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Né en 1977, ce duo célèbre de la presse pour la jeunesse connaît toujours le même engouement auprès de ses lecteurs. Retour sur les secrets de leur naissance, auprès de leurs créatrices, Jacqueline Cohen, l'auteur, Bernadette Després, l'illustratrice, et la rédactrice en chef de J'aime lire à l'époque, Anne-Marie de Besombes. Où l'on verra aussi comment, en trente ans, ces personnages ont évolué et élargit leur public. Nous remercions Bernadette Després pour les dessins préparatoires qu’elle nous a autorisé à reproduire. *Marie Lallouet, éditeur et rédactrice en chef de J’aime lire Q uand on pose la question de la nais- sance des héros aux acteurs pré- sents autour du berceau, on est sou- vent un peu déçu. On attend des secrets et on se retrouve avec des évidences, on espère des recettes et on découvre, avec une pointe de regret, qu’il n’y en a pas. Chance, talent et travail, ces trois mots-là suffisent bien à répondre à la question, même s’ils ne font pas pour autant une réponse très excitante. Créés en même temps que le magazine J’aime lire au début de 1977, Tom-Tom et Nana n’échappent pas à la règle. De la chance, du travail et du talent. Pour le reste… Qu’en disent Jacqueline Cohen et Bernadette Després ? La première est l’auteur, la seconde est la dessinatrice. Talent et travail, c’est sûr. Par ordre d’ap- parition, c’est d’abord Bernadette. Depuis 1966 elle collabore à Pomme d’Api. Ses dessins ne sont pas spécialement à la mode – et ne le seront d’ailleurs jamais – dossier / N°241 - LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS 117 Tom-Tom et Nana « On ne pouvait pas savoir, mais on est bien tombé... » 1 par Marie Lallouet*

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Né en 1977, ce duo célèbre de la presse pour la jeunesseconnaît toujours le mêmeengouement auprès de ses lecteurs. Retour sur les secrets de leurnaissance, auprès de leurs créatrices, Jacqueline Cohen,l'auteur, Bernadette Després,l'illustratrice, et la rédactrice en chef de J'aime lire à l'époque,Anne-Marie de Besombes. Où l'on verra aussi comment, en trente ans, ces personnages ont évolué et élargit leur public.Nous remercions BernadetteDesprés pour les dessins préparatoires qu’elle nous aautorisé à reproduire.

*Marie Lallouet, éditeur et rédactrice en chef de J’aime lire

Q uand on pose la question de la nais-sance des héros aux acteurs pré-sents autour du berceau, on est sou-

vent un peu déçu. On attend des secrets eton se retrouve avec des évidences, onespère des recettes et on découvre, avecune pointe de regret, qu’il n’y en a pas.Chance, talent et travail, ces trois mots-làsuffisent bien à répondre à la question,même s’ils ne font pas pour autant uneréponse très excitante.Créés en même temps que le magazineJ’aime lire au début de 1977, Tom-Tomet Nana n’échappent pas à la règle. De lachance, du travail et du talent. Pour lereste…

Qu’en disent Jacqueline Cohen etBernadette Després ? La première estl’auteur, la seconde est la dessinatrice.Talent et travail, c’est sûr. Par ordre d’ap-parition, c’est d’abord Bernadette. Depuis1966 elle collabore à Pomme d’Api. Sesdessins ne sont pas spécialement à lamode – et ne le seront d’ailleurs jamais –

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Tom-Tom et Nana« On ne pouvait pas savoir, mais on est bien tombé... »1

par Marie Lallouet*

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et elle revendique un parcours d’autodi-dacte. Son travail est plus du côté de lavie que de l’esthétique et ses premierslecteurs ne s’y trompent pas. Au hasardde ses pérégrinations éditoriales elle ren-contre Jacqueline Cohen. Elles sont fon-damentalement différentes (angoisse dela perfection côté Jacqueline, optimismeà toute épreuve côté Bernadette) mais,très vite, leur humour s’accorde, et aussileur talent à croquer le vivant. C’est unechance. « Les mots de Zaza » (BellesHistoires, mars 1976) en sont la premiè-re preuve.Bernadette Després : « Au début, ils vou-laient 20 pages par mois ! Mais c’étaitimpossible. Déjà 10… Enfin, j’en ai parléà Jacqueline, parce qu’on rigolait desmêmes choses. L’idée du restaurant danslequel on vit et travaille m’était venue en73, au moment de la naissance de monfils Étienne. Je partageais ma chambre

