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THÉORIE DES

SYSTÈMES ÉVOLUTIFS

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TRAITÉ DE PHYSIQUE THÉORIQUE ET DE PHYSIQUE MATHÉMATIQUE COLLECTION DIRIGÉE PAR J.-L. DESTOUCHES

X X I I

THÉORIE DES

SYSTÈMES ÉVOLUTIFS PAR

Théodore VOGEL Directeur du Centre de Recherches Physiques

au Centre National de la Recherche Scientifique.

gv

PARIS GAUTHIER-VILLARS

1965

Page 5: Théorie des systèmes évolutifs

(0 GAUTHIER-VILLARS, 1965 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction

par tous procédés, y compris la photographie et le microfilm, réservés pour tous pays.

Page 6: Théorie des systèmes évolutifs

Ouvrages de la Collection Volumes In-8° (16 x 25)

I. DESTOUCHES (J.-L.), Professeur à la Sorbonne. — Méthodologie. Notions géométriques, xiv-228 pages, 1953.

II. Mécanique newtonienne (à paraître). III. BROGLIE (L. de), Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. —

Éléments de la théorie des quanta et de Mécanique ondulatoire. 302 pages, 31 figures, 1959.

IV. DEQUOY (N.), Agrégée de l'Université. — Mécanique à l'usage des classes de Mathématiques élémentaires, xii-195 pages, 1954.

V. MERCIER (A.), Professeur à l'Université de Berne. — Principes de Mécanique analytique. XI-151 pages, 6 figures, 1955.

VI. DAUDEL (R.). — Les Fondements de la Chimie théorique, Mécanique ondulatoire appliquée à l'étude des atomes et des molécules. Préface de M. L. DE BROGLIE. x-236 pages, 40 figures, 1956.

VII. MERCIER (J.), Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Thermodynamique à l'usage de l'Enseignement Supérieur et des Écoles d'Ingénieurs, vm-618 pages, 1957.

VIII. PARODI (M.), Professeur au Conservatoire des Arts et Métiers. — Introduction à l'étude de l'Analyse Symbolique. 248 pages, 49 figu- res, 1957.

IX. CAZIN (M.), Professeur à l'École Centrale et DEQUOY (N.). — Cours de Mécanique pour les classes de préparation aux grandes Écoles (nouveau programme), Préface de J.-L. DESTOUCHES, XI-200 pages, 25 figures, 1958. Cartonné.

X. CAZIN (M.). - Exercices de Mécanique pour les classes de préparation aux grandes Écoles (nouveau programme). 70 pages, 28 figures, 1959.

XI. TONNELAT (M.-A.). — Les théories unitaires et leurs applications à la physique (à paraître).

XII. PARODI (M.). — La localisation des valeurs caractéristiques des matrices et ses applications. Préface de M. H. VILLAT. 172 pages, 15 figures, 1959.

XIII. JANCEL. — Les fondements de la Mécanique statistique quantique. 330 pages, 1963.

XIV. DAUDEL (R.), Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. — Structure électronique des molécules. Molécules diatomiques, petites molé- cules, hydrocarbures saturés, molécules conjuguées, molécules d'intérêt biochimique. 284 pages, 63 figures, 1962.

XV. PARODI (M.). — Application de l'algèbre moderne à quelques pro- blèmes de physique classique. 350 pages, 90 figures, 1961.

XVI. VISCONTI (A.), Professeur à l'Université d'Aix-Marseille. — Théorie quantique des champs.

Tome 1. Formalisme hamiltonien; champs libres, xix-229 pages, 1961.

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XVII. VISCONTI (A.). — Théorie quantique des champs. Tome II. 420 pages, 45 figures, 1965.

XVIII. DESTOUCHES (J.-L.). — Qu'est-ce que la physique mathématique? (à paraître .

XIX. DESTOUCHES (J.-L.) et AESCHLIMANN (Mme F.). — Problèmes de physique mathématique moderne (à paraître).

XX. BODIOU (G.). — Théorie des probabilités englobant leurs calculs classique et quantique. 204 pages, 11 figures, 1963.

XXI. BROGLIE (L. de). — Étude critique des bases de l'interprétation actuelle de la mécanique ondulatoire. 94 pages, 8 figures, 1963.

