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UNIVERSITE PARIS IV – SORBONNE
ECOLE DOCTORALE VI – Histoire de l’Art et Archéologie ED 0124
Centre André Chastel UMR 8150
(N° d’enregistrement attribué par la bibliothèque)
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS IV
Discipline : Histoire de l’Art et Archéologie
Présentée et soutenue publiquement par
Mlle Rikke JACOBSEN
Le décembre 2008
Titre :
Le Mobilier en Bois après la Seconde Guerre Mondiale
Etude de cas
Vol.1
Directeur de Thèse : Professeur Bruno FOUCART
* * *
JURY
M. Bruno FOUCART (Paris IV)
Mme Arlette DESPOND-BARRE (Paris IV)
M. François PLASSAT
M.
M.
2
UNIVERSITE PARIS IV – SORBONNE
ECOLE DOCTORALE VI – Histoire de l’Art et Archéologie ED 0124
Centre André Chastel UMR 8150
(N° d’enregistrement attribué par la bibliothèque)
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS IV
Discipline : Histoire de l’Art et Archéologie
Présentée et soutenue publiquement par
Mlle Rikke JACOBSEN
Le décembre 2008
Titre :
Le Mobilier en Bois après la Seconde Guerre Mondiale
Etude de cas
Directeur de Thèse : Professeur Bruno FOUCART
* * *
JURY
M. Bruno FOUCART (Paris IV)
Mme Arlette DESPOND-BARRE (Paris IV)
M. François PLASSAT
M.
M.
3
Remerciement
Mes sincères remerciements vont à :
M. Bruno Foucart et Mme Arlette Despond-Barré
François Plassat (CTBA)
Noémie Nédélec
Nicolas Arvieux
Patricia Asbaek
Laurence Bartoletti (Ucad)
Erwin Beckers (SHR)
Pete Beele (Fira)
Margaret Bisset (TMF/Svensk Möbelindustri)
Christian Burchard (University of Applied Sciences, Munich)
Sören Christensen
Hanne Delfs-Jensen (Danish Funiture)
Richard Faney (Mission économique, Ambassade de France en Allemagne)
Jorma Froblom (VTT building and Transport, Finland)
Marete Degenkolw-Basset (Galerie Dansk)
Patrick Favardin
FRAC
Mirjam Gelfer-Jörgensen
Andreas Granqvist (Formes Scandinaves)
Gorm Harkjaer
Nicolas Hug (Galerie Scandinave)
Keld Korsager (Danish Furniture)
Michael Björn Nellemann (L’Ambassade du Danemark)
Pierre Perrigault (Meubles et Fonction)
Sandra Pini (Mission économique (Ambassade de France au Royaume-Uni)
Vanda Ferreira dos Santos (FAO, Italie)
Alain Streiff (CTBA)
Tout le personnel de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs de Paris et de la
bibliothèque Fornay
Annie-France Berthod-Carvallo
4
De langue maternelle danoise, j’ai rédigé ce mémoire en français.
Je demande votre indulgence pour les maladresses qui pourraient subsister.
5
SOMMAIRE
REMERCIEMENT 3
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
CHAPITRE 1 14
LE BOIS, SES DERIVES, SES TECHNIQUES, SA PERCEPTION :
DE LA FORET A LA PLANCHE 14
LA FORET EN EUROPE (ZONES GEOGRAPHIQUES/ZONES ECOLOGIQUES) 15
DEFINITION DES ZONES GEOGRAPHIQUES ET ECOLOGIQUES 15
LES ESPECES : LE BOIS, SA COMPOSITION, SON ASPECT, SA PROVENANCE 37
LA COMPOSITION DU BOIS 37
LA CLASSIFICATION DES ESSENCES 41
LES ESSENCES DE BOIS 47
LES ESSENCES ET LEURS CARACTERISTIQUES 47
L’INDUSTRIE DU BOIS : L’EVOLUTION DE MACHINES ET DES TECHNIQUES, AINSI QUE LES
DERIVES DU BOIS 69
INTRODUCTION 69
LES INDUSTRIES DE LA PREMIERE TRANSFORMATION 71
LES INDUSTRIES DITES LOURDES DU BOIS 73
LES INDUSTRIES DE LA DEUXIEME TRANSFORMATION 93
CHAPITRE 2 99
LA SYMBOLIQUE DU BOIS 99
LA MEMOIRE COLLECTIVE 100
L’ANALYSE SENSORIELLE 111
CHAPITRE 3 124
L’EUROPE DU NORD 124
LA FINLANDE 129
LA SUEDE 138
LE DANEMARK 148
CHAPITRE 4 216
L’EUROPE CENTRALE DE L’OUEST 216
LA GRANDE-BRETAGNE 217
L’ALLEMAGNE 232
LA FRANCE 244
CHAPITRE 5 303
L’EUROPE DU SUD 303
L’ITALIE 304
L’ESPAGNE ET LE PORTUGAL 319
CONCLUSION 320
TABLE DES MATIERES 328
GLOSSAIRE 333
BIBLIOGRAPHIE 337
INDEX 335
6
INTRODUCTION
Aperçu historique
En consultant le terme « Bois » dans le Dictionnaire International des Arts Appliqués
et du Design1, nous pouvons lire :
Matériau connu de longue date, le bois reste aujourd’hui l’un des principaux matériaux de construction et
d’ouvrage. Ses utilisations ont été multipliées par l’apparition des produits dits « dérivés du bois » qui
complètent ou remplacent le bois massif réservé aujourd’hui aux applications nobles ou structurelles. Obtenus
économiquement par pressage de particules ou de feuilles de bois, les dérivés du bois sont livrés en demi-
produits, panneaux et plans directement utilisables et présentant une grande stabilité dimensionnelle. Les bois
massifs ou dérivés présentent une grande diversité de nuances qui se travaillent en général aisément, s’usinent,
s’assemblent et se cintrent pour certaines d’entre elles. L’atout principal des bois réside dans sa faible densité.
Leurs limites d’utilisation correspondent à leur faible résistance naturelle au feu et à l’humidité. Matériau
vivant, le bois a été l’une des matières de prédilection des designers, qui ont aussi progressivement appris à
utiliser les dérivés du bois et s’adaptent aujourd’hui à de nouvelles combinaisons bois/matériaux synthétiques.
Le bois, matériau de premier ordre, omniprésent, nous suit dans notre quotidien, à travers la
nature, l’architecture, l’ameublement, l’histoire, mais également la littérature, la poésie, la
musique, la peinture et la sculpture.
Le bois (…) de la naissance à la mort, accompagne les actes quotidiens de la vie humaine2.
Le bois n’est pas un matériau comme les autres. Il n’est pas rare que les qualificatifs employés
pour le qualifier soient subjectifs. On trouve ainsi les termes chaleureux, humain, beau,
vivant, etc. qui lui sont associés alors que d’autres matériaux comme le verre, le métal ou le
plastique sont souvent dits : froids, inhumains etc.
Le bois est également souvent évocateur de souvenirs familiers, il nous ramène à notre
enfance et à ses balades en forêt, ses cabanes au fond du jardin, à l’arbre dans le jardin chez
nos grands-parents.
Choix du sujet
Le choix du sujet a été motivé par nos recherches antérieures3 et par son aspect novateur.
Le mobilier, et donc le matériau bois, fait partie de notre quotidien depuis des siècles, et nous
accordons aujourd’hui une place grandissante à l’aménagement de nos intérieurs.
Nos recherches antérieures nous avaient permis de constater à quel point le mobilier en bois
est présent dans la tradition mobilière européenne. La thématique mobilier plastique et
métallique ayant été largement exploitée dans la littérature traitant du design du 20ème siècle,
nous nous sommes interrogés de la même façon sur la place occupée par le bois au lendemain
de la Seconde Guerre Mondiale, période marquée par l’avènement de nouveaux matériaux au
sein des foyers européens.
1Despond-Barré, Arlette (dir), Dictionnaire International des Arts Appliqués et du design, Paris, Editions du
Regard, 1996, p.82 2« Le bois et l’Homme », in Revue du bois et de ses applications, n° 5, mai 1977, p.55, s.a. 3Maîtrise sur le thème « Kaare Klint, designer danois », et DEA sur le thèse de « L’influence Scandinave dans le
mobilier française », Université Sorbonne Paris IV, sous la direction de Bruno Foucart et d’Arlette Despond-
Barré.
7
La forte présence du matériau bois dans l’ameublement est indéniable, tout particulièrement
en ce qui concerne le mobilier. Jacqueline Viaux le souligne bien dans son ouvrage paru en
19974 , consacré à l’historique des bois d’ébénisterie dans le mobilier français :
Le matériau le plus important dans le meuble est le bois.
Elle évoque également un certain infléchissement dans l’usage du bois dans l’ameublement,
infléchissement qui se situerait selon elle autour de 1950-1960 :
Après 1950, contreplaqué, métaux divers, rotin, verre, toutes sortes de matières plastiques évincent peu à peu les
bois indigènes ou exotiques5.
C’est cependant la « pérennité » du bois, pour reprendre l’expression de François Plassat du
Centre Technique du Bois et de l’ameublement6, qui nous intéresse tout particulièrement.
Cette omniprésence du bois et ses implications dans la création mobilière constituent donc
notre sujet d’étude, ainsi que les questions que posent les nombreuses illustrations du mobilier
en plastique ou métal dont sont largement pourvus les ouvrages traitant du mobilier pour la
période 1945-1980.
Problématique : Approche technologique : une autre façon d’aborder le mobilier.
L’importance du mobilier en bois concernant les créations d’avant 1900-1910 est reconnue.
Mais l’émergence du mouvement moderne remettra en cause l’utilisation exclusive du bois en
tant que matériau, c’est du moins ce qu’affirment nombre d’ouvrages analysant cette période.
Le catalogue de l’exposition au Victoria & Albert Museum à Londres « Modernism :
Designing a New World 1914-1939 »7 semble enfin remettre à sa juste place le mobilier en
bois dans le mouvement du modernisme, notamment avec les créations organiques du suédois
Alvar Aalto.
Mais qu’en est-il à partir du milieu du 20ème siècle et jusqu’à nos jours? Le temps de
l’hégémonie du bois dans l’ameublement serait-il révolu ?
Plusieurs constatations semblent pourtant évoquer le contraire :
Nos différentes visites au Salon « Habitat » tenu dans le Jardin des Tuileries8 et au Salon du
Meuble de Paris entre 2004 et 2008, nous ont prouvé que le matériau bois joue encore un
grand rôle dans la création de mobilier en France, mais également en Europe et dans le reste
du monde.
4Jacqueline Viaux-Locquin, Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, Paris, Léonce Laget, 1997, p.XIII. 5Ibid, p.96 6François Plassat, Réflexions sur le bois dans l’aménagement intérieur en particulier dans l’ameublement :
problématique d’une pérennité souhaitée. Texte qui nous a été remis en mains propres lors de notre entretien
avec M. Plassat, chargé de mission au pôle ameublement au Centre Technique du Bois et de l’Ameublement, le
30 janvier 2004. Publié en octobre 2002 « La pérennité du bois » in Revue mensuelle de la société amicale des
anciens élèves de l’Ecole Polytechnique », n° 578, octobre 2002. 7Wilk, Christopher (éd.), Modernism: Designing a New World 1914-1939, V&A Publications, Londres, 2006. 8Salon Habiter Paris du 18 au 22 octobre 2003
8
En outre, l’exposition qui s’est tenue il y 4 ans à l’Hôtel de Ville de Paris « Du cœur à
l’ouvrage »9, organisée par les Compagnons du Devoir, Association ouvrière des
Compagnons du Devoir du Tour de France, dans le but de revaloriser le travail du bois, de
l’ébénisterie et de la menuiserie, nous démontre, s’il en était besoin, l’importance que nous
accordons encore aujourd’hui à ce matériau de vieille tradition.
En consultant les différentes entreprises présentes lors du Salon international de Cologne10,
nous avons pu noter que la grande majorité des exposants était orientée vers une production
de mobilier en bois et ceci pour l’ensemble des pays présents. Gardons à l’esprit que le Salon
annuel de Cologne est le salon le plus important en matière d’ameublement. Il est, cependant,
plutôt représentatif du marché du meuble en général, et non de la catégorie particulière que
constitue le mobilier contemporain du 21ème siècle, tel qu’on le trouve dans des magazines
d’intérieur et de design, comme Intramuros, Idd, Form ou encore bien d’autres, ainsi qu’aux
Salons du Meuble de Milan ou de Copenhague. Et à la lecture de magazines couvrant la
période 2004-2007, on se rend rapidement compte que ce n’est pas le mobilier en bois qui
semble occuper la plus grande place, mais plutôt les créations issues de matériaux divers.
Nous nous trouvons alors au cœur de notre problématique, à savoir : où se trouve la véritable
place du bois dans la création mobilière d’après guerre, et quelles peuvent en être les raisons :
Les bois subissent la loi de la mode. Au début certaines essences ont du mal à s’imposer. En général cela
correspond à une période faste au niveau des approvisionnements, puis la mode se développe, la demande
augmente pour ces essences, les approvisionnements deviennent plus difficiles à effectuer, les coûts augmentent
l’entreprise doit rechercher une essence de substitution dans le même créneau de prix. Ainsi quand la situation
est bonne en amont, elle l’est moins en aval et au fur et à mesure que la situation s’améliore en aval, la difficulté
se reporte en amont, du fait que tout la demande se reporte sur une essence11.
Cette citation de Pierre Parisot, Chef du département ameublement au Centre Technique du
bois (CTBA12) illustre assez bien toute la difficulté de notre sujet. En effet, le mobilier en bois
est, comme tout objet de consommation, soumis à des effets de mode. Mode qui pourrait
expliquer en grande partie certains moments forts de l’utilisation de ce matériau dans
l’ameublement.
Objectifs et méthode (le choix du sujet et de la période).
Le choix de l’étendue de notre étude, à la fois concernant la chronologie et la zone
géographique, voire écologique, a été difficile. L’envie d’étendre notre étude jusqu’à
aujourd’hui et d’analyser la création dans le monde entier était forte mais impossible. En se
voulant exhaustive une telle étude ne se serait révélée que trop superficielle.
Ainsi, le choix s’est finalement porté sur la période de l’après-guerre jusqu’aux années 1980,
afin d’avoir le recul nécessaire à cette analyse. Depuis les années 80 la mondialisation des
styles rend extrêmement difficile la détermination d’un style propre et représentatif de chaque
pays. La tendance actuelle des grands designers étant de travailler pour plusieurs entreprises à
9Du cœur à l’ouvrage, exposition des Compagnons menuisiers ébénistes du Devoir à l’Hôtel de Ville de Paris en
janvier 2004, puis itinérante dans les grandes villes françaises et à Bruxelles. 10Salon du Meuble de Cologne du 19 au 25 janvier 2004 (www.imm.com) 11Dutertre, P. (propos recueillis par), « Dossier : Techniques nouvelles de l’ameublement, interview avec M.
Pierre Parisot, chef du département ameublement CTBA », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril
1982, p.24-25. 12CTBA (Centre Technique du bois et de l’Ameublement)
9
la fois, des entreprises souvent situées dans des pays différents, rend également délicate toute
catégorisation.
Si notre souhait a été dans un premier temps de travailler sur la création mondiale nous nous
sommes rapidement rendu compte de la complexité de cette tâche. Par conséquent, le choix a
consisté à privilégier l’établissement de zones géographiques basées sur des zones
écologiques comprenant l’Europe du Nord, l’Europe Centrale et l’Europe du Sud. L’accent a
été mis sur la différence d’interprétation entre la France et la Scandinavie, en particulier le
Danemark, deux pays qui, chacun à leur manière, sont particulièrement représentatifs d’une
vision du mobilier en bois. D’un côté, le Danemark, baigné dans une vieille tradition
d’ébénisterie et de création mobilière en bois, et qu’il a su transformer avec succès en design
d’avant-garde dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de l’autre, la France, également
détentrice d’une longue tradition dans le domaine de l’ébénisterie et du mobilier en bois, mais
qui se différencie en montrant plus d’ouverture à l’usage d’autres matériaux. De même, il
nous a semblé intéressant de comparer ces deux pays dont les échelles sont bien différentes :
le Danemark, petit pays et faible producteur de bois, face à la France, grand pays et l’un des
premiers producteurs de bois européens. Concernant l’Europe du Nord, nous avons également
retenu la Suède et la Finlande dans notre étude ; à la fois grands producteurs de bois et de
mobilier en bois. Pour l’Europe Centrale, nous nous intéresserons à l’Allemagne, grand
producteur de mobilier ainsi que la Grande-Bretagne, outsider du marché du mobilier. Enfin,
pour ce qui est de l’Europe du Sud, nous nous attacherons plus particulièrement à l’Italie,
leader européen incontesté du design, bien qu’ayant très peu de ressources de bois qui lui
soient propres. Ces sept pays ont donc été retenus principalement pour leur rôle joué dans le
monde du design et de l’ameublement au cours de la période étudiée, mais également parce
qu’ils présentent des caractéristiques bien différentes les uns des autres. Notre étude
s’appuiera toutefois, de temps à autre, sur des exemples issus d’autres pays que ceux
précédemment cités.
L’exemple de la France a été largement étudié et mis en avant, afin d’occuper une place
privilégiée dans notre étude, et ceci parce que son exemple est particulièrement intéressante.
Grand producteur de bois ; grande nation d’ébénisterie présentant une complexité intéressante
dans le débat entre une tradition ancienne de l’ébénisterie et une vision nouvelle du design,
qui est encore fortement d’actualité aujourd’hui.
De part sa grande diversité de types de forêt, la France reste également un exemple très
intéressant. De même, la France demeure le plus important producteur européen de bois non
conifère et appartient au cercle de pays grands producteurs de bois.
Il nous a semblé intéressant d’étudier si cette grande diversité de forêt et de production de
bois en France, d’une façon ou d’une autre a pu créer une plus grande diversité au niveau de
la création mobilière.
Jusqu’à aujourd’hui aucun travail universitaire n’a, à notre connaissance, traité du design et
d’un matériau.
Nos recherches antérieures, principalement sur le design et le mobilier scandinave, ainsi que
l’importance de ce même design en France pendant les années 40 et 50, nous permettent
aujourd’hui d’émettre l’hypothèse que le bois reste le matériau de prédilection des créateurs.
Encore aujourd’hui, seul l’ouvrage de référence de Mme Jacqueline Viaux-Locquin Les bois
d’ébénisterie dans le mobilier français, datant de 1997 traite de ce sujet13.
13Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit.
10
Le choix de déterminer des zones écologiques a pour but de faciliter la compréhension et la
comparaison des diverses traditions du mobilier en bois dans ces différents pays et zones.
Pouvons-nous parler de certaines similarités/différenciations dans l’importance du mobilier en
bois ou existe-t-il une vision européenne uniforme ? La possession de grandes ressources
forestières engendre-t-elle toujours une grande production mobilière en bois ? Et par voie de
conséquence, les petits pays ou ceux à faibles ressources forestières, tels que le Danemark, la
Grande-Bretagne ou l’Italie, sont-ils des petits producteurs de mobilier en bois ? Voilà les
questions qui alimenteront notre étude.
Limites de l’étude, questions chronologiques; justification du corpus
Nous aurions pu nous contenter de travailler uniquement sur le mobilier en bois en France, ce
qui aurait grandement facilité notre travail de recherche. Mais il nous semblait réducteur de
procéder ainsi, l’intérêt de l’étude aurait été considérablement amoindri si l’évolution du
mobilier en bois en France avait été sortie de son contexte européen. Il va pourtant de soi que
la France, occupera une place importante dans notre travail et que c’est à partir de ce pays que
notre étude a débuté. Cependant, il nous faudra garder à l’esprit que, jusqu’après la seconde
Guerre Mondiale, la création mobilière française n’a pas toujours fait l’admiration de tous,
elle était, au contraire, souvent décriée pour son apparent manque d’originalité en
comparaison de pays plus novateurs tels que les pays scandinaves, la Grande-Bretagne,
l’Italie ou les Etats-Unis. Il suffit pour cela de consulter le magazine italien Domus et
notamment les articles consacrés au fameux Salon de Milan pour entrevoir le peu
d’illustrations réservées aux créations françaises. De même, en consultant les ouvrages dédiés
au design et publiés dans d’autres pays européens, on constate que si l’intérêt pour la création
en France était grand autour des années 1900 et l’Art Nouveau ainsi que dans les années
1925-1930 avec le formidable essor de l’Art Déco, peu de pages sont néanmoins consacrées à
la France après la Seconde Guerre Mondiale. Ce fait explique notre décision d’étendre l’objet
de notre étude à l’ensemble de l’Europe, ce qui a permis d’acquérir plus de données et donc
de pertinence dans notre analyse.
Nous ne prétendons nullement vouloir atteindre une parfaite exhaustivité du champ
géographique étudié, mais notre intention est clairement d’offrir une lecture différente de la
création mobilière de la période étudiée. De plus, notre étude s’attachera, non seulement à la
création mobilière d’avant-garde, mais également à un aspect plus « populaire », accessible,
de cette même création.
La littérature existante : Etat de la recherche
Les ouvrages abordant la thématique du mobilier ne manquent pas, de même que ceux
attachés à l’étude des matériaux. Nous n’avons cependant pas trouvé un seul recueil consacré
au mobilier en bois en tant que tel pour la période de temps qui nous intéresse, ce qui légitime
sans nul doute le choix de notre sujet.
Dans les ouvrages généraux sur le mobilier et le design en France, peu d’auteurs se
préoccupent véritablement de matériaux autres que les plastiques, dont l’envolée, à partir de la
fin des années 50, est indéniable. Seul l’ouvrage « Design, techniques et matériaux » sous la
direction de Raymond Guidot datant de 2006 consacrait quelques pages au design en bois14.
14Guidot, Raymond (dir), Design, techniques et matériaux, Paris, Flammarion, 2006
11
Nous avons également trouvé un exemple probant en Angleterre où l’éminent professeur et
spécialiste du design, Penny Sparke n’accorde que quelques pages aux matériaux, notamment
au bois (bois courbé et contreplaqué)15.
De façon générale, il nous faut chercher les informations concernant le mobilier en bois dans
des ouvrages spécialisés entièrement dédiés au matériau. Malheureusement, ces ouvrages ne
traitent que parcimonieusement du mobilier, et plus rarement encore, du mobilier du 20ème
siècle. C’est donc là que réside toute la difficulté de notre approche. Il nous a fallu consulter
des magazines de décoration et de design, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale
jusqu’à aujourd’hui : des magazines français, en raison de leur facilité d’accès, mais
également des revues étrangères comme Design, House and Garden (Grande Bretagne), Form
(Allemagne), Kunsthaandvaerk (Danemark), Domus (Italie), etc.
Ont surtout été privilégiés des magazines publiés depuis la Seconde Guerre mondiale, ce qui
nous a permis de suivre l’évolution du mobilier en bois ainsi que sa présence plus ou moins
marquée dans ces différents magazines.
Nous pouvons également regretter le fait que, parmi les auteurs d’articles et d’ouvrages sur le
design, très peu s’intéressent aussi à la question des matériaux. Cela se traduit entre autres par
l’omission de la nature du bois employé dans la rédaction des légendes accompagnant les
illustrations ce qui rend leur lecture très ardue, a fortiori lorsque celles-ci sont en noir et blanc.
Il devient très difficile de distinguer un meuble en chêne d’un autre en frêne dans une même
tonalité de gris. Depuis l’introduction de la couleur, les suppositions quant à la nature des bois
employés s’en sont trouvées facilitées bien que toujours hypothétiques. Aujourd’hui encore
peu d’auteurs d’articles s’attachent à mentionner clairement la nature des bois utilisés.
Les meilleures sources (photos de réalisations innovantes) se trouvent, sans aucun doute, dans
les magazines spécialisés, comme La Revue du bois et ses applications même si le mobilier ne
constitue pas leur sujet de prédilection, plus orienté « techniques du bois ».
Ainsi une lecture assidue de la quasi totalité des ouvrages généraux consacrés au design a été
nécessaire afin de tenter de trouver des indications. Nous n’en avons malheureusement trouvé
que très peu par ce biais, ce sont les documents photographiques qui nous ont été les plus
précieux.
Les sources (les outils de recherche retenus)
Notre étude s’appuie sur l’étude de documents (monographies et magazines), mais également
sur la consultation d’un nombre de sources informatiques et tout particulièrement les sources
mise en ligne par la FAO. Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture ;
le département des forêts de la FAO s’est spécialisé dans la répartition des ressources
forestières a l’échelle mondiale, et publie régulièrement le résultat de ses recherches. Par le
biais de FAOSTAT, la base de données statistiques de la FAO, nous disposons d’un
instrument multilingue en ligne qui contient, à l’heure actuelle, plus d’un million de données
sur des séries chronologiques provenant de plus de 210 pays et territoires et qui fournit des
statistiques en matière d’agriculture, nutrition, pêche, foresterie, aide alimentaire, utilisation
des terres et population. « FAOSTAT – Forêts » fournit également des estimations annuelles
sur la production et le commerce pour de nombreux produits forestiers, en particulier les
produits dérivés du bois comme le bois d’œuvre, les panneaux dérivés du bois, la pâte et le
15Sparke, Penny, 100 ans de design, Paris, Octupus France/Hachette-Livre, 2002. Traduit de la version originale,
A Century of Design, sl, Reed Consumer Books Limited, 1998.
12
papier. Pour de nombreux produits forestiers, des données historiques sont disponibles à partir
de 1961. Ces estimations sont fournies par les pays moyennant une enquête annuelle menée
par la FAO en collaboration avec l’Organisation internationale des bois tropicaux, la
Commission économique des Nations Unies pour l’Europe et EUROSTAT (le Conseil des
statistiques européennes). Pour les pays n’ayant pas communiqué leurs informations à l’aide
du questionnaire, la FAO estime la production annuelle sur la base des revues commerciales,
des annuaires statistiques et d’autres sources. Lorsque les données ne sont pas disponibles, la
FAO répète les chiffres précédents jusqu’à ce que de nouvelles informations lui parviennent.
Sont également disponibles les différents chiffres du commerce international du bois
(production, import, export)16. Source de premier ordre, les informations de la FAO ont
permis d’établir les différentes zones écologiques et leurs caractéristiques, ainsi que les
ressources forestières des différentes zones et pays faisant partie de notre étude. Par le biais de
FAO nous avons également pu obtenir les principales tendances du commerce du bois
concernant les différents pays européens depuis 1961.
Les principaux axes de l’étude, direction de l ‘étude
Ce que nous proposons ici est une lecture nouvelle de la création mobilière pour la période de
l’après Seconde Guerre Mondiale jusqu’à la fin des années 70, basée sur l’étude d’un
matériau unique, le bois, et non sur la seule chronologie des réalisations ou sur le travail d’un
créateur isolé comme cela a souvent été le cas. Cette lecture est unique. Pour plus de lisibilité,
nous avons privilégié une présentation principalement thématique et chronologique. De plus,
afin de mieux pénétrer le secteur du mobilier en bois, une étude approfondie du matériau et
des différentes essences existantes s’avère tout aussi indispensable que celle des divers
aspects techniques et de ses usages.
Notre propos consiste également à essayer de comprendre l’évolution des phénomènes de
« mode » touchant le domaine du mobilier. Pourquoi, le mobilier en bois foncé est-il préféré à
celui en bois clair à certaines périodes (et vice versa) ? Pourquoi préférer le chêne au pin ?
Pourquoi le bois massif est-il le plus souvent remplacé par des panneaux de particules
(replaqué) ou de fibres (replaqué ou teinté)? Parfois le bois naturel ou ciré l’emporte sur le
bois peint et inversement, quelles en sont les raisons ? De même, pourquoi certains pays, tels
que les pays scandinaves, préfèrent-ils en général les essences claires aux bois foncés, comme
c’est le cas en France, certaines années ?
Afin d’aborder au plus près le matériau qu’est le bois, la première partie de notre étude sera
consacrée à la répartition des forêts en Europe et donc à la détermination de zones
géographiques et écologiques sur le continent ; ceci afin d’établir les caractéristiques de
chacune et de pouvoir comparer ensuite la relation ressource forestière/production de mobilier
en bois. Seront ensuite étudiées les différentes espèces : leur classification, aspect,
composition et provenance sont ainsi passés en revue. Nous nous intéresserons ensuite aux
essences les plus caractéristiques et les plus fréquemment employées dans le mobilier :
caractéristiques et usages. Le chapitre sur les essences est largement inspiré du livre de
Jacqueline Viaux-Locquin qui a effectué un remarquable travail de recherche et retrace
l’historique des différents bois utilisés en ébénisterie en France. Nous avons tenté de
compléter ces informations par des données plus récentes notamment concernant la
disponibilité et le prix des différentes essences de bois, deux paramètres qui s’avèrent
essentiels, lors du choix par le designer ou le fabricant de l’essence employée. Nous
16Source : www.fao.org
13
étudierons également l’évolution des caractéristiques des bois ainsi que celle des machines et
nous tenterons de déterminer en quoi celle-ci a pu influer sur l’évolution du mobilier en bois.
Nous intégrerons également à notre étude, les placages, colles, lamellé-collés, contre-plaqués,
panneaux, et tous matériaux de transformation récents, dans le souci de comparer les
avantages et inconvénients de ces nouveaux matériaux dérivés du bois par rapport à ceux du
bois massif.
Nous étudierons ensuite, par zones, le mobilier en bois dans chacun des pays retenus pour
notre étude, soit la Finlande, la Suède et le Danemark en ce qui concerne l’Europe du Nord,
puis la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France pour l’Europe de l’Ouest, en terminant par
l’Europe du Sud, représentée par l’Italie. Ceci dans le but de retenir les caractéristiques
propres à chaque pays et chaque zone. Afin de faciliter la lecture, chaque sous-partie traitera
de quelques faits marquants, historiques, politiques et sociaux pour chaque pays, ainsi que de
l’importance de l’industrie du bois dans son économie. Nous retiendrons également les
particularités des fabricants de mobilier de chaque pays, tout en les rattachant à l’historique et
à la tradition du mobilier en bois dans chacun, afin de déterminer quelle place celle-ci y
occupe. Nous ferons pour cela appel à un échantillon représentatif de créateurs et de sociétés
dans chaque pays étudié.
De plus, une partie de cette étude prendra en compte les aspects historiques et sociologiques,
car ces éléments sont indispensables à la compréhension du matériau bois et à son évolution,
et sont également indissociables pour des effets de « mode » ou de changement dans
l’utilisation du bois pour le mobilier.
Nous nous efforcerons de donner une vision la plus complète possible de la création mobilière
de chaque pays étudié, afin de démontrer à quel point le mobilier en bois est omniprésent dans
la création moderne et contemporaine au cours de la période 1945-1980 bien que les
nouveaux matériaux, comme le plastique et les matériaux de synthèse, aient connu leur plein
essor à cette même période.
Si nous avons choisi de séparer la partie « technique » de la partie consacrée au mobilier, à
proprement dire, c’est dans le but de faciliter la compréhension du lecteur quant à
l’importance du bois en tant que matériau. En effet, le design d’un objet ou d’un meuble ne
peut aucunement être compris en prenant seul en compte la forme ou la fonction de l’objet. Le
matériau fait partie intégrante du processus de création et de la réflexion du créateur.
L’intermède entre les deux parties, sur la symbolique et la sensorialité du matériau bois aura
pour but de nous sensibiliser à l’omniprésence du bois dans notre univers et son effet sur notre
sensibilité.
14
Chapître 1
* * *
LE BOIS, SES DERIVES, SES TECHNIQUES, SA PERCEPTION : DE
LA FORET A LA PLANCHE
15
La forêt en Europe (zones géographiques/zones écologiques)
DEFINITION DES ZONES GEOGRAPHIQUES ET ECOLOGIQUES
Suivant les données publiées dans le rapport de la FAO sur « l’Etat des forêts dans le monde en 1997 »,
la masse forestière mondiale a tendance à régresser (cf.vol.2, annexe 1, fig.5 et 6) : entre 1980 et 1995, la
superficie totale des forêts a diminué d’environ 180 millions d’hectares. Alors que dans les pays développés, on
enregistre une augmentation nette de la couverture forestière de l’ordre de 20 millions d’hectares, dans les pays
en voie de développement, on relève une diminution nette de 200 millions d’hectares (cf.vol.2, annexe 1, fig.6).
(…)
On peut attribuer ces variations de la couverture forestière, notamment en ce qui concerne les forêts tropicales,
aux facteurs suivants : expansion de l’agriculture de subsistance en Afrique et en Asie, et programme de
développement économique de grande envergure menés en Amérique latine et en Asie, ayant impliqué une
redistribution de la population et affecté en conséquence l’agriculture et l’infrastructure. L’augmentation nette
de la couverture forestière dans les pays développés est due en grande partie aux phénomènes de reboisement ou
repeuplement forestier, incluant une régénération naturelle dans les régions où l’activité agricole a été réduite
ou abandonnée. Dans certaines zones forestières de divers pays développés, cette expansion a avantageusement
compensé l’abattage des arbres17.
Ces chiffres édifiants (et politiquement corrects) de la FAO occultent cependant, sous le terme
générique de « expansion de l’agriculture de subsistance », l’utilisation majoritaire (90%) et
nécessaire du bois tropical comme matériau de construction local et combustible premier local
seul disponible, comme ce fut le cas au cours des siècles passés dans tous les pays dits
aujourd’hui « développés », dont la France de Colbert, avec son charbon de bois de chablis
indispensable à l’industrie naissante et ses chênes bi-centenaires non moins indispensables à
la marine, marchande ou de guerre.
Les questions liées à l’écologie sont de plus en plus présentes lors du choix des essences
employées et contribuent parfois à réduire voire totalement interdire l’emploi d’une essence.
L’acajou de Cuba en est un bon exemple puisqu’il a, depuis plusieurs années, pratiquement
disparu du commerce du bois, ceci en raison de son exploitation non maîtrisée, ce qui l’a fait
inscrire en Annexe I de la CITES18 en tant que végétal en voie de disparition (seul est licite
leur commerce provenant de stocks antérieurs à la date de l’interdiction et dûment prouvés
comme tels).
17Vigué, Jordi, Le Grand Livre du bois : le matériau, les outils, la menuiserie, l’ébéniste, Paris, Ed. Place des
Victoires, 2002 (pour l’édition française), Barcelone, Gorg Blanc, 2001 (pour la version espagnole), p. 14. 18La convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction
connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention du Washington, est un accord international entre
Etats. Elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes
sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent. La CITES contrôle et réglemente le
commerce international des spécimens des espèces inscrites à ses annexes. Toute importation, exportation,
réexportation (exportation d’un spécimen importé) ou introduction en provenance de la mer de spécimens des
espèces couvertes par la convention doit être autorisée dans le cadre d’un système de permis. Chaque partie à la
convention doit désigner au moins un organe de gestion chargé d’administrer le système de permis et au moins
une autorité scientifique qui lui donne son avis sur les effets du commerce sur les espèces. Les espèces couvertes
par la CITES sont inscrites à l’une des trois annexes de la convention selon le degré de protection dont elles ont
besoin. L’annexe I comprend toutes les espèces menacées d’extinction. Le commerce de leurs spécimens n’est
autorisé que dans des conditions exceptionnelles. L’Annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas
nécessairement menacées d’extinction mais donc le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter
une exploitation incompatible avec leur survie. L’Annexe III comprend toutes les espèces protégèes dans un
pays qui a demandé aux autres parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce.
(www.cites.org)
16
L’Europe compte environ 1 milliard d’hectares de forêts, soit 27 % de la superficie forestière
mondiale (cf.vol.2, annexe 1, fig.1 et fig.4). A elle seule la Fédération de Russie possède 851
millions d’hectares (cf.vol.2 annexe 1, fig.3 et10) ; la Suède et la Finlande en comptent 49
millions d’hectares ; le reste de l’Europe en possède moins de 15% (cf.vol.2 annexe 1, fig.2 à
4). On compte environ 1.4 ha de forêt par habitant, ce qui constitue une superficie moyenne
considérablement supérieure à la moyenne mondiale. Quasiment toutes les forêts d’Europe
s’inscrivent dans le domaine écologique boréal, et l’Europe possède quasiment 80 % de
l’ensemble des forêts boréales de conifères19.
Le FAO partage l’Europe en plusieurs zones écologiques, et distingue différents genres de
forêts dans son rapport le plus récent, sorti en 200520.
ZONES GEOGRAPHIQUES EN EUROPE
Aucune définition n’est donnée sur ce que l’on entend par « Etat européen ». Les limites de
l’Europe géographique ne sont pas définitivement tracées, celles du continent européen
encore vagues.
Toutefois, plusieurs délimitations ont été proposées. La plupart du temps, celles-ci ont été
artificiellement créées pour raisons politiques. Les géographes sont en grande majorité
d’accord pour délimiter le continent européen comme suit : l’Oural et le Caucase à l’est, la
Méditerranée, la mer Noire, les détroits du Bosphore et de Gibraltar au sud, l’océan
Atlantique à l’ouest, et enfin l’océan Arctique au nord.
L’Europe est simplement une abstraction utilisée pour rendre compte d’un ensemble de peuples et pays
culturellement et géographiquement proches. En cela, l’Europe est une région géographique dont les limites
sont essentiellement politiques et donc très instables, voir ambigües. Il est donc scientifiquement improuvable de
dire par exemple qu’un pays est strictement « en Asie » et non « en Europe ». Mais, à partir du moment où il est
situé sur le continent eurasiatique, on pourrait définir le caractère européen ou non d’un pays selon d’autres
critères que géographiques21.
L’autre thèse consiste à affiner le contour de l’Europe en fonction des Etats membres du
Conseil de l’Europe, renvoyant donc davantage à une dimension historique.
Mais, comme le montrent bien les discussions à propos de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE),
ce sont évidemment les considérations historiques, culturelles et politiques qui donnent sa substance au débat.
Ce que l’on a appelé et ce que l’on appelle l’Europe ne relève pas d’un déterminisme géographique, mais
renvoie à l’histoire. Le substrat gréco-latin, le legs judéo-chrétien ont forgé une identité, et les clivages monde
catholique/monde orthodoxe, chrétienté/islam ont distingué des aires de civilisation. De plus, depuis le XVIIIe
siècle, la plupart des États appartenant à l’UE ont connu, avec des temporalités et des intensités diverses, des
évolutions historiques voisines : mouvement des Lumières, révolutions, naissance de l’État moderne,
industrialisation, apparition des démocraties et confrontation de celles-ci avec des régimes dictatoriaux ou
totalitaires, deux guerres mondiales, naissance de l’État-providence… Ou à tout le moins, compte tenu
notamment de la fracture Est/Ouest de la seconde moitié du XXe, se sont-ils situés par rapport à elles. Les
grands courants artistiques ont bien évidemment contribué eux aussi à l’affirmation de sensibilités partagées. La
19Rapport principal de la FAO datant de 2000 p.180. Peut se consulter sur internet www.fao.org 20L’évaluation des ressources forestières mondiales 2005 (FRA 2005). Disponible sur le site internet de la FAO
http://www.fao.org/forestry/index.jsp 21Encyclopédie libre « Wikipédia » article « Limites de l’Europe » consulté sur le site
http://fr.wikipedia.orf/wiki/limites_de_l’Europe le 4 août 2006
17
candidature de la Turquie - celle du Maroc présentée en 1987 a été refusée - confère une brûlante actualité à
cette question d’une définition de ce qui est européen et de ce qui ne l’est pas. 22
Nous avons choisi de nous rallier à la définition proposée par la FAO.
ZONES ECOLOGIQUES EN EUROPE23
La FAO divise le monde en zones écologiques de la façon suivante :
Au niveau 1, niveau le plus général équivalent aux groupes climatiques du modèle Köppen-Tréwartha, cinq
domaines sont définis en fonction de la température : tropical, subtropical, tempéré, boréal et polaire.
Au deuxième niveau, 20 classes ou zones écologiques sont différenciées, indiquant de grandes zones à végétation
relativement homogène, comme la forêt boréale de résineux. Les noms des zones écologiques mondiales
traduisent la végétation zonale dominante. Les végétations typiquement azonales, comme les mangroves, les
landes et les marécages, ne sont pas classées, ni cartographiées séparément.
Le niveau 2 est le niveau de référence ou de travail de la carte des zones écologiques mondiales. Ces zones ont
été délimitées à l’aire des données macro climatiques et des cartes existantes de la végétation climatique ou
potentielle. L’utilisation des cartes de la végétation a permis d’obtenir une délimitation plus précise des zones
écologiques. Si l’on avait considéré uniquement les cartes climatiques généralisées, les zones de la carte finale
n’auraient peut-être pas coïncidé parfaitement avec les limites d’unités de végétation homogènes24.
Forêt subtropicale sèche25
La forêt subtropicale sèche se situe principalement dans la région méditerranéenne, au-dessus
de 800m d’altitude, incluant la péninsule ibérique (à l’exception du nord), le bassin du Rhône,
la péninsule apennine, la Dalmatie et la Grèce, ainsi que toutes les îles européennes de la
Méditerranée. Elle se caractérise principalement par la présence des espèces Olea europaea
(olivier) et Quercus ilex (chêne vert). Une espèce domine typiquement le couvert : Quercus
sempervirens (chêne toujours vert). Quercus ilex (chêne vert) et ses différentes sous-espèces
se font concurrence le plus souvent dans des sites humides ou subhumides.
Forêt subtropicale de montagne
La forêt subtropicale de montagne, comprend la chaîne ibérique, les Apennins, les montagnes
grecques ainsi que les montagnes de Corse et de Sardaigne. La zone commence à environ
600-800 m d’altitude, et localement jusqu’à 3 500 m. Les températures y sont plus basses, des
gelées plus fréquentes, les précipitations plus abondantes et la période de sécheresse estivale
plus courte que dans la zone de la forêt subtropicale sèche. La végétation de cette zone est
généralement formée d’espèces de chênes décidus.
22Source : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/frontieres-
europe-union-europeenne.html 23Source : L’évaluation des ressources forestières mondiales 2000 (FRA 2000). Disponible sur le site internet de
la FAO 24Idem. p. 312 25Dans les textes reproduits ci-après, le mot « décidu » (=qui tombe, d’origine latine, mais inusité en français)
s’applique à une espèce d’arbre à feuille ou aiguilles caduques.
18
Ces forêts sont habituellement assez fermées et ombragées. Dans la péninsule ibérique, les forêts à Quercus
pyrenaica dominent sur la roche-mère siliceuse, alors que Q. faginea occupe des terrains basiques. Dans les
Pyrénées et vers l’est, Quercus pubescens et d’autres espèces de chêne prédominent. Les forêts fermées et
ombragées à Fagus sylvatica, en partie avec Abies alba ou Picea abies et localement Betula pubescens,
remplacent les forêts de chênes décidus à de plus hautes altitudes. Dans la chaîne grecque du Pinde, Abies
borisii-regis substitue Abies alba et constitue souvent l’espèce dominante. A des altitudes encore supérieures, le
chêne et le hêtre cèdent la place au genévrier et au cyprès (Juniperus thurifera, J. excelsa, J. foetidissima, J.
polycarpos, Cupressus sempervirens) ou au pin (Pinus nigra), ainsi qu’au sapin (Abies pinsapo dans la
péninsule Ibérique, et A. cephalonica en Grèce)26.
Foret tempérée océanique
La forêt tempérée océanique regroupe des aires géographiquement séparées : les côtes
maritimes de l’Espagne et du Portugal, les îles britanniques ; à l’exception des plateaux et des
régions montagneuses de l’Ecosse, la France – à l’exception des parties montagneuses et
méditerranéennes du sud-est ; l’Europe centrale de l’ouest sur une ligne Dantzig-Erfurt-
Vienne et au sud des Alpes, y compris la plaine du Pô, la totalité du Danemark, l’extrême sud
de la Suède, et une bande étroite bordant la côte de la Norvège, ainsi que quelques fjords
abrités appartiennent à cette zone. Le climat de cette zone est influencé par le Gulf Stream et
par la proximité de l’océan. La température annuelle moyenne oscille entre 7° et 13° C, et les
précipitations annuelles varient entre 600 et 1700 mm.
Différents types de forêts de hêtres (Fagus sylvatica) et de forêts de hêtres mixtes forment la végétation
dominante. Ces formations sont les plus importantes en Allemagne et dans les pays voisins. Les forêts pures de
hêtres sont relativement denses. Dans les zones océaniques, Ilex aquifolium est l’espèce caractéristique de la
strate arbustive. Sur les sols pauvres en éléments nutritifs et acides, le hêtre est partiellement mélangé dans le
couvert à Quercus robur et Quercus patraea. Ces peuplements sont pauvres en espèces. Aujourd’hui, ces forêts
de hêtres naturelles ont été largement converties en forêts mixtes de chênes/charmes. De grandes superficies ont
été reboisées en épicéas (Picea spp.) et en sapin de Douglas (Pseudotsuga spp.)
Hors de l’aire de distribution du hêtre, des forêts de chênes et de frênes (Quercus robus, Fraxinus excelsior)
avec Corylus avellana occupent les terrains basiques, souvent calcaires. Les forêts de chênes/charmes (Quercus
petraea, Carpinus betulus) dominent périodiquement les sols humides. (…) Au sud des Alpes, Quercus cerris est
parfois présent avec le chêne et le charme. Dans le sud-ouest de la zone, les forêts de Quercus pubescens
occupent les zones au climat plus doux27.
La forêt tempérée continentale
La forêt tempérée continentale est formée d’un triangle irrégulier dont Oslo, Sofia et Oufa
constituent les sommets. Font partie de cette zone : le sud de la Suède, l’est de l’Europe au
sud d’une ligne Helsinki-Novgorod-Perm et au nord d’une ligne Bucarest-Cherkov-Oufa,
ainsi que la majeure partie de la péninsule balkanique et les piémonts des montagnes de
Crimée et du Caucase.
Dans cette zone, l’influence du Gulf Stream est moindre, avec une diminution des
précipitations annuelles de l’ouest (700 mm) vers l’est (400 mm). Les étés sont chauds et les
hivers froids dans la majeure partie de la région.
La température annuelle moyenne est comprise entre 6° et 13° C à l’ouest et entre 3° et 9° C à
l’est. Durant les mois les plus froids de l’année, la température descend sous 0° C en
26FRA 2000 – Rapport principal, p.182. 27Idem.
19
Scandinavie, est d’environ 0 ° C dans les Balkans, et au-dessous de –10° C dans les
montagnes de l’Oural. Les précipitations s’affaiblissent du nord-ouest (au-dessus de 700 mm)
au sud-est (400 mm).
La zone supporte différents types de forêts répartis suivant des gradients locaux et régionaux de climat et de
disponibilité en nutriments. Dans le nord, des forêts mixtes de feuillus/conifères forment une ceinture parallèle
au cercle de latitude. Les forêts d’épicéas (Picea abies) constituent la majeure partie du couvert forestier. Sur
des sols plus acides et plus secs, les forêts de pins remplacent celles d’épicéa.
Plus au sud encore, les forêts feuillues décidues sont représentées par des formations mixtes de chênes/charmes
et de tilleuls/chênes. Les forêts mixtes de chênes/charmes sont composées de Quercus robur, Quercus petraea,
Carpinus betulus et Tilia cordata. Des espèces associées comme Fraxinus excelsior et Acer campestre y sont
également importantes.
On trouve les forêts mixtes de tilleuls/chênes à l’est de la limite de l’aire de répartition des forêts mixtes de
chênes/charmes. Quercus robur et Tilia Cordata dominent la strate arborée. Les déboisements ont décimé de
façon massive ce type de forêt.
Les forêts de chênes sessiles (Quercus petraea) et de chênes des Balkans (Quercus spp.) sont présentes
principalement dans le sud-est de l’Europe et les pays balkaniques. Ces forêts mixtes riches en espèces et plus
ouvertes, dominées par Quercus cerris et Quercus frainetto, occupent la partie centrale de la péninsule
balkanique.
Aujourd’hui, ces forêts jadis denses sont fortement réduites et dispersées après une longue exploitation sous
traitement en taillis-sous-futaie et à des fins agricoles28 Les marais et les tourbières arborés se rencontrent sous
la forme de petits îlots dans toute la zone. De grandes étendues de cette végétation subsistent encore dans les
plaines de la Pologne et du Bélarus. Sur des sites humides en permanence, l’espèce arborée dominante est Alnus
glutinosa en association avec Picea abies.
La végétation des plaines alluviales prédomine le long des cours moyens et inférieurs des grands fleuves : Rhin,
Elbe, Oder, Vistule, Pripet, Desna, Volga, Save et Danube.
En raison des inondations prolongées, les forêts alluviales de saules et peupliers (Salix alba, Salix fragilis,
Populus nigra et Populus alba) sont plutôt pauvres en espèces. La végétation feuillue des plaines alluviales a
une structure extrêmement diversifiée et comprend Quercus robur, Fraxinus excelsior, Ulmus minor, Ulmus
laevis et Fraxinus augustifolia (en Europe du sud-est). La régularisation des cours d’eau et les barrages ont
décimé des habitats quasi naturels, et aujourd’hui seuls des fragments des forêts d’origine de plaine alluviale
subsistent encore29.
Systèmes montagneux tempérés
Les systèmes montagneux tempérés comprennent les parties montagneuses du domaine
tempéré, y compris les monts Cantabriques, les Pyrénées, le Massif Central, le Jura, les Alpes,
les sommets des montagnes des îles britanniques, les montagnes de l’Europe centrale, les
Carpates, les Alpes Dinariques, les montagnes Balkaniques, celles de Rhodope, le haut et bas
Caucase, les piémonts des monts Talych ainsi que le sud de l’Oural. En raison de cette
diversité, le climat est très varié. Les précipitations oscillent entre moins 500 mm à plus 3000
mm, la température annuelle moyenne varie entre –4° et 8° C, tandis que sur les sommets au
mois de janvier elle varie entre –10° et –4° C.
La ceinture inférieure est formée par des forêts de hêtre entremêlées de Abies Alba, Picea
abies, Acer pseudoplatanus, Fraxinus excelsior et Ulmus glabra, tandis qu’à des altitudes
plus élevées, les forêts de hêtre pures sont relativement denses. A des altitudes encore
supérieures, les forêts de hêtre sont remplacées par celles de sapins et d’épicéas.
Les forêts de hêtre (Fagus spp.), en particulier celles mélangées à Abies alba, Picea abies, Acer
pseaudoplatanus, Fraxinus excelsior et Ulmus glabra, forment la végétation de la ceinture inférieure. Comme
28Entre autres pour fabriquer des ustensiles agraires, mais aussi des sièges et surtout du charbon de bois pour la
forge, l’industrie, le chauffage et la cuisson. 29FRA 2000 – Rapport principal, p.183-184
20
dans la région océanique, aux altitudes plus élevées, les forêts de hêtre pures sont relativement denses. Plus haut
encore, d’autres espèces arborées tendent à dominer. A l’est, l’espèce Fagus sylvatica (subsp. sylvatica) est
remplacée par Fagus sylvatica subsp. moesiaca, et plus à l’est encore F. sylvatica subsp. orientalis.
A des altitudes encore supérieures, les forêts de sapins et d’épicéas (Abies alba, A. borisii-regis, A.
nordmanniana, Picea abies, P. orientalis et P. omorika) remplacent les forêts de hêtres. L’un ou l’autre des
genres Abies ou Picea peut dominer. Pinus sylvestris, Fagus sylvatica, quelques Quercus robur, et des espèces
pionnières comme Sorbus aucuparia, Populus tremula et Betula pendula occupent une place secondaire.
A la limite de la végétation arborescente, on trouve parfois des formations de pins rabougris (Pinus mugo) ou de
Rhododendron spp. Ces formations basses et le krummholz se transforment à des altitudes supérieures en
herbage alpin, en différents types de végétation arbustive naine et en végétation sur roche et sur éboulis au
niveau de la ceinture alpin de l’étage nival.
Dans l’Oural, la stratification d’altitude commence avec les forêts de tilleuls/chênes (Quercus robur, Tilia
cordata) au niveau le plus bas, suivies de forêts de sapin et d’épicéas (Abies sibirica, Picea obovata) avec un
tapis herbacé, en présence d’espèces feuillues comme Ulmus glabra et Tilia cordata, ainsi que des forêts de pins
(Pinus sylvestris) avec Larix sibirica30.
Forêt boréale de conifères
La forêt boréale de conifères se constitue dans la zone recouvrant certaines parties de la
Norvège, la majeure partie de la Suède, la quasi-totalité de la Finlande, le nord de l’Ecosse,
une large ceinture dans la partie ouest de la Fédération de Russie du sud du cercle polaire
arctique, le sud de l’Islande, et sur de vastes surfaces dans la partie orientale de la Fédération
de Russie.
Les caractéristiques climatiques de cette zone sont : les relatives basses températures (entre 8°
en Ecosse et 1° C dans le nord de la Fédération de Russie), les précipitations allant de 900
mm dans l’ouest à 400 mm à l’est et la très courte période de végétation (moins de 120 jours).
Les périodes de sécheresse prolongée sont rares. La neige couvre normalement le sol de cette
zone pendant plusieurs mois en hiver.
La plupart des forêts boréales ne sont dominées que par quelques espèces arborées de conifères, l’épicéa
principalement (Picea abies) sur les sols plus humides, et les pins (Pinus sylvestris) sur les terrains plus secs.
(…) Des espèces décidues comme le bouleau (Betula spp.), le tremble (Populus tremula), l’aulne (Alnus spp.) et
le saule (Salix spp.) sont caractéristiques des premiers étages en altitude (le bouleau et l’aulne, en particulier)
ou peuvent former de petits peuplements parmi les conifères.
(..)
Dans l’est de la Fédération de Russie, la répartition de la végétation est définie par la délimitation et la
continentalité du climat. La forte humidité dans la partie ouest favorise la présence de forêts de conifères
sombres (dominées par l’épicéa et le sapin) alors que la sécheresse et la continentalité s’accentuant vers l’est
favorisent les forêts de conifères clairs (formées surtout de mélèzes mais aussi de pins du sud).
Les marais arborés et les prairies marécageuses dominent la taïga du nord de la plaine sibérienne occidentale.
Les forêts sont confinées dans les vallées fluviales bien drainées. Elles sont dominées par le pin cembro de
Sibérie (Pinus sibirica) mélangé à l’épicéa de Sibérie (Picea obovata), au bouleau (Betula pendula) et au mélèze
de Sibérie (Larix sibirica) dans le nord, et à des sapins à croissance lente (Abies sibirica) dans le sud. Les forêts
secondaires de bouleaux sont fréquentes.
Différentes tourbières hautes et de transition prédominent dans la taïga centrale. Des forêts clairsemées de
cèdres avec quelques bouleaux se développent habituellement dans les vallées. Vers le sud, le nombre de zones
humides diminue sensiblement. Les forêts de cèdres-épicéas et de cèdres-épicéas-sapins couvrent les zones
d’altitude dans la taïga centrale et méridionale. Les forêts de bouleaux (Betula pendula) et de trembles (Populus
tremula) augmentent vers le sud. Les forêts de pins se développant sur un tapis de lichens sont présentes sur les
sables drainés.
A l’est du fleuve Ienisseï, la taïga de conifères sombres cède la place à des forêts de conifères clairs, formées de
mélèzes et de pins. Au nord, dans le bassin du fleuve Podkamennaja Tunguska, prédominent les forêts de
30Idem., p.184
21
mélèzes-pins et les forêts de pin sur tapis de mousses. Les forêts d’épicéas et de cèdres, parsemées de bouleaux
et de trembles, sont présentes dans les vallées fluviales.
(…)
A l’est, dans le centre de la République de Sakha, le mélèze est l’espèce dominante. D’autres espèces,
notamment le pin et le bouleau, couvrent moins de 10 pour cent des terres boisées. Au nord, dans le nord-ouest
de la Sakha et partiellement en Evenkija, et dans le district national de Taïmyr, les forêts clairsemées de mélèzes
de la taïga du nord couvrent environ 95 pour cent des zones boisées. Le pin nain (Pinus pumila) occupe 4 ou 5
pour cent, alors que le bouleau est très rare. Les forêts clairsemées de mélèzes sont répandues dans le sud et
présentent un sous-étage épars d’épicéas de Sibérie (Picea obovata)31.
Toundra boréale boisée
En Europe, elle forme une ceinture étroite sur la péninsule de Kola et le long du cercle polaire
arctique jusqu’aux montagnes de l’Oural. Au-delà de l’Oural, la zone écologique consiste en
une ceinture assez large qui s’étend jusqu’à la côte Pacifique. Le climat est froid mais humide.
La végétation de cette partie européenne de la zone comprend des formations boisées ouvertes composées
d’arbres de petite taille, en général de 4 à 5 m de hauteur. Dans les peuplements prédominent Betula pubescens
subsp. czerepanovii et Picea obovata. Bien que Picea obovata soit dominant dans le nord de la plaine russe et
dans l’Oural, Betula pubescens subsp. czerepanovii constitue les formations boisées des zones subocéaniques du
nord-est de l’Europe. Plus loin vers l’est, on trouve des formations boisées de Larix sibirica en petits
peuplements isolés sur des sols sablonneux. Des bourbiers occupent souvent les dépressions humides, alors que
la toundra boisée recouvre les versants et d’autres terrains bien drainés.
A l’est de l’Oural, les formations boisées ouvertes se rencontrent habituellement dans les basses terres bien
drainées alternant avec la toundra et les bourbiers. Dans le sud de la zone, des forêts clairsemées de conifères
longent les vallées fluviales en bandes de plusieurs kilomètres de large. Dans la plupart des cas, les arbres sont
de structure irrégulière, et leurs fûts tordus, comme leurs houppiers asymétriques en forme de drapeaux les font
ressembler parfois à des plantes rampantes arborescentes. Les processus cryogéniques du sol sont souvent à
l’origine de ce phénomène de « forêt ivre ». En Sibérie occidentale, dans les forêts typiquement clairsemées,
l’espèce dominante est le mélèze de Sibérie (Larix sibirica) mélangé à l’épicéa de Sibérie (Picea obovata). En
Sibérie centrale, c’est Larix gmelinii qui prévaut et l’épicéa forme le deuxième étage du couvert. Vers l’est, dans
les bassins des fleuves Indiguirka et Kolyma, les principales espèces sont Larix gmelinii et L. cajnandri. Cette
dernière remplace L. gemilinii à l’est du fleuve Lena. Pinus pumila et des saules rabougris (Salix udensis, S.
schwerin) abondent et empiètent sur les aires de basse-futaie. Populus suaveolens et Chosenia arbutifolia sont
présents dans les vallées fluviales. La limite septentrionale de la végétation arborescente suit le cours du fleuve
Kolyma au nord du 69°N et à environ 65°N dans la presqu’île de Tchoukotka, se caractérisant par la présence
de Populus suaveolens, Chosenia arbutifolia et de Duschekia kamtschatica.32
Systèmes montagneux boréaux
Enfin, les systèmes montagneux boréaux comprennent six régions montagneuses isolées – les
montagnes de l’Islande, les hauts plateaux d’Ecosse, les montagnes de Scandinavie, l’Oural,
les sommets septentrionaux des montagnes de la Sibérie centrale et les grands territoires
montagneux qui occupent le sud de la Sibérie et recouvrent la majeure partie de la république
de Sakha et de l’Extrême-Orient russe.
Dans la partie Européenne de la zone, nous trouvons surtout des forêts de bouleaux (Betula
pubescens) localement associés à des pins (Pinus sylvestris) dans l’est.
31Ibid., p.184-185 32Idem. p.186
22
Dans l’est de la Fédération de Russie, la distribution de la végétation forestière ainsi que la
présence de différentes espèces dépendent beaucoup du climat et de l’orientation des versants.
Sur le plateau sibérien, on trouve essentiellement des forêts de mélèzes ainsi que des conifères
sombres. A plus haute altitude, on remarque la présence de forêts de trembles et de sapins.
Plus haut encore, c’est à dire jusqu’à 1400-1500 m, s’étendent des forêts de conifères sombres
dominées par les cèdres, les sapins et quelques épicéas. Les forêts de cèdres occupent une
ceinture subalpine à partir de 1500 jusqu’à 1800 m. La ceinture de forêts la plus élevée (de
1800 à 2400 m) est habituellement formée de forêts mixtes de cèdres et de mélèzes.
Ces différentes zones écologiques s’inscrivent dans des zones géographiques, ou sous régions.
23
EUROPE DU NORD
Introduction (pays nordiques et pays baltes)
Pour la FAO, l’Europe du nord comprend les pays nordiques : la Finlande, l’Islande, la
Norvège, la Suède, ainsi que les pays Baltes, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Les terres de
cette zone totalisent une superficie de 129 millions d’hectares, dont la moitié, soit 65 millions
d’hectares, est classée comme forêt (cf.vol.2, annexe 1, fig. 13 à 14). Cette zone géographique
présente une grande diversité de zones climatiques, allant de la zone polaire dans les hautes
montagnes du nord, aux zones chaudes-tempérées humides du sud-ouest et à la zone
continentale de l’est. Les précipitations annuelles y varient entre 300 et 3000 mm par an
suivant le lieu.
Les zones de végétation représentatives sont les suivantes : alpine, subalpine, boréale, boréa-némorale et
némorale. La majeure partie des forêts sont des forêts de conifères où prédominent le pin sylvestre (Pinus
sylvestris) et l’épicéa (Picea abies), souvent mélangés à des espèces feuillues comme le bouleau (Betula spp.) et
le tremble (Pipulus tremuloides). Dans la zone subalpine, le bouleau prédomine, et dans la zone némorale, le
chêne (Quercus spp.), le hêtre (Fagus sylvatica), le charme (Carpinus betulus), le frêne (Fraxinus excelsior) et
d’autres espèces feuillues forment la végétation arborée naturelle33.
Nous savons que la forêt joue un rôle très important dans l’économie de la Suède, de la
Finlande et de la Norvège, qui sont parmi les premiers exportateurs au monde de bois. Selon
la FAO la valeur des exportations du secteur forestier en 1999 s’élevait à 9.7 milliards de
dollars US en Suède, et à 10.9 milliards de dollars en Finlande. Concernant les pays Baltes,
leurs exportations de bois (d’ailleurs en grande partie tournées vers la Suède et la Finlande)
ont surtout connu une progression spectaculaire après leur accès à l’indépendance34. En effet,
bien que ces deux pays nordiques disposent de grandes ressources forestières ils font
néanmoins venir de l’extérieur de grandes quantités de bois, notamment des bois exotiques
ainsi que des feuillus, afin de satisfaire aux besoins pour la production de meubles
Ressources forestières
En ce qui concerne les ressources forestières, la FAO nous renseigne de façon précise :
Par le passé, les ressources forestières de la sous-région ont toujours été bien aménagées dans la plupart des
pays. Par conséquent, autant la superficie forestière que le volume de bois ont augmenté en Suède, en Norvège
et en Finlande depuis leur premier inventaire réalisé au début des années 20 (Finnish Forest Research Institute
2001 ; Suède. Department of Forest Resource Management and Geomatics 2001 ; Norwegian Institute of Land
Inventoru 2001). Dans les pays Baltes, les superficies forestières ont augmenté après la deuxième guerre
mondiale (Lithuanie Department of Forest and Protected Areas, Ministry of Environment 2001), lorsque de
nombreuses exploitations agricoles abandonnées se sont reboisées. Au cours de la dernière décennie, la
superficie forestière totale de la sous-région s’est accrue. Cependant, un équilibre a été atteint lorsque le
boisement et l’extension naturelle des forêts sur les anciennes terres agricoles ont égalé la perte de forêts due à
l’expansion des villes, les autoroutes et d’autres infrastructures dans des terres autrefois boisées35.
En raison de la grande superficie des forêts et de la faible densité de la population, la
superficie forestière par habitant en Finlande, en Norvège et en Suède est plus élevée que pour
33FRA 2000 – Rapport principal, Internet site de la FAO, p.189 34Idem. 35Ibid.,p.189-190
24
le reste de l’Europe et supérieure à la moyenne mondiale. A contrario, en Lituanie et en
Islande, la superficie forestière par habitant est plus faible que dans les autres pays.
L’accroissement annuel net est supérieur à 220 millions de mètre cubes par an sur écorce, et les coupes
totalisent environ 150 millions de mètres cubes sur écorce par an (dont près de 6 millions par an sur écorce sont
attribués aux pertes naturelles). Cela explique en partie l’accroissement net annuel du matériel sur pied qui est
proche de 80 millions de mètres cubes par an sur écorce, entre 1990 et 2000. Du fait que la superficie forestière
et le stock de matériel sur pied ont augmenté depuis la deuxième guerre mondiale, le volume total et la biomasse
se sont aussi accrus dans la sous région36.
Nous revenons ultérieurement sur l’intérêt évident de ces forêts vis à vis du stockage du
carbone atmosphérique.
Aménagement et utilisation de la forêt
En ce qui concerne les estimations de la superficie des plantations forestières faites par la
FAO, elles sont relativement faibles et tournent autour de 2 %37.
Environ 75 % de la superficie forestière de la sous-région appartiennent au secteur privé.
Dans les pays nordiques, la majeure partie des forêts a été privatisée.
De nos jours, de 70 à 85 pour cent de la superficie forestière appartient au secteur privé dans les quatre pays
nordiques de la sous-région. Dans le cas des pays Baltes, ce n’est que depuis l’indépendance dans les années 90
que la privatisation a été amorcée, bien que la quasi-totalité des forêts appartienne encore à l’Etat.
Globalement, les forêts publiques de la sous-région sont moins productives que les forêts privées
Le chiffre considérable (96 pour cent) des forêts soumises à diverses formes de plan d’aménagement
traduit aussi l’abondance des informations et des connaissances relatives aux forêts dans la sous-région.
(…) Sur les 65 millions d’hectares de forêt présents dans la sous-région d’Europe du Nord, environ 10 millions
(16 pour cent) ne seraient pas disponibles pour l’approvisionnement en bois (7 millions d’hectares sont protégés
à des fins de conservation multiples et 3 millions ne sont pas exploitables pour des raisons économiques). En
termes de pourcentage, il s’agit d’un chiffre faible par rapport aux 30 pour cent non disponibles pour
l’approvisionnement en bois de toute l’Europe et de la Fédération de Russie38.
Conclusion et perspectives
Dans cette partie de l’Europe du Nord, les ressources en bois se sont régulièrement
développées depuis le début des années 1990. A l’exploitation rationnelle des ressources s’est
ajoutée une prise de conscience des nécessités liées au maintien de la diversité biologique des
espèces et à la sensibilité « écologique » des populations. A cet égard, la FAO précise :
(…) l’intérêt croissant porté par le public aux aspects esthétiques, récréatifs et écologiques des forêts a donné
une nouvelle orientation aux pratiques d’aménagement, axées jusqu’alors vers la production industrielle.
Au cours des années 70, une part importante de la population des pays d’Europe du Nord a commencé à
protester contre les grandes clairières inesthétiques que laissaient souvent les systèmes mécanisés de coupes
rases et de régénération. Bien que ces méthodes aient aidé à optimiser les opérations d’exploitation et de
replantation, le public s’en est indigné. Dans les années 80, les organisations non gouvernementales (ONG) se
sont renforcées et ont manifesté un intérêt croissant pour l’aménagement des forêts, exerçant une pression sur
36Idem., p.190 37Idem. 38Idem.,p.191.
25
les industries et, par conséquent, sur les propriétaires forestières pour qu’ils limitent l’impact de l’exploitation
sur les ressources biologiques et préservent la valeur esthétique.
Les consommateurs de produits forestiers ont aussi commencé à s’interroger sur la façon dont les forêts de leur
pays étaient aménagées et exploitées. Tous ces efforts ont fait en sorte qu’au début des années 90, les industries
ont commencé à réviser leurs pratiques d’aménagement. Entre-temps, les ONG, les gouvernements et leurs
industries ont mis un terme aux conflits en faveur de dialogues plus constructifs sur la façon d’accroître aussi
bien le rendement en bois que la diversité biologique, grâce à l’aménagement des forêts. Par exemple, la
politique forestière de 1993 en Suède stipule que les objectifs environnementaux sont aussi importants que la
production forestière, contrairement à la politique de 1979 qui était presque exclusivement orientée vers la
production39.
Les choses sont très différentes dans les pays Baltes et ceci notamment depuis l’accession à
leurs indépendances respectives. C’est en effet l’aspect économique qui prédomine depuis
lors.
Observons les chiffres de production, importation et exportation pour la période comprise
entre 1961 et 2006 (cf.vol.2, annexe 1, fig.87 à 195)40. Dans les pays de l’Europe du Nord et
principalement pour la Suède et la Finlande, on note une progression rapide de la production,
surtout en bois conifère. Les chiffres produits par la FAO sont intéressants car ils permettent
de suivre cette évolution, et prennent également en compte les périodes de crise. Ainsi on
constate une baisse à la fois de la production, des importations et des exportations autour des
années 1973-75, 1980-81, 1985-1988, 1991, 2001, correspondantes aux différentes crises
pétrolières et économiques, à la guerre du Golf, ainsi qu’à la crise suivant le 11 septembre
2001. Comme tous les autres secteurs de l’économie, le secteur du bois est largement touché
par ces troubles qui ralentissent l’économie mondiale.
Notons surtout la grande production de bois conifère finlandaise (7.996.000 t en 1961, et
12.145.000 t en 2006), dont elle exporte presque 50 % (5.146.000 t en 1961, et 7.712.413 t en
2006). Il en est de même en ce qui concerne la production de contreplaqué (406.000 t en
1961, 1.415.000 t en 2006) et son exportation (328.200 t en 1961, et 1.250.394 t en 2006). Il
est particulièrement intéressant de noter que la Finlande exporte les ¾ de cette production.
Concrètement, la Finlande, qui est le plus grand producteur de bois conifère et de contre-
plaqué, note une baisse assez conséquente dans sa production de bois conifère entre 1973 et
1975 (7.831.000 t en 1973, 7.427.500 t en 1974, 4.903.000 t en 1975) , et de contre-plaqué
entre 1973 et 1975 (730.000 t en 1973, 568.000 t en 1974, 415.000 t en 1975, et 491.000 t en
1976), baisse qui affecte par la même occasion les exportations de bois conifère (5.195.500 t
en 1973, 4.289.500 t en 1974, et 2.889.500 t en 1975), et de contre-plaqué (597.000 t en 1973,
386.000 t en 1974, et 339.000 t en 1975). On note le même phénomène, concernant le
production, au cours de la période 1980-1982 (10.166.000 t en 1980 en bois conifère,
8.195.000 t en 1981, et 7.241.000 t en 1982. Pour le contreplaqué : 639.000 t en 1980,
603.000 t en 1981, 596.000 t en 1982, et 580.000 t en 1983)41.
39Idem., p. 193 40 Source : www.faostat.fao.org. 41 Source : www.faostat.fao.org
26
EUROPE CENTRALE
Introduction
La FAO regroupe 15 pays dans la sous région de l’Europe centrale : l’Autriche, la Belgique et
le Luxembourg, la République Tchèque, le Danemark, la France, l’Allemagne, l’Irlande, la
Hongrie, le Lichtenstein, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovaquie, la Suisse et le Royaume-Uni
(cf.vol.2, annexe 1, fig.15 et 16). Pays industriels économiquement puissants, ils sont aussi
pays d’importants utilisateurs de produits ligneux. La plupart sont des importateurs nets de
ces produits, à l’exception de l’Autriche, de la République Tchèque et de la Pologne qui sont
des exportateurs nets.
Le climat de cette sous région est tempéré, généralement humide et frais. A l’ouest, le climat
de cette sous région est influencé par la présence de l’Océan Atlantique, mais tend à devenir
de plus en plus continental avec des hivers rigoureux à l’est, et un climat méditerranéen avec
des étés chauds et secs dans le sud de la France.
Ressources forestières
La sous région totalise 196 millions d’hectares.
Le quart environ de la superficie des terres, soit 52 millions d’hectares, est couvert de forêts.
Si la France, l’Allemagne et la Pologne comptent pour deux tiers des terres forestières de cette
région, la France à elle seule en détient 30%.
Avant l’apparition de l’être humain, la forêt couvrait la plus grande partie des terres, et le couvert forestier
national était formé pour l’essentiel d’espèces feuillues tempérées. A travers les siècles, de grandes superficies
de ce couvert ont été éliminées au profit de l’agriculture et d’autres utilisations des terres, et presque toute la
forêt restante a été perturbée ou modifiée, le plus souvent par des interventions de gestion. De nos jours, il ne
reste que des reliques dispersées de forêt non perturbée ; il est estimé que cette forêt couvre moins de 250 000
hectares dans la sous-région, la superficie la plus importante se situant en Pologne (144 000 ha)42.
La majeure partie est classée dans la catégorie des forêts semi-naturelles43. En ce qui concerne
la sous-région de l’Europe Centrale, plus de 90 pour cent de toutes les forêts sont classées
comme étant naturelles selon la FAO.
Les plus importantes plantations se situent au Royaume-Uni, en France et en Irlande (4.1
millions d’hectares).
Plus de la moitié des forêts de cette sous région est constituée par des feuillus et des mixtes de
feuillus/conifères. La part des forêts à dominance de conifères s’est accrue au cours des deux
derniers siècles en raison des pratiques de gestion forestière encourageant l’utilisation de ces
espèces.
Les espèces feuillues prédominent en France, en Hongrie et en Slovaquie, tandis qu’en
Allemagne, en Autriche, en Pologne, au Royaume-Uni et en Irlande ce sont les conifères qui
dominent.
Certains pays tels que la France offrent une grande diversité de types de forêts.
Dans la partie occidentale et centrale de ce pays, les forêts de feuillus prédominent, avec les hêtres (Fagus
sylvatica) et les chênes (Quercus spp.) comme espèces les plus communes. A l’est et dans les zones
42Idem., p.193 43En ce qui concerne les pays industrialisés des zones tempérées et boréales, l’expression « forêt naturelle » se
réfère, dans le rapport de la FAO, à toutes les forêts n’entrant pas dans la catégorie de plantations.
27
montagneuses des Alpes et des Pyrénées, les conifères constituent les principales espèces, notamment l’épicéa et
le sapin, souvent mélangés à du hêtre, alors que dans le sud-Ouest (les Landes), on trouve la plus grande forêt
de conifères d’Europe établie par l’homme à base de pin maritime (Pinus pinaster). Au sud, se développe une
végétation de type méditerranéen avec des pins et des chênes, ainsi que des vastes zones de maquis et de
garrigue. Les taillis et les taillis-sous-futaie sont les aspects communs de nombreuses forêts du pays et
représentent près de la moitié de l’ensemble de la zone forestière. Les programmes actifs de reboisement (en
partie pour remplacer les taillis) et de boisement ont introduit certaines espèces exotiques comme le douglas
(Pseudotsuga spp.), ainsi que le peuplier (Populus spp.)44.
Actuellement en Allemagne, plus de la moitié de la superficie forestière est composée de
conifères. Ce phénomène s’explique par les nombreuses campagnes de gestion menées dans
ce sens au cours des deux siècles passés. Plus d’un cinquième de ce territoire arboré est
constitué de forêts mixtes de conifères/feuillus.
Notons également que les forêts se trouvent essentiellement au sud, centre et est du pays, très
peu étant situées au nord.
Les principales espèces de conifères sont l’épicéa et le pin sylvestre (Pinus sylvestris), et les feuillus les plus
communs sont le hêtre et le chêne45.
L’Autriche et la Suisse peuvent être comparés à l’Allemagne car on y retrouve cette même
prédominance des conifères : en Autriche 88 %, en Suisse 77% et 23 % de feuillus.
La production de bois en Autriche est remarquable, car c’est le seul grand exportateur net de produits dérivés
du bois de la sous-région (la Pologne et la République Tchèque sont des exportateurs nets, mais moins
importants)46.
Concernant la production, l’importation et l’exportation de ces différents pays (cf.vol.2,
annexe 1, fig.87 à 195) , la France nous intéresse particulièrement puisqu’ elle appartient au
cercle des pays grands producteurs de bois, à la fois conifère et non conifère, mais également
de panneaux de particules. La France demeure le plus important producteur européen de bois
non conifère. Comme les autre pays, la France a été marquée dans sa production par des
périodes de crise (les années 1973-1975, 1980-1983, 1991 et 2001), qui se sont parfois
traduites par un ralentissement significatif. Ces différentes crises économiques ont également
eu de fortes répercutions sur le secteur des exportations.
Le cas de l’Allemagne est également intéressant. Il s’agit en effet lui aussi d’un pays grand
producteur de bois, mais surtout de matériaux dérivés du bois. Le bois occupant une place
importante dans le mobilier allemand, l’Allemagne exporte et importe beaucoup dans ce
domaine, et est également un grand pays exportateur de mobilier en tant que produit fini.
Le cas de la Pologne est atypique. Ses forêts sont dominées par des conifères, et plus d’un
cinquième est composé de forêts mixtes de conifères/feuillus. Le pin sylvestre est le conifère
dominant tandis que le chêne est la principale espèce feuillue.
Les fluctuations de l’économie mondiale ne semblent pas affecter sa production de la même
façon. Si on note une augmentation de la production de bois conifère jusqu’en 1979, elle
baissera par la suite d’environ 50% entre 1978 et 2006 (6.334800 t produits en 1979, mais
3.017.900 t produits en 2006) ; il en est de même concernant la production de bois non
conifère (769.000 t produits en 1961, 1.425.050 t en 1978, et seulement 589.300 t en 2006).
En revanche, leur production de panneaux en fibre de particules n’a cessé d’augmenter depuis
44FRA 2000 – Rapport principal, p.194 45Idem. 46Ibid
28
1961, excepté une baisse constatée pour la période 1988-1991 (80.000 t produite en 1961,
1.086.000 t en 1978, 1.308.000 t en 1988, 718.000 t en 1990, 4.485.900 t en 2006)47.
En République Tchèque les essences de conifères les plus communes sont l’épicéa commun,
le mélèze européen et le pin sylvestre, tandis que le hêtre est l’espèce feuillue la plus
commune. Plus de la moitié des forêts sont mixtes en conifères/feuillues.
La République Tchèque est un assez grand producteur de bois conifère et un important
exportateur. Elle a connu une augmentation depuis 1961 jusqu’en 1990 (3.590.000 t en 1961,
4.082.000 t en 1990). Cependant, à partir de 1992 (3.037.000 t en 1991, 2.400.000 en 1992, et
2.770.000 t en 1993), nous notons une baisse dans la production, qui par la suite ne retrouvera
plus le niveau de 1990. En revanche, si les exportations pâtissent également de ces aléas, la
reprise est pourtant bien plus importante (619.690 t en 1961, 1.017.000 t en 1991, 787.100 t
en 1993, mais 1.943.000 t en 2006). Le pays ne semble pas avoir été marqué par la crise de
1973-1975, tant au niveau de sa production (3.393.500 t en 1973, 3.516.000 t en 1974, et
3.556.000 t en 1975), qu’au niveau de son exportation (668.150 t en 1973, 683.050 t en 1974,
et 715.500 t en 1975)48. Ce qui laisse peut-être supposer qu’il exportait plus à ses voisins de
l’Europe de l’Est qu’à ceux de l’Europe de l’Ouest.
En Slovaquie et en Hongrie, presque 90% de la superficie forestière est dominée par les
espèces feuillues.
Le hêtre et le chêne sont les principales espèces feuillues en Slovaquie (l’épicéa commun, le sapin blanc et le pin
pour les conifères), alors qu’en Hongrie le robinier (faux-acacia) et le peuplier sont très importants. Les
peuplements jeunes sont très nombreux dans ce pays, du fait du reboisement et du boisement, et des durées de
révolution courtes pour certaines espèces49.
La situation est quelque peu différente en Belgique, au Danemark, au Luxembourg et aux
Pays-Bas. Ces pays ne possèdent en effet que peu de forêts, en dehors de la région des
Ardennes, en Belgique et au Luxembourg.
Au Danemark et aux Pays-Bas, la forêt ne couvre pas plus que 10% du territoire. Les Pays-
Bas ont en outre le plus faible taux de superficie forestière par habitant (0,02 ha) en Europe.
Les forêts de ces quatre pays sont essentiellement composées, et ce à parts plus ou moins
égales, de feuillus et de conifères.
Les principales espèces sont le hêtre, le chêne et l’épicéa commun, et d’autres d’espèces introduites dans les
programmes de reboisement et de boisement comme le peuplier, le pin et le douglas50.
Prenons l’exemple d’un pays tel que le Danemark, sa production, à la fois de bois conifère et
non conifère, est très faible étant donné son manque de ressources forestières propres. En
2006, il n’a produit que 175.000 t de bois conifère et 21.000 t de bois non conifère. En
revanche, les importations de bois conifères sont conséquentes (2.024.780 t en 2006) car la
production de mobilier en bois, notamment en pin, est importante.
Il en est de même concernant les Pays-Bas qui produisent aussi peu de bois que le Danemark
(179.541 t de bois de conifère, et 85.728 t de bois non conifère en 2006) et qui, par
conséquent, en importe beaucoup (2.751.000 t en 2006).
47 Source : www.faostat.fao.org 48 Idem. 49FRA 2000 – Rapport Principal., p.195. Disponible sur www.fao.org 50Idem.
29
La Belgique est également un petit producteur de bois conifère et non conifère, mais en
importe moins que le Danemark et les Pays-Bas (1.878.490 t de bois conifère importé en
2006). Ce pays produit surtout des panneaux de particules principalement destinés à
l’exportation (1.849.705 t exportés sur 2.260.000 t produits en 2006).
La cas de la Grande-Bretagne est sensiblement différent ; c’est un pays qui produit très peu de
bois, car il dispose d’assez peu de forêts. Cette production est essentiellement constituée de
bois conifère mais également de panneaux de particules. En revanche, le pays importe de très
grandes quantités de bois, car le mobilier est fabriqué pour une très large part en Grande-
Bretagne.
En ce qui concerne l’Irlande et le Royaume-Uni, nous sommes en présence de deux pays de la
sous-région, voire de l’ensemble de l’Europe, avec le plus fort pourcentage de plantations par
rapport à leur superficie forestière totale. Toutefois, en comparaison de pays européens
comme la France, l’Allemagne ou la Suède, le Royaume-Uni dispose de peu de forêts.
Jusqu’à très récemment, ces plantations se composaient principalement de conifères, comme
l’épicéa et d’autres espèces comme le pin, le mélèze et le douglas, ce qui explique
l’accroissement notable de celles-ci à la fin du 20ème siècle. Au cours de ces 80 dernières
années, le boisement a également permis d’étendre la couverture forestière de ces deux pays à
hauteur de près de 10%.
Aménagement et utilisation de la forêt
Pour l’ensemble de cette sous-région et dans les années 90, l’accroissement de la superficie
forestière était quasiment de 0,3% par an.
Les forêts de l’Europe Centrale sont soumises à trois types de régime de propriété : les forêts
appartenant à l’Etat, celles appartenant à d’autres organismes publics comme les communes
ou les municipalités et enfin celles détenues par des particuliers. En règle générale, environ
36% appartiennent à l’Etat, 13% à d’autres organismes publics, 43% aux particuliers et 8 % à
d’autres entités. Nous n’avons trouvé aucun document capable de nous éclairer sur la nature
de ces 8 %.
Les pays où l’Etat reste en possession de la plus grande part sont la Pologne (82%), la
République Tchèque (71%) et la Hongrie (43%), pays ayant autrefois appliqué des régimes
d’économie planifiée.
Aujourd’hui, la prise de conscience ayant ancré les règles du développement durable a de plus
en plus de poids sur les modes de gestion et de conservation des forêts ; les pays riches de
l’Europe de l’ouest imposent peu à peu leurs visions aux pays de l’Europe de l’est.
Les pays de l’est de la sous-région, en transition vers une économie de marché, ont généralement hérité de forêts
bien aménagées par les régimes précédents, mais souvent aussi d’industries et d’infrastructures forestières
délabrées. Ils doivent faire face à de grands travaux de modernisation de leur industrie et de leurs institutions,
ainsi qu’à la privatisation et la restitution. Parmi les problèmes qu’ils doivent affronter figure le redressement
des niveaux de vie de leurs populations pour les aligner sur une moyenne européenne, tout en appliquant les
mesures nécessaires pour améliorer la qualité de l’environnement qui a souvent été négligée par les régimes
précédents51.
51Idem., p.198.
30
Conclusion et perspectives
Tous les pays de la sous-région doivent faire face à la contrainte de mettre hors production une part importante
de leurs forêts pour la protection de l’environnement, en particulier pour préserver la biodiversité, à savoir la
sauvegarde d’espèces rares de faune et de flore52.
La question d’une gestion durable de la forêt se pose alors dans la mesure où c’est d’elle que
dépendent les attributions de la certification53 sur la provenance des bois, de plus en plus
exigée par les grands acheteurs de mobilier. De plus, une des autres interrogations à résoudre
est celle de la pollution atmosphérique et principalement des pluies acides qui entraînent une
perte de feuillage chez les conifères et les feuillus.
Autre sujet de préoccupation : la fréquence de tempêtes causant d’importantes pertes aux
forêts, la dernière ayant sévi en 1999. Néanmoins selon certains scientifiques, cette grande
tempête de Noël 1999 a eu quelques effets positifs tels le nécessaire « nettoyage » des forêts
qui a permis de laisser davantage d’espace libre à la pousse de nouvelles espèces plus
résistantes au vent, ou pour ré-introduire une mixité salutaire autrefois préconisée.
« Cette tempête a marqué autant les hommes que la nature. L’impact est violent et traumatisant, car il
déséquilibre les forêts et marque profondément et durablement le paysage. Cependant, comme le feu, les
tornades sont des phénomènes naturels qui, sans l’intervention de l’homme, assurent le renouvellement de la
forêt54.
Les chercheurs du Cemagref55 à Nogent-sur-Vernisson précisent :
La tempête de l’hiver 1999 a détruit de nombreux peuplements forestiers, créant des trouées plus ou moins
vastes. Quel impact ont-elles sur la biodiversité floristique et quel est l’impact de leur exploitation ? Autant de
questions que se sont posés les chercheurs de Cemagref à Nogent-sur-Vernisson.
(…)L’ouverture du peuplement accroît la ressource en lumière, en eau et en nutriments pour les plantes du sous-
bois. Quant à l’exploitation des arbres dans les trouées, elle modifie l’état de surface du sol. Les chercheurs du
Cemagref à Nogent-sur-Vernisson ont voulu savoir si la « mise en lumière » du sol suite à la chute des arbres
était favorable à la biodiversité et quel était l’impact de l’exploitation des chablis56.
(...) Leurs observations montrent que la « mise en lumière » provoque un enrichissement important en espèces.
Contre 5 espèces présentes en moyenne en forêt, ils en comptent 10 dans la trouée. Leurs relevés montrent aussi
une augmentation importante de l’abondance des ces espèces. Le pourcentage de recouvrement au sol est
multiplié par 4 ou 5 dans la trouée. Plus encore, les trouées ont un impact fort sur la composition des
communautés floristiques. Elles permettent en effet l’installation d’espèces originales, généralement absentes
des peuplements matures ou fermés. Les espèces dites non forestières (souvent des herbacées et des graminées)
profitent de ces modifications du milieu. Plus surprenant, les trouées ont aussi un effet bénéfique sur les espèces
dites forestières dont le nombre et le recouvrement augmentent. Seules quelques espèces typiques des milieux
fermés, en particulier certaines mousses et le muguet pâtissent de ces modifications. (…) La modification du sol
et de la litière crée en effet un terrain très favorable à l’implantation des nouvelles espèces57.
52Idem. 53En France, le label NF Environnement est attribué pour une durée déterminée à un produit dont l’impact sur
l’environnement est réduit par rapport aux autres produits du même type. Les critères prennent en compte tout le
cycle de vie du produit. Au niveau européen le Label Ecologique Européen est attribué pour une durée
déterminée à un produit selon des critères écologiques, définis par la Commission Européenne, qui tiennent
compte de tout le cycle de vie du produit, de ss production et son utilisation jusqu’à son élimination. 54Source : www.onf.fr 55Cemagref : L’institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement. 56Arbre, bois abattu par le vent, ou tombé de vétusté. 57Source : www.recherche.gouv.fr/biodiv2005paris/recherche/cemagref5.pdf
31
EUROPE DU SUD
Introduction
Selon la FAO, la sous-région de l’Europe du Sud est composée des 15 pays suivants, la
plupart bordant la Méditerranée (cf.vol.2, annexe 1, fig.17 et 18) : Albanie, Andorre, Bosnie-
Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Grèce, Italie, Malte, Portugal, Roumanie, Saint-Marin,
Slovénie, Espagne, la République de Macédoine, la Serbie, la Croatie et le Monténégro.
Tous ces pays se caractérisent par un climat de type méditerranéen avec des étés chauds et
secs, même si par endroits, comme dans le nord de l’Espagne, de l’Italie, de la Roumanie et
de la Slovénie, des précipitations abondantes favorisent le développement des forêts.
De très grandes disparités subsistent entre ces pays, tant au niveau économique que social, et
les niveaux de vie varient. Ainsi, les écarts sont grands entre les pays appartenant à l’Union
européenne, tels que la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne, et ceux qui souhaitent y
adhérer ou y être associés. Notons l’entrée récente de la Bulgarie et de la Roumanie dans
l’Union Européenne.
L’Espagne, l’Italie et la Roumanie couvrent à eux trois près des deux tiers de la superficie
terrestre de cette zone, et ce sont également les pays les plus densément peuplés. Tandis que
des pays comme l’Andorre, Malte et Saint-Marin jouent un rôle plus insignifiant.
Ressources forestières
Les forêts couvraient 52 millions d’hectares dans la sous-région en 2000, les autres terres boisées occupant une
étendue supplémentaire de 19 millions d’hectares. Les forêts et les autres terres boisées représentent donc les
deux tiers de la superficie totale des terres, la forêt à elle seule couvrant 30 pour cent. En moyenne, ce chiffre
représente 0.3 ha de forêt par habitant, mais les pays se caractérisent par d’assez grandes variations, comprises
entre 0.6 ha par habitant en Bosnie-Herzégovine et Slovénie, et 0.2 ha par habitant en Italie58.
Les espèces feuillues prédominent en Europe du Sud, surtout dans la partie orientale de la
zone, et forment plus de trois cinquièmes de la superficie forestière, avec 10 % des forêts
mixtes de conifères/feuillus. Les chênes sont les espèces les plus fréquentes, mais les hêtres
sont également présents. On note également, surtout sous forme de plantations, la présence de
châtaignier, de peuplier et d’eucalyptus.
Parmi les espèces résineuses, les pins, en particulier le pin d’Alep (Pinus halepensis), le pin sylvestre (Pinus
sylvestris), le pin maritime et le pin de Monterey sont les plus communs, l’épicéa (Picea spp.), le sapin (Apies
spp.) et le Mélèze (Laris spp.) étant aussi présents sur certains sites59.
L’Espagne dispose de la superficie forestière la plus étendue de la sous-région, avec 14.4
millions d’hectares, soit plus du quart du total. Les conifères en constituent environ deux
cinquièmes, avec un cinquième de forêts mixtes de conifères/feuillus. Cependant, compte tenu
des nouvelles réglementations de conservation et de protection, environ un quart de la
superficie forestière est indisponible pour l’approvisionnement en bois.
58FRA 2000 – Rapport principal., p.199 59Idem., p.201
32
L’Espagne importe une quantité assez importante de bois conifère et non conifère (2.543.000 t
de bois conifère, et 830.000 t de bois non conifère en 2006), et en produit à peu près la même
quantité (2.860.000 t de bois conifère, et 946.000 t de bois non conifère en 2006) (cf.vol.2,
annexe 1, fig.87 à 195).
Le Portugal possède des vastes étendues de chêne-liège et est le plus grand producteur et
exportateur au monde de produits dérivés du liège. Il exporte également de grandes quantités
de produits ligneux issus de ses forêts de pins maritimes et d’eucalyptus.
Avec L’Espagne, l’Italie possède la plus grande superficie forestière de la sous région avec 10
millions d’hectares principalement constitués de feuillus et avec 50% de taillis et taillis-sous-
futaie. Comme ailleurs dans la zone méditerranéenne, les incendies de forêts constituent
chaque année un véritable danger.
L’Italie n’a produit que 948.000 t de bois conifère et 800.000 t de bois non conifère en 2006.
L’année où elle en a produit le plus était 1985 (1.188.500 t de bois conifère, et 1.410.500 t de
bois non conifère). En revanche, elle est un producteur assez important à la fois de contre-
plaqué (334.000 t en 2006), et de panneaux de particules (3.725.000 t en 2006). Sa faible
production de bois conifère et non conifère l’amène à en importer en grande quantité
(6.409.463 t de bois conifère et 1.453.294 t de bois non conifère en 2006) afin de satisfaire les
besoins de l’un des plus grands producteurs et exportateur de mobilier au monde (cf.vol.2
annexe 1, fig.87 à 195).
Avec 0.2 ha par habitant, l’Italie a le taux le plus faible des pays de la sous-région, et elle est un important
importateur net de produits forestiers primaires (bien qu’elle soit un important exportateur de meubles)60.
Les anciens pays de la Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Slovénie, l’ex-République
yougoslave de Macédoine et la Yougoslavie) disposent d’environ 9 millions d’hectares de
forêts et 1.5 millions d’hectares d’autre terres boisées. Y prédominent, comme en Grèce, en
Albanie et dans la péninsule balkanique, les feuillus. Malheureusement, la sécheresse et la
fragilité des sols ainsi que les fréquents incendies de forêts sont des paramètres défavorables
aux conditions de croissance.
Concernant l’ancienne Yougoslavie (dont la production ne peut être suivie que jusqu’en
1991), elle a essentiellement développé sa production de bois non conifère, dont presque 50%
est vouée à l’exportation (cf.vol.2, annexe 1, fig. 87 à 195).
En Bulgarie et en Roumanie, ce sont des forêts de feuillus qui prédominent avec,
principalement, des hêtres et des chênes. Ensemble, ces deux pays possèdent plus de 10
millions d’hectares de forêts.
Il est intéressant de noter que la Roumanie exporte la quasi-totalité de sa production de bois
conifère, soit 2.086.000 t exportées sur 2.808.000 t produites en 2004 (en 2006 notons
2.620.000 t produites, dont 1.616.000 t exportées) (cf.vol.2, annexe 1, fig. 87 à 195)
En raison des zones étendues de collines et de montagnes, de la fragilité des sols, des conditions
météorologiques défavorables et des risques d’incendies, le rôle de protection des forêts est vital dans de
nombreuses parties de l’Europe du Sud. Le quart environ de la superficie forestière n’est pas disponible pour
l’exploitation, et ce, principalement pour des raisons de conservation et de protection, mais souvent aussi pour
des raisons économiques, c’est-à-dire d’accessibilité en certains endroits61. Les principales superficies de forêts
60Ibid., p.201 61Hélitreuillage coûteux, à défaut de débardage par câble en montage, souvent impossible.
33
non disponibles pour l’approvisionnement en bois se trouvent en Italie, au Portugal, en Espagne et en Bosnie-
Herzégovine62.
Aménagement et utilisation de la forêt
Dans cette sous-région, plus de la moitié du domaine forestier relève du secteur public tandis
que le reste appartient au secteur privé. Toutefois, il existe de grandes disparités entre ces
pays. En Albanie et en Bulgarie, toutes les forêts appartiennent à l’Etat. En Bosnie-
Herzégovine, en Croatie et dans l’ex-République Yougoslave de Macédoine environ 75 %
appartiennent à l’Etat, tandis qu’en Roumanie cela constitue plus de 90%. En Italie, au
Portugal et en Espagne, l’Etat possède peu, les municipalités et les communes détiennent
davantage, même ce sont les propriétaires privés qui sont les plus importants.
Conclusion et perspectives
Pour conclure sur cette sous-région il faut surtout tenir compte des grandes disparités entre les
différents pays la composant.
Le problème des incendies de forêt - le plus souvent d’origine humaine voire criminelle -
demeure également un souci pour la plupart de ces pays.
Le volume des coupes annuelles en Europe du Sud ne représente que la moitié environ de l’accroissement
annuel net, et même moins dans certains pays. Cela entraîne une augmentation du volume sur pied et contribue
au piégeage du carbone ; c’est, dans la plupart des pays, une conséquence de la jeunesse relative des forêts.
(…)
L’Italie et l’Espagne sont de gros importateurs nets de produits forestiers, et il pourrait y avoir des possibilités
de substituer ces importations, ainsi que dans d’autres pays. La modernisation de l’industrie permettrait aussi à
la Roumanie de regagner sa position d’assez grand exportateur de produits forestiers
(…)
La Roumanie, la Bulgarie, l’Albanie et les pays de l’ex-Yougoslavie s’orientent tous vers des formes d’économie
de marché et cherchent à rehausser le niveau de vie de leurs populations pour atteindre la moyenne européenne.
Dans tous ces pays, la consommation de bois est encore relativement faible et pourrait s’accroître sous l’effet
d’une stimulation de l’activité économique, notamment dans le secteur de la construction63.
62FRA 2000 – Rapport principal., p. 201-202 63Idem., p.203-204
34
BELARUS, REPUBLIQUE DE MOLDAVIE, FEDERATION DE RUSSIE ET
UKRAINE
Introduction
La FAO inclut le Bélarus, la République de Moldavie ainsi que la Fédération de Russie et
l’Ukraine dans son rapport sur les ressources forestières en Europe (cf.vol.2, annexe 1, fig.19
et 20). Pour des raisons d’accessibilité aux informations, nous avons volontairement décidé
d’exclure cette zone de nos recherches sur le mobilier en bois. Nous l’avons en revanche
inclus dans ce chapitre sur les forêts car ces pays sont de très gros exportateurs de produits
forestiers.
Ces quatre pays faisaient partie de l’ex-URSS (Union des républiques socialistes soviétiques)
jusqu’au début des années 90. L’étendue que couvrent ces pays est vaste. Le territoire de la
Fédération de Russie s’étend à lui seul sur 1,69 milliards d’hectares, et est trois fois plus
grand que l’ensemble de tous les autres pays européens. L’Ukraine, avec ses 58 millions
d’hectares, constitue la deuxième superficie la plus importante d’Europe, après la Fédération
de la Russie.
Le climat de la sous-région est boréal au nord, dont une partie de la Fédération de Russie se situe à l’intérieur
du cercle polaire arctique, et tempéré au sud, avec une gamme correspondante d’écosystèmes. Les niveaux de
vie des populations des trois pays sont faibles actuellement par rapport à la moyenne européenne, ayant reculé
considérablement après l’effondrement économique qui a suivi la dissolution de l’Union soviétique64.
Ressources forestières
La superficie forestière de cette zone couvre 871 millions d’hectares, auxquels s’ajoutent 71
millions d’hectares d’autres terres boisées. C’est l’une des sous-régions les plus boisées,
représentant plus du cinquième de la superficie forestière mondiale, ce qui donne plus de 4 ha
contre une moyenne mondiale de 0.6 ha par habitant.
La Fédération de Russie possède, à elle seule, 851 millions d’hectares de forêts, et plus de 70
millions d’hectares d’autres terres boisées, soit presque 98 % de la superficie forestière de la
sous-région, et 22 % du total mondial.
Le Bélarus et l’Ukraine ont tous deux plus de 9 millions d’hectares de forêts, ce qui les place
parmi les pays européens les plus riches en forêts.
D’après la classification utilisée dans le présent rapport, 98 pour cent des forêts de la Fédération de Russie sont
« naturelles », le reste (17 millions d’hectares) consistant en plantations (…). Contrairement aux autres pays
européens, où très peu de forêts vraiment naturelles (forêts anciennes) subsistent, la superficie de forêt non
perturbée par l’action de l’homme en Fédération de Russie (d’après la définition de l’Evaluation des ressources
forestières des zones tempérées et boréales 2000 (TBFRA) (CEE-ONU/FAO 2000)) est très étendue, s’élevant à
749 millions d’hectares, dont seuls 50 millions d’hectares sont semi naturels. Les deux cinquièmes environ des
forêts non perturbées sont classés comme non disponibles pour l’approvisionnement en bois et ce
essentiellement pour des raisons économiques, c’est-à-dire à cause de leur inaccessibilité, bien que 24 millions
d’hectares ne soient pas exploitables de par leur conservation et leur protection65.
La plupart des zones de forêts semi-naturelles se situent dans la partie européenne du pays ou
à l’intérieur des zones d’exploitation, de part et d’autre de la ligne ferroviaire du
Transsibérien.
64Ibid, p.205 65Idem., p.206
35
Beaucoup de ces zones ont souffert de surexploitation dans le passé, et sont actuellement dégradées ou mal
repeuplées, par exemple, par des aulnes, des trembles et des bouleaux sur des terres qui étaient pourvues
autrefois de peuplements de conifères66.
La moitié de la superficie forestière est principalement constituée de conifères. Deux
cinquièmes sont occupés par des peuplements mixtes conifères/feuillus, laissant seulement
10% pour les peuplements feuillus situés surtout dans les zones méridionales plus tempérées
du pays, et plantées en hêtre, chênes, tilleuls et charmes.
Dans les zones boréales plus septentrionales, les principales espèces présentes dans la partie occidentale de la
Fédération de Russie sont l’épicéa commun (Picea abies) et le pin sylvestre (Pinus sylvestris). En Sibérie et dans
l’Extrême-Orient, le mélèze (Laxis spp.) est l’espèce la plus commune avec le pin de Sibérie (Pinus sibirica) et
Pinus Pumila, des épicéas (Picea spp.) et des sapins (Abies spp.) étant aussi présents ; des bouleaux (Betula
spp.) et le tremble (Populus tremula) figurent parmi les espèces feuillues. En terme de volume de bois sur pied,
les conifères représentent à peu près les quatre cinquièmes du total, le mélèze étant le plus important67.
Une grande partie des ressources déclarées comme disponible pour l’approvisionnement en
bois ne l’est en réalité pas car située dans des parties de la Sibérie et de l’Extrême-Orient non
accessibles, dépourvues de routes ou de chemins de fer.
Le matériel sur pied disponible pour l’approvisionnement en bois totalise 61 milliards de mètres cubes sur
écorce, soit environ 70 pour cent du volume total actuellement présent dans les forêts (…)68,
En Bélarus, qui se situe à l’Ouest de la Fédération de la Russie, les deux cinquièmes de la
forêt sont à dominance de conifères, et une superficie analogue est composée d’un mixte de
conifères/feuillus. La forêt couvre près de 45 % de la superficie des terres. Environ 75 % sont
disponibles pour l’approvisionnement en bois et la majeure partie des forêts rentre dans la
catégorie « semi-naturelle ».
Les forêts de l’Ukraine et de la République de Moldavie, situées au sud-ouest de la Fédération
de Russie, ressemblent davantage à celles des pays d’Europe du Sud. La couverture forestière
est moyennement faible, respectivement 16% et 10% de la superficie des terres, et la
superficie forestière par habitant est très faible, environ 0.2 et 0.1 ha par habitant.
Les forêts de feuillus y sont majoritaires. En Ukraine, environ la moitié est à dominance de
feuillus, et à 10 % composées d’un mixte de feuillus/conifères.
En République de Moldavie, seule une petite superficie n’est pas à dominance de feuillus.
Environ deux tiers de ces forêts sont disponibles pour l’approvisionnement en bois.
Aménagement et utilisation de la forêt
Dans les 4 pays de cette sous-région, les forêts et les autres terres boisées appartiennent
entièrement à l’Etat et, contrairement aux autres pays européens en transition vers une
économie de marché, aucune initiative n’a été prise pour privatiser les forêts dans ces pays.
66Idem. 67Idem. 68Idem., p. 207
36
Conclusion et perspectives
Que pouvons-nous conclure quant à cette sous-région ?
En termes de ressources forestières, la Fédération de Russie est un géant sur la scène mondiale. En revanche, en
termes de production et de commerce du bois, sa contribution au niveau mondial est plutôt modeste.
(…)
Le marché intérieur restera probablement le principal débouché pour les produits dérivés du bois, mais les
exportations ont été, et restent sans doute, une importante source de devises étrangères et continueront à être
soutenues. Les principaux marchés sont l’Europe et le Moyen Orient (alimentés principalement par la partie
européenne de la Fédération de Russie), ainsi que le Japon et d’autres pays bordant le Pacifique (alimentés par
l’Extrême-Orient russe). L’importance de la Chine comme débouché pour le bois des forêts sibériennes s’accroît
considérablement. Jusqu’à présent, une grande partie des exportations russes consistait en matières premières
et produits semi-finis, comme le bois de sciage, avec des valeurs unitaires relativement faibles69.
* * *
A la suite de l’étude de ces différentes zones géographiques et écologiques notons que les
pays européens sont très divers quant au climat, et pour cette même raison, quant aux essences
d’arbres et les quantités figurant.
Notons surtout la grande importance des essences conifères dans l’Europe du Nord, la très
importante diversité des forêts en France. Notons également, en ce qui concerne l’Europe
Centrale, la relative pénurie de bois dans des pays comme la Grande-Bretagne et le
Danemark ; pourtant grands producteurs de mobilier en bois. L’importance des forêts en
Allemagne est également à retenir.
L’étendue des forêts en République Tchèque, en Pologne et en Roumanie explique des
nombreuses délocalisations, depuis quelques années, des industries du bois et du meuble vers
ces pays.
Ces quelques conclusions sont à retenir, car ils permettront de mieux comprendre par la suite,
l’importance et la différence de la production mobilière en bois en Europe.
Après avoir étudié l’étendue et la composition du forêt en Europe regardons maintenant de
plus près ce qui fait la forêt, les arbres et le bois.
69Idem., p.209
37
LES ESPECES : LE BOIS, SA COMPOSITION, SON ASPECT, SA PROVENANCE
LA COMPOSITION DU BOIS
Introduction
Notre sujet porte sur le mobilier en bois. Qu’entend-on par l’appellation générique de
« bois »? Quelle signification pouvons-nous donner à ce mot? Nous reprendrons les trois
définitions qui nous semblent pertinentes et ont été proposées par Dominique Coutrot,
Délégué Général de l’Union des Industries des Panneaux de Process :
- Pour le botaniste, le bois est l’ensemble des tissus secondaires lignifiés des végétaux. Ces tissus sont
situés entre la moelle (si elle existe) et les tissus générateurs intra-libériens dont ils dérivent.
- Pour le forestier et l’exploitant forestier, le bois est la partie interne de la tige et de la racine de
l’arbre ou des arbustes, ou de leurs ramifications. Il provient principalement des troncs mais aussi de
la souche, des fourches, des branches, des excroissances comme les loupes ou broussins, plus
exceptionnellement des racines.
- Pour l’utilisateur, le bois est un matériau anisotrope, hétérogène mais organisé, produit par un être
vivant : l’arbre, d’un individu à l’autre. Il a un énorme avantage, il est une matière première
renouvelable70.
En résumé, le bois dans sa plus simple définition, est la matière ligneuse des arbres71.
Provenance
C’est le tronc ou plutôt le fût de l’arbre qui produit le bois que nous utilisons (cf.vol.2, annexe
1, fig.21). Le bois est produit par l’arbre à partir d’éléments qu’il puise dans la terre (eau, sels,
minéraux, éléments nutritifs, etc.) et d’autres qu’il trouve dans l’air (oxygène et carbone
provenant principalement du gaz carbonique). Pour produire le bois, l’arbre a, comme toute
plante, besoin d’énergie, énergie qu’il tire de la photosynthèse, phénomène aidant les feuilles
à nourrir l’arbre (cf.vol.2, annexe 1, fig.27 à 29).
Pendant la photosynthèse72, les feuilles captent la lumière du soleil, absorbent de l’eau par les
racines et assimilent le gaz carbonique dans l’air. L’énergie du soleil sert à transformer l’eau
70Coutrot, Dominique, Le bois et ses industries, coll. Que sais-je ?, Paris, Puf, 1997, p.8 71Vigué, Jordi, Le grand livre du bois : le matériau, les outils, la menuiserie, l’ébéniste, op.cit., p. 12 72La photosynthèse est une fonction assurée par les arbres dès l'apparition des feuilles et quand la température est
supérieure à 4°C, elle est donc assurée toute l'année par les arbres à aiguilles, bien qu’un peu ralentie en hiver.
Plus précisément, lorsque la chlorophylle contenue dans les feuilles est exposée à la lumière solaire, en présence
de gaz carbonique (assimilé par les feuilles grâce à leurs stomates) et d'eau amenée par la sève brute, elle
recombine tous ces éléments afin de fabriquer du sucre. Cette métamorphose ne se fait pas sans déchet, mais ces
rejets nous sont très précieux, même indispensables, puisqu’ il s'agit de l’oxygène. Le sucre fabriqué va enrichir
la sève et la transformer en sève élaborée (sève descendante) qui va circuler partout dans l'arbre et lui fournir
entre autres des protéines. Les canalisations empruntées par la sève élaborée se situent dans le liber. La
38
présente dans le dioxyde de carbone en glucose, tout en rejetant de l’oxygène. C’est ce
glucose qui nourrit l’arbre.
Le gaz carbonique entre dans les feuilles par les stomates (pores microscopiques), qui sont
complètement ouverts à la lumière du jour, permettant à l’eau de s’évaporer rapidement. Cette
perte d’eau crée une force de succion qui aide à faire monter davantage de sève (liquide qui
circule à l’intérieur des végétaux). L’eau circule à travers la tige et le long des nervures des
feuilles. Ce processus, appelé évapotranspiration, permet aux végétaux de puiser dans le sol
des éléments nutritifs qui les font vivre73.
Composition chimique du bois
D’un point de vue organique, il s’avère que la répartition des divers composants (carbone,
oxygène et hydrogène) est quasiment la même pour tous les bois. Le produit le plus abondant
étant la cellulose (40 à 50 % du poids) puis la lignine (15 à 30 % du poids) et enfin les
hémicelluloses (10 à 30 %)74.
Ainsi, le bois est un mélange de 3 polymères naturels : cellulose, lignine et hémicelluloses,
dans la proportion approximative de 50 : 25 : 25, proportion qui varie en fonction de l’espèce
et de variations biologiques telles que les conditions de croissance.
L’aspect fibreux des cellules du bois résulte de la disposition du constituant le plus abondant,
la cellulose.
La lignine agit comme un ciment entre les fibres du bois.
Outre les polymères constituant la paroi cellulaire, qui forment la plus grande partie du bois, les bois des
différentes essences contiennent en quantités variables diverses substances étrangères appelées collectivement
matières extractibles. Dans les bois de résineux, nous trouvons souvent des quantités considérables de résines,
composées d'acides gras et d'acides dits résiniques qui sont dérivés des terpènes simples, telles que la
térébenthine et l'huile de pin. Les tanins sont des phénols polyhydroxyliques que l'on trouve dans le bois de cœur
et dans l'écorce de nombreuses essences. Le caoutchouc est tiré de l'écorce interne de certains arbres sous
forme de latex. On peut aussi extraire des huiles aromatiques et des sucres hydrosolubles; l'huile de «cèdre» et
le sucre d'érable en sont des exemples bien connus75.
transpiration permet de véhiculer l'eau par la sève brute, des racines jusqu'aux parties les plus élevées de l'arbre.
90% de l'eau extraite du sol s'évapore par les stomates, en laissant sur place divers minéraux nécessaires pour le
développement de l'arbre. Cette évaporation massive créé une dépression dans les canalisations qui véhiculent la
sève, créant ainsi un effet de succion dans les racines. Le carbone provenant du gaz carbonique est absorbé et
assimilé par la photosynthèse et transformé en chaînes carbonées. La principale chaîne carbonée des végétaux est
la cellulose qui compose le squelette de la cellule végétale. L’autre chaîne carbonée est la lignine, composée de
dérivés aromatiques.
73Source : http://membres.lycos.fr/boucherstmaur/, consulté le 5 août 2006 74Vigué, Jordi ,Le grand livre du bois : le matériau, les outils, la menuiserie, l’ébénistérie, op. cit., p. 8-9. 75http://www.fao.org/docrep/n5525f/n5525f01.htm, consulté le 5 août 2006, Archives de documents de la FAO,
par le professeur Irving S. Goldstein
39
Elaboration du bois
Toute sa vie durant, l’arbre croît à la fois en hauteur et en diamètre, et ceci par le biais du
perpétuel renouvellement des cellules végétales (cf.vol.2, annexe 1, fig.22 à 25) :
L’élaboration de la cellule végétale au niveau du tronc et des branches de l’arbre ou du végétal ligneux
est le fait de l’assise génératrice ou cambium. Elle est située entre l’écorce et le bois. Chaque année de
végétation, cette assise produit des cellules.
Celles-ci sont peu lignifiées au début de la saison de végétation (lumen important) et plus lignifiées
(lumen plus faible et parois épaisses) lorsque les conditions de climat se durcissent (chaleur, moindre pluie…).
En fin de saison de végétation, l’assise arrête sa production de cellules et l’arbre entre en repos.
Dans les pays tempérés et les pays froids, la saison de végétation correspond au printemps et à l’été, la
saison d’arrêt de végétation correspond à l’hiver. Cette alternance de saisons de végétation et de saisons de
repos se retrouve dans le tronc des arbres. Ce sont les cernes d’accroissement76.
Ceci permet déjà de comprendre que l’arbre, et donc le bois, avec la dimension « naturelle »
qui lui est attachée, est largement tributaire du temps et de l’environnement. Pour preuve, une
même essence ne produit pas un bois d’aspect similaire selon qu’elle évolue dans les pays
froids ou dans les pays chauds et humides.
Suivant l’espèce, les fibres peuvent être plus ou moins longues, ce qui détermine l’aspect de la veinure
du bois.
Les principaux tissus d’un arbre sont les suivants :
- tissu tégumentaire ou protecteur ;
- tissu de soutien ;
- tissu conducteur, formé de vaisseaux.
Le tissu conducteur joue un rôle essentiel, car il est chargé de l’acheminement d’une substance composée d’eau,
de minéraux et d’autres éléments, que les racines de l’arbre puisent dans le sol, la sève brute ou sève
ascendante, et qui monte vers les feuilles dans les vaisseaux ligneux, distincts suivant l’espèce, où elle se
transforme, par photosynthèse, en sève élaborée ou sève descendante. Cette dernière descend ensuite par les
vaisseaux libériens et se répartit dans l’ensemble de l’arbre, formant de nouveaux tissus de croissance et des
matériaux de réserve. La sève donne à l’arbre son énergie vitale, gouvernant le développement et la formation
des branches, feuilles et fruits.
Filtrant le gaz carbonique de l’air, les feuilles constituent un organe important de l’arbre, qui ne pourrait vivre
sans elles. Pour établir un parallèle avec l’homme, on peut dire que les feuilles sont les poumons de la plante,
les racines l’entrée de son appareil digestif, et la sève, son sang77.
La comparaison faite par Jordi Vigué entre l’arbre et l’homme est passionnante et explique, en
partie, notre attachement pour le bois. Nous verrons d’ailleurs au cours de notre étude que
cette comparaison est assez fréquente.
Il convient de mentionner l’importance, dans ce système vital, de la chlorophylle, substance verte qui donne aux
feuilles leur couleur caractéristique et qui permet la combinaison entre le dioxyde de carbone de l’air, le
rayonnement solaire et l’eau puisée par les racines dans le sol, pour former des substances nutritives
essentielles à la croissance de l’arbre78.
76Vigué, J., Le Grand Livre du bois : le matériau, les outils, la menuiserie, l’ébéniste, op. cit., p. 11. 77Idem., p. 16-17 78Idem.
40
Les gymnospermes et les angiospermes
Parmi les essences productrices de bois, nous distinguons 2 groupes : les
gymnospermes et les angiospermes (cf.vol.2, annexe 1. fig.30).
Les gymnospermes portent des feuilles en aiguilles ou écailles ; à ce groupe appartient
l’ordre des conifères englobant les arbres dits résineux. Ces arbres préfèrent un climat plutôt
humide et froid. Ils constituent actuellement près des 3/5 de la production ligneuse mondiale
et les ¾ de la production européenne79.
Les angiospermes portent de larges feuilles aplaties et nervurées ; à ce groupe
appartiennent les dicotylédones désignant les arbres dits feuillus, riches de plusieurs milliers
d’espèces, mais dont les qualités de bois sont extrêmement disparates : du bois le plus tendre
au bois le plus dur et du bois le plus léger au plus lourd. Les feuillus forment la large bande
des forêts tropicales. Ils remontent assez haut vers le nord où ils cèdent alors la place aux
résineux quand le climat devient trop rigoureux ou quand l’altitude est trop élevée. Seules
quelques essences isolées, tel le bouleau, arrivent cependant à vivre aux frontières des régions
arctiques.
Elaboré par un être vivant, le bois présente les qualités et les défauts d’un matériau provenant d’un être
vivant. Il est beau, solide, chaud, vivant au sens figuré. Lors de sa formation, il peut être sujet à des agressions,
des attaques, des maladies qui peuvent être bonifiantes (loupes, broussins) ou déclassantes (roulure, gélivures,
pourriture, etc.). Une fois coupé et mis en œuvre, il est sensible aux attaques de champignons ou d’insectes.
Le bois est une matière vivante, non uniforme et dont l’ensemble des propriétés dépend beaucoup de
l’espèce, du milieu, des conditions climatiques et de beaucoup d’autres facteurs.
Les usages et utilisations du bois ont nécessité un classement. Celui-ci comme le choix peut varier
considérablement. Un bois considéré comme inapte à un usage peut se révéler excellent pour un autre usage.
L’aspect décoratif du bois peut souvent être un critère de choix important. Les singularités et les défauts
orientent ces choix et guident le classement80.
Plusieurs remarques s’imposent : la redondance de la comparaison entre arbre et l’être vivant
par les auteurs, vision qui expliquerait en partie le succès du mobilier en bois auprès de
certains acheteurs.
Ensuite, les différences entre les bois d’une même essence, dont les propriétés évoluent selon
les variations climatiques. Ce fait permet de certifier que deux bois ou deux meubles en bois
massif, même provenant d’un même arbre, ne sont jamais totalement identiques.
Les singularités et altérations du bois
Le bois étant un matériau vivant, il peut se modifier en fonction de la structure du matériau
(singularité) ou d’un agent extérieur (altération, dite aussi « défaut ») (cf.vol.2, annexe 1,
fig.31). La singularité est naturelle et correspond à des éléments naturels intrinsèques au
développement du bois. Une singularité peut toutefois entraîner une malformation du bois.
En revanche, l’altération est le résultat d’une agression subie par l’arbre d’un ou de plusieurs
agents extérieurs entraînant une modification plus ou moins importante de la structure, de la
composition chimique, ou même une destruction totale. Si les singularités d’un bois ne sont
79Campredon, Jean, Le Bois, coll. Que Sais-je ?, Paris, Puf, 1982, 6è ed., p.13 80Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p. 14.
41
pas nécessairement préjudiciables, l’altération provoque quant à elle un rejet du bois d’œuvre
ou tout au moins son déclassement.81.
Par singularités, nous entendons avant tout les nœuds. Le nœud correspond à l’attache de la
branche sur le tronc principal, ce qui créé une trace visible dans le bois du tronc qui se
présente sous forme d’une ellipse sur les plateaux provenant de son débit parallèle. On
distingue plusieurs sorte de nœuds : le nœud vivant, le nœud mort et le nœud gouttière. Ces
nœuds peuvent jouer un rôle négatif d’un point de vue mécanique, mais ils peuvent également
être envisagés sur une échelle allant de « déclassant » à « bénéfique » sur un plan esthétique82.
Regardons par exemple un meuble en pin ; le pin est souvent apprécié par certains acquéreurs
en raison de la présence de nombreux nœuds visibles, signes authentiques de sa rusticité,
qu’ils recherchent dans un cadre donné. A l’inverse, d’autres exigerons des faces extérieures -
voire aussi des intérieurs - sans nœud, signe de leur exigence en « haute qualité sans défaut »,
dans une ambiance voulue plus élitiste, moins « bois ».
D’autres singularités peuvent être retenues : la courbure de la tige de l’arbre, la tige
fourchue et l’entre-écorce, un fil tors, la cannelure du tronc, la fibre ondulée, la ronce ou
bois ronceux ou bois madré, la loupe et le broussin, le cœur excentré, ainsi que les dis-
colorations.
Les ronces, les loupes et les broussins sont formés par des excroissances du tronc avec
enchevêtrement des fibres, ces défauts sont recherchés en ébénisterie pour leurs effets
décoratifs mais rédhibitoires en charpenterie83.
A côté de ces singularités, souvent positives, les altérations, provoquées par un agent
extérieur, sont toujours éléments de dépréciation voire de rejet. Les origines peuvent en être
climatiques, accidentelles, végétales ou animales. Parmi les plus courantes relevons la
gélivure, la roulure, la lunure ou double aubier, les fentes, le gui, les attaques par
champignons (pourriture des meubles de jardin, ou de cave) ainsi que les trous et galeries
d’insectes84 (vermoulure).
LA CLASSIFICATION DES ESSENCES
En raison de la grande diversité des essences de bois existantes, plusieurs systèmes de
classification s’imposent : botanique, zones de provenance, disponibilité, prix, résistance au
choc, usage. Ces catégorisations permettent de mieux identifier les différents schémas
abordés plus loin au cours de notre étude.
Botanique
Le premier critère de classement est botanique.
Les bois résineux proviennent d’arbres dont les feuilles sont généralement des aiguilles. Les
cellules composant ces bois sont très peu différenciées et très longues. Un autre caractère
commun à tous les bois résineux est bien évidemment la présence de résine en plus ou moins
grande quantité, pouvant se manifester par la fonçure alternée des veines, voire par des poches
81Idem.,p. 14-15. 82Ibid.,p. 15-17 83Idem.,p. 17. 84Idem.,p. 18-19.
42
d’exsudation. Les essences résineuses les plus communes en Europe sont l’épicéa, le sapin, le
pin sylvestre ainsi que le pitchpin, le pin douglas, et le mélèze en moyenne montagne.
Les bois feuillus proviennent d’arbres portant des feuilles, la plupart du temps à feuilles
caduques qui se détachent et tombent en fonction des saisons ; le feuillage tombe en hiver et
ne dure que le temps de la saison de végétation. Le plan ligneux est complexe, ce qui n’est pas
le cas des bois résineux. On trouve des vaisseaux dans ce bois, généralement visibles à l’œil
nu. La structure des feuillus varie beaucoup entre les différentes familles et genres, ce qui
permet d’avoir des essences très diversifiées85.
Zones de provenance
Les différentes essences de bois peuvent être classées selon leur zone d’origine, tempérée ou
tropicale, tout en tenant compte du facteur botanique.
Feuillus des zones tempérées :
Aulne, Châtaignier, Chêne, Cherry (Merisier d’Amérique, Merisier noir), Erable Sycomore,
Frêne, Hêtre, Merisier, Noyer, Orme, Peuplier, Red alder (Aulne rouge d’Amérique), Red oak
(Chêne rouge d’Amérique).
Résineux des zones tempérées :
Douglas, Epicéa, Mélèze, Pin maritime, Pin sylvestre, Sapin, Sitka spruce (Epicéa de sitka),
Western hemlock (Pruche de l’ouest), Western red cedar (Cèdre rouge).
Feuillus des zones tropicales:
Acajou d’Afrique (Acajou bassam ou Acajou blanc), Amarante (bois violet), Azobé86 Balau
yellow, Balsa87, Basralocus (Angélique, ou Teck de Guyane = appellation impropre),
Bubinga, Curupixa, Dibétou (Noyer d’Afrique, appellation impropre), Doussié, Framiré,
Liomba, Imbuia, Iroko, Jelutong, Jongkong, Kapur, Kempas, Keruing, Kosipo, Koto, Lauan,
White, Limba, Louro vermelho, Makoré, Mansonia, Méranti, Dark red, Merbau, Moabi,
Mongo (Acajou d’Amérique), Niangon, Obéché, Okoumé, Ramin, Sapelli, Sipo, Teak,
Tiama, Virola88.
Disponibilité
Les essences peuvent également être classées selon leur disponibilité et par ordre
décroissant89 :
85Idem.,p. 20-21 86C’est un bois très lourd, donc très dur, nerveux et difficile à travailler (éclate et se fend en échardes). Par
conséquent il est très peu utilisé dans le meuble. 87Bois, trop léger, donc très tendre et peu résistant est impropre à la fabrication de meubles. En revanche il rend
de grands services aux designers comme bois pour leurs maquettes. 88Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, Paris, CTBA, éditions Eyrolles, 1997, p. 7-8. 89Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op.cit., p.73. Caractériser la disponibilité des essences sur le
marché est extrêmement délicat, de nombreux facteurs pouvant modifier ce classement tels que la politique
43
Importante :
Azobé, Curupixa, Limba, Red oak, Balau yellow, Douglas, Okoumé, Sapin, Balsa, Epicéa,
Peuplier, Chêne, Hêtre, Pin Maritime, Cherry, Iroko, Pin sylvestre.
Régulière :
Bubinga, Châtaignier, Framiré, Frêne, Liomba, Jelutong, Jongkong, Kapur, Kempas, Keruing,
Kosipo, Koto, Lauan, white, Makoré, Mansonia, Mélèze, Merbau, Merisier, Moabi, Mongo,
Obéché, Ramin, Red alder, Sitka spruce, Teck, Tiama, Virola, Western hemlock, Western red
cedar.
Limitée :
Acajou d’Afrique, Amarante, Aulne, Basralocus (Angélique), Dibétou, Doussié, Erable
sycomore, Imbuia, Louro vermelho, Meranti, Dark red, Niangon, Noyer, Orme, Sapelli, Sipo.
La disponibilité des essences change. Au cours des années 20, l’Acajou était très utilisé alors
qu’il l’est aujourd’hui beaucoup moins ; la cause n’en est pas seulement une question
de « mode » mais essentiellement une question de disponibilité et de rareté, voire
d’interdiction de commerce pour l’Acajou de Cuba. A la question de la disponibilité des
différentes essences s’ajoute celle des prix, deux facteurs indissociables.
Prix
Voici le classement des essences selon leur prix, par ordre décroissant :
Elevé :
Acajou d’Afrique, Chêne (selon qualité), Cherry, Doussié, Erable sycomore, Frêne, Merisier,
Mogno, Niangon, Noyer, Orme, Red Oak, Sapelli, Sipo, Teck, Western red cedar.
Moyen :
Amarante, Aulne, Azobé, Balau yellow, Balsa, Basralocus (Angélique), Bubinga, Châtaignier,
Chêne (selon qualité), Curupixa, Dibétou, Douglas, Framiré, Hêtre, Ilomba, Iroko, Jelutong,
Jongkong, Kapur, Kempas, Keruing, Kosipo, Lauan, White, Louro vermelho, Makoré,
Mansonia, Mélèze, Méranti, Dark red, Merbau, Moabi, Obéché, Okoumé, Ramin, Red alder,
Tiama , Virola
économique des pays producteurs, les fluctuations monétaires et commerciales, l’évolution de la demande en
fonction de la demande.
44
Modéré :
Epicéa, Koto, Limba, Peuplier, Pin maritime, Pin sylvestre, Sitka spruce, Sapin, Western
hemlock90.
On peut se demander si, au cours des années 70, l’usage intensif d’essences peu coûteuses tels
que l’épicéa, le pin et le sapin, ne serait pas lié à la crise pétrolière, à la concurrence des
produits et à la diminution du pouvoir d’achat des ménages (on peut aussi penser à
l’accompagnement judicieux et réussi de cette crise par le géant suédois IKEA - et par ses
suiveurs -, dont la quasi totalité des modèles étaient et sont toujours faits en pin, épicéa et
bouleau, d’une grande disponibilité donc peux coûteux).
Usage (utilisation)
Il s’avère également intéressant, pour la suite de notre propos, de classer les essences en
fonction leurs principaux usages:
Menuiserie extérieure :
Bubinga, Châtaignier, Chêne, Curupixa, Douglas, Doussié, Framiré, Imbuia, Iroko, Kapur,
Kempas, Kosipo Limba, Louro vermelho, Makoré, Mansonia, Mélèze, Méranti, Dark red,
Merbau, Moabi, Mogno, Niangon, Pin maritime, Pin sylvestre, Sapelli, Sipo, Tiama, Western
red cedar.
Menuiserie intérieure :
Acajou d’Afrique, Amarante, Aulne, Basralculos, Budinga, Châtaignier, Chêne, Curupixa,
Dibétou, Douglas, Doussié, Epicéa, Erable sycomore, Framiré, Frêne, Hêtre, Ilomba, Imbuia,
Iroko, Jongkong, Kosipo, Koto, Lauan, white, Limba, Louro vermelho, Makoré, Mansonia,
Mélèze, Merbau, Merisier, Moabi, Mongo, Niangon, Noyer, Obéché, Okoumé, Orme,
Peuplier, Pin maritime, Pin sylvestre, Ramin, Red oak, Sapelli, Sapin, Sipo, Sitka spruce,
Tiama, Virola, Western hemlock, Western red cedar.
Moulure :
Aulne, Framiré, Ilomba, Koto, Limba, Louro vermelho, Mogne, Obéché, Okoumé, Peuplier,
Pin maritime, Pin sylvestre, Ramin, Sapin, Sitka spruce, Virola, Western hemlock.
Meuble :
Amarante, Aulne, Basralocus, Châtaignier, Chêne, Cherry, Curupixa, Dibétou, Erable
Sycomore, Framiré, Hêtre, Ilomban Iroko, Jelutong, Kapur, Kosipo, Louro vermelho,
Makoré, Mansonia, Merisier, Moabi, Mogno, Noyer, Orme, Pin maritime, Pin sylvestre, Red
Oak, Teak.
90Idem., p. 73. Ce classement est destiné à donner un ordre de prix de l’essence par rapport aux autres essences.
De nombreux facteurs peuvent le modifier tels que la qualité du lot, le volume, l’état du brut (humidité, plot,
avivé, etc.), le circuit de distribution (scieur, importateur, négociant, etc.)
45
Ebénisterie :
Bubinga, Dibétou, Erable sycomore, Imbuia, Kosipo, Mansonia, Merisier, Mongo, Noyer,
Sapelli, Sipo, Teck, Tiama.
Contreplaqué :
Aulne, Curupixa, Epicéa, Framiré, Ilomba, Imbuia, Jelutong, Jongkong, Kapur, Keruing,
Koto, Lauan, White, Limba, Louro vermelho, Makoré, Méranti, Dark red, Moabi, Niangon,
Obéché, Peuplier, Pin maritime, Ramin, Sapelli, Sipo, Sitka spruce, Tiama, Virola.
Placage décoratif :
Acajou d’Afrique, Bubinga, Dibétou, Erable sycomore, Frêne, Imbuia, Iroko, Kosipo, Koto,
Limba, Louro vermelho, Makoré, Mansonia, Merisier, Moabi, Mogno, Noyer, Orme, Sapelli,
Sipo, Teak, Tiama91.
Il est intéressant de remarquer que les essences utilisées pour la confection du contre-plaqué
et le placage décoratif ne sont pas les mêmes que celles entrant dans la fabrication des
meubles en général. En s’attardant sur certaines essences, nous verrons également que
l’emploi de chacune dépend beaucoup de ses qualités et caractéristiques propres. Nous
observons également qu’une essence comme le pin est très utilisée dans quasiment toutes les
catégories, très probablement en raison de sa grande disponibilité et de son prix modéré et que
le chêne joue également un rôle important. Soulignons enfin que dans le cadre du travail
d’ébénisterie et du placage décoratif, les essences auxquelles on fait appel sont bien souvent
les plus onéreuses et les moins disponibles, tels : l’acajou, le noyer, l’orme, l’érable, le sipo
ou le sapelli.
Concernant les espèces les plus couramment utilisées en France, Dominique Coutrot écrit :
Notre forêt est dominée par trois essences feuillues : le chêne pédonculé, le chêne rouvre et le hêtre. On
trouve également en quantité importante des peupliers. D’autre part, en France, les quatre principales essences
de résineux sont le pin maritime, le sapin pectiné, le pin sylvestre et l’épicéa. Cependant, en dehors de ces
espèces les plus abondantes en quantité, un certain nombre d’espèces a une grande importance
commercialement parlant. Il s’agit des fruitiers, du noyer commun et du frêne. La France est un des seuls pays
au monde à posséder ces essences en quantité appréciable et à avoir une production significative,
économiquement parlant92.
Nous reviendrons sur ce point dans un chapitre suivant ayant trait à la France et à son mobilier
en bois.
91Idem. p.77-78 92Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.21
46
* * *
En conclusion, retenons surtout la comparaison évidente entre l’arbre et l’être vivant faite par
plusieurs spécialistes du bois.
De même, il est important de noter que la classification des essences de bois se fait non
seulement en fonction de son aspect extérieur, mais également selon des critères, comme
l’aspect botanique, la zone de provenance, la disponibilité, le prix et bien entendu son usage.
47
LES ESSENCES DE BOIS
LES ESSENCES ET LEURS CARACTERISTIQUES
Le choix des essences
Il était difficile de faire un choix entre ces diverses essences de bois. Nous avons donc choisi
de privilégier les essences de bois les plus couramment utilisées dans le meuble et en
ébénisterie, en fonction de l’abondance des illustrations et documents que nous avons
consultés, ainsi que des nombreux magazines étudiés93.
Les essences non exotiques et non fruitiers
Bouleau, Betula pendula (Betulaceae)
On distingue le Bouleau Verruqueux (Betula verrucosa), le Bouleau Pubescent (Betula
pubescens) appelé aussi bouleau blanc ou bouleau pleureur (Birch aux Etats Unis) et le
Bouleau noir. Le bois de bouleau peut provenir de deux arbres d’une espèce très voisine qui
furent longtemps confondus sous une même dénomination : le bouleau blanc (cf.vol.2, annexe
1, p.31).
Utilisation et Historique
Depuis l’Antiquité, ce bois est connu pour être employé à la fabrication de meubles courants.
Utilisé pour les carcasses de meubles et les sièges garnis; il l’était également pour des fonds
de meubles (meubles régionaux), lorsqu’on manquait d’autres bois. Ce n’est qu’au 20ème
siècle et sous l’influence des pays scandinaves que le bouleau devient un bois d’ébénisterie.94.
Selon Le Grand livre International du bois, c’est un bois qui donne des grumes de très haute
qualité et un bon placage par « déroulage ». C’est ainsi que ce bois est plutôt utilisé sous
forme de contreplaqué que de bois massif. C’est néanmoins un bois très résistant qui fait
également un excellent contreplaqué de construction. Sa plus fameuse utilisation demeure,
sous la Seconde Guerre Mondiale, la fabrication des avions anglais « Mosquitos »95 , l’âme du
contreplaqué de la carlingue étant par endroits en balsa, pour la légèreté.
93Dans ce qui suit, pour ne froisser aucun puriste et pour la clarté de l’exposé on voudra bien comprendre le
terme « meuble » au sens générique, et le mot « ébénisterie » au sens restrictif d’une technique introduite puis
développée en France et en Allemagne après la Renaissance Italienne (l’Intersia) : technique consistant à coller
des feuillets minces (à l’origine d’ébène) ou placages de bois décoratifs sur un support structuré d’aspect neutre
(en bois massif autrefois, en panneaux porteurs aujourd’hui). Ceci étant posé, force est de reconnaître que le
terme « ébénisterie » a depuis longtemps, même chez l’artisan français, trouvé un sens générique englobant
l’ensemble des techniques permettant la réalisation de mobilier, du rustique meuble campagnard en bois massif
au guéridon délicat et sophistiqué en marqueterie à fleurs de style Louis XV. De fait, l’artisan en meubles est
devenu « ébéniste » par un consensus quasi général. 94Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénistérie dans le mobilier français, op. cit. p.50-51 95Collectif, Le Grand livre International du bois, Paris, Nathan, 1977, p.233
48
Si le bouleau est relativement peu utilisé en France (les troncs maigres et tors des bouleaux
français se prêtent mal au sciage ou au déroulage), il l’est en revanche abondamment dans les
pays scandinaves et surtout en Finlande. L’exemple le plus célèbre demeure bien évidemment
le mobilier conçu par Alvar Aalto, qui utilise le bouleau en massif, en contre-plaqué et en
lamellé, bien avant la Seconde Guerre mondiale96. Nous y reviendrons ultérieurement.
Chêne, Quercus spp. (Fagaceae) :
Selon Madame Viaux-Locquin, on trouve huit espèces de chêne en France. Par contre, le nom
de chêne employé seul recouvre trois espèces (cf.vol.2, annexe 1, p.32), qui occupent plus de
30 % de la surface boisée de la France97.
Notons surtout le Quercus pedunculata = Q. robur (chêne blanc ou chêne pédonculé), qui sert
de référence au public français et qui est le plus important en termes de commerce98 99, mais
aussi le chêne rouvre, Quercus sessiflora = Q. petraea ; difficilement distinguable du chêne
pédonculé100. Enfin, le chêne pubescent, Quercus pubescens.
Utilisation et Historique
Une grande partie du patrimoine mobilier français est en chêne. Il est quasi impossible au
consommateur de faire la distinction entre le bois des différentes espèces de chênes, en
particulier des trois susnommés.
Les Romains s’en servaient déjà pour la fabrication de mobilier. Les plus anciens meubles
parvenus jusqu’à nous sont en chêne. Au 16ème siècle, le chêne est concurrencé par le noyer,
plus aisé à sculpter ; mais les plus beaux meubles restent fabriqués en chêne. Malgré la
« mode » des cabinets plaqués d’ébène au 17ème siècle, le chêne garde une place privilégiée
dans l’ensemble du mobilier.
A partir de la Régence, et en dépit de la vogue qu’ont connu les meubles plaqués et marquetés
de bois exotiques, le chêne demeure prisé pour les bâtis des meubles les plus soignés. De
même, le chêne, souvent doré, sert à la confection d’un grand nombre de consoles
d’appliques.
A partir du 18ème siècle, si le chêne massif n’est que parcimonieusement utilisé pour le
mobilier de l’aristocratie, il est en revanche très plébiscité par la bourgeoisie et le milieu rural,
surtout dans les régions de production.
A partir du 19ème siècle, les artisans locaux le remplace régulièrement par le noyer, le merisier
et d’autres essences fruitiers plus faciles à sculpter. Toutefois, le chêne retrouve, pendant cette
période, une importance dans la fabrication du « mobilier de ville ».
La mode des meubles néo-gothiques le remet au goût du jour, avec la fabrication de luxueux
ensembles et le Second Empire le préfère pour l’imitation du mobilier médiéval ou de la
Renaissance.
96Pour plus d’information sur le mobilier d’Alvar Aalto voir Alvar Aalto designer, collectif, Paris, Gallimard,
2003 pour l’édition française. 97Viaux-Locquin, Les bois d’ébénisterie dans le mobilierfrançais, op.cit., p.71 98Collectif, Le Grand Livre International du Bois, op.cit., p.254. 99Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p. 21 100Idem..
49
Le XX e siècle ne dédaigne pas le chêne mais le bois n’est plus uniquement ciré; il est teinté,
décoloré, cérusé, sablé. Aux salons des Arts ménagers ou aux salons des Artistes décorateurs
entre les deux guerres, il est rare qu’on ne présente pas du mobilier en chêne. Les grands
décorateurs, Legrain, Adnet, Gabriel, Old, Gascoin exécutent chambres à coucher, salles de
séjours, salles à manger en chêne.
Bien que concurrencé par l’importation de nombreux bois africains, le chêne reste un bois
noble et apprécié101.
Le chêne n’est pas utilisé qu’en France, il l’est également dans de nombreux pays tels que
l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal et ceci depuis des siècles.
On note aujourd’hui un regain d’intérêt pour son utilisation au sein du mobilier contemporain
partout en Europe, même dans les pays scandinaves pourtant habituellement plus portés vers
le pin, le bouleau et le frêne.
Le chêne est utilisé en menuiserie extérieure et intérieure, pour les parquets, escaliers,
charpentes, traverses, l’agencement et les meubles102.
Cependant, le morcellement de la propriété forestière, la dispersion en forêt des chênes « matures », le mode
d’approvisionnement des scieries (coupes sur ventes directes, ou sur ventes aux enchères de l’ONF), et la
demande de qualité supérieure font que le bois de chêne apte à la réalisation de meubles est affecté aujourd’hui
en France d’une part d’aspects divers et de singularités déclassantes, d’autre part d’un coût global élevé. Assez
souvent, l’industriel préfère donc acheter son chêne aux USA, où l’arbre fait l’objet de clonages et de
plantations. Les sciages, plus constants en qualité, atteignent, secs et livrés, un coût global moindre que le
français. Plus régulière, la qualité d’aspect est certes moins graphique, et donc moins prisée par l’amateur de
meubles soucieux de chêne authentiquement régional, mais le rendement matière est meilleur, et le prix convient
au plus grand nombre103.
Epicéa, Picea excelsa = P. abies (Pinaceoe)
Arbre de Noël par excellence104, il est, après le pin, le conifère le plus utilisé105. (cf.vol.2,
annexe 1, p.33).
Utilisation et Historique
Lorsque l’on parle d’un meuble en bois résineux, il s’agit très souvent d’épicéa. Ce bois est
souvent confondu avec le sapin qui lui est pourtant inférieur en qualité. On l’utilise pour les
carcasses de meubles.
En raison de la tendresse de son bois, donc et sa facilité à travailler, il est fort apprécié pour la
fabrication de meubles modernes dits « rustiques »106, ainsi que pour les meubles dits « de
gamme économique », en particulier les meubles à monter soi-même, dits « meubles en kit ».
Ses caractéristiques mécaniques varient beaucoup selon les conditions de croissance107.
101Idem. p.71-73. 102Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.22 103Citation de François Plassat. 104Idem. p. 27. 105Collectif, Le Grand Livre International du bois, op. cit., p.263 106Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p. 99 107Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit. p. 27-28.
50
Ce bois est utilisé en menuiserie intérieure, pour la charpente contreplaquée, pour les poteaux,
en ossature, en moulure, pour les lambris108. Il est souvent utilisé comme cœur pour le
contreplaqué109.
Erable , Acer (Aceraceae)
Il existe environ quinze cent espèces d’érable dans l’hémisphère nord. En France, il en pousse
cinq; deux d’entre elles sont utilisées en ébénisterie, ainsi qu’en lutherie ; l’érable Sycomore,
(acer pseudoplantanus) et l’érable moucheté (acer saccharum). L’érable Plane (acer
platanoïdes) est rarement utilisé en ébénisterie (cf.vol.2, annexe 1, p.34).
Utilisation et Historique
L’érable sycomore est surtout employé en menuiserie haut de gamme, pour le parquet et le
placage décoratif, mais également pour des meubles et en ébénisterie. C’est un bois dont la
disponibilité est limitée et par là même dont le prix est élevé110. Les premiers vestiges de son
utilisation remontent aux romains qui s’en servaient pour le placage. Au 17ème siècle,
l’ébéniste Oeben l’utilise pour exécuter son fameux décor de marqueterie de cubes en
perspective111. L’érable sert également de fond à des décors composés avec des bois plus
foncés. Comme la plupart des bois clairs, il revient à la mode sous la Restauration ; moment
où l’érable moucheté devient d’un emploi courant. Sous le Second Empire, on lui préfère les
bois sombres, et il est donc souvent utilisé pour du mobilier plus usuel. Il connaît un nouvel
essor au temps de l’Art Nouveau et est fréquemment utilisé entre les deux guerres par les
artistes décorateurs français112.
Au début des années 90, avec le retour en grâce du mobilier en bois clair, l’utilisation de
l’érable sycomore pour la fabrication du beau mobilier est fréquente dans beaucoup de pays
européens. Les érables ont donc fourni à l’ébénisterie française des bois d’excellente qualité.
