interférence s'observent dès que l'on additionne deux ondes (de même

fréquence) avec une phase légèrement différente.

Page 45: Tome I
Page 46: Tome I

On peut mettre joliment en évidence les phénomènes d'interférence à l'aide de l'expérience de

Young qui jouera un rôle important dans nos réflexions sur la mécanique quantique.

L'expérience est ici illustrée avec des vagues mais tout type d'onde convient.

Des vagues arrivent par la gauche et sont dispersées, sous formes d'ondes sphériques, par deux

fentes. Les deux ondes interfèrent et produisent sur un écran une série de franges d'interférences

alternativement intense et peu intense (claires et sombres dans le cas de la lumière).

Page 47: Tome I

Calculons la distance entre les franges d'interférence.

Il y aura interférence constructive, donc un maximum, si les ondes sont en phase, c'est-à-dire si

elles arrivent sur l'écran avec un décalage (entre les deux ondes) d'un nombre entier de longueur

d'ondes. Ainsi, au centre, les deux ondes, parcourant le même chemin, ne seront pas décalées, et on

aura un maximum. Le prochain maximum sera obtenu dès qu'il y aura un décalage d'une longueur

d'onde entre les chemins parcourus par les deux rayons lumineux.

Si la longueur du premier rayon lumineux est 1L et le deuxième 2L , la simple application de

Pythagore nous donne :

(23) ( )( )222

2

222

1

2/

2/

dxLL

dxLL

++=

−+=

Si la distance d entre les fentes et la longueur d'onde sont très petits par rapport à L (c'est

généralement le cas pour que le phénomène soit observable, les longueurs d'ondes lumineuses étant

très petites), on aura :

Page 48: Tome I

(24) ( )( ) LdlLL

LdlLL

2/2/~

2/2/~

2

2

2

1

++

−+

En effectuant la différence et en égalant à la longueur d'onde, on trouve :

(25) d

Ll

λ=

Cela fournit un moyen simple et élégant pour mesurer la longueur d'onde mais également pour

mesurer des décalages de parcourt entre des rayons lumineux. Ce dispositif est donc fréquemment

utilisé pour des mesures de précision de distances.

Diffraction Lorsqu'une onde atteint un trou, celle-ci est diffusée par les bords du trou en une onde sphérique.

On en a l'illustration dans l'expérience de Young et ce phénomène s'observe aisément avec des

vagues.

Une feuille percée d'un trou d'épingle et placée devant une source lumineuse produit aussi une

lumière sous forme d'une espèce d'étoile.

Mais si le trou n'est pas trop petit, chaque bord contribue à produire une onde sphérique différente.

Page 49: Tome I

Si le trou n'est pas trop large, ces ondes seront plus importantes que l'onde qui passe par le trou lui-

même et on aura un phénomène d'interférence analogue à celui de l'expérience de Young. Comme

la largeur des franges dépend en plus de la fréquence, ces franges sont colorées. Un petit trou donne

ainsi des cercles colorés.

Effet Doppler L'effet Doppler ou effet Doppler-Fizeau est le phénomène de changement de fréquence des ondes

émises par des sources en mouvement.

Supposons que la source d'ondes et l'observateur soient animés chacun d'un certain mouvement.

D'autre part, supposons que la vitesse de la source soit inférieure à la vitesse de propagation des

ondes. Si Sν est la fréquence de la source, recherchons la fréquence du phénomène observé par

l'observateur.

Page 50: Tome I

Cas des ondes élastiques Les ondes élastiques se propagent nécessairement sur un support matériel et sont caractérisées par

une vitesse de propagation v par rapport à ce support.

Dans ce cas, prenons un système d'axes liés au support matériel. Supposons que la source et

l'observateur soient animés chacun d'un mouvement rectiligne uniforme sur un même axe x . Soient

SV la grandeur de la vitesse de la source (composante sur l'axe des x ), PV celle de l'observateur et

v la grandeur de la vitesse de propagation des ondes. Choisissons le sens de l'axe de la source vers

l'observateur. La valeur de v est alors positive et la formule que nous obtiendrons sera valable pour

les vitesses SV inférieures à v (y compris toutes les valeurs négatives de SV ).

Page 51: Tome I

Envisageons les perturbations émises par la source aux instants 0, T , T2 , T3 , etc. A ces instants,

la source se trouve respectivement en 0S , 1S , 2S , 3S ,… c'est-à-dire aux points d'abscisse 0 , TVS ,

TVS2 , TVS3 ,… A un instant t , les fronts d'ondes correspondantes sont en concordance de phase

Page 52: Tome I

(par exemple chaque front est une crête de l'onde) et sont représentées par des sphères centrées sur

les points 0S , 1S , 2S , 3S ,… et de rayon vt , ( )Ttv − , ( )Ttv 2− , ( )Ttv 2− ,…

Calculons la longueur d'onde des ondes émises par la source dans la direction de l'observateur.

C'est la distance comptée sur l'axe des x et à un instant donné, entre deux fronts d'ondes successifs

en concordance de phase, cette longueur d'onde vaut :

(26) S

S

S

S Vv

t

tVvt

ννλ −

=−

=

Sν étant la fréquence de la source et SVv − la vitesse relative des ondes par rapport à la source.

L'observateur P voit défiler ces ondes et, pour lui, la fréquence apparente Pν de celles-ci est égale

au nombre de périodes qu'il observe par unité de temps, c'est-à-dire :

(27) λ

ν PP

Vv −=

En combinant (26) et (27), on trouve :

(28) S

S

PP

Vv

Vv νν−−

=

Cette formule permet d'interpréter facilement les phénomènes observés lorsque la source d'ondes et

l'observateur sont animés chacun d'un mouvement uniforme suivant un même axe.

Toutefois, si vVP > , l'onde n'atteint plus l'observateur et la formule n'a plus de sens.

D'autre part, lorsque les mouvements suivant l'axe ne sont plus uniformes, la formule (28) reste

valable pour autant que les vitesses ne varient pratiquement pas pendant quelques périodes. Dans ce

cas, la vitesse SV est celle de la source lors de l'émission des ondes, reçues ensuite par

l'observateur, et la vitesse PV est celle de l'observateur au moment de la réception.

Page 53: Tome I

Remarques. Il faut noter que ce n'est pas la vitesse relative de la source par rapport à l'observateur qui intervient

dans (28) mais chacune des vitesses séparément. Un exemple simple, qui illustre ce fait, est celui

où la vitesse relative vVV PS −=− . Ce cas peut se produire si :

1) vVS −= (la source s'éloigne vers la gauche), 0=PV . Alors, on a : 2/SP νν =

2) 0=SV , vVP = . Alors, on a : 0=Pν

On voit que les résultats sont complètement différents bien que la vitesse relative reste la même.

Autre expression de l'effet Doppler On pourrait choisir un système d'axes liés à l'observateur. Soient dans ce cas, v′ la vitesse de propagation des ondes par rapport à l'observateur et rV la vitesse relative de la source par rapport à

l'observateur.

On a les relations (transformations de Galilée) :

PSr

P

VVV

Vvv

−=−=′

La relation (28) s'écrit alors :

(29) S

r

PVv

v νν−′

′=

Cette expression n'a cependant pas beaucoup d'intérêt dans le cas des ondes élastiques car v′ dépend du mouvement de l'observateur.

Notons enfin, que le mouvement de la source transversalement à la direction de l'axe des x

n'affecte pas le résultat car, dans ce cas, le mouvement n'affecte pas la séparation des fronts d'ondes

sur l'axe des x .

Page 54: Tome I

Cas des ondes électromagnétiques La vitesse des ondes électromagnétiques (dans le vide) est invariante et toujours égale à c par

rapport à l'observateur.

Dans ce cas, puisque la vitesse des ondes par rapport à l'observateur est connue, il est plus aisé

d'utiliser la relation (29). On a donc

(30) S

R

PVc

c νν−

=

Dans ce cas, la relation ne dépend que du mouvement relatif de la source et de l'observateur.

Optique géométrique

Postulats L'optique géométrique est une étude approchée de la propagation de la lumière, qui peut-être faite

sans se préoccuper de la nature physique des radiations lumineuses. Cette étude se base sur

quelques principes induits de l'expérience. Certains de ces principes ne sont qu'approchés et les lois

de l'optique géométrique ne sont valables que dans certaines conditions.

La théorie ondulatoire de la lumière, qui tient compte de la nature physique de celle-ci, donne une

explication plus complète des différents phénomènes lumineux. L'optique géométrique n'est qu'un

cas particulier de cette théorie générale.

Ici, nous allons passer en revue quelques éléments de l'optique géométrique, d'un point de vue

essentiellement qualitatif pour en avoir simplement un aperçu.

L'observation courante montre que, dans un milieu homogène transparent, la lumière semble se

propager suivant une ligne droite. Supposons, par exemple, que nous disposions d'une source de

lumière pratiquement ponctuelle (petit trou circulaire percé dans un écran E, fortement éclairé), et

que nous placions ensuite un écran E' percé d'un trou de diamètre d' et d'un second écran destiné à

recevoir la lumière passant par d'.

Page 55: Tome I

Si le diamètre d' n'est pas trop petit (quelques millimètres) et si les écrans E' et E" sont

perpendiculaires au rayon moyen du faisceau, la plage lumineuse qui apparaît sur l'écran E" est

délimitée par un cercle de diamètre d", qui n'est autre que la section par E" du cône de sommet S,

dont les génératrices s'appuient sur la circonférence de diamètre d'. On pourrait faire une expérience

analogue en plaçant sur le trajet circulaire un écran de diamètre d', ou, plus généralement, un écran

ou un diaphragme de forme quelconque.

Ces expériences suggèrent l'hypothèse suivant laquelle la lumière se propagerait en ligne droite. Le

faisceau lumineux émis par une source ponctuelle se composerait de rayons lumineux qui seraient

les trajectoires rectilignes de la lumière émise.

Cependant, cette conclusion cesse d'être valable si le diamètre d' devient suffisament petit. Lorsque

d' diminue, on observe d'abord une diminution correspondante de d", puis les phénomènes changent

: d" augmente, la plage lumineuse n'est plus bien délimitée et il apparaît une série de cercles

concentriques alternativement brillants et obscurs. Ce phénomène, appelé phénomène de

diffraction, ne peut s'expliquer qu'en tenant compte de la nature ondulatoire de la lumière.

L'expérience montre que les franges circulaires s'élargissent lorsque d' diminue.

Page 56: Tome I

Ce qui précède montre donc que l'hypothèse de la propagation rectiligne de la lumière n'est valable

que si les faisceaux lumineux ne traversent pas d'ouverture trop petite ou ne rencontrent pas d'écran

trop petit (pratiquement la limite est atteinte, en lumière visible, pour des diamètres de l'ordre du

millimètre).

Le premier postulat mis à la base de l'étude de l'optique géométrique, celui de la propagation

rectiligne, n'est donc qu'approché. Les rayons lumineux n'ont pas d'existence physique réelle car

l'expérience de diffraction prouve qu'il n'est pas possible de délimiter un tel rayon. Les lois de

l'optique géométrique ne seront donc valables, c'est-à-dire vérifiées par l'expérience, que si les

conditions sont telles qu'on puisse admettre la propagation rectiligne et l'existence fictive de rayons

lumineux.

Les autres postulats constituent les règles de la réflexion et de la réfraction (lois de Descartes).

Réflexion Soit un rayon lumineux rencontrant un miroir.

Dans ce cas, l'angle d'incidence est identique à l'angle de réflexion.

Cette expérience se justifie aisément par une théorie corpusculaire de la lumière mais également

dans le cas d'une théorie ondulatoire.

Page 57: Tome I

Réfraction Considérons maintenant un rayon lumineux qui rentre dans un milieu transparent (eau, verre,…).

L'expérience montre alors que :

(1) 21sin

sinn=

βα

Où 21n est une constante qui dépend des milieux 1 et 2. Cette loi est appelée loi des sinus ou loi de

Snell-Descartes.

Page 58: Tome I

Notons que si le rayon se déplace dans l'autre sens, on trouve :

(2) 21

12

1

nn =

Cette constante peut s'exprimer comme le rapport de deux constantes 1n et 2n affecté à chaque

milieu.

(3) 1

221

n

nn =

Ces constantes sont appelées indice de réfraction. On attribue, par convention, la valeur 1 au vide.

On déduit aisément cette relation de la théorie ondulatoire.

Si la vitesse de la lumière est 1v et 2v dans chaque milieu, et si l'intervalle de temps séparant deux

fronts d'onde est T , alors la distance entre les fronts d'ondes est Tv1 et Tv2 .

Un peu de trigonométrie donne alors :

Page 59: Tome I

(4) 2

1

sin

sin

v

v=

βα

C'est-à-dire

(5) 1

2

2

1

n

n

v

v=

On peut aussi utiliser la théorie corpusculaire. Si le corpuscule est dévié de la manière indiquée

dans la figure précédente, c'est qu'il subit une force au passage à l'interface entre les deux milieux.

Comme on le voit, cette force doit, dans cet exemple, être dirigée vers le bas et, en la projetant sur

la direction de propagation. La vitesse du corpuscule doit donc augmenter. Mieux, en utilisant les

lois de la mécanique, on montre que l'on retrouve aussi la loi des sinus.

(6) 1

2

sin

sin

v

v=

βα

Mais, chose étonnante, la relation pour les vitesses est inversée.

Page 60: Tome I

C'est ce test décisif (en mesurant la vitesse de la lumière) qui a permis de trancher définitivement

(si les phénomènes d'interférence ne l'avaient déjà fait) entre les deux théories.

Lentilles

Sans entrer dans les détails, le phénomène de réfraction permet la construction de lentilles

convergentes (convexes) ou divergentes (concaves) qui permettent de manipuler la trajectoire des

rayons lumineux et d'agrandir ou diminuer l'image d'un objet. La combinaison de telles lentilles

avec, éventuellement, des miroirs plans, convexes ou concaves, permet la construction de divers

instruments d'optique tels que les télescopes et les microscopes.

Prismes On constate expérimentalement que l'indice de réfraction varie avec la couleur de la lumière. On

montre en outre que cette couleur est reliée à la longueur d'onde. Cette variation permet de

construire un dispositif, le prisme, permettant de disperser les couleurs.

Page 61: Tome I

Le spectre de la lumière s'étend bien au-delà de la lumière visible.

Page 62: Tome I
Page 63: Tome I

L'étude des spectres permet aussi d'étudier la lumière émise par les atomes et les molécules. Les

raies lumineuses dans le spectre constituent une véritable empreinte digitale.

Donnons quelques longueurs d'ondes typiques pour se faire une idée des ordres de grandeur.

- Rouge : environ 0.656 micromètre.

- Jaune orangé : environ 0.589 micromètre.

- Bleu vert : environ 0.486 micromètre.

Les infrarouges sont dans le domaine millimétrique. Les ondes radios vont du domaine

centimétrique à des ondes de plusieurs kilomètres de longueur d'onde (virtuellement sans limite).

Les rayons X et les rayons gammas sont dans le domaine nanométrique.

Justification de l'optique géométrique Les représentations à l'aide d'ondes planes ci-dessus montre bien que les ondes admettent une

représentation géométrique (en identifiant le rayon lumineux avec la normale aux fronts d'ondes).

Toutefois, il faut aussi pouvoir délimiter la largeur des faisceaux, ne fut que parce que les appareils

ont des tailles limitées, en particulier les lentilles.

L'analyse de la théorie ondulatoire et, en particulier, l'analyse de la diffraction permet de voir que

l'approximation géométrique sera valable si les dimensions caractéristiques (largeur d'un faisceau

lumineux, taille des objets) sont très grandes par rapport à la longueur d'onde.

Cette caractéristique des ondes s'observe aussi avec le son. Ainsi, il n'est pas rare qu'une musique

tonitruante mais en partie masquée par des obstacles ne laisse passer que les basses. Les ondes

sonores aiguës (courte longueur d'onde) étant bloquées par les obstacles tandis que les ondes graves

(grande longueur d'onde) contournent les obstacles par diffraction. Il faut aussi, bien entendu, tenir

compte des réflexions et transmissions à travers les parois qui compliquent singulièrement les

choses. Ce sont ces phénomènes des grandes longueurs d'ondes et les réflexions multiples qui sont

responsable du grondement sourd d'un orage, alors qu'à l'origine il résulte d'un claquement sec et

court produit par l'éclair.

Page 64: Tome I

II.2 La découverte de l'atome

Description L'idée des atomes est ancienne et remonte à l'antiquité grecque avec Démocrites. Toutefois, les

atomes tels que nous les connaissons aujourd'hui sont bien différents. Les anciens Grecs ne

voyaient en l'atome qu'une des deux conceptions philosophiques possibles sur la nature de la

matière, continue ou discontinue, et imaginaient les atomes comme étant insécables et sans

structure.

Actuellement, nous savons que les atomes peuvent être cassés et qu'ils ont une structure interne. Ils

sont simplement le plus petit élément possible distinctif d'un type de matière donnée. Par exemple,

le fer est composé d'atomes de fer et le cuivre d'atomes de cuivre. Si l'on casse un atome de fer ou

de cuivre, on trouve des particules plus petites mais communes à la fois au fer et au cuivre.

Composition Rappelons que l'atome est composé d'électrons, petits, légers et chargés électriquement, de protons,

lourds et chargés électriquement mais avec un signe opposé aux électrons, ils compensent la charge

électrique et permettent à l'atome d'être neutre, et de neutrons, lourds et sans charge électrique.

Exemples :

� L'atome d'hydrogène est le plus simple, avec un seul proton (et un électron).

� Il existe deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium avec un proton et un neutron, et le tritium

avec deux neutrons et un proton. L'ajout d'un troisième neutron ne marche pas car le noyau de

l'atome, dans ce cas, ne peut rester lié. Notons que ces deux isotopes ont les mêmes propriétés

chimiques que l'atome d'hydrogène car ce sont les protons qui confèrent les propriétés

chimiques (plus précisément, ces protons fixent le potentiel électrostatique conduisant à la

répartition des électrons autour de l'atome et ce sont ces électrons qui participent aux réactions

chimiques).

� L'hélium à deux protons (et deux électrons) et un ou deux neutrons.

Page 65: Tome I

Les atomes peuvent ainsi avoir de un à plus d'une centaine de protons, donnant à chaque fois un

atome différent : l'oxygène, le carbone, le soufre, l'uranium, etc.

Presque tout cela était connu au début du vingtième siècle. Seul le neutron fut découvert plus tard

par Chadwick et la structure de l'atome restait assez mystérieuse. En fait, on connaissait les

éléments principaux, le proton et l'électron, mais le fait qu'ils s'assemblent en petites unités (les

atomes) n'était pas encore une certitude, ils auraient pu former un mélange indifférencié. Ce n'est

que par l'accumulation des preuves expérimentales que le consensus fut atteint.

Mise en évidence des atomes L'expérience quotidienne semble en contradiction avec la notion d'atome. Quel que soit le plus petit

morceau de matière que l'on prenne, il semble que l'on puisse le découper en de plus petits

morceaux et ainsi de suite indéfiniment. Il semblerait donc que la matière soit une espèce de milieu

continu. En réalité, les atomes pourraient être si petits que l'on ne pourrait pas les distinguer à l'œil

nu et même avec un microscope. En fait, si les atomes sont réellement infimes, un processus de

découpage ne pourrait pas trancher la question, car on arriverait à un moment donné à des

morceaux si petit que l'on serait bien en peine, en pratique, de les découper en morceaux plus petits

encore, si petits que l'on n'arriverait même pas à les voir. D'autant que les instruments de coupe,

eux-mêmes constitués d'atomes, ne pourraient pas avoir un tranchant aussi fin que souhaité. Tout au

plus de tels raisonnements nous donnent une taille maximale pour d'éventuels atomes.

Pourtant un phénomène bien connu jette quelques doutes sur la nature continue de la matière. Il

s'agit de la diffusion. Jetons par exemple une goutte d'encre dans un verre d'eau. On pourrait utiliser

du sucre ou regarder de la vapeur ou de la fumée se diffuser dans l'air, mais l'encre étant fortement

colorée, le processus est plus facile à observer. On constate que l'encre se sépare en filets de plus en

plus fins, en tourbillons, en volutes et en panaches, jusqu'à complètement se mélanger à l'eau.

Dans un milieu continu, parfaitement calme et homogène, à température constante, on s'attendrait

plutôt à une diffusion progressive et également homogène. Alors que si l'on imagine les deux

fluides comme étant composés de petites particules en perpétuelle agitation, cela semble plus

simple à expliquer (imaginez deux foules qui se mélangent). Toutefois cela n'est pas encore

suffisant, car on pourrait imaginer le milieu continu également comme agité à très petite échelle. Et

Page 66: Tome I

même si une telle théorie continue expliquerait difficilement les contorsions de l'encre, cela n'est

pas exclu.

C'est à la fin du dix-huitième siècle que des découvertes offrirent de meilleurs indices sur

l'existence des atomes. A l'époque la chimie commençait à obtenir ses lettres de noblesse. Lavoisier

constata que les réactions chimiques se font toujours de manière proportionnelle, sans aucune

exception. Prenons par exemple l'eau. En brûlant de l'hydrogène dans de l'oxygène, on obtient de

l'eau. C'est un exemple simple mais difficile à étudier : ce sont des gaz, et en plus la réaction est

explosive ! Elle fait toutefois intervenir des éléments bien connus, elle suffira à notre propos.

Lavoisier constata que la même proportion d'hydrogène est toujours combinée à la même

proportion d'oxygène. Si vous doublez la quantité d'hydrogène, il se consumera en consommant le

double de quantité d'oxygène et produira le double de quantité d'eau. En outre, en décomposant

l'eau (Lavoisier utilisa un canon de fusil chauffé au rouge dans lequel il faisait circuler de la

vapeur), vous retrouvez les quantités d'hydrogène et d'oxygène initial (pour être exact, l'oxygène se

retrouve sous forme de rouille dans le canon, ce qui peut être constaté par une simple pesée). Ce

faisant, Lavoisier venait de mettre en évidence la première loi de conservation : celle de la matière.

Rien ne se perd, rien ne se crée. Mais ce qui nous importe ici, ce sont les effets proportionnels. Qui

Page 67: Tome I

dit proportion, dit discontinu. En effet, qu'est-ce qui empêche de combiner, disons dix pour cent en

plus d'hydrogène avec cinq pour cent en plus d'oxygène pour obtenir quelque chose qui est

"presque" de l'eau ? Pour être précis, il faut par exemple dix litres d'oxygène pour consumer vingt

litres d'hydrogène. Pourquoi pas onze litres ? Pourquoi pas 10,0001 litres ? D'où viennent ces

valeurs précises et discontinues ? En réalité, si l'on imagine la matière composée d'atomes, c'est

beaucoup plus facile. Dans ce cas, on aurait deux atomes d'hydrogène qui se combineraient à un

atome d'oxygène pour fabriquer un atome d'eau (en réalité une molécule d'eau, mais Lavoisier ne

pouvais pas le savoir, l'expression consacrée était plutôt "corps simples" et "corps composés").

En fait, même si cela peut nous sembler évident à notre époque, l'histoire est riche en

rebondissements et la théorie atomique de la matière ne fut pas acceptée si facilement.

Page 68: Tome I

Cette théorie atomique des proportions fut largement améliorée et complétée grâce aux travaux de

Dalton, Gay-Lussac, Proust,…

Il existe un autre phénomène qui a le mérite de mettre en évidence les atomes de manière beaucoup

plus directe. Il s'agit du mouvement Brownien. Prenons un fluide au repos (de l'eau par exemple),

parfaitement homogène et à température constante. Plaçons dans ce fluide de petites particules, les

plus petites possibles, par exemple des grains de pollens. Il faut bien sûr un microscope pour les

observer. On constate alors qu'elles ne sont pas immobiles ! Elles sont secouées d'une agitation

Page 69: Tome I

frénétique. Plus encore, chaque particule se dirige en ligne droite puis est brusquement déviée

comme si elle était heurtée par "quelque chose". La conclusion est immédiate. Le fluide est

composé d'atomes trop petits pour être vu mais dont les chocs sur nos petites particules sont bel et

bien visibles. Au début du siècle, un physicien bien connu du grand public étudia ce phénomène, il

s'agit d'Albert Einstein. Il s'est intéressé à la distance parcourue par les particules au cours du

temps. La relation qu'il a obtenue à partir du concept atomique correspond parfaitement à

l'observation et est une preuve très convaincante. Ce fut sa première publication (peut de temps

avant l'effet photoélectrique et la relativité).

Cette preuve fut d'ailleurs considérée comme décisive, d'autant qu'elle permettait d'obtenir des

données quantitatives précises sur les atomes, par exemple leur nombre.

L'électron découvert peu de temps avant, dans les "rayons cathodiques", compléta le tableau. On

comprit très vite que l'atome devait être composé d'une masse importante chargée positivement et

de particules plus petites et légères chargées négativement, les électrons.

Par la suite, la théorie atomique a permis d'expliquer toutes les propriétés de la matière des plus

simples aux plus complexes, des plus évidentes aux plus mystérieuses.

Page 70: Tome I

La structure de la matière Les différentes sortes d'atomes sont peu nombreuses, une bonne centaine, on les appelle les

éléments. Tout le reste est composé de molécules. Une molécule est un assemblage précis d'atome.

Par exemple la molécule d'eau est composée de deux atomes d'hydrogène et un d'oxygène

intimement liés. Certaines molécules peuvent être très complexes. En voici une courte liste qui en

donne une petite idée :

• une molécule de sel de cuisine = deux atomes (sodium plus chlore)

• une molécule d'acide sulfurique = sept atomes (souffre, oxygène, hydrogène)

• une molécule de benzène (un solvant) = douze atomes (carbone, hydrogène)

• une molécule de glucose = 45 atomes (carbone, hydrogène, oxygène)

• une protéine : de quelques centaines d'atomes à quelques centaines de millier d'atomes

(carbone, hydrogène, oxygène, azote, soufre).

• une molécule d'ADN (support du code génétique) : typiquement de l'ordre du milliard

d'atomes (ce sont les plus grosses molécules connues).

Dans un gaz, les atomes ou les molécules se déplacent librement, en dehors de quelques collisions

de temps à autre.

Page 71: Tome I

Dans un liquide, les atomes ou les molécules sont les uns contre les autres mais ne sont pas

fortement liés, les atomes sont en perpétuel déplacement.

Dans un solide, les atomes sont rigidement liés les uns aux autres. Le passage d'un état à l'autre

peut se faire, par exemple, avec la température. A haute température, l'énergie d'agitation des

molécules est suffisante pour "détacher" les molécules les unes des autres et liquéfier puis vaporiser

la matière. Certains solides ne fondent pas mais brûlent ou se décomposent. Cela se produit si les

molécules se brisent sous l'effet de la température avant d'atteindre la liquéfaction ou l'ébullition.

Les solides peuvent eux-mêmes se présenter sous différentes formes. Le plus simple est l'état

cristallin. Les atomes y sont ordonnés de manière régulière. Chacun est attaché aux autres selon des

liaisons précises et géométriques. Des exemples d'état cristallin sont le diamant, le quartz, la glace,

Page 72: Tome I
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L'état opposé à l'état cristallin est l'état amorphe. Les atomes y sont disposés de manière aléatoire.

Un exemple classique est le verre. En général l'état amorphe n'est pas l'état le plus stable, les

atomes ont tendances a se disposer selon des liaisons plus régulières. Mais la transformation peut

être très lente. La cristallisation du verre peut prendre plusieurs siècles voire des millénaires (il

devient alors opaque). C'est un problème bien connu pour les vitraux les plus anciens. Notons que

le verre appelé "cristal" n'est en rien dans un état cristallin, son état est amorphe et son nom résulte

seulement de sa composition et ses qualités !

En général, les matériaux sont plus complexes et sont fortement hétérogènes. Ils sont souvent dans

un état cristallin mais avec de petits cristaux disposés de toute sorte de manière. C'est le cas des

métaux et de la plus part des roches. Lors de la solidification des cristaux se forment

indépendamment un peu partout puis se soudent les uns aux autres par contact.

Page 74: Tome I

Il existe bien d'autres états : en feuillet, en fibres… Par exemple les polymères comme les

plastiques et les caoutchoucs sont formés de très longues molécules associées en fibres. Parfois des

liaisons perpendiculaires entre les molécules rigidifient l'ensemble constituant ainsi des réseaux très

complexes. La technologie moderne a appris à maîtriser ces différentes formes pour fabriquer

toutes sortes de matériaux comme par exemple les composites, ainsi appelés parce qu'ils consistent

en l'assemblage de matériaux de nature très différente (du carbone, des métaux, des plastiques, des

céramiques, …) par collage, tressage, etc.

Page 75: Tome I

Dans les solides, les atomes sont tout près les uns des autres. Dans certains cas les électrons

peuvent alors "sauter" facilement d'un atome à l'autre. Dans ce cas la matière peut conduire le

courant. Dans le cas contraire on a affaire à un isolant.

Pour estimer la taille des atomes, un moyen simple est de prendre un état où les atomes sont pressés

les uns contre les autres, comme un solide, et de compter le nombre d'atomes. Plusieurs moyens

peuvent être utilisés pour compter les atomes, par exemple en utilisant l'électrochimie : une réaction

Page 76: Tome I

chimique mettant en jeu l'échange d'électrons à travers un courant électrique. En mesurant

l'intensité du courant, et donc le nombre d'électrons échangés, on peut connaître le nombre d'atomes

ayant réagit chimiquement, et en mesurant la masse de la matière qui a réagit chimiquement (par

exemple pour former un sel, un oxyde comme la rouille ou en déposant du chrome sur un métal

pour en faire de l'inoxydable) on peut aisément compter combien il y a d'atomes dans un gramme

de matière.

Ils sont extrêmement petits. Leur taille est typiquement de l'ordre de l'Angström. Un Angström est

une unité de longueur couramment utilisée en physique atomique et il vaut un dixième de

milliardième de mètre.

Il n'est pas étonnant que les Grecs n'aient jamais pu les voir et que leurs discussions soient restées

au niveau philosophique !

Du fait de leur petite taille, les atomes sont extrêmement nombreux. Surtout dans les solides ou les

liquides où les atomes sont pratiquement les uns contre les autres (dans les gaz, ils peuvent être

beaucoup plus dispersés). Par exemple, un gramme d'hydrogène (qui, à pression ambiante, occupe

22,4 litres) contient 600000 milliards de milliards d'atomes. Un nombre gigantesque (appelé le

nombre d'Avogadro).