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INTRODUCTION

FONDEMENTS ET LANGAGE DE LA THÉORIE DES SYSTÈMES ÉVOLUTIFS

SOMMAIRE. — On se propose d'étudier l'évolution d'êtres mathématiques nommés systèmes, construits à partir de l'observation d'objets concrets de manière à permettre d'expliquer leur comportement dans diverses circonstances. Ces sys- tèmes sont représentés dans des espaces topologiques appropriés par des points, leur évolution, par des lignes. Parmi les systèmes possibles, on peut distinguer la classe des systèmes fatals, dont l'évolution est déterminée à partir d'un point privi- légié initial, et qui sont en général héréditaires, ou exceptionnellement amphi- dromes. Dans ce dernier cas, une observation suffit à déterminer toute l'évolution, quelle que soit l'époque où elle a eu lieu.

1. Systèmes; observation de leur état

Cet ouvrage est consacré à l'exposé de quelques-unes des questions qui se présentent dans l'étude théorique des systèmes évolutifs, considérés dans leurs caractères généraux, et sans tenir compte des propriétés concrètes qui déterminent ces caractères. La Dynamique théorique (ou « symbolique », ou « topologique »), constituée par les travaux de H. Poincaré, de G. D. Bir- khoff et de leurs continuateurs, forme une partie importante des matières traitées; on y a ajouté, par une extension qui a paru naturelle, des considé- rations sur les systèmes héréditaires, et surtout sur les classes de systèmes héréditaires qui ont fait l'objet de travaux personnels de l'auteur.

Malgré un certain effort pour assurer l'équilibre, l'ensemble ainsi présenté au lecteur n'a nullement la prétention de former un corps de doctrine complet; on souhaiterait cependant que cette ébauche puisse servir un jour à l'édification d'une théorie des systèmes évolutifs qui constituerait, en quel- que sorte, des « Prolégomènes à toute physique mathématique ».

Le degré d'abstraction et de généralité des fondements de la théorie des systèmes évolutifs nécessiterait de longues gloses sur le vocabulaire employé

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et les points de vue adoptés pour examiner les concepts de système, d'évo- lution, etc.

Sans qu'il soit possible d'y consacrer ici beaucoup de pages, il convient peut-être de préciser la signification de certains termes, et l'esprit dans lequel ils sont utilisés. La science est une mise en ordre des résultats de nos obser- vations concernant le monde sensible. Celles-ci ne sont pas le contenu intellec- tuel (pratiquement, sinon théoriquement) inépuisable du témoignage de nos sens, mais des extraits délibérément opérés de ce contenu (conformément à de s idées a priori qui constituent déjà une pré-science. Au stade de notre réflexion actuelle, ces idées apparaissent comme des conventions arbitraires, peut-être pas tellement plus mauvaises que d'autres, et dont la modification entraî- nerait, pour la mise en place des nouvelles disciplines, un travail dispro- portionné au bénéfice prévisible). Toute discipline particulière, et notam- ment la physique, à quoi l'on se référera souvent, sans qu'elle soit le domaine d'application exclusif de la théorie exposée, a pour objet une construction explicative, dont la matière est un ensemble, arbitraire et révisable, d'élé- ments de témoignage sensible. De manière concrète, l'observateur porte son attention sur une réunion d'objets ou de parties d'objets; il n'en retient que certaines qualités, celles qui l'intéressent pour l'étude qu'il se propose; il la délimite par rapport aux objets qui l'entourent et précise par des hypo- thèses ses rapports avec ces objets extérieurs. Il définit ainsi ce qu'on peut appeler un système, notion qui est au centre de la réflexion scientifique aussi bien que de l'organisation des expériences. Donnons au physicien un mor- ceau de verre, de la forme d'un parallélipipède rectangle : il en retiendra pour les besoins de son étude les propriétés optiques, et l'objet sera trans- figuré en le système « lame à faces parallèles » dépourvu de module d'Young, de constante diélectrique, etc.; ou les propriétés élastiques, et on aura le système « plaque élastique », qui ne saurait avoir de couleur ni d'indice de réfraction; ou les propriétés diélectriques, etc. Que s'il désire tenir compte à la fois des propriétés élastiques et des propriétés électriques, ou telles autres, ce seront autant de systèmes distincts qu'il évoquera, régis par des lois d'évolution distinctes. On voit bien que la réflexion du physicien (et l'on pourrait naturellement en dire autant du chimiste, du démographe, ou de tout autre scientifique) prend pour objets « les relations entre des êtres qui ne sont plus (volontairement) connus et décrits que par quelques-unes de leurs propriétés » : c'est donc fondamentalement une réflexion mathématique (et l'introduction des nombres dans l'expression des observations n'est ici qu'un détail contingent), et les « systèmes » du physicien sont des êtres mathématiques (Bourbaki [1], p. 91).