Le sycomore est un beau bois blanc, très clair et très utile pour obtenir, par teinture, des
couleurs comme le vert et le bleu et pour imiter le merisier ou l’acajou. Il est utilisé aussi bien
en massif qu’en placage ou qu’en marqueterie. Son fil parfois ondé, ainsi que ses loupes sont
très recherchés113, notamment pour la lutherie.
L’érable fait lui aussi l’objet d’un courant d’importation relativement important depuis les
USA et le Canada, qui offrent des lots suivis en couleur et qualité, dans la catégorie « Hard
Maple ».
108Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p. 27. 109Collectif, Le Grand Livre International du bois. op. cit., p.263 110Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p. 28. 111Jean-François Oeben (1721-1763). Ebéniste français. Il a travaillé dans l’atelier de André-Charles Boulle et
devint ébéniste du roi en 1754. Il réalisa des meubles pour Louis XV et Mme de Pompadour. Le début de sa
carrière est marqué par le style Louis XV puis il évolue vers un style dit grec caractéristique des années 1760-
1765. Il est réputé pour ses petits meubles à mécanismes et ses marqueteries d’une grande finesse. Son œuvre le
plus célèbre est le bureau du roi Louis XV, achevé après son décès par l’ébéniste Jean-Henri Riesner . Oeben se
fit une spécialiste du motif de cubes exécuté à l’aide de losanges d’essences de bois différentes. Le décor
géométrique est annonciateur des début du néoclassicisme (source : www.louvre.fr/llv/oeuvres/detail_notice.jps) 112Viaux-Locquin, J, Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.103-104. 113Voir magazines Marie Claire Maison, Elle Décoration, Domus et Form de cette période.
51
Frêne, Fraxinus excelsior (Oleaceae)
Le frêne est présent dans quasiment toute l’Europe114 (cf.vol.2, annexe 1, p.35)
Utilisation et Historique
C’est à partir du 16ème siècle que l’on commence à utiliser le frêne pour le mobilier. Il est
assez peu employé dans le mobilier de campagne (il y est surtout utilisé en outils et chars
agricoles, pour sa résistance et sa résilience) mais plus fréquemment dans le mobilier de la
ville et souvent utilisé en association avec d’autres bois. C’est seulement à partir de l’Empire,
avec le retour aux bois indigènes lié au blocus continental en 1806, que l’utilisation du frêne
est favorisée. Sous la Restauration, le goût pour les bois clairs renforce son utilisation pour
tout type de mobilier. Son intérêt décroît jusqu’à l’époque de l’Art Nouveau qui remet les bois
indigènes au goût du jour. Après la Seconde Guerre mondiale, le frêne connaît un regain
d’utilisation important chez les ébénistes-décorateurs français115. Depuis lors, il est plébiscité
par les créateurs notamment pour son excellente élasticité permettant moulage et cintrage.
Le frêne est surtout utilisé en menuiserie intérieure, pour le parquet, l’agencement, pour les
pièces tournées, les articles de sport, les manches d’outils frappants ainsi que pour le placage
décoratif et les pièces cintrées pour sièges.
L’exemple le plus célèbre est celui de l’Autrichien Michaël Thonet (1796-1871) qui utilisait
le frêne, tout comme le hêtre, assouplis à la vapeur, pour ses meubles en bois, cintré et/ou
moulé, ce qui valut une renommée mondiale aux chaises, fauteuils volutes et porte-manteaux
des « Gebrüder Thonet », dont la technique fut reprise – notamment avec du hêtre - en France
à grande échelle par la Société Baumann, dans le Jura à Colombier-Fontaines dans les années
1960 à 1990, dont deux des produits bien connus sont la chaise bistrot en hêtre courbé et le
fameux porte manteaux-porte chapeaux de bistrot, tout en volutes116.
Hêtre, Fagus Sylvatica (Fagaceae) :
Le hêtre est présent dans tout le centre de l’Europe, en plaine comme en montagne117. C’est,
après le chêne, l’une des essences les plus répandues dans la forêt française (cf.vol.2, annexe
1, p.36)
Utilisation et Historique
Déjà les Romains l’employait pour fabriquer le mobilier, mais son emploi en tant que bois
unique dans le mobilier des campagnes n’est pas fréquent. Concernant le mobilier des villes,
il est surtout utilisé en association avec d’autres essences. Au 18ème siècle, il est surtout
réquisitionné par les menuisiers pour confectionner toutes sortes de sièges du fait qu’il se
travaille aisément. A la fin du 19ème siècle, il a souvent servi à l’imitation d’autres bois tels
que le merisier, le palissandre, l’acajou. On le retrouve aussi chez les créateurs de l’Art
114Source : www.site-en-bois.net 115Viaux-Locquin, J.,Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.107-109. 116Source : M. François Plassat 117Source : www.site-en-bois.net
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Nouveau, qui privilégient l’emploi des bois indigènes. C’est donc un bois qui, en France, a été
employé de tous temps118.
L’essence se teint facilement et peut être utilisée en remplacement du merisier, de l’acajou ou
du noyer. Elle résiste très bien aux chocs et est très flexible après étuvage (ce qui explique son
utilisation pour le mobilier en bois cintré ou moulé). Sa disponibilité étant avérée, c’est un
bois de prix moyen119 et pour cette raison très utilisé depuis de nombreuses d’années,
notamment au début des années 90, période de la « mode » du mobilier en bois clair120.
Ce bois est surtout utilisé pour la menuiserie intérieure, le parquet, les pièces tournées, le
contreplaqué, les pièces cintrées et le mobilier.
Actuellement il l’est par déroulage et entre dans la fabrication de cuisines ou de mobilier
scolaire121, ainsi que de chaises domestiques de style, souvent teintées acajou, qui
accompagnent solidement et économiquement des tables en merisier teinté du même style.
Parce qu’il est particulièrement sujet à une variation dimensionnelle forte dans son épaisseur
et sa largeur, et donc à une certaine liberté quant au respect de sa planéité initiale, le hêtre
massif n’a quasiment été utilisé, historiquement, que très peu en largeur supérieure à 25-30
centimètres (par exemple marches d’escalier). En revanche, la quasi totalité de ses emplois
massifs connus couvre des pièces de meubles à fort élancement et de faible section (par
exemple structures d’armoires, piétements de tables, chaises…), dont les variations minimes
de section sont sans effet notable sur l’aspect et la stabilité de l’ouvrage.122
Ses utilisations les plus connues dans le domaine du design de mobilier sont principalement
celles de Thonet, Charles Eames et Arne Jacobsen, qui l’ont essentiellement utilisé en profils
de faible section pour leurs sièges, pour la raison évoquée ci-dessus, mais également pour sa
solidité et sa résilience.
En revanche, grâce aux progrès de l’étuvage stabilisant et du séchage artificiel, l’industriel
SELTZ en Alsace fut le premier à l’utiliser avec bonheur vers 1990, en remplacement de
l’orme qui se faisait rare (suite à maladie), sous forme assez audacieuses de panneaux massifs
larges par bouvetage (portes d’armoires, plateaux de tables, etc.), beaucoup moins sujettes à
déformation qu’autrefois.
Orme, Ulmus campestris, (Ulmaceae) :
Présent en Europe Occidentale et Méridionale, il fut assez commun et abondant en France,
notamment dans les vallées du Rhin, de l’Adour et du Bassin Parisien123 (cf.vol.2, annexe 1,
p.37).
Historique utilisation :
A partir du 18ème siècle, les paysans peu fortunés l’utilisent pour remplacer le chêne, car il
fait des très belles loupes. Son utilisation, excepté dans le Nord de la France, reste marginale.
Certains ébénistes l’utilisent lorsque, à la suite du blocus continental en 1806, les bois
118Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.121-122 119Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p. 31. 120Voir la revue Marie Claire Maison de ces années là. 121Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op.cit., p.122 122Source : M. François Plassat 123Source : www.site-en-bois.net
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exotiques se raréfient. Mais c’est surtout sous le règne de Louis XVIII que se développe la
mode des bois indigènes. Dès le règne de Charles X, les goûts changent. On préfère dès lors
les bois foncés aux bois clairs124.
En raison de ses grains grossiers, irréguliers avec des zones poreuses, c’est un bois qui sèche
lentement et difficilement et présente de gros risques de déformations. C’est aussi pour cela
que c’est un bois absorbant. Son prix reste élevé, du fait de sa faible disponibilité. Ce bois est
surtout utilisé dans la menuiserie intérieure, les meubles, les parquets, le placage décoratif,
mais également pour les pièces tournées ou cintrées. Les loupes d’ormes sont utilisées en
décoration125. Cependant, le bois d’orme marchand n’est plus que très peu disponible, l’arbre
étant attaqué par une maladie cryptogamique qui l’a quasiment fait disparaître des forêts
françaises126, ainsi que des villes où il bordait les rues. Des espèces voisines, résistantes, sont
en cours d’expérimentation par l’INRA127.
Peuplier, Populus , (Salicacea) :
Dans les régions froides et tempérées de l’hémisphère Nord, on en trouve une cinquantaine
d’espèces différentes. En revanche, en France, seules trois espèces croissent spontanées : le
peuplier tremble, le peuplier blanc et le peuplier noir128 (cf.vol.2, annexe 1, p.38).
Historique et utilisation :
Se trouvant facilement, c’est un bois à prix modéré surtout utilisé en menuiserie intérieure,
des moulures et du contreplaqué129.
Autrefois, il était utilisé surtout pour les intérieurs de meubles, les tiroirs, les tablettes et les
fonds. Il l’est d’ailleurs encore, par les artisans de tradition. Il était connu des Grecs et des
Romains et son emploi est attesté dès le Moyen-âge. Il est employé dans le mobilier des
campagnes comme bois secondaire, et uniquement pour les parties non visibles, comme les
bâtis. Selon Madame Viaux-Locquin le peuplier a surtout, en raison de sa faible valeur
marchande, été utilisé pour la fabrication de meubles d’usage courant qui n’ont pas été
conservés130. Son défaut principal est qu’il est très tendre, et garde donc la trace des coups et
rayures. Des tentatives récentes par de grands fabricants, même en sa variété la plus dure sous
une belle finition : l’Ypréau, se sont soldées par des échecs commerciaux, d’ailleurs plus liés
à sa perception comme bois d’emballage qu’à ses faibles performances de surface, car en
France un décret impose d’étiqueter les meubles en donnant le nom véritable du bois
utilisé131.
124Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op.cit., p. 148-149. 125Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p.57. 126Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.149. 127L’Institut National de la Recherche Agronomique (www.inra.fr) 128Source : www.onf.fr/foret/flore/arbres/peuplier.fr 129Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p.58 130Viaux-Locquin, Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.163-164. 131Source: M. François Plassat
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Pin, (Pinaceae) :
Nous distinguons quatre pins différents : le pin à crochets (pinus uncinata = p. montana), le
pin cembro (pinus cembra), le pin maritime (pinus pinaster) et le pin sylvestre (pinus
sylvestris). (cf.vol.2, annexe 1, p.39 et 40)
Historique et utilisation :
Mélangé à l’épicéa, il (pin sylvestre) forme d’immenses forêts en Suède, en Finlande, en Russie et en Sibérie.
(…) Pour l’Europe, il constitue la principale essence résineuse132.
Sa disponibilité est importante et son prix modéré.
L’ensemble des bois résineux est souvent qualifié, à tort, de sapin. Il en est de même pour le
pin.
Depuis très longtemps, le pin a été employé pour le mobilier régional, puisqu’on utilisait le
bois disponible sur place. Aujourd’hui, le pin sylvestre est employé pour le mobilier dit
« rustique » ainsi que pour le mobilier moderne comme le meuble en kit133.
Il est également utilisé en menuiserie extérieure et intérieure, mais aussi pour les moulures, le
parquet, les lambris et les poutres lamellées-collées134.
Il a été très employé dans le mobilier des années 70, quand la mode en France était au
mobilier en pin (meubles économiques) et en teck (milieu et haut de gamme), sous influence
scandinave forte. A partir de 1981, IKEA en diffuse en France et en Allemagne à très bas
prix, très vite suivi par des concurrents, tels FLY, HABITAT, CONFORAMA, etc. De même,
il constitue depuis le Moyen Âge le bois le plus utilisé dans les pays scandinaves.
Sapin, Abies pectinata = A alba, (Pinaceae)
C’est une espèce qui ne croît qu’en Europe. Son aire naturelle d’expansion se limite aux
régions montagneuses et à une petite zone de Normandie135. Il est présent dans tous les
massifs montagneux d’Europe occidentale et centrale. En France, on le trouve fréquemment
dans les massifs des Vosges, du Jura, du Massif Central, des Pyrénées et des Alpes136
(cf.vol.2, annexe 1, p.41)
Historique et utilisation
C’est un bois très disponible, donc à prix modéré. Si ce bois est aujourd’hui majoritairement
utilisé en menuiserie intérieure, pour les moulures, la charpente, les lambris et l’emballage137,
il joue également un très grand rôle dans la fabrication de mobilier. Déjà au 17ème siècle, il
était fréquemment utilisé dans les régions alpines de France, bien qu’il soit considéré comme
un bois de seconde qualité. Au 18ème siècle, il est remplacé par des bois plus durs, tels que le
chêne et le noyer pour la confection du mobilier de ville, mais continue à être très employé
dans les régions jusqu’au milieu du 19ème siècle. Au 19ème siècle, l’ébéniste parisien n’utilise
132Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.26 133Viaux-Locquin, Jacqueline, Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.166-167. 134Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit. , p.59. 135Source: www.onf.fr/foret/flore/arbres/pin.fr 136Source: www.site-en-bois.net 137Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit. , p.65.
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le sapin que pour les parties secondaires du meuble et des éléments du bâti car pour la
fabrication des beaux meubles, on lui préfère le chêne. Le Sapin blanc est importé de Suède et
de Norvège dès le 18ème siècle.
Depuis la fin du 19ème siècle, le sapin est fréquemment utilisé pour des meubles usuels,
comme les meubles de cuisine et le mobilier scolaire, les meubles peints, et plus récemment
pour le mobilier dit « rustique » ou pour le mobilier en kit.
De tous temps, le sapin blanc a été confondu avec l’épicéa138.
Aujourd’hui son utilisation est surtout limitée à la fabrication de mobilier utilitaire139 ou dans
la menuiserie intérieure, pour les moulures, la charpente, les lambris et pour l’emballage140.
Pitchpin, Pinus sqq :
Autres espèces: P. caribaea, P. palustris, P. oocarpa
Il n’est introduit en France qu’à la seconde moitié du 19ème siècle (cf.vol.2, annexe 1, p.42)
Historique et utilisation
Il connaît un grand succès jusqu’aux environs des années 30, où il est utilisé pour le mobilier
courant, en raison de son prix peu élevé pour un bois exotique141.
Force est de constater qu’il a suscité un grand engouement, dû à sa couleur chaude donné par
la résine. On ne trouve aujourd’hui ces meubles qu’en brocante.
Bois exotiques
Acajou, Swietenia
Selon Madame Jacqueline Viaux-Locquin142, l’acajou est l’un des meilleurs bois du monde
(cf.vol.2, annexe 1, p.30) : il est imputrescible, ne subit pas les attaques d’insectes et son
retrait est faible. La découverte de l’acajou remonte à Christophe Colomb qui découvre ce
bois à Haïti en 1492.
Déjà à la fin du 19ème siècle, le véritable acajou (Swietenia mahagani) est devenu rare et donc
très coûteux, si bien qu’on lui préfère souvent un bois africain, le Khaya, qui présente des
caractéristiques analogues.
Le nom acajou vient de la résine dont on enduisait les extrémités des billes pour les protéger
pendant le transport et cette résine provient d’un arbuste nommé Anacardium occidentalis ou
138Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.183-184. 139Idem., p.183-184. 140Benoît, Y., Le guide des essences de bois, op. cit., p. 65. 141Idem., p.168. 142Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op.cit., p.2
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cajou, d’où l’appellation « bois à cajou »143. Les acajous africains (voir ci-dessous) sont
désignés par le mot Khaya. Les anglais utilisent le mot latin Mahagoni en parlant de l’espèce
qui pousse dans les Grandes Antilles.
Ce nom est souvent donné à tort et par analogie valorisante et facile, dans le commerce de
meubles importés d’Asie, à des bois rouges d’origine asiatique, de familles différentes.
Voyons un certain nombre d’espèces botaniques qui portent en français le nom d’acajou.
Acajou d’Amérique, Swietenia magohani (Cuba), Swietenia humilis (Mexiques), Mahagoni
Utilisation et Historique :
On relève trois sources principales d’approvisionnement :
1) Saint Domingue, lieu de commerce florissant au 18ème siècle, est la première source
d’approvisionnement de la France sous l’Ancien Régime. Il s’agit d’un acajou rouge profond
qui fonce à la lumière. C’est un bois très dur mais qui est déjà à sa surface parfaitement lisse
ce qui facilite le polissage ;
2) Cuba, colonie espagnole jusqu’au début du 20ème siècle, fournit un acajou de qualité
inférieure à celui de Saint Domingue. Il est rouge, plus pâle, plus léger, à fil droit et sans
veinage intéressant. Les anglais le désignent sous le nom de « Havana wood » et l’utilisent
surtout au 19ème siècle144. L’acajou de Cuba est également utilisé par les scandinaves et
notamment par le danois Kaare Klint au début du 20ème siècle145.
3) Jamaïque qui, dès 1700, constitue la principale source d’approvisionnement de l’Angleterre
et ce jusqu’à la fin du 19ème siècle. Les quantités importées sont faibles jusqu’en 1730. R. W.
Symonds considère qu’en Angleterre les premiers meubles faits d’acajou datent de 1720-
1725146.
Acajou du Honduras, Swietania macrophylla (Meliacea)
Il est plus tendre et plus léger que l’Acajou de Cuba.
143Charles, A., L’acajou du XVe au XX e siècles, in Revue du bois, 1953, 8, n°7/8, juillet/août, p.5-10 cité par
Viaux-Locquin, J. op. cit., p. 2. 144Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p.3 145Jacobsen, Rikke, Kaare Klint : Pionnier du design danois, Maîtrise en histoire de l’art, La Sorbonne – Paris
IV, sous la direction de M. Bruno Foucart et Mme Arlette Despond-Barré, non publié, juin 2002. 146Symonds, R. W., Early import of mahogany for furniture, in Connoisseur, 1934, vol. 94, p.213-220 et p.275-
281. Cité par Viaux-Locquin, J. Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p.3
57
Historique :
Trois espèces très voisines de l’acajou du Honduras sont spontanées sur le pourtour du bassin de l’Amazone,
mais rarement en peuplement dense. Ce sont au Venezuela « S. candollei » (Sitter 1920) au Pérou, « S.
tessmannii » (Harnis 1927) au Brésil, « S. krukovii » (Gleason et Panshin 1936). Plus pâles et très voisins des
« Khaya africains », ils ont été fort peu utilisés en Europe, qui depuis la fin du XIX e siècle pouvait aisément
avoir recours aux acajous africains147.
Est ici posée la question des empires coloniaux et de l’utilisation des ressources forestières et
essences leur appartenant. Il est important dans la compréhension des phénomènes liés à la
mode et à la disparition de certaines essences.
Acajou d’Afrique, Khaya, (Meliaceae) :
Les acajous africains font leur apparition sur le marché européen vers 1838. On les utilisent
d’abord en Grande Bretagne puis couramment en France à partir de 1878148.
Utilisation et Historique :
La première espèce importée est l’acajou du Sénégal (K. senegalensis) ensuite c’est le Grand Bassin (K.
ivorensis) et plus récemment l’acajou blanc (K. anthoteca) de la Côte d’Ivoire. Pour des raisons de
commercialisation on a tendance à donner le nom d’Acajou à de nombreuses essences de bois bien différentes
des Swietenia et des Khaya. C’est le cas du Sapelli, Sipo, Tiamia (Entandrophragma). On appelle même
quelquefois un noyer (Juglans regia), Acajou d’Europe.
Ainsi dans le mobilier français du XX e siècle l’acajou employé est presque toujours un « Khaya » et
éventuellement pour le meuble bon marché on lui substitue des « entandrophragma ». Les « Khaya » sont des
essences d’ombre poussant isolement ou par petits bouquets. Leur habitat est l’Afrique occidentale et centrale
au Nord de l’équateur149.
Acajou du Sénégal, Khaya senegalensis, (Meliacea) :
Cet acajou est plus dur et plus lourd que les acajous américains des Grandes Antilles.
Utilisation et Historique :
Dès 1816, le Cap Vert exporte du « caïlcédrat » vers Bordeaux notamment. La Gambie en
exporte vers l’Angleterre entre 1879 et 1886. Mais en dépit de ses qualités très voisines des
acajous d’Amérique, cette essence a été peu utilisée en France. Les manuels d’ébénisterie
mentionnent néanmoins son usage entre 1880 et 1914. Actuellement son emploi est
strictement local.
147Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.3 148Idem., p.3-4 149Idem.
58
Grand Bassam, Khaya ivorensis, (Meliacea):
On le trouve en Afrique occidentale, dans la grande forêt humide, et plus particulièrement
dans la partie orientale de la Côté d’Ivoire.
Utilisation et Historique150 :
Commence à être importé en France vers 1880. Les anglais en font venir du Nigéria vers
1896. Son succès en Europe est en partie lié à ses ronces devenues très rares et aux
intéressants veinages de son bois, drapés, ondés ou moirés.
Nous constatons ici un nombre important de différences entre les essences généralement
répertoriées sous l’appellation générique d’acajou.
L’importation de l’acajou commence en Espagne dès 1520151, en Grande Bretagne dès
1699152, et en France elle est connue dès 1700153. Madame Viaux-Locquin cite la présence de
deux encoignures réalisées par l’ébéniste de la Couronne Joseph Poitou, retrouvées dans
l’inventaire d’après décès datant de 1719, et connues comme les plus anciens meubles
français fabriqués en acajou ; elle évoque également une table Boulle détenue par le Musée du
Louvre, avec un bâti en acajou, datant de 1720 environ. Elle signale en outre que les plus
anciens meubles subsistants sont ceux fabriqués par les artisans des régions côtières. Ils sont
en acajou massif et leurs lisses surfaces mettent en valeur le veinage du bois154.
A cette époque l’acajou clair du Honduras (S. macrophylla) est aussi souvent employé que l’acajou
foncé de Saint-Domingue (S. magahoni)155.
Au début du XVIII e siècle, l’ébénisterie parisienne est encore dominée par l’emploi des bois sombres.
C’est seulement avec la Régence que lentement le goût de la riche clientèle évolue et que l’emploi des bois
exotiques de couleur se généralise. Amarante, bois de rose, palissandre deviennent à la mode. Mais l’acajou peu
facile à sculpter et à chantourner s’adapte mal au style Régence et Louis XV156.
On trouve ici un premier exemple d’une utilisation du bois en fonction de sa densité. En effet,
l’acajou étant un bois dur et difficile à travailler, il ne s’adapte pas aux courbes du style Louis
XV.
C’est Madame de Pompadour qui va le remettre au goût du jour lorsqu’elle commande à
Lazare Duvaux en 1756 six commodes en acajou massif pour le Château de Crécy. A partir de
ce moment, les meubles en acajou vont acquérir leurs lettres de noblesse, le changement de
style favorisant leur utilisation. Les meubles à une surface plane s’adaptent parfaitement à
l’utilisation de ce bois principalement utilisé en placage. Un approvisionnement régulier
encourage son utilisation et à mesure que l’on avance dans le 18ème siècle, la prédominance de
150Pour un historique de l’utilisation de l’acajou plus complété voir Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie
dans le mobilier français, op.cit. p.5-8 151Leclerc, Geneviève, Les essences de bois dans l’ameublement, in Estampille, 1975, nov., n° 71, p.19. Cité par
Viaux-Locquin, J,. Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p. 5 152Latham, Bryan, Timber. Its development and distribution. – Londres, G. Harrap, 1957, p. 155-156 et
Symonds, R. W., Early import of mahogany for furniture, in Connoisseur, 1934, vol. 94, p. 213, 214 et 215.
Cités par Viaux-Locquin, J. Les bois d’énénisterie dans le mobilier français, op. cit. p.5 153Labat (Le Père Jean-Baptiste) O.F.P. Nouveau voyage aux îles d’Amérique, Paris, G. Cavelier et P.F. Giffard,
1722, t. II, p. 455. Cité par Viaux-Locquin, J. Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p.5 154Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p. 5-6 155Idem. 156Idem.
59
l’acajou s’affirme. Sous le Premier Empire, on se souvient principalement des créations de
l’ébéniste Riesener.
La Révolution ne met nullement fin à la carrière de ce bois dont l’approvisionnement doit être difficile. Les
ateliers ont des stocks sans doute importants puisque même le blocus continental (1806) et l’interdiction de
Napoléon (1810) d’employer ce bois n’arrêtent pas la fabrication de meubles en acajou.
(…)
Le retour aux bois indigènes sous la Restauration n’empêche pas l’utilisation de l’acajou, mais dès la fin de
l’Empire l’acajou n’est plus le bois exclusif. La production de meubles en acajou continue cependant non
seulement dans les ateliers qui ont travaillé à l’époque impériale, mais aussi dans ceux récemment ouverts. (…)
Sous Louis-Philippe une production restreinte de meubles en acajou subsiste.
(…)
Le Second Empire est aussi éclectique dans le choix de ses bois, que dans le choix de ses styles : une sorte de
répartition s’établit. Un meuble dit « Renaissance » utilise plus volontiers palissandre, noyer, ébène ou bois
noirci, alors que les meubles imitant le style Louis XVI ou Empire font plutôt appel à l’acajou aux veinages
variés. (…) Le meuble courant se pare aussi de mince et fragile placage d’acajou devenu très bon marché grâce
à l’emploi de la machine outil.
1870-1939
A côté du meuble courant de plus en plus de mauvaise qualité l’acajou continue à intéresser quelques créateurs.
Au début de la Troisième République, alors que le mouvement de l’Art nouveau s’oriente délibérément vers
l’emploi de bois indigènes, l’acajou est encore utilisé. Le Musée d’Orsay présente quelques pièces très connues
de Majorelle et une chambre à coucher de Vallin. Gallé s’est aussi laissé tenter par ce bois.
(…)
1945-1990
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’utilisation de l’acajou devient exceptionnelle.
(…)
L’acajou américain n’existe plus sur le marché. (…) Le meuble courant utilise des Entandrophragma africains
(Sapelli, Sipo, Tiama), qu’on baptise faussement du nom d’acajou157.
Bien que la demande d’acajou soit fonction de la mode du moment, on utilise cette essence en tout temps, pour
les imitations de meubles anciens, les bureaux de travail, les côtés de tiroirs et autres éléments en planches de
mobilier, et enfin les placages décoratifs. La menuiserie fait appel à lui spécialement pour les portes, les
aménagements de boutiques et de guichets. On s’en sert beaucoup en construction navale, car il est léger et
assez durable. Enfin, il constitue un contreplaqué pour tout usage158.
Les acajous ont un prix élevé en raison de leur faible disponibilité159.
Teck , Tectona grandis, (Verbenaceae) :
Présent dans le Sud Est asiatique (Birmanie, Thaïlande) et l’Ouest africain (Cameroun)
(cf.vol.2, annexe 1, p.43).
Historique et utilisation
Ce bois est connu en Asie du Sud Est et aux Indes depuis l’Antiquité, où il est d’abord utilisé
dans le domaine de la construction navale. Il ne commence à être employé en ébénisterie
157Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.6-8 158Collectif, Le Grand livre international du bois, p.246 159Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op.cit., p.12
60
qu’au début du 19ème siècle160. Au 20ème siècle, ce sont les Scandinaves, principalement les
Danois qui utilisent ce bois, à tel point que le mobilier danois des années 50 est connu comme
étant un mobilier essentiellement en teck161.
Le teck est principalement employé dans la construction navale, pour le parquet, le placage
décoratif, pour les meubles d’intérieur et de jardin et en ébénisterie.
Particulièrement surveillée en Birmanie, l’exploitation des tecks matures sauvages fait en
revanche l’objet d’une certaine part de fraude (abattage d’arbres jeunes) et de commerce
clandestin, dans d’autres pays d’Asie. Des plantations organisées avec une gestion correcte de
la replantation y ont donc été décidées pour mieux en contrôler l’abattage et punir les
fraudeurs, ainsi qu’en Afrique, en particulier au Bénin, dont le teck a pu apparaître comme un
bois bon marché dans des meubles vendus en GSA et GSB françaises . Or la qualité du bois
de teck de plantation, selon les experts européens, ne présente pas tout à fait le même niveau
d’imputrescibilité que le teck sauvage. Il est donc apparu deux niveaux de prix dans les
circuits commerciaux, justifiant une certaine valse des prix au niveau du bois, puis des
meubles de jardin, s’appuyant d’une part sur la « légendaire » longévité du bois de teck à
l’extérieur, d’autre part sur la certification de la bonne gestion de la forêt. IKEA (n° 1 mondial
du meuble) ne s’est pas aventuré - pour raison d’image - dans cette ambigüité, et a choisi de
remplacer, dès la connaissance de ces pratiques, toute ses gammes teck par du robinier et de
l’acacia, également imputrescibles, d’origine certifiée, tant que la situation ne s’éclaircit
pas162.
Palissandre, Dalbergia (Leg. Fabacées).
La difficulté du palissandre réside dans le fait qu’il est présent en Amérique, en Asie et en
Afrique, et que certains palissandres sont plutôt connus sous le nom de Bois de Rose ou de
Violette (cf.vol.2, annexe 1, p.44).
Historique et utilisation
On distingue : 1) Les palissandres d’Amérique : le Palissandre de Rio (Dalbergia nigra),
qu’on trouve au Brésil en forêt Atlantique. C’est un bois dur et lourd avec un faible retrait,
moyennement nerveux, de couleur brun rougeâtre à violet, strié de veines plus foncées, quasi
noires. C’est un bois à grain très fin et à la texture homogène. En raison de sa dureté, il est
difficile à travailler, le Palissandre du Honduras (Dalbergia stevensoni) se trouve bien
entendu au Honduras, c’est également un bois dur et lourd, de texture assez grossière
moyennement serrée et de couleur rosé à brun pourpre avec des stries noires irrégulières.
2) Les palissandres d’Asie : le palissandre d’Inde et du Viêt-Nam. Celui de l’Inde est
également présent en Indonésie, en Birmanie et en Thaïlande. Ce bois est moins lourd que les
palissandres d’Amérique et d’Afrique. Sa couleur est brun doré et veinée de stries brunes
foncées violacées, de teinte plus sombre que le Palissandre de Rio. Celui du Viêt-Nam, qui se
160Idem., p.191 161Jacobsen, Rikke, L’influence scandinave dans le mobilier français, DEA sous la direction de B. Foucart et A.
Despond-Barré, Sorbonne-Paris IV, juin 2004, non publié. 162Source : Françoit Plassat
61
trouve également au Laos et au Cambodge, est un bois dur, assez lourd, à grain fin. Sa couleur
est rouge vineux à rose violacé avec veines brunes à noires, et un dessin moins prononcé que
celui du Palissandre d’Amérique.
Il y a également le palissandre d’Afrique, dont celui de Madagascar est le plus connu. C’est
un bois lourd, à retrait moyen, de texture moyennement serrée à grain grossier. Sa couleur est
brun tabac à violet, plus ou moins veiné.
L’usage du palissandre est apprécié en France à toutes les époques depuis son introduction
sous la Régence. Il est utilisé chez de nombreux ébénistes au 18ème siècle, le plus souvent pour
la marqueterie et plus rarement en usage massif. Sous la Révolution et l’Empire, ce bois est
très peu employé en France. Sous la Restauration, ce sont les bois indigènes qui sont mis à
l’honneur. Un regain d’intérêt sous les règnes de Charles X et Louis-Philippe voit l’utilisation
du palissandre s’intensifier. Sous le Second Empire, il sert essentiellement, tout comme
d’autres bois, de support pour la confection de grands décors.
A l’exposition de 1855, le palissandre tient une place importante dans les meubles présentés. Jusqu’à la
fin du siècle, le palissandre est un des bois les plus employé et le plus recherché. Les musées conservent des
meubles de facture soignée où le palissandre est employé comme bois de fond ou seulement comme élément de
marqueterie. Cependant les placages sont de plus en plus minces dans le mobilier courant, fabriqué en série, et
acheté par une nouvelle classe de la société, la bourgeoisie.
L’introduction de la machine-outil dès le début du siècle163 aboutit sous le Second Empire à la
fabrication de meubles bon marché mais de mauvaise qualité où les placages se décollent164.
Le palissandre est très utilisé pendant tout le 19ème siècle. L’Art Nouveau y a peu recours,
tandis qu’il sera le bois le plus utilisé (associé à d’autres bois, non en massif) lors de
l’avènement du style Art Déco. Au 20ème siècle, l’exemple le plus célèbre est celui du
fauteuil-lounge de Charles Eames, qui utilise le palissandre dans sa version moulé. Jusqu’à
récemment, c’était un bois rare, donc onéreux, et a fortiori peu présent sur le marché.165.
Depuis sa première édition, le Palissandre de Rio (D. Nigra) a été inscrit en annexe I de la
CITES, il ne peut donc plus faire l’objet d’un commerce, sauf à faire preuve d’un stock licite
antérieur à la Convention de Washington sur les espèces en voie de disparition166
Amarante, Peltogyne, (Caesalpiniaceae) :
Cette essence provient de la Guyane en Amérique du Sud. On l’appelle également bois de
violette (cf.vol.2, annexe 1, p.45).
Historique et utilisation :
Ce bois était importé depuis le 17ème siècle. A Paris, c’est Charles Cressent167 qui met ce bois
à la mode en l’utilisant pour la confection du mobilier du Duc d’Orléans. Sous le règne de
163Scie-outil ou Scie circulaire. 164Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit. p. 157-158 165 Idem. p. 158-159. 166Consultable sur www.cites.org 167Charles Cressent (1685-1768) : Ebéniste du régent, il fut l’un des créateurs les plus brillants de la première
moitié du 18ème siècle. Formé dans l’atelier de Joseph Poitou, il reprend celui-ci en 1719. Egalement sculpteur et
62
Louis XV, l’amarante est très employé par Oeben, mais sous Louis XVI il est déjà moins à la
mode. Sous la Révolution et l’Empire, en raison des difficultés d’importations, l’acajou est le
seul bois exotique utilisé, et cela uniquement pour des commandes luxueuses. Sous la
Restauration, avec la mode des bois clairs, il sert surtout en incrustations. On atteste
également de son utilisation au 19ème siècle, mais non plus en massif comme au 17ème siècle.
La scie mécanique permet maintenant de faire des très fines feuilles pour le placage et son
utilisation persiste dans la marqueterie. A la fin du 19ème siècle, les bois indigènes sont à la
mode dans le mobilier. Au 20ème siècle, on continue à les trouver dans la marqueterie,
notamment pendant la période Art Déco, entre autres chez J.E. Ruhlmann168.
De nos jours, ce bois offre une faible mais régulière disponibilité, mais son prix reste élevé.
L’amarante est essentiellement utilisé en menuiserie intérieure et extérieure ainsi qu’en
marqueterie et mobilier169.
Balsa, Ochroma lagopus SW. – O. pyramidale urb.
Originaire des forêts équatoriales d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale. Cultivé en
Afrique et en Asie (cf.vol.2, annexe 1 ; p.46)
Historique et utilisation
Sa disponibilité est importante et son prix modéré. Il est surtout utilisé pour l’isolation
thermique, les maquettes, les modèles réduits, les jouets ainsi que les panneaux sandwich170.
Pas d’utilisation dans le domaine du mobilier de taille normale.
Iroko, Chlophora excelsa, (Moraceae) :
Provient de l’Afrique Tropicale : Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon (cf.vol.2, annexe 1, p.47).
Historique et utilisation
Sa disponibilité est importante, d’où son prix moyen171. Il est principalement utilisé en
menuiserie extérieure et intérieure - parquet, escalier, agencement - en construction navale, en
placage décoratif et en mobilier.
ciseleur fondeur, il ornait, comme Boulle, ses meubles de bronze doré d’une grande richesse. Ces appliques se
détachaient sur un placage géométrique d’amarante et de satiné. (source www.lesartsdecoratifs.fr) 168Idem. p.18-19. 169Benoît, Y., Le guide des essences de bois, op. cit., p.13 170Idem., p.17 171Ibid., p.34
63
Okoumé , Aucoumea Klaineana, (Burseraceae) :
C’est un bois tropical standard dans l’industrie du contre-plaqué. Quasiment toute sa
production provient d’une seule région: le Gabon172 (cf.vol.2, annexe 1, p.48).
Historique et utilisation
Exploité depuis le 19ème siècle, l’Okoumé est l’un des rares bois africains a avoir été utilisé
par les décorateurs modernes173. C’est un bois moyennement stable, qui sèche et qui se
travaille facilement. Il est aisément disponible sur le marché ce qui explique un prix moyen
qui convient à la fabrication de meubles bon marché. Ce bois était très utilisé en déroulage
pour le contreplaqué. L’Okoumé est fréquemment utilisé en menuiserie intérieure, pour les
moulures, le contreplaqué, mais également pour la construction navale174.
Sa surexploitation passée lui a valu d’être particulièrement surveillé quant à sa replantation,
aujourd’hui équilibrée avec la récolte par les plus grands groupes fabricants de contreplaqué,
avec l’appui et sous contrôle des autorités de tutelle locales.
Sapelli, Entandrophragma cylindricum, (Meliaceae) :
C’est une espèce de Méliacées, que l’on trouve sur le continent africain et plus précisément
dans une zone d’Afrique équatoriale qui s’étend entre le Sierra Leone et l’Ouganda en passant
par le Zaïre175 (cf.vol.2, annexe 1, p.49).
Historique et utilisation
Ce bois, dont l’importation ne remonte qu’au début du 20ème siècle, peut être employé en
massif ou en placage176. Il est utilisé en menuiserie extérieure et intérieure, pour le parquet, la
construction navale, l’ébénisterie, le placage décoratif ainsi que pour le contreplaqué177. Pour
le meuble courant, il remplace l’acajou178. Cependant sa disponibilité étant limitée, il est assez
onéreux179.
Sipo, Entandrophragma utile, (Meliaceae) :
Les zones de production du Sipo sont : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Gabon et
le Congo (cf.vol.2, annexe 1, p.50).
172Source : www.unctad.org 173Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.144 174Benoit, Y., Le guide des essences de bois, op cit., p.56 175Source : www.unctad.org 176Viaux-Locquin, J.,Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.182. 177Benoit, Y., Le guide des essences de bois, op cit., p.64. 178Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.182. 179Benoit, Y., Le guide des essences de bois, op cit., p.64
64
Historique et utilisation
Bois d’importation récente (XXe siècle). On l’utilise en ébénisterie soit en placage tranché, soit en massif, soit
en contreplaqué. Sa couleur cuivre claire et son aspect rappellent celui de l’acajou. Il remplace ce bois
notamment pour le mobilier scolaire et le mobilier de bureau. Son importation régulière est en régression180.
De faible disponibilité, à prix élevé, il est utilisé à la fois pour la menuiserie extérieure et
intérieure, la construction navale, l’ébénisterie, le placage décoratif et pour le contreplaqué181.
Wengé, Milletia, (Fabaceae)
Le Wengé provient de l’Afrique équatoriale (Cameroun, Zaïre) (cf.vol.2, annexe 1, p.51).
Historique et utilisation:
Comme pour Sapelli et le Sipo, l’importation du Wengé commence au début du 20ème siècle.
De couleur très sombre, on l’utilise souvent pour remplacer le palissandre. Son importation
est régulière bien que limitée182. Les essences indigènes comme le chêne, le hêtre ou le frêne
sont teintées (en marron-brun-noir) afin d’obtenir un aspect qui rappelle le Wengé.
Ce bois est surtout utilisé pour la menuiserie, l’ébénisterie, la parqueterie, le placage et la
tournerie. C’est un bois très durable183. De grands designers, tel Christian Liaigre, en ont fait
leur matériau de prédilection.
Les essences fruitières
Châtaignier, Castanea sativa, (Fagaceae) :
Il est présent dans toute l’Europe. En France, il pousse spontanément dans la moitié sud de la
France, en particulier dans le Limousin, les Cévennes, l’Ardèche, les Maures et la Corse184. Il
exige des sols siliceux ou décalcifiés et un climat doux et lumineux. Il craint le froid et les
sols calcaires185 (cf.vol.2, annexe 1, p.52)
Historique et utilisation
Le châtaignier est un arbre courant, mais son utilisation dépend de ses régions d’implantation.
180Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.190. 181Benoit, Y., Le guide des essences de bois, op cit., p.66 182Idem. 183Source : www.site-en-bois.net 184Idem. 185Source : www.onf.fr
65
Le sol et le climat de la Bretagne ont favorisé l’emploi du châtaignier parce qu’il produit un aliment riche et
que, comme tous les arbres fruitiers, lorsqu’il devient improductif, son beau bois aux teintes chaudes est
apprécié pour la fabrication de meubles.
L’usage du châtaignier remplace souvent le chêne au 19ème siècle car il présente une durabilité
comparable du bois de cœur et un veinage ressemblant, mais est plus facile à travailler.
Pourtant, il ne figure que rarement dans le mobilier de l’aristocratie, il a surtout servi pour des
fonds de meubles et des tiroirs.186. Cela peut aussi s’expliquer par la mission première du
châtaignier, qui était de nourrir les cochons et le paysan.
Le Grand Livre International du bois précise :
Naturellement durable, c’est un excellent bois d’œuvre pour extérieurs ; (…) On fabrique
occasionnellement des meubles en châtaignier. Le placage en ce bois, lorsqu’il est assez uni, fait de jolis
panneaux187.
On le retrouve régulièrement utilisé dans le mobilier régional et rustique français, notamment
en Bretagne.
Il est principalement employé pour la menuiserie extérieure et intérieure, le parquet, le
bardage, les lambris et les meubles.
C’est aujourd’hui un bois considéré comme régulier en terme de disponibilité, ce qui explique
son prix moyen.
Merisier, Prunus avium (Posaceae) :
On appelle également le merisier : cerisier sauvage, ou cerisier des oiseleurs, car il produit des
cerises de petite taille : les merises, fort prisées des moineaux. Originaire du Moyen-Orient, il
est présent dans toute l’Europe sauf dans certaines régions méditerranéennes. Il pousse sur
sols fertiles et assez frais. On ne le trouve pas en peuplement uniforme mais plutôt associé à
d’autres essences, et principalement en lisière de forêt188. Dans les vergers, il sert de pied-
mère aux greffons des cerisiers à cerise, mais le tronc est rarement exploitable à maturité
(cf.vol.2, annexe 1, p.53).
Historique et utilisation :
Au Nord de la France, c’était le bois le plus employé, après le chêne, pour le mobilier courant.
Dans la catégorie des bois fruitiers, il reste le plus utilisé189. Il se cintre facilement et a
souvent été utilisé, à la place du hêtre, pour la fabrication de chaises. Il a, en revanche, assez
peu été employé par les ébénistes qui lui préféraient des bois exotiques. Il connaît au 20ème
siècle un regain d’intérêt et reste, malgré la concurrence des bois exotiques, un des bois les
plus appréciés pour la fabrication de beaux meubles courants190.
186Viaux-Locquin, J. , Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.69-70 187Collectif, Le Grand Livre International du bois, Paris, Nathan, 1977, p.234 188Source : www.site-du-bois.fr 189Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.30 190Idem., p. 134-135.
66
C’est un bois d’une belle couleur naturelle rosâtre dont le travail n’engendre pas de difficultés
particulières. De même, son séchage est assez facile et rapide. En outre, il se scie sans
difficultés191.
En France ce n’est pas un arbre cultivé, mais il pousse naturellement en forêt et son utilisation
est courante. Au 18ème siècle en France, le merisier était surtout employé , teinté façon acajou,
dans le mobilier régional, la riche clientèle préférant le bois « des îles » véritable dit
« acajou », ou ses succédanés exotiques. Aujourd’hui, malgré la concurrence des bois rouges
africains, il est très apprécié, notamment pour la fabrication de beaux meubles stylisés
courants192. La raison en est simplement que l’on a su faire durer puis faire oublier cette idée
économique de le teinter pour le faire ressembler à de l’acajou, notamment pour des copies de
style « Restauration » et « Louis Philippe », qui aujourd’hui sont tout à fait acceptées, donc
demandées, en merisier : bel exemple d’adaptation au marché. Néanmoins, les plus beaux de
ces meubles en merisier, fabriqués à l’ancienne, sont de prix élevé.
Ce bois est surtout utilisé pour la menuiserie intérieure haut de gamme, l’agencement,
l’ébénisterie, pour le placage décoratif et le mobilier. Sa disponibilité est régulière mais son
prix, du fait de la demande et de la dispersion en forêt, est devenu néanmoins élevé. Il est
donc de nos jours largement remplacé dans le meuble industriel par le merisier américain
(Prunus serotina), moins cher, de croissance plus régulière et d’une grande disponibilité aux
USA et au Canada, où il est cultivé en plantations pour l’industrie du meuble. Poussant en
futaie serrée, donc plus haut et plus droit, celui-ci présente un veinage plus régulier et donc
moins aléatoire que le Prunus avium, et est moins prisé des amateurs de bois sauvage pour
leurs meubles.
Noyer, Juglans regia, (Juglandaceae), Noyer Noir, Juglans nigra :
Présent en Asie, en Turquie et dans les régions des Balkans, il a été introduit en Europe
occidentale et centrale, notamment en France193 (cf.vol.2, annexe 1, p.54)
C’est un bois à grain moyen plutôt grossier, dont la disponibilité est limitée et le prix élevé. Il
est surtout utilisé pour le menuiserie intérieure haut de gamme, pour les meubles,
l’ébénisterie, l’agencement, le placage décoratif ainsi que pour les pièces tournées.194.
Les souches sont tranchées afin de donner les ronces de noyers, très recherchées en
ébénisterie195.
Historique et utilisation :
Les romains s’en servait pour fabriquer le mobilier. En France, son utilisation est comparable
à celle du chêne, surtout dans le mobilier régional du sud de la Loire. Pour le mobilier de
l’aristocratie, le noyer est employé dès le Moyen-âge et jusqu’au 17ème siècle. En revanche, au
18ème siècle, son utilisation devient secondaire avec la préférence des ébénistes et de leurs
clientèles pour des meubles plaqués de marqueterie obtenues à partir de bois exotiques. C’est
191Benoît, Yves, Le guide des essences de bois, op. cit., p.50 192Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.134-135. 193Source : www.site-en-bois.net 194Benoît, Y., Le guide des essences de bois, op. cit., p.54 195Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.30
67
seulement sous le Second Empire que l’on constate un regain d’intérêt pour le noyer qui est
très utilisé pour la fabrication des meubles néo-gothiques et néo-renaissants sculptés.
Au 20ème siècle, on utilise à la fois le noyer en massif et en placage. Il connaît notamment un
essor avec le mobilier Art Nouveau196.
Poirier, Pirus communis, (Rosaceae) :
Il est présent dans toute l’Europe197 (cf.vol.2, annexe 1, p.55)
Historique et utilisation :
Déjà utilisé par les Grecs et les Romains, il est connu en France depuis le Moyen-âge. Comme
tous les bois fruitiers, il est utilisé dans les campagnes pour le mobilier local, même s’il ne
l’est pas autant que le merisier ou le cerisier. Il n’est cependant que rarement employé par les
ébénistes, excepté lorsqu’il est associé à d’autres bois pour la marqueterie ou le placage d’un
meuble.
La densité des différents genres de bois joue beaucoup lors du choix pour la réalisation d’un
meuble précis. La plupart du temps, c’est pour sa capacité à absorber la couleur que l’on fait
appel à ce bois, de teinte violacée claire. Noirci, il est très à la mode à partir du règne de
Charles X, notamment. C’est un bois rare et recherché qui n’existe en France qu’en quantité
limitée. Son prix est élevé. Il est utilisé à la fois en massif, pour le placage, la marqueterie,
pour faire des incrustations et surtout teint en noir pour imiter l’ébène198, soit pour tricher
(mais l’antiquaire ne s’y trompe pas), soit pour abaisser le coût du meuble pour les moins
fortunés. Néanmoins le poirier non teinté a fait l’objet d’une mode passagère entre 1980 et
1990, décennie où les designers recherchaient de nouveaux bois clairs pour leurs créations
pour l’habitat et le bureau. Les sciages et placages venaient principalement d’Europe de l’Est,
pour des raisons de volume et de coût.
* * *
Nous constatons, à l’étude rapide de ces différentes essences de bois, que leur utilisation à
travers les âges, dépend à la fois des effets de mode mais également de leur disponibilité et de
la valeur marchande qui y est liée. Si, au 18ème siècle, la préférence allait aux bois indigènes
pour le mobilier provincial en raison d’un coût relativement faible, on préférait les bois
exotiques ou « bois des îles » pour le mobilier aristocratique : l’acajou était préféré sous Louis
XVI, les bois clairs sous Louis-Philippe, les bois indigènes au 19ème siècle avec l’Art
Nouveau. Les bois précieux reviennent en force au moment de l’Art Déco et pour une partie
196Idem., p.141-142. 197Source : www.site-en-bois.net 198Viaux-Locquin, J., Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français, op. cit., p.172.
68
des créateurs des années 30. Nous étudierons, plus avant, les variations des courants de mode
dans l’usage des bois et ce, de 1945 jusqu’aux années 80.
La création des meubles est non seulement conditionnée par les essences utilisées, mais
dépendent également de l’évolution des outils et des machines permettant leur fabrication.
L’évolution des outils, des machines et des techniques depuis le 18ème siècle a profondément
modifié les usages des différentes essences. L’usage traditionnellement massif des bois évolue
au cours du 20ème siècle vers celui, plus nouveau, des différents dérivés du bois et du bois
mince en feuilles : le placage.
Afin de comprendre l’évolution du mobilier au 20ème siècle il est indispensable de bien se
rendre compte du processus de transformation du bois, une fois l’abattage en forêt à eu lieu.
De même, il est nécessaire de comprendre la fabrication de différentes dérivés du bois et leur
qualités techniques afin de ne pas négliger la différence entre celles-ci et le bois massif.
69
L’INDUSTRIE DU BOIS : L’EVOLUTION DES MACHINES ET DES TECHNIQUES,
AINSI QUE LES DERIVES DU BOIS
INTRODUCTION
Le bois et les différents produits qui en sont issus n’entrent dans le processus de fabrication
des meubles qu’après un certain nombre de transformations, après le sciage de l’arbre et son
traitement dans les industries dites de la filière bois (cf.vol.2, annexe 1, fig.32 et 35).
Le travail du bois consiste, au moyen d’instruments et d’outils plus ou moins spécialisés, à transformer l’arbre
ou la grume en semi-produits utilisables ultérieurement ou en produits finis199.
En fonction de la matière première travaillée, du travail des outils et des produits transformés,
on classe les industries du bois en trois catégories :
- Les industries de première « transformation » qui concernent tout ce qui touche au
débit, au séchage et à la fabrication d’emballages en bois (abattage, sciage, fendage,
déroulage, industries connexes du bois).
- Les industries dites lourdes qui concernent la fabrication de panneaux et dérivés du
bois ainsi que les fabrications des portes et des fenêtres (menuiseries industrielles).
- Les industries de deuxième transformation, c’est à dire l’industrie des meubles en
bois ou en panneaux à base de bois, mais aussi la tonnellerie, la charpente etc.200
Afin de mieux comprendre l’invention, l’évolution et l’importante expansion des différents
matériaux dérivés du bois, il est indispensable de connaître la composition même de l’arbre et
surtout du bois qui le compose.
Si nous regardons la coupe transversale d’un arbre, on distingue tout d’abord le bois
proprement dit et l’écorce, partie extérieure qui recouvre l’arbre, qui constitue en quelque
sorte la peau de l’arbre.
Comme nous avons pu le constater lors de la description des essences de bois, celles-ci sont
extrêmement diversifiées (cf.vol.2, annexe 1, p.30 à 55).
Certaines, comme le teck, l’iroko, l’ébène ou le chêne, sont des essences stables dans le temps
vis à vis d’agents extérieurs (champignons, insectes), d’autres, comme le pin, le sont
beaucoup moins. La stabilité peut également se comprendre comme la conservation de l’état
initial d’un ouvrage lors de sa vie : conservation des dimensions, de la planéité. ;. vis-à-vis
des changements d’ambiance, notamment de l’humidité de l’air.
De même, certaines essences sont largement disponibles, comme le hêtre ; d’autres tels que
l’acajou d’Afrique, l’amarante ou l’érable le sont peu, et sont, par voie de conséquence, très
chères.
C’est pour pallier ces contraintes et pour répondre à une demande grandissante, qu’au début
du 20ème siècle et surtout depuis les années 50, seront inventés de nouveaux matériaux obtenus
à base de bois. Des enjeux économiques et qualitatifs motivent donc ces recherches de
nouveaux matériaux qui seraient à la fois meilleur marché et plus stables.
199Coutrot, D., Le bois et ses industries, op cit., p.84 200Idem.
70
A côté du bois d’œuvre, qu’on assimile généralement au bois massif, une autre transformation
du bois concerne les bois dits restructurés. Ce sont des matériaux à base de bois recomposés
ou restructurés, sous diverses formes, à des fins industrielles. On cherchait à développer une
gamme de produits gommant les singularités voire les défauts du bois massif afin d’obtenir un
matériau mieux adapté aux exigences d’homogénéité, de régularité, de fiabilité.
Ces matériaux dérivés du bois sont parfois qualifiés de produits semi-finis. Dominique
Coutrot distingue deux catégories : les bois massifs et ceux reconstitués d’épaisseur au moins
supérieure à 5 mm, et les produits dérivés du bois, constitués de morceaux de bois assemblés
à l’aide d’un liant, de la colle le plus généralement201.
Pour affiner la distinction entre les dérivés et les bois massifs, il faut savoir qu’on parle de
bois massif, dans la filière bois, dans une acception nettement plus large qu’en ameublement.
La raison en est qu’en dehors du meuble en bois, la filière offre des semi-produits et des
produits qui s’adressent d’abord aux professionnels (menuisier, charpentier, etc). En les
décrivant dans un langage interprofessionnel, technique et consensuel dérivant des procédés
techniques, y compris les plus récents, alors que la description et la communication du meuble
s’adressent directement au consommateur, dont la connaissance technique est limitée, et
qu’on ne doit ni tromper ni induire en erreur sur la nature de son achat, en décrivant le produit
avec des mots usuels dérivant de ses propres facultés cognitives, qui résultent du langage
courant, sous-tendant parfois un sens différent. Il a ainsi été admis que le mot « massif »
appliqué au bois signifiait pour la majorité des acheteurs de meubles : « bois pris dans la
masse » ce qui induit une absence d’association.
Dans le cadre de la filière bois en général, au sein même de cette catégorie générique des bois
massifs, Dominique Coutrot répertorie à juste titre trois sortes de produits :
- les sciages proprement dits (une seule opération) ;
- les bois massifs reconstitués, qui sont des panneaux élaborés à partir de bois massifs (obtenus par
trois opérations) ;
- les lamellés-collés202.
Or dans le secteur ameublement, plus restrictif pour des raisons de protection du
consommateur, selon la Loi, un meuble est désormais dit « en bois massif » lorsque ses pièces
- et a minima les pièces apparentes (à condition de l’écrire) - sont toutes en bois et que leur
épaisseur est supérieure à 5 mm (décret n° 86-583 du 14 mars 1986, et ceci exclut toute
recomposition dans l’épaisseur, quelle que soit celle des pièces constitutives de cette
épaisseur203.
Ainsi, D. Coutrot dit que les bois massifs reconstitués, généralement appelés panneaux BMR
ou panneaux panneautés, bénéficient de l’appellation bois massif car ils sont constitués de
morceaux dont l’épaisseur est supérieure à 5 mm : sur un plan général « filière bois », c’est
certes défendable, mais ce ne l’est plus depuis mars 1986 en ameublement, car contraire au
décret204.
201Ibid., op. cit., p.56-57 202Ibid.., p. 58 203Selon François Plassat 204Selon François Plassat il faut faire attention de ne pas mélanger le décret sur les seules appellations légales en
ameublement et le point de vue de D. Coutrot sur la classification des produits massif ou non dans d’autres
secteurs : En l’occurrence, les BMR de 3 épaisseurs supérieures à 5 mm comme les lamellés collés de plis
supérieur à 5 mm, ou les bois panneautés par liteaux de section carrée n’ont pas droit à l’appellation « massif »
en ameublement. On n’y peut rien, car force doit rester à la loi, tant qu’elle n’est pas abrogée. En revanche, rien
71
LES INDUSTRIES DE LA PREMIERE TRANSFORMATION
L’Abattage
La première opération concerne l’abattage qui aujourd’hui se fait de façon mécanique et non
plus manuellement comme c’était le cas auparavant205. Une fois l’abattage réalisé, on procède
à l’ébranchage, au façonnage, puis au débardage, c’est à dire à la sortie de grumes de la forêt
avec de tracteurs forestiers206.
Pour l’abattage, on utilise principalement la scie à chaîne (tronçonneuse) qui permet une
coupe nette. Cependant les méthodes d’exploitation sont nombreuses et dépendent des pays,
les régions, des habitudes et surtout des produits à récolter. Dans les forêts mono-essences,
plantées régulièrement, des machines spécialisées assurent une exploitation totalement
mécanisée207.
Le transport des grumes
Une fois le débardage effectué, les grumes sont généralement entreposées dans des parcs à
bois en attendant d’être transportées vers l’usine de transformation. Ce transport en direction
des scieries se fait par camion spécialisé.
En transformant le tronc de l’arbre, on obtient différents produits. Parmi les premières
transformations du bois, on compte les opérations de débit (cf.vol.2, annexe 1, fig.35) ainsi
que de séchage.
On distingue trois méthodes de débit :
- le débit du bois avec enlèvement de copeaux. Il s’agit surtout du sciage.
- le débit du bois sans enlèvement de copeaux. Le copeau est alors le produit final
obtenu. Il s’agit surtout du tranchage, du déroulage et du fendage.
- Le débit du bois en éléments divisés et petits comme les copeaux ou les fibres
(coupage, broyage, défibrage)208.
Le Sciage
L’ensemble des opérations en scierie peut être résumé de la façon suivante :
Transport des grumes – Parc à bois – Classement des grumes – Ecorçage – Sciage de tête – Sciage de reprise –
Tri des sciages et classement – Empilage – Opérations ultérieures.
De nos jours, le sciage dans l’industrie du bois se fait de façon industrielle afin d’obtenir une
plus grande productivité. Les principaux inconvénients du sciage restent l’importante perte de
matière première (généralement entre 40 et 60%), l’obtention d’un produit fini dont les
actuellement (en l’absence de réglementation adaptée) ne s’oppose à ce qu’on appelle « massif » de telles
reconstitutions dans d’autres secteurs de produits (charpentes, parquets etc…), bien que la question puisse se
poser un jour pour des raisons de communication vers le grand public, notamment dans le domaine du
bricolage, or ici on ne doit parler que d’ameublement. 205Le travail du bois cf. annexe 1, fig.36 206Coutrot, D., Le bois et ses industries, op cit., p.86 207Idem., p.87 208Ibid., p.88-89
72
dimensions sont inférieures à celles de la matière première dont il est issu, ainsi qu’une
qualité toujours inégale.
Pour le sciage, on distingue trois types de scies : la scie à ruban (la plus répandue), la scie
circulaire et la scie alternative à cadre.
La scie à ruban est constituée d’une lame en forme de ruban continu, dotée de dents et montée
sur un châssis à volants qui ont pour rôle de mettre la lame en mouvement, de tendre le ruban
et de transmettre l’énergie pour la coupe. La coupe peut être aussi bien verticale que
horizontale. Le ruban peut être simple, double, à double denture etc.209
Dans le cas de la scie circulaire, la lame est un cercle de grand diamètre monté sur un
châssis210.
La scie alternative à cadre comporte un cadre dans lequel sont tendues des lames Cette forme
de sciage est très commune dans les pays de l’est de l’Europe (Russie, Ukraine, etc.)211.
Après le sciage, le bois est généralement entreposé dans des parcs à bois en attendant le
classement des grumes. Parfois, ce classement a déjà eu lieu avant le sciage.
Une fois arrivées à la scierie, la première opération consiste à trier et à classer les grumes.
Dans les grosses scieries l’opération est automatisée, les grumes mesurées et triées
automatiquement, en fonction de leur diamètre et de leur longueur afin d’optimiser l’opération
de sciage et de minimiser les réglages nécessaires.
Les grumes sont ensuite écorcées. En général, les écorces sont récupérées afin d’être brûlées,
ce qui constitue une récupération d’énergie utile au séchage du bois212.
Viennent ensuite les opérations de sciage proprement dites. La première opération est
nommée scie de tête et prépare rapidement les grumes aux autres opérations de sciage. Les
opérations suivantes se font avec des scies dites de reprise.
Les sciages sont ensuite triés et classés en fonction des défauts et singularités apparus lors des
opérations. Généralement cette étape s’effectue manuellement, sauf dans des scieries très
équipées, où on utilise des produits photosensibles213 pour le faire.
209Les scies à ruban: la lame d’une scie à ruban est une boucle métallique continue entraînée par deux ou trois
grands volants. Etant donné que lame est entraînée vers le bas et vers la table de sciage, il n’y a pas de risque de
la voir éjecter une pièce de bois vers l’utilisateur. Pour cette raison, beaucoup de menuisiers préfèrent la scie à
ruban à la scie radiale, bien qu’elle ne tronçonne ni ne refende avec la même rapidité ou la même précision. La
scie à ruban possède aussi d’autres avantages : on peut s’en servir pour scier des pièces courbes, elle débite les
pièces épaisses plus rapidement qu’aucune autre scie. (source : A. Jackson et D. Day, Guide du bois, de la
Menuiserie et de l’Ebénistérie, op. cit., p.172) 210La scie circulaire à table. Dans sa forme la plus simple, une scie circulaire à table est composée d’une lame
rotative qui déborde à travers le centre d’une table de travail plate ou d’un établi. Equipée de guides et de
protecteurs, cette machine est principalement utilisée pour découper des pièces de bois massifs et corroyer des
panneaux dérivés du bois. Malgré son utilité apparemment limitée la scie circulaire à table est la première
machine qu’un menuisier achète, et devient très vitre le centre d’activité d’un atelier, car on y ramène
constamment les pièces à travailler, pour les corroyer, les façonner, les rainurer, les tailler à un angle et les
joindre. (source : A. Jackson et D. Day, Guide du bois, de la Menuiserie et de l’Ebénistérie, op. cit., p.156) 211Coutrot, D., Le bois et ses industries, op cit., p. 88-90 212Idem 213Ibid., p.91
73
LES INDUSTRIES DITES LOURDES DU BOIS
Les industries dites lourdes du bois comprennent notamment la fabrication de placage, de
lamellé-collé, les contre-plaqués (multiplies et lattés), les différents genres de panneaux de
particules, fibres, copeaux, agglomérés et autres.
Les placages
Si nous tentons de définir rapidement ce qu’est le placage, on peut dire qu’il s’agit d’une
pièce d’une œuvre finie qui semble avoir été ajoutée après coup, qui ne fait pas complètement
corps avec le reste de l’ouvrage, mais en revanche habille et « annoblit » par collage les
surfaces les plus visibles. L’expression « plaqué » sur quelque chose exprime bien cette
notion de deux entités réunies par le placage. Ici, il s’agit presque toujours de feuilles de bois,
très souvent de qualité supérieure à l’âme sur laquelle ces feuilles sont collées, d’où cette
fonction d’ anoblissement dévolue en général au placage de qualité choisie.
Historique et définition de la technique
Le placage est considéré comme un Art depuis la haute Antiquité égyptienne. Cette technique
permet d’économiser sur les essences décoratives qui, souvent plus rares, sont donc plus
chères.
L’évolution technique du placage :
Pour simplifier, l’art précurseur de la technique du placage fut celui de l’INTARSIA
(incrustation) pendant la Renaissance italienne, elle même dérivée de l’antique incrustation en
plein bois de plaques de bois massifs nobles, ou d’autres matières rares, inventée par les
artisans syriens ou égyptiens pour enrichir le mobilier des pharaons. Sous la Renaissance, les
épaisseurs diminuent : les placages primitifs étaient taillés à la main, au moyen d’une grande
scie à lames multiples. Dès le début du 19ème siècle, on se servit de scies mécaniques, et les
placages furent taillés sur des tables de scies circulaires de grand diamètre, ou bien sur des
scies alternatives horizontales dites « au bois montant » dont il ne reste que quelques
exemplaires en activité en Europe (épaisseur obtenue : 1,5 à 2 mm). Les placages modernes
sont bien plus fins que ceux qu’on produisait naguère, et ils sont généralement non plus sciés
(grosses pertes en sciures) mais tranchés avec précision à une épaisseur constante, soit
horizontalement dans la longueur des quartiers, soit enfin dans des demi-grumes. Plus
rarement dans le meuble, on les « déroule » aussi parfois : le déroulage se fait par coupe
rotative centripète de toute la grume appliquée contre un « couteau » à avance coordonnée, ce
qui donne une feuille continue, semblable à un tapis qu’on aurait déroulé ; mais les placages
déroulés présentent des veines quelque peu grossières et anti-naturelles, comportant
inévitablement des nœuds tranchés perpendiculairement, sous une épaisseur d’au moins 1 mm
pour assurer la solidité de la feuille en manutention. Ce procédé est donc surtout utilisé pour
la fabrication des emballages (caissettes) et du contreplaqué, et dans des cas isolés, lorsque
qu’un effet décoratif répétitif est recherché, pour le meuble et l’agencement (lambris).
Les meubles fabriqués avant le milieu du XXe siècle étaient habituellement plaqués sur un fond de pin de
Californie, d’acajou uni ou de chêne. En certains cas, des bandes de bois d’une largeur d’environ 5 cm étaient
mises côte à côte, avec leur duramen alternativement tourné vers le haut et vers le bas, afin de contrarier leur
74
tendance naturelle à gauchir. Actuellement, le placage est collé sur des planches ordinaires, du contreplaqué, du
stratifié ou de l’aggloméré, car ces matériaux sont disponibles en grandes dimensions et sont stables à l’usage.
Des planches recouvertes de placage sont maintenant produites en série par des presses multi platine, où le
collage se fait en quelques minutes – par chauffage et sous pression – au moyen de résines thermodurcissables.
Les anciennes presses à vis, actionnées à la main, servent encore dans de petits ateliers et pour des travaux
spéciaux de haute qualité. Bien que la technologie moderne ait apporté des bouleversements, l’art du placage à
l’ancienne est toujours pratiqué par des spécialistes en restauration de vieux meubles214.
Le principal atout du placage a toujours été de mettre en valeur le mobilier par des panneaux
extérieurs issus d’essences coûteuses, souvent d’origine exotiques, même si l’âme est en
réalité composée d’essences de moindre qualité, donc moins onéreuses. Dans les années 1920,
l’âme était en contreplaqué. Aujourd’hui, l’âme est souvent constituée de matériaux dérivés
du bois moins coûteux tels les panneaux de fibres et surtout ceux à base de particules.
Fabrication
La production de placages se fait aujourd’hui soit par tranchage soit par déroulage. Cette
production se décompose le plus souvent en plusieurs étapes :
Grumes – Tronçonnage – Ecorçage et Sciage – Etuvage ou Bouillottage – Tranchage ou
Déroulage – Séchage des placages – Massicotage, Dressage – Triage.
Après avoir réceptionné les grumes sur le parc à bois des usines de tranchage ou de déroulage,
elles sont ensuite classées selon différents critères tels que l’essence, la longueur, etc. Après
cela, elles sont mises à dimension afin d’optimiser les opérations à venir. De nos jours, ces
étapes de tri, de classement et de dimensionnement se font quasi automatiquement. Les
grumes sont ensuite écorcées et, dans le cas de tranchage, sciées pour présenter le meilleur
dessin à la tranche. Dans ce cas, la grume est généralement sciée en quatre quartiers ou
préparée en demi-grumes.
Vient également l’étuvage ou bouillottage qui permet de réchauffer le bois et de le plastifier.
C’est une opération obligatoire pour les bois durs, mais qui n’est pas indispensable pour les
bois plus tendres. Pour les bois présentant des couronnes de nœuds (liées aux branches),
souvent le cas des résineux, un fort chauffage de la grume est nécessaire avant le déroulage ou
le tranchage pour ne pas risquer de casser le couteau de la scie. Le bouillottage colore le bois.
A sa sortie de l’étuve, la température du bois oscille entre 70 et 90° C ; il est alors prêt à être
placé sur la trancheuse ou sur la dérouleuse.
Tranchage et déroulage sont les deux opérations qui consistent à couper le bois à l’aide d’un
couteau (cf.vol.2, annexe 1, fig.33 et 34). En pénétrant dans la matière, il va soulever « une
tranche de bois ». Il ne s’agit pas d’une coupe à proprement parler mais plutôt d’un
fendage215.
Le tranchage peut se faire soit par trancheuses dites horizontales, méthode ancienne au cours
de laquelle le bois est placé sur une table et l’ensemble de la coupe se déplace
horizontalement, soit par trancheuses plus récentes dites verticales, où le bois est posé sur une
table disposée verticalement ou légèrement inclinée (cf.vol.2, annexe 1, fig.34). La table
enchaîne des mouvements de haut en bas ou de bas en haut. Après chaque passage de la lame
(à pas constant), une feuille de placage tranchée est sortie manuellement par deux opérateurs,
214Collectif, Le Grand livre international du bois. op. cit., p.118 215Coutrot, D., Le bois et ses industries, op cit., p.93-95.
75
puis empilée sur les précédentes, reconstituant ainsi la grume à l’envers (très important pour
obtenir une continuité de décor après jointage).
Le déroulage se fait en fonction des cernes de croissance de la pièce de bois (cf.vol.2, annexe
1, fig.33). La grume est entraînée en mouvement à l’aide de griffes ou rouleaux, tout en étant
tenue sous pression (barre de pression) afin d’éviter que le bois ne casse pendant l’opération.
L’ensemble couteau-barre de pression ou barre de compression se déplace le plus souvent
vers le centre de la grume. La pénétration du couteau dans le bois, coordonnée avec la vitesse
de rotation périphérique, se fait donc suivant une spirale relative permettant de dérouler de
très fines feuilles de placage en continu, d’épaisseur constante.
Ces deux opérations d’usinage s’effectuent sans enlèvement de copeaux, plus exactement
c’est le copeau détaché de la masse qui constitue le produit fini216.
Les placages doivent ensuite être séchés afin de diminuer leur taux d’humidité important (40
à 50 %). Ceci se fait la plupart du temps de façon artificielle, à l’air chaud dans des séchoirs à
tapis ou à rouleaux et à des températures élevées. Pour les bois fragiles ou précieux a été
développée une technologie spécifique de séchoir à tapis lourd fonctionnant comme un grand
fer à repasser.
Après séchage, les côtés des placages sont coupés à l’aide d’un massicot. Certains sont
réparés. Ils sont ensuite emballés afin d’être soit vendus, soit dirigés vers une autre section de
l’usine pour être utilisés en tant que revêtement de surface, notamment lors de fabrication de
panneaux de contreplaqué217.
Les épaisseurs de produits tranchés ou déroulés peuvent mesurer d’un dixième de millimètre à
quelques millimètres.
Avec les notables améliorations apportées aux colles, la performance des placages a très
nettement évolué grâce à la précision des machines. Sans cela, les panneaux de placages
n’auraient certainement jamais atteint le succès qu’ils connaissent aujourd’hui.
Les colles
Historique
L’Homme a d’abord utilisé les produits que la nature lui offrait comme le blanc d’œuf et des
extraits de poisson pour assurer les liaisons par collage. Ce n’est qu’au 20ème siècle, avec la
découverte des colles synthétiques, qu’un véritable programme de recherche a vu le jour dans
le domaine industriel.
Voici une chronologie des colles proposée par M. Gérard Elbez : - Haute antiquité : Colle forte (collage de sièges 4 000 ans avant J.C.), caséine (collage du papyrus).
- Avant 1900 : colles d’origine animale ou végétale très utilisées (gélatine, colle d’os, de poisson,
amidon etc.).
- 1895 : Fabrication industrielle de la caséine (Etats-Unis).
- 1900 : Extraction industrielle de la gélatine.
- 1910-1915 : Apparition des premières colles à base de « dissolution » de caoutchouc naturel.
- 1913 : Développement de la caséine avec les charpentes intérieures.
- 1917 : Développement de la caséine avec l’aviation (Monnin).
216Fondronnier, Jacques, Technologie du déroulage, CTBA, cahier 115, 1979. 217Coutrot, D., Le bois et ses industries, op cit., p.96-97.
76
- 1926 : Colles à base de soja pour la fabrication des contreplaqués.
- 1930 : Premières colles résorcines (Etats-Unis), premières colles urée-formol, premières colles
vinyliques, premières colles polychlotoprène (néoprène, Dupont de Nemours).
- 1937 : Découverte du polyuréthanne (procédé Bayer).
- 1938 : Premières colles à base de caoutchoucs synthétiques (Etats-Unis).
- 1949 : Premiers adhésifs époxydes (Etats-Unis).
- 1950 : Adhésifs vinyliques mono-composant
- 1964 : Premiers adhésifs thermofusibles.
A partir de 1964, la chimie des adhésifs a concerné principalement des développements infra-système : vinylique
à deux composants, polyuréthanne, thermofusible. Depuis 1980, les développements portent essentiellement sur
les colles thermofusibles type polyoléfine et les polyuréthannes218.
Définition des différentes colles, leurs compositions et utilisations
Concernant les colles naturelles, notamment les colles fortes qui figurent parmi les plus
anciennes, leurs champs d’utilisation se limitent principalement à des travaux d’assemblages
de meubles à caractère artisanal, à des opérations de marqueterie et à la restauration de pièces
anciennes. La raison principale est d’ordre éthique et relève des « règles de l’art »
compagnonniques : il faut que l’artisan du futur puisse pouvoir restaurer à l’identique, après
désassemblage des structures ou décollage des placages, de vieux meubles ainsi collés hier ou
aujourd’hui : les colles animales étant réversibles à 70°C, l’opération est indolore pour le
meuble.
Nous ne prétendons pas ici dresser une liste exhaustive de toutes les colles employées dans
l’artisanat et dans l’industrie du meuble, celle-ci aurait été trop longue. Nous nous sommes
donc attardés sur les plus importantes.
Les colles dites d’Urée-formol sont des colles à prise rapide et très facile. L’Urée-formol
ordinaire est surtout utilisée pour les panneaux de particules, les travaux de plaques en
ébénisterie, les contre-plaqué, la menuiserie ainsi que pour le collage de papier ou de stratifié.
Les mélamines sont surtout utilisées pour les panneaux, à la fois les contreplaqués et à base de
particules, ainsi que pour les charpentes en lamellées-collées.
Dans le groupe des Résorcines, nous distinguons le résorcine-formol et le résorcine-phénol-
formol. Ce sont des colles démontrant une excellente résistance à la fois à l’eau, aux produits
chimiques et au vieillissement. Ces colles sont surtout utilisées pour des bois appelés à être
conservés en extérieur, tels les charpentes en lamellés-collés, la construction navale, les
collages externes ainsi que certains panneaux contreplaqués à usage extérieur. En
ameublement, elles n’ont donc d’intérêt que pour des meubles d’extérieur.
Un autre groupe de colles comprend les colles vinyliques à savoir : les vinyliques
monocomposants qui sont surtout utilisés pour les assemblages, les parquets mosaïques, les
panneautages, les contre-collages et pour les stratifiés ; les vinyliques à deux composantes
conviennent surtout à des assemblages de menuiserie et d’ébénisterie ainsi qu’aux carrelets
pour menuiseries extérieures.
218Elbez, Gérard, Le collage du bois, Paris, CTBA, 2002, p.23
77
Les Thermofusibles sont particulièrement adaptés au collage de chants, à l’enrobage de
profilés ainsi qu’aux différents folding system (système de pliage), en raison de leur rapidité
de prise.
Les Polychloroprènes (groupe des colles dites « Néoprène ») permettent le collage, en général
par double enduction, de matériaux divers, tels les stratifiés, les revêtements de sol, les
panneaux muraux ou même les parois de caravanes.
La colle de caoutchouc régénéré est surtout destinée au carrelage sur cloisons préfabriquées,
aux plaquettes de marbre sur panneaux mais également aux matériaux isolants.
Les Polyuréthannes existent en mono ou avec plusieurs composants. Celles constituées d’un
mono composant permettent de coller des panneaux en sandwich, même en extérieur, du bois
et des panneaux dérivés du bois, de l’amiante-ciment, des mousses ainsi que des tôles
ondulées. Lorsqu’elles ont deux composants, on obtient le collage de mousse polystyrène ou
polyuréthanne sur des panneaux sandwich, la création des agglomérés de sciure et de copeaux
de bois, des granulés de liège, de caoutchouc ou autres élastomères, elles peuvent également
être utilisées sur du tissu de verre (laine de verre) ou autres composants sur de grandes
surfaces. (utilisées en ameublement et agencement spéciaux, par exemple pièces lamellées de
formes complexes pressées en moule sous vide)
Les Polyépoxydiques en mono ou avec plusieurs composants permettent le collage des
métaux. L’époxy-polyuréthanne peut être utilisé partout où la rigidité du joint constitue un
inconvénient majeur, par exemple pour le collage métal sur bois avec dilatation thermique
(table à peau métal en plein soleil par exemple).
Enfin, il ne faut pas oublier les colles plus anciennes comme les colles fortes ou celles à base
de caséine.
Les colles fortes doivent toujours être utilisées à chaud, pour tous travaux d’assemblages,
pour les collages secondaires comme les jouets et les sièges ainsi que pour les travaux de
plaque.
Les colles à base de caséine peuvent s’utiliser à la fois à froid et à chaud. Les colles caséine
ordinaires à froid s’utilisent à la fois pour le collage de bois très résineux ou gras, la
construction ou la réparation d’avions de sport ou de loisir en bois (seule colle autorisée) et la
petite construction navale. A chaud, elles sont utilisées pour les emballages, les fonds de
sièges, et les contreplaqués.
Les différentes essences de bois réagissent plus ou moins bien au collage.
Lamellé-collé
Dominique Coutrot inscrit les lamellés-collés dans la catégorie des bois massifs219 alors que
d’autres, tel Henri Trillat les considèrent plutôt comme appartenant aux matériaux dérivés du
bois220.
219Coutrot, D.,Le bois et ses industries, op. cit., p.60. 220Trillat, H., Technologie des métiers du bois, Paris, Dunod/Bordas, 1980, p.68
78
Définition
Le lamellé-collé est constitué de - lames plus ou moins grandes de bois massif, assemblées et
collées les unes aux autres, parfois recouvertes d’une feuille de placage221. (cf.vol.2, annexe 1,
fig.38).
Historique
Un charpentier suisse, Otto Hetzer, repris vers 1906 le principe d’Armand-Rose Emy en remplaçant les
assemblages moisés et boulonnés par un collage à la caséine. Les planches constitutives de la poutre à obtenir
sont d’abord pré-assemblées bout à bout pour avoir la longueur de la poutre à obtenir, ce qui se fait par collage
sur ces coupes biaises. Elles sont ensuite superposées et collées, à plat si l’on veut une poutre droite, ou tenues
dans des gabarits si l’on veut une poutre courbe. Là aussi, le procédé connut un développement rapide dans les
pays du bois, mais fut découvert tardivement en France à la fin des années 1950222.
L’intérêt du procédé appliqué aux lames massives pour faire des poutres de charpente est qu’il
peut être décliné aux placages pour le meuble, notamment le siège à structure courbe, à partir
de placages déroulés d’épaisseur moindre collés ensemble et pressés dans un moule.
Le premier siège en lamellé-collé de sciages minces est fabriqué par Thonet en 1836, mais
cette méthode sera plus tard abandonnée au profit du bois massif cintré.
En Angleterre, dans les années 60, c’est surtout le bouleau et le hêtre qui sont utilisés sur la
face extérieure, tandis que l’âme, constituée de lattes, est souvent issue d’essences moins
onéreuses comme le pin et le sapin223.
Fabrication
Les différentes étapes de fabrication sont les suivantes :
- Réception et tri des bois
- Séchage si nécessaire et stabilisation
- Purge des lamelles
- Calibrage
- Aboutage et mise à longueur
- Encollage
- Pression et stabilisation sur banc
- Rabotage
- Taille
- Finition/préservation.
Le lamellé-collé de lames massives est surtout utilisé en architecture, notamment pour la
construction des charpentes pour lesquelles les essences les plus couramment utilisées sont :
221Ce paragraphe ne doit s’étendra au-delà de la classification, car cette technique est appliquée en charpente et
pas en ameublement. 222Marrey, B., De bois ; les histoires, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 1994, p.194-195. Ouvrage réalisé à l’occasion
de l’exposition « Le Bois : essences et sens » entre janvier et avril 1994. 223« Furniture : Materials and Finished », in Design, n° 159, mars 1962, p.56
79
le sapin, l’épicéa, le pin sylvestre et le douglas224. Cette technique permet d’augmenter
considérablement la résistance technique du bois.
En mobilier l’un des exemples le plus connus est certainement l’utilisation du lamellé-collé de
placages par l’architecte et créateur de mobilier finlandais Alvar Aalto (cf.vol.2, annexe 3
fig.20).
Les contre-plaqués
Dominique Coutrot distingue deux grandes familles de panneaux dérivés du bois : les
panneaux constitués d’éléments de grandes dimensions (lattes, placages) et les panneaux
constitués d’éléments de petites dimensions (particules, fibres)225.
Pour F. Plassat, le contreplaqué est véritablement à l’origine d’une révolution dans les
développements de l’emploi du bois : c’est en effet le premier procédé qui permet de
s’affranchir de la variabilité du bois en largeur, en contrecarrant grâce au collage cette
variabilité par sa stabilité relative en longueur. Dès lors, toutes les mises au point ultérieures
de panneaux de grande surface découlent de ce même principe : la division et l’orientation
voulue ou aléatoire des plaquettes, copeaux ou fibres génèreront de la même façon la stabilité
dimensionnelle et de planéité, dont l’utilité est manifeste dans le meuble (tables, portes, etc)
où une grande précision est requise, non seulement en fabrication, mais aussi par le client.
Définition
Le contreplaqué se présente sous la forme de panneau, plat ou moulé, composé d’un empilage
de plis de bois. La cohésion entre les couches de l’empilage est assurée par un liant
organique226.
Historique
Quant aux contreplaqués, on différencie les contreplaqués multiplis des contreplaqués lattés,
appelés aussi lattés tout court.
On ne connaît pas la date exacte de l’invention du contre-plaqué, celle qui consiste à de
croiser deux feuilles de placage pour en faire un panneau de contre-plaqué. En revanche, on
sait que sa production industrielle était déjà au point dès le milieu du 19ème siècle et qu’elle a
certainement débuté en Russie ou en Pologne, après la découverte de la colle à caséine en
1897 par le chimiste allemand Spitteler. Tout au long du 19ème siècle de nombreux
mécaniciens tels Cachot, Faverger, Garaud, Mougenod, perfectionnèrent la coupe du bois en
feuilles minces227. En 1884, un certain Witkowski dépose à Londres un brevet pour sa
fabrication ; à partir de minces feuilles de bois déroulées, disposées à fil croisé en nombre
impair et collées à la caséine. C’est une industrie qui s’est développée très lentement. En
France, elle n’apparaît que peu avant la Première Guerre mondiale. Par contre dans les pays
224Source : www.le-bois.com/fiche_materiau Site internet consulté le 11 septembre 2006 225Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.61 226Définition du FCBA (source : http://www.fcba.fr/glossaire/index.php#C) 227Marrey, Bernard, De bois ; les histoires, op.cit., p.194-195
80
du bois, comme la Russie, la Scandinavie et l’Europe Centrale, on a pu constater un essor
beaucoup plus rapide228.
Fabrication
La fabrication du contre-plaqué (cf.vol.2, annexe 1, fig.36 à 42) débute par la fabrication de
placages229. Les feuilles de placages qui formeront les divers plis du panneau sont ensuite
choisies. Les plis, en nombre impair afin d’assurer l’équilibre, sont croisés et collés
(encollage) et mis en forme pour former les panneaux. Suit la mise sous presse, sur des
presses spéciales à plateau multiples et chauffants. La dernière étape concerne le desserrage
des panneaux et à la mise aux cotes exactes par ébarbage-sciage a l’aide de scies circulaires
spéciales230.
Le pli central, au centre du panneau, est nommé l’« âme ».
Les contreplaqués sont donc constitués d’une âme, pouvant être en placage de bois ou en
panneaux, dits plis intérieurs, couverte de plis, dîtes faces, en placage de bois tranchés ou
déroulés. Ce contreplaqué peut notamment être transformé en matériau « décoratif » si on le
recouvre d’un placage d’« essence fine ».
Pour le collage, on utilise soit des colles dites aminoplaste, c'est-à-dire de composition urée-
formol ou mélamine-urée-formol, soit des colles de composition phénoplastes phénol-formol.
(cf. op cit. sur colles).
Utilisation
Selon un article daté de 1962 de la revue Design, éditée par le Council of Industrial Design en
Angleterre231, le contreplaqué est un panneau ou un dérivé du bois beaucoup plus solide232
que le bois massif en raison du croisement des plaques, qui crée ainsi une très grande stabilité.
Le bois utilisé est surtout le bouleau, mais on utilise également le hêtre, l’Acajou de Cuba
ainsi que le Sapelli. L’article souligne également que le contre-plaqué est utilisé dans le
mobilier pour la construction de carcasses et pour le remplissage de la structure portante des
étagères, des bureaux ou des buffets par exemple, mais aussi pour des dessus de tables ou des
portes233.
228Idem.. 229Pour l’usage courant, les placages sont obtenus par déroulage des grumes (débit sur dosse pure) ; pour les
panneaux contreplaqués destinés à recevoir une finition, les placages des couches de surface sont généralement
obtenus par tranchage. Les épaisseurs courantes de placage vont de 10 à 30/10 mm. Un traitement éventuel des
placages (ignifugation, préservation par biocide) peut être introduit avant la pré-composition. (source : Fiche
IRABOIS – CTBA). 230Trillat, H., Technologie des métiers du bois, Paris, Dunod/Bordas, 1980, p.46-47. 231 « Furniture : Materials and Finished », in Design, n° 159, mars 1962, p.56 232Selon F. Plassat il faut quelque peu se: méfier des jugements idéalistes et des comparatifs hasardeux des
revues du design : visiblement, l’auteur manque de repères techniques. En fait dans le meilleur des cas (multiplis
épais) le contreplaqué est moitié moins «solide » que le bois massif en traction longitudinale dans les 2 sens. Il
est donc beaucoup plus résistant dans le sens où le bois tend à se fendre, le sens transversal. En revanche, si
l’on parle d’étagères par exemple, son module d’élasticité en flexion est moitié moindre, ce qui génère une
flèche double, sous charge égale et à section égale. Son intérêt est surtout sa bien meilleure stabilité en planéité,
alors que le massif se déforme en séchant pour tout débit autre que sur quartier. 233« Furniture : Materials and Finished », in Design, n° 159, mars 1962, p.57
81
Ce sont des panneaux très utilisés dans le monde234 mais principalement dans le secteur de la
construction : construction 40%, meuble 20%, emballage 10%, support publicitaire 10%,
transport 5%, bricolage 5%, autres (agriculture, construction nautique, etc.) 10%235. 236.
Le succès de ce matériau s’explique à la fois par ses grandes qualités mécaniques, techniques
et physiques (résistance et souplesse), et par la réputation qu’il a d’être un matériau
« moderne » gardant ses qualités « naturelles ».
C’est le faible retrait longitudinal moyen des bois qui permet la fabrication des contreplaqués. Le retrait
éventuel transversal des feuilles étant presque complètement annulé (0.1 à 0.2 %) par les fibres longitudinales
des feuilles collées à 90° sur les premières ; les différences entre aubier et bois parfait expliquent également
pourquoi un contreplaqué ne « tient » parfaitement et ne reste parfaitement plein que s’il est constitué d’un bois
de texture régulière et homogène (okumé), à l’exclusion de bois à aubier trop différencié. En général les
variations dimensionnelles des panneaux de fibres ou de particules se situent également entre 0.1 à 0.2%237.
H. Trillat, dans son ouvrage sur les technologies des métiers du bois, englobe quasiment tous
les matériaux dérivés du bois dans la catégorie des contre-plaqués. Il y distingue les panneaux
dit multiplis, c'est-à-dire ceux constitués d’une âme faite de placages ou tranchés et dont le
nombre de plis total varie de 3 à 15 , toujours en nombre impair, les panneaux à âme épaisse
panneautée constituée de planches ouvrées, collées ou non les unes aux autres, les panneaux à
âme épaisse lattée, constituée de lattes collées ou non, de fil, coupé à la circulaire ou non, les
panneaux à âme épaisse lamellée constituée de lamelles sur chant collées entre elles ou non
par leurs faces, les panneaux à âme épaisse façonnée constituée de panneaux rainés
(circulaires) bâtis d’assemblage, à cloisonnement quelconque (Réseau alvéolaire en papier
spécial, panneaux dits sandwich.). Et enfin des panneaux à âme complexe constituée d’un
aggloméré de bois, de fibre, de liège (isolation) et d’amiante (coupe-feu)238.
Entre 1965 et le milieu des années 70, les pays d’Asie du Sud-est jouent un rôle grandissant
dans les exportations de ce matériau, et cela au détriment de la Finlande et du Canada. On
peut supposer que ce nouvel essor est en partie lié au faible coût de la main-œuvre dans les
pays asiatiques qui engendre des prix très concurrentiels.
Des taux de croissance record ont été observés dans ces pays qui bénéficient de la proximité de forêts riches en
essences déroulages (cf. la partie sur les différentes essences de bois), d’une main d’œuvre à très bon marché et
de capitaux étrangers. Les Philippines, la Malaisie et la Corée du Sud semblent actuellement être les pays les
mieux placés pour poursuivre cet essor.
(…)
Leurs marchés étant traditionnellement déficitaires en contreplaqué, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
constituent des indicateurs de la tendance du marché international. On peut y constater une stagnation, voire
une régression des exportateurs traditionnels (Finlande, Canada). D’autre part, les pays utilisant
principalement l’okoumé (France, Espagne, Italie, R.F.A., Israël) doivent faire face à une hausse des prix et à
une raréfaction de la matière première. Il est d’ailleurs significatif que ces dernières années une seule usine de
taille importante ait été construite en France (Océan à Labouhayre dans les Landes) afin de substituer des bois
locaux (pin maritime) à l’okoumé traditionnel239.
234Source : Graph forêt bois, 1994, Agreste cité par Dominique Coutrot, Le bois et ses industries, op. cit., p.62 235Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.64 236Plassat, François & Juan, Jacques, Les outils de travail du bois, Paris, SunstelleSunsteel-/Techno-Nathan,
1990, p.18 237Trillat, H.,Téchnologie des métiers du bois, op. cit., p.24 238Idem.., p.68 239Idem.
82
Contre-plaqués multiplis
Ces contreplaqués sont ainsi désignés quand ils comportent au moins 5 plis. Dans la pratique
on réserve plutôt ce mot aux contreplaqués de forte épaisseur .
Contre-plaqués lattés
Ce sont des panneaux dont l’âme est constituée d’un panneau latté (panneau de lattes de bois assemblées par
collage à plat-joint) et les extérieurs de placage collés à fil croisé. Leur origine vient de la récupération des
noyaux de déroulage. Leur utilisation est principalement le meuble.
(…)
C’est un panneau dont l’intérêt est décroissant et la fabrication en France plutôt en régression. Il s’est fabriqué
en 1993 : 28 000 m3 de panneaux à âme épaisse (lattés ou lamellés). Les caractéristiques mécaniques de ces
panneaux sont en général inférieures à celles des contreplaqués multiplis. Ils sont surtout utilisés dans des
emplois non exposés à l’eau ou à l’humidité240.
De nos jours, les contreplaqués lattés étant très souvent remplacés par les panneaux à base de
particules pour d’évidentes raisons économiques, leur avenir plus qu’incertain.
On sait que les panneaux de particules ont sérieusement concurrencé les panneaux lattés dans la fabrication des
meubles en série ;
(…)
Si le prix du panneau latté est environ 40 à 50% plus élevé que celui du panneau de particules, il est 10 à 15 %
moins cher que le contreplaqué okumé ou hêtre de même épaisseur…241
Les panneaux
Définition
Les panneaux, qu’ils soient de particules, de fibres, de copeaux, des panneaux agglomérés ou
Novopan®, sont tous constitués de bois ou d’autres matières fibreuses ligno-cellulosiques
assemblés entre eux à l’aide d’un liant. Il s’agit donc de particules de bois maintenues
ensemble par la colle, contrairement aux panneaux lattés.
Les panneaux de particules
Définition
Ces panneaux sont constitués :
(…), de bois ou d’autres matières fibreuses ligno-cellulosiques, dans lesquels des copeaux et plaquettes
calibrés, et des fines (particules minuscules) sont agglomérés avec une colle thermodurcissable par un pressage
240Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.62 241« Agepan : panneaux lattés en continu », in Revue du bois et de ses applications, n° 1-2, janvier-février 1969,
p.9.
83
calibré, à 150 ° C, avec une organisation dans la taille, l’épaisseur et la forme des particules déterminés par
l’emploi ultérieur ; les particules sont d’autant plus stables à l’usinage, et le panneau d’autant plus homogène,
que les copeaux sont minces, longs et coupés au lieu d’être broyés242.
Ce sont des produits composés de particules ou de copeaux obtenus par la découpe des bois sur des machines
spécialisées (coupeuses, broyeurs à marteaux.) Il proviennent soit des bois ronds (petits bois, branches, grumes
déclassées), soit des produits connexes (copeaux, plaquettes…) engendrés par d’autres industries travaillant le
bois (scieries, menuiseries, fabriques de meubles, etc.)243.
Les particules et les copeaux sont assemblés entre eux à l’aide d’un liant aminoplaste, phénoplaste ou isoyanate
en une ou plusieurs couches (…). Deux exceptions, les panneaux bois-ciment et les panneaux bois-plâtre. Dans
ces panneaux, le liant est un liant minéral : le ciment ou le plâtre244.
On peut établir une distinction entre les panneaux de particules classiques et ceux à grandes
particules. Les panneaux classiques sont constitués d’une ou plusieurs couches de particules
de bois, en général de trois : deux couches de surface et une couche intérieure. Les panneaux
pour usage en milieu sec sont ensuite agglomérés avec un liant urée-formol tandis que les
panneaux pour usage en milieu à risque d’humidification sont agglomérés avec des liants
mélamine-urée-formol.
Les panneaux à grandes particules ne sont pas très courants en Europe. Ils ont été créés aux
Etats-Unis et au Canada, sur la côte est de ces pays, et dans le but de remplacer le
contreplaqué. On distingue les panneaux de grandes particules ou panneaux gaufrés
(Waferboard) et les panneaux de grandes particules orientées connus sous le nom d’OSB
(Oriented Strand Board). Les premiers sont composés de grandes particules carrées
(80x80x1.5 mm), contrairement aux seconds qui sont composés de particules longues
d’environ 50 à 250 mm, larges d’environ 10 à 30 mm et épaisses d’environ 0.5 à 1mm. Ils
sont assemblés à l’aide de colles phénoliques ou mélamine-urée-formol complétées d’un peu
de phénol. Contrairement aux panneaux classiques, les particules dans les panneaux OSB sont
toutes orientées dans la même direction pour la couche considérée. Ils peuvent être
monocouches ou composés de trois couches croisées comme un contreplaqué. Leurs
caractéristiques mécaniques sont très proches de celles du contreplaqué, mais ils sont
essentiellement destinés au support de toiture, contreventement de maison à ossature bois,
planchers porteurs, etc. 245
Ces panneaux à grandes particules sont relativement peu utilisés dans le meuble.
Historique :
Les panneaux de particules ont été mis au point en Allemagne et en Suisse pendant les années
1930 grâce au développement des résines synthétiques. C’est en 1940, à Brême (Allemagne),
que la première fabrication industrielle eut lieu :
Les premiers principes de la fabrication des panneaux de particules de bois agglomérés avaient été donnés par
Fred Fahrni (Suisse) en 1939246.
Un article dans la Revue du bois et de ses applications datant de novembre 1972 précise
l’arrivée des différents dérivés du bois en France :
242Plassat, François & Juan, Jacques, Les outils de travail du bois, op. cit., p.18 243Coutrot, D., Le bois et ses industries, op.cit, p.65 244Idem., p.65 et 67. 245Ibid., p.69 246Ibid.
84
La plus ancienne fabrication : celle du contreplaqué a commencé en France vers 1920. Il faut par contre
attendre l’après-guerre pour voir démarrer à un stade industriel les autres productions de panneaux : pour les
fibres la production débute en France à partir de 1934 par la « Société pour la fabrication d’isolants et
revêtements ligneux » (Isorel). Les premières études sur les panneaux de particules datent de 1939 (Fahrni), et
la première réalisation industrielle a vu le jour en pleine guerre (en 1940 la firme Trofit à Brême) ; quant à la
France il faut attendre 1952 pour que la production commence247.
Ce fait est par ailleurs corroboré un article intitulé « Panneaux de Fibres, Panneaux de
Particules : Aspects économiques de la production et de la vente » datant de 1957, publié dans
la Revue du bois et de ses applications et écrit par Monsieur Jean Campredon :
C’est d’abord en Allemagne, semble-t-il, pendant les années qui ont précédé la guerre, que les premiers travaux
de recherches sur l’agglomération des copeaux ont été poursuivis. L’Allemagne, qui se trouvait aux prises avec
une sérieuse disette de bois, cherchait à découvrir des matériaux nouveaux capables de pallier cette pénurie. En
Suisse également, ces problèmes d’agglomération étaient étudiés dès avant la guerre.
La première usine produisant commercialement des panneaux de particules a été construite à Brême, vers 1941.
Elle traitait des copeaux de bois et utilisait comme liant une résine phénolique. Un peu plus tard, on découvrait
la possibilité d’emploi des résines à base d’urée.
Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Suisse, les recherches se sont poursuivies et des usines ont été créées dès la
fin de la guerre pour exploiter de nouveaux brevets. En 1945, un panneau de particules à 3 couches était
fabriqué et mis sur le marché Suisse. En 1947 naissait en Allemagne la première usine utilisant le premier
procédé par extrusion et, en Belgique, la première usine traitant les déchets de lin. Actuellement 175 usines
réparties dans les divers pays produisent des panneaux de particules, la plupart à base de déchets de bois, une
quinzaine utilisant les déchets de lin. La paille de blé, la bagasse, la fibre de noix de coco, certaines plantes
annuelles seront vraisemblablement bientôt utilisées à leur tout. 45 usines utilisent les procédés par extrusion,
dont 17 en Amérique du Nord248.
Dans un article de la Revue du bois et de ses applications datant de janvier 1961 rendant
compte d’une conférence donnée au Centre Technique du Bois par Monsieur A. Fischer,
conseiller et directeur technique dans de nombreuses entreprises de bois en Allemagne sur la
question de l’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble, on retrace
l’historique des panneaux de particules ainsi que leur place dans l’ameublement du début des
années 1960 en Allemagne :
Le panneau de particules peut être utilisé pour les emplois les plus divers. En Allemagne, on l’employait et on
l’emploie encore de préférence pour l’ameublement. Il est non seulement utilisé, comme on le présume parfois,
dans les grosses entreprises, mais également dans les petites entreprises qui fabriquaient des meubles sur
modèle ou en petites séries. On ignore trop souvent que les premiers panneaux de particules fabriqués et mis sur
le marché en Allemagne vers l’année 1950, ont été avant tout achetés par de petites entreprises de menuiserie.
La décision des industriels du meuble d’employer les panneaux de particules a été plus tardive, car beaucoup de
ces entreprises importantes d’ameublement possédaient des installations pour la fabrication de contreplaqué
(n.d CTB multipli et latté) qui devaient être arrêtées après l’introduction du panneau de particules249.
Cette citation nous éclaire quant à la chronologie de l’introduction des panneaux de particules
au niveau mondial. Tout d’abord la fabrication et l’utilisation du contre-plaqué puis, à partir
des années 1950, l’utilisation des panneaux de particules.
Finalement, ces panneaux ont été adoptés assez rapidement, en l’espace d’une dizaine
d’années, comme le précise la citation suivante :
247 « Tendances actuelles de l’économie des panneaux » in Revue du bois et de ses applications, n° 11, novembre
1972, p.38 248Campredon, J. « Panneaux de fibres, Panneaux de Particules : Aspects économiques de la production et de la
vente », in Revue du bois et de ses applications, vol. XII, n°5, mai 1957, p.7 249« L’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble », in Revue du bois et de ses
applications, XVI, n°1, janvier 1961, p.15
85
A l’heure actuelle, la fabrication de meubles à partir de panneaux de particules est entrée dans les mœurs en
Allemagne. Les propriétés exceptionnelles d’un bon panneau de particules, et avant tout le prix intéressant, ont
fait progressé leur emploi. On peut même constater que le panneau de particules a influencé la forme des
meubles. Le « meuble moderne », avec ses grandes surfaces planes, est acheté de plus en plus ; on dirait qu’un
style de meuble moderne et européen est en train de se créer250.
En 1951, Monsieur Fred Fahrni notait dans un article sur les panneaux Novopan® le
développement favorable récent de ce nouveau matériau :
Les circonstances suivantes ont été particulièrement favorables au développement du panneau de copeaux :
l’évolution technique et le perfectionnement des diverses méthodes de fabrication l’expérience acquise dans la
fabrication des panneaux de bois contreplaqué et des panneaux de fibre, mais aussi les progrès réalisés dans le
domaine des résines synthétiques.
Une autre impulsion, celle-là du côté du consommateur est venue de « l’Architecture » et de « l’industrie du
Meuble » modernes. Pour l’isolement, pour le revêtement des portes, ensuite pour la technique du placage et la
fabrication des meubles à surfaces en contreplaqué, les exigences les plus diverses se font jour. Inversement,
l’industrie nouvelle des panneaux rendait possible et faisait progresser les constructions modernes à grandes
surfaces.
Enfin, une influence déterminante favorable à la nouvelle industrie du bois amélioré résulte de la présence de la
matière première en quantités suffisantes et à des prix de revient relativement favorables, - j’ai en vue
l’accumulation considérable des déchets industriels du bois251.
L’intérêt pour les panneaux de particules est grand ; en témoignent les nombreux articles
parus à partir du milieu des années 50, et surtout dans les années 60 :
(…) Le panneau de particules conduit, certes, à modifier certaines conceptions et formes de meubles, mais il facilite
beaucoup les choses aux industriels du meuble.
(…)
On peut même constater que le panneau de particules a influencé la forme des meubles. Le « meuble moderne »,
avec ses grandes surfaces planes, est acheté de plus en plus ; on dirait qu’un style de meuble moderne et
européen est en train de se créer252.
F. Plassat a enseigné à l’E.S.B. que la typologie des meubles de rangement pouvait se résumer
en 2 grandes lignes, à l’instar de l’évolution de la construction automobile : les meubles à
structure porteuse, en général en bois massif, et à remplissage des faces (massif ou panneaux),
et les meubles en panneaux autoporteurs où structure et remplissage sont assurés par les
panneaux eux-mêmes. Le design, la construction, la matière première étant radicalement
éloignés, les lignes de production, les machines, les savoir-faire, les quincailleries, sont ipso
facto très différents, ainsi que les prix de revient.
L’aspect écologique n’étant pas négligeable, l’utilisation du bois secondaire dans la
conception de ce matériau, comme dans celui de la fabrication des panneaux en fibres, est très
important. Si les concepts de récupération des déchets de bois n’étaient pas primordiaux lors
de l’invention de ces panneaux, ils jouent aujourd’hui à la fois un rôle économique et
écologique.
250« L’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble », in Revue du bois et de ses
applications, XVI, n°1, janvier 1961, p.15 251Fahrni, Fred, « Les panneaux de copeaux de bois », in Revue du bois et de ses applications, n° 3, mars 1951,
p.14 252Fischer, A., « L’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble » in Revue du bois et de
ses applications, janvier 1961, p.15
86
Fabrication
Les étapes de fabrication des panneaux de particules sont (cf.vol.2, annexe 1, fig.43 à 45) :
- Approvisionnements : rondins et découpe, plaquettes et découpe, « copeaux de
rabotage » et triage, sciures.
- Re-broyage.
- Séchage
- Triage
- Encollage (colles Urée Formol ou Mélamine Urée Formol)
- Conformation des panneaux
- Pressage des panneaux (presse continu ou presse multi-étapes)
- Tronçonnage
- Refroidissement
- Ponçage
Cette méthode de fabrication permet d’utiliser les « déchets » générés par l’industrie du bois,
notamment les scieries, ce qui répond aux considérations écologiques actuelles.
Utilisation et production
La production de panneaux de particules a beaucoup et rapidement augmenté.
De tous les panneaux dérivés du bois, ce sont incontestablement les panneaux de particules qui tiennent la
vedette depuis une vingtaine d’années. En cinq ans, la consommation par capita a doublé aux Etats-Unis, en
URSS, en Suède253.
Les panneaux de particules sont des panneaux très utilisés dans le monde puisqu’il s’en fabrique environ 50
millions de mètres cubes par an (un peu plus que de contreplaqué). Inventés en Europe, il y a une soixantaine
d’années, ces panneaux y sont également le plus produits et consommés (un peu plus de la moitié de la
production mondiale). En France, la quantité fabriquée fut de l’ordre de 2 600 000 m3/an en 1992254.
Notons donc qu’à la fois l’aspect technique, l’homogénéité du matériau, ainsi que son prix
très intéressant ont participés au développement de ce matériau.
Les fibres de bois des particules plates et minces du panneau de particules se croisent, comme on sait, dans tous
les sens, aussi bien dans la surface plane que dans l’épaisseur. Le panneau de particules se présente donc à
l’ouvrier comme un matériau homogène, composé, il est vrai, d’à peu près 90 % de bois, mais qui n’a pas un
certain sens de la fibre du bois. Les surfaces et tous les chants des panneaux se prêtent également bien pour le
travail. Il n’y a pas de différences de travail à cet effet pour panneaux de particules comme il en existe pour le
bois, le contreplaqué ou le latté.
(…)
Les panneaux de particules se prêtent bien à un travail égal.
(…)
Les caractéristiques les plus importantes des panneaux de particules sont :
- la bonne rigidité
253 « Tendances actuelles de l’économie des panneaux », in Revue du bois et de ses applications, n°11, novembre
1972, p.41 254Source : FILB cité par Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.68
87
- la possibilité d’usinage régulière
- le prix intéressant.
(…) avec les panneaux de particules type ébénisterie sur lesquels on peut plaquer directement.
(…)
La bonne stabilité et le prix avantageux du panneau de particules plates sont la raison pour laquelle nos jeunes
architectes dessinent aujourd’hui des meubles semblables aux caisses.
« Le placage » est aujourd’hui un des plus importants processus dans la fabrication du meuble, car les meubles
modernes consistent de 80 à 95 % de panneaux de particules plaqués255.
C’est parmi les raisons économiques, le coût élevé des bois d’œuvre et l’abondance des bois secondaires, puis
des déchets qui a été le facteur dominant du développement des panneaux de particules dès leur origine en
Europe, tandis que ces facteurs ne sont devenus importants en Amérique du Nord que dans les années 60. C’est
en effet alors que la puissante industrie du contreplaqué s’est déplacée de la côte Ouest du Pacifique où elle
utilisait de gros bois à fort rendement vers le sud pour utiliser des petits bois à faible rendement laissant
disponibles des quantités industrielles de déchets que les possibilités techniques transformaient en source
abondante d’une excellente matière première.
(…)
On peut également observer une situation de coût et d’usage un peu comparable en ce qui concerne le bois
massif, ce qui est très important pour le marché du meuble américain qui, par sa conception, fait très peu appel
aux panneaux de particules. Ceci est au contraire le cas de l’Europe où l’on peut dire que c’est l’industrie du
meuble qui a permis la naissance et le très fort développement initial du panneau de particules en Allemagne.
Remarquons, en passant, que le panneau de particules a bien rendu service à l’industrie du meuble en lui
permettant une rationalisation et une industrialisation rapides256.
En le comparant au bois massif, le panneau présente donc plusieurs avantages : absence de
tensions et de défauts, pas de ruptures ni de déformations. En clair, le bois ne « travaille »
plus.
Ces éléments avaient déjà été mis en avant en avril 1952 dans un article de J. Besset paru dans
La Revue du bois et des ses applications.
L’attention se fixe de plus en plus sur les matériaux obtenus par l’agglomération de bois réduit à l’état de menus
éléments. Le prix élevé du bois massif et des panneaux contreplaqués, oriente les fabricants vers des produits
moins coûteux, parce qu’utilisant plus complètement la matière première ou permettant un réemploi des sous-
produits (délignures, chutes et copeaux). Ces produits sont plus homogènes et aussi plus stables que le bois
naturel (ex. Isorel, Krages, Durolen, Renitex, Novopan, Panolac)257.
En 1957, Jean Campredon propose une première analyse de cette nouvelle production du
panneau :
Pour le moment c’est l’Europe Occidentale qui a la plus grande concentration d’usines de panneaux de
particules, avec près des trois quarts de la production mondiale. La République fédérale allemande intervient
pour près du tiers de la production européenne et plus du quart de la production mondiale. La France vient tout
de suite après en Europe. La part de la Scandinavie et de l’Europe Orientale est pratiquement négligeable.
Belgique, Danemark, Royaume-Uni, Italie, Suisse, tous déficitaires en bois, interviennent ensemble pour 280.000
m3, soit aussi environ un quart de la production mondiale.
255Fischer, A., op. cit., p.16-18. Il faut bien entendu prendre en compte que cette évaluation de M. Fischer date
des années 60. Outre les facteurs techniques (et notamment l’arrivé des panneaux MDF), les paramètres
économiques ont également fortement influé sur l’utilisation de ces panneaux depuis. 256Jandon, J.L., « Les panneaux de grandes particules », in Revue du bois et de ses applications, n°11, novembre
1977, p.26 257J. Besset, « Une exposition du Centre technique des Industries du Bois et de l’Ameublement, à l’école Boulle.
Les matériaux et les techniques modernes dans la fabrication du meuble », in Revue du bois et de ses
applications, n° 4, avril 1952, p.17.
88
Les Etats-Unis, qui produisent à eux seuls la moitié de la production mondiale de panneaux de fibres ne se
placent ici qu’après l’Allemagne, avec le ¼ de la production mondiale de panneaux de particules.
Ainsi la physionomie générale de cette industrie ne reflète pas, comme celle d’autres industries du bois, la
richesse en produits forestiers des divers pays. Elle montre au contraire que les plus gros producteurs sont
plutôt les pays qui manquent de bois.
Il y a plusieurs raisons qui font que les pays déficitaires en bois de l’Europe aient été le berceau de l’industrie
des panneaux. Il existait dans ces pays une tendance naturelle vers l’utilisation intégrale des ressources
forestières et des déchets fournis par les industries du bois. Comme il s’agissait en même temps de pays
techniquement développées, les industries chimiques ont pu fournir en quantité suffisante les liants nécessaires à
un prix raisonnable. Au surplus, les capitaux nécessaires pour créer de nouvelles unités de production étaient
comme nous l’avons déjà vu, beaucoup plus réduits que ce que demande l’industrie des panneaux de fibres ou
des pâtes de papier. Cela explique aussi que de petites usines, à faible production, marchant sur les déchets
d’industries voisines, aient pu se multiplier258.
Nous reviendrons ultérieurement sur la question de l’influence ou non de l’évolution
technique et industrielle des différents pays européens sur leur production de panneaux à base
de bois. Nous reviendrons également sur la question des ressources forestières des pays
européens, leurs effets sur l’industrie du bois et notamment sur celle des panneaux en bois.
Cette évolution se confirme 20 ans plus tard dans un article paru sur les panneaux dérivés du
bois publié en avril 1977 dans la Revue du bois et de ses applications :
De façon assez différente, c’est à une motivation plus économique que technique qu’a répondu tout d’abord le
panneau de particules. Celui-ci a, en effet, été conçu pendant la période d’économie de pénurie de la deuxième
Guerre Mondiale dans un but de valorisation des matières premières bois de qualité secondaire. On se souvient
qu’il fut alors souvent désigné par « panneau de déchets agglomérés » et qu’il était surtout destiné au
remplissage.
(…)
Son prix relativement bas a joué un grand rôle dans son développement initial.
(…)
Ces considérations générales expliquent le développement très important des panneaux dérivés du bois constaté
depuis la deuxième Guerre Mondiale – 4 fois supérieur à celui des sciages – et dont la poursuite est prévue pour
plusieurs décennies259.
Monsieur Fischer invoque également une autre explication au succès rencontré par les
panneaux de particules :
Il est plus facile de travailler une lamelle ou une planche de bois dans le sens longitudinal de la fibre du bois
que dans le sens transversal. La langue allemande l’exprime ainsi : « Le bois, en section transversale, est
difficile à travailler ». Tout le monde sait qu’il est plus pénible de couper une bûche de bois dans le sens
transversal que la fendre dans le sens longitudinal.
A cette grande différence dans le travail du bois suivant le sens de la fibre du bois, il s’ajoute la dureté différente
des essences de bois. Il y a des centaines de variétés de bois : très tendre, tendre, de dureté moyenne, durs et très
durs. Il est encore plus pénible de travailler des bois dont les fibres se croisent à peu près dans l’angle de 90°,
par exemple une planche de pin ayant plusieurs nœuds.
Le travail des chants du demi-produit « contreplaqué » provoque des difficultés semblables car les fibres des
couches individuelles du contreplaqué se croisent le plus souvent dans l’angle de 90°.
Toutes ces difficultés de travail n’existent pas avec le travail des panneaux de particules bois de particules
plates (particules coupées) qui sont ceux produits en majorité par l’industrie européenne de panneaux de
particules. Pourquoi ?
258Campredon, J. « Panneaux de fibres, Panneaux de Particules : Aspects économiques de la production et de la
vente », in Revue du bois et de ses applications, vol. XII, n°5, mai 1957, p.8 259 « Utilisation des déchets de forêt et d’industrie dans la fabrication des panneaux dérivés du bois », in Revue
du bois et de ses applications, avril 1977, p.21
89
Les fibres de bois des particules plates et minces du panneau de particules se croisent, comme on sait, dans tous
les sens, aussi bien dans la surface plane que dans l’épaisseur. Le panneau de particules se présente donc à
l’ouvrier comme un matériau homogène, composé, il est vrai, d’à peu près 90% de bois, mais qui n’a pas un
certain sens de la fibre du bois. Les surfaces et tous les chants des panneaux se prêtent également bien pour le
travail. Il n’y a pas de différences de travail à cet effet pour les panneaux de particules comme il en existe pour
le bois, le contreplaqué ou le latté.
Le travail d’un matériau ne dépend pas seulement de sa structure, mais aussi de sa dureté, et celle-ci à son tour
a un rapport avec la densité260.
On remarque donc que l’atout du produit panneau de particule réside à la fois dans son aspect
technique qui le rend facile à travailler ainsi que dans son aspect peu onéreux. Monsieur
Fischer confirme :
Les caractéristiques les plus importantes des panneaux de particules sont :
- la bonne rigidité
- la possibilité d’usinage régulière
- le prix intéressant261.
En parlant plus spécifiquement de la création de meubles il précise :
Le panneau de particules peut être largement utilisé même dans les meubles de style ancien. Toutes sortes de
profils peuvent être rapportés sur les chants et même sur les faces des panneaux.
(…)
Lorsque l’on plaque sur une contreplaque, la nécessité de croiser le fil des placages superposés pose des
problèmes très difficiles en marqueterie. Ces problèmes n’existent pas avec les panneaux de particules type
ébénisterie sur lesquels on peut plaquer directement262.
Il poursuit :
La bonne stabilité et le prix avantageux du panneau de particules plates sont les raisons pour lesquelles nos
jeunes architectes dessinent aujourd’hui des meubles semblables aux caisses. Je refuserais, en tant que fabricant
responsable la fabrication de ceux-ci en contreplaqué. On ne peut faire des portes minces ou des portes
coulissantes que si la surface de bois ne se voile pas, même avec un grand changement d’humidité de l’air, c’est-
à-dire qu’il ne se gondole pas. Un bon panneau de particules doit avoir ces propriétés. La bonne stabilité du
panneau peut être abîmée par une fausse technique de plaquage263.
Les panneaux de fibres :
Définition
260« L’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble », in Revue du bois et de ses
applications, XVI, n°1, janvier 1961, p.15-16 261Idem., p.16 262Idem. p.17 F. Plassat nous a informé qu’en marqueterie traditionnelle, les formats de placage pré-assemblés au
ruban adhésif selon le décor voulu sont moillés à l’eau chaude ou à la vapeur pour les assouplir et permettre leur
mise à plat. De ce fait ils se dilatent. Sur la surface bois ou la contreplaqué enduite de colle forte chaude, cette
feuille saturée d’humidité transpire vers la surface du support qui tend à son tour à se dilater dans le sens
transversal, voir à cloquer si c’est un placage. C’est le fer chaud utilisé avec rapidité et dans le sens qui
accompagne le retrait du placage du séchage qui va accompagner dans une course contre la montre ce
mouvement du bois en même temps que le placage st fixé par la colle qui refroidit, pourvu que la surface ne soit
pas trop grande. Plaquer un dessus de table est donc extrêmement délicat et demande plusieurs opérateurs
oeuvrant en même temps. 263Idem., p.18. Selon F. Plassat il sous-entend une seule face plaqué, ou deux replacages inégaux en nature,
humidité, épaisseur, facteurs qui inévitablement induisent après refroidissement des déformations inacceptables.
90
Ce sont des panneaux dans lesquels :
(…) sont agglomérées des fibres élémentaires de bois, soit par voie humide si les fibres sont agglutinées
par plastification des membranes et évacuation de l’eau sous presse à chaud (150°, 50 bars), soit par voie sèche,
si l’on presse à chaud un mélange de fibres sèches et de colle. Les panneaux de fibres peuvent être durs (densité
voisine de 1) ou mous (densité de 0,2 à 0,4), ou plus récemment de densité moyenne (autour de 0,8). Ces
derniers, obtenus par voie sèche264 sont apparus pour satisfaire les besoins de l’industrie du meuble en
panneaux à grain fin et homogène. Leur appellation est MDF, pour Medium Density Fiberboard ; on dit aussi
medium265.
Parmi les panneaux de fibres, les plus anciens sont ceux dits de fibres dures. Ils sont
fabriqués par voie humide et, en général, sans liant. C’est la réactivité et la réticulation de la
lignine naturelle des fibres sous forte température et pression élevée qui permet une très
bonne liaison entre elles. Dans le meuble, ces panneaux servent surtout de fond de tiroir ou de
dos de meuble.
Historique :
Les panneaux de fibres furent créés et développés aux Etats-Unis dans les années 60.
(…) ces panneaux ont connu un essor très important cette dernière décennie, dans tous les pays du monde et
surtout en Europe hors pays de l’Est. En 1992, la production mondiale avoisinait 12 millions de mètres cubes
alors qu’elle n’était que de 5 millions de mètres cubes en 1986266.
Fabrication
Les deux méthodes de fabrication : procédé humide et procédé à sec, se présentent ainsi :
Procédé humide :
Etapes de fabrication :
- l’écorçage des billes,
- le déchiquetage pour les transformer en plaquettes,
- le triage et le dépoussiérage des plaquettes,
- le défibrage : les défibreurs fonctionnent sur la combinaison d’une action thermique,
qui ramollit le bois et d’une action mécanique. Les fibres ramollies à la vapeur à 180°
C sont laminées entre des disques qui les désolidarisent.
- L’essorage (pour les panneaux isolants, la fabrication s’achève ici, sans pressage,
après un séchage à 8% d’humidité.
- Le pressage.
- La stabilisation.
Tous ces panneaux sont gaufrés sur une face puisqu’un grillage spécial est interposé dans la
presse pour permettre à l’eau de s’évacuer.
Procédé à sec :
Pour les panneaux sous - procédé à sec, les étapes de fabrication sont les suivantes :
- le déchiquetage pour réaliser les plaquettes,
- le triage et le dépoussiérage des plaquettes (éventuellement lavage),
- le défibrage par traitement à la vapeur,
264Les panneaux dits « Panneaux de fibres à moyenne densité » (MDF) sont fabriqués à l’aide d’un liant
synthétique avec l’action de la chaleur et de la pression. (Source : CTBA/IRA Bois, fiches matériaux) 265 Plassat, François & Juan, Jacques, Les outils du travail du bois, op. cit., p.18 266Cité par Coutrot, D., op. cit., p.71, sans citer sa source.
91
- l’encollage des fibres,
- le séchage,
- la conformation du mat,
- le pressage,
- la phase de refroidissement – stabilisation,
- mise au format267.
Les panneaux de fibres de moyenne densité (MDF) sont des panneaux de bois comprimé,
produits à sec, auxquels sont ajoutés des liants amino-plastes ou phénoplastes leur permettant
d’être fabriqués en épaisseurs importantes avec une parfaite homogénéité dans la masse. Cet
aspect a d’ailleurs fortement contribué à leur succès. Ils sont principalement utilisés dans le
meuble, dans l’ébénisterie et dans l’agencement des habitations, des bureaux ou des magasins.
Une version MDF allégée existe, mais elle est, par conséquent, dotée de caractéristiques
mécaniques plus faibles268. Ces panneaux (light, ultra-light) sont utilisés par exemple dans les
meubles des cabines de navires de croisière, les agencements de caravanes, etc.
Utilisation
La stabilité dimensionnelle relative des contre-plaqués, des panneaux de fibres et de particules, leurs tenues,
leurs présentations diverses ont permis une évolution technique importante de la conception des ouvrages de
menuiserie et d’ébénisterie. Leur fabrication évolue constamment. La production mondiale de panneaux à base
de bois atteint en 1974 environ 100 millions de mètres cubes, l’augmentation la plus rapide étant celle des
panneaux de particules269.
Avantages par rapport au bois massif
L’avantage des panneaux à base de bois, outre leurs qualités techniques et leur prix très
concurrentiel, est qu’ils peuvent êtes utilisés en tant que support pour le placage, et donc
permettre la conception et la diffusion de meubles plus économiques.
On distingue deux sortes de replacage : les panneaux surfacés mélaminés et les panneaux
replaqués, le plus souvent avec un placage bois (cf op. cit. panneaux de placage). Le support
est un panneau de particules ou de fibres classiques270.
En gamme économique, sont très répandus les meubles en panneaux revêtus (en général de
papier ou de PVC).
Terminons par cette citation :
Le bois massif présente des défauts inhérents à son époque : pièces de dimensions limitées, variation de volume
suivant l’état hygrométrique de l’air, résistances inégales suivant les différentes directions. Les panneaux
contreplaqués, les panneaux de fibres, type Isorel, les panneaux agglomérés aux liants hydrauliques, les bois
améliorés, constituent de véritables matériaux nouveaux, ajoutant des propriétés propres à celles qu’ils tiennent
de leur composant principal, le bois.
267Source : www.le-bois.com/fiche_materiau Site internet consulté le 11 septembre 2006 268Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p. 71-72 269Trillat, H., Le bois et ses industries, op. cit., p.71. 270Coutrot, D., Le bois et ses industries, op. cit., p.69
92
Deuxième fait économique : le jeu de la concurrence se traduit par la recherche du prix de revient le plus bas.
On a alors assisté à un remarquable développement des machines à bois qui permettent la fabrication en série,
mais dont l’emploi implique une attention raisonnée, une parfaite technique d’affûtage des outils.
Troisième fait économique : l’ouverture du marché intérieur à des bois jusqu’alors inconnus, notamment aux
bois tropicaux271.
Au cours du 20ème siècle l’industrialisation voit le mobilier s’approprier l’utilisation d’autres
matériaux :
Toutefois, malgré l’influence persistante des styles du passé, le XIX e siècle a vu le florissement de bien des
styles et des techniques. L’une de celles-ci inventée par un nommé Belter, de New York, consistait en
contreplacage de bandes les uns sur les autres, de manière qu’ils puissent être courbés à la vapeur selon
différentes formes. La mécanisation s’étant rapidement développée, le goût de naguère pour le « métier » des
fabricants commença à se perdre. Cependant, les méthodes traditionnelles survécurent, surtout en Scandinavie,
où l’industrialisation était moins avancée.
(…)
Quoique la production en série soit une caractéristique des XIX e et XX e siècles, des chaînes de montage
rudimentaires existaient dès la fin du XVIII e siècle, lorsque les fabricants commencèrent à se spécialiser, les
uns faisant des pieds de chaise, les autres faisant des sculptures. En Grande-Bretagne, un grand nombre de
chaises Windsor furent assemblées dans les manufactures de High Wycombe, les pieds et les barreaux venant
des ateliers temporaires des chaisiers qui travaillaient au fond des forêts de hêtre du Buckinghamshire.
La fabrication du mobilier moderne fait appel non seulement à des chaînes de production très élaborées, mais
aussi à l’utilisation d’agglomérés de bois, plaqués ou non. Le bois massif sert pour le mobilier de luxe, les
pièces détachées étant façonnées à la machine, mais l’assemblage et la finition étant faits à la main par des
artisans ou des ouvriers spécialisés. Des articles un peu moins chers comprennent des panneaux en planches ou
en fibre de bois, les placages de bois durs et des revêtements en matériaux synthétiques, ces derniers imitant
souvent le naturel.
(…)
Les contreplaqués et stratifiés ont pris une grande importance en ameublement. Ils permettent de faire des
économies de matière et de finition, car seules les surfaces apparentées ont besoin d’être de qualité, et aussi
parce qu’on peut obtenir par moulage – dans des formes chauffées et sous haute pression – des profils
complexes dont l’obtention est difficile dans le cas du bois massif272.
271Blais, R., « Un matériaux millénaire, le bois : une jeune école : l’Ecole du bois », in Revue du bois et de ses
applications., n°6, juin 1951, p.15 272Collectif, Le Grand Livre International du Bois, p.130
93
LES INDUSTRIES DE LA DEUXIEME TRANSFORMATION
Le bois et l’évolution technique :
Les outils et machines destinées à la fabrication de mobilier en bois sont très nombreux. Cela
s’étend des outils les plus simples qu’on peut trouver dans un atelier de meubles de
fabrication artisanale à des machines très sophistiquées, contrôlées par ordinateur et
fabriquant parfois des meubles « à grande vitesse » avec un personnel réduit, voire utilisant
des robots. Si, comme jadis, certains créateurs de meubles rustiques ou artisanaux créent
encore leurs modèles à la main, avec du papier et un crayon, la plupart des créateurs et
designers utilisent aujourd’hui l’informatique, la CAO dont certains programmes spécifiques
permettent de vérifier en trois dimensions les intentions et les calculs sur l’ordinateur à
l’usine. Ces procédés sont bien évidemment l’apanage de la fabrication maximale qui mène à
la production mobilière de masse. Les meubles vont être fabriqués au millimètre près, afin
que le modèle soit répété sans plus jamais passer les étapes de la maquette, du prototype et de
la réalisation du moule auxquelles on devait se soumettre autrefois. La technique dite de
prototypage rapide permet d’éviter ces différentes opérations et de minimiser encore le
chemin entre conception et réalisation.
Attardons-nous toutefois sur quelques-unes des machines en usage dans les ateliers de
fabrication à vocation artisanale. Nous distinguons par exemple les scies circulaires à table,
les scies radiales, les scies à ruban, les scies à découper, les raboteuses, les accessoires de
mortaisage, les perceuses à colonne, les ponceuses fixes ainsi que les combinées.
Les différentes scies.
Les scies circulaires à table, sont, dans leur forme la plus simple, composées d’une lame
rotative qui déborde à travers le centre d’une table plate ou d’un établi. Cette sorte de scie est
principalement utilisée pour découper des pièces de bois massif et corroyer des panneaux
dérivés du bois.
Malgré son utilité apparemment limitée, la scie circulaire à table est la première machine qu’un menuisier
achète, et devient très rapidement le centre d’activité d’un atelier, car on y ramène constamment les pièces à
travailler, pour les corroyer, les façonner, les rainurer, les tailler à un angle et les joindre273.
La scie radiale (cf.vol.2, annexe 1, fig.46) est avant tout une scie pour tronçonner. Il s’agit
néanmoins d’une machine très attrayante pour l’amateur en raison de sa polyvalence. Elle
peut en effet à la fois refendre, tronçonner, tailleur un biseau ou un onglet et, légèrement
modifiée, elle peut être transformée en moulurière, en défenseuse de surplomb, en ponceuse
ou en perceuse.
Sur une scie radiale standard, la lame et le boîtier-moteur sont suspendus à un bras métallique monté sur une
colonne rigide. Le bras peut pivoter d’un côté à l’autre afin de présenter la lame à des angles différents et de
tailler des onglets. En même temps, le boîtier-moteur et la lame peuvent être inclinés et pivoter pour tailler à des
angles incorporés. Sur un modèle de scie, le bras est fixe tandis que la table pivote274.
273Jackson, A. & Day, D., Guide du bois de la Menuiserie et de l’Ebénisterie, Londres, William Collins Sons &
Co., Ltd., 1989. La maison rustique, 1991 (pour la version française), p.156 274Idem., p.164
94
Les scies à ruban (cf.vol.2, annexe 1, fig.46) se composent d’une lame constituée d’une
boucle métallique continue entraînée par deux ou trois grands volants. Beaucoup de
menuisiers préfèrent la scie à ruban à la scie radiale car il y a beaucoup moins de risques de la
voir éjecter une pièce de bois vers l’utilisateur. On peut également s’en servir pour scier des
pièces courbes.
Beaucoup de scies à ruban sont vendues uniquement parce qu’elles permettent de débiter d’épaisses pièces de
bois. La scie à ruban que l’on trouve couramment dans l’atelier d’un bricoleur peut débiter du bois d’une
épaisseur atteignant 150 millimètres, mais les modèles légèrement plus chers ont une capacité de coupe
maximale de 300 millimètres. Cette facilité fait de la scie à ruban la machine idéale pour débiter de grosses
pièces de bois en planches et même en placage275.
Les scies à découper sont souvent associées au modélisme et aux travaux légers, mais les
meilleures peuvent facilement découper de pièces de bois relativement épaisses avec une très
bonne finition.
L’avantage d’une scie à découper est qu’elle laisse les deux mains libres, permettant ainsi de
guider l’ouvrage avec beaucoup plus de précision.
Les raboteuses
Après avoir acheté une scie circulaire ou une scie à ruban, la plupart des menuisiers envisagent l’achat d’une
machine qui rabotera avec précision des surfaces lisses sur les quatre cotés d’une pièce de bois. Un atelier
industriel est généralement équipé de deux machines. La première est une dégauchisseuse qui rabote la face et
le chant de parement d’une pièce de bois. Pièce de bois que l’on passera ensuite dans une surfaceuse pour
raboter les deux autres chantes d’équerre. S’il y a ni la place ni le besoin pour deux machines différentes, les
bricoleurs choisissent généralement une dégauchisseuse-surfaceuse qui combine les fonctions des deux
machines en une seule276.
Généralement, les ateliers industriels où la production de joints en tenon et mortaise fait partie
d’un programme de production intensive sont équipés de mortaiseuses. Il s’agit de machines
spécialisées très coûteuses. Les ateliers de moindre envergure ont plutôt pour habitude
d’acheter des accessoires de mortaises qu’ils peuvent adapter sur une autre machine, comme
par exemple la perceuse à colonne ou la raboteuse (cf.vol.2 annexe 1, fig.47)
La perceuse à colonne permet de percer à grand rendement. La tête est montée sur une
colonne métallique rigide, elle-même soutenue par un socle qui peut éventuellement être fixé
sur l’établi.
Les combinées
Pour terminer, nous avons également des machines que l’on appelle des « combinées », qui
combinent plusieurs fonctions en une même unité (cf.vol.2, annexe 1, fig.48).
La plupart des combinées regroupent les fonctions d’une scie circulaire à table, d’une dégauchisseuse, d’une
surfaceuse, d’une toupie à bois et d’une mortaiseuse horizontale, construites comme des machines séparées
275Idem., p.172 276Idem., p.180
95
partageant la puissance d’un même moteur ou comme une seule machine partageant la même table et
quelquefois les mêmes guides277.
Les Formes
Le bois courbé
Les successives avancées mécaniques, techniques puis technologiques ont permis au mobilier
de gagner à la fois en unité et en fluidité. Ils ont concouru à l’apparition de nouvelles formes.
Dans ce domaine, Michael Thonet278 est un innovateur qui, au début du 19ème siècle (cf.
annexe 5, fig.61 à 63), est à l’origine du cintrage du bois. Thonet n’est pas le premier à avoir
pratiqué cette méthode (connue des artisans des pharaons), mais il est certainement le premier
à l’avoir appliqué à grande échelle. S’inspirant des tonneliers et des constructeurs de bateaux,
il dépose le brevet de cintrage du bois par la vapeur en 1841. Son idée était de réduire le
nombre de pièces nécessaires à la fabrication des sièges, des lits et des canapés. Cette
méthode permettait par la suite de rationaliser la fabrication des meubles, de la chaîne de
production au montage jusqu’à l’exportation. Comme nous l’avons vu précédemment le choix
de l’essence de bois utilisée avait son importance car toutes les essences ne peuvent se
courber facilement. Les essences les plus propices étaient le hêtre, le frêne et le bouleau qui,
en raison de leurs qualités mécaniques, se courbaient sans cassure sur de grandes longueurs.
Cette méthode qui permet de courber à la fois le bois massif et le bois lamellé va être reprise
par les créateurs modernes du début du 20ème siècle et va permettre la création de modèles tout
à fait novateurs. Déjà, au début du 20ème siècle, les viennois Josef Hoffmann, Otto Wagner et
Adolf Loos travaillent avec la firme Thonet mais aussi avec son concurrent les Frères Kohn.
En 1925, à l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Le
Corbusier installe une chaise Thonet dans le Pavillon de l’Esprit Nouveau, pour rendre
hommage à Michael Thonet en tant que précurseur d’un mobilier populaire, de qualité,
produit en série.
Au cours des années 30, des créateurs tels que le finlandais Alvar Aalto (cf.vol.2, annexe 3,
fig. 18 à 22), le hongrois Marcel Breuer (cf.vol.2, annexe 4, fig.71) et le britannique Gerald
Summers (cf.vol.2, annexe 4, fig.72 et 73) s’essayent à cette technique. Aalto engendre une
avancée majeure en permettant de courber le bois dans 3 sens, dans certaines limites.
277Idem., p.204 278 D’origine allemande, le créateur de mobilier, dessinateur et fabricant de meubles en bois courbe Michael
Thonet (1786-1871), étudie d’abord l’ébénisterie avant d’explorer la technique du bois courbé à partie de 1830.
Attirant l’attention du prince Metternich, celui-ci l’aide à s’installer à Vienne. Il développe une technique
inédite, permettant de développer le mobilier en série : le hêtre massif est d’abord chauffé à la vapeur, puis
courbé dans des formes métalliques. Au milieu des années 20, plus de cent millions de chaises n° 14 sont
vendues dans le monde entier. (source : Dictionnaire International des Arts Appliquée et du Design).
96
Le Contre-plaqué moulé
Dans les laboratoires de l’industrie aéronautique pendant le Seconde Guerre mondiale, une
autre invention de taille voit le jour : l’utilisation de nouvelles résines synthétiques pour lier
les lamelles de bois, créant ainsi un matériau définitivement plus solide. Ce sont désormais
des machines électriques qui mettent en forme le bois permettant ainsi de mouler le contre-
plaqué beaucoup plus facilement.
Charles Eames était, au début des années 40, chargé par la marine américaine de concevoir de
nouveaux équipements, visant à adapter le bois moulé au corps humain telle la fameuse attelle
pour jambe. Ses désormais célèbres sièges présents lors de l’exposition « Organic design in
Home Furnishing » organisée au Moma de New York en 1941 lui permettent de remporter le
premier prix avec un siège en contreplaqué moulé sur piétement d’aluminium.
Après la Seconde Guerre mondiale, c’est au tour de Scandinaves comme Arne Jacobsen, Hans
Wegner, Bruno Mathsson et d’italiens comme Carlo Mollino de reprendre cette technique
parfaitement adaptée au mobilier inspiré des formes organiques caractéristiques des années
50.
Les revêtements
Placage
Les revêtements plastifiés
Le « Lamifié » et le panneau de particules stratifié mélaminé
Le « lamifié » est un matériau fabriqué à partir des matières cellulosiques du bois (papiers) et
de matières plastiques (résines synthétiques). Un « lamifié » standard d’épaisseur 15/10 mm
possédant une face décor et une face collage est composé d’une pellicule de couverture
incolore (papier de cellulose pure), transparente, résistant à l’usure, à la chaleur et aux acides
ménagers. Cette pellicule est imprégnée d’une résine synthétique extrêmement dure
(mélamine-formol). Ensuite nous avons 8 à 9 feuilles de papier kraft constituant l’essentiel de
l’épaisseur du panneau. Ces papiers sont imprégnés de résine phénol-formol.
Ces panneaux se scient, se rabotent, se liment, se poncent sur chant.
Le « lamifié » est un matériau de plus en plus répandu. Séduisant par les nombreux coloris proposés et par son
aspect décoratif, il est très prisé pour sa résistance à l’usure, aux rayures, à la chaleur, aux acides ménagers.
Signalons que tous les décors et coloris existent soit en finition brillante, soit en finition plus mate, dite
« satinée » obtenue par un léger dépoli de la surface extérieure du décor. Le fini « satiné » paraît plus indiqué
lorsque le « lamifié » est utilisé dans un endroit autre qu’une cuisine ou une salle de bains279.
Les panneaux revêtus sont massivement utilisés pour la fabrication des meubles de cuisines et
pour celle de tables de moyenne à bas de gamme. Les italiens du groupe Memphis remettront
279Collectif, Le Grand Livre International du bois. p.25-26
97
ce matériau à l’honneur en déployant une vaste gamme de motifs et de coloris. Nous y
reviendrons ultérieurement dans la partie consacrée à l’Italie, à la fin de notre étude.
Vernis et Cires
Très tôt on s’est rendu compte que le bois nécessitait un traitement de surface ou une finition
superficielle pour à la fois mettre le matériau à l’abri des agents atmosphériques mais
également pour limiter son retrait. Le traitement de surface permet également de protéger le
bois contre les salissures et les marques de coups.280
(…) Les meubles primitifs, en chêne, ont été finis de différentes manières. Dans son état naturel, le chêne passe
du clair au foncé ; cependant, quelques pièces de couleur sombre ont été probablement teintées ou foncées par
application d’ammoniaque ou par exposition à des vapeurs de gaz ammoniac. De toute façon, la surface a reçu
ensuite plusieurs couches d’huile siccative à l’huile de lin naturelle ou colorée par macération de racines
concassées de buglosse.
Le noyer recevrait pour sa part un traitement à l’huile généralement suivi de l’application de plusieurs couches
de vernis, chacune poncée à l’aide d’un tampon de feutre imprégné de fine poudre abrasive. Ensuite, un lustre
protecteur lui était conféré en le recouvrant longuement d’encaustique à la cire281.
A la lecture de ces citations, on voit que le traitement de surface des bois, la teinture des
essences, ainsi que le vernissage se sont pratiqués de tous temps.
Toutefois, le traitement des essences diffère en fonction de leurs propriétés. Nous avons déjà
vu combien l’absorption de la couleur ou du vernis est aisée pour certaines d’entre elles, alors
qu’elle s’avère quasiment impossible pour d’autres
L’acajou était traité en gros de la même manière (que le chêne), si ce n’est que l’huile était colorée, comme
précédemment, par de racines de buglosse. Le premier type d’acajou importé, qui provenait de Cuba, était
vraisemblablement traité à l’huile de lin claire ; à la fin du XVIIIe siècle, ce bois était plutôt l’espèce du
Honduras, plus légère et parfois claire – malgré l’imprégnation à l’huile -, ce qui explique la douce couleur miel
de nombreux meubles en cette essence.
(…)
Certains bois très durs prennent un poli naturel quand on les brunit en les frottant avec un outil dur et lisse. Les
sculptures des meubles se présentent souvent ainsi, car le biseau des gouges et des ciseaux appuie sur la partie
que vient d’entamer le tranchant. Il est bien possible que les sculpteurs sur bois aient remarqué ce fait de bonne
heure, et qu’ils en aient tiré parti pour éviter le recours aux huiles et encaustiques.
Le vernissage à la française, qui consiste en une gomme laquage, a commencé à être en usage au début du XIXe
siècle ; il est vite devenu universel. C’est un procédé très élaboré, dans lequel le produit est appliqué avec un
tampon d’ouate de coton entouré de drap, par couches successives qui s’affermissent.
(…)282
Ces traitements, vernis et coloris du bois, reposent sur les modes et les changements de goût
de la clientèle. Ainsi, à travers le temps et les époques, la mode a été successivement
favorable au mobilier de couleur foncée, au mobilier en laque, au mobilier en bois clair,
cerisier, etc…
Les goûts de la clientèle ont évolué ; on demande maintenant non seulement une production à la chaîne, mais
aussi du mobilier durable et à finissage résistant : c’est ainsi qu’ont été mis au point des vernis synthétiques
280Idem., p.82 281Idem., p.126 282Idem.
98
d’une grande durabilité. Ceux-ci sont à base de cellulose, de polyuréthane et de polyester ; ils résistent à la
rayure, à la chaleur et à l’humidité et ont remplacé le procédé français. La plupart d’entre eux sont applicables
rapidement à la brosse ou par pulvérisation : en outre, leur application nécessite seulement une fraction du
temps et des efforts que réclament les procédés manuels traditionnels. Toutefois ceux-ci sont encore en usage
pour les meubles de luxe chez les rénovateurs de meubles anciens283.
* * *
Le lecteur pourrait aisément se demander pourquoi consacrer une aussi grande partie de notre
étude à l’étude du bois, sa composition, ces différentes essences, sa transformation et ses
dérivés, ainsi qu’à l’étendue du forêt à travers l’Europe ? Mais comment comprendre le
mobilier en bois sans comprendre l’étendue et l’évolution du matériau lui-même ?
N’est-il pas essentiel de comprendre que si les pays scandinaves sont essentiellement connus
pour leur mobilier en pin, c’est parce que leurs forêts sont essentiellement constitué de cette
essence. Il en est de même en ce qui concerne la France. Est-ce un hasard que la plus grande
partie du mobilier d’après-guerre ainsi que le mobilier régional français soit surtout en
chêne ?
283 Idem
99
Chapître 2
* * *
LA SYMBOLIQUE DU BOIS
100
LA MEMOIRE COLLECTIVE
Introduction
Dans notre mémoire collective, le bois-matériau et son origine, l’arbre et donc la forêt, sont
indissociables. A l’image des racines de l’arbre, l’ancrage du bois dans notre mère nature et
l’évolution de l’espèce humaine est d’une évidence atavique, ce qui peut expliquer une
symbolique foisonnante
Depuis toujours, le bois et sa symbolique occupent une place importante dans les Arts : les
contes, la littérature, la peinture, la sculpture, l’architecture (qu’elle soit d’envergure ou non)
et le mobilier reflètent bien notre attachement à ce noble matériau. La forêt et de plus petite
surface, le bois (au second sens), sont souvent le théâtre de l’imaginaire collectif, quelque soit
son origine : européenne, africaine ou russe. La forêt et le bois (dans les deux sens) font
également partie de notre langage quotidien : « gueule de bois », « toucher du bois », « langue
de bois », « tête de bois », « chèque en bois », « sortir du bois », « être du bois dont on fait les
flûtes », « on verra de quel bois je me chauffe », « être de bois »284, « Bois d’ébène285 » et des
chansons populaires ou enfantines (« Promenons-nous dans le bois »). Par ailleurs, avant
d’adopter la toile, les peintres avaient fait du bois leur support privilégié286 .