de maternité avec une dame qui tenaitun restaurant populaire rue du faubourgMontmartre. La chambre ne désemplis-sait pas de tous les clients du restaurantqui venaient rentre visite à la jeunemaman et lui apporter des fleurs. Lemari en avait un peu marre, de toutesces fleurs. Après, je suis allée faire descroquis dans son restaurant. AvecJacqueline, on voulait que ça fasse vrai-ment rigoler, et que l’on n’hésite pas àcaricaturer les adultes. Le coup de pieddans le cul de Gino à Tom-Tom, c’étaitça qu’il fallait. Et le choix d’un milieupopulaire, c’était très important pournous. On a mis en place tout l’universavant de commencer mais on n’a pastout dévoilé dans le premier épisode (oùNana n’intervient pas, par exemple).Je crois que Bayard n’y croyait pas tropau début. C’est le talent de Jacqueline(puis celui d’Évelyne) qui a donné de

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Dessin préparatoire de Bernadette Després

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l’envergure à tout ça. Plus tard, quandc’est sorti, je suis allée montrer les pre-miers épisodes de Tom-Tom et Nana à ladame du restaurant et elle a trouvé çaépouvantable : il n’était pas questionqu’elle donne ça à ses enfants parce quece n’était pas bien du tout ! »Jacqueline Cohen : « “ À Bayard, ilscherchent une BD pour les 7/8 ans, si onessayait ? ” m’a dit Bernadette. C’est cequ’on a fait, avec notre inconscience etnotre incompétence : ni elle ni moin’avions d’expérience – à part commelectrices – de ce genre de littérature.Avec le recul, je pense que si notre projeta été accepté par Jacqueline Kerguéno etAnne-Marie de Besombes2, c’est qu’à l’époque il n’y avait pas de concurrence :les bons bédéistes travaillaient essentiel-lement pour les adultes3. Aujourd’hui,quelqu’un arriverait avec nos premiersscénarios et dessins, on lui claquerait la

porte au nez et on aurait raison. Les scé-narios étaient d’une naïveté confondanteet les dessins tout raides, malhabiles. Laseule “ qualité ”, si j’ose dire, de tout ça,c’était notre sincérité, notre absence decalcul. Ce travail, c’était vraiment nous,on aurait été incapables de pondre autrechose. On nous avaient prévenues,Bernadette et moi, que si le journal mar-chait, il faudrait continuer à pondre unehistoire par mois, et bien sûr on a vague-ment prévu ça, en suivant les principesde nos modèles (Quick et Flupke,Corinne et Jeannot, Bicot, Lagaffe,Mafalda, etc.). Et c’est parti comme ça. »

De l’autre côté, Bayard presse préparedeux nouveaux mensuels, Astrapi etJ’aime lire. Les enfants de Pomme d’Api(1966) et des Belles Histoires (1972) ontgrandi et deux nouveaux magazinesvont les accueillir du côté de la lecture

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Dessin préparatoire de Bernadette Després

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autonome. Emmené par Yves Beccaria,Bayard Presse est à cette époque en trainde réinventer les magazines pour lesenfants, y appliquant avant l’heure tousles bouleversements éducatifs de la findes années soixante. Astrapi devait sor-tir d’abord, mais J’aime lire lui grillera lapriorité d’un an, en janvier 1977. Petitlivre vendu chaque mois en kiosque etpar abonnement, J’aime lire joue à lafois des codes de la presse et de ceux del’édition. Édition ? Un vrai roman inédit,l’importance des auteurs, un format « poche » (la collection Folio Junior voitle jour elle aussi en 1977), un dos carré.Presse ? Un rythme mensuel, une venteen kiosques et à des abonnés, des jeux,et une bande dessinée. Nous y voilà. La bande dessinée, néedans la presse, en est une signaturepresque obligée. Il en faut donc unedans J’aime lire, ne serait-ce que pourassurer la présence de héros récurrentsquand le roman vient chaque mois pro-poser un univers totalement nouveau.Pour aussi s’assurer la commission pari-taire de la presse qui exige qu’un journalsoit composé de plusieurs rubriques (aumoins trois) et qu’aucune d’elle excède70% de la pagination.Anne-Marie de Besombes, directrice dela rédaction et première rédactrice enchef de J’aime lire : « Ce fut un long che-min où chacun s’est appuyé sur l’autrepour avancer, un ping-pong créatif, sin-cère, talentueux, parfois même tumul-tueux. Pour J’aime lire, nous souhai-tions trouver des héros “ complices ”,ayant cet âge de la vie. Ces hérosdevaient permettre la projection dechaque enfant. Quel que soit son milieude vie. Des gamins vivant au plus prèsleurs relations entre enfants mais parta-geant aussi le quotidien des parents, pris

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La premièreapparition de

Tom-Tom et Nanadans le n°1

de J’aime lire,

ill. BernadetteDesprés.