La spectroscopie Chaque atome peut émettre ou absorber de la lumière. Par exemple, si la matière est fortement

chauffée, les atomes entrent en collision avec l'agitation thermique, les atomes sont alors dans un

état excité qui se traduit par l'émission de lumière.

On constate que chaque type d'atome émet seulement certaines longueurs d'ondes (certaines

couleurs). L'ensemble des longueurs d'ondes émises (ou absorbées) par un atome s'appelle son

spectre.

La spectroscopie est donc l'étude du spectre d'un atome.

Page 77: Tome I

Il est assez facile d'observer le spectre d'un atome en dispersant les couleurs avec, par exemple, un

prisme.

Chaque spectre est unique. C'est un peu comme une empreinte digitale. Le simple fait de voir le

spectre permet de connaître l'élément qui l'a émit. Ainsi, par exemple, l'observation du spectre

d'une étoile permet de connaître sa composition. C'est de cette manière que l'on sait que notre Soleil

est composé en grande partie d'hydrogène et d'hélium et d'un peu de carbone d'azote et d'oxygène.

C'est d'ailleurs comme cela qu'on découvrit l'hélium la première fois. Son nom vient d'hélios (soleil

en grec).

Tout ceci est vrai également des molécules qui présentent des spectres précis.

L'atmosphère terrestre peut absorber aussi certains rayonnements. Par exemple, la couche d'ozone

troposphérique absorbe les rayonnements ultraviolets les plus énergétiques et très nocifs et

l'humidité de l'air et le gaz carbonique absorbe le rayonnement infrarouge provoquant l'effet de

serre qui garantit à notre planète une température douce et favorable à la vie mais qui est aussi la

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cause de bien des soucis en ce début de vingt et unième siècle à cause de l'émission humaine d'une

quantité trop importante de gaz à effets de serres.

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Lorsque l'on observe des raies sombres sur un spectre lumineux comme ci-dessus, on parle d'un

spectre d'absorption. Lorsque l'on observe des raies lumineuses sur un font sombre (par exemple un

gaz chauffé) on parle de spectre d'émission. L'un est simplement le négatif de l'autre.

C'est grâce à ces spectres (dans la lumière visible, dans les ondes radios, etc.) que les astronomes

explorent l'univers. Les spectres donnent énormément d'indications sur la nature des corps célestes

observés, en tout premier lieu leur composition chimique.

Notons que l'absorption de certains rayonnements par l'atmosphère constitue aussi une gêne pour

les astronomes qui voudraient observer l'univers dans cette gamme de rayonnement et qui ne

peuvent, dans ce cas, compter que sur les observatoires placés en orbites.

Balmer découvrit que les longueurs d'ondes d'un spectre obéissent à des règles simples : si on a une

raie de fréquence 1ν suivie d'une raie de fréquence 2ν , alors on a aussi une raie de fréquence

21 νν + (mais pas une de fréquence 212 νν + , par exemple, la série ne continue pas, ça ne marche

donc qu'avec certaines raies "proches"). Cette découverte est assez remarquable car le spectre

s'étale largement (depuis les ondes radios jusqu'aux ultraviolets) et Balmer, à son époque, ne

pouvait analyser que les raies en lumière visible, soit une toute petite partie du spectre et seulement

quelques raies par atomes. Il fallait être très malin et très imaginatif pour découvrir ces règles sur

seulement si peu de cas.

Ces règles simples, ces régularités devaient être un voile levé sur les secrets de la structure des

atomes. Encore fallait-il découvrir ces secrets.

Page 81: Tome I

II.2.1. L'atome de Thomson Revenons à la structure d'un atome seul. Comment est-il constitué ?

Des mesures simples permettent de constater qu'un électron est plusieurs milliers de fois plus léger

que le noyau (exactement 1833 fois plus léger qu'un noyau d'atome d'hydrogène). Ces électrons

découverts à travers les rayons cathodiques furent tout de suite identifiés avec l'électricité et les

phénomènes électromagnétiques. Le reste de l'atome, globalement neutre, étant constitué d'une

masse chargée positivement.

Comme le noyau n'a pas une masse quelconque mais est toujours un multiple de la masse du noyau

de l'hydrogène, cela signifie que le noyau contient des particules (1833 fois plus lourdes que

l'électron), chargées d'électricité positive, que l'on appelle des protons. Mais cela ne nous dit pas où

sont les électrons dans l'atome.

Thomson proposa un modèle qui semblait naturel dans la mesure où les charges électriques

négatives et positives s'attirent. Son modèle pourrait s'appeler le pain aux raisins.

Page 82: Tome I

Les électrons, petits et légers, "fourrent" une grande masse chargée positivement.

Ce modèle avait plusieurs inconvénients :

� Il n'expliquait pas pourquoi la masse positive se comptait par unités entières. Toutefois, on

pouvait résoudre ce problème en imaginant que la grosse masse positive était en fait constituée

de plusieurs morceaux (les protons) agglomérés. Des espèces de grumeaux de pain dans le pain

au raisin.

� Il est difficile d'extraire des électrons de cette masse. Les charges électriques positives et

négatives s'attirent, et cette attraction est d'autant plus forte que les charges sont proches. Ici

elles sont carrément l'une contre l'autre et à une distance de la taille d'un atome, une taille

infime, et même plus près encore puisque les électrons sont au contact de la masse chargée

positivement. L'attraction doit donc être gigantesque.

Or, il est expérimentalement facile d'arracher des électrons à un atome. Les électrons sont le

vecteur de l'électricité et elle est facile à produire. Plus encore, un simple frottement sur un

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morceau d'ébonite, d'ambre (elektron en grec, d'où le nom donné aux électrons), un tissu en

laine ou en peau de chat produit de l'électricité statique, c'est-à-dire arrache des électrons qui

restent fixés sur le bâton ou le tissu. Et ces frottements correspondent à des chocs très faibles

entre atomes. Comment cela pourrait-il arracher des électrons aussi bien ancrés que dans ce

modèle ?

� Enfin, comment expliquer l'émission et l'absorption de lumière par ce modèle ? Il est certain

que la lumière a une nature électromagnétique, ce qui colle bien avec une structure sous forme

de particules chargées. On peut imaginer que les électrons peuvent bouger à l'intérieur de la

masse positive et que ce mouvement entraîne l'émission de lumière ainsi qu'une variation de

l'énergie de l'atome. Toutefois, on comprend mal comment les électrons pourraient bouger sous

une sollicitation extérieure alors qu'ils sont si bien enfouis. C'est à nouveau le problème

précédent. Mais aussi pourquoi l'atome ne peut émettre que certaines fréquences lumineuses

précises, comme le montre la spectroscopie et, encore plus mystérieux, pourquoi ces raies

lumineuses obéissent à la règle de Balmer.

On peut bien sûr imaginer toutes sortes de mécanismes plus ou moins complexes pour essayer de

s'en sortir. Encore faut-il qu'ils marchent.

Thomson imagina des électrons vibrant. Cette théorie développée par Lorentz, à l'aides des outils

de la mécanique et de l'électromagnétisme, permis pour la première fois d'expliquer l'émission et

l'absorption d'ondes électromagnétiques ainsi que la diffusion et la dispersion de la lumière.

Donc, malgré ses imperfections et son incapacité à reproduire fidèlement les résultats

expérimentaux, ce modèle avait au moins le mérite d'exister et d'apporter un petit éclairage sur la

nature de l'atome.

A ce stade les physiciens étaient empêtrés dans des équations extrêmement complexes tentant de

décrire un tel édifice. Equations qui refusaient obstinément de reproduire ce qui était observé.

Ce genre de situation montre la limite d'une "idée". Avoir une idée qui peut sembler simple et

géniale ne suffit pas. Même un modèle construit sur cette idée et décrivant qualitativement tous les

mécanismes recherchés est insuffisant. Il faut aussi le décrire quantitativement et

Page 84: Tome I

mathématiquement pour voir s'il correspond à la réalité. Et ce n'est malheureusement pas toujours

le cas.

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II.2.2. L'atome de Rutherford Pour Rutherford, l'atome devait plutôt ressembler à un petit système solaire.

Un noyau très petit, très massif, constitué des protons, se situe au centre. Les électrons, petits et

légers tournent autour. La force d'attraction entre charges électriques permettant à ces électrons de

rester à une distance constante, cette force agissant comme la gravité pour les planètes.

Ce modèle a de nombreux avantages. Tout d'abord, les électrons loin du noyau sont aussi plus

faiblement attirés par le noyau. Il devient aisé de les arracher pour produire un courant électrique.

Page 86: Tome I

Ensuite, les électrons sur des orbites différentes ont des énergies différentes et le passage d'une

orbite à l'autre pourrait résulter de l'absorption ou de la libération d'énergie sous forme lumineuse et

sous formes de raies lumineuses avec une fréquence bien précise.

Ensuite, lors de contacts entre atomes, des électrons pourraient être échangés ou mis en communs

ouvrant une voie sur l'explication de la chimie et de la valence des atomes (le nombre de liaisons

que chaque atome peut établir avec ses voisins pour former une molécule).

De plus, ce modèle a une base expérimentale solide. Rutherford envoya sur des atomes un flux de

particules alphas. Les particules alphas sont juste des noyaux d'hélium composés de deux protons et

deux neutrons. Evidemment, on ne connaissait par leur composition à l'époque, on savait juste que

les particules alpha étaient petites, massives (8000 fois la masse d'un électron) et chargées

positivement. Les particules alpha étaient émises par la matière radioactive.

Page 87: Tome I

Les électrons, trop légers, n'influencent pas les particules alphas qui se contentent de les bousculer

comme des quilles. Nous n'avons pas dessiné les électrons ci-dessus. Par contre, les noyaux,

beaucoup plus massifs, dévient fortement les particules alphas.

Ce que découvrit Rutherford c'est que les particules alphas sont rarement déviées. La plupart

passent à travers une fine couche de matière sans être affectées.

Grâce à ces expériences très précises, Rutherford put déterminer que l'atome est constitué d'un

noyau positif, très massif et très petit, très compact, dix mille fois plus petit que l'atome. Chaque

noyau est séparé des autres noyaux d'atomes par beaucoup de vide.

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Remplir ce vide avec des électrons tournant autour des noyaux était alors tout à fait logique (ne fut

ce que pour expliquer ce qui maintient les noyaux loin les uns des autres, les électrons se

repoussant les uns les autres).

En fait, Rutherford n'a établit son modèle qu'après ses expériences. C'est sur une base

expérimentale qu'il a conçu son modèle. Celui-ci était le meilleur modèle rendant compte de

l'ensemble des mesures effectuées. Une telle approche, lorsqu'elle est possible, garantit que le

modèle conçu correspond effectivement à la réalité ou tout au moins s'en approche au mieux des

connaissances accumulées jusque là.

Le seul problème du noyau de Rutherford c'est qu'il n'est pas stable ! Du moins pour la théorie

classique.

Nous savons qu'une charge électrique qui est accélérée émet un rayonnement électromagnétique.

Or, un corps qui tourne subit une accélération centripète. Donc, des électrons qui tournent émettent

des ondes électromagnétiques.

C'est d'ailleurs sur ce principe que fonctionnent les antennes émettrices : des électrons tournant

dans des boucles de fil électrique émettent une onde radio.

Selon le modèle de Rutherford, les électrons tournent autour du noyau et les atomes devraient donc

émettre un rayonnement électromagnétique continu, ce qui n'est évidemment pas observé.

Plus grave, les électrons, en émettant du rayonnement, devraient perdre de l'énergie et tomber en

spirale sur le noyau. L'atome de Rutherford est instable et devrait se transformer en atome de

Thomson !

Page 89: Tome I

Or, force est de constater que la matière est stable. Elle ne s'effondre pas comme dans la figure ci-

dessus.

Cette fois la physique classique est clairement en défaut. L'approche que semble privilégier

l'expérience n'est pas explicable par la physique classique. Il va donc falloir trouver une meilleure

description théorique.

Mais avant de voir comment cela fut traité théoriquement, continuons notre excursion

expérimentale des phénomènes défiant la physique classique.

Page 90: Tome I

III. Bases physiques En l'état actuel de nos connaissances, la mécanique quantique peut être vue comme la théorie

fondamentale des phénomènes atomiques. Les données expérimentales sur lesquelles elle est basée

sont dérivées de phénomènes physiques qui se situent presque entièrement au-delà du domaine de

la perception humaine. Il n'est donc pas surprenant que la théorie implique des concepts physiques

qui sont éloignés de l'expérience de tous les jours. Ces concepts n'apparaissent pas dans le

développement historique de la mécanique quantique avant qu'un formalisme mathématique

complet ne soit développé. La nécessité d'une comparaison quantitative avec l'observation, qui est

le test ultime de toute théorie physique, a d'abord conduit au formalisme et seulement après à son

interprétation en termes physiques.

Il semble souhaitable d'introduire le sujet de la mécanique quantique au départ d'un ordre historique

et de remettre la discussion des concepts physiques à plus tard. Ici, nous allons passer brièvement

en revue l'arrière-plan expérimental et les idées de la vieille théorie quantique avant de discuter des

nouveaux concepts physiques, de l'indétermination et de la complémentarité pour ensuite poser les

pierres de base du formalisme qui sera développé sous une forme plus familière après. Nous ne

tenterons pas de déduire la structure du formalisme des expériences fondamentales mais nous

essayerons plutôt de rendre le développement théorique plausible. La justification de la théorie

restera alors son accord entre les déductions et les expériences ainsi que la simplicité (de principe

plus que de pratique) et la consistance du formalisme.

Les expériences physiques avant 1900 ont démontré l'existence d'une large variété de phénomènes

dont on pensait pour la plupart qu'ils étaient explicables en termes de ce que nous appelons

maintenant la physique théorique classique. Les mouvements des objets mécaniques étaient

discutés avec succès à l'aide des équations de Newton autant sur des échelles célestes que sur des

échelles terrestres. L'application de cette théorie aux mouvements moléculaires a produit des

résultats utiles en théorie cinétique des gaz et la découverte de l'électron par J.J. Thomson en 1897

consista à montrer qu'il se comportait comme un corpuscule newtonien. La nature ondulatoire de la

lumière avait été fortement suggérée par les expériences de diffraction de Young en 1803 et mise

sur un solide piédestal par la découverte en 1864 de Maxwell de la relation entre l'optique et les

phénomènes électriques.

Page 91: Tome I

La difficulté dans la compréhension des résultats expérimentaux qui subsistait au début du

vingtième siècle était largement concernée par le développement d'un modèle atomique, comme

nous venons de le voir, et par la découverte des rayons X et de la radioactivité. Cependant, il y avait

aussi des difficultés associées avec des phénomènes qui auraient dû être compris mais qui ne

l'étaient pas. Une telle situation est la distribution spectrale du rayonnement thermique d'un corps

noir, la chaleur spécifique des solides à basse température et l'apparition de seulement cinq degrés

de liberté dans le mouvement d'une molécule diatomique libre à température ordinaire.

Le début de compréhension de la deuxième catégorie de difficultés fut obtenu par Planck en 1900

quand il fut capable d'expliquer le spectre du corps noir en termes de l'émission et l'absorption

supposée du rayonnement électromagnétique sous forme de quanta discrets, chacun consistant en

une quantité d'énergie E qui est égale à la fréquence du rayonnement ν multipliée par une

constante universelle h (appelée la constante de Planck) :

νhE =

Cette idée quantique fut plus tard utilisée par Einstein pour expliquer certaines observations

expérimentales de l'effet photoélectrique. De cette manière, le caractère dual du rayonnement

électromagnétique fut établit. Il se comporte parfois comme un mouvement ondulatoire et parfois

comme un flux de corpuscules.

A ce moment, l'existence de valeurs discrètes dans la mesure de paramètres des systèmes atomiques

(pas seulement du rayonnement électromagnétique) devint apparente à travers les théories

d'Einstein et de Debye de la chaleur spécifique des solides, la classification de Ritz des raies

spectrales, l'expérience de Frank et Hertz sur la perte discrète d'énergie des électrons dans les

collisions avec les atomes et l'expérience (plus tardive) de Stern et Gerlach qui montra que la

composante du moment magnétique d'un atome dans un champ magnétique externe a des valeurs

discrètes.

Nous allons, dans un premier temps, approfondir l'étude du rayonnement du corps noir et de l'effet

photoélectrique avant de voir le premier modèle quantique d'un atome et avant d'explorer à travers

l'expérience de Young combien peut être étrange le comportement quantique.

Page 92: Tome I

III.1. Le rayonnement du corps noir Vous avez tous vu un morceau de métal chauffé au rouge. Lorsqu’un morceau de fer est chauffé

très fortement, il devient lumineux. Plus il est chaud, plus il est lumineux et plus sa couleur tire vers

le blanc.

Tout le monde sait aussi qu’un être vivant (un corps humain fait trente sept degrés) émet du

rayonnement infrarouge. C’est grâce à ce procédé que fonctionnent certains systèmes d’alarmes

équipés de détecteurs infrarouges. De même, certaines lunettes de «vision nocturne » permettent

simplement de voir les infrarouges. Beaucoup d’entre vous ont même sûrement déjà vu le film

Predator avec Arnold Schwarzeneger où l’extraterrestre possède une vision infrarouge, ce qui

permet au héros d’échapper à la créature en s’enduisant d’eau et de boue froide.

Vous avez peut-être déjà eut aussi l'occasion d'observer ces magnifiques photos du ciel prises dans

l'infrarouge par certains satellites équipés de télescopes captant ce rayonnement (comme le satellite

IRAS). On y voit de nombreux objets qui sont invisibles à la lumière visible tel que des nuages de

poussières, trop froids que pour émettre autre chose que du rayonnement infrarouge.

C’est donc un fait. Tout corps chaud émet un rayonnement. Ce rayonnement est d’autant plus

intense et de longueur d’onde courte que la température est élevée. Mais comment étudier ce

rayonnement ? Cela doit certainement être fort compliqué car on comprend aisément que le

rayonnement doit dépendre non seulement de la température du corps mais aussi de sa nature, de sa

composition.

Comment rendre les choses suffisament simples pour les étudier ? Par exemple, pour étudier l'effet

de la température seule. Dans cette optique, on définit un corps « idéal » appelé corps noir.

Un corps noir est un corps possédant deux propriétés :

• Il est en équilibre thermique. C’est à dire qu’il a une température uniforme et constante.

• Il absorbe tous les rayonnements sans exception. C’est à dire qu’il n’est pas réfléchissant.

Page 93: Tome I

C’est cette dernière propriété qui lui donne son nom de corps noir, car il absorbe toute la lumière

comme de la couleur noire alors qu'une feuille blanche réfléchit presque toute la lumière qu'elle

reçoit. Un miroir réfléchit aussi toute la lumière avec la propriété supplémentaire qu'il est tellement

lisse que la lumière est toujours réfléchie dans une direction bien précise, ce qui permet de

conserver la forme de l'image et donc d'y voir son reflet.

Comme le corps noir est en équilibre thermique, comme sa température ne varie pas, cela signifie

qu’il reçoit autant d’énergie qu’il en émet. C’est à dire que tout rayonnement absorbé est réémit. Si

ce n'était pas le cas, par exemple s'il absorbait plus d'énergie qu'il n'en émet, cette énergie

accumulée sous forme thermique augmenterait rapidement la température du corps.

Un corps noir a une propriété extraordinaire qui a rapidement été constatée : son rayonnement est

universel. C’est à dire qu’il émet un rayonnement électromagnétique qui ne dépend que de sa

température, pas de sa nature. Qu’il soit en bois, en verre, en papier, peu importe, du moment qu’il

se comporte comme un corps noir, il émet un rayonnement identique aux autres corps noirs.

Bien entendu, s’il émet toujours le même rayonnement et s’il réémet tout ce qu’il absorbe, il y a un

problème. Comment ce qui est émit peut-il rester constant et universel si ce qui est reçu varie ? En

réalité, ce n’est pas grave. Il suffit que le déficit d’énergie soit fournit (ou évacué) par une source

extérieure afin de garder l’équilibre thermique, nous en verrons des exemples.

Bien évidemment, une plaque de métal poli est un très mauvais corps noir car cette plaque

n’absorbe pas tous les rayonnements, c’est un miroir ! Par contre, un objet peint en noir est un bon

corps noir (si la peinture est « noire » également pour d’autres rayonnements que la lumière visible,

c’est à dire si elle absorbe les infrarouges, etc.).

Un morceau de métal chauffé très fortement perd sa capacité de miroir et devient un bon corps noir.

D’une manière plus générale, même si le corps n’est pas parfaitement « noir » parce qu’il reflète un

peu de lumière, ce n’est pas grave. Le rayonnement n’est plus universel mais il ressemble encore à

celui du corps noir (on parle alors de corps gris). On peut aussi avoir un corps qui est un bon corps

noir dans une certaine gamme de rayonnement. Par exemple, le corps humain reflète la lumière

Page 94: Tome I

visible. Mais à trente sept degrés Celsius, un corps humain émet surtout des infrarouges et, dans ce

domaine de longueur d’onde, le corps humain absorbe les rayonnements infrarouges.

Un four fermé mais percé d’un petit trou et équipé d’un thermostat est un bon corps noir.

Plus exactement, c’est le trou qui est un corps noir ! La température du four et

Donc la température « vue » à travers le trou est constante et uniforme grâce au thermostat. Le

rayonnement entrant (s’il existe) a peu de chance de ressortir même si les parois intérieures sont

légèrement réfléchissantes, car il va se refléter un grand nombre de fois avant de réussir à repasser

par le petit trou. Il sera donc quasiment absorbé en totalité. Ce dispositif permet d'étudier

facilement un corps noir à une température quelconque dans un laboratoire.

Page 95: Tome I

Le soleil est un excellent corps noir ! C’est avec un tel exemple qu’on se rend compte que le nom

est bien mal choisi. Sa température de surface est presque constante et uniforme (environ 6000

degrés) en dehors de quelques endroits (tâches solaires, protubérances solaires, des éruptions de

matière solaire). Le rayonnement qui arrive sur lui est totalement absorbé (le soleil est composé de

gaz qui ne se comporte certainement pas comme un miroir).

Bien entendu, il n’y a pas beaucoup de rayonnement qui lui parvient. C’est lui qui est sensé éclairer

les planètes, pas l’inverse ! Mais le soleil possède sa source d’énergie (un peu comme le four, sauf

que pour le soleil c’est d’origine thermonucléaire) qui permet de maintenir l’équilibre thermique.

Voyons un peu à quoi ressemble ce fameux rayonnement de corps noir.

Page 96: Tome I
Page 97: Tome I

En bas on a indiqué la longueur d’onde émise. La hauteur de la courbe donne l’intensité du

rayonnement (l’énergie émise par seconde par unité de surface, par exemple en Watt par mètre

carré). On a tracé une courbe pour différentes températures.

On constate immédiatement plusieurs choses :

� L’énergie totale est d’autant plus grande que la température est élevée. Elle est même

proportionnelle à la puissance quatrième de la température (mesurée en Kelvin, c’est à dire à

partir du zéro absolu qui vaut moins -273 degrés Celsius). C’est à dire que si la température

double, l’énergie émise est multipliée par seize. Ainsi, un morceau de métal chauffé à blanc

émet une très grande quantité d’énergie (ça brûle, même sans toucher).

� Le maximum de la courbe, c’est à dire la longueur d’onde pour laquelle le rayonnement est le

plus fort, se déplace vers les courtes longueurs d’ondes lorsque la température augmente. Un

morceau de métal chauffé de plus en plus fort devient rouge, orange, jaune, blanc… A ce stade,

il émet beaucoup de rayonnement bleu, mais comme il émet énormément d’énergie, même dans

les autres couleurs (la courbe ci-dessus devient très haute), alors la couleur nous semble

blanche.

Une lampe à incandescence fonctionne selon ce principe. Le filament est dimensionné de façon

à s'échauffer à une température précise dont le maximum du rayonnement se situe dans la

lumière visible et pour émettre une quantité d'énergie précise, on parle ainsi d'une lampe de 40

Watt, 60 Watt,… Bien entendu, ces lampes émettent aussi beaucoup de rayonnement infrarouge

qui échauffe les parois et une partie de l'énergie est dissipée sous forme de chaleur. Les lampes

dites économiques fonctionnent sur d'autres principes et émettent l'essentiel de leur énergie

dans le domaine visible.

Comment la théorie classique explique-t-elle ce rayonnement ? A ce stade, nous ne pouvons pas

connaître le mécanisme intime qui permet l’émission du rayonnement. Toutefois la théorie

classique nous explique plusieurs choses :

� La température est due, dans un solide, aux vibrations des atomes. Plus c’est chaud, plus ils

vibrent fort. En fait, la température est une mesure directe de cette agitation.

� Le rayonnement est une onde. C’est à dire une vibration électromagnétique qui se propage.

� Les atomes contiennent des particules chargées, les électrons.

Page 98: Tome I

� Les vibrations sont le domaine de la mécanique (et de la thermodynamique qui fait le lien avec

la température).

� Le rayonnement est le domaine de la théorie électromagnétique. La théorie de Maxwell montre

qu'une charge qui est accélérée (par exemple, un électron "agité") émet un rayonnement

électromagnétique.

On peut supposer raisonnablement que les vibrations des atomes sont responsables du rayonnement

émit, cela est cohérent avec le fait que l'agitation d'une charge provoque l'émission du rayonnement

et avec le fait que ce rayonnement augmente avec la température (agitation plus grande). On peut

également supposer que les vibrations sont reliées à celles du rayonnement. C’est à dire que la

fréquence de vibration d’un atome correspond à celle de la lumière émise. Ce sont les seules

hypothèses que l’on peut faire et elles sont logiques (et d’ailleurs parfaitement correctes, même

après les problèmes que nous allons découvrir).

Que donne alors la théorie pour les courbes du corps noir ? Reprenons le graphique précédent et

indiquons les courbes prédites par la théorie en bleu lorsqu'on effectue le calcul.

Page 99: Tome I

Il est manifeste que la théorie ne correspond pas du tout à la réalité !

Page 100: Tome I

Regardons d’abord du coté des grandes longueurs d’ondes. Là, pas de problème. La théorie prédit

exactement ce qui est observé. Et avec une grande précision encore. Notre hypothèse des vibrations

semble donc bien correcte.

Regardons maintenant du coté des courtes longueurs d’ondes. Là, c’est la catastrophe (le problème

fut d’ailleurs appelé catastrophe ultraviolette) ! La théorie prévoit que l’intensité du rayonnement

doit continuer à grimper alors que l’expérience prouve le contraire.

La courbe théorique est même totalement absurde. Si on regarde l’énergie totale émise (la surface

sous la courbe), la théorie dit qu’elle est infinie ! Il y a non seulement un problème mais, pire que

cela, c’est même un très gros problème. La théorie classique, pour les petites longueurs d’ondes est

totalement erronée.

Pourquoi cet écart ? L’hypothèse des vibrations (liens entre vibrations des atomes et vibrations

électromagnétiques) serait-elle fausse ? Mais alors pourquoi ça marche pour les grandes longueurs

d’onde ? Y aurait-il moins de vibrations des atomes aux hautes fréquences ? C'est possible, mais

pourquoi ? Il n’y a aucune raison physique apparente. Et si on calcule (en comparant les courbes

théoriques et réelles) « l’amortissement » nécessaire, c’est à dire la diminution des vibrations

nécessaires, en fonction de la longueur d’onde, c'est-à-dire si on écrit une formule arbitraire, juste

choisie pour qu'elle colle à la courbée observée, on obtient une formule bizarre (formule de Wienn),

totalement inexplicable et qui ne fournit aucune idée sur le mécanisme responsable (pour être

honnête, Wienn trouva sa formule sur base de raisonnements physiques précis mais qui n'éclairent

pas le problème soulevé ici).

Le physicien Max Planck a eut alors une idée curieuse. Il s’est dit : et si l’énergie ne pouvait être

émise que par « paquets » ? Peut-être existe-t-il un mécanisme inconnu dans les atomes qui

empêche les vibrations atomiques de former des vibrations électromagnétiques n’importe comment.

Il supposa que les paquets avaient une valeur très simple. Pour une fréquence de vibration égale à ν , un paquet aurait exactement une énergie égale à νh . h est une constante appelée constante de

Planck et identique pour toutes les fréquences, toutes les températures,… (cette constante a une

valeur extrêmement petite).

Page 101: Tome I

Lorsqu’un atome vibre à la fréquence ν , il émet un rayonnement électromagnétique de fréquence

ν . Mais il émet ce rayonnement par petites « bouffées » ayant une énergie νh .

Pour être exact, Planck a d'abord abordé le calcul d'une manière traditionnelle et a utilisé une

technique habituelle en calcul numérique. Il a découpé l'énergie en tranche pour remplacer les

intégrales par des sommes. C'est en procédant de la sorte qu'il a vu la solution émerger.

Regardons ce que cela change pour les grandes longueurs d’onde. Pour les grandes longueurs

d’onde, la fréquence est petite (rappelez-vous la formule). Donc, la valeur νh est très petite.

Pratiquement n’importe quelle quantité d’énergie peut être émise (il suffit d’avoir la bonne quantité

de petits paquets). Le calcul montre que la courbe est inchangée. C’est déjà ça.

Et pour les grandes fréquences, c’est à dire pour les courtes longueurs d’onde ? Là tout change !

L’énergie d’un paquet νh devient grande. La matière ne sait plus émettre n’importe quelle énergie

car elle est limitée à un nombre entier d’une grosse quantité νh .

Le calcul montre que la courbe théorique est fortement modifiée et elle est exactement égale à la

courbe mesurée. Avec une grande précision et pour toutes les longueurs d’onde et toutes les

températures. Planck avait trouvé.

La formule qu'il a obtenue peut s'écrire :

(1) 1

8/

3

3 −=

kThec

hE ν

νπ

Où l'on retrouve la constante de Planck ainsi que la constante de Maxwell-Boltzmann k .

Nous aurons l'occasion de déduire cette formule directement des statistiques quantiques.

Planck avait trouvé ou plutôt il avait levé un coin du voile car on ignore tout de l’origine de ce

phénomène. Quelle est le mécanisme qui provoque cette libération d’énergie par paquets ou par

bouffées ? Et des paquets qui dépendent de la fréquence en plus. Mystère total. Mais le voile va

bientôt se déchirer.