De nombreuses mythologies assimilent la verticalité de l’arbre à l’axe du monde287. Il est
aussi, pour les mêmes raisons, un symbole masculin. Chez les Vikings, c’est le frêne,
Yggdrasil, qui supporte le monde et ce sont ses branches qui en forment le ciel, le chêne est
l’arbre du tonnerre, consacré au dieu Thor. Traditionnellement, chaque société choisit
l’essence la plus courante pour la représenter. Ainsi, le chêne est l’arbre sacre des Romains,
des Celtes et des Gaulois. Saint-Louis rendait la justice sous un chêne et plus récemment F.
Mitterrand en fit son « emblème ». Pour certaines communautés sibériennes, c’est le bouleau
et le mélèze qui sont considérés comme des arbres cosmiques. Chez les Germains c’est le
tilleul, tilleul qui fut au Moyen Age au cœur des rassemblements et des fêtes. Il y incarne
également la justice. Au Liban, le cèdre célèbre et symbolise l’unité du pays. Il figure sur le
drapeau. L’olivier est caractéristique des pays méditerranéens et sa branche est symbole de
paix.
Dans de nombreux mythes, l’arbre est considéré comme arbre de vie, comme le centre du
monde, le lieu du commencement. L’Eveil du Bouddha eut lieu sous l’arbre de la Bodhi288.
Notons aussi l’Arbre de Judée (cercis siliquastrum) originaire de la Sud de l’Europe289. Les
arbres peuvent représenter la naissance, la régénération et la vie. L’arbre est aussi le symbole
284 « Sortir du bois » : se manifester, « être du bois dont on fait les flûtes » : être très accommodant, « on verra de
quel bois je me chauffe » : quel personne je suis, « n’être pas de bois » : ne pas manquer de sensualité etc. Selon
le Petit Robert, article « Bois ». 285 « Bois d’ébène ; nom donné aux Noirs par les négriers. Le commerce du bois d’ébène : la traite de esclaves
noir 286 Le peuplier était le support privilégié des peintres de la Renaissance. Nous trouvons un exemple chez
Leonardo de Vinci avec La Joconde. 287 Dans certains mythes américaines et sud-américaines, mis en avant par Claude Lévi-Strauss dans
Mythologies, le bois vivant et le bois mort sont deux symboles relatifs à l’origine et à la durée de la vie humaine.
Le bois mort fait référence à la privation de vie, destinée à périr. De même, seul le bois mort est brûlé et utilisé
pour la cuisson chez certains Indiens d’Amérique, car utiliser et brûler du bois vif est considéré comme du
cannibalisme. 288L’arbre Bodhi ou Pipal (Ficus religiosa), est un arbre de l’espèce des figuiers et est l’arbre sacré pour les
bouddhistes (source www.wikipedia.fr) 289 Selon la légende, c’est à cet arbre que Judas se serait pendu après avoir trahi Jésus Christ (www.wikipedia.fr)
101
de la fertilité, de la croissance ainsi que de la mort290. Dans de nombreuses religions, l’arbre
fait le lien entre le ciel et la terre, instaurant la communication entre les dieux et les hommes.
Ces diverses significations se retrouvent notamment dans la statuaire en bois qui représente
les divinités propres aux cultes et religions. Chez les évangélistes, l’arbre renvoie à la
généalogie du Christ (l’arbre de Jessé) mais également à la connaissance du Bien et du Mal.
De la même façon, l’olivier joue un rôle important dans le christianisme : le rameau d’olivier
amené à Noé par une colombe, le Jardin des Oliviers et le Mont des Oliviers où Jésus pria,
délaissé par ses disciples avant son arrestation.
Un autre exemple est le buis. Réputé pour sa résistance, il symbolise la fermeté et la
persévérance. Dans l’Antiquité, le buis est un symbole funéraire en même temps qu’un
symbole d’immortalité puisqu’il reste toujours vert. Les Gaulois avaient quant à eux divinisé
le buis pour en faire un symbole d’éternité, à l’image du cycle de vie. Avec l’avènement du
christianisme, le buis revêt de nouvelles significations. En Occident, il a remplacé les feuilles
de palmiers ou de dattiers que la foule portait pour acclamer Jésus dans son entrée à
Jérusalem. Les rameaux bénis le dimanche précédant la fête de Pâques symbolisent désormais
l’immortalité et l’éternité. On les place dans différents endroits de la maison et sur les
principales ouvertures pour conjurer le mal et la maladie291.
En Afrique noire, en Océanie et en Amérique, le bois entre dans la confection de masques, de
sculptures rituelles, de totems et de statuettes votives aux propriétés magiques.
Le bois sert également à la fabrication de nombreux instruments de musique comme la flûte,
le hautbois, la clarinette, la guitare etc. Certains violons sont ainsi faits de sycomore pour le
fond et de pin de Suisse pour la caisse (l’âme du violon)292. Le bois est utilisé pour de
nombreux instruments à percussion.
Par ailleurs, le bois sert aussi à la fabrication des jouets. Aujourd’hui encore, des entreprises
comme Vilac perpétuent cette tradition293 depuis 1911. Petits trains et figurines en bois
continuent à fasciner les enfants dès leur plus jeune âge.
Le bois revêt une importance majeure depuis la Préhistoire ou permettait d’obtenir un feu et
de l’entretenir294. Au cours du Moyen-âge et de la Renaissance, la forêt, destinée à produire
du bois de feu, sert à nourrir des troupeaux. Bernard Palisy (1510-1590), célèbre céramiste du
16ème siècle avide de découvrir les secrets des émailleurs italiens, n’hésite pas à brûler
meubles et planchers de sa maison pour entretenir le feu de son four à poterie et ainsi mener à
bien ses projets.
290 N’oublions pas que la Croix du Christ était également en bois. Il ne s’agit point ici de déterminer s’il s’agit
bien du bois de l’arbre qui a poussé sur la tombe d’Adam ou s’il s’agit de 4 bois différents : bois d’olivier, du
cèdre, de cyprès et de palmier. 291 Source : www.cezalliersianne.asso.fr et www.catholique-nanterre.cef.fr 292Un violon est constitué de 71 éléments en bois (épicéa, érable, buis, ébène…), collés ou assemblés les uns aux
autres. La caisse de résonance, dont la fonction est d’amplifier le son provoqué par la vibration des cordes, est la
plupart du temps en érable. On parle également de l’âme du violon. (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/violon) 293 Source : http://www.vilac.com/product.php?page=1&cid=1 294 On distingue généralement deux principes : la percussion qui donne des étincelles (par exemple le choc de
deux silex) et la friction qui produit un échauffement localisé (friction du bois, comme la rotation d’une baquette
dure sur un bois tendre, à la main ou à l’aide d’une cordelette ; ou bien la friction par mouvement de sciage).
L’un des grandes conquêtes de l’homme reste la maîtrise et la production du feu, l’une des étapes majeures du
progrès technologique de l’humanité permettant l’élaboration d’outils, la cuisson d’aliments, le chauffage etc.
102
Le bois reste également un matériau central dans l’histoire de la navigation, tout comme dans
celle de l’industrie, tant que la houille, l’électricité et le pétrole ne l’y supplantent pas.
Les contes, la poésie et de la littérature
Dans la poésie, la littérature et surtout dans les contes, la forêt, les arbres et le bois sont des
thèmes récurrents. Tantôt cadre féerique, tantôt théâtre de toutes les craintes, la forêt est
souvent au cœur de l’univers des contes. Chez l’auteur danois H.C. Andersen, la forêt ou
l’arbre sont pratiquement présents dans tous les contes. Dans « Le Briquet », la sorcière mène
le soldat à un grand arbre qui fera sa fortune295, dans « Le Petit Claus et le Grand Claus » c’est
une grande forêt sombre que le Petit Claus doit traverser pour trouver la sienne296. Dans le
« Rossignol », la forêt y est vaste et romantique297, dans « Le Vilain Petit Canard », les lacs
profonds se trouvent au milieu des grandes forêts298. Certains contes d’Andersen tournent
même autour de la thématique des arbres : « Le Sapin », « Sous le Saule » ou « Le Dernier
Rêve du vieux chêne »299. Il en est de même chez Charles Perrault. « Griselidis » habite au
cœur du bois300. Les « Souhaits Ridicules »301 et « La Belle au Bois dormant »302 prennent
place dans les bois. En fait, la plupart des contes de Perrault ont pour cadre le bois et la forêt,
le plus célèbre étant « Le Petit Chaperon rouge » qui doit traverser une forêt pour rendre visite
à sa grand-mère303. Dans « Le Petit Poucet », le bûcheron et sa femme abandonnent leurs
enfants au cœur de la forêt304. Chez les frères Grimm, la fille du roi trouve son prince-
grenouille dans la …grande forêt sombre…de son père305. Dans « L’enfant de Marie », le
bûcheron vit avec sa femme à l’orée d’une grande forêt306. Dans « Les douze frères », c’est
dans la forêt que les 12 garçons s’enfuient pour ne pas mourir307, de même que dans « Petit
frère et petite sœur »308. L’histoire de « Hansel et Grethel »309, comme celle de « Blanche
neige et les Sept Nains »310 se déroulent dans un bois.
Dans le conte russe « Baba-Yaga », la forêt offre une échappatoire à la petite fille menacée
par la cruelle ogresse311.
La forêt trouve également sa place dans la littérature fantastique, Tolkien dans le premier
volume du «Seigneur des Anneaux » en est la preuve.
295 Andersen, Contes, (Edition par Régis Boyer), Paris, Gallimard, coll. Folio Classique, 1992, p.29 296 Idem. P.40 297 Idem. p.109 et p. 113 298 Idem. p. 119 299 Andersen, Contes, op. cit. 300 Perrault, C., Contes en vers et en prose, Paris, Hatier, coll. Classiques et Cie., 2006, p.13-51 301 Idem., p.89-94 302 Idem., p.101-116 303 Idem. p.119-124 304 Idem. p. 305 Contes de Grimm, Paris, Gründ, 2004, p.29 306 Idem., p. 36 307 Idem., p. 108 308 Idem. p. 126 309 Idem. p. 159 310 Idem. p. 328 311Source: www.russievirtuelle.com/contes/babayaga.htm
103
La peinture et la sculpture
En plus d’avoir été le support privilégié des peintres jusqu'à l’apparition de la toile, la forêt est
un thème récurrent dans la peinture.
A partir de la Renaissance, « l’invention » de la perspective, permet souvent de mettre en
scène la nature et particulièrement la forêt. Mais c’est surtout à partir des 18ème et 19ème siècles
que le goût d’une grande partie des amateurs d’art, surtout en Europe du Nord, s’affirme pour
la peinture de paysage. Déjà au 16ème siècle, de nombreux artistes flamands et hollandais
s’intéressent à cette thématique. La nature et surtout la forêt constituent souvent l’arrière-plan
de tableaux religieux. Nombre d’artistes s’y sont essayes : Annibal Carrache (1560-1609)
(cf.vol.2, annexe 2, fig.1), Adam Elsheimer (1578-1610) (cf.vol 2, annexe 2, fig.2), Nicolas
Poussin (1594-1665) (cf.vol 2, annexe 2, fig.3), Claude Gellée, dit le Lorrain (1600-1682)
(cf.vol 2, annexe 2, fig.4), Jacob Van Ruisdael (1628/29-1682) (cf.vol 2, annexe 2, fig.5),
Joshua Reynolds (1723-1792) (cf.vol 2, annexe 2, fig.6), William Turner (1775-1851) (cf.vol
2, annexe 2, fig.15) et Hubert Robert (1733-1808) (cf.vol 2, annexe 2, fig.7) pour n’en citer
que quelques uns.
Dans la peinture des fêtes galantes du 18ème siècle la nature et la forêt y sont les cadres
propices aux scènes les plus idylliques, notamment chez Jean-Antoine Watteau (1684-1721)
(Le Pèlerinage à l’île de Cythère, 1717, Musée du Louvre, Paris (cf.vol 2, annexe 2, fig.8)) ou
Le Moulin de Quiquengrogne à Charenton de François Boucher (1703-1770) (cf. vol 2,
annexe 2, fig.9). Bien que les toiles de Jean Honoré Fragonard (1732-1806) rappellent celles
de Watteau, par exemple La fête à Saint-Cloud (v. 1770, Banque de France, Paris) (cf.vol 2,
annexe 2, fig.10), la nature n’y est pourtant affublée d’aucune mélancolie, elle est au contraire
fraîche, calme et lumineuse.
Les anglais Thomas Gainsborough (1727-1788) ou Sir Joshua Reynolds (1723-1972) place le
paysage à l’arrière-plan de leurs portraits.
Chez Gainsborough, le paysage occupe une part importante de ses portraits et « conversations
pièce », faisant ainsi référence à l’artiste hollandais Van Dyck. (Robert Andrews et sa femme,
v. 1748-49, National Gallery, Londres) (cf.vol.2, annexe 2, fig. 11). Ici, le paysage emplit à
lui seul toute la partie droite du tableau. Dans le portrait de Mrs Richard Brinsley Sheridan,
née Elisabeth Linley, v. 1785-1786, The National Gallery Washington (cf.vol.2, annexe 2,
fig.12), le paysage y a une charge plus émotionnelle et annonce le portrait romantique de John
Constable (1776-1837). Le plus célèbre paysage de Gainsborough reste La Charrette du
marché, datant de 1786 (National Gallery, Londres), qui illustre une nature aux tons
automnales dans laquelle les arbres dominent (cf.vol.2, annexe 2, fig.13).
Avec le Romantisme, la nature devient le décor privilégié et se fait tour à tour réconfortante
ou menaçante. Avec les magnifiques paysages de John Constable, notamment le Vallon de
Dedham (1828, Edimbourg, National Gallery of Scotland), on s’éloigne du rendu réaliste de
la nature, celle-ci est désormais le reflet des émotions du peintre (cf.vol.2 annexe 2, fig.14).
Chez un autre peintre anglais de génie, William Turner (1775-1851), la nature apparaît sous la
forme de grandes symphonies chromatiques (cf. vol. 2, annexe 2, fig.15).
C’est pourtant bien au 19ème siècle, principalement dans les pays nordiques, que la forêt et ses
mythes y sont le plus célébrés. Chez Caspar David Friedrich (1774-1840) dans The cross on
the Mountain, conservé à Düsseldorf (cf.vol.2, annexe 2, fig.16), ou dans The Tree of Crows ,
daté de 1822, conservé au Louvre (cf.vol.2, annexe 2, fig.17), la nature revêt une dimension
symbolique, mélancolique, voire inquiétante. Les paysages de Friedrich s’accordent
parfaitement à la sensibilité romantique alors en vogue dans cette Europe du 19ème siècle. La
nature y est restituée telle qu’elle est ressentie et non plus telle qu’elle est vu.
104
Le Romantisme confère donc à la peinture de paysage une dignité nouvelle.
Dans La lutte de Jacob avec l’ange d’Eugène Delacroix (1854-1861, église Saint-Sulpice,
Paris) les imposants chênes occupent à peu près les deux tiers de la composition (cf.vol.2,
annexe 2, fig.18).
Stimulée par la découverte des paysagistes anglais comme Constable et Turner, la peinture de
paysage connaît au 19ème siècle en Europe un essor sans précédent. En France, les œuvres de
Camille Corot (1796-1875) et des peintres de l’école de Barbizon, opèrent un changement
fondamental. Chez Corot, très inspire par les paysages italiens, les tableaux sont peints en
plein air, notamment ce paysage de Volterra, le municipe , datant de 1834 (Musée du Louvre,
Paris (cf.vol.2, annexe 2, fig.19)). Le paysage y devient enfin le véritable sujet du tableau. A
la suite de Corot, Théodore Rousseau (1795-1875), Jules Dupré (1811-1889) ou encore
Charles François Daubigny (1817-1878) peignent la forêt de Fontainebleau. En 1855,
Rousseau peint avec réalisme un Groupe de chênes, Apremont (Musée du Louvre, Paris)
(cf.vol.2, annexe 2, fig.20). En 1849, Jean-François Millet (1814-1875) s’installe dans le
village de Barbizon. Dans son Printemps, datant de 1873, conservé au Louvre, le paysage
relève presque du fantastique (cf.vol.2, annexe 2, fig.21). Il sera suivi par Charles-François
Daubigny (1817-1878).
Avec la découverte de la photographie par Daguerre en 1841, l’approche des peintres change.
Les peintres, notamment les impressionnistes, sont contraints d’apporter une nouvelle
perception de la nature.
Dans le dernier tiers du 19ème siècle, la peinture de paysage va être marquée par l’influence
grandissante des Impressionnistes. A cette période, de nombreux peintres se retrouvent sur les
côtes normandes, sous l’égide de l’école de Honfleur, Eugène Boudin et Johan Barthold
Jongkind (1819-1891) ou encore Claude Monet (1840-1926), Auguste Renoir (1841-1919) et
Alfred Sisley (1839-1899), viennent y prendre des leçons de peinture en plein air, étudiant
ainsi le paysage aux différentes heures du jour.
Chez le peintre réaliste Gustave Courbet (1819-1877), les arbres servent de décor au tableau
Les Demoiselles des bords de la Seine, 1856, Musée du Petit Palais, Paris (cf.vol.2, annexe 2,
fig.22).
Chez Edouard Manet (1832-1883), la forêt d’Argenteuil constitue le superbe cadre de son
Déjeuner sur l’Herbe (1863, Musée d’Orsay, Paris (cf.vol.2, annexe 2, fig. 23)). Au début des
années 1890, Claude Monet peint une série sur des « Peupliers » (Peupliers au bord de
l’Epte, effet du soir), 1891, Japon, National Museum of Western Art, Tokyo (cf.vol.2, annexe
2, fig.25)). A Giverny 30 ans plus tard, il peint Les Deux Saules (Musée de l’Orangerie, Paris
(cf.vol.2, annexe 2, fig.44)). Pour Auguste Renoir, les arbres retrouvent la place du décor
d’arrière-plan : Grandes Baigneuses (v. 1918-1919, Musée d’Orsay, Paris (cf.vol.2, annexe 2,
fig. 45). Gustave Caillebotte introduit en 1875 une autre vision du bois : (Les raboteurs de
parquet, Paris, Musée d’Orsay (cf.vol.2, annexe 2, fig. 24).
Chez les Impressionnistes, la forêt et les arbres restent des sujets de prédilection, porteurs de
légèreté et leur permettent de jouer avec la lumière et les couleurs. Au contraire, les
Symbolistes comme Puvis de Chavannes (1824-1892), Gustave Moreau (1826-1898), Odilon
Redon (1840-1916) confèrent à la nature une dimension plus inquiétante. Maurice Denis
conservera sa vie durant une de ses œuvres majeures Les Arbres Verts ou la Procession sous
les arbres, 1893, Paris, Musée d’Orsay (cf.vol.2, annexe 2, fig.29). Inspirée par les hêtres de
la forêt de Kerduel, proche de Perros-guirec, les arbres sont ici réduits à des lignes verticales,
ascendantes, tout comme ce fut le cas pour la toile peinte la même année Lutte de Jacob avec
105
l’Ange, 1893, Collection Particulière (cf.vol.2, annexe 2, fig.30). Ce Symbolisme que l’on
retrouve également en Allemagne chez Arnold Böcklin (1827-1901) dans son L’Ile des Morts
datant de 1880 (Bâle, Kunstmuseum (cf.vol.2, annexe 2, fig.26), chez Max Klinger (1857-
1920) ou chez Fernand Khnopff (1858-1921).
A cette même époque, nous relevons aussi les œuvres du finlandais Akseli Gallen-Kallela,
notamment ses illustrations pour l’épopée finlandaise (cf.vol.2, annexe 2, fig.35).
Chez les néo-impressionnistes, la forêt et les arbres ne jouent pas un rôle essentiel, mais ils
constituent parfois des arrière-plans, comme dans Un dimanche après-midi à l’Ile de la
Grande-Jatte de Georges Seurat (1859-1891), datant de 1884-1886, Etats-Unis, Art Institute,
Chicago (cf.vol.2, annexe 2, fig. 27). Chez certains Post-impressionnistes et/ou Fauves
comme Paul Gauguin (1848-1903), Vincent Van Gogh (1853-1890) ou Paul Cézanne (1839-
1906), on retrouve des représentations de la forêt. Chez Gauguin, c’est dans un cadre plutôt
idyllique à Pont-Aven comme a Tahiti (cf.vol.2, annexe 2, fig.28 et 31) tandis que chez Van
Gogh, les arbres deviennent quasi menaçants surtout dans les œuvres peints à Arles à partir de
1888 ( Les paveurs (boulevard de Saint-Remy), 1889, Etats-Unis, Collection Philips (cf.vol.2,
annexe 2, fig.32)). Chez Cézanne, ils appartiennent à la série de tableaux représentant La
Montagne Sainte-Victoire (Sainte-Victoire au grand pin, 1886-1888, Londres, National
Gallery (cf.vol.2, annexe 2, fig. 33)).
Au début du 20ème siècle, le mouvement des Fauves restitue le paysage avec des couleurs
fortes, les forêts deviennent rouges, bleues, violettes ou jaunes, le trait est simplifié. De
même, chez les Expressionnistes Allemands (Die Brücke et Die Blaue Reiter), le paysage est
prétexte à manipuler couleurs et formes : Reh im Wald I de Franz Marc, datant de 1913
(cf.vol.2, annexe 2, fig. 43). On note également un regain d’intérêt pour la gravure sur bois
chez les mêmes expressionnistes allemands ou chez Emil Nolde (cf.vol.2, annexe 2, fig.39).
Au début du 20ème siècle, le peintre suédois Edward Munch intègre souvent des paysages à ses
œuvres oscillant entre symbolisme et expressionnisme (cf.vol.2, annexe 2, fig.36 à 38).
Si Piet Mondriaan pratique d’abord une peinture naturaliste, ses paysages changent à partir de
1907 et s’organisent ensuite en bandes horizontales superposées. (Pommier en fleurs , 1912,
La Haye, Gemeentermuseum (cf.vol.2, annexe 2, fig.42)). En 1909, Mondriaan entame avec
la toile L’arbre bleu (cf.vol.2, annexe 2, fig.41) une série de variations cubistes sur le thème
de l’arbre jusqu’au jeu de croix noires du néoplasticisme (principe masculin de la verticalité
qui « croise » le principe féminin de horizontalité).
A la suite des Symbolistes, les Surréalistes peignent arbres et forêts sous des formes plus ou
moins étranges. Ainsi Max Ernst peint en 1941 Arbre solitaire et arbres conjugaux
(Collection Thyssen, Madrid (cf.vol.2, annexe 2, fig.46)).
A partir du 20ème siècle, le thème de la forêt est de plus en plus difficile à discerner dans la
peinture européenne. Mais il est plus souvent un prétexte pour travailler des formes et des
couleurs plus abstraites : Le Talisman de Paul Sérusier (Musée d’Orsay, Paris) illustre bien
cette étape vers une première abstraction de la nature et de la forêt (cf.vol.2, annexe 2, fig.
34). Peint en 1888 à Pont-Aven dans le Bois d’Amour, cette petite œuvre devient très
rapidement le manifeste des peintres de l’école de Pont-Aven et des Nabis. Chez les Nabis, la
nature, la forêt et les arbres jouent surtout un rôle décoratif.
Dans La Charmeuse de serpents, datant de 1907 (Musée d’Orsay, Paris) d’Henri Rousseau,
dit le Douanier (1844-1910), la jungle exotique investit le tableau (cf.vol.2, annexe 2, fig.40).
Chez les peintres de l’abstraction, c’est souvent le titre de l’œuvre qui est révélateur de
l’intérêt porte par l’artiste à la nature. Chez Nicolas de Staël (1914-1955), ses œuvres
106
représentant des surfaces colorées font souvent référence à des paysages (cf.vol.2, annexe 2,
fig.47). Francis Bacon s’essaie également à quelques représentations très colorées d’arbres
dans son étude pour le Portrait de Van Gogh III datant de 1957 (cf.vol.2, annexe 2, fig.48).
Dans une œuvre datant de 1985, l’artiste Amselm Kiefer évoque l’arbre cosmique nordique
Yggdrasil en combinant la photographie, la peinture et l’utilisation de plomb, obtenant ainsi
un résultat des plus étonnants (cf.vol.2, annexe 2, fig.49). En 1990, Le peintre allemand
Gerhard Richter, entame une série abstraite de peinture intitulée Wald; sans le titre, il nous
aurait été impossible d’en identifier le sujet (cf.vol.2, annexe 2, fig.50).
Dans certains pays, au Danemark notamment, la peinture a toujours été fortement influencée
par la forêt et les arbres. Au 18ème siècle, le paysage reste encore un élément de décor, c’est le
cas chez Jens Juel (1745-1802) (cf.vol.2, annexe 2, fig.51). Celui-ci s’impose dans ses
portraits qui sont d’ailleurs largement inspirés du portrait anglais. A partir du 19ème siècle
cependant, le paysage devient un sujet à part entière. J.C. Dahl (1788-1857) nous montre un
bel exemple de paysage danois dans sa Vue d’une route vers Prestö datant de 1814. L’arbre
au premier plan permet de créer une belle perspective (cf.vol.2, annexe 2, fig. 52). En 1838,
Christian Köbke (1810-1848) nous montre un beau paysage d’automne (cf.vol.2, annexe 2,
fig.53). La nature est omniprésente dans ses peintures bien qu’elle n’en soit jamais le sujet
principal. Avec son tableau Bord de Mer danois, datant de 1842, Johan Thomas Lundbye
(1818-1848) élève, de par la dimension de la toile (188.5 x 255.5 cm) le paysage danois au
niveau du tableau d’histoire (cf.vol.2, annexe 2, fig.54). Dankvart Dreyer (1816-1852)
utilisent des dimensions plus réduites pour le tableau représentant Le pont de l’église à Assens
au cours d’un bel été danois (cf.vol.2, annexe 2, fig.55). Pendant cette période, au début de la
guerre contre les allemands (conflit autour du partage de Schleswig-Holstein au sud du
Danemark et au nord de l’Allemagne débutant en 1848), un sentiment nationaliste croit.
Beaucoup de peintres s’en inspireront en faisant des forets et des paysages danois le cœur de
leurs peintures. P.C. Skovgaard (1817-1875) est considéré comme le peintre danois le plus
accompli dans ce domaine : (cf.vol.2, annexe 2, fig.56). Comme dans cet exemple
représentant des jeunes femmes discutant pendant que leur linge sèche sous de grands arbres
verts.
Wilhelm Kyhn (1819-1903), en tant que suiveur de Lundbye et de Skovgaard, préfère
représenter la forêt en hiver sous une belle lumière de fin de journée (cf.vol.2, annexe 2,
fig.57). Joakim Skovgaard (1856-1930), l’un de deux fils de P.C. Skovgaards perpétue la
tradition de son père pour le paysage danois (cf.vol.2, annexe 2, fig.58). Ayant travaillé avec
Gauguin et Bonnat à Paris, Theodor Philipsen (1840-1920) a été marqué par la peinture
française de la fin des années 1874-80. Cette influence est notable : Fin de journée d’automne
à Dyrehaven datant de 1886 (cf.vol.2, annexe 2, fig.59).
A partir de la fin du 19ème siècle et surtout au 20ème siècle, la peinture danoise est très
influencée, a retardement, par la peinture française. Le paysage n’est plus le sujet de
prédilection mais reste tout de même présent chez les peintres de l’Ecole de Fyn (Fritz Syberg
(1862-1939), Peter Hansen (1868-1928)), J.F. Willumsen (1863-1958), Sigurd Swane (1879-
1973) , Edward Weie (1879-1943), Erik Hoppe (1897-1968) et Lauritz Hartz (1903-1987)
(cf.vol.2, annexe 2, fig.60 à 66).
Les Sculpteurs :
Les sculpteurs les plus célèbres le sont souvent pour leurs œuvres réalisées en marbre ou en
bronze. Le bois occupe pourtant une place prépondérante dans l’histoire de la sculpture depuis
les premiers hommes, mais il s’agit d’un matériau périssable alors que le marbre, le bronze, la
pierre ou la terre cuite traversent les âges.
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Certaines œuvres exceptionnelles sont pourtant parvenues jusqu'à nous : Sainte Marie-
Madeleine, réalisée par Donatello v. 1455, en bois polychrome pour le baptistère de Florence
(Museo dell’Opera del Duomo, Florence) (cf.vol.2, annexe 2, fig. 67).
En Allemagne, la sculpture religieuse se décline en bois de tilleul, de noyer ou de chêne
(cf.vol.2, annexe 2, fig.68) et connaît un âge d’or au début du 16ème siècle, avec les retables
sculptés (cf.vol.2, annexe 2, fig.69) et des Christ en Croix.
Au 20ème siècle, des artistes comme Pablo Picasso ou Constantin Brancusi (1876-1957) vont
remettre le bois à l’honneur à travers leurs sculptures, en particulier Brancusi qui utilise à la
fois le merisier (Le Coq, 1924, MoMa, New York), et le chêne dans sa Colonne sans fin
datant de 1918 (MoMa, New York) qui consiste en une superposition de modules simples qui
inaugure la sculpture sérielle (cf. vol.2, annexe 2, fig.70 et 71).
Le génie de Picasso l’amène tout naturellement à utiliser le bois pour de nombreuses
sculptures. Fervent admirateur de la sculpture dite « primitive » en bois, il réalise même des
œuvres de petites dimensions, appelées Figures (Musée Picasso, Paris).
Isamu Noguchi utilise en 1946 des panneaux de placage pour la création de sa sculpture
Humpty Dumpty (Whitney Museum of American Art, New York).
Dans le domaine du bois au service de l’Art, la discipline reine reste l’architecture.
L’Architecture
Apres des décennies de cabanes de jardins construites par des parents pour leur progéniture,
celles-ci reviennent en force, cette fois-ci non plus destinées aux enfants mais aux adultes.
Evocatrice de tendres souvenirs de jeunesse, la cabane de jardin est aujourd’hui plébiscitée
pour la touche bucolique qu’elle apporte312.
Certaines fouilles archéologiques ont révélé l’utilisation du bois dans la construction des
habitations dès le Néolithique. Celui-ci servait principalement pour la charpente qui était
ensuite consolidée par des fibres végétales.
Au 14ème siècle, en Scandinavie, notamment en Norvège et en Suède, les maisons étaient
construites en rondins de sapin. Cette technique fut ensuite exportée en Amérique au 17ème et
18ème siècles où elle fut utilisée par les pionniers.
Le bois a également permis de construire très tôt des maisons sur pilotis notamment en Asie,
en Afrique, en Polynésie et en Amérique du Sud.
Durant le Haut Moyen Age, ce sont surtout les Scandinaves qui étaient à la pointe du progrès
en matière de constructions en bois avec leurs charpentes à étages.
Au 14ème siècle, le principe de la charpente en chêne est développée et améliorée notamment
en Allemagne, en Italie et en Angleterre.
N’en déplaisent aux bétonneurs et aux tenants de la « maison de maçon », la véritable maison
historiquement « traditionnelle » en France a été la « maison à colombages », à structure bois
et remplissages divers (selon Michel Corne « La maison à ossature bois, CTBA).
Le bois en tant que matériau de construction est aujourd’hui moins utilisé en Europe qu’il ne
l’est aux Etats-Unis par exemple. Cependant en France la maison en bois commence
timidement à percer, portée par la tendance écologique.
312 Source : www.la-cabane-perchee.com
108
En Asie, les constructions en bois sont très courantes et se déclinent en cyprès, mélèze du
Japon ou thuya d’Orient.
L’apparition plus tardive de la technique des lamellés-collés permit la conception de solides
poutres destinées à de grandes portées. L’usage de colles permit ainsi la fabrication d’allier
grandes pièces et petits éléments.
Malgré ses nombreuses qualités techniques et l’essor des préoccupations écologiques,
l’architecture en bois connaît encore des difficultés pour s’imposer, notamment
administratives et réglementaires. Souvent perçu dans l’inconscient collectif, à tort, comme un
matériau fragile et qui nécessite beaucoup d’entretien, on lui préfère la pierre et le béton. Mais
les architectes semblent depuis peu s’intéresser à nouveau à ce matériau qui disponible,
naturel et renouvelable, présente de nombreux avantages.
Depuis quelques années les salons professionnels et grands publics autour du bois se
multiplient en France comme à l’étranger. Pour n’en citer que quelques uns : « Expobois » à
Paris313, à Angers depuis 2000 le Salon Maison Bois : un salon pour tout savoir sur la maison
en bois, destiné aux particuliers comme aux professionnels314. A Grenoble, se tient depuis
2004, le Salon Européen du Bois, salon sur la construction en bois315. Depuis 2000, à Epinal
au Parc des Expositions le salon Citébois316. Nommons également « Vivons bois » à
Bordeaux317, « BOBAT » à Paris318, « Salon Bois énergie » à Lons Le Saunier319,
« Construire et Habiter » à Bâle en Suisse320, « Euroforest 2006 » à Saint-Bonnet-de-Jouy321,
« Expobois Algérie » à Hydra en Algérie322, « Carrefour de la recherche forestière » au
Québec323, « Prowood » à Gand en Belgique324, « Technibois » au Canada325, « Fimma » à
Bento Gonçalves au Brésil326, « Salon régional de la Maison Individuelle de Bordeaux » à
Bordeaux327, « Salon du Meuble » à Paris328, « Interzum » à Cologne en Allemagne329,
313 Le salon Expobois existe depuis 1998 et se tient à Paris à Villepinte. Salon de la filière bois, on note la
présence de plus de 400 exposants, fabricants et constructeurs de machines à travailler le bois et de produits
dédiés à l’ensemble des métiers et des techniques de la filière bois (www.expobois.fr) 314 Source : www.salon-maison-bois.com. Prochaine édition le 19 au 22 octobre 2007. 315 La prochaine édition à lieu du 3 au 6 avril 2008. www.salondubois.com 316 Ce n’est non seulement un salon sur le bois, mais également un forum, un point de rencontre et d’échange.
C’est un salon qui s’adresse surtout aux élus et responsables techniques, qui ont souvent à gérer leur patrimoine
forestier et/ou utilisent le bois. (www.citebois.com) 317 Le salon « Vivons bois » à Bordeaux est un salon sur la construction bois. 318 En 2008 aura lieu la 2ème édition du salon « Bobât » à Villepinte, Paris. Le salon du bois dans le bâtiment
présente 4 pôles principaux : le bois dans la construction, l’agencement, les équipements et produits finis et les
moyens techniques. (www.bobat.fr). 319 Le Salon « Bois Energie » existe depuis 1998 et est exclusivement dédié au bois énergie. 320 En 2008 aura lieu la 6ème édition du salon « Construire & Habiter », salon des acteurs de la filière bois suisse
romande, essentiellement consacré à la construction et l’habitat. (www.salonbois.ch). 321 Grande foire forestière installée dans une forêt en Bourgogne. Un salon pour les professionnels de la filière
bois, une exposition de matériels d’abattage, de débardage, de transport d’arbres feuillus ou résineux.
(www.netbois.com). 322 Salon de l’industrie du bois et dérivés en Algérie. En 2008 cela sera la 4ème édition. (www.netbois.com) 323 Manifestation internationale qui permet aux chercheurs ou acteurs du monde forestier d’échanger sur les plus
récents travaux et les innovations technologiques forestières. 324 Salon technologique du bois. C’est le rendez-vous international de l’industrie du travail du bois et des
secteurs apparentés en Belgique. 325 Salon canadien sur les équipements, les fournitures et les technologies de pointe utilisées dans les secteurs du
sciage et de la transformation du bois. 326 Salon international des machines, matières premières et accessoires pour l’industrie du meuble.
(www.fimma.com.br). 327 Salon grand public orienté vers la construction bois, l’aménagement intérieur et extérieur en bois et les
produits dédiés au développement durable dans l’habitat. 328 Présente une vitrine de l’offre internationale, du marche du meuble et de l’aménagement de la maison.
109
« Asfurforesta » en Tineo en Espagne330, « Forexpo » à Bordeaux331, « IHFC : International
Home Furnishings Center » aux Etats-Unis332, « Elmia Wood » à Jönköping en Suède333,
« Fimma/maderalia » à Valence en Espagne334, ainsi que « Ligna+ » à Hannovre en
Allemagne335, etc.
Une étude sur le marché de la maison en bois en France a été confiée par le CNDB336 à Caron
Marketing en octobre 2001, afin de réactualiser celle réalisée en 1998. Plusieurs points ont
ainsi été mis en lumière: le logement est devenu le premier poste budgétaire des Français et 6
français sur 10 rêvent de devenir propriétaires d’une maison individuelle. Le marché de la
maison en bois a fortement progressé depuis 2001 : + 46%, chiffre supérieur au marché global
de la maison individuelle (+20%). En revanche, le marché de la maison bois ne représente que
4% du marché global, c'est-à-dire 89.000 maisons à ossature bois (MOB) pour 224.000
maisons individuelles (MI). Pour l’instant la MOB est encore trop positionné sur le haut de
gamme. Les Français veulent être propriétaires de leur maison pour 77% (seuls 12% préfèrent
un appartement). Il ressort également de cette étude que 78% des Français sont prêts à payer
plus cher une construction respectant les principes du développement durable. L’étude met
également en exergue les avantages d’une construction en bois :
Plébiscitée par les ménages français, la croissance du marché de la maison individuelle apparaît donc comme
l’une des opportunités majeures de développement du secteur bois-construction dont devrait bénéficier le
marché du la MOB.
A cela plusieurs raisons :
- Porté par la vague des préoccupations environnementales le bois rassemble les qualités d’un matériau
écologique, naturel et renouvelable. Il répond aux exigences du développement durable. Naturellement plus
isolante qu’une maison maçonnée, sans le souci des points techniques la maison bois apporte facilement 30%
d’économie en chauffage. C’est la maison de demain. Celle qui doit limiter sa consommation en énergie non
renouvelable.
- Traditionnelle ou contemporaine, la maison en bois est aujourd’hui devenu très tendance, notamment chez les
urbains ou périurbains. Elle propose des solutions architecturales innovantes et astucieuses pour tous.
- la maison en bois s’intègre à tous les styles d’espace urbain, s’adapte à toutes sortes de terrains et
s’harmonise avec d’autres matériaux tels que le verre, l’acier, la pierre…Elle est quasiment présente sur toute
la France337.
65% du bois français est utilisé pour la construction. L’objectif de la filière bois française est
d’augmenter la part du bois dans la construction et l’aménagement de l’habitat de +30% d’ici
2010. Avec une consommation de bois 0,18m3 par an et par habitat, la France est loin derrière
les Etats-Unis et le Canada utilisant respectivement 0,44 m3 et 0,66 m3 et surtout en Finlande
et au Japon, tous deux à 1 m3/an/habitant338.
329 Salon professionnel dédié à l’ameublement et aux produits en bois pour l’intérieur. 330 Première foire de la sylviculture et de l’exploitation forestière en péninsule ibérique. 331 Le salon européen de la sylviculture et de l’exploitation forestière. 332 Salon international de l’ameublement de la maison ayant lieu 2 fois par an. Sont présents les représentants de
l’industrie du meuble des 50 états américains. 333 L’un des plus importants salons au monde destiné aux professionnels de la forêt. 334 Salon international de la machinerie et des outils pour le bois. Salon international des fournisseurs du secteur
bois meuble. 335 Salon international des industries forestières et des industries du bois. 336 Le CNDB – Comité national pour le développement du bois – est l’organisme français de promotion du bois
dans la construction. Il regroupe l’ensemble des professionnels, des membres institutionnels et partenaires
nationaux de la filière forêt/bois. L’association est soutenue par les pouvoirs publics qui s’associent à son action. 337 Dossier de presse sur la réactualisation de l’étude sur le marché de la maison en bois en France, octobre 2006.
A consulter sur le site internet www.bois.com 338 Idem.
110
Apres le passage de la tempête « Lothar » fin décembre 1999 dont les vents soufflaient
jusqu’à 259 Km/h dans la journée du 26 décembre 1999, les forêts de France, de Suisse,
d’Allemagne et du Danemark ont été en grande partie dévastées. 13 millions m3 de bois ont
été ainsi abattus en Suisse et 140 millions m3 en France339. En 2 ans, les exploitants forestiers
en ont dégagé près de la moitié. Ces chablis ont été en grande partie mobilisés grâce à des
aides publiques et l’exportation a constitué un débouché important. On estime que seuls 92
millions de m3 de ces chablis étaient mobilisables. En 2000 et 2001, les exploitants forestiers
ont retiré 63 millions m3 de bois. A la suite des 2 tempêtes, les récoltes de bois ont fortement
progressé. Alors que leur moyenne annuelle approchait les 35 millions de m3 sur la période
1995-1999 pour l’ensemble de la France, elles passent à 46 millions de m3 en 2000 puis a 40
millions en 2001. L’augmentation des récoltes ne concerne que les régions touchées par les
tempêtes. Elles ont au contraire diminué dans les zones épargnées. La composition des
récoltes reflète d’abord celle des forêts touchées par les tempêtes. On y trouve 62% de
conifères et 38 % de feuillus en 2000 et en 2001. Les récoltes se répartissaient en 55% de
conifères et 45 % de feuillus un an avant la tempête. L’industrie française de transformation
du bois n’étant pas armée pour faire face à un tel afflux de bois, les exportations ont permis
d’en écouler une partie (2.4 millions m3 avant la tempête, 5.4 millions m3 en 2000 puis 4.8
millions en 2001) constituée pour moitie de conifères. Les boisements abattus ont aussi servis
à produire du bois de chauffage :
L’utilisation des chablis restants dans les cinq régions les plus sinistrées est toujours incertaine. Les chênes de
Champagne-Ardenne et de Lorraine ainsi que les douglas du Limousin, essences à longue conservation, ont sans
doute pu être mobilisés en 2002. L’utilisation des épicéas du massif vosgien lorrain et des pins maritimes
d’Aquitaine et de Poitou-Charentes est plus difficile, car ces essences se conservent mal. La fabrication de
panneaux demeure leur seul débouché au-delà de deux ans. Mais elle ne peut suffire à absorber la totalité de la
ressource. De nouvelles solidarités sont apparues entre les acteurs de la filière. Les courants commerciaux se
sont transformés, à la suite des délocalisations des entreprises forestières dans les régions sinistrées. Des
entreprises ont appris à exporter ou ont développé leurs ventes à l’étranger. De nouveaux modes de vente,
offrant une plus large part à la contractualisation, ont été expérimentés. La tempête a donné au douglas du
Massif central occasion de se faire apprécier. Il va falloir remplacer le hêtre lorrain, bientôt touché par la
pénurie. Il est délicat d’esquisser ce que donnera la redistribution de l’activité forestière entre les régions et les
essences340.
En mai 2001, l’Etat a déclenche le plan « Chablis ». D’un montant de 915 millions d’euros
s’étalant sur 10 ans, il permet de subventionner le reboisement jusqu’à 80 %341.
Le bois fait donc partie intégrante de notre environnement quotidien: le paysage,
l’architecture, la décoration, le mobilier etc. et jouit d’une image positive puisqu’il évoque
souvent de bons souvenirs.
339 Source : www.cemagref.fr 340 Morel, Michel, « La filière forêt bois sort de l’épreuve », in Agreste Primeur, n° 120, février 2003, disponible
sur www.agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/primeur120.pdf. 341 Source : Ministère de l’agriculture et de la forêt.
111
L’ANALYSE SENSORIELLE
Introduction
Comment expliquer la différence de perception entre le mobilier en bois et celui en métal ou
en plastique ?
Plusieurs études récentes ont montré que le public évoque souvent un certain type de
sensualité lié au regard et au toucher. Négligé par les créateurs, les fabricants et les vendeurs
de mobilier, il constitue pourtant un facteur primordial au moment de l’achat. Alors que le
mobilier en métal ou en plastique est souvent qualifié de « froid », le bois dégage plutôt une
sensation de « chaleur ».
Cette sensibilité au bois évoque souvent des souvenirs d’enfance, des promenades en forêt, le
vent dans les arbres, un feu de cheminée, le souvenir du plancher qui craque et le bel
ouvrage…le bois est donc souvent synonyme de nostalgie et de bons souvenirs.
Plusieurs études récentes, et notamment celle d’Alexandra de Rouvray avec le Centre
Technique du Bois et de l’Ameublement (à paraître), vont nous permettre de mieux
comprendre cette sensibilité vis à vis du mobilier en bois.
L’importance de l’aspect sensoriel
Cet indéniable succès auprès du public peut aussi être abordé sous l’angle de l’analyse
sensorielle. La définition suivante, proposée à l’issue de la présentation du colloque
« Essences et sens » organisée à Agen les 20 et 21 novembre 2003 nous clarifie le terme :
L’analyse sensorielle et la méthodologie peuvent être considérées comme un ensemble d’outils destiné à
appréhender les relations, souvent subjectives et extrêmement complexes, entre un objet et son utilisateur.
Appliquée dans de nombreux secteurs, elle peut constituer un outil précieux d’aide à la conception de matériaux
(design sensoriel), à l’amélioration des techniques de finition de surface ou de mise en forme, mais nécessite par
ailleurs un formalisme rigoureux et un investissement intellectuel dans des domaines aussi divers que la
métrologie sensorielle ou l’étude des mécanismes physiologiques de transmission des sensations342.
L’intérêt de l’analyse sensorielle est développé plus loin :
Le bois, massif ou composite, est un matériau complexe, fibreux, anisotrope, plus ou moins lourd, plus ou moins
souple, et l’ensemble de ses propriétés génère des sensation visuelles, olfactives, tactiles, qui peuvent être très
différentes d’un bois à l’autre, d’une finition à une autre343.
Cette diversité des perceptions propres aux essences de bois employées est soulignée par
Stéphane de Benedetti :
De tous les matériaux dont nous disposons, le bois n’est-il pas le plus familier et le plus sympathique ?
Cependant cette matière d’origine végétale fournie par des espèces et des provenances si différentes ne reste-t-
elle pas pour beaucoup capricieuse, mystérieuse voir déroutante ? Son origine naturelle, son aspect familier,
authentique et sincère, apportent une touche chaude et rassurante à notre environnement. Du modeste et
342 Extrait issu du site internet www. Pindeslandes.org/arbora/essencesetsens.html présentant le colloque
« Essences et sens » : Introduction à l’analyse sensorielle au travers d’un matériau support : le bois. Dans le
cadre de la Formation professionnelle continue organisé par l’Agropole d’Agen les 20 et 21 novembre 2003. 343 Idem.
112
rustique sapin, brut ou simplement raboté, de l’ossature d’une maison au placage d’ébénisterie d’un meuble
précieux en passant par la noblesse d’un parquet en chêne ciré, le bois offre une gamme inégalée d’essences, de
teintes, de grains et de vinages, chaque essence pouvant suivant le débit et le type de finition se présenter sous
des formes différentes344.
La découverte d’un objet commence par la perception visuelle et se prolonge par un contact
direct grâce au toucher.
Si la méthodologie et les protocoles d’analyses mis en place par des sociologues ont permis
de comprendre et d’analyser les différents stéréotypes sociaux, les designers peuvent à leur
tour s’en inspirer pour créer des produits, notamment des meubles en bois, en intégrant les
critères culturels et sensibles susceptibles de « cibler » des destinataires bien précis.
Le champ relatif à la perception du bois a également fait l’objet d’une étude, commandée par
l’Ademe345 en juin 2003 et menée par le cabinet « Serge Lochu Consultants » dans le cadre
d’un appel à propositions « Bois matériau 2002 » :
Il s’agissait de collecter tout ce qui se dit et s’écrit à propos de l’utilisation du bois dans la construction, toutes
populations considérées, pour, dans un second temps, observer comment ces « dires » élémentaires sont repris
dans les raisonnements, notamment les raisonnements qui conduisent à des choix en matière d’achat ou de
prescription de matériaux.
La liste suivante des citations rapportées au cours de l’étude est extrêmement intéressante
puisqu’elle exprime bien les sentiments ressentis du matériau bois dans la construction,
certaines des réflexions seraient d’ailleurs tout à fait transposables au mobilier en bois :
« Le bois c’est glissant »
« Le bois c’est fragile »
« Un décor bois, ça donne envie d’étudier »
« Le bois dans une construction, c’est chaleureux »
« Une construction en bois, c’est bien l’été, ça ne garde pas la chaleur du jour pendant la nuit »
« Les bois reçoivent des produits chimiques qui peuvent être nocifs pour la santé »
« Construire en bois pose souvent des problèmes de permis de construire »
« Le bois dans une construction, c’est dangereux, ça brûle »
« Construire en bois, c’est innovant »
« Le bois est plus sûr face aux risques d’incendies »
« Les constructions en bois sont préparées en atelier et, de ce fait, sont de meilleure qualité »
« Les maisons en bois s’intègrent bien dans les environnements verts »
« Le bois en décoration ça fait austère, sévère, sombre »
« Le bois c’est risqué en raison des termites et d’autres insectes »
« Les constructions en bois sont solides »
« Le bois à l’extérieur, ça fait chalet »
« Les constructions en bois ne sont pas étanches à l’air »
« Le bois dans la construction, c’est beau et agréable »
« Le bois est un matériau cher »
« Le bois dans la construction, c’est difficile à entretenir »
« Le bois c’est naturel »
« La construction en bois c’est économique »
« Construire en bois, ça fixe le gaz carbonique »
« La construction en bois, c’est pas pour la ville »
344 Extrait du résumé du mémoire de DESS « Concevoir et Réaliser avec le bois » de Stéphane de Benedetti,
publié dans Arboradoc n°48, septembre 2002, p. 10 345 L’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) est un EPIC, établissement public à
caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministères en charge de l’Ecologie et du
Développement durable, de l’industrie et de la Recherche. Sa mission est de susciter, animer, coordonner,
faciliter ou réaliser des opérations ayant pour objet la projection de l’environnement et la maîtrise de l’énergie
(www2.ademe.fr).
113
« Une maison en bois, c’est pas classique »
« Le bois est isolant thermiquement »
« Il existe maintenant des solutions techniques à tous les problèmes du bois »
« Construire en bois, c’est plus coûteux »
« Le bois permet plus d’audaces architecturales, surtout pour les volumes »
« Construire en bois, c’est avoir un chantier propre »
« Une maison en bois, c’est original »
« Le bois dans une construction, ça fait authentique »
« Construire en bois, c’est mauvais pour la forêt »
« Le bois dans une construction, c’est bruyant »
« Construire un lycée ou un collège en bois est inconscient »
« Le bois sur les chantiers favorise le vol »
« Le bois dans une construction, ça fait vieillot »
« Le bois ça vieillit vite et mal »
« Le bois a naturellement des caractéristiques mécaniques performantes »
« Une construction en bois n’est pas confortable l’été »
« Quand on construit en bois, c’est la croix et la bannière pour trouver de bons professionnels »
« Construire en bois, c’est rapide »
« Habiter une maison en bois, c’est bon pour la santé »
« Le bois est un mauvais isolant acoustique »
« Une maison en bois, c’est difficile à revendre »
« La construction en bois résiste mieux aux secousses sismiques »
« Construire en bois, c’est contraire aux habitudes »
« Construire en bois, c’est bon pour la forêt »346.
On constate que nombre de ces citations se contredisent. Elles sont pourtant bien le reflet des
idées préconçues de la société. Les déclarations suivantes pourraient s’appliquer au mobilier
en bois :
« Le bois c’est glissant »
« Le bois c’est fragile »
« Un décor bois, ça donne envie d’étudier »
« Les bois reçoivent des produits chimiques qui peuvent être nocifs pour la santé »
« Le bois en décoration ça fait austère, sévère, sombre »
« Le bois c’est risqué en raison des termites et d’autres insectes »
« Le bois c’est naturel »
« Le bois ça vieillit vite et mal »
« Le bois a naturellement des caractéristiques mécaniques performantes »
Suite à la collecte de ces différents citations, le cabinet « Serge Lochu consultant » propose de
les repartir en quatre univers différents : « psychologique », « sociologique »,
« technologique » et « économique ».
Nous nous arrêtons ici sur les aspects « sensibles » et plutôt psychologiques de la perception
du matériau :
Symbolisme intrinsèque du bois : le bois alimente l’imaginaire en associations largement empreintes
d’émotions, associations qui incluent éventuellement la forêt. Le symbolisme intrinsèque du bois concerne la
composante personnelle, intime, voire inconsciente, de l’individu. Jusqu’à un certain point, il opère en soi,
indépendamment de l’usage, comme matériau par exemple. La perception du bois par le psychisme humain à,
dans une large mesure, un caractère universel, transculturel347.
Plus loin :
346 Serge Lochu Consultant, Etude de la perception du matériau bois, synthèse, Ademe, Juin 2003, p.4-5 347 Idem., p.17
114
D’une façon générale, le bois attire la sympathie. Les qualificatifs abondent : noble, authentique, naturel,
chaleureux, sensuel. Il est clairement associé à des sensations de plaisirs348.
Ces perceptions favorables du bois revêtent donc un caractère universel. Il est presque
toujours associé à des sensations de plaisirs et d’agréables souvenirs.
Il est également intéressant de noter que l’habitat tout comme l’objet choisi révèle un
positionnement social. Il reste donc à déterminer si l’utilisation du bois dans l’architecture
assimile l’individu au côté « conservateur » ou « moderne » :
A l’extrême « conservateurs », le bois est associé à des environnements spécifiques : campagne ou montagne
(chalet), certains bords de mer (cabane de pêcheur), architecture ancienne (colombages) etc. Il est associé à la
tradition.
A l’extrême « modernes », le bois est un moyen de se démarquer en raison du caractère innovant qu’on lui prête
(architecture dite contemporaine, technologies nouvelles venues d’outre-Atlantique, etc.) ou encore du fait de
vertus progressistes qui lui sont attachées (santé, environnement, etc.). Il est associé à la modernité349.
Deux visions s’affrontent : l’une est liée à l’univers confortable et moderne du bois qualifiée
de chaleureux, beau, agréable, naturel, authentique, original et l’autre plutôt associée à un
univers ancien : austère, sombre, sévère, mauvais et vieillot.
Cette ambivalence explique alors le succès du bois auprès du grand public, qu’il soit jeune ou
vieux puisqu’il satisfait tout autant le désir de nouveauté et d’originalité des jeunes
générations que celui d’authenticité et de naturel des plus âgés.
Cette opposition entre « conservateur » et « moderne » se retrouve également dans les
différentes manières d’aborder le mobilier en bois : mobilier à l’ancienne, styles régionaux et
rustiques ou mobilier en bois moderne, « design » innovant, tant du point de vue technique
que dans les formes.
Aujourd’hui encore, le groupe dit « conservateur » représente la part de marché la plus
importante. La noblesse, l’ancienneté d’usage du matériau, un certain classicisme, une forme
de nostalgie, le prix, la facilité d’entretien fondent leurs motivations d’achats.
Ce constat est à mettre en parallèle avec les théories sociologiques de Bernard Cathelat et ses
fameux « styles de vie ». La distinction entre le style de vie « Aventure » et le « Recentré » a
d’ailleurs marqué la sociologie et les campagnes de publicités des années 70 à 80. nous
verrons plus tard en quoi ces théories sont transposables à la société pour la période qui nous
concerne350.
Le groupe dit « moderne » est très différent : les performances techniques, le développement
de nouveaux matériaux (notamment les dérivés du bois) sont mis en avant. Les
« conservateurs » plébiscitent largement l’emploi du bois massif, indigène (le chêne pour les
français, le pin ou bouleau pour les scandinaves) qu’ils considèrent comme plus « stable » et
plus « vrai ». Les « modernes » sont plus ouverts à l’utilisation d’essences exotiques ou
dérivés du bois.
348 Idem., p.20 349 Idem., p.20 350 Les théories des « styles de vie » développées par Bernard Cathelat sont importantes pour la période étudiée
et surtout pour la France où ils ont pris une importance capitale dans tout lancement de produit et campagne de
marketing et de publicité pendant les années 70 et 80. Il ne faut toutefois garder en tête que ces théories
n’expliquent en rien toute la complexité de la société de cette époque et de la façon de consommer. Par là, nous
rejoignons l’opinion de Robert Rochefort expliquant que ces théories sont d’une très grande utilité mais
uniquement en tant que complément à l’analyse socio-économique de la consommation.
115
Là se trouve le cœur de ce qui a fait le succès du matériau bois jusqu’à aujourd’hui : pour des
raisons très variées, il plait à tous les groupes de consommateurs.
Les groupes « conservateurs » et « modernes » s’accordent sur le fait que le bois est
universellement perçu comme un matériau agréable.
Depuis quelques années, les questions environnementales et écologiques prennent de plus en
plus d’importance chez les « modernes » comme chez les « conservateurs ». Le bois étant
considéré comme un matériau naturel, il profit pleinement cette vague « écologique ».
La question de la lutte contre l’accroissement de l’effet de serre est souvent mise en avant,
comme l’explique Jean-Claude Guy du CNDB :
Depuis cinquante ans, la planète s’est réchauffée. Rappelons quelques chiffres, 1 tonne de bois absorbe 1,6
tonnes de CO2, et émet 1,1 tonnes d’O2, soit 1m3 de bois = 1 tonnes de CO2, le constat est simple, le bois est un
puits de carbone. Lorsque l’arbre est à maturité deux possibilités se posent : soit cet arbre est laissé en forêt, il
se décompose. Tout le CO2 absorbé retourne alors dans l’atmosphère, le bilan est donc nul. Deuxième
possibilité, l’arbre est récolté, le bois est utilisé et le carbone reste alors fixé dans les fibres, de nouveaux arbres
sont plantés, du CO2 sera alors de nouveau absorbé351.
Il est donc indispensable de gérer au plus près la forêt, que celle-ci soit naturelle ou destinée
aux industries du bois.
Cet intérêt croissant pour l’écologie a stimulé l’établissement de normes et la mise en place de
la notion d’Eco-conception de produits qui interpelle de plus en plus les consommateurs.
L’éco-conception correspond à l’intégration des aspects environnementaux dans la conception ou la re-
conception de produits.
Il s’agit de prendre en compte les exigences environnementales sur le produit : réglementation, image de
marque, etc… ainsi que les conséquences environnementales du produit : consommation de ressources,
émissions atmosphériques, production de déchets, valorisation du produit en fin de vie etc…
Les exigences et les conséquences doivent être envisagées sur tout le cycle de vie du produit. En effet, il s’agit
d’obtenir une performance globale352.
Cette notion d’éco-conception séduit de plus en plus de consommateurs.
Alors que dans les années 1950-60, le risque était perçu comme exogène, imprévu et que l’on pensait que le
progrès allait permettre de diminuer le risque, on est entré, après les années 1970-80 au cours desquelles une
certaine forme de prise de risque était valorisée (saut à l’élastique, création d’entreprise, etc.), dans une époque
établissant la distinction entre les risques acceptables à les risques inacceptables, ces derniers relevant de la
négligence, de l’incompétence, de l’irresponsabilité, de l’opaque ou du primat économique. Aujourd’hui notre
société valorise la notion de « pilotage du risque »353.
Devant cette évolution de la notion de risque, en particulier celui de la détérioration de
l’écologie et du développement de la pollution, le consommateur veut être informé du cycle
de vie des produits en vente.
Aujourd’hui, la plupart des consommateurs souhaite une transparence : ils veulent savoir ce
qu’ils consomment, connaître les origines du produit, la méthode de fabrication utilisée et, à
l’instar d’autres secteurs de la consommation, son parcours et vérifier ainsi sa « traçabilité ».
351 Extrait de la présentation faite par Jean-Claude Guy du CNDB : « Plan Bois Construction Environnent.
L’Etat et les Professionnels d’engagent… » publié dans Arboradoc n° 48, septembre 2002 p.3 352 Extrait du site internet www.ecobilan.com/fr_ecodesign.php, consulté le 12 octobre 2002. 353 Idem.
116
L’écologie, pour tous les produits, mais surtout pour le bois, avec un accent mis sur la traçabilité, dans un
contexte marqué par un goût pour le nomadisme354.
La qualité est perçue différemment par les différents types de consommateurs alors que les « Traditionnels »
s’appuient sur la notoriété et les valeurs sûres, les « Modernes » s’attachent moins aux marques et à la qualité
durable, tandis que les jeunes valoriseront la complicité avec les marques, en privilégiant des valeurs sûres dans
des secteurs à risques. On constate aussi une différence culturelle entre le monde latin, marqué par une
prédominance du produit et un rapport très émotionnel à la qualité, et le monde anglo-saxon où la marque, la
distribution, les normes et les contrôles sont les repères les plus utilisés pour garantir la qualité355.
Aujourd’hui une majorité d’Européens se dit concernée par les questions d’environnement et
de développement durable, les labels écologiques prennent de l’essor et le secteur du mobilier
n’y échappe pas.
La mise en place de l’éco-conception permet une approche globale : il s’agit d’identifier, puis
de réduire les facteurs à l’origine des impacts négatifs sur l’environnement à chaque étape du
cycle de la vie du meuble. C’est ce que définit la :
…norme française XP ISO/TR 14062 de janvier 2003 : « L’intégration des aspects environnementaux dans la
conception et le développement de produit à pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs
des produits tout au long de leur cycle de vie.
On entend par cycle de vie les phases, consécutives et liées, de la vie d’un produit : acquisition des matières
premières, fabrication, transport, utilisation et élimination finale356.
Réduction des coûts de fabrication en mettant, par exemple en place la valorisation des chutes
de bois issues de l’usinage, qui peuvent être utilisés pour alimenter le réseau de chauffage des
bâtiments ; reprise du mobilier existant en fin de vie ou lors d’une réaménagement de locaux,
etc., constituent de nouvelles attitudes entrant dans les pratiques de l’éco-conception.
Outre la norme ISO, il existe aujourd’hui également le Label écologique européen commun à
tous les pays de l’union européenne.
Le label écologique européen est attribué pour une durée déterminée à un produit selon des
critères écologiques définis par la Commission Européenne. Ces critères tiennent compte du
cycle de vie du produit, de sa production, son utilisation et jusqu'à son élimination.
L'industriel se porte volontaire et paie pour l'exploitation du label. Il est contrôlé par un
organisme certificateur du pays où le produit est fabriqué ou commercialisé (l'AFNOR en
France).
En France la marque NF-Environnement est la propriété de l'association française de
normalisation (AFNOR). Le label NF environnement est attribué pour une durée déterminée à
un produit dont l'impact sur l'environnement est réduit par rapport aux autres produits du
même type.
Au cours du temps, les essences, nuances et couleurs du mobilier en bois ont changé en
fonction des modes. Depuis quelques années, on constate une résurgence du mobilier dit
naturel puisqu’il incarne bien les valeurs écologiques qui manient notre société actuelle.
354 GAZAL, Christophe, Le point de vue des distributeurs européens, p.7, Colloque « Marques, labels et
certification », Salon du meuble de Paris, Samedi 11 janvier 2003 355 Idem., p.4 356 Appui à l’éco-conception pour le secteur de l’ameublement, Paris, CTBA, 2003, p.13
117
La surface ou le traitement du bois jouent un rôle important lors d’une première approche,
l’utilisation de vernis ou de laque pouvant par exemple occulter la perception « naturelle »
d’un bois.
L’idée du « naturel » fait aujourd’hui « vendre ». Le « naturel » est devenu un concept
« marketing ». Il faut pourtant distinguer plusieurs notions que le consommateur ne
différencie pas toujours : les produits 100% naturels, les produits respectueux des critères
environnementaux et les produits qui donnent un aspect « naturel ». Concernant le mobilier en
bois, c’est la finition, le traitement de surface, visible au premier abord, que se trouve la
préoccupation première du consommateur. Tout naturellement, de nombreux fabricants et
distributeurs de meubles s’adaptent à cette demande.
Tout comme les entreprises, le public est aujourd’hui conscient des enjeux environnementaux de ce début du
millénaire. C’est pourquoi on voit le marché évoluer quelque peu ces dernières années : le public semble vouloir
se rapprocher des produits plus écologiques ; les écoproduits, et notamment dans le domaine de la finition, sont
donc très à la mode comme en témoigne les stratégies marketing de nombreux distributeurs de meubles ou de
fabricants de produits de finition.
De plus, il semble que les consommateurs veulent retrouver le « goût du naturel » comme par exemple l’odeur
de la cire des vieux meubles de nos grands-mères. Il est également recherché l’effet « naturel » par opposition à
l’aspect vernis.
Toutefois, il ne semble pas que le public soit toujours prêt à payer plus cher pour des produits
environnementaux, le prix de ces derniers étant généralement significativement plus élevé. De plus, des
changements pour des produits moins toxiques ou « plus naturels » effrayent légèrement le client : ce dernier
pense que ces produits seront moins efficaces parce qu’ils sont moins nocifs357.
Nous avons vu précédemment l’importance de l’aspect sensoriel véhiculé par le bois. C’est
dire l’importance que peut avoir une finition « naturelle » pour les consommateurs, ils sont
d’abord attirés par les formes et les couleurs de l’objet et vont ensuite le toucher, parfois
même le « respirer » avant de prendre une décision d’achat.
Ainsi, un aspect naturel peut être confondu avec un aspect qui se rapproche le plus possible du bois brut. De
plus, les meubles en bois massifs semblent plus naturels que les meubles en panneaux quels que soient les
produits de finition utilisés.
Une odeur naturelle est, elle, une odeur de cire, comme celle des meubles de nos grands-mères.
Le toucher naturel est plus difficile à définir. Il semble, par ailleurs, moins important. Toutefois, si on imagine
un toucher non naturel comme, par exemple, un aspect rugueux comportant des angles vifs ou des aspérités ou,
encore, un toucher « plastique », on peut s’attendre à une réaction de méfiance de la part du client. Le toucher
naturel suppose donc au moins une douceur et une chaleur de contact.
Enfin, on peut signaler qu’il existe une « sonorité naturelle ». Cette dernière peut être mis en évidence lorsqu’on
frappe un meuble avec sa main. Là, encore, on peut supposer qu’un meuble en bois massif « sonnera plus
naturel » qu’un meuble en panneaux358.
Les critères pour une finition à l’aspect naturel : permettre au bois de garder sa couleur
naturelle, donc recourir aux huiles, cires et autres vernis sans pour autant lui donner un aspect
trop brillant ou trop mat. Il est important de préserver une certaine transparence laissant les
veines du bois apparentes. Afin d’obtenir ces différents aspects de surface, il est essentiel de
garder une faible épaisseur de couche qui ne masque pas.
Une enquête consommateur demandée par le CTBA a été effectuée par le cabinet « AREA
Terrain & Recherche » en 2001. Une des principales conclusions était que l’idée de
357 Roux, Marie-Lise, Les produits de finition « naturels » en ameublement : Etat des lieux et positionnement par
rapport aux produits naturels, Paris, CTBA et ADEMA, 2002, Rapport de stage, p.10. 358 Idem., p.26
118
dénaturation de l’aspect de surface peut résulter d’un seul élément perceptible comme la teinte
ou la texture359.
La notion d’authenticité qu’évoque celle de naturel est liée à la tradition, au travail à
l’ancienne et surtout à l’utilisation de bois massif, les dérivés du bois n’étant pas considérés
comme naturels. Le mobilier « naturel » est souvent associé à la notion de bois brut, le
« naturel » s’oppose à l’« industriel » et exclut toute idée de traitement chimique.
Cette préférence des consommateurs pour le mobilier d’aspect « naturel » est relativement
récente. On se souvient des années 60 marquées par un engouement pour les matières
colorées : les différents plastiques, formica® et différents dérivés du bois pouvaient aisément
se colorer puisqu’ils n’étaient pas considérés comme appartenant à la catégorie des bois
massifs, naturels, nobles. Pendant les années 80, le « high-tech » était « à la mode » avec
l’utilisation de matières dures et brillantes, comme le métal chromé, l’acier, l’inox, et celle de
bois peints, de couleurs connotées elles aussi à l’industrie tels que le noir, gris foncé, le blanc
ou encore le rouge.
Selon cette même enquête du CTBA, il apparaît que si le concept de naturel - notamment lié à
celui de « respect de la nature » - suscite une réaction positive, l’idée « d’aspect naturel »
semble suspecte car elle met inévitablement en doute son authenticité.
(…) les préférences des consommateurs sont très nettes, ils s’orientent vers le respect de l’environnement car il s’agit d’une
valeur et d’une exigence sociale, ainsi que vers la promesse d’une finition naturelle :
- Le respect de l’environnement constitue un positionnement citoyen dont les acteurs économiques ne peuvent tirer
profit que s’il est porté par une marque ou un acteur collectif.
- La finition naturelle apparaît comme un concept actif, car il ne concerne que les surfaces des objets mobiliers et
leur apprêt360.
Comme le montre l’extrait suivant, le respect de l’environnement et la finition naturelle ne
suffisent pourtant pas pour emporter l’adhésion et susciter l’achat :
De ces résultats, il en découle que pour le consommateur, ce qui est important ce sont des bois massifs mais si
possible avec « veinage marqué », comme le pin. Cependant tout les bois avec veinage ne correspondent pas à
leur attente. En effet, le chêne et le merisier qui pourraient répondre, ne sont pas choisis car ils ont une image
« ringarde ». C’est donc l’ensemble du support – finition qui doit être considéré pour le choix des produits et ces
derniers ne seront pas les mêmes sur les essences dits froides comme le hêtre et l’érable ou les essences dites
chaudes comme le chêne et le merisier, et ils doivent être en accord avec ce que l’image du meuble évoque pour
la cible de consommateurs visés ; ainsi le pin correspond à une image jeune, moderne.
Par rapport aux premiers concepts dégagés : produits issus de la nature, respectueux de l’environnement et
aspect naturel, les consommateurs répondent aspect écologie. Avec les produits sélectionnés, il a été répondu à
« l’aspect », par contre pour les critères environnementaux, certains ne répondent pas aux critères demandés
aujourd’hui à savoir sans ou peu de Composés Organiques Volatils (COV), mais tous les éléments n’ont pu être
collectés.
En conclusion :
Le consommateur ne dissocie pas la finition de la nature de son support dans son appréciation du « naturel »,
d’autre part il y a mélange fréquent entre « écologie » et « naturel » dans son esprit. Il se dégage donc deux
approches :
1) marketing : impression naturelle pour le consommateur : bois clair, massif, finition qui se fait oublier,
toucher (bois poncé)
2) écologique : sans impact sur le consommateur et sur l’environnement.
Ces deux aspects vont se croiser sans être forcements liés361.
359 Idem 360 Idem., p.30 361 Idem.,p.36.
119
Le rapport du même cabinet « Area, Terrains recherches » est très intéressant car il reprend
les réflexions des deux groupes de consommateurs interrogés362.
Sentir le côté fin du bois, à la fois les nervures et le côté lisse du meuble et non pas quelque chose de rugueux,
granuleux.
« Le relief »
« Le toucher »
« Qu’il n’y ait pas le côté brillant, lisse. »
« Quand on touche le meuble, qu’on sente bien qu’il y a des creux, des bosses. »
« Mais ça ne veut pas dire que ce soit pas poncé »
« Des aspérités, on sent les nœuds et les nervures tactilement »363
Si les sensations tactiles jouent un grand rôle, les sensations visuelles et olfactives sont
également importantes. Naturel des teintes et odeurs du bois semblent des facteurs décisifs
pour certains consommateurs.
« La couleur, le blond, brun si c’est un meuble naturel ».
« On imagine les nœuds, on imagine l’arbre et c’est surtout ce qui fonce le plus vite donc il y a un décalage, il y
a deux couleurs entre… ».
« L’odeur du bois. »
« Il y a des bois qui ont une odeur particulière, plus ou moins agréable »
« L’odeur du bois brut ».
Certains attribuent même une âme à cette matière première qu’ils considèrent comme
vivantes :
« Quelque chose de chaud à travers un bois comme le merisier. »
« Vivant. »
« On sent qu’il y a quelque chose derrière, ce n’est pas quelque chose d’inerte, quelque chose qui vit encore. »
« Matériaux : le bois, la chaleur, la beauté, ce que ça m’apporte. »
« C’est ce qu’on disait : qui a une âme. »364
Cette enquête met également en relief l’opposition entre le naturel, associé à la tradition, au
bois brut et massif et l’industrie, liée aux traitements chimiques :
« L’authenticité…On sera un peu sceptique par rapport à ce qu’il pourra nous dire. »
« C’est de l’ancien ou du neuf qui imite de l’ancien »
« Naturel pour moi c’est massif. »
« Bois naturel, du chêne. »
« Du massif. »
« Oui moi aussi je suis d’accord, pour moi le bois c’est du vrai bois. »
« Les sortes de bois aussi, j’aime beaucoup les bois exotiques le teck particulièrement. Je le trouve très chaud.
J’aime beaucoup le dessin de ce bois. J’aime également beaucoup le sapin. »
« Naturel, ça veut peut-être dire brut, les finitions peuvent être brutes. »
« Qui ne fasse pas trop travaillé, pas industriel. »
« Ce n’est pas chimique. »365
362 Méthodologie de l’étude : 2 groupes projectifs, d’une durée de 2h30, filmés et transcrits, ayant réuni une
dizaine de participants chacun. Les participants seront pour moitié des femmes. Le premier groupe était constitué
par des consommateurs âgés de 35 à 45 ans, le deuxième par des consommateurs âgés de 46 à 55 ans : Tous
avaient fait l’acquisition d’un mobilier en bois moins d’un an auparavant. 363 P.9 du rapport annexé au rapport de stage de Mme Roux, op. cit. 364 Idem.,p.10 365 Idem., .12
120
Ces commentaires ne font que conforter notre propre approche quant à l’importance du
mobilier en bois. Il apparaît clairement que l’engouement pour ce dernier est liée à son image
naturelle. Cette idée explique également la récente mode des teintes claires, comme le hêtre,
le bouleau, le pin et l’érable par exemple.
« Quand on passe chez IKEA, effectivement, c’est du naturel, c’est du pin mais ce sera toujours de l’ industriel
même si les planches sont en bois massif. »
« Pour moi le naturel c’est (…) en général le bois naturel brut donc on l’a ni ciré, ni verni, ni teinté, ni rien de
tout ça ; mais hélas aujourd’hui ce n’est bien souvent que du pin, c’est donc toujours des bois très clairs. On ne
retrouve rarement du chêne brut. »
« C’est souvent des bois bas de gamme qui n’ont subi aucun traitement. Ce qui est très industriel pour moi
aujourd’hui. »
(…)
« Je pense au bois sablé. Ça donne l’aspect du bois qui a vieilli sous l’eau sauf que là on jette du sable dessus. »
« Il serait poli, parce que je pense aux galets dans l’eau qui se polissent et c’est une finition naturelle. On
pourrait penser que c’est la nature qui fait son travail. Alors un meuble, on imagine que le bois aurait pu rester
séché, il aurait pris une couleur. Finition naturelle ça peut vouloir dire ça : que ça a été coupé, séché au
soleil. »366
Pour ce qui est des traitements de finition, les solutions sont également limitées lorsque le
fabricant veut conserver l’aspect naturel du bois :
« Moi le naturel, c’est plutôt ciré que verni à priori. »
« L’huile, pas toutes. C’est comme la cire, il y a des cires naturelles d’autres part mais bon l’huile, je ne sais
plus, il y a l’huile de lin. »
« C’est un bois qui est peu modifié, pour moi au mieux…Au pire, il est ciré, c’est ni verni, ni peinture. Le verni,
ça change quand même, ça plastifie le bois. La teinture, ça change l’aspect donc il y a que la cire qui garde le
bois naturel, sinon c’est le bois brut. »
« Oui moi je dirais cire d’abeille, je ne vois pas d’autres. »
« Il y a un traitement de surface à base de résine aussi, c’est une vitrification. »
« Du vernis naturel. »
« A l’huile. Souvent on entend ça : finition naturelle sur les bois exotiques, c’est à l’huile. »
« C’est peut-être un produit végétal. »
« Les cires ».
« Des colles pas agressives, sans solvant dangereux. »
« Des huiles, l’huile de lin. »
« La naturalité des substances appliqués au bois, s’étend aux produits destinés à modifier la teinte d’origine. »
(…)
« Moi ce que je vois c’est que la teinte à laquelle on aurait accès, c’est la teinte du matériau de base. On
respecte la couleur originale, la teinte originale du produit de base. »
« Certains colorants naturels : les noix. »367
366 Idem., p.14 367 Idem., p .16
121
Si le concept de naturel remporte la faveur du consommateur, il n’en est pas de même pour le
concept « d’aspect » naturel. Il provoque en effet une certaine méfiance et donne au
consommateur l’impression qu’on lui cache quelque chose. Les citations suivantes en
témoignent :
« C’est vrai qu’on voit souvent ton naturel ou bois naturel. Ce n’est pas un gage de qualité sur le meuble car en
effet au premier coup d’œil, on peut croire que, parce que ça peut être plaqué, laminé, c’est du n’importe quoi. »
« L’aspect, c’est juste la surface, c’est à dire que…sur le plan arrière du meuble, ça sera de l’aggloméré. »
« Ce n’est pas naturel mais ça en a l’aspect. »368
Ces remarques montrent bien que les matériaux dérivés du bois ne sont pas perçus par les
consommateurs comme des éléments naturels.
L’architecte-designer Christian Colvis nous éclaire sur l’incidence des finitions et de couleurs
sur l’acte d’achat369.
Il explique comment, il y a environ 25 ans, apparaissent les premiers lambris de couleur
produits industriellement. Les couleurs, dures et contrastées, (blanc, noir, jaune, rouge, vert ou
marron) masquent les fibres du bois. Par la suite, l’effort consiste à imaginer des couleurs plus
harmonieuses et adaptées à l’environnement des pièces à vivre. Une palette de coloris offrant
plus de transparence et mettant davantage en valeur la texture des bois a donc été élaborée
afin de répondre aux attentes des consommateurs révélées par une enquête du CTBA. En plus
des sensations visuelles et affectives, les couleurs ont également des effets psychiques et
symboliques. C’est pourquoi la recherche d’harmonie et d’équilibre par les couleurs est liée à
l’idée de nature.
Il classe les états de surface des produits de décoration en bois en 3 catégories :
Les bois rabotés sont généralement de finition vernie, sur des supports de qualité (sans nœuds)(…) Des tons
pastel « lavés », des couleurs « mode » jouent la transparence pour laisser apparaître le veinage naturel du
bois.
Les aspects « brut de sciage » :
Ces produits très actuels répondent au goût du public à la recherche d’une ambiance nature. Le pin maritime se
prête merveilleusement bien à ce type de finition où l’on valorise les fibres et les nœuds.
(…)
Les aspects « structurés » :
On obtient les effets structurés par brossage plus ou moins important en enlevant les fibres tendres du bois.
La finition colorée joue sur les cavités et les reliefs en se déposant délicatement.
La lumière ne crée pas simplement la coloration de l’objet, elle lui donne aussi son relief qui est accentué par
les creux et les bosses de ces bois brossés, pour obtenir un effet décoratif qui sculpte la lumière370.
Tous ces éléments conduisent à développer le marketing sensoriel qui était autrefois relégué
aux secteurs de l’alimentaire, de l’automobile, du textile et des biens d’équipement. Ce
nouveau marketing peut se définir ainsi :
Le fait d’utiliser le son, les senteurs, les couleurs, les lumières, les sensations tactiles et gustatives, afin de
susciter chez le consommateur des réactions affectives (plaisir, bonne humeur), cognitives (pensées), et/ou
comportementales (temps passé dans le point de vente, vitesse de circulation…) favorables à l’acte d’achat371.
368 Idem., p.19 369 Extrait de son intervention Quelles influences ont les aspects de finition et de couleur sur l’acte d’acheter »
lors du colloque « Essences et sens », 20 et 21 octobre 2001. 370 Op. cit., p.3
122
Le marketing sensoriel a donc pour but de solliciter un ou plusieurs des cinq sens du
consommateur pour le séduire et susciter son bien-être. Le marketing sensoriel tente de
conjuguer commerce et perceptions humaines :
Le marketing classique part du principe que les clients évaluent les caractéristiques fonctionnelles des produits,
les comparent et font leur choix selon l’adéquation du produit à leurs besoins. Il considère aussi que la
concurrence s’exerce surtout à l’intérieur de catégories de produits étroitement définies et les consommateurs
comme des agents rationnels : leurs décisions d’achat se décomposent en plusieurs étapes raisonnées.
Le marketing sensoriel, par contre, s’attache aux expériences vécues par le client. Ces expériences ont des
dimensions sensorielles, émotionnelles, cognitives, comportementales et relationnelles et non plus seulement
fonctionnelles. Il tente d’analyser la situation de consommation dans son ensemble, puis vérifie l’adéquation des
produits à l’attente des clients ainsi que la façon de les concevoir, de les emballer et de les valoriser dans un
environnement commercial pour les rendre attrayants. Dans ce contexte, le client se laisse plus volontiers guider
par ses impulsions et ses émotions que par la raison372.
Ce concept du marketing sensoriel s’est essentiellement développé au sein de la communauté
scientifique et managériale à partir du 21ème siècle. Cela a permis d’en formuler une
définition :
Ensemble de variables d’actions contrôlées par le producteur et/ou le distributeur pour créer autour du produit
ou du service une atmosphère multisensorielle spécifique, soit à travers les caractéristiques du produit lui-
même, soit à travers la communication en sa faveur, soit à travers l’environnement du produit au point de
vente373.
François Coula, de l’université Monstesquieu Bordeaux IV, met en avant l’existence de
différences culturelles et sociodémographiques et il en cite quelques exemples :
Le blanc étant une couleur de deuil au Japon, il ne faut pas y espérer vendre des voitures blanches ;
La Twingo jaune s’est très bien vendue en Espagne et pas du tout en France (seulement 2%)
Les américains préfèrent des appareils électroménagers dont le niveau sonore est plus élevé ; (…) Un magasin
dont la cible est plutôt âgée doit baisser l’intensité de l’éclairage.
L’essence Total à la fraise n’a été appréciée que par les jeunes aimant les bonbons acidulés.374
Bien qu’elles ne concernent pas directement le secteur du mobilier en bois, ces remarques
pourraient néanmoins s’appliquer à notre sujet. L’attirance pour certains matériaux ou
essences de bois, sont en grande partie régies par ces mêmes variables culturelles et
sociodémographiques.
La tradition a également une importance au niveau national, parfois au niveau régional.
Certains pays sont, par tradition, plus attachés que d’autres au mobilier en bois.
Il a été écrit que l’attachement au mobilier en bois dépendait des ressources forestières d’un
pays. Celui-ci nous semble davantage lié à la capacité des pays en question à se procurer du
bois pour la production du mobilier. Le Danemark et la Grande-Bretagne, qui ont très peu de
forêts, ont toujours manifesté un grand attachement au mobilier en bois. Ceci atteste bien de
leur capacité à importer des bois satisfaisant le goût des habitants pour ce type de mobilier.
Au contraire, depuis les années 60, l’Italie, qui possède peu de couverture forestière,
371 Cocula, François, Marketing sensoriel, Collogue « Essences et sens », Arbora, Agen 2003., p.1 372 Source : www.edunet.education.fr/ecogest/veille/mercatique:gc10htm 373 Fliser, M., Le marketing sensoriel : la quête de l’intégration théorique et managériale in Revue française du
marketing, septembre 2003, sité sur www.edunet.education.fr/ecogest/veille/mercatique:gc10htm 374 Idem., p.9-10
123
s’emploie à développer la production de mobilier en matériaux plastiques et/ou métalliques,
aux dépens du mobilier en bois.
La première partie de notre étude nous a permis de prendre connaissance avec les différentes
essences de bois et de leurs caractéristiques d’usage ainsi que de comprendre la répartition des
différents types de forêts en Europe. Nous avons ensuite abordé la transformation du bois
depuis l’abattage en foret jusqu’à l’élaboration du bois et de ses dérivés.
Nous venons ici de constater que le bois fait partie intégrante de notre quotidien, de notre
environnement et de nos mémoires. L’analyse sensorielle nous a permis de comprendre la
démarche qui anime le consommateur au moment de l’achat et d’expliquer le grand succès du
mobilier en bois à travers les siècles.
Notre dernière grande partie aborde la survivance du mobilier en bois après la Seconde
Guerre mondiale dans les quelques pays européens qui ont contribué a l’évolution de son
design.
Nous avons donc commencé par la Scandinavie, et notamment le Danemark, pour le rôle
capitale qu’elle a jouée dans le design des années 40 et 50. Viennent ensuite l’Allemagne et
l’Angleterre, parce que ces deux nations, l’une par son héritage du Bauhaus, l’autre par son
plan d’utility furniture nous ont semblés intéressantes. La France, parce que le succès du
mobilier en bois a traversé les âges. Enfin l’Italie, en raison de sa magistrale contribution au
design du 20ème siècle mais aussi pour son éclectisme et sa créativité. D’autres pays européens
auraient sans doute mérité de figurer dans notre étude, mais il nous semblait crucial de choisir
des pays très différents au niveau de leurs ressources forestières et de leur conception du
mobilier en bois.
124
Chapître 3
* * *
L’EUROPE DU NORD
125
Contrairement à la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et l’Italie, les pays
scandinaves furent relativement épargnés lors de la Seconde Guerre mondiale. La Suède
choisit la neutralité et en sortit d’ailleurs renforcée, la Norvège et le Danemark ayant préféré
capituler avant de s’engager dans des combats meurtriers. Seule la Finlande eut a subir de
lourdes pertes.
D’autre part, si la France et la Grande Bretagne s’articulent autour d’une société très stratifiée,
il n’en est rien dans les pays scandinaves. En effet, l’écart entre la population la plus démunie
et la plus aisée est bien moins marqué dans ces régions plutôt caractérisées par une classe
moyenne très étendue.
Comme l’affirme Ulf Haard of Segerstad, grand spécialiste du design scandinave :
Industrial art is to Scandinavie what painting is to France, music to Germany and the Alps to Switzerland375.
Le design est en effet certainement le seul domaine artistique dans lequel la Scandinavie s’est
magistralement démarquée dans la vingtaine d’années suivant la Seconde Guerre mondiale.
Bien que le terme Scandinavie soit très souvent employé, il a le défaut d’occulter les
disparités notables entre la Finlande du Nord et le Danemark du Sud, ou, entre autres, les
hivers sont nettement plus doux. Il est néanmoins incontestable que partout en Scandinavie les
hivers sont beaucoup plus rudes qu’ils ne le sont en France, en Italie et en Espagne, et que les
étés y sont beaucoup plus courts et moins chauds. En toute logique, les Scandinaves passent
donc plus de temps chez eux et attachent donc plus d’importance au confort et à la décoration
de leur logement. De même, contrairement à la tradition latine consistant à rencontrer ses
amis en dehors de chez soi, dans des lieux publics tels que des cafés ou des restaurants, en
Scandinavie on reçoit davantage les amis à la maison pour un bon dîner.
Depuis longtemps la création artistique scandinave a été fortement influencée par des courants
venant du centre de l’Europe où se trouvent de grands pôles artistiques. Les différentes
royautés faisaient ainsi régulièrement appel à de grands artistes français, italiens ou allemands
pour venir décorer leurs demeures et leurs jardins, la création scandinave ne se prêtant pas
tellement au faste de la royauté. Le dénuement et le manque de matériaux naturels, tels que
des métaux, des pierres ou des bois précieux poussaient l’artiste à l’économie, engendrant
austérité et simplicité dans ses créations. Bien qu’aujourd’hui la situation ait beaucoup évolué,
le niveau de vie s’étant élevé, le style artistique d’après guerre a laissé de profondes
empreintes. Cette simplicité étant parfaitement en adéquation avec la production
industrialisée, elle a ainsi participé à l’une des grandes réussites de la création scandinave. Le
saut de la production artisanale à la production industrielle n’a donc pas été aussi radical qu’il
a pu l’être pour d’autres pays européens, comme la France, qui avait une très riche tradition
de beau mobilier depuis les ébénistes du 18ème siècle. Pour la même raison la production
artistique scandinave se trouve souvent plus proche des « Arts and Crafts » anglais que du
Bauhaus allemand. La plupart du temps on assiste plutôt à un savant mélange de ces deux
courants, que l’on pourrait nommer le modernisme modéré.
Derrière le succès et l’essor des arts décoratifs scandinaves de la période d’après-guerre, se
cache l’idée du « Good Design » qu’on peut rapprocher des « Formes Utiles » françaises.
Cette idée de « Good Design » reste également très liée à l’idée de design démocratique. Avec
cet idéal d’une qualité accessible à tous, on retrouve l’idée de « More beautiful things for
everyday use » déjà lancée en 1919, reprise plus tard par Ingvar Kamprad, fondateur d’IKEA,
375Ulf Haard Segerstad, Scandinavian Design, Helsinki, Otava Publishing co., 1961, p.7
126
sous une autre forme (le plus pratique pour le plus grand nombre). Hypothèse pour le moins
utopique d’une société plus heureuse grâce a des objets utiles et désormais beaux.
Le premier succès mondial du nouveau design ou arts décoratifs scandinaves date de 1925,
comme le précise Ulf Haard af Segerstad :
When the Nordic industrial art following the new line was first shown to an international public at the Paris
Exhibition in 1925, it enjoyed a certain measure of success, especially the glass. Critics and public alike paid a
great deal of attention to the magnificently engraved pieces but also noted the remarquably refined everyday
glassware. Dating from the same period Scandinavian applied arts have been characterized by the fact that the
same company, under the same artistic direction, produces both the exclusive items and carefully designed
goods for everyday use. Interest in Scandinavian art handicraft and industrial art gradually grew abroad. But
the first major break-through came in the 30’s due to the successful participation in three world exhibitions.
Chicago 1933, Paris 1937 and New York 1939. Since the Second World War the number of international
exhibits has greatly increased. The Scandinavian countries have had joint showings in both the United States
and France, and have been regarded more or less as a single unit at the so-called Triennale in Milan. Moreover,
each of the countries has arranged a number of independent showings either in the interests of cultural goodwill
or on a purely commercial basis. In most instances these have received much attention and helped to further
strengthen and enlarge the interest in Scandinavian production376.
Haard af Segerstad souligne plusieurs points importants dans son livre sur le design
scandinave. Le premier, le monde découvre véritablement les arts décoratifs scandinaves en
1925, lors de l’Exposition Internationale des arts décoratifs à Paris.
Mais ce sont surtout lors des nombreuses expositions qui suivirent que le public se
familiarisera avec ces nouvelles tendances, notamment au cours de l’exposition de 1937 à
Paris, avec la présence d’Alvar Aalto, constructeur du Pavillon Finlandais.
Contrairement à la France, les pays scandinaves n’ont jamais connu de grande révolution,
qu’elle soit politique, culturelle ou artistique. Les changements ont pour habitude de se faire
progressivement, sans grand bouleversement ni grand manifeste.
Bien que la plupart des spécialistes et auteurs en histoire du design emploient les termes
« pays nordiques » ou « Scandinavie », il est nécessaire de revenir sur les caractéristiques
mobilières propres a chacun des pays englobés dans une appellation trop générale.
Nous avons choisi de nous concentrer ici sur la Finlande, la Suède et le Danemark, et de
laisser de côté des pays comme les pays baltes, la Norvège et l’Islande. Ceci tout autant pour
des raisons pratiques que stratégiques, les trois premiers pays cités présentant pour notre étude
un intérêt indéniable : la création mobilière du nord de l’Europe vient essentiellement de ces
trois pays. Nous insisterons tout particulièrement sur les créations mobilières du Danemark,
non pas en raison de notre propre origine danoise, mais pour l’importance du mobilier danois
de l’après-guerre et jusqu’au milieu des années 60, alors même que le Danemark, de petite
surface, n’a qu’une faible ressource forestière . Et ceci malgré que le FAO ne situe pas le
Danemark dans la zone de l’Europe du Nord.
376 Haard af Segerstad, Scandinavian Design, op. cit., p.12
127
Définition
La définition de la zone géographique de la Scandinavie et des pays nordiques est parfois
floue. Certains considèrent les pays nordiques comme limités à la Finlande, la Suède, la
Norvège et l’Islande, tandis que d’autres y englobent également le Danemark. Nous avons
choisi cette position, non pas en raison du climat mais plutôt des points communs dans la
tradition du mobilier de ces différents pays. Il est intéressant de constater que le FAO place le
Danemark avec les pays de l’Europe Centrale en raison du climat et des ressources forestières,
tandis que l’Ambassade de France en Finlande, parle de la Finlande comme d’un pays
nordique, mais non scandinave.
Ressources forestières
Les ressources forestières de la Scandinavie varient énormément en fonction des pays. Ainsi,
le Danemark fait partie des plus petits producteurs de sciages résineux, avec la Grande
Bretagne, la Belgique, le Pays-bas et l’Italie. En ce qui concerne la production de sciages
feuillus, la Scandinavie n’en produit que très peu, puisque l’essentiel de ses ressources
forestières est constitué d’essences résineuses. De même, le Danemark est le plus gros
producteur de sciages feuillus des pays Scandinaves, cependant, ramenée à une échelle
européenne cette production semble minime. Etrangement, le Danemark n’a pas développé
d’industrie importante à partir des dérivés du bois, bien que le mobilier danois soit
essentiellement issu du bois. Le Danemark importe alors beaucoup de bois des pays voisins,
tels que la Suède, la Finlande ou l’Allemagne. Quant à ces voisins, la situation est toute
différente. Nous avons déjà vu que l’Allemagne est certainement le plus gros producteur de
bois européen, toute genre confondu, bien que suivie de près par la Finlande et la Suède.
La Suède, tout d’abord, est le plus gros producteur européen, en dehors de l’ URSS, de
sciages résineux pendant les années 60. Elle fait partie en revanche des plus petits producteurs
de sciages de feuillus pendant cette même période. Si la Suède fait partie des producteurs
moyens de contre-plaqué et de panneaux de particules, elle est toutefois le plus gros
producteur de panneaux de fibres. La Suède exporte beaucoup sa production à des voisins
comme le Danemark et la Norvège, mais également vers la Grande Bretagne.
Concernant la Norvège, nous pouvons la considérer comme un moyen producteur de sciages
de résineux, en revanche plus petit producteur de sciages feuillus en Europe. Sa production en
dérivés du bois fait également partie des petites productions. La Norvège importe
principalement du bois de ses voisins la Suède et la Finlande.
Le cas de la Finlande est bien différent. Concernant la production de sciages feuillus, c’est
l’avant dernier plus petit producteur, juste avant la Norvège, tandis qu’elle fait partie des plus
gros producteurs, derrière la Suède et juste dernière l’Allemagne Fédérale, pendant les années
60 en bois résineux. Quant aux dérivés du bois, pendant les années 60, la Finlande ne produit
pratiquement pas de feuilles de placages, moyennement de panneaux de particules, mais elle
est parmi les plus gros producteurs de panneaux en fibres. Enfin, elle est le deuxième plus
grand producteur de contre-plaqué juste derrière la France.
128
Production/importations/exportations :
Pour davantage de précision, les chiffres de la FAO permettent de quantifier la production,
l’importation ainsi que l’exportation des différents pays scandinaves (cf.vol.2, annexe 1,
fig.87 à 195).
Tout d’abord pour la Finlande, nous notons surtout une grande production de bois conifère
(7.996.000 t en 1961, et 12.145.000 t en 2006), dont elle exporte plus de 50 % (5.146.000 t en
1961, et 7.712.413 t en 2006). Il en est de même concernant la production de contreplaqué
(406.000 t en 1961, 1.415.000 t en 2006) et son exportation (328.200 t en 1961, et 1.250.394 t
en 2006). Il est particulièrement intéressant de noter que la Finlande exporte plus que les ¾ de
cette production.
Concernant la production suédoise nous notons surtout la grande production de bois conifère,
qui dépasse même celle de la Finlande (8.105.000 t en 1961, et 17.840.000 t en 2006), et une
très grande partie de cette même production va à l’exportation (4.591.450 t en 1961, et
13.203.000 t en 2006).
En regardant le Danemark, nous constatons une situation très différente, c’est-à-dire une
faible production (175.000 t de bois conifère, 21.000 t de bois non conifère, et 345.000 t de
panneaux de particules en 2006), et par là même une faible exportation, mais une importation
assez importante pour un si petit pays (2.024.780 t de bois conifère, 175.767 t de bois non
conifère, 371.077 t de contreplaqué (pas de production propre), 855.718 t de panneaux de
particules en 2006) bien entendue liée à sa grande production de mobilier en bois377.
377 Source : www.faostat.fao.org
129
La Finlande
Histoire, politique, société
La Finlande est située en Europe du nord, entre les parallèles 60 et 70. Un quart du pays
s’étend au nord du cercle polaire arctique. Sa superficie boisée représente 75% du territoire,
ses eaux – principalement des lacs – près de 10 %. La Finlande est le pays le plus boisé
d’Europe (23 millions d’hectares). On y dénombre 187.888 lacs et 179.582 îles. Le Saimaa est
le cinquième plus grand lac d’Europe. En plus de ces nombreux lacs, le paysage est dominé
par les forêts boréales (environ 68% du territoire). La plupart des îles sont dans le sud-ouest,
dans l’archipel des îles Åland, et le long de la côte méridionale du Golfe de Finlande.
Ses pays limitrophes sont la Suède, la Norvège et la Russie, l’Estonie étant sur l’autre rive du
Golfe de Finlande.
La Finlande compte près de 5.3 millions habitants. De par sa superficie, elle est au sixième
rang des pays européens mais sa densité démographique moyenne reste faible: 15.5 habitants
au km2. La grande majorité des Finlandais réside en ville (environ 65%). Helsinki regroupe
546.000 habitants. La communauté étrangère représente environ 2 % de la population totale,
et provient essentiellement de Russie, d’Estonie et de Suède. Dans les années 60, on note un
vaste mouvement d’émigration de la population finnoise rurale vers la Suède. Au nord de la
Finlande vit une petite population lapone (Sames) dont les traditions et la langue ont perduré.
En 1155, arrivent de Suède les premiers missionnaires en Finlande, et celle-ci se trouve alors
rapidement rattachée au royaume de Suède. En 1809, la Suède cède la Finlande à la Russie.
Le tsar déclare la Finlande Grand-duché autonome et se proclame monarque constitutionnel
représenté par un gouverneur général. En 1917 (le 6 décembre), pendant les événements
révolutionnaires russes, la Finlande obtient son indépendance, à l’instar de ses voisins baltes.
En 1919, la Constitution est adoptée et la Finlande devient une république avec un président
comme chef d’Etat. En 1939, elle est à nouveau attaquée par l’URSS et doit signer la paix en
1940, au prix de pertes territoriales importantes. Entre 1941 et 1944, les combats entre la
Finlande et l’URSS reprennent. Elle signe une paix séparée avec l’URSS en 1944 et doit lui
céder une partie de son territoire, toutefois, elle ne fut jamais occupée et préserve son
indépendance et sa souveraineté.
Durant la Guerre froide, la Finlande adopte une politique de neutralité stricte.
La Finlande devient membre de l’ONU en 1955 et, en 1956, du Conseil Nordique. En 1961,
elle rejoint l’Association de libre échange AELE, devient membre de l’Union européenne en
1995 et est l’un des membres fondateurs de la zone euro en 1999378.
L’importance du bois dans l’économie finlandaise
L’économie finlandaise est dépendante du commerce extérieur et les exportations n’ont cessé
de se développer au cours des dix dernières années. En 2004, les exportations représentaient
38% du PNB (151.9 milliards d’euros). Les principaux partenaires commerciaux de la
Finlande sont la Suède, l’Allemagne et la Russie.
La Finlande a commencé son industrialisation au début du 19ème siècle par l’exploitation des
ressources forestières.
378Source : www.missioneco.org
130
Traditionnellement, le papier, la pâte à papier, le bois de scierie, la métallurgie et les
industries mécaniques constituaient l’épine dorsale de l’économie nationale. Dans les années
1990, c’est l’électronique qui devient le secteur le plus important, notamment avec
l’ascension fulgurante de la société de téléphonie mobile Nokia.
La force de l’industrie forestière finlandaise réside dans la richesse des ressources nationales.
La Finlande dispose de la plus large couverture forestière en Europe (y compris la Russie).
Près des ¾ du territoire sont boisés. L’industrie forestière produit une riche gamme de
produits dérivés du bois, à commencer par le bois de scierie, la pâte à papier et le papier
carton. Les plus grandes entreprises du secteur sont Stora Enso379, UPM380 et le groupe M-
Real381. Cette industrie dispose également d’importantes unités hors frontières.
Les produits issues des industries de la filière bois papier représentaient plus de la moitié des
exportations il y moins de 30 ans. Aujourd’hui, l’industrie papetière n’est que l’un des trois
grands secteurs d’exportations, les deux autres étant l’électronique, la métallurgie et les
constructions mécaniques382.
Les années 1940 furent marquées en Finlande par l’extension de la métallurgie et des
industries mécaniques. La Finlande des forêts et des petites exploitations agricoles s’est
métamorphosée en une économie industrielle à part entière. Dans les années 1980, la
métallurgie et les industries mécaniques supplantaient l’industrie forestière comme premier
secteur exportateur. Une décennie plus tard, c’était l’électronique qui devenait à son tour le
moteur de la croissance industrielle finlandaise. De nos jours, la compétitivité de la Finlande
repose essentiellement sur une expertise technologique génératrice d ‘activités économiques
nouvelles et facteur de croissance des entreprises.
Les géants de la métallurgie, des industries mécaniques et de l’électronique sont Nokia,
Outokumpu, Metso, Elcoteq, Ruukki, Aker Finnyards et Kone. Ces entreprises dominent leurs
secteurs industriels respectifs383.
Le marché finlandais de l’ameublement
L’émergence du design et surtout du mobilier Scandinave débute déjà avant la Deuxième
Guerre Mondiale, pour poursuivre son ascension pendant les années 50 et les années 60.
Comme nous le verrons, tous les pays européens vont être marqués par cette poussée toute à
fait exceptionnelle.
Le marché de l’ameublement finlandais a tiré profit de la hausse de la consommation des
ménages, dû aux hausses successives de salaire et donc à l’augmentation du pouvoir d’achat.
Les mesures économiques engagées par les gouvernements successifs afin de favoriser la
379Stora Enso produit annuellement 16.9 millions de tonnes de papier et 7.7 millions m² de produits de sciages.
Le groupe emploie 46.000 personnes dans 40 différents pays (www.storaenso.com). 380 UPM est l’un des leaders mondiaux dans le secteur du papier et produits de bois. La société produit dans 15
pays, emploie environ 3000 personnes. UPM fut crée en 1995 de la fusion entre Kymmene Corporation et
Repola Ltd et United Paper Mills Ltd. (www.3.ump-kymmene.com). 381M-Real est l’un des leaders européens sur le marché du papier et spécialement dans le secteur du papier
d’imprimerie. (www.m-real.com). 382Source : www.missioneco.org 383Source: www.missioneco.org
131
construction de nouveaux logements (+8.4% en 10 ans)384 a également profité au secteur du
mobilier.
Des échanges nordiques
Les importations représentent environ 29% de l’offre globale contrairement aux magasins
spécialisés en meuble dont les achats à l’étranger constituent environ 45% des ventes. En
2003, les importations de meubles ont augmenté de 2% à hauteur d’environ 330.5 millions
d’euros. Les principaux meubles importés sont des meubles «meublants» en provenance des
pays fournisseurs que sont la Suède (Ikea) et l’Estonie (délocalisation).
Les exportations s’élevaient en 2003 à 270.8 millions d’euros. Elles sont orientées
principalement vers la Suède (22%), la Russie (11%), le Royaume-Uni (9%), l’Allemagne
(9%) et les USA (8%)385.
La Finlande, avec la Suède et l’Allemagne, est le leader européen dans la production de
sciages conifères. Elle en est aussi avec, l’Autriche et la Suède, l’un des plus grands
exportateurs. La Finlande est également leader européen dans la production et l’exportation de
contreplaqué. Ayant d’importantes ressources forestières propres et se situant principalement
sur le marché du bois conifère, elle importe peu de bois. Cette prédominance du bois conifère
concerne non seulement les meubles mais également l’architecture, l’agencement intérieur, le
secteur du papier et de l’emballage cartonné386.
Les fabricants de mobilier
La production locale de mobilier s’avère importante. Composé de plus de 1600 PME et
dominé par trois grandes entreprises (ISKU, ASKO et SOTKA), le marché local pèse 1.3
milliards d’euros, soit près de 70% des ventes totales du secteur.
Asko fut créé par l’ébéniste Aukusti Asko-Avonius en 1918, lors de sa fondation de l’usine
Lahti Joinery. Dès le début, Avonius eut une vision plutôt avant-gardiste en ébénisterie : une
production de série dont il créerait sa propre chaîne de fournisseurs387.
La marque Sotka fut lancée en 1959. La société appelée Sotka Oy présentait une grande
variété de produits et était le 3ème plus grand producteur de meubles vers 1990. Son personnel
racheta en 1993 les actions de Sotka et continua les activités de la compagnie sous le nom de
Sotka Finland Oy388.
Indoor Group Ltd (autrefois Asko Furniture Ltd) s’établit en avril 1999, quand les opérations
d’Asko Furniture furent acquises par un fonds capital administré par Sponsor Capital Oy. La
totalité de Sotka shareholding fut rachetée en février de cette même année. Les activités des
deux groupes diffèrent, car Asko est vue comme une chaîne de produits de meubles et
meubles d’intérieurs, alors que Sotka se concentre uniquement sur la vente de meubles. Asko
384Ambassade de France en Finlande, Mission Economique, Le marché finlandais de l’ameublement. Actualisé
le 6 août 2004. 385 Idem. 386 Source : www.faostat.org 387Ambassade de France en Finlande, Le marché finlandais de l’ameublement, op. cit. 388 Source : www.sotka.fi
132
travaillait notamment pendant les années 50 avec le designer Wirkkala, son directeur
artistique de 1938 à 1941389.
Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois
La Finlande est le pays le plus septentrional de la Scandinavie, étrange pays recouvert de
grandes étendues de forêts de pins et de sapins. Dans ce pays où les hivers sont extrêmement
rudes, le peuple reste très proche de la nature, une relation particulière dont atteste le design
finlandais. Ceci se traduit notamment par un très grand respect des matériaux et un goût
prononcé pour les formes naturelles. Ayant pendant des siècles dû lutter contre un
environnement extrêmement hostile et repousser nombre d’envahisseurs, le peuple finlandais
s’est progressivement forgé une incroyable force et une détermination à surmonter
l’insurmontable. A l’opposé de ce tempérament plutôt introverti, la création a été le vecteur
d’une très grande expressivité.
La longue lutte contre l’envahisseur va se traduire par un fort attachement à leurs traditions, et
par l’affirmation de leur identité culturelle, économique et politique.
L’une des grandes sources d’inspiration pour de nombreux artistes est le fameux poème
Kalevala, composé par Elias Lönnrot (1802-1884) en 1835 et basé sur la mythologie
finlandaise. Ce poème incarne pendant la seconde moitié du 19ème siècle la source culturelle
unique de l’art et du design en Finlande. C’est à partir de là que le Romantisme National
finlandais se développe, incarné notamment par Eliel Saarinen390 (1873-1950), l’architecte du
pavillon finlandais à l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, et qui deviendra plus tard le
président de la Cranbrook Academy of Art aux Etats-Unis (cf.vol.2, annexe 3, fig.1 et 2).
Cette académie a formé tous les nouveaux créateurs américains d’avant-garde, comme
Charles et Ray Eames (1912-1988). A Cranbrook, Eliel Saarinen va promouvoir les principes
humanistes du design scandinave. Son fils, Eero391 (1910-1961), deviendra par la suite l’une
des grandes figures de la création d’après-guerre.
Le Romantisme National prôné par Saarinen s’inscrit dans le mouvement européen de l’Art
Nouveau, ce sera par la suite l’un de signes caractéristiques du design finlandais : une aptitude
à intégrer à la fois le national et l’international dans les créations.
Saarinen créé notamment une série de meubles en bois où la tradition nationale et rustique est
parfaitement perceptible. De même, le lien avec la culture paysanne reste très présent,
utilisant essentiellement du bois d’origine indigène comme le bouleau, l’érable, le chêne mais
389 Source : www.asko.com et www.indoorgroup.fr 390 Gottlieb Eliel Saarinen (1873-1950): Architecte Finlandais. Sa carrière peut être partagée en deux périodes.
Pendant ses 25 ans en Finlande, il crée sa réputation internationale sur son architecture inspiré du Jugend-Stil et
du Romantisme Natioanal. En 1923 il part aux Etats-Unis où il entame une deuxième carrière. Non seulement il
va dessiner les bâtiments du Crambrook Academy, mais c’est également sous sa direction que cette école va
devenir l’une de plus influentes du pays. (source : www.biographybase.com/biography/Saarinen_Eliel.html) 391 Eero Saarinen (1910-1961), fils de l’architecte Eliel Saarinen, étudie la sculpture en 1929 et 1930 à Paris,
puis l’architecture à l’Université de Yale à New Haven jusqu’en 1934. En 1936 il travaille dans le bureau
d’architecture de son père, et il est également chargé de cours à la Cranbrook Academy. C’est ici qu’il fait la
connaissance de Charles Eames avec lequel il crée de nouvelles formes de meubles. Les premiers modèles de
meubles en bois lamellé collé voient le jour. En 1940, ils participent ensemble au concours « Organic Design in
Home Furnishing» du Museum of Modern Art de New York. Par la suite, Eero Saarinen crée de nombreux
meubles emblématiques en particulier pour Knoll International. Le terminal TWA de l’aéroport J.F. Kennedy de
New York est considéré comme le chef d’œuvre architectural d’Eero Saarinen. (source www.vitra.com)
133
également l’acajou importé dans ces premières créations (cf.vol.2, annexe 3, fig.3 à 17). Il
s’inscrit dans une esthétique qu’on peut lier aux Arts and Crafts anglais.
Alvar Aalto, Artek et la prouesse technique
Pendant la Première Guerre mondiale, le design finlandais est toujours influencé par l’Art
Nouveau, ce n’est que dans l’entre-deux-guerres avec les créations de l’architecte Alvar Aalto
(1898-1976) qu’un nouveau genre de création va émerger.
Déjà, entre 1924 et 1929, il explore avec sa femme Aino les possibilités du cintrage du bois.
A partir de 1929, il étudie les techniques de placage et explore les limites du contreplaqué
moulé avec Otto Korhonen, directeur technique d’une fabrique de meubles de la région de
Turku.
Aalto avait une préférence pour le bouleau, qu’il utilisait en bois massif pour confectionner du
lamellé-collé et du contre-plaqué, lui permettant de créer ses fameux meubles en contre-
plaqué moulé392.
Aalto est considéré comme l’un des grands pionniers du design organique. Il acquerra sa
notoriété mondiale grâce à son mobilier créé à partir de ses recherches autour du cintrage du
bois – matériau naturellement abondant en Finlande. Cependant, c’est d’abord en tant
qu’architecte qu’il va s’imposer sur la scène mondiale. Il est le réalisateur du pavillon de la
Finlande pour l’Exposition de New York en 1939. Contrairement aux autres mouvements en
Europe qui prônent l’emploi du métal, Aalto veut faire du contreplaqué et du lamellé-collé ses
matériaux de prédilection. A partir de 1929, ses expériences vont conduire à des sièges plus
innovants sur le plan technique, notamment le fauteuil Paimio N° 41 (1931-32), en porte-à-
faux (cf.vol.2, annexe 3, fig. 18). Ce design à la fois séduisant et fonctionnel va
immédiatement ouvrir à l’avant-garde internationale une nouvelle voie par l’usage du
contreplaqué ainsi que l’émergence d’un vocabulaire de formes plus douces et chaleureuses
que celles qu’on pouvait voir dans les créations du Bauhaus par exemple.
L’innovation induite par le cintrage du bois va permettre, pour la première fois, d’ancrer les
pieds directement sous l’assise d’une chaise sans faire appel à un quelconque châssis ou à une
structure supplémentaire (cf.vol.2, annexe 3, fig. 18 à 19). Aalto va également s’essayer au
verre, donnant notamment naissance au fameux vase Savoy datant de 1936. Ce vase est
annonciateur des formes organiques et fluides qui seront le leitmotiv du design scandinave
d’après-guerre. Les formes organiques d’Aalto ont offert une autre vision du modernisme au
grand public.
Comme l’écrivent Charlotte et Peter Fiell :
Dans les années 30, Alvar Aalto procède à une ré-interprétation fort nécessaire du mouvement fonctionnaliste
moderne par une approche de design intégrée par l’humain, qui rejette la froide esthétique de la machine chère
au Bauhaus. En privilégiant les formes organiques et les matériaux naturels dans la ligne de mobilier à la fois
pratique et révolutionnaire, Aalto espère établir de meilleures relations physiques et psychologiques entre les
objets et leurs utilisateurs. Révélatrices de cette affinité presque spirituelle que les designers finlandais
entretiennent avec le monde naturel, ses créations adoptent souvent des formes qui renvoient à l’écho des
paysages finlandais.
(…)
En exprimant l’essence abstraite de la nature à travers un design humaniste et essentialiste, Aalto établit l’une
des bases philosophiques sur lesquelles le design va croître et s’épanouir393.
392 Pour la conception du lamellé-collé et du contré-plaqué voir chapître 1. 393 Fiell, Scandinavian Design, op. cit., p.39
134
Aalto a réussi à lier à la fois douceur des matériaux naturels et des formes organiques à une
approche du design particulièrement moderne, et propose ainsi un design moins « froid » que
celui des créateurs du Bauhaus.
Au cours des années trente, Aalto représente la Finlande dans de nombreuses expositions et fait de son pays,
géographiquement en marge de l’Europe, une puissance majeure du modernisme au XX e siècle. En novembre
1933, la chaise « Paimio » est présentée chez Fortnum & Mason, lors d’une exposition parrainée par le
magazine progressiste Architectural Review. Des entreprises ouvrent par la suite, en Grande-Bretagne et aux
Etats-Unis, pour importer et commercialiser le mobilier d’Aalto – notamment Finmar en 1934-1935. Aalto
conçoit le pavillon finlandais pour l’Exposition universelle de Paris de 1937 et la foire de New York de 1939. En
1938, le Museum of Modern Art de New York le sollicite pour une exposition personnelle394.
A la suite de ce grand succès international395, le couple Aalto fonde, avec Nils-Gustav Hahl et
le couple de mécènes et collectionneurs Harry et Maire Gullichsen, Artek Oy AB, société de
vente et de diffusion de meubles. La majeure partie des meubles figurant dans le catalogue a
été dessinée par Aalto. Des filiales verront le jour par la suite, notamment en Grande Bretagne
(Finmar).
Le fauteuil Paimio n° 41 est exposé à Londres (cf.vol.2, annexe 3, fig.18). Le siège et le
dossier de ce fauteuil étaient faits d’une seule pièce de contreplaqué cintré moulé dans une
presse de fer. Ce fauteuil était d’une construction légère avec une structure parfaitement
intégrée. Les pieds souples en porte-à-faux en bois cintré faisaient également office
d’accoudoirs.
Le tabouret à 3 pieds, datant de 1933 avec le principe du pied en L (cf.vol.2, annexe 3, fig.20),
est une conception géniale. Ce nouveau pied pouvait être fixé, avec des vis, au-dessous d’un
siège ou d’une table. Ces pieds étaient, dans un premier temps, fabriqués à la main à l’usine
Huonekalu-ja-Rakennustyötehdas. Grâce à cette étonnante fabrication les tabourets à trois
pieds pouvaient être empilés en spirale.
Le principe de fabrication des pieds était le suivant : des interstices étaient découpés par
sciage dans le sens des fibres dans l’extrémité d’une pièce de bouleau droite et pleine,
l’extrémité prenant alors l’aspect d’un éventail fermé. De minces morceaux de contreplaqué
étaient alors collés dans les interstices, ce qui permettait au bois d’être plié à l’angle droit avec
l’aide de la chaleur et de la vapeur396.
Après la guerre, Aalto commence à utiliser le « pied en Y » (cf.vol.2, annexe 3, fig.21). Ce
nouveau pied se prêtait à la production de tabourets, de tables et de sièges. Le pied était scié
verticalement jusqu’au milieu et les deux morceaux cintrés ensuite dans des directions
opposées. Les pieds en Y pouvaient alors être reliés les uns aux autres par une pièce en bois,
formant ainsi un cadre de soutien pour un siège ou le dessus d’une table397.
Pendant les années 50, la grande invention d’Aalto est le pied appelé « pied en éventail » ou
« pied en X ». Il s’agit d’une combinaison de cinq minces pieds en L imbriqués. Une nouvelle
394 Sparke, 100 ans de design, op. cit., p.77 395 La première rétrospective importante d’Aalto eut lieu en 1933 à Londres au magasin «Fortnum & Mason » et
était organisée en collaboration avec la revue «The Architectural Review ». Cette exposition appelée « Wood
Only », présentait une variété de produits conçus par le couple Aalto. On pouvait notamment admiré la chaise de
Paimio, le fauteuil en bois en porte-à-faux, la chaise empilable, la version rembourrée de la chaise de Paimio et
des fauteuils souples en porte-à-faux à dossier bas et haut. 396 Alvar Aalto Designer, collectif, Paris, Gallimard, 2003, 2001 pour la version anglo-finlandaise, p.79-80 397 Idem., p.95-96
135
série de tabourets (cf.vol.2, annexe 3, fig.22), tables et fauteuils avec pieds en X fut lancée en
1954398.
Le bois utilisé par Aalto pour ses meubles en contre-plaqué et en lamellé-collé était
essentiellement du bouleau, naturellement abondant en Finlande, et parfois du hêtre ou du
frêne. Le bouleau a des qualités techniques tout à fait exceptionnelles, et se prête
particulièrement bien au moulage. Il en est de même en ce qui concerne le hêtre et le frêne.
(cf. chapître 1 sur les essences)
Il bénéficiait pour cela des techniques déjà développées par la société Thonet au 19ème siècle
en Autriche.
L’influence d’Aalto au 20ème siècle est primordiale. Il influence d’abord l’américain Charles
Eames399 (1907-1978). Si Aalto travaillait à la fois le contre-plaqué et le lamellé-collé, Eames
va surtout s’intéresser au contreplaqué courbé. Prenons également en compte l’influence
d’Aalto sur l’architecte et designer danois Arne Jacobsen (cf.vol 2, annexe 3, fig.143 à 144).
La prouesse technique de ses sièges la fourmi et la sept (en contreplaqué moulé) ont tout
autant bénéficié des recherches d’Aalto que de celles d’Eames.
La plupart des meubles de série d’Aalto sont fabriqués en bouleau finlandais, à l’usine
Korhonen. Beaucoup de changements et évolutions sont intervenus dans la fabrication, mais
les principes de construction sont toujours plus ou moins tels qu’Aalto les avait imaginés. Les
structures pied-accoudoir en bois cintré des fauteuils sont encore faites par collage de couches
de bois massif spécialement moulées. L’assemblage des meubles et la finition sont encore
assurés manuellement par des artisans expérimentés400.
Tapio Wirkkala et l’élégance du design,
Après la Seconde Guerre mondiale, la Finlande, contrainte de payer des indemnités de guerre
à la Russie, doit retrouver sa confiance nationale. Les années cinquante verront naître de
grands créateurs finlandais qui permettront à la Finlande d’accéder à un statut international.
Des créateurs tels que Tapio Wirkkala (1915-1985), Timo Sarpaneva (1926), Vuokko (1927),
Antti Nurmesniemi (1927), Ilmari Tapiovaara (1914-1999) et Maija Isola (1927-2001) vont
élever le design finlandais à un niveau esthétique jamais atteint auparavant et rencontrer par la
même occasion beaucoup de succès lors des différentes expositions organisées aux quatre
coins du monde, notamment aux fameuses Triennales de Milan.
398 Idem., p.99-100 399 Charles & Ray Eames: Charles Eames (1907-1978), étudie l’architecture à l’université de Washington et
ouvre son propre cabinet d’architecture en 1930 avec Charles M. Gay. En 1935, il crée un nouveau cabinet
d’architecture avec Robert T. Walsh et, en 1938, il reçoit une bourse de la Cranbrook Academy of Art du
Michigan où il enseignera le design un an plus tard. En 1940, il remporte avec Eero Saarinen le premier prix du
concours de design organique « Organic Design in Home Furnishings » du musée of Modern Art de New York,
et devient dorecteur du département de design industriel à la Cranbrook Academy of Art. en 1941 il épouse Ray
Kaiser. Ray Eames (1912-1988), étudie la peinture à la May Friend Bennet School de Millbrook à New York.
Jusqu’en 1937, elle suit des cours de peinture à la Hofmann School et en 1937 elle participe à la première
exposition d’artistes abstraits américains au Riverside Museum de New York. En 1940, elle s’inscrit à la
Cranbrook Academy of Art et épouse Charles Eames en 1941. De 1941 à 1943, Charles & Ray Eames
conçoivent des civières et des attelles en bois lamellé collé et organisent une exposition de réalisations dans ce
même matériau au MoMa à New York en 1946. L’entreprise Herman Miller à Zeeland, Michigan commence
ensuite à fabriquer les meubles dessinés par les Eames. En 1948 ils participent au concours « Low-cost
Furniture » du MoMa et construisent en 1949 la « Case Stydu House ». (sources : www.vitra.com et
www.eamesoffice.com) 400 Collectif, Alvar Aalto Designer, op. cit., p.211
136
Tapio Wirkkala joua un rôle tout à fait exceptionnel dans les années 50 aux Triennales de
Milan. Designer polyvalent, de formation sculpturale, il est le meilleur représentant du design
finlandais après la Seconde Guerre Mondiale.
Vivant la moitié de l’année en Laponie ou il s’inspire des formes artisanales finlandaises, il
créé des formes intemporelles, simples et abstraites d’une extrême beauté. Wirkkala est
surtout connu pour ses superbes créations en verre.
Tout en utilisant des matériaux naturels, comme le bois, il crée des formes entièrement
nouvelles, d’une extrême finesse et d’une beauté intemporelle.
Il crée notamment des tables et chaises en bois laminé multicouche, d’une beauté presque
abstraite. Il superpose lui même les strates de bois de différentes couleurs, qui sont ensuite
coupées et façonnées de façon à faire apparaître les différentes rayures (cf.vol.2, annexe 3, fig.
23 à 26).
Comme Aalto, Wirkkala utilise fréquemment le bouleau.
A noter, entre autres, ce superbe siège Nikki 9019 datant de 1958, en contreplaqué laminé,
fait pour Asko. (cf.vol.2 annexe 3, fig. 23 et 24).
Ilmari Tapiovaara (1914-1999)
Diplômé de l’Ecole Nationale des Arts Appliqués d’Helsinki en 1937, Tapiovaara effectue la
même année un stage à Paris chez le Corbusier. De 1938 à 1941, il est le directeur artistique
du fabricant de meuble finlandais Asko. En 1951, il ouvre son propre bureau de design et
travaille en tant qu’indépendant. Très intéressé par les meubles de mode « universel », il
s’intéresse surtout aux meubles démontables livrés en kit. Entre 1940 et 1950, il développe
des solutions tournées vers le marché international avec des modèles peu coûteux pouvant être
exportés dans des colis plats.
Il crée en 1946, la chaise Domus en contreplaqué moulé (bouleau), chaise démontable et
empilable fabriquée par sa propre société Keravan Puuteollisuus, pour le Domus Academica,
un foyer d’étudiant d’Helsinki. Cette chaise est toujours en production aujourd’hui (cf.vol.2
annexe 3, fig.27). La même année, il crée également Domus lounge, également en bouleau
(l’assise en contreplaqué moulé, pieds et accoudoirs en massif) (cf.vol.2, annexe 3, fig.28).
En 1959, il crée une autre chaise empilable Wilhelmina en bouleau laminé et une assise en
contreplaqué moulé laqué noir, qui lui rapportera une belle reconnaissance internationale
(cf.vol.2, annexe 3, fig.29).
Si d’autres pays scandinaves comme, en autres, le Danemark mais surtout la Suède, se sont
rapidement tournés vers une création dite « populaire », donnant vie au « design
démocratique », la Finlande a souvent été critiquée pour sa production plutôt élitiste. La
production finlandaise est en effet le fruit d’une longue tradition artisanale, faite de pièces
uniques confectionnées en ateliers, en parallèle d’une production de produits plus courants. La
plupart du temps, ce sont ces pièces uniques qui sont connues de l’étranger, même si ce sont
celles-ci qui ont permis des recherches dont ont directement bénéficié les produits plus
courants.
La production finlandaise des années 60 est sans conteste la plus originale des pays
scandinaves puisqu’elle s’est davantage inspirée de la culture pop américaine que de la
création scandinave démocratique. Dans les années 60, des créateurs comme Eero Aarnio sont
137
plus intéressés aux nouvelles matières plastiques qu’au bois, se démarquant alors du reste de
la création nordique.
Contrairement à la Finlande, la Suède s’oriente très tôt vers une production de design et de
mobilier plus démocratique.
138
La Suède
Histoire, politique, société – un modèle social
La Suède est le pays le plus grand des cinq pays scandinaves. C’est également un pays de
contrastes, jalonné de lacs, de forêts, de cascades, de plaines agricoles et de nombreuses
petites îles. Depuis la Seconde Guerre mondiale, elle est restée neutre face aux conflits. Et
comme la plupart de ses voisins scandinaves, elle a su transformer une économie relativement
pauvre reposant sur l’agriculture en une nation industrialisée avec un système de production
sociale très avancé et très admiré de la communauté internationale.
La religion d’Etat est le luthéranisme, religion insistant sur la moralité personnelle et sur
l’idée de « foi vivante ». Une conception du monde qui orientera le design vers la pureté, la
fonctionnalité et l’harmonie sociale. L’humanisme ayant pénétré la vie suédoise dans tous ses
aspects, le design suédois est marqué par la croyance en un devoir moral de produire des
solutions susceptibles de répondre à des besoins sociaux réels.
De part sa superficie, 450.000 km2, la Suède est le troisième pays de l’Europe de l’Ouest. La
Suède est constituée à 9 % de lacs et rivières, 8 % de terres cultivées, 11 % de montagnes et
52 % de forêts. La population s’élève à 9 millions d’habitants qui, pour 80 % d’entres eux,
vivent et travaillent au sein du triangle Stockholm (et Uppsala, légèrement plus au nord),
Göteborg et Malmö401.
Le consommateur suédois dispose d’un pouvoir d’achat bien supérieur à la moyenne
européenne et a accès à un système de crédits bancaires à la consommation particulièrement
avantageux.
La croissance économique, la solide consommation privée des ménages et le dynamisme du
secteur de la construction ont permis au marché du meuble suédois de connaître une forte
augmentation ces dernières années.
L’habillement constitue le premier poste de dépenses des ménages, au deuxième rang se
situant les achats pour la maison. Par tradition, la demande porte sur des meubles aux lignes
épurées voire minimalistes et de couleurs naturelles (référence au design suédois). Toutefois,
la demande tend aujourd’hui à se diversifier, notamment grâce au mobilier ethnique qui
connaît un véritable succès.
Le facteur prix reste très important dans le secteur des meubles classiques, dominé par les
éditeurs suédois qui sous-traitent la production en Asie. La position d’IKEA demeure
naturellement forte, mais le segment moyen/haut de gamme dominé par les Anglais et les
Italiens, n’est pas à négliger non plus.
Les principaux produits d’exportation suédois sont aujourd’hui le matériel électrique et de
télécommunication, les machines, les automobiles, le papier, les produits pharmaceutiques,
ainsi que le fer et l’acier.
Le 20ème siècle a été le témoin de ce qui est parfois cité comme « le miracle économique
suédois ». En l’espace de quelques décennies, ce pays agricole pauvre est devenu l’une des
nations industrielles les plus prospères et les plus avancées du monde.
401 Source: www.missioneco.org
139
Cette mutation spectaculaire repose sur les immenses richesses de la Suède septentrionale en
matière de forêts, de minerai, d’énergie hydraulique, de toute une série d'inventions et de
perfectionnements techniques mis au point grâce à l'ingéniosité suédoise - turbine à vapeur,
roulement à billes, phare à acétylène, téléphone, séparateur, allumettes de sûreté, clé à
molette, système de conditionnement des boissons Tetra Pak, système AXE (commutation
téléphonique numérique commandée par ordinateur), système Brånemark® (ostéointégration),
et Gamma nifes Leksell®, pour ne citer que quelques exemples. Aujourd'hui encore, cette
industrie innovante est au cœur de l'économie suédoise402.
Très tôt les grandes entreprises suédoises misent sur l’exportation vers le reste du monde, le
marché national potentiel étant assez restreint. La Suède compte aujourd’hui des nombreuses
multinationales à l’envergure internationale – Volvo, Saab, Ericsson, ABB, AstraZeneca,
Electrolux, Ikea, H&M, Hasselblad et Absolut Vodka ne sont que quelques-unes des plus
connues.
Au 20ème siècle, la Suède, au prix d’une pression fiscale la plus élevée au monde, a bâti un
système de protection sociale universelle souvent vu comme le plus généreux, prévoyant entre
autres de nombreuses prestations gratuites (c'est-à-dire financées par l'impôt) dans le domaine
de l'enseignement scolaire, de l'accueil de l'enfance, des services de santé, des retraites, de
l'aide aux personnes âgées, des services sociaux et autres régimes sociaux.
L'Etat Providence, « folkhemmet » comme disent les Suédois (littéralement la maison de tout
le peuple), fut un projet de société suivi avec le plus vif intérêt par les politologues et les
politiques du monde entier. D’autres pays s’en sont d’ailleurs inspirés à maints égards.
L'expérience suédoise revêt plusieurs appellations : "voie moyenne", "prise en charge du
berceau à la tombe", et bien sûr le "modèle suédois", n’en sont que quelques unes.
Ces dernières décennies, la fin d'une croissance économique forte et régulière a mis la société
de bien-être suédoise à rude épreuve. Les régimes de protection sociale se trouvent
aujourd'hui dans une situation financière tendue et se débattent avec de sérieux problèmes
structurels. S’il est certain que les mesures d’austérité ont du être prises, il n’en reste pas
moins que la société de bien-être suédoise, avec sa sécurité de base garantie et financée par la
collectivité, a été jusqu'à présent sauvegardé dans ses aspects essentiels403.
La Suède n’est pas encore membre de la zone euro.
L’importance du bois dans l’économie suédoise
L’économie suédoise est aujourd’hui marquée par une très forte internationalisation, des
entreprises largement diversifiées et une part importante d’activités publiques, avant tout dans
le secteur des services.
Vers le milieu des années 1850, la Suède était encore un pays agricole pauvre, très peu
développé industriellement. De 1850 à 1970, l’économie suédoise connaît , avec le Japon, la
plus forte croissance du monde et est en 1970 au troisième rang des pays les plus riches (PIB).
Ceci s’explique notamment par les exportations de matières premières, principalement
402 Idem. 403 Idem.
140
minerai de fer et bois vers la Grande-Bretagne et le continent. Grâce à un réel effort en
matière d’éducation, notamment avec l’école publique instaurée en 1842, de larges couches
de la population ont accès à un niveau d’instruction plus élevé. Une multitude d’entrepreneurs
se lancent dans les affaires et cultive religieusement l’esprit d’entreprise. Est également
important le développement des infrastructures telles le chemin de fer – facilité par la venue
de capitaux étrangers. Il ne faut point négliger les mesures de libéralisation (fin du système de
corporation en 1846), la démocratie moderne (l’abolition du Riksdag des Etats en 1866) ainsi
qu’un appareil administratif efficace et exempt de corruption.
La vie économique de la Suède repose donc en grande partie sur les matières premières
nationales (et une longue tradition métallurgique).
Vers la fin du 19ème siècle, la transformation des matières premières progresse, jetant les
fondations de l’industrie manufacturière très diversifiée telle qu’elle est aujourd’hui. La
demande de l’industrie alliée à la consommation des ménages, a justifié le développement du
secteur privé des services. A partir du milieu des années 1960, la rapide croissance
économique, la solidité des finances publiques et une politique de plus en plus ambitieuse de
production sociale et de redistribution conduisent à l’expansion du secteur public.
L’internationalisation de l’industrie et de l’économie suédoise fut précoce. Elle commença par
l’exploitation des matières premières, mais l’étroitesse du marché intérieur amena les
entreprises industrielles à s’établir très tôt à l’étranger. Dès avant la première guerre mondiale,
Ericsson, en autres, avait plus de la moitié de ses effectifs à l’étranger.
L’internationalisation a pris un nouvel élan après la seconde guerre mondiale par suite de la
libéralisation du commerce et d’une forte demande de produits suédois pour la reconstruction
de l’Europe.
Une troisième vague d’internalisation survint dans les années 1970 et 1980 avec les très
importants investissements directs à l’étranger effectués par les entreprises industrielles,
d’abord aux Etats-Unis, puis dans l’Union européenne.
Une quatrième vague débuta plus tard avec la délocalisation de nombreuses activités de
services (secteur financier et services aux entreprises principalement) et du bâtiment. Au total,
l’économie suédoise est ainsi devenue l’une des plus internationalisées au monde.
Les fabricants de mobilier en bois
Le marché du meuble s’avère très concurrentiel, le commerce de détail étant dominé par les
grandes chaînes de magasins de mobiliers. L’industrie suédoise est localisée principalement
dans le centre du pays: les régions de Västra Götaland et de Jönköping sont les pôles
d’activité principaux dans la fabrication de meubles avec respectivement, 150 fabricants
employant 4 700 personnes et 150 entreprises pour un effectif de 3 900 personnes. Cependant,
en raison de coûts de production élevés, de nombreuses sociétés sous-traitent dans les pays
d’Europe de l’Est. La Fédération suédoise de l’industrie du bois et du meuble (TMF)
répertorie 770 fabricants de meubles employant 15 570 personnes.
Une grande partie de la compétence des suédois se manifeste dans le domaine du mobilier de
bureau.
Le marché de distribution est dominé par IKEA (43.2 %) : 76.2 % des ventes du secteur sont
réalisées par IKEA, les groupements d’achats de détaillants et les grandes chaînes tels que
Moi, Jysk, Europa Möbler, Svenska Hem et Möbelmästerna. L’origine suédoise du leader
141
mondial IKEA a habitué le consommateur suédois, à des produits de qualité raisonnable, à
petits prix404.
Actuellement, une grande partie de la production de meuble en Suède est vouée à
l’exportation. Les plus grands importateurs de meubles suédois sont la Norvège (30% des
exportations), le Danemark (11 % des exportations), tandis que la Suède importe
essentiellement des meubles en provenance de la Chine (14 %), du Danemark (13%),de la
Pologne (13%) et de l’Allemagne (11%)405.
Avec l’Allemagne et la Finlande, la Suède est actuellement le plus grand producteur de
sciages conifères. Elle fut également leader européen dans la production de panneaux de
fibres jusqu’au milieu des années 70 où elle fut supplantée par l’Allemagne. Sa production de
panneaux de fibres est beaucoup moins importante aujourd’hui. Considérant l’importance de
la production de sciages en Suède et sa fabrication de meubles essentiellement orientée vers
une utilisation des essences indigènes conifères, elle fait partie des petits importateurs
européens de sciages et panneaux.
En revanche, la Suède reste le plus grand exportateur européen de sciages conifères406.
Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois
Ayant retenu la grande tradition du design, le public et les opérateurs économiques suédois
accordent beaucoup d’importance à cette notion et sont conscients de son rôle dans la
compétitivité des entreprises. Le design fait partie intégrante de la société suédoise
Les arts décoratifs suédois sont également issus d’une longue tradition. Déjà au 18ème siècle,
le roi Gustav III (règne 1771-1792) instaure un néo-classicisme très inspiré du modèle, même
s’il demeure plus léger, avec des influences de Rococo ou de style Louis XV, avec des
intérieurs peints dans des tons pastels, des meubles en pin de couleurs pâles et des planches de
bois nus. Style aujourd’hui baptise style Gustavien, il connaît régulièrement des regains
d’intérêts dans sa version plus romantique, en France comme en Scandinavie ces dernières
années.
Entre 1830 et 1840, la Suède est influencée par le Biedermeier allemand, qui convient bien à
l’esprit suédois qui prône simplicité et modestie.
Au milieu du 19ème siècle, on parle du mouvement du « renouveau » caractérisé par un
mélange d’influences historiques allant du gothique au baroque voire même au rococo.
Les artistes fin de siècle comme, par exemple, le peintre céramiste, verrier et designer Gunnar
Wennerberg (1863-1914) vont introduire un style proche de l’Art Nouveau inspiré de la
nature, dans une version plus simplifiée que celle du mouvement français.
En réponse à cet éclectisme se constitue en 1845 la Svenska Slöjdföreningen (Société
suédoise des arts et de design industriel), la première association de designers au monde.
L’idée de la Svenska Slöjdföreningen est d’apporter des améliorations aux produits issus de
l’artisanat grâce à la coopération des forces artistiques, de faire progresser la culture
404 Idem. 405 Source : www.tmf.se 406 Source : www.fao.org
142
domestique et d’élever le niveau général du goût. La Svenska Slöjdföreningen est animée par
l’idée que le design devrait être utilisé comme catalyseur du changement social.
A la fin du 19ème siècle, sous l’influence des Arts and Crafts anglais, la Suède va, pendant une
courte période, se tourner davantage vers ses racines culturelles, et notamment vers la ruralité.
Dans cette optique, Carl (1853-1919) et Karin Larsson (1859-1928) meublent et décorent leur
petite maison de Sundborn dans un style simple, sans prétention, mélange de culture paysanne
et de vision idyllique d’une maison de campagne classique. Les réalisations des Larssons
peuvent être vues comme le reflet d’un refus de la société industrielle qui commence très
doucement à s’opérer en Suède. Les intérieurs des Larssons ont été largement diffusés par des
séries d’aquarelles que Carl Larsson a peintes de leur maison, et reproduites dans l’album
« Ett Hem » (1899) (cf.vol.2, annexe 3, fig.31). Ces images de Carl Larsson vont largement
inspirer l’écrivain féministe suédoise Ellen Key (1849-1926) pour son pamphlet « Skönhet aat
alla » (La Beauté pour Tous, 1899). L’idée de Key était qu’en élevant le goût des
consommateurs et en développant leur perception esthétique, les normes du design pourraient
être modifiées, reflet d’une profonde transformation sociale. Selon elle, un bel environnement
contribue au bien être. Les idées de Key seront traduites par bon nombre de produits suédois
bon marché confectionnés au début du 20ème siècle.
En 1915, la Svenska Slöjdföreningen crée une agence facilitant les contacts entre créateurs et
fabricants afin d’améliorer la qualité du design suédois, et d’encourager la création d’objets
simples, de bonne qualité et surtout bon marché.
Pourtant, ces objets ne rencontreront qu’un très faible succès car, issus de l’art industriel, ils
ne touchent pas la clientèle escomptée, à savoir la classe ouvrière. Bien que le coût de ces
objets ait pu être prohibitif, c’est plutôt la connotation de ces objets domestiques « simples »,
inférieurs, qui a lourdement affecté les ventes. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale
que l’idée de la simplicité comme principe de beauté commence à s’imposer notamment sous
l’effet des évènements européens.
Malheureusement, comme un peu partout en Europe, les fabricants font la sourde oreille et
continuent à faire du luxe destiné à une élite.
Durant les années 1920, de nombreux créateurs suédois partent étudier puis travailler à Paris
ou à Berlin, ramenant à leur retour les idées modernistes ayant cours là-bas. Ceux restés en
Suède sont attentifs à la rapide industrialisation qui marque le pays pendant cette période.
Comme partout, les années 1920 et 1930 vont être caractérisées par un savant mélange d’idées
modernistes et d’inspirations plus traditionnelles. Cela se traduit en Suède par une création
alliant à la fois néo-classicisme et modernisme.
Avec l’arrivée des Sociaux-démocrates au pouvoir au début des années trente, les mots
d’ordre sont prospérité et répartition des biens. Les Sociaux-démocrates considèrent le design
moderne comme l’outil du changement social plus que comme un exercice d’esthétique
avant-gardiste. La doctrine officielle en matière de design tend vers l’égalité sociale. On va,
pendant cette période, adopter une esthétique que le public qualifiera de stérile ou de froide,
avec du mobilier métallique. On nommera « Funkis » le Fonctionnalisme suédois de cette
période.
L’Exposition de Stockholm en 1930, dirigée par Gregor Paulsson, aura une très grande
influence. Cette exposition met en avant une vision utopique de la société, avec des
appartements modèles pour des familles à faibles revenus. D’un point de vue esthétique, on
s’aperçoit que les créations suédoises de cette période ne sont finalement pas très éloignées
des idées du Bauhaus allemand. Le codirecteur de cette manifestation fut Erik Gunnar
Asplund (1885-1940), éminent représentant du mouvement fonctionnaliste Scandinave et
143
figure emblématique de l’architecture suédoise avec son pavillon d’exposition en verre et
acier. Il présente pour la première fois le style international en Suède. Ce courant
fonctionnaliste sera beaucoup critiqué en Suède où on lui reproche sa froideur et son manque
d’identité suédoise. Cependant, tout le monde s’accorde sur la nécessité de recourir à
l’industrialisation pour mener à terme les changements sociaux. Les adversaires du « Funkis »
vont donc chercher un compromis entre l’organique et le rationnel.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Suède étant très préoccupée par son manque de
logements, elle deviendra pionnière de l’urbanisme et du logement dans le monde, notamment
avec de nombreux projets développés dans la banlieue de Stockholm.
En 1957 se créé la Société des créateurs industriels suédois (SID). Ses membres
s’appliqueront à révéler l’image du design industriel, aussi bien en Suède qu’à l’étranger.
Tous les bouleversements esthétiques dans le design se sont accompagnés d’une réelle
éducation de la population suédoise. Une structure avait notamment été mise en place pour
conseiller les jeunes ménages lors de leurs premières installations au niveau du choix du
mobilier ainsi que pour l’aménagement de leur appartement.
Notons que le succès international rencontré par le design suédois est aussi bien dû à son
modernisme organique modéré qu’à son industrialisation très avancée, permettant d’exporter
en grande quantité et à moindre coût.
Quant aux essences de bois utilisées par les Suédois, elles sont principalement issues des pays
scandinaves, le pin et le bouleau. Ainsi, les meubles des Larssons étaient principalement
constitués de pin peint en blanc, tout comme l’étaient les meubles de style Gustavien, tandis
que Bruno Mathsson utilisait surtout du bouleau, en raison de son aptitude à produire des
formes sinueuses, mais également du hêtre massif comme pour ses fauteuils « Arbetsstol » et
Pernilla, datant d’environ 1934. Mentionnons aussi les créations de Carl-Axel Acking (1910-
2001) et notamment les meubles qu’il créa pour Nordiska Kompagniet (cf.vol.2, annexe 3 ;
fig.32 à 34)
Le design suédois, qui se décline dans la quasi totalité des secteurs de la vie courante,
conserve sa tendance aux lignes épurées, ergonomiques et esthétiques, mais évolue
aujourd’hui vers davantage de sophistication, de fantaisie et de couleurs.
