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twen Créativité La créativité est une fonction neuronale éminemment complexe. Des idées originales surviennent lorsque les deux hémisphères du cerveau coopèrent entre eux de manière optimale. Précisons ici qu’il n’y a pas de lien entre la créativité et l’intelligence d’une personne. Dossier à thème: Sens

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Créativité Dossier à thème: Sens La créativité est une fonction neuronale éminemment complexe. Des idées originales surviennent lorsque les deux hémisphères du cerveau coopèrent entre eux de manière optimale. Précisons ici qu’il n’y a pas de lien entre la créativité et l’intelligence d’une personne.

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twen

Créativité

La créativité est une fonction neuronale éminemment complexe. Des idées originales surviennent lorsque les deux hémisphères du cerveau coopèrent entre eux de manière optimale. Précisons ici qu’il n’y a pas de lien entre la créativité et l’intelligence d’une personne.

Dossier à thème: Sens

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Avant-propos

Dossier compatible Shortcut.

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Selon des psychologues américains, la diffé-rence entre les personnes créatives et les per-sonnes moins créatives résiderait tout sim-plement dans le fait que les premières, contrairement aux secondes, se considèrent comme créatives. Actuellement, on considé-rerait aussi comme créatives les personnes qui clament haut et fort leur créativité. Pour nombre d’entre nous, la créativité n’est rien d’autre qu’une affaire de style de vie. Les jeunes des années 60 se voulaient rebelles, ceux d’aujourd’hui se veulent créatifs. Mais comment définir la créativité si on sépare cette notion de toute forme d’expression et de représentation artistiques?

La créativité est la «combinaison d’informa-tions sous une forme nouvelle» dont il res-sort, au meilleur des cas, quelque chose de durable. Les musiciens s’efforcent de pro-duire des compositions intemporelles à par-tir de sonorités et de techniques existantes. Les chercheurs et les concepteurs étudient la nature et appliquent leurs observations à des nouveautés techniques. Les personnes qui partagent les mêmes intérêts se regroupent spontanément en une communauté virtuelle et utilisent les ressources de leurs cerveaux réunis pour créer, Wikipedia par exemple. Dans les pays en développement, la misère rend inventif et amène un progrès que l’on ne doit qu’à soi-même. Cette liste, on pour-rait la compléter à l’infini. Ce qui est certain, c’est que la créativité a toujours du sens. A la fois pour celui qui en fait preuve et pour celui qui, à terme, en profite.

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«Chacun peut en faire autant»Mercury: un duo de DJ qui ne se contente pas de mixer.

La nature, cette richesseBionique: quand la nature sert de modèle aux innovations techniques.

BrainstormingLa science démythifie la vache sacrée.

Et personne ne demande de l’argentDémonstration de créativité collective.

Le garçon qui dompta le ventLe fils d’un paysan pauvre du Malawi nous prouve que la misère rend créatif.

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«Chacun peut en faire autant»Beaucoup pensent que mixer n’est pas un art. Ils oublient bien sûr qu’il y a DJ et DJ. Le duo Mercury, de Berne, fait assurément partie de la famille des créa-teurs. Les remix et les compositions de Mel et Simon font actuellement un ta-bac sur la scène internationale.

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Que répondez-vous à ceux qui, enparlant des DJ, disent que chacunpeut en faire autant?Mel: Je leur dirais de devenir DJ! On gagne un paquet d’argent et les femmes se bousculent au portillon, gratuite-ment. La réalité est évidemment bien différente. Durer dans la profession, en gagnant correctement sa vie, n’est pas à la portée de tous. Avant d’atteindre ce stade, on passe par des années de vaches maigres. Simon: La remarque est justifiée, sur-tout de nos jours où la technique a considérablement simplifié les choses. Les programmes informatiques à la dis-position des DJ permettent à tout un chacun de mixer. Auparavant déjà, l’habileté technique ne suffisait pas. Pendant sa prestation, un DJ doit être capable de créer son propre univers musical. Dans le meilleur des cas, il

produit lui-même de la musique; des remix et ses propres compositions.