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Pour extraire ces êtres de la richesse du témoignage sensible sur les objets réels qui en sont le « support », il faut arrêter la liste des qualités retenues pour l'étude et, pour cela, définir ces qualités; il faut, de plus, définir ce qu'on entend par Y observation de l'état d'un corps muni de plusieurs qua- lités et, pour cela, préciser la notion de simultanéité, donc définir le temps. Nous ne reprendrons pas, à ce sujet, toutes les considérations que nous avons exposées ailleurs (Vogel [6]), mais il sera commode d'en résumer ici l'essentiel.

2. États-témoins

Il est naturel, s'agissant de notions premières, que soit sensible l'arbitraire des définitions, et leur lien avec la pré-science « naïve ». La seule façon « opérationnelle » de définir une qualité est d'en postuler l'existence directe- ment sensible dans un certain nombre d'objets-témoins, qui la posséderaient à des degrés divers (et d'ailleurs non mesurables pour commencer); pour toutes les qualités utilisées dans la physique déjà élaborée, il s'est trouvé possible de ranger les états des témoins en des suites bien ordonnées, comme il sera dit plus loin. Veut-on, par exemple, définir la température? (nous choisissons cet exemple parce qu'il s'agit d'une qualité qui ne semble pas admettre de métrique, et dont on dit, dans les manuels de physique élémen- taire, qu'elle « n'est pas une grandeur »). On adoptera pour témoins une suite d'objets susceptibles de changer d'état (solide, liquide, gazeux) ou d'aspect (couleur) lorsqu'on les chauffe; lorsque le témoin A change ainsi d'aspect, on dira qu'il est à la température 0A. D'autre part, on sait construire (même si l'on n'en comprend pas bien le fonctionnement) des appareils 0 suscep- tibles d'être reliés d'une certaine façon à deux témoins quelconques, et de prendre à la suite de cette opération l'un des trois aspects différents (que l'on pourra noter -<, ==, >-); si la connexion AOB produit l'aspect -<, on écrira

BA -< BB,

et l'expérience montre qu'on aura alors 0. >- BA par la connexion BOA. La suite des états 0 est totalement ordonnée, et elle est finie ou dénombrable, à c o n d i t i o n d e n e p a s d i s t i n g u e r e n t r e e u x d e s é t a t s é q u i v a l e n t s BA = 0B.

Enfin, pour un appareil 0 donné, cette suite peut être saturée, c'est-à-dire qu'on pourra en général interpoler entre BA et 0B au moyen d'un témoin C, tel que

~K 0C, "K. 0.

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mais qu'en continuant ce processus par l'interpolation de C2 entre C1 et B, de C3 entre C2 et B, etc., on arrivera à un Cn tel que tout Cn+l pour lequel OCn+l > OCn satisfait à Oc,, +1 = 6B ou >- 0B.

Nous supposerons dans la suite que nous avons affaire à un ensemble saturé d'états-témoins pour toute qualité étudiée et (ce n'est qu'affaire de technique) que les appareils d'observation correspondants affichent leurs états de façon convenable.

REMARQUE. — Il pourra arriver que, cherchant à définir une qualité nou- velle, on ne trouve pas de suite bien ordonnée de témoins : c'est qu'alors l'étude de cette qualité n'est pas encore prête à la réflexion mathématique; et il ne serait pas impossible qu'elle n'y parvînt jamais, l'intuition de l'obser- vateur l'ayant fourvoyé dans sa conception de la qualité en discussion. On peut penser que tel était le cas de certaines qualités envisagées par les alchi- mistes, la « noblesse » des métaux, par exemple. Ce cas devra donc être écarté de nos considérations.