Le gouvernement soutient activement le design afin de relancer la promotion internationale
des entreprises suédoises.
La Suède compte plus de 350 designers industriels, dont une centaine employés dans
l’industrie, et environ 100/150 consultants. La majorité des grands groupes suédois tels
Ericsson, Electrolux, Volvo et IKEA, qui ont beaucoup investi et disposent d’outils
performants, sont les acteurs de la réussite et de la renommée internationale du design
suédois. Les PME font le plus souvent appel à des consultants.
Les principaux domaines d’études sont : les véhicules, les télécoms, les technologies
médicales, les biotechnologies, les outillages, les équipements de sécurité, les produits de la
vie quotidienne, les sites Internet et, plus largement, « le design qui améliore la vie ».
144
Carl-Axel Acking, AB Svenska Möbelfabrikerna Bodafors et le mobilier en série.
L’architecte et designer Carl-Alex Acking travailla notamment pour Erik Gunnar Asplund. En
créateur complet, il dessina non seulement les bâtiments mais également les aménagements
intérieurs et notamment les meubles. Il fut chargé de construire le pavillon pour l’exposition
1955.
Créateur de mobilier polyvalent, il se consacre à la fois à des meubles luxueux réalisés par des
artisans de Stockholm et vendu par Hantverket (le réseau de vente du groupement des métiers
d’art de Stockholm), mais également à des meubles destinés à la fabrication en série.
En 1944, il créé pour Svenska Möbelfabrikerna à Bodafors407 (l’Union des fabricants de
meubles suédois à Bodafors) un fauteuil en bois cintré. Ce siège est en contre-plaqué moulé et
les éléments de dossier sont simples à assembler, convenant ainsi particulièrement bien à une
fabrication industrielle et par conséquent à l’exportation (cf.vol.2, annexe 3, fig.32 à 34).
AB Svenska Möbelfabrikerna Bodafors travailla avec un grand nombre de créateurs suédois.
Notamment Axel Larsson (1898-1975), qui est son principal designer de 1930 à 1956. Au
commencement, il dessina des meubles aux formes simples, inspirées par des considérations
fonctionnelles. Son travail sera cependant de plus en plus marqué par des formes plus
organiques. Comme la plupart des designers scandinaves, il conçoit à la fois des meubles
luxueux fabriqués dans des ateliers d’ébénistes mais également une série de meubles
adaptable à une production industrielle destinée au plus grand nombre408.
Bruno Mathsson précurseur et suiveur d’Aalto
Issu d’une famille d’ébénistes, il se forme dans l’atelier de son père, Karl Mathsson. Par la
suite, les pièces composant ses meubles seront produites dans la fabrique gérée par son père
(Firma Karl Mahsson à Värnamo).
Sous l’impulsion de l’exposition de Stockholm de 1930, qui avait déclenché une véritable
bataille entre conservateurs et modernistes, Bruno Mathsson se met à dessiner des meubles
alliant modernité et design organique, mouvance qui s’imposera dans les décennies suivantes.
En 1933, il présente son premier bâti de chaise en lamelles de bois courbées et collées, tendu
de cordes de bourrelier tressées, assise et dossier formant une seule courbe harmonieuse.
Ses meubles suscitèrent un grand intérêt, mais l’industrie s’avérant réticente, il se mit à
produire et réaliser les ventes directes depuis l’entreprise familiale. C’est seulement depuis les
années 70 qu’il travaille avec d’autres fabricants, notamment avec la firme DUX.
Mathsson va promouvoir un design organique, avec des formes courbées fabriquées dans des
matériaux naturels, très loin des meubles en bois géométriques proposés par des designers tels
que Axel Larsson et Sven Markelius. Il dessine ses fauteuils en étudiant attentivement la
morphologie humaine et obtient ainsi des formes ergonomiques épousant parfaitement le
corps. Il représente la génération qui va faire passer le design suédois du fonctionnalisme
géométrique au modernisme organique. Mathsson participe en 1937 à l’Exposition
407 AB Svenska Möbelfabrikerna Bodafors est l’union des fabricants de meubles suédois à Bodafors. Cette union
débuta déjà en 1872 à partir de l’usine du fabricants de meubles en sapin, Axel Häggs. 408 Fiell, Design Scandinave, op.cit., p.396-397
145
Internationale des Arts et Techniques de la Vie Moderne à Paris. Ses meubles sont également
présentés dans des nombreuses expositions internationales telles l’Exposition Universelle à
New York en 1939, à « Svenska Form » à Copenhague en 1946, à « H55 » à Helsingborg en
1955, « Interbau » à Berlin en 1957, et « Formes Scandinaves » à Paris en 1958.
Entre 1945 et 1957, il se consacre essentiellement à l’architecture. A partir de 1957, il prend
la direction de Firma Karl Mathsson, développe des meubles en collaboration avec le designer
Piet Hein et en dessine d’autres pour DUX Industrier à Trelleborg.
En 1978, la firme DUX Industrier reprend la Firma Karl Mathsson et la production de
meubles de Mathsson.
Contrairement à ses contemporains, comme le danois Kaare Klint ou les suédois Carl
Malmsten et Josef Frank, Mathsson ne puise pas son inspiration dans les styles traditionnels
mais cherche plutôt des réponses novatrices, ce qui le rapproche davantage des modernistes
Alvar Aalto et Marcel Breuer.
Situé aux antipodes du style luxueux marqué par l’esprit « Art Déco » ou du mobilier
métallique des fonctionnalistes, il propose un design plus humaniste, privilégiant l’utilisation
de matériaux naturels tels que le bois et préférablement des essences indigènes.
En raison des excellentes qualités techniques du bouleau (cf. chapître 1 sur les essences),
Mathsson travaillait essentiellement avec cette essence. Celle-ci lui permettait de pousser
jusqu’à ses limites le cintrage du bois dans son design organique. Mais nous trouvons
également l’utilisation du hêtre ou du frêne qui ont également des excellentes qualités
techniques en ce qui concerne la possibilité de courber le bois (cf. chapître 1 sur les essences
et sur le bois courbé).
En 1931, il obtient sa première commande de l’hôpital de Värnamo pour un fauteuil, le
fameux Grasshopper (Sauterelle), allusion du personnel hospitalier aux pieds rappelant la
forme d’un insecte prêt à bondir (cf.vol.2, annexe 3, fig.35). Malgré tout, le fauteuil est boudé
par le personnel de l’hôpital qui lui préfère le confort des fauteuils rembourrés. Mis au
placard, il ne sera ressorti que des années plus tard, lorsque Mathsson accède à la notoriété409.
Pourtant, ce fauteuil en bouleau courbé et tressage de sangles en lin qui épouse les formes du
corps est exceptionnel.
Le fauteuil Eva , créé en 1934, remportera plus de succès et est d’ailleurs devenu l’une de ses
plus célèbres réalisations (cf.vol.2, annexe 3, fig. 36 et 37.). A l’origine, ce fauteuil fut connu
sous le nom Arbetsstol (fauteuil de travail). Comme le fauteuil Pernilla également daté de
1934 (cf.vol.2, annexe 3, fig. 38), Eva est constitué d’un châssis en contreplaqué cintré, de
sangles en chanvre tressé et d’un cadre de siège en hêtre massif. Pendant des années,
Mathsson continue à travailler sur ces différents fauteuils. Le Fauteuil Eva sera notamment
décliné en Miranda avec son repose-pied Mifot (cf.vol.2, annexe 3, fig.39), également avec
un dossier relevé, ou comme chaise longue (Pernilla 3) (cf.vol.2, annexe 3, fig.40).
Mathsson créé également quelques belles tables, très simples, telle la table Annika datant de
1936 (cf.vol.2, annexe 3, fig.41 et 42).
Malgré le lien évident entre les créations de Mathsson et son collègue finlandais Alvar Aalto,
on oublie souvent que, si les créations de Mathsson reposent sur le même principe, à savoir la
chaise longue Model n° 43 (1936), et le fauteuil Model n° 406 (1936-1939)410, elles sont
antérieures à celles d’Aalto.
409 Source: www.bruno-mathsson-int.se 410 Fiell, Design Scandinave, op. cit., p.448
146
Sur le plan ergonomique, les meubles de Mathsson sont plus évolués que ceux créés par
Aalto. En effet, Mathsson s’appuie, tout comme le créateur danois Kaare Klint, sur des études
ergonomiques et utilise les caractéristiques techniques du bois pour créer des courbes
épousant parfaitement le corps humain.
Malgré le fait qu’il ait consacré une grande partie de sa vie à la création architecturale, il doit
surtout sa notoriété à sa création de meubles.
Bien qu’ayant reçu une formation d’ébéniste, Mathsson privilégie les formes simples,
facilement exploitable dans un contexte industriel, tout comme Acking dans son travail avec
AB Svenska Möbelfabrikkerna.
Cette simplification des formes amorcée par Aalto et Mathsson va être poussée plus avant par
le fabricant et distributeur de meubles suédois IKEA.
Le design social et IKEA
En 1943, le Suédois Ingvar Kamprad, après une phase initiatrice et réussie de vente itinérante
d’objets utiles dans les villages, crée IKEA (cf.vol.2, annexe 3, fig.43 et 44). Au
commencement, IKEA vend des stylos, de la petite maroquinerie, des cadres, des nappes, des
bijoux et des bas en nylon. En 1947, les premiers meubles entrent dans les produits IKEA.
Fabriqués par des artisans locaux, l’accueil est très positif. A partir de 1951, il élimine les
autres articles et ne se concentre plus que sur les meubles à bas prix. En 1953, s’ouvre
l’exposition permanente de meubles à Almhult , ville où l’aventure moderne a commencé ;
pour la première fois, les clients peuvent voir et toucher les meubles avant de passer
commande.
Il est plutôt drôle de voir comment on en est arrivé là. Les concurrents ont fait pression sur les fournisseurs pour
qu’ils boycottent IKEA. Cette réaction nous a obligés à créer nos propres modèles et c’est finalement ce qui
nous a valu le succès que l’on sait. En fin de compte, cette démarche a permis la naissance d’un design innovant
de produits plus fonctionnels et à meilleurs prix. Ensuite, un employé bien inspiré d’IKEA a eu l’idée de
démonter les pieds d’une table pour la transporter sans dommage dans une voiture. A partir de là, nous avons
commencé à penser au design en tenant compte d’un conditionnement en paquets plats…411
A partir de 1956, IKEA conçoit des meubles qui peuvent être conditionnés en paquets plats et
montés par les clients eux-mêmes. Les meubles en paquets plats sont plus faciles à transporter
et à stocker, les risques de casse sont moindres, le roi des meubles en kit est né.
En 1958, c’est l’ouverture du premier magasin IKEA à Almhut et en 1963, Marian Grabinski,
consul et architecte, créé la bibliothèque MTP, un classique contemporain qui inspira
beaucoup (cf ;vol.2, annexe 3, fig.43).
En faisant fabriquer ce meuble et d’autres produits en bois en Pologne, IKEA consolide ses bonnes relations
avec ce pays. Les fournisseurs polonais constituent depuis les années 50 un atout important dans nos efforts
pour garder nos prix à un niveau abordable pour le plus grand nombre412.
Voilà l’un des grands atouts d’IKEA, la création et la conception se déroulent en Suède tandis
que la fabrication s’effectue dans des pays de l’est telle la Pologne (cf. vol.2, annexe 3, fig.43)
et ce afin de maintenir le prix au plus bas. Ceci conduisit IKEA à acheter des forêts en
Roumanie, gérées selon les principes du développement durable, permettant ainsi une parfaite
traçabilité du bois utilisé dans les différents meubles.
411 www.ikea.com/ms/fr_FR/about_ikeak/timeline/full-story.htm 412 Idem.
147
Dans les années 60, le panneau de particules fait son apparition dans l’assortiment IKEA. Ce matériau bon
marché, résistant et facile à travailler était comme fait pour IKEA413.
En effet, chez IKEA, peu de meubles sont fabriqués en bois massif, les différents dérivés du
bois, tel le bois de particules et de fibres permettant de fabriquer des meubles moins coûteux
(cf chapître 1 sur les dérivés du bois). Notons également la préférence du consommateur
scandinave pour les meubles en dérivés du bois (panneaux de particules et de fibres etc.) que
pour les bois massifs. Les dérivés sont considérés comme plus modernes que les massifs, mais
on sait aussi qu’ils sont plus stables face aux variations d’ambiance.
En 1981, c’est l’ouverture du premier magasin IKEA en France414, (magasin pilote de
BOBIGNY, 93).
IKEA connaît une période difficile dans les années 80, étant attaqués de toutes parts. Le plus
grand coup dur fut certainement la baisse d’intérêt du consommateur scandinave. En effet,
entre les années 80 et 90, l’image d’IKEA reste en Scandinavie liée à un mobilier très bas de
gamme fait de matériaux de mauvaise qualité. Ce n’est que depuis une dizaine d’années, et au
prix d’un effort considérable tant sur la qualité que sur la stratégie marketing, qu’IKEA a
remonté la pente jusqu'à se retrouver leader, notamment en France, du marché mobilier.
La force d’IKEA réside non seulement dans le développement du meuble en kit qui permet de
réduire le coût du transport et d’économiser la main-d’œuvre de montage, à l’aide de notices
de montage conviviales sans textes, donc lisibles dans tout pays, mais aussi dans le large
choix proposé au consommateur dans les magasins. IKEA a su à la fois allier un mobilier
« traditionnel » scandinave en pin à une création moderne inspirée des dernières créations,
notamment italiennes, et ce tout en maintenant des prix plus qu’abordables. Notons par
exemple le phénoménal succès de la série de rangement et étagères Billy. Série à petit prix,
solide, modulable, permettant d’ajouter les éléments les uns aux autres. Elle fait partie des
best-sellers d’Ikea et se décline en PSM blanc ou en nombreuses « essences » de bois plaqué,
adapté au goût différents des consommateurs. Sa conception rigoureuse et précise en fait un
modèle du genre, en terme de plans et de cahier des charges pour les fabricants sous-traitants
(dont l’un fut un temps un fabricant français).
Depuis les années 30, IKEA est sans l’ombre d’un doute la plus grande réussite du design
scandinave et la meilleure incarnation du design « démocratique » prôné par la Suède.
Entre le design élitiste des Finlandais et le mobilier démocratique d’Ikea chez les Suédois, se
situe le design danois. Le mobilier danois est le mobilier qui a eu le plus d’influence en
Europe à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale et jusqu’au milieu des années 60,
voir jusqu’au début des années 70.
413 Idem. 414Source : www.ikea.com/ms/fr_FR/about_ikea/timeline/intro.html
148
Le Danemark
Histoire, politique, société
Le royaume du Danemark comprend, outre le Danemark, les îles de Féroé et le Groenland.
Les îles Féroé ont un gouvernement autonome depuis 1948 et le Groenland depuis 1979.
Le Danemark se compose de la péninsule de Jutland et de 406 îles, dont 80 sont habitées
(1998).
Il fut réuni en un seul royaume dès le 10ème siècle, ce qui fait l’un des plus anciens Etats de
l’Europe. Son régime politique est une monarchie constitutionnelle.
Environ 64% de sa superficie est cultivée ; 12 % est recouverte d’arbres feuillus et résineux.
Environ 10 % du territoire est constitué de prairies, de landes, de polders, de marécages, de
dunes et de lacs. Environ 13% est occupée par les surfaces bâties et les aires de circulation.
Le Danemark compte 5.4 millions d’habitants pour 2.561.000 logements, en moyenne donc
autour de 110 m2 par habitant. 85% de la population vit en ville.
Le Danemark est notamment célèbre de par les affres des Vikings entre le 8ème et le 11ème
siècle.
A partir du 14ème siècle, le Danemark possédé la Norvège et une partie de la Suède. A partir
du milieu du 17ème siècle, à la suite de plusieurs défaites militaires et d’erreurs dans le choix
de ses alliés, le Danemark voit sa superficie et sa population considérablement diminuées.
De nombreuses guerres ont opposé le Danemark à la Suède. A partir du 19ème siècle, c’est
avec l’Allemagne que les relations se compliquent. A l’issue de la dernière grande guerre de
1864 (Deuxième Guerre de Schleswig), le Danemark est contraint de céder un tiers de son
territoire à l’Allemagne, se séparant ainsi du Schleswig et du Holstein. En 1920, le Nord-
Schleswig est réintégré au Danemark à la suite d’un référendum.
Depuis 1972, le Danemark fait partie de la communauté européenne mais n’a jusqu'à présent
pas souhaité participer à la zone euro.
A partir de 1965 les exportations de produits industriels dépassent celles issues de
l’agriculture.
Le Danemark exporte essentiellement du pétrole et du gaz naturel (8% des exportations en
2004), des produits pharmaceutiques, des biens d’équipement (meubles, confection et
appareils électriques) ainsi que des produits agroalimentaires (viande, poisson et produits
laitiers). Son principal client reste l’UE (surtout les marchés suédois et allemands) malgré une
hausse des exportations vers les nouveaux membres de l’UE.
L’importance du bois dans l’économie danoise
Plus de 86% de la production danoise de meubles va à l’exportation, plaçant ainsi l’industrie
du meuble au 6ème rang des secteurs exportateurs de l’industrie danoise. Les exportations,
principalement des meubles en bois pour salles de séjours, salles à manger et literies, sont en
croissance constante.
149
Les 5 premiers pays clients du Danemark sont l’Allemagne, la Grande Bretagne, la Norvège,
la Suède et l’USA. La France est le 6ème marché à l’exportation de l’industrie danoise du
meuble.
Les principaux pays fournisseurs sont la Suède (20.3%), la Chine (14.7%), l’Allemagne
(12.1%) et l’Italie (8.5%). Les 10 principaux fournisseurs du Danemark se répartissent 80%
des importations de meubles. La forte délocalisation de la fabrication danoise de meubles est
évidente, puisque sur la liste des dix principaux fournisseurs du Danemark figurent la Chine,
la Pologne, l’Indonésie, et les trois pays Baltes415.
Les fabricants de mobilier en bois
Le Danemark se place aujourd’hui comme le premier producteur et exportateur de meubles
dans le monde, ramené à l’échelle de sa population. Le marché danois du meuble représente
environ 1.2 Mds €, dont 28% seulement est couvert par l’industrie locale orientée vers les
marchés extérieurs.
Les principaux fabricants danois de meubles sont : Tvilum-Scanbirk (Masco), Bodilsen,
Licentia Group, Astralis, HTH et Danka (BoConcept).
L’industrie du meuble danoise compte aujourd’hui environ 400 unités de fabrication et
emploie environ 18.300 personnes. Les entreprises sont pour la plupart de taille petite ou
moyenne. Seulement 10% des producteurs danois de meubles réalisent un chiffre d’affaires
excédant 100 millions de DKK (13.4 M€) et assurent près des trois quarts des exportations416.
Le mobilier d’habitat représente la majeure partie de la production danoise de meubles. Il se
distingue par un style moderne aux lignes épurées et par ses qualités d’adaptation aux besoins
et tendances du marché.
Le mobilier de bureau se caractérise par une prise en compte de l’ergonomie et du confort de
l’utilisateur, tout en préservant l’esthétique. Très fonctionnelles, ses lignes sont résolument
modernes. Les fabricants danois de meubles de bureau sont très peu représentés à l’export. En
effet, le marché national absorbe presque toute leur production puisque le secteur public
préfère privilégier des meubles confectionnés dans un contexte conforme aux lois régissant le
milieu du travail (strictement respectées au Danemark).
Le mobilier de cuisine et salles de bains constitue environ 8 % de la production danoise de
meubles. Le groupe HTH est aujourd’hui le principal fabricant de cuisines en Europe du Nord
avec une production annuelle de 750.000 modules.
Notons que les consommateurs danois préfèrent les bois clairs et les façades plaquées, les
façades en bois massif ne représentant que 5 à 8 % du marché total417.
415 Source : www.missioneco.org 416 Idem. 417 Idem.
150
Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois
Les consommateurs danois recherchent des produits de qualité et de design reflétant un
certain style de vie. Ils préfèrent traditionnellement les objets aux formes simples et
organiques, de couleur unie, peu décorés, sans que cette tendance générale n’empêche
néanmoins la percée des différents caprices de la mode.
Jusque dans les années 1950, le Danemark reste un pays peu industrialisé et dont l’économie
repose essentiellement sur l’agriculture et l’artisanat.
Après la Seconde Guerre mondiale, le pays va, comme toute la Scandinavie, connaître une
reprise économique rapide et s’industrialiser.
La grande réussite des danois au niveau design et production industrielle est d’avoir su mêler
harmonieusement des modèles anciens, d’inspiration artisanale à une grande exigence de
qualité.
La tradition artisanale danoise se caractérise par le recours aux formes organiques, aux
matériaux naturels, surtout au bois et par l’attention prêtée aux qualités fonctionnelles et
esthétiques des objets. Beaucoup de créateurs danois s’inspirent par exemple des Shakers
américains ainsi que du mobilier chinois et anglais du 18ème siècle. Il reste également dans la
création danoise un fort lien avec les Arts and Crafts anglais.
La recherche de « la forme idéale » est également assez caractéristique du design danois,
aboutissant souvent à une grande simplification.
Selon Charlotte et Peter Fiell, le succès du design danois s’explique par ses standards moraux
et qualitatifs :
Ce sont surtout ces pionniers qui parviennent à établir les standards moraux et qualitatifs qui expliquent,
jusqu’à nos jours, le succès du design danois418.
Autrement dit, c’est l’idée d’un design accessible sans pour autant en baisser la qualité du
produit.
Le design avant Kaare Klint
Dans les années 1770, le néoclassicisme supplante le Rococo au Danemark, la réserve royale
des meubles (1777)419 se créé. Dans la première moitié du 19ème siècle, le classicisme prend
deux directions, chacune défendue au sein de l’Académie Royale des beaux-arts de
Copenhague. L’une d’elle était représentée par les architectes C.F Hansen (1756-1845), G.F.
Hetsch (1788-1864) et Jörgen Hansen Koch (1787-1860), exécuteurs des grandes commandes
officielles.
Le classicisme qu’ils représentaient se basait sur le style Empire de Percier, ainsi que sur les
travaux à Berlin et Potsdam de l’architecte allemand Friedrich Schinkel, c’est-à-dire un style
néoclassique. L’autre courant était incarné par Nicolai Abildgaard (1743-1809), le sculpteur
H.E. Freund (1786-1840) et l’architecte Gottlieb Bindesböll (1800-1856). Tous les trois
s’étaient appropriés les valeurs de l’Antiquité classique (annexe fig.45-57) et inspirés des
études directes des meubles de l’Antiquité, non de l’architecture. Gottlieb Bindesböll, en
418 Fiell, Design Scandinave, op. cit., p.23 419 La réserve royale des meubles a été créée en 1777. Son premier directeur fut l’architecte G.E. Rosenberg
(1739-88), élève de Jardin.
151
partenariat avec le musée de Thorvaldsen, exécuta la création antique la plus originale au
Danemark (cf.vol.2, annexe 3, fig.54 à 57). Aussi bien Freund que Bindesböll dessinaient des
meubles, soit des copies directes soit des créations libres d’après des modèles antiques. Mais
la création de meubles de Gottlieb Bindesböll était une création accessoire, fruit de son
aversion pour le conventionnel classicisme des ébénistes de l’époque.
La chaise Klismos était la chaise antique la plus prisée de l’époque, conçue à partir des
motifs figurant sur des vases et des sculptures. En même temps que chez Nicolai Abilgaard
(cf.vol.2, annexe 3, fig.45), nous retrouvions ces chaises sur certains tableaux signés David,
Canova et certains dessinateurs anglais. On trouve notamment des chaises fabriquées en
Angleterre et certaines dessinées par le fameux collectionneur d’art Thomas Hope. Ce type de
siège aura une très longue vie au Danemark, nous en trouveront des variantes dans le travail
de Kaare Klint et même jusque dans les années 1960-1970 chez certains designers danois,
comme par exemple Poul Kjaerholm.
Même si les influences de la création française, allemande et anglaise étaient facilement
perceptibles dans la création danoise de l’époque, les meubles danois conservaient tout de
même une identité caractérisée par une certaine simplicité. On classe souvent ces meubles
d’« Empire » bien que cette dénomination ne convienne qu’à un petit nombre de meubles
officiels de l’époque créés par les architectes C. F. Hansen et G.F. Hetsch et liés à la création
française de l’époque sous l’Empire. Hetsch continua à influencer la création dans le
deuxième quart du 19ème siècle à travers son enseignement et la publication entre 1839-43 de
ses « modèles de dessins pour l’artisan ».
Il en résultat l’apparition du style nommé « Christian VIII »420, plutôt bourgeois, où, sans
grand déploiement artistique, on appliquait le raisonnable, le juste, le confort et l’utilité.
Dès cette époque, nous observons une certaine tendance à la multiplication des styles et à leur
croisement, ce qui sera encore plus net à partir du milieu du 19ème siècle.
A cette même époque, une nouvelle tendance se profile, très différente. Il s’agit de créations
de meubles parfois nommées « Meubles d’Artistes421», dessinées notamment par H.E.Freund,
Constantin Hansen (1804-1880), Christian Köbke (1810-1848) et Gottlieb Bindesböll (1800-
1856) pour leur maison, dans un style d’influence antique approchant de celui d’Abildgaard.
Cependant, ces meubles influencèrent peu le reste de la création artistique, contrairement à
ceux d’Abildgaard (cf.vol.2, annexe 3, fig.45 à 49).
Mise à part une production très limitée de haute qualité réalisée pour les palais danois, les
meubles fabriqués au Danemark pendant la première moitié du 19ème siècle avaient peu de
caractère. Le goût était bourgeois, influencé par les meubles anglais du 17ème siècle et plus
tard par le Biedermeier allemand. Ces meubles étaient tous en bois sombres comme le voulait
la mode de cette époque.
Mais certains artistes, tel Gottlieb Bindesböll, commençaient à dessiner des meubles pour
eux-mêmes et leurs proches dans un style que l’on pourrait qualifier de classique. G.
Bindesböll dessina également des meubles pour sa grande création architecturale que fut le
musée de Thorvaldsen. De même, il réalisa les vitrines de présentation pour exposer la
collection de livres, de dessins et d’art antique de B. Thorvaldsen. Lorsque l’on étudie ces
420 L’appellation « Christian VIII » désigne le roi danois (1786-1848) qui était roi de 1839 à 48. Mais aussi un
style (1820-1840) de meuble influencé par le néo-classicisme souvent considéré comme le style bourgeois par
excellence du moment. 421 Avec les recherches les plus récentes il s’est avéré que l’appellation « meubles d’artistes » était certainement
quelque peu réducteur, car il paraît que leur production est plus large que ce qu’on avait crus jusqu’alors.
152
meubles attentivement, il ne fait aucun doute que son séjour à Pompéi a exerce une influence
décisive (cf.vol.2, annexe 3, fig.52 à 57) sur son œuvre.
A partir de 1850 et jusqu’à la fin de ce siècle, l’architecture, les décorations d’intérieurs et les
créations de meubles vont être le fruit d’un mélange de styles ou, pis encore, d’une confusion
de styles - mauvais goût et mauvais travail sont les qualificatifs récurrents pour cette période.
Des termes assez forts qui ont peut-être servi à glorifier les débuts de la création moderne422.
La demande en meubles est croissante au 19ème siècle, quelles que soient les classes sociales.
Beaucoup de meubles de cette époque ont été conservés mais aucun n’atteint le niveau
esthétique ou qualitatif de ceux commandés par le roi. Les meubles de cette période, dits
d’expérimentation, sont le reflet du contexte économique, technique, artistique, social et
politique qui marque alors toute l’Europe, ainsi que le Danemark.
Autour de 1850, le néo-rococo fait son apparition. L’acajou domine, même si on remarque
une nette percée d’autres bois nobles, tel le palissandre. Les meubles sont décorés par
incrustations et découpages. Les formes galbées, comparables à celles du rococo, sont
récurrentes et avec elles commencent les expérimentations.
La question n’est de savoir dans quelles mesures le néo-rococo ressemblait a son prédécesseur
mais plutôt l’idée qu’il véhiculait, le rejet du classicisme austère et le nouvel engouement
pour un design plus en phase avec le corps humain. Les meubles du néo-rococo, plutôt larges
et spacieux, affichaient un prix relativement raisonnables pour la bourgeoisie et les gens aisés.
Le néo-rococo ouvrit la voie à des formes de meubles plus vivantes dans les années 1850 et
1860. Plus audacieux que le meuble néo-classique, les meubles issus de ce nouveau courant
étaient plus libres. Les meubles rembourrés par exemple étaient faits pour être vus de tous les
côtés, contrairement aux meubles antérieurs. Ceci constitue un changement capital puisque
jusque-là les chaises étaient faites pour être alignées contre le mur et seulement regroupées
par nécessité. Après avoir servi, elles étaient de nouveau « emmagasinées » contre le mur.
Cette nouvelle approche d’un meuble plus libre fut inspirée des cultures orientales, et
notamment de la culture turque.
Ces meubles sculpturaux et rembourrés devaient dès lors s’accompagner de tables, de cabinets
et de rangements aux formes beaucoup plus élégantes et légères, très loin du néo-classicisme
tardif de l’Académie. Pour confectionner ces nouveaux meubles, on puisa alors l’inspiration
d’époques et de styles différents ainsi que d’autres cultures de l’Orient, mais surtout de la
Renaissance et de la période baroque.
De même, les habitations étaient en train de changer. La distinction entre les différentes
pièces s’affirme : salle à manger, salon, cabinet, fumoir, chambre de monsieur, chambre de
madame etc., l’apparition de ces pièces à fonction spécifique nécessitant bien sûr la création
d'ameublements entiers.
La Renaissance, alliée à une touche de baroque français, inspira les premières
expérimentations. Dès les années 1860 et 1870, on était déjà très loin des formes sévères du
néo-classicisme, posant ainsi un nouveau regard sur le meuble. Ce style néo-rococo persista
jusqu’à la fin du 19ème siècle sous l’appellation « Klunkestil »423 (cf.vol.2, annexe 3, fig.58).
Au même moment en Angleterre, William Morris, nourri des idées de l’architecte et
théoricien A.W.N. Pugin (1812-1852) et du critique John Ruskin (1819-1900), développe de
422 Hans Lassen in Christiansen, Poul, Haandvaerket viser vej: Danske möbler gennem 40 aar, Copenhague,
1966, p.25 423 Klunkestil ; style danois jusqu’en 1900 avec des meubles rembourrés. Le mot klunke vient de l’allemand et
signifie la passementerie qu’on retrouve sur le bas des meubles ainsi que sur les rideaux.
153
nouvelles idées. Mécontent de la nouvelle création « industrielle » que lui et ses amis
considèrent « laide », il souhaite revenir aux sources du Moyen-âge, et de préférence a
l’époque Gothique. Ses idées, prônant le travail manuel et plus particulièrement le travail
d’ébénisterie, trouvent un écho partout en Europe et sont renforcées par un nouvel
engouement pour l’Orient, et notamment pour l’art japonais. Morris jette les bases de l’Art
Nouveau en France, en Belgique et du Jugendstil en Allemagne. Les formes et
l’ornementation de l’Art Nouveau ainsi que celles du Jugendstil rencontrent peu de succès au
Danemark cependant, ses idées, puisant l’inspiration dans le travail manuel et traditionnel
d’autrefois, marqueront les esprits dans toute la Scandinavie et particulièrement au
Danemark424.
Pendant les années 1880-1890, ce sont essentiellement des personnes isolées qui influenceront
la création du mobilier danois. Parallèlement à une production de meubles assez homogène
(Klunkestil), certaines personnes commencent à expérimenter discrètement. C’est peut-être ici
qu’on peut noter une certaine influence des idées et des expressions de William Morris.
Un de ces exemples est Lorenz Frölich (1820-1908), peintre et dessinateur, peut-être
davantage connu comme étant l’illustrateur des comtes de H. C. Andersen. Dans les années
1880, Frölich dessinait des meubles pour lui-même, tout comme le faisaient les peintres de
l’Age d’Or Danois, tel Abildgaard, au 18ème siècle. Un de ses placards se trouve aujourd’hui
au Musée des arts décoratifs à Copenhague. L’aspect artisanal est largement souligné. Ce sont
plutôt des meubles dans la lignée de ceux qui se faisaient en Angleterre sous l’influence des
idées et des théories de William Morris, avec les décorations peintes en plus (cf.vol.2, annexe
3, fig.59).
Vers la fin du siècle, de nouveaux artistes entrent en scène, notamment Thorvald Bindesböll
(1846-1908), le fils de Gottlieb Bindesböll, architecte du musée de Thorvaldsen. Bindesböll
fils est lui-même architecte, mais plutôt connu en tant que céramiste. Le succès de Thorvald
Bindesböll ne dépassera cependant pas un petit cercle d’amateurs pour lequel il dessine des
meubles. La plupart de ses meubles présente un caractère robuste et monumental avec une
dignité qui, selon certains revêt du baroque425 et, selon d’autres, du classicisme426 (cf.vol. 2,
annexe 3, fig.60). Ils sont, pour la plupart, ornés des décorations découpées dans un style si
personnel que l’on a pu parler « d ‘ornementation à la Bölle »427.
Thorvald Bindesböll et les meubles des artistes
Thorvald Bindesböll fait partie du « skönvirke-bevaegelsen », mouvement danois
s’apparentant aux Arts & Crafts anglais. Comme la plupart de ses collègues, Bindesböll était
un créateur polyvalent. S’il est aujourd’hui apprécié pour ces vases et plats en céramique
424 L’Art Nouveau aura très peu d’influence au Danemark. On peut toutefois remarquer une certaine influence
notamment dans l’argenterie ou dans la céramique par exemple chez Thorvald Bindesböll. De même dans une
partie de la production de meuble chez Bindesböll on pourrait peut-être parler d’art nouveau modéré. 425 Selon Poul Christiansen in Haandvaerket viser vej : danske möbler gennem 40 aar, Copenhague, 1966, p.30 426 Selon Mme Gelfer-Jörgensen in Dansk Kunsthaandvaerk fra 1850 til vor tid, Voyens, Nyt nordisk forlag
Arnold Busk, 1982, p.194 427 Pour plus de renseignement sur les meubles de Thorvald Bindesböll, on peut se référer à la mémoire de
Master d’Iben Brown : Thorvald Bindesbölls möbler, 1983, Université de Copenhague. Mlle Brown a partagé les
meubles fait par Bindesböll en 3 groupes ; ceux dans la lignée d’Abildgaard, ceux qui sont de style historique et
ceux où on peut parler d’une certaine forme d’Art Nouveau/Skönvirke.
154
couverte d’illustrations végétales, il créa également du mobilier. Il s’agit d’un mobilier assez
lourd et robuste, la plupart du temps en acajou.
On pourrait se demander pourquoi le courant de fin de siècle Art Nouveau n’a jamais fait de
percée au Danemark. L’architecte Martin Nyrop (1849-1921) et son influence capitale au
Danemark à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, en sont une des raisons
principales.
Les idées de Martin Nyrop, d’influence « populaire », mêlaient à la fois tradition et un certain
classicisme, notion tout à fait dans l’air du temps en Scandinavie à la fin du 19ème siècle. Il
s’agit du courant que certains nomment le Romantisme National, développé à la fin du 19ème
siècle, au moment où chaque pays Scandinave s’était un peu replié sur lui-même, cherchant
son identité et les sources de sa création dans son patrimoine national.
L’une des figures les plus emblématiques de ce romantisme national est très certainement
l’artiste finlandais Akseli Gallen-Kallela. Il puisait en effet l’inspiration pour des séries de
peintures dans les anciennes épopées finlandaises, tel le Kalevala (édité en par Elias Lönrot)
et le Kanteletar (recueil de poésie populaire également édité en 1840 par Elias Lönrot).
Au Danemark, pays plus mesuré, aucun artiste n’ira aussi loin dans l’expression de ce
nouveau mouvement.
Martin Nyrop n’était pas véritablement un créateur de meuble. Tous ses meubles, a
l’exception d’un, ont été créés comme mobilier pour ses réalisations architecturales.
Il est progressivement devenu une tradition de dessiner, fabriquer et produire le mobilier
chaque fois qu’une grande construction publique était envisagée.428
On cherchait ainsi à atteindre une parfaite harmonie entre la construction et les meubles. Un
exemple fut l’Hôtel de Ville de Copenhague, dont Martin Nyrop fut chargé de la construction
ainsi que de la création des meubles entre 1892-1905 (compétition 1888 et 1889). C’est l’idée
de l’œuvre d’art totale ou le « Gesamtkunstwerk » que l’on retrouve partout en Europe au
début du 20ème siècle. L’exemple le plus célèbre est certainement le Palais Stoclai, construit à
Bruxelles entre 1905-1911 par l’architecte Josef Hoffman et décoré par Gustav Klimt.
Bien que l’Art nouveau soit largement répandu dans toute l’Europe à cette période, ni
l’architecture ni le mobilier de l’Hôtel de Ville de Copenhague n’en ont été marqués.
En plus du rôle de représentation inhérent à l’hôtel de ville, celui de Copenhague abritait
également les autorités administratives. Nyrop dessina alors une série de meubles adaptés aux
nombreux bureaux, meubles qui, d’ailleurs, sont toujours utilisés de nos jours. Ce sont ces
meubles de Martin Nyrop pour le Hôtel de Ville de Copenhague qui va marquer les décennies
qui suivent (cf.vol.2, annexe 3, fig. 61 à 63).
Les meubles de Martin Nyrop sont essentiellement, pratiques, aux formes simples, solides
parfois même anguleuses, qui ne sont pas sans rappeler par certains aspects les meubles
populaires des paysans (almue-meubles)429. En y regardant de plus près, on y retrouve une
forte influence de William Morris dans son respect pour les matériaux ou dans son principe à
laisser la construction perceptible430.
Le succès populaire de Martin Nyrop est donc surtout dû à sa ligne de meubles conçus pour le
quotidien.
428 Ceci sa fait encore plus récemment. On peut notamment nommer l’Hötel SAS construit à Copenhague entre
1956 et 1961, par l’architecte danois Arne Jacobsen (1902-1971). Tout a été dessiné par lui, jusqu’aux poignées
de portes et aux couverts. 429 Au Danemark on appelle le style des meubles paysans Almuemöbler. Almue veut dire « le petit peuple » ou
« les paysans ». 430 Hans Nörgaard in Gelfer-Jörgensen, M. (dir.), Herculanum paa Sjaelland : Klassicisme og Nyantik, dansk
möbeltradition, Copenhague, Rhodos, 1988, p.280
155
Un exemple intéressant de ces meubles pratiques élaborés pour l’Hôtel de Ville : les
dimensions des placards étaient calculées selon les dimensions des boîtes d’archives qu’ils
devaient contenir. De même, les bureaux étaient constitués de différents éléments de
rangement (casiers et tiroirs) pouvant être assemblés de diverses façons. Cet aspect
fonctionnel était très innovant au début du siècle et contribua donc au succès de Nyrop
(cf.vol.2, annexe 3, fig.62).
Les meubles de Martin Nyrop pour l’Hôtel de Ville sont un exemple précoce de la
standardisation de meubles pour bureaux qui deviendra très commune par la suite. Ces
nouvelles perspectives contiennent déjà les prémices du mouvement incarné plus tard par
Kaare Klint.
Pendant ces mêmes années, un autre « Gesamtkunstwerk » se démarque totalement de
l’œuvre de Nyrop : les meubles imaginés par Aage Rafn (1890-1953) pour la Station de
Police de Copenhague. Cet édifice monumental fut érigé entre 1918 et 1924 par Hack
Kampmann (1856-1920) en collaboration avec Aage Rafn qui le terminera après la mort de
Kampmann.
Si cette construction eut la malchance d’être entamée à l’époque où l’on tentait de faire
revivre l’architecture classique monumentale en réaction au romantisme nationale, elle fut
cependant achevée à l’époque où les nouvelles idées fonctionnelles en matière d’architecture
commençaient à faire leur apparition. Les différents meubles dessinés pour la Station de
Police par Rafn apparurent alors déjà dépassés et ses contemporains eurent du mal à les
apprécier.
A la même époque, un mouvement met en exergue le travail de l’artisan (cf.vol.2, annexe 3,
fig.64). Au Danemark, nous nommons le style de cette époque « Skönvirke ». On ne peut
trouver de traduction littérale de ce terme souvent désigné comme « Style fin de siècle »431.
Une confusion entre plusieurs styles s’instaure alors : d’un côté le style « Skönvirke », très
influencé par les idées des Arts and Crafts anglais et de l’autre, l’émergence du nouveau néo-
classicisme, peut-être en réaction au style « Skönvirke » ou aux différents styles historicistes
de la fin du 19ème siècle. Enfin, un troisième style, « Klunkestil », dérivé du néo-rococo.
La période de recherche et d’expérimentation atteint son apogée autour de 1910. On cherchait
des solutions pouvant à la fois allier des formes artistiquement abouties aux nouveaux besoins
de confort, de simplicité, de fonctionnalité et d’économie, ressentis dés 1860-1890. Pendant
cette période de transition, le jeune Kaare Klint (1888-1954) commence à s’exprimer.
L’une des premières œuvres issue de ce nouveau style néo-classique fut un petit musée
construit entre 1912 et 1915 à Faaborg sur l’île de Fyn par l’architecte Carl Petersen (1874-
1923). Ce petit musée d’art destiné à abriter les œuvres des peintres appartenant à « l’Ecole de
Fyn »432. Carl Petersen choisit un style classique, peu sévère, et demanda au tout jeune Kaare
Klint de l’aider à en concevoir les meubles. Bien qu’ayant conservé un aspect plutôt classique
431 La notion de style fin de siècle, ne renseigne en rien, sur le style lui-même, et n’a d’ailleurs rien à voir avec le
mot Skönvirke. Il est vrai qu’il peut être difficile de traduire le mot skön qui s’apparente au « beau », et virke à
l’aspect d’agir. On est donc dans quelque chose d’un peu abstrait, qu’on pourrait traduire par « agir pour le
beau ». On peut d’une certaine façon parler d’art nouveau, mais plutôt influencé par les Arts and Crafts anglais et
non par le monde végétal. 432 « Ecole de Fyn ». Les principaux artistes étaient Johannes Larsen (1867-1961), Peter Hansen (1868-1928),
Frtiz Syberg (1862-1939), Jens Birkholm (1869-1939) et Poul S. Christiansen (1855-1933). Ils étaient tous
originaires de l’île de Fyn. Ils constituaient la nouvelle génération de peintres à la fin du 19ème siècle et étaient
tout plus ou moins influencés par l’école de « Zahrtmann ». Souvent qualifiés de peinture de « paysan »
certainement en raison du forte attachement à la nature et des sujets réalistes liés à la vie quotidienne.
156
(cf.vol.2, annexe 3, fig.66 à 68), ses meubles sont néanmoins débarrassés de la dimension
architecturale qu’avaient ceux de Rafn. C’est l’un des premiers grands travaux de Kaare Klint,
par conséquent nous y reviendrons ultérieurement.
Au tournant de ce siècle, l’heure est à l’expérimentation. On y retrouve le classicisme qui
mènera entre les deux guerres mondiales au fonctionnalisme pur. Selon Miriam Gelfer-
Jörgensen, le design danois ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans le renouveau du
classicisme des années 1910-1920433.
Ce retour au classicisme s’expliquerait selon elle par le désir de formes simples après
l’influence de l’exotisme et de la nature de la fin du siècle. Mais le néo-classicisme fut
également une façon de s’éloigner du carcan anti-classique du Moyen-âge et du Romantisme
National.
Le retour au néo-classicisme se manifesta dans tous les domaines, non seulement dans celui
du meuble, mais aussi dans les domaines de l’architecture, de la céramique, du verre et de
l’argenterie, avec les réalisations de Johan Rohde (1856-1935). Il aura une influence capitale
sur le design de l’argenterie au Danemark. La peinture fut le seul domaine artistique qui
échappa à cette vague de classicisme.
Mme Gelfer-Jörgensen inscrit le début du néo-classicisme au Danemark dans la lignée des
simplifications ayant cours en Europe au même moment, notamment à Vienne (Wiener
Werkstätte) ou à Glasgow chez Mackintosh, où là aussi on laisse la forme libre, sans artifice
injustifié.
Au Danemark, c’est surtout le débat autour de la nouvelle flèche sur l’Eglise de la Vierge
(Vor Frue Kirke) à Copenhague qui embrase la polémique autour du néo-classicisme en 1910.
Après que l’Eglise St. Nicolai ait reçu une « copie » de sa flèche d’origine, le brasseur
Jacobsen proposa de financer une copie de la vieille flèche d’origine de L’Eglise de la Vierge
(une église de style classique fait par C. F. Hansen). Après des débats animés dans tous les
milieux intellectuels, on rejeta cette idée. Ce débat est bien la preuve du retour au classicisme
au Danemark.
Il convient de signaler que la production mobilière que nous mettons en avant ici ne constitue
en rien la totalité de la production de l’époque ; loin de là. Comme nous allons le voir dans le
chapitre suivant la production de mobilier danoise était très peu industrialisé avec un
production émanant essentiellement de petits ateliers.
A la fin du 19ème siècle la Salle à Manger était le plus souvent équipée de meubles en chêne,
d’inspiration renaissance et baroque. Le lit de la chambre était la plupart du temps peint ou
plaqué afin de donner l’impression d’être d’un bois de meilleur qualité.434
433 Dr Phil. Miriam Gelfer Jörgensen est l’une des grandes spécialistes du meuble danois. Elle a été la
responsable du musée des Arts Décoratifs de Copenhague pendant de nombreuses années, et est aujourd’hui
conservatrice en chef à la bibliothèque du musée. Elle a écrit de nombreux ouvrages sur les meubles danois, voir
notamment la bibliographie en fin de volume. 434 Andresen, Carl Erik, Dansk Möbelindustri 1870-1950, Aarhus, Carl Erik Andresen/Forlaget Systime A/S,
1996, p.10
157
Les expositions de la guilde des ébénistes de Copenhague.
Les expositions annuelles de meubles organisées par les corporations d’ébénistes à
Copenhague constituaient un bon tremplin pour les créateurs.
Au Danemark, l’industrialisation ne commença que tardivement, 100 ans après l’Angleterre,
50 ans après l’Allemagne, et encore plus tardivement dans le domaine du mobilier.
Le pouvoir d’achat de la majeure partie de la population était encore très faible, et la plupart
des meubles étaient fabriqués sur commande.
La majorité de la production mobilière émanait, avant le début du 20ème siècle, de petits
ateliers avec un maître et un ou plusieurs apprentis. Les meubles étaient construits du début à
la fin suivant la tradition ancienne. Ce n’était seulement à partir de milieu du 19ème siècle que
des petits changements sont intervenus progressivement, et ceci surtout dans les environs de
Copenhague. A Copenhague une centaine d’ébénistes, environ, fabriquaient des meubles. Le
marché était dominé par des grands comme C.B. Hansen, Severin og Andreas Jensen et
I.G.Lund. C’étaient surtout eux qui avant les ressources nécessaire permettant d’envisager une
certaine mécanisation de la production. A côté, des fabricants spécialisées et les scieries
fournissaient des matériaux aux ébénistes plus petites leur permettant ainsi de suivre
l’évolution malgré tout.
Entre 1831 et 1857 le nombre d’ébénistes et apprentis vont quasi doubler à Copenhague et
aux alentours, afin d’être plus de 100 entreprises avec plus de 5 employées. Le changement
n’était pas tellement dû à la mécanisation mais plutôt à un accès plus facile à des éléments
préfabriquées, comme les feuilles de placage et des parties de meubles tournées, ainsi qu’une
organisation plus rationnelle de la méthode de travail435.
Les meubles les moins onéreux étaient les meubles « blancs » ou meubles « peints » fabriqués
en pin ou en sapin qu’on peignait. Les meubles considérés comme plus élégants étaient plutôt
en bois de noyer, d’orme ou en acajou. Les meubles en chêne étaient également considérés
comme assez onéreux, bien entendu en fonction qu’il s’agissait de meubles en bois de 1er ou
en 2ème qualité.
Le bois le plus répondu dans les forêts danois étaient le hêtre, il était utilisé pour des tables
mais surtout pour les chaises. Autour de 1885 on utilisait à nouveau fréquemment le chêne,
malgré son peu de rapidité à sécher, mais on préférait généralement le chêne suédois au chêne
danois, car celui-ci était plus droit436.
Les petits ateliers d’ébénisterie se sont largement multipliés entre 1897 et 1914. On parle de la
multiplication par deux du nombre de personnes y travaillant et une multiplication par trois du
nombre de fabricants de sièges. Généralement on place l’industrialisation de l’industrie du
meuble danois autour de la période 1905-1915, car c’est pendant cette période que la
production de meubles passe d’environ un quart à un tiers de l’ensemble de l’industrie du
bois437. Il est en de même en ce qui concerne la période de 1914 à 1920. Pendant cette période
ce sont surtout le meuble plus élégant d’après dessin qui attirait. Tout se passe très vite
pendant cette période de guerre. Le marché intérieur danois ne semble plus tout à fait
suffisant, et les ébénistes vont maintenant se tourner vers l’exportation.438. Certes on parle du
développement de l’industrie du meuble pendant la période d’entre-deux-guerres. Il va de soit
435 Idem 436 Idem, p. 22 437 Idem, p.45-46 438 Idem, p.54-55
158
que il s’agissait toujours d’entreprises relativement modestes et qu’une réelle industrialisation
de toute la production et en des quantités relativement importantes n’eut lieu que vers 1960439.
Les fabricants de meubles étaient surtout implantés dans les mêmes environs que les grandes
fermes, c’est à dire les endroits où se trouvaient également les forêts de feuillus danois440.
La production était, comme déjà mentionné auparavant, essentiellement une production
manuelle, même dans les entreprises créése juste avant le 1ère Guerre Mondiale. Les meubles
étaient quasiment comme cent ans auparavant. Les quelques machines introduites dans les
entreprises permettaient surtout de façonner les différentes morceaux des meubles dans les
premiers phases de la production. Finalement, à ces début, l’introduction de la machine dans
la fabrication du meuble, permettaient essentiellement l’allègement de la charge physique et
l’introduction d’une certaine répartition des tâches. Dans la plupart des entreprises de moindre
taille quasiment rien n’avait changé. Le réel changement eut plutôt lieu dans le
développement des matériaux, et ceci notamment avec l’arrivé des panneaux. Ce n’est qu’en
1912 que se développe la production de panneaux de contre-plaqué, et ceci uniquement dans
la fabrication de l’emballage. Ce n’est qu’en 1930 avec la création de Dansk Möbelplade- og
Finer fabrik441 à Odense qu’on peut réellement commencer à parler d’un producteur de
contre-plaqué destiné aux producteurs de meubles danois442. Les panneaux étaient créés avec
des plaquages d’essences de bois étrangers443.
Traditionnellement, les petites entreprises familiales dominaient le marché de l’ébénisterie.
Parmi les plus connus, citons A.F.Iversen, Erhard Rasmussen et Ludvig Pontoppidan. Quant a
Johannes Hansen et Rud. Rasmussen, ils sont encore en activité de nos jours. Johannes
Hansen produit presque exclusivement des meubles dessinés par Hans J. Wegner, Rud.
Rasmussen ceux dessinés par Kaare Klint et Mogens Koch.
D’un point de vue formel, les ébénistes devaient se référer au goût du public acheteur,
constitué de commerçants, d’industriels, de fonctionnaires employés et d’intellectuels. La vie
dans les nouveaux appartements luxueux de Copenhague orientait la forme des meubles, les
ambitions des bourgeois devaient ainsi être satisfaites. La vie dans les petits logements
d’immeubles nouvellement construits ne n’était nullement prise en compte en cette fin de
siècle.
Autour de 1915, les premières boutiques de meubles apparaissent. Elles étaient gérées par des
commerçants totalement étrangers aux métiers du meuble mais qui avaient bien compris les
enjeux commerciaux que représentait la vente de meubles a des prix raisonnables quand la
majorité de la population ne pouvait s’offrir des meubles d’ébénistes.
Ce nouveau créneau se déploya rapidement et créa ainsi les conditions nécessaires au
développement d’une industrie de meubles primitifs. Ces industries débutaient souvent avec
peu de machines, une main-d’œuvre d’ouvriers non spécialisés, une production peu
développée et peu technique. Il va de soi que ces petites industries étaient plutôt mal vues par
les ébénistes et architectes car elle constituait une réelle concurrence.
Déjà en 1913, l’Union des maîtres ébénistes danois avait essayé d’exposer quelques beaux
meubles à des prix raisonnables, sans grand succès.
Il n’y avait pas de doute que beaucoup d’architectes trouvaient que les meubles dans ces
expositions étaient hors contexte. Bien plus encore que la dimension esthétique, ces meubles
439 Idem, p. 71 440 Idem. p. 74 441 Usine de panneaux et contreplaqué danois 442 En Allemagne ou en Hollande cette production a déjà débutée v. 1916 443 Andresen, Carl Erik, Dansk Möbelindustri 1870-1950, op.cit., p.85-86.
159
d’ébénistes n’étaient pas du tout en phase avec les nouvelles constructions d’immeubles que
les architectes avaient réussi à imposer. L’aspect massif, les jointures épaisses et très
décoratives de ces meubles ne s’adaptaient plus du tout aux maisons construites par Ivar
Bentsen par exemple.
En 1927, les maîtres ébénistes de Copenhague anticipèrent une probable catastrophe
économique et ils furent forcés de réagir rapidement.
La concurrence grandissante de « l’industrie » danoise du meuble ainsi que l’importation de
pays moins riches proposant leurs meubles à bas prix accentua la menace sur les ébénistes. Un
contexte économique peu propice, à la veille de le crise de 1929, et une baisse du pouvoir
d’achat touchaient le secteur de plein fouet. De plus, et pour ne rien arranger, la mode
préférait les formes antiques des meubles importés de l’étranger.
Pour tenter de riposter, les ébénistes décidèrent de se regrouper lors d’une grande exposition
annuelle. La première, au printemps 1927, remporta un grand succès, environ 20.000
visiteurs. Les ébénistes y avaient exposé plusieurs années de production.
Si les critiques prenaient en considération les difficultés rencontrées par le secteur du meuble
danois, ils ne pouvaient cependant se satisfaire d’une exposition de meubles de tous styles et
époques sortis au hasard des réserves. Lors de l’exposition de 1928, un certain nombre
d’architectes sont présents, notamment Kaare Klint444. En effet, il y expose son premier buffet
de service né de ses recherches effectuées à l’école du meuble (cf.vol.2, annexe 3, fig.92 et
93).
Cette année-là, on découvrit également la décoration intérieure d’une chambre de fille réalisée
d’après les dessins du maître ébéniste Jacob Kjaer (1896-1957). Cet intérieur parut d’abord
beaucoup plus léger et gai avec ses couleurs jaunes que les salons habituels, robustes et
austères, mais aussi beaucoup moins onéreux qu’à l’ordinaire (cf.vol 2, annexe 3, fig.98). De
même, le choix des matériaux, en l’occurrence le bois de contreplaqué sur bois massif, était
assez novateur. En résumé, les matériaux utilisés ne coûtaient pas plus chers, les heures
attribuées aux apprentis étaient toujours maintenues au minimum et la fabrication des meubles
pouvait être désormais industrialisée.
Bien évidemment, ces bouleversements provoquèrent quelques heurts entre la nouvelle et
l’ancienne génération d’ébénistes, mais ces derniers durent s’y adapter afin de sauver leur
profession.
Chaque année, on distinguait alors deux types distincts d’exposants. D’un côté, les maîtres
ébénistes qui cherchaient à s’attirer un public plus aisé aimant les meubles d’inspiration
anglaise ou encore issus de variations sur le modernisme allemand ou autrichien. De l’autre
côté, les ébénistes qui employaient tous leurs efforts et moyens à mettre au point des
expérimentations proches des nouveaux idéaux en matière d’art de construire.
Illustrant cette deuxième tendance, Viggo Sten Möller (1897-1990) et Hans Hansen (1899-
1958) exposèrent en 1930 du mobilier pour meubler un appartement deux pièces. On avait,
pour l’occasion, reproduit un appartement grandeur nature suivant le modèle de l’appartement
le plus courant (cf.vol.2, annexe 3, fig.97). Le prix fixé tenait compte du salaire minimum
d’une famille danoise. Les matériaux étaient solides (chêne et pin) et les formes simples.
A partir de 1933, un concours d’architecture s’organisa juste avant l’exposition. La première
année, Kaare Klint en fut le président de jury. On demandait que le projet soit très travaillé,
que rien ne soit le fruit du hasard et que tous les choix et considérations soient prises en
444 Jalk, Grete, Dansk Möbelkunst gennem 40 aar. Köbenhavns Snedkerlaugs Môbeludstilling 1927-1966,
Copenhague, Teknisk Forlag, 1987. Excellent ouvrage sur les expositions des ébénistes de Copenhague
rassemblant photos et critiques de l’époque.
160
compte445. Nous sommes tentés de dire que c’était tout à fait dans l’esprit de Kaare Klint et il
est certain qu’en tant que président du jury il avait largement son mot à dire. Mais on pouvait
proposer aussi bien des meubles chers que peu coûteux.
Il n’y a pas de doute que les expositions des corporations d’ébénistes de Copenhague ont
largement encouragé les interactions entre ébénistes et architectes.
C’était aussi l’endroit où Klint et ses élèves montraient leurs meubles. En 1933, Klint exposa
par exemple sa fameuse bibliothèque avec les portes en verre, ainsi que le buffet aux portes
coulissantes ou encore la Chaise longue de pont avec sa table (cf.vol.2, annexe 3, fig.80 et
85). Ses élèves de l’école de meubles des beaux-arts de Copenhague y montraient également
certaines de leurs œuvres, notamment cette chaise de salon à dîner réalisée par O. Mölgaard
Nielsen en 1933 (cf.vol.2, annexe 3, fig.99). L’influence de Klint est y très marquée, car celle-
ci n’est pas sans rappeler la fameuse Chaise Rouge (cf.vol.2, annexe 3, fig.76), faite par Klint
en 1927. Il est vrai que parallèlement au maître plusieurs de ses élèves travaillaient sur les
mêmes modèles.
Cet ensemble pour salon à dîner comportait aussi un buffet de service. Ici Mölgaard Nielsen a
repris les plateaux de dimensions de 14 x 21 que Klint et ses élèves avaient standardisé à
l’école du meuble. Mais si Klint utilisait les mêmes plateaux, ils étaient chez Mölgaard
Nielsen utilisés dans leurs longueur en profondeur, le même plateau était employé dans l’autre
sens c’est-à-dire le côté le plus long était parallèle à la façade du buffet, ainsi le buffet
occupait moins d’espace au sol.
L’exposition de 1933 fut tellement dominée par Klint et ses élèves qu’une comparaison entre
eux était inévitable. Même après la mort de Klint, en 1954, Rud Rasmussen continuait à
exposer ses meubles (cf.vol.2, annexe 3, fig.100).
Sans l’établissement de ces expositions annuelles, on peut aisément imaginer que l’art du
mobilier danois au 20ème siècle aurait stagné et que les idées nouvelles des architectes seraient
restées à l’état théorique, sans la possibilité de voir le jour.
Il est vrai que peu de ces modèles exposés ont fait l’objet d’une production en série à l’usine,
mais les bases ont été jetées pour aller vers une production de meubles de grande qualité,
notion qui est aujourd’hui encore très importante dans le design du meuble danois.
Avec des arrangements spéciaux comme le « 2-pièces » de Viggo Sten Möller et Hans Hansen
en 1930, le « bungalow avec terrasse » de 1938 dessiné par Tove et Edvard Kindt-Larsen ou
encore « l’habitation du futur » par Finn Juhl exposée en 1954 en autres, l’exposition avait su
captiver l’intérêt du public et mettre en évidence les différents points de vue autour de la
manière d’aménager son habitation. Il est également important que cette exposition ait
constitué chaque année le point de départ de discussions publiques sur l’aspect fonctionnel et
esthétique du mobilier moderne.
L’exposition, et par là les problématiques qu’elle abordait, donnait non seulement lieu à des
discussions dans les magazines spécialisés mais étaient aussi longuement discutée dans les
revues hebdomadaires et journaux de l’époque446.
Nous avons vu que ces expositions étaient la plupart du temps l’endroit où les différents
élèves de Klint exposaient pour la première fois leurs créations faites dans le cadre de l’Ecole
du meuble des beaux-arts de Copenhague. C’était aussi l’endroit où l’on prenait la mesure de
445 Karlsen, Arne, Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, Aarhus, Christian Ejlers, 1993, vol.1, p.142 446 Jalk, G., Dansk Möblekunst gennem 40 aar. Köbenhavns Snedkerlaugs Möbeludstilling 1927-1966, op. cit.
161
l’influence qu’exerçait Klint sur ses élèves, influence que nous allons maintenant développer
plus en détail.
Ces expositions perdurant jusqu’en 1966, l’ouvrage relatant les 40 ans d’exposition permet
aisément de suivre l’évolution du meuble danois de l’après-guerre. Y figurent tous les futurs
grands créateurs de meubles danois : Börge Mogensen, Hans J. Wegner, Mogens Koch, Finn
Juhl, Grethe Jalk, Ole Waschner et Arne Jacobsen pour ne nommer que les plus connus.
Toutes ces créations étaient en bois.
Kaare Klint et l’Ecole du meuble
Le grand pionnier du design danois est incontestablement Kaare Klint447. De par ses
recherches ergonomiques tournées vers la normalisation, principalement concernant des
meubles de rangement, il fera basculer les arts décoratifs danois vers le design danois
mondialement connu des années cinquante. Klint va systématiser une approche centrée sur
l’homme qui constituera le socle du modernisme danois. Il va, par toute une série de mesures
autour des objets utilisés par l’homme (par exemple le linge, les nappes, les tasses, les verres,
les assiettes, les couverts etc.) établir des normes autour de la construction, par exemple, des
buffets, créant ainsi une certaine forme de rationalisation du rangement (cf.vol.2, annexe 3,
fig. 79, 80, 83, 91 à 96). Les recherches de Klint commencent assez tôt, au début des années
trente et sont donc contemporaines de celles menées par Le Corbusier (1887-1965) autour du
Modulor. On peut également rapprocher ses recherches, même si elles sont antérieures, de
celles effectuées par le français Marcel Gascoin, son approche étant assez similaire.
Hormis le siège conçu pour l’église de Grundtvig en 1936, en hêtre et tressage d’herbes
maritimes (cf.vol.2, annexe 3, fig. 65), aucun des meubles de Klint n’a été fabriqué
industriellement. Pour l’époque, les recherches de Klint étaient pour le moins audacieuses.
C’est également l’un de seuls meubles fabriqué en hêtre, bois indigène, rarement employé
chez Klint.
Beaucoup moins audacieux était son choix de matériaux, car Klint avait un goût prononcé
pour les beaux matériaux, tel l’acajou de Cuba. Ce choix, ainsi que la fabrication artisanale
chez le fabricant Rud. Rasmussen à Copenhague, rendaient ses meubles onéreux.
Si Klint fait figure de pionnier avec ses recherches autour de la normalisation des meubles,
c’est surtout par le biais de son enseignement à « L’Ecole du meuble », « école » faisant partie
de la section d’architecture de l’Académie des beaux-arts de Copenhague, que ses idées
avant-gardistes vont être diffusées. Quasiment tous les futurs designers des années cinquante
et soixante sont passés par cette section où Klint enseignait. Avec son enseignement à la
section d’architecture, les élèves qui ayant opté pour son cours recevaient une double
formation, à la fois en tant qu’architectes, mais également de créateurs de mobilier. Ainsi, la
plupart des designers d’après-guerre au Danemark, sont à la fois architectes et créateurs de
mobilier, ainsi capables de créer des ensembles plus complets. Le métier de « Décorateur »,
comme cela existait à l’époque en France, n’existe pas dans les pays nordiques. Il est
447 Jacobsen, Rikke, Kaare Klint, Pionnier du design danois, Maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de M.
Bruno Foucart et Mme Arlette Despond-Barré, Université de la Sorbonne Paris IV, Juin, 2002, non publié.
162
également rare de trouver en France à cette époque des créateurs qui ont à la fois une double
formation d’architecte et de créateur de mobilier.
Il en est de même pour l’éternelle opposition entre tradition et modernité qu’a connu la
France. Il n’y a pas eu de réel équivalent au Danemark ou dans les autres pays scandinaves,
même si, d’une certaine façon, on trouve quand même une opposition entre, par exemple,
Kaare Klint, et son fort attachement à une fabrication artisanale, assez proche de l’ébénisterie,
et les créateurs autour de la revue Kritisk Revy (Revue Critique) dirigé par Poul Henningsen
(1894-1967). Ceux-ci prônaient une approche plus industrielle du design dans un but de
rapprocher la création le plus possible des besoins réels du « peuple ». Kritisk Revy
s’opposait à la fois à la survie d’un certain néo-classicisme encore largement en vigueur chez
beaucoup de fabricants, tout en s’éloignant également des idées trop modernistes du Bauhaus,
trop en décalage avec la vie quotidienne. Ils encourageaient une fabrication industrielle plus
économique et donc plus accessible à un plus large public.
L’Organisation de la profession et les fabricants :
Au Danemark, la plupart des grands créateurs de mobilier tels Kaare Klint, Mogens Koch
(1898-1992), ou encore Arne Jacobsen, ainsi que Verner Panton ont d’abord suivi une
formation d’architectes. Ce n’est qu’à partir des années cinquante, voire soixante,
qu’apparaissent les premiers créateurs de meubles formés uniquement en tant que tels ; c’est
ainsi qu’on retrouve plusieurs générations de créateurs capables de concevoir des ensembles,
mais aussi de l’architecture, de l’aménagement intérieur et du mobilier, ayant une vision
globale des choses.
Contrairement à la France, où les fabricants et éditeurs refusaient de se préoccuper des
créations modernes de l’après-guerre et de les produire, on assiste dans les pays scandinaves à
l’intérêt d’une partie de la profession. Certains fabricants et éditeurs comprirent vite l’intérêt
financier de la création moderne. Ainsi, nombreuses furent les sociétés faisant appel à des
artistes pour la création de leurs modèles. En ce qui concerne le mobilier, ils font surtout
appel aux architectes pour concevoir leurs modèles.
La promotion :
Au Danemark, la promotion de la création est assurée par plusieurs organismes. En tête,
l’Exposition annuelle de la Guilde des ébénistes. Forcée de réagir devant la baisse
significative des ventes en ébénisterie, cette vieille institution décide d’organiser
annuellement une exposition de mobilier où les fabricants pourraient montrer leurs travaux et
améliorations d’une année à l’autre. C’est ainsi que les ébénistes vont se tourner vers les
architectes pour la création de nouveaux modèles.
De même, « Den Permanente », coopérative crée par Kaj Bojesen (1886-1958) en 1931,
servait de vitrine pour le nouveau design danois. Nous verrons plus loin quel était son rôle
dans la diffusion du mobilier danois.
163
Les matériaux :
La plupart des matériaux utilisés par les créateurs danois, et dans le reste de la Scandinavie,
restent des matériaux naturels, comme le bois, le verre, les tissus etc. Les Scandinaves étant
très proches de la nature, ils aiment également les matériaux au rendu naturel.
Au cours de l’exposition de Stockholm en 1930, certains artisans tenteront un rapprochement
vers le mobilier en métal, tel qu’on le trouvait alors en Allemagne au Bauhaus. Ils ne
remporteront cependant pas un grand enthousiasme, le public étant plus attiré par le bois.
Pendant les années cinquante, certains créateurs réitèreront l’expérience, avec cette fois plus
de succès bien qu’il ne s’agisse encore que d’allier le métal à un matériau naturel tel que le
bois ou le cuir : voire les fameux sièges Fourmi d’Arne Jacobsen (1902-1971) ou encore aux
fauteuils PK20 et PK22 de Poul Kjaerholm (1929-1980).
Quant aux essences de bois utilisées, nous avons déjà noté que Kaare Klint utilisait en priorité
des essences précieuses comme l’acajou de Cuba, tandis qu’un architecte designer tel que
Finn Juhl utilisait, outre l’acajou, du bois de rose, du teck et du noyer pour certaines de ses
chaises dessinées avant les années 50 (cf.vol.2, annexe 3, fig.119 à 123). Il en est de même
pour certaines des créations de Mogens Kock (1898-1992) (cf.vol.2, annexe 3, fig.132). La
chaise chinoise de Hans Wegner datant de 1943 et créée pour Fritz Hansen fut quant à elle
fabriquée en chêne (cf.vol.2, annexe 3, fig.125).
Pendant les années 50 et 60, la production mobilière danoise en teck est mondialement
connue.
Au cours des années 50, l’image de la création danoise était étroitement liée au bois et
notamment au teck importé des Philippines. Massivement abattu lors de la Seconde Guerre
mondiale et des opérations militaires de percement de routes, il était alors disponible en
grande quantité et à des prix abordables448. Les créateurs danois l’ont alors tant employé que
l’on parlait même d’un « style teck » qui a d’ailleurs largement contribué au succès mondial
du design danois durant ces années. Nous revenons plus loin sur cet emploi du teck dans le
mobilier danois.
Si la plupart des meubles créés au Danemark sont en bois, une des grandes caractéristiques du
design danois, certains créateurs vont également se pencher sur les nouveaux procédés de
fabrication et les nouveaux matériaux. Par exemple, Arne Jacobsen qui, avec sa célèbre Série
7 et surtout le fameux siège La Fourmi (cf.vol.2, annexe 3, fig. 143 à 14), va explorer le
potentiel du contreplaqué moulé et ainsi créer les premiers meubles véritablement modernistes
au Danemark. C’est également lui qui, à la fin des années cinquante, lancera des recherches
sur des matériaux synthétiques tel que les composites en fibre de verre et résine ou la mousse
de latex (cf.vol.2, annexe 3, fig.145), recherches poursuivies plus tard par Verner Panton
pendant les années soixante, avec toutefois une approche plus « pop » du design.
La récession mondiale du début des années 1970 coïncide avec une baisse d’intérêt pour le
design danois, voire le design scandinave en général.
Depuis peu, le design scandinave et surtout le mobilier danois et suédois suscitent de nouveau
l’enthousiasme. La preuve en est en France notamment avec l’ouverture de plusieurs galeries,
La Galerie Scandinave présente sur le marché français entre 2000 et 2007, ou encore Dansk
Möbelkunst depuis octobre 2002. Notons également l’énorme succès rencontré par le géant du
meuble IKEA ou encore la réouverture du MOMA à New York consacrant un large espace au
design Scandinave, essentiellement danois.
448 Fiell, Design Scandinave, op.cit., p.30
164
Ce modernisme modéré, amorcé à partir des années 1940/1950 et qui constitue la signature du
design scandinave, intéressera beaucoup à l’étranger. Cet engouement sera lié en grande
partie à une vision plus humaine de la modernité, moins abrupte et inaccessible que les
créations modernistes géométriques issues du Bauhaus.
Tandis qu’avant la Seconde Guerre mondiale, des créateurs tel Kaare Klint préféraient les
essences sombres comme l’acajou de Cuba (cf.vol.2 annexe 3, fig.76, 81, 83, 88, 90, 93 à 96),
tradition que certains de ses élèves, Mogens Koch et Finn Juhl entre autres, vont entretenir, la
nouvelle génération de créateurs de meubles favorisera des essences plus claires. Pour
exemple, Börge Mogensen travaillait principalement des essences indigènes comme le hêtre,
le chêne, le pin ou même le bois de poirier (cf.vol.2, annexe 3, fig.101 à 117). Les meubles
qu’il créa pour la FDB furent en hêtre laqué, Hans Wegner travaille le chêne ainsi que le hêtre
(cf.vol.2, annexe 3, fig.126 à 131), alors qu’Ole Wanscher confectionne plusieurs meubles en
chêne, en acajou de Cuba et en bois de rose (cf.vol.2, annexe 3, fig. 136 à 142).
Concernait le mobilier courant, les Danois conservaient néanmoins une nette préférence pour
les essences de bois clairs ainsi que pour le teck.
Nous étudions plus en avant la façon dont cette création mobilière scandinave tournée vers les
bois clairs et exotiques a bien pu traverser les frontières au point d’influencer toute l’Europe.
Nous prendrons ici l’exemple de la France.
Plusieurs pays ont fait connaissance avec les créations scandinaves lors des grandes
expositions universelles de 1900, 1925 et 1937 à Paris. En 1900, le public fut surpris par le
côté Romantique National, alors en vigueur dans la plupart des pays scandinaves, représenté
notamment par le pavillon finlandais, construit par Eliel Saarinen et décoré par Akseli Gallen-
Kallela (1865-1931). En 1925, les présentations scandinaves sont marquées par un certain
classicisme aussi bien le pavillon de la Suède que celui du Danemark. En 1937, c’est surtout
le Pavillon finlandais conçu par Alvar Aalto qui marqua les esprits.
Mais avant d’évoquer l’influence du mobilier en bois scandinave en France arrêtons-nous
quelques instants sur le créateur danois Kaare Klint, créateur capital pour l’évolution du
mobilier danois d’après-guerre. Sans comprendre l’influence de Klint il est impossible de
comprendre l’évolution et par là l’importance du design danois de mobilier en bois de la
période d’après-guerre.
Klint – créateur de meubles
Bien que Kaare Klint ait été originellement formé à la peinture et l’architecture, ce sont ses
meubles qui l’ont davantage fait connaître, certains étant d’ailleurs toujours en production
chez Rud. Rasmussen449. Kaare Klint commença ainsi dans les années 1910 à envoyer, avec
succès d’ailleurs, des dessins de meubles à des concours. En 1913, il obtint ainsi la seconde
place d’un concours organisé par le journal Politiken avec un projet de meubles bon marché
pour aménager des maisons de vacances.
449 L’ébénisterie Rud Rasmussen a été fondé en 1869 par Rudolf Rasmussen. C’est aujourd’hui l’un des plus
anciens fabricants de meubles au Danemark.
165
Le mobilier pour le Musée de Faaborg.
Kaare Klint dira de ses premiers meubles :
Pendant quelques années j’avais avec succès participé à plusieurs concours de meubles et le résultat était que
l’architecte Carl Petersen m’avait proposé de travailler avec lui pour la conception des meubles pour le musée
de Faaborg450.
Kaare Klint s’attarde sur la forme et le style même des meubles destinés au musée de Faaborg
(cf.vol.2 annexe 3, fig. 66 à 69), une architecture à la fois influencée par les constructions de
C.F. Hansen et par le musée de Thorvaldsen fait par Gottlieb Bindesböll :
La forme de base des meubles était mon idée, mais le profilage porte l’empreinte de la grande culture de
« Calle451 ». Pour moi ce travail était une grande expérience, à part mon père, il n'y a personne qui m’ait appris
autant que « Calle ». Au moment où ce travail était fait, en 1913-14, il y avait un courant très fort qui cherchait
ses racines dans des cultures précédentes, un mouvement qui m’a marqué pour la vie. Dans les meubles pour le
musée de Faaborg, on peut dans certains cas voir un rattachement aux vieux meubles d’artistes dessinés par
Abildgaard, Gottlieb Bindesböll, Freund et Roed. Mais l’attachement aux meubles anglais est aussi visible, et
surtout ce dernier amour je l’ai conservé à travers les années452.
Il est intéressant de relever ici que Kaare Klint a toujours été conscient des divers courants qui
ont marque son travail, notamment le classicisme de ses premiers meubles et la touche
anglaise qu’il gardera toute sa vie.
Mme Gelfer-Jörgensen, comme tous les spécialistes du meuble danois, soulignera qu’avec lui
s’ouvre une nouvelle page dans l’histoire du meuble danois, une transition progressive,
puisque Kaare Klint est loin de rompre avec la tradition danoise453. Il est vrai que Kaare Klint
avait grandi dans un milieu où l’importance de la tradition constituait la base de tout
renouvellement.
Le fait que Kaare Klint et Carl Petersen se soient retrouvés autour de la conception des
meubles pour le musée de Faaborg n’est pas le fruit du hasard. Tout comme le fait qu’on
demande au classiciste Carl Petersen de construire ce musée pour l’art moderne danois. Tous
les deux étaient à ce moment précis tenus par le désir d’exprimer leur patriotisme à travers
leurs travaux. Selon Miriam Gelfer-Jörgensen454, le musée de Faaborg est typiquement danois
et ses racines pourraient remonter à l’Age d’Or, notamment ses intérieurs aux sols en
mosaïques (faisant ici référence au musée de Thorvaldsen) et aux murs rouges et verts, par
P.C. Skovgaard (1817-1875).
C’est donc ensemble que Kaare Klint et Carl Petersen créent, en 1914, les meubles, la grande
salle de peinture (cf.vol.2, annexe fig.66 et 67), les archives (cf.vol.2, annexe 3, fig.68) du
musée de Faaborg et, bien sur, le fameux fauteuil (cf. vol.2, annexe 3, fig.67), appelé le
Fauteuil de Faaborg . Rigmor Andersen455 nous précise qu’en plus du fameux Fauteuil de
Faaborg qui devait servir de fauteuil de repos dans les différentes salles de peintures, il y
450 Klint, Kaare, Manuscrift til forelaesning om egne arbejder, utilisé en novembre 1940 et avril 1942, non
publié, conservé à l’Académie Royale des beaux-arts à Copenhague, code 611. 451 Carl Petersen 452 Klint, K, Manuscrift til forelaesning om egne arbejder, op. cit. 453 Gelfer-Jörgensen, Miriam, Dansk kunsthaandvaerk fra 1850 til vor tid, op.cit., p.220-221. 454 Ibid., p.223 455 Andersen, Rigmor, Kaare Klint Möbler, Copenhague, Kunstakademiet, 1979, p.26
Rigmor Andersen était élève et secrétaire de Kaare Klint. Elle a écrit le dernier ouvrage consacré à Kaare Klint
édité en 1979. Petit ouvrage d’environ 80 pages consacré aux meubles de Kaare Klint. Elle a aussi dessiné des
meubles très influencés par Kaare Klint, non seulement au point de vue théorique, mais surtout au point de vue
formel.
166
avait aussi des canapés, des cabinets, des étagères et des tables. Le Fauteuil de Faaborg est
léger, fait de chêne et cannage faisant clairement apparaître sa structure. Le dossier se
prolonge en accoudoirs selon une large courbe circulaire jusqu’aux pieds de devant qui sont
droits. En revanche, ceux de l’arrière sont légèrement cambrés, ce qui peut nous faire penser à
la chaise Klismos. Ce fauteuil est le meuble le plus connu de Klint auprès du grand public,
ceci grâce à la Poste danoise qui, en 1997, a fait paraître une série de timbres sur le thème du
design danois où elle figurait.
Nous remarquons déjà ici certaines caractéristiques qui marqueront les futurs meubles de
Kaare Klint, tels les formes simples et claires, l’utilisation de très beaux matériaux, et le
maintien de la tradition ébéniste. Le fauteuil est encore édité aujourd’hui chez Rud.
Rasmussen.
C’est avec Kaare Klint que commence la grande aventure du meuble danois et le début de ce
qui devait garantir une place majeure des meubles danois sur le marché européen et même
américain, surtout à partir des années 1950. C’est le moment où le marché de l’art européen
cherchait une méthode applicable à des modèles simplifiés faits de nouveaux matériaux et
produits industriellement.
Il est donc assez étonnant que Kaare Klint soit si peu connu, notamment au Danemark. En
France, les meubles danois sont présentés pour la première fois lors de l’exposition « Formes
Scandinaves » organisée par le musée des Arts décoratifs de Paris en 1958 et en 1968 avec
l’exposition « Les assises du siège contemporain », où le travail de Kaare Klint est représenté
par un seul fauteuil, La Safari (cf.vol.2, annexe 3, fig.87). Le musée des Arts décoratifs de
Paris a d’ailleurs conservé un exemplaire de cette chaise. En 1978, lorsque le ministère royal
des Affaires Etrangères du Danemark organise l’exposition « Design danois » à l’Espace
Pierre Cardin à Paris, Klint ne figure pas parmi les exposants.
Les Etats Unis partagent le même engouement pour le design danois et scandinave dans les
années 1950, en témoigne la série d’expositions qui fit le tour des Etats Unis456.
Etonnamment, si Kaare Klint a joué un rôle dans le développement du « Danish Modern » des
années 1950 et 1960, il est pourtant peu mentionné dans les différents catalogues, sans doute à
cause d’un traditionalisme trop exacerbé dans ses créations.
C’est d’ailleurs sur ce point que Kaare Klint se différencie le plus des autres designers ou
créateurs comme Walter Gropius, Ludwig Mies van der Rohe, Le Corbusier et bien d’autres.
La tradition danoise auquel il était fidèle correspondait à un mélange de classicisme, de
romantisme national et surtout une tradition d’ébénisterie de grande qualité. La qualité a
toujours été l’un des maîtres mots de la tradition danoise et le reste encore aujourd’hui. Kaare
Klint n’utilisera pourtant pas uniquement son inspiration dans la tradition danoise, il dit : «
pourquoi rejeter toute la tradition » (faisant ici allusion aux idées des fonctionnalistes Poul
Henningsen et le Bauhaus qui tentaient d’en faire table rase). Kaare Klint ne voit pas la
nécessité de tout recommencer à zéro mais engage plutôt la création à bénéficier des
découvertes et des acquis du passé afin de progresser plus vite. Nous reviendrons
ultérieurement sur cet aspect.
Les fauteuils conçus pour le musée de Faaborg, d’aspect classique, s’inscrivent ainsi dans la
tradition danoise. Il est vrai également qu’outre des références à certains meubles antiques
grecs ou romains, on peut aussi y voir des influences anglaises et parfois même chinoises.
456 Le MoMa consacré en 1960 une exposition à l’art danois intitulé The Arts of Denmark, mise en scène par
l’architecte et designer danois Finn Juhl. Mais déjà en 1954 les Américains avaient pu faire connaissance avec le
design scandinave lors de l’exposition itinérante Design in Scandinavia. Cette exposition avait débutée en 1954
au musée de Richmond (Virginia) et tourna ensuite dans vingt-trois musées des Etats-Unis et du Canada.
167
Mais ce n’est pas pour cette raison qu’on doit nécessairement parler d’historicisme. Aussi
bien les meubles que les détails sont originaux et conçus spécialement en accord avec l’espace
auquel ils sont destinés. On peut parler ici d’une œuvre d’art totale. L’environnement était
donc une donnée déterminante dans la conception des meubles de Klint, notion récurrente
dans toutes ses créations.
Les fauteuils étant légers, les visiteurs peuvent les déplacer et s’asseoir devant un tableau pour
le contempler plus en détails. Ici transparaît, quoique timidement, l’idée de la prise en
considération de l’individu auquel le meuble est destiné, notion que Kaare Klint développera
beaucoup dans son enseignement à l’Académie de beaux-arts à Copenhague. Les fauteuils
sont aussi parfaitement adaptés au lieu, ici les salles du musée. Sièges et dossiers sont
horizontaux et suivent le plan du sol pour ne pas interférer avec les lignes obliques des pièces
très paisibles. De même l’emploi de cannage, fait comme un treillage de rotin, sur l’assise et
le dossier, nous permettons d’apercevoir les couleurs de la mosaïque du sol à travers. Les
pieds sont en légères pointes de manière à correspondre aux petits morceaux de mosaïque du
sol.
Ce fauteuil pour le musée de Faaborg fut une telle réussite que Kaare Klint le reprit de
nombreuses fois en le retravaillant plus ou moins.
Lors d’un séjour à Java457 entre 1914 et 1916 à l’âge de 27 ans, il fit la connaissance d’un
médecin danois, Knud Gjellerup, vivant sur l’île. Pour lui, il fit faire par des artisans chinois
quelques exemplaires du « Fauteuil de Faaborg », cette fois en teck et non plus en chêne
(cf.vol.2, annexe 3, fig.69). En rentrant au Danemark, le docteur Gjellerup apportera les
meubles et en garnira la maison que Kaare Klint va lui construire sur l’île de Bornholm en
1936.
Un autre exemple, peut-être plus intéressant, est le fauteuil qui s’apparente au fauteuil du
musée de Faaborg, mais aux proportions différentes, au remplissage en bois du dossier et à
l’assise couverte de cuir.
Il est dessiné en 1916 pour la boutique de cigare d’Hirschspung à Copenhague ainsi que pour
une villa, deux édifices réalisés par Poul Baumann (1878-1963).
En 1917, le fauteuil est exécuté en acajou pour Dansk Kunsthandel (la maison du commerce
de l’art danois) à Copenhague ou cette fois encore Kaare Klint travaillera avec Carl Petersen
(cf.vol.2, annexe 3, fig.70).
Kaare Klint nous dit lui-même :
Avec Dansk Kunsthandel je travaillais encore une fois avec Carl Petersen. Le plafond était dessiné par Carl
Petersen et l’ornementation blanche était faite par le peintre Bög […]. Le temps 1917-1918 quand « Dansk
Kunsthandel » était construit et dans les quelques années qui suivent, c’était le second néo-classicisme qui
dominait au Danemark, oui, il s’est même étendue jusqu’en Suède, ce qui ressort du cinéma théâtre d’Asplund et
la bibliothèque (Stadsbiblioteket) de Stockholm. Le mouvement a commencé avec l’opposition contre une pauvre
flèche de style renaissance sur l’église de la Vierge, où les architectes Hans Kock et Carl Petersen étaient les
meneurs. Avec ceci l’intérêt pour les créations de C. F. Hansen était renouvelé, et nous étions tous, plus ou
moins contaminés par le néo-classicisme. Pourtant, moi, je préférais Bindesböll458 à C.F. Hansen. La photo459
de la « boutique de sculpture » montre qu’en plus, en ce qui me concerne, il y avait comme une légère influence
chinoise.
457 Pour plus d’information sur le séjour de Kaare Klint à Java il faut regarder la lettre écrite par lui-même à sa
famille (datant du 20 septembre 1915) pendant son séjour sur l’Ile de Java. Cette lettre a été publiée dans le
magazine « Tilskueren » en 1939, et publiée par l’Académie des beaux-arts de Copenhague en 1960, sous le
titre « Boronudur » 458 Klint faire référence à Gottlieb Bindesböll 459 Il faut ici se rappeler, que cet extrait fait partie de la conférence que Klint faisait en 1940 devant des élèves, et
où il commentait des diapositives de ses travaux personnels.
168
Il est intéressant de remarquer ici que Kaare Klint est conscient des influences néo-classiques
de son époque, mais surtout de ce qui le différencie des autres, notamment sa préférence pour
Gottlieb Bindesböll, c’est-à-dire pour une tradition classique inspirée des meubles de
l’antiquité ainsi que d’influences très diverses, notamment chinoises. Les cultures anglaises et
chinoises sont d’ailleurs ses deux principales sources d’inspiration créatrice.
En 1923, il reprendra pour la troisième fois le Fauteuil de Faaborg (cf.vol.2, annexe 3, fig.71
à 74).
Carl Petersen fut pendant un temps l’architecte du musée de Thorvaldsen. Après sa mort en
1923 Kaare Klint prendra sa suite et dirigera les grandes restaurations pendant plus de trente
ans. Ce travail impliquait aussi d’ajouter de nouveaux types de meubles à ceux dessinés par
Gottlieb Bindesböll selon des modèles de Pompéi (cf.vol.2, annexe 3, fig.74 et 75).
Selon Arne Karlsen c’est à partir de là que Klint commença à développer des formes plus
simples, à appliquer à son travail la rigueur et la précision mathématique qui feront sa
renommée460. Selon Karlsen, il cherchait à obtenir une forme dictée par la géométrie de
l’espace.
Il reprend donc le fauteuil pour le bureau du directeur du Musée de Thorvaldsen (cf.vol.2,
annexe 3, fig.72). Pour le même musée, il dessinera également des tables pour conserver des
photos et des catalogues destinés aux archives. Pour l’antichambre du bureau du directeur, il
fait de même des vitrines devant contenir des petites statues de Thorvaldsen, ainsi qu’une
table de conférence avec des sièges.
Les meubles de Klint s’harmonisent très bien avec ceux dessinés par Gottlieb Bindesböll
selon la tradition d’Abildgaard. Un très bel exemple est la petite table d’archives que Klint a
garni de pieds ressemblant a ceux des meubles de Bindesböll. Au même moment, une vague
d’influence japonaise sévit dans les charnières.
On remarque déjà ici que la plupart des premiers meubles dessinés par Kaare Klint étaient en
fait destinés au contexte muséal, tel le fauteuil pour le musée de Faaborg repris ensuite pour le
bureau du directeur du musée de Thorvaldsen. En effet la notion de musée et de mise en place
des collections l’intéressait particulièrement.
Le musée des Arts Décoratifs
Le mobilier pour le Musée des Arts décoratifs monopolisa Klint pendant les années suivantes.
Pour l’exposition des différents objets, il confectionna un nombre incalculable de vitrines. Il
est tentant de penser que Klint travaillait alors de façon systémique, tout comme il le faisait
pour l’architecture, cependant rien ne le prouve. Il faut plutôt les envisager comme divers
types d’une même famille car les fonctionnalités différentes des vitrines ne pouvaient
découler d’un « système » de vitrines selon Gorm Harkjaer461.
Les dimensions des vitrines doivent être reliées à l’ergonomie, même si ce terme n’existait
pas encore, on parlait alors de dimensions humaines ou d’aspect humain.
Même après son ouverture en 1926, Klint continua de créer du mobilier pour le musée, les
meubles du jardin et de la salle de conférence en sont la preuve. Il livre, en 1928, 200 chaises
fabriquées chez Rudolf Rasmussen. Il s’agit de la fameuse Chaise Rouge tirant son nom du
cuir du Niger rouge qui la recouvre (cf.vol.2, annexe 3 fig.76 et 77).
460 Karlsen, Arne, Kaare Klint, in Arkitekten, 1973, p.424-429 461 Ibid.
169
Cette chaise s’avère très caractéristique de la conception mobilière de Kaare Klint. D’abord,
Klint ne part jamais du néant pour créer un nouveau modèle de chaise, mais il rassemble
toujours diverses inspirations pour obtenir un objet unique. Ici, l’inspiration vient du 18ème
siècle anglais, référence récurrente dans ses créations. Klint décrit lui-même cette chaise462 et
dit notamment que la partie basse de la chaise avait été inspirée par une chaise typique de
Chippendale463 avec des pieds droits ainsi que des entretoises entre les différents pieds
(cf.vol.2, annexe 3 fig.78) et par une autre chaise anglaise avec un dossier très simple couvert
de cuir, et de cette manière il crée une toute nouvelle chaise464. Nous reviendrons plus tard sur
cette manière de concevoir un nouveau meuble car elle constituait l’une des bases de son
enseignement.
La Chaise rouge était, comme la plupart des meubles de Klint, faite d’acajou de Cuba, un bois
précieux qui suivait donc la tradition de l’ébénisterie. Cependant, il fut pionnier également
dans ce domaine puisqu’il ne traitait qu’avec de la cire, afin de mettre en valeur la couleur et
le matéria465. La notion d’authenticité des matériaux est très présente chez Klint. Il rejoint sur
ce point d’autres artistes et créateurs de son époque, tels les « Arts and Crafts » anglais ou
Adolph Loos, qui luttaient contre toute dissimulation des matériaux, en témoigne le manifeste
de ce dernier intitulé Ornement et Crime de 1908. Comme souvent, Klint retravaillera ce
modèle ultérieurement (cf. vol.2, annexe 3, fig.77).
Kaare Klint fonctionnaliste ?
Le travail de Klint autour d’une normalisation des meubles tendait vers la prise en compte de
l’environnement humain. Le fondement de son vaste effort systématique est la prise d’une
série de mesures, avec des tolérances raisonnables, pour établir la hauteur des sièges ainsi
qu’une série de mesures de hauteur pour qu’une personne en position puisse y tendre son bras.
Ces recherches fonctionnelles amorcées, d’après Rigmor Andersen, entre 1916 et 1918,
étaient encore inconnues466.
Des 1916-1917, Klint réalise une série de dessins montrant des dimensions de meubles
relatives à la taille de l’Homme, debout et assis, à son étendue, aux distances de son champ
d’action et de son champ de vision etc. Nous pensons notamment à un système d’étagères
établi en fonction de ces calculs. Ces dessins ont été réalisés dans le cadre d’un concours pour
des meubles de bureau qui n’ont d’ailleurs jamais vu le jour (cf.vol.2, annexe 3, fig.79).
Bien entendu, Klint n’était le premier à mettre l’homme au centre de ses recherches. Déjà à la
Renaissance, Léonard de Vinci (1452-1519) était préoccupé par l’homme et ses proportions.
De même, au début du 20ème siècle, avec le mouvement moderne, l’Homme revient au centre
des discussions, nous pensons ici entre autres à Le Corbusier et son fameux système Modulor.
Le travail de Klint autour d’une normalisation ne visait pas une production industrielle,
comme cela était le cas au Bauhaus notamment. La standardisation des meubles intéressait
Klint dans le but de mieux les adapter à l’homme. L’ergonomie était donc pour Klint une
462 Ibid., p.7 463 La réputation de Thomas Chippendale (1718-1779), en tant qu’artisan, repose moins sur sa contribution à
l’une des variantes du style rococo anglais, que sur les meubles marquetés qu’il exécuta pour Adam. Son
importance plus généralement ne réside pas tant dans l’influence qu’il exerça comme créateur rococo, ni dans sa
collaboration avec Adam, mais dans les rapports entre l’industrie du meuble et les principaux créateurs anglais. 464 Selon Rigmor Andersen, Op. Cit. Elle ne site pas sa source, mais cela pourrait venir de l’article de Klint
intitulé Undervisning paa möbelskolen où Klint tient de propos semblables. 465 Beaucoup d’autres créateurs de meubles utilisaient à l’époque ce qu’on appelle la laque de shel. 466 Andersen, R., Kaare Klint möbler, op. cit.
170
priorité. Ce n’est pourtant pas avant les années 1950-1960 que l’on peut parler d’une véritable
fabrication industrielle au Danemark. Aucun des meubles de Klint n’a été fabriqué
industriellement, même s’il avait projeté de le faire pour la Chaise d’église destinée a la
coopérative des consommateurs (F.D.B.), en vain.
Klint estimait les considérations anatomiques fondamentales au moment de la création d’un
meuble, ce qui nous parait évident aujourd’hui. Selon Rigmor Andersen, ces réflexions sont
appliquées lorsque Klint commence à étudier les formats de papier. En effet, il tient compte
des exigences typographiques de l’élaboration d’un livre jusqu’à l’échelle de mesure des
dessins d’architectes. Rigmor Andersen nous informe que si ces dessins n’ont pas donné lieu
à la réalisation de meubles, ils seront essentiels à ses futurs travaux et à son enseignement à
l’Académie des beaux-arts de Copenhague. Klint s’appuiera toute sa vie sur ces résultats467.
D’après Rigmor Andersen, la bibliothèque (cf.vol.2, annexe 3, fig.80) datée de 1933, fait
partie d’un ensemble de meubles de bureau qui fut dessiné vers les années 1916-1918.
Comme nous le constaterons avec les bureaux et les buffets, il existe chez Klint un lien étroit
entre forme et contenu. Les dimensions extérieures sont déterminées en fonction de ses études
menées autour de la taille de l’homme. De même le volume et les divisions prennent en
compte l’économie de place, des différents formats de papier, des désirs de rangement et des
utilisations variant en fonction des besoins de chacun.
Un dénominateur commun entre les différentes bibliothèques: la partie intérieure est séparée
du reste au niveau d’une commode et la partie supérieure est à la hauteur maximale de ce
qu’un être humain peut atteindre de sa main en étant debout. La bibliothèque est séparée au
milieu par une cloison centrale. Sur celle-ci et sur les côtés inférieurs de la bibliothèque, Klint
crée un système de fentes, dans la partie inférieure des plateaux avec des fonds en saillie. Le
nombre de fentes permet une séparation en beaucoup d’unités différentes, en accord avec la
standardisation des différents objets, et permettant ainsi une utilisation très variée.
La construction nous montre bien l’intérêt de Klint pour faire correspondre les exigences
d’utilisation à des mathématiques parfois complexes. Il conciliera ainsi les données
d’ergonomie aux questions de pratique et de place.
Tout début de travail se déroule chez Klint de la même façon : études sur les proportions
humaines par rapport à l’objet, sur le besoin d’espace, sur les possibilités de construction,
détermination des dimensions, du traitement des matériaux etc. un procédé qu’il appliquera
aussi a ses monuments funéraires468. Après seulement peut commencer le travail de
normalisation. Il n’est pas exagéré de parler de lui comme du premier designer au Danemark.
Il est cependant difficile de le qualifier de fonctionnaliste dans le sens où nous l’entendons
habituellement, car il n’était pas question pour lui d’employer de nouveaux matériaux tels que
le métal, Klint préférant le bois traditionnel, se situant plutôt ainsi dans une continuité de la
tradition danoise d’ébénisterie. La tendance incarnée par Klint est parfois nommée : « le
fonctionnalisme traditionnel ».
Poul Henningsen (1894-1967) – notamment au travers de sa revue Kritisk Revy, est
habituellement considéré au Danemark comme le représentant du fonctionnalisme pur et bien
que de par ses recherches ergonomiques et pratiques Klint appartienne au même mouvement,
il reste considéré comme un moderniste traditionnel.
467 Idem. 468 Nous nous basons ici sur les propos de Rigmor Andersen, Op. Cit. En tant qu’élève et secrétaire de Klint
pendant de nombreuses années, Rigmor Andersen connaissait mieux que quiconque les méthodes de travail de
Klint.
171
Les différences entre Poul Henningsen et Kaare Klint se distinguent nettement dans deux
exemples de piano (cf.vol.2, annexe 3, fig.81 et 82). En premier apparaît évidemment la
question des matériaux et comme nous l’avons déjà vu, Klint préférait les matériaux
traditionnels comme le bois, en l’occurrence l’acajou. Pour le piano de Poul Henningsen
(construit pour Andreas Christensen en 1930), il est question de matériaux nouveaux, comme
le fer et les tubes d’acier. Viennent ensuite les divergences de forme et d’inspiration. Le piano
de Poul Henningsen est sans inspiration marquée, se situant plutôt dans la lignée du Bauhaus.
En revanche, Klint puisait son inspiration là où elle lui semblait la plus propice à l’édification
de son meuble. Arne Karlsen parle d’inspiration chinoise dans les entretoises de la partie
inférieure, support pour la caisse supérieure469. Kaare Klint apparaît ici beaucoup plus
traditionaliste que Poul Henningsen.
Nous touchons ici le point faible de Klint, sa non-reconnaissance. En effet, Klint n’appréciait
que moyennement de devoir s’exprimer sur son travail, que ce soit par écrit ou oralement,
contrairement à Poul Henningsen qui lui ne manquait jamais une occasion de manifester son
contentement et, le plus souvent encore, son mécontentement. Grand écrivain et insatiable
provocateur, il était en conséquence mieux connu du grand public que Klint. De plus, il est
vrai que si on ne connaît pas la dimension novatrice des recherches chez Klint, on peut
considérer ses meubles traditionnels et plutôt classiques.
Klint cite à plusieurs reprises dans ses notes « la vraie vie » comme devant être le point de
départ à tout travail d’architecte, d’autant que les conditions de vie démocratiques
renforceront largement l’aspect utilitaire d’objets calqués sur la manière de vivre des
consommateurs, simple et naturelle470.
Notons que cette période (1920-1930) est celle de la montée au pouvoir du parti socialiste
(socialdemokratiet) et qu’avec lui les notions d’égalité, de partage et d’amélioration se
propagent. Préoccupations apparues des les Arts and Crafts anglais, elles entraient néanmoins
souvent en conflit avec la pratique. En témoigne les travaux de William Morris et de Klint,
qui, bien qu’affichant des théories très socialistes, ne pouvaient se résoudre à
l’industrialisation de leur production. Ce n’est cependant pas un problème nouveau, on le
retrouve d’ailleurs chez Wiener Werkstätte.
Klint était donc, par sa réflexion et ses efforts de rationalisation, assez proche d’idéaux qui
conduirent certains architectes vers le fonctionnalisme. Pourtant, il les critiquaient
ouvertement, estimant que ces théoriciens imputaient plus d’influence aux architectes qu’ils
n’en avaient réellement et que ceux-ci se perdaient vainement dans la quête d’un style
nouveau. Il les trouvait finalement trop superficiels.
Dans un mémoire inachevé intitule « l’Art Utile » il écrit471:
Il y a des limites jusqu’où la maison d’habitation peut s’étendre auprès du soleil et de l’air, il y a des limites
jusqu’à combien de « jardins suspendus » elle peut contenir. Elle peut se tordre autant, qu’on finit par dire :
n’était pas moins cher, plus beau et mieux d’avoirs ces humains sur la terre ensoleillée […] qu’il désire tant que
la maison soit en train d’éclater. Ne serait-il pas plus utile d’avoir des réformes sociales - que d’exercer sur un
fondement social qui n’est pas le bon ?
469 Karlsen, Arne, Kaare Klint og vore dages möbler, in Dansk Kunsthaandvaerk, n° 7, 1956, p.129-133. 470 Selon Karlsen, Arne, Dansk Môbelkunst i det 20 Aarhundrede, s.l., Christian Ejlers, 1993, p.46-48. 471 Klint, Kaare, Den anvendte kunst, fragment pour conférence, Académie des beaux-arts de Copenhague, non
publié, s.l.n.d., code 611. (Traduction de l’auteur).
172
Remarque d’autant plus intéressante sur le décalage entre théorie et création qu’elle
s’applique également à son propre travail.
Il est vrai que la question de l’espace habitable constituait une préoccupation grandissante au
début du 20ème siècle. Les logements commençaient à se métamorphoser, les quartiers
ouvriers fleurissant partout, et bien que Klint se penche sur ces questions, ses créations
n’étaient en aucun cas compatibles avec cette tranche de la population qui n’aurait pas pu se
permettre des meubles aussi onéreux472. Un prix inabordable pour ces ouvriers de par le choix
des matériaux (acajou, cuir…) et la non industrialisation des meubles. Klint rêvait à la notion
d’Art pour tous mais ne pouvait l’appliquer.
Lorsque Kaare Klint entama ses recherches ergonomiques, pratiques et fonctionnelles, la
question de « Comment meubler son appartement » ne se posait pas encore chez les acheteurs.
Au cours des années 1915-1920, beaucoup de personnes habitaient encore comme dans les
années 1880, dans des pièces exigus, encombrées de meubles trop lourds et de quantités de
bibelots. Les changements se firent progressivement, notamment avec les constructions de
nouveaux immeubles à Copenhague. Ce n’est pas avant la fin des années 1920, début des
années 1930, qu’un public plus large découvre différentes façons de meubler les
appartements, notamment grâce à la parution de magazines d’architecture, où la question,
« Comment meubler son appartement ? » était posée473. Comment aménager ces nouveaux
appartements ? Sont-ils en harmonie avec les meubles ? L’appartement deux pièces étant le
standard danois de 1935 (40%), la population avait désormais besoin de meubles avant tout
pratiques et fonctionnels, ce que comprit par Börge Mogensen, élève de Klint.
Certains meubles de Klint auraient pu convenir à ces petits appartements mais les matériaux
utilisés et la fabrication les rendaient encore trop chers. Klint ne s’opposait pourtant pas à
l’idée d’une fabrication industrielle mais il ne voulait pas que la qualité de ses meubles en
pâtisse. De plus, dans ces années 1910-1920, ses recherches semblant pour le moins
audacieuses à ses contemporains, ses meubles ne connurent pas un franc succès et sa
réputation fut principalement liée a son enseignement.
Retenons surtout le lien très intéressant chez Klint entre un mobilier considéré quelque peu
classique, non seulement en raison des formes, mais surtout en raison des matériaux
employés ; les bois, et ceci malgré des recherches plutôt novateurs pour l’époque.
L’importance de l’enseignement de Klint est primordial pour la compréhension de
l’importance du mobilier en bois ;
472 A part quelques exceptions comme le bureau pour la bibliothèque de la Reine ou les sièges dessinés pour le
bureau du Premier ministre en 1930, la plupart des meubles de Klint étaient faits pour où achetés par un cercle
assez restreint d’intellectuels faisant partie du cercle de « grundtvigianisme » (cercle basé sur les idées de
Nikolas Grundtvig (1783-1872) écrivain et évèque qui fut le rénovateur de l’esprit national et religieux). On peut
nommer l’ingénieur Zedeler, le directeur E. Verner Andersen ou le directeur C.J.Michaelsen parmi ceux qui ont
acheté le plus de meubles de Klint. 473 Nous reprenons ici quelques idées et questions posées dans l’article de Magnus Laessöe Stephensen, « Den 2-
vaerelses lejlighed og möblerne », in Nyt tidskrift for kunstindustri, 1935.
173
L’Enseignement de Klint.
L’Académie des beaux-arts de Copenhague
Le 17 novembre 1924, Kaare Klint est nommé maître de conférence à l’Académie des beaux-
arts de Copenhague, il a déjà cumulé de nombreuses expériences et est alors en train de
transformer l’hôpital de Frederik en musée des Arts décoratifs.
Le début du 20ème siècle est marqué par un retour au néo-classicisme, retour qui
métamorphose la section d’architecture à l’Académie des beaux-arts à Copenhague aussi bien
sur le plan de l’organisation que sur celui de l’inspiration artistique.
L’ « Ecole de construction », comme on la nommait, était considérée au même niveau que les
sections peinture et sculpture, c'est-à-dire comme une école d’art d’où toute dimension
technique était exclue.
A partir de l’automne 1920, le béton armé fit son entrée en tant que discipline à part entière à
l’école de techniques de construction à l’Académie, même si l’enseignement l’abordait déjà
depuis longtemps.
Dès 1924, l’enseignement prit une direction beaucoup plus sociale et l’organisation fut
repensée. Deux nouveaux professorats furent créés dans le domaine de l’art de construire,
deux chaires de lecture, l’une en urbanisme, l’autre en art des jardins et un poste de maître de
conférence en art de l’espace et du meuble.
Ces changements académiques furent provoqués par une révolution au sein même de
l’architecture. En effet, alors que jusqu’ici l’architecte s’était consacré à la simple
construction publique ou monumentale, il doit désormais satisfaire les demandes des
particuliers et par conséquent prendre en compte les conditions sociales et économiques du
moment474.
C’est dans ce contexte que Kaare Klint est nommé en 1924 maître de conférence en art de
l’espace et du meuble, section baptisé plus tard « l’Ecole du Meuble », titre que nous
utiliserons ici.
L’enseignement de Klint à l’école du meuble.
Le 17 novembre 1924, Kaare Klint prend ses fonctions de professeur en mobilier et meubles
et est en 1925 nommé maître de conférence.
A l’école du meuble, Klint va poursuivre, avec l’aide de ses étudiants, les recherches
ergonomiques et fonctionnelles qu’il avait amorcé dans ses premières années.
La meilleure source pour la compréhension de l’enseignement de Kaare Klint s’intitule
« l’enseignement du dessin de meuble à l’Académie des beaux-arts » paru dans le magazine
474 Pour tout renseignement sur l’Académie des beaux-arts à Copenhague consultez l’excellent ouvrage de
Millech, Knud, Det kongelige akademi for de skönne kunster 1904-1954, Copenhague, Gyldendahl, 1954. Les
pages 379-494, concernent la section d’architecture.
174
Arkitektens maanedshaefter en octobre 1930 et accompagné d’une vingtaine d’illustrations.
Klint ne s’exprimant que rarement, ce témoignage ainsi que celui de ses élèves est des plus
précieux475.
Klint fut le fondateur d’un enseignement qui influença toute une génération d’architectes, de
dessinateurs de meubles et d’ébénistes qui lui succédèrent et qui propulsèrent l’art du meuble
danois sur le devant de la scène internationale à partir des années 1950476.
Bien que Klint n’ait pas été le premier architecte à dessiner des meubles, il met néanmoins au
point une toute nouvelle façon d’envisager et d’entreprendre la création de meubles. Cette
nouvelle méthodologie de travail, rigoureuse et précise, se base sur la connaissance de
l’ergonomie et sur des études ayant trait à la fonction et à la normalisation. A ce titre, une
profonde connaissance du bois et de ses propriétés était une nécessité. Logique quasi
mathématique et réflexion constructive devinrent les fondements d’une philosophie du
meuble. Ces nouveaux préceptes influencèrent les élèves de Klint qui devinrent à leur tour
professeurs.
L’enseignement de Klint à l’école de meuble ayant eu un tel impact sur le design du meuble
au Danemark, que nous allons maintenant nous intéresser plus en détail à son contenu.
Sa manière d’enseigner était déjà en elle-même une nouveauté. Selon Arne Karlsen477,
jusqu’ici l’enseignement à l’Académie consistait à laisser les élèves libres et à venir les
corriger individuellement seulement de temps à autre. A partir de 1924, Klint met en place
un enseignement structuré en équipes. Ce fut alors le passage d’un enseignement
exclusivement artistique et émotionnel à un autre basé sur technique, pratique et donc
réalisme. La dimension sociale était dorénavant un paramètre vital à la réalisation d’un projet.
Pour Klint, le fait de regrouper des élèves aux origines et aux vécus différents apportait une
richesse au projet. Dans ce cadre tout le monde pouvait donner et recevoir, ce qui garantissait
un travail plus fécond que celui obtenu individuellement.
En pratique, Klint organisa l’école de meuble tel un bureau d’études dont il aurait été le
responsable :
De la méthode d’enseignement, je peux seulement dire qu’elle se passe comme dans un bureau d’étude ou un
atelier, avec un travail en commun pour la résolution des projets478.
L’enseignement de Klint se révèle également très systématique :
Les élèves qui n’ont jamais dessiné de meubles auparavant, commencent par mesurer un meuble ancien ou
nouveau, un meuble dont la forme peut encore être utilisée aujourd’hui479.
475 Arne Karlsen, Vilhelm Wohlert, Rigmor Andersen et Bent Salicath (voir biblographie). 476 Salicath, Bent, « Kunstakademiets möbelskole og Kaare Klint », in Dansk Kunsthaandvaerk, 1954, p.97 –
Article paru à l’occasion de la mort de Klint et les 30 ans de la création de la section du meuble à l’Académie des
Beaux-Arts et l’anniversaire des 200 ans de l’Académie. 477 Karlsen, Arne, Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, op. cit., p.49 478 Klint, Kaare, “Undervisning i möbeltegning ved Kunstakademiet”, in Arkitektens maanedeshaefte, octobre
1930, p.193-203. 479 Ibid., p.193
175
Ce que Klint entendait par «peut encore être utilisée aujourd’hui » englobait tous les meubles
dont la forme suivait la fonction et dont l’usage n’avait pas considérablement changé avec le
temps, la chaise Chippendale (cf.vol.2, annexe 3, fig.78) en est un exemple.
La plupart du temps toutes les conditions d’utilisation sont résolues de manière remarquable. La hauteur de la
chaise, la largeur et la profondeur sont exactement comme elles devaient l’être, le dossier supporte au bon
endroit etc480.
Ce n’était donc pas l’aspect formel de la chaise Chippendale qui attira l’attention de Klint
mais son aspect fonctionnel et ergonomique.
En poursuivant cette lecture, nous comprenons la façon dont Klint procède lors de la création
de meubles :
Si la chaise que nous avons choisie est une chaise avec des pieds et des entretoises droits, nous observons
comment le châssis est construit et formé admirablement, tout à fait correspondant aux exigences que nous
avons aujourd’hui. Le dossier par contre, est dans sa beauté ornementale impossible à imiter. Pour des raisons
décoratives il est plus haut que nécessaire, donc le dossier de la chaise n’est pas utilisable pour s’adosser. Nous
essayons maintenant de trouver une autre chaise, où le dossier est aussi simplement construit, que le châssis de
l’autre. De même, pour celle-ci nous pouvons trouver un modèle datant de la même époque. Contrairement à la
première chaise qui avait un châssis simple et un dossier très fin, sur celle-ci c’est le contraire, puisque c’est une
chaise avec un dossier simple seulement couverte de cuir, et avec des jolis pieds rococo […] ce dont nous avons
besoin, est précisément le châssis économique et le dossier confortable. Nous prenons consciencieusement les
mesures des deux chaises pour ensuite les marier en espérant que nous obtiendrons un siège qui correspond aux
exigences d’aujourd’hui, mais où en même temps nous pouvons voir qu’il est de bonne vieille famille481.
Ces déclarations sont assez étonnantes, dans la mesure où peu de créateurs osaient assumer et
encore moins avouer leurs emprunts à des styles antérieurs. Il apparaît aussi clairement que
Klint s’intéressait avant tout à l’aspect constructif ou utilitaire de ces meubles anciens et non à
leur formalisme ou a leurs décorations.
Tout ceci nous montre bien que d’après Klint, il était impossible de se lancer les yeux fermés
dans le dessin de meubles. Ce premier exercice revêtait pour lui une double fonction, il était
d’abord l’étude préliminaire indispensable à la poursuite du travail mais il servait également à
faciliter à l’élève la compréhension du schéma opératoire dans son ensemble.
Outre les deux illustrations de chaises anglaises, Klint propose plusieurs illustrations et
dessins (mesurages) d’élèves pour illustrer ses propos. Une fois cette étude préliminaire
achevée, Klint se penche sur les :
conditions ou circonstances universelles qui sont déterminantes pour la taille et l’utilisation des meubles. En
premier lieu les mesures d’utilités qui sont déterminées par rapport à la taille et au mouvement de l’humain,
servant à des fins différentes482.
De façon complexe, Klint fait ici pour la première fois référence à sa prise en compte de
l’homme, c’est-à-dire la prise en compte de l’ergonomie dans la fabrication des meubles, et
dans son enseignement.
Aujourd’hui, il nous parait évident que les tiroirs de la commode ne doivent pas être hors
d’atteinte ou que le plateau de la table ne doit pas être bas au point de nous heurter les
genoux lorsque l’on y est assis, mais à l’époque ces paramètres n’étaient pas
systématiquement pris en considération et c’est en cela que Klint est considéré comme le père
du design scandinave moderne.
480 Idem. 481 Ibid., p.194 482 Idem.
176
Pour faire des meubles normaux, on doit intégrer dans son projet aussi bien les plus petites normales que les
plus grandes normales. Par exemple, le dessous du plateau de la table doit être déterminé en fonction des plus
grandes et le bord supérieur par rapport aux plus petits483.
Les recherches de Klint se portaient sur les hauteurs mais également sur les largeurs et les
profondeurs :
Comme pour les hauteurs, il y a des mesures d’intervalle pour la largeur et la profondeur. Les dimensions du
plateau d’un bureau normal sont par exemple décidées par rapport à ce que l’on peut aisément prendre avec la
main et voir aussi bien en profondeur qu’en longueur484.
Ou encore, en référence aux tables à dîners :
Tout le monde connaît le problème de division des places à la table à manger, et on peut mentionner beaucoup
d’autres exemples485.
On peut légitimement considérer ces réflexions sur la conception d’un meuble comme
révolutionnaires. Certains parlent même de celles-ci comme à l’origine de ce qu’on appellera
plus tard « la recherche en création de mobilier ».
Mais Klint est conscient que ces réflexions que nous trouvons évidentes de nos jours étaient
loin de l’être pour l’ébéniste ou même l’acheteur de l’époque :
Peut-être veut-on appeler ces observations des évidences, et cela devrait être le cas ; mais pourtant on voit
souvent de graves manquements à cela. Je me rappelle d’une salle à manger où tous les meubles, pour des
raisons d’harmonie, étaient tenus au même niveau, et cela même s’ils avaient des fonctions très différentes.
C’est-à-dire au niveau de la table. Le résultat n’était pas harmonique étant donné qu’on le sentait comme une
mutilation du corps.
De la même façon, ce n’est pas naturel avec ces étagères modernes, où on doit être à genoux avec une lampe à
la main pour lire les titres sur le dos des livres […] dans un placard de livres ou sur une étagère on doit avoir
des livres à partir du niveau du torse et au maximum jusqu’à la limite où l’on peut lever les bras. Dans les
placards du bas on doit avoir des magazines, des dossiers etc. posés de façon horizontale486.
Ce qui transparaît ici c’est le facteur ergonomique, centre du travail et de l’enseignement de
Klint.
On ne peut donner trop d’importance à ces limites d’utilisations naturelles. Dans des projets de grande
importance, c’est-à-dire la standardisation d’objets d’utilités, les limites de la taille et du mouvement de
l’homme sont les facteurs principaux487.
Ce que Klint tente de nous faire comprendre ici c’est que le but de ces recherches sur les
facteurs humains, c’est-à-dire les mesures de tailles, d’envergures etc. de l’homme, doivent
être prises en compte dans la conception des meubles, pour les rendre ergonomiques donc
plus confortables à l’homme mais aussi pour instaurer une normalisation du mobilier une fois
les facteurs de mesures établis. La base d’une normalisation du mobilier serait donc
l’ergonomie.
Klint était cependant conscient que les bénéfices de ses recherches ne seraient palpables que
des années plus tard, lorsque ses théories auraient été comprises et intégrées par toute une
génération d’architectes ayant suivi son enseignement.
483 Idem. 484 Ibid., p.196 485 Idem. 486 Idem. 487 Idem.
177
Toutefois l’enseignement de Klint va encore plus loin :
Se rendre compte des objets qui peuvent être contenus dans du mobilier d’habitation488.
C’est l’idée que nous allons retrouver dans les meubles de rangement de Klint, dans le
mobilier et dans les « boligens byggeskabe » (les armoires de construction de l’habitation)
développés par l’élève de Klint, Börge Mogensen, en collaboration avec Grethe Meyer, que
étudierons en détails plus loin.
Ces travaux sont ensuite consignés par écrit, ce qui permet ensuite aux élèves de disposer
d’une base de données très utiles à leurs projets.
L’idée de Klint était d’arriver à une standardisation aussi bien des meubles de bureau que de
ceux consacrés aux rangements de la vaisselle et du linge de maison (cf.vol.2, annexe 3,
fig.80, 83, 90-96).
Cette phase de son enseignement prônait l’étude des objets que le futur meuble allait devoir
contenir pour ainsi calculer au plus juste les dimensions les plus adaptées.
Il élabora cette partie en 1924 :
C’est avec fierté, qu’on me le pardonne, que j’attire votre attention sur le fait qu’en Allemagne on avait fait un
essai pas aussi consciencieux 4 ans après489.
Klint envoyait ses élèves au Magasin du Nord490 prendre les mesures de tout genre de
vaisselle, linge de table, vêtements et chaussures pour ensuite en établir des tableaux
comparatifs. Ils élaboraient ensuite des dessins dans le but de normaliser les meubles de
rangements.
Le style du meuble ou de l’objet passait après son utilité. Une fois celle-ci, chacun pouvait
exprimer ses envies.
La quatrième étape de son enseignement concerne :
L’élaboration de projets de meubles, ici on analyse en premier lieu les conditions d’utilisation mises en relation
avec les conditions constructives. C’est-à-dire on étudie les manières d’assemblages les plus commodes, ainsi
que le mouvement du bois.
C’est ici que les élèves vont mettre en rapport les conditions ou la situation dans laquelle l’objet ou le meuble va
être utilisé avec les recherches d’ergonomie et de normalisation d’objets.
Le meuble est un buffet […] les cloisons sont cannelées par des petites barres. Les plateaux s’insèrent dans ces
fentes, ainsi peut-on tirer le plateau, ce qui permet de faciliter l’accès aux objets qui sont le plus éloignés, et en
même temps ceci permet une utilisation très économique en hauteur. Dans les buffets normaux il est nécessaire
soit de bouger tous les objets qui sont devant pour avoir accès à ceux qui sont placés en arrière, soit qu’il y a
assez d’espace au-dessus des objets pour pouvoir accéder derrière avec le bras491.
Bien que ce genre de meubles avait déjà été réalise auparavant, la nouveauté résidait dans sa
conception systématique, même pour des meubles destinés à ranger la vaisselle :
Seulement petit à petit les gens deviennent conscients que les meubles modernes doivent être formés selon le
besoin pratique. Heureusement qu’avec le siège nous sommes arrivés au point qu’il doive être confortable. Mais
488 Ibid., p.193. 489 Idem. 490 La Samaritaine danoise. Ce magasin est encore aujourd’hui situé en face de l’Académie des Beaux-Arts de
Copenhague. 491 Klint, K., Undervisning i möbeltegning ved Kunstakademiet, op. cit., p.200 et p.204.
178
que le buffet soit pratique dans la vie de tous les jours, qu’il procure soulagement et contentement dans son
utilisation simple, alors cela leur est égal s’il est beau […] pourtant c’est ma conviction qu’avec le temps on
demandera la même exigence envers les meubles qu’on fait pour les maisons modernes492.
Une dernière étape précède la conception même :
avec la construction on étudie les anciens et des nouveaux meubles des musées et des collections privées […] la
littérature […] et les archives de mesure[…] et les travaux précédents de professeurs et d’élèves […] étant
donné que le majeur but de l’école est un travail continu sur les types généraux de meubles493.
Si l’enseignement de Klint met tant l’accent sur l’étude des meubles anciens, c’est qu’il
souhaitait avant tout faire perdurer la tradition :
En aversion contre tout ce qui est ancien on perd la vue d’ensemble et exclut le meilleur des aides, qui est de
construire sur la base des expériences qui ont été apprises à travers les siècles. Les problèmes ne sont pas si
nouveaux, dans beaucoup de cas ils ont déjà été résolus avant494.
Pour Klint, il s’agissait d’une question de logique. Pourquoi, comme le font les
fonctionnalistes, reprendre tout le procédé à zéro alors que des études antérieures peuvent
fournir d’excellentes bases de travail ?
L’exemple d’un de ses buffets sert d’illustration à son article :
La forme générale du buffet est influencée par les coffres anglais et chinois, et plusieurs détails viennent
également de meubles anglais. Le pied est légèrement plus grand que la « caisse », ainsi on ressent qu’elle
repose sur le pied495.
Nous avons fait le même constat avec le piano de Klint.
Il poursuit :
Le meuble est fait en acajou de Cuba non coloré […] la surface est cirée496.
On retrouve toujours chez Klint un grand respect des matériaux naturels et une préférence
pour les matériaux nobles.
Ce buffet créé en 1926 fut l’un des premiers meubles appartenant à cette mouvance de
normalisation (cf.vol.2, annexe 3, fig.83)497. Il fut bien sur suivi d’une longue série de
meubles dont les meilleurs, selon Arne Karlsen, datent des années 30 (cf.vol.2, annexe 3,
fig.95), au moment où Klint maîtrisait une si vaste quantité de matériaux théoriques qu’il
pouvait facilement et rapidement créer en grande quantité des types extrêmement clarifiés498.
Selon Arne Karlsen, les meubles de cette époque :
492 Ibid., p. 202-203 493 Ibid., p. 203 494 Ibid., p.202-203 495 Ibid., p. 203 496 Idem. 497 Gorm Harkaer nous a avec gentillesse informé que l’étude préparatoire pour ce meuble a été effectué par
Arne Jacobsen pendant son bref passage à l’école du meuble et que c’est lui qui a acheté le meuble après. Il est
aujourd’hui conservé dans la famille Jacobsen. 498 Karlsen, Arne, Kaare Klint, in Arkitekten, 1973, p.427.
179
Devenaient de plus en plus influencés par le volume d’utilisation, et comme conséquence logique de cela
l’aspect extérieur devenait de plus en plus simple, plus anonyme. Ces meubles sont des classiques dans le sens
qu’on ne peut rien leur ajouter ni leur enlever ; à partir des critères dont ils sont créés, ils sont définitifs499.
On pourrait être tenté de faire un rapprochement entre l’école du meuble de Klint et le
Bauhaus, cependant leurs fondements étaient bien distincts. L’Ecole du meuble était une
section de l’Ecole de beaux-arts de Copenhague, tandis que le Bauhaus était le résultat d’une
fusion entre l’école de beaux-arts et l’école des arts appliqués de Weimar. Bien qu’au
commencement Van de Velde et Gropius cherchaient à élaborer une synthèse des arts et une
nouvelle unité entre l’artisanat et l’art comme au Moyen Âge, l’enseignement au Bauhaus
s’était rapidement tourné vers l’industrie. Dimension qui n’a pas cours à l’école du meuble de
Klint, l’objectif des recherches sur la normalisation et sur l’ergonomie ne visant pas une
collaboration avec l’industrie. Par ailleurs, l’enseignement à l’école du meuble ne préconisait
pas l’abstraction et l’émotion comme moteur de la création. L’enseignement de Kandinsky ou
de Paul Klee ne pouvait s’appliquer était chez Klint qui basait son travail sur la fonctionnalité
et les mathématiques. On peut donc aujourd’hui parler d’une esthétique formelle propre au
Bauhaus et d’une esthétique commune pour l’Ecole du meuble.
Klint, pionnier de par son enseignement et son effort de normalisation et d’ergonomie,
parvient donc à concilier deux valeurs pourtant contradictoires, tradition et modernité.
L’Ecole de meuble jouissait d’une telle renommée que des générations d’architectes seront
influencées par l’enseignement de Klint.
Bent Salicath nous rapporte toutefois la première rencontre surprenante de Klint et d’un jeune
étudiant en architecture avec Klint dans les années 1930500:
Comme c’était le temps où c’était le fonctionnalisme qui apparaissait aux jeunes comme le mouvement sûr de la
victoire, qui nous était mis dans les mains pour que nous puissions hardiment et rapidement résoudre
l’obligation sociale de l’architecture envers la société […] alors là on rencontre un homme qui rejette le plus
notable résultat de la Révolution Française ; le système métrique. Pour dessiner un bureau il va même faire de
profonds examens et considérations sur le format de papier, comment ils étaient et comment ils devraient être –
ceci si la Révolution Française n’avait pas détruit la solution la plus raisonnable.[…] il était l’alchimiste
troublant de la standardisation. Si la première fois on rigolait un peu embarrassé – d’où venait cet homme ? –
c’était trop étrange. Ensuite on quittait Klint pour aller chez ceux qui pouvaient nous obtenir des résultats plus
rapidement. Mais les problèmes revenaient quand même tôt ou tard, et là on retournait encore chez Klint. Alors
là on commençait à étudier plus en profondeur les problèmes et on comprenait alors la manière tenace et
rigoureuse de penser. Les sourires changeaient de caractère, on devenait complices et se rendait compte de la
manière dont les choses étaient liées […]501.
Klint déclarait souvent avec mépris que l’on n’enseignait pas l’esthétique à l’Ecole de
meuble502.
Il peut paraître paradoxal que Klint se positionne ainsi lorsque l’on pense à toute la génération
d’architectes et designers influencés par son enseignement et son esthétisme. Bent Salicath
nous dit :
Klint n’enseignait pas en esthétique mais agissait en esthétique avec une telle force que cela devenait presque
fatal pour ses élèves et leur évolution503.
499 Ibid. 500 Salicath, Bent, “Kunstakademiets möbelskole og Kaare Klint”, in Dansk Kunsthaandvaerk, 1954, p.97-98. 501 Idem. 502 Ibid. 503 Idem.
180
Il est vrai que certains des élèves de Klint en furent tant imprégnés (nous pensons ici tout
particulièrement à Rigmor Andersen, cf.vol.2, annexe 3, fig.89) qu’ils leur a été quasiment
impossible d’entamer leur propre carrière professionnelle.
Tous les préceptes prônés par Klint à l’école du meuble à l’Académie des beaux-arts de
Copenhague se retrouvent bien entendu dans ses créations personnelles de meubles. Il est
donc intéressant ici de voir précisément comment il les appliquait lui-même.
La Chaise longue de pont et sa table, en teck, datant de 1933 sont des exemples (cf.vol.2,
annexe 3, fig. 85 et 86) montrant bien que l’objectif premier de l’enseignement de Klint était
l’adaptation de types de meubles universels. Il reprit ainsi le modèle de la « Chaise longue de
pont », connu sur la plupart des bateaux de croisières, parce qu’il le jugea intéressant.
Parallèlement, il cherche avec ses étudiants une façon de le rendre plus confortable et plus
facile à plier. Il en est de même avec la petite table qui s’avère elle aussi être une amélioration
d’un meuble de bateau très répandu.
L’autre exemple est celui du bureau avec un placard latéral, en acajou, élaboré autour de 1933
(cf.vol.2, annexe 3, fig.90). Klint a ici choisi de dissocier les fonctions primaires du bureau
traditionnel, l’écriture et le rangement, en deux meubles distincts. Deux meubles indépendants
lui permettent d’obtenir une construction simple avec une forme clairement architectonique et
un meuble à l’utilisation beaucoup plus libre. Le meuble est caractéristique de l’effort tenace
de Klint pour avoir des formes simples toutefois marquées avec des masses importantes
entourées de surfaces de format simple.
Malgré le souhait d’une expression de précision géométrique, les arrêtes du meuble ne
paraissent pas vives d’arête. La rigueur mathématique est laissée de côté chaque fois que
l’utilisation impose une forme avec un toucher accueillant.
Ces meubles de rangement sont les meilleures démonstrations pratiques des théories de Klint.
Dans les nombreuses variantes de bibliothèques réalisées entre 1920 et 1930, on remarque
toujours une concordance entre les volumes d’utilisation de l’intérieur et la forme extérieure
très simple, constat qui s’applique également à ses meubles de bureau. Forme et contenu,
forme et fonction comme on dirait aujourd’hui, sont donc en harmonie.
Les bibliothèques sont habituellement divisées entre un profond placard inférieur pour des
livres de grand format et un placard supérieur en retrait pour les livres plus petits. La partie
inférieure qui arrive au niveau d’une commode, et le niveau supérieur qui est plus haut. Tout
ceci tenant bien évidemment compte des mesures humaines établies par Klint. Ce type a été
retravaillé par Klint depuis son projet de meubles de bureau de 1916 où tout était lié à un
souci d’ergonomie et un souhait de normalisation.
La bibliothèque se ferme par des portes coulissantes en verre (cf.vol.2, annexe 3, fig.80).
L’encadrement des verres a été fait de telle manière a protéger les livres de la poussière selon
Arne Karlsen504. De même, les poignées sont placées au milieu des portes pour que la traction
soit distribuée de manière régulière quand on ouvre ou ferme les portes (la bibliothèque fut
présentée lors de l’exposition des corps d’ébénistes en 1933).
Nous avons déjà vu que les dimensions des bureaux et les bibliothèques étaient étroitement
liées à la normalisation des feuilles de papiers que Klint avait élaboré.
Concernant les buffets, le travail de Klint va plus loin puisqu’il intègre aussi les objets en trois
dimensions. Sans revenir sur les théories et recherches de Klint déjà analysées, nous pouvons
affirmer que son principal but consistait en une économie d’espace.
504 Karlsen, A., Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, op.cit., p. 104.
181
Ces buffets pour service et linge de table dessinés en 1933 entrent dans la même série de
recherches (cf.vol.2, annexe 3, fig.96). Comme la hauteur de la bibliothèque qui était
déterminée par la hauteur maximale que l’homme peut atteindre en levant les bras, la hauteur
de ce buffet-ci dépendait de ce que l’homme pouvait intégrer à son champ de vision en étant
debout.
Les méthodes de Klint appliquées ensuite par d’autres ont permis au buffet de service de
devenir un prototype dans la production du meuble danois.
Selon Vilhelm Wohler, ancien élève de Klint :
Il est caractéristique pour son enseignement […] qu’il laissait ses élèves travailler avec des problèmes qui le
préoccupaient concrètement505.
Quand nous devions dessiner une bibliothèque, il nous laissait commencer par le rangement de livres, rangés de
manière économique et où les mesures étaient déterminées par rapport aux mouvements et à la possibilité de
l’homme de les atteindre et de les voir.
Klint souhaitait que nous travaillions de manière méthodique avec la conception d’un bâtiment, exactement
comme il avait appris à ses élèves à travailler sur un projet de meuble systématiquement. Il voulait qu’on aille
aussi loin que possible sur la route de la logique506.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les activités de l’école et le nombre d’élèves étant
réduits, Klint en profita pour élargir son champ d’enseignement et se faire nommer professeur
spécialisé dans la construction de maisons. Il n’abandonna pas pour autant l’école du meuble
mais repartit son temps de façon égale entre l’art de construire, la création de meubles et l’art
de l’espace. Les projets, propres à chaque section, étaient pourtant travaillés en commun, ainsi
les étudiants mêlaient leurs idées et envisageaient construction architecturale et mobilière
comme un tout indissociable.
Les premiers élèves de Kaare Klint à sortir du lot furent, entre autres, Rigmor Andersen, Arne
Jacobsen, Edvard Kindt-Larsen, Mogens Koch, Börge Mogensen, Ole Wancher.
Börge Mogensen (1914- 1972): le mobilier en bois au service des danois.
Börge Mogensen termina son apprentissage en ébénisterie en 1934. Il fut, de 1936 à 1938,
élève à l’école des arts et métiers de Copenhague et acheva plus tard sa formation à
l’Académie des beaux-arts de Copenhague, où il suivit notamment l’enseignement de Kaare
Klint et devint même son assistant de 1945 à 1947.
Börge Mogensen est surtout connu pour avoir été le directeur de la salle de dessins du bureau
d’étude du département de mobilier pour la coopérative de consommateurs (F.D.B.)507 à partir
de 1942 et jusqu’en 1950. En 1945, il devient l’assistant de Kaare Klint et établit un
partenariat avec Hans J. Wegner.
Sa devise était plus c’est simple, mieux c’est. Avec des créations simples, peu coûteuses, en
essences claires comme le bouleau ou le pin pour la FDB, il aide à vaincre le goût du grand
505 Vilhelm Wohlert in Zahle, Karen, De gamle Mestre..., Copenhague, Arkitektens Forlag, 2000, p. 88 506 Ibid., p.94 507 FDB (Faellesforeningen for Danske Brugser)
182
public pour les meubles en imitation de bouleau. Mogensen préfère les essences classiques
danois qu’il va privilégier dans sa production tout au long des années508.
Il puise principalement son inspiration dans les meubles Windsor ou chez les Shakers qui
correspondent selon lui à un idéal de simplicité (cf.vol.2; annexe 3, fig.101 à 103).
Les meubles de Mogensen devinrent assez rapidement à la mode dans le milieu de la
bourgeoisie et suscitèrent l’intérêt des fabricants privés, notamment le fabricant Fredericia.
C’est dans les années 1940 que Börge Mogensen fit connaissance avec l’analyse quasi
scientifique de Klint qui était alors considérée comme une base incontournable à tout projet
de meubles et mobilier.
Tout comme le maître, Börge Mogensen tendait à établir une harmonie entre l’homme et les
meubles et ne se passionnait guère pour des questions de formes ou de style.
Il avait aussi, par le biais de ses études d’ébénisterie, acquis un grand respect des matériaux, et
en cela le bois restait son matériau préféré. Sa production mobilière est essentiellement en
bois.
Pour le F.D.B, il développa dans les années 1940 de nombreuses séries de meubles. Le but
était de fabriquer des meubles pratiques, simples, résistants mais peu coûteux. A partir des
années 1940, la dimension sociale est pleinement intégrée à la création.
Beaucoup d’architectes et designers se sont inspirés de l’enseignement de Kaare Klint à
l’Académie des Beaux Art, cependant Börge Mogensen est le seul à avoir réussi à développer
sa production au point d’en faire profiter toutes les couches de la population. Dans la création
de Börge Mogensen, on trouve peut-être pour la première fois l’aspect social parfaitement
intégré à un niveau que peu d’architectes ou de designers avaient atteint, même pas Klint.
Chez Kaare Klint, les questions pratiques et fonctionnelles étaient abordées sans tenir compte
des données sociales qui régissaient l’époque. En cela, Börge Mogensen va donner un
nouveau souffle à la création du mobilier danois.
Arne Karlsen nous dit :
Il a su réunir dans ses meubles fabriqués industriellement les idéaux esthétiques et constructifs de l’école de
Klint avec la responsabilité sociale qui surgit dans le design après la percée du fonctionnalisme à la fin des
années 20509.
Nous l’avons vu précédemment, Klint établit en 1917 des mesures de proportions entre
l’homme et le meuble. Ses dessins, destinés à la réalisation d’un système d’étagères et de
cabinets faites de caisse, n’aboutirent à rien, ses contemporains ne mesurant pas véritablement
l’importance de ses recherches. Ce n’est que trois décennies plus tard, avec les étagères de
Börge Mogensen, que les intentions de Klint dévoilèrent toute leur importance.
Pour Klint, la fonctionnalité du meuble primait sur son style et la tradition fonctionnelle créait
un style. Il estimait, et Börge Mogensen était du même avis, qu’en s’opposant à l’ancien on
perdait la vue d’ensemble. Chez Mogensen, on retrouve les influences formelles de l’histoire
ancienne du meuble.
508 Mogensen, Thomas, Et fuldt Möblereret liv : en bog om Börge Mogensen, Copenhague, Gyldendahl, 2004,
p.26 509 Karlsen, Arne, Möbler tegnet af Börge Mogensen, Copenhague, Arkitektens Forlag, 1968, p. 5
183
B. Mogensen s’inspirait souvent des anciens meubles et populaires tels que les meubles
Shaker, ou, comme d’autres élèves de Kaare Klint tel Hans J. Wegner, des sièges Windsor
anglais (cf.vol.2, annexe 3, fig. 101 à 103). Pour les meubles de rangement, on retrouve
comme chez Kaare Klint de très claires influences chinoises et parfois anglaises (cf.vol.2,
annexe 3, fig.115 et 116).
On pourrait s’imaginer que les meubles de Börge Mogensen s’accommodaient mal à la
nouvelle façon de vivre et aux constructions modernes. Pourtant, il n’en est rien car, comme
le spécifie Arne Karlsen510, Börge Mogensen ne se laissait pas influencer par des courants de
mode et il ne cherchait pas à créer quelque chose de novateur ou d’intéressant d’un point de
vue formel. Il cherchait essentiellement à réaliser un meuble pratique, fonctionnel et peu
coûteux, tout en étant de bonne qualité.
Börge Mogensen ayant reçu une formation d’ébéniste, il s’avérait inévitablement plus
sensible au respect des matériaux et particulièrement au bois que ces contemporains issus de
l’architecture. Il était rare que Mogensen travaille avec des matériaux plus « modernes »
comme l’acier et le polyuréthane pourtant très en vogue à l’époque chez beaucoup d’autres
créateurs et architectes tel qu’Arne Jacobsen. En revanche, il recourait avec plaisir à de
nouveaux modes de production. Börge Mogensen ayant toujours eu une préférence pour les
essences de bois indigènes, la plupart de ses meubles était fabriqués en hêtre, frêne, chêne et
bouleau (cf.vol.2, annexe 3, fig.101 à 117). De temps à autre, il utilisait l’acajou pour des
meubles plus prestigieux, comme par exemple pour un meuble à cigares datant de 1944.
Contrairement aux autres meubles de Mogensen, celui-ci est un meuble d’ébénisterie (c’est à
dire plaqué), preuve qu’il maîtrise également l’art du meuble fait à l’ancienne.
Dans les années 1920 et 1930, si l’engagement social des architectes était très fort, il n’aboutit
pas pour autant à la fabrication industrielle de meubles bon marché. Bien que l’association des
architectes aux ébénistes ait révolutionné la création de meubles destinés aux nouveaux
appartements, comme en témoignent les expositions de la guilde des ébénistes à Copenhague,
le coût de ces créations restait inabordable pour des familles aux revenus modérés. Cet état de
fait était principalement dû au mode de production puisque l’industrialisation aurait rendu le
meuble nettement plus accessible.
Encore étudiant, Börge Mogensen présentait déjà son travail à l’exposition de la guilde des
ébénistes de Copenhague. Pour sa première exposition en 1939, il créa avec Aage Windeleff
des meubles très simples destinés à une chambre d’étudiant. Les deux hommes étant encore
étudiants, ils furent supervisés et corrigés par Klint511.
Lors de la même exposition (cf.vol.2, annexe 3, fig.104), Mogensen exposa également des
meubles destinés à meubler une pièce faisant à la fois office de salle à manger et de bureau.
Les meubles, aussi bien ceux pour l’espace d’étudiant que ceux pour l’espace à manger et à
travailler, étaient destinées à une utilisation quotidienne et offraient des possibilités de
combinaisons variées, suivant les besoins. Ce fut avec ces meubles qu’il mis en avant la
dimension fonctionnelle qui deviendra plus tard son fer de lance. Mais à ce moment-là, son
travail porte encore la marque de son passage chez Kaare Klint, les lignes sont droites, les
meubles robustes et il emploie l’acajou pour les fauteuils.
Sa table de travail illustre bien le poids de l’aspect fonctionnel sur ses créations. Celle-ci était
équipée d’un meuble à tiroir indépendant (comme l’avait fait Klint) et d’un abattant. La table
à dîner était circulaire, partagée en deux parties identiques. En plaçant la table de travail entre
les deux battants de celle à dîner on pouvait asseoir 10 personnes au lieu de 6.
510 Ibid., p.6 511 Jalk, Grete, Dansk Möbelkunst gennem 40 aar, op. cit.
184
A la fin des années 30, le danois a acquis plus de liberté individuelle et politique dans la
société, et ceci malgré la guerre menaçante. Des meilleures conditions de vie et de logement
font également parties des revendications.
En conséquent au début des années 1940, le directeur de la coopérative des consommateurs
(FDB.), Frederik Nielsen, décida que celle-ci se devait de parer au manque de meubles
produits industriellement et donc se mettre plus au diapason avec son époque. On entreprit
donc de lancer une grande production de meubles de bonne qualité, à des prix raisonnables,
que pourraient accepter les membres de la coopérative. Steen Eiler Rasmussen ayant été
chargé de l’organisation et de la concrétisation du projet, il prit l’initiative d’engager Börge
Mogensen en 1942 pour lui confier le poste de directeur du bureau d’étude des meubles sous
la direction du bureau d’architecture de la coopérative. Ce projet conduit notamment Börge
Mogensen en Suède auprès de Svenska slöjdforeningen afin d’étudier la façon suédoise512.
Pendant deux ans, Börge Mogensen et ses collaborateurs imaginent une série de meubles
correspondant aux besoins pratiques d’une famille moyenne. L’idée de la FDB était de créer
une série de meubles fabriquée industriellement moins onéreux que ceux proposés par les
ébénistes. Mais il fallait également que cela soit des meubles respectant un certain nombre
d’exigences fonctionnelles513. Les meubles, bien que créés séparément, étaient de par leurs
formes et leurs matériaux, conçus pour constituer un ensemble harmonieux. Pour beaucoup ils
étaient fabriqués en essences de bois claires, comme le pin, le hêtre et le chêne. Ce procédé
correspond d’ailleurs bien à celui auquel IKEA a recours : les jeunes couples ne sont plus
forcés de s’acheter un salon entier en une seule fois, ils peuvent le meubler petit à petit, selon
leurs moyens, sans pour autant casser l’harmonie de l’ensemble.
Pour s’approcher au plus juste de la réalité quotidienne, le programme s’appuyait sur deux
appartements dont la superficie et l’équipement correspondaient aux standards de la ville
d’une part et de la campagne de l’autre. On testait les meubles dans ces appartements de
« laboratoire » avant de les mettre en production (cf.vol.2, annexe 3, fig.101).
C’est en 1944 que la boutique FDB spécialisée en meubles va ouvrir à Copenhague514.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le choix des matériaux étant limité, on employait
principalement le pin suédois et le hêtre danois, et l’on se passait de couverture et de
rembourrage pour les meubles. Cela explique la simplicité et l’apparent dépouillement des
meubles de l’époque.