Page 102: Tome I

III.2. L'effet photoélectrique L’effet photoélectrique est le phénomène où des électrons sont arrachés d’un métal par de la

lumière. Ce phénomène est actuellement utilisé dans un grand nombre de dispositifs

optoélectroniques mais il était déjà connu au début du vingtième siècle et fut étudié par Einstein (il

obtint le prix Nobel pour cela).

Le phénomène fut découvert par Hertz. Celui-ci, pour étudier les ondes radios, utilisait un éclateur.

C'est un petit dispositif avec deux boules métalliques et un arc électrique entre les deux boules.

Hertz constata, par hasard, que s'il éclairait les boules avec de la lumière ultraviolette, l'arc

électrique se déclenchait un peut plus facilement.

Il faut savoir que l'arc électrique n'est tout simplement qu'un flux d'électrons entre les deux boules,

flux traversant l'air. L'aspect lumineux de l'arc est en fait dû à l'air : les électrons, en heurtant les

molécules d'air, les excitent et leur font émettre de la lumière. Si l'arc à lieu dans le vide, il est

invisible à l'œil nu et il se détecte en mesurant le courant électrique entre les boules. Donc,

manifestement les ultraviolets "aident" les électrons à quitter les boules métalliques.

Hertz nota ce phénomène comme une simple anecdote. Ce qui l'intéressait, c'était les ondes radios.

Pas la lumière, ni les électrons.

Par la suite, l'effet fut étudié plus en profondeur et on constata rapidement qu'il était plutôt

incompréhensible.

Voyons cela d’un peu plus près en utilisant une diode.

Page 103: Tome I

Que la diode contienne du gaz ou qu’elle soit sous vide, le courant ne passe pas très facilement.

Habituellement, on utilise un filament pour la cathode, filament chauffé par le passage d'un courant

électrique. L'énergie thermique permet d’arracher plus facilement les électrons. Ici, nous avons

supprimé ce dispositif. Pour que le courant passe, il faut appliquer une tension électrique

considérable pour provoquer un arc électrique (environ 10000 Volts pour une diode de 10

centimètres). Un tel arc, lorsqu'il se déclenche avec une tension aussi élevée, peut même être

destructeur (comme la foudre).

Mais, si l’on éclaire la cathode avec une lumière ultraviolette, tout change. Le courant passe à

nouveau facilement dans la diode car la lumière arrache les électrons de la cathode.

Nous avons dit que la lumière était une onde, mais cela pose un problème. En effet, une onde est

répandue uniformément dans tout l’espace. Si la lumière éclaire uniformément la cathode, l’énergie

qui arrive sur chaque atome est très faible.

Page 104: Tome I

Un atome est si petit que la quantité d’énergie qu’il reçoit est vraiment infime. Même avec une

source de lumière très puissante, les électrons ne reçoivent pas assez d’énergie pour être arraché.

L’énergie nécessaire pour arracher un électron est en effet trop élevée (on peut la mesurer par

d’autres méthodes, par exemple en mesurant et en calculant l’énergie thermique fournie lorsque

l’on chauffe la cathode ou en utilisant des processus chimiques avec échanges d'électrons).

Peut-être que l’énergie reçue s’accumule petit à petit ? Dans ce cas, lorsque l’énergie accumulée

serait suffisante, l’électron pourrait être arraché. Le problème dans ce cas est double :

Page 105: Tome I

� Le temps d’accumulation serait de plusieurs heures. Or l’effet photoélectrique est immédiat.

Dès qu’on allume la lampe, le courant électrique se met à passer.

� Tous les atomes subiraient ce phénomène et, d’un seul coup, nous aurions un énorme paquet

d’électrons arrachés. Ce phénomène n’est bien entendu pas observé.

Et si l’énergie qui arrive sur une grande surface se concentrait sur une petite surface pour arracher

un électron ? Peut-être. Cela marcherait, effectivement. Mais pourquoi cet électron là ? Si la

lumière arrive sur toute la surface de la cathode, pourquoi l’énergie se concentrerait-elle sur telle

petite portion de surface plutôt que telle autre ? Selon quelle règle ? De plus, s’il existait une telle

règle (par exemple l’énergie se concentre au centre de la surface éclairée) ce serait toujours la

même petite portion de surface qui recevrait l’énergie, c’est à dire que les électrons seraient

toujours émis au même endroit de la cathode (par exemple au centre). Ce n’est pas ce qui se passe,

bien que ce soit difficile à vérifier avec le dispositif ci-dessus, mais il peut aisément se

perfectionner pour vérifier de quel endroit de la cathode les électrons sont arrachés, par exemple en

plaçant des obstacles devant la cathode. Le résultat est que les électrons partent d’un peu partout

sur la cathode, d’une manière apparemment aléatoire.

Avant d’essayer de comprendre ce mystère, nous allons perfectionner le dispositif afin d’effectuer

des mesures plus précises de l’énergie des électrons. En effet, l’énergie nécessaire pour arracher les

électrons n’est pas encore bien connue. Nous avons dit qu’on pouvait la déduire à partir d’autres

phénomènes physiques comme le chauffage de la cathode, mais ces méthodes sont toujours

indirectes. Il reste donc un doute que nous devons lever.

Le dispositif que nous allons utiliser est une triode.

Page 106: Tome I

La grille est portée à une tension électrique négative, comme les électrons sont chargés

négativement, ils sont repoussés par la grille. Toutefois, si la tension électrique de la grille est

faible, les électrons seront plus attirés par l’anode et ils arriveront à passer (à travers les trous de la

grille). Il existe donc une tension électrique U à partir de laquelle la grille va empêcher les

électrons de passer.

Supposons qu’un électron d’énergie E quitte la cathode. Que va-t-il se passer ? Les lois sur

l’électricité (et les expériences) nous apprennent que son énergie va varier s’il se déplace dans un

Page 107: Tome I

champ électrique (par exemple, entre la grille et la cathode, il y a un champ électrique

proportionnel à la tension électrique de la grille). C'est bien normal puisqu'il subit une force qui le

pousse dans le sens du champ électrique et donc gagne de l'énergie cinétique. L’énergie gagnée ou

perdue par l’électron est tout simplement égale à la tension électrique multipliée par la charge de

l’électron.

Ici, les électrons sont repoussés par la grille. Lorsqu’ils s’approchent d’elle, ils perdent de l’énergie

car ils doivent lutter contre le champ électrique qui les repousse. Cette énergie (que nous avons

noté E ) n’est rien d’autre que l’énergie cinétique des électrons (l’énergie due à leur mouvement).

S’ils perdent trop d’énergie, ils s’arrêtent et le courant ne passe plus (ils font demi tour et retombent

sur la cathode).

Donc, en faisant varier la tension de la grille (U ) on peut déterminer l’énergie (E ) perdue par les

électrons pour qu’ils s’arrêtent.

Mais cette énergie, c’est l’énergie des électrons qui ont quitté la cathode. Ce n’est pas l’énergie

reçue par l’électron (grâce à la lumière ultraviolette). Ce n’est pas non plus l’énergie nécessaire

pour l’arracher à l’atome. Quel est le lien ?

Appelons 1E l’énergie reçue par l’atome. Appelons 2E l’énergie de liaison de l’électron, c’est à

dire l’énergie nécessaire pour l’arracher à l’atome. Si 1E est plus petit que 2E , l’électron ne pourra

pas être arraché, il n’y a pas assez d’énergie. Si l’énergie 1E est plus grande que 2E , alors

l’électron peut-être arraché. Une partie de 1E sert à arracher l’électron et l’excès set à propulser

l’électron au loin. On aura donc tout simplement :

21 EEE −=

Dans l’expérience, nous pouvons faire varier deux choses et nous pouvons mesurer deux choses.

Nous pouvons mesurer l’énergie E des électrons, comme nous venons de le voir en faisant varier

la tension de la grille, et nous pouvons mesurer l’intensité du courant électrique, c’est à dire le

Page 108: Tome I

nombre d’électrons qui passent. Nous pouvons faire varier l’intensité de la lumière ainsi que sa

fréquence (c’est à dire sa longueur d’onde).

Commençons par faire varier l’intensité lumineuse. Si l’on envoie une lumière deux fois plus

intense, nous allons envoyer deux fois plus d’énergie sur la cathode. On s’attend donc à ce que

l’énergie des électrons augmente avec l’intensité de la lumière. Faisons l’expérience et notons les

résultats sous forme d’un graphique avec les deux valeurs mesurées (en noir l’énergie et en bleu le

courant).

Page 109: Tome I

Ce n'est pas ce que nous avons supposé. C’est le courant qui varie ! Lorsque l’on double l’intensité

de la lumière, c’est à dire lorsque l’on double l’énergie envoyée, les électrons gardent la même

énergie, par contre, il y a plus d’électrons arrachés. Deux fois plus d’énergie implique deux fois

plus d’électrons.

Voilà qui est assez curieux. Essayons alors de faire varier la fréquence de la lumière. A priori cela

ne devrait rien changer.

Page 110: Tome I

On observe pourtant un changement ! Cette fois c’est le courant qui ne varie pas. Et l’énergie des

électrons augmente avec la fréquence de la lumière. Donc l’énergie des électrons dépend de la

fréquence de la lumière, c'est un résultat extrêmement intéressant.

Mais il y a une grosse différence avec le graphique précédent. On voit qu’en dessous d’une certaine

fréquence il n’y a plus de courant du tout car l’énergie des électrons est nulle,. Lorsque la lumière a

exactement la fréquence 0ν , les électrons ont une énergie exactement nulle, et pour une fréquence

un tout petit peu supérieure, les électrons commencent à avoir un peu d’énergie. Donc, pour la

fréquence 0ν , on a 21 EE = .

Et pour une autre fréquence ? Par exemple, pour 1ν les électrons ont l’énergie E . quelle est la

relation entre ces valeurs E , 0ν et 1ν ? En effectuant l’expérience et en mesurant avec précision

toutes ces valeurs ont constate que :

( )hE 01 νν −=

où h est la constante de Planck. C'est simplement la pente de la droite dans le graphique précédent.

Elle est donc facile à obtenir expérimentalement. Revoilà la constante que nous avions trouvé dans

le cas du corps noir ! Ce n’est sûrement pas une coïncidence.

Dans le corps noir nous avions supposé que l’énergie lumineuse ne pouvait être émise que par

paquets ou par bouffées νh . Supposons que la lumière soit réellement composée de paquets

d’énergie νh . C’est à dire que l’on ne suppose pas que ces paquets soient une question d’émission

de la lumière mais que la lumière est réellement composée de petits corpuscules d’énergie νh .

Bien entendu, nous savons que la lumière est une onde. Mais supposons, rien qu’un instant, juste

pour voir, que la lumière n’est pas une onde mais qu’elle est composée de corpuscules. Revoyons

tous les raisonnements précédents à la lumière de cette nouvelle hypothèse. Appelons ces

corpuscules des photons.

� Tout d’abord, revoyons notre problème initial. Nous avons dit que dans le cas d’une onde,

l’énergie n’était pas suffisamment concentrée sur chaque atome pour arracher les électrons. Et

pour des corpuscules ? Là, plus de problème. En effet, les corpuscules sont une concentration

Page 111: Tome I

idéale d’énergie. Chacun contient une quantité d’énergie égale à νh , lorsqu’il heurte un

électron, celui-ci reçoit le photon de plein fouet et il est arraché.

� Faisons varier l’intensité de la lumière. Si l’on double l’intensité de la lumière, l’énergie

lumineuse totale double. Mais la fréquence n’a pas changé, donc l’énergie des photons n’a pas

changé. C’est donc le nombre total de photons qui a doublé. L’énergie des photons n’ayant pas

changé, lorsqu’ils arrachent un électron il n’y a aucune raison que l’énergie de l’électron soit

différente. Par contre, comme il y a deux fois plus de photons, il y a deux fois plus d’électrons

arrachés et l’intensité du courant double. Ca explique tout.

� Faisons varier la fréquence. L’énergie reçue par l’électron est celle du photon, c’est à dire que

νhE =1 . Si νh est inférieur à 2E ( 2Eh <ν ), il n’y a pas assez d’énergie pour arracher les

électrons. En dessous d’une certaine fréquence, pas de courant. Ca marche aussi ! Donc,

20 Eh =ν .

� L’énergie communiquée à l’électron par un photon de fréquence 1ν est :

( )010121 νννν −=−=−= hhhEEE . C’est exactement ce qu’on a mesuré. Il n’y a pas de

doute, la lumière est composée de corpuscules ! De plus, cette simple hypothèse explique le

corps noir. Plus besoin d’un mécanisme mystérieux provoquant l’émission de bouffées

d’énergie. Ces bouffées sont tout simplement les photons eux même. Nous ne connaissons

toujours pas ce mécanisme d'émission des photons dans le corps noir, mais le fait qu'ils soient

émis sous forme de paquets n'a plus rien d'étrange : ce sont des paquets ! Conclusion

qu'Einstein n'hésita pas à tirer de ses expériences contrairement à Planck qui fut beaucoup plus

timoré pour oser lancer une telle hypothèse assez iconoclaste.

D'ailleurs, même après les travaux d'Einstein, il subsista encore des réticences. Après tout, tout

comme l'émission, l'absorption pourrait se produire par paquets. Bien que cette hypothèse ne

concorde pas vraiment avec les constatations (pourquoi l'énergie de l'onde se concentre-t-elle en

un point donné). Ce n'est qu'après l'observation de l'effet Compton ou les photons percutent les

électrons comme dans un billard que le caractère corpusculaire de la lumière fut définitivement

établit.

Page 112: Tome I

Ondes ou corpuscules ? La lumière se comporte donc comme des corpuscules. On était persuadé que la lumière était

composée d’ondes ! Mais l’expérience de Young alors ? Elle est pourtant sans appel : la lumière est

une onde et pas des corpuscules. Mais l’effet photoélectrique est impitoyable, il nous dit que la

lumière est composée de corpuscules et pas une onde !

Quel est ce mystère ? Où est le piège ? Où est l’astuce ?

Notons que l'on a rapidement découvert que les électrons avaient aussi des propriétés ondulatoires,

ce qui est également une surprise. En effet, la nature corpusculaire des électrons semblait bien

établie car on a put déterminer que, en particulier, la charge des électrons était toujours un multiple

entier d'une charge élémentaire et qu'ils avaient une masse bien précise. Le comportement dans les

rayons cathodiques, établit par Thomson, était celui d'un corpuscule avec une trajectoire balistique.

Pourtant, il est possible de réaliser également des figures d'interférences avec les électrons, procédé

qui est à la base du microscope électronique où les électrons y jouent exactement le même rôle que

la lumière et où les lentilles en verre sont remplacées par des bobines produisant des champs

magnétiques pour focaliser ou dévier les électrons. Dans un tube cathodique de télévision, ce même

type de système (des bobines magnétiques) sert à envoyer le flux d'électron sur un écran pour y

allumer des points (des pixels), ce qui est une manifestation corpusculaire. On retrouve donc

exactement la même dualité entre corpuscules et ondes.

Nous allons bientôt étudier plus en profondeur ces comportements mais avant, réfléchissons un peu

à cette curieuse "dualité" onde - corpuscule.

Même si beaucoup de choses restent quelque peu mystérieuses, nous avons au moins pu dégager

quelques petites choses.

Tout d’abord. Même si la nature réelle des objets microscopiques, les électrons et les photons,

semble encore nous échapper, la nature « quantique » comme on dirait maintenant, il y a au moins

une chose qui semble claire. En effet, les électrons et les photons ne semblent pas si différent que

cela en fin de compte.

Page 113: Tome I

Au début, on était persuadé que les électrons étaient des corpuscules et la lumière des ondes. C’est

à dire des objets fondamentalement différents. Maintenant, on se rend compte que l’un comme

l’autre semblent avoir tous les deux un comportement ambigu. Parfois ils se comportent comme des

ondes, parfois comme des corpuscules.

Le problème est, à ce stade, le suivant. Doit-on dire que ces objets sont à la fois des ondes et des

corpuscules ou bien doit-on dire qu’ils sont des ondes ou des corpuscules selon la situation ?

La distinction entre le "et" et le "ou" est capitale. Dans le cas où le "et" serait la bonne réponse, on

aurait affaire à des objets étranges qui cumuleraient les propriétés des ondes et des particules. Objet

curieux s’il en est étant donné l’incompatibilité des deux concepts (essayez un peu de fabriquer un

boulet de canon avec des vagues ou essayer un peu de faire des interférences avec un unique boulet

de canon).

Si c’est le "ou" qui est la bonne réponse, nous avons alors affaire à un objet dont la nature nous

échappe encore mais qui, selon la situation, se comporte comme un corpuscule ou une onde, mais

pas les deux à la fois. C’est à dire des comportements bien précis et faciles à distinguer.

Dans les deux cas, nous serons confrontés au problème suivant : comment caractériser la nature

réelle de ces objets ?

Nous venons de dire que des objets comme les électrons et les photons n’étaient somme toute pas si

différents. Mais ils constituent tout de même deux choses nettement différentes, au moins en

apparence. Si leur nature fondamentale est semblable, quelles sont réellement les caractéristiques

qui les différentient ?

La première chose, évidente, est la charge électrique. Nous avons vu que les électrons portent une

charge négative. Il n’est pas difficile de voir que la lumière ne transporte aucune charge électrique

(la lumière du soleil n'a jamais électrocuté personne).

Page 114: Tome I

Est-ce la seule différence entre les deux ? Est-ce uniquement la charge électrique qui distingue ces

deux types d’objets ? Non. Nous avons dit que l’électron avait une masse qui peut même être

mesurée. Par contre, l’expérience montre que le photon n’a pas de masse.

L’absence de masse du photon explique, selon la relativité restreinte, qu’il se déplace à la vitesse

limite c, évidemment appelée vitesse de la lumière.

Revenons sur cette dualité onde / corpuscule. Toutes les expériences que nous venons d’effectuer

montrent que les particules (électrons ou photons) se trouvent dans le cas onde "ou" corpuscule.

Jamais les deux à la fois. Même dans des expériences où les deux comportements se manifestent, ce

n’est jamais exactement ensemble. Nous approfondirons bientôt ces expériences. Par exemple, nous

avons cité les interférences, se produisant lorsque les ondes se superposent pendant leur

propagation, et l'impact sur la cible qui est toujours ponctuels. Les deux ne se produisent pas au

même moment.

Ce serait d’ailleurs surprenant d’avoir un comportement physique précis et ponctuel qui présente

les deux comportements à la fois. Les concepts d’onde et de corpuscule sont si fondamentalement

différents que cela semble strictement impossible d’avoir un mélange intime entre les deux.

Même les outils pour décrire les deux concepts sont différents. Les méthodes et outils pour décrire

une onde sont adaptés à des objets (les ondes) répartis dans tout l’espace. Comment, avec ce type

d’outil, décrire un objet aussi compact qu’un corpuscule ?

Il semble donc évident que l’on se trouve dans le cas "ou". Un objet quantique se comporte comme

une onde "ou" un corpuscule selon la situation. Il reste à comprendre les règles de ce double

comportement ou, mieux, à comprendre ou décrire la nature exacte de l’objet quantique. Nature

curieuse qui se manifeste tantôt comme une onde, tantôt comme un corpuscule, sans être réellement

l’un ou l’autre.

Malheureusement, nous n’avons aucune idée de ce que peut être cette nature ! Pour le moment,

nous ne connaissons que les ondes et les corpuscules ainsi que les moyens de caractériser ces deux

types d’objets.

Page 115: Tome I

Serait-il quand même possible de décrire un corpuscule avec des méthodes adaptées aux ondes ?

Cela semble vraiment improbable. Mais ne nous décourageons pas. Nous essaierons.

Mais avant de nous enfoncer dans les eaux troubles de la mécanique quantique voyons comment

ces idées de quantification de la lumière ont pu déboucher sur le premier modèle quantique de

l'atome.

Page 116: Tome I

IV. La théorie de Bohr

Modèle de Bohr Revenons au modèle de l'atome. Nous savons que l'expérience indique que la structure de l'atome

doit être celle de Rutherford. Mais nous avons maintenant deux problèmes. D'abord comment les

électrons peuvent-ils "tenir" en l'air sans tomber sur le noyau en rayonnant des ondes

électromagnétiques ? Ensuite, pourquoi l'énergie est-elle échangée par des quantités précises,

toujours les mêmes (ce qui donne son spectre unique) ?

Une solution fut apportée par Bohr en 1913. Si les lois physiques connues semblent en

contradiction avec les données expérimentales, alors c'est que ces lois physiques sont incorrectes.

L'expérience dicte la physique, pas l'inverse. En particulier, nous savons, grâce à l'expérience, que

l'atome à bien la structure imaginée par Rutherford. Mais la physique prédit une émission d'ondes

électromagnétiques qui n'est pas observée. Donc, Bohr affirma qu'à l'échelle de l'atome les lois de

l'électromagnétisme ne sont plus valables.

Bohr postula alors trois lois décrivant l'atome de Rutherford.

� Les électrons tournent autour du noyau de manière stable, sans émettre de rayonnement

électromagnétique. On ne donne pas d'explication et on se contente de l'admettre parce que c'est

ce que montre les données expérimentales.

� Les électrons ne peuvent tourner que sur certaines orbites. La règle fait intervenir la vitesse et le

rayon de l'orbite et un nombre entier n . Ce nombre est maintenant appelé nombre quantique

principal et vient du fait que les orbites sont "quantifiées" (ce mot vient de "compter") : il y a

l'orbite 0, l'orbite 1, l'orbite 2, etc. Chaque orbite étant un peu plus grande que la précédente.

Les électrons ne sont que sur ces orbites et jamais entre deux orbites. La région entre deux

orbites est un no mans land.

La règle choisie par Bohr n'est pas aléatoire et a été choisie pour que les résultats correspondent

aux données expérimentales ! Mais la règle ainsi obtenue est simple. Elle dit que le moment

angulaire est un nombre entier de fois une quantité minimale donnée (la constante de Planck

divisée par deux pi).

Page 117: Tome I

� Lorsqu'un électron change d'orbite, pour une raison quelconque, l'énergie acquise ou libérée se

fait par l'absorption ou l'émission d'un photon de lumière ayant la même énergie.

C'est ici qu'interviennent les découvertes de Planck et Einstein. Sachant l'énergie émise sous

forme de lumière, on peut en déduire la fréquence de la lumière. Mieux encore, ce modèle fait

le lien entre la nature corpusculaire de la lumière mise en évidence par Einstein et l'émission de

lumière par les atomes par paquets mise en évidence par Planck.

L'énergie d'un électron sur une orbite se calculant selon les lois classiques de la mécanique et de

l'électricité.

Son modèle marchait très bien … au premier abord !

Page 118: Tome I

Le modèle de Bohr donne l'énergie des électrons dans un atome. Cette énergie se mesure facilement

en regardant combien d'énergie il faut pour arracher un électron d'un atome.

De plus, du fait que les orbites sont quantifiées, l'émission de la lumière l'est aussi.

Imaginons par exemple que l'on a seulement trois orbites 0, 1 et 2. Les électrons ayant les énergies

respectives sur ces orbites de 0E , 1E , 2E . Alors, en changeant d'orbite, les électrons peuvent

émettre des photons d'énergie 01 EE −, 12 EE − et 02 EE −

. Ce qui correspond à trois ondes

lumineuses de longueur d'onde différente.

Bien entendu, si l'électron passe d'une orbite basse à une orbite haute, il gagne de l'énergie et donc

absorbe un photon. S'il descend sur une orbite plus basse, il émet un photon. Ce qui correspond aux

spectres d'absorption et d'émission.

De plus, on constate avec l'exemple ci-dessus, que l'énergie du premier photon plus l'énergie du

deuxième photon est égale à l'énergie du troisième. C'est une simple conséquence de l'addition

d'énergie en passant d'une orbite à l'autre. Et traduit en fréquence (selon la règle découverte par

Planck et Einstein que l'énergie d'un photon est proportionnelle à sa fréquence), cela redonne la

règle de Balmer.

Grâce à ce modèle, Bohr put calculer le spectre complet de l'hydrogène. Un succès extraordinaire.

On venait enfin de découvrir un de ces fameux secrets de l'atome.

Enfin, puisque les électrons ont une énergie précise, leur échange ou leur interaction entre atomes

permet de calculer certaines règles de la chimie.

Développement du modèle L'expérience montre que l'atome émet seulement des radiations dont les fréquences sont

déterminées par deux nombres entiers p et q, d'après la formule de Rydberg :

(1)

−=

22

11

qpRcν

Page 119: Tome I

avec p < q. R est la constante de Rydberg : 1cm109737 −=R .

La règle postulée par Bohr sur le moment angulaire de l'électron s'écrit :

(2) hnmr =

où le "nombre quantique" n vaut 1, 2, 3…, π2/h=h , m est la masse de l'électron et r le rayon de

l'orbite ("orbites stationnaires").

Lorsque l'électron passe d'une orbite d'énergie pE (correspondant à n égal à p) à une orbite

d'énergie qE , la fréquence du rayonnement émit ou absorbé est donnée par la relation :

(3) ( )qp EEh

−= 1ν

De cette façon, l'énergie du photon émis ou absorbé représente une mesure de la différence entre

l'énergie finale et l'énergie initiale de l'atome.

Ces postulats ont donné lieu à deux résultats importants :

� Les trajectoires des électrons ont des rayons proportionnels au carré des nombres entiers

successifs. Cela est une conséquence de la règle (2) et de l'équation du mouvement de l'électron

sous l'action d'une force centrifuge rmv /2 et de l'attraction coulombienne exercée par le noyau 22 / rQ :

(4) 2

22

r

Q

r

mv =

où 0

22 4/ πεeQ = , e étant la charge de l'électron (il suffit de multiplier par le nombre de

protons dans le cas des hydrogénoïdes, c'est-à-dire les atomes avec un seul électron autour, les

autres ayant été enlevé).

Le résultat à retenir est que l'atome d'hydrogène dans son état fondamental est caractérisé par

une longueur, typique de sa structure, le rayon de Bohr a :

Page 120: Tome I

(5) cmmQ

a 8

2

2

10528,0 −⋅== h

qui représente, dans ce modèle, le rayon de l'orbite la plus petite de l'électron dans l'atome.

� La seconde conséquence importante des postulats de Bohr est la formule qui détermine l'énergie

de l'atome dans un état quantique défini par le nombre quantique n :

(6) 22

4

2 hn

mQE −=

Cette relation est déduite des relations (2), (4) et de l'expression de l'énergie totale de l'électron :

(7) r

QmvE

22

2−=

L'équation (6) montre que l'énergie de l'atome d'hydrogène ne varie pas d'une façon continue

mais que sa valeur est fixée par le nombre quantique n, puisqu'elle est proportionnelle à 2/1 n .

L'énergie de l'atome est quantifiée.

L'équation (6) combinée avec l'équation (3) donne la formule de Rydberg où la constante R est

exprimée par :

(8) 3

4

4 hc

mQR

π=

La concordance entre la valeur expérimentale de R et cette expression théorique a été un succès

immédiat pour le modèle de Bohr.

Cette description des spectres atomiques a été confirmée par la découverte expérimentale de Frank

et Hertz en 1914. En bombardant les atomes d'un gaz par un faisceau d'électrons, ils ont reconnu

qu'un atome peut absorber tout ou partie de l'énergie cinétique d'un électron si elle est égale à la

différence des niveaux énergétiques de l'atome dans les deux états stationnaires final et initial.

Défauts du modèle Ils sont très nombreux ! La théorie évolua d'ailleurs tellement vite à cette époque que le modèle de

Bohr fut pratiquement mort avant même d'arriver à maturité ! Mais on le conserve au moins pour sa

simplicité et son caractère pédagogique et intuitif.

Page 121: Tome I

On peut classer ses défauts en trois parties :

� Théoriques.

� La théorie ne s'applique que si on a un seul électron. Elle est incapable de prendre en

compte les interactions entre deux électrons. Elle traite donc des atomes appelés

hydrogénoïdes qui sont des atomes dont on a arraché tous les électrons sauf un.

On découvrit rapidement que lorsque l'on a plusieurs électrons, ceux-ci se disposent sur les

orbites selon certaines règles : deux sur la première, six sur la suivante, etc. Ce qui conduit à

la classification de tous les atomes. Mais la raison de cette ségrégation est assez mystérieuse

à ce stade. En outre, les interactions entre électrons et avec le noyau modifie les orbites pour

des atomes plus complexes que l'hydrogène.

� La théorie donne des résultats absurdes pour des hydrogénoïdes dont la charge du noyau

dépasse une certaine valeur et ne peut donc s'appliquer, par exemple, à l'uranium.

� La théorie ne dit rien du noyau. Les protons sont tous chargés positivement. Ils devraient se

repousser fortement. Qu'est-ce qui les maintient ensemble ?

� Expérimentaux.

� Lorsque l'on regarde attentivement le spectre d'un atome, on constate que chaque raie du

spectre est en fait composée de plusieurs raies plus fines. On appelle d'ailleurs cela les

structures fines et hyper fines. Le modèle de Bohr ne l'explique pas.

� Lorsqu'on applique un champ magnétique à l'atome, les raies se dédoublent ou se triplent,…

C'est l'effet Zeeman. Le modèle de Bohr ne peut l'expliquer.

� Lorsqu'on applique un champ électrique à un atome, les raies se multiplient de manière

considérable rendant le spectre très touffu. C'est l'effet Stark. Le modèle de Bohr ne peut

l'expliquer.

� On observe également de nombreuses raies, principalement dans l'infrarouge et les ondes

radios, non prédites par le modèle de Bohr et produites par les molécules.

� Enfin, les raies n'ont pas toutes la même intensité. Certaines sont très brillantes, d'autres

sombres. Certaines sont même parfois manquantes. De toute évidence, certains changement

d'orbites sont plus faciles ou plus probables que d'autres. Le modèle de Bohr n'en dit rien.

� Conceptuels.

Page 122: Tome I

� Les lois ont un caractère très artificiel. On impose un certain nombre de règles sans

explications. La loi sur la stabilité, en particulier, est barbare. On ne sait pas pourquoi c'est

stable ? Et bien décrétons que c'est stable, point final ! Et bien, non, on pouvait difficilement

admettre qu'il s'agisse d'un point final.

Il s'agit plus d'un modèle, créé spécialement pour coller aux données expérimentales, plutôt

qu'une théorie de l'atome ou des particules élémentaires.

� Le modèle est semi-classique. Ainsi les électrons qui tournent autour de l'atome sont

"quantifié" et les lois de l'électromagnétisme ne s'appliquent pas. Mais pour calculer

l'énergie d'un électron on utilise ces mêmes lois. Pourquoi dans un cas et pas dans l'autre ?