3. Espace de phase

Si le système étudié n'est défini que par la présence d'une seule qualité, on appellera observation de son état la photographie par étincelle de ce qu'affiche l'appareil, ou toute opération équivalente. Si plusieurs qualités entrent en ligne de compte, l'observation consistera à photographier par une même étincelle, sur une même plaque, ce qu'affichent les différents appareils, ou à effectuer une opération équivalente à celle-ci.

Il est évident que les énoncés précédents sont un peu sommaires, et prêtent à diverses objections, mais que tout physicien qui voudra bien se placer au point de vue adopté pourra les perfectionner lui-même, de manière à les rendre applicables sans contradiction au problème qui l'intéresse. Il reste, croyons-nous, que, sans avoir à faire intervenir la notion de temps, nous pou- vons faire correspondre à toute observation d'un système doué de n qualités un n-uple d'éléments pris dans des suites saturées d'états-témoins indépen- dants du système et qui peuvent être considérés comme des données.

Il est clair que, lorsque ces suites sont dénombrables comme nous l'avons supposé plus haut, on peut appliquer leurs éléments dans N (ou, si l'on préfère, dans Z), de sorte que tout état observable du système sera un point d'un espace numérique. Il pourra se faire aussi que toute saturation de la suite des états-témoins apparaisse comme provisoire, le perfectionnement des moyens d'observations permettant d'intercaler continuellement de nou-

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veaux états intermédiaires : on se permettra alors, par une hypothèse qui ne semble pas présenter de dangers, appliquer les suites dans R, et l'état du système sera alors représenté par un point de R". Quelles que soient les pro- priétés topologiques de l'espace de représentation, il sera bien défini, on l'appellera « espace de phase » du système et ses points seront des « affixes » possibles du système ; toute observation donnera un affixe déter- miné.

4. Le temps

Parmi les systèmes observables, il en est dont les observations répétées ne donnent jamais le même affixe; tel est le cas, par exemple, d'un pendule convenablement entretenu par des apports d'énergie extérieure et dont l'état serait défini par le nombre de fois qu'il aura occulté une fente depuis sa mise en marche. Tout système de ce type peut être nommé garde-temps, et la qualité qui définit son état sera le temps. La suite des temps observables est finie ou dénombrable dans le cas du pendule dont il vient d'être question; des pendules appropriés ou d'autres types de garde-temps permettent d'inter- poler cette suite primitive, et il ne semble pas que le processus d'interpolation soit près de parvenir à saturation, dans l'état actuel de la technique. L'espace des temps pourra donc, lui aussi, être représenté par application dans R (ou dans Z ou dans N, si l'on ne veut pas de postulats non indispensables). Lorsqu'on ne voudra pas particulariser la nature de l'espace des temps, on le notera T. Si une observation du garde-temps donne le résultat t0 E T (« instant présent »), on nommera (t : t -< to) le « passé » et (t : t >- to) l' « avenir » par rapport à l'observation consi- dérée.

REMARQUE. — Malgré ce qui vient d'être dit sur la nature probable de l'espace de phase d'un système dont la connaissance expérimentale paraît suffisante pour justifier l'édification d'une théorie mathématique, il est sans doute bon de se réserver la possibilité de considérer des problèmes plus géné- raux. Toutefois, quelle que soit la nature des observations que l'on peut faire au moyen des témoins sur les qualités du système, il est certain qu'on pourra décider que l'état du système est voisin de l'état du témoin A et ne l'est pas de l'état du témoin B, dès que l'on sait distinguer entre les états de A et de B : l'espace E sera donc, dans tous les cas, un espace topologique séparé. Sauf indication du contraire, c'est ce caractère qu'on lui supposera dans la suite.

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5. Évolution et trajectoire Considérons un système que l'on a appris à observer (et dont on a par

conséquent défini l'espace de phase E) et un garde-temps d'ailleurs arbi- traire, générateur d'un espace des temps T (*) : toute application de T dans E est une évolution du système. Expérimentalement, si l'on photographie par une même étincelle les états affichés des appareils d'observation du système et du garde-temps, on réalise une telle application particulière, qui sera l' évolution observée.