Le projet devait également satisfaire certains critères : les meubles produits se devaient d’être
résistants, légers et non encombrants (cf.vol.2, annexe 3, fig.102). En conséquence, il parut
légitime à Börge Mogensen de recourir à la méthode développée par Kaare Klint puisqu’elle
satisfaisait tous ces points.
Concernant les chaises, le modèle retenu était les modèles Windsor ou celui à bâtons suédois.
Alliant solidité a légèreté, elles offraient donc le meilleur schéma constructif, d’autant que
leurs bâtons très simples étaient facilement productibles. L’intérêt de Mogensen pour ces
meubles simples était donc le même que celui de Klint.
Avec la création du département de mobilier chez FDB c’est la première fois que le
consommateur moyen danois à un accès systématique et presque national à du mobilier à des
prix raisonnables. Les marchés étrangers trouvent également de l’intérêt dans le mobilier
512 Mogensen, T., Et fuldt möbleret liv: en bog om Börge Mogensen, op. cit., p.30 513 Hansen, Per H., Da Danske Möbler blev moderne: Historien om dansk Môbeldesigns storhedstid, Odense &
Köbenhavn, Syddansk Universitetsforlag & Aschenoug, 2006, p.237 514 Mogensen, T., Et fuldt möbleret liv: en bog om Börge Mogensen, op. cit., p.37
185
FDB, et l’exportation s’organise vers l’Angleterre, l’Allemagne, la France, la Hollande, la
Norvège, la Suède et les Etats Unis (le plus grand marché)515.
D’autre part, Börge Mogensen travaillait également à l’exposition annuelle de certains maîtres
ébénistes dont les meubles étaient du même genre, légers et faits le plus souvent de bois
danois très clairs tels le hêtre, le cerisier, le pin et le mélèze (cf.vol.2, annexe 3, fig.105 à
107).
Dans le cadre de son travail pour le FDB, Mogensen sera même amené à retravailler la chaise
dessinée par Klint pour l’Eglise de Grundtvig, tant en le simplifiant. Il conserve donc le
dessous sans entretoise et l’assise faite de cannage tressé, mais change le haut pour permettre
un meilleur maintien du dos (cf.vol.2, annexe 3 fig. 103). La table à dîner associée à cette
chaise (cf.vol.2, annexe 3, fig.106) sera aussi influencée par des meubles simples et
populaires. Ici, le modèle est un type de table développé au 20ème siècle par les menuisiers
Shakers, même référence que pour Klint.
Au Danemark, Fritz Schlegel dessina en 1932 une série de modèles bon marché pour
l’industrie et lorsque Börge Mogensen en 1936 travailla au bureau d’étude de Mogens Koch,
il se consacra aux meubles modulaires de combinaison du même style destinés à l’hôpital de
Skive.
Börge Mogensen poursuivit donc sa mission de développement chez FDB. et contribua au
lancement d’une série de meubles en pin.
En 1950, la série fut déclinée en hêtre, moins coûteux, et dans une version encore simplifiée.
Dans le cadre de ce projet, Börge Mogensen tenta de marier une production rationaliste avec
les conceptions théoriques de l’école de Klint. On travaillait alors à la simplification de la
production autant qu’aux mesures cohérentes satisfaisant un usage quotidien (cf.vol.2, annexe
3, fig.108 à 112).
On tenait évidemment en compte des mesures humaines. La hauteur normale de la table
entrant dans la division horizontale, les hauteurs étaient adaptées à la hauteur normale à
laquelle l’homme peut étendre ses bras. On prenait également en considération la hauteur
maximale qui, une fois déterminée, correspondait à la hauteur d’une porte standard.
La série baptisée Les armoires de construction de l’habitation (cf.vol.2, annexe 3, fig.113 et
114) est donc le premier système de mobilier cherchant à établir un lien architectonique entre
les meubles et l’espace.
Dans les éléments d'armoires, on pouvait, selon ses besoins, ajouter des plateaux ou des
tablettes amovibles. Les tablettes pouvaient être combinées à l’envie. Ces meubles entraient
alors tout à fait dans la vision que Kaare Klint avait développé à l’école du meuble à
l’Académie des beaux-arts de Copenhague.
Tous les éléments mesuraient 122 cm en largeur. La profondeur des placards était de 43,5 cm,
les étagères de 26 cm et de 33,5 cm. La hauteur des éléments était de 65 cm, 85 cm et de
131,5 cm. Ainsi on avait aussi obtenu une standardisation des différents éléments et de leurs
hauteurs une fois assemblés, chose que Klint n’était pas parvenu à faire (cf.vol.2, annexe 3,
fig.112).
Börge Mogensen quitta le FDB. en 1950 et ouvrit son propre bureau d’étude. Le premier
projet qu’il obtint fut celui d’une série de meubles à bas prix destinés à une fabrication
515 Hansen, P. H., Da Danske Möbler blev moderne: Historien om dansk Môbeldesigns storhedstid, op. cit,
p.243
186
industrielle. Plus développées que les précédentes, cette nouvelle série comprenait des tables
de bureau ou de travail, de tables à dîner, différents genres de chaises ainsi que des lits
superposables tous de forme et de manufacture très simples.
La population ayant encore un besoin de rangement assez limité dans les années 1940, les
meubles réalisés par Mogensen pour le FDB s’utilisaient séparément ou faisaient partie d’un
petit ensemble tel des éléments d’étagères. Mais, au lendemain de la seconde guerre mondiale
le niveau de vie s’élevant, les gens se mirent a accumuler en quantité des objets aussi divers
que des radios, magnétophones, électrophones et autres télévisions, cela même lorsqu’ils ne
disposaient que d’un espace réduit, ce qui entraînait bien évidemment des nécessites de
rangement.
Après la guerre, Mogensen fut nommé conseiller auprès de l’Institut de recherche sur la
construction et travailla entre autres avec l’architecte Grethe Meyer à l’élaboration de
meubles tenant compte des besoins de cette société nouvelle.
Ces systèmes bénéficièrent des connaissances qu’avait acquis Mogensen auprès de Kaare
Klint à l’Ecole du Meuble à l’Académie de Beaux Arts de Copenhague, et de son expérience
avec la FDB. Les placards Boligens Byggeskabe (les placards de construction de l’habitat)
étaient des placards encastrés allant aussi bien à un séjour, une salle à manger qu’une chambre
de coucher. Cette multifonctionnalité leur valut un succès phénoménal.
Ce souci de normalisation et d’organisation rationnelle du foyer préoccupait les architectes et
les designers « modernes » depuis le début du 20ème siècle. On pense, en France notamment,
aux travaux de Francis Jourdain dans les années 10. Ils prirent d’autant plus d’ampleur après
la seconde guerre mondiale lorsque les pays durent faire face à d’urgents problèmes de
reconstruction. Même si le Danemark fut moins touché que la France, l’Allemagne ou la
Grande-Bretagne, ses architectes et designers tels que Kay Fiskar, Viggo Sten Möller et Börge
Mogensen participèrent à ce courant.
Cette demande grandissante de rangements constitua le point de départ de la collaboration
entre Börge Mogensen et Grethe Meyer à partir de 1952. Ils s’efforcèrent de mettre au point
une série de meubles modulaires pouvant parer à toute nécessité de rangement, des meubles
capables de contenir aussi bien la télévision, la radio, le gramophone que des livres etc. Des
meubles qui devaient exploitaient au mieux l’espace disponible, aussi bien au sol que d’un
mur à l’autre (cf.vol.2, annexe 3, fig.112 à 114).
Ce nouveau système fait disparaître les murs faits d’étagères ou de caisses assemblées conçus
par Mogens Koch au profit un système de placards encastrés.
Avec ce système d’armoires appelé Boligens Byggeskabe (Placards de construction de
l’habitation), le meuble habituel de rangement cessa d’être un meuble au sens ou on
l’entendait habituellement. Tout en conservant les qualités techniques d’un meuble, ils ne sont
plus mobiles, et ils font maintenant partie intégrante du mur. La façade s’assimile à des
boiseries ou des lambris, le meuble et l’espace se confondent, ce sont dorénavant des meubles
« immeubles ».
Les armoires penderies furent le résultat de longues études basées autour des mesures
standards de vêtements et du nombre possédé par chaque tranche d’age : Le livre de la
construction (1962).
Seules quatre tailles de tiroirs suffisent alors à couvrir toutes les tailles d’étagères et de
cabinets de la très large série. Les côtés inférieurs des tiroirs étaient équipés de lamelles
permettant ainsi de partager les tiroirs en plusieurs compartiments calculés en fonction des
187
mesures de tout type de vêtements pliés. Cette série se situe alors tout à fait dans la lignée des
recherches effectuées par Klint et ses élèves à l’Ecole du meuble autour des mesures sur la
vaisselle. Ici B. Mogensen et Grethe Meyer les appliquent aux vêtements.
La série des « Placards de construction de l’habitation » plus que satisfaire une demande du
public, révèle un nouvel aspect du travail de l’architecte ou du designer. En effet,
contrairement aux meubles traditionnels auxquels rien ne pouvait être enlevé ou ajouté, ceux-
là ne sont jamais terminés, ils correspondent en cela à l’idée de « forme ouverte »516.
Le système de mesure de la série des placards permettait qu’elle puisse à tout moment être
complétée par d’autres éléments répondant à de nouveaux besoins de rangement. La série
pouvait même être adaptée à une utilisation dans les écoles.
Enfin, le système peut être complété par des types de meubles habituellement utilisés comme
prolongement, tels les bureaux de travail, canapés ou autres étagères secrétaires.
Concernant le processus de construction, la série des Placards de construction de l’habitation
était très différente de ce qu’on avait connu jusque là. Alors qu’auparavant chaque placard
était conçu comme une caisse stable, les différents éléments étaient maintenant assemblés sur
place, tout comme l’étaient les maisons fabriquées industriellement (cf.vol.2, annexe 3,
fig.113 et 114). Cette idée de colisage « à plat » qui réduit considérablement les dépenses
d’exportation en optimisant l’espace de stockage a été largement popularisée par IKEA.
Les élèves de Klint ayant fait perdurer son enseignement, ils ont continué à appliquer ses
théories et à poursuivre ses idéaux esthétiques. Ainsi Rigmor Andersen, Mogens Koch et
Börge Mogensen ont retravaillé les motifs de leurs étagères et placards qui n’avaient alors
d’artistique que leurs belles dimensions et la belle qualité du bois choisi.
Pour ses buffets, Börge Mogensen a repris la division en deux corps proposée par Klint et a
transposé le travail d’ébéniste à la fabrication industrielle de très grande qualité et de haut
niveau technique.
Le buffet datant de 1957 fait en teck avec des charnières en cuivre en est un bel exemple. En
partageant les portillons en deux ceci permet de réduire la place nécessaire devant le meuble
et donc d’économiser l’espace (cf.vol.2, annexe 3, fig.115).
En plus du buffet et la commode, les meubles de rangement datant de 1957 contiennent aussi
une bibliothèque qui, d’un point vu constructif, a été réalisée comme les autres meubles de la
série et équipées des mêmes charnières. La devanture pouvait être soit en bois soit en verre.
Les bibliothèques pouvaient être équipés de plateaux ainsi que de tablettes maniables et
mobiles en fonction de la hauteur des livres (cf.vol.2, annexe 3, fig.116).
Entre 1955 et 1967, il crée une nouvelle série intitulée Öresund, réalisée à partir des résultats
obtenus lors des recherches de mesure menées avec Grethe Meyer (cf.vol.2, annexe 3, fig.
117). Il exploite ici au maximum les possibilités d’une utilisation flexible afin que la série soit
non seulement capable d’accueillir de nouveaux éléments mais aussi de modifier l’usage des
meubles déjà existants. En étendant toutes ces possibilités, le meuble pouvait alors répondre à
des besoins de rangement multiples et variés.
Tout comme avec les autres séries, les éléments de la série Öresund pouvaient aussi être
utilisés séparément, mais l’époque voulait qu’on les emploie principalement en tant que mur
d’étagères ou en cabinets.
516 Karlsen, Arne, Möbler tegnet af Börge Mogensen, op.cit.
188
La série Öresund fut créée dans un style plutôt neutre puisque Börge Mogensen était
conscient que ces meubles devraient côtoyer les meubles que les clients possédaient déjà dans
leurs maisons. Voilà pourquoi seul le design des poignées et charnières les distingue
discrètement des autres placards. Il est donc intéressant de constater comment Mogensen a
réussi à produire des meubles du quotidien, adaptés à leur époque, en y mettant tout de même
une petite touche personnelle.
Après la mort de Klint en 1954, Börge Mogensen prend sa relève au musée des Arts
décoratifs de Copenhague en tant qu’architecte du mobilier. Il dut notamment dessiner le
mobilier pour l’exposition de la collection de textiles du musée (cf.vol.2, annexe 3, fig.118).
La hauteur maximale des vitrines (110,2 cm) avait été déterminée en fonction de la taille
moyenne d’un homme et de sa capacité à visionner au dessus de celle-ci. Le dernier tiroir du
bas devait être quant à lui encore accessible à une personne âgée.
Les vitrines ont été faites en teck de Bangkok identique à celui que Kaare Klint avait utilisé
pour la grande majorité de son mobilier pour le musée.
Il est normal que Mogensen ait voulu poursuivre le plus fidèlement possible l’œuvre de Klint,
tout comme ce dernier avait, en son temps, prolongé celle de Bindesböll. Il semble d’ailleurs
que Börge Mogensen était la personne la mieux placée pour le faire.
Börge Mogensen réussit l’exploit de concilier production industrielle et qualité du mobilier.
Ses meubles, alliant simplicité et finesse, sont bien représentatifs du mobilier en bois
scandinave. Il ne peut être considéré comme le concepteur de nouvelles formes puisqu’il
s’inspire de formes anciennes (Shakers, siège Windsor, fauteuils chinois etc.) mais il a su les
adapter à une production industrielle dans des bois indigènes peu coûteux. De par ses
créations pour la FDB, et leur distribution dans tous leurs magasins au Danemark, il anticipe
d’une certaine façon la méthode du fabricant suédois IKEA.
En 1949, il créé une table à partir d’un seul morceau de pin californien. Pour cette table, il
développe « Skalstolen » avec l’aide de l’ébéniste Erhard Rasmussen. Siège exceptionnel,
loin des créations auxquelles il nous avait habitué, son travail se rapproche alors de celui
l’image de l’américain Eames que des Shakers ou des sièges en pin suédois. Mogensen
délaisse pour ce faire le bois massif au profit du contre-plaqué. Le dos du fauteuil est courbé
et collé au niveau de l’assise. Loin de son style habituel, le fauteuil ne remportera pas un
grand succès, mais sera repris à partir de 2004 par Fredericia Furniture dans sa série
« Classics ».
Finn Juhl (1912-1989) : le bois et le détail sculptural
Architecte formé à l’Académie de Beaux-Arts de Copenhague, il est de 1945 à 1955
professeur à l’école « Skolen for Boligindretning ».
Depuis 1938, ses meubles sont fabriqués par l’ébéniste Niels Vodder et exposés aux
rencontres annuelles de la guilde des ébénistes.
Suscitant un grand intérêt au niveau international, ses créations contribueront beaucoup à la
renommée dont jouit le mobilier danois d’après guerre.
Contrairement à Börge Mogensen, Juhl ne s’appuie pas sur les données sociales et
fonctionnalistes à la mode. Son approche avant tout sculpturale est très appréciée. Il
189
développe le concept de meubles « flottants »517, dont l’assise ne repose pas directement sur la
structure porteuse.
Tout en restant fidèle à la tradition d’ébénisterie danoise, il s’inspire de courants variés tels
l’art africain et l’art primitif, la sculpture organique incarnée, entre autres, par Jean Arp etc.
Ses meubles sont d’une extrême beauté, et le bois est traité de façon sculpturale.
Si Börge Mogensen et Mogens Koch s’inscrivaient dans la lignée de Kaare Klint, Finn Juhl
s’en éloigne volontairement, la jugeant trop traditionnelle et classique. Cette nouvelle
approche lui attire de nombreuses critiques, notamment celles de Börge Mogensen qui lui
reproche de ne pas faire du mobilier pour vivre, mais pour être vu518.
Juhl avait une nette préférence pour le teck (cf.vol.2 annexe 3, fig.119, 121 et 123), essence
présentant de nombreuses qualités (cf. chapître 1) mais qui malheureusement ne se travaillait
que lentement de façon industrielle en raison de la grande quantité de résine latexée contenue
dans le bois de teck. En 1952, il débute une collaboration avec C.W.F France qui solutionnera
très vite ce problème en munissant les machines d’éléments coupants en carbure de tungstène.
A partir de 1953, les meubles de Juhl sont fabriqués industriellement avec succès et ouvrent la
voie à de nombreux fabricants qui recourront à la même méthode, faisant ainsi les beaux jours
du mobilier danois en teck519.
Les meubles de Juhl furent appréciés autant internationalement qu’au Danemark où il
participa régulièrement à l’exposition annuelle des ébénistes (24 fois en remportant 16 fois un
prix)520.
A l’étranger, et surtout aux Etats-Unis, il participe à la création et à la décoration des salles
des Nations Unis à New York. En 1948, il rencontre Edgar Kaufmann Jr. avec lequel il se
liera d’amitié.
La production de Juhl se scinde en deux groupes. D’un côté, ses meubles, essentiellement
fauteuils et canapés rembourrés, qu’il montre pour la première fois au public en 1939-40 et
qu’il développe pendant les années 50. Ces meubles, très novateurs en terme de formes,
rappellent au public le monde animal. S’il est aujourd’hui aisé de faire le lien avec le design
organique, Juhl puisait surtout son inspiration dans la figure humaine, tout comme les
sculpteurs Henry Moore, Jean Arp ou Barbara Hepworth521. L’autre groupe concerne les
meubles « flottants », construits selon le principe de la structure porteuse et la structure
portée. Son approche ici est très différente quasi architecturale. Ceux-ci nous intéressent
particulièrement car Juhl commence à employer le bois. On peut trouver dans ces meubles des
références au fauteuil Rouge, Bleu de Gerrit Rietveld datant de 1917.
En 1944, il crée Le Petit Fauteuil ou N° NV 44 (cf.vol.2, annexe 3, fig.121) qui, bien
qu’encore lourd et sculptural, révèle déjà une finesse dans le travail du bois et une structure
porteuse. Ce petit fauteuil fabriqué en 12 exemplaires seulement par Niels Vodder était en
palissandre.
517 Despond-Barré, Arlette (dir.), Dictionnaire International des Arts Appliqués et du Design, Paris, Editions du
Regard, 1996, p. 314 518 Sieck, Frederik, Dansk Möbelkunst, Copenhague, Nyt Nordisk Forlag Arnold Busk A/S, 1990, p.19 519 Idem., p.38 520 Wivel, Henrik, Finn Juhl, coll. Danske Designere (dir Poul Erik Töjner), Copenhague, Aschehoug & Henrik
Wivel, 2004, p.18 521 Idem., p.35-36
190
En 1945, il crée FJ45 ou N° NV-45, toujours pour Niels Vodder. La structure a été allégée et
les courbes sont plus raffinées (cf.vol.2, annexe 3, fig.120). Ce modèle existe en divers
essences : bois de rose, acajou, teck ou noyer.
En 1948, il crée FJ48, exposé à l’exposition annuelle des ébénistes (cf. annexe 3, fig.121) et
produit par Niels Vodder et Baker Furniture aux Etats-Unis dans plusieurs essences de bois :
érable, acajou, cerisier et teck. Cette chaise est conçue comme un encadrement cubique autour
de l’assise et le dossier en cuir ou tissu. Ce modèle se décline également en canapé.
Le fauteuil Chieftain, datant de 1949 et fabriqué par Niels Vodder, fait partie des chefs
d’oeuvre du design danois (cf.vol.2, annexe 3, fig.119). Les formes expressives flottantes en
font un superbe fauteuil. Ce modèle existe dans différentes essences (teck, bois de rose,
érable, bois de noyer et cerisier) avec une assise et le dossier en cuir. Ce fauteuil sera pour la
première fois montré à l’exposition annuelle des ébénistes de Copenhague en 1949.
Autre siège exceptionnel, l’Egyptien date également de 1949 (cf.vol.2, annexe 3, fig.123). La
structure en teck est suffisamment légère pour porter l’assise et le dossier recouverts de cuir.
Au début des années 50, le fabricant américain Baker adapta ces meubles artisanaux à une
fabrication industrielle522.
L’utilisation du bois chez Juhl est avant tout une approche sculpturale. Le meuble devient un
objet esthétique et le bois est traité avec une grande attention. Il utilisait essentiellement des
essences « haut de gamme » de grande qualité: le teck ; l’acajou, du bois de rose, l’érable, le
noyer ou du cerisier. Cette belle approche du bois on le retrouve chez Hans J. Wegner ; autre
grand créateur danois.
Hans J. Wegner (1914-2007)
Après un apprentissage de menuisier débuté en 1927, il entre en 1936 à l’Ecole des métiers à
Copenhague. En 1938, il expose pour la première fois lors de la guilde des ébénistes à
Copenhague, une exposition à laquelle il participera régulièrement jusqu’en 1966 et où il
connut un franc succès (il a été récompensé 27 fois).
Pendant la guerre, il travailla au bureau d’études d’Arne Jacobsen en tant que dessinateur de
mobilier. Il travaillait entre autres à l’Hôtel de ville d’Aarhus, mais ouvre dès 1943 son propre
bureau de mobilier.
Après la guerre, en 1946, il commence à enseigner à l’Ecole des métiers d’art de Copenhague.
Il est intéressant de constater que contrairement à tous les créateurs danois de l’époque, Hans
J. Wegner n’a pas reçu de formation d’architecte.
Effectivement, aussi bien Hans J. Wegner que Börge Mogensen dont il était l’ami, incarnaient
une nouvelle génération de créateurs de meubles, première génération de designers dans le
sens où nous l’entendons aujourd’hui523.
Hans J. Wegner est reconnu comme étant le maître des sièges. Une spécialité qui s’est profilée
après en avoir créé plus de 500. Toujours à la recherche de la forme parfaite, sa production est
bien plus conséquente que celle de ces contemporains. La qualité de ses finitions et de son
522 Fiell, Scandinavian Design, op.cit., p.326 523 Karlsen, A., Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, op.cit., p. 89-94.
191
assemblage, due au savoir-faire de l’ébéniste, en seront la signature de ses créations.
S’inspirant à la fois de créations anciennes, comme le siège Windsor, les sièges chinois et les
shakers, il reste également très attaché à la vie moderne, ce qui permet de créer des modèles
d’une simplicité et d’une élégance remarquable. Wegner trouva ses sources dans l’histoire du
mobilier. Ainsi, il s’inspira de la chaise Windsor pour la Chaise Paon (cf.vol.2, annexe 3,
fig.131) et des chaises chinoises pour sa célèbre Chaise Ronde (cf. annexe 3, fig.126 et 127).
Ces modèles l’encourageront à réduire le meuble à sa plus simple expression constructive. Par
cet aspect, on peut tout à fait évoquer une continuité du travail de Klint qui se référait souvent
à des créations passées.
Mais contrairement à ceux de Klint, les meubles de Hans J. Wegner étaient destinés à une
fabrication industrielle. La Chaise Chinoise (cf.vol.2, annexe 3, fig.124 et 125) fut
notamment fabriquée en 1944 par Fritz Hansen, tandis que la Chaise Ronde (1949) est
aujourd’hui encore fabriquée par PP Möbler (cf.vol.2, annexe 3, fig.126 et 127). Ce recours à
l’industrialisation répond parfaitement aux demandes croissantes de l’exportation puisque le
mobilier danois et en l’occurrence celui de Wegner remporte un énorme succès à l’étranger,
notamment aux Etats-Unis. Wegner est avec Finn Juhl le grand représentant du design
scandinave aux Etats Unis. Cependant, contrairement à Juhl, il n’y a pas chez Wegner de
création autour de la forme libre ou d’approche sculpturale, il se tient au design organique
fonctionnaliste. Au Danemark, on parle souvent de Wegner comme du meilleur ébéniste au
monde, liant un contact privilégié avec son matériau, mais pas comme d’un designer.
Vers 1940, il collabore avec le fabricant Johannes Hansen qui se charge de la production de
ses premiers meubles.
En 1949, le vendeur de meubles Eivind Kold Christensen découvre La Chaise Ronde à
l’exposition annuelle des ébénistes de Copenhague. Kold Christensen travaillant étroitement
avec le fabricant Carl Hansen & Sön, il demanda à Wegner de dessiner quelques meubles
pour eux. C’est également lui qui lança l’idée d’une production massive industrielle de
qualité. Fourmillant de projets, il mit cinq fabricants de meubles en relation avec Wegner des
le début des années 50. Cinq usines spécialisées qui s’associeront plus tard sous le nom de
Salesco (Sales Compagny). Carl Hansen & Sön à Odense fabriquait des sièges, Getama sur la
côte ouest les meubles rembourrés et des lits, A.P.Stolen à Copenhague ceux dont les assises
et dossiers étaient couverts de tissus, Ry-Möbler, au coeur de Jytland, les meubles de
« conservation » et Andreas Tuck à Odense s’occupait de toutes sortes de tables.
Sans l’intervention de Kold Christensen, Wegner n’aurait probablement pas connu le même
succès en tant que créateur « industriel ». Jusqu’à la fin des années 60, l’organisation de
production et d’export Salesco ne produira que les meubles de Wegner.
C’est notamment pour Carl Hansen & Sön que Wegner créa le Chaise Y, l’un de ces fauteuils
les plus vendus (cf.vol.2, annexe 3, fig.128).
Wegner entame ensuite une nouvelle collaboration avec le fabricant PP Môbler (fondé en
1953). En 1969, il dessine pour eux le modèle PP 201 (cf.vol.2, annexe 3, fig.129). Ce sera le
début d’une nouvelle évolution pour Wegner. Einer Pedersen, élève d’A.J. Iversen, s’évertua
à améliorer les classiques du design danois des années 50 par le biais d’une production
industrielle. En 1991, lorsque Johannes Hansen ferme, PP Möbler récupère des modèles
mobiliers d’une excellente qualité d’ouvrage, même si issus d’une production industrielle. Le
fait que PP Môbler reprenne les créations entraîne un nouveau changement : en effet, alors
que jusqu’ici Wegner avait principalement employé du teck ou du merisier, les meubles se
déclinent maintenant dans des essences claires telles l’érable ou frêne, qui sont plus en phase
192
avec le goût des élites du milieu des années 60. Ainsi les meubles dessines par Wegner
dessine vont être fabriqués dans des essences claires et le sont toujours aujourd’hui524.
Dans sa simplification des formes, sa recherche de la perfection et son respect de la tradition,
le travail de Wegner peut être rapproché de celui de Klint. Cependant, il s’en éloigne par
l’aspect sculptural de ses créations et surtout par le fait qu’il ait recouru à l’industrialisation.
Charlotte et Peter Fiell diront de Wegner :
Son approche organique, typiquement scandinave, comme le montre sa « Chaise Chinoise » (1943), son
« Paon » (1947), son « Siège-Y » (1950) et son « Valet » (1953), met l’accent sur l’importance des relations
physiques, psychologiques et émotionnelles entre l’Homme et son cadre de vie. En simplifiant, en épurant la
forme et la construction, Wegner parvient à créer des ré-interprétations intemporelles et suprêmement belles de
meubles classiques, où s’expriment le respect de la matière et l’intégrité de la structure525.
Pour lui, le meuble ne devait pas avoir d’envers, il devait pouvoir être vu de tous cotés. En
cela, il partage les principes intrinsèques de la sculpture.
Quasiment toute la production de mobilier de Hans J. Wegner est en bois massif, ou en bois
liée avec un autre matériau, essentiellement du bois d’acajou et du merisier. Aujourd’hui la
plupart de ses meubles, fabriqués par PP Möbler, sont en frêne ; bois correspondant
aujourd’hui beaucoup mieux au goût du consommateur pour des bois plus clairs.
A partir des années 50, Wegner s’impose comme l’une des figures majeures du design danois.
En 1944, il crée la Chaise chinoise, dans un premier temps fabriquée par Fritz Hansen en
acajou et en cerisier (cf. annexe 3, fig.127). Aujourd’hui, sous une forme légèrement
modifiée, cette chaise qui s’inspirait des modèles chinois du 18ème siècle, est fabriquée par PP
Möbler en frêne (cf.vol.2, annexe 3, fig.125). Elle connaîtra un grand succès lors de l’annuelle
exposition des ébénistes à Copenhague. La Chaise Chinoise de Wegner apparaît comme un
modèle simplifié et amélioré de l’original, plus moderne. Le premier modèle était fait de
merisier un choix conservateur et exclusif, avec une assise en cuir et non de bouleau comme
le souhaitait Fritz Hansen. Wegner continuera à améliorer cette chaise jusqu’en 1945 ou il
arrive à son modèle n° 4, qui semble plus « danois » avec une utilisation du bois de bouleau,
et une assise en paille.
La Chaise Paon date de 1947 et fut produite par Johannes Hansens Möbelsnedkeri A/S (cf.
annexe 3, fig.131).
Wegner dira :
Le but est d’exprimer quelque chose avec le bois, qui est naturel pour le bois ; de trouver ce qu’est vrai d’un
point vue de l’ébénisterie. Regarde la chaise « Windsor ». C’est une construction simple, quelque chose que les
anglais pouvaient faire il y a 200 ans, mais c’est également un design marquant, justement parce elle exprime de
façon naturelle ce qu’elle est526.
La chaise à bâtons en bois revient régulièrement au cours de la création mobilière danoise. Ce
modeste meuble ancien qui remonte au Moyen-Âge est source d’inspiration pour de
524 Source : www.ppdk.com 525 Fiell, Scandinavian Desig,n, op. cit., p.651 526 Hans J. Wegner cité dans Olesen, Christian H., Hans J. Wegner, coll. Danske Designere (dir. Poul Erik
Töjner), Copenhague, Aschehoug Dansk Forlag A/S & Lousiana, 2006, p.40
193
nombreux créateurs danois qui voulaient satisfaire aux besoins de simplicité du moment. Il en
est de même pour les chaises Windsor anglais du 17ème siècle qui ont inspiré Wegner pour la
Chaise Paon qu’il a magnifiée.
En 1949, il créé la « Chaise Ronde » qui sera produite par Johannes Hansens Möbelsnedkeri
A/S et lui vaudra une renommée internationale (cf. annexe 3, fig.130).
En 1950, The Chair, comme la nomment les américains, apparaît dans un article de plusieurs
pages dans le numéro de février du magazine « Interiors Magazine ». Choisie pour garnir la
salle de conférence de l’Unesco à Paris, elle est considérée comme très représentative du
mobilier danois de la fin des années 40, parce qu’elle s’inscrit dans une tradition qui va de la
chaise Klitmos de N.A. Abildgaard, la chaise Faaborg de Kaare Klint à la petite chaise
NV44 de Finn Juhl. Une chaise a l’apparence simple mais d’une extrême élégance.
En 1950, il sort la Chaise Y pour Carl Hansen & Sön (cf.vol.2, annexe 3, fig.128). Bien que
ceux-ci souhaitaient une chaise ressemblant à la Chaise Chinoise Wegner préfère en créer une
toute nouvelle, dérivée de cette dernière. La Chaise Y ou The Wishbone Chair, comme on la
nomme à l’étranger, fut des le départ destinée à une production industrielle mais avec des
qualités dignes d’un travail artisanal.
La chaise Valet de Chambre fut dessinée pour Johs. Hansens Snedkerier A/S en 1953 (cf.
vol.2, annexe 3, fig.130) et produite depuis 1969 par PP Möbler. Conçue avec un dossier qui
fait également office de cintre à vêtements, elle est très élégante.
En 1951, il gagne le premier prix Lunning.
L’engouement pour son travail, déjà grandissant au Danemark, sera encore davantage
renforcé par sa disparition prématurée527.
Les chaises de Wegner sont d’une rare beauté. L’exécution industrielle respecte parfaitement
la simplicité des lignes. Si à l’origine beaucoup de ses chaises étaient exécutés en acajou ou
en teck, elles sont aujourd’hui surtout produites en frêne.
Mogens Koch (1898-1992) :
Mogens Koch suivit un enseignement à l’Ecole d’architecture de l’Académie des Beaux-Arts
de Copenhague et fut diplômé en 1925, un an après l’arrivée de Klint. Il devient professeur
dans cette même section de 1950 à 1968.
Il fut ensuite employé par Ivar Bentsen avec qui il travailla notamment sur le projet du
fameux village de travailleurs et sur celui de la transformation de l’hôpital de Frederik en
musée d’Arts décoratifs avec l’aide de Klint.
Dans le domaine de l’architecture, Mogens Koch était un généraliste travaillant aussi bien sur
des plans de maisons, de monuments que sur des meubles, des textiles, de l’argenterie ou des
manuscrits. Jeune étudiant, il était déjà assistant à l’Académie des beaux-arts et devint par la
suite professeur dans le domaine de l’art de construire. De ce fait, il eut un grand impact sur
les générations futures d’architectes ayant la tradition fonctionnaliste comme leitmotiv.
527 Hans J. Wegner est décédé le 2 février 2007.
194
Cependant, Koch ne créa que très peu par lui-même car sa grande connaissance de la tradition
constructive danoise lui valut davantage de projets de restauration.
Mogens Koch suivit pendant toute sa vie les principes inculqués par Ivar Bentsen et Kaare
Klint : le respect des exigences de fonctionnalité, aussi bien dans la construction des maisons
que dans celle des meubles. Ils devaient être sans décorations, pratiques et résistants à l’usage
quotidien. Il préférait des matériaux tels que le bois, inusables et ne nécessitant que très peu
d’entretien avec une forme atemporelle. Tout comme Klint et Morris, il estimait qu’architecte
et designer devaient s’appuyer sur les expériences du passé.
Selon Arne Karlsen, il est difficile de noter une évolution dans le travail de Koch. En effet,
parce qu’il s’engageait ponctuellement sur des projets spécifiques, il ne ressort de son travail
aucune dominante ayant marqué son temps528.
A partir de son mariage et jusqu’à sa mort en 1992, il habita une maison de série dessinée par
Poul Baumann dont les idéaux se rapprochaient des siens. Une grande partie de ses meubles
fut dessinée pour cette maison, notamment ces petites caisses de livres dessinées en 1928 qui
furent adaptées aux petites pièces de sa maison (cf.vol.2, annexe 3, fig.132 à 134). Ces caisses
avaient de nombreuses possibilités d’utilisation et convenaient à des unités avec peu de place.
Pour Koch, l’important était le tout et non le détail, il cherchait toujours à créer une unité
entre la maison, le mobilier et les meubles. On pourrait presque parler d’art total.
Plus que tout autre meuble de rangement, les caisses de Mogens Koch correspondent aux
exigences de flexibilité dans l’utilisation prônée par Kaare Klint.
On retrouve en effet non seulement l’idée de fonctionnalité mais aussi l’aspect pratique et
multifonctionnel. Comme Klint, Koch était fasciné par les chiffres, la géométrie et les
mathématiques sans pour autant en faire quelque chose de mystique.
Selon Arne Karlsen, Koch utilisait les chiffres afin d’harmoniser les formes de la nature avec
celles créées par l’Homme529.
Tout comme Klint, Mogens Koch travailla beaucoup autour des nombreuses possibilités de
combinaisons inhérentes au carré et aux formats 2 x 3 et 3 x 4.
Koch a notamment transformé le système de mesure des systèmes d’encadrement de Kaare
Klint pour ses étagères de construction.
Bien qu’exposées régulièrement avec les meubles de Klint sur le stand de Rud. Rasmussen
lors des rencontres annuelles des ébénistes de Copenhague, les créations Mogens Koch ne
suscitèrent pas à l’époque un grand engouement de la part du public ou de ces confrères
(cf.vol.2, annexe 3, fig.132 à 135).
Les caisses de M. Koch peuvent être rapprochées des mêmes systèmes de rangement
développés par B. Mogensen à partir des recherches effectués par K. Klint. Ils existent dans
des nombreuses essences différentes notamment en pin, en frêne, en acajou, en merisier et en
teck, permettant ainsi de s’adapter au goût du consommateur.
528 Karlsen, A., Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, op. cit., Vol. II, p.16 529 Idem. p.22.,
195
Ole Waschner (1903-1985):
Architecte, designer de meubles et écrivain formé à l’architecture à l’Ecole de Beaux-Arts de
Copenhague, il y fut professeur de 1955 à 1973. Il publia en 1956 une « Histoire de l’art du
mobilier » et resta très marqué par les styles anciens.
Ole Wancher était le fils de l’historien d’art Vilhelm Wancher. Après avoir étudié à
l’Académie des beaux-arts de Copenhague, il sera de 1925 à 1927 employé dans le bureau
d’études de Kaare Klint pour des projets ponctuels. Il prit notamment les mesures de la
fameuse chaise Chippendale que Kaare Klint avait utilisé comme modèle pour la Chaise
Rouge.
En 1928, Ole Wancher ouvre son propre bureau d’études.
Dans ses premiers travaux de meubles Wancher était très influencé par Klint, en témoigne son
premier fauteuil où les lignes aussi bien constructives qu’esthétiques ont beaucoup en
commun avec le canapé qu’avait conçu Klint pour le Musée de Faaborg. En revanche, il s’en
démarque complètement dans ses travaux architecturaux.
Ole Wancher a été considéré par beaucoup comme l’héritier direct de Kaare Klint. D’abord
parce qu’il fut désigné, alors que Juhl et Mogensen la convoitaient, pour reprendre la chaire
de Klint à l’Académie des beaux-arts de Copenhague en 1954. Ensuite, parce que tout comme
Klint, Ole Wancher était très intéressé par les meubles anglais du 18ème siècle (cf.vol.2,
annexe 3, fig.136 et 137), les meubles historiques venant d’Asie (cf.vol.2, annexe 3, fig.138 à
1142) et les meubles pliables (cf.vol.2, annexe 3, fig.136).
Selon Arne Karlsen, il y aurait pourtant plus de différences que de ressemblances entre les
deux créateurs. La similarité ne résiderait que dans l’apparence formelle de leurs meubles
respectifs530.
Par exemple, en s’intéressant aux meubles historiques, tous deux avaient malgré tout des
objectifs différents, pour Klint, il s’agissait d’y puiser une inspiration pour ses propres
meubles et pour O. Wancher d’acquérir une vue d’ensemble de l’histoire de l’art du meuble.
De même, alors que Klint rejetait ou ignorait les périodes et sujets inutiles à son travail
immédiat, Ole Wancher s’avérait plus neutre, moins intransigeant dans sa manière de
s’exprimer, qu’elle soit écrite ou parlée.
Selon Arne Karlsen, les domaines de recherches de Klint étaient beaucoup plus vastes que
ceux de O. Wancher. Klint s’inspirait souvent des meubles populaires tels les Shakers tandis
que Wancher se cantonnait aux meubles aristocratiques. Par exemple : le tabouret pliant
intriguait Klint pour sa mécanique de pliage alors qu’Ole Wancher s’intéressait avant tout au
symbole de dignité qu’il représentait.
Wancher n’adhérait pas aux tentatives de normalisation de Klint et encore moins à sa quête
d’une forme parfaite, un archétype, s’appuyant sur les chiffres et la géométrie de l’espace.
Des raisons qui expliquent l’inclinaison d’Ole Wancher pour la création de chaises et non de
meubles de rangement531.
Malgré tout, les sièges de Wancher rejoignaient ceux de Klint puisque tous deux cherchaient à
épouser les formes du corps humain.
530 Karlsen, Arne, Dansk Möbelkunst i det 20. Aarhundrede, op. cit., Vol. II., p.36-46 531 Idem.
196
Comme Mogens Koch, Ole Wancher avait quelques réticences vis-à-vis du travail industriel.
En partie à cause de son perfectionnisme, il se priva par conséquent d’une production de
masse.
Tout comme Klint, Ole Wancher avait aussi un grand respect pour les matériaux, et comme
les autres créateurs de meubles danois des années 50 et 60, travaillait principalement le bois,
et surtout des essences exotiques comme le bois de rose et le teck.
Arne Jacobsen (1902-1971) et Fritz Hansen : la technique à la pointe de
l’évolution.
Architecte de formation à l’Académie de Beaux-Arts de Copenhague, où il suivit notamment
les cours de Kaare Klint, Arne Jacobsen est aujourd’hui l’un de designers danois les plus
connus. Son style incarne le modernisme danois d’après-guerre. En 1930, il ouvre son propre
cabinet.
Suivant une approche fonctionnaliste, la plupart de ses meubles sont créés dans le cadre d’un
projet architectural. Son design est, la plupart du temps, dicté par les matériaux et les procédés
industriels impliqués dans sa réalisation plutôt que par des considérations décoratives. La
réussite de Jacobsen réside dans sa faculté à avoir dépassé l’image des meubles traditionnels
faits main d’après-guerre et d’avoir été le premier créateur danois à les doter d’une image
« industrielle ».
Les créations de Jacobsen peuvent se scinder en deux périodes : l’une allant de 1925 à 1952
marquée par l’aspect traditionnel de l’enseignement de Kaare Klint. L’autre allant de 1952
jusqu’à sa mort, dominée par sa collaboration avec le fabricant Fritz Hansen. Durant cette
période, il délaisse la fabrication artisanale d’ébénisterie, chère aux créateurs scandinaves,
pour créer des meubles exclusivement destinés à une production industrielle532.
Nous l’avons déjà évoqué, la grande particularité du mobilier scandinave avait été d’avoir fait
perdurer l’artisanat pendant les premières années du modernisme. Jacobsen s’éloigne
volontiers de cette tradition.
En 1950, il entame une collaboration avec le fabricant Fritz Hansen qui aboutit à la
production de trois créations exceptionnelles qui connaîtront un succès mondial : la chaise
Fourmi créée entre 1951-1952 (cf.vol.2, annexe 3, fig.144), les fauteuils Cygne et l’Oeuf
(cf.vol.2, annexe 3, fig. 145) de 1958.
La chaise Fourmi est suivie des chaises de la Série 7 en 1955 (cf.vol.2, annexe 3, fig.144).
Avec cette structure en contreplaqué posée sur des pieds en acier tubulaire, Jacobsen est à la
pointe de la technologie. Son recours aux nouvelles techniques appliquées à la fabrication de
mobilier (moulages en contreplaqué et fibre de verre permettant de créer des sièges d’un seul
tenant en forme de coque) fait de lui un designer résolument moderne. La Fourmi (cf.vol.2,
annexe 3, fig. 144) était explicitement destinée à une fabrication industrielle, l’ensemble y
était réduit au minimum et pouvait s’empiler.
La référence à Eames y est évidente mais Jacobsen est pourtant le premier a créer une chaise
en contreplaqué moulé avec l’assise et le dossier ne faisant qu’un seul morceau tout en y
532 Thau et Vindum, Arne Jacobsen, Coll. Danske Designere (dir. Poul Erik Töjner), Copenhague, Aschehouh et
Lousiana, 2002, p.15
197
ajoutant un touché personnelle proche du design organique scandinave des années 50 et du
design streamline américain.
La Fourmi reçoit un grand prix à la Triennale de Milan en 1957. La nouveauté de la forme de
la coque assure à Jacobsen un statut international. Bien que la Fourmi soit uniquement
fabriquée en teck dans les années 50, elle se décline aujourd’hui dans une multitude
d’essences et de couleurs différentes.
Le fabricant de meubles Fritz Hansen se fit connaître à travers sa collaboration avec Arne
Jacobsen et la fabrication du siège best-seller Myren (la Fourmi), créé à la demande de
l’entreprise pharmaceutique Novo Nordisk. En 1996, la firme emploie 300 personnes et
génère un chiffre d’affaires de 350 millions de francs français qui la place en tête des
fabricants danois.
Fritz Hansen, maître ébéniste de Copenhague, débuta à la fin du 19ème siècle (1872). Il livrait
surtout des pieds tournés et des cadres pour du mobilier bourgeois, à la fois en bois mais
également en fer, pour la fabrication de meubles dans le style danois « Klunkestil », et était
donc plutôt loin de la fabrication moderne des meubles d’Arne Jacobsen.
Au milieu des années 40 la mode mobilière change pour des formes plus douces et arrondies,
donc il fallait adapter la production. Les formes courbées n’étaient pas une nouveauté. On
avait, depuis le milieu du 19ème siècle, fabriqué des formes arrondies pour les meubles en
« Klunkestil », notamment avec l’imitation du Rococo, mais également dans la fabrication de
la siège de Windsor. Mais quand on n’arrivait pas à courber le bois alors on le découpais,
fabriquant ainsi un gaspillage du bois très élevé, ce qui commençait à poser des sérieux
problèmes avec l’augmentation des prix et le manque de bon bois pour la fabrication des
meubles533.
En 1899 le fils de Fritz Hansen, Christian E. Hansen reprends, avec le comptable de l’époque,
les reines de la société. C’est lui qui va transformer la société en fabricant de meuble, et de le
développer dans les années à venir. Au début c’était surtout une fabrication de sièges n’étant
pas différent de ceux que l’on fabriquaient auparavant. En 1915 Christian E. Hansen s’essaie
pour la première fois dans la fabrication d’une siège en frêne courbé à la vapeur, et ceci
devrait changer la future de la société Fritz Hansen.
La société autrichienne Thonet s’était spécialisée dans ce genre de production depuis 1830,
mais la méthode de fabrication était tenue secrète. Déjà avant la Première Guerre mondiale la
société Fritz Hansen Eft. S’essayait à ce même genre de production. Les grandes lignes de la
fabrication de Thonet étaient connues et copiés chez beaucoup de fabricants partout dans le
monde, et également au Danemark, mais les détails et les petites finesses et secrets de
fabrication ne sortaient pas de Thonet. Donc ce n’était que après de nombreuses essais qu’on
chez Fritz Hansen était capable de fabriquer une chaise de ce genre en 1915, et pouvait
commencer une réelle production vers 1920. Cette production sera ensuite regroupée sous le
nom DAN-Stole (DAN-sièges) afin de signaler au consommateur qu’il s’agissait bien d’une
production purement danoise et non pas d’une vague imitation de Thonet. Par la suite Fritz
Hansen Ect obtiendra la licence de Thonet pour le marché danois et islandais. Le but premier
de cette licence étant certainement que Frits Hansen Etc. protège son marché, mais c’était
également une façon d’obtenir les derniers secrets de fabrication. pour les quelques 10000
modèles de Thonet. Mais le but de Fritz Hansen Etc. n’était non pas d’imiter et distribuer
purement les modèles de Thonet. Ainsi travaillait-on avec des architectes afin, tout en utilisant
la méthode de fabrication de Thonet, de créer des modèles avec un esprit plus nordique. C’est
une nouvelle aire qui commence chez Fritz Hansen Etc. En peu d’années l’usine va se
533 Andresen, Carl Erik, Dansk Möbelindustri 1870-1950, op.cit., p. 87
198
développer considérablement et devenir un acteur majeur dans le monde du mobilier
danois534.
Il tente même le mobilier en tubes d’acier mais la clientèle n’est pas prête pour ce mobilier
trop progressiste et moderne.
En 1960, il fabrique la chaise AX (cf.vol.2, annexe 3, fig.146) destinée à l’exportation et
expédiée en pièces détachées dans un carton.
De sa collaboration avec Arne Jacobsen, naissent plus de 50 modèles. La ligne audacieuse de
Jacobsen symbolisait la rupture avec les traditions du meuble artisanal.
Le Danemark ne représentant qu’un quart de son chiffre d’affaires, il travaille avec des
designers tels Vico Magistretti afin d’asseoir sa notoriété internationale.
En 1982, Fritz Hansen achète la firme de meubles Kold Christensen et récupère ainsi les
droits de fabrication du designer Poul Kjaerholm.
Fritz Hansen est aujourd’hui une entreprise extrêmement moderne, dont le processus de
fabrication est quasiment entièrement robotisé permettant garantissant ainsi rapidité et
précision de l’exécution.
A partir de la fin des années 40 plusieurs fabricants de mobilier de moindre taille
commençaient à collaborer avec des architectes afin de moderniser leur production. Par la
suite le nom de l’architecte devenait une part important dans le commercialisation et la
communication du producteur.
Il faut garder en tête, que pendant les années 50, il y avait la plupart du temps une grande
différence entre les meubles dessinés par les célèbres architectes et les autres meubles qu’on
pouvais voir aux différentes salons de vente. Certes la ligne générale de la plupart des
producteurs de meubles étaient devenu plus simple, mais étaient la plupart du temps toujours
rembourrés et en noyer foncé, car le grand public n’étaient par particulièrement convaincu par
le teck, l’essence le plus exposée aux expositions de la corporation des ébénistes. Même si les
meubles modernes prenaient de plus en plus de parts de marché, les meubles des expositions
de la corporation des ébénistes, et ceux venant des fabricants travaillant avec les architectes
loin d’être majoritaires sur le marché du mobilier danois dans les années 50 et 60. Le
consommateur ayant moins de ressources à investir dans l’aménagement de son intérieur était
obligé de se tourner vers les fabricants qui avait choisi la voie plus sûre, sans formes radicaux,
sans utilisation du teck, du chêne et du fer.
Pendant les années 50, la plupart des usines danoises fabricant du meuble étaient encore
relativement modestes avec entre 25 et 75 employés. Comparativement Fritz Hansen Etc.
employait environ 310 personnes, Söborg Möbelfabrik 133, France & Sôn environ 300, et
Rud Rasmussen qui était le plus grand atelier d’ébénisterie environ 46 personnes535. France &
Son était certainement le fabricant danois le plus orienté vers l’exportation, et était les
premiers danois à exposer au Salon du Mobilier à Cologne en 1954. La plus garde partie de
leur exportation partait aux Etats Unis, Canada et en Allemagne. En 1964 Fritz Hansen
employait environ 400 personnes et environ 55 % partait à l’exportation536.
534 Idem, p.88 535 Hansen, Per H., Da Danske Möbler blev moderne: Historien om dansk Möbeldesigns storhedstid,, op. cit.,
p.342 536 Idem, p.343-344
199
L’influence du mobilier en bois scandinave en Europe
La politique commerciale des pays nordiques
Pendant les années 1950, la Scandinavie devient synonyme de design et d’artisanat avant-
gardiste. Sa promotion est assurée par ses publications et ses exportations. Bien que les
Triennales aient promu le design scandinave, ce sont surtout les expositions, itinérantes
parfois, ainsi que certaines maisons culturelles, telle La Maison du Danemark à Paris et dans
une moindre mesure La Maison de la Suède, qui assureront la réelle publicité du design et des
Arts scandinaves à l’étranger.
Pendant la période 1946 à 1950 l’exportation baisse avec environ 50% en raison de la guerre
qui affectent à la fois la disponibilité des matériaux pour la fabrication mais également en
raison de la situation financière de l’Europe pendant cette période. L’année 1953 est
considérée comme l’année où l’exportation danoise, notamment, perse enfin.
Nous allons surtout nous appuyer sur l’exemple Danemark-France. Les plus gros importateurs
de meubles danois étaient les Etats-Unis, l’Allemagne de l’Ouest ainsi que la Suède. La
France n’arrive qu’en 5ème option. Mais l’exemple de la France est très parlant de
l’extraordinaire propagande et expansion qui a été mise en place au Danemark afin de
développer l’exportation de son mobilier à l’Etranger.
La Maison du Danemark :
Prenons l’exemple de la Maison du Danemark à Paris située au 142, avenue des Champs-
Élysées, Paris 8e. Sa construction eut lieu entre 1952 et 1955 et fut inaugurée le 23 avril 1955
en présence du roi Frederik IX et de la Reine Ingrid, du 1er ministre danois H.C.Hansen, du
Président français René Coty et de nombreuses personnalités tels le couturier Erik Mortensen
et le sculpteur danois Robert Jacobsen.
L’édification de cette Maison du Danemark fut décidée par l’Etat danois dans le but de
promouvoir l’industrie, l’agriculture et la culture danoise537.
Outre l’Office de Tourisme, la Maison de Danemark dispose également d’une boutique
réservée au départ à la Manufacture Royale de Porcelaine de Copenhague.
Depuis son origine, elle dispose d’un espace consacré aux expositions, lieu parfait pour la
promotion d’artistes et de thématiques danois. L’exposition inaugurale fut consacrée à
l’orfèvrerie et présentait notamment les objets de Kay Bojesen, les fabrications de Georg
537 L’administration officielle de la Maison du Danemark est transférée du Ministère du Premier Ministre au
Ministère de la Culture en 1961. En 1986 l’administration officielle est transférée du Ministère de la Culture au
Ministère des Affaires Etrangères. En 1997, il est envisagé de vendre la Maison du Danemark afin de financer,
en partie, la construction de l’Ambassade du Danemark à Berlin. Il est suggéré de trouver un lieu ailleurs dans
Paris pour les manifestations culturelles. Le projet est abandonné notamment suite aux vives protestations de
nombreuses célébrités danoises et françaises par une pétition. Le 7 avril 1999 la commission des finances décide
que la Maison du Danemark doit être transformée en « sujet de gestion particulier ». Elle sera désormais une
émanation du royaume du Danemark, une fondation de l’Etat mais autonome, gérée par un directeur et un
conseil d’administration. Le but de la maison de Danemark est de faire connaître et de promouvoir le Danemark
dans les domaines de la culture, des commerces et de la société, par rapport à la France comme par rapport aux
visiteurs de Paris. (Source : archives Maison du Danemark).
200
Jensen par Sigvard Bernadotte (1907-2002) et Henning Koppen (1918-1981). Il est vrai que le
Danemark était à ce moment précis plus connu en France pour son orfèvrerie et sa porcelaine.
Le mobilier danois commencera à se faire connaître a travers les exposions temporaires de la
Maison du Danemark et notamment celle intitulée « Formes Scandinaves », expositions
régulières qui ayant encore cours aujourd’hui.
L’une des toutes premières expositions fut consacrée aux habitations individuelles du
Danemark. Une petite partie du catalogue est également consacrée à l’équipement du
logement. On peut y lire :
Il est généralement admis que dans une société démocratique l’industrie des arts ménagers doit s’efforcer de
produire des objets de bonne qualité et de bon goût destinés à l’usage de la plus grande partie de la population,
et que les objets d’art, rares et de grande valeur, à la portée d’une minorité seulement, doivent avoir pour
mission culturelle d’être les modèles artistiques pour l’industrie.
En conséquence, l’industrie danoise du mobilier s’est engagée à produire de bons modèles de mobilier moderne
dont le prix soit à la portée de la majorité des bourses. Les coopératives danoises ont été les premières à
préconiser une production rationnelle de mobiliers-types simples, bon marché et bonne qualité.
L’exposition présente au public des modèles de meubles et d’équipement de cette catégorie ; la production en
série de ces objets les met à la portée de familles moyennes538.
Malheureusement, peu de mobilier est montré dans le catalogue, seule une liste reléguée à la
fin du petit ouvrage mentionne des meubles réalisés en série par « France & Daverkosen »,
« Carl Hansen & Sön » (Odense), « Anker Petersen » (Copenhague), « Andreas Tuck »
(Odense), « Fritz Hansen » mais également « FaellesForeningen for Danmarks
Brugsforeninger » (FDB) pour qui Börge Mogensen (1914-1972) et Grethe Meyer539 (1918)
avaient travaillé pendant de nombreuses années.
En 1956, une exposition fut consacrée à l’œuvre d’Axel Salto, présentant des céramiques, des
tissus imprimés et l’art graphique du créateur danois540.
En 1961541 eut lieu la première exposition autour de l’architecte danois Arne Jacobsen à la
Maison du Danemark, événement organisé avec le soutien de la revue française
L’Architecture d’Aujourd’hui. Au cours du vernissage, Monsieur André Bloc, directeur
général de « l’Architecture d’Aujourd’hui », remit à Arne Jacobsen le Grand Prix
International d’Architecture et d’Art.
L’exposition « Formes Scandinaves ».
L’exposition « Formes Scandinaves » proposée au Pavillon de Marsan à Paris en 1958 fit
découvrir au public français les arts décoratifs des pays nordiques. Cette exposition fut
organisée par les Associations d’Arts décoratifs du Danemark, de la Finlande, de l’Islande, de
la Norvège et de la Suède sur l’initiative de la Direction Générale des Affaires Culturelles et
Techniques au Ministère des Affaires Etrangères et de l’Union Centrale des Arts Décoratifs,
sous les auspices de l’Association Française d’Action Artistique.
Roger Seydoux, directeur général des Affaires Culturelles et Techniques, souligne dans
l’avant-propos du catalogue l’importance de cette manifestation542 :
538 Catalogue de l’exposition « Habitations Individuelles au Danemark », Maison du Danemark, 1955 539 Cf. Maitrise sur Kaare Klint, Pionnier du Design Danois, Op. Cit. 540 Cette exposition a eu lieu en 1956 également à la Maison du Danemark. 541 Du 28 juin au 14 juillet 1961. 542 Publicité apparue dans le revue « L’œil », n°118, octobre 1964, p.2.
201
Certes, cet art n’est pas inconnu des parisiens et parisiennes qui ont pu en admirer les productions et même, de
plus en plus nombreux, en orner leur maison. Mais jamais encore une collaboration de cette importance n’avait
été présentée au public français.
Il met également en avant l’intérêt de cette exposition en insistant sur l’invention des
scandinaves d’un style d’assemblement et de décoration qu’il qualifie de « véritablement
moderne », de sérieux et d’élégant543 :
Utilisant les matériaux traditionnels, verre, bois, fonte, porcelaine et même papier, ils ont su créer un art
entièrement neuf, adapté à nos conditions de vie.
Si R. Seydoux souligne l’élégance du mobilier, il précise aussi que l’esthétique ne cède jamais
le pas à l’aspect pratique et que cette réussite scandinave n’est pas due au hasard, mais est le
fruit de l’entente entre les artistes et les industriels544 : Les uns ont apporté à l’entreprise leur goût, leur sens de la matière, leur esprit créateur, les autres ont su faire
confiance aux premiers, assurer à leurs ouvrages des conditions de rentabilité suffisante, tout en les mettant à la
portée de chacun.
L’exposition met à la fois l’accent sur les particularismes des cinq pays en consacrant une
section à la vie moderne de chacun et sur les traits communs qui les unissent au niveau de
l’Art décoratif. C’est la première fois que le public français peut étudier plus précisément la
création nordique dans tous ses aspects. Même si l’exposition « L’Art du verre » organisée en
1951 au Pavillon de Marsan avait permis aux français d’admirer quelques verres des
manufactures de Kosta et d’Orrefors, c’est la première fois depuis 1937 qu’autant de mobilier
scandinave est rassemblé à Paris.
De nouveau, ce sont le respect de la tradition et la bonne entente entre artistes et fabricants qui
sont mis en avant dans la préface de Jacques Guérin, Conservateur en chef du Musée des Arts
Décoratifs à Paris545 :
Une des leçons que me semble se dégager de cette présentation, c’est d’abord la manière si particulière avec
laquelle les artistes Scandinaves ont su s’appuyer sur la tradition pour la moderniser et la rendre adéquate à la
vie contemporaine – c’est aussi et dans le même esprit la réussite de l’entente entre les industriels et les artistes
pour laisser aux objets ou au mobilier fabriqués en grande série la saveur indéniable et la caractéristique de
chaque créateur.
L’exposition « Formes Scandinaves » trouvera beaucoup d’échos dans la presse
spécialisée qui y consacrera de grands articles illustrés : cinq pages dans Mobilier et
Décoration (n° janvier février 1959, p.21-25), cinq pages dans La Maison Française (n°123,
décembre 1958, p.56), quatre pages largement illustrées dans Aujourd’hui Art et Architecture
(n°20, décembre 158, p.94-97), quatre pages dans Meubles et Décors (n° 727, février 1959,
p.76-79), une page dans la Revue de l’Ameublement (novembre 1958, p.11-15) et une demi
page dans Art et Décoration.
Dans tous, on souligne les caractéristiques de l’art nordique, c'est-à-dire, selon Monique
Ricour, chargée de mission au Musée des Arts Décoratifs et auteur de l’article « Formes
Scandinaves » dans Art et Décoration546 :
543 Idem. 544 Ibid. 545 Ibid, p.7-8 546 « Art et Décoration », n°70, 1958, p.47
202
Il est incontestable que les objets créés en Finlande, Norvège, Suède, Islande ou au Danemark réunissent des
qualités essentielles ; simplicité des lignes, noblesse de la matière, formes adaptées aux usages de la vie
quotidienne.
On note surtout ici la noblesse de la matière.
Est une fois encore, l’accent est mis sur l’étroite collaboration entre les artistes et les
fabricants.
Pour cette exposition au Pavillon Marsan, chaque pays participant a créé son propre espace :
un sauna typiquement finlandais, une chambre d’hôtel moderne aménagée par le danois Arne
Jacobsen, le vestibule d’un hôtel de haute montage en Norvège, le foyer d’un théâtre suédois
et enfin un Musée d’Arts Décoratifs islandais. Les pièces uniques côtoient les objets en série.
La revue La Maison Française met d’abord en exergue le fait que l’exposition « Formes
Scandinaves » n’est pas une complète découverte de la décoration nordique. Dans l’article
intitulé « L’Exemple nous vient des pays scandinaves », on nous dit547 :
Depuis bien des années déjà de nombreuses magasins nous proposent des créations scandinaves – meubles,
argenterie, verrerie – dont la vogue croissante est le plus juste hommage rendu à ces pays qui, par le goût
autant que par la nécessité, ont développé au maximum l’art de bien vivre chez soi.
Dans cet article, il est question de l’aspect démocratique du design nordique ainsi que de son
adaptation à la vie actuelle et de l’étroite collaboration entre l’artiste et le fabricant.
L’objectif promotionnel de ce genre de manifestation est rappelé par une légende
photographique548 :
Tous les objets présentés ici et ceux qui sont exposés au Pavillon de Marsan, peuvent être obtenus sur
commande par l’intermédiaire de la Boutique Scandinave, au Printemps et chez Christofle. Nous rappelons qu’il
existe en France des maisons spécialisées diffusant des objets et des meubles scandinaves.
Aujourd’hui Art et Architecture consacre une large partie aux illustrations, mais souligne la
qualité indiscutable, une élégance certaine et le recours aux matériaux traditionnels : Créer un style contemporain parfaitement adapté aux conditions de vie actuelle549.
Dans l’article « Formes Scandinaves – un style accompli d’art industriel » publié dans Le
Jardin des Arts, Madame Yolande Amic se réjouit de ce que l’art scandinave, hautement
fonctionnel, ne soit pas pour autant une « machine à vivre » mais plutôt harmonieux, humain,
accueillant et chaud. Elle ajoute550 :
Dépouillé, cet art n’est jamais pauvre ; la qualité de la matière, la perfection du travail, le fini de l’exécution
donnent du prix au moindre objet : les formes restent simples, quelquefois élémentaires sans décrochement ni
fioritures, les couleurs calmes avec des subtilités de ciels du nord ; quelques éclats de tons francs viennent faire
chanter les harmonies grises et beiges dominantes.
547 « La Maison Française », n° 123, noël 1958, p.52 548 Idem. 549 « Formes Scandinaves » in Aujourd’hui Art et Architecture, n° 20, déc. 1958, p.94-97. 550 « Formes Scandinaves – un style accompli d’art industriel » in Le Jardin des Arts, n°5, jan. 1959, p.93-94
203
De plus, elle met en avant le fait que la modernité scandinave s’appuie sur une tradition
artisanale et met en parallèle les difficultés rencontrées par la création française au même
moment551 :
A l’inverse de ce qui se produit en France où esclave d’un passé trop riche on se détourne des réalisations
actuelles, - ce qui incite une grande majorité d’honnêtes fabricants à se contenter de copier sans esprit les styles
d’autrefois, - les Scandinaves ne retiennent que la connaissance intime de métiers centenaires : ce n’est pas par
des répétitions de formes anciennes que se manifeste leur sens de la tradition, mais par une fidélité au métier en
tant que métier vivant : vanniers, tisserands, potiers aussi bien qu’ébénistes industriels ou céramistes et
verreries de grandes manufactures, enrichis d’expériences anciennes, développent leurs techniques propres en
optant délibérément pour les lignes nouvelles, les coloris francs que nous aimons aujourd’hui.
On serait très curieux de savoir quelles pièces furent exposées lors de cette manifestation,
malheureusement, seul le petit catalogue d’exposition nous est resté, un catalogue qui ne
présente pas les différents ensembles mais simplement des illustrations des différents objets
d’argenterie, de verre et de céramiques.
On y apprend toutefois que la première salle d’exposition avait pour thématique la tradition
vivante. L’idée était de montrer le profond enracinement des arts appliqués scandinaves dans
l’art populaire traditionnel :
En effet, en intégrant les données traditionnelles à une production adaptée aux besoins de la vie moderne, on
enrichit cette production d’un apport stimulant et d’une source d’inspiration dont le milieu familial ne peut que
bénéficier552.
Dans cette pièce, on pouvait entre autres admirer : un bracelet en argent de l’Islandais
Jòhannes Jòhannesson, des poteries émaillées de la norvégienne Anne-Marie Backer Mohr et
des sceaux en verre du suédois Erik S. Höglund. Malheureusement, pas d’illustrations de
meubles présents dans cette pièce.
Suit une salle consacrée au thème de « Plus de Beauté dans les objets d’Usage Courant »
reprenant l’un des grands slogans de la Suède des années 20. Avec l’idée de faire profiter les
objets les plus simples des perfections artistiques l’idée était d’ exposer les résultats auxquels a abouti l’étroite coopération entre les artistes et les entreprises industrielles pour
la mise au point d’articles fabriqués en série553 ».
On nous montre ensuite des gobelets en cristal créés par le Norvégien Willy Johansson
(1921), de la coutellerie de table en acier inoxydable avec des manches en bois créés par le
Finlandais Bertel Gardberg (1916), de la vaisselle de table « Kîlta » en faïence fine par le
Suédois Stig Lindberg (1916-1982), un bol et assiette en cristal coloré par le Finlandais Timo
Sarpaneva, du coutellerie de table en acier inoxydable avec des manches en nylon par le
Suédois Folke Arström (1907-1997), une théière en porcelaine créée par la Danoise Gertrud
Vasegaard (1913), des bols en verre créés par le suédois Sven Palmquist (1906-1986), ainsi
que de la coutellerie de table en acier inoxydable créé par le Danois Arne Jacobsen.
Le thème de la troisième salle était : « Artisanat Artistique Individuelle ». Ici étaient
présentées des pièces uniques en tapisserie, cristal, verre, argent, émail, grès de grande
qualité : les vases en grès du norvégien Erik Plöen, le fameux plat à poisson en argent créé par
le Danois Henning Koppel pour Georg Jensen, des tapis de laine « rya » par le Finlandais
551 Idem. 552 Catalogue de l’exposition « Formes Scandinaves », Paris, Pavillon du Marsan, p.18 553 Idem.
204
Kirsti Ilvassalo, un service à café en argent créé par le Suédois Nanny Still (1926), un pot en
grés de la Danoise Eva Staehr-Nielsen, l’émail de Natalie Krebs, une chaise en bois de teck et
rotin créée par le Danois Hans J. Wegner (1914), des bijoux en argent de la Norvégienne
Grete Korsmo (1900-1968) et enfin un tapis en laine « rya » créé par l’Islandais Jùliana
Sveinsdöttir.
Une quatrième salle s’articulait autour de la lecture. Ici, le visiteur pouvait feuilleter des
revues et autres publications sur les pays nordiques et ainsi compléter sa visite de
l’exposition. Malheureusement, personne n’a pu nous renseigner sur les livres et revues
exposés dans cette salle. En revanche, nous savons que cette petite salle de lecture était
également décorée pour constituer une synthèse entre les meubles, les textiles et l’éclairage
nordiques. Si on se fie aux illustrations, ce petit salon était orné de mobilier en bois et métal
du danois Poul Kjaerholm et complété par du tissu créé par Timo Sarpaneva.
Venaient ensuite les cinq pièces précédemment citées, mises en place par chacun des pays.
D’abord, une antichambre pour le sauna finlandais. Apparemment peu de mobilier était
exposé dans cette pièce. Seule une table et un fauteuil d’Antti Nurmesniemi (édités par
Artek), une banquette de Carin Bryggmann, ainsi qu’un tabouret de sauna fait par Ilmari
Tapoivaara (édition Artek). Le tout avait été organisé par Mme Carin Bryggmann.
Malheureusement, il ne fait mention d’aucun meuble finlandais dans le catalogue.
L’Islande consacre sa pièce à ce qu’ils appellent « Dans l’atmosphère du musée » censé
représenter quelques aspects de l’industrie d’art islandaise moderne dans le cadre d’ouvrages
des siècles passés. Seule est illustrée dans le catalogue une chaise en bois de teck créée par
Sveinn Kjarval, chaise à la fois simple de construction et complexe dans les détails (voir
annexe 3, fig.80).
La Norvège présente le vestibule d’un hôtel de hautes montagnes. Encore une fois pas de
mobilier présenté, nous savons seulement que la table et le fauteuil occupant la pièce ont été
dessinés par Bendt Winge.
La section danoise a été créée par Arne Jacobsen et représente « La chambre d’un hôtel
moderne », sujet tout à fait en accord avec ses préoccupations. Dans le catalogue est reproduit
la chaise en bois « Grand Prix » de Jacobsen édité chez Fritz Hansen à partir de 1957.
La section suédoise, est représentée par « Un foyer de théâtre » :
A partir de quelques éléments peu nombreux – un plancher revêtu de marbre suédois, un mur couvert de
céramique, une draperie, un dispositif d’éclairage et quelques meubles légers – elle tâche de créer l’atmosphère
du foyer d’un théâtre moderne554.
L’aspect très simple des meubles en bouleau moulé de Bruno Mathsson éloigne du décor
habituellement chargé des théâtres plus classiques.
La Suède
Les Suédois avaient également ouvert une Maison de la Suède au numéro 125 des les
Champs-Élysées. Tristement, personne n’a pu ou voulu répondre à nos questions sur le sujet.
Nous savons seulement que sa création fut le fruit des efforts conjugués de la chambre de
commerce suédoise en France, de la Maison de la Suède et du bureau d’étude Gérard et Pierre
ensembliers. Une publicité nous apporte quelques informations :
554 C’est la période où Arne Jacobsen construit l’hôtel SAS situé en plein cœur de Copenhague.
205
La Maison suédoise sera le reflet réel des formes suédoises pour la présentation d’une exposition vente
permanente de meuble, tissus d’ameublement, verreries de table et d’ornementation, céramique, orfèvrerie, linge
de table.
(…)
Ouverture de la Maison Suédoise 125, Champs-Élysées (immeuble de la Maison de la Suède) le 25 octobre
1954.
Autres expositions consacrées au mobilier scandinave.
Une fois la création scandinave connue, de nombreux magasins et galeries organiseront des
expositions sur ce thème. Citons par exemple cette exposition représentant des bibelots et
meubles suédois organisée en 1953 aux Galeries Lafayette555 :
La Suède a depuis longtemps étonné l'Europe par la qualité esthétique de sa production industrielle
pour tout ce qui touche au décor de la vie. Nous avons été parmi les premiers à vanter ce que pouvait présenter
de neuf, de sain, de logique, les intérieurs ainsi réalisés. Les Galeries Lafayette ont exposé des bibelots et des
meubles achetés en Suède....
Dans le n° 1 de janvier février 1956 de Mobilier et Décoration , on évoque également une
exposition danoise au Galeries Lafayette.
« La Galerie Mai » consacra une exposition aux meubles d'Alvar Aalto en février 1956556. Le
Courrier du meuble nous révèle qu'une exposition de meubles scandinaves venait d'avoir lieu
à la Galerie « Art et Evolution » dirigée par M. Lagnel à Lillebonne en Seine-Maritime557.
Tout ceci nous montre bien que l’engouement pour le mobilier scandinave n’était en aucun
cas un phénomène limité à Paris mais aussi à Strasbourg à « Strasbourg Ameublement558 », à
Toulouse (sans toutefois, nommer de société)559, à la « Galerie 136 » du 136 rue St. Honoré à
Paris, à Saint-Étienne au magasin « Studio 27 »560 et enfin, du 19 au 30 novembre 1963, dans
le magasin « Home Contemporain » de la société « France Ameublement », rue Beaumanoir à
Lorient561.
Selon le Courrier du Meuble, il y eut également une exposition en 1963 au Musée des Beaux-
Arts de Rouen consacrée à de nombreux meubles, luminaires et objets ménagers finlandais562.
De même, du 24 novembre 1972 au 7 janvier 1973, le public français put découvrir la
tapisserie finlandaise au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. En 1978, l’Espace Cardin
consacre une exposition au Design Danois où furent exposés des meubles déjà classiques de
Finn Juhl, Hans J. Wegner, Mogens Koch, Börge Mogensen, Arne Jacobsen, Poul Kjaerholm
et Jörgen Gammelgaard. Le Courrier du Meuble étant très peu illustré, il nous est impossible
de déterminer quelles pièces furent exposées a ces occasions.
Les revues :
Les revues ont également largement participées à la connaissance du mobilier scandinave.
555 In Le Décor d’Aujourd’hui, n°76, p.83 556 In Aujourd’hui Art et Architecture, n°7, mars 1956, p.93 557 In Courrier du Meuble, n°120, 25 juin 1961. 558 In Courrier du Meuble, n°137, 15 jan. 1962. 559 In Courrier du Meuble, n° 143, 15 mars 1962 560 Idem. 561 In Courrier du Meuble, 25 nov. 1963, p.1 562 In Courrier du Meuble, n° 198, 25 nov. 1963, p.3
206
Les salons et les expositions nordiques.
Comme partout ailleurs en Europe, les pays nordiques prirent l’habitude d’organiser des
salons de meubles. Nous ne savons pourtant que peu de choses sur ces manifestations si ce
n’est qu’elles se déroulaient le plus souvent au printemps et que les premières en Norvège
eurent lieu à Stavanger, celles des Suédois à Stockholm puis à Malmö, et celles des Danois à
Fredericia puis à Copenhague. Le salon du meuble suédois se déplaça à Malmö pour se
rapprocher du salon danois de Copenhague.
Dans le n° 81 du Courrier du meuble datant du 25 avril 1960, un communiqué concerne la
Foire du Meuble à Copenhague563:
Du 7 au 10 mai sera organisée la plus grande et intéressante exposition des meilleures productions de meubles
danois qu'il y a eu à ce jour.
L'art du meuble du Danemark, traditionnellement riche, a suscité, ces dernières années, l'intérêt jusqu'au-delà
des frontières. Pour répondre à cet intérêt international, l'Association des fabricants de meubles du Danemark a
pris les mesures nécessaires pour l'organisation d'une manifestation de grande envergure.
Nous avons dû constater que les foires annuelles du meuble à Fredericia ne répondaient plus aux exigences,
lorsqu'il s'agit de présenter l'ensemble des meilleures productions de l'industrie danoise du meuble. Ni les
locaux ni les hôtels de Fredericia n'étaient en mesure d'assumer cette grande tâche. Le choix s'est donc porté sur
les importants locaux d'expositions du "Forum" à Copenhague où une foire du meuble sera organisée aux dates
citées ci-dessus qui sera de loin la plus grande et intéressante manifestation consacrée à cette industrie.
A part les meubles dans le célèbre style danois, seront également exposés des tissus d'ameublement et des
articles d'éclairage pour le home. L'industrie des arts y participera aussi et le tout aura un ton de bon goût, de
distinction et de qualité.
Pour permettre à un maximum de clients étrangers de venir, les différents salons du meuble
scandinaves se déroulaient toujours plus ou moins au même moment.
Au début des années soixante, les revues françaises spécialisées en mobilier commencent à
s’intéresser à ces différents salons scandinaves.
Un premier article concerne le salon à Fredericia564 :
Des importateurs de 35 pays ont visité la Foire de Meubles danois qui s’est tenue à Fredericia au mois de mai.
275 fabricants ont exposé leurs dernières créations à cette Foire réservée exclusivement aux professionnels.
Nous apprenons, grâce a cet article, qu’y figuraient les créations de Arne Jacobsen (pour
« Fritz Hansen Efts ».), de Hans J. Wegner (« Salesco »), de Verner Panton (pour « France &
Son ») ; de Nanna Ditzel (« Kolds Savvaerk »), de Grete Jalk (pour « P. Jeppesens
Möbelfabrik »), de Peter Hvidt (1916-1986), de Möelgaard Nielsen (1907-1993) (pour
« Soeborg »), ainsi que de Börge Mogensen (pour « Fredericia »).
A partir de 1968, la Finlande, la Norvège, la Suède, et le Danemark décident d’unir leurs
efforts de promotion du mobilier danois a travers le monde, les Norvégiens et les Finlandais
instaurent donc leurs salons annuels respectifs au Danemark et non plus dans leur propre pays.
C’est ce que l’on nomme, à partir de 1968, la Scandinavian Furniture Fair, dont la première se
tint du 16 au 19 mai 1968, les Danois auront leurs stands au Bella Centeret, les Norvégiens et
les Finnois au Forum et les Suédois resteront à Malmö, qui, de toute façon, n’est pas très loin
de Copenhague. Ce regroupement est expliqué par le Conseil Norvégien de l’Exportation lors
563 In Le Courrier du Meuble, n°81, 25 avril, 1960, p.3 564 Après Fredericia in Revue de l’Ameublement, octobre 1962, p.111
207
d’un communiqué publié dans Le Courrier du Meuble565 :
Les producteurs norvégiens sont pour la collaboration avec leurs concurrents scandinaves :
Au cours de ces dernières années, les Scandinaves ont remarqué qu’à l’étranger on considère leurs 4 ou 5 pays
comme un tout. Sur les 5 pays nordiques, 3 d’entre eux comprennent la langue de leurs voisins sans difficultés,
quant aux tendances culturelles elles sont souvent parallèles, sinon identiques.
Il y a quelques années, les producteurs de meubles et d’autres décorations d’intérieur du Danemark, de
Finlande, de Norvège et de Suède tirèrent de ces considérations la seule conclusion logique : ils lancèrent le
« style scandinave » qui fut rapidement réputé dans le monde entier pour ses lignes modernes et fonctionnelles.
Mais cela n’était pas une coopération dans le vrai sens du terme. A ce moment là, il semble plutôt que les
industries nationales individuelles découvrirent que le « style scandinave » pourrait être profitable.
Coordination dans la promotion des exportations :
Pourtant, de nos jours, les choses ont bien changé. En effet, les industries de meubles des 4 pays nordiques ont
engagé un spécialiste chargé d’analyser les marchés au profit des organisations professionnelles de ces 4 pays.
Cet expert voyage dans le monde entier, établit des rapports dont les industries du meuble de ces pays peuvent
tirer profit. Il existe encore un autre type de coopération étroite qui est beaucoup plus spectaculaire. Au lieu
d’organiser leur propre foire d’exposition de meubles dans leurs pays respectifs, les 4 organisations décidèrent
de coordonner leurs efforts en vue de promouvoir leurs exportations et d’établir des contacts avec les acheteurs
étrangers simultanément et au même endroit. C’est ainsi que naquit l’idée de Foire du Meuble Scandinave.
(…) Ainsi s’ouvrit en mai 1967 la première Foire du Meuble Scandinave.
(…) Cette exposition de meubles modernes fut véritablement la plus grande du monde.
Le directeur de l’organisation du meuble norvégien affirme que cette exposition commune à
Copenhague n’est évidemment qu’une réaction nécessaire pour faire face à des réalités économiques qui se
situent bien au-delà de l’influence des différents secteurs individuels de l’industrie. Les pays scandinaves sont
plus ou moins obligés de s’allier pour former un tout s’ils désirent relever le défi et faire face à la constellation
du marché en Europe Centrale. En Scandinavie, nous avons la chance de pouvoir fonder un tout basé sur des
ressemblances réelles et un héritage commun.
Ce commentaire synthétise bien les enjeux de cette nouvelle foire commune aux pays
nordiques au moment ou les exportations vers certains pays comme la France baissent au
profit des pays de l’Europe Centrale. Cette décision survint au même moment que celle
d’exposer ensemble à la Triennale de Milan sous l’appellation « Section Scandinave ».
La visite de professionnels de l’ameublement français est aussi l’occasion de se rendre à
d’autres expositions, notamment au Danemark à Copenhague, la fameuse exposition « Den
Permanente » - l’Exposition permanente d’arts appliqués et industriels au Danemark. Ce
projet d’exposition vente permanente date de 1931 lorsqu’on chargea une association
d’exposer, de vendre et de propager les produits d’art appliqués et industriels566. Un jury de
cinq membres et les membres de l’organisation décidaient de ce qui serait exposé. Les objets
choisis devaient répondre à un certain niveau de qualité esthétique et technique.
Indéniablement, « Den Permanente » joua un rôle crucial, qu’il soit direct ou non, dans la
formation des artisans et dessinateurs danois. De façon directe par la vente sur le marché
intérieur et extérieur, de façon indirecte car la vente des produits issus de petites entreprises
contribua dans une large mesure à la préservation du travail manuel dans la production
danoise. Les critères de qualité qu’elle s’imposait et l’image qu’elle véhiculait firent de « Den
Permanente » un lieu incontournable lors de tout séjour à Copenhague567.
Les différentes foires aux meubles n’étaient pas les seules occasions de voyages en pays
nordiques, de plus en plus de voyages d’études s’organisèrent.
565 In Le Courrier du Meuble, n°404, 26 avril 1968, p.5 566 Catalogue de l’exposition « Den Permanente – une idée avec succès », Maison du Danemark. 567 « Den Permanente » a même été utilisé, par Alfred Hitchcock dans son film « L’Etau » datant de 1969. Des
scènes furent effectivement tournés dans le boutique à Copenhague.
208
La Scandinavie :
L’incontestable succès du mobilier scandinave perdura au cours des années 60, la présence
des sociétés scandinaves au Salon International du Meuble à Paris en est bien la preuve.
Dans le numéro 105 du Courrier du Meuble datant du 25 janvier 1961 publie la liste des
exposants étrangers. Sont présents 10 firmes danoises (« P. Broste » de Copenhague, « Sika »
d’Odense, « Börge M. Söndergaard » de Copenhauge, « A/S Stilen Aage Pedersen » de
Hellerup, « France & Son A/S » de Hilleröd, « Finervaerket Jofa » de Slagelse, « Moforma »
de Copenhague, « Unikavaev A.S. » de Copenhague, « Denbo Dansk Kunsthaandvaerd » de
Lyngby, et « L.F. Foght » de Copenhague), « Karl Sorlie & Sönner » de Sarpsborg en
Norvège, 12 firmes suédoises (« A.B. Nylon fabrikan » d’Öseke, « L. Jungs Industrier A/B »
de Malmö, « R. Ingströms Möblefabriks AB » de Valdemarskvik, « Swedish Design AB » de
Stockholm, « Scandifurn » de Nässjo, « Edsby » de Verken, « Svenska Möbelfabrikerne » de
Bodafors, « Gemla » de Dio, « Fem Fabrik » de Vaggerud, « Nordiska Kompagniet » de
Stockholm et « Hugo Trods » de Bjornum).
Dans le numéro suivant du Courrier du Meuble on note568 :
Les exposants scandinaves, ont remporté un net succès d’estime mais n’auraient pas traité de gros marchés, du
moins avec les français…
Ce qui est confirmé par la Revue de l’Ameublement569 :
Les Scandinaves déjà habitués au succès de leurs créations sur le marché américain et européens, bénéficièrent
à Paris d’un accueil fort chaleureux, dû aux formes sobres et harmonieuses de leur mobilier en Teck. Toutefois,
la production scandinave n’a jusqu’à maintenant touché en France qu’un cercle d’acheteurs assez restreint.
Mais les négociants suisses, allemands, autrichiens et anglais s’étaient donnés rendez-vous dans les stands
scandinaves où les meubles en teck étaient une grande réussite. Dans ces modèles, la qualité est plus
déterminante que le prix qui n’a qu’une importance secondaire.
Malheureusement, peu de ces firmes existent encore et personne n’a souhaité ou n’a pu
répondre à nos questions concernant la production exposée à Paris pendant la période qui
nous intéresse. Il nous semble donc bien difficile d’identifier le genre de production en
question, d’autant qu’il existait encore à l’époque des fabricants de meubles de style rustique
dans les pays scandinaves.
En revanche, il ressort clairement de ce commentaire que si la France n’avait pas encore tout à
fait succombé au charme du mobilier scandinave, d’autres pays comme la Suisse,
l’Allemagne, l’Autriche et l’Angleterre connaissaient déjà la valeur marchande de ce mobilier
en teck, seul indice dont nous disposions.
L’année suivante, les Scandinaves reviennent en force avec dix exposants danois (« Brande
Möbleindustri » de Brande, « Foght » de Copenhague, « France & Son de Hilleröd,
« Glostrup » de Glostrup, « Hafnia Möbler » de Svejbaek, « Jeppesen » de Store Heddinge,
« Jofa Finervaerket » de Slagelse, « Lea Andersen » de Copenhague, « Mollers » de Höjbjerg
et « Sika » d’Odense).
De la Norvège, le seul représentant fut, une fois encore, « Sorlie et Sönner » de Sarobirg.
En revanche, les Suédois vinrent plus nombreux encore en 1961 avec 15 firmes
(« Abrahamssons » de Taberg, « Alsjunga » d’Alsjunga, « Edsbyverken » d’Edsby,
568 In Courrier du meuble, n°106, 5 fév. 1961, p.1 569 In Revue de l’Ameublement, avril 1961 1961, p.103.
209
« Fibram » de Stockholm, « Gemla Fabrikers » de Dio, « Industrier » de Valdmarsvik,
« Larsson » de Tibro, « L. Jungs Industrier » de Malmö, « Luxus » de Vittsjo, « Nässjo
Stokfabrik » de Nässjo, « AB Nybrofabriken » de Fröske, « String Design » de Stockholm,
« AB Svenska Möbelfabrikerna » de Bodafors, « AG Hugo Troeds Industrier » de Bjärnum et
« Ulferts Fabriker » de Tibro)570.
En 1965, lors du IIIe Salon International du Meuble à Paris, la présence scandinave est
impressionnante571 :
Six firmes suédoises (« Glas & Thé » de Hormantorp, « Luxus AB » de Vittsjo, « Orrefors
Glasbruck » d’Orrefors, « Skarabourg Möbelindustri Ab » de Tibro, « Ulferts » de Tobro et
« Svenska Möbelfabrikerna » de Bodafors).
Les norvégiens sont venus plus nombreux cette année là, avec sept exposants (« Bahus
Gustav Eftr » d’Os, « Jabobsen Möbelsnekkeri » d’Egersund, « Soltvedt A » de Liorvag,
« Viken Möbelfabrik » d’Oslo, « Nordas » de Nestlun, « Ryken » d’Oystese et « Skeie » de
Norhelmsund).
Mais c’est surtout la présence danoise, avec 27 firmes sur le stand, qui prédomine
(« Bernstorffsminde » de Korinth, « Bostup » de Bostup, « Brande » de Brande, « Brouers »
d’Aabyhöj, « Brorup » de Brorup, « Dyrlund » d’Aabyhöj, « Faarup » de Faarup,
« Feldballers » d’Aarhus, « Foght » de Copenhague, « Folsgaard Elektro » de Copenhague,
« Gern » de Hou, « Glostrup » de Copenhague, « Hansen & Guldborg » de Nörresundby,
« Hjerm » de Hjerm, « Jeppesen » de Store-Heddinge, « La Veseus » de Vinde, « Möbel
intarsia » de Bramminge, « Mollers » de Höjbjerg », « Preben Schou Danish » de Hillerup,
« Randers » de Randers, « Scantic » de Copenhague, « Sika » d’Odense, « Vejle Stole » de
Vejle, « Vinde » de Skive, « Sorö Stolefabrik » de Sorö et « Voss Ernest » de Frederecia.
Au IV Salon International du Meuble de Paris sont présentes 22 firmes danoises (« Bramin »
de Bramminge, « Brande » de Brande, « Brouers » d’Aabyhöj, « Dammaud & Rasmussen »
de Viby, « Dyrlund » de Copenhague, « Elsteds » d’Agerbaek, « Faarup » de Faarup,
« Feldballes » d’Aarhus, « Frandsen » de Spottrup, « Frem-Rojle » de Rojle, « Glostrup » de
Copenhague, « Hansen & Guldborg » de Nörresundby, « Lea L.E. Andersen » de Brönshöj,
« Möllers » de Höjbjerg, « Nielsen & Riis » de Viborg, « Nissens » de Horsens, « Preben
Schou Danish Furniture » de Copenhague », « Sika Möbler » d’Odense, « Urhhöj » de Vejle,
« Vamo » de Sönderborg et « Vejle Stole » de Vejle).
Quatre firmes norvégiennes (« Bahus » de Bergen, « Ekornes Fabrikker » d’Ikornes,
« Futurum » d’Oslo, « Westnofa » d’Orsta).
Huit firmes suèdoises (« Bodafors Svenska Möbelfabrikerne » de Bodafors, « Hagafors
Stolefabrik » de Nassjo, « Ryden Möbler » de Nybro, « Scandifurn » de Malmö, « Svensson »
de Kinna, « Swedish design » de Stockholm, « Tingstroms möbel » de Valdemarsvik et
« Troeds Hugo » de Bjarnum).
Et pour la première fois, un fabricant finlandais expose au salon (« Laukaan Puu » de
Laukaa)572.
On constate néanmoins une légère baisse de la présence des fabricants scandinaves. Si on
trouvait 40 firmes représentées en 1965, en 1966 nous en trouvons 35. Cette légère baisse va
se confirmer en 1969 pour la Ve Salon International du meuble de Paris. En tout, ne sont
présentes que 13 firmes scandinaves, dont « Ryden Möbler » de Nybro pour la Suède, « Asko
Oy » de Lahti pour la Finlande, et 11 firmes pour le Danemark (« Dan Ex Furnitur » de
570 In Courrier du meuble, n°170, 15 jan. 1963 571 In Courrier du meuble, n°238, 26 déc. 1964 572 In Courrier du Meuble, 14 jan 1967, p.13
210
Vamdrup, « Dyrlund » de Copenhague », « Faarup Möbelfabrik » de Faarup, « Glostrup
Möbelfabrik » de Glostrup, « Gudme Möbelfabrik » de Gudme, « Hansen & Guldborg » de
Nörresundby, « Mogens Kold » de Kerteminde, « Möllers Möbelfabrik » de Höjbjerg,
« Nordic Form » de Copenhauge, « Sika Möbler » d’Odense et « Vejle Stole » de Vejle).573
Contrairement aux Scandinaves, la présence des Italiens est en nette augmentation avec 129
exposants en 1969 contre 108 en 1967, ce qui confirme le regain d’intérêt pour le mobilier
italien au détriment du mobilier scandinave574.
Il apparaît également que, dans un premier temps les Suédois furent les plus présents au début
des années 1960, puis les Danois avec un pic en 1965. (1961 = 12 firmes suédoises contre 10
danoises, 1963 = 15 firmes suédoises contre 10 danoises, 1965 = 27 firmes danoises contre 6
suédoises, 1967 = 22 firmes danoises contre 8 suédoises, 1969 = 11 danoises contre 1
suédoise).
On note également la quasi absence des firmes finlandais, confirmant la réputation des
créations suédoises d’être des modèles uniques dont la circulation est plus que limitée et donc
recherchée.
Les pays scandinaves, surtout la Suède et le Danemark, étant restes fidèles au mobilier en bois
entre 1950 et 1973, ils ne subiront pas les effets contestataires d’une population lasse du
mobilier pop que l’on voyait en Italie ou en Grande-Bretagne. Une exception parmi d’autres :
Verner Panton.
Les boutiques.
La Boutique Danoise.
La plus importante boutique à Paris pour la diffusion de l’image de la création nordique et
surtout danoise est la Boutique Danoise, se situait non pas à la Maison du Danemark au 142,
Av. des Champs-Élysées comme beaucoup de gens le croient, mais au 32, avenue de
Friedland, Paris 8ème. Malheureusement, cette boutique fut vendue en 1984, à la mort de l’un
de ces fondateurs, Niels Edgar Tonn Petersen, et n’existe plus aujourd’hui575. La Boutique
Danoise eut sans conteste un énorme impact a Paris dans les années cinquante et soixante.
Selon Patricia Asbaek576, « La Boutique Danoise » avait été fondée en 1958 par son père
Niels Edgar Tonn Petersen et Preben Holm, le concept venant du Maroc où Preben Holm
possédait déjà un établissement de ce genre. Il se retire 7 ans plus tard et « La Boutique
Danoise » continue avec des petits actionnaires tels Samson Transport, Cadovius et Georg
Jensen. « La Boutique Danoise » faisait un peu office d’ambassade du Danemark où beaucoup
de français, plutôt bourgeois, et de clients internationaux venaient s’informer.
573 In Courrier du Meuble, n°437, 10 jan 1969, p.13 574 In Courrier du Meuble, n°442, 7 fév 1969, p.1 575 Informations eu par Mme Patricia Asbaek, la fille de M. Tonn Petersen. La Boutique Danoise est fermé
depuis 5 ans selon Andreas Granquist de la Boutique Scandinave. 576 Correspondance par mail avec mme Patricia Asbaek, le 03/02/03 et le 10/04/03.
211
La Boutique Scandinave.
« La Boutique Scandinave » eut moins d’impact que « La Boutique Danoise ». Fondée en
1954 par le Danois M. Holm, située au 19, rue des Pyramides, Paris 1er, elle fut en 1957
cédée à un certain M. Larsen, et achetée ensuite par le Suédois Andreas Granqvist en 1981.
C’est la seule société/boutique créée dans les années cinquante qui existe encore aujourd’hui.
L’idée première de cette boutique était d’implanter un genre d’Illums Bolighus (Copenhague)
ou Asplund (magasin à Stockholm) à Paris577.
Il y eut aussi la boutique « Formes Finlandaises », citées dans quelques articles et publicités
mais dont nous ne savons absolument rien578.
Pour finir, il y eut la boutique de la Maison du Danemark « Royal Copenhague » et celle de la
Maison de la Suède 579.
Ces boutiques vendaient des objets et des meubles provenant des pays scandinaves, mais
beaucoup d'entre elles organisaient également ce qu'on pourrait appeler des expositions
ventes.
Ainsi, en octobre 1966, « Formes Finlandaises » (9, Place de la Madeleine) présenta « Aalto,
ses meubles et son influence580 ».
De même, lors de l'inauguration de la Maison de la Suède, le 9 novembre 1964, à lieu une
exposition intitulée « Formes Suédoises » à la boutique, information recueillie dans Le
Courrier du meuble581:
(...) l'exposition « Formes Suédoises », c'était, en l'occurrence, la première d'une série d'expositions qui
trouveront leur cadre permanent à la « maison suédoise », boutique d'ameublement et de décoration installée au
rez-de-chaussée de la Maison de la Suède.
Y étaient présentées les créations de quatre artistes particulièrement représentatives de l'artisanat d'art suédois
d'aujourd'hui. Deux d'entre elles, Karin Bjöerquist et Ingeborg Lundin, créent des modèles pour deux grandes
entreprises: la verrerie Orrefors et la fabrique de porcelaine Gustavsberg. Les deux autres: Torun Bülow-Hübe
et Kaisa Melanton, travaillent à leur compte.
Nous avons particulièrement admiré, de cette dernière, des tapisseries et tissages réalisés selon la vieille
technique scandinave du tissage double.
On remarque que la création scandinave séduit par ses matériaux naturels, ses formes douces
et le respect des matériaux alliés à un soupçon de modernité.
Dans la partie consacré à la France nous allons voir comment se traduit cet engouement pour
la Scandinavie notamment en ce qui concerne l’importation de mobilier en provenance des
pays nordiques, suivie de l’imitation de ce même mobilier des créateurs français, mais
également dans le multiplication des articles et publicités dans les revues françaises à partir du
milieu des années 40.
577 Tous les informations sur la « Boutique Scandinave » nous ont été fournis par Andreas Granqvist. 578 L’ambassade Finlandaise à Paris n’a pas pu faire suite à notre demande concernant cette boutique, nous ne
savons donc pas aujourd’hui, si c’était une société finlandaise ou une entreprise française. 579 En ce qui concerne « Royal Copenhagen » il n’existe pas d’archives à la Maison du Danemark ou à
l’Ambassade du Danemark. On peut présumer qu’il en est de même pour la boutique de la Maison de la Suède,
car aussi bien le Centre Culturel Suédois que l’Ambassade de la Suède n’a pas, à notre grand regret, répondus à
nos question la concernant. 580 In Le Courrier du Meuble, n°329, 29 octobre 1966, p.3 581 In Le Courrier du Meuble, n°232, 14 novembre 1964, p.3.
212
L’histoire de l’expansion du mobilier scandinave et surtout le mobilier danois dans le monde
est assez étonnant.
La consommation de mobilier est, autre qu’un besoin pratique de meubler son habitation,
également une question de l’image qu’on a envie de signaler, d’identité et un signal
d’appartenance à une certaine groupe de personnes. Chez beaucoup de consommateurs les
meubles sont utilisés pour catégoriser eux mêmes et pour se faire catégoriser. La société de
consommation est une réalité, et les choses communiquent. Ainsi quand on achète une siège
de Finn Juhl ou d’Arne Jacobsen, ou aujourd’hui un objet ou un meuble de Starck, on
n’achète non seulement le meuble en question mais également les valeurs que l’objet
communique. Valeurs qu’on espère pouvant déteindre sur soi-même, quand on utilise l’objet
ou en le montrant aux autres. De même, un consommateur, selon son niveau d’étude ne
meuble pas son intérieur de la même façon. Le consommateur ayant un haut niveau d’étude et
beaucoup de connaissances culturelles donne souvent beaucoup plus d’importance à acheter
du mobilier signalant son identité et son statut, tandis le consommateur avec peu d’étude
préfère souvent un mobilier confortable, signalant plus d’intimité. Il est généralement admis
que les objets émettent des signaux, signaux permettant de signaler identité et appartenance,
ainsi que son milieu social. Ainsi la question qui se pose est qui décide quel image un
meuble doit signaler. La plupart du temps c’est une interaction entre le producteur, le designer
ainsi que le consommateur. Mais quand on parle du mobilier moderne danois et le début de
son succès il paraît très clairement que c’était le réseau de désigner, ébénistes, producteurs de
meubles, journalistes, architectes, distributeurs de meubles et leurs organisations et un peu
plus tard même avec l’aide de l’Etat que le succès du mobilier danois a été obtenu.
Le marché international du mobilier de le période de l’après-guerre était également occupé
par les Italiens et les Américains, il devenait ainsi extrêmement important que la création de
l’histoire autour du mobilier danois contenaient des valeurs typiquement danoises ou
scandinaves. C’était sur les marchés étrangers que cela donnait du sens de faire de Danish
Modern et Danish Design des notions contenant des qualités spécifiques, comme l’aspect
artisanale, un design humain et des matériaux naturelles de bonne qualité.
L’histoire dominante concernant le mobilier du Danish Modern a toujours souligné la
méthode de Kaare Klint, la simplicité, et le bois comme matériau premier, et le jolie travail
d’artisanat comme les éléments les plus importants dans le mobilier danois. Et on peut
légitimement se demander si justement la puissance et la prédominance de cette histoire n’ont
pas largement contribués à la difficulté des designers et ébénistes danois à faire autrement et
d’utiliser d’autres matériaux à partir des années 50. Le marketing et la communication faites
autour du mobilier danois de cette période s’appuyaient justement sur l’histoire de Kaare
Klint et de sa méthode analytique, permettant ainsi de souligner un aspect particulier chez le
mobilier danois, à la fois vis à vis du consommateur danois et du consommateur étranger. Le
modèle défendu par Klint, c’est à dire l’alliance entre tradition et modernité, concordait
parfaitement avec la suite de l’histoire, c’est à dire la collaboration entre les ébénistes et les
architectes. La mise en avant de la prédominance de l’artisanat et le bois en tant que matériau
principal permettaient de caractériser le design danois moderne. C’est également ainsi que la
plupart des créateurs de meubles danois de cette époque avaient un double cursus avant tout
basé sur l’artisanat, le plus souvent en ayant une formation d’ébéniste, en ayant eu un
complément de formation soit à l’Ecole de Beaux-Arts dans la section de Kaare Klint, soit en
étant allés à l’Ecole des Arts et Métiers. Commun aux créateurs était qu’ils rêvaient tous
d’exposer à l’exposition annuelle de la corporation des ébénistes à Copenhague. Avant de
pouvoir espérer dessiner pour l’industrie du meuble, là où se trouvait également les ressources
213
financières, le passage par l’exposition des ébénistes était plus ou moins obligatoire.
Exposition où l’artisanat et le matériau bois étaient une priorité.
Ainsi aussi bien les ébénistes que les architectes étaient guidés vers la voie moyenne, où la
coupure avec la tradition était minime, où les traditions étaient respectés aussi bien en ce qui
concerne les formes crées que les matériaux employés. Le bois restaient le matériau de base.
Dans les autres pays, comme au Danemark, le bois était un matériau important. Mais
comparativement en Suède ou en Finlande, où on était plus orienté vers une production en
série souvent dans le cadre de nouvelles méthodes industrielles de production, et où très tôt on
commence à utiliser du contre-plaqué comme chez Aalto ou chez Matthson, au Danemark on
restait traditionnel. Déjà à la fin des années 30 les expositions de la corporation des ébénistes
ainsi que les créations danoises commençaient à être connus à l’étranger. Pendant le guerre les
exposition continuaient, soit il n’y avait plus de acajou de cuba disponible, mais à la place on
commençait à utiliser le teck et le noyer, et notamment le noyer danois plus facile à se
procurer en temps de guerre.
C’est dans la seconde moitié des années 40 que l’exportation du mobilier danois commence
vraiment et c’est finalement en très peu d’année qu’elle atteint son maximum. Ceci était
uniquement possible grâce à l’effort fourni par le réseau qui travaillait pour l’établissement de
la marque « Danish Modern ». En effet l’exportation s’appuie sur tout un réseau à la fois au
Danemark mais également dans chaque pays qui entretient parfaitement le mythe du mobilier
danois582.
C’est finalement assez amusant d’essayer de trouver des point en commun entre les meubles
crées par les grosse pointures du design danois comme Arne Jacobsen, Kaare Klint, Finn Juhl,
Hans J. Wegner et Poul Kjaerholm. Tous ils ont été mise en scène et vendus comme
typiquement « danish design », mais c’était également le seul point commun. Il y avait autant
de point commun avec des créateurs par exemple aux Etats Unis ou en Allemagne.
Mais l’histoire du « Danish Modern » a été très bien ficelé à l’époque. Jusqu’à très récemment
c’était l’histoire autour de Kaare Klint et des ébéniste qui étaient mise en avant quand il fallait
expliquer le succès du design danois après la période de l’après-guerre. L’histoire du « Danish
Modern » fut répétée encore et encore par tout les membres du réseau. Dernièrement le danois
Per H. Hansen a mis en avant un certain nombre d’incohérences concernant l’histoire du
succès du Danish Modern généralement admis583. Car si nous creusons un peu nous nous
rendons rapidement compte que finalement ce n’était pas ni les créations ni le style de Kaare
Klint ni celles de son élève le plus proche, Börge Mogensen, qui intéressait à l’étranger, mais
avant tout les créations de Finn Juhl et de Hans J. Wegner, et un peu plus tard celles de Arne
Jacobsen et de Poul Kjaerholm. Fait assez amusant car aucun de ces créateurs avaient suivi
l’enseignement de Klint à l’Ecole de Meubles à l’Académie de Beaux Arts, et Jacobsen et
Kjaerholm n’avaient jamais eu de formation d’ébénistes et leurs créations n’avaient
finalement pas grand chose à voir avec la tradition artisanale danoise. De même, il faut
également souligner que tout discours mettant en avant un design démocratique peu onéreux
n’est absolument pas approprié quand on parle du mobilier danois de cette période. Il était au
contraire question de meubles onéreux et exclusives destinés à une clientèle ayant beaucoup
de moyens et non pas au consommateur moyen des années 50 et 60. De tout façon, l’histoire
autour du mobilier moderne danois était fabriqué à l’attention du consommateur issu d’un
582 Hansen, P. H. Danske Möbler blev Moderne:Historien om Dansk Möbeldesigns Storhedstid, op. cit., p.362-
363 583 Idem
214
certain milieu ayant fait assez d’études pour comprendre les codes autour de ce mobilier mise
en place par le réseau.
Le succès du « Danish Modern » entre 1950 et 1965 n’était par le fruit du hasard, mais le
résultat d’un travail long et minutieux de la part des différentes personnes impliqués ainsi que
de la propagande de l’Etait danois.
Comme déjà évoqué les expositions, aux Etats Unis, comme en France, étaient prétexte à
mettre en avant l’image de la Scandinavie comme une unité culturelle, avec un certain nombre
de valeurs, qui étaient transmis dans la création. Valeurs d’humanisme et de démocratie qui
étaient répétés encore et encore dans les catalogues, livres et articles584.
Si les exportateurs de mobilier danois sont présents sur plusieurs marchés à l’international
(Etats-Unis, Allemagne, Suède, Angleterre, France). Mais à partir de la deuxième moitié des
années 60 les choses vont changer petit à petit. En France et en Allemagne les réglés
d’importation vont changer et surtout la taxe y étant lié. De même, en Allemagne un
changement de goût chez les consommateurs auront également lieu pendant cette même
période585. L’une des explications est notamment le manque d’innovation, et une concurrence
de plus en plus forte à l’international. Avec le temps le goût du consommateur changeait sans
que le mobilier danois a su s’adapter. La majeure partie des acteurs du monde du mobilier
danois persistait à penser que le mobilier design danois était lié à l’artisanat, et le bois restait
le matériau de prédilection.
Il nous reste d’évoquer un dernier élément. Le mythe du bois, matériau de prédilection du
créateur danois.
Carl Erik Andresen site Orla Jacobsen, de Söborg Möbelfabrik quand il explique que au
même temps que l’on s’essayait à l’exportation, alors plusieurs architectes danois fabriquaient
des séries de meubles en hêtre très clair. Mais du côté des fabricants on pensaient que le style
était le bon mais ne croyaient pas dans une fabrication en hêtre. Ils essaient ainsi de persuader
le ministère du commerce d’accepter une importation de bois de l’étranger. Ils obtiennent
l’accord, et à partir de 1951 débute la fabrication de meubles en teck qui plaisent très
rapidement à une certaine partie du public. En 1952 la moitié des meubles exposés à l’annuel
exposition des ébénistes étaient en teck, en 1953 deux tiers étaient en teck586. Mais pourquoi
le Teck ? Il est assez étonnant que cela soit ce bois qui a été retenue par les créateurs et le
consommateur, car cette essence de bois n’est pas particulièrement scandinave. Il n’y a jamais
584 Aux Etats-Unis la version que « Danish Modern » était intimement liée à l’artisanat et au matériau bois,
avaient été souligné par le marketing, les expositions, des livres, des nombreuses articles etc. émanant la plupart
du temps du réseau danois, soutenu par l’Etat danois, et re-diffusé par deux groupes qui étaient particulièrement
favorable au « Danish Modern ». D’un côté il y avait les importateurs et producteurs comme Just Lunning,
Svend Wohlert, Georges Tanier Inc, John Stuart Inc., Selig and Baker Furniture, de l’autre on trouve les critiques
et écrivains dans le monde du design : Georges Nelson, Edgar Kaufmann Jr du MoMa, Betty Pepis du New York
Times, Elisabeth Gordon d’House Beautiful ainsi que la magazine Interiors. Toutes ces personnes ont d’une
façon ou d’une autre largement aidé à influencer le consommateur américain afin qu’il achète des meubles
danois modernes. En 1957 la part des Etats Unis dans les exportations danoise est de presque 50%. Par la suite
les meubles danois vont connaître un tel succès sur le marché américain, qu’ils vont faire l’objet d’une grande
imitation ce qui va également conduire à leur chute. L’autre raison de la baisse de l’intérêt pour le mobilier
danois à partir du milieu des années 60 est dû à son manque de renouvellement. Mais déjà à partir du début des
années 60 les fabricants vont se tourner vers d’autres marchés : l’Allemagne, la Suède ainsi que la France,
comme nous l’avons déjà vu. 585Ibid., p.464-465 586 Andresen, Carl Erik, Dansk Möbelindustri, op. cit. p.109
215
eu de forêts de teck au Danemark. Fait encore plus étonnant est que à l’étranger l’image du
mobilier danois du « Danish Modern » des années 50 et 60 est associé à l’emploi de ce bois.
Nous allons tenter un début d’explication. L’origine de l’importation du bois de teck remonte
à la fin du 19ème siècle, et est intimement lié à l’expansion de H.N.Andersen et la fondation de
The East Asiatic Compagny LTD A/S à Copenhague en 1897587.
Quant a l’influence directe du style scandinave sur les créateurs français, pays le plus marqué
par ce phénomène, elle fera l’objet d’un prochain chapitre.
587 A 19 ans H.N. Andersen part en mer sur le bateau « Mars », et visite dans ce cadre Bangkok pour la première
fois en 1876. En 1884 il repart sous drapeau Siams sur « THOM KRAMOM », et après un voyage en Europe
portant du bois de Teck il décide de s’installer à Bangkok où il fond la compagnie commerciale « Andersen &
Co » , précurseur d’EAC (the East Asiatic Compagny LTD A/S) crée en 1897.
216
Chapître 4
* * *
L’Europe Centrale de l’Ouest
217
La Grande Bretagne
Histoire, politique, économie, société
Si la Grande-Bretagne est le seul des grands pays d’Europe occidentale à avoir su conserver
ses institutions d’avant-guerre, il connut néanmoins un changement politique important. Le
bilan de la guerre fut lourd, aussi bien au niveau matériel qu’économique et tout laissait à
craindre une période de crise et de chômage similaire à celle survenue entre les deux guerres.
Aux élections de 1945, le modèle d’un « Etat-providance » providence des travaillistes
l’emporte sur celui proposé par les conservateurs, conduits par Churchill. Le leader du
« Labour party », Attlee, devient Premier ministre et remanie en cinq ans profondément les
structures économiques et sociales de la Grande-Bretagne.
Il s’attaque tout d’abord à la nationalisation de grandes entreprises, permettant ainsi à l’Etat
un contrôle des secteurs clés tels que : la banque, le charbonnage, les transports, les
télécommunications, le gaz, l’électricité et la sidérurgie. Entre 1946 et 1948, de nombreuses
reformes sociales sont également mises en œuvre : une assurance nationale couvrant les
risques de maladie, d’accidents, de chômage, un service national de santé assurant la gratuité
complète des soins médicaux, un programme de constructions de logements et
d’aménagements du territoire, ainsi qu’une politique de démocratisation scolaire et de
nivellement des fortunes avec une taxation des gros revenus. Malheureusement, ces reformes
coûtent chers et n’entraînent aucune amélioration de la situation économique. Aussi, une
sévère politique d’austérité se met en place à partir de 1947 pour tenter d’y remédier. Nous
verrons ultérieurement en quoi cette politique influencera la création mobilière.
La vague de décolonisation affaiblit financièrement la Grande-Bretagne qui, du même coup, a
perdu sa place de leader sur la scène internationale. Malgré les entraves et les attaques
incessantes du clan opposé, les travaillistes emportèrent de justesse les élections en 1950 bien
que le retour des conservateurs s’annonce déjà.
Contrairement à la plupart des pays occidentaux, l’Angleterre peine à relancer son économie
après 1945. La situation de la population, tout comme celle de l’industrie britannique,
semblent stagner.
La dévaluation de la livre sterling en 1967, le recul dramatique des exportations (11% du total mondial en 1948
et seulement 5,9% en 1972), l’impossibilité de tenir toutes les promesses sociales du « Welfare State » donnent
la mesure de l’échec britannique, malgré des éléments de force (investissement à l’étranger, dynamisme des
industries de pointe). Les difficultés de l’ancienne économie dominante n’annoncent-elles pas déjà en pleine
période de prospérité le marasme des années 70 ?588
588 Berstain & Milza, Histoire du XXe siècle, op. cit., p.213
218
L’importance du bois dans l’économie anglaise
Ressources forestières
La Grande Bretagne ayant très peu de ressources forestières propres, elle s’appuie depuis
longtemps sur l’importation de bois et développe très tôt une industrie adaptée aux panneaux
de bois et autres dérivés. Tout comme l’Italie ou le Danemark, sa production mobilière est très
liée au bois. Contrairement au cas de la France, et comme au Danemark et en Italie, nous
constatons là aussi que l’engouement pour le mobilier en bois n’est pas lié ni proportionnel
aux ressources propres du pays quand elles sont faibles, mais plutôt à une tradition et une
aptitude à gérer les importations, cette aptitude étant générée par une mentalité différente
d’une part, par un désir d’acheter (importations) et de produire (marché intérieur,
exportations) ce qui existe ou est demandé ailleurs, d’autre part. Le Danemark en est
d’ailleurs un bon exemple
Production/Import/export :
Afin de bien comprendre l’historique de la création mobilière en Angleterre durant ces
soixante dernières années, il est important d’analyser son Histoire, sa politique, ses ressources
forestières, son mobilier et de s’intéresser également à sa production en terme de bois et
autres dérivés ainsi que à ses importations et exportations dans ce domaine. Nous appuierons
notre analyse sur les résultats de la FAO qui a recensé depuis 1991 tous les pays impliqués
dans ses importations et exportations589 (cf.vol.2, annexe 1, fig.87 à 195).
Toutefois, il est important de garder à l’esprit que les chiffres avancés incluent également des
secteurs autres que le mobilier, l’architecture et l’agencement par exemple en font partie.
La Grande Bretagne est grande importatrice de bois depuis les années soixante,
essentiellement de bois conifère (9.565.200 t en 1969, 9.860.950 t en 1973, 9.826.400 t en
1990, et 7.185.764 t en 2006). La FAO ne détaille malheureusement pas les essences de bois
dont il s’agit. On note également l’importance des importations de bois contreplaqué
(1.000.300 t en 1967, et 1.497.000 t en 2006) et de panneaux de particules (230.400 t en 1967,
mais 996.000 t en 2006)
En revanche, étant un petit producteur de bois, l’exportation de la Grande Bretagne est
moindre.
Les fabricants de mobilier en bois
Les importations de bois sont traitées directement chez les fabricants dans le pays d’origine.
Dans les années 50, l’entreprise de taille moyenne est la plus répandue en Grande Bretagne
tandis que c’est l’artisanat qui prédomine en France.
Un équipement en machines comparativement plus important qu’en France590.
589Source : www.fao.org/foresty 590 H.L. « L’industrie anglaise du meuble », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril 1958, p.9-12.
219
Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois
Tout comme les pays Scandinaves, la Grande Bretagne n’a jamais connu de révolution au
sens propre, conservant aujourd’hui encore sa monarchie et ses deux chambres
institutionnelles. La tradition est donc une valeur centrale qui a eu un impact sur la création
mobilière également. Cette tradition ayant perduré jusqu’au milieu du 20ème siècle, les
créateurs britanniques ont du redoubler d’effort en matière d’innovation.
De plus, étant la première nation à connaître la révolution industrielle, le goût pour le design
s’y est développée très tôt.
Durant le règne de Jacques 1er (1603-1625), la plupart des meubles étaient en chêne. Sous
Cromwell (1649-1660), le mobilier se constituait essentiellement de chêne, frêne, orme ou
hêtre, jusqu'à ce que le retour de Charles II (1660-1685) impose le noyer (cf.vol.2, annexe 4,
fig. 1 à 3) et que la mode soit alors au placage et au cannage591.
Sous le règne de la reine Anne, les meubles ordinaires sont composés de placage de noyer sur
un bâti de chêne. Sous les règnes d’Anne (1702-1714) et de Georges 1er (1714-1727), les
meubles de rangement et les sièges sont souvent plaqués de noyer (cf.vol.2, annexe 4, fig. 4,
5 et 7). Le mobilier de style Georges 1er était généralement en noyer ou en placage de noyer et
la marqueterie était passé de mode. Les ébénistes anglais préfèrent exploiter l’aspect décoratif
des veinures du bois, comme par exemple la loupe et ronce de noyer592.
Sous le règne de Georges II (1727-1760), ce fut l’ère de l’acajou (cf.vol.2, annexe 4, fig.6 et
8) importé des colonies britanniques en Indes orientales et au Honduras.
…l’acajou devint l’essence préférée des ébénistes d’art en Angleterre au début des années 1730, c’est-à-dire au
moment où, les noyers étant atteint de la rouille, la France avait cessé d’exporter cette essence593.
Sous le règne de Georges III (1760-1820), l’ébénisterie anglaise, en majorité de style
néoclassique, atteint son apogée. L’ornementation sculptée est remplacée par des incrustations
de bois des plusieurs essences : satiné, bois de violette, bois de rose, entre d’autres (cf.vol.2,
annexe 4, fig.11-13, 15-17). On attache alors davantage d’importance à la beauté du grain et
des incrustations de bois qu’au décor sculpté594. La fin du 18ème siècle est marquée par plus de
simplicité (cf.vol.2, annexe 4, fig.18), marqueteries et incrustations se font de plus en plus
rares. Malgré la guerre opposant la France à l’Angleterre, le goût français pour les meubles
sobres en bois de placage uni continue d’influencer595.
Vers 1750, le style gothique apparaît, principalement en Angleterre, et coexiste avec le style
néoclassique. Il se compose essentiellement d’if, de chêne, de hêtre, d’orme et d’acajou596
(cf.vol.2, annexe 4, fig.23).
Le style Regency (1790-1830) est plus difficile à définir en raison de son grand éclectisme
(cf.vol.2, annexe 4, fig.19 et 20). Notons toutefois le large emploi du bois de rose pour le
placage de grandes surfaces planes597.
Le mobilier bourgeois du début du 19ème siècle se composait beaucoup d’acajou (massif ou
placage) (cf.vol.2, annexe 4, fig.21 et 24) mais utilisait également le bois de rose. Parfois le
bâti était en bois bon marché tel le bouleau et était ensuite peint pour imiter les essences
591 Miller, Judith, Le Mobilier, ancien et contemporain, Coll. L’œil du chineur, Paris, Gründ, 2006, p.48 592 Idem., p.94-95 593 Ibid., p.100 594 Idem, p.148-149 595 Idem., p.151 596 Idem., p.166 597 Idem., p.207
220
exotiques. Au début du 19ème siècle on voit le retour du chêne pour le mobilier des pièces de
réception (cf.vol.2, annexe 4, fig.22) et les meubles les plus ordinaires comportent souvent
une bordure en contre-fil en buis ou bois noirci598.
Notons également l’importance des fauteuils Windsor (cf.vol.2, annexe 4, fig.25) composés
de frêne, d’if, de bois fruitiers, dont l’assise était faite d’orme et les tiges de hêtre599.
Entre 1840 et 1900, on note une profusion de styles. Le style victorien puise dans les sources
grecques, gothiques et rococo. A.W.N. Pugin (1812-1852) (cf.vol.2, annexe 4, fig.26), l’un
des principaux représentants du style gothique notamment depuis son implication dans la
conception et la décoration du palais de Westminster600, va considérablement influencer les
créateurs anglais comme William Morris et le mouvement des Arts and Crafts de la fin du
siècle.
En conclusion de ce bref historique du mobilier anglais depuis le 17ème siècle, retenons surtout
l’importance de la tradition du mobilier en bois indigène, avec une préférence pour le noyer,
le hêtre et le chêne. Au 18ème siècle, le recours à l’acajou s’accroît de par l’influence du
mobilier français.
Pendant cette période, le goût pour les formes simples y reste prédominant, contrairement au
mobilier français. De même, les essences plébiscitées sont majoritairement sombres.
La tradition des Arts and Crafts
L’Angleterre depuis la fin du 19e siècle :
L’origine du design et du mobilier anglais d’après-guerre remonte au milieu du 19ème siècle et
au mouvement des Arts and Crafts à la fin du 19ème siècle.
L’amour de la nature et de la vie à la campagne comme valeurs inspiratrices trouve ses
sources entre 1890 et 1900. En effet, la classe moyenne anglaise semble avoir toujours été
attirée par cet art de vivre, en témoignent leurs magasins, de Heal’s à Habitat aujourd’hui.
Autour de 1910-1920, le concept de design adapté à l’industrie se développe et donne
naissance à la philosophie de « decent design for ordinary people » lancée par le DIA (Design
and Industries Association)601. Un principe qui sera repris et intégré par le gouvernement et
l’industrie britannique après la Seconde Guerre mondiale.
En 1920, le British Institute of Industrial Art à Londres est inauguré, s’ouvre alors une
exposition permanente consacrée au « Good Design », selon le DIA, qui faisait également
office de bureau d’informations.
Les années 30 voient le modernisme débarquer en Angleterre, mouvement qui sera cependant
très atténué par le long passé de tradition artisanale britannique qui perdure. Malgré tout,
598 Idem., p.210 599 Idem., p.240 600 Idem. p.276-277 601 Le « Design and Industries Association » (DIA). S’inspirant du Deutscher Werkbund, le DIA fut fondé a
Londres en 1915 pour favoriser l’amélioration des normes du design. Regroupant des détaillants, des
décorateurs, des créateurs, des critiques et des éditeurs. Sa position est ébranlée par la fondation du « Counsil for
Art and Industry, précurseur du Counsil of Industrial Design. (Source : Dictionnaire International des Arts
Appliquées et du Design.).
221
certains changements s’opèrent, tels que l’intérêt grandissant pour les nouveaux matériaux et
pour les techniques de production de masse insufflé par les designers et architectes venus de
l’étranger602.
Si le passé « Arts & Crafts » de la Grande-Bretagne n’est pas notre propos ici, il est cependant
important de garder à l’esprit que l’évolution du mobilier anglais d’après guerre s’opéra en
droite lignée de cette tradition.
Dans le seconde moitié du 19ème siècle, la Grande-Bretagne, et en particulier les défenseurs du
mouvement « Arts & Crafts603 », A.W.N. Pugin (1812-1852), John Ruskin et William Morris,
va instiguer une reforme de la création et du design en insistant sur l’artisanat d’Art et sur des
valeurs quelque peu bafouées par des années de révolution industrielle. Cette reforme va
toucher l’Europe entière et tentera de rééduquer des consommateurs pour lesquels le prix était
devenu plus important que la qualité (cf.vol.2, annexe 4, fig.28 à 34)604
Quant au déclin antérieur du sentiment esthétique, il avait été la résultante de l’industrialisation forcenée que
l’Angleterre connaissait depuis un siècle et qui rendit possible, entre autres, la reproduction massive de styles
historisants605.
La Grande Bretagne entretient une relation très ambivalente avec l’industrialisation :
…une association avec la nature et la campagne en tant qu’entités moralement non corrompues représentant la
quintessence du caractère anglais. A l’inverse, l’industrialisation (ainsi que ses conséquences sociales et
esthétiques) est généralement suspecte, même si, vers la fin du XIXe siècle, elle devait être acceptée comme
inévitable par les créateurs associés au mouvement Arts & Crafts606.
Au cours du 19ème siècle, le mobilier d’imitation est en vogue, on copie sans scrupule les
anciens maîtres, dont Thomas Chippendale607 (cf.vol.2, annexe 4, fig.27), avec des machines
602 MacCarthy, Fiona, British Design since 1880, op.cit. p.55-103 603 Le mouvement anglais des « Arts and Crafts » représente une réaction contre les conséquences des la
révolution industrielle. Ce mouvement puise ses sources dans l’œuvre de Pugin, et Ruskin. Notamment les deux
livres de Ruskin : Les Sept lampes de l’architecture datant de 1849 et Les Pierres de Venise de 1851-1853. Pour
Ruskin la qualité de la création d’une société est indicatrice de la qualité de la société elle-même. Il aura une
influence majeure sur William Morris, la figure principale du mouvement « Arts and Crafts ». Les créations des
différents protagonistes du mouvement sont extrêmement divers, mais se joignent dans l’honnêteté à l’égard des
matériaux, inspiration de la nature pour le traitement du décor, et meubles d’inspiration médiévale. Beaucoup
d’ateliers et de guides sont fondés à Londres, et s’installent progressivement à la campagne dans leur recherche
d’idylle. Rencontrant la plupart du temps, assez rapidement, des difficultés financières, ces expériences sont
souvent de courte durée. 604 John Ruskin écrivait notamment « Il n’est pratiquement rien au monde qui ne puisse être fabriqué un peu
moins bien pour être vendu un peu moins cher. Et ceux qui ne voient en toutes choses que le prix sont les
premières victimes de ces fâcheuses pratiques ». Relatée par F. Plassat en introduction de son ouvrage pour les
vendeurs « Ameublement, comment bien vendre », Paris, CTBA, 2002. Cette citation a été affichée – comme
slogan éclairé – pendant de nombreuses années dans le hall d’accueil du Servie Normalisation et Certification de
la Qualité au CTBA Paris, en charge notamment de la marque « NF Ameublement » pour le compte d’AFNOR. 605 Polster, Bernd (dir.), Dictionnaire du design : Grande-Bretagne, Paris, Seuil, 2000 (pour la traduction
française), p.52-53. 606 Despond-Barré, A. (dir.), Dictionnaire international des arts appliqués et du design, op.cit., p.251 607 Thomas Chippendale (1718-1779) : Ebéniste et créateur de mobilier anglais. Connu pour avoir été le premier
ébéniste à avoir publié ses créations, avec l’ouvrage Gentleman and Cabinet Maker’s Director, datant de 1754.
Si à ses débuts il travaillait surtout dans le style Rococo anglais, il s’oriente au début des années 1760 vers un
style plus néoclassique, sous l’influence des travaux de l’architecte Robert Adams. Mais ses créations couvrent
des styles allant du rococo, par le gothique jusqu’à des styles plus orientales, et notamment des créations de style
chinoise. Ses créations redeviennent très populaires au milieu et à la fin du 19ème siècle. (source :
www.britainexpress.com/History/bio/chippendale.htm)
222
nées de la révolution industrielle. Pour rendre le mobilier accessible à un large public, les
entreprises faisaient appel à des artistes charges d’imiter des styles de toutes époques.
Les années 1900 voient s’éteindre le mouvement des Arts & Crafts et avec lui la participation
de la Grande-Bretagne aux mouvements d’avant-garde pendant plusieurs décennies.
Tandis que pour des pays comme l’Allemagne ou les Etats-Unis les débuts du XX e siècle représentaient une
césure, essentiellement marquée par la Première Guerre mondiale et par la percée des mouvements modernes,
la Grande-Bretagne tendait à se cramponner aux traditions du XIX e siècle608.
La majorité des ouvrages de design couvrant la période du 20ème siècle est consacrée au
mobilier d’avant-garde ayant marqué son époque par son aspect créatif et novateur, aussi bien
dans ses formes que dans ses matériaux. Or, en Grande-Bretagne comme dans les autres pays
européens, la plupart du mobilier vendu n’appartient en aucun cas au mobilier qualifié
d’avant-garde mais est plutôt de confection simple, « rustique » ou de style « country »
comme on le nomme en Angleterre. Ce « Country style » se divise en deux groupes, un style
lié au mode de vie rural, l’autre à l’aristocratie anglaise. Le mobilier de ce style n’est, sauf
exception, jamais rattaché à un designer en particulier, tout comme le mobilier simple issu des
« Arts and Crafts » ou celui de tradition rustique dessiné par Ambrose Heal au début du siècle
(cf.vol.2, annexe 4, fig. 40).
En feuilletant l’ouvrage 1900-1910 : Decorative Art de Charlotte et Peter Fiell609 qui regroupe
un certain nombre d’illustrations apparues dans le magazine anglais The Studio Magazine, on
note surtout la présence de bois sombres comme de l’acajou, du chêne ou du châtaignier mais
également le cerisier et noyer dans ces « Arts & Crafts ». Les meubles étaient parfois peints,
ce qui permettait l’utilisation d’essences de bois moins nobles et entretenait l’idée selon
laquelle les artistes du mouvement des Arts and Crafts utilisaient surtout des bois indigènes et
rarement des bois exotiques. Le bois le plus présent est certainement le chêne sous sa version
la plus foncée.
Concernant le choix des essences utilisées, les Arts and Crafts se situe bien dans la lignée de
la tradition du mobilier anglais remontant au 17ème siècle.
Entre les deux guerres mondiales, l’incitation à la création fut freinée par le fait que le marché
se résumait aux pays de l’Empire, elle stagnait donc depuis le 18ème siècle.
Heal’s:
A la fois grand magasin et fabricant de meubles et de tissus fondé en 1810 à Londres, il attire
une clientèle haut de gamme. Au début du 20ème siècle, Ambrose Heal devint designer de
meuble et orienta le catalogue de produits vers les Arts and Crafts (cf.vol.2, annexe 4, fig. 40
à 50). Après la Première Guerre mondiale, il collabora notamment avec Gordon Russell.
Heals joua un rôle crucial dans la promotion des designers scandinaves à Londres et s’en
inspira d’ailleurs beaucoup pour ses propres créations.
Dans le chapitre précédent, nous avons constaté l’ampleur de la propagande scandinave
surtout finlandaise, danoise et suédoise, en France après la Seconde Guerre mondiale. Elle eut
également un grand impact en Grande-Bretagne puisqu’elle fait partie des plus gros
importateurs de mobilier scandinave durant les années 50 et que certaines sociétés telles Artek
créée par Alvar Aalto y installent une de leurs antennes afin de satisfaire une demande
608 Polster, Bernd (dir.), Dictionnaire du design: Grande-Bretagne, op. cit.,p.58 609 Fiell, Charlotte & Peter, 1900-1910. Decorative art, Cologne, Tachen, 2000, p.271-325
223
toujours croissante. A partir des années 50, le consommateur anglais s’orientera donc vers des
formes plus simples et des essences plus claires, comme le hêtre, le pin et le bouleau.
En 1983, le magasin fut vendu à Terence Conran, fondateur d’Habitat. Etonamment, la
création d’Heal’s aujourd’hui n’est pas très différente de celle de ses débuts : du mobilier très
simple en bois, de préférence en chêne et sous toutes ses formes610.
Prenons pour exemple cette illustration d’un ensemble de meubles pour enfants en chêne
datant environ de 1914 (cf.vol.2, annexe 4, fig.41). C’est un mobilier simple, aux formes
assez rustiques qui rappellent une chaise et un buffet d’Ambrose Heal daté de 1908 (cf.vol.2,
annexe 4, fig. 40).
Le chêne restera l’essence de bois la plus utilisée en Grande-Bretagne à travers le 20ème siècle,
comme elle le fut également par les artistes du mouvement des Arts and Crafts. N’oublions
pas que ceux-ci furent vivement critiqués pour l’exclusivité de leur mobilier basé sur la
fabrication de pièces uniques.
Mentionnons également l’écossais Charles Rennie Mackintosh (1868-1928), créateur
exceptionnel d’un mobilier extrêmement moderne pour son époque (cf.vol.2, annexe 4, fig.35
à 39) qui va considérablement influencer le 20ème siècle et surtout l’école de Vienne. Bien que
pionnier de formes géométriques totalement novatrices, Mackintosh utilisait surtout du bois
indigène comme le chêne foncé pour sa célèbre chaise destinée au salon de Thé de Miss
Cranston à Argyle Street à Glasgow datée de 1896-1897 (cf.vol.2, annexe 4, fig.39) et pour la
fameuse chaise haute créée pour la villa Hill House datant de 1903, parfois même, le chêne
était teinté en noir (cf.vol.2, annexe 4, fig.37). Par la suite, cette chaise fut réalisée
principalement en frêne teinté noir ébène, cette essence étant plus aisée à teinter (cf. chapître 1
sur les essences de bois).
Dans le cas de la villa Hill House, construite en 1902 à Ellensburg (Ecosse) pour l’éditeur
Walter W. Blackie, la chambre fut meublée avec du mobilier en bois laqué blanc (cf.vol.2,
annexe 4, fig.36 et 38). Mackintosh composait fréquemment des meubles en bois dont les
surfaces peintes en blanc, crème, gris tendre ou violet permettaient alors l’utilisation de bois
moins nobles.
Le mobilier de la fin du 19ème siècle et la relative simplicité du mobilier « Arts and Crafts »
influencera également le mobilier d’après-guerre et notamment celui de « l’utility furniture
scheme » apparu pendant la guerre.
L’Utility furniture scheme et Gordon Russell (1892-1980)
La création pendant et juste après la guerre fut fortement marquée par le programme «Utilily
Scheme » lancé par le ministère du commerce en 1942 et plus précisément par son application
au mobilier « Utility Furniture » (cf.vol.2, annexe 4, fig.51 à 64). A partir de 1947, la
production ainsi que la consommation de bois se réduit considérablement suite à la pénurie
croissante de matériaux de toutes sortes. Ce programme marquera l’évolution future des
formes du mobilier anglais et sera considéré comme l’un des plus importants bouleversements
de l’histoire du design britannique.
Gordon Russell (1892-1980), concepteur de formes et fabricant issu des Arts and Crafts, va
être le coordinateur de ce nouveau programme destiné avant tout aux jeunes ménages.
610 Source : www.heals.co.uk
224
Il fit programmer une série de meubles qui appartenaient certes à la tradition des Arts and Crafts mais qui, par
leur moderne simplicité, allaient bien au-delà611.
Russell, perpétuant la tradition Arts and Crafts, prônait une politique d’honnêteté envers les
matériaux. Cependant, contrairement à ces prédécesseurs tels William Morris, Russell ne
s’opposait pas à l’emploi des machines et assura un avenir à ses créations, le mobilier
« utility » conjuguant artisanat et industrialisation. Ces deux notions associées firent l’objet de
débats récurrents tout au long de l’histoire de la création britannique.
Les créations de Russell datées des années 20 se caractérisent par des lignes très simples, en
témoigne cet intérieur composé de mobilier en chêne massif a Broadway, Worcestershire, en
1925 (cf.vol.2, annexe 4, fig.65). Ce style rustique perdurera d’ailleurs pendant une bonne
partie du 20ème siècle.
La plupart de ses créations étaient réalisés avec du bois indigène, chêne, ou noyer anglais
comme cette table en chêne dessinée en 1923 ou une chambre à coucher en noyer anglais
(avec incrustations d’ébène et d’if) datée de 1926 (cf.vol.2, annexe 4, fig.66 et 67).
Après un apprentissage au sein de l’atelier paternel spécialisé dans la restauration de mobilier
ancien dans les Costwolds, Russel ouvrit en 1910 son propre atelier. Apres avoir remporté
cinq médailles durant l’exposition des Arts Décoratifs à Paris en 1925, sa réputation
internationale est acquise. En 1927, il créa les Ateliers Russell, devenus en 1929 la société
Gordon Russell. Son atelier, partiellement mécanisé, produit du mobilier simple non sans
rappeler toutefois le mobilier anglais du 18ème siècle.
Lors d’une visite de l’exposition de Stockholm en 1930, il est impressionné par les créations
et par l’harmonie obtenue entre artisanat et techniques industrielles612.
Il jouera alors un rôle déterminant dans la mise en place du système d’ « Utility Furniture ».
En 1940, l’Angleterre instaure un contrôle des prix du mobilier et des objets d’ameublement
ainsi que des quotas de fabrication et une taxe à l’achat sur des nombreux articles. En 1942, le
Advisory Commitee on Utility Furniture est fondé et sélectionne plusieurs projets, notamment
ceux d’Edwin Clinch et de H.T. Cutler.
Ses préceptes s’inspirent du rapport Working Class Home Report que publie en 1937 le Council for Art and
Industry, soulignant les besoins des ménages en matière de biens de consommation, à des prix abordables et
conçus selon des proportions, des coloris, des surfaces et des textures agréables. Le mobilier fabriqué sous
licence, doit être robuste et plaire au plus grand nombre (…)613.
Une fois les premiers “Utility Furnitures” dévoilés au public en octobre 1942 au Building
Center, ils seront pendant plusieurs années les seuls meubles autorisés en Grande Bretagne.
Cette phase « Utility » est importante dans la création anglaise, non seulement parce que ses
racines remontent aux Arts and Crafts et incarnent les théories de standards de la DIA, mais
elle est un très bon exemple de l’intervention de l’Etat dans la régulation des standards.
Le cerveau du mobilier « Utility » était Gordon Russell qui fut tour à tour membre du « Board
of Trade’s Advisory Committee » puis en 1943 « Chairman » du nouveau « Design Panel ».
Une chance lui était donc donnée de créer un ensemble de meubles de meilleure qualité,
proposés à des prix contrôlés et répondant à une véritable demande. C’était donc une occasion
unique d’élever l’ensemble du niveau national des standards du design. La production de
mobilier « Utility » prit officiellement fin en 1952, après avoir acquise une renommée de
bonne qualité en période de grande pénurie. Par son design, ses proportions, sa masculinité et
611 Polster, Bernd (dir.), Dictionnaire du design : Grande-Bretagne, op. cit., p.61 612 Sparke, P., 100 ans de Design, op.cit., p.72.. 613 Despond-Barre, A., Dictionnaire internation des arts appliqués et du Design, op. cit p.606.
225
sa sobriété, ce mobilier eut un profond impact sur la création d’après-guerre en Grande
Bretagne et prouva au monde que celle-ci était capable de s’éloigner de son lourd passé
conservateur.
Des années plus tard, ces meubles simples continuèrent à orner les maisons des gens modestes
après avoir réussi à modifier leur goût en matière d’ameublement.
Quant aux essences de bois utilisées, le peu d’illustrations recueillies nous montrent l’emploi
courant de chêne, sous sa forme foncée ou claire, et de l’acajou. Bien que les bois employés
soient les mêmes que ceux du mouvement des Arts and Crafts, les formes du mobilier sont
assez différentes. Des formes simples, géométriques et sans référence au monde végétale,
preuve que le choix des essences ne déterminaient en rien leur conception future. Ces formes
étaient par ailleurs très proche du mobilier scandinave de cette même période (cf. annexe 4,
fig. 53)
Si l’opinion publique accueillit d’abord froidement ce mobilier jugé trop austère, elle se ravisa
dès la fin des années 1940.
Ainsi, les idées développées et divulguées à partir des années 40 trouvent leurs origines dans
la tradition du mouvement des Arts and Crafts de la fin du 19ème siècle. Les idées d’honnêteté,
de respect et de compréhension des matériaux défendues par Pugin et Morris seront reprises
par Gordon Russell dont la conception de meubles utiles, faits de matériaux adaptés à leur
usage marquera considérablement la création d’après guerre en Grande Bretagne. Comme
l'explique Fiona MacCarthy:
They were important ideas which had their origins in the Arts and Crafts movement of the late 19th C and which
can be followed right trough to present-day British design practice614.
Lorsque la paix s’instaure enfin en 1945, le nouveau « labour gouvernment » est chargé de la
reconstruction. Le choix du design releva alors de l’ «Art Council » et plus particulièrement
du « Council Of Industrial Design » (Coid) chargé de faciliter au public sa compréhension et
sa terminologie spécifique. Selon Elisabeth Darling615, le design et le modernisme servaient
ainsi l’image de « l’Etat - providence ».
L’industrialisation rapide des fabricants de meubles anglais permit de développer un mobilier
simple mais élégant à des prix abordables pour les jeunes ménages.
614 MacCarthy, Fiona, British Design since 1880, op.cit., p.11 (Traduction de l’auteur: “C’étaient des idées très
importantes qui trouvaient leur origine dans le mouvement des Arts and Crafts de la fin du 19ème siècle, et
peuvent être suivie jusqu’à aujourd’hui dans la création de design britannique. 615 Darling, Elisabeth, Exhibiting Britain : Display and national identity 1946-1967. Article issu du site internet
www.brighton.ac.uk/designingbritain/html/esd.html consulté le 27/10/02.
226
« Britain can make it »
L’idée d’éduquer le peuple en matière de goût et de design se développa des la fin de la
guerre. Dans ce contexte se déroula en 1946 une exposition intitulée « Britain can make it »
ayant notamment pour objectif de convaincre le public anglais ainsi que les fabricants et les
éditeurs de la légitimité du design dans le processus de reconstruction et de contribuer à
l’éducation de la population.
L’exposition « Britain Can Make it » (BCMI) se tint entre septembre et novembre 1946 au
Victoria and Albert Museum à Londres (cf.vol.2, annexe 4, fig.68 à 69). Elle fut organisée par
le Council of Industrial Design (COID) créé par le gouvernement en 1944 et fut financée par
le « Board of Trade » pour promouvoir l’amélioration du design des produits issus de
l’industrie britannique.
Son premier directeur fut S.C. Leslie puis Gordon Russell en 1947. Son but premier: « to
promote by all praticable means the improvement of design in the products of British
industry”616. Le COID servit plus tard de modèle à de nombreux organismes de design à
travers le monde.
Lorsque le COID fut fondé en 1946, il lui fut demandé d’organiser une grande exposition
dans le but :
To intensify the interest of manufacturers and distributors in industrial design and their awareness of the
desirability of rapid progress ; to arouse greater interest in design in the minds of the general public, as
consumers ; and to stage a prestige advertisement before the world for British industry, industrial design and
standards of display”617.
Dans son annonce de 1945, il est dit :
The Council of Industrial Design will hold in the summer next year a national exhibition of design in all the
main range of consumer goods – clothing, household, furnishing and equipment, office equipment and civil
transport…it will represent the best and only the best that modern British industry can produce… (it will be)
British industry’s first great post-war gesture to British people and the world618.
Période transitoire entre tradition et modernité, l’après-guerre promettait une amélioration de
la qualité de vie.
Sur les quelques 15259 produits issus de 3385 fabricants ou sociétés proposés, 5258 produits
de 1297 sociétés différents furent retenus, soit 33% environ619.
Cette exposition se déroula sur 14 semaines au Victoria and Alberts museum et fut visitée par
quelques 1 432 546 personnes, dont 60 % de moins de 40 ans620.
616 MacCarthy, Fiona, British Design since 1880, op. cit., p.125 617 Idem., p.126. (Traduction de l’auteur : Afin d’intensifier l’intérêt des fabricants et distributeurs dans
l’eshétique industrielle ainsi que leur conscience de la désirabilité du progrès rapide ; afin de réveiller l’intérêt du
grand public, en tant que consommateur, et afin d’exposer au monde une publicité de prestige pour l’industrie
brittanique, du design industriel et les normes d’étalage.) 618 ID/361 : Summer Exhibition 1946 : Policy Commitée Minutes, cité sur www.vads.ahds.ac.uk. (Traduction de
l’auteur : « The Council of Industriel Design tiendra l’été l’année prochaine une exposition nationale de design
englobant toute la gamme principale de biens de consommation – les vêtements, la maison, mobilier et
équipement, l’équipement du bureau et du transport civil…Il représentera le meillieur et seulement le meilleur
que l’industrie britannique moderne peut produire…(il sera) le premier grand geste d’après-guerre de l’industrie
britannique au peuple britannique et au monde.). 619 Woodham, J., in Sparke, P., Did Britain make it ? British design in context 1946-86, Londres, The Design
Counsil, 1986, p.27 620 MacCarthy, F., British Design since 1880, op. cit., p.129
227
BCMI would display the consumer goods which, the government intended would form the basis on which the
economy of post-war Britain would be renewed. Six years of war had left the country in severe dept. The
government’s main concern was to ensure that income could be generated through trade, particularly with
countries overseas. Hence all effort in production was aimed at the export market while the British market
remained subject to a rationing even more severe than in wartimes. This situation was made clear by BCMI
where all the goods on display were for purchase only by the export market and would not be available, at least
in the short term, to home consumers (hence the popular nickname for the exhibition, Britain Can’t Have It).