1977

Tom-Tom et Nana aujourd’hui

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par le boulot, mais sans barrière. Il nousfallait pour cela choisir un lieu un peu àl’ancienne, où petits et grands se croise-raient sans limites d’horaires ni de terri-toires. Une sorte de village en raccourci.L’idée du restaurant est née d’un brain-storming de la rédaction. »Jacqueline Kerguéno, rédactrice en chefadjointe au moment de la création deJ’aime lire : « Je me souviens avoir tra-vaillé avec Jacqueline Cohen à la miseen place de Tom-Tom et Nana, en cher-chant ce qui pourrait représenter deséléments de pérennité pour ce projet deBD. Nous avions croisé les situationspossibles entre les divers cercles autourdes deux héros (famille, restaurant,quartier, école, lieux de vacances) pourvoir ce que ces croisements éventuelsoffraient comme pistes à l’imaginairedes auteurs. Nous en avions déduit quecela pouvait nourrir la BD pendant aumoins trois ans… Puis nous avons ana-lysé les caractères des héros pour en voirla cohérence, ce qui laissait Jacquelinede glace ! Au début, on sentait que Jacquelines’inspirait de la vie de ses propresenfants, mais quand ils sont devenusados, il a fallu trouver d’autres sources.Plus tard, elle a souhaité trouver un co-auteur qui l’aiderait. Ce ne fut pas facile,mais Évelyne Reberg4 s’est finalementrévélée la personne idéale pour ça. »

J’aime lire, pour lequel ses fondateursimaginaient un succès modeste, sera trèsvite une grande réussite. La bande dessi-née de Tom-Tom et Nana y contribuesans doute largement mais en bénéficietout autant. Elle aurait aussi bien pu êtreentraînée par le fond avec un magazinemoins chanceux. Mais J’aime lire, petitbijou de simplicité, d’efficacité et d’ac-

cessibilité était exactement le magazinequi convenait à cette fin des annéessoixante-dix, quand les trente glorieusesfinissantes découvraient la montée del’illettrisme et ses conséquences sociales.Jacqueline Cohen : « Le succès a étéprogressif. Cette BD a bénéficié du suc-cès de J’aime lire tout en le servant. Ellea pu s’incruster dans ses pages et dans lepaysage, se développer grâce, je dois ledire, à la ténacité de Bernadette - moi jesuis plus paresseuse (sic) et plus angois-sée. Grâce à la publication des albums,au dessin animé (1998)… Grâce auxenfants surtout, qui s’y sont reconnus !Mais pas grâce aux adultes qui, eux, laregardaient (la regarde encore) le plussouvent d’un air apitoyé ou dégoûté. Àla rédaction de J’aime lire5, on ne s’inté-ressait guère à Tom-Tom et Nana (situa-tion avantageuse d’un certain côté, onnous fichait la paix du moment qu’onrendait les planches à peu près à l’heure),je n’avais qu’une oreille, la mienne. EtBernadette me laissait l’entière respon-sabilité des textes. »Bernadette Després : « Bayard n’ycroyait pas trop au début, mais plusaprès. En fait on ne pouvait pas savoir,mais on est bien tombé. »Jacqueline Kerguéno : « Il y a eu desséances difficiles la première année, où ilfallait revoir la copie : les premiers scé-narios étaient trop extravagants pour lesfamilles BCBG de Bayard, ou trop icono-clastes pour l’époque. Puis le public s’estélargi et les enfants en ont fait le succès.Jacqueline Cohen dit, à tort, que lesparents faisaient les dégoûtés. Ils ado-raient ça pour eux-mêmes, et y trou-vaient une complicité avec leur gamin,qui ne la leur accordaient pas forcément,désirant s’approprier Tom-Tom et Nanapour eux seuls. J’aimerais bien rappeler