Certains DJ se contentent dereproduire des tubes sans créerpersonnellement le moindre son.Financièrement, ils ne sont pas àplaindre!Simon: Bien sûr que ce type de DJ existe. Je les compare plutôt à des ani-mateurs qui, derrière leur clavier, ani-ment des bals dans des bistrots de vil-lage. Ils font passer de bons moments au public mais n’apportent rien sur le plan culturel. Pour être reconnu sur la scène internationale, un DJ doit égale-ment être compositeur.

Ne peut-on pas tout simplementcréer de la musique sur sonordinateur portable? Je pensenotamment à la musique

électronique où il suffit de peupour faire danser les gens.Mel: A mon sens, la musique produite sur un ordinateur portable sonne comme tel. Il faut se rappeler que la musique électro à danser est principalement pro-duite pour les clubs. Le public qui fré-quente ces lieux recherche une sonorité entière; il veut ressentir les vibrations de la musique. Ces effets s’obtiennent plus facilement avec un équipement profes-sionnel de studio. Par ailleurs, la palette de sons proposée par les programmes informatiques est limitée et ne se prête guère à une personnalisation.

Le milieu fait l’éloge de votre styletrès personnel. Les complimentsproviennent de DJ consacrés et deproducteurs reconnus sur la scèneinternationale. En quoi cescompliments vous aident-ils?

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Photographie cette page via Shortcut et écoute directement sur ton Smartphone le nouveau single de Mercury.

1: Mercury, le duo de DJ bernois, et Robert Owens, le légendaire chanteur de house music, lors du tournage du clip vidéo de «Candlelight», leur production commune (GDT00037, sortie en février).

Simon: Pour se faire un nom dans le milieu, il faut des références. Pendant longtemps, nous n’avons pas été pris au sérieux. Ce n’est qu’à partir du moment où des gens aussi influents que Busy P (ex-manager de Daft Punk et fondateur du label Ed Banger) ont joué nos disques que les choses ont commencé à bouger. Notre public grossit d’année en année. Etonnamment, nous avons aussi beau-coup de fans aux Etats-Unis.

Comment décririez-vous le travailde création en studio?Mel: Autrefois, nous étions très sponta-nés et laissions libre cours à notre ima-gination. Nous nous lancions et nous improvisions. Quand nous tenions quelque chose, une bonne mélodie par exemple, nous construisions tout au-tour. Aujourd’hui, nous allons au stu-dio avec une inspiration précise et des idées plus ou moins arrêtées. En fait, nous donnons un cadre à notre créati-vité. Cela nous aide et notre musique s’en ressent. Dans quelle mesure?Mel: Avant, nous nous trouvions de-vant une page blanche et avions une boîte de crayons de couleur à notre dis-position. Aujourd’hui, cette page com-porte une trame et nous décidons par avance des couleurs que nous utilise-rons. De cette manière, notre œuvre de-vient plus claire et plus compréhen-sible. C’est important pour nous. La créativité n’est pas un but en soi. Nous cherchons à atteindre le public et à le toucher.

La spirale est une structure largement répandue, voire omniprésente. En ce sens, elle revêt un caractère d’universa-lité. Exemples parmi d’autres: notre planète est située dans un bras spira-loïde de la voie lactée; un tourbillon d’eau, la coquille de l’escargot, cer-taines plantes également ont la forme d’une spirale. Cette forme constitue aussi un élément fondamental de l’or-ganisme puisque notre structure ADN est représentée par une double hélice. L’être humain s’inspire de cette struc-ture flexible, mais néanmoins solide, quand il se lance dans la construction de gratte-ciel vertigineux et de rampes sans fin.

Concrètement, la bionique signifie uti-liser des connaissances livrées par la biologie pour les appliquer à des pro-duits issus de la technique, sans néces-sairement vouloir imiter la nature en tous points. Il s’agit en effet davantage d’une redécouverte d’éléments inspirée et suggérée par la nature.