The fact that the exhibition was organised by the COID and was described as ‘a national exhibition of design’
reveals how intrinsic design was to economic renewal621.
What impact did BCMI have? Viewed from today, the first steps it made to promote a sense of ‘design
consciousness’ in Britain’s manufacturers and consumers may be judged successful. Design is an integral part
of the retail philosophy of store such as Habitat and IKEA, whilst high street chains like Marks and Spencer and
Debenhams have employed star designers for specific product ranges. Similarly, in the wake of the exhibition,
the industrial designer did emerge as a significant figure in British design culture.
(...)
In the shorter term, BCMI had, perhaps, a less discernable impact but one which, combined with other forces,
would culminate in the design – sympatric climate of today. Certainly, the economic context in the UK meant
that it was not in a position in 1946 to underpin a demand for design – rationing would continue until 1952 –
and it was only in the late 1950s that a real consumer market with a high degree of disposable income could
afford to pay for the kind of goods displayed at BCMI. Nevertheless, there is evidence to show that some of the
visitors to BCMI, at least, were more conscious as a result of their visit and thus in a position, once goods
became available, to be more discerning in their taste622.(voir annexe 4, fig.68 et 69)
Cependant, malgré les initiatives du COID, les grands magasins de meubles jouaient toujours
un rôle primordial dans la chaîne de diffusion des meubles.
Depuis la seconde moitié du 19e siècle et jusqu'à la période d’après-guerre, les grands
magasins de meubles sont Harrods, Schoolbred S, Selfridges, Whiteleys, Barkers and
Oetzmanhs, ou les magasins spécialisés, comme Heals et Dunns of Bromley623.
Les créations britanniques de cette période se situent aux antipodes du « styling » américain
ou le potentiel commercial était exploité à l’extrême. En Grande-Bretagne, on croyait au
621 Source : www.vads.ahds.ac.uk/learning/designingbritain/html/bcmi_intro.html 622 Source : www.vads.ahds.ac.uk/learning/designingbritain/html/bcmiconclusion.html . (Traduction de l’auteur:
« BCMI afficherait les biens de consommation que le gouvernement présume allait former la base de
renouvellement future de l’économie britannique de l’après-guerre. Six ans de guerre avait laissé le pays avec
une dette sévère. La préoccupation principale du gouvernement était d’assurer un revenu à travers le commerce,
particulièrement avec les pays extérieurs. Dorénavant tout effort de production était destiné au marché de
l’exportation, tandis que le marché britannique est resté asservi à un rationnement encore plus sévère que en
temps de guerre. La situation avait été clairement exposé par le BCMI où toute les marchandises exposé étaient
pour l’achat seulement par le marché de l’exportation, et n’allait pas être disponibles, au moins à court terme,
aux consommateurs du marché intérieur (d’où le surnom populaire de l’exposition « Britain Can’t have it »). Le
fait que l’exposition a été organisée par le COID et a été décrite comme « une exposition nationale de design »
révèle combien le design était important pour la relance économique. Quel impact avait le BCMI ? Vu
d’aujourd’hui, le premier pas pour promouvoir un « sens du design » auprès des consommateurs et fabricants
britanniques peuvent être jugé de façon positive. Le design est une partie intégrale de la philosophie de détail de
magasins comme Habitat ou IKEA, tandis que les chaînes des rues commerçants comme Marks and Spenser et
Debenhams ont utilisé des designers stars pour des gammes de produits spécifiques. De même, à la suite de
l’exposition, le designer industriel a émergé comme une figure significative dans la culture de design
britannique.
(...)
A court terme, le BCMI avait, peut-être, un impact moins discernable, mais celui-ci, combiné avec d’autres
forces, culminerait dans le climat du design actuel. Certainement que le contexte économique dans le Royaume-
Uni a signifié qu’il n’était pas en position, en 1946, d’étayer une demande pour le design – le rationnement
continuerait jusqu’en 1952 – et c’était seulement vers la fin des années 50 qu’un réel marché de consommateur
avec un haut degré de revenu aliénable pourrait se permettre de payer le genre de marchandises exposé à la
BCMI. Malgré tout, il a été démontré qu’au moins certains visiteurs de BCMI étaient plus conscient à la suite de
leur visite et ainsi dans une position de faire un choix plus judicieuse une fois les marchandises devenues
disponibles.) 623Sparke, P. Did Britain make it? British design in context 1946-86, Londres, The Design Council, 1986, p.129
228
développement du design pour l’amélioration des conditions sociales, afin d’établir des
standards accessibles au plus grand nombre. Sur cette ambition, le design britannique rejoint
d’ailleurs le design Scandinave.
Des théories de Ruskin à Morris et son obsession pour la tradition rurale synonyme de rigueur
et de simplicité, les britanniques semblent avoir toujours recherché des réponses simples et
naturelles aux préoccupations ambiantes.
From the Arts and Crafts emphasis on soundness and straightforwardness, the dignified and natural, there
developed a whole attitude, belief in lasting values which, one way or another has been a contrast element in
British design practice.
(…)624.
N’oublions pas qu’en parallèle de cette création nouvelle prospérait un marché spécialisé
dans la fabrication de meubles d’imitation des styles anglais et français passés. Ce mobilier
avait la faveur de la bourgeoisie et l’aristocratie anglaise ainsi que celle des classes moyennes
fascinées par ce mode de vie.
Gerald Summers et Isokon
Durant la période précédant la Seconde Guerre mondiale, un certain modernisme apparaît
chez quelques créateurs anglais, notamment grâce à l’introduction en Grande Bretagne des
meubles créés par l’architecte finlandais Alvar Aalto. Par la suite, la firme de Gerard
Summers (1899-1967), Makers of Simple Furniture, ou Isokon soutenue par Marcel Breuer de
passage en Angleterre avant de s’installer aux Etats-Unis, se lancent dans la création de
meubles en contreplaqué laminé (cf.vol.2, annexe 4, fig.70 à 73).
Gerard Summers (1899-1967) :
Après des études d’ingénieur, il fonde à Londres en 1931 son entreprise baptisée « Makers of
Simple Furniture ». Influencé par Alvar Alto, Summers est l’un des premiers créateurs
britanniques de son époque à utiliser le contre-plaqué de bouleau pour créer à la fois des
chaises et des tables. Summers utilise alors un bois exceptionnel, un type de contre-plaqué
sans aucun défaut, dit « aviation », fabriqué par Venesta Ltd. Malheureusement, ce matériau
se raréfie dès le début de la guerre, sa production étant réservée à la construction d’avions de
combat. En 1934, il créé son fauteuil le plus célèbre, monobloc aux formes organiques en
contre-plaqué courbé. Cette pièce est un formidable exemple de la prouesse technique que
permet le contre-plaqué, la résistance étant obtenue par des déformations limitées sous presse
et moule, à effet de raidisseurs. La référence à Aalto, notamment à son fauteuil de Païmio,
créé autour de 1931-1932 (cf.vol.2, annexe 4, fig.72), y est évidente. Aalto était en effet
présent sur le marché anglais grâce à l’implantation d’Artek.
624 MacCarthy, F., British Design since 1880, op. cit., p.23-24. (Traduction de l’auteur: “A partir de
l’accentuation des Arts and Crafts des aspect de sincérité, le digne et le naturel, c’est développé une attitude
nouvelle; la croyance aux valeurs durables qui, d’une manière ou d’une autre a été un élément contrastant dans
la pratique du design britannique. (...) »).
Ont grandement contribuée au caractère la création du culte du profondément ordinaire qui est depuis presque
devenu le style national.
229
Dans la première partie, nous avions déjà évoqué les qualités techniques tout à fait
exceptionnelles du bouleau permettant la création de meubles aux formes organiques et
étranges (cf chapître 1 sur les différentes essences de bois).
Isokon :
En 1931, Wells Coates, Graham Mary, Molly Pritchard, Jack Pritchard et Robert S. Spicer se
regroupent pour former Isokon. Ce fabricant, contrairement à ses contemporains, ne s’oriente
vers le passé mais plutôt vers l’avenir et produit du mobilier moderne encore inexistant sur le
marché anglais. Connaissant les tendances conservatrices de leurs compatriotes, le mobilier en
bois et en contreplaqué moulé et cintré voire plié fut préféré à celui fait de tubes métalliques.
Les modèles étaient notamment dessinés par Marcel Breuer et Walter Gropius, maîtres du
Bauhaus de passage en Angleterre avant de partir aux Etats-Unis. A travers l’Isokon Dining
Table et Isokon Dining Chair de 1936 dessinées par Marcel Breuer, on voit ici que le contre-
plaqué peut être plié de façon étonnante (cf.vol.2, annexe 4, fig.71).
« Festival of Britain »
En 1951, l’exposition « Festival of Britain » organisée à South Bank prouve que le design
populaire peut intéresser et avoir du succès. La sélection des 10 000 produits présents fut
dûment approuvée par le COID.
La création était à l’époque dominée par quelques créateurs tels qu’Ernest Race et Hille, en
collaboration avec Robin Day.
En 1956, Londres acceuille son Design Center et attribue le premier award dès 1957.
British designers were receptive to the influence of both the USA and Scandinavia in the 1950s. Germany, and to
some extent, Italy as well during the 1960s625.
Terance Conran et Habitat
La création d’Habitat par Terance Conran en 1964 arriva à point nomme. En effet, les
intérieurs anglais étaient sinistres ornés de tristes tissus d’ameublement. Pour meubler son
intérieur, il fallait glaner de magasin spécialisé en magasin spécialisé. Pour la première fois,
Habitat rassemble tout en un même magasin où profusion des couleurs et des influences se
côtoient et ou les clients peuvent toucher et essayer les produits.
On y trouvait des meubles robustes, sans fioritures, les objets dernier cri venus d’Italie et le
sobre design contemporain de Scandinavie. C’est Terance Conran inaugure ce concept d’Art
de Vivre et qui introduit le premier le concept de mode dans le mobilier anglais. Le premier
« Habitat » ouvre sur Fulham Road en 1964 à Londres et en 1973 à Montparnasse, en France.
625 MacCarthy, F., British Design since 1880, op. cit., p.46. (Traduction de l’auteur: “Les designers britanniques
étaient réceptifs à l’influence tant des Etats-Unis que de la Scandinavie pendant les années 50. L’Allemagne et
dans une certaine mesure, l’Italie aussi pendant les années 1960. »)
230
Habitat exploite donc le créneau ouvert au design et à la modernité d’une manière
démocratique et abordable. Alors que jusqu’ici les meubles étaient lourds, en bois sombre et
transmis de génération à génération, ils sont maintenant proposes par Habitat en pin, en frêne
avec des textiles à rayures ou à fleurs créés par Conran lui-même (cf.vol.2, annexe 4, fig. 74).
Là se côtoyaient mobiliers et articles de table venus de Scandinavie et de l’Italie626.
John Makepeace (né 1939) et le retour à l’artisanat
L’ébéniste John Makepeace (cf.vol.2, annexe 4, fig.75 à 82) incarne à lui seul un retour à
l’artisanat dans les années 1970 et s’inscrit alors dans le Crafts Revival627. Bien qu’admiratif
des avancées techniques de Gordon Russell, il reste très marqué par la tradition, comme
nombre de créateurs anglais.
Pendant les années 50, il découvre les créations d’ébénistes danois comme Rasmussen et Finn
Juhl à l’occasion des expositions annuelles organisées par la guilde des ébénistes à
Copenhague et en sera très influencé.
Makepeace comprend très tôt qu’en tant qu’ébéniste il doit s’évertuer à créer des meubles
expressifs, uniques et non des meubles formatés destinés à une fabrication industrielle. Dans
les années 60, il fera néanmoins l’expérience des techniques industrielles afin de proposer lui
aussi des prix compétitifs mais abandonnera rapidement cette voie.
En 1972, « The Crafts Council » est formé par le gouvernement anglais afin de soutenir
l’artisanat d’Art par le biais d’expositions et de mécénats.
En 1980, Makepeace inaugure la « School of Panham », école d’ébénistérie privilégiant une
approche artisanale de la création mobilière.
Au début de sa carrière, Makepeace utilisait principalement du bois tropical très dur, mais au
fur et à mesure des préoccupations environnementales grandissantes il délaissa ce type de bois
au profit de bois indigènes anglais comme le chêne, le houx, l’if, le mûrier, le frêne, le cerisier
et le sycomore, de préférence pourvus de singularités au niveau de la forme du bois628.
Le travail de Makepeace est clairement imprégné de l’héritage anglais de l’ébénisterie
d’artisanat qui remonte au 17ème siècle et passe par le mouvement des Arts and Crafts. Il
représente une fabrication artisanale de pièces uniques ou de série limitée et donc des pièces
relativement onéreuses.
Revues :
N’ayant eu accès qu’aux articles de la revue Design, étendard de l’avant-garde créatrice et peu
encline au mobilier en bois, il s’avère difficile de tirer des conclusions et de généraliser le
goût du public britannique.
Le design scandinave se fera connaître en Angleterre dès les années 30, notamment grâce à
l’importation de meubles signés Alvar Aalto. A partir de ce moment, les anglais
s’intéresseront de plus en plus à ce mobilier, jusqu’au point culminant des années 50 à l’instar
626 Source : www.habitat.net consulté le 13 janvier 2007 627 Le Crafts revival est un mouvement pour la reconnaissance de l’artisanat d’art apparu en Grande-Bretagne
pendant les années 70. 628 Myerson, J., Makepeace : A spirit of Adventure in craft and Design, New York, Cross River Press, 1995
231
d’autres pays tels les USA ou l’Europe. Nous avons constaté la fascination commune des pays
scandinaves et de l’Angleterre pour la tradition d’ébénisterie et pour un mobilier en bois aux
formes épurées. Durant plusieurs décennies, les ébénistes danois se sont inspirés du mobilier
anglais du 18ème siècle, et ceci d’ailleurs jusque dans les années 40 et 50 lorsque Kaare Klint,
Hans J. Wegner et Ole Wachner reprendront librement des créations britanniques datées du
18ème siècle. Ce fait explique en partie l’attraction de ces mêmes créateurs pour la clientèle
anglaise.
Quant aux Etats-Unis, l’exposition itinérante « Design in Scandinavia » imaginée par
Elisabeth Gordon, rédactrice en chef du magazine House Beautiful, se déplaça entre 1954 et
1957 à travers tout le continent nord-américain et attira chaque fois plus de visiteurs.
La création des années 60 en Grande Bretagne peut être scindée en deux. D’un côté la
création « design » entretenue dans la plupart des pays européens et se traduisant par un
intérêt grandissant pour les matières plastiques et colorées, accompagnée de son pendant
mouvement Anti-Design, de l’autre, une création plus abordable à tout point de vue et
emportant la préférence du grand public. Cet aspect populaire hérité des Arts and Crafts et du
mobilier « Utility » s’exprime par le biais de mobilier en bois d’origine européenne plus
qu’exotique.
Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, bien que la Grande Bretagne entretenait
des liens privilégiés avec l’Allemagne et l’Italie sur la question du design, sa production
courante attestait néanmoins de l’influence des pays scandinaves dont la tradition rejoignait
celle des « Arts and Crafts ».
Conclusion :
En conclusion, nous pouvons affirmer que la tradition du mobilier en bois est restée très
vivace en Angleterre jusqu’au 20ème siècle. La simplicité des créations de l’utility furniture
scheme à partir d’essences indigènes anglaises témoigne aussi bien de trois siècles de tradition
ébéniste que d’une forte influence scandinave. Le marché mobilier, jusqu’ici l’apanage de
grands magasins spécialisés comme Heal’s, évolua grâce, entre autres, à Terance Conran et
Habitat. L’introduction d’essences plus claires sur le marché se fera en effet par
l’intermédiaire de ces deux magasins. Quant a la tradition des Arts and Crafts, elle reste très
présente et est, depuis les années 60-70, incarnée par John Makepeace. A noter également
l’existence d’un petit marché parallèle consacré au design avant-gardiste avec notamment les
meubles d’Alvar Aalto et de Gerard Summers.
232
L’Allemagne
Histoire, politique et société
La capitulation du III e Reich le 8 mai 1945 et la domination des Alliés entraînèrent la
disparition de l’Allemagne en tant qu’Etat.
Le statut d’occupation est confirmé à la conférence de Potsdam qui définit un certain nombre de principes
politiques et économiques à appliquer dans les zones contrôlées par les Alliés : démilitarisation,
« dénazification », « décartellisation », limitation de la production industrielle, versement à titre de réparations
d’usines et de matériel…Le pays est dans un état de misère et de démoralisation totale : c’est l’ « Allemagne
année zéro » (titre d’un film de Rossillini en 1947)629.
Cependant l’organisation de cette prise en main se trouve rapidement paralysée par les
désaccords apparus entre les Alliés.
Les Anglo-Américains, qui souhaitent le redressement économique de l’Allemagne et sa renaissance politique
dans un cadre fédéral, fusionnent leurs zones le 1er janvier 1947. La France, plus réticente, ne s’y résout que le
3 juin 1948 (Accords de Londres) devant la pression soviétique en Europe centrale et orientale. Quelques
semaines plus tard, une importante réforme monétaire dans les zones occidentales (création du Deutschemark),
suivie du blocus de Berlin-Ouest par les Soviétiques du 23 juin 1948 au 12 mai 1949, accélère la coupure de
l’Allemagne en deux630.
Suite aux élections locales dans les zones occidentales à partir de 1946, la vie politique renaît
peu à peu vers le parti chrétien-démocrate (CDU) et le parti social-démocrate (SPD). En 1948,
un Conseil parlementaire constitué de délégués des dix « Länder » de l’Ouest se réunît à Bonn
et vota le 8 mai 1949 la loi fondamentale de la République fédérale allemande, règlement
provisoire avant la réunification de tout le peuple allemand.
La loi fondamentale de mai 1949 institue un Etat fédéral réunissant dix « Länder » ayant chacun son assemblée,
son gouvernement et une large autonomie dans certains domaines (justice, enseignement…). Le pouvoir
législatif est détenu par deux assemblées, le Bundesrat (composé des délégués des gouvernements des
« Länder »), et surtout le Bundestag, élu pour quatre ans au suffrage universel selon un système complexe qui
combine scrutin uninominal majoritaire et scrutin proportionnel. Le chancelier, chef du pouvoir exécutif, est élu
par le Bundestag qui ne peut le renverser qu’après avoir au préalable désigné son successeur à la majorité
absolue (vote de défiance constructif). (…) L’Allemagne de l’Ouest est née. La création dans la zone soviétique
d’une « République démocratique allemande » en octobre 1949 ne fait que consacrer une scission déjà inscrite
dans les faits631.
A partir des années 50, l’Allemagne de l’Ouest connaît une rapide reprise économique:
La RFA a cumulé de nombreux atouts décisifs : une aide américaine justifiée par les tensions de guerre froide,
un réseau bancaire efficacement lié à la production, un mark compétitif mais assez solide pour attirer les
capitaux étrangers, une rente de situation géographique inégalable dans le Marché commun grâce à la maîtrise
de l’axe rhénan, un consensus social forgé par l’histoire et préservé par l’ordo-libéralisme des dirigeants
démocrates-chrétiens. La mobilisation énergique de ces facteurs conduit à une puissante reprise de la
production industrielle et à la reconquête rapide d’une place de choix dans le commerce international632.
629 Berstein & Milza, Histoire du XX e siècle, op.cit.., p.49 630 Idem., p. 49 631 Idem., p.50 632 Idem., p.212.
233
Bien qu’étant dans une situation économique difficile au sortir de la guerre, l’Allemagne a su
s’en sortir rapidement.
L’importance du bois dans l’économie allemande
Ressources forestières
Grâce à ses importantes ressources forestières, l’Allemagne fait aujourd’hui partie des leaders
mondiaux en matière de mobilier. Au niveau européen, elle n’est en effet devancée que par la
Suède et atteint approximativement le même niveau que la Finlande des années 60 concernant
la production de sciages de résineux. Quant à la production de sciages feuillus, l’Allemagne
en était le troisième producteur européen derrière la France et la Roumanie dans les années
60. Très tôt, l’industrie allemande a développé et utilisé les matériaux dérivés du bois. La
production s’oriente donc rapidement vers les panneaux de contre-plaqué, puis, à partir du
milieu des années 60, vers les panneaux en particules et en fibres, moins coûteux et plus
malléables que les précédents.
De par ses grandes ressources forestières, l’Allemagne figure parmi les plus grands
importateurs et exportateurs de meubles, notamment pour les feuilles de placage (numéro 1 en
Europe pendant les années 60).
Production/Import/Export :
Les chiffres de la FAO concernant la production, les importations et les exportations
corroborent ces faits633 (cf.vol.2, annexe 1, fig. 87 à 195). Ainsi, l’Allemagne produit en
938.850 t de bois conifère, 2.271.850 t de bois non conifère, déjà 1.146.300 t de panneaux de
particules et 229.500 t de panneaux de fibres. L’évolution est très rapide, notamment pour les
différents matériaux dérivés du bois tels que les panneaux de particules (4.357.800 t produites
en 1970, 8.125.000 t produites en 1989, autour de 10.840.000 t en 2006), les panneaux de
fibres : 326.000 t en 1970 et 630.000 t en 1989 et 804.000 t en 1994 (Après 1994 les chiffres
concernant les panneaux de fibres ne sont plus disponibles auprès de la FAO) mais également
pour le bois conifère (9.139.750 t en 1970, 11.738.500 t en 1989, et 23.242.000 t en 2006) et
le bois non conifère jusqu’en 1978 (2.458.750 t en 1970, 2.707.500 en 1978). On constate en
revanche une baisse progressive de la production de bois non conifère après 1978 (2.603.500 t
en 1980, 1.723.000 t en 1991, et 1.178.000 t en 2006).
Quant aux exportations, nous notons surtout celles de bois confère (131.850 t en 1961 contre
7.283.000 t en 2006) et de panneaux de fibres (22.600 t en 1961 contre 3.567.000 t en 2006).
Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois
L’Allemagne a une grande tradition en matière de mobilier en bois. Depuis le 16ème siècle, le
noyer reste l’essence la plus employée en Allemagne et surtout dans le sud (cf.vol.2, annexe
5, fig.1). Entre 1600 et 1700, cette essence servait notamment à confectionner des armoires
massives à lourdes corniches (cf.vol.2, annexe 5, fig.2 et 3). Jusqu’au milieu du 18ème siècle,
l’Allemagne fut largement influencée par la France, ce qui donna naissance au rococo
633 Source : www.faostat.fao.org
234
allemand (cf.vol.2, annexe 5, fig.9). Le recours au placage (noyer, ivoire gravé, les bois
fruitiers et le sycomore) (cf.vol.2, annexe 5, fig.5 à 7), et au laque (cf.vol.2, annexe 5, fig.4)
est courant. La mode de l’acajou, répandue en Angleterre et en France, ne gagnera
l’Allemagne qu’à la fin du siècle sans pour autant que les ébénistes abandonnent l’emploi du
noyer et du cerisier (cf.vol.2, annexe 5, fig.8, 10 à 13). Pendant cette même période, le
mobilier populaire et abordable reste constitué d’un placage de noyer.
Au début du 19ème siècle, l’influence du style Empire français est manifeste bien que le
mobilier « Empire » soit plus grand et imposant que son équivalent français (cf.vol.2, annexe
5, fig. 14 à 17).
C’est également à cette époque que naquit le style Biedermeier, style de prédilection de la
bourgeoisie aisée en Allemagne, en Autriche, en Suisse et en Scandinavie. Ce mobilier se
caractérisait par des lignes nettes, dépourvues d’ornements sculptés (cf.vol.2, annexe 5, fig.18
à 26). L’acajou reste une essence en vogue bien que trop onéreuse pour les classes moyennes
qui lui préfère les bois indigènes : noyer, merisier, poirier, bouleau et frêne. Dans le mobilier
Biedermeier, le grain du bois et la simplicité de ses formes constituent les éléments décoratifs
essentiels. Le fonctionnel prime sur le décoratif, bien que l’on relève toujours une harmonie
des couleurs, souvent avec des bois clairs. Par ailleurs, la mécanisation des procédés de
fabrication ne s’étant pas réellement développée avant la seconde moitié du siècle, le mobilier
Biedermeier du début de la période est manifestement l’œuvre d’artisans.
Autour des années 1860 l’Allemagne, comme l’Europe, affiche un certain éclectisme avec un
retour aux styles anciens, néogothique, rococo et renaissance, fabriquant désormais à
moindres frais grâce aux innovations techniques634 (cf.vol.2, annexe 5, fig.25 à 28).
L’Allemagne est, avec l’Autriche et la Suisse, le pays dont la création a le plus marqué
l’avant-guerre, la création moderne ayant émergé de ces zones. Tout commença en 1907 avec
la création de la Corporate Identity de Peter Behrens pour la firme AEG. L’Allemagne fut en
effet la première à saisir l’importance et la valeur ajoutée d’un design bien choisi.
Bien que la révolution industrielle allemande se déploya dès le troisième quart du 19ème siècle,
on resta pourtant très attaché aux styles « historiques » jusqu’au début du 20ème La plupart du
temps, les appartements ressemblaient à de véritables décors de théâtre, orné de mobilier
sombre et lourd. La mécanisation ne servait alors qu’à copier les styles du passé sans en
inventer de nouveaux. Le poids de l’ancien était tel que le ministre prussien de l’Economie
décida d’envoyer l’architecte Herman Munthesius en Angleterre avec mission d’espionner la
création anglaise et d’estimer la faisabilité d’implantation du modèle Art and Crafts en
Allemagne.
A son retour, il rédigea un nombre considérable d’articles et d’ouvrages et lança une réforme
dans le domaine des arts. Celle-ci contribua à la fondation d’écoles telles les Wiener
Werkstätte (Atéliers viennois), les Vereinigte Werskstätte (Ateliers réunis) à Munich et les
Dresdner Werkstätte (Ateliers de Dresde). Ces écoles se démarquaient alors du marché d’art
traditionnel en entretenant des liens étroits avec les nouveaux courants artistiques.
Vers 1900, le Jugendstil mit un terme définitif à la tendance « historique » du goût allemand
en matière de meubles. Ce style sculptural donna naissance à des œuvres inspirées du monde
végétal et ornemental, à l’instar de l’Art Nouveau en France et ailleurs, et dans le même
temps.
634 Miller, Judith, Le Mobilier, ancien et contemporain, op.cit..
235
La montée de la culture bourgeoise, notamment a Dresde, encouragea le développement d’une
création plus naturelle. Le groupe d’artistes « Die Brücke » produisait notamment des
peintures dans cet esprit.
En 1907, le belge Henry Van de Velde (1863-1957), arrivé en Allemagne en 1902, obtient le
poste de « conseiller artistique chargé d’élever le niveau de la production artisanale et des
industries » auprès du grand-duc de Hesse à Weimar. C’est également Henry Van de Velde
qui édifia l’école des Arts et Métiers de Weimar, ancêtre du Bauhaus.
Parallèlement, en 1907 Peter Behrens fut engagé par l’AEG.
Avant la seconde guerre mondiale, nombre de créateurs travaillant le bois œuvraient en
Allemagne (cf.vol.2, annexe 5, fig. 30 à 53).
L’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en1933 marqua pourtant le déclin du Modernisme
Allemand.
En feuilletant le livre Le Design du Meuble au XX e siècle de Sembach, Leuthäuser et Gössel,
dont la majorité des illustrations sont consacrées à des artistes germaniques, nous sommes
frappés par l’omniprésence du bois dans l’aménagement intérieur.
Dès 1900, des architectes et créateurs tels Joseph Marie Olbrich, Josef Hoffmann, Richard
Riemerschmid, Bernard Pankok, Peter Behrents et Koloman Moser produisaient des pièces
novatrices tout en continuant à travailler les essences de bois indigènes.
Prenons l’exemple de cette chaise de musicien en chêne conçue par Richard Riemerschmid
pour l’exposition de Dresde en 1899 et dont la simplicité des formes est admirable (cf.vol.2,
annexe 5, fig.41). Ou, dans un autre style, l’armoire de Bernard Pankok réalisée en 1902 en
chêne avec un placage de merisier (cf.vol.2, annexe 5, fig.42).
Notons également cette Salle à Manger de Peter Behrens pour sa Villa Damstadt, constituée
de meubles en peuplier laqué blanc, acajou et amarante datant de 1901 (cf.vol.2, annexe 5,
fig.43). La référence à l’écossais Mackintosh est ici très perceptible.
De même, ce fauteuil de Koloman Moser en lattes de hêtre laqué avec siège en vannerie
datant de 1902, ainsi que ce superbe fauteuil avec accoudoirs et dossier réglable en hêtre et
bois courbé laqué de Josef Hoffmann, réalisé par Jacob et Josef Kohn en 1905 (cf.vol.2,
annexe 5, fig.44).
Sans oublier les créations d’Adolf Loos, notamment un fauteuil en hêtre foncé datant de 1898-
99 ou celui de Josef Hoffman en hêtre poli datant de 1906 appartenant à la célèbre série de
meubles Fledermaus (cf.vol.2, annexe 5, fig.45). Ce modèle d’Hoffmann, comme bien
d’autres modèles, fut réalisé par la firme Jacob et Josef Kohn à Vienne avant d’être soumis à
la production de série ce qui le rendit plus abordable.
Le superbe fauteuil d’Otto Wagner créé pour la salle de réunion de la Caisse d’Epargne de la
poste de Vienne est également en hêtre foncé avec des lamelles en aluminium et date de 1906
(cf.vol.2, annexe 5, fig.46). Les lamelles en aluminium permettaient de renforcer les parties
fragilisées par la courbure du meuble.
De par sa flexibilité et sa facilité de coloration, le frêne était plébiscité par les créateurs
voulant produire des meubles courbés, par exemple : ce buffet et ce fauteuil en hêtre foncé de
Richard Riemerschmid datés aux environs de 1900 (cf.vol.2, annexe 5, fig.47 à 48). Le choix
de cette essence permettait l’élaboration de meubles d’une extrême simplicité à la limite de la
sobriété.
Notons également ce petit bureau et ce fauteuil en chêne foncé de Josef Hoffmann, datant
respectivement de 1905 et 1906 (cf.vol.2, annexe 5, fig.49 à 50). L’autre essence
236
fréquemment employée était l’acajou, comme pour ce fauteuil d’Hoffmann, datant de 1899
(cf.vol.2, annexe 5, fig.51), ce bureau de dame de Bernhard Pankok de 1900-1901 (cf.vol.2,
annexe 5, fig.52) ou encore cette table à hélices de Richard Riemerschmid, datant de 1905
(cf.vol.2, annexe 5, fig.53).
Mobilier
Malgré sa position de leader mondial, nous n’en connaissons malheureusement que très peu
sur la production de meubles allemande pour la période de l’après-guerre. L’Allemagne
organise chaque année le salon du meuble de Cologne, le plus important au niveau européen
puisqu’il rassemble plusieurs centaines d’exposants venus des quatre coins du monde.
Paradoxalement, alors que les medias ont toujours présenté le design allemand comme froid et
technique, l’Allemagne devient en fait l’un de plus gros producteur de bois et de mobilier en
bois en Europe.
En revanche, il faut admettre que si l’Allemagne et plus largement le monde germanique ont
été le berceau de la création d’avant-garde avant la Seconde Guerre mondiale, la situation se
renverse dès la fermeture du Bauhaus et des Wiener Werkstätte avec la fuite des créateurs
vers les Etats-Unis. L’Europe germanique s’étant retrouvée privée de ses plus grands talents,
elle devint une concurrente affaiblie et laissa le champ libre à la rapide ascension du design
scandinave après la Seconde Guerre Mondiale.
En feuilletant les ouvrages consacrés au design de la période de l’après-guerre et jusqu’aux
aux années 50, on constate qu’il n’est fait aucunement mention des créations de l’Europe
germanique.
(…) Le meuble massif, comme chez nous, disparaît de plus en plus pour faire place aux meubles plaqués en
panneaux lattés ou en panneaux agglomérés635 Il est difficile d’évaluer le pourcentage des uns et des autres. Car
le panneau aggloméré est toujours « emboîté 636» ou plaqué sur champ. Les fabrications ordinaires sont en
général en panneau aggloméré, tandis que le panneau latté est réservé pour la fabrication plus soignée.
Le « latté » reste supérieur à « l’aggloméré » du point de vue « résistance mécanique » ; aussi pour certaines
pièces subissant des efforts importants, le latté est et restera sûrement préféré ; c’est ce qui explique que, dans
certains construction, l’aggloméré est utilisé pour les tablettes et les éléments courts et le latté pour les parties
importantes. Même des meubles à des prix révolutionnaires aux yeux des industriels français, sont en « latté »
(…)
L’orme, le noyer, le merisier sont à l’honneur, très peu de chêne (…)
Nous n’avons pas pu nous empêcher d’être fort étonné de voir la façon dont certains fabricants de chambre à
coucher, en particulier, teintent le bouleau pour arriver à lui donner une couleur métallisée au point qu’on se
demande si c’est un ensemble en acier ou en bois.
Un point frappant, d’une manière générale, tous ces meubles sont d’un volume supérieur aux meubles
français637.
Cet article, comme le feront d’ailleurs plusieurs revues françaises, illustre bien la rapide
évolution de la production allemande de matériaux dérivés du bois (cf. chiffres de la FAO en
annexe 1, fig. 101 à 205). En effet, elle devança rapidement celle des autres pays européens.
C’est que les industriels allemands ont mis a profit la destruction de leurs usines pour reconstruire de fond en
comble la structure de leur profession, pour réviser l’implantation de leurs ateliers et de leurs machines, pour
adopter des techniques nouvelles et des méthodes de production et de commercialisation plus modernes, pour
635 Cette appellation est impropre en France, il faut lire « panneaux de particules » 636 = emboîturé ou alaisé 637 Maheu, Claude-François, « Le meuble Allemand à la foire de Cologne », in Revue du bois et de ses
applications, n° 4, avril 1956, p. 23-24.
237
atteindre à une productivité plus grande. Le résultat, c’est qu’ils sont actuellement les mieux placés d’Europe et
les plus productifs638.
La tradition du Bauhaus et de l’école d’Ulm
Le but quelque peu utopique visée par l’école du Bauhaus était de construire le futur en
combinant tous les Arts. Pour ce faire, le fondateur Walter Gropius développa une nouvelle
méthode d’enseignement inspirée des idées véhiculées par les Arts and Crafts et reposant sur
l’organisation d’ateliers. Estimant l’artisanat comme la base de tout Art, il voulait ainsi
estomper la frontière entre les deux. Sa première devise fut en effet : « artisanat et art, une
nouvelle unité ». La réalité était bien sûr beaucoup plus complexe.
En 1923, le Bauhaus changea de programme. Adoptant une nouvelle devise « art et
technologie – une nouvelle unité », l’objectif était alors de développer des prototypes destinés
à la production de masse. Malgré cela de nombreuses tentatives, la production du Bauhaus
demeura essentiellement artisanale. La formation elle-même en suivit le modèle ; une fois
suivi leur apprentissage, les étudiants devenaient compagnons, puis éventuellement maîtres.
Cependant, l’histoire du Bauhaus n’est pas une histoire linéaire. Les changements de direction
et de professeurs ainsi que les diverses influences combinées au changeant contexte politique
entraînèrent de nombreux changements.
La base de l’enseignement du Bauhaus consistait en une unité de formation artistique et
pratique. Chaque étudiant devait d’abord suivre le cours préliminaire à l’issue duquel il
pouvait intégrer de son choix : métal, tapisserie, poterie, typographie, papier peint ou
menuiserie. Chaque atelier était dirigé par un artiste et un maître artisan. Les ateliers
reposaient sur une réflexion autour des arts et du design ainsi que sur un travail pratique. Il en
sortait des prototypes exploités par les ateliers du Bauhaus ou par une production industrielle
avec licence, en particulier pendant la période du Dessau.
L’atelier de menuiserie fut d’abord dirigé par Johannes Itten puis, à partir de 1921, par Walter
Gropius lui-même.
La ligne directrice du concept du Bauhaus de Gropius résidait dans l’idée que chaque objet
devait correspondre à un idéal de fonction pratique, pérenne, peu coûteux, esthétique et
pouvant donner naissance a un prototype exploitable industriellement639.
De l’école du Bauhaus nous retenons surtout les créations de Marcel Breuer (1902-1981)
designer de meubles et architecte d’origine hongroise qui dirigea de 1925 à 1928 l’atelier de
menuiserie du Bauhaus où il réalisa notamment ses fameuses chaises en tube d’acier. En tant
que juif hongrois, son avenir était compromis en Allemagne après 1933, il partit donc pour
Londres puis suivit Walter Gropius aux Etats-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, il
entama une deuxième carrière en tant qu’architecte international.
En 1925, une réduction de moitié de son budget oblige le Bauhaus à déménager à Dessau,
l’école sera désormais connue sous le nom de « Bauhaus Dessau, Hochschule für
638 Goislard, Paul-Henry, « L’Ameublement à la croisée des chemins », in Revue du bois et de ses applications,
n°2, février 1955, p.18 639 Source : www.bauhaus.de
238
Gestaltung ».En 1931, la montée de l’extrême droite en Allemagne oblige le conseil
municipal à fermer l’établissement. Le Bauhaus déménage alors une troisième fois et rouvre
le 18 octobre 1932, sous le nom de Bauhaus Berlin école privée, avant de fermer
définitivement le 20 juillet 1933640.
En 1928, Hannes Meyer succède à Walter Gropius. La vision de Meyer est quelque peu différente de celle de
Gropius. Il engage l’école dans une démarche productiviste (…) L’école ne doit plus créer d’objets destinés à
quelques privilégiés urbains, mais satisfaire les besoins du peuple. En 1930, Meyer est remplacé, à la direction
de l’école, par Ludwig Mies Van der Rohe. A partir de ce moment le Bauhaus devient une école technique et
professionnelle. Elle relègue à l’arrière plan son ambition de mise au point d’un projet social et culturel641.
Les chaises en tube d’acier de Marcel Breuer.
Bien que l’école de Bauhaus ne fasse pas littéralement partie de la période que nous étudions,
son impact au niveau mondial nous oblige à la prendre également en considération. En effet,
si nous ne retenons couramment aujourd’hui que sa contribution au modernisme du début du
siècle, la dimension artisanale a pourtant joué un rôle fondamental à ses débuts.
Même si cette dualité artisanat-industrie continue aujourd’hui encore à jouer un grand rôle en
Allemagne, il faut prendre conscience que la tradition comme la modernité ont marqué la
création germanique.
Les images (cf.vol.2, annexe 5, fig. 54 et 55) restituées nous révèlent des formes simples, une
construction rectiligne et très sobre. Les essences de bois choisies renforcent cette impression
de simplicité; poirier teinté pour l’un et chêne massif pour l’autre.
Hochschule für Gestaltung - L’Ecole d’Ulm (Ecole Supérieur du Design)
L’Ecole d’Ulm est souvent considérée comme le successeur du Bauhaus. L’école ouvre en
1950 à Ulm, sous la direction de Max Bill, ancien élève du Bauhaus et repose sur l’idée d’un
design fonctionnel et simple adapté à une production de masse. En grande partie financée par
le plan Marshall, Max Bill sut s’entourer d’une équipe internationale. Bien que les
fondements de l’enseignement soient les mêmes que ceux du Bauhaus, l’art et l’art décoratif
en sont pourtant bannis, les quatre disciplines de base étant l’information, la construction
industrielle, la conception de produits et la communication industrielle. En revanche, un
département cinématographique y est rattaché.
Le tabouret en bois « Ulm » dessiné par Max Bill, Hans Gugelot et Paul Hilbinger en 1954
(cf.vol.2, annexe 5, fig. 56) est assez représentatif. Simple et rectiligne, il incarne toute la
fonctionnalité et simplicité du design allemand. Les créations de Bill seront pour la plupart
toujours fonctionnelles et simples (cf.vol.2, annexe 5, fig. 57 à 59), une simplicité que l’on
retrouve également au sein du fabricant de mobilier Thonet.
640 Despond-Barré, Arlette (dir.), Dictionnaire International des Arts Appliqués et du Design, op.cit.,. p. 62-63. 641 Idem.
239
Thonet
Michael Thonet est né en 1796 à Boppard dans le Rhin. Particulièrement doué pour
l’artisanat, il est formé dans le domaine de la menuiserie et ouvre en 1819 son premier atelier
à Boppard – The Thonet building and furniture Carpentry. C’est le début de l’entreprise que
nous connaissons aujourd’hui.
Entre 1830 et 1836, Michael Thonet fait de nombreuses expériences qui l’amènent a créer ses
meubles révolutionnaires en bois courbé.
Following boiling strips of wood in glue, he places them in metal forms to dry in the required shape642.
Après avoir chauffé les morceaux de bois jusqu’à 100°C dans des chambres à vapeur643, deux
employés insèrent le morceau de bois devenu malléable dans des moules courbés en fer.
Ensuite, maintenus dans le moule, les morceaux sont séchés à une température d’environ 70°
C pendant au moins 20 heures, afin qu’ils acquièrent une forme courbée définitive644. Cette
technique permet pour la première fois la production en masse tout en en réduisant les coûts.
En 1842, Fürst Metternich, Federal Chancellor d’Allemagne, attire Michael Thonet à Vienne.
A l’origine, Thonet travaillait pour plusieurs sociétés mais décide en 1849 de fonder la sienne
avec l’aide de ses cinq fils.
Le fauteuil N°1 est une innovation importante. Composé de 4 éléments qui peuvent être
utilisés pour d’autres modèles selon un système modulaire , ce fauteuil datant de 1850 fut
présenté à Exposition Universelle à Londres en 1851. Il se lança dans une production
industrielle avec une variété de types et modèles.
En 1853, Michael Thonet céda la société à ses fils qui la baptisèrent alors « Gebrüder
Thonet » (Thonet Fils).
Le fauteuil n° 4 fut, quant à lui, produit en grandes quantités. Le premier commanditaire fut le
Café Daum à Vienne, à la suite duquel l’hôtel « Queen of England » à Budapest commande
400 exemplaires.
C’est le début d’un succès qui sera récompensé à l’exposition universelle à Paris en 1855.
Ils installent successivement des usines en Kontschan (Moravia) puis dans des régions boisées
de l’ancienne république Tchèque, en Hongrie, et en Russie.
Les Thonet n’innovent pas uniquement en matière de création, leurs méthodes de production
sont tout aussi révolutionnaires. En effet, ils créent leurs propres machines et morcellent le
processus de fabrication en plusieurs étapes, chacune ayant sa spécialisation.
La chaise 14 (aujourd’hui n° 214) sera leur plus grand succès. Composé de 6 éléments en bois
et de 10 visses, cette chaise deviendra par la suite un classique du design. En 1867, elle
obtient la médaille d’or à l’Exposition Universelle à Paris et a déjà été vendue à plus de 50
millions d’exemplaires dès 1930 (cf.vol. 2, annexe 5, fig.62).
642Source : www.thonet.de 643 Etuves 644 Source: www.goethe.de
240
Thonet met au point également une nouvelle méthode de transport. Tous les éléments
constituant 36 chaises peuvent entrer dans une caisse de moins de 1m3, les chaises étant
ensuite assemblées dans les points de vente. Cette méthode rendait le transport plus aisé et
baissait les coûts645
Thonet obtint les licences des meilleurs designs du Bauhaus Dessau, telles les premières
chaises en métal courbé réalisées par Mart Stam, Marcel Breuer et Ludwig Mies van der
Rohe. Elles furent ainsi rapidement distribuées au niveau mondial.
Au début du 20ème siècle, Thonet emploie quelques 6000 personnes (considérable pour
l’époque, les plus grosses entreprises européennes actuelles employant entre 500 et 3000
personnes)646 dans ses sept usines et fabrique environ 1 million de meubles par an dont le
quart pour sa chaise n° 14.
La Première Guerre mondiale marque une parenthèse dans l’exportation allemande. Les
matières premières viennent à manquer, tout comme les employés qui sont enrôlés dans
l’armée. Les usines produisent alors plus de caisses d’armement que de mobilier.
En 1925, la société Frères Thonet fusionne avec Mundus Compagny, désormais appelée
Thonet Mundus AG, elle devient le plus grand fabricant de mobilier au monde.
A l’Exposition Universelle des Arts Décoratifs à Paris en 1925, Le Corbusier expose dans son
pavillon la chaise courbée de Thonet.
En 1937, la fusion Thonet – Mundus est dissolue, la famille Thonet récupère alors la totalité
de la société Thonet.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Thonet fabrique de nouveau des caisses destinées aux
bombes et autres munitions tout en produisant également du mobilier médical pour les
hôpitaux militaires.
En 1945, l’usine de Frankenberg, bombardée, est complètement détruite et la société se trouve
expropriée des usines de l’Europe de l’Est. Bien que la famille Thonet soit ruinée, Georg
Thonet, la quatrième génération, fait reconstruire l’usine de Frankenberg après la guerre.
Les meubles en bois courbés sont de nouveau disponibles dès 1960. La chaise la plus connue,
N° 14, est de retour sous une autre appellation : Model 214 (cf.vol.2, annexe 5, fig. 62).
Thonet reste un acteur important de l’histoire du mobilier allemand. Bien que de nationalité
allemande, il a réussit à acquérir une aura internationale grâce à son inventivité reconnue dans
le traitement du bois.
Aujourd’hui, la direction de Thonet est aux mains de la cinquième génération : Claus, Peter et
Philipp Thonet. Ils introduisent régulièrement de nouveaux modèles en collaborant avec de
grands designers et architectes contemporains, notamment Verner Panton, Norman Foster et
Erik Magnussen647 qui allient savamment bois et métal.
645 Cette méthode fonctionne parfaitement pour les commandes de sièges de bureaux modernes, ensuite montés
par les livreurs. Et à l’instar d’IKEA plus tard, il eût même été encore moins coûteux de proposer au client de
monter ses chaises lui-même, ce qui n’était pas encore dans les mœurs de l’époque. 646 Source : François Plassat 647 Source : www.thonet.de
241
Revue :
Bien que davantage tournée vers le design d’avant-garde héritée de l’école du Bauhaus et plus
tard d’Ulm, c’est la revue Form, publiée a partir de 1957, qui nous a servi d’appui dans nos
recherches.
Salon de Meuble de Cologne
Salon international du meuble de Cologne :
Le Salon international du meuble de Cologne constitue, avec les Triennales de Milan, les
deux plus importants rendez-vous du mobilier. Contrairement à la Triennale de Milan qui
s’évertue à exhiber le meilleur de la production nationale dans un pavillon officiel, Cologne
un véritable salon de vente où se rencontrent fabricants et distributeurs. Adressé aux
professionnels, il est d’autant plus intéressant qu’il est révélateur des vraies tendances du
moment et non, comme celui de Milan, d’une sélection élitiste et donc marginale de la
production.
Malheureusement, les revues publiées a l’époque s’y intéressent peu, il fut donc difficile de
collecter des informations et des illustrations pour les années 60 à 90. De nos jours, il suffit de
se connecter sur le site Internet pour obtenir la liste complète des exposants, leur coordonnées
et souvent même un accès direct à leur site Internet
Les premières informations que nous avons pu recueillir datent de 1960. Dans le numéro
d’avril 1960 de la Revue de l’Ameublement, on y compare le nombre d’exposants avec celui
de 1958. Ainsi, nous savons que la France était représentée par 36 exposants plus 11
industriels en 1958 et seulement 18 exposants en 1960. Donc, une baisse d’environ 50 % pour
les exposants français. En revanche, le phénomène s’inverse en ce qui concerne les pays
nordiques. En 1958, 46 firmes danoises exposaient à Cologne contre 68 en 1960, soit une
augmentation d’environ 31 %. La Suède était représentée par 17 firmes en 1958 et 30 en
1960, soit une augmentation d’environ 46%. Enfin, la Norvège expose pour la première fois
avec 16 firmes. Bien que l’Allemagne soit légitimement le pays le plus représenté, les
fabricants scandinaves y occupent une place privilégiée, étant présents dans le pays depuis les
années 50.
Si nous savons assez peu de choses sur la nature des meubles exposés, la Revue de
l’Ameublement souligne néanmoins l’influence scandinave croissante entre 1956 et 1960 :
En 1956, les Allemands avaient réalisé des meubles isolés contemporains, d’une certaine lourdeur. En 1958, les
essais s’orientent vers des meubles d’une conception plus légère, d’un caractère plus « européen », plus
nettement inspiré des formes scandinaves, françaises et italiennes. De nombreux meubles par éléments sont
présentés, non seulement isolément, mais sous formes d’ensembles relativement vendables en France. En 1960,
il semble que les formes scandinaves l’ont emporté sur toutes les autres. De nombreux fabricants se sont
orientés vers les meubles en teck copies intégrales des meubles scandinaves, avec une préférence pour les
meubles danois648.
On note donc que l’influence scandinave dans le domaine mobilier s’est déployée de la
France jusqu'à l’Allemagne à partir de la fin des années cinquante. Le style danois semble le
plus copié et notamment le mobilier en teck.
648 In Revue de l’Ameublement, avril 1960, p.111-114
242
Dans Meubles et Décors on peut lire :
…d’abord par un démarquage massif des modèles nordiques, principalement danois. Ensuite, par une débauche
presque hallucinante dans l’emploi du teck.
(…)
De nombreux industriels et négociants français étaient venus à Cologne pour essayer de situer sur le plan
compétitif commercial l’ensemble de cette production649.
Selon le Courrier du Meuble, cette tendance se confirme en 1961 avec la répartition des
exposants au Salon : 14 français, 8 norvégiens, 6 finlandais, 22 suédois et, incontestablement
les plus présents, 54 danois650.
En 1964, le Courrier du Meuble publie le communiqué suivant :
Pour le Danemark : Avec 69 entreprises, ce pays constitue de nouveau le plus grand des groupes étrangers. L’association danoise
des fabricants de meubles – Dansk Möbelfabrikantensforening, de Copenhague – y est représentée avec 53
firmes. L’offre de celles-ci comprend tous les genres d’ensemble mobiliers, de meubles de style, de petits
meubles ainsi que de sièges et des meubles garnis, la production totale de l’industrie danoise du meuble a atteint
en 1962 une valeur de 400 millions de couronnes danoises. La capacité de production des fabricants de meubles
danois est aujourd’hui le double des débouchés offerts par le marché intérieur. Tandis qu’en 1950, les
exportations de meubles n’avaient représenté que 3 millions de couronnes danoises environ, elles ont atteint en
1962 170 millions, soit près de la moitié de la valeur totale de la production.
La Finlande : L’association du commerce extérieur d’Helsinki est représentée par 7 firmes membres, qui offrent des ensembles
mobiliers, des sièges et des meubles garnis. Selon les détails fournis par l’association finlandaise, les
exportations de meubles ont presque doublé en 1962 et atteint près de 1.3 milliards de marks finlandais (690
millions l’année précédente).
La France : 24 firmes présentant des ensembles mobiliers, des meubles de style et des meubles garnis. Le chiffre d’affaires
de l’industrie française du meuble a été évalué pour 1962 à 2 milliards de NF. Mais les importations sont plus
importantes que les exportations : pour les sièges, elles se sont chiffrées à 10 millions de NF l’an dernier, pour
les autres meubles en bois à 40 millions.
La Norvège : 21 firmes qui font partie de l’association norvégienne de meubles – NORFORN – d’Oslo offrent des ensembles
mobiliers, des sièges et des meubles garnis. Le chiffre d’affaires de l’industrie norvégienne du meuble a subi en
1962 une légère régression, qui est attribuée à l’achat croissant de postes de télévision et de voitures. Le chiffre
d’affaires total de la production de meubles a atteint en 1962 380 000 000 de couronnes norvégiennes. Les
exportations, qui en 1962 ont représenté 8 % de la production totale, se sont maintenues au niveau de l’année
précédente, soit 32 millions de couronnes norvégiennes. Les importations de meubles ont atteint en 1962 une
valeur de 18.4 millions de couronnes norvégiennes, qui a précédé la République Fédérale d’Allemagne avec 4
millions de couronnes norvégiennes.
La Suède : 20 firmes dont 19 affiliées à l’association des fabricants suédois de meubles – Sveriges
Möbelfabrikantenlandsforëningen Stockholm, offrent des ensembles mobiliers, des petits meubles, des sièges et
des meubles garnis. La valeur de la production de l’industrie suédoise du meuble s’est élevée en 1962 à près de
500 millions de couronnes suédoises. Les exportations ont pu être doublées en 3 ans – elles sont passées de 28
millions de couronnes en 1959 à 57 millions en 1961 et représentent aujourd’hui près de 12 % de la production
suédoise du meuble. Les principaux clients sont le Danemark, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Norvège651.
649 In Meubles et Décors, n° 740, mars 1960, p. 78 et 80. 650 In Courrier du Meuble, n° 134, 15 déc. 1961, p.4 651 In Courrier du Meuble, n° 203, 15 janvier 1964, p.15
243
Vers le milieu des années 60, les fabricants italiens, dont le design et le mobilier connaissent
un succès grandissant, sont les plus représentés.
En résumé, le Salon de Cologne se démarque beaucoup de celui de Milan. Avant tout
commercial, destiné aux industriels et aux négociants, il ne présente donc pas les mêmes
œuvres que celui de Milan, davantage tourné vers le design d’avant-garde. Cette distinction
attirait également un public différent, fabricants et industriels se rendaient a Cologne alors
qu’architectes et décorateurs se rendaient aux Triennales de Milan.
La clientèle allemande privilégie avant tout la simplicité et la fonctionnalité tout en restant
très attentive au prix, ce qui expliquera le succès remporté par le développement de marques
de distributeurs.
Le consommateur allemand veut disposer d’une offre diversifiée à un prix concurrentiel afin
de pouvoir exprimer sa sensibilité dans l’aménagement de son habitat selon ses moyens
financiers. Le stress de la vie professionnelle et les difficultés économiques de l’Allemagne
ont renforcé ce besoin de sécurité, de bien être et de confort chez soi.652.
L’Allemagne est le premier importateur de meubles français. En 2002, il a importé pour 33
M€ de meubles français. Le marché du meuble en Allemagne représente un chiffre d’affaires
total de 29,37 milliards d’€ en 2003. Le mobilier français représente seulement 4,2 % des
importations et la concurrence des pays à bas salaires est de plus en plus forte chaque année.
Certains fournisseurs proviennent des délocalisations de l’industrie allemande : Pologne,
Tchéquie, Slovaquie et Slovénie représentent déjà à eux quatre 30 % des importations. La
Chine est également récemment devenue un concurrent non négligeable qui s’impose
progressivement sur le marché européen (2,7% des importations allemandes en 2004).
L’année 2004 fut celle d’un basculement. Depuis ce moment, en effet, l’Europe des 15 a cessé
d’être le fournisseur majoritaire de l’Allemagne, les importations extra-européennes
représentent maintenant 51,4% des importations de meubles.
Les 3 premiers distributeurs Ikea, Hoeffner/Walther/Kraft et Karstads/Quelle, des spécialistes indépendants du
meuble d’entrée de gamme, détiennent une part de marché de 17,5%, les 20 premiers de 41%. L’expansion des
grandes surfaces spécialisées en ameublement-décoration, véritables centres commerciaux en bord d’autoroute
avec restaurant et garderie d’enfants, monde de l’habitat et boutique de décoration, voire jardinerie, se
confirme (les 30 plus grandes cumulent une surface de vente de 1376500 m2, soit 45883 m3 en moyenne). En
centre ville, ce sont les magasins de petits meubles et objets en discount qui poussent comme des champignons
avec un assortiment limité mais à des prix fracassés653.
En conclusion, retenons d’abord la forte empreinte laissée par le Bauhaus au début du siècle.
La guerre terminée, la reconstruction accélérée par le Plan Marshall permit à l’Allemagne de
l’Ouest de relever la tête très rapidement. Ses importantes ressources forestières alliées à des
importations de bois conséquentes hissèrent très vite l’Allemagne au rang des plus grands
producteurs mondiaux de mobilier en bois.
De plus, elle développe très rapidement une industrie de matériaux dérivés du bois (panneaux
de fibres et de particules) en parfaite harmonie avec le design simple et fonctionnel hérité de
la tradition du Bauhaus. Malgré cela, la représentation du design allemand dans le monde est
avant tout assimilée à ses objets et graphismes aux formes simples plutôt qu’à son mobilier.
652 Mission économique, L’équipement de la maison en Allemagne. Janvier 2005. Disponible sur
www.missioneco.org. 653 Idem.
244
La France
Historique, politique et société
Bien que la situation politique de la France entre 1945 et 1952 paraisse hors sujet dans notre
étude, il nous paraît toutefois important d’en rappeler quelques points, dans la mesure où ils
ont pu interférer sur l’évolution de l’industrie et de la distribution des meubles en bois
En 1945, la France est dirigée par un gouvernement provisoire présidé par le Général de
Gaulle. Aux élections de 1945, 96 % des électeurs approuvent la fin de la III e République et
66 % soutiennent la limitation des pouvoirs de l’Assemblée. Ces élections donnent également
la majorité à trois partis : le parti communiste, le parti socialiste et le MRF (le Mouvement
Républicain Populaire).
Un conflit entre de Gaulle et les partis le conduit à démissionner le 20 janvier 1946. Sa
succession est assurée par les trois grands partis politiques qui constituent le « tripartisme »,
fondé sur une « charte » signée le 23 janvier 1946, et qui gouvernera la France entre janvier
1946 et mai 1947, avant que la guerre froide n’éclate:
Les institutions de la IV e donnent la prépondérance à l’Assemblée nationale et instituent un régime dans lequel
le poids des partis politiques est déterminant. La double menace que fait peser sur le régime le parti
Communiste et le RPF du général de Gaulle incite les autres partis à constituer une « Troisième Force », qui
gouverne la France entre 1947 et 1952, au milieu de contradictions qui vont provoquer sa dislocation. La
reconstruction économique de la France, sortie exsangue de la guerre, est mise en œuvre grâce à l’intervention
de l’Etat, qui pratique nationalisations et planification, grâce à l’aide financière américaine et à une politique
sociale généreuse654.
Autour de 1950, la reconstruction quasiment achevée, l’économie a retrouvé son rythme de
1938. L’économie repose toutefois sur des bases existantes et non sur des préceptes modernes,
donnant encore la primauté aux petites entreprises elle maintient malgré elle les déséquilibres
sociaux.
L’ensemble de ces déséquilibres, imputés par une partie de l’opinion et du monde politique au dirigisme d’Etat,
va contribuer, au début des années 50, à provoquer un retour au libéralisme économique au moment même où le
balancier politique, longtemps fixé à gauche revient vers la droite655.
Dès 1947, les interventions de l’Etat étant de plus en plus critiquées, les communistes sont
renvoyés dans l’opposition, ceci ayant pour effet de lever les contraintes pesant sur
l’économie. La reprise économique ne sera pourtant que de courte durée en raison de la
hausse des prix des matières premières et des transports maritimes inextricablement liés à la
guerre de Corée qui débuta en 1950.
654 Berstein & Milza, Histoire du XXe siècle, op. cit., p.56 655 Idem., p.81.
245
L’importance du bois dans l’économie française
Ressources forestières
La France se trouve parmi les plus grands producteurs de bois en Europe (cf.vol.2, annexe 1,
fig. 87 à 195). Concernant la production de sciages de résineux, elle se situe derrière la Suède,
l’Allemagne Fédérale, la Finlande et la Pologne mais est en revanche le premier producteur de
sciages feuillus pendant les années 60, devant la Roumanie et l’Allemagne. La France
s’attaque également assez tôt à la production de matériaux dérivés du bois tels les contre-
plaqués et dépasse l’Allemagne et la Finlande dès la fin des années 60. Concernant les
panneaux de particules, elle reste le deuxième producteur européen derrière l’Allemagne dans
les années 60, mais se fait légèrement dépassée par l’Italie au début des années 70 et reste
cinquième producteur de panneaux de fibres, derrière la Suède, l’Allemagne, la Finlande et la
Pologne.
La France est le second exportateur de feuilles de placages derrière l’Allemagne.
Production/Importations/Exportations :
Les chiffres donnés par la FAO renforcent ce constat (cf.vol.2, annexe 1, fig. 87 à 195). La
France a l’avantage de posséder à la fois une grande production de bois résineux (5.353.500 t
en 1961, et 8.000.000 t en 2006) mais également de bois feuillus, malgré une légère baisse
depuis 1970 (comme en Allemagne) (2.953.500 t en 1961, 4.575.000 t en 1973, et 1.950.000 t
en 2006) tout en étant parvenu à développer sa production de panneaux de particules (326.500
t en 1961, 4.760.000 t en 2004). La France importe malgré tout une assez grande quantité de
bois résineux (911.500 t en 1961, et 3.196.555 t en 2006). Les problèmes d’exportation
rencontrés par la France sont souvent évoqués dans les revues spécialisés bien que celle-ci se
place parmi les plus grands exportateurs de bois feuillus (467.450 t en 1961, et 520.784 t en
2006), de panneaux de particules (29.100 t en 1961, mais 2.432.909 t en 2006), et de
panneaux de fibres (26.500 t en 1961, mais 223.100 t en 1994)656.
Les fabricants de mobilier en bois (grands/petits ?)
La France a toujours fait coexister de nombreux petits ateliers artisanaux face a quelques
grands producteurs industriels (de 500 à 3000 salariés). Aujourd’hui encore, la demande de
mobilier artisanal reste forte. Entre ces deux groupes extrêmes l’Unifa (Syndicat
professionnel de l’ameublement industriel) a toujours indiqué depuis cette époque qu’environ
75% des entreprises de plus de 20 salariés en comptent moins de 50.
656 Source : www.faostat.fao.org
246
Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois : La grande tradition
de l’ébénisterie française d’avant-guerre.
Au début du 17ème siècle, sous le règne d’Henri IV, les meubles sont essentiellement faits de
noyer ou de chêne (cf.vol.2, annexe 6, fig.1 à 3). Sous l’ère de Marie de Médicis, on fait appel
à de nombreux artistes et notamment aux artisans italiens qui vont introduire la marqueterie
ivoire, les métaux et les pierres incrustées dans le mobilier (intarsia). A partir de 1620-30,
Marie de Médicis encourage la fabrication de cabinets incrustés d’ébène, d’où l’origine des
mots « ébéniste » et « ébénistérie » signalant cette nouvelle spécialité chez les menuisiers en
meuble (cf.vol.2, annexe 6, fig. 4).
Sous Louis XIII, le mobilier devient monumental. Les cabinets sont habituellement constitués
de noyer ou d’ébène et sont ornés de colonnes, pilastres ou panneaux. A la fin de son règne, le
cabinet plaqué d’ébène présente même des bas-reliefs. Cette époque sera également celle du
bois tourné657.
Avec Louis XIV, le luxe prend tout son essor. Son installation à Versailles influencera le
mobilier de toute l’Europe, Louis XIV préférant les essences de bois exotiques aux essences
indigènes. C’est l’époque du mobilier de André-Charles Boulle, installé au Louvre avec ses
ouvriers en marqueterie d’ébène, de cuivre, d’argent ou d’étain et d’écaille658 (cf.vol.2,
annexe 6, fig.5 et 6).
Sous la Régence, les meubles sont plaqués de bois précieux et de bronzes dorés
(essentiellement sur les angles des meubles et sur les pieds ou « sabots »)659. Pendant le règne
de Louis XV, les meubles en placage de marqueterie ont la faveur, tout comme les essences
de bois exotiques comme l’acajou, le bois de rose, le bois de violette, du satiné, du palissandre
et du bois d’amarante. Le bâti des commodes de style Louis XV étaient la plupart du temps en
chêne, en pin660 ou en noyer avec placage et bronzes dorés (cf.vol.2, annexe 6, fig. 9 à14).
Sous Louis XVI, le bâti en chêne est plaqué de bois exotiques : bois du Brésil, bois violet ou
citronnier, parfois avec de l’ébène et de l’acajou661. Ce n’est ensuite que le grain du bois,
souvent de l’acajou agrémenté de quelques bronzes finement ciselés, qui produit l’effet
décoratif dans ce mobilier (cf.vol.2, annexe 6, fig.15 à 24).
Pendant la Révolution, il devient plus difficile de se procurer du bois exotique et des essences
de grande qualité. Les ébénistes se tournent alors vers les essences fruitières indigènes662.
La période du Directoire puis du Consulat marque une transition entre le style Louis XVI et le
style Empire (cf.vol.2, annexe 6, fig. 25 et 26). Les essences utilisées sont essentiellement du
placage de noyer, de l’acajou mais également du bois de rose663.
Sous l’Empire, la préférence ira à l’acajou et au placage d’acajou664 (cf.vol.2, annexe 6, fig.27
et 29).
Vers 1820, le blocus continental raréfie les importations d’acajou, les créateurs devant
s’adapter optent alors pour du bois clair665. Durant la Restauration, ils préfèrent les bois
657 Miller, Judith, Le Mobilier, ancien et contemporain, op.cit., p. 50-51 658 Idem. p. 52-53 659 Idem. p.76-77 660 Idem. p. 78-79 661 Idem. p. 110 662 Idem. p. 136 663 Idem. p. 198-199 664 Idem. p. 200-201 665 Idem. p. 194-197
247
indigènes tels le noyer, le sycomore, le frêne, l’orme, l’if, le platane, le bouleau ou l’érable
mouché. L’acajou reste toutefois utilisé en placage (cf.vol.2, annexe 6, fig. 30). La fin de cette
période marquera un retour aux essences plus sombres et au style gothique666.
Les années 1840-1900 parviennent à combiner retour aux styles passés et réduction des coûts
grâce à l’industrialisation. Les placages obtenus mécaniquement étaient d’ailleurs coupés plus
finement qu’autrefois. Quant aux essences employées, l’acajou et le noyer dominent, le chêne
et l’ébène étant consacrés à des styles différents. L’acajou, le bois de rose et le teck
provenaient des colonies667 (cf.vol.2, annexe 6, fig.35 à 40).
Sous Louis-Philippe, l’engouement pour les imitations de styles anciens perdure. Les bois
sombres (chêne, noyer) et les bois exotiques (acajou, bois de rose) sont très employés
(cf.vol.2, annexe 6, fig.34). La couleur et la texture du bois étant jugées déterminantes, on se
dirigea alors vers un mobilier sobre et peu décoré668.
Sous Napoléon III, les styles classiques sont remis au goût du jour. Les ébénistes préfèrent du
mobilier en acajou et en ébène, agrémenté de bronzes dorés et d’incrustations de nacre et
d’ivoire. On note également un retour vers les placages et incrustations façon Boulle sous
Louis XIV669 (cf.vol.2, annexe 6, fig.35 et 36).
Avec l’Art Nouveau, qui connaît son apogée lors de l’exposition universelle de 1900 à Paris,
les matériaux sont très variés. Les essences rares et coûteuses comme le noyer, le palissandre
et l’acajou sont destinées aux panneaux sculptés, les bois exotiques, ivoires et métaux
précieux aux marqueteries et incrustations670 (cf.vol.2, annexe 6, fig.41 à 49). Il s’avère
difficile de tirer des généralités concernant les créateurs du mobilier Art Nouveau. Notons
qu’Emile Gallé travaillait surtout des bois richement colorés ou exotiques, comme le
palissandre, l’érable, le noyer ou des bois fruitiers comme le pommier ou le poirier. Louis
Majorelle préférait généralement les bois durs et sombres, comme l’acajou et le palissandre,
en utilisant souvent des panneaux décoratifs marquetés ou incrustés en bois fruitier, étain ou
nacre. Quant à Hector Guimard, il travailla d’abord l’acajou massif puis le poirier, plus tendre
et facile à modeler671.
La période de l’art Déco voit la résurgence des beaux matériaux. Les créateurs utilisaient des
placages en bois exotiques et les embellissaient avec des matériaux rares comme l’ivoire, le
laque, le cuir, le galuchat, du métal, de la peau ou de la coquille d’œuf. En ce qui concerne le
bois, ils utilisaient notamment du noyer, du palissandre, l’amboine, l’ivoire, du bois de rose
ainsi que de l’érable moucheté672.
Pour les sièges, on utilisait essentiellement l’acajou, le bois de rose et l’ébène de Macassar673.
Pour les tables, la préférence était donnée aux bois richement veinés tels le noyer, l’if ou
l’acajou674. Pour les meubles de rangements, l’amboine, l’érable moucheté, l’acajou, le
Zebrano, le bois de rose et le sycomore avec des discrets ornements et incrustations (ivoire,
galachat, l’écaille)675.
666 Idem. p. 202-203 667 Idem. p. 264-265 668 Idem. p.270-271 669 Idem. p.272-273 670 Idem. p.352-353 671 Idem. p.352-359 672 Idem. p. 389-395 673 Idem. p. 410 674 Idem. p. 412 675 Idem p. 414
248
Ruhlmann, par exemple, utilisait de préférence des placages de bois rares, comme le
palissandre, l’ébène de Macassar, le loupe de noyer, l’acajou de Cuba et l’amarante, qu’il
ornait d’incrustations d’écaille, d’argent, de corne ou d’ivoire676.
D’une certaine façon la Seconde Guerre mondiale marqua une rupture en France au sein de la
création mobilière, notamment avec le développement du mobilier en série, bien que le beau
mobilier d’ébéniste ait encore eu de beaux jours devant lui.
Les années 40 : la survivance de la pièce unique et le mobilier en série
La décoration française d’après guerre étant pour le moins diversifiée, il pourrait sembler
impossible d’en dresser un état des lieux. Cependant, il ne s’agit pas ici de recenser de
manière exhaustive les parcours de tous les décorateurs et créateurs des années quarante,
l’excellent ouvrage de M. Guillemin et de M. Bruno Foucart est la pour y pourvoir.
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la France doit se reconstruire et pallier aux 15
millions de logements manquants677. Concernant le mobilier, le conflit d’avant-guerre
opposant tradition et modernité reprend. Faut-il reprendre le « beau » mobilier du 18ème siècle
et ainsi perpétrer la grande tradition française des ébénistes et décorateurs ou faut-il au
contraire se vouer totalement à la modernité et reprendre le combat des modernistes de
l’UAM678 ?
Des la fin de la guerre, ces débats sont relayés et alimentés par tous les magazines spécialisés
en architecture, mobilier et décoration en faveur d’un renouveau des arts décoratifs.
L’Architecture d’aujourd’hui notamment reprend le débat où il l’avait laissé, c’est-à-dire une
lutte pour la modernisation de l’architecture, la reconstruction et l’organisation de la
profession d’architecte. Pierre Vago annonce le ton dans le premier numéro d’après guerre :
…une ère nouvelle commence : l’ère des constructeurs, l’ère des architectes. »679
En revanche, dans le premier numéro d’Art et Industrie de 1945, Waldemar George prône un
retour à la tradition française qui assura autrefois à la France sa suprématie au niveau
mondial, notamment lors des grandes expositions de 1925 et 1937680 :
La France reprend sa place traditionnelle, celle d’un pays capable de façonner le goût et d’enseigner aux
peuples une manière de vivre, d’humaniser et d’embellir la vie.
Les revues Art et Décoration et La Maison Française se situent entre ces deux mouvances.
Malgré ces discordances, certains historiens d’Art relèvent une certaine unité parmi les
créateurs français. Ainsi M. Foucart parle d’une unité d’esprit animant les créateurs des
années quarante :
676 Idem. p. 393 677 Brunhammer, Y, Les styles des années 30 à 50, Paris, Massin, 1997, p.104 678 Union des Artistes Modernes 679 Cité par Brunhammer in Les styles des années 30-50, Paris, Massin, 1997, p.83 680 George, W, Art et Industrie au service des beaux métiers, in Art et Industrie, Nov. 1945, p.3
249
L’idée directrice est que le style français, on devrait dire la manière française, ne se définit pas par les formes
mais par l’esprit, se découvre dans un accord profond, par-delà les revêtements circonstanciels et les
métamorphoses de la mode, entre l’apparence et l’essence.681
Il poursuit en précisant la nature de l’esprit réunissant les créateurs français :
La part française n’était donc pas dans l’invention des formes mais dans la continuité d’une appréhension, dans
ce sens d’une mesure, d’une distance qui, au cours des siècles et par comparaison, permet à chaque fois de
déterminer la part française682.
L’ébénisterie traditionnelle est représentée notamment par Jules Leleu (1883-1961). Ses
créations, comme celles de Ruhlmann, se situent en droite ligne des grands ébénistes du 18ème
siècle en passant par les créateurs d’Art Déco. Les maîtres mots sont l’élégance, classicisme,
avec utilisation de matériaux précieux. Après la guerre ces deux créateurs poursuivent leurs
carrières comme si elle n’avait pas été interrompue et reçoivent d’ailleurs la quasi totalité des
commandes officielles. Ils défendent la beauté du métier d’ébéniste avec des créations
destinées à une clientèle aisée.
Le mobilier de Leleu, postérieur à 45, s’inscrit, sans rupture de style, dans celui d’avant-guerre683.
Les jeunes créateurs qui prendront leur suite sont, entres autres, Jacques Adnet (1900-1984),
André Arbus (1903-1969), Jean Rothschild (1902), Jean Pascaud (1903), Jacques Quinet
(1918-1992) et dans une certaine mesure Maxime Old (1910-1991), Jean Royère (1902-1981)
et Raphaël (1912-2000).
Ces créateurs, chargés d’équilibrer tradition française et renouveau modéré, vont donner
naissance à un certain classicisme empreint de la mesure et la modération dont parlait Bruno
Foucart.
Pourtant, les jeunes créateurs français sont confrontés à un problème de taille : le manque de
commandes.
Bien entendu, il y a le mécénat de l’Etat par le biais du Mobilier National684, mais il reste
marginal. En effet, mis a part les commandes destinées a l’aménagement de bureaux officiels
a la fin de la Seconde guerre mondiale, l’action de l’Etat est quasi nulle. De plus, les créateurs
chargés de meubler les différents ministères et ambassades se heurtent à l’incompréhension
d’utilisateurs pour lesquels seul le style ancien compte. La plupart des édifices abritant les
ministères datent du 18ème siècle, les utilisateurs veulent donc que le mobilier soit en harmonie
avec l’environnement. La clientèle restant attachée aux « styles » et au « prestige », il en
résulte une « drôle de création » selon Yolande Amic.
Cette recherche d’harmonie se traduira le plus souvent par la création d’un style hybride, modernisation des
styles classiques plutôt que création originale685.
681 Foucart, Guillemin, Les décorateurs des années 40, Paris, Norma, 1998, p.26 682 Idem., p.2 683 Amic, Y., Le mobilier français 1945 à 1964, coll. Intérieurs, Paris, Ed. du Regard, 1983, p.17 684 Crée en 1663 par Colbert, ministre de Louis XIV, le Garde-meuble Royal devient Mobilier Impérial puis,
sous la Révolution, Mobilier national. Il conserve, répare, entretient, quelques 200 000 pièces de mobilier
destinées aux palais nationaux, palais de l’Elysée, ministères, ambassades en France et à l’étranger. Sept
ateliers : ébénisterie, menuiserie en siège, restauration de tapis, restauration de tapisserie, lustrerie et bronzes,
garniture de sièges, décoration d’ameublement, sont occupés en permanence à la restauration et à la préservation
des pièces les plus riches du patrimoine. Les ateliers supervisent également les travaux confiés, à l’extérieur, à
des artisans particulièrement qualifiés. 685 Amic, Y., Le Mobilier Français 1945-1964, coll. Intérieurs, Paris, Ed. du Regard, 1983, p.11
250
Malgré la bonne volonté de George Fontaine, administrateur général du Mobilier National
jusqu’en 1950 et de ses successeurs Henri Gleize puis Michel Florissoone, ils ne parviendront
pas à imposer la création contemporaine.
Les créateurs chargés d’exécuter les commandes pour le Mobilier National après la guerre et
durant les années 50 seront, entre autres, Jules Leleu, Dominique et Spade, Jacques Dumond
(Bureau du Chancelier de l’Ordre de la Libération, 1945), Maxime Old, Jean Pascaud
(Ensemble mobilier pour la tour François 1er à Rambouillet, 1951), J.M. Rothschild (Cabinet
de travail de Paul Auriel à l’Elysée, 1946, mobilier de bureau pour le Conseil Supérieur de la
Magistrature, 1957), Adnet (Cabinet de travail du Président Auriol à Rambouillet, 1947,
ensemble mobilier pour le palais de l’Unesco, 1958), Arbus (Mobilier du bureau du Général
Harriman à l’Hôtel Talleyrand, 1945), Jacques Klein, Jacques Quinet ; les ferronniers :
Poillerat et Subes ; les femmes : Colette Guéden, S. Guiguischon et Mme Klotz-Gilles.
En outre, c’est plutôt dans le cadre de la décoration de paquebots que ces créateurs
parviendront enfin à s’exprimer pleinement et avec brio. Selon Yolande Amic : Le souvenir
du « Normandie » hante les mémoires686, nom du célèbre paquebot qui avait brûlé dans le port
de New York en 1942. Après la guerre, on relance la décoration de la flotte française avec un
impressionnant déploiement de luxe afin de réaliser de véritables palaces flottants capables de
traverser l’Atlantique en un temps record. Ces navires d’exception, destinés à une clientèle
internationale des plus aisées, se devaient donc de maintenir le niveau d’élégance atteint par le
« Normandie » en 1932. Pour remettre en état la flotte française de liners, on fit appel à des
décorateurs connus, bien souvent les mêmes qui avaient travaillé pour le Mobilier National.
Pour la Compagnie Générale Transatlantique, « Ile-de-France » et « Liberté » (1949) puis
« Flandre » et les « Antilles » (1953) ; Leleu, Dominique, Spade, Maxime Old, Jean Pascauld,
Mme Klotz-Gilles. Les Messageries Maritimes et la Société Générale des Transports
Maritimes préfèrent confier la décoration de leurs unités à un maître d’œuvre, ainsi
« Ferdinand de Lesseps » (1952) par Jacques Adnet, le « Cambodge » (1953) par Leleu, le
« Viêt-Nam » et le « Jean de Laborde » (1953) décorés par André Arbus, le « La
Bourdonnais » (1953) par Jacques Quinet, le « Laos » (1954) par Jean Pascaud. Et également
le « Province » (1951) et le « Bretagne » (1953) par André Arbus. Le dernier, le « France »
(1962), fut confié à Arbus, Leleu, Pascaud, Quinet avec l’aide de Jacques Dumond et Jean
Royère.
Les images du salon bibliothèque du « Liberté » de 1949 par Leleu, nous montrent que les
directives devaient être luxe et confort, dans un style puisé chez les grands créateurs d’avant-
guerre, avec emploi de matériaux précieux et du bois luxueux (cf.vol.2, annexe 6, fig.57).
L’impression reste la même lorsque l’on s’attarde sur les différentes créations issues de cette
époque. On remarque une préférence pour des essences de bois tels le sycomore, l’acajou, le
bois de voilette, le bois de poirier souvent noirci, le merisier, l’ébène du Gabon, le palissandre
et le noyer (cf.vol.2, annexe 6, fig.50 à 57). Ce choix d’essences reste dans la lignée de la
tradition d’ébénisterie française du 18ème siècle.
En 1947, le Salon des artistes décorateurs, lieu de rendez-vous des créateurs français, eut
d’abord pour vocation de perpétuer la grande tradition de la création mobilière. Cependant, on
constata rapidement un manque de clientèle pour ce beau mobilier. Des créateurs comme
Adnet, Arbus et Old réalisèrent très vite le fossé qui s’était creusé entre eux et les jeunes
créateurs modernes, résolument tournés vers une simplicité plus proche du quotidien des
consommateurs. De ce constat résulta un revirement vers une création plus simple, modérée,
686 Idem., p.13
251
qu’on pourrait parfois rapprocher du « classicisme moderne » incarné par certains créateurs
scandinaves tels Johan Rohde ou Kaare Klint. Classicisme dans le choix des formes et des
matériaux.
De la fin de la Seconde Guerre Mondiale jusque dans les années 50, la recherche de la
modernité dans les formes et les matériaux est intimement liée à deux piliers de l’avant-garde
pendant la reconstruction que sont Jean Prouvé et Charlotte Perriand (cf.vol.2, annexe fig.176
à 178).
La reconstruction :
L’étendue des dégâts provoqués par la guerre rendent la question de la reconstruction
primordiale. Une réflexion se développe autour des façons de vivre et d’aménager l’habitat
populaire, préoccupation désormais internationale.
A Rotterdam, pendant la guerre, le Bouwcentrum afin d’accélérer la reconstruction rassemble une
documentation sur tous les produits de construction, d’équipement et d’ameublement, documentation globale
sans critère de sélection ; une présentation habile met l’accent sur les meilleurs produits disponibles. En
Grande-Bretagne, à l’initiative du Board of Trade, l’ « Utility Furniture », mobilier d’urgence et de petit prix,
est mis sur le marché en 1942. Le public populaire à qui ce mobilier est destiné le refuse en le trouvant
« pauvre ». En revanche l’exposition « Britain can make it » (1948) présentant une sélection de produits
industriels britanniques, dont du mobilier en série, connaît un succès éclatant. En Italie, la recherche se fait sans
le concours de l’état : la VIII e Triennale de Milan (1947) se donne comme programme : repenser l’habitat
populaire et son aménagement687.
En France, les idées fusent. Une loi de 1930 prévoyant une reconstruction liée a des plans
d’aménagement et des projets d’urbanisme, plus de 2000 plans voient le jour688 selon Yolande
Amic.
Le regard porté par les auteurs et historiens d’Art sur l’architecture, l’urbanisme et le design
français de cette période est souvent dur. Michel Ragon a cependant raison de dire :
L’architecture contemporaine française ne mérite ni les excès d’honneur ni l’indignité que certains lui donnent.
Elle se situe à un niveau moyen, qui est par ailleurs, celui de la plupart des pays d’Europe. Ses architectes n’ont
pas eu la chance de rencontrer, comme en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande, des
gouvernements prêts à accueillir leurs innovations. L’architecture française est une architecture brimée par la
tradition, par le poids d’une bureaucratie tyrannique, par le jeu des spéculations foncières, par une
concentration parisienne monstrueuse. Toute innovation y apparaît suspecte689.
Il résume ensuite tout le problème de l’urbanisme français, avec cette sévère critique :
La demande pressante de logements conduisit l’administration à adopter la solution insensée des grands
ensembles cités-dortoirs sans aucun équipement collectif, congestionnant les transports en commun et
intensifiant la demande d’automobiles. Malgré une densité de population très faible, comparée à celle des autres
pays européens, la concentration urbaine y est une des plus élevées du monde en raison de la congestion
parisienne. Qu’il s’agisse de l’Italie, de la Hollande ou de l’Allemagne Fédérale, la répartition de la population
urbaine est beaucoup plus équilibrée. Un centralisme jamais freiné a conduit la France au bord de la
catastrophe. Déjà Maurice Gravier, entre les deux guerres, avait lancé son cri d’alarme : PARIS ET LE
DESERT FRANÇAIS. La colonisation de la province par Paris ne s’en est pas moins poursuivie. Que ce soit les
pionniers de l’architecture moderne en France ou la génération qui leur fait suite, personne n’a pu briser ni le
carcan de l’administration ni celui de l’académie. Les « beaux plans » classiques furent toujours de rigueur,
687 Ibid., p.52. 688 Idem. 689 Ragon, M., Histoire de l’architecture et de l’urbanisme moderne. De Brasilia au post-modernisme, 1940-
1990, Points essais, Paris, Casterman, 1986, p.117.
252
même lorsqu’il s’agissait de construire de logements d’urgence. Seul un décor moderniste était plaqué sur une
architecture et des plans masses toujours conçus comme s’il s’agissait de concourir au prix de Rome.
(…)
C’est seulement à partir de 1955 que de nouveaux architectes commenceront à donner à la France un visage
contemporain. Ces architectes prendront une option, en 1960, pour un Paris-Parallèle situé à 30 ou 50 km de
Paris et qui pourrait regrouper 3 000 000 d’habitants excédentaires prévues690.
Michel Ragon n’est pas le seul à penser ainsi :
La politique française des années 50 est en matière d’habitation, essentiellement quantitative. Elle vise à
produire des logements mais ne tient aucun compte des contextes urbains dans les quels ils s’inscrivent et des
équipements commerciaux, culturels ou sociaux qui doivent les accompagner. Conçus suivant des normes
minimales de taille et de confort ces logements répondent néanmoins à la demande mais ne satisfont pas pour
autant. Le quantitatif ne justifie pas l’absence de qualitatif et les grands ensembles français, pâles caricatures de
la charte d’Athènes, laisseront dans la mémoire collective de bien mauvais souvenirs691.
Faute de temps, la France va se lancer dans une reconstruction effrénée. On peut regretter le
manque de réflexion accordée à cette vaste entreprise, mais le problème y était alors bien plus
exacerbé qu’ailleurs, notamment dans les pays nordiques. En Suède par exemple, les autorités
avaient engagé une véritable éducation du peuple mais le pays était beaucoup moins sinistré.
De plus, le gouvernement français n’ayant jamais eu pour habitude de se préoccuper du
logement du plus grand nombre, les divers plans de reconstruction étaient donc liés à l’échec.
Quant au mobilier, le problème est le même qu’en Grande-Bretagne : la clientèle à laquelle ce
nouveau mobilier en série est destiné, n’en veut pas, le trouvant trop simple et trop pauvre.
Souvent conçu en chêne, il revêtait alors une apparence quelque peu rustique (cf.vol.2, annexe
6, fig.58 à 63), comme l’explique René-Jean Caillette dans un entretien avec Pascal Renous :
En 1948-1949, avec quels bois travaillait-on ? Avec ceux que l’on trouvait. Autrement dit le chêne. J’ai donc
travaillé le chêne. Or l’on ne traite point celui-ci de la même façon que le palissandre ou le sycomore ; bois
rustique, il exige une manière plus brute, plus sèche, plus proche de la nature. Je n’ai pas recherché une ligne
particulière, elle m’a été fournie, suggérée par le bois employé692.
Commentaire extrêmement intéressant dans la mesure où il aborde deux points importants : la
pénurie de bois exotiques à la fin des années 40 conduisant à l’emploi systématique des bois
indigènes tel que le chêne et l’influence de ce bois sur le travail de l’ébéniste et sur le choix
des formes.
Le public visé n’ayant pas été préparé par l’Etat français à l’idée de meubles en série, le rejet
de celui-ci fut donc logique.
Les pionniers dans ce domaine furent d’abord René Gabriel693, puis Marcel Gascoin694695.
690 Idem., p.117-118 691 Emery, M, « L’utopie au pied du mur », in Les années 50, catalogue d’exposition, Centre George Pompidou,
pp.469-470. 692 Renous, P., Portraits de décorateurs, Dourdan, Vial, 1969, p.89 693 René Gabriel : Elève de Françis Jourdan, prône la fabrication industrielle de qualité de meubles simples
destinés au plus grand nombre. A l’exposition de 1937, il expose un mobilier caractéristique de sa manière ;
sobre, modulable, juxtaposable, connu sous le nom d’ « Eléments RG ». En enseignant à l’Ecole des arts
appliqués et à l’Ecole national supérieure des arts décoratifs, il va fortement influencer toute une génération de
créateurs, dont notamment dans les années 1960-1980 Georges Freyman, créateur de la société EFA à Nice qui
obtient le prix René Gabriel pour sa gamme modulaire EFA-système exploitant le Modulor de Le Corbusier. La
société Roset se lancera elle aussi dans ce type de mobilier modulaire, fort prisé à l’étranger. 694 Marcel Gascoin (1907-1986) : Décorateur et créateur de mobilier. Il présente en 1938, au Salon des arts
ménagers son premier meuble de rangement. C’est le domaine qu’il va désormais privilégier. Il est à l’origine du
253
Bien que l’idée soit partie d’un bon sentiment, remettre l’homme au centre des préoccupations
et lui aménager un cadre de vie plus agréable, les créateurs se heurtèrent aussi bien au public
qu’à l’industrie française. Si l’industrialisation de la production ne fait plus débat, peu
nombreux sont les industriels prêts à investir dans la nouvelle création destinée à une
fabrication en série. Ils leur préfèrent des « valeurs sures » que sont les imitations des modèles
du passé.
Ce mobilier populaire, robuste et sympathique et qui était destiné à être fabriqué en série disparaît rapidement
faute d’intéresser les industriels. Dès 1947, l’ancien, vrai ou faux, est une concurrence redoutable pour ceux qui
s’obstinent à penser que l’homme moderne est fait pour vivre dans un environnement adapté aux conditions
nouvelles de l’existence696.
Ce problème de la réticence des fabricants français est souligné par bon nombre de créateurs
de mobilier en France, notamment Henri Lancel : Voyez-vous, il est très dommage que la France, en matière de recherches scientifiques, n’ait pas les moyens
suffisants pour pouvoir, lorsqu’elle a réalisé un prototype, l’exécuter ultérieurement en série…697
Pourtant les idées et prototypes fleurissent en France, seuls les investisseurs font défaut.
L’autre grande question qui préoccupe les créateurs décorateurs des années 1950 et surtout
des années 1960 reste la menace d’une disparition de leur métier. Cette inquiétude ressort des
nombreux entretiens que Pascal Renous mena avec des décorateurs créateurs pendant la
période 1963 et 1964 publiés dans la Revue de l’Ameublement. Sur la question de changement
de la profession de décorateurs, Etienne-Henri Martin répond :
Ce n’est pas douteux ! Elle subit actuellement une transformation profonde. Le « tailleur sur mesure », encore
une fois, disparaît. Le décorateur-ensemblier disparaît. Parmi mes confrères, lesquels possèdent encore une
boutique, un magasin ? Mes amis Renou et Génisset, Jean Royère, Leleu…et puis qui ? La profession devient
une profession libérale, et c’est tant mieux !
Que demain un client fortuné me demande de lui installer son intérieur, croyez-vous qu’il sera disposé à payer
pour des sièges, par exemple, que j’aurais dessiné spécialement à son intérieur, le prix que ceux-ci lui
coûterait ? Non, n’est-ce pas. Il me dira : J’ai vu, au Mobilier International, ou chez Knoll, une chaise qui ferait
parfaitement mon affaire.
Nous allons devenir, en mettant les choses au mieux, des espèces de chefs d’orchestre, des coordinateurs. Il nous
appartiendra d’organiser un intérieur avec des éléments prélevés à droite et à gauche. Ce qui ne nous
empêchera pas, bien entendu, de proposer de préférence ceux que nous aurons nous-mêmes créé !698
Les créateurs modernes ne parlent plus de style ou de décoration, mais d’art d’habiter. En
1949, l’UAM699 crée une section Formes Utiles qui s’ouvre également à la création étrangère.
travail sur la normalisation (après mesure de tous les objets usuels) qui va le conduire à réaliser les fameux
rangements Gascoin, les cuisines normalisées COMERA et à entreprendre des recherches plus générales sur la
normalisation de l’habitation dont il présentera le résultat en 1947 dans « L’Architecture d’Aujourd’hui ». Après
la Seconde Guerre mondiale, il devient son propre éditeur et enseigne à l’école Camondo. 695 L’influence des thèses structurelles et ergonomiques de Le Corbusier est patente dans leurs conceptions 696 Brunhammer, Y., Les styles des années 30 à 50, op. cit., p.107. 697 Renous, P., Portrait de Décorateurs, op. cit. p.33 698 Idem., p.69. 699 Le regroupement naît officiellement le 15 mai 1929, à la suite d’une rupture provoquée au sein de la Société
des artistes décorateurs, par quelques jeunes et moins jeunes décorateurs comprenant Charlotte Perriand, René
Herbst, Djo-Bourgeois, Jean Luce, Jean Puiforcat, Georges Fouquet et quelques autres. Leur volonté est de
présenter, en 1928, en même temps que du mobilier ou des objets de décoration traditionnels aux divers salons
de la SAD, des bijoux, de la vaisselle, des publicités, des objets utiles et quotidiens, dans des ensembles
cohérents, afin de signifier qu’il existe une alternative à ce qui est montré chaque année, depuis la création de la
SAD. Le regroupement des « modernes » est amorcé lors de l’exposition de 1925, mais le refus qui leur est alors
opposé signe leur départ. Ils exposent désormais au Salon d’Automne, qui présente, en 1929, les casiers, sièges
254
En France, deux associations s’occupent de la promotion du mobilier contemporain. La
Société des Artistes Décorateurs (SAD)700 et l’Union des Artistes Modernes (UAM).
Formes Utiles :
Association française fondée en 1949 émanant de l’Union des Artistes Modernes. C’est sous
l’impulsion d’André Hermant, soutenu par Charlotte Perriand et René Herbst, qui sera créée
la section Formes Utiles au sein de l’Union des Artistes Modernes. L’exposition inaugurale de
l’UAM, au Pavillon de Marsan en 1949, a pour thème « Formes Utiles, objets de notre
temps ». Elle concrétise une longue série de débats entamés dès 1925 par Francis Jourdain sur
la place de l’objet utilitaire, de bazar, son esthétique et sa fonction dans la production
industrielle. Le Manifeste de 1955, rédigé par André Hermant, en propose une définition :
Nous appelons utile la forme d’un objet usuel, d’une architecture, lorsqu’elle exprime une correspondance
exacte entre l’efficacité de l’usage, l’économie de la matière et la satisfaction de la sensibilité et de l’esprit, ou
encore lorsque son aspect sensible révèle un équilibre rigoureux entre sa fonction, sa structure et sa
signification .
Devenue indépendante de l’UAM en 1950, l’association Formes Utiles organise une
exposition annuelle, sur un thème donné, dans le cadre du Salon des Arts Ménagers (jusqu’en
1987) et publie également une revue, Formes Utiles.
Le Salon des Arts Ménagers :
C’est un salon public français créé en 1923. Peu de temps après, le salon des appareils
ménagers s’installe au Grand Palais, à Paris. Découvrant cette « exposition de casseroles »
dans un haut lieu de la vie culturelle, quelques journalistes la baptisent ironiquement le Salon
des arts ménagers, terminologie aussitôt reprise et déposée par Jules-Louis Breton,
organisateur du salon. Cet immense « bazar » devient un baromètre indispensable des styles
de vie des Français, un laboratoire d’idées soumis à la sanction du public. Jusqu’en 1950, le
Salon des arts ménagers glisse de l’artisanat populaire à une débauche de machines de vivre.
En 1951, Paul Breton, commissaire du salon, fils du fondateur, invite un groupe d’agitateurs
mené par René Herbst à exposer ses théories sur l’esthétique industrielle. Formes Utiles fait
son entrée dans le « bazar ». Le Salon des Arts Ménagers est certainement le salon le plus
important pour la formation du public pendant la période d’après-guerre. L’événement est,
chaque année, largement couvert par les journaux et magazines spécialisés. Une revue est
même créée, L’Art Ménager pour essayer d’éduquer le public.
et tables pour l’ « équipement » de la maison (et non pour la décoration de la maison). L’assemblée constitutive
de l’UAM, présidée par Robert Mallet-Stevens, précise : « L’association groupe des artistes en sympathie de
tendances et d’esprit dont le but est de rassembler leurs efforts et d’en assurer la manifestation au moyen d’une
exposition internationale annuelle à Paris. » Après la reconstruction de l’UAM au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, René Herbst succède à Robert Mallet-Stevens. Il propose en 1949, une exposition de « rentrée
de l’UAM, au pavillon de Marsan, sur le thème Formes Utiles, objets de notre temps. Cette manifestation donne
naissance à la section Formes utiles, émanation de l’UAM. Formes utiles, devenue indépendante, présente
chaque année au salon des Arts ménagers une sélection, sur des thèmes données, de produits industriels. L’UAM
est dissoute en 1958. 700 La Société des Artistes Décorateurs (SAD) : fondée en 1901 par René Guilléré, pour contre-carré les
outrances de l’Art Nouveau finissant, elle est constitué sur le modèle de la Société des Artistes Français. Le
premier salon à lieu en 1904, autour du thème « un salon de thé ». D’emblée, par l’énoncé luxueux plutôt qu’un
espace public -, le SAD fait le choix de soutenir les savoir-faire artisanaux, la tradition de la qualité de
l’ébénisterie française, le luxe… position qu’elle conservera tout au long de son existence et dont elle ne se
départira qu’exceptionnellement, en dépit des recherches formelles, stylistiques, de matériaux, scientifiques, qui
marquent le début du XX e siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, la SAD demeure une société et un salon
qui garde toute son importance.
255
Ce Salon est d’autant plus important dans les années quarante et cinquante qu’il illustre très
bien les différentes créations de l’époque et les deux tendances qui s’opposent :
On les sent visiblement partagés entre deux sollicitations extrêmes : ou continuer, pour une clientèle
sélectionnée et pour l’étranger, la tradition de la pièce unique du meuble de grand luxe – ou satisfaire aux
besoins combien pressants du plus grand nombre, et établir des prototypes du mobilier de série.
(…)
Et le peu d’empressement manifesté par les industriels pour accepter l’invention des créateurs de modèles n’est
pas fait pour leur faciliter la tâche. On trouve donc la majorité d’entre ces derniers hésitant sur le parti à
adopter et préférant se cantonner dans des demi-mesures701.
Là encore les illustrations montrent surtout la présence de mobilier en chêne702 (cf. annexe 6,
fig. 62 et 63).
Le Nouvel Habitat :
Les grands changements survenus dans le domaine de l’habitat posent de nouvelles questions.
Celle du rangement en est une. En effet, l’espace étant devenu plus cher, la superficie des
logements se trouve inévitablement plus restreinte, d’où la nécessité de meubles fonctionnels
et modulables. C’est également l’époque de la « salle de séjour » faisant à la fois office de
salon, de salle à manger et souvent même de chambre à coucher. Un canapé lit, des buffets et
rangements pouvant contenir un maximum de vaisselles et de linge sans toutefois être trop
volumineux permettent une meilleure exploitation de l’espace. Ces nouvelles nécessités
incitent les architectes et designers à penser des meubles à usages multiples. Ce nouveau
mobilier, destiné à une production en série, arbore donc des formes simples (cf.vol.2, annexe
6, fig.58, 59 et 61).
Les matériaux et l’évolution technique :
Au sortir de la guerre, les matériaux les plus exploités en France sont le chêne et le rotin.
Progressivement, et en marge de tous les changements en cours, de nouveaux matériaux vont
être introduits auprès des créateurs. On connaissait déjà le moulage du bois à la vapeur (ex.
Thonet) et le placage mais la découverte, en autres, des nouvelles colles synthétiques va
faciliter la tâche de nombreux créateurs. Les premiers sièges en contreplaqué moulé à haute
fréquence (Charles Eames, suivi d’Arne Jacobsen) arrivent rapidement sur le marché français
et inspirent certains créateurs français comme Pierre Gauriche ou encore Jean-René Caillette
pour sa fameuse chaise « Diamant ».
Il y également le Novopan® et d’autres marques de panneaux de particules, ainsi que les
stratifiés dont le célèbre Formica® d’origine britannique qui permettent, par exemple, de
jouer avec les couleurs.
Mais c’est l’arrivée des matières synthètiques et plastiques (PVC, PP, ABS, rayonne puis
Nylon®, etc…) qui sera la plus remarquée : colles, peintures, vernis, tissus de couverture,
ainsi que l’introduction de polyester moulé armé fibre de verre qui permettra de réaliser des
chaises et fauteuils en monocoques. Soulignons toutefois que si beaucoup de designers, tels
Pierre Paulin ou Olivier Mourgue, s’intéressent à ces matières plastiques, la plupart de leurs
créations ne dépasseront jamais le stade de prototypes avant-gardistes. La population logée
dans les immeubles récemment construits se cantonnera encore longtemps au mobilier en bois
ou en panneaux plaqués et ce malgré la percée des plastiques et de ses variations « pop » dans
les années 50 et 60. Le bois restera le matériau principal de la seconde moitié du 20ème siècle.
701 Diehl, Gaston, « Le 32e Salon des Artistes décorateurs », in Art et Décoration, n°2, 1946, p.71 et 90. 702 Idem., p.71-91
256
Mentionnons également Alexandre Noll (1890-1970), sculpteur et graveur sur bois. Il peut
être considéré comme l’un des grands créateurs de mobilier d’artistes du 20ème siècle703.
Artiste singulier de préoccuppation écologiste, ses rapports à la sculpture sont parfois vu
comme une reaction contre l’ère de l’industrialisation et de la production de masse704. Ses
meubles uniques de formes rustiques artisanales sont travaillés en tailles en plein bois et
assemblés à joins vifs705. Il crée ainsi des «meubles-sculptures » dans du pallisandre, de
l’ébène et de l’acajou de formes tout à fait étonnantes.
En marge de cette production officielle qui sert avant tout de vitrine à la création française se
développe un mobilier plus accessible, destiné a l’usage quotidien du commun des mortels et
qui se spécialise, entre autres, dans l’imitation de styles, dans le rustique... Le centre
névralgique de cette création se situe dans le Faubourg Saint-Antoine (cf.vol.2, annexe 6,
fig.64 et 65).
Là se situe peut être les raisons de l’échec de la création française d’après guerre qui, à
l’inverse des pays nordiques notamment, n’a pas su se démocratiser. Pourtant, le problème
demeure complexe.
Prenons un cas pratique : au lendemain de la guerre, encouragés par le plan Marshall et la
reprise économique, Monsieur et Madame Durand se mettent à rêver d’acquérir un logement
qui leur soit propre mais finissent par acheter un petit appartement dans l’une de ces « tours »
nouvellement construites. La logique voudrait qu’ils le meublent à l’aide de cette production
en série qui leur est directement destinée (création de Marcel Gascoin (1907-1986) ou de Jean
Prouvé (1901-1984)). Mais non. Ce qui fait rêver les classes moyennes et ouvrières, c’est le
mobilier de style, ce mobilier élitiste que s’approprient les familles aisées. N’ayant bien
évidemment pas les moyens de se l’offrir, ils vont alors se tourner vers les imitations
d’anciens dont les pseudo-brocanteurs, mais aussi les vrais ébénistes et menuisiers du
Faubourg Saint-Antoine se sont faits une spécialité. Les exemples sont nombreux, il suffit
d’ouvrir des revues spécialisées destinées aux professionnels, comme le Courrier du meuble
(à partir de 1958) ou la Revue de l’Ameublement (à partir de 1907) pour en faire le constat.
L’engouement des Français pour ces imitations d’ancien est tel que la part de marché du
mobilier communément admis comme « moderne » n’a atteint que très récemment les 50%
(depuis 12 ans selon M. Christian Brus, rédacteur en chef adjoint au Courrier du Meuble).
Constat étonnant mais compréhensible lorsque l’on voit que les Français étant très attachés à
leur mobilier, ils ne s’en séparent que rarement et préfèrent en général conserver le mobilier
de famille. Tables, canapés ou meubles de rangement font parfois toute une vie. Au regard de
cet état d’esprit, la place du mobilier moderne semble alors difficile à développer en France.
En répertoriant les illustrations d’un article sur le 33ème Salon des Artistes Décorateurs en
1947 publié dans la revue Art et Décoration, on y voit notamment : un lit en chêne de Sognot,
une chambre de jeune fille en chêne blanchi de Oudin, une chambre en chêne de G. Coutaud,
une chambre en sycomore d’Arbus, une chambre de merisier par Guiguichon, une chambre en
noyer clair de Lesage, une chambre en frêne de P. Broc. Pour un bahut M. Jallot utilise le
noyer, Landault du merisier et Renou et Génisset du frêne ciré, comme d’ailleurs M. Pré pour
un secrétaire. Pour une Salle à manger J. Adnet utilise du chêne, comme le fait également
Colette Guéden. M. Old, ainsi que René Gabriel préfèrent utiliser du merisier, même constat
703 Desoind-Barré, A. (Dir), Dictionnaire Internationale des arts appliqués et du design, op.cit., p. 437 704 Olivier, J-E & Passebon, P., Alexandre Noll, Paris, Ed. du Regard, 1999, p.65 705 Bony, A., Meubles et Décors des années 40, op. cit. p.212-13
257
pour E.H. Mart et Klotz-Gilles. Par contre A. Guériot utilise du palissandre pour son
secrétaire. B. Durussel comme Laffaille préfèrent le chêne706.
On constate donc que le matériau bois prédomine, en particulier le chêne, le merisier et le
frêne qui sont des bois indigènes, donc peu coûteux.
La préférence pour le chêne en France se constate en feuilletant les revues de l’époque. Les
articles illustrés, notamment dans Art et Décoration, par des meubles en chêne sont
innombrables707. Même constat pour les articles de la revue La Maison Française pendant les
années 1947-1955, beaucoup de mobilier en chêne, mais également du frêne et du merisier.
Nous l’avons déjà évoqué auparavant, la reconstruction occupe tous les esprits dès la guerre
terminée, nombre de revues le traduisent708.
A la fin des années 40, la France voit apparaître des meubles alliant plusieurs matériaux, tels
le bois et le métal. Les images recueillies dans Foyer d’Aujourd’hui au Salon des Arts
Ménagers de 1949709, en 1951 au Salon des Arts Ménagers ou lorsque J. Hitier expose des
étagères faites en métal et bois710 en témoignent. Malgré ces tentatives très innovantes, le
mobilier en bois gardera pourtant la faveur des français dans les années 40 et 50711.
La France ayant de vastes étendues forestières et une industrie du bois très développée, elle a
tout naturellement puisé dans ses propres ressources, c’est-à-dire dans ses bois indigènes :
chêne, frêne et pin mais également dans ses bois fruitiers poirier ou châtaignier. Les bois
exotiques se faisant plus rares et donc plus chers, les créateurs se tournent logiquement vers
les bois du pays. Depuis l’antiquité et tout comme dans la plupart des pays européens, ces
bois étaient traditionnellement destinés au marché local et régional.
Selon François Plassat il n’y a rien d’étonnant à cet emploi systématique du chêne dans le
mobilier traditionnel français, l’arbre « chêne », qui a toujours été très abondant dans les
forêts de feuillus françaises depuis le reboisement qu’en avait ordonné Colbert pour fournir la
charpente en marine et le charbon de bois pour l’industrie, allant jusqu’à organiser la forêt
comme une véritable usine de production, avec ses routes forestières rectiglignes et ses
carrefours de meubles à charbon de bois, est encore en tête des volumes des ventes de coupes
publiques comme privées de bois feuillus, devant le hêtre et le merisier, avec comme
débouché pour ses moins belles qualités : la charpente, ses qualités moyennes : la menuiserie
et ses plus belles qualités : le meuble massif ou plaqué comme il se doit, dont la forte
demande aspire donc des volumes toujours majoritaires chez les scieurs. Cette demande
quasiment « atavique » est aussi liée à l’excellentes réputation de solidité et de longévité de
706 « Le 33e Salon des Artistes Décorateurs », in Art et Décoration, n°6, 1947, p.11-40 707 Gille-Delafon, S., « Maisons individuelles françaises et étrangers » in Art et Décoration, n°7, 1946, p.15-30. ;
Diehl, G., « Le métier et l’invention dans les intérieurs de Maxime Old », in Art et Décoration, n° 8, 1948, p.1-
13. ; « Mobiliers en série et prototypes », in Art et Décoration, n°9, 1948, p.1-13. 708 Les articles sont nombreux, notamment dans la revue Art et Décoration : « Sièges en contreplaqué moulé »,
« Les immeubles d’état et la Reconstruction Française » (n°7, 1946, p.15-30), « Mobiliers en série et
prototypes » (n°9, 1948, p.21-30), « Détails d’équipements du ‘logis 49’ » (n°13, 1949, p.26-27), « Les
nouveaux immeubles du port de Toulon » (n°21, 1951, p.11-13) etc. 709 Lacroix, B.J., « Le Foyer d’Aujourd’hui au Salon des Arts Ménagers », in Art et Décoration, n°13, 1949,
p.28-30. 710 « Ensembles modernes au Salon des Arts Ménagers », in Art et Décoration, n°21, 1951, p.1-11. 711 Diehl, G., « Au 34e Salon des artistes décorateurs », in Art et Décoration, n° 10, 1948, p.1-25 : Chavance, R.,
« Meubles récents – tendances nouvelles », in Art et Décoration, n°29, 1951, p.15-18. ; Lacroix, B.J.,
« Ensemble de décorateurs au Salon des Arts Ménagers », in Art et Décoration, n° 39, 1954, p.1-6. etc.
258
ce bois, présent dans les charpentes des cathédrales et des châteaux, si bien illustrée dans
l’inconscient populaire français par la fable de la Fontaine « Le Chêne et le roseau » apprise à
l’école, où le chêne est déraciné et non pas plié ni rompu par l’ouragan. La traditions du chêne
est à ce point ancrée comme une certitude incontournable de solidité et de durabilité qu’elle
reste indépendante du prix : prenant le relais, le chêne américain de plantation, moins cher, est
devenu l’alternative de l’industriel en cas de coût élevé du chêne français (ou en fonction du
cours du dollar) comme c’est le cas depuis une trentaine d’années. L’artisan lui-même se
laisserait bien tenter, si la différence de veinage était moins visible…Notons que dans un
meuble traditionnel en chêne, les intérieurs, moins apparents, sont non moins
traditionnellement faits en hêtre et en peuplier, bois également très fiables en solidité, mais
moins durables aux insectes, très disponibles en scierie, et surtout nettement moins chers.
En feuilletant les magazines de décoration de l’époque ainsi que les quelques ouvrages traitant
du mobilier des années 40, on distingue nettement en France deux tendances distinctes. D’un
côté le mobilier de luxe, issu de la tradition d’ébénisterie français remontant au 18ème siècle et
recourant aux plus belles essences de bois, souvent d’origine exotiques, et de l’autre, la
montée d’un mobilier plus en phase avec les préoccupations de l’époque. Les nouvelles
surfaces à vivre, plus petites, ne permettaient plus l’installation d’un buffet d’Arbus ou d’une
grande commode Louis XVI. Petit à petit, les goûts changent et les fameux salons des Artistes
Décorateurs et de l’Union des Artistes Modernes en témoignent.
Les collectionneurs et historiens de l’Art ne s’intéressent que depuis peu au mobilier français
des années 40 et 50. Peu connue à l’étranger, cette partie de la création française est souvent
occultée des ouvrages et magazines européens (cf. Penny Sparke, Woodham etc.).
Les Revues :
En France, les revues consacrées au design, au mobilier et à la décoration sont nombreuses et
se multiplient d’autant plus après la Seconde Guerre mondiale. Concernant l’immédiat après-
guerre, nous avons surtout consulté la revue Art et Décoration ainsi que La Maison
Française.
En s’attardant sur les différentes illustrations dans le premier numéro d’ Art et Décoration
datant de 1946, on remarque rapidement que tous les meubles sont en bois et la plupart en
chêne, bois de prédilection des créateurs français de cette période.
…Un engouement pour le décor de plus en plus marqué ! Probablement, sont intervenues aussi des raisons
d’opportunité industrielle. Les arrivages de bois exotiques – étrangers ou coloniaux – n’ayant plus lieu, les
stocks d’essences précieuses conservées dans la métropole menaçant de s’épuiser rapidement, les meubliers ont
pris le parti logique de les utiliser au maximum, de leur appliquer tout le travail possible.
Certes, la main-d’œuvre, elle aussi, était sensiblement réduite, la mobilisation, puis la captivité en Allemagne
avaient rendu indisponible de nombreux ouvriers du bois.
(…)
La disette des matières premières ayant déterminé le retour au décor, leur abondance ne va-t-elle pas nous
ramener une période de sobriété ?712
Depuis toujours, le bois semble le matériau de prédilection des français. En voici les raisons :
Le bois, matière vivante, apporte enfin une lumière, un rayonnement, par le jeu si divers de ses fibres, chaud au toucher et au
regard, donnant aux sons une résonnance ni trop vive ni trop sourde713.
712 Chavance, R., « Espoirs et possibilités de l’ébénisterie française », in Revue du bois et de ses applications,
mars 1947, n°3, p.42-43
259
Chaleur et vie définissent le bois de façon récurrente.
Le souci, à l’ordre du jour, de produire plus économiquement pose, en effet, de multiples problèmes si l’on veut
sauvegarder néanmoins la solidité de l’objet fabriqué. Celui de l’emploi d’essences peu coûteuses à l’intérieur
des placages en est un. Celui des procédés d’assemblage en est un autre. L’obligation de réduire l’épaisseur des
panneaux assemblés rend caduc l’usage des tenons et des mortaises, chers aux vieux ébénistes714.
En effet, les essences moins onéreuses étaient souvent employées aux placages et à l’arrière
des meubles. Une pratique déjà ancienne puisque les ébénistes sous l’ère Louis XV, adeptes
des belles essences exotiques comme l’acajou, le bois de rose ou de violette, recouraient déjà
aux essences indigènes pour confectionner les parties moins visibles de la pièce : intérieur des
tiroirs ou des placards étaient alors souvent composés de pin ou de chêne, puis de hêtre et de
peuplier
Œuvre utile, certes, car la vogue nouvelle de l’acajou, non seulement favoriserait l’exploitation et le commerce
de cette matière en provenance des territoires français (Côte-D’ivoire, Cameroun, Moyen-Congo), mais
fournirait un appoint efficace à la production des meubles en série, laquelle correspond à une urgente nécessité
de notre époque, en permettant de varier l’aspect et la composition de ces ouvrages, jusqu’ici exclusivement
limités aux bois clairs de chez nous : chêne, merisier, etc.715.
(…) La variété des couleurs, fournie d’abord par les vives tonalités des revêtements, et la diversité des matières,
qui vont du métal au plastique.
Mais, en examinant cette gamme très riche de matériaux, quiconque sait voir a pu remarquer un fort penchant
pour le bois, lequel fait avec tous les autres de très heureux mariages.
(…) la femme, qui depuis des siècles a guidé, en France, l’évolution du mobilier, s’est toujours montrée
favorable à l’usage du bois, pour la chaleur, la richesse de ses tons, pour l’abondance des ressources qu’il offre
à qui sait le travailler, pour l’espèce de vie qu’il offre à qui sait le travailler, pour l’espèce de vie qui s’en
dégage, seule capable de conférer à nos intérieurs un caractère accueillant. Il serait normal que l’actuel souci
de nos décorateurs d’évoquer la femme dans son cadre moderne fût le point de départ d’une faveur renouvelée
du bois.
(…)
Le fait est que si meubles et sièges gardent les surfaces géométriques, les formes cubiques dont on peut rendre,
jusqu’à un certain point, responsable la fabrication en série qui exige des solutions simplifiées, l’agrément des
matériaux corrige l’austérité du dessin.
(…)
Ainsi, par la vertu du bois, tendant à se perpétuer, à travers les variations des goûts et des besoins, les qualités
traditionnelles d’une plaisante demeure716.
Il est amusant de noter la farouche opposition du journaliste à la fabrication du mobilier en
série, engendrant selon lui trop de formes géométriques.
Lors du Salon d’Automne, quelques mois plus tard, le ton reste le même :
Bien que dirigé vers des fins multiples, on doit reconnaître sans parti pris qu’il a suscité surtout des expériences,
des démonstrations ayant pour thème les bois d’ébénisterie717.
713 Pingusson, G.-H., « La maison usinée « Portique » et le complexe béton-bois », in Revue du bois et de ses
applications, n°6, juin 1948, p.20 714 R. Chavance, « Une expérience intéressante, le concours du meuble français de série », in Revue du bois et de
ses applications, n° 3, mars 1955, p. 3, 715 R. Chavance, « Ere nouveau, meubles nouveaux », in Revue du bois et de ses applications,n°3, mars 1954,
p.3 716 R. Chavance, « Le 40e Salon des Artistes Décorateurs », in Revue du bois et de ses applications, n° 7/8,
juillet-août 1956, p.16 717 R. Chavance, « Recherche de bois d’ébénisterie au Salon d’Automne et à la Triennale d’Art Français
;Contemporain », in Revue du bois et de ses applications, n° 12, décembre 1956, p.14
260
La tendance conservatrice française est d’ailleurs soulignée dans le commentaire suivant :
Le français est extrêmement individualiste et conservateur. Nous n’aimons pas beaucoup voir chez le voisin la
réplique exacte de notre salle à manger ; et pourtant ne risquons-nous pas d’y retrouver la même poste de T.S.F
ou la même cuisinière qui sont, eux fabriqués en série ? Bien sûr mais les meubles font partie intégrante de la
famille et à eux s’attache une « valeur de souvenir ». C’est sur ce coin de buffet qu’en 19…bébé s’est fait sa
première bosse au front...718
Les articles traitant des Salons de l’époque nous en apprennent toujours beaucoup sur les
modes, en témoigne ce commentaire de Monsieur Chavance sur les bois en vogue au Salon
des Arts Ménagers en 1951 :
Dans la section contemporaine, le « Foyer d’Aujourd’hui », (…), un statisticien noterait, semble-t-il, une
prédominance du chêne.
(…)
Et bien entendu ce sont les bois de pays, le frêne, le merisier, mais surtout le chêne, que l’on retrouve quand on
aborde les mobiliers en série…
(…) le bois massif de chêne, traité par Hauville, affirme une fois de plus ses solides qualités de cordial confort et
un nouveau venu, le « contreplaqué en forme » présenté par Gascoin, qui utilise en l’espèce du contre-plaqué
d’acajou, révèle de larges possibilités719.
On remarque ici l’intérêt des créateurs pour le chêne, bois du pays, qui compose depuis
toujours la grande majorité du mobilier français. Les images tirées des différentes revues
françaises spécialisées en mobilier, comme Art et Décoration, le Décor d’aujourd’hui etc.
consolident cette observation.
Pourtant, à partir de la fin des années 40, début des années 50, une nouvelle ère se profile en
France, et plus largement en Europe.
Les années 50 : l’influence scandinave dans le mobilier français
A partir du milieu des années cinquante, les revues spécialisées accordent une plus grande
place au métal allié au bois ou au tissu. Chaises, fauteuils, canapés et tables reposent sur des
piétements métalliques mais bahuts et étagères sont toujours en bois, fréquemment en teck ou
en acajou huilé. L’emploi des essences comme le teck se fait surtout sous l’influence des
créateurs scandinaves720
La revue Art et décoration témoigne de cet engouement pour les associations de matériaux
comme le verre/bois, le métal/bois et le rotin/bois721.
Malgré tout, les illustrations de mobilier en bois prédominent encore dans les revues parues
entre les années 50 et 60.
718 P. Brosseau, « Pourquoi l’industrie Américaine produit, à bon marché, des meubles de qualité », in Revue du
bois et de ses applications, n° 12, décembre 1952, p. 15 719 Chavance, R., « Le meuble au Salon des Arts Ménagers », in Revue du bois et de ses applications, n° 5, mai
1951, p. 19-20. 720 Voir la revue La Maison Française à partir de la fin des années cinquante. 721 In Art et Décoration, n°29, 1952, p.1-6 et p.11-15.
261
L’évolution des formes s’accompagne d’une épuration des lignes inspirée par les pays
scandinaves. L’exemple de la créatrice Geneviève Pons en 1953722 atteste de cette nouvelle
légèreté du mobilier.
Les années 50 et 60 verront croître l’influence des pays scandinaves sur le mobilier français,
anglais et, dans une certaine mesure, allemand. Ce succès phénoménal trouve son origine dans
l’hyper-représention des pays nordiques lors des différents salons et expositions ainsi que
dans leur efficace propagande.
Salons :
Le Salon des Arts Ménagers et le Salon des Artistes Décorateurs :
Ces deux manifestations étaient, nous l’avons déjà évoqué, les plus importantes de France.
Chaque année, une section y était dédiée à la création étrangère, bien que peu d’illustrations
nous en restituent la teneur (cf.vol.2, annexe 6, fig.66). On peut toutefois aisément imaginer
l’impact de ces deux salons très visités tant par des acheteurs que par des créateurs mobiliers.
Ils constituaient donc un excellent mode de diffusion des créations étrangères et notamment
scandinaves.
Le Salon International du meuble de Paris et le Meuropan à Lyon :
Dans la lignée des salons professionnels comme celui de Cologne en Allemagne, on trouve en
France un certain nombre de manifestations et de salons. Le Meuropan, organisé chaque
année à Lyon, regroupait tous les corps de métiers liés au mobilier. Réservé aux acheteurs
professionnels (cf.vol.2, annexe 6, fig.67), Meuropan eut une ampleur internationale, sans
pour autant atteindre celle du salon de Paris ou celui de Cologne. Peu d’informations sont
disponibles concernant ce salon, nous avons toutefois trouvé ce commentaire dans le Courrier
du meuble concernant celui de 1965 :
On assiste à une offensive généralisée du style : Louis XVI en tête, mais aussi du Louis XV (bois de rose,
marqueterie), Empire, Haute Epoque et de nombreuses variantes sur le thème « rustique de style » avec
floraison de meubles régionaux, du basque au provençal, etc. Il est symptomatique de constater que la plupart
des fabricants de meubles traditionnels (appelés par certains « moustache ») ont fait place dans leur stand à un
ou deux échantillons de mobilier de style…et c’est de toute évidence, ce type de mobilier qui a rencontré la
faveur des acheteurs.
En compensation, repli stratégique du scandinave « fabriqué en France » (dont l’importance était grand au
dernier Salon de Paris) et effacement des autres meubles contemporains723.
Ce commentaire est intéressant à plusieurs points de vue. Premièrement, il fait le constat de
l’importance grandissante du mobilier de « style » et « régional » dès le milieu des années
soixante dans les revues, les salons et sur le marché du meuble.
Il ressort également qu’une grande partie de la production mobilière française était consacrée
au mobilier de style, marquant ainsi la régression des meubles d’ « imitation » scandinave dès
1965724.
722 « Légèreté, finesse et formes nouvelles », in Art et Décoration, n°32, 1953, p.1-4 ; Chavance, René, « Le
mobilier Contemporain, au Salon des Arts Ménagers » in Art et Décoration, n° 33, 1953, p.4-14. 723 In Courrier du meuble, n° 276, 9 octobre 1965, p.3 724 Par mobilier de « style » on entend par convention (et cela fut d’ailleurs entériné par le décret 86-583 du 14
mars 1986 portant sur l’information des acheteurs notamment par l’étiquetage des mobiliers), un mobilier qui
peut rappeler par certains motifs typiques bien choisis un style d’époque, par opposition à un meuble d’époque,
qui, lui, bénéficie du nom du style historique sans cette épithète « de style ». Cette définition permet à l’industrie
de fournir des mobiliers « évocateurs de style » avec économie, qui deviennent eux-mêmes des références de la
mode « meuble » et donc entretiennent la demande de copies, parfois réalisées de façon qu’a minima quelques
détails extérieurs seulement ressemblent à ceux de l’époque, mais sans le savoir-faire manuel associés
(assembleages, sculptures par exemple), industrialisation oblige. Il ne faut par conséquant par mettre sur le
262
Le Salon International du Meuble à Paris
(Créé en 1960, premier salon du 26 au 31 janvier 1961)
Le premier salon a lieu en 1960, c’est un (…)
Salon spécialisé, il n’accepte comme exposants que les fabricants de meuble, literie et accessoires de
l’ameublement, ainsi que les grossistes éditeurs en textiles d’ameublement725.
Ce grand Salon international répondit au besoin de rayonnement de la France en matière
d’exportations de mobilier. Il avait également pour vocation de contrecarrer l’écrasante
envergure de celui de Cologne. Deux grands Salons internationaux où l’influence du mobilier
en bois scandinave se fit particulièrement ressentir entre les années 50 et 60.
L’influence scandinave en France s’exprima de deux façons : d’abord par le développement
de mobilier dit d’ « imitation » de modèles scandinaves, ensuite par l’appropriation du style
nordique par des créateurs et designers français, plus difficilement décelable.
Comment cet intérêt pour la Scandinavie se traduit-il ?
L’étude comparative du mobilier français et du mobilier scandinave nous a permis de dégager
les caractéristiques propres à chacune de ces deux productions.
Nous avons ensuite analysé les chemins empruntés par la création scandinave pour s’imposer
en France. D’abord par le biais de revues et salons de meubles internationaux, par
l’organisation d’expositions dans les maisons culturelles, comme la Maison du Danemark ou
d’expositions thématiques comme celle des « Formes Scandinaves » tenue en 1959 au
Pavillon Marsan. Les revues, notamment la Revue Danoise publiée en langue française par le
ministère des affaires étrangères du Danemark y contribuèrent également. L’insistance portée
sur l’action menée par l’état danois n’est en rien un parti pris lié à notre nationalité mais un
constat objectif et réel, les danois ayant été particulièrement actifs dans ce domaine. De plus,
force est de constater que Suédois et Danois dominent la présence des pays nordiques lors des
expositions et salons. Le constat avait été le même lors de l’étude du Salon International de
Cologne ou de Paris, fabricants finlandais et norvégiens étant bien moins représentés.
Les chiffres des importations en provenance des pays nordiques renforcent ce postulat726. Les
premiers auxquels nous ayant pu accéder remontent à 1959 et 1960727. Les chiffres exprimés
dans le tableau ci-contre recensent tous les articles mobiliers inscrits au chapitre 94 de la
nomenclature des douanes, à savoir : sièges, meubles métalliques, meubles en bois et autres
matières, articles de literie. Ces données ont été communiquées à Ameublement Information
par la Direction générale des Douanes.
même plan de valeur un meuble marqueté aux surfaces galbés de style Louis XV, quastiment impossible à
mécaniser par rapport à l’original artisanal, et des meubles de style Louis-Philippe ou Louis XIVun travail
simplifié aux machines, voire même sur centre d’usinage à commande numérique, ce qui oblige à des
compromis avec les modèles, flagrants pour les initiés. 725 In Courrier du Meuble, n° 85, 5 juin 1960, p.3 726 Malheureusement l’INSEE n’a pu nous communiquer la totalité des chiffres pour la période qui nous
intéresse, nous avons donc dû nous contenter des chiffres que nous avons pu relever dans « Le Courrier du
Meuble » et dans « L’Ameublement Information ». 727 Ces chiffres d’importations ont été publiés en décembre 1961 dans l’Ameublement Information, p. 53.
263
Le premier constat qui ressort de cette analyse est que la France importe beaucoup plus
qu’elle n’exporte. Les cinq pays importateurs sont, en 1959, l’Allemagne Fédérale, l’Italie,
L’UEBL, la Suède et la Hollande. En 1960, cette tendance n’a pas changé. Arrive en tête
l’Allemagne Fédérale, suivie de l’Italie, de l’UEBL, de la Suède et de la Hollande. Malgré
tout, le chiffre des importations suédoises a presque doublé en seulement un an (1 001 250
francs en 1959 contre 1 866 480 francs en 1960). L’évolution la plus notable est pourtant celle
du Danemark. En 1959, il occupait la neuvième place derrière l’Angleterre, la Suisse et la
Tchécoslovaquie mais en 1960, il remontait à la sixième place, non loin de la Hollande.
L’exportation de meubles du Danemark vers la France a plus que doublé pendant cette année,
passant de 487 590 francs à 1 208 990 francs en 1960. L’importation de meubles norvégiens a
également augmenté de 20 230 francs à 59 680 francs entre 1959 et 1960, seule l’importation
de meubles finlandais a baissé pendant l’année, chutant de 156 350 francs en 1959 à 115 440
francs en 1960.
Concernant les chiffres de 1961, l ‘Allemagne Fédérale arrive toujours en tête avec un total de
30 599 980 francs suivie du BENELUX (12 298 670 francs), de l’Italie (5 931 670 francs) et
des Pays Bas (3 374 560 francs). A la cinquième place des pays importateurs se trouve
maintenant le Danemark (2 718 290 francs) suivi de près par la Suède (2 160 920 francs)728.
Les statistiques ainsi obtenues montrent clairement la forte progression des importations en
provenance du Danemark. L’Allemagne Fédérale arrive toujours en tête avec 17 363 000
francs, suivie du BENELUX avec 12 665 000 francs, de l’Italie (4 132 000 francs), et,
surprise, le Danemark se trouve à la quatrième place avec des importations de meubles en
France pour 2 545 000 francs. Le Danemark est suivi des Pays Bas (1 897 000 francs) et de la
Suède (1 313 000 francs).
Le fait que l’on retrouve chaque année l’Allemagne fédérale et les pays du Benelux en tête
des exportations vers la France s’explique par le fait qu’ils intégraient tous le Marché
Commun729.
En 1964, le bilan pour l’ameublement et le commerce extérieur est publié dans le Courrier du
Meuble 730. L’Allemagne Fédérale occupe toujours la première place des importations
françaises de meubles avec 80 306 000 francs, viennent ensuite la Belgique (73 279 000
francs), l’Italie (23 273 000 francs), le Danemark (17 656 000 francs), les Pays Bas (9 512
000 francs) et la Grande-Bretagne (6 990 000 francs). L’importation de meubles suédois a
baissé (3 910 000 francs), tout comme sa participation aux différents internationaux (Cologne,
Paris).
Ces tendances sont analysées dans un article « L’Ameublement et le commerce extérieur » du
Courrier du Meuble731 :
728 In L’Ameublement information, n° 146, janvier 1963 729 En octobre 1954 le traité de Bruxelles signé entre la France, le Royaume-Uni et le Benelux en 1948 est élargi
à la RFA et à l’Italie : ainsi est créée une union de l’Europe Occidentale (UEO). Le 25 mars 1957 est signé le
traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE), ordinairement appelée Marché
Commun. L’union douanière comportant la libre circulation des marchandises entre les Etats membres ainsi
qu’une mise en place d’un tarif extérieur commun. La suppression des droits de douane portant sur tous les
produits. Ce n’est qu’en 1972 que le Danemark peut finalement adhérer (en même temps que la Grande-Bretagne
et l’Irlande) au Marché Commun. (Source : Berstein et Milza p.298-302) 730 In Le Courrier du Meuble, n° 248, 27 février 1965, p.1. 731 In Le Courrier du Meuble, n° 326, 15 octobre 1966, p.1.
264
Les statistiques mettent en lumière l’accroissement régulier des importations et le déclin du (meuble de732)
Scandinavie.
(…)
Une constatation : Les USA devancent désormais la Suède, nous amène à ce qui sera l’objet de notre principal
commentaire aujourd’hui : le déclin de la Scandinavie. Si l’on prend pour références la situation à fin juillet des
3 dernières années :
1964 1965 1966
Danemark : 9 718 000 11 304 000 9 420 000
Norvège : 694 000 759 000 628 000
Suède : 2 553 000 2 048 000 1 795 000
Total : 12 965 000 14 109 000 11 843 000
On observe que non seulement les importations de 1966 en provenance de ces 3 pays n’ont pas suivi le
mouvement général de la masse (+ 12%) mais se trouvent en recul par rapport à 1965 et même par rapport à
1964, ceci étant particulièrement net en ce qui concerne les importations de la Suède.
Bien que les importations provenant de la Scandinavie et plus particulièrement de la Suède
soient en baisse, la Norvège et le Danemark sont en revanche encore en hausse entre 1964 et
1965, avant de reculer également à partir de 1966.
Le Courrier du Meuble tente d’en éclairer les raisons733 :
Point n’est besoin d’être grand clerc pour avancer deux explications concordantes.
Pendant près de 10 ans, le mobilier scandinave, ses formes adoucies, son bois de prédilection, le teck ont
marqué la sensibilité d’une élite de vendeurs et d’acheteurs, prenant figure de style de notre temps comme toute
mode, celle-ci même fondée en raison et en beauté, devait s’épuiser progressivement. On peut induire sa qualité,
du fait qu’elle ait duré si longtemps. Mais, déjà, d’autres modes s’affirment, tendance vers un style
contemporain plus audacieux (italien par exemple) ou retour au « meuble d’héritage » (styles français
historiques, mobilier américain).
Parallèlement, la prolifération des meubles pseudo-scandinaves fabriqués en France, où il y a du bon et même
de l’excellent, mais aussi du médiocre et du pire, contribuait à vulgariser le scandinave, l’a en partie
discrédité…et a de toutes façons saturé le marché.
(…)
Le point essentiel (…) étant l’extraordinaire essor des importations en provenance d’Italie, qui ont augmenté de
11 millions en 2 ans, soit plus que les ventes allemandes (plus 9 millions) ou belges (plus 7 millions).
Bien que le Courrier du Meuble ait constaté une baisse générale des importations en
provenance des pays scandinaves en 1966, celle reste tout de même importante en 1967 et en
1968. Le Danemark reste quatrième derrière les Benelux, l’Allemagne et l’Italie avec 15 715
000 francs, la Suède est neuvième avec 1 886 000 francs. Toujours selon les chiffres transmis
par le Courrier du Meuble734, le Danemark a régressé de 17% par rapport à 1966 tandis que
l’Italie, par exemple, a progressé de 36%. Ces chiffres ont été communiqués par la Direction
générale des Douanes. Cette tendance à la baisse des importations mobilières en provenance
du Danemark se confirme en 1968 (13 587 000 francs) ou le Danemark va être devancé par la
Grande-Bretagne en tant que quatrième exportateur vers la France.
On peut donc conclure que l’apogée de l’importation de meubles en provenance du Danemark
se situe entre 1964 et 1965, tandis que la chute des importations venant de Suède se situe
quelques années plus tôt. Ces faits se répercutent notablement lors du Salon International de
Paris où la présence suédoise est très marquée en 1963 mais baisse dès 1965. En revanche, les
732 Rajourt de l’auteur 733 Idem. 734 In Le Courrier du Meuble, n° 396, 15 mars 1968, p.1.
265
fabricants danois sont très présents en 1965, année où leurs exportations vers la France
atteignent leur paroxysme.
L’intérêt de la France pour la création suédoise se porte d’abord sur la Suède puis sur le
Danemark, comme en témoignent de nombreux articles parus dans des magazines
spécialisés735.
Dès 1946, la revue Le Décor d’Aujourd’hui commence à s’intéresser à la Suède, notamment a
travers une série d’articles signés par la spécialiste ménagère Paulette Bernège et des
reportages de Jean Royère. Avec des articles comme « L’Exemple de la Suède »736,
« Réponse suédoise aux problèmes de la maison moderne »737, « Pour une ration quotidienne
de beauté »738, « A l’Exemple de la Suède améliorons la maison paysanne »739, « L’Ordre
suédois »740, « L’exemple de la Suède pour une enfance plus heureuse »741ou encore « Une
école suédoise d’organisation ménagère pour les jeunes rurales »742.
De même, dans l’Architecture d’Aujourd’hui dès la sortie de la guerre, de nombreux
reportages et articles sur la Scandinavie paraissent, dans un premier temps consacrés à la
Suède « Equipements de cuisine suédoise »743, « La salle de bains standard suédoise »744, « La
maison suédoise préfabriquée en bois »745, « L’organisation de santé publique en Suède »746,
suivie de « L’hôpital Söder, à Stockholm »747 et « l’hôpital universitaire Karolinska, à
Stockholm »748. Mais également : « Suède – une politique réaliste de l’habitat »749, « Service
d’admission de l’hôpital de Malmö »750, « Maternité de l’hôpital de Malmö »751 et
« Sanatorium à Upsala »752.
Le numéro de mai-juin 1952 de l’Architecture d’Aujourd’hui est intégralement consacré aux
« Pays Nordiques » bien que ce soit l’architecture et non le mobilier qui soit au centre de
l’attention.
Tous ces articles s’attardent sur l’architecture et le modèle social suédois, notamment
l’organisation des hôpitaux, des écoles, ainsi que sur l’urbanisme. Bien qu’ayant été
relativement épargnée par la guerre, la Suède fascine par le déploiement de solutions mises en
œuvre pour résoudre les problèmes de logements, notamment de surpopulation. Toute
735 Pour avoir une meilleure vue d’ensemble des différents articles consacrés aux pays scandinaves ainsi que du
contenu de ces articles nous vous conseillons de vous rapporter à la bibliographie en fin de volume. 736« L’Exemple de la Suède » in Le Décor d’Aujourd’hui, n°35, 1946, p.65-70. 737« Réponse suédoise aux problèmes de la maison moderne » in Le Décor d’Aujourd’hui, n° 41, 1947, p. 59-68. 738 « Pour une ration quotidienne de beauté » in Le Décor d’Aujourd’hui, n° 42, 1948, p. 58-64. 739 « A l’exemple de la Suède améliorons la maison paysanne » in Le Décor d’Aujourd’hui, n° 46, 1948, p. 55-
64. 740 « L’ordre suédois » in Le Décor d’Aujourd’hui, n° 53, 1949, p. 37-38. 741« L’exemple de la Suède pour une enfance plus heureuse », Idem. p. 38-39. 742 « Une école suédoise d’organisation ménagère pour les jeunes rurales », Idem. p. 62-63. 743 « Equipement de cuisine suédoise » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 10 mars 1946 p. 31-33. 744 « La salle de bains standard suédoise » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 11, mai-juin 1947 p. 64-65. 745 « La maison suédoise préfabriquée en bois » in l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 13-14, septembre 1946, p.
142. 746 « L’organisation de santé publique en Suède » in l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 15, novembre 1947, p.18. 747« L’hôpital Söder, à Stockholm », Idem. p. 45-7. 748 « L’hôpital universitaire, à Stockholm », Idem. p. 68-69. 749« Suède – une politique réaliste de l’habitat » in l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 16, décembre 1947, p.72-
92. 750« Service d’admission de l’hôpital de Malmö » in l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 17, avril 1948, p. 14. 751 « Maternité de l’hôpital de Malmö », Idem. p. 52. 752 « Sanatorium à Upsala », Idem. p. 102.
266
l’Europe s’en inspire et la prend pour modèle. Certains, comme Mme Bernège, ont tenté de
transposer ce modèle par le biais d’articles parus dans Le Décor d’Aujourd’hui. Elle tente
d’éduquer le public français tout comme la Suède l’a fait, parvenant à la fois à résoudre ses
problèmes de logements et à introduire un mobilier moderne :
Certes nous n’avons rien à envier aux formes de ces meubles dont la froideur nous déconcerte un peu, mais il
règne dans ces intérieurs si modestes et qui sont bien souvent construits à l’aide d’éléments démontables par les
occupants eux-mêmes, une atmosphère nette, fleurie, heureuse que beaucoup de nos ensembles bourgeois, bien
que plus cossus, ne connaissent pas. C’est en tout cas sur cette composition du mobilier par éléments
juxtaposables et qui permet d’agrandir le volume de rangement suivant l’augmentation des besoins, qu’il
convient d’attirer l’attention ; sur le fait, aussi que cette conception « accordéon » si l’on peut dire, ne conduit
pas du point de vue esthétique à des résultats désastreux, ce qui montre combien l’étude des éléments est bien
faite.753
Les quelques revues d’avant-garde dans lesquels ces articles paraissent se consacrent surtout à
la question du logement et à son équipement. Suivra une série d’articles sur le thème de la
Scandinavie, largement illustrés754 (cf.vol.2, annexe fig. 68 à fig. 107), et publiés dans des
revues spécialisées autour de la décoration et du mobilier mais plus populaires, comme Art et
Décoration, La Maison Française, Mobilier et Décoration, ainsi que Aujourd’hui art et
architecture, à partir du milieu des années cinquante755.
Dès la fin des années 50, le mobilier scandinave (cf.vol.2, annexe 6, fig.108 à fig.175)
s’octroie de grands encarts publicitaires dans des revues telles que La Maison Française, Art
et Décoration, Maison et Jardin ou Meubles et Décors . La disparition de ces publicités sera
le reflet du déclin des importations du mobilier scandinave en France, c’est-à-dire autour de
1964-1965.
Ces publicités évoquent rarement le nom d’un créateur en particulier mais vantent plutôt le
mobilier scandinave en général sans même distinguer le mobilier danois du suédois. Seul
« Mobilier International »756 (cf.vol.2, annexe 6, fig.166 à fig.175) annonce parfois des
créateurs ; ce qui permet de constater la prédominance des créateurs danois, futurs classiques
comme Eric Erlow, Arne Jacobsen, Finn Juhl et Poul Kjaerholm, mais également le Suédois
Bruno Mathsson. Il est donc extrêmement difficile de savoir avec exactitude ce que les
magasins de mobilier français vendaient. Seules les publicités de « Roche Ameublement »
sont parfois plus explicites (cf.vol.2, annexe 6, fig.158 à fig.161), proposant ainsi une
collection nordique avec du mobilier « Fristho », « Bodafors », « Brande », « Troeds », des
sièges « France & Son », « Jeppesen » et « Glosateur ». Le mobilier « Fristho » et
« Bodafors » était suédois tandis que les autres noms cités sont ceux des fabricants danois.
Nous les avions d’ailleurs déjà mentionnés lors de l’étude des différents salons
internationaux.
La plupart des publicités évoquant le mobilier importé de Scandinavie, il reste extrêmement
difficile de discerner dans quelle mesure les fabricants français imitaient le mobilier
scandinave pour le revendre ensuite sous le nom de « Style Scandinave » comme cela se
faisait en Allemagne, par exemple.
753« L’Exemple de la Suède » in Le Décor d’Aujourd’hui, n° 35, 1946, p. 65-70. 754 Nous avons consacré une large partie des photos en annexe à ces articles et leurs illustrations, ce qui permet
au lecteur de mieux comprendre ce que le lecteur français de l’époque pouvait voir concernant le mobilier
scandinave. 755 Nous vous renvoyons vers la bibliographie pour plus d’informations sur ces articles. 756 Situé au 166, Fg. St. Honoré.
267
Bien que nous n’ayons pas retrouvé d’illustrations mettant en scène ce fameux «Style
Scandinave », nous savons, de par les articles parus dans les revues spécialisées comme Le
Courrier du Meuble , Ameublement Information ou encore la Revue de l’Ameublement , qu’il
était très répandu. Comme en témoigne Jacques Malaise, directeur de la revue Décoration-
Ameublement à Bruxelles, l’engouement pour ce mobilier scandinave n’était en rien limité au
seul territoire français :
J’aime beaucoup les meubles modernes ainsi que les bois de teintes foncées mais je pense que la vogue du
meuble scandinave finira brusquement un jour. Ce ne sera pas parce que le public en aura assez de ce style
mais, à mon avis, parce que le style scandinave sera devenu le style tout court. Quand je vois les nombreuses
copies des fabricants continentaux, je crains effectivement que, d’ici quelques années, plus personne ne
fabriquera du « meuble national » et que le meuble scandinave sera alors la « grosse cavalerie » de toute
l’Europe757.
Evoquant le Salon International du Meuble de Cologne, M. Mahee, ingénieur au Centre
Technique du Bois, nous dit :
En 1960, il semble que les formes scandinaves l’ont emporté sur toutes les autres. De nombreux fabricants se
sont orientés vers les meubles en teck, copies intégrales des meubles scandinaves avec une préférence pour les
meubles danois758
Un article relevé dans le Courrier du Meuble concerne plus particulièrement la production
française et la société SAMCOM :
M. Schwartz, qui dirige la société SAMCOM, a offert le 22 janvier une brillante réception pour marquer
l’inauguration, dans ses locaux de la rue Chalet à Paris spécialement aménagés pour la circonstance, d’un
« Salon du Meuble International » comprenant toute une sélection de meubles d’inspiration scandinave. De
nombreux journalistes et négociants en ameublement moderne assistaient à cette avant-première de ce que l’on
aurait pu appeler aussi un « festival de teck »759.
Bien que l’enthousiasme pour le mobilier scandinave soit indéniable, une étude de marché
effectuée par l’UNIFA et publiée dans le Courrier du Meuble 760 nous rappelle que le mobilier
de style était encore le plus vendu en France :
(…) en vogue à l’étranger, les lignes scandinaves n’ont pas conquis la France où les meubles de style et le
rustique constituent 30% de la production ce goût s’affirme surtout à partir de 45 ans, et doit orienter de plus en
plus la fabrication vers la copie d’ancien. Dans deux ans, le Directoire et le Louis XVI ne coûteront pas plus
chers que les meubles fonctionnels.