A partir de quand les lois classiques deviennent-elles applicables ?

Choisir d'appliquer la physique classique, un petit peu au bonheur la chance, quand ça nous

chante, est un procédé assez bancal qui rend difficile toute prédiction nouvelle.

Supposons que nous perfectionnons un peu le modèle en ajoutant un ingrédient quelconque.

Doit-on appliquer les lois de l'électromagnétisme à cet ingrédient ou pas ?

� Lorsqu'un électron change d'orbite : par où passe-t-il puisque la zone entre les deux orbites

est interdite ? Un saut instantané, sans passer par cette zone, outre son caractère bizarre

semble en contradiction avec la relativité qui dit que rien ne peut aller plus vite que la

lumière.

� Quel est le mécanisme d'émission de la lumière ? Le modèle de Bohr ne donnant qu'un bilan

énergétique. Y a-t-il des directions privilégiées pour l'émission des photons ? La

polarisation intervient-elle ? Toutes des questions sans réponse.

Sommerfeld améliora un peu le modèle en utilisant quelques raffinements :

� L'effet de recul : sous l'effet de l'attraction de l'électron, le noyau doit lui-même avoir une légère

rotation (légère car sa masse est beaucoup plus grande).

� La relativité.

� En plus des orbites circulaires, la possibilité (comme pour les planètes) d'avoir des orbites

elliptiques caractérisées par un nouveau nombre entier (toutes les ellipses ne sont pas permises)

l appelé nombre quantique orbital. Cela donna une explication à la structure fine et au spectre

des molécules diatomiques.

Page 123: Tome I

En prenant en compte ce nouveau nombre l la règle disant que le nombre d'électrons pouvant se

placer sur une orbite est limité devenait simple. Deux électrons maximums pour un nombre n et un

nombre l donné. Pourquoi deux et pas un (ou trois) ? Mystère. Bien qu'on devine qu'il doit exister

un troisième nombre, lié à un mécanisme inconnu (on verra qu'il s'agit du "spin", équivalent à la

rotation de l'électron sur lui-même, comme une toupie), prenant uniquement deux valeurs.

Avec ces améliorations et cette règle, cela permit quelques améliorations notables mais bien

pauvres au vu de la pléthore de problèmes.

Il convient de souligner toutefois les mérites de ce modèle. Il fut le tout premier modèle décrivant

correctement la structure de l'atome et même le premier modèle utilisant des règles quantiques. En

ce sens, il s'agit d'une avancée considérable. Même éphémère et soulevant plus de questions que de

réponses, ce modèle est une étape extrêmement importante de la physique. Il fut le premier a

réellement expliquer la spectroscopie et il montre combien la découverte de la quantification de

l'énergie des ondes électromagnétiques est fondamentale et générale. La puissance de la découverte

de Planck appliquée à l'atome est réellement considérable.

Exercices 1. Retrouvez la formule de Bohr (6) de la section IV.

Utilisez la formule d'équilibre des forces (4) et la règle de quantification (2) pour obtenir les

vitesses autorisées des électrons et les rayons correspondant.

Calculez l'énergie cinétique et l'énergie potentielle. Il ne reste plus qu'à les additionner.

Page 124: Tome I

V. L'expérience de Young Nous avons déjà présenté l'expérience de Young qui consiste à faire interférer des ondes en

provenance de deux fentes. En fait, cette expérience peut être utilisée de diverses manières et elle

est cruciale pour comprendre différents aspects de la mécanique quantique. Nous allons donc

l'approfondir.

Notons qu'historiquement, l'expérience de Young ne se plaçait pas dans le contexte de la mécanique

quantique mais dans celui de l'optique ondulatoire. Depuis, l'expérience a été réalisée avec bien

d'autres choses que la lumière. Les versions que nous en présentons ici sont quelque peu idéalisées

pour des raisons pédagogiques. Les expériences réelles impliquant des dispositifs plus ou moins

compliqués, même si avec la lumière l'effet est assez facile à produire.

Certains résultats ne seront pas surprenant car on les a déjà vus. Par exemple, le comportement à la

fois onde et corpuscule des particules élémentaires, d'autres résultats seront plus étonnants, par

exemple, quand on essaiera de savoir par où passent les photons ou les électrons.

L'idée est disposer d'une source d'ondes, de particules ou de tout autre chose et faire passer des

"choses" à travers de fentes pour les faire interférer. Mais avant de nous lancer dans cette

expérience, voyons d'abord ce qui se passe avec une seule fente.

Page 125: Tome I

On lance à travers la fente une gerbe de particules, par exemple des balles de fusils. A la sortie de la

fente les balles se dispersent, par exemple après avoir rebondit sur les bords de la fente, puis vont

frapper un écran. Qu'observe-t-on ?

Page 126: Tome I

Tout d'abord que les particules se comportent bien comme des corpuscules durs et bien isolés les

uns des autres. Chaque balle frappe l'écran en un point unique.

Ensuite les impacts sont plus nombreux face à la fente et plus rares sur les cotés. La distribution du

nombre d'impacts suit une courbe en cloche. Bien entendu, on n'aura une courbe bien continue

qu'après avoir enregistré un très grand nombre d'impacts. En supposant que les balles partent dans

des directions aléatoires à la sortie d'une fente, on calcule aisément la forme de cette courbe, sa

hauteur est simplement inversement proportionnelle à la distance parcourue par les balles

(puisqu'elles se dispersent et deviennent de moins en moins nombreuse sur une petite portion de la

cible au fur et à mesure de cette dispersion).

En toute rigueur, puisque l'expérience ne s'effectue pas dans un plan comme sur le dessin

(forcément plat) mais dans l'espace, il y a deux directions de dispersions : de haut en bas et de

gauche à droite. Cela amplifie la "dilution" du nombre de balles par unité de surface au fur et à

mesure de la dispersion. Le nombre de balles diminue comme le carré de la distance. Mais cette

précision "technique" est peu importante pour les raisonnements qui suivent.

Enfin il est possible d'observer le passage des corpuscules à travers la fente. On peut par exemple

diminuer le débit des corpuscules jusqu'à n'avoir qu'un seul corpuscule qui passe à la fois. Puis on

place une lampe près de la fente de façon à avoir un petit flash lumineux au moment où une balle

de fusil passe. On constate que l'on a bien un petit flash près de la fente chaque fois suivi peu après

d'un impact bien précis sur l'écran.

Tout cela est satisfaisant et évident.

Effectuons maintenant l'expérience avec des ondes.

Page 127: Tome I

Nous pouvons par exemple utiliser comme ondes des vagues dans un bassin. Pour la fente, nous

utilisons alors une digue percée d'une ouverture.

Page 128: Tome I

Nous ne pouvons, bien sûr, pas utiliser un écran que les ondes viendraient frapper dans ce cas. Il

nous faut autre chose. Par exemple une plage en pente douce sur laquelle les vagues viennent

mourir tout doucement. Lorsque la vague est forte, elle monte loin sur la plage ce qui nous donne

un moyen de mesurer son amplitude : simplement en regardant la longueur de sable humide.

Qu'observe-t-on cette fois ?

Tout d'abord les ondes ne peuvent pas être localisées avec précision. Une vague est répartie sur

toute une surface. Quand la vague passe à travers la fente, elle vient toucher la plage sur toute sa

longueur.

Ensuite, si l'on regarde à nouveau l'intensité sur l'écran (la plage) on remarque que l'onde est la plus

intense en face de la fente, et loin de la fente, les vagues s'étant très atténuées, l'onde est beaucoup

plus faible. On observe ici aussi une courbe en cloche. La forme de cette courbe est identique à

celle obtenue avec les balles car l'intensité d'une vague qui se disperse en cercle diminue aussi

proportionnellement avec la distance (ou comme le carré de la distance, avec les vagues

l'expérience se déroule réellement dans un plan, le plan d'eau, mais si on utilisait, par exemple, des

ondes sonores, la même remarque que pour les balles s'applique, l'expérience à lieu dans l'espace et

pas seulement dans un plan).

Notons qu'on peut aussi observer le passage de la vague à travers la fente, par exemple en plaçant

un bouchon sur l'eau, près de la fente, et en le regardant monter et descendre.

Page 129: Tome I

V.1. Expérience avec des corpuscules Puisqu'une seule fente ne nous permet pas de distinguer la différence entre ondes et particules sur

base de l'intensité mesurée sur l'écran, essayons de compliquer l'expérience en utilisant deux fentes.

Cette fois, une gerbe de balles de fusil sort de chaque fente et vient frapper l'écran. L'expérience est

analogue avec une seule fente. Les balles passent unes à unes et frappent l'écran en des points

précis. La répartition des impacts suit également une courbe en cloche.

Et si nous mettons une lampe pour regarder par où passent les balles de fusil ? Nous voyons alors

que les balles qui passent par une fente viennent frapper l'écran et forment des impacts répartis

Page 130: Tome I

selon une courbe en cloche, de même pour les balles passant par l'autre fente et que le résultat final

n'est rien d'autre que la somme des deux courbes en cloche c'est à dire la somme des impacts des

balles passant par chaque fente.

Lorsqu'une des balles passe par la fente 1, nous pouvons mesurer la probabilité qu'elle a d'atteindre

un point donné (ou plutôt dans une petite zone de la cible) en comptant la proportion de balles

passant par la fente 1 et atteignant cet endroit sur le nombre total de balles passant la fente 1. Nous

obtenons une certaine quantité 1P .

De même pour les balles passant par la fente 2 et atteignant cette petite zone, nous trouvons 2P .

Alors, la probabilité qu'une balle atteigne cette zone en passant par l'une ou l'autre fente est

simplement la somme des deux.

2112 PPP +=

Cela signifie que les événements "balle atteignant la cible en passant par 1" et "balle atteignant la

cible en passant par 2" sont des événements indépendants. Cela est évident si l'on considère que le

flux de balles n'est pas trop grand (le fusil tirant les balles tire à un rythme raisonnable) afin que des

balles passant par les deux fentes ne puissent se heurter avant d'atteindre la cible.

Page 131: Tome I

V.2. Expérience avec des vagues Effectuons maintenant l'expérience de Young avec des ondes. C'est l'expérience de Young

classique. Ici nous utiliserons notre exemple intuitif des vagues.

Page 132: Tome I

Lorsque les vagues sortent des deux fentes dans la digue, elles forment deux fronts d'onde qui vont

interférer. Si les vagues qui sortent d'une fente arrivent en phase avec celles de l'autre fente, alors

Page 133: Tome I

les bosses des vagues s'ajoutent et la vague résultante est plus grande. Si elles sont en opposition de

phase, alors les bosses de la vague venant de la première fente arrivent en même temps que les

creux de l'autre vague et le résultat s'annule. Comme ce décalage entre bosses et creux dépend de la

distance parcourue par les vagues, on a alternativement sur la plage (l'écran) des amplifications et

des soustractions. La répartition de l'intensité de l'onde résultante forme une figure typique appelée

figure d'interférence.

Comme on le voit, le résultat n'est pas la simple addition des deux courbes en cloches pour les

fentes séparées (on sait malgré tout calculer précisément cette courbe). On dit que les ondes

interfèrent.

Comme nous l'avons vu en optique ondulatoire, si l'on note l la distance entre deux maximums (la

largeur des franges), L la distance entre les fentes et l'écran et d la distance entre les fentes, alors la

longueur d'onde est donnée par :

(1) L

ld=λ

Par exemple, avec de la lumière (avec un laser pour avoir une puissance lumineuse suffisante), avec

L égal à 10 m, une séparation des fentes de 1 mm et en observant des franges de 1 mm, cela

correspond à une longueur d'onde d'un dixième de micron, c'est-à-dire dans la lumière visible. Cela

peut donc se réaliser aisément.

L'intensité d'une onde est définie comme le carré de son amplitude. Par exemple, l'intensité de

l'onde émise par la fente 1 peut s'écrire :

(2) 2

11 hI =

Et de même pour la deuxième fente.

Pour tenir compte de la phase de l'onde, on peut écrire l'amplitude sous forme complexe tieh ω1 et de

même pour la deuxième onde.

L'onde résultante est simplement la somme des deux ondes 1h et 2h . Si l'on note δ leur déphasage

en un point donné, l'intensité résultante sera :

Page 134: Tome I

(3) δδ cos2cos2 212121

2

2

2

1

2

2112 IIIIhhhhhhI ++=++=+=

où le troisième terme dans le dernier membre est un terme d'interférence.

Que se passe-t-il si on observe par où passent les vagues ? Il suffit de placer des bouchons près des

fentes. Et lorsqu'une vague se présente, on constate qu'elle passe par les deux fentes avant de se

rencontrer et d'interférer.

Cela reste sommes toutes assez simple. Après tout, les vagues sont des "objets" classiques et faciles

à observer et à comprendre. D'ailleurs, avec un petit bassin, quelques bouchons et quelques

planches trouées plus une planche bien sèche que l'on incline à fleur d'eau en guise de "plage", on

réalise très facilement cette expérience que nous conseillons d'effectuer. Il est rare qu'une

expérience de physique soit aussi simple à réaliser en appartement, et rien de tel que d'expérimenter

soi-même pour voir et comprendre.

Page 135: Tome I

V.3. Expérience avec des électrons Passons maintenant à ce qui nous intéresse : les particules microscopiques, les particules

élémentaires décrites par la mécanique quantique telle que le photon ou l'électron. Pour fixer les

idées nous pouvons prendre des électrons. Nous lançons ces électrons avec un "canon à électrons"

comme celui du tube cathodique d'une télévision. Nous utilisons une plaque métallique percée de

petits trous pour les fentes et une plaque photographique ou un écran fluorescent (comme celui

d'une télévision) pour observer les impacts des électrons sur l'écran.

Par précaution, il convient d'abord d'effectuer l'expérience avec une seule fente. Nous observons

alors sur l'écran une série d'impacts dont la répartition suit une courbe en cloche. Rien d'étonnant à

cela. De plus, comme les impacts sont bien isolés les uns des autres, les électrons semblent bien se

comporter comme des corpuscules durs, comme les balles de fusils. D'ailleurs si on réduit le débit

des électrons, on verra les impacts sur l'écran s'inscrire progressivement, l'un après l'autre. On n'a

jamais deux impacts simultanés ni de "demi impact". Ce type d'expérience s'effectue facilement

avec un tube cathodique et un peu d'électronique associée. Même avec la lumière ont peut atteindre

un débit aussi faible et capter les grains de lumières, les photons, un à un avec un détecteur

suffisament sensible tel qu'une caméra CCD.

Voyons maintenant ce qui se passe avec deux fentes. Puisque les électrons se comportent comme

des corpuscules, nous nous attendons à observer une courbe en cloche comme avec les balles de

fusils.

Page 136: Tome I

En fait, nous observons une figure d'interférence ! Comment est-ce possible ? Nous venons de dire

que les électrons étaient des corpuscules et nous savons que ce sont les ondes qui forment ces

figures ! Nous serions nous trompé ? Ainsi les électrons sont peut-être des ondes ou plus

exactement des espèces de petits paquets d'ondes bien localisés (puisque les impacts sont précis et

localisés) mais qui peuvent interférer entre eux. Est-ce le cas ? Les électrons interfèrent-ils entre

eux ? De plus, les électrons étant des particules chargées, ils doivent se repousser ce qui pourrait

influencer le résultat. Pour le savoir nous pouvons réduire le débit jusqu'à n'avoir qu'un seul

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électron qui passe à la fois. Dans ce cas, il ne devrait pas pouvoir interférer avec les autres puisqu'il

est seul. On observe alors les impacts se former progressivement sur l'écran, un à la fois, et petit à

petit… la figure d'interférence se dessine. Il ne s'agit donc pas d'une interférence entre électrons

différents.

Comment un électron, corpuscule bien localisé, pourrait-il interférer avec lui-même ? Cela semble

absurde. Peut-être un électron suit-il un chemin compliqué, passant et repassant par les deux fentes.

Regardons la figure d'interférence de plus près.

Si l'électron passe par un seul trou il forme une courbe en cloche (ou plus exactement, c'est la

distribution des impacts qui suit cette courbe). Lorsque l'on ouvre la deuxième fente, la figure

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d'interférence se forme et en certains endroits il y a moins d'impacts. De toute évidence, l'ouverture

de la deuxième fente influence ce qui se passe dans la première. Sinon comment expliquer que

l'électron passant par le premier trou frappe moins souvent l'écran en cet endroit de l'écran ? Si

l'électron est un corpuscule, ce que nous confirment les impacts, alors celui-ci doit passer forcément

par les deux trous à la fois ! Soit en se "brisant" (puis en se recollant, puisque l'on n'a jamais de

demi impact ou deux petits impacts dû à un seul électron), soit en suivant un chemin compliqué.

Cela paraît malgré tout étrange. En effet, si l'électron voulait emprunter la deuxième fente en son

absence, il heurterait la paroi et n'arriverait pas jusqu'à la cible. Cela diminuerait fortement le débit

et cela serait aisé à constater. Il n'emprunterait donc ce chemin compliqué que si la deuxième fente

est présente. Mais comment l'électron pourrait-il savoir que l'autre fente est présente ? Cela

implique une action à distance ou une espèce de dispersion de l'électron qui, ma foi, n'est pas plus

étrange que de supposer que l'électron est une onde !

Mais on peut s'attendre à tout. Alors, pour le savoir, mettons une lampe pour observer par quels

trous passent les électrons.

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Les électrons étant des particules chargées, ils interagissent facilement avec la lumière, provoquant

un petit flash lumineux à leur passage.

Qu'observe-t-on ? On constate qu'effectivement chaque électron passe par une et une seule fente.

On observe un petit flash lumineux près d'une fente pour chaque électron qui passe mais jamais les

deux fentes à la fois. Cela se passe comme avec les balles de fusil, pas comme avec les vagues. On

peut, de plus, repérer chaque impact et l'associer à la fente par laquelle l'électron est passé. Mais

une catastrophe vient de se produire, la figure d'interférence à disparu ! Les impacts des électrons

forment une courbe en cloche comme avec les balles de fusil. Que s'est il passé ? Coupons la

lumière de la lampe pour voir. La figure d'interférence des électrons réapparaît. Remettons la

lumière : plus d'interférences. Il semble bien qu'en "éclairant" nos électrons pour savoir par où ils

passent, nous les avons perturbés suffisamment pour détruire la figure d'interférence. Pourquoi ?

Nous avons oublié que les électrons sont microscopiques, donc très légers. Leur masse est de un

milliardième de milliardième de milliardième de gramme. Une pichenette même infime doit les

perturber considérablement. D'autre part, nous savons que la lumière c'est aussi de l'énergie. Rien

d'étonnant alors à ce que la lumière bouscule l'électron à un point pareil. Utilisons alors une lumière

moins intense. Nous pouvons toujours diminuer l'intensité de la lumière jusqu'à espérer bousculer

très peu les électrons. Les flashs seront peut-être moins lumineux, mais ce n'est pas grave, on peut

utiliser un amplificateur de lumière à la sortie ou simplement bien ouvrir les yeux !

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Que se passe-t-il ? Premièrement nous voyons que la figure d'interférence commence à réapparaître

au fur et à mesure que l'on diminue l'intensité de la lampe. C'est logique puisque nous perturbons

Page 142: Tome I

moins les électrons. La figure n'est pas parfaite mais nous pouvons maintenant espérer découvrir

par où passe l'électron pour former cette étrange figure.

Regardons un peu les flashs lumineux. Surprise, les flashs ne sont pas moins intense, ils sont

toujours aussi lumineux qu'avant ! Simplement de temps en temps des électrons passent sans

provoquer de flash. Nous avons oublié que la lumière se comporte aussi comme un corpuscule, les

photons. Si nous diminuons l'intensité de la lampe nous émettons simplement moins de photons.

Lorsqu'il y a très peu de photons émis, de temps en temps les photons "ratent" les électrons et

aucun flash n'est émis. Et lorsqu'un photon heurte un électron, nous observons le flash résultant

avec toujours la même intensité, indépendamment du nombre total de photons qui avait été émis.

Ce phénomène est en fait celui de l'effet photoélectrique : un photon arrache un électron, ici il le

perturbe provoquant un petit éclair de lumière.

C'est très ennuyant. Il va falloir faire le tri. Puisque les électrons passent lentement, nous pouvons

identifier clairement les impacts correspondant. Trions les électrons en trois paquets. Les électrons

qui passent par la première fente. Ceux qui passent par la seconde fente. Et enfin, ceux que nous

n'avons pas réussis à observer. Comment sont distribuées les trois séries d'impacts correspondant ?

Pour les premiers, pas de problème, nous observons une courbe en cloche. Pour les seconds aussi.

La somme de ces deux groupes forme une grosse courbe en cloche analogue à celle des balles de

fusil. Comme pourrait-il en être autrement ? En identifiant clairement par où passent les électrons,

nous pouvons déterminer exactement quel impact sur l'écran correspond à quel électron passé par

quelle fente, comme pour les balles de fusil. Le résultat ne peut être que l'addition des deux courbes

en cloche (en comptant les impacts, on ne fait jamais qu'une telle addition). Et le troisième groupe ?

Il forme une figure d'interférence ! La somme des trois séries d'impact donne la figure finale.

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La situation est assez perverse. Chaque fois que nous essayons de les observer, les électrons se

comportent différemment. De toute évidence, ceux-ci gardent bien leurs secrets.

Mais revenons aux photons. Les électrons émettent un flash lorsqu'ils sont heurtés par un photon.

Ce choc, qui perturbe l'électron, est indépendant du nombre de photons émis mais dépend

uniquement de l'énergie du photon qui heurte l'électron. Rappelons nous la formule qui lie la

fréquence d'un photon à son énergie, déduite de l'effet photoélectrique. Elle nous dit que l'énergie

d'un photon est proportionnelle à la fréquence de la lumière. Dans ce cas, au lieu d'utiliser de la

lumière blanche (par exemple) comme ci-dessus, employons de la lumière rouge. S'il le faut nous

pourrons même encore diminuer la fréquence et utiliser des infrarouges ou des ondes radios. Pour

les infrarouges, pour observer le flash lumineux, on pourra toujours utiliser les lunettes infrarouges.

Et pour des ondes radios, une simple antenne suffira. Il arrivera bien un moment où l'énergie du

photon sera suffisamment faible pour ne pas trop perturber l'électron. Nous utilisons, bien sûr, une

source suffisamment intense, c'est à dire avec suffisamment de photons, pour être sur d'observer

tous les électrons. Il n'y a aucun problème puisque l'on sait maintenant que ce n'est pas l'intensité de

la lampe qui pose problème mais la quantité d'énergie transportée par chaque photon.

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Allons y. Diminuons tout doucement la fréquence. Que se passe-t-il ? Au début rien de

spectaculaire. Les flashs deviennent de plus en plus rouge et la courbe en cloche due aux électrons

perturbés persiste. Continuons. Et la réussite semble être au bout du chemin. La courbe commence

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à montrer des signes de changement, on perçoit une très légère variation de la courbe signe que les

interférences vont apparaître. Mais quelque chose de terrible se produit ! Alors que les flashs

devenaient de plus en plus rouges, nous constatons que ces flashs deviennent également de plus en

plus flou, de plus en plus grand. Voilà que lorsque l'électron passe par un des trous et déclenche le

petit flash, nous n'arrivons plus à voir clairement par quel trou il est passé !

Nous avons oublié quelque chose ! La lumière se comporte comme des corpuscules, les photons,

mais la lumière se comporte aussi comme une onde ! Exactement comme nos électrons. Lorsque

l'on fait varier la fréquence de l'onde, on provoque aussi une variation de la longueur d'onde. Ainsi

en diminuant la fréquence nous augmentons la longueur d'onde. Or pour pouvoir déterminer la

localisation précise du flash, nous devons pouvoir "localiser" l'onde émise. Une onde étant répartie

sur une grande surface, nous avons besoin de quelques "bosses" pour localiser sa présence.

L'optique précise même que l'on peut espérer une précision d'une demi-longueur d'onde (une bosse

ou un creux) mais pas au-delà. C'est un principe connu dans l'utilisation des microscopes ou des

télescopes par exemple. Lorsque la longueur d'onde devient trop grande, plus grande que la

séparation des deux fentes de l'expérience, le flash (l'onde émise par l'interaction électron - lumière)

devient trop imprécis pour pouvoir localiser précisément ce flash. L'onde correspondante se traduit

par des bosses aussi grande que la séparation entre les fentes, aucun espoir de dire de quelle fente

provient l'onde émise.

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La figure d'interférence commence à réapparaître exactement au moment où la longueur d'onde

devient trop grande pour localiser les électrons ! De toute évidence il y a un effet pervers qui nous

empêche de comprendre ce qui se passe. Les propriétés ondulatoires et corpusculaires des électrons

et des photons semblent se donner la main pour coordonner le résultat. Toutefois, plutôt que de

qualifier cela de conspiration, il faut admettre que cela montre une belle unité dans la nature de ces

deux particules et, cela au moins, est un résultat fort intéressant. Le photon et l'électron ne sont pas

si différent après tout (à part leur masse et leur charge électrique, bien entendu).

Alors ? L'électron : onde ou corpuscule ? Impossible de le dire ! Tout cela est d'ailleurs

profondément logique. L'électron se comporte apparemment comme une onde avec des figures

d'interférences. Mais dès qu'il interagit avec quelque chose (impacts sur l'écran, chocs avec les

photons), alors il se comporte comme un corpuscule. Si nous forçons ce comportement

corpusculaire en essayant de connaître à tout prix par quelle fente l'électron est passé, alors

l'électron obéit et se comporte effectivement comme un corpuscule sans figure d'interférence ! C'est

inévitable car un simple argument de comptage et une addition, comme plus haut, montre que dans

ce cas on ne peut pas avoir d'interférences.

Mais comment l'électron (et la lumière aussi d'ailleurs) peut-il être à la fois une onde et un

corpuscule ? C'est a priori impossible ! Un corpuscule, comme une balle de tennis, et une onde,

comme une vague, sont deux "objets" de nature profondément incompatible. Ce que confirment

d'ailleurs les expériences précédentes. Lorsque l'on force l'électron à "être" un corpuscule, il cesse

automatiquement d'être une onde. Est-il tantôt une onde, tantôt un corpuscule ? Selon quel critère ?

Une onde est répartie tandis qu'une particule est bien localisée. Si l'électron se comporte comme

une onde, qu'est-ce qui décide de l'endroit où il "devient" un corpuscule (par l'exemple l'endroit de

l'impact sur l'écran) ?

Il semble en réalité que l'on soit obligé de renoncer à cette description en terme de corpuscules et /

ou d'ondes (bien que les analogies puissent être encore parfois utiles dans les raisonnements, mais il

faut être extrêmement prudent). L'électron, la lumière, et tous les objets microscopiques c'est autre

chose. Quelque chose qui se comporte parfois comme une onde et parfois comme un corpuscule,

mais qui n'est ni une onde, ni un corpuscule. Quelque chose de spécial dont nous ne pouvons pas

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facilement comprendre la nature car il n'y a pas d'équivalent dans notre monde quotidien fait

d'ondes et de corpuscules bien identifiés.

Mais tentons encore une description uniquement avec des ondes.

Et même avant ça, posons-nous une question capitale. Comment se fait-il que des particules très

petites se comportent d'une manière si bizarre et pas des objets plus gros tels que les balles de fusils

? Où est la frontière entre petit et gros ? Nous analyserons cette problématique de passer du "monde

quantique" au "monde classique" plus tard. Mais nous pouvons déjà en donner un avant goût dans

le cadre de cette expérience.

La largeur des franges d'interférence (effectuée avec de la lumière) est reliée à la longueur d'onde

de la lumière. Voilà qui est clair. Mais, dans le cas des électrons, quelle est la longueur d'onde ? En

fait, on peut utiliser cette expérience pour mesurer la longueur d'onde de quelques particules et on

trouve la relation suivante :

(1) mv

h=λ

On retrouve la constante de Planck, ce n'est pas très étonnant, mais on a aussi la masse de la

particule ainsi que la vitesse. L'expression semble assez différente de celle du photon. En fait, en

utilisant l'impulsion et la relation reliant énergie, masse et impulsion en relativité, on retrouve la

relation pour le photon. Tout se tient. Cette relation fut d'ailleurs trouvée par Louis de Broglie de

cette manière, par calcul, sans faire l'expérience de Young avec des électrons.

Il a procédé d'une manière plutôt élémentaire. La relation relativiste donne pour le photon :

pcE = . On en déduit :

(2) p

h=λ

Si l'on suppose que pour une particule massive cette relation est également valable, il suffit de

remplacer l'impulsion par mv (pour une particule ayant une faible vitesse devant celle de la

lumière) pour trouver la relation précédente.

Page 150: Tome I

De plus, l'observation des interférences et le calcul ou la mesure de la longueur d'onde permet de

vérifier que ce comportement est exactement le même que celui d'une onde. Les mathématiques

associées aux ondes ne sont pas trop compliquées et cela peut être une aide pour établir un

formalisme adéquat pour décrire ces situations étranges.

Mais cette relation a aussi quelque chose de très important : plus la masse est grande, plus la

longueur d'onde est petite. Pour des électrons, on obtient facilement une longueur d'onde en

centimètres. Mais pour une balle de fusil ? La balle de fusil est des milliards de milliards de

milliards de fois plus lourde que l'électron. La longueur d'onde doit donc être des milliards de

milliards de milliards de fois plus petite. Si la balle de fusil présentait aussi une figure

d'interférence on aurait quelque chose comme ceci

Page 151: Tome I

Les franges seraient fines et serrées, avec une forme globale en forme de courbe en cloche. En fait,

nous avons exagéré la largeur des franges sur la figure (rappelez-vous, des milliards de milliards de

milliards de fois plus petit). Ces franges seraient totalement impossibles à mesurer, surtout à coté

de la taille des impacts des balles sur la cible !

Moralité, les particules macroscopiques se comportent peut-être comme des particules

quantiques… mais nous ne pouvons pas le voir !

Cela nous donne une des clefs qui relie les deux "mondes".

Page 152: Tome I

V.4. Conséquences Au vu des comportements qui précèdent, il nous faut malheureusement renoncer temporairement à

comprendre ce qui se passe. Nous disons bien temporairement ! Par où passe l'électron ? On ne sait

pas et la question n'a pas de sens si on ne l'observe pas. C'est la seule chose qui ressort clairement

des expériences.