Nommons univers de phase le produit topologique des espaces E et T, point d'univers un élément de cet espace, constitué par le couple d'un affixe P de E et du temps t observé comme il vient d'être dit simultanément avec P: l'ensemble des points d'univers observés sera la ligne d'univers observée du système, et sa projection sur E sera la trajectoire observée. Cette trajectoire débute par un affixe « initial », celui qui représente l'état du système au début de l'observation. Mais celle-ci peut-elle sans ambiguïté débuter à n'importe quel instant et pour n'importe quel état? Cette question très importante sera assez longuement discutée dans la suite. Faisant toutes réserves, dans le cas général, sur l'unicité et sur la signification de l'évolution observée, il suffira pour le moment de préciser que l'état « initial » est obtenu par des moyens extérieurs au système, et sans assujettissement à aucune loi; ainsi, s'agissant de l'étude du refroidissement d'un corps, on le portera à une température donnée par contact avec une source chaude qui sera écartée ensuite, ou même en faisant passer à travers lui un courant électrique (alors qu'en tant que système, ce corps ne sera supposé posséder aucune propriété conductrice d'électricité). L'observation débute lorsque les moyens d'obtenir l'état initial cessent d'agir, et que le système est abandonné à lui-même, étant entendu une fois pour toutes que font partie intégrante du système les forces prescrites qui agissent sur lui au cours de toute l'évolution et qui sont assu- jetties d'avance à des lois propres. Toute intervention ultérieure de l'obser- vateur ou d'un agent extérieur quelconque modifiant brutalement l'état évo- lué, est une perturbation (v. plus loin). Pour connaître un système, il faut étudier son évolution à partir de tous les états initiaux auxquels il est possible de le porter; ceux-ci forment un domaine D <= E, généralement fini, c'est- à-dire tel aue

(*) Il est bien évident que différents garde-temps pourront présenter des suites d'états qui ne seront pas « isochrones » les unes par rapport aux autres. Pourvu que la non- récurrence soit respectée, tous ces temps sont également acceptables.

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La réunion des trajectoires issues de tous les points de D est le « faisceau des trajectoires possibles » du système; on pourra le noter f(D, T). De même, si D' est un sous-ensemble de D, on pourra parler du faisceau /(D', T) des trajectoires issues des points de D'.

6. Espace des causes; systèmes fatals amphidromes Nous adoptons dans ce travail l'hypothèse déterministe : autrement dit,

nous admettons que toute évolution observée est l'effet nécessaire d'un cer- tain nombre (fini ou non) de facteurs, dont la connaissance suffirait à per- mettre de prédire la ligne d'univers du système. Cet ensemble de facteurs peut être nommé la cause de l'évolution et considéré à son tour comme un élément d'un ensemble : celui des causes possibles. Mais la définition du système comme être mathématique (v. n° 1, supra) entraîne la conséquence que chaque cause ne saurait contenir d'autres facteurs que ceux qui défi- nissent en principe le système, et en dehors desquels il n'a pas d'existence : car s'il avait un autre facteur causal, il influencerait le système, et serait donc une « qualité » oubliée de ce dernier. Chaque cause possible M ne saurait donc être qu'un ensemble de points de E et d'instants de T, rien d'autre n'existant pour nous au cours de cette étude. Il en résulte que l'ensemble F des causes possibles est un espace, qu'on peut munir de la topologie induite par E] x Ex . . . x E x T x ... X T. La ligne d'univers et la trajectoire du système seront définies par les applications u et f :

Cette « loi d'évolution » se prêtera d'autant mieux à une étude in abstracto que la constitution de l'espace des causes F sera plus simple.

A cet égard, le cas le plus élémentaire est celui où la cause est entièrement donnée par l'observation du point d'univers initial (P(70)> t0) : alors (1)

Pour être acceptable, la loi f doit admettre î0 pour élément neutre de la corres- pondance, c'est-à-dire qu'on doit avoir (2)

voire même, pour tout état correspondant à une époque de passage, (2')