Pierre Perrigault, l’un des premiers à vendre du mobilier scandinave dans sa galerie « Meuble
et Fonction » ouverte depuis 1959 bd. Raspail à Paris, nous rappellera lors d’un entretien que
ces créations modernes intéressaient avant tout des architectes et non le grand public, plus
porté sur les meubles d’imitation de style. Ce que vient également confirmer ce petit extrait
d’un article paru dans le Courrier du Meuble 761 :
Le meuble scandinave représente une part encore importante de nos achats, ces meubles, danois surtout, ayant
la faveur de la clientèle aisée.
757 In Ameublement Information, n° 113, Avril 1960, p. 141. 758 In Ameublement Information, n° 137, Avril 1962, p. 41. 759 In Le Courrier du Meuble, n° 138, 25 janvier 1962, p. 1. 760 In Le Courrier du Meuble, n° 148, 5 mai 1962, p. 1. 761 In Le Courrier du Meuble, n° 248, 27 février 1965, p.1.
268
Un article paru dans le Courrier du Meuble sur le déclin de la Scandinavie nous confirme
qu’une production française de meubles d’imitation « style scandinave » existe bien762 :
Parallèlement, la prolifération des meubles pseudo-scandinaves fabriqués en France, où il y a du bon et même
de l’excellent, mais aussi du médiocre et du pire, contribuant à vulgariser le scandinave, l’a en partie
discrédité…et de toute façon saturé le marché.
La société SAMCOM, dirigée par Mr. Schwartz, reflète bien ces tendances. Bien que nous
manquions d’informations à son sujet, il nous reste ces premières publicités datant de 1962 et
publiées dans Art et Décoration. A partir de 1963, elles seront fréquemment publiées dans la
revue Maison et Jardin (cf.vol.2, annexe 6, fig.108 à fig.112). Par le biais d’une publicité
datant de juin 1964763, nous savons qu’elle commençait par sélectionner une collection de
meubles contemporains puis :
SAMCOM, sélection de meubles internationale, importe directement pour vous des meubles, signés par les plus
grands architectes décorateurs scandinaves (…) authentifiés par le label SAMCOM.
Comprenons donc que SAMCOM était, en premier lieu, une société de mobilier en
provenance des pays scandinaves, puis devenait un genre de label pour ce même mobilier qui
se trouvait ensuite distribué a des négociants, revendeurs de meubles à Paris, à ce qu’on
appelait dans les publicités la SAMCOM des dépositaires764 ou à des magasins de meubles765.
Sont notamment cités « Le Home Contemporain », « Europ’Confort », « Primarios », « Art
Mobilier », « Levitan », « Art Ameublement », « Ellony », « Crozatier », « Ardeco » et
« Soskin ». Ces sociétés ayant aujourd’hui766 toutes disparu, il est difficile d’obtenir de plus
amples informations sur leurs activités et sur les liens entretenues avec SAMCOM.
On imagine aisément que l’essor du mobilier de « style scandinave » a été une riposte des
fabricants et sociétés français menacés par l’augmentation des importations scandinaves.
L’écart significatif entre les importations et les exportations françaises de mobilier préoccupa
les professionnels du meuble dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il nous suffit d’ouvrir
un numéro de la Revue de l’Ameublement ou du Courrier du Meuble pour y voir des dizaines
de pages consacrées aux origines du problème et surtout aux solutions pour y remédier.
L’article paru dans le Courrier du Meuble 767 et intitulé « La concurrence du meuble étranger
devient inquiétante » en est un parfait exemple :
Une menace qui planait depuis plusieurs années déjà vient de se préciser en 1963 : de 1959 à 1963, les
importations sont passées de 30 à 160 millions de Francs. Si elles ne représentent encore que 50% de la
production, elles ont toutefois progressé de 80% par rapport à l’année dernière.
Les sociétés vont donc réagir en développant du mobilier « scandinave ».
Prenons l’exemple de la société FRASKA, créée par SAMCOM dont l’idée était de produire
des sièges en France dessinés par des créateurs scandinaves, alliant ainsi confort français et
style scandinave (cf.vol.2, annexe 6, fig.113, 116 à 119). Une autre publicité annonce que tous
les bois constituant les modèles FRASKA sont façonnés au Danemark puis montés et garnis
en France768.
762 In Le Courrier du Meuble, n° 326, 15 octobre 1966, p. 1. 763 In Maison et Jardin, n° 104, juin 1964, p.48. 764 Publicité SAMCOM in Maison et Jardin, juin 1964, p. 48. 765 Publicité SAMCOM in Art et Décoration, n° 96, septembre-octobre 1962, p. XLIII. 766 Selon François Plassat du Centre Technique du Bois. 767 In Le Courrier du Meuble, n° 206, 15 février 1964, p.1. 768 Pulicité FRASKA in Art et Décoration, n° 115, mai-juin 1965, p. LIX.
269
Le seul nom cité sera celui de Johanès Andersen, célèbre architecte-décorateur.
La plupart des magasins de meubles vendent des meubles importés directement des pays
scandinaves par des sociétés spécialisées telles que Jelenkon, Sodeko ou encore Sicaf
(cf.vol.2, annexe 6, fig. 143 et 144). Elles travaillent ensuite avec des magasins et vendeurs de
meubles comme Bobois (cf.vol.2, annexe 6, fig. 162), Roche (cf.vol.2, annexe 6, fig. 158 à
161), André Soskin (cf.vol.2, annexe 6, fig.148 et149), Artbois (cf.vol.2, annexe 6, fig.154 à
156), Présence (cf.vol.2, annexe fig. 150 à 152), ou encore avec des décorateurs comme
Gérard et Pierre (cf.vol.2, annexe 6, fig.120 à fig.123).
Les modèles sont pour la plupart des modèles « anonymes » vendus sous l’appellation
« mobilier scandinave » sans même que l’on sache avec précision s’il s’agit de meubles
danois ou suédois (cf.vol.2, annexe 6, fig. 148 et 154 et 156).
Les créateurs de mobilier français
Intéressons nous maintenant aux véritables créateurs et designers français et tentons de savoir
dans quelles mesures ce phénomène scandinave les a touché.
Pierre Perrigault, président-directeur général de Meubles et Fonction, déclare dans le petit
catalogue édité pour l’exposition « Arne Jacobsen – 100 ans : un maître du Design Danois et
ses héritiers » organisée à la Maison du Danemark à Paris :
Cette culture (danoise) du traitement du bois eut une influence certaine sur la création française en apportant
une modestie de moyens, une sophistication, un savoir-faire dans les finitions, y compris dans l’acier, le verre et
plus tard le polyester et la mousse de latex.769
L’avis des créateurs français sur l’essor du mobilier scandinave est intéressant. Lorsqu’Alain
Richard est interrogé sur l’éventuelle formation d’un style international uniforme, il répond :
(…) ou bien encore, prenez le mobilier Scandinave, que je n’apprécie pas tellement d’ailleurs : malgré moi il me
fait penser à ce que disait de la Suisse Orson Welles dans son film « Le troisième homme », à savoir que trois ou
quatre siècles de paix et de tranquillité y avait engendré…le coucou clock !
(…)
Je me hâte d’ajouter que ce jugement peut-être un peu sévère en effet, vise une certaine production scandinave,
à l’exclusion bien entendu des œuvres de grands créateurs tels qu’Arne Jacobsen, par exemple, qui sont de
véritables artistes, pleins de sensibilité, de finesse et de force. Non ! ce contre quoi je l’élève ici, c’est au fond
une commercialisation assez semblable à celle qu’a été faite du mobilier présenté aux Arts Décoratifs de 1925 et
qui s’est traduit par le meuble à moustache, le meuble aux douze reflets sur la porte…770
Etienne-Henri Martin n’est, lui non plus, pas très favorable à la création scandinave :
(…) il m’arrive de m’insurger contre l’engouement pour le style scandinave, nordique, ou pour le style
américain car j’estime que nous les avons, dans une certaine mesure, précédé.
Je pense à Louis Sognot que je tiens personnellement pour le plus grand innovateur de cette période
relativement récente des années 1925 et suivantes. Il a eu sur les uns et les autres une influence considérable. De
même qu’un autre grand bonhomme dont on ne parle plus assez, bien que son nom ait été perpétué par un prix :
René Gabriel, le père du meuble en série…771
René-Jean Caillette reconnaît en revanche s’en être inspiré :
769 Catalogue de l’exposition Arne Jacobsen, Maison du Danemark, p. XI. 770 Alain Richard in P. Renous, Portraits de décorateurs, Paris, 1969, p. 45 771 Etienne-Henri Martin in Portraits de décorateurs, op.cit., p. 65.
270
La notion de « meuble français » est une illusion, aussi séduisante soit-elle. Comment voulez-vous qu’il ne se
crée pas un style international à une époque où l’avion abolit les frontières et met les pays les plus distants à la
porte les uns des autres ?
Il n’y a pas si longtemps encore d’ailleurs, la France était à la remorque dans ce domaine, il faut bien le dire.
Elle commence, il est vrai, à se libérer des influences étrangères, de l’influence nordique notamment.772
Jacques Hitier confie à Pascal Renous :
Personnellement, ce que j’admire le plus, c’est la production finnoise.
(…)
il existe quantité de jeunes créateurs de talent, comme Tapiovarra – lequel a d’ailleurs dessiné de nombreux
modèles pour des fabricants allemands – qui poursuivent l’œuvre de ces grands aînés et réalisent des choses
assez étonnantes. La dernière Triennale de Milan a permis de faire le point sur les diverses productions
nordiques. Les Suédois étaient présents, sans plus ; leur participation était pauvre, terne, sans originalité et
pour tout dire ennuyeuse, triste. Celle des Danois, si elle se signale toujours par une finition impeccable,
manquait toutefois un peu d’esprit. En ce qui concerne les Finlandais, au contraire, on ne pouvait manquer
d’être ému, secoué, comme je l’ai profondément été moi-même, par l’amour de travail et de l’objet bien fait qui
se dégageait de leurs meubles773.
André Renous n’est pas aussi enthousiaste en parlant de la création scandinave :
Une autre cause de difficulté réside dans la vogue des objets scandinaves, alors que ceux-ci sont assez souvent
inspirés par des formes qui ont été dessinées, en France, aux alentours de 1928-1930, par des hommes comme
Louis Sognot774.
C’est la deuxième fois que les créateurs évoquent ce fait pour le moins intriguant puisque
jamais ailleurs nous n’avons entendu ou lu que le mobilier scandinave avait eu pour source
d’inspiration la création française et plus particulièrement celle de Louis Sognot. André
Renous admet pourtant l’influence des pays nordiques :
(…) A ce propos, je crois que les créateurs français se dégagent de l’influence scandinave qu’il nous a bien fallu
accepter au sortir de la guerre durant laquelle les Nordiques avaient eu la possibilité davantage que nous de
mettre au point des formes et d’organiser la production pour la série775
Bien que les créateurs français admettent l’influence générale que le mobilier scandinave a eu
sur la production française, rares sont ceux qui reconnaissent ouvertement s’en être
personnellement inspiré.
L’un d’eux est le décorateur Jean Royère :
Mais je crois l’avoir été davantage par la décoration étrangère. Dès avant la guerre, j’avais séjourné dans les
pays scandinaves, en Suède, en Norvège, au Danemark. Et bien avant que les créations nordiques ne fussent
connues en France, j’avais été très frappé par leurs techniques, leur goût, leur façon de concevoir le mobilier
moderne en fonction de la vie actuelle…776
C’est certainement Geneviève Pons qui parle le mieux de la création nordique, lorsqu’on la
questionne sur ses premiers modèles créés en 1946-47 et sur le fait qu’ils mêlaient le fer et le
rotin, elle répond :
Quand j’ai débuté, les fabricants de meubles montraient une certaine réticence à exécuter des formes nouvelles,
surtout en bois. Si j’ai réalisé des meubles à armatures de fer, c’est en partie parce qu’il était plus facile de
772 René-jean Caillette in Portraits de décorateurs, op.cit., p. 91. 773 Jacques Hitier in Portraits de décorateurs, op.cit., p. 166. 774 André Renous in . Portraits de décorateurs, op.cit., p. 173. 775 Idem. p. 175. 776 Jean Royère in . Portraits de décorateurs, op.cit., p. 96.
271
trouver un artisan qui fût capable et acceptât d’effectuer des recherches dans cette matière. Depuis, les
fabricants s’y sont mis sous la pression de l’influence scandinave.
- N’êtes-vous pas de ceux qui ont favorisé l’introduction en France du meuble contemporain d’influence
scandinave ?
Mon premier séjour en Scandinavie remonte à 1951. Je m’y étais rendue pour moi-même, pour me documenter
personnellement. J’y avais rencontré Finn-Juhl, qui commençait à être connu au Danemark sans être toutefois
aussi lancé qu’il l’est à présent. C’est un très grand architecte. Il faisait éditer des meubles, des sièges en bois et
en cuir, qui ont conservé leur caractère très « d’avant-garde ». Ils ont d’ailleurs été abondamment copiés.
Dès 1951 donc, je me suis rendu compte, qu’il existait en Scandinavie une industrie du meuble moderne dont on
n’avait pas la moindre idée en France. La recherche esthétique aussi bien que la finition de ces meubles étaient
excellentes. Ils m’ont beaucoup influencé. Ce qui ne m’empêche pas de penser qu’ils représentent un stade
aujourd’hui dépassé…777
Tous ces commentaires sont intéressants puisqu’ils témoignent de l’influence qu’a eu la
création scandinave en France. Cela dit, aucun d’eux ne nous éclaire quant à la manière dont
celle-ci se manifeste concrètement. Force est donc de procéder nous-mêmes à des analyses de
documents qui mettront en lumière les changements de formes et d’essences employées suite
a l’arrivée des modèles nordiques en France.
Nous l’avons vu, le pic des importations scandinaves de meubles se situe en France entre
1963-1965. C’est, d’après les publicités de l’époque, à cette même période que se développe
une production imitant les modèles scandinaves.
Bien que nous ayons pour objectif ici de donner quelques exemples concrets, il parait assez
difficile d’avancer avec certitude que tel créateur français s’est inspiré de tel créateur danois
ou suédois à tel moment.
Nous savons que certains français, tels Jean Royère ou Geneviève Pons, sont allés visiter les
pays scandinaves assez tôt, au début des années cinquante.
La comparaison des créations de la fin des années 40 avec celles des années 50 révèlent déjà
quelques changements.
En effet, l’étude des premières nous frappe par l’évidente survivance d’un classicisme dérivé
de l’Art Déco des années 30 (cf. annexe 6, fig.50, 51 et 55) alliée à une modernité assez froide
obtenue par une recherche autour des matériaux employés. De jeunes créateurs comme
Charlotte Perriand et Jean Prouvé en sont des exemples (cf.vol.2, annexe 6, fig.176 à fig.178).
En revanche, les années 50 voient une recrudescence de jeunes créateurs baignés dans la
modernité mais qui se tournent néanmoins vers un mobilier en bois aux formes rudimentaires,
voire strictes. Avec le temps, ces formes vont s’adoucirent pour atteindre une apparence plus
arrondie, plus organique.
Attardons-nous également sur les meubles en série créés dans le cadre de la reconstruction à
la fin des années quarante. Si nous ne minimisons en rien les apports capitaux de René
Gabriel ou Marcel Gascoin pour le développement du mobilier en série en France (cf.vol.2,
annexe 6, fig. 60 à 63), nous sommes néanmoins persuadés de l’impact de la fabrication en
série suédoise sur ces créations. N’oublions pas que nombre de voyages d’études avaient pour
but la découverte des fabricants suédois tels que les Svenska Möbelfabrikerna, qui, déjà à
l’époque, avaient mis en place une fabrication en série. Ces observations ont donc pu non
777 Geneviève Pons in Portraits de décorateurs, op.cit., p. 137.
272
seulement inspirer les créateurs français mais également les fabricants qui ont pu constater
que la fabrication en série était envisageable. La simplification des formes parfois extrême à
la fin des années 40 peut également venir de cet exemple suédois.
Mis à part quelques cas isolés tels Le Corbusier, Perriand ou Prouvé, le modernisme réel
n’arrive que très tardivement en France, la création restant assez classique jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale. En cela, la France se rapproche des pays scandinaves, puisque ceux-ci ont
également traversé une longue phase d’adaptation à la modernité qui passe par un certain
classicisme incarné par les Danois Kay Fisker et Kaare Klint.
Les Français comme les Scandinaves n’adhéraient pas encore au mobilier trop moderne de Le
Corbusier ou des designers sortant du Bauhaus. Les formes étaient jugées trop sèches et les
matériaux comme le métal, trop froids. De plus, ce mobilier moderne se mariant mal avec
l’ancien, il aurait fallu se débarrasser de tous les autres pour évoluer dans un cadre moderne
plus harmonieux. Or, nous l’avons vu, les français tiennent à leur mobilier et le gardent
parfois toute une vie. Les scandinaves en revanche ne seront pas confrontés à ce problème,
leurs créations modernes étant principalement en bois, de formes plus arrondies et organiques,
elles se mêlent assez bien aux intérieurs anciens ou de style (cf.vol.2, annexe 6, fig.179).
Le mobilier des années 50 arbore de réels changements, la plupart des créateurs ont cessé le
mobilier de luxe et se sont adonnés à plus de modestie et moins de sophistication.
L’influence scandinave et surtout danoise est certainement à l’origine de ces changements.
Comme les illustrations qui suivent le montrent, les formes évoluent, s’arrondissent, les
assemblages et les joints sont parfois laissés apparents, chose impensable autrefois. Ce sont
les Danois qui, les premiers, procéderont a cet effet tout en maintenant une haute qualité de
finition, tant au niveau de l’assemblage que du traitement du bois.
L’évolution des formes est souvent imputée a l’influence des Etats-Unis, plus
particulièrement aux fameux meubles organiques d’Eero Saarinen et Charles Eames, mais à la
peinture (Miro) et à la sculpture (Calder). Or n’oublions pas que la création américaine est
intimement liée aux pays scandinaves. En effet, le père d’Eero Saarinen était Eliel Saarinen,
fameux architecte finlandais et fondateur de la Cranbrook Academy, sans parler de l’impact
de l’œuvre d’Alvar Aalto aux États-Unis. Par conséquent, lorsque des créateurs français tels
Pierre Paulin préfèrent invoquer l’origine américaine de l’inspiration en matière de mobilier,
ils oublient souvent que la Scandinavie n’y était pas étrangère.
La question des matériaux est également à prendre en considération. Tout comme les pays
scandinaves, la France entretient un rapport privilégié avec le bois depuis le 18ème siècle. Ce
beau matériau a toujours été synonyme de chaleur, de confort et d’élégance dans le foyer.
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la France privilégia les bois précieux mais le contexte
les raréfie et nombre de créateurs, notamment ceux qui sont favorables à une fabrication en
série, se tournent alors vers des bois moins nobles et plus rustiques. Le chêne est alors de plus
en plus employé, qu’il soit ciré ou naturel comme chez René Gabriel ou chez Alain Richard
(cf.vol.2, annexe 6 fig. 60 à 61 et fig. 211)
A la fin des années cinquante et surtout au début des années soixante, sous l’influence du
mobilier scandinave et la fameuse vague du mobilier en teck, on commencera en France à
proposer aux clients un choix plus varié dans les matériaux utilisés. Ceci est tout
particulièrement vrai en ce qui concerne le mobilier par élément. Effectivement, le client se
273
voit alors proposer différentes « ambiances », une « ambiance française » lorsque le mobilier
est en chêne, une « ambiance scandinave » lorsqu’il est en teck ou en pin778 .
L’influence scandinave chez les décorateurs et designers français :
A l’image des décorateurs Lévitan ou Gérard et Pierre qui vont beaucoup recourir au mobilier
suédois et danois dans leurs intérieurs, les professionnels français puiseront beaucoup dans
cette vague suédoise des années 50 et 60. La plupart du temps, ils l’importaient directement,
le faisaient exécuter sur place ou en France par des créateurs nordiques.
Certains créateurs tels Jean Royère effectueront très tôt des voyages en pays scandinaves qui
les marqueront fortement. Plus que le design, ils en retiendront surtout la qualité et
l’esprit. On décèle d’ailleurs dans les intérieurs de Royère la même chaleur et l’harmonie que
dans le « home » scandinave. L’aspect organique y tient également une place importante et
certains de ces meubles, comme le fauteuil Elephant, peuvent aisément rapprocher du danois
Finn Juhl ou par exemple du fauteuil Œuf d’Arne Jacobsen » (cf.vol.2, annexe 3, fig. 145).
Bien que l’influence scandinave sur le mobilier français soit souvent discrète et difficile à
discerner, on est parfois surpris par l’étude détaillée de l’œuvre de certains créateurs français.
Pierre Gauriche779 :
Prenons d’abord l’exemple du fauteuil de Pierre Gauriche créé en 1954 et édité par Steiner
(cf.vol.2 ; annexe 6, fig. 180). L’influence d’Alvar Aalto y est frappante, notamment ses
contre-plaqués moulés. Ici Gauriche utilise le bois lamellé moulé.
Notre attention se porte également sur la jonction entre l’arrière pied et l’accoudoir qui se
prolonge derrière le dossier, détail très sculptural que l’on ne trouve que rarement dans le
mobilier français.
La structure apparente est tout aussi étonnante, l’assise ainsi que le dossier ont été posés sur la
structure portante, tout comme ce fut le cas du fauteuil Model n° NV-45 créé par Juhl en 1945
et exécuté par Niels Vodder. Ce fauteuil très élégant était proposé en diverses essences : bois
de rose, acajou, teck ou noyer. Même chose pour cet autre fauteuil Model n° 152 Bwana
datant de 1962 et fait pour France & Son (cf.vol.2, annexe 6, fig.181). L’assise et le dossier
reposaient alors directement sur la structure sans intégrer cette dernière, ce qui est également
le cas du fauteuil Model NV-48 fait pour Niels Vodder en 1948 (cf.vol.2, annexe 6, fig.182).
Bien que le fauteuil de Pierre Gauriche soit certainement moins sculptural que celui de Finn
Juhl, la vision d’ensemble demeure très intéressante.
Selon Patrick Favardin, Pierre Gauriche connaît le succès après avoir exposé au Salon des
artistes décorateurs et des arts ménagers780. Il édite seul ses premiers modèles mais son succès
auprès du public suscite rapidement l’intérêt des éditeurs, notamment celui de la célèbre
Galerie MAI, qui présente les créations de Charlotte Perriand, de Max Bill et d’Alvar Aalto.
778 « Elements » in Meubles et Décors, n° 799, février 1965, p. 53-61. 779 Pierre Gauriche (1926-1995) : Elève de René Gabriel à l’Ecole nationale Supérieure des arts décoratifs, il en
sort diplômé en 1949. Ses camarades de promotion s’appellent Alain Richard, André Monpoix, André Simard.
Suit un stage de deux ans chez son professeur de première année, Marcel Gascoin où il rencontre Michel
Mortuer et Joseph-André Motte. Il s’installe en 1951 à son compte. Débordé de travail il demande à Mortier et à
Joseph Motte de le rejoindre. De 1953 à 1957 ils signent leur production A.R.P. « Atelier de recherche
plastique ». Ce qui frappe surtout dans le mobilier de Pierre Gauriche est son côté pratique, mais également
élégant. Il fût aussi un grand créateur de luminaires. 780 P. Favardin, Décorateurs des années 50, Paris, Norma, 2002, p.212.
274
La Galerie MAI retient quelques-uns de ses modèles en bois et tôle perforée781. Il est tentant
de penser que la Galerie MAI retrouvait en lui voyait l’aspect organique, voire sculptural,
d’autres créateurs comme Aalto ou comme le suédois Bruno Mathsson dont la galerie
présentait aussi les œuvres.
On perçoit parfois la même dimension sculpturale et élégante chez les camarades de Pierre
Gauriche, Michel Mortier et Joseph A. Motte.
Michel Mortier (né 1925)782 :
Nous en avons surtout retenu le très beau fauteuil de bridge en bois laqué et skaï datant de
1960, sélectionné par Formes Utiles et exposé au Salon des Arts Ménagers (cf.vol.2, annexe
6, fig. 184).
L’attention se porte moins sur la rigidité d’une construction assez géométrique que sur des
détails tels la forme sculpturale des accoudoirs ou la façon dont les assemblages ont été laissés
apparents, aussi bien les vis fixant le dossier à la structure du fauteuil que la jonction liant les
accoudoirs aux montants des pieds avant : ces caractéristiques sont typiquement scandinaves
et plus particulièrement danoises. Elles ont pu être connues des créateurs français au travers
des diverses expositions internationales ou dans les revues spécialisées. Une autre influence,
surtout danoise, est tout à fait perceptible dans la manière dont la structure est, encore une
fois, laissée apparente. Ici, comme chez P. Gauriche, l’assise repose sur la structure, comme
chez le danois Finn Juhl (cf.vol.2, annexe 6, fig. 181 à 183). Nous sommes tout à fait d’accord
avec Patrick Favardin quand il dit783 :
L’élégance de son dessin a toujours permis à Mortier d’éviter le piège du dépouillement parfois trop puritain de
certains de ses contemporains. Ses premiers meubles, édités en 1953 par Lucien Carrier, dont l’atelier et le
magasin se trouvaient à Montrouge, témoignaient déjà d’un esprit qui rejette l’anecdote et puise le meilleur de
lui-même aussi bien chez les maîtres d’UAM que chez les ébénistes danois.
C’est effectivement ce qui ressort de ce mobilier, un assemblage très simple adouci par
l’arrondi des coins et des assemblages. On est également frappé par le choix de l’essence. En
effet, alors que les créateurs français ont pour la plupart recours au chêne, Mortier choisit des
essences plus claires, comme le hêtre ou le frêne. Par cet aspect, il se rapproche encore
d’Aalto, Mathsson, Tapiovaara ou Wirkkala qui avaient une prédilection pour le bois très
clair, comme le bouleau.
781 Ibid. 782 Diplômé de l’Ecole des Arts Appliqués en 1944, où il a eu pour professeurs René Gabriel, Etienne-Henri
Martin et Louis Sognot. Il passe ensuite quatre ans au bureau d’étude d’Etienne-Henri Martin notamment au
département du meuble au Bon Marché de Bruxelles. Rentré à Paris, il est engagé par Marcel Gascoin en qualité
de chef d’agence (1949-1953). Il collabore ensuite avec P. Gauriche et J.A. Motte aux ARP de 1953 à 1957. Il
ouvre sa propre agence en 1957 et dès lors il multiplie les contacts avec l’étranger, et son œuvre prend un
caractère plus international : sobre, géométrique sans raideur, les droites reliées par des angles adoucis. Qualité
des matériaux et finition soignée montrent que pour lui, la série, chose admise, est compatible avec une certaine
recherche d’élégance. En 1968, il devient directeur artistique de « Mobilier International ». 783 Favardin, P., Les décorateurs des années 50, op.cit., p. 234.
275
Joseph-André Motte (né en 1925)784 :
Dernier membre du trio de l’Atelier de recherche plastique (ARP), on dénote chez lui une
légère influence scandinave dans les années 50. Notamment dans le fameux fauteuil tripode
fait d’une coque en moelle de rotin posée sur un trépied en bois et métal, datant de 1949
(cf.vol.2, annexe 6, fig.185). Comme le dit Patrick Favardin785 :
D’une parfaite simplicité des lignes, qui ne nuit ni à la stabilité ni au confort, ce fauteuil est à bien des égards
emblématique, tant il synthétise avec bonheur les recherches de l’époque. Dessiné en 1949, édité par Rougier
l’année suivante, médaille d’argent à la triennale de Milan, il anticipe, par ses formes organiques et par sa
légèreté, les recherches des designers étrangers.
Nous sommes frappés par la simplicité et l’élégance de la solution proposée, mais également
par l’aspect organique que prend cette coque en rotin. Motte rejoint en cela des créateurs
danois comme Hans J Wegner, chez qui tout est réduit à la pure construction (cf.vol.2, annexe
6, fig.186), sans superflu. L’équilibre atteint entre la structure portée et porteuse est étonnante.
On retrouve également ici l’une des caractéristiques des sièges de Wegner : l’aspect sculptural
que prend l’arrière de ses sièges : Un meuble ne doit jamais avoir d’envers, car on le voit de tous les
côtés, et il faut alors qu’il tienne le coup.786. Ce fauteuil est en effet quasiment plus beau vu de
l’arrière que de l’avant.
Motte excellait non seulement dans les meubles en rotin, mais aussi dans le mobilier en bois.
La simplicité et l’élégance émanant de cette table en frêne avec un piétement en bois courbé
datant de 1956, éditée par Groupe 4 – Charron et exposée au Salon des Arts Ménagers,
sélection « Formes Utiles », sont surprenantes.
La table en frêne datant de 1956 (cf.vol.2, annexe 6, fig. 187), et plus particulièrement son
piètement, nous renvoie immédiatement au Tabouret 60 d’Alvar Aalto et son fameux « pied
Aalto » élaboré à partir de 1932 (cf.vol.2, annexe 6, fig. 189). Le Tabouret empilable date de
1932-33787 et sera notamment utilisé pour l’auditorium de la bibliothèque municipale de
Viipun en 1935. Cette simplicité et ce naturel dans la manière de traiter le bois se retrouve
chez Motte. L’effet d’ensemble est renforcé par des détails comme la jonction des pieds
autour d’un genre d’entretoise.
Lorsqu’on étudie le mobilier de Motte avec attention, on est frappé par d’élégants détails qui
font toute la différence. Regardons, par exemple, le piètement, aussi bien du lit que du bahut
de la chambre à coucher éditée par le Groupe 4 – Charron datant de 1954 et exposée à
l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958 (cf.vol.2, annexe 6, fig. 188).
Ce genre de détails scelle la différence entre les jeunes créateurs et leurs aînés comme René
Gabriel ou Marcel Gascoin. En effet, ils ont été les premier à conférer un côté plus organique
au mobilier français à la fin des années quarante et surtout pendant les années cinquante.
784 Joseph-André Motte (né 1925) : Il sort premier de sa promotion de l’Ecole des Arts Appliquées en 1948,
après avoir suivi les cours de René Gabriel, Louis Sognot et Albert Guénot. Il est immédiatement engagé par
Guénot à l’atelier d’art du Bon Marché, puis en 1952, rejoint le bureau d’études de Marcel Gascoin, où il se lie
d’amitié avec Michel Mortier et Pierre Gauriche. En 1954 ils fondent ensemble l’Atelier de recherche plastique
(ARP). L’Administration lui confie de nombreux projets comme la conception intérieure des aéroports d’Orly,
de Roissy, de Lyon-Satolas et d’Octeville, ainsi que la préfecture de Cergy-Pontoise, l’Hôtel de Ville de
Grenoble et la décoration du bâtiment du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Dans les années cinquante sa
principale contribution reste le mobilier. 785 Favardin, P., Les Décorateurs des années 50, op.cit., 2002, p. 242. 786 Polster, B., Dictionnaire du design Scandinave, op.cit., p. 355. 787Asdis òlafsdòttir, Le mobilier d’Alvar Aalto dans l’espace et dans le temps, Paris, Publications de la
Sorbonne, 1998, p. 330-331.
276
Raphaël (1912-2000)788 :
Bien que le style de Raphael reste en général fidèle à la grande tradition de la décoration
française, l’observation attentive du « cabinet de travail d’un attaché d’ambassade » (cf.vol.2,
annexe 6, fig.190) nous en révèle davantage. Ce mobilier en poirier verni naturel, datant de
1956, a été exposé au Salon des arts ménagers la même année. Si l’on remarque d’abord les
formes très géométriques caractérisant le bureau aussi bien que le bahut, le fauteuil, et surtout
les détails sculpturaux ornant ses accoudoirs, attire plus particulièrement notre attention.
Encore une fois, ces attributs « organiques » se retrouvent très fréquemment chez les créateurs
danois comme Finn Juhl, Ole Wancher et Hans J. Wegner.
Louis Sognot (1892-1969)789 :
Les créations les plus intéressantes sont certainement celles de Louis Sognot et Jacques
Dumont. On se souvient que certains créateurs français, comme André Renous et Etienne-
Henri Martin, avaient mis l’accent sur l’immense contribution de Sognot qui avait, selon eux,
précédé celle des scandinaves. Nous avons trouvé cela assez curieux, surtout si l’on regarde
les formes de certains meubles de L. Sognot.
Sognot lance la mode du rotin à la fin des années quarante (cf.vol.2, annexe 6, fig.191). Il
utilise ce matériau traditionnel pour créer surtout des sièges, aux formes sculpturales, voire
organiques, que l’on peut rapprocher des meubles du Suédois Bruno Mathsson. Observons par
exemple le mobilier en rotin présenté au Salon des Arts Ménagers en 1953. Le fauteuil en
rotin fut présenté au Salon des Arts Ménagers en 1953 puis à la première triennale d’Art
français contemporain au musée des Arts décoratifs à Paris en 1956. Ce fauteuil reprend les
lignes organiques du fauteuil Eva créé par Mathsson en 1934. De même, la chaise longue à
l’arrière plan peut être rapprochée de la chaise longue Pernilla de Mathsson créée en 1944
(cf.vol.2, annexe 3, fig. 35 à 40). Sognot put certainement faire connaissance avec le mobilier
de Mathsson en 1937 à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques dans la Vie
Moderne à Paris où ce dernier exposait ses meubles dans le Pavillon suédois.
On applique le même constat quant aux études autour du mobilier en série en contreplaqué
moulé menées par Jacques Dumond en 1947 (cf.vol.2 annexe 6, fig.192). Bien que les formes
soient intéressantes et que leur aspect organique se rapproche des recherches menées par
788 Raphaël (1912-2000) : S’inscrit en 1929 à l’Ecole de Beaux-art à Paris, puis parfait sa maîtrise des styles
historiques chez Jansen. Dès 1932, il ouvre un petit bureau de décoration. Pendant la guerre il s’installe à
Casablanca, au Maroc, où il ouvre un magasin « XXe siècle ». Le style de Raphaël est un mélange intelligent
d’un certain fonctionnalisme et beaucoup de fantaisie, et un grand goût pour les matériaux. 789 Louis Sognot (1892-1969) : Après des études à l’école Bernard-Palissy, il entre chez Jansen sous la direction
de Geroges Boisselier, également professeur à l’école Boulle. Sognot a toujours loué la qualité de
l’enseignement traditionnel qu’il y reçut.
En 1919, il entre dans l’atelier Primavera du Printemps où il travaille aux côtés de René Guilleré auquel il
succédera jusqu’à son départ en 1935. A partir de 1923, il expose au Salon des artistes décorateurs et au Salon
d’automne. En 1928, il s’associe à la décoratrice Charlotte Alix et fonde le Bureau international des arts français.
Ils adhèrent à l’UAM en 1930. Après la Seconde Guerre mondiale il entreprend une recherche autour du
mobilier en série en contreplaqué moulé avec Jacques Dumond. Professeur à l’école Boulle depuis 1926, à
l’Ecole des arts appliqués à l’industrie (Duperré) en 1938, professeur d’atelier en chef à l’Ecole nationale
Supérieure des arts décoratifs en 1947 et directeur artistique de l’école de l’Union Centrale des arts décoratifs, il
s’attache à découvrir de nouveaux usages aux matériaux traditionnels (bois, cuir, métal, osier), mais il
expérimente aussi la mise au point de matériaux nouveaux, tels le Lakarme. Il est l’un des membres fondateurs,
auprès de Jacques Viénot de l’Institut d’esthétique industrielle.
277
Alvar Aalto et Bruno Mathsson, aucun industriel français n’accepta d’investir dans une telle
fabrication.
Jacques Dumond (1906-1988)790:
Même constat chez Dumond, notamment en ce qui concerne cette chauffeuse en moelle de
rotin avec une ossature en bois massif éditée par la Société industrielle du rotin à partir de
1943 (un exemplaire est conservé au Musée des Arts décoratifs à Paris) (cf.vol.2, annexe 6,
fig.193). Comme beaucoup de meubles scandinaves, cette chauffeuse a été conçue en fonction
des mesures du corps humain.
C’est ce souci ergonomique qui lui confère une allure souple, ondoyante, aux formes
organiques. Le travail de Jacques Dumond se rapproche ici de celui du suédois Bruno
Mathsson, notamment de son fauteuil Pernilla (cf.vol.2, annexe 3, fig. 38) datant d’environ
1934. Tous deux vont dessiner des meubles dans une perspective ergonomique dont les
contours épousent au plus près la forme du corps humain. Tout comme Mathsson, Dumond
fait partie de ces créateurs qui vont mener le design moderniste géométrique vers un
modernisme plus organique et plus humain.
Qu’il s’agisse de Jacques Dumond ou de Louis Sognot, il est assez difficile d’affirmer avec
certitude qu’ils ont été inspirés par des créateurs scandinaves comme Aalto ou Mathsson,
mais il est probable qu’ils aient eu connaissance de leurs recherches depuis le milieu des
années trente. On peut également penser que la découverte de ces travaux n’a fait que les
conforter dans leurs créations organiques en voie de réalisation.
Roger Landault (1919-1983)791 :
Bien que l’essentiel de l’œuvre de Roger Landault puisse être situé en droite ligne du travail
de René Gabriel et, dans une moindre mesure, de celui de Marcel Gascoin792, on discerne
cependant de menus détails qui peuvent le rapprocher des scandinaves. Prenons l’exemple de
cette salle à manger en frêne verni éditée par Regy en 1958 (cf.vol.2, annexe 6, fig. 194).
Nous sommes frappés par la simplicité et l’élégance qui émanent notamment des sièges.
Regardez la légère courbe que prennent les pieds-arrières quand ils se prolongent jusqu’au
dossier (décrochement d’un dossier de chaise). Ce genre de détail incarne la différence entre
790 Jacques Dumond (1906-1988) : En 1925, il entre à l’école Boulle et sort major de sa promotion en 1927. En
1945, il devient membre de la Société des artistes décorateurs, puis vice-président et président en 1967. En 1947,
il est nommé professeur de Construction de meubles à l’Ecole nationale Supérieure des arts décoratifs de Paris et
il participe, la même année, auprès de Jacques Viénot à la création de l’Institut d’esthétique industrielle. Il est
également professeur d’architecture intérieure à l’école Camondo. Il collabore de 1929 à 1934 avec l’architecte
Pierre Patout, et ensuite il travaille pour son propre compte à partir de 1934. Après la guerre il mène une étude
sur le mobilier de série en contreplaqué moulé avec Louis Sognot. 791 Il étudia à partir de 14 à l’Ecole des arts appliqués – Duperré, ensuite il suit les cours du soir de l’école
Boulle. Réalise des pièces en céramique pour la Crémaillère, puis travaille ensuite, en tant que dessinateur pour
le Studium des magasins du Louvre dont il est le directeur artistique de 1945 à 1955. Agréé en 1945 par l’Etat
comme décorateur au Mobilier national, il reçoit des commandes d’agencements et des projets pour les
ministères de la Reconstruction et de l’Urbanisme, de la Marine, de l’Agriculture et des Affaires étrangères. La
clientèle particulière, elle, ne représente qu’une faible partie de son activité. Il est avant tout un créateur de
mobilier en série. Il enseigne également à l’Ecole des arts appliqués. 792 Favardin, P., Les décorateurs des années 50, op.cit., p.118.
278
René Gabriel, Marcel Gascoin et Roger Landault. En effet, ces courbes se retrouvent
couramment sur les sièges suédois assez simples en provenance par exemple de « Svenska
Möbelfabrikerna ». De plus, l’utilisation du frêne, qui apporte clarté et luminosité à
l’ensemble, est également typiquement scandinave.
Pierre Gautier-Delaye (né en 1923)793 :
Parmi la création étonnamment diversifiée de Gautier-Delaye, nous nous intéressons surtout à
ses fameux meubles Week-end en pin des Landes développés en collaboration avec l’ébéniste
Vergnères et exposés au Salon des arts ménagers à partir de 1954 (cf.vol.2, annexe 6, fig.195
à 197, 199).
La simplicité de ce mobilier d’inspiration campagnarde et rustique et aussi toute scandinave et
plus particulièrement suédoise. La ressemblance se manifeste entre ce mobilier « Week-end »
et un certain genre de mobilier suédois très simple issu, entre autres, de la production en série
de Svenska Möbelfabrikarna ou Nordiska Kompagniet (cf.vol.2, annexe 6, fig.198). Le
matériau employé, du pin des Landes, renforce encore plus cet aspect nordique. Cet ensemble
Week-end proposé pour le living room est constitué de quatre chaises, une table, un bahut et,
pour la chambre, d’un lit, d’une armoire et de deux chevets. Ces ensembles connaîtront un
succès considérable794 et seront notamment exposés au Salon du mobilier et de la décoration
en 1959 (cf.vol.2, annexe 6, fig.196). On est frappé par la simplicité et la chaleur qui s’en
dégagent, impression renforcée par la présence de quelques éléments décoratifs, tels un tapis
ou une composition florale. Ces derniers éléments marquent d’ailleurs souvent la différence
entre un intérieur français et un intérieur nordique.
Fruits de leur époque et de leurs origines rurales, ces sièges sont néanmoins exécutés de façon
originale, dans la lignée de ceux de l’Italien Ponti (cf.vol.2, annexe 7, fig.33) et des danois
Kaare Klint (cf.vol.2, annexe 3, fig. 65), et surtout de Börge Mogensen (cf.vol.2, annexe 3,
fig.103 à 106).
Jusqu'à présent, nous avons surtout parlé de la forte influence scandinave incarnée par Alvar
Aalto, Bruno Mathsson, Finn Juhl, Hans J. Wegner ou Ole Wanscher dans le domaine de la
création française concernant le design dit « organique ». Mais vers la fin des années
cinquante et surtout au début des années soixante, les créateurs français vont être
particulièrement marqués par leurs homologues danois, Arne Jacobsen ou Verner Panton.
L’influence d’Arne Jacobsen sur les créateurs français est en effet manifeste à cette période.
Jacobsen a pour avantage de bénéficier d’une extraordinaire publicité à travers ces
nombreuses publications et les multiples expositions auxquelles il participe. Les divers salons
et expositions internationaux le font connaître de par le monde, notamment à Cologne avec la
présentation des meubles de Jacobsen par son éditeur et fabricant Fritz Hansen, ainsi que les
nombreux articles qui lui sont consacrés dans des magazines spécialisés (cf.vol.2, annexe 6,
fig.200). Si, dans un premier temps, on s’intéressera à Jacobsen tant qu’architecte, on se
793 Gautier-Delaye (1923) : Il étudie de 1947 à 1951 à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs. De 1951 à
1959, il est directeur du département Architecture intérieure de la Compagnie d’esthétique industrielle de
Raymond Loewy. En 1958, il ouvre son agence et travaille dans trois directions principales : architecture
intérieure, design de produits et design graphique. De 1960 à 1970, il réalise plus de 70 agences Air France dans
le monde entier, crée du matériel sanitaire pour Jacob Delafon, de stations de RER, et des emballages pour
Formica. Il reçoit le prix René Gabriel en 1956 pour un ensemble en acajou. 794 Selon P. Favardin, Les décorateurs des années 50, op.cit., p. 209.
279
tournera progressivement vers son mobilier qui fait, de toutes façons, partie intégrante de
l’architecture.
Plusieurs créateurs s’intéresseront à son travail et notamment au mobilier créé pour l’Hôtel
SAS à Copenhague.
Mais il y eut avant cela la série Sept, entamée en 1952 avec la fameuse chaise empilable La
Fourmi (cf.vol.2, annexe 6, fig.201 et 202). Pour cette chaise, Jacobsen s’inspirera des
recherches effectuées par les Eames et notamment de la chaise LMC en contreplaqué moulé
avec piétement métallique bien que Jacobsen soit à la recherche d’une chaise où l’assise et le
dossier ne font qu’un. Le succès de La Fourmi fut phénoménal et elle reste aujourd’hui encore
l’un des sièges le plus vendu au monde. Dès sa sortie, ce siège a bénéficié d’une grande
couverture médiatique a travers les différents magazines spécialisés.
Depuis, de nombreux créateurs s’en sont inspirés, notamment en France : Geneviève Dangles,
Christian Defance ou encore René-Jean Caillette.
Geneviève Dangles795 (née en 1929) et Christian Defrance796 (né en 1929) :
La ressemblance entre les chaises en contreplaqué moulé avec un piétement en métal de
Dangles et Defrance éditées par Burov en 1957 et La Fourmi d’Arne Jacobsen est frappante
(cf.vol.2 annexe 6, fig.201 et 203). Cependant, la chaise de Dangles et Defance reposant sur
quatre pieds, il est certainement plus correct de la rapprocher de La Sept de Jacobsen (cf.vol.2,
annexe 6, fig. 202), éditée par Fritz Hansen à partir de 1955, d’autant que la forme en est
également très proche
René-Jean Caillette (né en 1919)797 :
Nous nous intéressons ici tout particulièrement à la fameuse chaise Diamant qui nous
intéresse (cf.vol.2, annexe 6, fig.204). Cette chaise en contreplaqué moulé se situe dans la
lignée des chaises d’Eames mais surtout d’Arne Jacobsen. Selon Yolande Amic cette chaise
de Caillette a été créée en 1954798, tandis que Patrick Favardin799 nous informe qu’elle a été
éditée par Steiner vers 1960, mais qu’une première version sur piètement en bois avait été
795 Geneviève Dangles (née en 1929) : Entrée à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs en 1946. Les
études terminées, elle effectue un stage chez André Arbus avant d’entrer chez Marcel Gascoin qu’elle ne quitte
qu’en 1953, date de l’ouverture de l’agence Geneviève Dangles-Christian Defrance. 796 Christian Defance (né en 1925) : Il a suivi quatre ans de formation de sculpteur sur bois à l’école Boulle.
Ensuite il entre à L’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs d’où il sort diplômé en 1952. En 1953 il ouvre
un bureau d’étude avec sa femme Geneviève Dangles. 797 René-Jean Caillette (né en 1919) : Il sort premier de sa promotion de l’Ecole des Arts Appliqués et est engagé
comme dessinateur pour Schmit et Cie, une maison de décoration du faubourg Saint-Antoine. En 1948 il
s’associe avec Landault puis avec quelques jeunes et forme le groupe du Faubourg Saint-Honoré qui se consacre
à l’étude de mobilier en série. Fonde avec Marcel Gascoin l’Association des créateurs de mobilier de série
(ACMS) dont l’idée est de fournir du mobilier signé qui soit vendu au même prix dans toute la France. Il crée
ensuite son agence et devient son propre éditeur. A partir de 1952 il fait partie du Groupe 4 avec Alain Richard,
Geneviève Dangles et Joseph-André Motte. Il expose régulièrement aux Arts Ménagers et au S.A.D. Prix René
Gabriel en 1952, médaille d’argent de la Xie Triennale (1957), grand prix de l’exposition de Bruxelles en 1958,
médaille d’or de l’exposition de Munich (1962). Caillette est un des meilleurs créateurs de sièges de l’époque. 798 Amic, Y., Le mobilier français 1945-1964, coll. Intérieurs, Paris, ed. Du Regard, 1983, p.82. 799 Favardin, P., Les décorateurs des années 50, Paris, op.cit., p. 188.
280
créée pour l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. La date précise importe peu,
Caillette étant l’un des premiers créateurs français à se situer dans une mouvance
internationale, tout comme Eames et Jacobsen en leur temps. Comme eux, Caillette aimait
expérimenter les différents matériaux, aussi bien les nouveaux, comme le plastique, que les
plus traditionnels, comme le bois.
Son autre chaise en contreplaqué moulé et mousse de latex à piétement métallique, éditée par
le Groupe 4 vers 1955 (cf.vol.2, annexe 6, fig.205) est également digne d’intérêt.
Pierre Paulin (né en 1927)800 :
Paulin est certainement l’un des créateurs français les plus brillants de sa génération.
Contrairement aux autres, il s’éloigne très tôt de la tradition française pour se projeter dans
une vision plus internationale. De par les formes de ces créations et de par ses recherches
autour des différents matériaux, il est très proche d’Arne Jacobsen ou de Verner Panton. En
attendant la parution du très attendu livre801 écrit par lui-même et par Nadine Descendre
retraçant les différentes étapes qu’a suivi l’évolution de son style, nous en résumons ici les
tendances.
Evoquant les débuts de Paulin et un projet exposé dans le cadre du Foyer d’aujourd’hui au
Salon des arts ménagers en 1953, P. Favardin nous dit :
Les influences stylistiques sont celles de l’époque : un peu de scandinave et beaucoup de tradition rationaliste
française, initiée par Francis Jourdain802.
De même, Guy-Claude Agbotin, dans un article consacré à Paulin dans le magazine IDEAT,
nous dit803 :
En 1954, Paulin conçoit encore des modèles assez rectilignes comme son fauteuil « Butterfly » en cuir noir, miel
ou peau de vache, monté sur de fins tubes d’acier. Mais à partir de 1959, son style s’assouplit. L’arrivée sur le
marché des premiers créateurs scandinaves, avec leur design simple, proche de la nature, impressionne Paulin.
Effectivement les meubles « organiques » d’Arne Jacobsen, destinés pour la plupart a l’Hôtel
SAS à Copenhague, datent presque tous de la fin des années cinquante : La Cygne (1958),
l’œuf (1958), Gryden (1959), La Goutte (1958). Les meubles organiques de Verner Panton,
qui avait débuté en tant qu’assistant chez Arne Jacobsen, datent quant a eux plutôt du milieu
et de la fin des années soixante. N’omettons pas non plus le rôle de l’exposition « Formes
Scandinaves » au Pavillon Marsan en 1959, où Arne Jacobsen exposait une chambre d’hôtel
moderne reflétant l’une des chambres de l’Hôtel SAS à Copenhague. Paulin, comme d’autres
créateurs, a également fait un voyage, en Finlande et en Suède au cours duquel il a pu
découvrir l’architecture finlandaise et suédoise ainsi que le mobilier nordique804.
800 Pierre Paulin (né en 1927) : Il s’inscrit en 1951 au Centre d’art et technique (école Camondo). Il fait
également un stage assez bref chez Marcel Gascoin. Il collabore avec Thonet France de 1953 à 1967. Depuis
1958 avec la société néerlandaise Artifort. Au début des années 60 il fonde son agence de design. Il est primé à
de nombreuses reprises, prix René Gabriel, Chicago Design Award en 1969, prix à la Triennale de Milan,
Eurodomus et, en 1987, il reçoit le Grand Prix national de la création industrielle. Paulin est également un
concepteur de l’espace aussi bien pour une clientèle privée que pour des commandes officielles. 801 Pierre Paulin par Nadine Descendre aux Editions du Regard à paraître. 802 P. Favardin, Les décorateurs des années 50, Paris, Norma, 2002, p. 256. 803 Agbotin, Les années 60 de PP (Pierre Paulin) in IDEAT, n° 24, mars-avril, 2003, p. 18. 804 Chapoutout, A, Pierre Paulin, un univers de formes, Paris, Du May, 1992, p.26
281
Chez Paulin, on retrouve les mêmes matériaux, formes organiques et couleurs éclatantes que
chez Arne Jacobsen.
Pendant les années soixante, on peut également rapprocher la méthode de Paulin de celle de
Verner Panton, bien que Paulin ne soit jamais allé aussi loin que Panton et son intérieur
Phantasy Landscape créé pour l’exposition Visiona II de Bayer à la Foire de Cologne en
1970. Il y avait en effet joué avec la forme, la fonction, la couleur et l’espace au point
d’estomper les frontières entre les meubles et l’architecture.
Verner Panton et Pierre Paulin se connaissaient très bien. Selon Pierre Perrigault, Paulin fut le
premier à développer ces formes qui deviendront emblématiques des années soixante. Cela est
de peu d’importance retenons seulement l’essentiel : ces deux créateurs étaient avant tout les
héritiers d’Arne Jacobsen et ont été capables de révolutionner la conception de l’assise dans
les années soixante.
Les meubles de rangement :
Les Scandinaves comme les Français ayant déjà fait leurs preuves dans le domaine de la
création de chaises, nous nous sommes ensuite penchés sur les meubles de rangement.
Contrairement aux chaises, l’influence scandinave sur la création de meubles de rangements
français semble beaucoup plus difficile à établir. Mais il nous a semblé intéressant de mettre
en avant les similitudes entre les recherches scandinaves, surtout danoises, et les recherches
françaises dans ce domaine.
Nous avons tout d’abord été interpelés de constater les similitudes entre les recherches
menées par le Danois Kaare Klint autour du rangement et celles du Français Marcel Gascoin.
Il est frappant de voir que la méthode utilisée a été la même. Gascoin (cf.vol.2, annexe 6, fig.
206 à 208), tout comme Klint (cf.vol.2, annexe 3, fig. 91 et 92), faisait des recherches
systématiques autour d’une normalisation des mesures notamment de vaisselle et de
vêtements dans le but d’aboutir a une standardisation des différents meubles de rangement. Il
est certain que la plupart des créateurs français ont davantage été influencés par Marcel
Gascoin que par Kaare Klint. A cela, plusieurs raisons : peu d’articles traitant des meubles de
Klint sont parus en France et, sa création n’étant pas une création en série, il fut absent des
différents grands salons internationaux, de Cologne ou de Paris. De même, nous n’avons pas
relevé sa présence lors des différentes triennales tenues à Milan, ni à l’exposition «Formes
Scandinaves » à Paris en 1958.
Prenons l’exemple de ce bahut démontable en bois moulé et Formica édité par La Crémaillère
et exposé au Salon des arts ménagers en 1951 (cf.vol.2, annexe 6, fig.209). L’idée des
plateaux amovibles et ajustables en fonction de la taille des objets posés dessus est la même
que celle de Klint.
Même constat avec ce bahut de Geneviève Dangles et Henri Meulien en frêne et merisier
exposé au Salon des arts ménagers en 1953 (cf.vol.2, annexe 6, fig.210).
Enfin, ce meuble de rangement en chêne ciré avec des portes en Isorel peintes en ocre rouge
créé par Alain Richard en édition limitée en 1952 (cf.vol.2, annexe 6, fig.211). Une fois
encore, on n'est pas très éloigné de Klint et de ses rangements adaptés au contenu. En
revanche, Klint travaillait essentiellement sur de l’acajou.
282
La fin de l’influence scandinave :
La fin de l’influence scandinave est difficile à situer avec précision. Si l’on tient compte des
importations de mobilier scandinave en France, de la présence des différents fabricants
scandinaves aux grandes manifestations mobilières, comme le Salon International du Meuble
à Cologne ou à Paris, et du nombre d’articles consacrés à la création scandinave dans les
magazines spécialisés, cette fin se situerait aux alentours de 1965.
Cependant, l’intérêt du grand-public ne se manifestant en général qu’après les mouvements
d’avant-garde, il est donc normal de constater encore un certain intérêt pour le mobilier
scandinave au début des années 70, notamment lorsque des jeunes ménages acquéraient des
ensembles en pin ou en teck pour meubler leur premier intérieur. Gardons également à l’esprit
que le choc pétrolier de 1973 a encouragé un retour au bois chez les créateurs français.
Les années 60 à 80 : le retour du style et du rustique
Durant la période de 1960 à 1980, plusieurs tendances se sont succédées. Apparut d’abord
celle du mobilier alliant plusieurs matériaux, souvent du métal et du bois. Les bureaux, les
bahuts, les commodes et autres meubles de rangement sont alors souvent constitués d’un bâti
en bois supporté par un piètement en métal.
Le public a donc pu remarquer que le bureau en bois avec un peu de métal était une réalisation fort pratique et
moderne, mais que le bureau métallique avec un peu de bois donne un résultat moins heureux et, en tout cas,
moins intime.
(…)
Qu’il nous suffise de dire que nous marchons à grands pas vers les meubles que nous appelons « multi-
matériaux » et qu’il est absolument indispensable de réaliser des mariages heureux où tous les matériaux
classiques et modernes peuvent avoir une place805.
Bien que cette tendance se soit amorcée dès les années 40, elle progressa dans les années 50
pour atteindre son apogée dans les années 60.
Une autre tendance fut celle de l’utilisation croissante de matériaux dérivés du bois, panneaux
de particules ou panneaux de fibres, plaqués, laqués ou revêtus : ceux-ci permettant la
fabrication d’éléments standards en série, et notamment ceux de surface importante et stable,
impossible à réaliser en bois massif (armoires), à des prix inférieurs à ceux du bois massif, qui
nécessitent une construction traditionnelle de pièces multiples. Ils permettent également
d’adapter un placage de bois différent au même modèle de meuble :
Continuant leur progression, comme au cours des années antérieures, les productions, de panneaux de fibres et
de panneaux de particules ont, en 1964, augmenté respectivement de 11% avec 183 337 tonnes contre 165 169
tonnes en 1963, et de 29, 24 % avec 369 939 tonnes contre 286 240 tonnes en 1963806.
Nous avons noté le développement du mobilier, et surtout le mobilier de rangement, fabriqué
avec des matériaux dérivés du bois. Si ces matériaux étaient utilisés depuis de nombreuses
années déjà en Allemagne, ce n’est qu’au cours des années 60, que la France développera
805 Maheu, J.J., « Réflexions sur le mobilier de bureau en bois », in Revue du bois et de ses applications, volume
XX, janvier-février 1965, p.29. 806 « L’industrie française des panneaux de fibres et de particules », in Revue du bois et de ses applications, juin
1965, p.55-56
283
véritablement des buffets et autres meubles de rangement utilisant les panneaux de fibres ou
de particules pour l’âme et pour les arrières de meubles.
En revanche, au contraire des designers italiens, les créateurs français garderont une optique
fonctionnelle héritée de la tradition du modernisme. On voit peu de meubles aux couleurs
fantaisistes avec des coupes et formes d’avant-garde, comme c’était le cas en Italie à la même
époque. Le consommateur français, plutôt conservateur, lui préfère les formes traditionnelles :
Au terme du 45e S.A.D., il n’est pas douteux que le bois tende de plus en plus à devenir, en France, l’élément
principal de la décoration, comme c’est le cas aux Etats-Unis depuis de nombreuses années807.
Comme nous pouvons le constater le bois, sous toutes ses formes, garde la faveur du public en
France, même pendant les années 60, période pourtant phare du mobilier en plastique.
La mode pouvait changer, les styles se transformer, mais connaissez-vous une époque où le bois, quel qu’il soit,
ne fut pas l’élément essentiel du mobilier et de la décoration. Ne cherchez pas, la réponse est négative. Et cela
est si vrai que les matériaux dits « modernes » sont obligés, pour la décoration, d’imiter ou même de copier
servilement le bois808.
Les beaux bois sont de plus en plus difficiles à trouver, donc de plus en plus chers, obéissant ainsi à l’éternelle
loi de l’offre et de la demande. La main-d’œuvre spécialisée se fait chaque jour de plus en plus rare ; il n’y a
plus suffisamment de cadres et les exigences de la clientèle sont à la fois d’ordre pécuniaire et d’ordre
dimensionnel. Tout ceci amène le meuble massif, le meuble sculpté à disparaître et, chaque jour, le meuble
plaqué voit son champ d’action s’étendre.
(…)
Le meuble « massif » exige par sa fabrication des bois de qualité sans défaut, et de dimensions relativement
importantes, et par conséquent, coûteux. La préparation exige des travaux spécialisés des ouvriers aux qualités
de précision, de goût et de jugement, qui deviennent de plus en plus difficile à trouver.
(…)
La technique de construction de fabrication du meuble doit être simple, puisqu’il faut fabriquer en série pour
obtenir un meilleur prix. Si les industriels ont été amenés à s’orienter vers le meuble plaqué, c’est pour plusieurs
raisons : le bois de qualité de plus en plus rare, comme nous l’avons déjà dit plus haut, la nécessité de prévoir
des fabrications de série avec des éléments d’ossature standard en partant de débits classiques de nos scieries :
frises de 34-27-18 mm d’épaisseur par exemple. Ayant des matériaux standard frisés, contreplaqués, lattés,
panneaux agglomérés, etc…809
Ceci confirme ce que nous avons vu plus haut .
Bien que les français soient très attachés au mobilier en bois massif, les avantages en terme de
prix que représente la fabrication en série alliée à des matériaux dérivés du bois (fibre,
particules), tentent surtout les jeunes.
Durant cette période, la France, comme la plupart des pays européens, ne déborde pas de
créativité et se contente de suivre les tendances qu’affiche la société de consommation, à
l’américaine. Cependant, le public français restant attaché à ses traditions, le bois y tient
toujours une place importante.
Concernant les firmes françaises et leurs productions exposées au Salon International du
Meuble à Paris en 1963, le Courrier du Meuble rapporte :
(…) Disons seulement qu’en ce qui concerne la production française la vogue du « Néo-style » - c’est à dire des
meubles fabriqués en série mais « inspirés » des grands styles classiques – s’est encore affirmée cette année810.
807 « Le bois et les panneaux au 45e S.A.D. » in Revue du bois et de ses applications, n° 11, novembre 1967, p.4 808 « Le bois au 43ème S.A.D. » in Revue du bois et de ses applications, n° 6, juin 1963, p.29 809 Maheu, J.J., « Les impératifs de la fabrication en série dans l’ameublement », in Revue du bois et de ses
applications, mars 1961, p.29 810 In Courrier du Meuble, n° 238, 26 décembre 1964.
284
Malgré l’apparition de styles nouveaux, les classiques maintiennent leur place et remportent
même un engouement sans précédent au 20ème siècle. Cet attachement pour le mobilier de
style et surtout pour du mobilier rustique ne prendra fin que lorsque les mentalités changeront
radicalement à l’issue de la révolution de Mai 68.
La société :
Le style de vie dominant, symbole de la modernisation des années 50 à 80 et qualifié
d’ « Aventure », par Bernard Cathelat, sociologue du CCA (Centre de Communication
Avancée), est en perte de vitesse en 1968. Ses théories sont intéressantes dans la mesure où
elles éclairent des changements de société qui se répercutèrent sur le mobilier. Pour la période
qui nous concerne, il distingue deux mentalités fortes et opposées, l’esprit d’ « Aventure »
majoritaire qui marquera les années 50 et 60 et celui de « recentrage » beaucoup plus
conservateur :
L’Aventure se définit par un système de valeurs de Changement et à la fois de Rigueur technocratique et de
Plaisir des consommations :
- mouvement de l’ouverture au monde, de l’esprit multinational :
- du mouvement du progrès, de l’avenir, de l’exploration, du défrichage et de l’expérimentation ;
- du mouvement de la vitesse, de l’éphémère, du recyclage, de la mobilité, de l’innovation et du
changement accéléré, de la vie dans l’instant ;
- mouvement du développement personnel, de l’initiative, de l’autonomie, de l’anarchie permissive, du
refus des contraintes et des règlements ;
- positivisme de la science, de la technologie, de la robotisation, de l’efficacité fonctionnelle, de la raison
pure ;
- mais sensualisme de l’esthétique, de la mode, du plaisir, du libéralisme des mœurs ;
- positivisme de l’esprit d’entreprise, de l’ambition et de la volonté de réussite, de la compétition
agressive, de la conquête ;
- et sensualisme du loisir, de l’épanouissement personnel, de la priorité de la personne psychologique
sur l’avoir matériel.
Portée par l’industrialisation, l’urbanisation, l’automatisation et la division du travail, l’accélération des
transports, l’instantanéité et l’ubiquité des communications, les technologies et les matériaux nouveaux, cette
culture est devenue dans les années 60, la culture dominante, le scénario d’avenir officiel, « le lendemain qui
chante » de la société industrielle en marche triomphante vers l’horizon post-industriel.
Cependant dès 1972, avant la prise de conscience de la crise économique donc, cette micro culture est entrée en
déclin : son essoufflement discret date de mai 1968, sa perte de prestige est devenue statistiquement mesurable
plus tard (1974). Contesté de l’intérieur par presque toutes les minorités agissantes (consumérisme, écologie,
régionalisme, féminisme en partie…) choqué par la récession économique, le modèle socioculturel d’Aventure,
et son stéréotype de « jeune loup dynamique, technocrate multi-national aux dents longues », étaient brillants en
période d’expansion, mais fragiles à la crise, par manque de philosophie, de morale, de religion… par manque
de culture.
(…)
Et ce modèle de pensée n’est pas original à la France, mais commun à toutes les sociétés industrielles
occidentales de ce siècle811.
Ce style de vie trouve ses racines dans l’évolution technologique et économique, mais
également dans une ouverture culturelle qui se tourne résolument vers l’avenir :
…elle se caractérisait par un projet volontariste de construction de l’avenir au nom d’un modèle social créatif,
ouvert à l’évolution, remettant sans cesse en cause ses automatismes, à l’écoute de son environnement, prêt à en
811 Cathelat, B., Styles de Vie : cartes et portraits, tome 1, coll. C.C.A., Paris, Les éditions d’organisation, 1985,
p. 39-42
285
saisir les opportunités immédiates. Le non-conformisme, la liberté à l’égard des traditions, un certain cynisme
envers les grands principes et le souci de l’efficacité y ont joué un rôle moteur812.
Ce style de vie marqué par la tolérance et l’ouverture d’esprit, accorde de moins en moins de
place à l’originalité culturelle :
L’initiative, l’effort, la volonté personnelle de compétition sont des vertus, l’ascension solitaire de l’échelle
sociale est fixée comme but aux personnes et la solidarité de classe ou de groupe y est faible, c’est au contraire
la concurrence collective et individuelle qui y est encouragée, fondée sur la sélection des plus forts. A la morale
de l’effort patient et de l’abnégation dans le travail, qui caractérisait la mentalité Utilitariste, s’est substituée
une morale de la réussite, du standing, de l’originalité813.
Le but du travail n’est pas le travail en lui-même, il constitue juste un moyen d’acquérir un
certain niveau de vie et de consommation :
Avec la culture d’Aventure, le patrimoine, l’héritage, ont perdu de leur valeur, la propriété privée est moins
respectée : l’argent est un moyen et non un but. La consommation est moins d’accumulation que de dépenses et
de jouissance ; profiter de la vie dans l’immédiat. L’épargne et l’économie sont entamées par les achats de
fantaisie et d’impulsion, par l’appel au crédit. Même les achats d’équipement lourd pour la maison et les
acquisitions immobilières ne sont pas projetés « pour la vie », en vue de transmission d’un patrimoine : la durée
de vie des biens diminue.
L’affectivité, l’émotion, la recherche sensorielle du plaisir, la fantaisie, prennent place dans cette nouvelle
morale. Le puritanisme, la rigueur morale, le refoulement, la retenue sont considérés comme des vestiges du
passé. Le plaisir, la liberté jusqu’à une certaine anarchie, le laisser-aller, le sensualisme, la confiance en la
spontanéité s’opposent à la censure, à la répression (ex. : la libéralisation de l’avortement). La beauté,
l’esthétique, l’art, sont valorisés814.
C’est la société de consommation qui prime. On y recherche avant tout le plaisir, et en
particulier le plaisir éphémère qui consiste à consommer puis à jeter. Le consommateur veut
néanmoins de la fantaisie, aussi bien dans formes, dans les couleurs que dans le choix des
matériaux.
Cette vision des choses éclaire bien le soudain engouement suscité par les meubles en
plastique, les couleurs fortes et la libéralisation des formes du mobilier à partir des années 50.
En revanche, bien que l’esprit « Aventure » de Cathelat domine cette période, il n’en est pas
de même pour le mobilier en plastique aux formes exubérantes qui ne sera jamais le meuble
choisi par le consommateur moyen français.
Supplantée par les relations amicales, la famille ne joue plus un rôle central dans le style de
vie d’Aventure, du moins jusqu’ à mai 1968… :
Mai 1968 a marqué l’apogée et l’échec de cette mentalité. Ce sont en effet les Français de l’Aventure qui se sont
levés les premiers (étudiants, intellectuels) pour critiquer la pesanteur du vieux monde utilitariste : sa
hiérarchie, son ordre moral, ses inégalités, son immobilisme, sa consommation accumulatrice, son carcan de
discipline…Avec une attitude typique d’Aventure, ils voulurent radicaliser l’évolution et accélérer la mutation
vers une société plus humaine, plus libre, dont le moteur serait le pouvoir de l’imagination. L’utopie du progrès
optimiste anima les premiers mouvements de 68.
Mais la pesanteur sociale Utilitariste l’a finalement emporté, démontrant les limites de
tolérance de la France au changement. Les revendications de la passion de vie se sont
finalement transformées en négociations de pouvoir d’achat. La France d’Aventure a montré
qu’elle était une image plutôt qu’une réalité. Cet échec a profondément marqué la France de
cette époque, notamment dans ses générations les plus jeunes qui ont depuis renoncé, en
812 Idem.. 813 Ibid. 814 Idem.
286
majorité, à changer le monde pour se replier sur la défense et l’aménagement de leur vie
privée815.
Mai 68 : le changement en crise
Dans quelles mesures la Révolution de Mai 68 a-t-elle changé les mentalités ? Depuis plus de
20 ans, la France, tout comme la plupart des pays européens, est mué par cet esprit
d ‘ « aventure », qui la pousse à la recherche constante de nouveauté et de nouveaux produits
de consommation. A l’approche de Mai 68, tout change. Une croissance trop rapide amorce sa
chute dès 1968 en France :
Mai 68, un choc dans tous les pays industrialisés, ne fut qu’un symptôme, une crise aiguë de l’essoufflement du
modèle industriel « à l’américaine » de l’après-guerre, déjà amorçant sa décadence816.
Le cœur du problème est sans doute lié à l’importation de mœurs et coutumes venus
d’ailleurs. En effet, en moins de dix ans, on a tenté de transposer des pratiques nouvelles à
une population européenne qui n’était pas prête à subir ces changements radicaux. Des
valeurs nouvelles, intrinsèquement liées aux notions d’expansion économique,
d’enrichissement et d’augmentation permanente du pouvoir d’achat, pas du tout adaptées aux
situations de crises économiques :
Mais le plus important est sans doute que les Aventuriers des années 50 et 60, tout entiers consacrés à la
production industrielle et à la reconstruction économique, n’ont pas pris le temps de créer des valeurs, une
morale, une philosophie, des objectifs pour la société industrielle des années 70 et 80. Aussi, la première
génération de leurs enfants, pourtant privilégiés de l’argent et surtout du savoir, les étudiants de mai 68 n’ont-
ils trouvé aucun objectif mobilisateur pour prendre la succession des Aventuriers d’après-guerre. Ceux-ci ont
été incapables de leur passer le relais de façon motivante : ils n’avaient à léguer à la génération suivante (qui
pourtant rêvait à 70% d’une vie d’Aventure) que des gadgets ou des technologies, des biens de consommation,
des organisations et des méthodes de gestion, des « choses » mais pas de véritable système de valeurs, pas de
raison de vivre, de philosophie, d’utopie ni de morale.
(…)
Le sens des révoltes de mai 68 est là : une tentative désespérée pour inventer des objectifs et une philosophie aux
styles de vie d’Aventure qui n’en n’offraient aucun817.
Ce sont donc les jeunes venus de toutes les sociétés industrielles qui se révoltèrent en 1968
contre un mode de vie centré sur l’individu et sur ses besoins. On aurait, par conséquent, pu
s’attendre a la métamorphose complète de la génération suivante, or, elle se chercha encore,
oscillant tout a tour entre marginalité et résignation.
Le deuxième échec de la mentalité d’Aventure a été, bien sûr, l’enchaînement des crises pétrolières et des
problèmes économiques, devenu « la crise du système industriel » : les managers de l’Aventure des années 60 se
sont montrés incapables de la prévoir et depuis dix ans de l’expliquer, d’y trouver solution et surtout de
proposer une alternative de société innovatrice. Dans une civilisation où seul compte le résultat, l’échec ne
pardonne pas. Pour une partie des Aventures enfin, pour qui le libéralisme économique absolu et l’économie de
marché mondial sont une bible, l’arrivée de la Gauche au pouvoir en France en 1982 a encore accentué ce
sentiment d’échec collectif et de perte de pouvoir personnel.
815 Idem. 816 Idem. 817 Idem.
287
On peut retenir que la crise économique des pays industriels n’a pas engendré mais seulement confirmé et
accéléré le déclin de la culture Aventure, qui était en germe dans le processus même d’installation de la société
industrielle818.
A partir de là, après 30 ans de consommation effrénée, de recherche de loisirs et de plaisirs
fugaces, la société, jusque-là résolument tournée vers le progrès et l’avenir, se tourne a
nouveau vers sa tradition et ses racines :
Mais ce mouvement de Recentrage divorce en deux tendances opposées, l’une plus Matérialiste, motivée par la
qualité de vie et la consommation en paix, l’autre plus Rigoriste, mobilisée par des principes et une morale. Et
de surcroît les pôles de Plaisir et de Changement sont encore, bien que minoritaires, dynamiques dans les styles
de vie de Décalage de jeunes urbains aisés et cultivés, cadres et futurs leaders sociaux819.
Dés l’été 1968, les styles de vie correspondant au « Recentrage » de Bernard Cathelat se
développent pour finalement supplanter le modèle « Aventure » ayant cours depuis 1950.
Les années 70 : recentrage sur la qualité de la vie
Dès lors, l’esprit lié au style de vie « Recentrage » se propage :
Simultanément, profitant de ce déclin amorcé de la mentalité d’Aventure, les styles de vie de Recentrage se
développaient, attiraient de plus en plus de jeunes déçus du modernisme et inquiets de la crise, et devenaient
progressivement la nouvelle culture dominante, le nouveau pivot socioculturel. Le Recentrage existait déjà,
héritier de « l’esprit petit-bourgeois : c’était la France en pantoufles des classes moyennes, prudente et sage,
attachée au bien-être, préférant « tenir que courir », soucieuse de préserver les acquis sans courir les risques de
l’ambition et de la compétition. Une minorité (36% des Français en 1972) plutôt mal aimée des Aventuriers, et
dont on ne prévoyait pas le renouveau.
Partout dans le monde occidental, et en France notamment, le Recentrage a été dans les années 70, et surtout à
partir de 1974, une grande vague de passivité au moment même où la crise frappait les sociétés industrielles820.
Bien qu’elle ait été pressentie dés les années 70 suite a la crise économique, cette vague de
« Recentrage », perceptible notamment dans les tendances suivies par le mobilier, devient
prédominante à partir de 1982. Les partisans de ce style de vie recherchent avant tout une
sécurité :
D’abord dans le retour prudent aux recettes du passé et aux traditions rétro, contre l’excès d’innovations
modernistes. Ensuite, dans une recherche d’ordre, d’autorité, de certitude : ordre moral des principes et de la
loi, ordre social d’une police et d’une justice sévères, ordre organisationnel ; une place pour chaque chose et
chaque chose à sa place ! Ce besoin de protection des biens et d’assistance des personnes appelle un Etat
providence, des entreprises paternalistes, des chefs âgés pleins d’expérience, moralistes et autoritaires, sûrs
d’eux et majestueux, mais plein de charisme, sachant parler au cœur plus qu’à la raison ; l’inverse de
technocrates.
Les Recentrés ont recherché et cherchent encore la sécurité en tournant le dos à un monde trop vaste : l’univers
(la conquête spatiale), le monde, le tiers-monde, l’Europe leur paraissent trop lointains et étrangers, effrayants
ou sans intérêt ; la France même et ses grandes régions économiques sont encore trop vastes et abstraites.
« Small is beautiful : ce qui les intéresse, c’est la région, le pays, la ville, le village, le quartier, les voisins, les
amis, le bureau ou l’atelier, et surtout la famille.
818 Idem. 819 Cathelat, B., Styles de Vie : cartes et portraits, op.cit., p. 53-55 820 Idem.
288
Le Recentrage a marqué le retour de l’esprit tribal, de la convivialité et du mutualisme, de la solidarité de
groupe, mais limitée à une petite communauté partageant les mêmes racines (renaissance des régionalismes) ou
les mêmes ancêtres (particularismes ethniques ou religieux) ou les mêmes intérêts (corporatismes) et souvent de
façon défensive contre les « étrangers ».
La sécurité d’abord, c’est encore une grande méfiance devant les technologies, les innovations et leurs
technologies. Le progrès fait peur. Et tout de qui est industriel, chimique, plastique, artificiel, modifié par
l’homme (qui paraissait le signe même du progrès bénéfique dans les années 60) est désormais suspect : les
colorants dans les sirops, les goûts artificiels dans les yaourts, les fibres textiles synthétiques, l’architecture
moderne, le mobilier design en font les frais. Le rustique, l’artisanat et le rétro rassurent. Les contraintes
économiques, bien sûr, accentuent ce phénomène et soudain le prix à payer pour le Concorde paraît
disproportionné à une société touchée par le naturalisme. Ce n’est pas l’écologie intellectuelle, scientifiste,
mondialiste des années 66/72 d’Aventure contestataire, préoccupée de gestion à long terme du patrimoine des
ressources mondiales ; le Recentrage est naturaliste de façon naïve, symbolique et immédiate : c’est un mode de
vie et de consommation où ce qui est rustique, brut, naturel, campagnard, artisanal devient symbole de vie vraie,
équilibrée, harmonieuse.
Le besoin de sécurité de la mentalité de Recentrage, s’exprime aussi dans un retour à l’installation durable et
matérielle. Après vingt ans d’éphémère, de recyclage permanent, d’obsolescence accélérée des choses, de
rotation des modes, l’envie de vivre un tempo plus lent, régulier, avec des êtres et des objets durables et
Indémodables, s’affirme. Les objets à jeter, les biens d’équipements en location, la propriété partielle,
apparaissent progressivement moins désirables aux Français Recentrés. Et enfin, surtout peut être, avec
l’affirmation de la mentalité de Recentrage des années 75/80, dominent le romantisme émotionnel, l’intuition et
la foi, le merveilleux et la magie, la séduction, le coup de foudre, la subjectivité. Le cœur domine la tête, la
passion prime la raison, l’esprit de synthèse l’emporte sur l’analyse. Le poète, le tribun populaire, le mage ou le
gourou, le sage l’emportent sur le technocrate (on en a vu les conséquences dans la campagne électorale
présidentielle de mai 1981) ; le discours passionné du visionnaire ou du moraliste paraît plus crédible que la
radiographie intellectuelle et les équations chiffrées de l’expert821.
Cette crise affecte donc à la fois les secteurs économiques, politiques, sociaux et culturels.
Ces contestations visent toutes à remettre en cause le bien fondé de la société de
consommation et aboutissent indirectement au remaniement des orientations prises par le
design et la création mobilière, aussi bien par les consommateurs que par les créateurs eux-
mêmes.
Au début des années 70, les styles de vie d’ « Aventure » restent majoritaires en France bien
que la tendance conservatrice commence à gagner du terrain :
Au fil des années aussi, le paysage social s’est morcelé selon des mouvements centrifuges avec l’apparition
successive de nouvelles mentalités.
Décalés, découverts depuis 1980, qui marquant une nouvelle forme de marginalité douce asociale ;
Rigoristes, observés en 1984, qui rêvent de retour aux sources des valeurs traditionnelles,
Egocentrés, en 84 aussi, qui résistent à la crise par le repli autodéfensif.
A la moitié de la décennie 80, aucune mentalité dominante n’anime réellement la société, éclatée en 5 sous-
cultures contradictoires822.
L’étude de ces différentes mentalités ainsi que leurs origines et surtout leurs goûts et modes
de consommation permettent d’expliquer le renouveau de l’artisanat, l’importance du mobilier
de style ainsi que celui du rustique à partir des années 70:
La mentalité Utilitariste est la plus ancienne, héritée de l’avant-guerre et fortement concurrencée par les modes
de vie de la France moderne et industrielle.
C’est aujourd’hui le style de vie des isolés sociaux et des moins favorisés par l’expansion et le progrès : isolés
géographiquement des zones rurales et des régions peu développés, isolés sociaux du 3e âge, isolés
économiques : ouvriers et employés de très bas niveau économique et culturel ou petits exploitants agricoles ;
821 Idem., p. 44-47. 822 Idem., p.57
289
alors que c’était avant guerre une majorité sociale, où fusionnaient les classes populaires et leurs notables
traditionnelles, leaders économiques ou culturels823.
Cet état d’esprit est centrée sur des valeurs et des habitudes héritées de la civilisation rurale
d’avant guerre et sur les idées de Passivité et Recentrage qui s’expriment par le repli sur soi,
l’isolationnisme, l’enracinement, l’anonymat, l’uniformité, la permanence des habitudes et
des traditions ainsi que le conservatisme :
Ce système socioculturel de valeurs se traduit par le culte du travail et de l’effort persévérant, de la production
manuelle, et par la dévalorisation des loisirs oisifs et des activités intellectuelles ;
- le repli sur la famille, cellule de base sociale, avec une très forte solidarité interne et l’attachement à
son terroir, à son habitat, avec une très faible mobilité ;
- un esprit religieux, attaché à des grands principes et valeurs sacrées (Dieu, la Patrie) et donc
respectueux des institutions (l’Eglise), des hommes (le Pape ou le Président), des symboles (le
Drapeau) et des rites (le 14 juillet) qui les incarnent : tout ce qui s’écrit « en majuscules » :
- une attitude assez passive, obéissante et résignée devant « le destin », l’ordre des choses, naturel et
social, un respect des lois et coutumes, aussi des notables et des figures d’autorité, des chefs et des
hiérarchies ;
- enfin, un attachement aux traditions et surtout à ses propres habitudes qui constitue une forte
résistance passive à l’innovation, de la part des Utilitaristes, pragmatismes, concrets et matérialistes824.
Ce mode de vie se traduit également par une économie de survie. Epargnants par précaution,
ces gens restent modestes dans leur habitude de consommation. Ils préfèrent payer comptant,
n’aiment pas le crédit et restent très attachés à l’argent liquide :
Cette consommation se caractérise par une forte propension à l’autoproduction et l’autoconsommation
alimentaire (légumes cultivés), vestimentaire (tricot, couture), et aux gros bricolages non seulement pour des
raisons économiques évidentes mais aussi pour des mobiles psychologiques : « il faut savoir s’occuper et se
débrouiller. »
Leurs postes de dépense essentiels sont contrés sur ces besoins primaires (alimentaires d’abord) et ils achètent
plutôt des produits bruts et élémentaires qu’ils élaborent eux-mêmes. Pour leurs achats les Utilitaristes ont leurs
rites de réapprovisionnement périodique, soit au marché forain régional soit à l’hypermarché, n’hésitant pas à
se déplacer loin pour payer moins cher ; mais ils ont leurs habitudes de petits achats quotidiens et de dépannage
dans les petits commerces de proximité ; et ils sont d’importants clients de vente par correspondance pour des
raisons d’isolement géographique.
Deux démarches d’achat caractérisent la culture commerciale Utilitariste, fondée sur le faible plaisir à acheter :
tout achat est un problème financier et une corvée psychologique qui bouleversent les habitudes et dont fait
prendre des risques. Donc la première attitude est le réapprovisionnement périodique et automatique, en grosses
quantités pour stocker des produits de base banalisés : sans y penser, on rachète ce que l’on avait avant. Mais
pour des achats plus exceptionnels et importants, leur comportement d’achat est très lent : bien qu’ils
s’informent peu et mal, ils ne décident qu’après plusieurs visites au magasin et une longue réflexion en famille,
dans les limites d’un budget fixé à l’avance et pour des raisons d’utilité plus que de plaisir ou coup de foudre.
Ils font finalement plus grande confiance à leur vendeur et leur magasin dont la familiarité tient lieu de
compétence, qu’à eux mêmes. La publicité joue pour les Utilitaristes un rôle de promotion économique et de
réassurance par la notoriété et la puissance de l’enseigne du magasin ou de la marque du produit. Ils préfèrent
les réclames fonctionnelles qui mettent en scène un produit dans la vie quotidienne en démontrant son usage et
ses performances de façon spectaculaire et même naïve. Ils aiment aussi la publicité de relation affective et
chaleureuse montrant « le consommateur moyen » dans un contexte quotidien et centré sur la proximité
physique du service, la complicité du vendeur ou l’identification au produit.
Une culture de défense
Les Utilitaristes s’informent avant tout pour sauvegarder leur petit univers traditionnel et familier et le défendre
contre le flot d’informations d’un monde qui « va trop vite et trop loin ».
Ils aiment donc d’abord les quotidiens régionaux, auxquels ils sont très attachés et fortement identifiés avec une
grande crédibilité parce qu’ils y retrouvent l’univers familier de leur vie quotidienne : des émissions de radio de
823 Ibid. 824 Idem.
290
compagnie familière ou de jeux et la télévision, qu’ils regardent plus comme un spectacle lointain dont
l’influence semble limitée. Culturellement, par leur niveau scolaire bas et par isolement social et culturel, ils
sortent et voyagent peu, vont très rarement au cinéma, et lisent très peu825.
De 1974 à 1977, nous constatons l’effacement complet des styles d’ « Aventure ». En 1977,
une majorité de français adoptent les valeurs et styles de vie du « Recentrage » dont le pôle
majeur est la recherche de sécurité :
- sécurité de la tradition, du passé, de l’histoire…contre la course au progrès ;
- sécurité de la vie micro-sociale, locale, régionale, familiale et associative…contre le mondialisme et
l’implication nationale ;
- sécurité de l’ordre social, du consensus, de la rigueur et de la discipline…contre le laxisme ;
- sécurité de l’ordre moral, des valeurs transcendantes…contre le cynisme et la démystification ;
- sécurité de l’installation matérielle et du confort du nid…contre la mobilité déracinante ;
- sécurité de l’ordre naturel, de la vie simple et rustique, de l’écologie, de la frugalité…contre la
sophistication, l’artificiel, la technologie ;
- sécurité du romantisme, de l’irrationnel, de l’évasion imaginaire, du rêve poétique, de l’émotion et de
l’affectivité…contre le rationalisme et le positivisme ;
Ce modèle socioculturel n’est pas nouveau : il est né avec la bourgeoisie moyenne au XIX e siècle et sa tendance
prioritaire à protéger ses acquis de confort et de statut. Mais, ce modèle « petit bourgeois » qui stagnait dans les
années 60, s’est développé et surtout rajeuni et enrichi de jeunes plus aisés et qualifiés, plus cultivés et urbains.
C’est une néo-bourgeoisie contemporaine qui resurgit dans les années 75 et 80.
Certes le courant de Recentrage apparaît comme un mouvement culturel réactionnaire, fondé sur la méfiance, la
peur, la fatigue, la désillusion devant le style de vue et le style de société d’Aventure, modèle dominant des
années 50 à 75. Cependant, il porte en gestation, l’opportunité d’innovations sociales fondées sur 3 tendances
dynamiques et potentiellement créatives comme potentiellement destructrices :
- tendance au naturel, actuellement mythe romantique, susceptibles de favoriser de nouvelles relations
avec l’environnement et les ressources naturelles, et une conception neuve de l’économie ;
- tendance à la coopération, au mutualisme, qui peut se limiter au corporatisme, mais aussi générer de
nouveaux modèles et structures d’organisation et de relations sociales ;
- et surtout tendance micro-sociale, aujourd’hui vécue souvent comme isolationnisme xénophobe
défensif, mais aussi susceptible de favoriser la décentralisation et une structure sociopolitique et
relationnelle nouvelle : cette tendance favorise des structures micro-sociales classiques comme la
famille, les communautés locales et régionales, les clubs, les identités ethniques, mais aussi et surtout,
chez les jeunes, des micro-cultures nouvelles, associations informelles, communautés médiatisées par la
presse et les ondes, tribus électroniques…
(…)
La mentalité de Recentrage aujourd’hui
C’est une mentalité qui s’est normalement développée en France avec l’apparition et le développement de
classes moyennes. Toujours attachée à l’ordre, jalouse de leur vie privée, méfiante devant les risques du
changement, cette France recherche plus de qualité de vie, de bien-être, de confort et se détache de
l’Utilitarisme à mesure que son pouvoir d’achat augmente. Mais, parallèlement au développement de la
mentalité d’Aventure, pendant le récent quart de siècle, cette mentalité ne fut pas valorisée ni encouragée. Au
contraire, sous l’appellation « d’esprit petit bourgeois », elle a été critiquée pour sa prudence, son égoïsme, son
mangue d’ambition826.
En France comme en Angleterre, l’augmentation des adeptes de ce style de vie a favorisé le
retour au mobilier en bois, vers un mobilier de style, rustique, puis, progressivement vers le
mobilier « romantique », de style « Gustavien » etc.
Cette société est alors à la recherche d’un nouvel équilibre de vie, refusant la course à l’argent
et se méfiant du progrès. On privilégie la qualité de vie et la personnalité. Tout changement
doit y être modéré et progressif :
825 Idem. 826 Idem.
291
La France de Recentrage est ouverte aux autres, tolérante et coopérative, mais soucieuse de préserver sa
personnalité originale et de participer sans s’intégrer. Son idéal est la communauté à taille humaine, juste
équilibre entre l’individualisme solitaire et la civilisation de masse anonyme. L’identité originale (langue
régionale, culture ancienne, style d’habitat…) prend de plus en plus d’importance, en réaction contre
l’anonymat d’une culture moderne universelle, jusqu’à un certain isolationnisme chauvin827.
La sécurité joue un grand rôle dans le style de vie de « Recentrage », on a surtout peur de la
violence. On y refuse de plus en plus la loi de la jungle, aussi bien dans la vie sociale que dans
la vie professionnelle. On repousse la compétition et la concurrence « sauvage ». Se
développe alors, petit à petit, une habitude de passivité et d’assistanat :
La gestion du nid
Les loisirs, comme le travail, sont jugés par les Français du Recentrage en terme de qualité de vie. Ils préfèrent
des loisirs calmes, paisibles, au contact de la nature, le retour à une vie simple. Le farniente, le vrai repos,
l’oisiveté ont une signification de ressourcement. La découverte d’horizons nouveaux et exotiques importe moins
que la redécouverte de soi. Les vacances relaxantes supplantent les loisirs actifs, le repos physique devient plus
important que la culture intellectuelle.
La vie privée a repris une plus grande importance dans la France de Recentrage : la maison individuelle est le
symbole de l’enracinement et de l’équilibre de la personne. La famille, le foyer, la communauté d’amis, le cercle
de relations, la collectivité proche constituent le cadre de vie où l’on cherche sécurité, protection et
épanouissement828.
La maison et son confort revêtent de plus en plus d’importance car on y reçoit ses amis, sa
famille et son cercle de relations :
Une économie d’installation
La construction et la défense de ce cocon, de ce nid, de cette bulle sont un souci majeur de la civilisation du
Recentrage. Et c’est dans ce contexte que se développe une consommation où le standing compte moins que le
confort, l’esthétique moins que la personnalisation : être bien dans sa peau et bien chez soi est l’idéal d’une vie
« privative ».
L’équipement du foyer devient un chapitre essentiel de dépenses. Le courant en faveur des objets simples, des
matières brutes, des formes rustiques, que ce soit dans l’alimentation, le vêtement, l’habitat, se développe ; il
symbolise un désir de retour aux sources et au terroir, contre une vie trop compliquée, artificielle, dénaturée.
La culture du Recentrage encourage des relations intenses mais restreintes à un petit cercle communautaire. Les
Français Recentrés ne se font pas facilement des amis mais les gardent longtemps ; leurs rapports sont formels,
peu démonstratifs mais durables et profonds. Les relations sociales sont harmonieuses, tolérantes, fondées sur
un principe de coopération et de non ingérence à la fois.
(…)
La télévision joue à cet égard un rôle essentiel, par son caractère intimiste, son langage banalisé et surtout par
le filtrage d’informations, l’absorption calme qu’elle a suscité. Dans le foyer, la télévision a remplacé la
cheminée, pôle d’attraction et prétexte de réunion pour la famille, et la radio remplace les conversations de pas-
de-porte.
Malgré l’apport d’informations lointaines par la télévision, les Français du Recentrage, ne se sentent que peu
concernés par les événements du monde et se concentrent surtout sur leur environnement immédiat, local ou
régional. La famille est le cercle de relations privilégiées, défendu contre la dispersion comme contre l’invasion,
et n’est pas remplacé par les relations mondaines ou professionnelles. Au sein de la famille, les statuts sexuels
évoluent moins rapidement que dans la mentalité d’Aventure : l’émancipation féminine se traduit moins par la
recherche d’une activité professionnelle et l’éducation des enfants reste stricte et disciplinée, même sévère.
En bref, le modèle de société de Recentrage est une organisation structurée, à taille humaine, protectrice et
stable, où chaque personne se sent en sécurité matérielle et psychologique. Cette société affirme une identité et
une personnalité durables, qui permettent aux individus de s’identifier à une communauté d’idées et de mœurs
mais conservatrice et conformiste.
La France du Recentrage propose une société humaine, chaleureuse, coopérative et non violente, vouée à la
qualité de la vie simple et naturelle. Elle demande aux personnes d’y adhérer avec solidarité, en acceptant ses
modèles de vie et de pensée comme des racines pour sa sécurité829.
827 Idem. 828 Idem. 829 Cathelat, Styles de Vie : cartes et portraits, op.cit.,p. 69-78
292
Cette analyse de la société française des années 70 s’applique également aux autres pays
européens. Les crises économiques successives, l’augmentation de la pollution, du chômage
et la peur du lendemain entraînent un repli vers les valeurs sûres que sont les amis et la
famille. On s’investit de moins en moins dans son travail afin de se consacrer davantage à la
famille et à la maison. Inévitablement, les modes de consommation changent eux aussi. On
recherche alors le mobilier rustique, traditionnel ou romantique susceptible de nous renvoyer
à un passé plus ou moins lointain ou la vie semblait plus douce. Ce changement de société
explique pleinement la survivance du bois à travers tout le 20ème siècle.
Mobilier :
Ces nombreux revirements sociaux n’ont cependant jamais affecté le bois, valeur naturelle
constante :
Dans le domaine très vaste de l’ameublement et de la décoration, malgré les engouements subits et les modes
passagères, les mots d’ordre ou les exclusivités des écoles d’avant-garde, malgré les campagnes publicitaires
puissamment orchestrées en faveur de matériaux concurrents, le bois conserve, il faut le dire, la place principale
et privilégiée.
C’est sans doute que sa richesse, sa chaleur, sa texture délicate et infiniment variée contrastent plus que jamais
avec la sécheresse, l’indigence et la triste conformité des matériaux dont nous sommes le plus souvent obligés de
nous contenter et que les habillages ou jeux de couleurs les plus audacieux ne parviennent point à dissimuler
par son origine naturelle, son aspect vrai et sincère. Il apporte un effet, un élément humain et rassure, capable
d’apaiser l’indéfinissable malaise qu’entretient en nous l’ambiance artificielle, froide ou truquée dans laquelle
s’écoule aujourd’hui le plus clair de notre existence citadine.
Au demeurant, pour se faire admettre, beaucoup de matériaux nouveaux empruntent volontiers l’aspect du bois
et contribuent ainsi à maintenir dans notre entourage, sinon sa présence, au mois son image. Mais le public ne
s’y trompe généralement pas et préfère de beaucoup le bois véritable, au caractère infiniment varié, à ce qui ne
sera jamais malgré la perfection des reproductions photographiques ou des clichés d’imprimerie, qu’un leurre,
un ersatz ou une monotone imitation, indéfiniment répétée830.
Cette citation de Jean Collardet tirée de la Revue du Bois et de ses applications en novembre
1971 traduit la préférence bien française pour le bois massif. Ailleurs, comme en Allemagne
ou en Italie, les créateurs travaillent beaucoup à l’utilisation des différents dérivés du bois.831
La contestation des années 60 et 70 se répercuta également au sein de la création mobilière.
Les mouvements comme Archigram et Memphis, entre autres, ne cesseront de remettre en
question le modèle instauré et la façon d’habiter, depuis les années 30 jusque dans les années
80.
Ces remaniements influenceront aussi les méthodes de production de mobilier, marquant
notamment un retour au régionalisme et à l’artisanat propre aux Arts and Crafts. Le
mouvement écologique prenant son essor, les préoccupations environnementales émergent.
A partir des années 80, plusieurs mouvements se font jour simultanément : le mouvement
« High tech » qui recourt aux dernières créations technologiques aussi bien pour ses méthodes
de production que pour le choix des matériaux et des couleurs et le mouvement de repli sur
830 Collardet, Jean, « L’ameublement et la décoration », in Revue du bois et de ses applications, n° 11, novembre
1971, p. 67-73. Extrait d’une conférence au centre technique du bois. 831 Jean Collardet a été sans conteste l’expert n°1 du bois en France de 1935 à sa mort, en 1998. Directeur du
laboratoire d’Essai des Bois puis du CTB, il a avec Jean Besst, autre éminent expert du bois au CTBn écrit et
publié chez VIAL 2 livres remarquables de monographies savantes des bois commerciaux des zones tempérées :
tome 1 : les résineux, tome 2 : les feuillus. Leur grand âge puis leurs décès ne leur ont par permis de mener à
terme la trilogie préve dans laquelle un tome 3 sur le bois des zones tropicales devrait parachever cette œuvre qui
fait autorité.
293
soi qui valorise le retour aux sources et encourage les styles « régionaux » et « nationaux ».
Ce dernier mouvement éclaire bien le succès rencontré alors par les brocantes, les styles
anciens etc.
A partir du milieu des années 90, ayant besoin de s’évader, la société manifeste alors un goût
prononcé pour le mobilier exotique, venu d’Afrique ou d’Asie.
La consultation des magazines et des ouvrages synthétisant le design de la période 1973 à nos
jours nous permet de constater qu’une multitude de styles ont coexisté, avec néanmoins un
facteur commun et constant, l’utilisation croissante du bois, sous sa forme traditionnelle ou
avant-gardiste.
La mode mobilière tout comme le design d’avant-garde est donc inextricablement liée aux
changements sociaux et économiques.
Nous avons déjà évoqué l’émergence des mouvements contestataires, souvent italiens, comme
Memphis et le design Radical. Bien que ceux-ci aient beaucoup touché le mobilier d’avant-
garde, il ne faut pas négliger leur impact auprès du grand public. Ce sont en effet ces
créateurs, et notamment ceux de Memphis, qui populariseront le panneau de bois a base de
fibres et de particules en l’habillant de couleurs et de motifs a succès. Pour la première fois, ce
type de matériau est pleinement assumé dans le milieu avant-gardiste. L’utilisation de ces
matériaux engendre alors des formes beaucoup plus rigides, plus anguleuses aux antipodes
des meubles ronds et doux des années 50 et 60. On peut supposer que c’est sous l’impulsion
de ces meubles extravagants que le mobilier dans années 70 à 80 osera arborer des couleurs
plus fortes et un aspect plus anguleux.
Le mobilier courant et grand public :
A partir du milieu des années 70, on note un repli très prononcé sur les traditions avec
l’avancée de la mentalité de « recentrage » selon le sociologue Bernard Cathelat. Ce repli
s’explique tout autant par la crise pétrolière de 1973, par la crise économique qui suivit ainsi
que par le changement de styles de vie qu’entraina Mai 68. En France, cela se traduit par un
grand mouvement régionaliste, avec un retour aux styles anciens, au rustique et au mobilier
régional. Ailleurs, en Grande Bretagne tout comme aux Etats-Unis, ce phénomène conduit a
la réhabilitation des valeurs prônées par les Arts and Crafts et par l’artisanat :
…les éléments folkloriques sont actuellement très demandés, c’est à dire des éléments nationaux. Certes, les
meubles ne font pas partie de la mode dans le sens le plus étroit du mot, mais il existe tout de même des
influences de l’époque, ce que nous appelons des tendances. En reprenant la notion de folklore dans la mode, on
pourrait dire par exemple qu’actuellement dans le domaine des meubles, une préférence très nette est accordée
aux formes et aux bois utilisés en ce moment et autrefois en Grande-Bretagne832.
Cette nostalgie pousse le design à retrouver l’aspect chaleureux d’autrefois. C’est un
mouvement européen lié à la notion de patrimoine et de repli domestique dont parlent les
sociologues et qui favorisera l’ouverture d’enseignes comme Laura Ashley en Angleterre ou
Geneviève Lethu en France.
Depuis toujours, le mobilier ancien occupe une place privilégiée en France :
832 « Le commerce mondial du meuble », in Revue du bois et de ses applications, janvier-février 1977, p.23
294
Ce type de mobilier représente, en effet, une part de marché très importante qui n’a cessé de se maintenir, voire
de croître – principalement au détriment des styles abâtardis – ces dernières années. D’après une enquête
réalisée par la Sofret à la demande du Codifa et portant sur les qualités que le style représente 18.5 % et le
rustique 22.5% soit ensemble 41% du marché à la consommation.
(…)
La plupart des modèles sont en bois massif (acajou, merisier, noyer, chêne, hêtre, tilleul…), sculptés, marquetés
(bois de rose, bois de violette, sycomore, érable) ou laqués et finis main (assemblages, vernissages,
ponçages)833.
Les comptes-rendus du Salon du Meuble qui se tient chaque année Porte de Versailles
restituent bien l’évolution du mobilier en France :
C’est la recherche des valeurs sûres qui prédomine. Il semble bien que cette période de récession du volume de
la consommation n’incite guère les industriels à lancer des produits à la réussite commerciale incertaine.
C’est évidemment vers le meuble moderne et surtout le rustique que la demande est actuellement la plus forte.
Les bois sombres sont toujours aussi appréciés tandis que l’orme se taille un vif succès, spécialement dans le
style moderne…
Le style se confirme en Régence et en Louis XV et le Contemporain utilise largement les bois blancs (pin, frêne)
et le chêne qui a permis à certains designers de renom (Christian Germanaz, Daniel Pignon, Jean-Claude
Maugirard) d’imaginer des meubles contemporains dépouillés d’une esthétique très pure, n’ayant rien à envier
aux créateurs italiens ou scandinaves (le chêne sauvage).
Depuis deux ans, la créativité italienne marque le pas alors que s’épanouit en France un Contemporain sage,
non dénué de classicisme, qui répond aux aspirations du public d’aujourd’hui avide de naturel et de bonne
qualité.
Le « design » trop froid, trop impersonnel, ne trouve plus sa place que dans l’installation de bureaux et
l’équipement hôtelier.
(…)
Pour les intérieurs, ceux qui rejettent les copies de style et le rustique pour vivre dans des meubles d’aujourd’hui
et qui sont exigeants sur la qualité esthétique de leur mobilier préfèrent désormais des sièges qui soient avant
tout confortables, habillés de cuir de bonne qualité ou de beaux tissus, et des meubles sobres mettant bien en
valeur la beauté des matériaux sans rien sacrifier au fonctionnel.
Si les Scandinaves utilisent beaucoup de sapin et les Italiens le frêne et le noyer, les Français aiment toujours le
merisier et l’orme et notre pin des Landes qui sont plus ensoleillés que les résineux du nord834.
Rares sont ceux qui vont créer du mobilier « jeune » et « contemporain », mais certains
comme « Gautier » verront plus loin :
En 1960, Patrice Gautier prend la direction de la petite affaire paternelle, une entreprise artisanale de
menuiserie-ébénisterie fondée en 1904. En étudiant le IVe plan, il perçoit que l’explosion démographique des
jeunes va entraîner un nouveau marché et, très vite, il s’oriente vers la fabrication de meubles pour jeune, idée
confirmée au fil des années par un développement encore bien plus important que prévu.
(…)
Ce « décollage » a été facilité par une prise de conscience de l’intérêt de l’exportation à un moment où le
marché français était saturé et par la création, par ses bureaux d’études, de meubles spéciaux pour
l’exportation, tant au plan du dessin qu’au plan des dimensions, les morphologies et le mode de vie de nos
voisins n’étant pas les mêmes que les nôtres
(…)
Les meubles laqués très à la mode il y a deux ans, cèdent la place aux meubles plaqués et, comme tous les
meubles contemporains actuels, les meubles charron sont revêtus de bois de placage d’ébénisterie,
principalement en acajou et palissandre de Rio835.
833 « A la découverte de l’industrie française du meuble : les copies anciens », in Revue du bois et de ses
applications, n° 3, mars 1978, p.51-52 834 Joly, P., « Salon du meuble 1979 », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril 1979, p.46-47. 835 « A la découverte de l’industrie française du meuble », in Revue du bois et de ses applications, mars 1977,
p.23-31.
295
Dans les autres pays européens, c’est le même engouement pour le style et le régionalisme :
En ce qui concerne les tendances actuelles sur le marché du meuble, notons que la clientèle est de plus en plus
portée sur les produits de qualité. Le chêne est l’essence prédominante, surtout pour des meubles en des tons
clairs et naturels, dont on ne risque pas de se lasser trop vite. Bien entendu, pour les meubles de style ou les
ensembles rustiques, on prend aussi du chêne traité en des coloris foncés.
Il est curieux que l’on revienne en Autriche pour le moment aussi à l’acajou. On estime que les tons brun-rouge
de ce bois donnent une note élégante à une salle à manger ou salle de séjour. J’ai dit que l’on y revient, parce
que ce genre de meubles fut en vogue en Autriche juste avant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, le style a
changé entre temps. Pour les meubles relativement bon marché, les feuilles de placage en bois naturel sont
remplacées par la résine de mélanine et des feuilles de PVC. D’autre part, vu qu’une grande partie de la
population autrichienne réside à la campagne, dans les villages plutôt que dans les rares grandes villes, les
meubles et ensembles en style rustique sont toujours très demandés. Ils sont généralement exécutés en bois de
sapin, de pin ou de mélèze836.
L’image des revues :
Ce sont certainement les revues qui permettent de suivre au mieux l’évolution de la société et
de ses goûts en matière de mobilier. Outre l’accès facile aux données, la tâche est d’autant
plus aisée en France que la variété des magazines de décoration et de design y est beaucoup
plus élevée qu’ailleurs. Ceci permet d’avoir une vision très claire des tendances suivies par le
design, la création d’avant-garde, mais également par le mobilier « Grand Public ».
La consultation d’une revue telle qu’Art et Décoration révèle la prédominance du bois dans
les créations mobilières des années 60 et un engouement pour le régionalisme dès les années
60.
Ceci se traduit par de nombreux articles autour de l’habitat dans les différentes régions
françaises :« Habitation Bretonne », « Refuge au pays basque »837, « A l’ombre rose du
clocher de Roussillon », « Survivance de romantisme sur le plateau de Cologny »,
« Barbecues à la ville et aux champs », « Fidèle au passé », « Sous des lambris dorés »,
« Architecture alpestre d’aujourd’hui », « Rendez-vous de chasse », et « Art subtil de la
tradition »838.
Cela se poursuit en 1969, avec des articles et reportages intitulés : « Pierre et meubles du
terroir bourguignon », « La ferme de Dime » et « Une ferme restaurée en haute Provence »839.
Ainsi donc, après la déferlante du mobilier et de la décoration scandinaves dans les années 50,
60, voire même 70, les consommateurs s’en détournent pour s’intéresser désormais aux
meubles régionaux et rustiques et non aux plastiques colorés du style « pop » comme le
laissent entendre les magazines de design.
La mode du mobilier rustique et régional se poursuit en 1970 et 1971 à travers des articles
intitulés : « Douceur régionale »840, « Dans un village du Lubéron »841, « Un moulin en
Gascogne » et « Sous l’écorce rustique »842. En 1971, « Décors de bois et d’ardoise »,
836 Van Laer, R., « L’industrie du meuble autrichien », in Revue du bois et de ses applications, n°6/7, juin-juillet
1977, p.36. 837 In Art et Décoration, n° 135, mars-avril 1968, p.1-3, et p.36-39. 838 In Art et Décoration, n°136, mai-juin 1968, p. 1-3, 4-7, 8-12, 13-17, 18, 19-27, 36-37, 42-45. 839 In Art et Décoration, n°141, janvier-février 1969, p. 71-75, 83-83, 92. 840 In Art et Décoration, n° 151, juillet-août 1971, p.86-89 841 In Art et Décoration, n° 152, septembre 1971, p.96-98 842 In Art et Décoration, n° 153, octobre-novembre, 1971, p.111-115 et 138-141
296
« Communication avec la nature »843, « Dans un village languedocien », « Tradition et finesse
bretonne », « Rusticité citadine »844, « Tradition campagnarde »845, et « Rusticité de notre
temps »846.
Les derniers articles témoignent toutefois de l’avènement d’intérieurs plus colorés (surtout
orange), avec du mobilier en bois et des tapis à poils longs symptomatiques des années 1970.
En 1973, Art et Décoration lance une série d’articles baptisée « Encyclopédie du
Régionalisme » écrite par Lucile Olivier dans un premier temps. Cette série est reconduite
jusqu’en 1980 et se trouve remaniée à partir de 1987 sous le titre « Le meuble dans sa
région ». Elle existe encore mais sous une forme un peu différente. Elle débute donc en 1973
par un article sur le style « Normand847 », suivie du «Provençal »848, « le Bourguignon849 », et
en 1974 par le « Picard850 », le « Vendéen851 », le « Bressan852 », et l’« Alsacien853 ».
L’ensemble des articles parus au cours de 1973 est majoritairement consacré au régionalisme,
à l’ imitation d’ancien et au mobilier rustique. On constate toutefois l’introduction progressive
d’intérieurs plus modernes, avec plus de mobilier en plastique dans des tonalités de brun,
orange, gris et blanc. Vers la fin de l’année, on décèle également la présence du fameux
« sacco » en brun dans différents intérieurs. Constatation sera la même pour l’année 1974.
Notons également que la page de couverture de chaque numéro est systématiquement
consacrée à un intérieur soit rustique, soit « régional », mais jamais au mobilier « moderne »
et « contemporain ». Il en est de même pour les publicités et ce jusqu’au début des années 80.
Les numéros de 1981 sont en effet toujours orientés vers les styles « provinciaux »,
« campagnards », « montagnards », anciens, aux imitations de style, et aux anciens styles
d’anglais.
La Maison Française, autre revue française, se consacre jusqu’en 1967 au mobilier
scandinave. Contrairement à Art et Décoration, La Maison Française s’oriente un peu plus tôt
vers le mobilier « design » et d’avant-garde. On remarque donc pendant la période 1967-1975
l’emploi de matières synthétiques et de couleurs assez fortes, caractéristiques du style des
années 60. En revanche, dès 1976, le ton change et se consacre alors au mobilier en bois. Les
publicités de l’époque confortent cette impression : « Le bois qui rassure… », « Sentou : une
vraie maison respire le bois massif »854 ou les publicités de Ligne Roset ou évoquant « Le
Naturel »855.
Dans un article commentant la Triennale de Milan, la tendance est au « Retour à l’Artisanat et
à l’ébénisterie »:
843 In Art et Décoration, n°155, janvier-février 1971, p.78-79 et 88-92 844 In Art et Décoration, n° 156, mars-avril 1971, p.108-111, 112-115, et 126-129 845 In Art et Décoration, n°159, septembre 1971, p.74-77 846 In Art et Décotation, n°161, décembre 1971, p.95-97 847 In Art et Décotation, n° 170, mars-avril 1973, p.132-137, et n° 171, mai-juin 1973, p.130-135 848 In Art et Décotation, p. 172, juillet-août 1973, p.120-125, et n° 173, septembre 1973, p.122-127 849 In Art et Décotation, n°173, octobre-novembre 1973, p.136-141, et n°175, décembre 1973, p.132-137 850 In Art et Décotation, n°177, mars-avril 1974, p.128-134, et n° 178, mai-juin 1974, p. 120-126 851 In Art et Décotation, n° 179, juillet-août 1974, p.98-103 852 In Art et Décotation, n° 180, septembre 1974, p.100-106 853 In Art et Décotation, n° 181, octobre-novembre 1974, p.128-134, et n° 182, décembre 1974, p.98-104 854 In La Maison Française, n° 321, octobre 1978, p.173 855 In La Maison Française, n° 322, novembre 1978, p.43
297
Le retour des meubles comme ceux qui vivent dans les maisons de nos grands-parents, le retour du bois et
surtout du noyer que les Français n’ont pas encore appris à aimer, des formes plus douces, bonnes à la main
(finies les caisses), puis ce merveilleux travail d’ébénisterie, ces assemblages parfaits »856.
Début 1979, c’est le même constat au Salon International du Meuble à Paris :
L’utilisation de matériaux plus naturels ou plus précieux, la perfection du travail d’ébéniste et le retour aux
formes traditionnelles sont les 3 tendances qui s’affirment nettement chez les exposants de ce dixième Salon
international du meuble contemporain »857.
En parlant de la section italienne, il est dit :
Le triomphe du design, les matériaux nouveaux, les matières plastiques ou l’acier inoxydable ont depuis 1974
cédé peu à peu la place au bois. D’abord clair et rustique (le pin) que l’on destinait aux jeunes ménages, puis
clair et précieux (le frêne) qui trouve sa place dans toute la maison. Le bois laqué si élégant, noir d’abord puis
dans des coloris subtils (des grèges, des gris), a suivi, très vite copié, dans le monde entier. Aujourd’hui les
italiens nous présentent des bois naturels chaleureux, l’orme, le noyer français. Ils travaillent comme le faisaient
les ébénistes d’autrefois, ils ont adouci les formes du mobilier, redonné au meuble un nouveau sens »858.
Cet intérêt pour le mobilier en bois continue à être mis en avant au début des années 80 dans
la revue La Maison Française. En 1980, un article titre « Du bois dont on fait les chefs
d’œuvre » :
Naturel, sauvage, massif, précieux, on aime le bois depuis toujours et sous toutes ses formes. Il réjouit l’œil, il
comble le plaisir du toucher et séduit l’odorat de ses multiples essences. Plus il vieillit et plus il devient beau.
Matériau de bonne souche et de bonne race, il se courbe, se plie, s’ajuste, se cheville à volonté. A son
panégyrique nous inscrivons ces meubles, ces objets qui illustrent bien toutes ses qualités, toute sa beauté,
images de sa pérennité859.
Dans Marie Claire Maison le début des années 70 est marqué par l’usage des couleurs fortes
et des matières synthétiques. Pourtant dès 1976-1977, après un choc pétrolier et une crise
économique, le bois fait son grand retour avec, au commencement, une nette préférence pour
le bois clair comme le frêne, blond comme l’orme860 et surtout le pin, à la fois sous sa forme
massive, naturelle et vernis.
L’étude des revues étrangères, en Italie Domus, en Allemagne Form et en Angleterre Design,
le constat est un peu différent. Davantage consacrées à la création d’avant-garde, on y d’abord
frappé par le peu de mobilier présenté. Si durant la période 1957-1960, Form est très attachée
à la création « moderne » issue du Bauhaus, Die Stijl, de Le Corbusier, de Marcel Breuer, de
Charlotte Perriand, de Max Bill ainsi que du « Gute Form », comme c’est le cas dans un
numéro de 1960861, la revue s’oriente très rapidement vers le mobilier en plastique et
différentes matières autres que le bois. Il ne s’agit pourtant que de la spécialisation de la
856 « Milan: Peu de nouveautés mais les Italiens quels ébéniste »,, in Art et Décoration , n° 322, novembre 1978,
p.180-85. 857 In La Maison Française, février 1979, p.145. 858 Idem., p.157 859 In La Maison Française, n° 342, novembre 1980, p.84. 860 Selon F. Plassat le meuble en orme français, très à la mode dans les années 70-80 (créations Chapo pour
Seltz, boutiques Regain, Ateliers Chauvin, etc.) vient d’une forte traditions rurale et artisanal (arbre donnant de
l’ombre aux bovins). Malheureusement victime d’une maladie véhiculée par un insecte qui oblige à l’abattage et
du brûlage, il s’est raréfié dans les scieries. Les fabricants français font alors appel soit à l’orme d’importation
(Canada, USA, Pologne), soit à des bois locaux de remplacement (frêne, hêtre) qui sont cependant loin d’offrir
les mêmes veinages et nuances. Des variétés d’ormes résistantes ont été étudiés à l’INRA, mais les premiers
arbres adultes ne seront disponibles qu’en 2050. 861 „Gute Form aus Deutschland“, in Form, 1960, p. 38-44.
298
revue, qui ne reflète en rien les préférences des consommateurs allemands, d’autant que ceux-
ci sont parmi les plus grands producteurs, importateurs et exportateurs de bois. D’ailleurs, on
a pu observer que la plupart les firmes présentes aux divers salons professionnels européens
de meubles sont avant tout des producteurs de mobilier en bois.
A partir de 1974, on note toutefois un retour vers le mobilier en bois sous l’effet de la crise
économique, notamment lors des reportages à travers les comptes-rendus du Salon de
Cologne ou de Milan.
A partir de la fin des années 70, mais surtout à partir du début des années 80 Form se
consacre surtout au design industriel. Le peu d’illustrations de l’époque atteste de la précocité
des Allemands à l’utiliser dans le cadre du MDF862.
Le même constat peut être fait après consultation de la revue anglaise Design Magazine,
organe officiel du COID : beaucoup d’articles sur le design industriel, très peu sur le mobilier.
La revue italienne Domus est plus contrastée. Entre les années 60 et 1974-75, les matières
plastiques et synthétiques prédominent les illustrations. Mais dès 74, le mobilier en bois fait
son apparition, notamment à travers les publicités :
Le 14e Salon de meuble de Milan (1974) amorce la tendance d’un retour au bois, en montrant l’engagement des
fabricants Boffi, Driade, Bernini….le 15e Salon du Meuble confirme le rôle de premier plan du bois, avec un
retour au style scandinave, le style « teak » des années 50…
(…)
Une nouvelle société « petite-bourgeoise », peu disposée à investir dans « le social », perturbée par la crise
pétrolière, angoissée par le terrorisme, se réfugie dans un domicile chaleureux et douillet. Son repli justifié par
une attitude de « bon ton », de goût pour la nature et la culture, se traduit par une focalisation sur le bois
comme valeur refuge, le retour au meuble « luxueux », le refus des « modulables ». On privilégie le mobilier
classique, fauteuil, chaise, table, commode. Le salon de meuble de Milan, en 1978, présente du bois et encore du
bois863.
Ces observations corroborent pleinement les théories du CCA et de Bernard Cathelat, et ce
que nous avons pu constater dans les magazines de l’époque. Cet esprit « petit-bourgeois » est
d’ailleurs de retour, au début du 21ème siècle. Il semble toujours se nourrir des inquiétudes
économiques, politiques et sociales.
Entre la fin des années 60 et les années 70/80, le retour au régionalisme s’accompagne d’une
montée des préoccupations écologiques. Une réaction logique qui survient après des années
de gaspillage et de consommation à outrance et qui constitue une défense contre les
différentes crises ambiantes : pétrolières, économiques et sociales. On préfère alors adhérer
désormais à des valeurs sûres, et, en matière de mobilier, au mobilier ancien en bois, aux
meubles scandinaves en pin etc. Ces deux tendances coexistent encore aujourd’hui dans le
mobilier et explique pour beaucoup la survivance de ce matériau ancien dans la mode
mobilière.
En 1971, Victor Papanek, formé aux côtes de Frank Lloyd Wright, publie son livre Design for
the real world et dénonce :
L’action restrictive des designers, dont les produits de consommation aboutissent au gaspillage et ne prennent
pas en compte les besoins des populations pauvres, celles du tiers-monde notamment. Il se fait en quelque sorte
le porte-parole du mouvement hippie…864
862 „MDF: Neue chancen im Möbeldesign“, in Form, n° 124- IV-1988, p.46-51 863 Bony, A., Design, coll. Renaître et comprendre, Paris, Larousse, 2004, p.152 864 Laurent, Stéphanie, Chronologie du design, Coll. Tout l’art, Paris, Flammarion, 1999
299
Les idées de Victor Papanek sont importantes car s’il propose une nouvelle conception de la
création, il remet aussi en cause le design « moderne » des années 20 et 30 et s’inscrit dans le
mouvement post-moderne:
Le concept qui veut que tout ce qui fonctionne bien soit nécessairement beau a servi d’excuse bancale aux
meubles, aux ustensiles aseptiques et rappelant ceux des salles d’opération, des années vingt et trente.865
Son but est le suivant :
The lesson of this book, to design for people’s needs rather than their wants…866
Il critique surtout cette habitude, héritée du Bauhaus et des arts « majeurs », qui consiste à ne
pas prendre en considération le consommateur et ses envies au moment même de la création :
La croissance cancéreuse du mythe de l’individu créateur s’exprimant de manière égocentrique aux dépens du
spectateur et du consommateur s’est étendue, partant des arts, presque entièrement à l’artisanat et a même
touché le design. L’artiste, l’artisan et, dans certains cas, le designer, ne travaillent plus pour le bien du
consommateur. Bien des déclarations de créateurs sont devenues hautement individualistes, petits commentaires
auto thérapeutiques de l’artiste pour lui-même. Dès le milieu des années vingt apparurent sur le marché des
chaises, des tables et tabourets dessinés en Hollande par Wijdveldt, faisant suite au mouvement De Stijl en
peinture. Il était pratiquement impossible de prendre place sur ces abstractions carrées aux couleurs criardes.
Leurs angles pointus accrochaient les vêtements et ces constructions parfaitement grotesques n’avaient aucun
rapport avec le corps humain. Nous pouvons aujourd’hui nous permettre de tourner en dérision ces tentatives de
transfert des peintures à deux dimensions de Piet Mondrian et de Théo van Doesburg en « ameublement ». Ces
chaises n’eurent, en tant que symboles sophistiqués de la position sociale, qu’une brève existence, mais la
tentation de traduire les croûtes à la mode en objets tridimensionnels d’usage courant n’a pas disparu867.
Dans la version anglaise revue en 1984, Papanek a rajouté à la suite du paragraphe précédente
le commentaire suivant :
Profitable small industries have been started in Italy and Japan to make and market enormously expensive
replicas of some of the most tortuous chairs and tables of the twenties and thirties. The thronelike Glasgow
chairs designed by Charles Rennie Macintosh in 1902 – with six-and-one-half-fot ladderbacks and all the soft
comforts of orange crate- are manufactured in Italy. Some of the most hideous monstrosities designed by Guardi
in Spain or Le Corbusier in France are in production for the first time. A whole elitist nostalgia craze has
elevated some of the most uncomfortable seating arrangements yet devised by man into trendy and expensive
status symbols that lie halfway between refined torture racks and “art objects”. The chairs are enormously
expensive, unspeakably uncomfortable, and the movement affects only small bored cliques in New York, Milan,
or Paris. Reassuringly, the genuinely innovative and comfortable bentwood chairs first designed by the Austrian
firm of Thonet in 1840 are still produed and used all over the world868.
865 Papanek, Victor, Design pour le monde réel, Mercure de France, 1974 pour la traduction française, p.33. 866 Papanek, V., Design for the real world: Human Ecology and social change, Londres, Thames & Hudson,
1984., p.219. (Traduction de l’auteur : « La leçon de ce livre est de faire du design pour le besoin des gens plutôt
que de se contenter à créer ce qu’ils désirent »). 867 Idem., p.65-66 868 Papanek, V., Design for the real world: Human Ecology and social change, Londres, Thames & Hudson,
1984., p.40-41. (Traduction de l’auteur: « De petites industries ont été crées en Italie et au Japon afin de créer et
de mettre sur le marché des copies extrêmement couteuses de certaines des chaises les plus tortuaires et des
tables des années 20 et 30. Les chaises « Glasgow » semblables à un trône, conçues par Charles Rennie
Macintosh en 1902 sont fabriquées en Italie. Certaines des monstruosités les plus hideuses conçues par Guardi en
Espagne et par Le Corbusier en France sont en production pour la première fois. Un engouement de nostalgie
élitiste de folie a élevé certains des arrangements de sièges les plus inconfortables jamais conçues par l’homme à
l’hauteur de symbole de statut de standing très couteux se situant à mi-chemin entre objets de torture et « objets
d’art ». Les sièges sont extrêmement couteux, épouvantablement inconfortables, et intéressent seulement une
petite clique de gens qui s’ennuie à New York, Milan ou Paris. Il est rassurante de constater que les chaises de
300
Par conséquent, Papanek prône une création qui fasse interagir les matériaux, la méthode et
les outils :
LA METHODE: C’est l’action réciproque des outils, des procédés et des matériaux (…)869
Depuis la fin des années 60, les questions de conscience sociale et écologique sont
omniprésentes et s’opposent donc radicalement au concept de société de consommation
d’autrefois.
C’est également l’émergence d’un retour à l’artisanat, au « fait main » et aux idées véhiculées
par les Arts and Crafts.
Ces trois notions : le retour aux sources (régionalisme, rustique, styles et naturalisme), la
montée des préoccupations écologiques et le succès de l’artisanat et des Arts and Crafts
expliquent bien la grande importance que revêt le bois dans le secteur du mobilier et
notamment le choix de certaines essences en particulier.
En tentant de comprendre les origines de ce retour au traditionalisme, Papanek rejoint les
idées du sociologue Bernard Cathelat et celles des historiens Berstein & Milza:
Les incertitudes, les pressions nouvelles et complexes de notre société ont fait naître, chez de nombreuses
personnes, la conviction que le moyen le plus logique de retrouver les valeurs perdues était d’aller acheter des
meubles. Primitifs américain, de poser sur le sol une carpette crochetée, d’acquérir des portraits tout préparés
de pseudo-ancêtres, d’accrocher au-dessus de la cheminée un fusil à pierre et de voter pour Ronald Reagan.
L’éclairage au gaz, si populaire dans nos circonscriptions, est un anachronisme dangereux et dépourvu de sens,
qui n’est que le reflet, chez le consommateur comme chez le designer, de la recherche incertaine du « bon vieux
temps »”870.
Les historiens Serge Berstein et Pierre Milza déclaraient :
L’angoisse des hommes de notre temps devant les incertitudes qui pèsent sur leur avenir et la crise des
idéologies s’accompagne d’un retour aux valeurs traditionnelles871.
Papanek met également en cause à la fois la société de consommation et les contrastes entre le
Sud et le Nord de la planète :
On a global scale the disparities between the haves and have-nots have become even more terrifyingly vast.
Since 1960 this chasm has widened, with the declining birthrate in both North America and Western Europe and
the fantastic population explosion in the rest of the world. The oil crises of 1973, 1976 and 1979, combined with
irresponsible loan politics to developing countries, have further divided the world872.
Plus loin, il revient sur les difficultés que connaissent les pays du tiers monde:
bois courbé sincèrement innovatrices et confortable d’abord conçues par la société autricienne de Thonet en
1840 sont toujours en production et utilisées partout dans le monde. ») 869 Idem., p.35 870 Papanek, Victor, Design pour le monde réel, Mercure de France, 1974 pour la traduction française, p.42 871 Berstein & Milza, Histoire du XXe siècle, op. cit., p. 431 872 Idem, (traduction de l’auteur: « Sur une échelle globale les disparités entre les riches et les pauvres sont
devenues encore plus effroyablement vastes. Depuis 1960 ce gouffre s’est élargi, avec la natalité déclinante tant
en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale et avec l’explosion démographique fantastique dans le reste du
monde. Les crises pétrolières de 1973, 1976 et de 1979, combiné à la politique irresponsable de prêt aux pays en
voie de développement, ont davantage divisé le monde. »).
301
Mais la plupart des problèmes du Tiers Monde devront être résolus sur place. Notre responsabilité de designers
nous demande de veiller à ce que les pays en voie de développement n’imitent pas nos erreurs; l’art du design ne
doit pas servir l’orgueil des nantis ni l’enrichissement de l’industrie873.
Ce que je remets en question, c’est toute l’orientation populaire du design actuel. « Sur-sexuer » les objets (dans
le jargon des designers : rendre les choses plus attirantes pour un consommateur imaginaire) n’a aucun sens
dans un monde qui éprouve un besoin fondamental de design. En ce siècle qui semble maîtriser tous les aspects
de la forme, un retour au contenu aurait déjà du être opéré depuis longtemps.874.
Lorsque les gens sont poussés par la publicité, la propagande et le mensonge à se débarrasser de leurs voitures
tous les trois ans, de leurs habits deux fois par an, de leurs chaînes haute fidélité au bout de quelques années, de
leurs maisons tous les cinq ans – au moment où j’écris ce livre, la famille américaine déménage en moyenne
tous les cinquante-six mois -, ils peuvent très bien considérer que presque tout le reste n’est pas fait pour durer.
A force de jeter meubles, moyens de transport, vêtements et accessoires divers, nous pouvons bientôt en venir à
croire que le mariage – et les autres rapports entre personnes – sont aussi des choses donc on se débarrasse, et
qu’à l’échelle globale on peut mettre à la poubelle des pays, presque des continents, comme si c’étaient des
Kleenex.
(...)
Nous ne parvenons pas à attribuer de la valeur à ce que nous jetons. Lorsque nous créons ou établissons les
plans d’une chose destinée à ne servir que peu de temps, nous ne portons pas suffisamment d’attention à sa
conception ni aux facteurs de sécurité875.
But hard times have changed this picture somewhat. Crafts are still bought by those who can afford to do so.
Those who need to be come careful with their expenditures, as well as the new poor, have made two exciting next
discoveries.
Because money is tight, there is a consumers’ rebellion against artificial obsolescence, as well as shoddy goods.
For the first time in several decades consumers are looking for quality, lasting values, and simple no-frills
products. Moreover the public seems willing, when able, to pay a little extra for a cooking pot that will last
twenty or thirty years, a well-made bicycle, well-crafted furniture, or decent tools876.
Cette orientation vers des produits de qualité est encore plus actuelle aujourd’hui qu’elle ne
l’était en 2006.
Papanek soulevait déjà les problèmes de pollution et d’effet de serre, relativement nouveaux
au début des années 80 :
In 1983 radio and television news programs, as well as newspapers and magazines, began to explore the
« greenhouse effect ». This dangerous change in the earth’s climate is now modulating all our futures. The
increase of pollutants in the air, created by automobile emissions and the increasingly widespread use of fossil
fuels, is simultaneously warming the earth’s surface and keeping most of this heat from being vented off into
space. Foreseeable results include the increase of temperatures by an average of 9 degrees Fahrenheit in the
northern hemisphere by the year 2040, the partial melting of polar icecaps leading to a rise in sea levels by up to
forty feet, and macro and microclimatic changes affecting agriculture globally877.
873 Idem., p.168 874 Idem., p.196. 875 Idem., p.111 876 Papanek, V., Design for the real world: Human Ecology and social change, Londres, Thames & Hudson,
1984., p.100. (Traduction de l’auteur: « Mais les temps difficiles ont quelque peu changé cette image. L’artisanat
est toujours achété par ceux qui disposent des moyens pour le faire. Ceux qui doivent être plus prudents avec
leurs dépenses ainsi que les nouveaux pauvres, ont fait les deux suivants découvertes excitantes. Puisque l’argent
manque, il y a une rébellion du consommateur contre la désuétude artificille ainsi qu’envers des marchandises de
mauvaise qualité. Pour la première fois, depuis plusieurs décennies, les consommateurs cherchent la qualité, les
valeurs durables et les produits simples sans ruches. De plus, le public semble disposé, quand capable, de payer
un peu plus pour une marmite pouvant durer vingt ou trente ans, une bicyclette bien faite, des meubles bien
construites, ou pour des outils décents. »). 877 Idem., p.261-262. (Traduction de l’auteur: „En 1983 les informations à la radio et à la télévision, ainsi que les
journaux et les magazines commencent à parler de « l’effet de serre ». Ce changement dangereux du climat de la
terre module maintenant notre future. L’augmentation de polluants dans l’air, créé par les émissions de
302
Si la prise de conscience écologique émerge autour de 1968, elle s’est beaucoup développée
depuis et les phénomènes d’effet de serre, de réchauffement planétaire, de pluies acides, de
déforestation de la forêt tropicale sont maintenant au centre de tous les débats.
Les problèmes d’économie d’eau et d’énergie ; de piégeage de carbone, sont maintenant au
centre de tous les débats sur le « développement durable », y compris au niveau politique. Des
considérations que les grandes enseignes de meubles et de bricolage intègrent maintenant de
plus en plus dans leurs cahiers des charges d’achat et leur argumentaire, et que le
consommateur de mobilier prend peu ou prou en compte lors de l’achat, en se montant
sensible à des produits dont le bois provient de forêts correctement gérées, porteurs en
magasins de nouvelles certifications telles que « FSC » (Forest Stewardship Counsil) ou
« PEFC » (Programme for the Endorsement of Forest Certification Schemes). Ces labels
internationaux vont en effet dans certains cas jusqu’à cautionner les contrôles du traçabilité
du bois allant de la forêt au produit fini.
Cette tendance timide ne pourra se développer qu’à compter du jour où les Etats-Unis
signeront enfin le protocole de KYOTO.
Les coûts des charges du travail en France poussent de plus en plus d’industriels, pour
survivre, à délocaliser tout ou partie de leur production, en particulier en Pologne, Roumanie
et Chine, bientôt en Inde. La France conserve encore la paternité de la conception de ces
meubles faits ailleurs, mais qu’en sera-t-il demain ?
l’automobile et l’augmentation de l’utilisation des combustibles fossiles, chauffe simultanément la surface de la
terre et empêche au même temps la grande partie de cette chaleur d’être déchargée dans l’espace. Les résultats
prévisibles incluent l’augmentation de la températures en 2040 dans l’hémisphère nord d’une moyenne de 9
degrés Fahrenheit, la fonte partielle de la calotte glaciaire polaire causant l’augmentation du niveau de la mer
jusqu’à quarante pieds, ainsi que de changements macro et microclimatiques affectant l’agriculture à l’échelle
mondiale.
303
Chapître 5
* * *
L’EUROPE DU SUD
304
L’Italie
Historique, politique et société
Après le renversement de Mussolini le 25 juillet 1943 et l’annonce de l’armistice par le roi le 8 septembre,
l’Italie envahie par les Allemands au Nord et par les Anglo-Américains au Sud, s’était coupée en deux. Dernier
bastion du fascisme, une « République sociale italienne » était fondée au Nord par Mussolini sous la protection
des Allemands. Harcelée par les groupes de partisans, la « République de Salò » s’effondra en avril-mai 1945
après la mort de Mussolini et la capitulation des troupes allemandes. Au Sud, le gouvernement Badoglio nommé
par le roi en juillet 1943 dut faire place en juin 1944 à un Comité de coalition nationale, regroupant toutes les
composantes de la résistance antifasciste, des communistes aux démocrates-chrétiens878.
L’Italie sort de la guerre économiquement ruinée et socialement divisée. La monarchie remise
en question, la République est votée par 54% d’Italiens le 2 juin 1946. L’Assemblée
constituante confirme la majorité des trois grands partis de la coalition antifasciste : 35% des
voix à la Démocratie chrétienne, 20 % au PSI et 19 % au PCI. Une nouvelle constitution
instaure un régime parlementaire classique avec un Président du Conseil responsable devant
les chambres. A l’issue des élections de mai 1947, les socialistes et les communistes font
désormais partie intégrante de l’opposition. Après la victoire de la Démocratie chrétienne aux
élections de 1948, la voie est lancée vers l’Atlantisme avec l’acceptation de l’aide financière
américaine et la construction européenne.
Contrairement à la France et à l’Angleterre, la révolution industrielle arrive tardivement en
Italie, aux alentours de 1870. Bien que certains entrepreneurs comme Olivetti, Fiat, Lancia,
Alfa Romeo, ou les futuristes contribuent aux progrès, l’Italie conserve alors davantage
l’image d’un pays agricole qu’industriel.
Le mouvement futuriste a joué un rôle essentiel dans l’histoire de la création italienne en
parvenant à se libérer du poids d’un passé artistique grandiose.
A la fin de la Première Guerre mondiale, la disparition des commandes d’Etat eut les mêmes effets que dans le
reste de l’Europe : agitation sociale et crise économique majeure. La situation devint vite si désespérée que les
promesses de Mussolini de rendre au pays la grandeur nationale trouvèrent une école favorable. Parvenus au
pouvoir en 1924, les fascistes subventionnèrent d’emblée l’industrie879.
L’Italie tire avantage de certains inconvénients : la pauvreté du Mezzogirono en fait une réserve de main-
d’œuvre à bon marché et l’absence de la plupart des matières premières libère de toute contrainte nationale le
recours au marché mondial où les cours sont peu élevés. Parallèlement, la concentration économique, sous
l’impulsion de firmes privées dynamiques (Fiat, Montecatini, Pirelli) et d’un large secteur public (IRI, ENI),
permet de doter le pays d’assises énergétiques et sidérurgiques modernes et d’effectuer une percée spectaculaire
sur de nombreux marchés porteurs tels que l’automobile ou l’électroménager880.
La Seconde Guerre mondiale interrompit tous les efforts engagés, les matériaux se raréfiant.
En revanche, dès la fin du conflit, l’Italie reprend promptement sa création. La volonté de
reconstruire un nouvel état démocratique gagne l’ensemble de la culture italienne et libère un
grand potentiel créatif. C’est ensuite grâce au miracle économique des années 50 que le
878 Berstein & Milza, Histoire du XXe siècle, op. cit., p.48. 879 Idem., p.53 880 Berstein & Milza, Histoire du XXe siècle, op. cit., p.212
305
design italien se hisse à la première place internationale et met un terme à la domination
scandinave.
En effet, l’Italie connaîtra un développement économique spectaculaire à l’issue de la
Seconde guerre Mondiale qui lui permettra, à la fin des années 50 mais surtout à partir des
années 60, de passer au premier plan dans le monde du mobilier et du design.
Si la France a tenu la vedette au début du siècle et dans les années 20, l’Allemagne l’a fait dans les années 1930
et 1940, les Etats-Unis et la Scandinavie se sont partagés les années 1950, la majeure partie des années 1960 et
du début des années 1970 est revenue à l’Italie881.
L’importance du bois dans l’économie italienne
Ressources forestières
Tout comme la Grande Bretagne, l’Italie n’a pas de grandes ressources forestières mais
parvient toutefois à développer toute une industrie de mobilier basée sur le bois. Les
recherches et le développement italiens en matière de design s’orientent principalement vers
la nouveauté, une nouveauté éloignée du bois. Mais en Italie comme ailleurs, il faut savoir
distinguer la création d’avant-garde, celle que l’on voit dans les magazines tels que Domus, de
la production « grand public ».
L’Italie importe donc de grandes quantités de bois, principalement en provenance de ses
voisins les plus proches, comme la France et la Tchécoslovaquie, afin de les transformer
(parties de meubles, corniches, frises etc.), et ensuite les revendre.
L’Italie, contrairement à la France n’est pas un grand pays forestier. Les forêts, bois et bosquets représentent
certaines 2/5ème de la superficie du territoire (soit environ 10 millions d’ha en 2000) mais les forêts à
proprement parler ne courent que 6 millions d’hectares, plaçant ainsi l’Italie au 10ème rang des pays forestiers
européens.
Les causes de cette faible superficie forestière sont d’une part la longue histoire de défrichements qui a débuté
massivement avec la civilisation romain et d’autre part le climat méditerranéen qui, dans les plaines, ne favorise
pas le retour des essences forestières. La progression de la couverture forestière est seulement de 0.3%/an. Les
2/5ème des forêts italiennes sont donc non exploitables pour des raisons économiques ou environnementales
(conservation)882.
L’Italie consacre très tôt son industrie de bois à la production de matériaux dérivés du bois,
notamment au contre-plaqué et aux panneaux de particules, puis aux panneaux MDF. Ces
matériaux, produits à moindre coût, présentent des résistances mécaniques inférieures à celles
du bois massif, mais largement suffisantes pour le meuble dans la mesure où ils sont
replaqués de placages. La production de matériaux dérivés du bois explose pendant les années
60. Cette adaptation rapide ainsi que l’avancée des recherches firent de l’Italie le leader
mondial du meuble jusqu'à il y a peu. Elle est aujourd’hui dépassée par les pays asiatiques et
surtout la Chine qui, grâce à un système de production moderne allié à un faible coût de
revient favorisant la délocalisation de productions européennes, a réussi en très peu d’années
à inonder le marché européen, voir mondial, de meubles en bois à des prix défiants toute
concurrence.
881 Neumann, Claudia, Dictionnaire du design, Italie, Paris, Seuil, 1999 pour la traduction française. 882 Angelier, Ariane, La filière ameublement en France et en Italie : Approvisionnements en bois, organisation
fonctionnelle et raisons de la compétitivité italienne, Rapport de fin d’étude auprès du CTBA, sous la direction
de M. François Plassat, 2001, non publié, p.27
306
Production/importation/exportation :
Les chiffres publiés par la FAO permettent de quantifier la production, l’importation et
l’exportation du bois et ses dérivés en Italie (cf.vol.2, annexe 1, fig.87 à 195).
Ces chiffres nous amènent au même constat que celui fait au sujet de l’Angleterre, l’Italie a
parfaitement su maîtriser les importations issues de ses pays voisins tout comme elle a su
habilement développer une industrie basée sur les différents matériaux dérivés du bois. Ceci
est confirmé par Ariane Angelier :
La moitié des forêts italiennes correspond à des futaies, le reste est constitué de taillis de qualité médiocre. Ces
forêts offrent toutefois, de par la grande variation d’altitudes et de latitudes liée à la géographie de l’Italie, une
grande diversité de types forestiers, de faune et de flore.
(…)
Les forêts italiennes abritent à la fois des essences feuillues et résineuses. Les essences feuillues représentées
sont le hêtre, le chêne sessile, le chêne pédonculé, le peuplier et le noisetier. Les principales essences résineuses
présentes sont les pins, l’épicéa et le mélèze. Des essences comme le Douglas, le Pin Radiata et l’Eucalyptus
ont, par ailleurs, été introduites dans les massifs forestiers.
(…)
L’Italie a une production insuffisante pour faire face à ses besoins. Elle est, en effet, grande consommatrice de
bois car elle est la première exportatrice de meubles en Europe (50% de sa production). Elle doit donc importer
de gros volumes de sciages.
L’Italie a toutefois réussi à développer un commerce de bois, achetant notamment en France, en Allemagne et
dans d’autres pays européens afin de fabriquer des panneaux et de les revendre ensuite883.
Les chiffres rapportés par la FAO permettent donc de suivre l’évolution de la production et
des importations italiennes entre 1961 et 2006. Ils témoignent notamment d’une faible
production de bois (928.000 t de bois conifères en 1961), toujours stagnante de nos jours
puisqu’elle ne représente que 948.000 t de bois conifères en 2006. En revanche, celle de bois
non conifères s’élevait a 1.043.000 t en 1961 et a baissé depuis peu (900.000 t en 2001, mais
seulement 800.000 t en 2006). On note surtout une très rapide évolution concernant la
production de panneaux de particules (70.000 t en 1961, 1.500.000 t en 1972, 1.700.000 t en
1987, 3.090.000 t en 1988 et 3.725.000 t en 2006). Outre les panneaux de particules, l’Italie
est obligée d’importer de grandes quantités de bois conifères et non conifères pour alimenter
son industrie mobilière. Elle importe déjà en 1961 2.552.750 t de bois conifères et 294.350 t
de bois non conifères et est passée en 2006 à 6.409.463 t de bois conifères et 1.453.294 t de
bois non conifères884.
La majeure partie des importations de bois italiennes viennent de l’Europe Central. Les
plaines de l’Europe Centrale présentent d’importants peuplements feuillus et résineux. Les
principaux fournisseurs de l’Italie sont pour les sciages : l’Autriche, les Etats-Unis et la
Croatie (essentiellement des résineux de sapin, mais également en moindre volume du hêtre,
du peuplier, et du chêne). Pour les grumes : l’Allemagne et la France (essentiellement du
sapin, de l’épicéa, du hêtre et du peuplier). Et pour les placages : l’Allemagne et les Etats-
Unis. Les principaux fournisseurs de panneaux de particules sont l’Autriche, l’Allemagne et
la France885.