La spirale dont il a précédemment été question n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il y a aussi les feuilles de lotus, à considérer comme autonettoyantes puisqu’elles repoussent à la fois la poussière et l’eau, ou encore les requins qui, grâce aux propriétés aérodyna-miques de leur peau, peuvent se dépla-cer à toute allure. L’observation du comportement des insectes et d’autres espèces animales a également servi dans de nombreux domaines tech-niques. La fameuse fermeture velcro – au demeurant une invention suisse – s’inspire précisément de la nature. Georges de Mestral, ingénieur de son état, avait l’habitude d’emmener ses chiens en promenade et était toujours

En développant des structures particulières et des techniques surprenantes, la nature s’adapte depuis des millions d’années aux changements que l’évolution lui impose. La bionique, sujet qui nous intéresse ici, a pour objet l’étude des phénomènes biologiques pouvant déboucher sur des applications techniques.

La nature – Sourceinfinie d’inspiration

très intrigué de constater qu’il avait le plus grand mal à les débarrasser des graines de badiane collées à leurs poils. En analysant ces graines au micros-cope, il découvrit un système sophisti-qué de petits crochets élastiques qui, dans un tout autre domaine, permet au-jourd’hui de faire tenir ensemble deux matériaux.

Rendons à Léonard …Issu de la contraction de biologie et de technique, le terme bionique a été uti-lisé pour la première fois en 1960 par Jack E. Steele, engagé dans l’armée de l’air américaine, pour désigner les re-cherches qu’il effectuait sur des cy-borgs, des créatures mixtes faites d’or-ganismes vivants et de pièces méca-niques. Si ce domaine semble en plein essor, la bionique n’est pas une disci-pline récente pour autant. Le premier «bionicien» de l’histoire est bel et bien Léonard de Vinci qui, en construisant des ailes battantes, a prouvé à ses contemporains que l’homme ne se prendra jamais pour un oiseau. Un constat hélas venu bien trop tard pour Icare!

Autre exemple: en 2010, Markus Hol-lermann et Felix Förster ont reçu le Bionic Award pour le système de fixa-tion que leur ont inspiré des tiques. Le dispositif mis au point par les deux in-venteurs s’agrippe aussi solidement sur un support qu’une tique sur la peau de l’homme ou de l’animal. Si certaines découvertes de la bionique paraissent d’une simplicité élémen-taire, il en va tout différemment de leur développement. Le professeur Thomas Speck de l’Université de Fri-bourg en Brisgau rappelle que la bio-nique nécessite surtout une chose, du

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2: Une société allemande a réussi la reproduction bionique d’une mouette. Le vieux rêve de voler tel un oiseau reprend de la vigueur.

3: Grâce aux stries de sa peau, le requin se déplace avec une grande rapidité. Des maillots de bain et des combinaisons de plongée de la dernière génération s’inspirent de cette méthode biologique.

La nature – Sourceinfinie d’inspiration

temps. Les solutions judicieuses pro-posées par la nature sont le fruit d’une sélection naturelle qui s’est effectuée sur de très longues périodes. Pour pou-voir durer, il leur a fallu être efficaces et souples. De la même manière, le dé-veloppement de solutions bioniques passe obligatoirement par des adapta-tions, des abstractions et d’innom-brables essais. Le professeur Speck in-siste également sur l’importance de posséder de solides connaissances en

matière de physique, de biodiversité et d’interactions entre les différentes es-pèces.

Une pensée interdisciplinaireConsidérant l’aspect interdiscipli-naire de la bionique, les chercheurs doivent être capables d’ouverture d’es-prit et de travail d’équipe. En outre, ils doivent s’efforcer de penser en termes d’interdisciplinarité et se montrer créatifs.

La nature est une source d’inspiration quasi illimitée et la bionique constitue un domaine de recherche prometteur, même si pour l’heure, rares sont encore les produits à s’être imposés sur le mar-ché. Cette science nous apprend par ailleurs qu’il n’est pas nécessaire de réinventer la roue à chaque fois et que, souvent, il vaut la peine d’observer la nature et de porter le regard au-delà de son horizon habituel. La pensée créa-tive, c’est précisément cela!