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Les systèmes qui admettent pour cause leur point d'univers initial et qui obéissent par conséquent aux relations (1), (2), (2'), peuvent être nommés systèmes fatals. Nous distinguerons encore, parmi eux, une sous-classe importante : a priori, les arguments t0 et t qui interviennent dans l'expres- sion (1) de f sont tout à fait indépendants; mais une attention particulière doit être portée à certains des cas où ils ne le seraient pas. En effet, si t et t0 ne sont pas liés, cela signifie que la loi d'évolution ne sera pas la même, pour deux systèmes identiques, lancés à partir d'états identiques, mais à des épo- ques différentes (mesurées par rapport à un repère extérieur au système). Des systèmes soumis à une loi de ce genre (systèmes extravertis) ne pourront qu'exceptionnellement se prêter à une étude expérimentale, puisqu'aucune observation ne pourra être répétée (à moins que le temps absolu n'inter- vienne de façon assez particulière que l'observateur pourra déterminer sépa- rément).

Il est donc intéressant de considérer le cas particulier où l'évolution ne dépend que d'un « temps intérieur » et reste la même lorsqu'on fait subir simultanément la même translation à t et à t0 (les lignes d'univers du système issues de points se projetant en un même affixe sont parallèles); la loi d'évo- lution ne dépend alors, en ce qui concerne le temps, que de la différence t-to :

(3)

ce qu'on pourra souvent écrire/ = f(P, t) en convenant de prendre l'instant où commence l'évolution pour origine des temps.

On pourra alors, pour abréger l'écriture, noter par f(P, I) l'arc de tra- jectoire U f(P, t) et en particulier par f(P, T_), f(P, T+) les demi-tra-

tEl C T

jectoires dans le passé et dans l'avenir, par f(P, T) la trajectoire tout entière.

Parmi ces systèmes introvertis, ou « du cycle fermé )> (en étendant à nos considérations la terminologie de V. Volterra), on peut encore distinguer

ceux qui sont transitifs, c'est-à-dire ceux dont l'affixe peut être considéré comme l'évolué de l 'un quelconque de ses antécédents pris comme point de

départ : si P ' = f (P, t ') et P" = f (P, t"), on pourra considérer P" comme l'évo- lué de P' pour un mouvement débutant à l ' instant t', c'est-à-dire dont le nouveau « temps intérieur » serait t — t — t '. On aura alors

c'est-à-dire que l 'application / devra jouir de la propriété

(4)

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En particulier, si b = — a, on aura /(P\ - a) = f(P, 0) = P;

en d'autres termes, l'évolution pourra être étudiée en remontant le cours du temps aussi bien qu'en le descendant, le passé et le présent jouant le même rôle. Nous nommerons systèmes amphidromes ceux qui vérifient l'impor- tante propriété (3), (4).

7. Systèmes fatals non amphidromes : hérédité

Exception faite du cas amphidrome, l'observation d'un point d'univers isolé ne permet donc aucune déduction, à moins qu'il ne s'agisse précisément du point initial d'un système fatal. Le système amphidrome est le seul pour lequel la cause de l'évolution est un point de l'univers, et où tout point d'uni- vers observé peut être pris pour cause, tant du passé que du présent. Mais s'il s'agit d'un système fatal, il est clair que l'évolution est déterminée par la connaissance, au plus, de tout le passé, puisque ce passé comprend en parti-

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culier le point initial; encore faut-il pour « connaître » le passé, pouvoir repérer les temps de façon absolue, en général. La variation du point d'uni- vers dans le temps, qui est une fonction du point observé dans le présent lorsque le système est amphidrome, est une fonctionnelle de tous les points d'univers passés dans le cas du système fatal général (cette fonctionnelle pouvant d'ailleurs dépendre explicitement de l'instant initial, des instants passés et de l'instant présent). Enfin, dans le cas d'un système fatal apparte- nant au cycle fermé, la fonctionnelle en question ne fait intervenir que les temps comptés à partir de l'instant initial, et ne nécessite aucun repère tempo- rel extérieur ou absolu. Tout système fatal qui n'est pas amphidrome est héréditaire dans le langage d'Émile Picard et de Volterra (et il apparaît immédiatement que, réciproquement, tout système héréditaire est fatal).

Lorsque le système n'est pas fatal, on ne peut rien dire en général sur la nature de son espace des causes. Dans tout ce qui suit, il ne sera question que de systèmes amphidromes ou héréditaires, et encore plutôt de sous- classes simples de tels systèmes.