C'est frustrant et totalement contraire à l'intuition qui voudrait que l'on puisse décrire même ce que

l'on n'observe pas (attitude réaliste qui veut que la réalité n'a pas besoin qu'on l'observe pour

exister) même si c'est plus compliqué que dire "il passe par telle fente". On doit donc se contenter

de décrire uniquement ce qu'on peut réellement constater (attitude positiviste) à l'aide d'un

formalisme adéquat quitte à revenir sur la question plus tard.

Nous allons maintenant résumer les conclusions principales de nos expériences. Nous mettrons

toutefois les résultats sous une forme telle qu'ils seront encore vrais pour une classe plus générale

d'expériences. Nous pouvons écrire ce résumé plus simplement si nous définissons d'abord une

"expérience idéale" dans laquelle il n'y a aucune influence aléatoire externe, telle qu'une agitation,

que nous ne puissions prendre en compte exactement. Nous serions tout à fait précis si nous disions

: "une expérience idéale est une expérience dans laquelle toutes les conditions initiales et finales

sont complètement spécifiées". Ce que nous appellerons événement est, en général, un ensemble

particulier de conditions initiales et finales (par exemple : "un électron quitte le canon à électrons,

arrive au détecteur et rien d'autre ne se passe"). Venons-en maintenant à notre résumé.

Résumé Ce résumé est essentiellement inspiré du caractère ondulatoire constaté pour les particules et du fait

que les impacts des particules sur la cible ont un caractère aléatoire.

(1) La probabilité d'un événement dans une expérience idéale est donnée par le carré du module

d'un nombre complexe φ qui appelé l'amplitude de probabilité :

P = probabilité

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φ = amplitude de probabilité 2φ=P

(2) Lorsqu'un événement peut se produire suivant l'une ou l'autre de plusieurs voies, l'amplitude de

probabilité pour l'événement est donnée par la somme des amplitudes de probabilité

correspondant à chaque voie, considérée isolément. Il y a interférence :

2

21

21

φφ

φφφ

+=

+=

P

(3) Si l'on réalise une expérience capable de déterminer la voie suivant laquelle l'événement s'est

effectivement produit, la probabilité de l'événement est la somme des probabilités pour chacune

des voies. L'interférence est détruite :

21 PPP +=

En effet. Une fois la voie connue par un dispositif quelconque, la règle (2) ne peut plus

s'appliquer puisque l'événement n'a pu se produire que par une seule voie, celle constatée.

Nous avons parlé de la probabilité pour qu'un électron arrive à un certain endroit, dans des

circonstances données. Nous avons implicitement supposé qu'avec notre dispositif expérimental (ou

même avec le meilleur dispositif possible), il est impossible de prédire exactement ce qui va se

produire. Nous pouvons seulement prévoir des probabilités ! Si cela était vrai, cela signifierait que

la physique a renoncé à essayer de prédire exactement ce qui se passe dans des conditions données.

Oui ! La physique a renoncé. Nous ne savons pas comment prédire ce qui arrive dans des

conditions données, et nous croyons en fait que c'est impossible et que la seule chose qui peut être

prédite est la probabilité des différents événements. Il faut admettre que ceci est une restriction à

notre ancien idéal de compréhension de la nature.

Ce résultat est, comme signalé au début, frustrant. Mais c'est l'expérience qui nous y conduit. Nous

n'avons tout simplement pas le choix. Cela ne veut toutefois pas dire que nous ne pouvons pas

essayer de comprendre quels sont les tours et détours que la nature a employé pour nous placer

dans cette curieuse situation. Nous y reviendrons sur la fin.

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V.4.1. Incertitude et complémentarité A l'aide des résultats précédents et de l'analyse de quelques situations expérimentales, nous allons

maintenant dégager quelques résultats importants.

Une expérience de mesure Imaginons l'expérience suivante.

Page 155: Tome I
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Nous avons une particule P dont nous aimerions connaître la position, au moins dans la direction x

indiquée sur la figure. Nous partons d'une situation où sa vitesse est bien connue, par exemple la

particule est au repos. L'incertitude sur sa vitesse est donc nulle mais nous ne savons pas du tout où

elle se trouve. On envoie sur la particule des photons lumineux afin de l'observer. Le résultat est un

petit flash lumineux que nous allons focaliser sur un écran (ou tout appareil de mesure) à l'aide

d'une lentille de largeur L .

Toutefois, l'optique nous apprend (ainsi que l'expérience) qu'une lentille ne nous permet pas de

localiser le point lumineux avec une précision absolue. Le mieux que l'on puisse espérer est :

(1) L

dx

λ2~∆

C'est à dire que pour mieux observer la position, nous devons prendre une lentille plus grande (une

des raisons pour laquelle on fabrique des télescopes si énormes, l'autre étant bien sûr de capter un

maximum de lumière) ou bien utiliser une lumière de plus petite longueur d'onde. Relation bien

connue des fabricants d'appareils d'optiques et due aux propriétés ondulatoires de la lumière, nous

en avions déjà parlé avec les flashs qui devenaient trop larges pour voir par où passait l'électron

dans l'expérience de Young. Pour améliorer la précision, il faut rapprocher l'objectif (comme avec

un microscope, placé très près de l'objet), agrandir la lentille (comme on le fait avec des télescopes)

ou utiliser une longueur d'onde plus courte (par exemple des ultraviolets).

Maintenant, le photon qui éclaire notre particule et qui est diffusé dans la lentille a une impulsion

donnée par λ/hp = . Nous avions déjà vu cette relation. Le photon vient de gauche (mais on

pourrait le faire venir du dessous), il bouscule l'électron, mais comme l'impulsion du photon est

connue, le choc communiqué à l'électron est connu. Il change la vitesse de manière précise ou

presque… Si le photon diffusé ne passe pas "tout droit" dans la lentille, c'est à dire s'il a une

certaine vitesse dans la direction x, alors il va également bousculer notre particule dans cette

direction. Dans les expériences de collision, l'impulsion est une quantité qui se conserve. Donc,

cette petite composante de l'impulsion dans le sens x sera communiquée (ou soustraite) à la

particule. Quelle est cette composante ? Tout dépend de la direction du photon ! S'il part un peu

vers la gauche de la lentille, par exemple, alors il aura une petite composante de l'impulsion vers la

gauche (voir la figure).

Page 157: Tome I

Malheureusement, il est impossible de savoir par où est passé le photon ! Il peut être passé

n'importe où dans la lentille. Tous les photons arrivant sur l'image sur l'écran peuvent être passés

par n'importe quel endroit de la lentille. Cela entraîne une petite incertitude sur son impulsion dans

le sens x . Si le photon à une impulsion p , un peu de géométrie nous montre que l'impulsion dans

le sens x peut varier de (suivant qu'il passe à l'extrême gauche ou droite de la lentille) :

(2) d

pL

2

(dans cette formule, p est l'impulsion du photon et non pas de la particule).

Cette variation est donc une incertitude induite sur celle de la particule à cause de la collision. En

combinant ces relations, nous trouvons alors pour l'incertitude provoquée sur l'impulsion de la

particule (dans le sens x ) :

(3) d

hLp

2~

λ∆

(ici p∆ se rapporte bien à la particule)

En combinant avec l'incertitude sur la position, un petit peu d'arithmétique, et nous obtenons la

meilleure précision que nous puissions espérer avec cette expérience :

(4) hxp ~∆∆

On peut imaginer toutes sortes d'expériences, mais l'on est toujours confronté à cette limite. Quelle

que soit l'astuce de l'expérimentateur, comme dans nos expériences avec les interférences de

Young, les propriétés ondulatoires et corpusculaires de l'électron et du photon se marient pour

empêcher une meilleure précision.

On peut faire un tout petit peu mieux que cette expérience, mais la limite théorique extrême est

donnée par

(5) π2/hxp ≥∆∆

(deux pi, environ six fois mieux que la relation précédente).

(le signe ≥ veut dire "plus grand ou égal")

Page 158: Tome I

C'est-à-dire que l'on ne peut pas avoir une mesure de la position et de l'impulsion avec une

précision arbitraire. Le produit des incertitudes sera toujours supérieur à une certaine valeur (par

ailleurs fort petite, la constante de Planck étant infime).

Notons qu'il s'agit bien d'une connaissance "simultanée" de la position et de l'impulsion. On

pourrait en effet objecter qu'au départ l'impulsion était bien connue (égale à zéro pour une particule

au repos). Mais après la mesure, il y a une petite incertitude sur l'impulsion de cet électron qui a été

bousculé. Et on souhaite connaître ces valeurs en même temps, c'est-à-dire juste après la mesure.

Notons aussi que la situation initiale respectait ce principe : l'impulsion était parfaitement connue

(particule au repos, p∆ nul ou extrêmement petit) mais la position pas du tout ( x∆ infini ou

extrêmement grand).

C'est important car il serait facile d'imaginer une expérience imaginaire violant ce principe si on

choisit une situation initiale qui viole déjà ce principe (il suffirait de ne rien mesurer du tout) !

Ce principe de précision limitée, donnée par la dernière relation ci-dessus, est appelé "principe

d'incertitude de Heisenberg". Il fut formulé par ce dernier au début de l'élaboration de la physique

quantique à partir de toute une série d'expériences et de raisonnements comme ceux que nous

menons ici, avant que cette relation ne soit rigoureusement prouvée à partir du formalisme de la

physique quantique.

Détermination de l'impulsion L'expérience précédente suppose que l'impulsion de la particule est connue avec précision avant de

faire la mesure et qu'on mesure ensuite la position. On trouve que la mesure ne donne pas

seulement une détermination imprécise de la position mais qu'elle introduit aussi une incertitude sur

l'impulsion.

Considérons maintenant une expérience différente dans laquelle la position est connue avec

précision au début et où l'impulsion est mesurée. Nous verrons que la mesure ne donne pas

seulement une détermination quelque peu imprécise de l'impulsion mais introduit aussi une

incertitude sur la position. Nous supposons que la particule est un atome dans un état excité qui

Page 159: Tome I

donnera un photon de fréquence 0ν si l'atome est au repos. A cause de l'effet Doppler, le

mouvement de l'atome vers l'observateur avec une vitesse v signifie que la fréquence observée est

donnée approximativement par

(6)

+≈c

v10νν

tel que

(7)

−≈ 1

0νν

cv

Une mesure précise du moment mv par mesure de la fréquence ν nécessite un temps relativement

long τ . L'erreur minimale dans la mesure de la fréquence est de l'ordre de :

(8) τ

ν 1~∆

Cela étant dû au fait qu'en mesurant un nombre entier n de périodes sur cette durée, le nombre

exact de périodes sera de 2

1±n , introduisant une imprécision sur la mesure. Précision d'autant

meilleure que n est grand. Comme n vaut environ ντ , on a donc une imprécision de l'ordre de (8).

L'instant où le photon est émis est incertain de l'ordre de τ . A cet instant, l'impulsion de l'atome

décroît de ch /ν et sa vitesse décroît de mch /ν . Cela rend la position de l'atome incertaine de la

quantité

(9) mc

hx

ντ=∆

car plus tard le photon est émis, plus longtemps l'atome a sa vitesse élevée et plus loin il se déplace.

Cette incertitude sur la position vient entièrement du fait que τ est fini. Si τ était nul et si nous

connaissions le changement de vitesse avec l'émission du photon, nous saurions où l'atome est à

chaque instant. C'est la valeur finie de τ qui nous empêche de connaître quand la vitesse a changé

et donc où est l'atome plus tard.

L'incertitude sur l'impulsion est obtenue avec les équations (7) et (8) :

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(10) τνν

ν00

~mcmc

vmp∆≈∆=∆

Dans le cas non relativiste considéré ici, 1/ <<cv , et l'équation (6) montre que 0νν ≈ . Alors la

combinaison des équations (9) et (1) conduit à la relation du minimum d'incertitude :

(11) hxp ≥∆⋅∆

Ondes et incertitudes Les expériences précédentes peuvent laisser un goût d'insatisfaction. Ne pourrait-on vraiment pas

trouver un dispositif très ingénieux qui permettrait de franchir cette limite ? Dans le cas de

l'expérience de Young, c'était clair : si on sait par où passe l'électron, alors il se comporte comme

un corpuscule et un simple argument de comptage montre que les interférences ne peuvent pas se

produire. Donc, les propriétés ondulatoires et corpusculaires doivent conspirer pour empêcher à la

fois de savoir par où passe électron et d'avoir des interférences. Mais ici, il ne s'agit pas de détecter

des interférences, simplement d'effectuer des mesures sur une particule isolée.

Cela devient plus clair si on se rappelle que la particule n'est pas un corpuscule dur bien localisé

mais qu'il doit aussi être décrit comme une onde qui est "étalée".

Que nous disent alors les ondes ?

Une onde est un phénomène répartit dans tout l’espace. Nous savons vu qu’il est impossible de

donner un point précis où se situe l’onde, ce qui est évident pour un objet « éparpillé » !

Même dans le cas d’un paquet d’onde, celui-ci est localisé dans une petite zone de l’espace mais il

n’est pas situé en un point ponctuel précis.

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De toute évidence, cette précision est liée à la longueur d’onde. Imaginez par exemple un paquet

constitué d’une seule bosse (plutôt bizarre comme paquet) !

Page 162: Tome I
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Si on avait moins qu’une vibration on n’aurait même plus de paquet ! Ou du moins, avec un

fragment de vibration, déterminer la longueur d’onde serait problématique. Il est évident également

que plus la longueur d’onde est grande plus le paquet est large et donc sa localisation est moins

précise.

Que nous disent les lois sur l’optique ondulatoire exactement ?

L’optique nous enseigne que si un paquet à une largeur environ x∆ , alors la longueur d’onde λ ne

peut pas être connue avec une meilleure précision λ∆ donnée par :

(12) x∆

=∆πλλ

2

Notons que cette relation est vraie pour toute onde, pas seulement pour les paquets d'ondes.

D’autre part, si l’on considère l’électron comme une onde, l’expérience de Young permet de

mesurer sa longueur d’onde. Comme nous l’avons vu. Le résultat est :

(13) mvh /=λ

ou

(14) λmhv /=

où v est la vitesse de l'électron. Alors, si la longueur d’onde est imprécise, la vitesse sera

également imprécise. C'est logique puisque la longueur d'onde correspond à l'impulsion (masse fois

vitesse).

A partir des relations précédentes, on trouve :

(15) xm

hv

∆=∆ λ

On peut alors rassembler le tout, en utilisant la relation pour l'impulsion mvp = :

(16) π2/hpx ≥∆∆

Page 164: Tome I

Que nous dit cette formule ? Elle dit que pour une particule que l’on représente comme un paquet

d’onde, il est impossible de mesurer avec autant de précision que désirée à la fois la position ( x∆ )

et la vitesse ( v∆ ) car le produit des deux imprécisions est toujours au moins égal à mh π2/ .

Conséquences La conséquence immédiate du principe d'incertitude est qu'il est impossible de connaître avec une

infinie précision toutes les propriétés d'une particule : position, impulsion,…

Ce principe d'incertitude fut développé par Heisenberg en 1927. Selon ce principe, il est impossible

de spécifier précisément et simultanément les valeurs des deux membres de paires particulières des

variables physiques qui décrivent le comportement d'un système atomique. Les membres de ces

paires de variables sont canoniquement conjuguées au sens hamiltonien : par exemple une

coordonnée x d'une particule et la composante correspondante de l'impulsion xp , une composante

zJ du moment angulaire d'une particule et sa position angulaire φ dans le plan perpendiculaire,

l'énergie E d'une particule et le temps t de mesure de cette énergie, etc. De manière plus

quantitative, le principe d'incertitude dit que l'ordre de grandeur du produit des incertitudes sur la

connaissance des deux variables doit être au moins la constante de Planck h divisée par π2

( sJ100545.12/ 35 ⋅⋅=≡ −πhh ), c'est-à-dire :

(17) h≥∆⋅∆ xpx

(18) h≥∆⋅∆ zJφ

(19) h≥∆⋅∆ Et

(et des relations analogues pour les autres directions)

La relation (17) signifie qu'une composante de l'impulsion d'une particule ne peut pas être spécifiée

précisément sans perte de connaissance de la composante correspondante de sa position à cet

instant, qu'une particule ne peut pas être localisée précisément dans une direction particulière sans

perte de toute connaissance de sa composante d'impulsion dans cette direction et que dans les cas

intermédiaires le produit des incertitudes des valeurs simultanément mesurables des composantes

correspondantes de la position et de l'impulsion est au moins de l'ordre de grandeur de h . De

même, l'équation (18) signifie, par exemple, que la mesure précise de la position angulaire d'une

particule sur une orbite se traduit par la perte à ce moment de toute connaissance de la composante

Page 165: Tome I

du moment angulaire perpendiculaire au plan de l'orbite. L'équation (19) signifie que la

détermination de l'énergie qui a une précision E∆ doit se faire durant un intervalle de temps au

moins égal à Et ∆∆ /~ h . Donc, si un système reste dans un était particulier de mouvement pendant

un temps au plus égal à t∆ , l'énergie du système dans cet état est incertaine d'au moins la quantité

tE ∆∆ /~ h puisque t∆ est le plus grand intervalle de temps pour la détermination de cette énergie.

Est-ce une lacune ? Certains le pensaient, comme Einstein. Peut-être que la description n'est pas

suffisamment complète et ne permet pas de décrire complètement l'état d'une particule.

Pour le moment, nous admettrons que cette incertitude est une propriété intrinsèque des particules.

Le point de vue ondulatoire que nous avons adopté est d'ailleurs très clair sur ce point. Notons,

toutefois, que ce point de vue ne résout pas tout car il y a quand même une étrangeté : le lien

longueur d'onde - impulsion, c'est-à-dire le lien longueur d'onde - vitesse. Si une particule est dans

un état position bien précis, comment se fait-il que sa vitesse soit incertaine ? Cela montre aussi

bien les limites de l'analogie avec des corpuscules ou avec des ondes. Une particule quantique n'est

pas une onde classique ni un corpuscule classique. Nous n'échapperons pas à l'interprétation de la

mécanique quantique que nous aborderons plus tard quand nous serons suffisament outillés.

Si le principe d'incertitude n'est pas lié à la mesure proprement dite ni à notre ignorance des

propriétés de la particule, l'expression de "principe d'incertitude" est quelque peu trompeuse. Avec

Bohr, nous adopterons à partir d'ici l'expression "principe d'indétermination" qui est plus précis : les

propriétés des particules sont en parties indéterminées.

Reprenons la relation d'indétermination avec la vitesse :

(20) m

hvx

π2≥∆∆

On voit que lorsque la masse de la particule (ou de tout objet) est grande, la contrainte sur les

incertitudes diminue. La constante h est déjà très petite, pour une masse m très grande, disons un

gramme, la valeur à droite est infime, tellement petite qu'on ne saurait la mesurer même avec les

meilleurs instruments. Les appareils de mesure ne sont pas parfaits, indépendamment de

l'incertitude fondamentale que constitue le principe d'indétermination, ils ne sont pas infiniment

Page 166: Tome I

précis. En fait, la précision des meilleurs appareils est encore trop imparfaite que pour mesurer

cette incertitude fondamentale sur un objet d'un gramme. On peut mesurer la position et la vitesse

d'un objet avec toute la précision voulue car même en faisant au mieux on ne rencontre pas cette

limite. Pour des objets macroscopiques, ceux de la vie de tous les jours, ce principe

d'indétermination n'a donc pas d'impact pratique. Ces effets sont négligeables.

Par contre, pour un objet aussi petit et aussi léger qu'un électron, si on essaie de le localiser sur une

distance aussi petite que la taille d'un atome (notons cette taille 0a ) la valeur

(21) 02 ma

hv

π≥∆

devient importante et totalement non négligeable.

Nous en verrons les conséquences.

Complémentarité Afin de comprendre les implications du principe d'indétermination en des termes plus physiques,

Bohr a introduit le principe de complémentarité en 1928. Ce principe dit que les phénomènes

atomiques ne peuvent pas être décrit avec la complétude demandée par la dynamique classique.

Certains des éléments qui se complètent l'un l'autre dans une description entièrement classique sont

en réalité mutuellement exclusifs et ces éléments complémentaires sont tous nécessaires pour la

description de différents aspects du phénomène.

La relation complémentaire emblématique étant la description en termes d'ondes et de corpuscules.

Bohr lui substitua ensuite une complémentarité "statique - dynamique" dans le sens des variables

conjuguées "positions généralisées - moments conjugués".

Du point de vue de l'expérimentateur, le principe de complémentarité affirme que les appareils

physiques disponibles ont des propriétés telles que des mesures plus précises que celles indiquées

par le principe d'indétermination ne peuvent pas être faites.

Cela ne doit pas être vu comme une déficience de l'expérimentateur ou de ses techniques. C'est

plutôt une loi de la nature qui, si une tentative est faite pour mesurer précisément une des variables

Page 167: Tome I

d'une paire canoniques, l'autre est modifiée par une quantité qui ne peut pas être calculée trop

précisément sans interférer avec la tentative primaire. C'est fondamentalement différent de la

situation classique dans laquelle une mesure perturbe aussi le système observé mais la quantité de

perturbation peut être calculée et prise en compte. Donc, le principe de complémentarité décrit les

limitations fondamentales des concepts classiques tel que le comportement des systèmes atomiques

peut être décrit indépendamment du moyen avec lesquels ils sont observés.

Dans le domaine atomique, nous devons choisir entre différents arrangements expérimentaux,

chacun conçus pour mesurer les deux membres d'une paire de variables canoniques avec différents

degrés de précision qui sont compatibles avec les relations d'indétermination. En particulier, il a

deux arrangements extrêmes qui mesurent chacun un membre de la paire avec une grande

précision. Selon la théorie classique, ces arrangements expérimentaux extrêmes sont

complémentaires. Les résultats des deux peuvent être obtenus en une fois et sont nécessaires pour

fournir une description classique complète du système. En réalité, cependant, les expériences

complémentaires extrêmes sont mutuellement exclusives et ne peuvent pas être effectuées

ensembles.

C'est dans ce sens que le concept classique de causalité disparaît dans le domaine atomique. Il y a

causalité en ce qui concerne les lois quantiques qui décrivent le comportement des atomes car elles

sont parfaitement définies. Il n'y a cependant pas de relation causale entre les configurations

successives d'un système atomique quant nous tentons de décrire ces configurations en termes

classiques.

L'expérience de Young Reprenons le schéma de l'expérience. Nous allons vérifier si le principe d'indétermination explique

la disparition des franges d'interférences lorsque l'on tente d'observer par où passe l'électron.

Page 168: Tome I

Si les deux fentes sont séparées de la distance a et que l'on essaie de mesurer la position de

l'électron avec suffisamment de précision pour savoir par quelle fente il est passé, alors nous

provoquons une incertitude sur l'impulsion (verticale) de l'électron égale à

(22) ( )x

hverticalsensp

∆=∆

π2

Page 169: Tome I

où l'incertitude sur la position mesurée x∆ est beaucoup plus petite que a (nettement moins que la

moitié en fait, pour savoir où passe l'électron). Nous avons appliqué le principe d'indétermination

en supposant que nous soyons dans la situation idéale (incertitude minimale sur l'impulsion).

Comme l'électron a une petite composante supplémentaire (et incertaine) de l'impulsion dans le

sens vertical, alors l'électron va dévier tout au long de la trajectoire de longueur R d'une distance

verticale (incertaine) d égale à sa vitesse latérale multipliée par le temps mis pour parcourir la

trajectoire. Si l'impulsion horizontale (que l'on suppose très grande pour simplifier les calculs, et

donc environ égale à son impulsion totale) est égale à p , alors ce temps de parcourt est égal à la

distance divisée par sa vitesse, soit pRm / . Donc, en combinant avec la relation précédente, on

trouve,

(23) xp

hR

mp

Rmp

p

Rmvd

∆=⋅∆=∆=

π2

Maintenant, l'expérience, ainsi que les lois de l'optique pour la lumière, nous apprennent que la

largeur l des franges d'interférences est égale à :

(24) a

Rl

2

λ=

L'expérience montre aussi que les franges d'interférences obéissent à la même règle à condition

d'utiliser la longueur d'onde des électrons que nous avons vue. C'est logique puisque ces lois de

l'optique sont déduites des propriétés ondulatoires et les seuls paramètres important dans les

interférences sont la longueur d'onde et la distance parcourue par les deux ondes qui interfèrent

(décalage de phase entre les deux ondes). La nature de l'onde n'intervient pas.

En utilisant cette longueur d'onde, on trouve :

(25) ap

hRl

2=

Nous voyons alors que la déviation (aléatoire, puisqu'il s'agit d'une incertitude) d de l'électron (23)

ressemble fort à la largeur des franges d'interférences l (26). Si l'électron dévie de trop, la figure

d'interférence sera tellement perturbée qu'elle sera détruite, et cela se produira si d est presque égal

à l . C'est à dire, si x∆ est plus petit que π/a C'est à dire pratiquement ce qui est nécessaire pour

Page 170: Tome I

commencer à bien localiser le passage de l'électron à travers les fentes, comme nous l'avons dit plus

haut !

Voilà l'explication, lorsqu'on essaie de localiser avec précision l'électron, l'incertitude provoquée

sur son impulsion (sa vitesse) dévie l'électron suffisamment pour détruire la figure d'interférence.

Page 171: Tome I

V.4.2. Paquets d'ondes A plusieurs reprises, nous avons parlé de paquets d'ondes. Avant de continuer avec le formalisme

de la mécanique quantique, il est intéressant de voir si une interprétation utilisant les paquets

d'ondes peut fonctionner. Ne fut ce que pour constater qu'une interprétation purement ondulatoire

pose des difficultés.

L'idée est de considérer que chaque particule n'est rien d'autre qu'un paquet d'ondes.

Une onde est un phénomène périodique qui se propage avec une certaine vitesse. Mais une onde est

rarement sinusoïdale. Cette onde sinusoïdale parfaitement régulière n’étant qu’une idéalisation très

pratique pour les représenter, effectuer des raisonnements et, également, pour effectuer des

traitements mathématiques sur des ondes quelconques.

En fait, une onde peut être si « irrégulière » qu’elle est concentrée dans une petite région de

l’espace, comme un corpuscule. Voilà qui est intéressant. Une onde concentrée de cette manière est

un « paquet d’ondes ». Voici à quoi ressemble une telle onde :

Page 172: Tome I

Le paquet d’ondes ressemble donc à une onde sinusoïdale mais qui décroît à ses extrémités. Le

paquet d’ondes est donc localisé dans une certaine région.

Par conséquent, une de ses premières caractéristiques est sa largeur. Du moins, la région où

l’essentiel de l’onde est concentré (elle pourrait diminuer en intensité indéfiniment sans jamais

totalement s’annuler).

Une autre caractéristique évidente est la vitesse de l’onde. C’est à dire la vitesse à laquelle les

bosses du paquet se propagent. C’est la vitesse habituelle, la vitesse de la vague ou vitesse de

phase.

Page 173: Tome I

Et le paquet lui-même ? C’est à dire le groupe de bosses qui remplit la petite zone où se situe le

paquet. Il se déplace à une certaine vitesse appelée « vitesse de groupe ». Cette vitesse est-elle

identique à la vitesse de phase ? Pas nécessairement.

Supposons que la vitesse du paquet est différente de celle de l’onde. Dans ce cas, l’onde, les bosses

de l’onde, se déplacerait au sein du paquet, tout simplement.

Prenons un cas extrême. Le paquet est immobile. Dans ce cas, le paquet dessiné ci-dessus resterait

immobile mais l’onde ou les bosses se déplaceraient vers la droite. Chaque bosse débuterait à

gauche du paquet, minuscule. Puis elle grossirait en se déplaçant, puis diminuerait pour disparaître

à droite.

Page 174: Tome I
Page 175: Tome I

Mais pourquoi l’onde pourrait-elle avoir une amplitude qui varie comme ça ?

En fait, les mathématiciens ont montré que c’était possible. Il suffit que la vitesse de l’onde (la

vitesse de phase) varie avec la fréquence. Dans ce cas, il est possible, dans certaines circonstances,

que non seulement le paquet ait une forme définie et conservée au cours du temps mais qu’en plus

la vitesse de groupe soit inférieure à la vitesse de phase.

Si l’on assimile le paquet à l’équivalent d’un petit corpuscule, alors la vitesse de groupe n’est rien

d’autre que la vitesse de ce corpuscule ou de cet « équivalent corpuscule ».

Nous n'allons pas entrer dans les détails mathématiques de ces démonstrations qui font partie de la

physique ondulatoire.

On peut donc se poser la question : et si une particule était un petit paquet d’ondes ? Il pourrait

avoir les propriétés requises. Il ressemblerait à un corpuscule : bien concentré dans l’espace, avec

une vitesse (de groupe) précise. Et en même temps il serait une onde. Exactement ce que nous

recherchons.

Malheureusement, rien n’est jamais aussi simple ! Revenons à l’expérience de Young.

Page 176: Tome I

Supposons que nos particules sont des petits paquets d’onde. Dans ce cas, pas de problème, chaque

paquet se déplacerait comme un corpuscule et irait frapper la cible à un endroit bien précis.

Malheureusement, ce sont les interférences qui posent problème. Nos paquets ont beau être des

ondes, ils sont très localisés dans l’espace. Les ondes ne peuvent pas interférer tout simplement

parce que ces ondes ne se rencontrent pas !

Et si c’était de « gros » paquets d’onde ?

Page 177: Tome I

Là, c’est bon, on peut avoir des interférences. Mais où l’impact d’un paquet se produit-il ? En

particulier s’il y a eu interférence et donc déformation des paquets ? Comment un gros paquet

pourrait-il provoquer un impact aussi précis que ceux que nous avons observés ? Nous en revenons

en fait à notre problème initial : comment concilier les observations d'interactions localisées et le

concept d’onde ?

De plus, les paquets d'ondes ont d'autres défauts. Deux ondes qui se croisent, interfèrent, mais ne

s'altèrent pas. Elles continuent ensuite leur chemin imperturbablement. Alors que des particules

peuvent se heurter. De plus, les quantités telles que l'énergie des photons ou la masse et la charge

des électrons, sont quantifiées, elles ont des valeurs bien précises multiples entiers d'une quantité

minimale. Mais un paquet d'ondes peut avoir n'importe quelle amplitude et taille.