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«Using the brain to storm a creative pro-blem». C’est de cette phrase d’Alex F. Osborn, un professionnel très en vogue lorsque la publicité est devenue une vé-ritable industrie, qu’est issue l’expres-sion brainstorming. Alex F. Osborn est le cofondateur de BBDO, qui a été et est toujours une grande agence de marke-ting dont le siège est à New York. La so-ciété compte parmi ses clients des en-treprises comme Mercedes, BMW, Bur-ger King, Hugo Boss et HBO – chaîne de télévision qui diffuse Mad Men, une série traitant de l’âge d’or de l’industrie de la publicité et qui reprend certains éléments de l’histoire de BBDO.

Hiérarchie contre échangespontané d’idéesAlex F. Osborn a mis au point sa mé-thode après avoir constaté que ses em-ployés peinaient à développer des idées novatrices. De peur de faire fausse route ou de proposer quelque chose d’inadé-quat, ceux-ci n’osaient guère formuler des pensées qui s’écartaient des repré-sentations classiques. Les séances de travail n’avaient rien de productif et étaient davantage l’expression de rap-ports de force internes. En bref, le sys-tème hiérarchique freinait la producti-vité de l’équipe. En 1939, Alex F. Osborn a donc publié un ouvrage explicitant les fondements d’une nouvelle forme de ré-solution interactive des problèmes. Le brainstorming était né.

La méthode est simple: on réunit un groupe de personnes autour d’une pro-blématique et on note sur un tableau tout ce qui passe par la tête des participants. Chacun est tenu d’exprimer les associa-tions auxquelles il pense, qu’elles soient

Le brainstorming est couramment pratiqué dans le cadre de formations, de cours de perfec-tionnement et dans le monde du travail pour cerner des problématiques complexes. Les pédagogues, les conseillers et les concepteurs accordent en effet à cette méthode un très grand crédit. Pourtant, l’utilité de cette technique est aujourd’hui remise en question.

La vache sacrée qu’estle brainstorming

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Photographie cette page via Shortcut et visionne directement sur ton Smartphone ce que les acteurs de «Mad Men» entendent par brainstorming.

pertinentes ou non, l’important étant de recueillir le plus grand nombre possible d’idées. Au moment de la discussion et de l’évaluation, toutes les suggestions sont traitées. Dans ce processus, une idée est toujours considérée comme le produit du groupe, qu’elle soit émise par un chef ou un simple stagiaire.

Pour favoriser la libre expression des pensées, aucune critique n’est autorisée pendant ce travail de remue-méninges.

C’est ainsi seulement que les partici-pants à un travail de création peuvent donner leur pleine mesure.

La quantité plutôt que la qualitéAu cours des dernières décennies, des chercheurs se sont penchés sur l’utilité du brainstorming. De nombreuses ex-périences ont été faites sur cette recette dite miracle en termes de créativité. Et le verdict est plutôt décevant. Lorsqu’ils travaillent seuls à une problématique,

les sujets parviennent à de meilleurs résultats que les groupes qui pratiquent le brainstorming. Les psychologues du travail et autres experts expliquent le manque de performances des «re-mueurs de méninges» principalement par deux raisons. D’abord, malgré l’es-prit démocratique dont le système se prévaut, le brainstorming a tôt fait de retomber sous l’influence des dyna-miques de groupe, ensuite, et c’est peut-être l’aspect le plus important, les groupes ont souvent bien du mal à faire un choix quand ils doivent trancher entre de nombreuses idées. Fréquem-ment, les séances de brainstorming se soldent par un désordre inextricable. Les idées sont là, mais il y en a peu de porteuses. Souvent présentée comme la manière de remédier à une inspiration dé-faillante, la méthode soulève un cer-tains nombre de questions. De nom-breuses sociétés, Google en tête, pra-tiquent la transparence et l’absence de hiérarchie et accordent une place im-portante au brainstorming et à d’autres formes d’échanges d’idées et d’opi-nions. Le succès de ces méthodes n’est toutefois pas absolu.

Ces techniques sont certainement un bon moyen d’assouplir les structures sociales et de promouvoir des échanges spontanés entre les individus. Cepen-dant, les résultats ne sont pas forcé-ment supérieurs à ceux obtenus dans le cadre des séances de travail classiques ou au terme d’heures passées en soli-taire à réfléchir derrière un bureau.