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CHAPITRE PREMIER

SYSTÈMES AMPHIDROMES DYNAMIQUES

SOMMAIRE. — Ce chapitre donne un aperçu de la théorie, due à Poincaré, à Birkhoff et à leurs continuateurs, des systèmes dont une observation instan- tanée suffit à déterminer toute l'évolution, passée et future, et dont les trajectoires forment une famille régulière remplissant l'espace de phase comme les lignes de courant de l'écoulement d'un fluide incompressible. Dans une première partie, on étudie ces « systèmes dynamiques » de façon abstraite : après avoir tiré de leur définition des conclusions sur les faisceaux de trajectoires (n° 8), on définit les ensembles invariants par rapport à un système, on en déduit le principe du fige- ment partiel, et on introduit la notion fondamentale de stabilité, d'abord au sens de Lagrange (n° 9), puis au sens de Poisson (n° 10). La considération des ensembles limites d'un mouvement permet de préciser les notions de récurrence, d'ensem- ble minimal et quasi minimal (n° 11), de pseudo- et de presque-périodicité, cette dernière liée à la stabilité au sens de Liapounoff (n° 12). La stabilité structurelle est définie au n° 13.

Après cette étude abstraite, qui doit beaucoup au Traité de Nemytskii et Ste- panov [1], on montre dans quelles conditions il est possible de prendre pour prototypes concrets de systèmes dynamiques les champs de vecteurs définis par une équation différentielle : système de Beboutoff (n° 14), théorèmes de Bebou- toff (n° 15) et de Grabar (n° 16).

Cette transposition a des systèmes concrets légitimée, on examine sur des équations différentielles les caractères topologiques des familles de trajectoires dans le plan (n° 17), sur la surface d'un tore (n° 18), dans l'espace à trois dimen- sions (n° 19). Le paragraphe 20 est consacré à l'exposé du critère topologique de Wazewski, qui permet souvent de conclure à l'existence de trajectoires asymptoti- quement stables ; enfin, les systèmes dont toutes les trajectoires sont instables, et dont l'étude fait intervenir la notion d'invariant intégral, font l'objet du n° 21.

8. Définition ; faisceaux de trajectoires Nous avons nommé amphidrome un système dont deux points d'univers

quelconques (P, t), (P', t') sont liés par une relation fonctionnelle du type (3') où/est une fonction transitive, en ce sens que (4')

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Nous allons, dans ce chapitre, étudier une sous-classe importante de sys- tèmes amphidromes, pour laquelle f est soumise à deux conditions supplé- mentaires : l'univocité, en ce sens que (5) et la continuité, en ce sens que (6)

Les systèmes jouissant des quatre propriétés ci-dessus seront dits dyna- miques.

De la définition qui précède, on peut déduire quelques conséquences importantes relatives au faisceau des trajectoires possibles d'un système dynamique.

a) Tout point P peut être considéré, en vertu de (3'), comme l'évolué à l'époque — t d'un P', image de (P, t) par l'application/. Donc

(7) Il passe une trajectoire par tout point P de E, ou encore, le faisceau des trajectoires possibles du système remplit tout l'espace (ou encore, f est une application de E X T sur E).

b) Considérons deux trajectoires passant par le point P : les évolués de P pour l'époque t sur chacune de ces trajectoires sont confondus en vertu de (5) ; les deux trajectoires le sont donc aussi pourvu que les évolués soient distincts de P. Donc :

(8) Par tout point qui, pour une époque finie, ne se confond pas avec son évolué, il passe une trajectoire unique.

On appellera régulier tout point qui remplit la condition ci-dessus. Parmi les points réguliers, on peut en distinguer de deux sortes : ceux qui ne se confondent avec aucun de leurs évolués, et dont on pourra dire qu'ils sont situés sur une trajectoire ouverte, et ceux qui se confondent avec cer- tains de leurs évolués. Supposons par exemple que l'on ait la propriété (9) alors

Page 20: Théorie des systèmes évolutifs

IMPRIME EN FRANCE IMPRIMERIE BARNÉOUD S. A., LAVAL N° 5068. — 6-1965

2e TRIMESTRE 1965 N° DE DÉPÔT LÉGAL : 1346. 6493 N° de code : 530-71

Page 21: Théorie des systèmes évolutifs

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Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

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La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.