Page 178: Tome I

Décrire l’objet comme un paquet d’ondes n’a donc rien résolu ! Considérer la particule comme un

corpuscule ou comme un minuscule paquet d’ondes ne change rien. On retrouve les mêmes

difficultés que le concept unique de corpuscule. De même, considérer l’objet comme une onde ou

comme un gros paquet revient au même. Et si l’on considère des paquets de taille intermédiaire, on

tombe sur les difficultés inhérentes aux deux concepts à la fois.

Les paquets d’ondes ne donnent pas la solution. Nous avons seulement essayé de contourner les

problèmes sans réellement les résoudre. Nous devons affronter ces problèmes de face et sans peur.

Mais nous aurons besoin d’idées, de concepts et de moyens de représentations nouveaux.

Toutefois, tout n'est pas négatif car ce concept de paquet d'ondes réussi quand même à concilier des

aspects corpusculaires et ondulatoires qui s'avèrent ainsi moins incompatible que prévus. Nous

verrons que cette représentation n'est pas totalement dénuée d'intérêt.

Page 179: Tome I

VI. Principes de base Toutes ces expériences et raisonnements nous ont permis de dégager des propriétés importantes des

particules élémentaires. On peut les répertorier :

� Les particules ont des propriétés quantifiées : énergie, charge, masse. Un ensemble de particules

correspond donc à un nombre entier de quantités élémentaires.

� Lorsqu'une particule subit une interaction avec un appareil de mesure (nos flashs pour observer

les particules, les impacts sur une cible), l'interaction est ponctuelle. Toutefois, on ne peut pas

toujours avoir une mesure précise de la position correspondante (grande longueur d'onde dans

les flashs).

� Lorsque les particules se propagent, elles se comportent comme des ondes et peuvent interférer.

� Le hasard semble jouer un rôle important car, par exemple, les impacts sur la cible dans

l'expérience de Young se font au hasard, même si les électrons sont envoyés toujours de la

même manière. Nous avons rencontré cet aspect aussi dans l'effet photoélectrique.

� L'énergie et la masse d'une particule sont reliés par une formule simple et universelle à la

longueur d'onde. En fait, le lien est immédiat et univoque entre longueur d'onde et impulsion

selon la formule : ph /=λ .

Mais nous sommes aussi arrivés à la conclusion que l'on ne pouvait pas concilier les différents

concepts classiques pour arriver à décrire ces objets quantiques que sont les particules élémentaires.

Les particules ne sont ni des corpuscules, ni des ondes, ni les deux à la fois. C'est autre chose.

Mais si aucun concept classique ne permet de décrire les particules, que faut-il utiliser ?

La solution est d'utiliser une représentation formelle, beaucoup plus abstraite et très générale,

capable de prendre en compte tout type de comportement.

Cette approche formelle fut élaborée dans les années vingt et trente au cours du vingtième siècle.

En fait, plusieurs approches furent imaginées avant d'être unifiées, le passage de l'une à l'autre se

faisant avec des correspondances mathématiques simples. Nous commencerons par la

représentation la plus générale pour arriver ensuite à des représentations parfois mieux connues ou

mieux adaptées à certains problèmes.

Page 180: Tome I

L'approche formelle se concentre sur le "comment" plutôt que sur le "quoi". C'est-à-dire qu'elle

tente de décrire ce qui se passe, d'une manière cohérente et synthétique, sans essayer de répondre

aux questions sur la nature des particules. En quelque sorte, dans un film, ce serait créer un langage

pour écrire le scénario mais pas pour décrire les acteurs.

Nous reviendrons ensuite plus tard sur le "quoi" en tentant d'interpréter ce formalisme abstrait.

C'est-à-dire que nous essayerons de dire à quoi correspondent physiquement les objets abstraits qui

ont été imaginés. Notons d'ores et déjà que c'est en réalité la partie la plus délicate car l'approche

formelle, en elle-même, ne fait jamais qu'utiliser l'arsenal des mathématiques, ce qui ne pose pas de

difficulté quand on les connaît. C'est d'ailleurs cette interprétation qui, dès le début, posa le plus de

difficulté et entraîna une opposition forte entre Bohr et Einstein. Nous reverrons ces deux

protagonistes poindre le bout de leur nez de ci de là au fur et à mesure de l'exposé. Notons enfin

que c'est un des domaines les plus actifs, encore actuellement. Interpréter la physique quantique

c'est essayer de la comprendre et pas seulement appliquer aveuglément des équations

mathématiques. Curieuse situation ou une théorie extraordinairement précise et puissante fut

élaborée et ou près d'un siècle après nous avons encore du mal à la comprendre !

Nous allons commencer par discuter plus précisément des relations entre les points de vue

ondulatoire et corpusculaire. Nous savons déjà que, ni le point de vue ondulatoire, ni le point de

vue corpusculaire ne sont corrects. Nous voudrions toujours présenter les choses avec précision ou

du moins de façon assez précise pour que nous n'ayons pas à les changer lorsque nous en

apprendrons plus. Nous voudrions ne faire que des extensions mais pas de changements. Mais

lorsque nous essayons de parler des descriptions ondulatoire ou corpusculaire nous n'oublions pas

que toutes deux sont approximatives et seront donc modifiées par la suite. Ainsi ce que nous

apprenons dans ce qui suit ne sera pas, en un certain sens, très précis. Nous allons employer des

arguments semi-intuitifs qui seront rendus plus précis par la suite. Mais certaines choses changeront

un petit peu lorsque nous les interpréterons correctement en mécanique quantique. Nous faisons

cela pour que vous ayez quelques idées qualitatives de certains phénomènes quantiques avant que

nous n'abordions les détails mathématiques de la mécanique quantique. De plus, toutes nos

expériences traitent d'ondes et de particules pour comprendre un peu ce qui se passe dans des

circonstances données avant de connaître toutes les mathématiques des amplitudes quantiques.

Page 181: Tome I

Nous essayerons d'indiquer les points faibles au fur et à mesure, mais l'essentiel est presque tout à

fait correct. Il ne s'agit que de questions d'interprétation.

Tout d'abord, nous savons que la nouvelle façon de représenter le monde en mécanique quantique,

ce nouveau canevas, consiste à donner une amplitude pour tout événement possible et, si cet

événement implique la réception d'une particule, alors nous pouvons donner l'amplitude pour

trouver la particule à différents endroits et à différents instants. La probabilité de trouver la

particule est alors proportionnelle au carré du module de l'amplitude. En général, l'amplitude pour

trouver une particule en différents endroits et à différents instants varie avec le lieu et avec le

temps.

Dans quelques cas particuliers l'amplitude peut varier de façon sinusoïdale dans l'espace et dans le

temps comme ( )rk⋅−tie ω , où r est le vecteur position pris depuis une certaine origine (n'oubliez pas

que ces amplitudes sont des nombres complexes et non des nombres réels). Une telle amplitude

varie suivant une fréquence définie ω et un nombre d'ondes k . Il se trouve alors que cela

correspond à une situation classique limite où nous croirions avoir affaire à une particule dont

l'énergie E serait connue et serait reliée à la fréquence par

(1) νω hE == h

et dont la quantité de mouvement p serait aussi connue et serait reliée au nombre d'ondes par

(2) kp h=

Cela signifie que l'idée de particule est limitée. L'idée de particule, avec une position, une

impulsion, etc., que nous utilisons si souvent est d'un certain point de vue peu satisfaisante. Par

exemple, si l'amplitude pour trouver une particule à différentes places est donnée par ( )rk⋅−tie ω , dont

le carré du module est constant, cela veut dire que la probabilité de trouver la particule est la même

partout. Cela signifie que nous ne savons pas où elle est. Elle peut-être n'importe où. Il y a une

grande incertitude sur sa position.

Par contre, si la position d'une particule est plus ou moins connue et si nous pouvons la prédire avec

une précision acceptable, alors la probabilité de trouver la particule en différents endroits doit être

confinée dans une certaine région dont nous appellerons la longueur x∆ . En dehors de cette région,

la probabilité est négligeable ou nulle. Mais cette probabilité est le carré du module d'une amplitude

Page 182: Tome I

et si le carré du module est zéro, l'amplitude est aussi zéro, si bien que nous avons un paquet

d'ondes dont la longueur est x∆ et dont la longueur d'onde est ce qui correspond à l'impulsion de la

particule. Voilà le retour du paquet d'ondes à travers le concept d'amplitude. N'oublions pas,

toutefois, que l'onde est ici complexe et non définie à valeurs réelles comme une onde classique.

Nous allons rencontrer maintenant une propriété curieuse des ondes. C'est une chose très simple

qui, en toute rigueur, n'a rien à faire avec la mécanique quantique. C'est une chose connue de

quiconque travaille avec des ondes, même en ne connaissant pas la mécanique quantique : à savoir,

nous ne pouvons pas définir une longueur d'onde unique pour un court paquet d'ondes. Un tel train

d'onde n'a pas de longueur d'onde bien définie. Il y a un manque de définition du nombre d'ondes

qui est relié à la longueur finie du paquet d'ondes et qui entraîne un manque de définition de

l'impulsion.

Page 183: Tome I

VI.1. Mesures

Mesures de position et d'impulsion Nous allons illustrer cette idée par deux exemples, pour voir le pourquoi de cette incertitude sur la

position et/ou l'impulsion, si la mécanique quantique est exacte. Cela complétera nos raisonnements

sur le principe d'indétermination cette fois dans le cadre des ondes d'amplitudes. Nous avons déjà

vu auparavant que si cette incertitude n'existait pas, s'il était possible de mesurer la position et

l'impulsion de tout objet simultanément, l'expérience de Young deviendrait incompréhensible. Il est

heureux que nous ne soyons pas tombé sur un tel paradoxe et le fait qu'une telle incertitude vienne

naturellement de la description ondulatoire montre que tout est bien cohérent.

Voici un exemple qui montre les relations entre la position et l'impulsion dans des circonstances qui

sont faciles à comprendre. Supposons que nous ayons une seule fente et que des particules viennent

de très loin avec une certaine énergie, si bien qu'elles arrivent pratiquement à l'horizontale. Nous

allons nous concentrer sur les composantes verticales de l'impulsion. Toutes ces particules ont une

certaine impulsion horizontale 0p en termes classiques. Par conséquent, dans le sens classique,

l'impulsion verticale yp est parfaitement connue avant que la particule ne passe par le trou. La

particule ne se déplace ni vers le haut ni vers le bas puisqu'elle vient d'une source placée très loin et

ainsi l'impulsion verticale est bien entendu zéro. Mais supposons maintenant qu'elle passe à travers

Page 184: Tome I

un trou dont la largeur est B. Alors, une fois qu'elle est passée par le trou, nous connaissons sa

position verticale, la position y, avec une précision considérable, c'est-à-dire B± (plus

précisément, l'erreur sur notre connaissance de y est 2/B± , mais nous ne nous intéressons

actuellement qu'aux idées générales et nous ne nous inquiéterons pas des facteurs 2). Autrement dit,

l'incertitude sur la position, y∆ , est de l'ordre de B. Maintenant nous pourrions vouloir dire aussi

que yp∆ est zéro, puisque nous savons que l'impulsion est absolument horizontale. Mais ceci est

faux. Nous avons su que l'impulsion était horizontale, mais maintenant nous ne savons plus rien.

Avant que les particules soient passées à travers le trou nous ne connaissions pas leurs positions

verticales. Maintenant que nous avons trouvé leur position verticale en laissant la particule passer à

travers le trou, nous avons perdu notre information sur l'impulsion ! Pourquoi ? Suivant la théorie

ondulatoire il y a étalement ou diffraction des ondes après qu'elles soient passées à travers la fente,

exactement comme pour la lumière. Il y a donc une certaine probabilité pour que les particules

venant de la fente n'en viennent pas exactement en ligne droite. L'effet de la diffraction est d'étaler

toute la figure et l'angle d'étalement que nous pouvons définir comme l'angle du premier minimum

est une mesure de l'incertitude sur l'angle final.

Comment cet étalement se produit-il ? Dire qu'il y a un étalement veut dire qu'il y a quelques

chances pour que la particule se déplace vers le haut ou vers le bas, c'est-à-dire pour que son

impulsion ait une composante vers le haut ou vers le bas. Nous disons chances et particules parce

que nous pouvons détecter cette figure de diffraction avec un compteur de particules et lorsque le

compteur reçoit une particule, disons en C sur la figure, le reçoit la particule tout entière, si bien

qu'en termes classiques la particule a une certaine impulsion verticale de façon à aller de la fente

jusqu'à C.

Pour nous faire une idée grossière de l'étalement en impulsion, l'impulsion verticale yp a une

dispersion qui est égale à θ∆0p , où 0p est l'impulsion horizontale. Quelle est la valeur de θ∆

dans le faisceau diffracté ? Nous savons que le premier minimum se produit à un angle θ∆ tel que

les ondes venant d'un bord de la fente aient à parcourir une longueur d'onde de plus que les ondes

venant de l'autre coté, c'est simplement la formule de l'optique sur la diffraction. Par conséquent

θ∆ vaut B/λ et yp∆ vaut Bp /0λ dans cette expérience. Notez que si nous faisons B plus petit et

donc si nous faisons une mesure plus précise de la position de la particule, la figure de diffraction

Page 185: Tome I

devient plus large. Et plus la fente est étroite, plus large est la figure de diffraction et plus grande

est la probabilité pour que nous trouvions la particule avec une impulsion latérale. L'incertitude sur

l'impulsion verticale est donc inversement proportionnelle à l'incertitude sur y. En fait, nous voyons

que le produit des deux est égal à λ0p . Mais λ est la longueur d'onde et 0p est l'impulsion, et

suivant la mécanique quantique le produit de la longueur d'onde par l'impulsion est la constante de

Planck h. Nous trouvons donc la règle que le produit des incertitudes sur l'impulsion verticale et sur

la position verticale est de l'ordre de h :

(1) hpy y ≈∆∆

Nous ne pouvons pas préparer un système pour lequel nous connaîtrions la position verticale d'une

particule et dont nous pourrions prédire le mouvement vertical avec une incertitude moindre que

celle donnée par (1). Autrement dit, l'incertitude sur l'impulsion verticale doit être plus grande que

yh ∆/ , où y∆ est l'incertitude de notre connaissance de la position.

Il y a des gens qui disent quelquefois que la mécanique quantique est complètement fausse. Quand

la particule arrivait de la gauche, son impulsion verticale était zéro. Et maintenant qu'elle est passée

à travers la fente, sa position verticale est connue. Sa position et sa quantité de mouvement

semblent être toutes deux connues avec une précision arbitraire. Il est tout à fait exact que nous

pouvons recevoir une particule et déterminer en la recevant quelle est sa position et quelle

impulsion elle aurait dû avoir pour être venue là où elle est venue. C'est exact, mais ce n'est pas à

cela que se réfère la relation d'indétermination (1). L'équation (1) se réfère à la possibilité de

prédire une situation et non pas à des remarques concernant le passé. Cela n'avance à rien de dire

"je savais ce que l'impulsion était avant que la particule ne passe à travers la fente et maintenant je

connais sa position", car maintenant, la connaissance de l'impulsion est perdue. Le fait qu'elle soit

passée à travers la fente nous interdit de prédire son impulsion verticale. Nous nous intéressons à

une théorie faisant des prédictions et non pas à une description du fait accompli. Nous devons donc

parler de ce que nous pouvons prédire.

Considérons maintenant les choses d'un tout autre point de vue. Prenons un autre exemple du même

phénomène, un peu plus quantitativement. Dans l'exemple précédent nous mesurions l'impulsion

par une méthode classique. Plus précisément, nous considérions la direction, la vitesse et les angles,

etc. et nous obtenions ainsi l'impulsion par une analyse classique. Mais comme l'impulsion est

reliée au nombre d'ondes, la nature nous fournit encore une autre façon de mesurer l'impulsion

Page 186: Tome I

d'une particule, photon ou autre, qui n'a pas d'analogue classique, car elle fait usage de l'équation

kp h= . Nous pouvons mesurer la longueur d'onde des ondes. Essayons de mesurer l'impulsion de

cette façon.

Supposons que nous avons un réseau avec un grand nombre de lignes et que nous envoyions un

faisceau de particules sur le réseau. Si les particules ont une longueur d'onde bien définie, nous

obtenons une figure avec un maximum très aigu dans une certaine direction à cause des

interférences. L'incertitude relative sur la longueur d'onde mesurée par un réseau est donnée par les

lois de l'optique et vaut Nm/1 où N est le nombre de lignes du réseau et m est l'ordre de la figure

de diffraction. C'est-à-dire,

(2) Nm/1/ =∆ λλ

Cette formule peut maintenant être réécrite sous la forme

(3) LNm /1/1/ 2 ==∆ λλλ

où L est la distance indiquée sur la figure ci-dessus. Cette distance est la différence entre la distance

totale que la particule ou l'onde ou quoi que ce soit doit parcourir lorsqu'elle est réfléchie par le bas

du réseau et la distance qu'elle doit parcourir si elle est réfléchie par le haut du réseau. Autrement

dit, les ondes qui forment la figure d'interférences proviennent de différentes parties du réseau. Les

premières qui arrivent proviennent de l'extrémité inférieure du réseau et du début du paquet

d'ondes, le reste vient de la suite du paquet d'ondes et de différentes parties du réseau jusqu'à celles

Page 187: Tome I

qui arrivent les dernières et qui comprennent l'onde venant d'un point situé à une distance L derrière

le premier point. Ainsi pour avoir dans notre spectre une ligne fine correspondant à une impulsion

définie, avec une incertitude donnée par (2), il nous faut avoir un paquet d'ondes de longueur au

moins égale à L. Si le paquet d'ondes est trop court, nous n'utilisons pas le réseau tout entier. Les

ondes qui forment le spectre sont réfléchies par une petite partie seulement du réseau et si le paquet

d'ondes est trop court le réseau ne fonctionnera pas correctement, nous aurons une large dispersion

angulaire. Pour en obtenir une plus étroite, nous devons utiliser le réseau tout entier de façon à ce

que le paquet d'ondes tout entier soit diffusé simultanément par tous les points du réseau, au moins

à un certain instant. Le paquet d'ondes doit alors être de longueur L pour que l'incertitude sur la

longueur d'onde soit moindre que celle donnée par (3).

Incidemment,

(4) ( ) πλλλ 2//1/ 2 k∆=∆=∆

Par conséquent

(5) Lk /2π=∆

où L est la longueur du paquet d'ondes.

Cela signifie que si nous avons un paquet d'ondes dont la longueur est plus petite que L,

l'incertitude sur le nombre d'ondes doit être plus grande que L/2π . Ou bien que l'incertitude sur le

nombre d'ondes multipliées par la longueur du paquet d'ondes, que nous appellerons x∆ pour le

moment, est plus grande que deux pi. Nous l'appellerons x∆ parce que c'est l'incertitude sur la

position de la particule. Si le paquet d'ondes n'existe que pendant une longueur finie, c'est alors

dans cet intervalle que nous pouvons trouver la particule, avec une incertitude x∆ . Mais cette

propriété des ondes, le fait que le produit de la longueur du paquet d'ondes par l'incertitude sur le

nombre d'ondes qui lui est associé est au moins deux pi, est une propriété qui est connue de

quiconque étudie les ondes. Elle n'a rien à faire avec la mécanique quantique. Elle dit simplement

que si nous avons un paquet d'ondes fini, nous ne pouvons pas compter avec une très grande

précision les ondes qu'il contient.

Essayons de trouver une autre façon de voir les raisons de cet effet. Supposons que nous ayons un

paquet d'ondes de longueur finie L. Alors, du fait qu'il doit décroître aux deux extrémités, le

nombre d'ondes dans la longueur L comporte une incertitude de l'ordre 1± . Mais le nombre d'ondes

Page 188: Tome I

dans L est π2/kL . Par conséquent, k est incertain et nous obtenons à nouveau le résultat (5) qui est

simplement une propriété des ondes. Tout cela marche aussi bien avec des ondes dans l'espace, k

étant le nombre de radians par centimètre et L la longueur du paquet d'ondes, ou avec des ondes

dans le temps, ω étant alors le nombre d'oscillations par seconde et T la "longueur" dans le temps

que met le paquet à passer. Autrement dit, si nous avons un paquet d'ondes durant seulement un

intervalle de temps fini T, l'incertitude sur la fréquence est donnée par

(6) T/2πω =∆

Nous avons essayé d'insister sur le fait que ce sont là des propriétés des ondes et qu'elles sont bien

connues, dans la théorie du son par exemple.

Le point important est qu'en mécanique quantique nous interprétons le nombre d'ondes comme une

mesure de l'impulsion de la particule, suivant la règle kp h= , si bien que la relation (5) nous dit

que xhp ∆≈∆ / . Ceci est alors une limitation à l'idée classique d'impulsion (naturellement, il faut

bien qu'elle soit limitée d'une façon ou d'une autre si nous voulons représenter les particules par des

ondes). Il est bien agréable d'avoir trouvé une règle qui nous donne quelque idée des circonstances

où les idées classiques seront en défaut.

Diffraction par un cristal Considérons ensuite la réflexion d'ondes corpusculaires sur un cristal. Un cristal est une chose qui a

de l'épaisseur et qui contient toute une foule d'atomes semblables et qui sont disposés suivant un

réseau bien régulier. La question se pose alors de disposer le réseau de façon à obtenir un fort

maximum de réflexion dans une direction donnée pour un faisceau donné, composé disons, de

lumière (rayon X), ou bien d'électrons, de neutrons, ou de tout autre chose. Pour obtenir une

réflexion forte, il faut que les diffusions par tous les atomes soient en phase. Il ne faut pas qu'il y en

ait un nombre égal en phase et en opposition de phase sinon les ondes diffusées s'annuleraient. La

façon d'arranger les choses consiste à chercher les régions de phase égale, comme expliqué dans un

cours d'optique ou de cristallographie. Ce sont les plans qui font des angles égaux avec les

directions initiales et finales.

Page 189: Tome I

Si nous considérons deux plans parallèles comme ci-dessus, les ondes diffusées par les deux plans

seront en phase si la différence entre les distances parcourues par leurs fronts d'onde est un nombre

entier de longueurs d'onde. On peut voir que cette différence est θsin2d , où d est la distance entre

les deux plans. La condition de réflexion cohérente est alors

(7) λθ nd =sin2

avec n un entier positif.

Si, par exemple, le cristal est tel que ses atomes se trouvent sur des plans satisfaisant à la condition

(7) avec n=1, nous aurons alors une forte réflexion. Si, au contraire, il y a d'autres atomes du même

genre (et avec la même densité) à mi-chemin entre les deux plans, alors, les plans intermédiaires

diffuseront aussi fortement et interféreront avec les autres pour produire un effet nul. Ainsi, dans la

figure, d se rapporte à des plans adjacents. On ne peut pas prendre un plan cinq couches plus loin et

appliquer encore cette formule !

A titre de remarque, notez que les cristaux réels n'ont pas, en général, un seul genre d'atomes répété

d'une certaine façon. En fait, si nous considérons un analogue à deux dimensions, ils ressemblent

Page 190: Tome I

beaucoup plus à un papier peint sur lequel une certaine figure est constamment répétée. Dans le cas

des atomes, ce que nous entendons par "figure" est un certain arrangement comme un calcium, un

carbone et trois oxygènes pour le carbonate de calcium, etc. Un tel arrangement peut inclure un

nombre relativement grand d'atomes. Mais quelle qu'elle soit, cette figure est répétée de façon

systématique. La figure de base est appelée cellule unité.

La façon dont cette figure est répétée définit ce qu'on appelle le type du réseau. Le type du réseau

peut être déterminé immédiatement en examinant les réflexions et en voyant quelles sont leurs

symétries. En d'autres termes, nous pouvons déterminer le type du réseau dès que nous voyons une

quelconque réflexion, mais il faut tenir compte de l'intensité de la réflexion dans les différentes

directions pour déterminer ce qu'il y a dans chaque élément du réseau. Le type du réseau détermine

les directions dans lesquelles il y a réflexion, mais c'est ce qui est dans chaque cellule élémentaire

qui détermine l'intensité de chaque diffusion. C'est de cette façon que l'on calcule la structure d'un

cristal.

Incidemment, il se passe quelque chose d'intéressant quand l'espacement de deux plans voisins est

plus petit que 2/λ . Dans ce cas, (7) n'a pas de solution pour n. Par conséquent, si λ est plus grand

que le double de la distance entre les plans adjacents, il n'y a pas de diffraction latérale et la

lumière, ou n'importe quoi, passe à travers la matière sans rebondir ni s'atténuer. Ainsi, la lumière

de longueur d'onde beaucoup plus grande que l'espacement passe évidemment au travers et il n'y a

pas de réflexion par les plans du cristal.

Page 191: Tome I

Ce fait a également d'intéressantes conséquences dans le cas des piles qui fabriquent des neutrons

(qui, pour tout le monde, sont manifestement des particules !) Si nous prenons ces neutrons et si

nous les envoyons dans un long bloc de graphite, les neutrons sont diffusés et se frayent leur

chemin. Ils sont diffusés parce qu'ils rebondissent sur les atomes, mais en toute rigueur, d'après la

théorie ondulatoire, ils rebondissent sur les atomes parce qu'ils sont diffractés par les différents

plans du cristal. Il se trouve que, si nous prenons une très longue pièce de graphite, les neutrons qui

sortent de son extrémité ont une grande longueur d'onde ! En fait, si l'on fait un graphe de l'intensité

en fonction de la longueur d'onde, on ne trouve rien sauf pour les longueurs d'onde plus grandes

qu'un certain minimum.

Autrement dit, on peut obtenir des neutrons très lents de cette façon. Seuls les neutrons les plus

lents passent au travers, ils ne sont pas diffractés ou diffusés par les plans des cristaux de graphite,

mais ils continuent à passer au travers comme de la lumière à travers du verre et ne sont pas

diffusés vers les cotés. Ce phénomène est contre intuitif si l'on considère les neutrons comme des

corpuscules. Il y a beaucoup d'autres démonstrations de la réalité des ondes de neutrons et des

ondes d'autres particules.

Ce genre de propriété est même utilisé en physique nucléaire pour construire des "modérateurs"

(composés d'eau lourde ou de graphite) afin de ralentir les neutrons (c'est-à-dire augmenter leur

longueur d'onde) et rendre la fission nucléaire plus efficace (on parle de neutrons thermalisés).

La taille d'un atome Nous allons considérer maintenant une autre application des relations d'indétermination. Il ne

faudra pas la prendre trop au sérieux. Les idées sont justes mais l'analyse n'est pas très précise. Ces

Page 192: Tome I

idées ont affaire avec la détermination de la taille des atomes et le fait que, classiquement, les

électrons rayonneraient de la lumière et tourneraient en spirale jusqu'à ce qu'ils atterrissent sur le

noyau. Ceci ne peut pas être vrai en mécanique quantique car nous saurions alors la position et la

vitesse initiale de chaque électron.

Supposons que nous prenions un atome d'hydrogène et que nous mesurions la position de son

électron. Il ne faut pas que nous puissions prédire exactement où se trouvera l'électron ou alors c'est

que la dispersion en impulsion sera devenue infinie. Chaque fois que nous observons l'électron, il

est bien quelque part mais il a une amplitude pour être ailleurs si bien qu'il a une certaine

probabilité d'être trouvé à différentes places. Ces différentes places ne peuvent pas être toutes près

du noyau. Nous supposerons qu'il y a une dispersion en position de l'ordre de a. C'est-à-dire que la

distance de l'électron au noyau est en général de l'ordre de a. Nous déterminerons a en minimisant

l'énergie totale de l'atome.

Du fait de la relation d'indétermination, la dispersion en amplitude est de l'ordre de ah / , si bien

que si nous essayons de mesurer l'impulsion de l'électron, par exemple en utilisant la diffusion de

rayons X et en mesurant l'effet Doppler dû au mouvement du diffuseur, nous ne nous attendons pas

à obtenir toujours zéro, l'électron n'est pas immobile, mais son impulsion p doit être de l'ordre de

ah / . L'énergie cinétique est approximativement 2222

21 2/2/ mahmpmv == (en un sens, ceci

n'est qu'une sorte d'analyse dimensionnelle pour trouver comment l'énergie cinétique dépend de la

constante de Planck, de la masse de l'électron et de la taille de l'atome. Il ne faut pas croire en notre

réponse à mieux qu'un facteur 2, pi, etc. Nous n'avons même pas défini a très précisément).

Maintenant, l'énergie potentielle est moins 2e divisée par la distance au centre, soit ae /2− , où 2e

est le carré de la charge de l'électron divisé par 04πε . Le point important est alors que l'énergie

potentielle diminue lorsque a diminue, mais plus a est petit et plus grande est l'impulsion

correspondante et, en même temps, du fait du principe d'indétermination, plus grande est l'énergie

cinétique. L'énergie totale est

(8) aemahE /2/ 222 −=

Nous ne savons pas ce que vaut a, mais nous savons que l'atome va s'arranger pour faire une sorte

de compromis de façon à ce que son énergie soit aussi petite que possible. Dans le cas contraire,

l'électron pourrait émettre un rayonnement, perdre de l'énergie et tendre vers ce minima. Pour

Page 193: Tome I

minimiser E, nous allons différencier par rapport à a, écrire que la dérivée est nulle et résoudre cette

équation en a. La dérivée de E est

(9) 2232 /// aemahdadE +−=

et, en écrivant 0/ =dadE , on obtient pour a la valeur

(10) mètre10528.0

angström528.0/

10

22

0

−×=

== meha

Cette distance est appelée le rayon de Bohr et nous avons ainsi trouvé que les dimensions

atomiques sont de l'ordre de l'angström, ce qui est juste et conforme à l'ancienne théorie de Bohr.

Ceci est même joliment exact. En fait, c'est surprenant, car nous n'avions jusqu'ici aucune base pour

comprendre la taille des atomes ! Les atomes sont tout à fait impossibles d'un point de vue

classique, puisque les électrons termineraient leur spiralisation dans le noyau.

Si maintenant nous substituons la valeur (10) de 0a dans (8) pour trouver l'énergie, nous trouvons

(11) eV6.132/2/ 24

0

2

0 −=−=−= hmeaeE

Que signifie une énergie négative ? Cela veut dire que l'électron a moins d'énergie lorsqu'il est à

l'intérieur de l'atome que lorsqu'il est libre. Cela veut dire qu'il est lié. Cela veut dire qu'il faut de

l'énergie pour faire sortir l'électron. Il faut une énergie de l'ordre de 13.6 eV pour ioniser un atome

d'hydrogène. Mais nous n'avons aucune raison de penser que cela ne puisse être deux ou trois fois

cette valeur ou la moitié ou π/1 de cette valeur, du fait que nous avons utilisé des arguments si

grossiers. Mais nous avons juste triché, nous avons utilisé toutes les constantes de façon à ce que ce

résultat soit juste le bon ! Ce nombre, 13.6 eV, est appelé un Rydberg d'énergie. C'est l'énergie

d'ionisation de l'hydrogène.