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4: Les agences de publicité pratiquent régulièrement la méthode du brainstorming. Des brainstormers professionnels peuvent être sollicités moyennant des honoraires.

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Le réalisateur Kevin Macdonald s’est servi de la communauté YouTube pour réaliser son film «Un jour dans la vie» destiné au grand écran. En clair, il a sollicité tous ceux qui envoient réguliè-rement sur www.youtube.com leurs vi-déos privées, souvent filmées au moyen de téléphones portables. La matière première ne manque pas: chaque se-conde, la communauté des vidéastes amateurs place l’équivalent d’une heure de film sur le portail vidéo.

Pour réaliser son film, Kevin Macdo-nald a invité l’infiniment grande com-munauté d’internautes à partager les vidéos filmées le 24 juillet 2010. Au fi-nal, il a réuni 80 000 vidéos sur Inter-net. Durée de projection de tout ce ma-tériel: 4500 heures! L’histoire ne dit pas si le réalisateur a visionné personnelle-ment toutes ces vidéos. On peut en dou-ter car il aurait dû passer 180 jours et nuits sans interruption devant son télé-viseur ou son ordinateur!

Filmer pour YouTubeSeul le produit final est connu. Il est ar-rivé dans les salles en septembre der-nier, a été diffusé dans 190 pays et dure 90 minutes. Par exemple, on y voit un Coréen qui parcourt le monde depuis neuf ans, seul, avec son sac à dos et à vélo. A Katmandou, la caméra le sur-prend alors qu’une mouche atterrit sur son visage. La mouche aurait exacte-ment la taille de celles que l’on rencontre en Corée. «So I feel very emotional.»

Un film tourné en un seul jour et diffusé dans 190 pays. Est-ce possible? Oui, grâce à la créativité collective! Pour cela, il faut la participation de la grande masse des internautes qui, jour après jour, envoie des vidéos sur Internet. C’est ce qui a permis au réalisateur d’aboutir à un film d’une durée de 90 minutes diffusé pratiquement simultanément dans 190 pays. La créativité collective offre des possibilités infinies!

Et personne nedemande de l’argent

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5: Chaque seconde, la communauté YouTube envoie l’équivalent d’une heure de film vers le portail vidéo. Le réalisateur Kevin Macdonald et le producteur Ridley Scott (Kingdom of Heaven, Body of Lies, American Gangster) ont puisé dans cette immense matière première pour «Un jour dans la vie», un film destiné au grand écran.

Le quotidien de l’être humain est ba-nal. Partout. A la fin du film, la nuit est tombée. Une jeune Américaine est installée dans sa voiture et se filme. Il est pratiquement minuit; le 24 juillet touche à sa fin, dit-elle. Toute la jour-née elle a espéré que quelque chose d’incroyable se produirait. Hélas! «Il ne s’est vraiment rien passé aujourd’hui.» La caméra se tourne en direction du ciel. Pluie, éclairs et tonnerre.

Le projet de film est nettement moins banal, pour YouTube comme pour le groupe Google, propriétaire de l’entre-

prise. Il s’agit aussi d’un coup publici-taire – publicité pour YouTube. Le film montre qu’il y a un certain charme à «travailler» gratuitement sur Internet, même si l’opération sert un but com-mercial, une marque qui cherche avant tout à gagner de l’argent.

Ce qui fait la force de FirefoxGoogle et YouTube ont su exploiter ha-bilement la créativité collective, un phénomène qui existe depuis long-temps déjà, mais est principalement utilisé à des fins non commerciales. Par exemple, la créativité collective (ou

externalisation ouverte), autrement dit le recrutement d’une main d’œuvre gra-tuite sur Internet, est utilisée pour dé-velopper des logiciels libres. C’est ainsi que des analystes-programmeurs qui ne se connaissent généralement pas tra-vaillent ensemble à l’élaboration d’un logiciel dans un espace virtuel. Il peut s’agir de freaks employés chez IBM qui consacrent leurs loisirs à concevoir de nouveaux logiciels libres. C’est d’ail-leurs ainsi qu’ont été créés le système d’exploitation Linux, des langages de programmation qui comptent parmi les plus importants, le moteur de re-

Et personne nedemande de l’argent

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cherche Firefox, Openoffice et bien d’autres produits.