883 Idem., p.28 884 Source : www.faostat.fao.org 885 Angelier, Ariane, La filière ameublement en France et en Italie : Approvisionnements en bois, organisation
fonctionnelle et raisons de la compétitivité italienne, Rapport de fin d’étude auprès du CTBA, sous la direction
de M. François Plassat, 2001, non publié, pp. 36-42
307
Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois
La Renaissance Italienne, propice au mécénat et à la montée de la bourgeoisie, encouragent
les meilleurs artistes à créer un mobilier imposant, souvent en noyer ou en saule rehaussé
d’incrustations d’ivoire, de pierres ou de bois précieux886, imitant les productions de l’Egypte
ancienne. C’est le règne de l’intarsia, art précursuer de la marqueterie (cf.vol.2, annexe 7,
fig.3).
Puis le retour de la papauté à Rome pousse la noblesse à initier de grands chantiers de
construction. La grandeur de l’architecture appelle un mobilier à son image, monumentale,
souvent orné de grandes sculptures. C’est alors l’ère des grands cabinets, des bibliothèques
encastrées et des lits majestueux. Ce mobilier en bois, la plupart du temps doré ou incrusté de
pierres. Quant au mobilier utilitaire, apanage des menuisiers et des charpentiers, il est souvent
constitué de noyer ou de bois fruitiers locaux887 (cf.vol.2, annexe 7, fig.1 à 6).
Pendant la première moitié du 18ème siècle, sous l’influence de la Régence et de Louis XV, la
mode est au rococo. Ce mobilier, souvent plaqué, rehaussé de laque ou de peinture, présente
une abondance de détails sculptés (cf.vol.2, annexe 7, fig.7 et 8). Le noyer reste très apprécié
pour le placage et le mobilier en bois massif888 (cf.vol.2, annexe 7, fig. 9 à 13).
La seconde moitié du 18ème siècle voit se propager la vague néoclassique venue de France et
de Grande Bretagne, bien que les formes italiennes y soient moins rectilignes. La marqueterie,
la peinture et la dorure demeurent très présents (cf.vol.2, annexe 7, fig. 15 à 17). Le noyer
garde son importance dans le mobilier régional et spécialement pour les armoires. Les artisans
utilisent le noyer, l’olivier et le pin (cf.vol.2, annexe 7, fig.18 à 21), souvent peints, car les
bois de qualité sont rares889.
Au début du 19ème siècle, l’Italie reste influencée par la France, mais son style « Empire » est
beaucoup plus léger. Ayant toujours des difficultés pour obtenir des essences de haute qualité
(cf. annexe 7, fig.24), les ébénistes recourent toujours au mobilier peint et ne remplaceront
que très progressivement le noyer par l’acajou890 (cf. annexe 7, fig.22).
Au milieu du 19ème siècle, la création mobilière en Italie reste concentrée autour des villes de
Rome, Milan, Venise et Florence. A l’exception de Naples, les Etats et royaumes du sud
avaient un mobilier ordinaire, plus simple. L’industrie du mobilier ne démarra dans les
régions de Brianza ou Pesaro891 qu’à la fin du 19ème siècle.
Autour de 1880 naît le « Stile Liberty », expression de l’art nouveau à l’italienne. Ce nouveau
style est incarné par Ernesto Basile, Carlo Zen, Eugenio Quarto et surtout Carlo Bugatti
(cf.vol.2, annexe 7, fig. 25 à 30). Les principales essences employées sont alors le noyer et le
chêne892.
886 J. Miller, Le Mobilier ancien et contemporain, op.cit., p. 28-29 887 Idem., p.40-41 888 Idem., p.80-83 889 Idem., p.130-131 890 Idem., p.204-205 891 Idem., p. 274-275 892 Idem. p.362-363
308
De 1919 à 1940, les créateurs italiens préfèrent exploiter la beauté des bois locaux et
exotiques et s’éloigner ainsi du luxe français de l’Art Déco893.
Ce bref historique du mobilier italien dressé à compter de la Renaissance nous a permis de
relever une nette préférence pour le noyer, massif ou plaqué, autant pour le mobilier régional
que pour le mobilier officiel et de noter l’importance du mobilier peint ainsi que l’utilisation
des essences fruitières, donc le mérisier et le poirier.
Les fabricants de mobilier en bois : la prépondérance des petits ateliers
La renommée de l’Italie en tant que fabricant de mobilier n’est plus à faire mais on ignore
peut être (ou on feint d’ignorer, car on jalouse) l’incroyable volonté de création et de
nouveauté qui anime le pays encore aujourd’hui, dans une ambiance où l’approche collective
du marketing et de l’efficacité pratique des créations semble innéé, tout en étant supervisée
par une organisation coordonnée de l’innovation-création-production par « districts ». En
revanche, on cite souvent comme explication un peu facile, les « combinazione » d’une
entente mafieuse entre concurrents face à un appel d’offres, d’une rentabilité optimisée par
une par de travail plus ou moins clandestin des collatéraux familiaux, et d’un souci, tout
relatif, de rembourser à terme les prêts avantageux de l’état pour l’équipement. Pour expliquer
cette profusion de réussites à tous les niveau, en effet, la création italienne ne se limite pas au
mobilier design et d’avant-garde, comme les journaux « tendance » le laissent croire
volontiers, mais est avant tout destinée à une production de mobilier beaucoup plus courant,
donc porteur de l’industrie et de l’artisanat, à tous les niveaux d’entreprise, tout en bénéficiant
de l’image générique forte du « design italien »
Après la guerre, l’Italie devient progressivement le plus gros producteur et exportateur de
mobilier au monde, devançant la première la Scandinavie jusque-là dominante.
Il faut garder à l’esprit que l’Italie fut pendant très longtemps un pays essentiellement agricole
dans lequel la révolution industrielle ne se fit que très tardivement, autour de 1870. De ce fait,
la production mobilière était le fruit de petits ateliers, souvent familiaux.
A la fin de la Première Guerre mondiale, la disparition des commandes de l’Etat eut les mêmes effets que dans
le reste de l’Europe : agitation sociale et crise économique majeure. La situation devint vite si désespérée que
les promesses de Mussolini de rendre au pays la grandeur nationale trouvèrent une écoute favorable. Parvenus
au pouvoir en 1924, les fascistes subventionnèrent d’emblée l’industrie894.
A cette période, une multitude de petits ateliers fabriquaient du mobilier ou des ébénistes
comme Eugenio Quarti (1867-1929), Carlo Zen (1851-1918) et Carlo Bugatti (1856-1940) y
travaillaient encore suivant la tradition du 19ème siècle. Cependant, autour de Brianza, au
nord-est de Milan se développait progressivement une industrie moyenne adoptant les
techniques de la fabrication industrielle de mobilier. F. Plassat donne notamment l’exemple
de le ville de Lissone (30.000 habitants) près de Monza, où le meuble fait aujourd’hui vivre 3
familles sur 4, autour d’une écolo spécialisée où sont enseignées aux jeunes, dès le plus jeune
893 Idem. p.404-405 894 Neumann, Claudia (dir.), Dictionnaire du design : Italie, Paris, Seuil, 1999, pour la traduction française, p.
53.
309
âge, à côté de l’enseignement de base, aussi bien l’histoire de l’art que le design, les
matériaux, les techniques, le marketing et la vente du mobilier, comme un tout indissociable.
Carlo Bugatti, ébéniste hors pair, mit au point de 1880 à 1904 des petits chefs-d’œuvre très
ornementés qualifiés de « mauresques » et d’ « originaux » et créa, vers le début du siècle, des
meubles inspirés de l’Art Nouveau (cf.vol.2, annexe 7, fig.27 à 29).
Ayant suivi une formation de peintre à l’académie de Brera, à Milan et aux Beaux-arts de
Paris, il consacre toute son énergie à la création de meubles pour la riche clientèle milanaise.
Ses œuvres sortent de l’ordinaire et sont surtout marqués par un goût pour les matériaux rares
et pour un répertoire décoratif non occidental. Adepte de la fabrication artisanale, il utilisait
souvent la marqueterie et se plaçait ainsi dans la mouvance de John Ruskin et de William
Morris. Malgré l’excentricité de ses créations, on peut situer l’œuvre de Bugatti dans le
registre de l’Art Nouveau.
Observons ces deux chaises, l’une en bois tropical, ornée de parchemin peint et de cuivre
martelé datée de 1902. L’autre, créée aux alentours de 1903-1904 et conservée au musée
d’Orsay, est en acajou avec des bandes de bois clair et du parchemin peint (cf.vol.2, annexe 7,
fig.28 et 29).
Dans la même lignée, notons cette superbe console d’Eugenio Quarti en bois, verre, laiton,
incrustations de laiton et d’abalone de 1900 (cf.vol.2, annexe 7, fig.30).
Dans l’Italie des années 1920 et 1930, la plupart des objets utilitaires de la vie domestique étaient néanmoins
toujours fabriqués suivant des méthodes artisanales traditionnelles et la majeure partie de la production de
meubles italiens était marquée par un conservatisme stylistique et de petits chiffres de production – même dans
une maison comme Cassina, dont les produits seraient, dans les années 1950, les fleurons du design italien895.
Ce phénomène est corroboré par les propos de la spécialiste du design Penny Sparke qui
répertorie trois systèmes de production différents : l’industrie du mobilier en bois qui se
développe autour de Brianza, destinée aux classes moyennes de la bourgeoisie des villes, la
production du mobilier rustique régional qui satisfait particulièrement la clientèle du sud de
l’Italie et enfin la production de mobilier d’ébénisterie de luxe destinée à l’aristocratie
citadine896.
Apart from the few rationalist experiments in tubular steel furniture, and the strikingly avant-garde work (all
destined for a wealthy clientele) of the group of designers known as the Turin six – among them Gigi Chessa,
Carlo Levi and Enrico Paolucci – for the most part Italian furniture manufacture of the inter-war years
continued to be dominated by regionalism, stylistic conservatism and small-scale production897.
En Italie, comme dans la plupart des pays européens, plusieurs styles de mobilier
coexistaient : un mobilier élitiste destiné à une clientèle aisée et un autre dévolu au grand
public souvent plus conservateur.
Mais la particularité de la création italienne réside dans son organisation en petits ateliers,
souvent spécialisés : certains fabriquaient des chaises, d’autres des commodes, certains même
895 Idem., p.56-57. 896 Sparke, Penny, Italian Design, p.26-27 897 Idem., p.69-70. (Traduction de l’auteur: « A part quelques expérimentations rationalist dans le mobilier en
acier turbulaire, et le travail d’avant-garde (tout destiné à une clientèle fortunée) du groupe de créateurs connu
sous le nom des Six de Turin – parmi lequel on trouve Gig Chessa, Carlo Levi et Enrico Paolucci – la majeure
partie de la fabrication du mobilier italien pendant la période de l’entre-deux-guerre continue a être dominé par
le régionalisme, le conservatisme stylistique et la production de petite échelle. »).
310
se consacraient uniquement à la décoration, ou à des pièces particulières sous-traitables
(barreaux de chaises, tiroirs, etc.) Cette spécialisation rendait les ateliers dépendants les uns
des autres et leur permettait de tisser des liens très forts entre eux. Liens à l’origine de ce qui
plus tard a généré le concept de « district » (organisation industrielle, commerciale et d’export
locale).
Bien qu’on ne puisse parler de production de masse ni même de standardisation, la
mécanisation se met en place progressivement, avec l’aide de subventions et de prêts
étatiques.
Les privations et les frustrations engendrées par les années de guerre favorisent l’essor de la
création. Nombre d’intellectuels de gauche, conscients des problèmes sociaux, se consacrent
alors à la conception d’objets et de mobilier utiles au quotidien. Le temps de la construction
des grands édifices prestigieux étant révolu, les architectes se convertissent au design.
En 1946, eut lieu l’exposition de la Rima, l’Union des expositions italiennes pour
l’aménagement intérieur (Riunione italiana mostre per l’arredamento), réunissant, entre
autres, des meubles bon marché de construction simple, souvent en bois et conçus pour des
petits appartements. La première Triennale de l’après-guerre se tint en 1947 et eut également
pour thème l’habitat.
Vers la fin des années 40, la création italienne s’ouvre aux influences extérieures qui seront
principalement américaines et scandinaves.
Il est pourtant extrêmement difficile de retracer l’histoire du design italien tant ses créateurs
ont été nombreux et différents. Cette multiplicité formelle, unique au monde, ne peut donc
être comprise qu’a la lumière des diverses personnalités qui l’ont faite.
Gio Ponti (1891-1979)
Gino Ponti, architecte et créateur, a marqué cette période d’avant et d’après guerre en
participant à des nombreux mouvements d’avant-garde en Italie. Il est notamment le créateur
de la tour Pirelli à Milan (1958) qui fut l’un des tout premiers gratte-ciel d’Europe. Gio Ponti
incarne parfaitement le double marché italien. En effet, à la fois novateur, ayant contribué au
rapprochement entre industriels et créateurs, il se consacre également à une création bon
marché, les meubles créés pour La Rinascentre en 1927 par exemple, ainsi qu’à un mobilier
plus onéreux, destinée à une clientèle assez aisée éprise d’Art Déco (cf.vol.2, annexe 7,
fig.31).
En 1928, il lance la revue Domus qu’il dirige jusqu’à sa mort en 1979. Il contribue largement
au développement de la Triennale de Milan et participe à la création du Compasso d’Oro.
Souvent considéré comme le premier designer italien, il étend sa création à de nombreux
domaines : mobilier, luminaires, équipements sanitaires etc.
Sa création est intéressante dans la mesure où elle évoque l’aspect traditionnel de la création
italienne. Un aspect longtemps occulté par le regard que l’on porte sur la création italienne,
celle d’un design d’avant–garde, toujours innovant. Or, elle était loin de ne se résumer qu’à
cela.
A ses débuts, Ponti développe un mobilier très luxueux destiné à une clientèle aisée. Il
participe notamment à la décoration de plusieurs paquebots (Conte Grande, Conte
Biancamano et Andrea Doria) comme le font beaucoup de créateurs français à la même
311
époque. Pour les meubles précieux, il utilisait notamment l’acajou ainsi que le bois de rose,
dans le respect de la tradition d’ébénisterie remontant au 18ème siècle (cf.vol.2, annexe 7,
fig.31 et 32).
Ponti parvint à établir une collaboration très fructueuse avec Cesare Cassina (1909-1979)898. Il
incarne donc bien la réussite des créateurs italiens en ce qu’ils ont su nouer des liens tout
autant avec une chaîne de petits ateliers qu’avec de grands fournisseurs industriels.
En 1957, il crée pour Cassina son œuvre la plus connue, le siège Superleggera en bois de
frêne (cf.vol.2, annexe 7, fig.33). Précédé par la chaise 646 en 1951 (cf.vol.2, annexe 7,
fig.34) et la Leggera en 1952 (cf.vol.2, annexe 7, fig.35), la Superleggera s’inspirera
d’ailleurs du modèle très simple de chaises de pêcheurs appelé Chiavari.
Ce siège exprime toute la philosophie de Ponti. Le lien entre le passé et le présent,
l’association entre tradition et modernité. A la fois attaché à la tradition artisanale et intrigué
par les nouvelles technologies et les procédés de fabrication en série, certains le voient comme
un modernisateur des valeurs traditionnelles899. Cette ambivalence trouve sa plus élégante
expression dans sa chaise Superleggera en 1957 (cf.vol.2, annexe 7, fig. 33).
Ponti collabore également avec Piero Fornasetti (1913-1988). Leurs créations, et notamment
leur décor en trompe l’œil, de Fonasetti, tiennent aussi bien de la Renaissance que du 19ème
siècle et montrent que l’historicisme n’était pas exclu. Ils aménagèrent ensemble le casino San
Remo en 1950.
La Triennale de Milan :
Gio Ponti participa activement à la création des futures triennales de Milan qui furent le
rendez-vous incontournable des arts décoratifs et du design pendant les années 1950 et 1960.
Cette manifestation italienne fondée en 1923 à Monza sous le nom de Biennale Internazionale
delle Arti Decorative e Applicate (Biennale internationale des arts décoratifs et appliqués)
deviendra une Triennale en 1927. En 1930, elle s’installe à Milan, dans le Palazzo Dell’arte
érigé à cette occasion. Elle est un lieu d’échanges et de confrontations internationales et elle
joue un rôle fondamental pour la connaissance du design moderne entre 1950 et 1960.
La Ve et la VIe Triennale (1936 et 1940) furent marquées par le fascisme, notamment avec le
Salon de la Victoire en 1936, conçu par les architectes Giancarlo Palanti et Edouardo Persico,
le sculpteur Lucio Fontana et décoré de portraits d’empereurs romains. Après la guerre, la
VIIIe Triennale de 1947 s’intéresse à la reconstruction.
Les informations sur la VIIIe Triennale sont rares. Seul Jean Royère en fait un compte-rendu
dans la revue Le Décor d’aujourd’hui:
898 Le fabricant de mobilier italien Cassina a joué un rôle essentiel au sein du design moderne. Installé à Meda,
au nord de Milan, l’atelier d’ameublement de la famille Cassina réalise des meubles en bois de facture
traditionnelle depuis le 18ème siècle pour des clients locaux. En 1927 Cesare Cassina reprend avec son frère,
l’entreprise familiale. Dans les années 20 et 30 ils produisent du mobilier de salon de style classique. Le grand
changement se produit après 1945 où Cassina s’oriente vers une fabrication en grande série afin de pénétrer le
marché international avec du mobilier de style « contemporain ». La première collaboration de Cassina et d’un
designer est en 1950 entre Cassina et Gio Ponti. Il en résulte la chaise « Supperleggero » , et cette collaboration
inaugure la collaboration de Cassina avec de nombreux designers contemporains. (source : Sparke, P., 100 ans
de design, octopus, pp. 212-13). 899 Neumann, C., Dictionnaire du design : Italie , op.cit.., p. 296.
312
La Triennale sort de la longue période de guerre avec le même dilemme qui se pose à tous les organismes et
toutes les institutions de l’Italie et de l’Europe : revoir ses propres fonctions et ses propres moyens
d’organisation à la lumière de la dure réalité économique et de la nouvelle réalité sociale, ou périr.
Pour les professions industrielles, donner une plus grande extension à la production de pièces de grande série
(réalisable au moyen de l’industrie) parce que celles-ci peuvent ainsi revenir à bon marché et, par conséquent,
contribuer grandement aux nécessités de la reconstruction. Pour l’artisanat, en développer l’industrialisation
grâce aux formes collaboratives et coopératives de production, qui – tout en conservant à l’artisanat même son
rôle d’intégrateur d’autres économies et, dans le domaine artistique, les caractéristiques, la variété et
l’originalité des inventions particulières et typiquement nôtres – évite la dispersion des énergies et
particulièrement celle des matières premières si rares.
La 8e Triennale devra être l’expression du nouveau climat politico-social créé par la démocratie ; elle devra
affronter les thèmes qui concernent les classes moins riches et y apporter des solutions, de la même façon, au
cours des 7 expositions (sauf exception nécessaire), la Triennale s’est occupée des questions qui intéressent les
classes possédantes.
En conséquence le thème unique sera la maison, thème qui est le plus vrai, le plus senti, le plus dramatique,
sujet d’angoisse, de désir et d’espoir de millions d’Européens (…)
Toutes les œuvres exposées doivent être considérées comme vendables et susceptibles d’être reproduites sur
demande900.
La Triennale s’organisait donc à ses débuts autour de questions sociales, essayant de résoudre
les problèmes d’habitat rencontrés par les classes moins riches de la population. Pourtant, au
fur et à mesure des expositions, les Triennales sont devenues très élitistes, ne présentant que le
meilleur et le plus élaboré de chaque pays.
Les effets de la politique se firent sentir encore plus directement, lorsque, en 1936, la société des Nations prit
des mesures de rétorsion à l’encontre de l’Italie. Le pays s’en trouva remis à sa propre production industrielle,
les entreprises souffrirent de la pénurie de matières premières et de la défection des marchés internationaux901.
Enfin, au début du XX e siècle une moyenne industrie du meuble, établie à Brianze, au nord-est de Milan – et qui
reste la colonne vertébrale du design de mobilier italien – adoptait, ou commençait tout au moins d’adapter, les
techniques de fabrication industrielle. Dans l’Italie des années 1920 et 1930, la plupart des objets utilitaires de
la vie domestique était néanmoins toujours fabriquée suivant des méthodes artisanales traditionnelles et la
majeure partie de la production de meubles italiens était marquée par un conservatisme stylistique et de petits
chiffres de production – même dans une maison comme Cassina, dont les produits seraient dans les années
1950, les fleurons du design italien902.
En 1946 eut lieu l’exposition de la Riunione italiana monstre per l’arredamento (Rima, Union des expositions
italiennes pour l’aménagement intérieur) ; à laquelle participaient, entre autres, les architectes Franco Albini,
Ignazio Gardella et Vittoriano Vigano. Ils présentèrent des meubles bon marché, de construction extrêmement
simple, conçus pour de petits appartements, pour la plupart en bois – la pénurie d’autres matières n’y étaient
pas pour rien903.
Une nouvelle génération de créateurs apparaît à la fin des années 1940. Ils se nomment les
frères Achille (1918-2002), Pier Giacomo Castiglioni (1913-1968), Marco Zanuso (1916-
2001), Ettore Sottsass (1917) et Vico Magistretti (1920-2006). Chacun d’eux, de formation et
de style différents, participaient ainsi à cette remarquable multiplicité formelle qui définit le
design italien.
Notons aussi Carlo Mollino (1905-1973) et sa série de meubles Arabesque créée avec des
éléments de contreplaqué déformé. Mollino anticipa dès les années 40 le mouvement
organique des années 50.
900 In Le Décor d’Aujourd’hui, n° 41, 1947, p.69-77. 901 Idem. p.55-56 902 Idem., p.56-57 903 Neumann, C.,, Dictionnaire du design: Italie, op. cit., p.60-61
313
A cette époque comme aujourd’hui, cette collaboration entre l’industrie du meuble et les designers se
concentrait autour de Milan. Et la métropole lombarde est restée jusqu’à nos jours un centre actif de contacts et
d’échanges d’idées nouvelles904.
En 1957, l’Italie entra dans la communauté européenne, ce qui facilita considérablement ses exportations. Avec,
en plus, le miracle économique, à partir de 1959, le pays se transforma définitivement en société moderne de
consommation. Alors seulement débuta le véritable âge d’or du design. Au début des années 1960, les produits
italiens connurent un tel succès sur les marchés internationaux que le « beau » design, explicitement appelé Bel
Design, mit fin à la prédominance Scandinave905.
Pendant les années 50, quelques architectes talentueux dont Gio Ponti et Piero Fornasetti se
lient avec des industriels éclairés en quête d’idées et de produits nouveaux. Ensemble, ils vont
développer une formule qui portera ses fruits dans les années 60.
Ces changements sont surtout liés aux bouleversements économiques que l’Italie va connaître
à partir des années 50 :
La volonté de construire un nouvel état démocratique s’empara, après la chute du fascisme, de l’ensemble de la
culture italienne.
(…)
Il fallut l’industrialisation à grande échelle et le miracle économique des années 1950 pour que le design italien
parvint à une première place internationale et que dans les années 1960, il brisât la domination du design
scandinave906.
Ceci correspond bien au chapitre précédent. Ce « miracle italien » doit autant à l’abondance
d’une main-d’œuvre relativement peu coûteuse qu’à l’augmentation considérable des biens
d’équipement et de consommation.
La particularité italienne :
Bien que l’objet de ce travail ait pour thème le mobilier, force est de reconnaître que le succès
de l’Italie réside dans sa capacité à étendre le design à tous les domaines de création, qu’ils
soient artisanaux ou industriels.
La renommée de l’Italie dans le domaine du mobilier et du design n’est plus à faire. Si la
production scandinave garde la primauté pendant les années 50, les années 60 sont marquées
par l’émergence du design italien. Ce design s’est imposé peu à peu, sans l’aide de l’état,
comme l’un des plus intéressants et des plus dynamiques. Issu de petits ateliers, c’est donc un
réseau de petites et moyennes entreprises qui couvre l’ensemble du territoire italien.
L’absence d’une véritable politique nationale en matière de design permet l’émergence d’une
multitude d’expressions et donnent libres cours à des designers autodidactes. Sans entrave,
l’ouverture d’esprit et la liberté d’expression y sont hors du commun. De plus, cette création
foisonnante à su tirer profit de sa collaboration avec l’industrie sans toutefois se laisser
assujettir.
Dès la fin des années 50, l’Italie commence à rivaliser avec les pays scandinaves lors des
différentes Triennales à Milan.
Certains créateurs comme Gio Ponti, Vittorio Gregotti (1929), co-fondateur du mouvement
Néo-Liberty, Ludovico Meneghetti (1926), G. Stoppino, également membre du mouvement
Néo-Liberty, ainsi que Carlo Mollino (1905-1973) se sont déjà fait remarqués pendant les
années 50 avec leurs étonnantes créations en contreplaqué.
904 Idem., p.63 905 Idem., p.66 906 Idem., p.51-52
314
Les années 50 : Carlo Mollino (1905-1973)
Carlo Mollino (1905-1973), diplômé d’architecture de l’université de Turin en 1931, créé des
meubles en bois courbé et en métal d’une sensualité très érotique à la fin des années 40 et
pendant les années 50 (cf.vol.2, annexe 7, fig.36 à 39). Ses créations sont tout à fait
extraordinaires. Architecte, ingénieur, photographe, skieur, coureur automobile et designer,
Mollino étonne aujourd’hui encore.
Son mobilier est à la fois qualifié d’organique, d’anthropométrique, d’érotique, de baroque,
d’excentrique et de streamline surréaliste. Il fit breveter le procédé consistant à courber le
contreplaqué à basse température qui permettait ainsi de créer des meubles aux courbes en
trois dimensions. Ces meubles n’étaient toutefois pas adaptables à une fabrication en série907.
Créateur en marge du monde du design italien, ses créations témoignent d’une utilisation du
bois de façon moderne et tout à fait extraordinaire, usant de toutes les caractéristiques
techniques de flexibilité du matériau bois. Pourtant, son influence sur ses contemporains
milanais fut minime.
Bien que très originaux et parfois construits comme de véritables machines, les meubles de
Mollino se situent malgré tout dans la mouvance du design organique des années 50. En effet,
son mobilier s’inspire souvent des formes naturelles vues dans les créations de l’Art Nouveau.
Prenons l’exemple de deux meubles : une chaise en noyer datée de 1948 -1949 et créée pour
la Maison Orengo et un bureau Cavor aujourd’hui fabriqué en chêne blanchi ou chêne teinté
façon wengé et datant également de 1949 (cf.vol.2, annexe 7, fig. 39). Sa série Arabesques en
contre-plaqué courbé impressionne par l’exubérance de ses formes (cf.vol.2, annexe 7, fig. 36
et 37).
Attardons nous également sur les créations de Franco Albini (1905-1977) et notamment sur
la chaise Luisa créée pour Poggi (fabricant spécialisé dans les meubles en bois) en 1954 et
fabriquée en teck. Il allie ici matériau traditionnel (le bois) à un concept plutôt minimaliste et
moderne (cf.vol.2, annexe 7, fig.40).
De Giotto Stoppino (1926), mentionnons le fauteuil Cavour avec une assise de bois courbé,
inspiré du Jugendstil (cf.vol.2, annexe 7, fig.41).
Durant cette période, certaines entreprises de mobilier passent d’une modestes production
artisanale d’ateliers d’ébéniste à une production plus industrielle, tout en conservant une taille
modeste plus modulable en cas de changements. Le meilleur exemple est certainement la
firme Cassina, fondée en 1927 à Meda par Cesare et Umberto Cassina, qui a parfaitement su
lier tradition et modernité à travers : le siège Superleggera de Gio Ponti créé en 1957, qui en
est issu. L’importance de Cassina dans la réédition de meubles de créateurs de l’héritage
moderne fut central à cette époque (Le Corbusier, F.L. Wright, C.R. Mackintosh,
G.T.Rietveld et Gunnar Asplund), et c’est toujours le cas de nos jours.
Comme partout, les revues Domus ou Casabella, les Triennales à Milan ou le « Compasso
d’Oro » ne reflètent pas le design populaire tel qu’il se vendait au grand public.
Principalement composé de mobilier traditionnel en bois, il n’avait rien de commun avec le
design d’avant-garde présenté partout.
907 Idem., p.262-263
315
Les années 60 à 80 : L’âge d’Or du design Italien, le Post-modernisme et le
retour à l’artisanat et à la pièce unique.
Au début des années 60, une nouvelle génération de designers fait son apparition : Gae
Aulenti (1927), Rodolfo Bonetto (1929-1991), Cini Boeri (1924), Mario Bellini (1935), Afra
(1937) et Topia Scarpa (1935), et Joe Colombo (1930-1971).
A cette même période, Ettore Sottsass dessine également des meubles destinés au rangement
en contre-plaqué revêtu de plastique décoratif. C’est malgré tout son étagère qui reste la plus
connue (cf.vol.2, annexe 7, fig. 42).
Bien que nous ne retenions souvent que la forte contribution italienne pour l’introduction des
matières synthétiques (Kartell, Artemide), comme par exemple pour le Sacco produit en 1970
par Zanotta et dessiné par Gatti, Paolini et Teodora ou encore le Blow (1967) créé par
Jonathan De Pas, Donato d’Urbino et Paola Lomazzi, n’oublions pas que le mobilier en bois
plutôt traditionnel qui constituait le plus gros de la création.
Les designers précédemment cités se sont naturellement tous principalement illustrés par leur
design avant-gardiste et leur utilisation de matières nouvelles. Nous retenons toutefois
quelques réalisations en bois comme cette chaise superposable en hêtre teinté, éditée chez
Cassina en 1967 ou encore les fauteuils 892 en hêtre peint avec une assise en paille, réalisés
par Cassina en 1963. Ici, l’utilisation du bois se conjugue avec l’application de couleurs
modernes. Le tout fut dessiné par Vico Magistretti (1920-2006) (cf.vol.2, annexe 7, fig. 43 et
44)..
Le siège de Joe Colombo (1930-1971) en bois moulé, édité par Kartell en 1967 (cf.vol.2,
annexe 7, fig. 45) et le fauteuil (modèle 4801) datant de 1964, laqué et décliné en plusieurs
coloris sont également intéressants.
Les créations d’Afra (1937) et Tobia Scarpa (1935) sont également remarquables, notamment
ce superbe fauteuil en cuir rouge et bois massif réalisé en 1969 pour Knoll (cf.vol.2, annexe 7,
fig.46). Ce couple de créateurs employait fréquemment des matériaux naturels.
D’autres, comme Achille Castiglioni, utilisent en 1940 des tréteaux traditionnels ajustables en
bouleau avec un plateau en mélaminé. La table éditée chez Zanotta en est un parfait exemple
(cf.vol.2, annexe 7, fig.50).
Ces quelques exemples montrent bien qu’aucune généralité ne peut être tirée quant à la nature
des bois utilises, tant les créateurs italiens ont fait preuve de diversité et d’ouverture d’esprit
dans le choix des matériaux. On note toutefois une légère préférence pour le hêtre qui,
rappelons-le, est doté de qualités techniques exceptionnelles (grain, dureté, raideur), d’une
grande résistance et d’une forte capacité d’absorption des couleurs.
Comme nous l’avions constaté chez les créateurs français, les années 60 virent une
recrudescence de meubles alliant plusieurs matériaux, comme ce fauteuil P24 (cf.vol.2,
annexe fig. 47) créé en 1961 par Oswaldo Borsani (1911-1985), édité par Tecno et combinant
cuir, métal et bois ou ces tables basses superposables mêlant hêtre naturel et plateaux laqués
noirs. Ces tables furent dessinées par Gianfranco Frattini (1926-2004) en 1966 et éditées par
Cassina. (cf.vol.2, annexe 7, fig. 48)
Notons également cet équipement en bois peint datant de 1968, dessiné par Joe Colombo et
édité par La Linéa (cf.vol.2, annexe 7, fig. 49).
A partir du milieu des années 60 et jusqu’aux années 80, de nombreux artistes et créateurs,
italiens ou non, vont utiliser le bois et ses dérivés de façon nouvelle, c'est-à-dire très laqué ou
peint, ce qui leur permit de suivre les couleurs dictées par une mode changeante. Le rouge
316
orangé ici utilisé par Joe Colombo suit parfaitement la mode des couleurs fortes « Pop » des
années 60.
En réaction contre le fonctionnalisme, quelques designers tels que Gae Aulenti (1927),
Roberto Gabetti (1925-2000), Aimaro Isola (1928) et Aldo Rossi (1931-1997) se regroupent
pour fonder le style Neo-Liberty, en référence au Liberty du début du siècle. Bien que ce
mouvement n’ait été qu’éphémère, il eut au moins le mérite d’avoir été le premier à remettre
en question un style jusque-là incontournable. L’un des exemples de création Néo-Liberty est
le fauteuil Cavour de Vittorio Gregotti (1927), Ludovico Meneghetti (1927) et Giotto
Stoppino (1926).
Bientôt c’est la notion même de design qui est remise en cause. Son objectif social ayant
échoué, certains designers iront jusqu'à mettre en doute son utilité.
Les années 60 sont marquées par la naissance de la société de consommation et par
l’explosion des courants artistiques, notamment dans le domaine du mobilier et du design.
Aujourd’hui nous en retenons surtout l’expansion du mobilier en plastique et en matières
synthétiques.
A partir de 1963, l’économie italienne sombre dans une crise qui ébranle la société et met de
nouveau en cause la dimension sociale de la création.
C’est dans ce concept qu’émerge le mouvement d’Architettura radicale, dont une des
ramifications était le Radical Design, caractérisé par le rejet du design fonctionnel et par la
fomentation de projets utopiques qui ne virent jamais le jour. Ces jeunes créateurs s’inspirent
de créations étrangères comme l’« Archigram » anglais et de courants artistiques en vogue
comme le Pop Art, l’Arte povera ainsi que le Concept Art. Durant les années 70, le
mouvement sera suivi par d’autres regroupements tels que le bureau d’étude Alchimia, fondée
en 1976 à Milan, ainsi que le groupe Memphis, fondé en 1981.
En 1973, malgré le choc pétrolier qui aurait pu durement affecter une création basée sur
l’utilisation de matières synthétiques et le plastique, le design italien s’en sort plutôt bien.
Cette réussite réside dans son organisation en petits ateliers et en petites structures
industrielles plus aptes à changer de production rapidement et dans la grande créativité des
designers italiens.
Le choix des matériaux utilisés semble assez difficile à déterminer car la force de création des
designers italiens réside dans leur faculté à exploiter des matériaux très variés en fonction du
meuble créé.
Le créateur Ettore Sottsass jr (1917) en est un bon exemple. Bien que n’ayant appartenu à
aucune école, il eut pourtant une influence considérable sur la génération suivante. Il se fit
principalement connaître auprès du grand public pour sa collaboration avec Olivetti pendant
les années 50 mais il nous intéresse davantage ici pour ses meubles créés entre 1964 et 1970
pour Poltronova. En effet, ceux-ci se détachaient des murs pour devenir des sculptures
utilitaires au centre de la pièce.
Si ces meubles étaient faits de bois naturel, comme cette commode en noyer (cf.vol.2, annexe
7, fig.51) datant de 1965, avec des parties saillantes qu’il couvrait par la suite de plaques de
lamifié décoratif aux couleurs vives, ce qui lui permettait de travailler encore plus la couleur
et l’aspect décoratif. Rattaché au mouvement Italien du Radical Design, Ettore Sottsass est
parmi les premiers à privilégier le côté symbolique du design et à créer ainsi un lien entre
l’ancienne génération et la nouvelle des années 70 et 80. Il participe en 1972 à l’exposition du
MOMA à New York consacrée au design italien et fonda en 1981 le mouvement Memphis.
317
Chez Magistretti, notre attention est attirée par la chaise Carimat créée en 1963 pour Cassina
(cf.vol.2, annexe 7, fig.44), avec une structure en bois et une assise en paille de jonc. Cette
chaise, ou l’on discerne une certaine influence scandinave, est présente dans le monde entier
et est devenue depuis une icône des années 60.
Penny Sparke dit d’Ettore Sottsass :
Le dogme moderniste selon lequel le design peut déterminer le comportement et le mode de vie, et véhiculer des
idéologies lui fait horreur908.
La société de consommation, le Pop Art et la mise en question du modernisme:
Par le volume de leur production, par leur puissance financière soutenue par le rayonnement mondial du dollar,
par l’attrait qu’exerce l’Américan Way of Life synonyme de revenu individuel élevé et de consommation
abondante, les Etats-Unis restent bien l’économie dominante en même temps que la vitrine du capitalisme909.
Le mobilier « pop » et la société de consommation :
Pendant les années 50, le Plan Marshall et la reprise économique incitent l’Europe à adopter
un mode de consommation à l’américaine.
La volonté de démocratisation portée par les premiers modernistes n’a plus lieu d’être dans
les années 60, le design aspire désormais à une dimension symbolique.
Le milieu des années 60 est donc le théâtre de bouleversements au sein de la création. Le
rajeunissement des consommateurs amène l’esthétique pop à privilégier le consommable,
l’amusant, l’éphémère et le jetable. Le design puise désormais son inspiration dans la culture
populaire. Loin de satisfaire à ces critères, le modernisme disparaît progressivement et donne
naissance à la tendance postmoderne dans les années 80.
Certains voient en la Biennale de Venise de 1964 l’apparition des premières manifestations du
Pop Design. Alors qu’en Angleterre ce mouvement naît de l’émergence d’un nouveau
marché, il est en Italie le fruit d’une coalition de groupes avant-gardistes, notamment
radicaux, luttant contre le modernisme :
Ce mouvement global se fait appeler anti-design et reprend activement à son compte les valeurs délaissées par
le modernisme, tels l’ironie, le kitsch et la notion d’éphémère910.
Le Pop Art va d’abord offrir aux créateurs une plus grande liberté dans le choix des
matériaux, des formes et des couleurs.
Une remarque alors une simplification des formes, les cercles, demi-cercles ou quart de
siècles sont associés à des lignes droites. Un esprit géométrique dirige souvent ce mobilier
constitué d’aggloméré (fibres ou panneaux) ou de contre-plaqué.
Le recours à la couleur se systématise. Sous les teintes fortes caractéristiques de la nouvelle
culture pop, on trouve fréquemment du bois indigène de moindre qualité (cf la Fourmi d’Arne
Jacobsen, utilisant du frêne) ou différents dérivés du bois en panneaux (panneaux en fibres, en
particules ou en contreplaqué), particulièrement adaptés aux meubles peints. Cette fréquente
908 Sparke, 100 ans de design, op. cit., p.217 909 Neumann, Dictionnaire du design: Italie, op. cit.., p.211 910Sparke, 100 ans de design, op. cit., p.222
318
utilisation des panneaux remet en cause la notion de mobilier « naturel » en bois massif
jusque-là en vigueur.
Si le Pop Art est considéré comme une satire de la consommation, son design est une remise
en question du modèle fonctionnaliste.
Les années 60, années « Pop » ou années « Plastique », introduisent le mobilier à ras du sol,
les couleurs voyants et les formes extravagantes. Loin du Bauhaus des années 30 et du
fonctionnalisme, on l’est alors tout autant du mobilier scandinave « naturel » en bois aux
formes « sages ». Dorénavant, les matières synthétiques telle la mousse de polyuréthane
occupe une place importante dans le design radical.
Largement inspirés par le mode de vie à l’américaine, la culture et le mouvement pop voient
le jour en Angleterre, avec le groupe anglais des indépendants (Reyner Banham, James
Stirling, Alison et Peter Smithson, Edouardo Paolozzi et Richard Hamilton) et s’étendent
rapidement à toute l’Europe.
La soudaine croissance de la consommation entraîne l’expansion de l’offre. Désormais, un
vaste choix est proposé au client, quelque soit sa classe sociale.
C’est la naissance des cuisines à revêtement Formica et du mobilier de rangement utilisant les
nouveaux dérivés du bois, comme les panneaux en fibres de bois ou de particules.
La remise en question du design fonctionnaliste et « moderne » par les créateurs radicaux, est
activement représentée par deux groupes italiens : Alchimia, fondée en 1976, et Memphis créé
en 1981.
Ce remaniement concerne également le choix des matériaux. Le bois massif est remplacé
d’abord par les matières plastiques et synthétiques, ce qui permet d’obtenir des formes
« utopiques », voire étranges. C’est également le début du grand succès des matériaux dérivés
du bois, comme les panneaux en fibres et en particules, seyant parfaitement aux formes
anguleuses et à l’application de revêtements comme le stratifié, le mélaminé, le PVC et
papier, aux couleurs et aux motifs variés. Très éloignés du modèle fonctionnaliste et
moderniste d’autrefois, ces nouveaux meubles remettent également en cause le dogme
fonctionnel du modernisme : « la forme suit la fonction » (cf.vol.2, annexe 7, fig. 42 et fig.
54).
A la fin des années soixante, l’anti-modernisme, devenu un concept international, fait place à
celui de post-modernisme.
Bousculant les traditions et les convenances, la création italienne se montre particulièrement
inventive. Il n’en est pourtant pas de même dans les autres pays européens. En effet, la
Scandinavie tout comme la France restent très attachés au mobilier en bois massif, les
créations Pop ou synthétiques étant considérées comme des éléments marginaux (cf. : les
créations du danois Verner Panton ou des français Olivier Mourgue et Pierre Paulin).
319
Conclusion :
La création mobilière italienne étant plus que diversifiée, la matière bois devant le plus
souvent être importé, il semble difficile, voire infondé, de conclure à une quelconque
suprématie du mobilier en bois dans ce pays au cours du 20ème siècle. Les créateurs italiens
sont nombreux et arborent chacun des styles et des matériaux différents sans exclusive
aucune : bois massif, dérivés du bois, plastique, mousse etc. Souvent considérée comme
avant-gardiste, la création italienne est néanmoins parvenue à détrôner le mobilier scandinave
à partir du milieu des années 50. Précurseurs pendant les années 60 et 70, la qualité et
l’inventivité dont fait preuve la création italienne la placent encore en tête aujourd’hui.
L’Espagne et le Portugal
Nous avons délibérément choisi de ne pas inclure l’Espagne et le Portugal dans notre étude en
raison des difficultés d’accès aux données, la période franquiste ayant considérablement
masqué, voire étouffé, la création d’après-guerre.
320
CONCLUSION
Le bois accompagne notre quotidien, il est présent dans la nature, l’histoire, la littérature, la
poésie, la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture et bien entendu l’ameublement.
Nos recherches nous ont amenés à constater l’importance du mobilier en bois dans la tradition
mobilière européenne.
La thématique du design plastique et métallique ayant été largement exploitée dans la
littérature du 20ème siècle, nous nous sommes alors interrogés sur la place occupée par le bois
dans les foyers européens au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, face à l’essor de ces
nouveaux matériaux.
L’omniprésence des matériaux bois dans l’ameublement étant avérée, elle est au cœur de
notre étude. Nombre d’ouvrages spécialisés de l’époque affirme que la suprématie du bois
avant 1900-1910 s’est trouve menacée par l’avènement du mouvement moderne.
Nous avons donc cherché à savoir ce qu’il en était des années 40 à 70 et si l’hégémonie du
bois avait alors connu sa fin. Nos recherches nous ont prouves qu’il n’en était rien et qu’au
contraire, le bois jouait toujours un rôle majeur dans la création mobilière européenne. La
consultation des revues de décoration, de design et d’ameublement de la période 1945-80
témoigne bien de cette tendance. Celles-ci ont d’ailleurs été notre principal outil de travail
puisqu’elles reflètent parfaitement l’évolution des modes et du goût des consommateurs.
Le mobilier est en effet, comme tout objet de consommation, soumis à des effets de mode.
Ces modes qui permettent d’expliquer en grande partie certains pics dans l’utilisation du bois
dans l’ameublement.
Nous avons délibérément choisi de nous concentrer sur un nombre restreint de pays
européens. Chacun d’eux a été sélectionné selon ses spécificités mobilières.
Nos recherches ont été concentrées autour de la période 1940-1980, ce qui nous a permis de
conserver le recul nécessaire à toute analyse. De même, nous avons choisi de consacrer à
chacun de ces pays une large part à l’historique de leur tradition mobilière dans la mesure où
celle-ci influence incontestablement les créations à venir.
Les limites chronologiques et géographiques ont été difficiles à définir. La tentation d’étendre
l’étude au monde entier et jusqu'à nos jours a été grande. Malheureusement, toute volonté
d’exhaustivité aurait rendu l’analyse superficielle.
Depuis les années 80, la mondialisation des styles et des créateurs rend extrêmement difficile
l’attribution d’un style propre à chaque pays. La tendance actuelle des grands designers à
travailler pour plusieurs entreprises à la fois, dans des pays différents, rend la tache encore
plus ardue. Les designers Starck, Jasper Morrison et Konstantin Grcic en sont de bons
exemples. De la même façon, ils se cantonnent de moins en moins au travail d’un matériau
unique, ce qui était le cas a l’époque qui nous intéresse.
Si notre souhait a, dans un premier temps, été de travailler sur la création mondiale, nous nous
sommes rapidement rendu compte de la complexité de la tâche. Le choix a donc ensuite
consisté à établir des zones géographiques et écologiques comprenant l’Europe du Nord,
l’Europe Centrale (de l’Ouest) et l’Europe du Sud. L’accent a été mis sur les différences
d’interprétation entre la France et la Scandinavie (en particulier le Danemark), deux pays qui,
chacun à leur manière, sont représentatifs d’une certaine vision du mobilier en bois. D’un
côté, le Danemark, baigné dans une vieille tradition d’ébénisterie et de création mobilière en
bois qu’il a muté avec brio en un design d’avant-garde dès la fin de la Seconde Guerre
mondiale. De l’autre, la France, également détentrice d’une longue tradition dans le domaine
321
de l’ébénisterie et du mobilier en bois mais qui se révèle plus ouverte à l’usage d’autres
matériaux. Il nous a également semblé intéressant de mettre en parallèle deux pays aux
échelles bien différentes : le Danemark, petit pays et faible producteur de bois face à la
France, grand pays et l’un des premiers producteurs de bois européens. Pour l’Europe du
Nord, nous avons retenu la Suède et la Finlande dans notre étude, tous deux grands
producteurs de bois et de mobilier en bois. Pour la zone de l’Europe Centrale de l’Ouest, nous
nous sommes intéressés à l’Allemagne, grand producteur de mobilier, ainsi que à la Grande-
Bretagne, outsider du marché du mobilier. Enfin, l’Europe du Sud est représente par l’Italie,
incontestable leader européen du design, bien que n’ayant très peu de ressources de bois
propres. Ces sept pays ont donc été sélectionnés pour leur rôle joué dans le monde du design
et de l’ameublement au cours de la période étudiée et pour les différents points de vue qu’ils
incarnent. Nous avons toutefois pris la liberté de prendre quelques exemples à l’extérieur de
cette zone.
L’établissement de zones écologiques a permis de comprendre et de comparer les diverses
traditions mobilières. Constatons-t-on nous des similitudes, des divergences ou une uniformité
au sein du mobilier en bois au sein de l’Europe ? La possession de larges ressources
forestières engendre-t-elle toujours une grande production mobilière en bois ? Et par voie de
conséquence, les petits pays ou ceux à faibles ressources forestières, telles que le Danemark,
la Grande-Bretagne ou l’Italie, sont-ils des petits producteurs de mobilier en bois ? La réponse
est non. L’ampleur du mobilier en bois et la diversité des essences utilisées reposent en
grande partie sur l’habilité du pays à importer. Nous nous sommes également demandé si un
pays petit producteur de bois était plus enclin à l’utilisation des dérivés du bois au dépend du
bois massif. Encore une fois la réponse est non. Des pays comme le Danemark et l’Italie,
grands utilisateurs de dérivés du bois, sont de petits producteurs de bois tandis que
l’Allemagne, grand producteur, est également grand producteur et utilisateur des différents
dérivés. En revanche, l’Angleterre a très peu de ressources forestières propres mais son
consommateur privilégie pourtant le mobilier en bois massif. Même phénomène en France
néanmoins grand producteur de bois.
Se limiter à l’étude du mobilier en France aurait grandement facilité notre travail de
recherche. Pourtant, il nous aurait paru réducteur de séparer la création mobilière française en
bois de son contexte européen. Bien que la France occupe une place de premier choix grâce à
ces ressources forestières et sa production mobilière, il ne faut tout de même pas oublier
qu’après la seconde Guerre Mondiale, la création mobilière française n’a pas toujours fait
l’admiration de tous. Elle était, au contraire, souvent décriée pour son apparent manque
d’originalité au regard de pays plus novateurs tels que les pays scandinaves, la Grande-
Bretagne, l’Italie ou les Etats-Unis. Ces faits nous ont donc pousse à étendre notre étude à
plusieurs pays de l’Europe, permettant ainsi d’acquérir plus de données et rendre l’analyse
plus pertinente.
Si nous ne prétendions nullement atteindre l’exhaustivité du champ géographique ou
chronologique étudié, notre intention était clairement d’offrir une lecture différente basée sur
un matériau à une période donnée.
Nous avons proposé une lecture nouvelle de la création mobilière du milieu du 20ème siècle
centrée autour d’un matériau unique. Il s’agit d’une démarche unique dans le sens ou nombre
d’études antérieures se sont appuyées sur la seule chronologie des réalisations ou sur le travail
d’un créateur isolé. Pour plus de lisibilité, la présentation chronologique a été privilégiée et
l’étude approfondie du matériau, des différentes essences de bois ainsi que des divers aspects
322
techniques et usages en premier partie s’est avérée indispensable. Elle permet en effet
d’éclairer les raisons pour lesquelles les dérivés du bois sont de plus en plus préfères au bois
massif. Ce phénomène, apparu au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, tirant parti des
qualités techniques de ces matériaux et de leur moindre coût, toucha le grand public.
Aujourd’hui encore ces dérivés du bois véhiculent une image moins noble que le bois massif,
surtout en France. Il est d’ailleurs très intéressant de noter que cette perception varie en
fonction des cultures. Ainsi au Danemark, la plupart des dérivés du bois sont aujourd’hui
considérés comme des matériaux de haute technologie, synonyme de modernité, tandis que le
bois massif, plus dépassé, ne trouve écho qu’auprès des générations antérieures. En revanche,
en France, le bois massif est perçu comme un matériau noble, gage de qualité, alors que ses
dérivés sont assimiles par la plupart des français à un second choix, voire bas de gamme.
On le voit, le mobilier est constamment influencé par les effets de mode. Ceux-ci expliquent
la préférence pour le bois clair ou fonce selon la période, pour le chêne au pin, pour le bois
naturel ou ciré au bois peint, etc. Le symbolisme inhérent au bois est également un facteur
déterminant. En effet, nous oublions trop souvent à quel point notre sensibilité dirige nos
choix de meubles ou de matériau.
Nous avons choisi de séparer la partie « technique » de la partie consacrée au mobilier
proprement dit par souci de clarté. En effet, le design d’un objet ou d’un meuble ne peut
aucunement se limiter à l’analyse de sa forme ou de sa fonction, le choix du matériau
conditionnant inévitablement la forme de l’objet. Le matériau fait partie intégrante du
processus de création et de la réflexion menée par le créateur. L’intermède entre les deux
parties a pour but d’attirer l’attention du lecteur sur l’omniprésence du bois dans notre société
et sur nos sensibilités.
L’étude des zones géographiques et écologiques nous a permis de réaliser la diversité des
climats et par conséquent des forets et des essences au sein de l’Europe. Nous avons mis en
avant l’importance des essences conifères en Europe du Nord et la très grande diversité des
forêts en France. Nous avons également noté la relative pénurie de bois dans des pays comme
la Grande-Bretagne ou le Danemark pourtant grands producteurs de mobilier en bois.
L’étendue des forêts en Allemagne est également à retenir.
La richesse de la République Tchèque, de la Pologne et de la Roumanie en matière de
ressources forestières explique les nombreuses et récentes délocalisations des industries du
bois et du meuble.
Quant à l’Europe du Sud, retenons surtout le cas de l’Italie, étonnamment grand producteur de
mobilier bien que petit producteur de bois. Elle est par conséquent un des plus grands
importateurs de bois.
Par ailleurs, nous avons relève que la classification des essences de bois repose non seulement
sur son aspect extérieur mais également sur des critères botaniques, de provenance, de
disponibilité, de prix et d’usage.
L’étude des quelques essences les plus représentatives à travers les âges montre l’influence
des effets de mode et de disponibilité. En France au 18ème siècle, la préférence allait aux bois
indigènes, peu coûteux, pour le mobilier provincial alors que la clientèle aristocratique leur
préférait les bois exotiques ou « bois des îles »: l’acajou sous Louis XVI, les bois clairs sous
Louis-Philippe, les bois indigènes au 19ème siècle avec l’Art Nouveau. Les bois précieux font
leur grand retour avec l’Art Déco et chez une partie des créateurs des années 30. Après la
guerre, on note en France un net penchant pour les bois indigènes, en particulier le chêne, et
323
pour les différents pins pendant les années 70. En Scandinavie, le pin, le hêtre, le frêne et
surtout le bouleau sont plébiscités par les consommateurs. Pendant la période 1950-70, le
Danemark s’illustrera par son recours au teck qui, fait amusant, n’est pourtant pas une essence
scandinave.
En plus du choix de l’essence, la création d’un meuble dépend également des outils et
machines employés.
Nous nous sommes donc penchés sur le processus de transformation qui suit l’abattage en
forêt afin de mieux appréhender le mobilier en bois.
L’étude des différents dérivés du bois, leur fabrication ainsi que leurs caractéristiques et
qualités techniques permet d’expliquer l’engouement qu’ils ont suscité après guerre. Nous
avons déjà souligné que les dérivés du bois présentent des avantages à la fois techniques et
financiers puisqu’ils sont souvent bien moins chers que le bois massif.
L’importance de la partie consacrée à l’étude du bois, les différentes essences, sa
transformation et ses dérivés ainsi qu’à l’étendue de la forêt à travers l’Europe se justifie
pleinement. En effet, le lecteur comprendra aisément qu’il était impossible de parler du
mobilier en bois sans aborder l’étendue et l’évolution du matériau lui-même. Ainsi, n’est-il
pas essentiel de comprendre que si le mobilier en pin et en bouleau a fait la notoriété des pays
scandinaves c’est justement en raison de l’abondance de ses essences en Suède et en
Finlande ? Et que la France explique de la même façon son mobilier en chêne ? Ne serait-ce là
qu’une coïncidence ? Il est évident que non, la France ayant une longue tradition de mobilier
en chêne liée à la présence de cette essence en grandes proportions.
Le design scandinave a marqué toute la période allant de l’après-guerre jusqu’au milieu des
années 60 voire au début des années 70. Encore aujourd’hui, les designers scandinaves
comme A. Aalto, H.J. Wegner, F. Juhl et A. Jacobsen jouissent d’une renommée
internationale. Au niveau du grand public, IKEA a su s’imposer en tant que leader européen
de la fabrication de mobilier.
Le bois occupe la première place dans la production mobilière scandinave. Notons tout de
même que cette production n’est pas cloisonnée à un pays. Ainsi, la Finlande et la Suède,
grands producteurs de bois, utilisent une grande partie de leurs essences indigènes (pin,
bouleau, hêtre et frêne) tandis que le Danemark, petit producteur de bois, et par conséquent
importateur, se diversifie beaucoup : teck, acajou, bois de rose, hêtre, pin et frêne. Le choix de
l’essence est souvent dicte par les formes que le créateur veut obtenir : on peut le voir chez A.
Aalto, B. Mathsson et chez A. Jacobsen. Les qualités techniques du bouleau, du frêne et du
hêtre encouragent les formes organiques et courbées. Le Danemark étant petit producteur de
bois, il jouit d’une plus grande liberté puisque ses essences sont issues de l’importation. Il est
amusant de constater que le Danemark s’est surtout fait connaître après-guerre pour son
mobilier en bois de teck alors qu’il s’agit d’une essence exotique exclusivement importée
d’Asie. Il paraît donc clair que l’ampleur du mobilier d’un pays n’est pas seulement lié à sa
production de bois mais bien aussi à sa faculté d’importations. C’est le cas en Grande-
Bretagne, au Danemark et surtout en Italie.
Comme le Danemark, la Grande-Bretagne importe la majorité du bois dont elle a besoin et
reste cependant très attachée au mobilier en bois. Cet attachement, en particulier au noyer et
au chêne, trouve ses racines dans une longue tradition d’ébénisterie et dans le mouvement des
Arts and Crafts.
324
L’Allemagne est également un cas intéressant. Grand producteur, exportateur et importateur
de bois, elle a une vieille tradition pour le design. L’Allemagne a également été un précurseur
en Europe pour le développement, la production et l’utilisation de différents dérivés du bois.
Apres avoir été fortement influencé par le design scandinave durant les années 50-60, le
mobilier allemand y reste aujourd’hui encore très réceptif (l’Allemagne est le 1er importateur
des exportations danoises).
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne, la Grande Bretagne mais aussi la
France ont été profondément marqués par cette production scandinave.
La France a été largement mise en avant dans notre travail en raison de l’importance des ses
productions de bois, de dérives de bois et bien sur de mobilier. L’exemple de la France est
intéressant puisque sa tradition d’ébénisterie française et son attachement au bois ont perdure
à travers les siècles.
Sa position centrale au sein de l’Europe et la diversité de ses climats ont produit des forets
dont l’étendue est unique : l’ensemble de la sous-région Europe Centrale détient 196 millions
d’hectares de forêt, la France à elle seule en représente 30 %.
Bien que la famille des feuillus dominent en France, les forêts sont néanmoins très diverses.
Dans la partie occidentale et centrale de la France, on trouve essentiellement des forêts de
feuillus (hêtres et chênes). A l’Est, dans les Alpes et les Pyrénées, ce sont les conifères qui
prédominent (épicéa, sapin, souvent mélangé à du hêtre). Dans le Sud-ouest (les Landes),
s’étend la grande forêt de conifères à base de pin maritime. Enfin au Sud, pins et chênes sont
majoritaires. Cette richesse explique en grande partie l’importance qu’a pu prendre le mobilier
en bois en France.
A l’image de ses forets, le mobilier en bois français couvrant la période 1945-1980 est très
diversifiée.
Avec les pays scandinaves, la France est certainement le pays qui a su exploiter ses ressources
forestières au mieux, tout en se procurant d’autres essences disponibles par le biais des
importations.
Les français, attachés à l’ébénisterie et au mobilier en bois par tradition, ont toujours été plus
sensibles au bois pour la chaleur et le naturel qu’il dégage qu’aux autres matériaux, qu’ils
soient plastique, fer ou verre.
Après la Seconde Guerre mondiale, une distinction s’établit entre « Anciens » et
« Modernes ». Celle-ci ne remet cependant nullement en cause l’utilisation du bois, elle
s’exprime davantage dans le choix des essences employées. Les « Anciens », défenseurs de la
tradition d’ébénisterie française, préfèrent utiliser les essences exotiques : acajou, bois de rose
et de violette, sycomore etc. tandis que les « Modernes » lui préfèrent la plupart du temps les
essences indigènes comme le chêne, le frêne, le châtaignier, le noyer etc.
La France est également touchée par la vague scandinave qui traverse l’Europe et les Etats-
Unis de l’après-guerre jusqu’à la fin des années 60.
Depuis les années 40/50 et jusqu'à la fin des années 60, la France suit une triple influence.
Elle se manifeste en effet à travers Ies importations de mobilier scandinave (provenant
principalement du Danemark et de la Suède) et à travers la discrète introduction des formes
douces et organiques issues des pays nordiques dans la création française. Progressivement,
les créateurs vont traiter le bois autrement, s’attarder sur des petits détails comme
l’assemblage et opérer une finition plus naturelle, sans pour autant copier ouvertement les
créations scandinaves. En s’inspirant du mobilier scandinave, et surtout danois, les créateurs
et designers français ne vont pas pour autant utiliser les mêmes essences de bois. Le mobilier
finlandais est surtout compose de bouleau, le suédois de pin et de hêtre, le mobilier danois de
325
teck et d’essences plus claires comme le hêtre. Les français continueront eux à utiliser les
essences indigènes françaises : le chêne, le frêne, le pin des Landes etc.
Les pays nordiques, notamment le Danemark, sont ainsi très habilement parvenus à exporter
leur design et leur mobilier dans toute l’Europe, en particulier en Grande-Bretagne, en
Allemagne et en France. Cela a été rendu possible grâce à l’établissement d’un réseau
inondant chaque pays d’une propagande efficace. Ce réseau, judicieusement tissé autour des
ambassades et des maisons culturelles, permit d’entretenir un lien avec les musées et les
journalistes de revues orientées vers du design et de la décoration. Nos recherches ont montre
que cette implantation commerciale savamment orchestrée était basée sur le mythe de
l’artisanat scandinave et de son matériau de prédilection: le bois.
Le sociologue B. Cathelat explique que, des années 60 aux années 80, la France va se tourner
vers ses traditions et notamment vers le mobilier ancien, d’imitation ancien ou régional pour
retrouver ses repères face à des changements de sociétés radicaux. Les magazines de
décoration de l’époque témoignent d’ailleurs de cette résurgence du mobilier en bois dans les
foyers.
L’aspect chaleureux et rassurant du bois séduit le consommateur en proie à une époque
politiquement ou économiquement instable. Le phénomène se répète en ce début de 21ème
siècle. Notre société ressent le besoin de retrouver un foyer calme et chaleureux, décoré de
bois, afin de faire face à toutes les agressions extérieures. De plus, le mobilier en bois est en
totale adéquation avec les récentes prises de conscience écologique des consommateurs.
Nous avons terminé notre étude par l’Italie. La création mobilière italienne étant plus que
diversifiée, il semble difficile de conclure à la une dominante bois au cours du 20ème siècle.
Les créateurs italiens sont nombreux et arborent chacun des styles et des matériaux
différents : bois massif, dérivés du bois, plastique, mousse etc. Souvent cataloguée avant-
gardiste, la création italienne est pourtant parvenue à détrôner le mobilier scandinave à partir
du milieu des années 50. Les partisans italiens du groupe Memphis ont parfaitement su
introduire les différents dérivés du bois dans leurs créations d’avant-garde. Précurseurs dans
les années 60/70, la qualité et l’inventivité italienne font encore impression aujourd’hui.
Nous avons termine par l’Italie et les années 70 puisque la situation change à partir des années
80. Non pas que le mobilier en bois ait perdu de son importance, loin de là, mais il devient
ensuite extrêmement difficile de catégoriser la création de chaque pays. Terminer par les
années 70 nous a ainsi permis de garantir le recul nécessaire à toute analyse.
Le créateur français Starck incarne bien le changement qui s’opère à partir des années 80.
Créateur indépendant à l’envergure internationale, il travaille tous les matériaux et tous les
styles, ce qui rend délicat toute tentative catégorisation. Comme tout autre domaine, la
création est entraînée dans la mondialisation.
Malgré tout, la consultation des magazines de design et de décoration de cette année nous
prouve que le mobilier en bois est toujours bien présent. Les designers actuels ne sont
désormais plus attachés à un seul matériau, ils multiplient les expériences. L’alliage de
plusieurs est également une tendance actuelle. Nous en trouvons les plus beaux exemples en
326
Italie : chez LaPalma911, au Danemark chez Gubi912, ou en France (Ligne Roset913, Roche-
Bobois914, le distributeur Silvera915 etc.).
En Scandinavie, les jeunes créateurs restent très attachés au bois. Les expositions « Planken
ud » et « Planken ud II » orchestrées par la jeune designer danoise Louise Campbell,
traduisent tout à fait cet état esprit. De même, nous pouvons actuellement admirer au Musée
des Arts Décoratifs à Paris, une exposition consacrée au design finlandais intitulée
« Promenons-nous dans le bois… ».
De plus, en feuilletant des magazines de décoration comme Domus, Design ou Intramuros, on
s’aperçoit très vite que le mobilier en bois est encore très présent et le restera certainement de
nombreuses années.
Les grandes maisons italiennes de design comme Cappellini916, B&B Italia917, Cassina918,
Alias919, De Padova920, Moroso921, Montina922, LaPalma, Zanotta923 consacrent maintenant
autant d’espace au bois qu’aux autres matériaux. Les meubles de l’anglais Jasper Morrison
pour Cappellini en sont l’illustration.
Ces meubles de très haute gamme sont bien évidemment destinés à une clientèle fortunée ou
prête à débourser des montants importants. La tendance est pourtant la même du côté des
fabricants et distributeurs d’entrée et moyenne gamme. De fait, chez Fly924, Conforama925,
Ikea926, Roche-Bobois927, AMPM928 (meubles et décoration par la Redoute) ou Habitat929, le
mobilier en bois est le plus plébiscité par le consommateur. A l’instar d’Ikea, la plupart des
vendeurs de meubles propose désormais au client de choisir lui-même le matériau ou le bois
dans lequel il souhaite son siège, son fauteuil, sa table, son meuble de rangement ou son
étagère, démarche qui satisfait donc pleinement le goût de tous les consommateurs.
En Scandinavie, les fabricants Gubi930, Fredericia Furniture931, Ikea, Bo Concept932, Fritz
Hansen933 ou Swedese934 perpétuent la tradition du mobilier en bois.
911 www.lapalma.it 912 www.gubi.dk 913 www.ligneroset.fr 914 www.rochebobois.com 915 www.silvera.fr 916 www.cappellini.it 917 www.bebitalia.it 918 www.cassina.com 919 www.aliasdesign.it 920 www.depadova.it 921 www.moroso.it 922 www.montina.it 923 www.zanotta.it 924 www.fly.fr 925 www.conforama.fr 926 www.ikea.com 927 www.rochebobois.com 928 www.laredoute.fr 929 www.habitat.fr 930 www.gubi.dk 931 www.fredericia.com 932 www.boconcept.dk 933 www.fritzhansen.com 934 www.swedese.se
327
En Allemagne, Thonet935 continue sa production en bois et fait pour cela appel à des designers
internationaux qui renouvellent sans cesse le design en bois. Nils Holger Moormann en est un
bon exemple. Depuis 1982, il produit des meubles en bois imagines par la jeune génération de
créateur allemande936 et symbolise donc bien ces entreprises qui, tournées vers la nouveauté,
conservent néanmoins le matériau bois comme support.
Qu’en sera-t-il demain? On peut aisément imaginer que le bois va à nouveau accroître la place
qu’il occupe dans nos intérieurs. Les récentes crises pétrolières, économiques ainsi que l’essor
des nouvelles préoccupations écologiques semblent en effet aller dans ce sens.
Créateurs et entrepreneurs sont désormais conscients des enjeux écologiques et de l’impact
qu’ont ceux-ci sur le comportement d’achat des consommateurs, ce qui explique la montée en
puissance de l’éco-conception et la traçabilité.
935 www.thonet.de 936 www.moormann.de
328
Table des matières
REMERCIEMENT ............................................................................................................................................... 3
SOMMAIRE .......................................................................................................................................................... 5
INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 6
APERÇU HISTORIQUE ........................................................................................................................................... 6 CHOIX DU SUJET .................................................................................................................................................. 6 PROBLEMATIQUE : APPROCHE TECHNOLOGIQUE : UNE AUTRE FAÇON D’ABORDER LE MOBILIER. ....................... 7 OBJECTIFS ET METHODE (LE CHOIX DU SUJET ET DE LA PERIODE). ...................................................................... 8 LIMITES DE L’ETUDE, QUESTIONS CHRONOLOGIQUES; JUSTIFICATION DU CORPUS ............................................ 10 LA LITTERATURE EXISTANTE : ETAT DE LA RECHERCHE ................................................................................... 10 LES SOURCES (LES OUTILS DE RECHERCHE RETENUS)........................................................................................ 11 LES PRINCIPAUX AXES DE L’ETUDE, DIRECTION DE L ‘ETUDE ............................................................................ 12
CHAPITRE 1....................................................................................................................................................... 14
LE BOIS, SES DERIVES, SES TECHNIQUES, SA PERCEPTION : DE LA FORET A LA PLANCHE 14
LA FORET EN EUROPE (ZONES GEOGRAPHIQUES/ZONES ECOLOGIQUES) ............................................................ 15 DEFINITION DES ZONES GEOGRAPHIQUES ET ECOLOGIQUES ...................................................... 15
ZONES GEOGRAPHIQUES EN EUROPE ............................................................................................................ 16 ZONES ECOLOGIQUES EN EUROPE .................................................................................................................. 17
Forêt subtropicale sèche ...................................................................................................................................... 17 Forêt subtropicale de montagne........................................................................................................................... 17 Foret tempérée océanique .................................................................................................................................... 18 La forêt tempérée continentale ............................................................................................................................ 18 Systèmes montagneux tempérés .......................................................................................................................... 19 Forêt boréale de conifères ................................................................................................................................... 20 Toundra boréale boisée ....................................................................................................................................... 21 Systèmes montagneux boréaux ........................................................................................................................... 21
EUROPE DU NORD ............................................................................................................................................... 23 Introduction (pays nordiques et pays baltes) ....................................................................................................... 23 Ressources forestières ......................................................................................................................................... 23 Aménagement et utilisation de la forêt ................................................................................................................ 24 Conclusion et perspectives .................................................................................................................................. 24
EUROPE CENTRALE ............................................................................................................................................. 26 Introduction ......................................................................................................................................................... 26 Ressources forestières ......................................................................................................................................... 26 Aménagement et utilisation de la forêt ................................................................................................................ 29 Conclusion et perspectives .................................................................................................................................. 30
EUROPE DU SUD ................................................................................................................................................... 31 Introduction ......................................................................................................................................................... 31 Ressources forestières ......................................................................................................................................... 31 Aménagement et utilisation de la forêt ................................................................................................................ 33 Conclusion et perspectives .................................................................................................................................. 33
BELARUS, REPUBLIQUE DE MOLDAVIE, FEDERATION DE RUSSIE ET UKRAINE ................................. 34 Introduction ......................................................................................................................................................... 34 Ressources forestières ......................................................................................................................................... 34 Aménagement et utilisation de la forêt ................................................................................................................ 35 Conclusion et perspectives .................................................................................................................................. 36
LES ESPECES : LE BOIS, SA COMPOSITION, SON ASPECT, SA PROVENANCE ................................. 37 LA COMPOSITION DU BOIS..................................................................................................................... 37
Introduction .............................................................................................................................................................. 37 Provenance ............................................................................................................................................................... 37 Composition chimique du bois ................................................................................................................................. 38 Elaboration du bois ................................................................................................................................................... 39 Les gymnospermes et les angiospermes .................................................................................................................. 40 Les singularités et altérations du bois ....................................................................................................................... 40
LA CLASSIFICATION DES ESSENCES ..................................................................................................... 41 Botanique ................................................................................................................................................................. 41 Zones de provenance ................................................................................................................................................ 42
Feuillus des zones tempérées : ............................................................................................................................ 42 Résineux des zones tempérées : .......................................................................................................................... 42
329
Feuillus des zones tropicales: .............................................................................................................................. 42 Disponibilité ............................................................................................................................................................. 42
Importante : ......................................................................................................................................................... 43 Régulière : ........................................................................................................................................................... 43 Limitée : .............................................................................................................................................................. 43
Prix ........................................................................................................................................................................... 43 Elevé : ................................................................................................................................................................. 43 Moyen : ............................................................................................................................................................... 43 Modéré : .............................................................................................................................................................. 44
Usage (utilisation) .................................................................................................................................................... 44 Menuiserie extérieure : ........................................................................................................................................ 44 Menuiserie intérieure : ........................................................................................................................................ 44 Moulure : ............................................................................................................................................................. 44 Meuble : .............................................................................................................................................................. 44 Ebénisterie : ......................................................................................................................................................... 45 Contreplaqué : ..................................................................................................................................................... 45 Placage décoratif : ............................................................................................................................................... 45
LES ESSENCES DE BOIS .............................................................................................................................. 47 LES ESSENCES ET LEURS CARACTERISTIQUES ................................................................................... 47
Le choix des essences ............................................................................................................................................... 47 Les essences non exotiques et non fruitiers .............................................................................................................. 47
Bouleau, Betula pendula (Betulaceae) ................................................................................................................. 47 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 47
Chêne, Quercus spp. (Fagaceae) : ....................................................................................................................... 48 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 48
Epicéa, Picea excelsa = P. abies (Pinaceoe) ........................................................................................................ 49 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 49
Erable , Acer (Aceraceae) ................................................................................................................................... 50 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 50
Frêne, Fraxinus excelsior (Oleaceae) .................................................................................................................. 51 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 51
Hêtre, Fagus Sylvatica (Fagaceae) : .................................................................................................................... 51 Utilisation et Historique ................................................................................................................................. 51
Orme, Ulmus campestris, (Ulmaceae) : ............................................................................................................... 52 Historique utilisation : .................................................................................................................................... 52
Peuplier, Populus , (Salicacea) : .......................................................................................................................... 53 Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 53
Pin, (Pinaceae) : .................................................................................................................................................. 54 Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 54
Sapin, Abies pectinata = A alba, (Pinaceae) ........................................................................................................ 54 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 54
Pitchpin, Pinus sqq : ............................................................................................................................................ 55 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 55
Bois exotiques .......................................................................................................................................................... 55 Acajou, Swietenia ............................................................................................................................................... 55
Acajou d’Amérique, Swietenia magohani (Cuba), Swietenia humilis (Mexiques), Mahagoni ....................... 56 Utilisation et Historique : ............................................................................................................................... 56 Acajou du Honduras, Swietania macrophylla (Meliacea) .............................................................................. 56 Historique : .................................................................................................................................................... 57 Acajou d’Afrique, Khaya, (Meliaceae) : ........................................................................................................ 57 Utilisation et Historique : ............................................................................................................................... 57 Acajou du Sénégal, Khaya senegalensis, (Meliacea) :................................................................................... 57 Utilisation et Historique : ............................................................................................................................... 57 Grand Bassam, Khaya ivorensis, (Meliacea): ................................................................................................ 58 Utilisation et Historique : ............................................................................................................................... 58
Teck , Tectona grandis, (Verbenaceae) : ............................................................................................................. 59 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 59
Palissandre, Dalbergia (Leg. Fabacées). .............................................................................................................. 60 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 60
Amarante, Peltogyne, (Caesalpiniaceae) : ........................................................................................................... 61 Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 61
Balsa, Ochroma lagopus SW. – O. pyramidale urb. ............................................................................................ 62 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 62
Iroko, Chlophora excelsa, (Moraceae) : .............................................................................................................. 62 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 62
Okoumé , Aucoumea Klaineana, (Burseraceae) : ................................................................................................ 63 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 63
330
Sapelli, Entandrophragma cylindricum, (Meliaceae) : ........................................................................................ 63 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 63
Sipo, Entandrophragma utile, (Meliaceae) : ........................................................................................................ 63 Historique et utilisation .................................................................................................................................. 64
Wengé, Milletia, (Fabaceae) ............................................................................................................................... 64 Historique et utilisation: ................................................................................................................................. 64
Les essences fruitières .............................................................................................................................................. 64 Châtaignier, Castanea sativa, (Fagaceae) : .......................................................................................................... 64
Historique et utilisation .................................................................................................................................. 64 Merisier, Prunus avium (Posaceae) : ................................................................................................................... 65
Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 65 Noyer, Juglans regia, (Juglandaceae), Noyer Noir, Juglans nigra : ..................................................................... 66
Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 66 Poirier, Pirus communis, (Rosaceae) : ................................................................................................................. 67
Historique et utilisation : ................................................................................................................................ 67 L’INDUSTRIE DU BOIS : L’EVOLUTION DES MACHINES ET DES TECHNIQUES, AINSI QUE LES
DERIVES DU BOIS ......................................................................................................................................... 69 INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 69 LES INDUSTRIES DE LA PREMIERE TRANSFORMATION .................................................................... 71
L’Abattage .......................................................................................................................................................... 71 Le transport des grumes ...................................................................................................................................... 71 Le Sciage ............................................................................................................................................................. 71
LES INDUSTRIES DITES LOURDES DU BOIS......................................................................................... 73 Les placages ........................................................................................................................................................ 73
Historique et définition de la technique ......................................................................................................... 73 Fabrication ..................................................................................................................................................... 74
Les colles............................................................................................................................................................. 75 Historique ...................................................................................................................................................... 75 Définition des différentes colles, leurs compositions et utilisations ............................................................... 76
Lamellé-collé....................................................................................................................................................... 77 Définition ....................................................................................................................................................... 78 Historique ...................................................................................................................................................... 78 Fabrication ..................................................................................................................................................... 78
Les contre-plaqués .............................................................................................................................................. 79 Définition ....................................................................................................................................................... 79 Historique ...................................................................................................................................................... 79 Fabrication ..................................................................................................................................................... 80 Utilisation ...................................................................................................................................................... 80
Contre-plaqués multiplis ..................................................................................................................................... 82 Contre-plaqués lattés ........................................................................................................................................... 82 Les panneaux ....................................................................................................................................................... 82
Définition ....................................................................................................................................................... 82 Les panneaux de particules .................................................................................................................................. 82
Définition ....................................................................................................................................................... 82 Historique : .................................................................................................................................................... 83 Fabrication ..................................................................................................................................................... 86 Utilisation et production ................................................................................................................................. 86
Les panneaux de fibres : ...................................................................................................................................... 89 Définition ....................................................................................................................................................... 89 Historique : .................................................................................................................................................... 90 Fabrication ..................................................................................................................................................... 90 Utilisation ...................................................................................................................................................... 91 Avantages par rapport au bois massif............................................................................................................. 91
LES INDUSTRIES DE LA DEUXIEME TRANSFORMATION ................................................................... 93 Le bois et l’évolution technique : ............................................................................................................................. 93
Les différentes scies. ........................................................................................................................................... 93 Les raboteuses ..................................................................................................................................................... 94 Les combinées ..................................................................................................................................................... 94 Les Formes .......................................................................................................................................................... 95
Le bois courbé ................................................................................................................................................ 95 Le Contre-plaqué moulé ................................................................................................................................. 96
Les revêtements ................................................................................................................................................... 96 Placage ........................................................................................................................................................... 96 Les revêtements plastifiés .............................................................................................................................. 96 Le « Lamifié » et le panneau de particules stratifié mélaminé ....................................................................... 96 Vernis et Cires ............................................................................................................................................... 97
331
CHAPITRE 2....................................................................................................................................................... 99
LA SYMBOLIQUE DU BOIS ........................................................................................................................... 99
LA MEMOIRE COLLECTIVE ................................................................................................................... 100 Introduction ............................................................................................................................................................ 100 Les contes, la poésie et de la littérature .................................................................................................................. 102 La peinture et la sculpture ...................................................................................................................................... 103 L’Architecture ........................................................................................................................................................ 107
L’ANALYSE SENSORIELLE ..................................................................................................................... 111 Introduction ............................................................................................................................................................ 111 L’importance de l’aspect sensoriel ......................................................................................................................... 111
CHAPITRE 3..................................................................................................................................................... 124
L’EUROPE DU NORD..................................................................................................................................... 124
Définition ................................................................................................................................................... 127 Ressources forestières ............................................................................................................................... 127 Production/importations/exportations : .................................................................................................... 128
LA FINLANDE .................................................................................................................................................. 129 Histoire, politique, société ......................................................................................................................... 129 L’importance du bois dans l’économie finlandaise ................................................................................... 129 Le marché finlandais de l’ameublement .................................................................................................... 130 Les fabricants de mobilier ......................................................................................................................... 131 Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois ................................................................................ 132 Alvar Aalto, Artek et la prouesse technique .............................................................................................. 133 Tapio Wirkkala et l’élégance du design, ................................................................................................... 135 Ilmari Tapiovaara (1914-1999) ................................................................................................................. 136
LA SUEDE ....................................................................................................................................................... 138 Histoire, politique, société – un modèle social .......................................................................................... 138 L’importance du bois dans l’économie suédoise ....................................................................................... 139 Les fabricants de mobilier en bois ............................................................................................................. 140 Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois .............................................................................. 141 Carl-Axel Acking, AB Svenska Möbelfabrikerna Bodafors et le mobilier en série. ................................... 144 Bruno Mathsson précurseur et suiveur d’Aalto ......................................................................................... 144 Le design social et IKEA ........................................................................................................................... 146
LE DANEMARK ................................................................................................................................................ 148 Histoire, politique, société ......................................................................................................................... 148 L’importance du bois dans l’économie danoise ........................................................................................ 148 Les fabricants de mobilier en bois ............................................................................................................. 149 Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois ................................................................................ 150 Le design avant Kaare Klint ...................................................................................................................... 150
Thorvald Bindesböll et les meubles des artistes ..................................................................................................... 153 Les expositions de la guilde des ébénistes de Copenhague. ...................................................................... 157 Kaare Klint et l’Ecole du meuble .............................................................................................................. 161
L’Organisation de la profession et les fabricants : .................................................................................................. 162 La promotion : ........................................................................................................................................................ 162 Les matériaux : ....................................................................................................................................................... 163 Klint – créateur de meubles .................................................................................................................................... 164
Le mobilier pour le Musée de Faaborg. ............................................................................................................. 165 Le musée des Arts Décoratifs ............................................................................................................................ 168 Kaare Klint fonctionnaliste ? ............................................................................................................................. 169
L’Enseignement de Klint. ....................................................................................................................................... 173 L’Académie des beaux-arts de Copenhague ...................................................................................................... 173 L’enseignement de Klint à l’école du meuble. .................................................................................................. 173
Börge Mogensen (1914- 1972): le mobilier en bois au service des danois. .............................................. 181 Finn Juhl (1912-1989) : le bois et le détail sculptural .............................................................................. 188 Hans J. Wegner (1914-2007) ..................................................................................................................... 190 Mogens Koch (1898-1992) : ...................................................................................................................... 193 Ole Waschner (1903-1985): ...................................................................................................................... 195 Arne Jacobsen (1902-1971) et Fritz Hansen : la technique à la pointe de l’évolution. ............................ 196 L’influence du mobilier en bois scandinave en Europe ............................................................................. 199
La politique commerciale des pays nordiques ........................................................................................................ 199 La Maison du Danemark : ................................................................................................................................. 199
332
L’exposition « Formes Scandinaves ». .............................................................................................................. 200 La Suède ............................................................................................................................................................ 204 Autres expositions consacrées au mobilier scandinave. .................................................................................... 205
Les salons et les expositions nordiques. ................................................................................................................. 206 La Scandinavie : ..................................................................................................................................................... 208 Les boutiques. ......................................................................................................................................................... 210
CHAPITRE 4..................................................................................................................................................... 216
L’EUROPE CENTRALE DE L’OUEST ........................................................................................................ 216
LA GRANDE BRETAGNE .................................................................................................................................. 217 Histoire, politique, économie, société ..................................................................................................................... 217 L’importance du bois dans l’économie anglaise ..................................................................................................... 218 Les fabricants de mobilier en bois .......................................................................................................................... 218 Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois ............................................................................................ 219 La tradition des Arts and Crafts .............................................................................................................................. 220 L’Utility furniture scheme et Gordon Russell (1892-1980) .................................................................................... 223 « Britain can make it » ............................................................................................................................................ 226 Gerald Summers et Isokon ..................................................................................................................................... 228 Terance Conran et Habitat ...................................................................................................................................... 229 John Makepeace (né 1939) et le retour à l’artisanat ............................................................................................... 230
L’ALLEMAGNE ................................................................................................................................................ 232 Histoire, politique et société ................................................................................................................................... 232 L’importance du bois dans l’économie allemande.................................................................................................. 233 Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois ............................................................................................ 233 La tradition du Bauhaus et de l’école d’Ulm .......................................................................................................... 237 Hochschule für Gestaltung - L’Ecole d’Ulm (Ecole Supérieur du Design) ............................................................ 238 Thonet..................................................................................................................................................................... 239 Salon de Meuble de Cologne .................................................................................................................................. 241
LA FRANCE ..................................................................................................................................................... 244 Historique, politique et société ............................................................................................................................... 244 L’importance du bois dans l’économie française.................................................................................................... 245 Les fabricants de mobilier en bois (grands/petits ?)................................................................................................ 245 Historique du mobilier/tradition du mobilier en bois : La grande tradition de l’ébénisterie française d’avant-guerre.
................................................................................................................................................................................ 246 Les années 40 : la survivance de la pièce unique et le mobilier en série................................................................. 248 Les années 50 : l’influence scandinave dans le mobilier français ........................................................................... 260 Les années 60 à 80 : le retour du style et du rustique ............................................................................................. 282
CHAPITRE 5..................................................................................................................................................... 303
L’EUROPE DU SUD ........................................................................................................................................ 303
L’ITALIE ......................................................................................................................................................... 304 Historique, politique et société .................................................................................................................. 304
L’importance du bois dans l’économie italienne .................................................................................................... 305 Historique du mobilier/traditions du mobilier en bois ............................................................................................ 307 Les fabricants de mobilier en bois : la prépondérance des petits ateliers ................................................................ 308 Gio Ponti (1891-1979) ............................................................................................................................................ 310 Les années 50 : Carlo Mollino (1905-1973) ........................................................................................................... 314 Les années 60 à 80 : L’âge d’Or du design Italien, le Post-modernisme et le retour à l’artisanat et à la pièce unique.
................................................................................................................................................................................ 315 L’ESPAGNE ET LE PORTUGAL .......................................................................................................................... 319
CONCLUSION.................................................................................................................................................. 320
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................................ 328
GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................... 333
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 337
INDEX ................................................................................................................................................................ 358
333
GLOSSAIRE
Aboutage : opération consistant à jointer deux pièces par leurs extrémités.
Ame d’un panneau : pli central et médian des panneaux de contreplaqué.
Assemblage à plat-joints : réunion de deux pièces par leurs parties plates, généralement en
utilisant de la colle.
Aubier : région externe du tronc correspondant aux couches les plus récemment formées, de
coloration souvent moins accusée, plus ou moins distincte suivant les essences, et comportant
encore des cellules vivantes. Au fur et à mesure de la croissance de l’arbre, les cernes les plus
internes se transforment en bois parfait. L’aubier est toujours vulnérable aux attaques
biologiques (insectes et champignons).
Accroissement : Couche de bois formée pendant une période de végétation complète. Sous
les climats froids et tempérés, l’accroissement est annuel et correspond à la période de
végétation active (printemps et été.)
Bois final (ou bois d’été) : zone de l’accroissement produite à la fin de la période de
végétation active (en été sous les climats froids ou tempérés), souvent plus colorée et plus
dense que le bois initial (ou bois de printemps).
Bois initial (ou bois de printemps) : Zone de l’accroissement produite au début de la période
de végétation active (au printemps sous les climats froids et tempérés), généralement moins
colorée et moins dense que le bois final (bois d’été).
Bois homogène (chez les feuillus) : Bois dont les limites de cernes sont peu distinctes du fait
que le bois initial est peu différent du bois final par sa structure et son aspect.
Bois hétérogène (chez les feuillus) : Bois dont les limites de cernes sont très apparentes du
fait que le bois initial contraste fortement avec le bois final par sa structure et son aspect.
Bois parfait : région interne du tronc correspondant aux couches les plus anciennement
formées et ne comportant plus de cellules vivantes. Lorsqu’il n’est pas duraminisé (voir
duramen), il ne se distingue pas visuellement de l’aubier.
Bois de printemps : (voir bois initial).
Cerne : section transversale de la couche d’accroissement qui est annuelle sous les climats
tempérés.
Coupe radiale (ou plan radial) : surface qui contient le plan des rayons, c’est-à-dire passant
longitudinalement par le centre du tronc et perpendiculaire aux cernes. Cette surface
longitudinale suit le fil du bois.
Coupe tangentielle (ou plan tangentiel) : surface perpendiculaire à un rayon, c’est-à-dire
tangente à un cerne. Cette surface longitudinale suit le fil du bois.
Coupe transversale (ou plan transversal) : surface perpendiculaire au tronc et donc au fil du
bois.
Débit sur dosse : pièce de bois débitée tangentiellement aux cernes, dans laquelle ceux-ci
forment avec les faces un angle inférieur à 45°.
Débit sur faux quartier : pièce de bois dans laquelle ceux-ci forment avec les faces un angle
inférieur à 45°.
Débit sur quartier (ou débit sur maille) : pièce de bois débitée dans le plan radial et dans
laquelle les cernes forment avec les faces un angle supérieur à 80°.
Durabilité : aptitude d’une essence à résister aux agents biologiques d’altération du bois :
champignons lignivores et insectes xylophages (vrillettes, lyctus, termites…)
Duramen (improprement appelé « bois du cœur » par opposition à l’aubier): partie
interne du tronc, correspondant au bois parfait, mais dont les cellules se changent de dépôts de
substances de sécrétion et de pigments, le faisant paraître plus foncé que l’aubier. Le duramen
est généralement moins sensible aux attaques biologiques que l’aubier et que le bois parfait
non duraminisé.
334
Enture : découpe en dent de scie d’une pièce en vue de son aboutage.
Essence : ensemble des arbres ayant le même plan ligneux. Ils appartiennent normalement à
une même espèce, quelquefois à plusieurs espèces voisines, ou à des variétés d’une même
espèce.
Feuillu : se dit des arbres du groupe des dicotylédones portant des feuilles plates à
nervuration ramifiée. Le bois des feuillus est caractérisé par la présence de vaisseaux.
Fil du bois : direction privilégiée des cellules composant le bois.
Formica ® : Matériau stratifié recouvert de résine artificielle. Il s’agit d’une marque et non
pas d’un matériau.
Formica a été fondée en 1913 à Cincinatti, par deux chercheurs américains, Herbert A.Faber
et Daniel J.O’Connor, qui produisaient, à l’origine des pièces d’isolation électriques. Ils
inventèrent un nouveau matériau d’isolation de grande qualité, en associant haute pression et
résine plastique, afin de répondre aux besoins qu’engendrait l’essor de la nouvelle industrie
électrique. C’est ainsi qu’apparut le stratifié HPL (hight pressure laminate), qui remplacera le
"mica", d’où le nom de "for-mica" (à la place du mica).
Les premières applications du stratifié HPL furent destinées à de l’appareillage électrique
(plaques intérieures des radios), des pièces mécaniques, des navettes pour métiers à tisser…
En 1927 apparut un nouveau produit qui changera l’avenir de la société Formica : le stratifié
décoratif, avec l’apparition du "design". Constitué de papiers imprimés de couleurs claires,
stables dans le temps, il reproduisait des essences de bois sur des feuilles de kraft imprégnés.
Dès 1930, une couche résistante de mélamine fut ajoutée, donnant aux stratifés Formica leur
légendaire résistance et leur facilité d’entretien.
Après la seconde guerre mondiale et notamment avec l’arrivée du baby boom, Formica
Corporation élargit sa gamme de stratifiés avec de nouveaux motifs et couleurs.
Après l’installation d’une première usine européenne en Angleterre, à New Castle, l’année
1949 marque l’arrivée du stratifié décoratif sur le marché français, où il est accueilli avec un
succès tel que le groupe décide, dès 1951 de créer une société française : Formica SA
Formica offre une gamme complète de stratifiés et de produits complémentaires.
En mars 2000, la compagnie acquiert Perstorp Surface Materials, un des principaux
producteurs international de stratifiés, papiers imprimés et feuilles.
Avec la complémentarité des marchés et réseaux de distribution, le groupe Formica renforce
ainsi sa position de leader mondial de stratifié décoratif haute pression
(www.formica.fr)
Grain : impression visuelle que donne, selon le cas, la grosseur des éléments apparents du
bois ou la largeur et la régularité des cernes : grain fin ou serré, grain moyen, large ou
grossier. Sur les feuillus, cette impression peut résulter de la grosseur des vaisseaux (pores),
mais également, pour les bois hétérogènes, de la largeur des cernes. Les résineux n’ayant pas
de vaisseaux, le grain s’apprécie sur ces essences seulement d’après le plus ou moins grande
largeur des cernes.
Imprégnabilité : aptitude de l’essence à se laisser pénétrer par un liquide et plus
spécifiquement par un produit de préservation.
Jeu du bois : mouvement du bois en allongement ou en retrait dû aux variations d’eau du
bois.
Lamifiés : C’est un nouveau matériau très utile à partir des années 50. Le Lamifié est un
panneau de revêtement décoratif constitué par un empilage de feuilles minces imprégnées
préalablement de résine thermodurcissable et agglomérées sous l’action simultanée de la
chaleur et de la pression. On retrouve les lamifiés sous différentes appellations celamine,
dilophane, formica, lamebel, permalux, polyrey - stratifié en papier de cellulose
Maille : aspect miroitant ou coloré d’un rayon sectionné selon un plan longitudinal radial.
335
Maillure : ensemble des mailles apparentes sur la face d’un bois débité sur quartier (coupe
radiale).
M.D.F. :: Produit développé aux Etats-Unis en 1960, d’où son nom anglais de MDF pour
« Medium Density Fibreboard », ou panneau de fibres de moyenne densité. C’est un panneau
dérivé du bois et fabriqué avec des fibres de bois liées entre elles par un adhésif à base de
résine synthétique ou de colle. La fibre est obtenu à partir du processus de défibrage qui
consiste à désolidariser les fibres de bois les unes des autres.
Contrairement aux autres panneaux, la répartition des fibres est uniforme et dense dans toute
l’épaisseur du panneau MDF permettant un usinage très précis sur les faces et les chants sans
risque d’éclats ou de trous. Les panneaux peuvent recevoir un placage de bois, une feuille
décorative en PVC (placage de papier vinyl avec un décor imitation de bois) ou servir
directement de support pour appliquer une peinture.
Pour fabriquer le MDF, on utilise des essences diverses feuillus ou résineux mélangés en
proportions variables, des déchets provenant de opérations d’entretien des forêts, des résidus
des scieries ou d’autres industries du bois, évitant par la même occasion la destruction
croissante des forêts tropicales et autres forêts primaires naturelles respectant
l’environnement.
Les panneaux de MDF sont fabriqués en grandes largeurs et avec des épaisseurs qui peuvent
varier de 2 à 45 mm, permettant une utilisation de ce matériau dans des multiples usages.
Dérivé du bois. Le médium ou MDF (Medium Densitiy Fiberboard) est produit par
compression de particules de bois très finement déchiquetées. Cette finesse de grain donne un
matériau dense, homogène, usinable et présentant une coupe franche. Sous certaines
conditions, il peut être cintrable.
Mélaminé: Dérivé du bois. Les panneaux mélaminés sont des panneaux de particules ayant
reçu un revêtement de papier imprégné de résine, décoré ou non, appliqué par compression.
Le panneau peut être travaillé et utilisé sans finition supplémentaire.
Novopan ® Une marque. Panneau aggloméré
Noyau de déroulage : reste de la grume une fois l’opération de déroulage terminée.
OSB(Les panneaux de lamelles minces orientées) : L’OSB, du terme anglais « Oriented
Strandboard », est constitué de minces lamelles de bois de 0.4 mm d’épaisseur. Ces lamelles
sont orientées dans le sens de la longueur pour les couches extérieures et dans le sens de la
largeur pour la couche intérieure, elles sont collées puis pressées entre elles.
Cette technique est exploité en France depuis 1984. Ses caractéristiques techniques et
esthétiques lui ont permis d’être d’un usage courant pour le mobilier. La souplesse de ce
matériau permet de remplacer le bois courbé.
Plan ligneux : ensemble des caractères de structure du bois tenant à la nature, à la forme et au
groupement des cellules constitutives. Ces caractères sont constants pour une essence donnée.
Rayon (ou rayon ligneux) : groupement de cellules formant des larmes de hauteur et de
largeur variables orientées radialement.
Rayon multisérié : rayon large formé de plus de 5 cellules en largeur, visible à l’œil nu.
Rayon unisérié : rayon formé d’une seule cellule en largeur, invisible à l’œil nu.
Résineux : se dit des arbres du groupe des conifères portant pour la plupart des aiguilles. Par
rapport aux feuillus, le bois des résineux est caractérisé par l’absence de vaisseaux.
Stratifié : se dit d’un matériau rigide et léger qui est constitué par des couches (fibres de
verre, lamelles de bois, feuilles de papier), liées par des résines ou des polymères. L’exemple
le plus connue est le Formica ®
Il résulte de la compression de feuilles de papier décorées ou non, imprégnées de comme et de
résines synthétiques. Cette compression forme une lame dure, cassante, épaisse de quelques
millimètres au plus, que l’on plaque, par exemple, sur des panneaux de particules. Sous
336
certaines conditions, le cintrage des stratifiés est possible : post-formage des plans de travail
de cuisine
Structure : agencement des tissus cellulaires formant la matière du bois.
Thylles : excroissance d’une cellule de rayon dans la lumière ou vaisseaux adjacent qui s’en
trouve partiellement ou complètement obstruée. La formation de thylles ne se produit que
dans le duramen de certains bois feuillus.
Trachéide (ou fibre trachéide) : cellule du bois en forme de fibre qui communique avec les
fibres adjacentes par des ponctuations d’un type spécial, dites « aréolées ». Les bois résineux
sont essentiellement constitués de ces fibres.
Vaisseaux : files de cellules dans le sens axial réunies pour former un ensemble tubulaire, de
longueur variable. La présence de vaisseaux caractérise le bois des feuillus par rapport à celui
des résineux.
Zone poreuse : zone d’accumulation de vaisseaux de grand diamètre caractérisant le bois
initial de certaines essences, sur lesquelles le bois final contraste par un passage brutal à des
vaisseaux très nettement plus petits.
(Sources : D. Coutrot, Le bois et ses industries, coll. Que Sais je?, Paris, PUF, 1997, p. 125 et
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« Wegners verden », in Designmatters, n°5, printemps 2004, p.38-43
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« Quand le bois à ses vapeurs », in Elle Décoration, n° 108, juin 2001, p.57-58
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« Domisticated… », in Interiors, juillet 1951, p.76-77
« Merchandise cues », in Interiors, juillet 1951, p.110-112
« Tanier’s Danish entries », in Interiors, janvier 1953, p.114-115
« The wonder of wood mark new furniture », in Interiors, août 1956, p.110-118
« New furniture », in Interiors, août 1957, p.104-113
« Kagan designs for Grosfeld house, the sculptra group, suavely shown », in Interiors, août
1957, p.114-116
« Market postscrit », in Interiors, septembre 1957, p.142-149
« Vladimir Kagan and the baroque line », in Interiors, décembre 1958, p.114-117
« Back to the woods », in Interiors, novembre 1979, p.84-85
« Intrex », in Interiors, mai 1983, p.78
« New from Milan », in Interiors, décembre 1983, p.115-121
« ‘90s alert : reigning in the forest », in Interiors, mars 1991, p. 94-99
« Pulp psychology », in Interiors, février 2000, p.8
« Faux bois », in Interiors, février 2000, p.40-43
« Hard times for hardwood ? », in Interiors, février 2000, p.48-51
« Ingrained », in Interiors, février 2000, p.64-69
352
Intramuros :
« Alexandre Noll », in Intramuros, 122, janvier/février 2006, p.84-87
« René-Jean Caillette », in Intramuros, n°123, mars/avril 2006, p.86-89
« Pierre Gauriche », in Intramuros, n°124, mai/juin 2006, p.116-119
« Finn Juhl », in Intramuros, n°125, juillet/août 2006, p.94-97
« Bruno Mathsson », in Intramuros, n°126, septembre/octobre 2006, p.118-124
« Vico Magistretti : Esthétique et modernisme », in Intramuros, n° 127, novembre/décembre
2006, p.110-113
« Konstantin Grcic : Essais transformés », in Intramuros, n°128, janvier/février 2007, p56-63
« Hans J. Wegner », in Intramuros, n°130, mai/juin 2007, p.102-105
« La Finlande, terre de design », in Intramuros, n° 134, janvier/février 2008,p.68-77
Revue du bois et de ses applications :
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n°3, mars 1947, p.42-43
« La maison usinée « Portiques » et le complexe béton-bois », in Revue du bois et de ses
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« La forêt et les industries du bois en Suède », in Revue du bois et de ses applications, n°1,
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« La foire de Marseille, un succès pour le meuble », in Revue du bois et de ses applications,
n°12, décembre 1950, p.26-27
« Les panneaux de copeaux de bois » in Revue du bois et de ses applications, n°3, mars 1951,
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« Un matériau millénaire, le bois : une jeune école : l’Ecole du bois », in Revue du bois et de
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« Le meuble au Salon des Arts Ménagers » in Revue du bois et de ses applications, n° 5, mai
1951, p.19-20
« Pourquoi l’industrie Américaine produit, à bon marché, des meubles de qualité », in Revue
du bois et de ses applications, n° 12, décembre 1952, p.15
« L’Ameublement à la croisée des chemins », in Revue du bois et de ses applications, n°2,
février 1955, p.18
« Le meuble Allemand à la foire de Cologne », in Revue du bois et de ses applications, n° 4,
avril 1956, p.23-24
« Le 40e Salon des Artistes Décorateurs », in Revue du bois et de ses applications, n° 7/8,
juillet-août 1956, p.16
« Recherche de bois d’ébénisterie au Salon d’Automne et à la Triennale d’Art Français
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« L’industrie française de l’ameublement et la concurrence étrangère », in Revue du bois et
de ses applications, n°4, avril 1957, p.13-15
« Le meuble français 1957 », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril 1957, p.16-17
« Panneaux de fibres, panneaux de particules : Aspects économiques de la production et de la
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« L’industrie anglaise du meuble », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril 1958,
p.9-12
353
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« L’industrie française du placage », in Revue du bois et de ses applications, n°5, mai 1958,
p.33-38
« Une fabrique allemande de meubles : Benze », in Revue du bois et de ses applications, n°9-
10, septembre-octobre 1958, p.31-32
« Deux expositions de meubles », in Revue du bois et de ses applications, n°3, mars 1959,
p.33-37
« Le meuble européen 1960 », in Revue du bois et de ses applications, n°3, mars 1960, p.31-
47
« L’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication du meuble », in Revue du bois et
de ses applications, n°1, janvier 1961, p.15-20
« Au salon du meuble 1961 », in Revue du bois et de ses applications, n° 3, mars
1961, p.24-32
«Les impératifs de la fabrication en série dans l’ameublement», in Revue du bois et de ses
applications, n° 3, mars 1961, p.29
« Le bois au 43ème S.A.D. » in Revue du bois et de ses applications, n°6, juin 1963, p.29
« La bourse aux modèles à Appromeuble 64 », in Revue du bois et de ses applications, n°3,
mars 1964.
« Le Salon du Meuble de Cologne 1964 », in Revue du bois et de ses applications, n° 4, avril
1964, p 37-40
« Des meubles modernes en placage reconstitué », in Revue du bois et de ses applications,
octobre 1965, p.44-45
« Impressions sur l’industrie du bois japonaise », in Revue du bois et de ses applications, n°
11, novembre 1965, p.37-42
« Réflexions sur le mobilier de bureau en bois » in Revue du bois et de ses applications, n°1-
2, janvier-février 1965, p.29
« Revue annuelle du marché européen du bois », in Revue du bois et de ses applications, n°1-
2, janvier-février 1965, p.63-64
« L’industrie française des panneaux de fibres et particules », in Revue du bois et de ses
applications, n°6, juin 1965, p.55-56
« Le bois et les panneaux au 45e S.A.S. » in Revue du bois et de ses applications, n°11,
novembre 1967, p.4
« Agepan : panneaux lattés en continu », in Revue du bois et de ses applications, n°1-2,
janvier-février 1969, p.9
« Marotte : une production de panneaux d’ébénisterie « sur mesure » », in Revue du bois et de
ses applications, n°5, mai 1970, p.37-40
« Alexandre Noll, Sculpteur sur bois », in Revue du bois et de ses applications, n° 9,
septembre 1970, p.67-68
« Meubles et sièges français d’aujourd’hui », in Revue du bois et de ses applications, n° 11,
novembre 1970, p.27-29
« L’ameublement et la décoration », in Revue du bois et de ses applications, n°11, novembre
1971, p.67-73
« L’industrie néerlandais de l’ameublement », Revue du bois et de ses applications, n° 12,
décembre 1971, p.46-47
« Un nouveau matériau finlandais : le contreplaqué mixte bouleau-résineux », in Revue du
bois et de ses applications, n° 1-2, janvier-février 1972, p.17-19
« Les tendances 1972 dans l’amublement», in Revue du bois et de ses applications, n° 3, mars
1972, p.33-35
354
« L’acheteur face au mobilier contemporain », in Revue du bois et de ses applications, n° 3,
mars 1972, p.37
« Le bois et les panneaux dans la décoration 72 », in Revue du bois et de ses applications, n°5,
mai 1972, p.75-77
« L’industrialisation du bois démarre en Tunisie », in Revue du bois et de ses applications,
n°6, juin 1972, p.37-47
« Tendances actuelles de l’économie des panneaux », in Revue du bois et de ses applications,
n°11, novembre 1972, p.38
« Bois au présent : Chapo à bâtons rompus », in Revue du bois et de ses applications, n°1-2,
janvier-février 1973, p.18-19
« Placages : du naturel pas tout à fait naturel », in Revue du bois et de ses applications, n°8-9,
août-septembre 1973, p.49-52
« Le meuble contemporain existe t-il ? », in Revue du bois et de ses applications, n°1-2,
janvier-février 1974, p.21-23
« Le bois à la place du pétrole », in Revue du bois et de ses applications, n°4, 1974, p.23-24
« Matériau, technologie, forme », in Revue du bois et de ses applications, n°8-9, août-sep
1974, p.54-55.
« Les meubles jeunes en grande série », in Revue du bois et de ses applications, n° 12,
décembre 1975, p.37-39
« Le bois et l’humanisation de l’habitat », in Revue du bois et de ses applications, n° 12,
décembre 1975, p.40
« A la découverte du meuble français », in Revue du bois et de ses applications, n°1-2,
janvier-février 1976, p.18-20
« Ameublement 76 : Structure de l’industrie française du meuble », in Revue du bois et de ses
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« Le commerce mondial du meuble » in Revue du bois et de ses applications, janvier-février,
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applications, n°3, mars 1977, p.23-31
« Utilisation des déchets de forêt et d’industrie dans le fabrication des panneaux dérivés du
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« Le bois et l’homme », in Revue du bois et de ses applications, n°5, mai1977, p.55
« L’industrie du meuble autrichien », in Revue du bois et de ses applications, n° 6/7, juin-
juillet 1977, p.36
« Les panneaux de grandes particules », in Revue du bois et de ses applications, n°11,
novembre 1977, p.26
« A la découverte de l’industrie française du meuble : les copies anciens », in Revue du bois et
de ses applications, n°3, mars 1978, p.51-52
« Salon du Meuble 1979 », in Revue du bois et de ses applications, n°4, avril 1979, p.46-47
« Interview M. Pierre Parisot », in Revue du bois et de ses applications, n°4, 1982, p.24-26
« Les ateliers flexibles dans l’industrie du meuble en bois massif » , in Revue du bois et de
ses applications, n°6-7, juin-juillet 1982, p.12-16
« Evolution du bois lamellé-collé en France », in Revue du bois et de ses applications, n° 11,
1982, p.42-44
« A l’heure du salon international du meuble », in Revue du bois et de ses applications, n°1-2,
janvier-février 1985, p.26-27
« Salon du meuble de Paris : Bilan 1985 », in Revue du bois et de ses applications, n° 4, 1985,
p.10-11
355
« Ligna Hanovre 85 : The german wood connection », in Revue du bois et de ses applications,
n°5, 1985, p.24-26
« L’O.S.B. et le M.D.F. en France », in Revue du bois et de ses applications, n°3, mars 1986,
p.33-34
« Bancher les Français sur le bois », in Revue du bois et de ses applications, n° 7, octobre
1988, p.22-23
« Panneaux et créativité : Le bois dans tous ses états », in Revue du bois et de ses
applications, décembre 1998, p.6-17
« Le design comme instrument de valorisation du bois », in Revue du bois et de ses
applications, mai 2001, p.26-31
« Incontournable Interzum », in Revue du bois et de ses applications, juin 2001, p.12-13
« Tendances meubles 2002 : le design à la recherche d’un exotisme moderne », in Revue du
bois et de ses applications, janvier-février 2002, p.20-26
« Exotiques, utiliser, connaissance », in Revue du bois et de ses applications, juin 2002, p.30-
35
« Marché du meuble : recentrage stratégique », in Revue du bois et de ses applications, juin
2002, p.13-16
« Le meuble, au carrefour d’hier et de demain », in Revue du bois et de ses applications, juin
2002, p.17-18
« Les enjeux du développement durable », in Revue du bois et de ses applications, juin 2002,
p.19-21
« Meuble : le marche ralentit en France », in Revue du bois et de ses applications, janvier-
février 2003, p.10-15
« Tendances meubles 2003 : une certaine idée du confort », in Revue du bois et de ses
applications, janvier-février 2003, p.26-30
« Le chêne : le modernité du classicisme », in Revue du bois et de ses applications, avril
2003, p.26-29
« Bois massifs/panneaux : issus d’un même tronc », in Revue du bois et de ses applications,
n° 3, mars 2004, p.14-21.
La Maison Française :
« Le bois qui rassure… » in La Maison Française, n°321, octobre 1978, p.173
« Le Naturel » in La Maison Française, n°322, novembre 1978, p.43
« Le Salon International du Meuble à Paris » in La Maison Française, n°325, février 1979,
p.145
« 1970-1980 : Dix ans de décoration », in La Maison Française, n° 334, février 1980, p.80-87
Du bois dont on fait les chefs d’œuvre » in La Maison Française, n°342, novembre 1980,
p.84
« Quel bois ? », in La Maison Française, n° 443, jan-fév 1991, p.190-191
« Des courbes très naturelles » , in La Maison Française, n° 447, juin 1991, p.102-105
« Une nouvelle simplicité », in La Maison Française, automne 1996, p.120-123
« Le temps en mouvement : 46 – 96 », in La Maison Française, Hiver 1996, p. 36-56
« 1946-1996 : La révolution du goût », in La Maison Française, Hiver 1996, p.99-104
Le Décor d’Aujourd’hui
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356
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1947, p.59-68
« La VIIIe Triennale » in Le Décor d’Aujourd’hui, n°41, 1947, p.55-77
« Pour une raison quotidienne de beauté », in Le Décor d’Aujourd’hui, n°42, 1948, p.58-64
« A l’exemple de la Suède améliorons la maison paysanne » in Le Décor d’Aujourd’hui, n°46,
1948, p.55-64
« L’Ordre suédois » in Le Décor d’Aujourd’hui, n°53, 1949, p.37-38
« A l’exemple de la Suède pour une enfance plus heureuse », in Le Décor d’Aujourd’hui,
n°53, 1949, p.38-39
« Une école suédoise d’organisation ménagère pour les jeunes rurales » in Le Décor
d’Aujourd’hui, n°53, 1949, p.62-63
L’Architecture d’Aujourd’hui
« Equipement de cuisine suédoise » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°10, mars 1946, p.31-
33
« La maison suédoise préfabriqué en bois » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°13-14,
septembre 1946, p.142
« La Salle de bain standard suédoise » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°11, mai-juin 1947,
p.64-65
« L’organisation de santé publique en Suède » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°15,
novembre 1947, p.18
« L’hôpital Söder, à Stockholm » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°15, novembre 1947,
p.45-47
« L’hôpital universitaire à Stockholm » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°15, novembre
1947, p.68-69
« Suède – une politique réaliste de l’habitat » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°16,
décembre 1947, p.72-92
« Service d’admission de l’hôpital de Malmö » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°17, avril
1948, p.14
« Maternité de l’hôpital de Malmö » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°17, avril 1948, p.52
« Sanatorium à Upsala » in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°17, avril 1948, p.102
Articles et revues divers :
Stancar, Maja Lozar, « Bentwood furniture in Slovenia, in « Furniture History”, 1992, vol.28,
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« Image et attitudes vis-à-vis du bois », in Journal du bois, n° 80, janvier-février 2004, p.26-
27
« Furniture : ripartire da qui ? Furniture : of to a new start ? », in Abitare: Interiors, design,
Architecture, n° 435, janvier 2004, p.75-97
« Design in movimento », in in Abitare: Interiors, design, Architecture, n° 435, janvier 2004,
p.118-147
« Les suédois au Salon des artistes décorateurs », in Le décor d’aujourd’hui, n° 79, 1953,
p.214-215
« Stolemager fra Tönder », in Jydskevestkysten, le 11 avril 2004, p.2
« Det berömte danske möbeldesign har kurs mod krisen », in Metroxpress, 11 mai 2004, p.1
« Panton - kultdesign », in Metroxpress, 9 november 2004, p.12
« De runde formers mand », in Jydskevestkysten, 12 september 2004, p.4
357
« Indlysende enkelhed », in Jydskevestkysten, 13 juin 2004, p.3
« Afvigeren », in Jydskevestkysten, 5 décembre 2004, p.3
« Scandinavian Furniture Fair 2004: Internationale Strömninger », in Jydskevestkysten, 6 juin
2004, p.4
« Fölelse og Fornuft », in Jydskevestkysten, 15 février 2004, p.4
“Elements”, in Meubles et Décors, n°799, février 1965, p.53-61
« Les années 60 de PP (Pierre Paulin), in IDEAT, n°24, mars-avril, 2003
« Gute Forma us Deutchlan » in Form, 1960, p.38-44
« MDF : Neue chancen im Möbeldesign » in Form, n°124-IV-1988, p.46-51
Maison et Jardin, n°104, juin 1964, p.48
Revue de l’Ameublement, avril 1960, p.111-114
Meubles et Décors, n°740, mars 1960, p.78-80
Le Courrier du Meuble, n°85, 5 juin., 1960, p.3
Le Courrier du Meuble, n°134, 15 déc., 1961, p.4
Le Courrier du Meuble, n°138, 25 janvier 1962, p.1
Le Courrier du Meuble, n°148, 5 mai 1962, p.1
Le Courrier du Meuble, n°203, 15 jan., 1964, p.15
Le Courrier du Meuble, n°238, 26 décembre, 1964, p.1
Le Courrier du Meuble, n°248, 27 février 1965, p.1
Le Courrier du Meuble, n°276, 9 oct., 1965, p.3
Le Courrier du Meuble, n°326, 15 octobre 1966, p.1
Le Courrier du Meuble, n°396, 15 mars 1968, p.1
L’Ameublement Information, n°146, janvier 1963
L’Ameublement Information, n°113, avril 1960, p.141
L’Ameublement Information, n°137, avril 1962, p.41
358
INDEX
1
11 septembre 2001, 26, 83, 95
A
A.P.Stolen, 201
Aalto (Alvar & Aino), 7, 51, 83, 100, 132, 139, 140, 141,
142, 151, 152, 153, 172, 216, 223, 224, 235, 241, 243,
244, 288, 289, 290, 291, 293, 295, 342
Aarnio, E., 143
Abattage, 75
Abildgaard, N., 158, 159, 161, 173, 177, 203
Acajou, 44, 45, 46, 47, 48, 59, 60, 61, 84
Acking, C.-A., 150, 153
Adnet, J., 52, 263, 264, 265, 271
AEG, 247, 248
AFNOR, 122, 233
Albanie, 32, 34, 35
Alchimia, 334, 336
Alias, 344
Allemagne, 9, 11, 13, 18, 26, 27, 28, 30, 38, 50, 58, 87,
88, 89, 91, 92, 109, 111, 112, 113, 114, 115, 128, 130,
133, 135, 137, 147, 155, 156, 160, 165, 166, 171, 186,
194, 196, 209, 210, 220, 225, 226, 234, 242, 244, 245,
246, 247, 248, 249, 251, 253, 255, 256, 257, 259, 266,
273, 276, 278, 280, 282, 299, 309, 314, 322, 323, 324,
339, 341, 342, 343, 345
Almuemöbler, 162
Amarante, 44, 45, 46, 47, 62, 65
AMPM, 345
Andersen, H.C., 106
Andorre, 32
Andreas Jensen, 165
Andreas Tuck, 201, 211
Anne (reine), 214, 231
Arbus, A., 263, 264, 265, 271, 273, 295
Archigram, 309, 334
Architecture, 89, 112, 211, 212, 213, 216, 262, 267, 280,
281, 294, 312
Architettura radicale, 334
ARP (Atelier de Recherche Plastique), 289, 291
Arp, J., 199
Art Déco, 10, 65, 66, 72, 152, 263, 287, 325, 328, 341
Art Nouveau, 10, 53, 54, 55, 65, 71, 72, 139, 148, 160,
161, 248, 261, 268, 326, 332, 341
Artbois, 284
Artek, 139, 140, 215, 235, 241
Artemidi, 333
Artisanat, 215, 313
Artistes Décorateurs (Salon de), 271, 274, 276
Arts & Crafts, 131, 139, 148, 157, 161, 163, 178, 180,
232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 240, 243, 244, 250,
309, 310, 317, 342
Asie, 15, 16, 59, 63, 64, 66, 70, 85, 112, 113, 145, 206,
309, 342
ASKO, 137
Asplund (E.G.), 149, 150, 176, 222, 332
Aulenti, G., 333, 334
Aulne, 44, 45, 46, 47, 48
Autriche, 26, 27, 28, 137, 141, 220, 247, 312, 324
Azobé, 44, 45, 46
B
B&B Italia, 344
Bacon, F., 111
Balsa, 44, 45, 46, 66
Basralocus, 44, 45, 46, 47
Bauhaus, 128, 131, 139, 140, 149, 170, 171, 172, 175,
178, 180, 188, 242, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254,
257, 287, 314, 316, 336
Baumann, P., 54, 176, 204
Behrens, P., 247, 248
Belgique, 26, 29, 30, 88, 92, 114, 133, 160, 279
Benelux, 278, 280
Bentsen, I., 167, 204
Biedermeier, 148, 159, 247
Bill, M., 252, 289, 314
Billy (étagère), 154
Bindesböll, G., 158, 159, 160, 161, 173, 176, 177, 198
Bo Concept, 345
Bobois, 284, 344, 345
Böcklin, A., 109
Bodilsen, 156
Bois, 6, 7, 42, 44, 51, 59, 64, 68, 82, 88, 92, 94, 97, 105,
107, 110, 113, 116, 117, 120, 125, 282, 284, 309
Bois (exotique), 59
Bojesen, K., 171, 210
Borsani, Oswaldo, 333
Bosnie-Herzégovine, 32, 33, 34
Boucher, F., 108
Bouillottage, 78
Bouleau, 50
Boulle, 53, 62, 65, 92, 260, 261, 292, 293, 295
Brancusi,C., 112
Breton, J-L., 269
Breuer, M., 100, 152, 241, 242, 251, 253, 314
Britain Can Make It (BCMI), 238, 239, 240, 265
Bubinga, 44, 45, 46, 47, 48
Bugatti, C., 325, 326
Bulgarie, 32, 34, 35
C
Caillebotte, 109
Caillette, R.-J., 267, 270, 285, 295, 296
Campbell, L., 344
Canada, 54, 70, 85, 87, 114, 115, 175, 209, 314
CAO, 97
Cappellini, 344
Carl Hansen & Sön, 201, 202, 203, 211
Carrache, A., 107
Cassina, 327, 328, 329, 330, 332, 333, 334, 335, 344
Cathelat, B., 120, 300, 301, 302, 303, 308, 310, 315, 317,
343
CCA (Centre de Communication avancée), 300, 315
Certification, 233, 319
Cézanne, P., 110
Charles II, 231
Charles X, 56, 65, 71
359
Châtaignier, 44, 45, 46, 47, 68
Chêne, 44, 45, 46, 47, 51, 273
Cherry, 44, 45, 46, 47
Chine, 38, 147, 156, 257, 319, 323
Chippendale, 178, 184, 205, 234
Christian VIII, 159
Cini Boeri, 333
CITES, 16, 65
COID (Council of Industrial Design), 238, 239, 240, 242,
315
Colbert, 15, 263, 272
Colles, 80
Cologne (Salon International de), 277
Colombo, J., 333, 334
Conforama, 345
Conran, T., 235, 242, 244
Constable, J., 108
Consulat, 260
Contreplaqué, 48
Corot, C., 108
Courbet, G., 109
Cranbrook Academy of Art, 138, 141
Cressent, C., 65
Croatie, 32, 33, 34, 324
CTBA, 8, 45, 79, 80, 84, 94, 113, 121, 122, 123, 126,
233, 323, 324
D
Dahl, J.C., 111
Danemark, 9, 10, 11, 13, 18, 26, 29, 30, 38, 63, 92, 111,
115, 128, 130, 132, 133, 134, 143, 147, 155, 156, 157,
158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 170, 171, 172,
173, 174, 176, 178, 179, 183, 195, 196, 198, 199, 201,
203, 208, 210, 211, 213, 215, 217, 218, 219, 221, 222,
223, 224, 225, 226, 230, 256, 277, 278, 279, 280, 284,
285, 286, 287, 288, 298, 339, 340, 341, 342, 343, 344
Danish Modern, 175, 224, 225, 226
Danka (Boconcept), 156
Dansk Möbelkunst, 167, 168, 172, 183, 190, 193, 199,
201, 204, 206
Dark red, 44, 45, 46, 47, 48
Day, R., 76, 98, 242
De Padova, 344
De Pas, J., 333
Delacroix, E., 108
Den Permanente, 171, 219
Denis, M., 109
Déroulage, 78
Design in Scandinavia (exposition), 175, 244
Développement durable, 117
DIA (Design and Industriels Association), 232, 233, 237
Dibétou, 44, 45, 46, 47, 48
Die Brücke, 110, 248
Die Stijl, 314
Directoire, 260, 283
Ditzel, N., 218
Dominique et Spade, 264
Domus (revue), 10, 11, 54, 143, 314, 315, 322, 328, 332,
344
Donatello, 112
Douanier (le), 110
Douglas, 19, 44, 45, 46, 47, 323
Doussié, 44, 45, 46, 47
Dresdner Werkstätte, 248
Dreyer, D., 111
Dumond, J., 264, 265, 292, 293
E
EAC (East Asiatic Compagny), 227
Eames (Charles & Ray), 55, 65, 100, 138, 141, 198, 207,
270, 288, 295, 296
Ecoconception, 120
Ecole du meuble, 167, 168, 182, 183, 188, 189, 190, 195
Ecologie, 117
Ecosse, 18, 20, 21, 22, 235
Elsheimer, A., 107
Empire (Style), 54, 62, 63, 65, 66, 158, 235, 247, 260,
261, 276, 325
Erable, 44, 45, 46, 47, 48, 53
Erable sycomore, 45, 46, 47, 48
Erhard Rasmussen, 166, 198
Erlow,E., 282
Ernest, M., 221, 242
Estonie, 23, 135, 137
Etats-Unis, 10, 52, 54, 70, 80, 85, 87, 88, 90, 92, 94, 110,
113, 114, 115, 137, 138, 140, 147, 156, 175, 199, 200,
201, 210, 226, 234, 241, 242, 243, 244, 249, 251, 256,
279, 288, 299, 310, 314, 319, 322, 324, 335, 340, 343
Etuvage, 78
Eucalyptus, 323
Europe, 7, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 24,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 37, 38, 44, 52,
54, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 68, 69, 70, 71, 76, 77, 84,
87, 90, 91, 92, 95, 102, 105, 107, 108, 113, 128, 131,
132, 133, 135, 136, 139, 140, 144, 147, 149, 155, 157,
159, 160, 162, 164, 172, 209, 210, 216, 217, 218, 227,
228, 229, 233, 244, 245, 246, 247, 249, 250, 254, 257,
259, 260, 266, 275, 278, 281, 282, 291, 304, 318, 321,
323, 324, 326, 328, 329, 335, 336, 339, 340, 341, 342,
343
Europe Centrale, 9, 27, 30, 38, 84, 132, 218, 228, 324,
339, 342
Europe Centrale de l’Ouest, 228, 339
Europe de l’Est, 29, 71, 147, 254
Europe du Nord, 9, 13, 25, 26, 38, 107, 132, 157, 339,
340
Europe du Sud, 9, 13, 32, 33, 34, 35, 37, 339, 341
Exposition de New York (1939), 139
Exposition de Stockholm (1930), 149
Exposition Internationale des Arts et Techniques de la
Vie Moderne, 151
Exposition Universelle (1900), 138, 151, 253, 254, 291
Exposition Universelle (Bruxelles,1958), 292
Exposition Universelle (Londres,1851), 253
F
FAO, 12, 15, 16, 17, 23, 24, 25, 26, 27, 32, 35, 36, 40,
132, 133, 230, 246, 250, 259, 323
Faostat, 12
Faubourg Saint-Antoine, 271
FDB, 172, 191, 193, 194, 195, 196, 198, 211
Festival of Britain, 242
Feuillus, 44
Fibres (panneau de), 88, 92, 94
Finlande, 9, 13, 16, 20, 23, 24, 26, 51, 57, 85, 115, 130,
132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142,
143, 147, 211, 213, 218, 221, 224, 246, 256, 259, 266,
297, 339, 341, 342
360
Finmar, 140
Fly, 345
Forêt, 17, 18, 20
Forêt boréale, 20
Forêt boréale de conifères, 20
Formes Finlandaises, 222, 223
Formes Scandinaves (exposition), 152, 174, 211, 212,
213, 214, 277, 297, 298
Formes utiles, 268
Formica®, 270
Fornasetti, P., 329, 331
Foster, N., 254
Foyer d’Aujourd’hui, 272, 275
Fragonard, H., 108
France, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 15, 18, 26, 27, 28, 30, 31, 38,
48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 62,
65, 68, 69, 70, 71, 82, 84, 85, 86, 88, 91, 92, 103, 108,
113, 114, 115, 120, 122, 128, 130, 131, 132, 133, 137,
148, 154, 156, 160, 170, 172, 173, 174, 194, 196, 199,
209, 210, 211, 213, 214, 216, 218, 219, 220, 223, 226,
230, 231, 235, 242, 245, 246, 247, 248, 249, 255, 256,
258, 259, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 270, 271,
272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 282, 283,
284, 285, 286, 287, 288, 289, 294, 295, 296, 298, 299,
300, 301, 302, 303, 304, 305, 307, 308, 309, 310, 311,
312, 316, 317, 319, 321, 322, 323, 324, 325, 337, 339,
340, 341, 342, 343, 344
France & Son, 209, 218, 219, 220, 282, 289
France Ameublement, 216
Frank,J., 152, 316
Frattini, G., 334
Fredericia Furniture, 198, 345
Frêne, 44, 45, 46, 47, 48, 54
Freund, H.E., 158, 159, 173
Friedrich,D., 108, 158
Fritz Hansen, 171, 201, 202, 206, 207, 208, 209, 211,
215, 218, 295, 345
Funkis, 149
Fyn (Ecole d’), 111, 163
G
Gabetti, R., 334
Gabriel,R., 52, 267, 271, 285, 287, 288, 289, 290, 291,
292, 294, 296
Gainsborough, 108
Galerie MAI, 289
Galerie Scandinave, 172
Gallé, 63, 261
Gallen-Kallela, A., 110, 162, 172
Gascoin, M., 52, 169, 267, 271, 275, 287, 289, 290, 291,
292, 294, 295, 296, 298
Gatti, P. & T., 333
Gauguin, P., 110, 111
Gauriche, P., 270, 289, 290, 291
Gellée, C., 107
Georges, 110, 226, 231, 267, 268
Getama, 201
Gothique, 160
Grande-Bretagne, 9, 10, 11, 13, 27, 30, 38, 52, 60, 61, 82,
84, 85, 88, 92, 96, 113, 128, 137, 140, 146, 158, 160,
161, 165, 194, 196, 220, 222, 226, 229, 230, 231, 232,
233, 234, 235, 236, 237, 240, 241, 242, 243, 244, 247,
265, 266, 278, 279, 280, 307, 310, 314, 321, 323, 335,
336, 339, 340, 341, 342, 343
Grcic, Konstantin, 339
Grèce, 18, 32, 34
Gregotti, V., 331, 334
Grimm (frères), 107
Gropius (W.), 175, 188, 242, 250, 251
Grumes, 78
Gubi, 344, 345
Guiguischon, S., 264
Gustave III, Style Gustavien, 148, 150, 307
H
H55 (Exposition), 151
Habitat, 7, 232, 235, 239, 240, 242, 244, 270, 345
Hansen, C.B., 165
Hansen, C.F., 173, 176
Hantverket, 150
Hauville, 275
Heal, A., 232, 234, 235, 244
Heal’s, 235, 240
Henningsen, P., 170, 175, 179, 180
Henri IV, 260
Hepworth, C., 199
Herbst, R., 268, 269
Hermant, A., 269
Hêtre, 44, 45, 46, 47, 55
Hetsch, G.F., 158
Hille, 242
Hitier, J., 272, 285
Hochschule für Gestaltung, 251, 252
Hoffmann, J., 100, 248, 249
Home Contemporain (Le), 283
Hongrie, 27, 29, 30, 253
Hope, T., 158
HTH, 156, 157
Hubert, R., 108
Hvidt,P., 218
I
IKEA, 46, 58, 64, 125, 131, 145, 147, 150, 153, 154, 155,
172, 194, 197, 198, 239, 240, 253, 342
Imbuia, 44, 45, 47, 48
Indonésie, 64, 156
Interbau (exposition), 152
Irlande, 26, 27, 30, 278
Iroko, 44, 45, 46, 47, 48, 66
ISKU, 137
Islande, 20, 22, 23, 24, 132, 211, 213, 215
Isokon, 241
Isola, A., 334
Italie, 9, 10, 11, 13, 32, 33, 34, 35, 85, 92, 101, 113, 128,
130, 131, 133, 156, 222, 230, 242, 243, 244, 259, 265,
266, 278, 279, 280, 299, 309, 314, 317, 321, 322, 323,
324, 325, 326, 327, 328, 329, 330, 331, 335, 339, 340,
341, 342, 344
Itten, J., 251
J
Jacobsen, A., 55, 60, 63, 100, 141, 162, 164, 169, 170,
171, 172, 188, 190, 192, 200, 206, 207, 208, 210, 211,
213, 215, 217, 218, 223, 225, 226, 270, 282, 284, 285,
289, 295, 296, 297, 336, 342
Jalk, G., 167, 169, 193, 218
Jelutong, 44, 45, 46, 47, 48
361
Johannes Hansen, 166, 201, 202, 203
Jourdain, F., 196, 269, 297
Jugendstil, 160, 248, 332
Juhl, F., 168, 169, 171, 172, 175, 198, 199, 200, 201,
203, 206, 217, 223, 225, 243, 282, 286, 289, 290, 292,
295, 342
K
Kalevala, 138, 162
Kampmann, H., 163
Kamprad,I., 131, 153
Kapur, 44, 45, 46, 47, 48
Kartell, 333
Kaufmann, E.Jr., 199, 226
Kempas, 44, 45, 46, 47
Keruing, 44, 45, 46, 48
Key, E., 148
Khaya, 59, 60, 61
Kiefer,A., 111
Kindt-Larsen, E., 168, 190
Kisker, K., 287
Kjaer,J., 167
Kjaerholm,P., 158, 171, 209, 215, 217, 225, 282
Klimt,G., 162
Klint, K., 6, 60, 152, 153, 158, 163, 166, 167, 168, 169,
170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180,
181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191,
192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 201, 202, 203,
204, 205, 206, 207, 211, 224, 225, 244, 265, 287, 294,
298
Klotz-Gilles, 264, 271
Klunkestil, 160, 161, 163, 208
Köbke, C., 111, 159
Koch, M., 166, 169, 170, 172, 191, 195, 196, 197, 199,
204, 205, 206, 217
Kohn (J.&J.), 100, 249
Kold Christensen, 201, 209
Kosipo, 44, 45, 46, 47, 48
Koto, 44, 45, 46, 47, 48
Kyhn, W., 111
L
Lamellé, 81
Lamellé-collé, 81
Lamifié, 101
Landault, R., 293, 294
Larsson (Carl & Karin), 148
Leleu,J., 263, 264, 265, 268
Leslie, S.C., 238
Lettonie, 23
Levitan, 283
Liaigre, Christian, 68
Lichtenstein, 27
Ligne Roset, 313, 344
Limba, 44, 45, 46, 47, 48
Liomba, 44, 45
Litaunie, 23, 24
Lomazzi, Paola, 333
Loos, A., 100, 178, 249
Louis XIII, 260
Louis XIV, 260, 261, 263, 277
Louis XV, 50, 53, 56, 62, 63, 66, 72, 148, 260, 273, 274,
276, 277, 283, 311, 324, 341
Louis XVI, 56, 63, 66, 72, 260, 273, 276, 283, 341
Louis XVIII, 56
Louis-Philippe, 62, 65, 72, 261, 277, 341
Lundbye (J.T.), 111
Luxembourg, 26, 29
M
Macédoine, 32, 33, 34
Mackintosh, 164, 235, 236, 248, 332
Magistretti, V., 208, 330, 333, 335
Magnussen, E., 254
Mai 1968, 302
Maison de la Suède, 210, 216, 223
Maison du Danemark, 210, 211, 219, 222, 223, 277, 284,
285
Majorelle, L., 63, 261
Makepeace, L., 243, 244
Makoré, 44, 45, 46, 47, 48
Malmsten, C., 152
Malte, 32
Manet,E., 109
Mansonia, 44, 45, 46, 47, 48
Marc, F., 110
Markelius, 151
Mathsson,B., 100, 150, 151, 152, 153, 215, 282, 290,
292, 293, 295, 342
Medium Density Fiberboard, 91, 94, 95, 315, 323
Mélèze, 33, 44, 45, 46, 47
Memphis, 101, 309, 310, 334, 335, 336, 344
Méranti, 44, 46, 47, 48
Merbau, 44, 45, 46, 47
Meubles d’Artistes (mouvement), 159
Meuropan (Lyon), 276
Meyer, G., 186, 196, 197, 211
Meyer, H., 251
Mies van der Rohe, Ludwig, 175, 253
Milan (Triennale de), 8, 10, 131, 142, 207, 219, 255, 256,
265, 285, 291, 296, 298, 313, 314, 315, 316, 317, 325,
326, 328, 329, 330, 331, 332, 334
Millet, J.-F., 109
Mobilier National, 263, 264
Mogensen,B., 169, 172, 181, 186, 191, 192, 193, 194,
195, 196, 197, 198, 199, 201, 205, 206, 211, 217, 218,
225, 294
Moldavie (Rép de), 35, 37
Möller, V.S., 167, 168, 196
Mollino, C., 101, 330, 331, 332
Mondrian, P., 316
Monet, C., 109
Monre, H., 199
Monténégro, 32
Montina, 345
Moormann, N.H., 345
Moroso, 345
Morris, W., 160, 161, 162, 180, 204, 232, 233, 236, 237,
240, 326
Morrison, J., 339, 345
Mortier, M., 289, 290, 291
Moser, K., 248
Motte, J.A., 289, 290, 291, 296
Mourgue, O., 270, 337
Munch, E., 110
Mundus Compagny, 254
362
N
Napoléon III, 261
NF Environnement (Label), 31
Niangon, 44, 45, 46, 47, 48
Nolde, E., 110
Noll,A., 270
Nordiques (Pays), 286
Nordiska Kompagniet, 150, 219, 294
Norvège, 18, 20, 23, 24, 58, 112, 130, 132, 133, 135, 147,
155, 156, 194, 211, 213, 215, 217, 218, 219, 220, 255,
256, 279, 286
Novopan®, 86, 89, 270
Noyer, 44, 45, 46, 47, 48, 70
Nurmesniemi,A., 142, 215
Nyrop, M., 161, 162, 163
O
Obéché, 44, 45, 46, 47, 48
Oeben J.F., 53, 66
Okoumé, 44, 45, 46, 47, 67
Olbrich, J.M., 248
Old,M., 52, 263, 264, 265, 271, 272
Olivier, 270, 313, 337
Orme, 44, 45, 46, 47, 48, 56
OSB (Oriented Strand Board), 87
Oural (L’), 16, 19, 20, 21, 22
P
Palissandre, 64, 65
Pankok,B., 248, 249
Panneaux, 39, 88, 92, 94
Panton, V., 170, 172, 218, 222, 254, 295, 296, 297, 337
Papanek, V., 316, 317, 318, 319
Particules (panneaux), 88, 92
Pascaud,J., 263, 264
Paulin,P ;, 270, 288, 296, 297, 337
Paulsson, G., 149
Pavillon Finlandais, 132
Pays Nordiques, 281
Pays-Bas, 27, 29, 30, 266
Péninsule Ibérique, 18, 32, 33, 34, 35, 52, 62, 85, 114,
128, 131, 317, 337
Perrault, C., 107
Petersen, C., 163, 173, 174, 176, 211, 222
Peuplier, 44, 45, 46, 47, 48, 56
Philipsen, T., 111
Picasso, P., 112
Pin, 44, 45, 46, 47, 48, 57, 323
Pin maritime, 44, 46, 47, 48
Pin sylvestre, 44, 45, 46, 47
Pitchpin, 58
Placage, 48, 101
Placage décoratif, 48
Plastique, 336
Poillerat, 264
Poirier, 71
Pologne, 19, 27, 28, 30, 38, 83, 147, 154, 156, 257, 259,
314, 319, 341
Poltronova, 335
Pons, G., 276, 286, 287
Ponti, G., 294, 328, 329, 331, 332
Pontoppidan, 166
Présence, 284
Pugin, A.W.N., 160, 232, 233, 237
PVC, 96, 270, 312, 336
Q
Quarto, E., 325
Quinet,J., 263, 264
R
Race, E., 242
Rafn, Aa., 163, 164
Ramin, 45, 46, 47, 48
Raphaël, 263, 292
Rasmussen, E., 166, 168, 173, 177, 193, 209, 221, 243
Recentrage, 303, 304, 305, 306, 307, 308
Red Oak, 46, 47
Régence, 51, 62, 65, 260, 311, 324
Regency, 232
Régionalisme, 313
Renaissance, 50, 52, 63, 77, 105, 106, 107, 160, 178, 324,
325, 329
Renoir, A., 109
Résineux, 44
Ressources forestières, 24, 27, 32, 36, 133, 230, 246, 259,
322
Restauration, 53, 54, 62, 65, 66, 70, 261
Révolution Française, 62, 65, 66, 188, 260, 263, 302
Reynolds, J., 107, 108
Richard, A., 108, 248, 249, 285, 288, 289, 296, 298, 336
Richter, G., 111
Riemerschmid, R., 248, 249
Riesner, 53
Rietveld,G., 199, 332
Roche, 282, 284, 344, 345
Rococo, 148, 158, 208, 234
Roed, 173
Rossi, A., 334
Rothschild.J., 263, 264
Roumanie, 32, 34, 35, 38, 154, 246, 259, 319, 341
Rousseau, T., 109, 110
Royal Copenhague, 223
Royère,J., 263, 265, 268, 280, 286, 287, 289, 329
Rud.Rasmussen, 166, 169, 173, 174, 205
Ruhlmann, J.E., 66, 262, 263
Ruisdael, J.V., 107
Ruskin, J., 160, 233, 240, 326
Russie (Féd. de la), 16, 20, 21, 22, 25, 35, 36, 37, 38, 57,
76, 83, 135, 136, 137, 142, 253
S
Saarinen, E., 138, 141, 172, 288
SAD (société des Artistes Décorateurs), 268
Salesco, 201, 202, 218
Salon des Artistes Décorateurs, 265, 272, 289, 292
Salon des Arts Ménagers, 269, 272, 275, 276, 290, 291,
292
Salon International du Meuble, Paris, 219, 220, 221, 277,
282, 298, 300, 314
Sapelli, 45, 46, 47, 48, 61, 63, 67, 68, 84
Sapin, 44, 45, 46, 47, 58, 107
Sarpaneva, T., 142, 214, 215
Saule, 107
363
Scandinavie, 9, 19, 22, 84, 92, 96, 112, 128, 130, 132,
133, 138, 148, 154, 157, 160, 161, 171, 209, 218, 219,
223, 226, 242, 243, 247, 277, 279, 280, 281, 282, 283,
286, 288, 322, 326, 337, 339, 341, 344, 345
Scarpa, A. & T., 333
Schlegel, F., 195
School of Panham, 243
Sciage, 75, 78
Scie circulaire, 65
Séchage, 78, 82, 90
Second Empire, 52, 53, 63, 65, 71
Sensoriel, Marketing sensoriel, 127
Serbie, 32
Sérusier, P., 110
Seurat, G., 110
Severin, 165
Shakers, 157, 191, 195, 198, 206
Sibérie, 21, 22, 36, 37, 57
Sicaf, 284
SID (Société des créateurs Industriels Suèdois), 149
Silvera, 344
Sipo, 45, 46, 47, 48, 61, 63, 67, 68
Skönvirke (mouvement), 161, 163
Skovgaard, P.C., 111, 174
Slovaquie, 27, 29, 257
Slovénie, 32, 33, 257
Söborg Möbelfabrik, 209, 226
Sodeko, 284
Soskin, A., 284
SOTKA, 137
Sottsass, E., 330, 333, 334, 335
Staël, N.d., 111
Stam,M., 253
Starck, P., 223, 339, 344
Stoppino, G., 331, 332, 334
Stora Enso, 136
Suède, 9, 13, 16, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 26, 30, 57, 58, 90,
112, 114, 130, 132, 133, 135, 137, 143, 144, 145, 146,
147, 148, 149, 150, 154, 155, 156, 172, 176, 193, 194,
210, 211, 213, 214, 216, 218, 221, 222, 223, 224, 226,
246, 255, 256, 259, 266, 278, 279, 280, 281, 286, 297,
339, 341, 342, 343
Suisse, 27, 28, 87, 88, 92, 106, 113, 115, 220, 247, 278,
285
Summers,G., 100, 241, 244
Svenska Form, 151
Svenska Möbelfabrikerna, 150, 151, 220, 287, 294
Swedese, 345
Sycomore, 44, 47, 53
T
Tapiovaara, I., 142, 290
Tchèque (Rép.), 26, 28, 29, 30, 38, 341
Teck, 44, 45, 46, 48, 63, 220, 226, 227
Tecno, 333
Thonet, 54, 55, 82, 99, 100, 141, 208, 252, 253, 254, 270,
296, 317, 345
Thorvaldsen (musée de), 158, 159, 161, 173, 174, 176,
177
Tiama, 45, 46, 47, 48, 63
Toundra boréale boisée, 21
Turner, W., 108
U
UAM (Union des Artistes Modernes), 262, 268, 269, 273,
290, 292
Ukraine, 35, 36, 37, 76
Ulm (Ecole d’), 252
Unifa, 259
Urbino, D.d., 333
Urée-formol (colle), 80
Utility Furniture, 236
V
Van Gogh, 110, 111
Vernis, 101
Virola, 45, 46, 47, 48
Vodder, N., 198, 200, 289
Vuokko, 142
W
Waferboard (panneaux gaufrés), 87
Wagner,O., 100, 249
Wancher, O., 191, 205, 206, 292
Watteau, J.A., 108
Wegner, H., 100, 166, 169, 171, 172, 191, 192, 200, 201,
202, 203, 204, 215, 217, 218, 225, 244, 291, 292, 295,
342
Wengé, 68
Wennerberg, 148
White, 44, 46, 48
Wiener Werkstätte, 164, 180, 248, 249
Wirkkala, T., 138, 142, 290
Witkowski, 84
Wright, F. Lloyd, 316, 332
Y
Yggdrasil, 105, 111
Yougoslavie, 33, 34, 35
Z
Zanotta, 333, 345
Zanuso, M., 330
Zen, C., 325, 326