Nous comprenons maintenant pourquoi nous ne passons pas à travers le plancher. Lorsque nous

marchons, nos chaussures, avec tous leurs atomes, appuient sur le plancher et sur tous ses atomes.

Pour écraser les atomes les uns contre les autres, il faudrait confiner les électrons dans un espace

très petit et, suivant le principe d'indétermination, leurs impulsions devraient être plus grandes que

la moyenne, ce qui implique une grande énergie. La résistance à la compression des atomes est un

effet quantique et non un effet classique. Classiquement, si nous poussions tous les électrons et les

protons les uns contre les autres, nous nous attendrions à ce que l'énergie soit réduire et le meilleur

arrangement de charges positives et négatives en physique classique est obtenu lorsqu'elles sont

Page 194: Tome I

toutes les unes contre les autres. Bien entendu, les physiciens de jadis avaient inventé des moyens

de sortir de ces ennuis, comme dans l'ancienne théorie de Bohr, mais ne vous en occupez pas, c'est

nous qui avons, maintenant, la bonne solution !

Incidemment, et quoique nous n'ayons aucun moyen de le comprendre pour le moment, il se trouve

que les électrons essayent de rester loin les uns des autres dans toutes les situations où il y a un

grand nombre d'électrons. Si un électron occupe une certaine place, un autre ne peut pas occuper la

même place. Plus précisément, comme il y a deux cas de spin, deux électrons peuvent être tout près

l'un de l'autre, l'un tournant sur lui-même dans un sens et l'autre dans l'autre sens. Mais après cela,

nous ne pouvons plus en rajouter un autre. Il nous faut les mettre ailleurs et c'est cela la vraie raison

pour laquelle la matière est résistante. Si nous pouvions mettre tous les électrons à la même place,

la matière pourrait se condenser beaucoup plus qu'elle ne le fait. C'est le fait que les électrons ne

peuvent pas se trouver l'un contre l'autre qui fait que les tables et tous les objets sont solides.

Evidemment, pour comprendre les propriétés de la matière, nous devrons donc utiliser la

mécanique quantique et ne pas nous satisfaire de la mécanique classique.

Page 195: Tome I

VI.2. Niveaux d'énergie Nous avons parlé de l'atome dans son état d'énergie le plus bas possible, mais il se trouve que

l'électron peut faire bien d'autres choses. Il peut s'agiter de façon plus énergétique et il y a donc

plusieurs mouvements possibles. Suivant la mécanique quantique, un atome dans un état

stationnaire ne peut avoir qu'une énergie bien définie. Faisons un diagramme sur lequel nous

indiquerons les énergies verticalement et où nous tracerons une ligne horizontale pour chaque

valeur permise de l'énergie.

Lorsque l'électron est libre, c'est-à-dire lorsque son énergie est positive, il peut avoir n'importe

quelle énergie. Il peut se déplacer à n'importe quelle vitesse. Mais les états d'énergie liés ne sont pas

arbitraires, comme nous l'avons déjà noté dans le modèle de Bohr. L'atome ne peut avoir que l'un

ou l'autre d'un ensemble de valeurs permises, telles que celles ci-dessus.

Appelons maintenant 0E , 1E , 2E , 3E , les états d'énergie autorisés. Si un atome est initialement

dans l'un de ces "états excités", 1E , 2E , etc., il n'y reste pas éternellement. Tôt ou tard il retombe

sur un état inférieur et rayonne de l'énergie sous forme de lumière. La fréquence de la lumière

émise est déterminée par la conservation de l'énergie plus la condition quantique que la fréquence

de la lumière est reliée à l'énergie de la lumière. Par conséquent, la fréquence de la lumière qui est

libérée dans une transition de l'énergie 3E à l'énergie 1E (par exemple) est

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(1) ( ) h/1331 EE −=ω

Ceci est alors une fréquence caractéristique de l'atome et définit une raie d'émission spectrale. Une

autre transition possible serait de 3E à 0E . L'énergie serait alors différente

(2) ( ) h/0330 EE −=ω

Une autre possibilité est que, si l'atome est excité dans l'état 1E , il tombe dans l'état fondamental

0E en émettant un photon de fréquence

(3) ( ) h/0110 EE −=ω

La raison pour laquelle nous considérons trois transitions est que nous voulons montrer une relation

intéressante. Il est facile de voir à partir de (1), (2) et (3) que

(4) 103130 ωωω +=

En générale, si nous trouvons deux raies spectrales, nous pouvons nous attendre à trouver une autre

raie à la somme des fréquences (ou à la différence des fréquences) et à pouvoir comprendre toutes

les raies en trouvant une série de niveaux telle que chaque raie corresponde à la différence d'énergie

entre une paire de niveaux. Cette remarquable régularité des raies spectrales avait été remarquée

avant que la mécanique quantique ne fût découverte et on l'appelle la loi de combinaison de Ritz

(ou règles de Balmer). Ceci est encore un mystère du point de vue de la mécanique classique. Mais

n'insistons pas continuellement sur le fait que la mécanique classique échoue dans le domaine

atomique. Il semble que nous l'ayons démontré suffisamment bien.

Nous avons déjà parlé de la mécanique quantique comme étant une théorie avec des amplitudes qui

se comportent comme des ondes avec certaines fréquences et certains nombre d'ondes. Voyons

comment on trouve, en employant le point de vue des amplitudes, que l'atome a des états d'énergie

bien définis. C'est là quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre avec ce que nous avons

dit jusqu'ici, mais nous sommes familiers avec le fait que des ondes enfermées dans un volume clos

ont des fréquences bien définies. Par exemple, si des ondes sonores sont enfermées dans un tuyau

d'orgue ou dans quelque chose du même genre; elles peuvent vibrer de plusieurs façons et chacune

a une fréquence bien définie. Un objet, dans lequel des ondes sont enfermées, a donc plusieurs

fréquences de résonance. C'est donc une propriété des ondes enfermées dans un espace clos, sujet

que nous discuterons en détail, avec les formules, plus tard, que ces ondes n'existent que pour

certaines fréquences bien définies. Et comme il y a une relation générale entre les fréquences des

Page 197: Tome I

amplitudes et l'énergie, nous ne sommes pas surpris de trouver des énergies bien définies associées

aux électrons dans les atomes.

Page 198: Tome I

VI.3. Règles d'usage des amplitudes Le moment est venu de formaliser les amplitudes à travers tout ce que nous avons appris.

Quand Schrödinger découvrit le premier les lois correctes de la mécanique quantique, il écrivit une

équation qui donnait l'amplitude pour trouver une particule en différents endroits. Cette équation

était très similaire à celles qui étaient déjà connues des physiciens de l'époque classique et que

ceux-ci avaient utilisé pour décrire le mouvement de l'air dans une onde sonore, pour la

transmission de la lumière, etc. Si bien que, pendant les débuts de la mécanique quantique, on passa

beaucoup de temps à résoudre cette équation. Mais en même temps, on commençait à comprendre,

avec Born et Dirac en particulier, les idées physiques foncièrement nouvelles de la mécanique

quantique. Tandis que celle-ci continuait à se développer, il apparut qu'il y avait un grand nombre

de choses qui n'étaient pas directement impliquées par l'équation de Schrödinger, telles que le spin

de l'électron et différents phénomènes relativistes. Traditionnellement, tous les cours de mécanique

quantique commencent de la même façon, en retraçant le chemin parcouru au cours de l'évolution

historique du sujet. On apprend tout d'abord beaucoup de choses sur la mécanique classique de

façon à être prêt à comprendre l'équation de Schrödinger. On passe ensuite beaucoup de temps à la

résoudre dans différents cas. C'est seulement après une étude détaillée de cette équation que l'on

aborde le sujet "avancé" du spin de l'électron.

Mais il est en réalité inutile de s'embarquer aussi rapidement dans des calculs compliqués. Ce qui

est appelé habituellement mécanique quantique avancée est en fait tout à fait simple. Les

mathématiques qui sont requises sont particulièrement simples. Elles ne comprennent que de

simples opérations algébriques et pas d'équation différentielle ou, tout au plus, quelques-unes parmi

les plus simples. Le seul problème est que c'est un grand pas à faire que de renoncer à décrire en

détail le comportement des particules dans l'espace Nous allons donc vous parler de ce que l'on

appelle par convention les parties "avancées" de la mécanique quantique. Mais nous pouvons vous

assurer qu'il s'agit là, à tout point de vue, des parties les plus simples aussi bien que les plus

fondamentales.

Bien entendu, la difficulté en la matière vient de ce que le comportement des choses en mécanique

quantique est tout à fait étrange. Personne n'a une expérience quotidienne sur laquelle s'appuyer

pour obtenir une idée grossière et intuitive de ce qui peut se passer. Si bien qu'il y a deux façons de

Page 199: Tome I

présenter le sujet : nous pourrions soit faire une description physique, mais assez grossière de ce

qui peut se passer, en vous disant plus ou moins ce qui se passe sans vous donner des lois précises,

soit en vous donnant les lois précises sous leur forme abstraite. Mais, du fait de leur abstraction

vous ne pourriez pas savoir ce qu'elles veulent dire d'un point de vue physique. La dernière

méthode n'est pas satisfaisante parce qu'elle est complètement abstraite et la première laisse un

sentiment d'inconfort parce qu'on ne sait pas exactement ce qui est vrai et ce qui est faux. Nous ne

sommes pas très sûrs de la façon de surmonter cette difficulté. Vous noterez, en fait, que ce

problème était apparent dans ce qui a précédé. Plusieurs des descriptions étaient assez grossières.

Ici nous essayerons de trouver un juste milieu entre ces deux extrêmes.

Lois de combinaison des amplitudes Nous commencerons par discuter à nouveau la superposition des amplitudes de probabilité. A titre

d'exemple nous nous référons à l'expérience de Young décrite précédemment.

Page 200: Tome I

Nous avons une source de particules, disons d'électrons et derrière une paroi avec deux fentes. Au-

delà de cette paroi, il y a un détecteur placé en x. Nous cherchons la probabilité de trouver une

particule en x. Notre premier principe général de la mécanique quantique est que la probabilité

pour que la particule arrive en x après avoir quitté la source S peut être représentée

quantitativement par le carré du module d'un nombre complexe appelé l'amplitude de probabilité,

qui est dans ce cas "l'amplitude pour que la particule aille de S à x". Nous utiliserons de telles

amplitudes si souvent que nous emploierons une notation abrégée, inventée par Dirac et d'un usage

Page 201: Tome I

général en mécanique quantique, pour exprimer cette idée. Nous écrivons l'amplitude de probabilité

de la façon suivante :

(1) < Particule arrivant en x | particule quittant S >

En d'autres termes, les deux crochets < > forment un signe équivalent à "l'amplitude pour que ".

L'expression à la droite de la barre verticale donne toujours la condition initiale et celle à gauche la

condition finale. Quelquefois il sera également commode d'abréger encore plus et d'écrire les

conditions initiales et finales comme de simples lettres. Par exemple, il nous arrivera d'écrire

l'amplitude (1) comme

(2) < x | S >

Nous voulons insister sur le fait qu'une telle amplitude n'est rien d'autre qu'un simple nombre, mais

un nombre complexe.

Nous avons déjà vu que lorsque la particule dispose de deux voies pour atteindre le détecteur, la

probabilité n'est pas la somme des probabilités mais doit être écrite comme le module du carré de la

somme des deux amplitudes. Nous avons vu que la probabilité pour qu'un électron atteigne le

détecteur lorsque les deux voies sont ouvertes est

(3) 2

2112 φφ +=P

Nous voulons maintenant exprimer ce résultat avec notre nouvelle notation. Cependant, nous

voulons tout d'abord énoncer notre deuxième principe général de la mécanique quantique : quand

une particule dispose de deux voies pour atteindre un état donné, l'amplitude totale pour le

phénomène est la somme des amplitudes pour les deux voies considérées séparément. Avec notre

nouvelle notation, nous écrivons

(4) 2traversà1traversàouvertstrousdeuxles

SxSxSx +=

Incidemment, nous allons supposer que les trous 1 et 2 sont suffisament petits pour que, lorsque

nous disons qu'un électron passe à travers un trou, nous n'avons pas à nous demander par quelle

partie du trou il est passé. Nous pourrions évidemment diviser chaque trou en deux parties avec une

certaine amplitude pour que l'électron passe par le haut du trou et une autre pour qu'il passe par le

Page 202: Tome I

bas du trou et ainsi de suite. Nous supposerons que le trou est assez petit pour que nous n'ayons pas

à nous soucier de tels détails. Ceci est lié à notre parti pris de n'être qu'approximatifs. Tout ceci

peut être rendu beaucoup plus précis mais nous ne voulons pas le faire à ce niveau. Cela ne ferait

qu'alourdir la présentation sans apporter de compréhension supplémentaire.

Nous voulons écrire maintenant de façon détaillée ce que nous pouvons dire de l'amplitude pour

que l'électron atteigne le détecteur x en passant par le trou 1. Nous pouvons faire cela en utilisant

notre troisième principe général : quand une particule passe par une voie particulière, l'amplitude

pour cette voie peut être écrite comme le produit de l'amplitude pour une partie du chemin par

l'amplitude pour le reste du chemin. Avec le dispositif considéré, l'amplitude pour aller de S à x en

passant par le trou 1 est égale à l'amplitude pour aller de S à 1 multipliée par l'amplitude pour aller

de 1 à x.

(5) SxSx 111via

=

Une fois de plus, ce résultat n'est pas complètement précis. Nous devrions aussi inclure un facteur

pour l'amplitude pour que l'électron passe à travers le trou 1. Mais dans le cas présent nous avons

un simple trou et nous prendrons ce facteur égal à l'unité. Nous pouvons aussi considérer que ce

facteur est inclut dans une des deux amplitudes, par exemple < 1 | S > = "amplitude pour que

l'électron aille de S jusque 1 et passe à travers le trou".

Vous noterez que l'équation (5) semble être écrite à l'envers. Elle doit être lue de la droite vers la

gauche. L'électron va de S à 1 et ensuite de 1 à x. Ce n'est qu'une convention dans la mesure où le

produit des nombres complexes est commutatif. En résumé, si les événements se produisent

successivement, c'est-à-dire, si vous pouvez analyser une des routes suivies par la particule en

disant : elle fait ceci, puis elle fait ceci et ensuite elle fait encore cela, l'amplitude résultante pour

cette route se calcule en multipliant dans l'ordre les amplitudes pour chacun des événements

successifs. En utilisant cette loi, nous pouvons récrire (4) comme

(6) SxSxSx 2211trousdeuxlestraversà

+=

Nous voulons montrer maintenant qu'en utilisant ces seuls principes, nous pouvons résoudre un

problème beaucoup plus compliqué, tel celui qui est décrit ci-dessous.

Page 203: Tome I

Nous avons là deux parois, l'une avec deux trous 1 et 2 et l'autre avec trois trous a, b et c. Derrière

la deuxième paroi, il y a un détecteur placé en x et nous voulons connaître l'amplitude pour qu'une

particule arrive en ce point. Et bien, une des façons dont vous pouvez trouver cela consiste à

calculer la superposition ou interférence des différentes ondes transmises. Mais vous pouvez aussi

le faire en disant qu'il y a six routes possibles et en superposant les amplitudes pour chacune d'elles.

L'électron peut passer à travers le trou 1, puis à travers le trou a et ensuite aller en x, ou bien il peut

passer à travers le trou 1, puis passer à travers le trou b, et ensuite aller en x, et ainsi de suite.

D'après notre second principe, les amplitudes pour les différentes routes s'ajoutent, si bien que nous

pouvons écrire l'amplitude pour aller de S en x comme la somme des six amplitudes distinctes. Par

Page 204: Tome I

ailleurs, en utilisant le troisième principe, chacune de ces amplitudes peut être écrite comme le

produit de trois amplitudes. Par exemple, l'une d'entre elles est l'amplitude de S à 1 que multiplie

l'amplitude de 1 à a que multiplie l'amplitude de a à x. En utilisant notre notation abrégée, nous

pouvons écrire l'amplitude complète pour aller de S à x comme

(7) SccxSbbxSaaxSx 221111 +++= L

Nous pouvons gagner de la place en employant pour la sommation la notation

(8) ∑=

=

=cba

i

SiixSx

,,2,1

α

αα

Il est important de vérifier la consistance de ces règles. Mais cela se constate aisément. Par

exemple, si l'on considère l'amplitude pour que la particule arrive en a en passant par une des fentes

1 ou 2, on a comme dans l'expérience de Young classique :

(9) SaSaSa 2211 +=

Maintenant, si on veut connaître l'amplitude pour que la particule arrive en x en passant par a, il

suffit de multiplier les amplitudes :

(10) ( )

SaaxSaax

SaSaaxSaaxSx

2211

2211

+=

+==

Et en employant une formule semblable pour les fentes b et c et en sommant, on retrouve bien la

formule (8).

Pour pouvoir faire un calcul utilisant ces méthodes, il est évidemment nécessaire de connaître

l'amplitude pour aller d'un endroit à un autre. Nous allons donner une idée grossière d'une

amplitude de ce genre. Nous laissons de coté certaines choses comme la polarisation de la lumière

ou le spin de l'électron mais, à part cela, notre description est tout à fait correcte. Nous vous la

donnons de façon que vous puissiez résoudre des problèmes comprenant des combinaisons variées

de fentes. Supposez qu'une particule ayant une énergie définie voyage dans le vide d'une position

1r à une position 2r . En d'autres mots, c'est une particule libre sur laquelle aucune force ne

s'exerce. A un facteur numérique multiplicatif près, l'amplitude pour aller de 1r à 2r est

Page 205: Tome I

(11) 12

/

12

12

r

ei hrp

rr⋅

=

où 1212 rrr −= et p est l'impulsion qui est reliée à l'énergie E par l'équation relativiste

(12) 42

0

222 cmEcp −=

ou bien par l'équation non relativiste

(13) énergie cinétique = m

p

2

2

L'équation (11) dit en fait que la particule a des propriétés ondulatoires car l'amplitude se propage

comme une onde avec un nombre d'ondes égal à l'impulsion divisée par h .

Dans le cas le plus général, l'amplitude et la probabilité correspondante dépendent aussi du temps.

Dans la plupart de ces discussions préliminaires, nous supposerons que la source émet toujours des

particules avec une énergie donnée, si bien que nous n'aurons pas à nous soucier du temps. Mais,

d'une façon générale, nous pourrions nous poser d'autres questions. Supposez qu'une certaine

particule soit émise en un certain point P au temps t et supposez que vous vouliez connaître

l'amplitude pour qu'elle atteigne une certaine position, disons r , à un temps ultérieur. Ceci pourrait

être représenté symboliquement comme l'amplitude 0,, 1 == tPttr . Ceci dépend clairement à la

fois de r et de t. Vous obtiendrez des résultats différents si vous placez un détecteur dans

différentes positions et si vous faites des mesures à différents moments. En général, cette fonction

de r et de t satisfait une équation différentielle qui est une équation d'onde. Par exemple, dans le

cas non relativiste, c'est l'équation de Schrödinger. On a alors une équation d'onde analogue à celle

des ondes électromagnétiques ou des ondes sonores dans un gaz. Cependant, il faut insister sur le

fait que la fonction d'onde qui satisfait l'équation n'est pas comme une onde classique dans l'espace

: on ne peut à ce stade attribuer aucune sorte de réalité à cette onde comme on le fait pour une onde

sonore. Nous reviendrons sur ce problème de l'interprétation de la nature des objets quantiques.

Bien que l'on puisse être tenté de raisonner en termes "d'ondes corpusculaires" lorsque l'on traite le

cas d'une seule particule, ceci n'est pas une bonne idée car s'il y a, disons, deux particules,

l'amplitude pour trouver l'une en 1r et l'autre en 2r n'est pas une simple onde dans l'espace à trois

Page 206: Tome I

dimensions mais dépend de six variables d'espace 1r et 2r . Si par exemple nous traitons deux ou un

plus grand nombre de particules, nous aurons besoin du principe additionnel suivant : à condition

que les deux particules n'interagissent pas, l'amplitude pour qu'une particule fasse quelque chose et

que l'autre fasse autre chose est le produit des amplitudes pour que chacune fasse chaque chose

séparément. Par exemple, si Sa est l'amplitude pour que la particule 1 aille de S à a et si Sb

est l'amplitude pour que la particule 2 aille de S à b, l'amplitude pour que ces deux choses arrivent à

la fois est

(14) 21 SbSa

Dans des configurations un peu compliquées, cela peut conduire à des comportements totalement

non classiques et, en particulier, différents de ce que l'on pourrait observer avec deux ondes

classiques.

Il y a un autre point sur lequel nous devons insister. Supposons que nous ne sachions pas d'où les

particules de l'expérience précédente viennent avant d'arriver aux trous 1 et 2 de la première paroi.

Nous pouvons encore faire une prédiction sur ce qui arrivera au-delà de la paroi (par exemple, pour

l'amplitude d'arrivée en x) à la condition que l'on nous donne deux nombres : l'amplitude d'arrivée

en 1 et l'amplitude d'arrivée en 2. En d'autres termes, puisque l'on multiplie les amplitudes pour des

événements successifs, comme le montre l'équation (8), vous n'avez besoin pour continuer l'analyse

que de deux nombres, dans ce cas particulier S1 et S2 . Ces deux nombres complexes sont

suffisants pour prédire tout le futur. C'est cela, réellement, qui rend la mécanique quantique facile.

Il se trouve que c'est justement cela que nous allons faire dans la plus part des exemples lorsque

nous spécifierons des conditions initiales en fonction de deux ou quelques nombres. Bien sûr, ces

nombres dépendent de la position de la source et éventuellement d'autres détails de l'appareillage.

Mais étant donné ces deux nombres, nous n'avons nul besoin de connaître ces détails.

Amplitudes pour les processus inverses Avant de continuer, nous allons maintenant préciser une bonne partie du reste de la machinerie de

la mécanique quantique. Nous aurons l'occasion d'y revenir et de justifier certains points

importants, mais presque tout découle très simplement de ce que nous venons de voir.

Introduisons une règle importante.

Page 207: Tome I

Considérons une particule ayant une certaine amplitude pour passer d'un point A à un point B (par

exemple, d'une fente au détecteur dans l'expérience de Young).

(15) ABa =

On voudrait connaître l'amplitude b du processus inverse, c'est-à-dire BA , après avoir renversé

le signe de l'impulsion ou de toute quantité équivalente, ce qui est équivalent à un renversement du

temps ( tt −→ ).

Considérons le processus : la particule est en A, arrive en B, puis après renversement du temps,

revient en A. Ce processus sera :

(16) ba

Qui est l'amplitude "Aller de A à A en passant par B".

Quelle est la probabilité de ce processus ? Si la particule arrive effectivement en B, alors le

renversement du temps garantit qu'elle revienne en A. Par exemple, s'il lui fallait une certaine

impulsion pour arriver jusqu'en B, le renversement du signe de cette impulsion garantit son retour

en A.

Par conséquent, la probabilité correspondant à (16) n'est autre que la probabilité que la particule

arrive en B. C'est-à-dire :

(17) 22|| aba =

A une phase près, que l'on peut poser à l'unité (lorsque la particule revient en A elle est exactement

dans le même état que lorsqu'elle en est partie, il n'y a pas de raison d'introduire un facteur

modifiant la phase des amplitudes), on en déduit que :

(18) ∗= ab

C'est-à-dire :

(19) ∗= ABBA

Les amplitudes renversées sont conjuguées (complexes) l'une de l'autre.

Page 208: Tome I

Etats Considérons un système donné. Ce peut-être une particule, un atome ou tout dispositif plus ou

moins complexe. Comment décrire son état physique à un moment donné ? On désignera un tel état

par la notation ψ (appelé un "ket", la notation ψ étant appelée un "bra" et le symbole des

amplitudes < | > "braket" qui signifie tout simplement "crochet" en anglais).

Cet état ψ est supposé encoder toute la structure de l'état (ψ , un symbole générique pour ce

genre d'état, n'est qu'un nom, une étiquette, servant à désigner de quel état on parle).

Dans l'expérience de Young, on pourra ainsi parler de l'état de l'électron lorsqu'il est émis par la

source S , de l'état de l'électron lorsqu'il passe par la fente 1, 1 , de l'état lorsqu'il arrive en x, x ,

ou même de l'état de l'électron lorsqu'il passe par les fentes, sans spécifier spécifiquement l'une ou

l'autre de ces fentes, F . On pourrait aussi spécifier l'état d'un électron doté d'une impulsion p bien

définie, p (et dans ce cas, sa position est totalement indéterminée, comme nous le savons).

Cette notation est extrêmement générale mais nous verrons rapidement à quelles contraintes

doivent obéir les états quantiques.

Bien entendu, ces états peuvent varier dans le temps, ce qu'on notera, par exemple, ( )tψ pour

indiquer que les différents paramètres ψ décrivant l'état varient avec le temps ( )tψ .

Amplitude de processus Il est utile de distinguer deux types d'amplitudes bien qu'elles soient intimement liées.

Prenons deux états possibles pour un système, disons a et b . Le système peut passer d'un état à

l'autre, ce peut-être, par exemple, le déplacement d'une particule d'une position à une autre ou de

l'eau qui passe de l'état liquide à l'état vapeur.

Page 209: Tome I

La manière dont le système passe d'un état à l'autre peut être plus ou moins compliquée, mais on

peut faire un bilan et décrire la possibilité que le système a d'atteindre un état en partant d'un autre.

On décrira ce processus, cette possibilité, par l'amplitude que l'on nomme ab , que le système

passe de a en b .

C'est exactement les amplitudes que nous avons vues précédemment et nous avons ainsi un lien

entre états et amplitudes.

Amplitude d'état

Considérons maintenant un système qui peut être dans deux états a et b . Alors, on dira que

l'amplitude que le système dans l'état a soit aussi dans l'état b est ab .

Attention, il ne s'agit pas ici d'un processus. Ce n'est pas le système qui change pour passer d'un état

à l'autre mais la possibilité que le système soit dans les deux états.

Comment est-ce possible ? Comment un système dans un état précis pourrait-il être aussi dans un

autre état ? En fait, cela vient de la généralité de notre représentation et de l'indétermination des

quantités pouvant servir à identifier ces états.

Prenons un électron dans l'état d'impulsion définie p . On spécifie seulement son impulsion, rien

n'est dit sur sa position. Il pourrait se trouver à un endroit ou à un autre. Plus encore, si l'impulsion

est bien définie, sa position est totalement indéterminée. Par conséquent, parler de la possibilité que

cet électron soit en x n'a rien d'étrange. L'amplitude que l'électron soit aussi dans l'état x est donc

px et cela a une signification évidente.

Le lien entre les deux types d'amplitudes (dont la dénomination n'est pas habituelle, c'est un choix

didactique) est assez simple.

Page 210: Tome I

Supposons à nouveau une particule dans l'état p . Ce peut-être une particule émise par une source

S et se dirigeant par une paroi. Plaçons un détecteur sur la paroi en la position x, comme on l'a fait

ci-dessus avec les expériences de type Young. Si le détecteur réagit à la présence de la particule,

alors nous saurons que la particule est effectivement dans l'état x . Son état a, bien entendu,

changé et nous perdons la valeur de l'impulsion. L'amplitude pour passer de S à x sera l'amplitude

px .

L'amplitude d'état n'est donc rien d'autre qu'une amplitude de processus de mesure approprié. Les

deux types d'amplitude sont en fait juste deux façon différente de voir la même chose.

Principe de superposition Revenons à la particule passant par deux fentes dans l'expérience de Young. La particule peut

passer par la fente 1, ce qui correspond à l'état 1 . Elle peut aussi passer par la fente 2, ce qui

correspond à l'état 2 . Mais nous savons que cela ne correspond pas à l'état de la particule lorsque

l'on n'observe pas par quelle fente elle passe car, dans ce cas, si elle passe par une fente précise, on

retrouve le comportement corpusculaire sans interférence.

En nous inspirant du lien entre états et amplitudes, on peut écrire l'amplitude que la particule arrive

en x, c'est-à-dire dans l'état x , comme :

(20) ( )21212ou1 +=+= xxxx

C'est-à-dire qu'on peut décrire l'état de la particule, lorsqu'elle passe par les fentes, comme :

(21) 21 +

D'une manière générale, si un système peut se trouver dans deux états , a ou b , selon les

circonstances, alors on peut imaginer un dispositif expérimental permettant au système de se

trouver dans l'un ou l'autre état et de passer par un état ba + .

Page 211: Tome I

Donc, si un système peut prendre deux états donnés, la somme de ces états (à peut-être un

coefficient multiplicateur près pour que le total des probabilités reste égal à un) est également une

solution possible pour cet état. Et même, si l'évolution du système est influencée par un processus

quelconque modifiant son état d'une amplitude de transition, toute combinaison bdac + est une

solution possible (ou c et d sont deux nombres complexes).

C'est le principe de superposition des états.

Il est à noter que c'est un principe typiquement ondulatoire, comme dans le cas des interférences

entre amplitudes d'où nous avons d'ailleurs déduit ce principe. La somme de deux ondes (ou plutôt

de leur amplitude en chaque point) est encore une onde.

Cela peut donner des situations totalement non classiques comme une particule décrite par un état

avec plusieurs positions. En sommes, par abus de langage, on peut dire que la particule est en

"plusieurs endroit à la fois". Encore une propriété typiquement ondulatoire (une onde n'a pas de

position unique bien définie).

Espace de Hilbert Le principe de superposition montre que les états obéissent aux axiomes des espaces vectoriels. On

peut donc dire que l'ensemble des états d'un système est un espace vectoriel.

De plus, on peut considérer l'amplitude comme le produit scalaire complexe de deux vecteurs

d'état. Le carré de la norme de ce produit scalaire (probabilité) étant positif.

L'espace vectoriel complexe correspondant est appelé espace de Hilbert.

Plus exactement, c'est un sous-espace vectoriel de l'espace de Hilbert définit en mathématique

comme l'espace des fonctions de carré intégrable. Il n'est pas utile d'entrer dans de tels détails

mathématiques et de montrer l'équivalence avec notre espace vectoriel des états mais le lien entre

fonctions de carré intégrable et la définition du produit scalaire est assez claire.