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quand même que les bibliothécaires ontfait, les premières années, un accueilméprisant à J’aime lire et à Tom-Tom etNana. Pas assez classe, pas dans la caté-gorie littérature de jeunesse. Maiscomme les enfants les intéressent, toutde même, elles (ils !) ont commencé à seposer des questions. Sept ans plus tard,quand elles ont vu que " J’aime lire sor-tait six fois plus que les Folio Junior "(citation de l’une d’entre elles àClamart), elles ont fini par dire : " Si çapeut donner envie de lire aux enfants,c’est un bon début !" . Et encore " Tom-Tom et Nana, ils ne lisent que ça, j’espèrequand même qu’ils vont finir par deman-der autre chose !" Je pense qu’aujour-d’hui, même en soupirant encore, la plu-part ont changé de regard. »Anne-Marie de Besombes : « Tom-Tomet Nana ne sont pas nés d’une fabrique àhéros et à succès. La BD qui raconte leursaventures est une œuvre. Une création.Les mots ont leur importance. La premièreclé : deux créatrices, assumant ce qui lesfaisait rire, et pas sur n’importe quoi. Desprofessionnelles qui croyaient à ces idées.Un duo créatif. L’autre clé se trouve peut-être dans le pari de leur avoir demandé deréaliser cette création et dans la pertinen-ce de ce choix. Là entre en jeu le travail,l’exigence, les tourments et les nuits blan-ches de chacune d‘elles. 95% du succèsréside, à mes yeux, dans l’élaboration deces pages, mois après mois, année aprèsannée, par ces deux tempéraments créa-tifs, accros de perfection…C’est avec la sortie des premiers albums6

que l’univers de Tom-Tom et Nana pren-dra son autonomie par rapport à J’aimelire. »

Sentiment de spontanéité et d’improvi-sation chez les auteurs, sentiment de

construction plus élaborée du côté deséditeurs, la mise en place de Tom-Tom etNana résonne assez bien dans le champplus vaste de la création des univers etdes héros.Première remarque : leur succès devientévident une fois qu’il est prouvé maisrarement avant. On est enfin sûr que ça vamarcher quand effectivement ça marche.Avant cela, nous avons tous, éditeurs,auteurs, essuyé assez de beaux flops quiétaient des succès annoncés et inverse-ment pour faire preuve de modestie. Deuxième remarque : les succès ontbeaucoup de parents et les échecs sontassez souvent orphelins, pour reprendreà l’envi la formule d’Oscar Wilde. Dansle cas présent, tout le monde ou presquea eu la bonne idée du restaurant et cettemultiparentalité vient prouver, s’il enétait besoin, combien cette trouvaille futla bonne, d’où quelle vienne.Troisième remarque : rien ne se fabriquemais tout se travaille. Un éditeur faitbien son métier à partir du moment où ila ramassé un bon petit caillou. Un peubrut, pas bien propre, mais réel et solide.Le petit caillou qu’était Tom-Tom et Nanaà ses débuts était solide sans nul doute, etil était surtout porté par de vrais talents.Pourquoi, éditeur, ramasse-t-on tel petitcaillou plutôt que tel autre ? Parce qu’onen a besoin (c’était le cas ici) ; parce qu’onse dit que les auteurs qui le portent sontbons et que l’on a envie de les suivre (c’estégalement le cas ici) ; parce que le résul-tat de ce projet-là, on aurait aimé l’avoirentre les mains à 10 ans ; parce qu’onsent tout de suite que c’est pour nous…Panoplie d’arguments somme toute assezflous et propres à décourager une pro-motion entière d’école de commerce,mais en existe-t-il vraiment d’autres dansla réalité de la création éditoriale comme

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elle se fait ? À cela, Anne-Marie deBesombes ajoute avec justesse l’in-dispensable confiance qui leur a été faitepar Yves Beccaria : « Ça a été simple.Jacqueline Kergueno et moi étions lesdeux ouvrières du truc, plus MartinBerthommier7 qui a fait l’emballage.Yves Beccaria nous faisait confiance. Ilavait l’habitude de dire que face à unebonne idée, il faut une bonne décision. ».Et reste la chance, aussi indispensableque mystérieuse…