Page 212: Tome I

Le nombre de dimensions de cet espace, pour un système donné, n'est pas fixé a priori et peut être

fini ou bien infini.

Tout espace vectoriel admet une infinité de bases.

Prenons une base quelconque donnée par les états A , B , C , … Dans ce cas, par définition des

vecteurs de base, on aura :

(22)

L

0

1

=

=

AB

AA

Cela indique que si le système est dans l'état A, la probabilité de le trouver (par une mesure) dans

l'état A est 1 (ce qui est assez évident), et la probabilité de le trouver dans l'état B (ou autre) est 0.

Les états de base sont mutuellement exclusifs.

Un exemple évident sont les états où une quantité mesurable prend une valeur bien définie.

L'ensemble des valeurs possibles correspond à l'ensemble des possibilités et deux valeurs bien

définies sont mutuellement exclusives.

Par exemple, les états correspondants à des positions bien précises d'une particule 1x , 2x ,…

correspondent à une base appelée base position (elle se généralise de manière évidente à plusieurs

particules). Les états correspondants à des impulsions précises 1p , 2p ,… donnent la base

impulsion. On a de même la base énergie et bien d'autres bases possibles. Ces bases se généralisent

aussi de manière évidente si l'on a d'autres quantités tel que la polarisation.

Tout état peut se décomposer sur une base. Par exemple :

(23) ( ) ( ) ( ) L+++= 332211 xxxxxx ψψψψ

En prenant le produit scalaire avec les états de base 1x , 2x ,… on trouve la valeur des

coefficients du développement :

(24) L+++= 332211 xxxxxx ψψψψ

Page 213: Tome I

On voit aussi tout de suite la signification physique de ces coefficients. Si a est le coefficient de

développement de ψ sur l'état de base A , alors 2

a est la probabilité de trouver le système

(dans l'état ψ ) dans l'état A ) lors d'une mesure (par exemple, lors de la mesure d'une position

dans la base position).

Cela montre aussi que les états doivent être normalisés. Si le système est dans un état quelconque

ψ , alors la probabilité de le mesurer dans un état de base doit être un puisque ces états de base

couvrent toutes les possibilités. Par exemple, si l'on mesure la position d'une particule, on va

trouver la particule… quelque part !

On doit donc avoir :

(25) 12222

==+++ ψψψψψ LCBA

Les exemples que nous avons pris sont rigoureusement exacts si l'espace de Hilbert a un nombre

fini de dimensions. Les sommes sont alors clairement définies.

Dans le cas d'un nombre infini de dimensions (par exemple si la position peut être absolument

quelconque et pas limitée à deux fentes comme dans l'expérience de Young) il faut être prudent sur

les opérations précédentes. Si l'infini est non dénombrable (comme avec les positions), alors la

normalisation d'un état doit utiliser une fonction delta de Dirac et les sommes sont remplacées par

des intégrales.

Nous n'en dirons pas plus et il n'est pas nécessaire de préciser tout cela. Nous aurons l'occasion de

voir des exemples et de définir tout cela de manière plus précise.

Prenons maintenant quelques exemples très parlants avec la base position et la base impulsion.

Prenons un état d'impulsion bien définie. Dans ce cas, on aura :

(26) ( ) ( ) L++= 2211 xxpxxpp

Page 214: Tome I

Et inversement, on peut utiliser la base impulsion pour un état de position bien définie et avoir :

(27) ( ) ( ) L++= 2211 ppxppxx

Prenons maintenant l'état correspondant à une particule pouvant tout autant être à la position 1x

qu'à la position 2x . Que donne-t-il dans la base position ? En fait, puisque c'est la somme de deux

états appartenant à la base, la décomposition est évidente :

(28) 212

1

2

1xx +

Les facteurs racines carrées sont là pour normaliser l'état.

On peut aussi décomposer cet état sur la base impulsion (en ignorant les facteurs racines carrées) :

(29) ( ) ( ) L++++=+ 222121211121 pxpxppxpxpxx

Les états d'impulsion bien définie sont équivalent à des états ondulatoires de fréquence bien définie,

des ondes sinusoïdales. On voit que cette somme est simplement une superposition d'ondes, avec

une série de coefficient, ce qui donne deux "pics" pour les positions :

Page 215: Tome I

Cette opération est simplement une décomposition de Fourier.

C'est un peu comme avec les paquets d'ondes, sauf qu'ici on peut avoir n'importe quelle "forme"

pour l'onde.

Page 216: Tome I

Cet état, considéré sous l'angle ondulatoire, est tout de suite moins mystérieux qu'une particule

douée du don d'ubiquité et pouvant se trouver en deux endroits à la fois.

Fonction d'onde Revenons à la décomposition d'un état quelconque sur la base position.

(30) ( ) ( ) ( ) L+++= 331211 xxxxxx ψψψψ

( )1xψ est un nombre, l'amplitude que l'état ψ corresponde à une particule située en 1x (lors d'une

mesure de la position), c'est-à-dire ψ1x . L'ensemble des nombres, un pour chaque position, peut

donc être écrit comme ( )xψ . C'est une fonction qui donne l'amplitude de trouver la particule en

chaque point x . Cette fonction est appelée la "fonction d'onde".

En fait, le nombre d'états de position étant infini non dénombrable, (30) doit prendre la forme d'une

intégrale :

(31) ( ) ( )∫= dxxxx ψψ

Donc, lorsque l'on parle de fonction d'onde, on privilégie (habituellement) la base position, qui est

très pratique, et on n'utilise que cette fonction pour décrire la particule. La fonction d'onde est une

représentation souvent utilisée.

Donnons quelques exemples :

Etat p (correspond à une longueur d'onde précise)

Page 217: Tome I

Etat 21 xx +

Paquet d'ondes

Onde localisée dans une petite région

C'est donc une représentation très pratique et très intuitive. La grandeur de la fonction d'onde donne

aussi (à peu de chose près) la probabilité de présence de la particule à cet endroit. Mais attention, il

y a quand même une différence importante. Une probabilité est un nombre positif compris entre 0

Page 218: Tome I

et 100 %, tandis qu'une amplitude à une grandeur et une phase (nombre complexe). Pour passer à la

probabilité il faut effectuer l'opération ( ) 2xψ . Mais elle a l'avantage de préserver les proportions :

une grande amplitude est identique à une grande probabilité. Mais la différence transparaît quand

même dans les figures : dans le paquet d'onde, l'amplitude prend alternativement des valeurs

positives et négatives et, bien entendu, on ne représente que la grandeur de la fonction d'onde et pas

sa phase (cela donnerait un dessin compliqué et incompréhensible). Si l'on trace la "fonction de

probabilité" correspondant au paquet d'onde, on obtiendra quelque chose comme ceci :

Les parties négatives deviennent des probabilités négatives de même grandeur.

Dans les représentations ci-dessus de la fonction d'onde, on a représenté l'amplitude de la fonction

d'onde mais pas sa phase (ce serait difficile sur un graphique où en ordonnée on n'a qu'une valeur

possible alors que les nombres complexes ont deux valeurs). A une exception près. Dans la

représentation de l'état p nous avons dessiné une fonction oscillante pour montrer la variation de

la phase alors que la grandeur de la fonction d'onde est constante. C'est la phase que nous avons

montrée et pas l'amplitude ! Mais tracer une simple ligne horizontale n'aurait pas été très parlant.

Les états positions précises, eux, sont clairs, c'est bien l'amplitude de la fonction d'onde que nous

avons tracée.

La fonction d'onde est donc un peu plus générale qu'une onde classique. En effet, dans une onde, il

suffit de tracer la grandeur de l'onde dans l'espace pour avoir la phase : c'est simplement le décalage

par rapport à une position de référence. Tandis qu'ici, en chaque point, la grandeur et la phase

peuvent être quelconques. La fonction d'onde est plus qu'une onde classique et à la fois son

amplitude et sa phase en chaque point ont leur importance. Ceci est bien normal puisqu'une

Page 219: Tome I

particule quantique n'est pas un corpuscule mais n'est pas non plus une simple onde classique

(sinon il ne serait même pas nécessaire de développer une théorie pour les décrire).

Page 220: Tome I

VI.4. Interférences Nous allons maintenant revenir à l'expérience de Young que nous avons déjà regardé plusieurs fois.

Cette fois-ci, nous allons utiliser toute la puissance de l'idée d'amplitude pour vous montrer

comment cela marche. Nous reprenons l'expérience mais en ajoutant une source de lumière derrière

les deux fentes afin d'observer par où passe l'électron.

Nous avions découvert le résultat intéressant suivant : lorsque nous regardions derrière la fente 1 et

voyions, venant de là, un photon diffusé, alors la distribution en x obtenue pour les électrons mis en

Page 221: Tome I

coïncidence avec ces photons était la même que si la fente 2 était fermée. La distribution totale des

électrons qui avaient été vus soit près de la fente 1, soit près de la fente 2 était la somme des

distributions (dues à chaque fente) et était complètement différente de la distribution obtenue quand

la lumière était éteinte. Ceci était vrai au moins lorsque nous utilisions une lumière de longueur

d'onde suffisament petite. Si nous augmentions la longueur d'onde de telle façon qu'il soit

impossible de savoir avec certitude près de quel trou la diffusion avait lieu, la distribution devenait

de plus en plus semblable à celle obtenue quand la source de lumière était éteinte.

Examinons ce qui se passe en utilisant nos nouvelles notations et les principes de combinaison des

amplitudes. Pour simplifier l'écriture, nous pouvons encore employer 1φ pour l'amplitude pour que

l'électron atteigne x par la fente 1, c'est-à-dire

(1) Sx 111 =φ

De même, 2φ sera l'amplitude pour que l'électron atteigne le détecteur en passant par la fente 2 :

(2) Sx 222 =φ

Ces amplitudes correspondent au passage à travers les deux trous et à l'arrivée en x lorsqu'il n'y a

pas de lumière. Maintenant, s'il y a une source de lumière, nous pouvons nous poser la question

"quelle est l'amplitude pour le phénomène au cours duquel l'électron atteint x et le photon est vu

derrière la fente 1 ?" Supposons que nous observions le photon derrière la fente 1 au moyen du

détecteur 1D et supposons aussi que nous utilisions un détecteur semblable 2D pour compter les

photons diffusés derrière la fente 2. Nous aurons une amplitude pour qu'un photon arrive en 1D et

un électron en x et une autre amplitude pour qu'un photon arrive en 2D et un électron en x.

Essayons de les calculer.

Bien que nous n'ayons pas les formules mathématiques correctes pour tous les facteurs qui

interviennent dans le calcul, vous en comprendrez l'esprit dans la discussion suivante. Tout d'abord,

nous avons l'amplitude S1 pour que l'électron aille de la source à la fente 1. Ensuite, nous

pouvons supposer qu'il y a une certaine amplitude pour que l'électron diffuse un photon vers le

détecteur 1D tandis qu'il est près de la fente 1. Représentons cette amplitude par a. Nous avons

Page 222: Tome I

ensuite l'amplitude 1x pour que l'électron aille de la fente 1 au détecteur d'électrons placé en x.

Notons quelque chose d'important ici. Nous supposons que l'amplitude pour que l'électron aille de

la fente 1 à x est inchangée. Que le photon soit diffusé ou pas, cette amplitude est la même. Nous

pourrions bien sûr supposer que la diffusion a quelque peu altéré le mouvement de l'électron et

affecté l'amplitude pour qu'il atteigne le détecteur. Mais cela ne ferait que compliquer les calculs

sans en changer le résultat de manière significative. Nous pouvons donc supposer que la

perturbation est aussi petite que désirée ce qui montre que les phénomènes observés ne sont pas dus

à une perturbation du mouvement de l'électron mais au simple fait que l'on a détecté le photon

diffusé. Cet élément qui peut sembler très étrange a priori sera fort important dans l'interprétation

de la mécanique quantique.

L'amplitude pour l'électron aille de S à x à travers la fente 1 et pour qu'il diffuse un photon vers 1D

est alors

(3) Sax 11

Soit, dans notre précédente notation, 1φa .

Il y a également une certaine amplitude pour qu'un électron passant à travers la fente 2 diffuse un

photon vers le compteur 1D . Vous allez dire, "mais c'est impossible ! Comment peut-il diffuser un

photon vers le compteur 1D si celui-ci ne regarde que la fente 1 ?". Si la longueur d'onde est

suffisament grande, il y a des effets de diffraction et cela est certainement possible. Si l'appareil est

bien construit et si nous utilisons des photons de petite longueur d'onde, alors l'amplitude pour

qu'un photon soit diffusé vers le détecteur 1 par un électron situé près de 2 est très petite. Mais,

pour conserver sa généralité à notre discussion, nous tiendrons compte du fait qu'il y a toujours une

telle amplitude que nous appellerons b. Alors l'amplitude pour qu'un électron passe à travers la

fente 2 et diffuse un photon vers 1D est

(4) 222 φbSbx =

L'amplitude pour trouver l'électron en x et le photon en 1D est la somme de deux termes, un pour

chacun des chemins possibles pour l'électron. Chaque terme est en fait composé de deux facteurs.

Page 223: Tome I

D'abord celui qui correspond au passage de l'électron à travers une fente et ensuite celui qui

correspond à la diffusion du détecteur 1 par un tel électron. Nous avons donc

(5) 21

1 Lquittantphoton

Squittantélectron

enphoton

xenélectronφφ ba

D+=

Nous pouvons obtenir une expression similaire lorsque le photon est trouvé dans l'autre détecteur

2D . Si nous supposons, par simplicité, que le système est symétrique, alors a est aussi l'amplitude

pour qu'il y ait un photon en 2D lorsque l'électron passe à travers la fente 2 et b est l'amplitude pour

qu'il y ait un photon en 2D lorsque l'électron passe à travers la fente 1. L'amplitude totale

correspondante pour un photon en 2D et un électron en x est

(6) 12

2 Lquittantphoton

Squittantélectron

enphoton

xenélectronφφ ba

D+=

Nous avons maintenant terminé. Nous pouvons facilement calculer la probabilité dans des

situations variées. Supposons que nous voulions connaître avec quelle probabilité nous pouvons

obtenir un coup en 1D et un électron en x. Ce sera la valeur absolue du carré de l'amplitude donnée

par l'équation (5), précisément 2

21 φφ ba + . Regardons soigneusement cette expression. Tout

d'abord si b est nul, ce que nous voudrions obtenir en construisant l'appareil, alors la réponse est

simplement 2

1φ diminué par le facteur 2

a . Il n'y a pas de terme d'interférence est c'est là la

distribution de probabilité que vous obtiendriez s'il n'y avait qu'une seule fente, comme on le voit

sur la figure (a) ci-dessous.

Page 224: Tome I

Par ailleurs, si la longueur d'onde est très grande, la diffusion de la lumière derrière la fente 2 vers

1D peut être exactement la même que pour la fente 1. Quoique a et b puissent contenir des phases

différentes, nous pouvons considérer le cas simple dans lequel les deux phases sont égales. Si a est

pratiquement égal à b, la probabilité totale devient 2

21 φφ + multiplié par 2

a , puisque a peut être

mis en facteur. Mais ceci n'est autre que ka distribution de probabilité que nous aurions obtenue

sans aucun photon du tout, avec un terme d'interférence. Par conséquent, dans le cas où la longueur

d'onde est très grande et où la détection des photons est inefficace, vous retrouvez la distribution

initiale où les effets d'interférences sont apparents, comme le montre la figure (b) ci-dessus. Dans le

Page 225: Tome I

cas où la détection est partiellement efficace, il y a interférence entre "beaucoup de 1φ " et "un peu

de 2φ " et vous obtenez une distribution intermédiaire telle que celle qui est esquissée sur la figure

(c). Il est inutile de dire que, si nous cherchons une coïncidence entre les photons détectés en 2D et

les électrons en x, nous obtiendrons le même genre de résultat.

Maintenant il y a un point sur lequel nous voudrions insister pour que vous évitiez une erreur

courante. Supposez que vous vouliez seulement l'amplitude pour que l'électron arrive en x, quel que

soit le détecteur 1D ou 2D touché par le photon. Devez-vous ajouter les amplitudes données par les

équations (5) et (6) ? Non ! Vous ne devez jamais ajouter des amplitudes qui correspondent à des

états finaux différents et distincts. Une fois que le photon est détecté par un des compteurs de

photon, nous pouvons toujours déterminer, si nous le voulons, laquelle des deux possibilités s'est

réalisée, sans pour cela perturber le système. Chacune a une probabilité complètement

indépendante de l'autre. Nous répétons : n'ajoutez pas les amplitudes pour des conditions finales

différentes. Par "finales" nous voulons dire : les conditions qui correspondent au moment où nous

voulons obtenir la probabilité, c'est-à-dire quand l'expérience est "terminée". Par contre, vous

ajouterez les amplitudes pour des possibilités différentes et indiscernables au cours d'une même

expérience, c'est-à-dire avant que le phénomène ne soit complètement achevé. A la fin du

phénomène, vous pouvez dire que vous "ne désirez pas regarder les photons". C'est votre affaire,

mais vous n'ajoutez pas pour autant les amplitudes. La nature ne sait pas que vous être en train de

regarder et elle se comporte à sa façon, que vous daigniez ou non prendre note des résultats. Nous

ne devons donc pas ajouter les amplitudes dans ce cas. Nous prenons d'abord le carré des

amplitudes pour tous les différents événements finaux possibles, puis nous en prenons la somme.

Le résultat correct pour un électron en x et un photon soit en 1D , soit en 2D est

(7) 2

12

2

21

2

2

2

1 Lenph

Sene

enph

xene

Lenph

Sene

enph

xeneφφφφ baba

DD+++=+

Notons tout de suite une faille dans le raisonnement ci-dessus qui semble pourtant rigoureux. Nous

avons dit que nous devons éviter d'ajouter les amplitudes quand les photons sont détectés en 1D ou

2D car il s'agissait d'états finaux distincts. Pourtant, qu'est-ce qui différentie ces détecteurs du reste

Page 226: Tome I

du système ? Ce sont des éléments comme les autres, comme les fentes et les photons, et qui

devraient être décrit par la mécanique quantique.

Il y a un moyen de mettre clairement en évidence le problème. Supposons qu'au lieu de détecteurs,

les photons diffusés sont envoyés vers des miroirs de manière, au final, à ce qu'ils soient absorbés

par un et un seul détecteur. Dans ce cas les états finaux ne sont plus distincts. Pourtant, cela ne

change rien aux amplitudes de diffusion, à l'interaction des photons avec les électrons,… Comment

le devenir ultérieur des photons (détectés par 1D ou 2D ou par un autre détecteur commun), peut

être beaucoup plus tard et beaucoup plus loin, bien après la détection de l'électron sur l'écran,

pourrait-il influencer le résultat de l'impact de l'électron sur l'écran ? Cela semble absurde. Même si

la règle peut être appliquée avec rigueur. Cela a d'ailleurs donné lieu à l'étrange expérience dite du

choix différé (ou le choix des détecteurs est fait après détection de l'électron). On a l'impression

que c'est non l'observation des résultats mais la possibilité d'observer un résultat voire de déduire un

résultat à l'aide d'opérations ultérieures (la détection future des photons par des détecteurs) qui

semble guider le comportement des électrons. C'est un résultat totalement contraire à l'intuition et à

la limite de l'absurde (il y a même violation de la causalité puisqu'une action future peut influencer

un résultat).

Nous reviendrons plus tard sur cette difficulté qui est au cœur de l'interprétation de la mécanique

quantique et nous présenterons en détail l'expérience dite du choix différé.

Pour le moment nous n'avons pas besoin de trop nous en préoccuper car tout étrange que cela soit,

la règle établie plus haut est claire et rigoureuse et elle suffit pour apprendre la mécanique

quantique et son usage, ce qui est de toute façon indispensable avant d'en décortiquer certains

aspects subtils. Inutile d'essayer de comprendre une théorie que l'on ne connaît même pas !

Diffusion par un cristal Notre exemple suivant est un phénomène dans lequel nous avons à analyser l'interférence des

amplitudes de probabilité avec quelque soin. Nous étudions le phénomène de diffusion des neutrons

par un cristal. Un cristal contient un grand nombre d'atomes, chacun ayant en son centre un noyau.

Ces atomes sont disposés de façon périodique. On envoie de très loin un faisceau de neutrons sur le

Page 227: Tome I

cristal. Nous pouvons numéroter les différents noyaux dans le cristal par le nombre i, où i prend les

valeurs entières 1, 2, 3,… N, N étant égal au nombre total d'atomes.

Le problème est de calculer la probabilité d'obtenir un neutron dans un compteur avec le dispositif

indiqué dans la figure ci-dessus. Pour un atome donné i, l'amplitude pour qu'un neutron atteigne le

compteur C est l'amplitude pour que le neutron aille de la source S au noyau i, multipliée par

l'amplitude a pour qu'il y soit diffusé, multipliée par l'amplitude pour qu'il aille de i au compteur C.

Ecrivons cela :

(8) SiaiC=ipar

SquittantneutronCenneutron

En écrivant cette équation nous avons fait l'hypothèse que l'amplitude de diffusion a était la même

pour tous les atomes. Nous avons un grand nombre de routes apparemment indiscernables. Elles

sont indiscernables parce qu'un neutron de basse énergie est diffusé par un noyau sans que l'atome

ne soit bousculé hors de sa place dans le cristal, la diffusion n'est pas "enregistrée". D'après la

discussion précédente, l'amplitude totale pour un neutron en C contient une somme de (8) sur tous

les atomes :

(9) ∑=

=N

i

SiaiC1

SdeneutronCenneutron

De fait que les amplitudes de diffusion que nous ajoutons progressivement proviennent d'atomes

situés en différents points de l'espace, les amplitudes ont différentes phases et donnent la figure

d'interférence caractéristique que nous avons déjà analysée dans le cas de la diffraction de la

lumière par un réseau.

Page 228: Tome I

Bien entendu, dans une telle expérience, on trouve que l'intensité des neutrons en fonction de

l'angle montre souvent de considérables variations, avec des pics d'interférence très pointus et

presque rien entre eux, comme dans la figure (a) ci-dessus. Cependant, pour certaines sortes de

cristaux cela ne se passe pas de cette façon et il y a, en plus des pics d'interférences cités ci-dessus,

Page 229: Tome I

un fond de diffusion dans toutes les directions. Il nous faut essayer de comprendre les raisons

apparemment mystérieuses de ce fond. Eh bien, nous n'avons pas encore considéré une propriété

importante du neutron. Il a un spin un demi, si bien qu'il y a deux états dans lequel il peut être : soit

spin "en haut" (disons perpendiculaire au plan de la figure), soit spin "en bas". Nous étudierons

attentivement cette propriété du spin plus tard mais nous pouvons déjà en constater quelques

conséquences. Si les noyaux du cristal n'ont pas de spin, le spin du neutron n'a aucun effet. Mais

quand les noyaux du cristal ont aussi un spin, disons un spin un demi, vous pouvez observer le fond

de diffusion, étalé dans toutes les directions, tel que nous l'avons décrit ci-dessus. L'explication est

la suivante.

Si le neutron a son spin dans une direction et si le noyau atomique a le même spin, alors aucun

changement de spin ne peut avoir lieu au cours du processus de diffusion (ceci est lié à la loi de

conservation du moment angulaire, nous y reviendrons). Si le neutron et le noyau ont des spins

opposés, alors deux processus de diffusion peuvent se produire, l'un dans lequel les spins sont

inchangés et l'autre au cours duquel les directions des spins sont échangées. La règle selon laquelle

il n'y a pas de changement de la somme des spins est analogue à la loi classique de conservation du

moment angulaire dont la version quantique est justement le spin. Nous pouvons commencer à

comprendre le phénomène si nous supposons que tous les noyaux diffuseurs sont disposés avec

leurs spins dans une même direction. Un neutron ayant la même direction sera diffusé suivant la

distribution attendue avec des interférences aiguës. Que se passera-t-il pour un neutron ayant son

spin en direction opposée ? S'il est diffusé sans changement de direction de spin, alors rien n'est

changé par rapport au cas ci-dessus, mais si les deux spins changent de direction au cours de la

diffusion nous pourrions, en principe, trouver à quel noyau est due la diffusion, puisqu'il serait le

seul à avoir son spin retourné. Bien, si nous pouvons dire à quel atome la diffusion est due, en quoi

les autres atomes peuvent-ils intervenir ? En rien, bien sûr. La diffusion est alors exactement la

même que celle par un atome isolé. Pouvoir analyser le cristal et déterminé quel atome a diffusé le

neutron est totalement analogue aux détecteurs permettant de savoir par quelle fente l'électron est

passé.

Pour tenir compte de cet effet, il faut changer la formulation mathématique de l'équation (9)

puisque, dans cette analyse, nous n'avons pas décrit complètement les états. Commençons par le cas

où tous les neutrons de la source ont leurs spins "en haut" et où tous les noyaux du cristal ont leurs

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spins "en bas". Tout d'abord, nous aimerions connaître l'amplitude pour qu'un neutron arrivant dans

le compteur ait son spin en haut et pour que tous les spins du cristal soient encore en bas. Ceci n'est

pas différent de ce que nous venons de discuter. Soit a l'amplitude pour une diffusion sans

retournement de spin ou sans spin. L'amplitude de diffusion par le ième atome est bien entendu,

(10) SiaiCSC =basencristal,basencristal, hautenhauten

Comme tous les spins atomiques sont encore en bas, les différentes possibilités (les différentes

valeurs de i) ne peuvent pas être distinguées. Clairement, il n'y a aucune façon de dire quel est

l'atome qui causa la diffusion. Dans ce processus, toutes les amplitudes interfèrent.

Il y a un autre cas, cependant, où le spin du neutron détecté est en bas bien qu'il ait quitté S avec

son spin en haut. Dans le cristal, l'un des spins doit donc être changé en un spin en haut, disons

celui du kième atome. Nous supposerons que l'amplitude de diffusion avec retournement de spin,

soit b, est la même pour tous les atomes (dans un cristal réel, il y a encore la possibilité désagréable

que ce retournement de spin se propage jusqu'à un autre atome, mais nous prenons le cas d'un

cristal pour lequel cette probabilité est très petite). L'amplitude de diffusion est alors

(11) SkbkCSC =basencristal,hautenknoyau, hautenbasen

Si nous cherchons la probabilité de trouver le neutron spin en bas et le kième noyau spin en haut, il

suffit de prendre le module de cette amplitude, ce qui est simplement 2

b fois 2

SkkC . Le

second facteur est presque indépendant de la position dans le cristal et toutes les phases ont disparu

lorsqu'on a pris le carré du module. La probabilité de diffusion par un noyau quelconque du cristal,

avec retournement de spin est alors

(12) ∑=

N

k

SkkCb1

22

ce qui correspond à une distribution régulière comme celle de la figure (b) ci-dessus.

Vous pouvez protester : "je ne me soucie pas de savoir quel atome a son spin en haut". C'est

possible, mais la nature, elle, le sait et, de fait, la probabilité est bien ce que nous avons donné ci-

dessus, il n'y a aucune interférence. Par ailleurs, si nous cherchons la probabilité pour que le spin

Page 231: Tome I

soit en haut au niveau du détecteur et que tous les atomes aient encore leurs spins en bas, alors nous

devons prendre le module de

(13) ∑N

i

SiaiC

Comme les différents termes de cette somme ont des phases, ils interfèrent, et nous obtenons une

figure d'interférences avec des interférences aiguës. Si nous faisons une expérience dans laquelle

nous n'observons pas le spin du neutron détecté, alors les deux types d'événements peuvent se

produire et les probabilités de chacun s'ajoutent. La probabilité totale (ou le taux de comptage) est

une fonction de l'angle qui a l'allure indiquée sur la figure (c).

Résumons le contenu physique de cette expérience. S'il vous était possible, en principe, de

distinguer les différentes possibilités en tant qu'états finaux (même si vous ne vous souciez pas de le

faire), la probabilité totale de l'état final est obtenue en calculant la probabilité pour chaque état (et

non l'amplitude) et en les ajoutant ensembles. Si vous ne pouvez pas distinguer les états finaux

même en principe, alors les amplitudes de probabilité doivent être ajoutées avant de prendre le

module pour trouver la bonne probabilité. La chose que vous devez noter tout particulièrement est

que si vous essayiez de représenter le neutron par une seule onde, vous obtiendriez le même genre

de distribution pour la diffusion d'un neutron ayant son spin en bas et d'un neutron ayant son spin

en haut. Il vous faudrait dire que "l'onde" provient de tous les atomes et interfère exactement

comme celle qui représente un neutron spin en haut et de même longueur d'onde. Mais vous savez

que cela ne marche pas comme cela. Comme nous l'avons déjà dit précédemment, nous devons

donc faire attention à ne pas attribuer à ces ondes trop de réalité dans l'espace. Elles sont utiles pour

certains problèmes mais pas tous.

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Exercices 1. Un jet d'atomes d'argent est produit à partir d'un four à 1200 °C. Si le jet parcourt 1 mètre,

utilisez les relations d'indétermination afin de trouver l'ordre de grandeur du plus petit spot qui

peut être obtenu au détecteur.

2. Un fusil met 0.5 seconde pour atteindre sa cible. En considérant les balles comme des masses

ponctuelles et en négligeant les frottements de l'air et le mouvement de la Terre, trouvez l'ordre

de grandeur de la dispersion des tirs sur la cible sous des conditions optimales de visée et de tir.

3. Une balle de ping-pong parfaitement élastique est lâchée dans le vide d'une hauteur égale à dix

fois son rayon sur une sphère fixe parfaitement élastique de même rayon. En négligeant les

effets dus au mouvement de la terre, estimez le plus grand nombre de rebonds contre la sphère

fixe que la balle peut s'attendre à faire dans des conditions optimales de chute.

4. Un jet d'électrons monoénergétiques est utilisé pour exciter un niveau particulier d'un atome. Si

ce niveau est de courte durée, libérant du rayonnement en revenant à l'état de base, montrez que

les électrons diffusés de manière inélastique qui ont perdu de l'énergie pour produire le niveau

excité ne seront pas tous dans le même état final d'énergie. Si le niveau excité dure environ

sec10 16− , quel est l'ordre de grandeur de dispersion de l'énergie des électrons, mesurée en

électronvolts ?

5. Discutez de toutes les relations que vous pouvez imaginer entre les différentes relations

d'indétermination.