Prenant en 2002 la rédaction en chef deJ’aime lire, j’ai rencontré l’univers deTom-Tom et Nana vingt-cinq ans après sacréation. Prise entre le feu de lecteursenthousiastes et de créatrices prisonnièresdu succès de leurs personnages , je n’aipas eu l’impression que la rédaction « nes’intéressait guère à Tom-Tom ». J’ai plu-tôt constaté que la lectrice la plus sévèrede ces planches était Jacqueline elle-même et que l’idée d’une J’aime liresans « La Bonne fourchette » remplissaitd’effroi tout le monde. Le succès ampli-fié par la télévision (1998) commençait às’essouffler et les auteurs attendaientavec impatience la relève : quand doncdes nouvelles bandes dessinées vien-draient-elles prendre la place de Tom-Tom ? Relève dont aucun lecteur ne vou-lait entendre parler.Pour moi, l’univers de Tom-Tom et Nanarecèle deux forces extraordinaires. La pre-mière, du point de vue du lecteur, est delui proposer un petit monde où ça barde,ça crie, ça se dispute mais où on est cer-tain d’une chose : on s’aime. Ce qui n’estpas rien.La deuxième force, plus du côté de l’édi-teur, est que ces bandes dessinées sontaussi à l’aise dans le monde de la grandedistribution que dans celui de la librairie,

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et le premier volume en format poche, 1985

Publicité parue dans J’aime lire n°67, 1982,

pour la sortie des premiers albums Tom-Tom et Nana grands formats parus en 1981

ill. B. Després, dessins extraits des pages de garde des albums poche

CD paru en2002 coédité parBayard et NaïveEditions

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et ce grand écart est assez rare pourmériter qu’on le salue. L’impératif dupopulaire, rappelé par les deux auteursavec force et porté aussi par J’aime lire,associé à un degré d’exigence extrêmesont sans doute le secret de cette prouesse.Aujourd’hui, il nous faut travailler auxhéros de demain. Ariol (Emmanuel Guibertet Marc Boutavant), Anatole Latuile(Anne Didier et Olivier Muller / ClémentDevaux) Suzie et Godefroy (Dominiqueet Fanny Joly / Laurent Audouin) sontsur le tarmac, prêts à s’envoler. Lequelsera le plus durable, le plus solide, leplus populaire ? Bien malin qui pourraitle dire.Je sais cependant que, au-delà de l’ad-miration pour cet univers modeste et for-midable, le sacerdoce (embarrassant de

ne pas avoir un autre terme à ma disposi-tion) qu’a représenté Tom-Tom et Nanapour Jacqueline Cohen, Bernadette Despréset ensuite pour Évelyne Reberg8 force lerespect.

Merci à Jacqueline Cohen, BernadetteDesprés, Anne-Marie de Besombes,Jacqueline Kerguéno, Yves Beccaria etGeorges Sanerot pour leur aide.

1. Citation de Bernadette Després, dessinatrice de Tom-

Tom et Nana, avril 2009.

2. Respectivement rédactrice en chef adjointe et rédac-

trice en chef du futur J’aime lire.

3. Cette période est en effet par ailleurs la grande

époque de la bande dessinée pour les adultes, qui se ras-

semblera autour du mensuel (À suivre), publié par

Casterman de 1978 à 1997.

4. Évelyne Reberg, auteur de nombreux et formida-

bles romans publiés par J’aime lire, co-signera les

épisodes de Tom-Tom et Nana à partir de juillet

1986 (n°114).

5. Rédaction à laquelle Jacqueline Cohen sera inté-

grée en tant que rédactrice salariée le 2 janvier 1978.

6. La première parution en album date de 1981.

Mais ces grands formats ne seront pas un succès.

Il faudra attendre le deuxième essai, au format

poche cette fois, en 1985, pour que le succès soit

au rendez-vous en librairies. On notera cependant

que ces petits albums de 90 planches seront tou-

jours associés aux rayons jeunesse, et non à ceux

de BD et régulièrement inscrits dans la hit-parade

des meilleures ventes, mais toujours en jeunesse

et jamais en BD.

7. Martin Berthommier fut le premier directeur

artistique de J’aime lire dont il a inventé la for-

mule graphique qui, trente ans plus tard, pré-

vaut toujours.

8. On n’oubliera pas de nommer également

Catherine Viansson-Ponté, la coloriste de l’aven-

ture.

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Suzy, dess. de Laurent Audouin et la planche de Tom-Tom et Nana sur les héros

parue dans le n°375 d’avril 2008 de J’aime lire

Illustrations : Tom-Tom et Nana, personnages créés par

Jacqueline Cohen, Évelyne Reberg,

Bernadette Després et Catherine Viansson-Ponté

(avec l'aimable autorisation de Bayard Jeunesse)