Football et dopagePersonne n’agit seul. La créativité col-lective repose sur le principe d’un grand nombre de personnes qui œuvrent ensemble dans un espace vir-tuel, organisé par elles généralement de manière spontanée, et qui partagent leurs savoirs. Ces conditions doivent

être réunies pour que la créativité puisse atteindre son but.

Autre exemple de créativité collec-tive: le projet Gutenberg. Objectif dé-claré: réunir sur www.gutenberg.org le plus grand nombre possible de livres tombés dans le domaine public. A ce jour, des milliers de bénévoles ont placé sur la toile plus de 38 000 ou-vrages.

Les objectifs peuvent aussi être plus modestes. Par exemple, un groupe de journalistes allemands établit présen-tement une liste de tous les footballeurs concernés par le problème du dopage. Y figure notamment Josep Guardiola, l’actuel entraîneur du FC Barcelone. Sous contrat avec le FC Brescia, il avait été contrôlé positif à la nandrolone, ce qui lui a valu quatre mois de suspen-sion et une amende de 50 000 euros.

Le garçon quidompta le ventLa magnifique histoire de William Kamkwamba se déroule dans un pays qui fait rarement l’objet de comptes rendus optimistes. Puisse-t-elle don-ner à d’autres le courage de réaliser leurs rêves!

«Les histoires africaines sont générale-ment des histoires tristes; la mienne est pleine d’espoir», déclare William Kam-kwamba avec un large sourire. Au moyen de matériaux rudimentaires, ce jeune Malawite aujourd’hui âgé de 24 ans a construit un moulin à vent pour produire de l’électricité et a empê-ché sa famille de neuf personnes de mourir de faim.

Comme la majorité de la population du Malawi, la famille Kamkwamba vivait chichement de la culture du maïs. En 2002, alors qu’une terrible famine me-naçait ce petit Etat d’Afrique australe, elle survivait avec quelques bouchées de Nsima, une bouillie rassasiante à base de farine de maïs. Les récoltes ayant été anéanties par la sécheresse, les Kamkwamba se sont trouvés privés de revenu et n’ont plus pu payer la sco-larité de leur fils. En voyant son père, en regardant les champs ravagés par le manque d’eau, le jeune homme a éprou-vé le besoin impérieux de forcer le des-tin. C’est sur ces réflexions que débute l’extraordinaire histoire de William Kamkwamba.

Cette volonté de changer les choses a éveillé en William le souhait de conti-nuer à s’instruire. A la bibliothèque lo-cale, il a emprunté des livres de sciences et s’est mis à étudier la physique. Ses connaissances d’anglais étant rudi-mentaires, il se basait sur les images et

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«Une bibliothèque géante»Le grand nombre permet de réaliser beaucoup de choses, des choses que nous utilisons quotidiennement, que nous apprécions éventuellement, à l’instar du petit garçon auquel le film «Un jour dans la vie» consacre quelques minutes. Le petit parle l’espagnol, il pourrait être Péruvien. Il est cireur de chaussures et s’installe tous les jours au même coin de rue. Quand on lui de-

mande ce qu’il aime, il répond: son père. Plus tard, il rentre chez lui et re-vient avec un ordinateur en plastique. Ce qu’il préfère, c’est son ordinateur portable: «Wikipedia est plein d’his-toire, de mathématiques, de sciences et de religion. Tout y est. C’est une biblio-thèque géante.» Wikipedia fonctionne aussi grâce à la collectivité. Des mil-liers de personnes rédigent, corrigent et complètent les articles qui y figurent,

sur des sujets aussi variés que le boudd-hisme, la house music ou Justin Bieber. Et personne ne demande à être payé.

les graphiques pour comprendre les textes complexes. Un ouvrage consacré aux éoliennes a tout particulièrement retenu son attention: en produisant du courant électrique à partir du vent, il devenait possible d’irriguer les champs asséchés.

Fort de ses connaissances et la tête pleine d’idées, William a commencé à récupérer tout ce qui pouvait être utile à la réalisation de son rêve. «Les gens, même ma mère, me prenaient pour un fou, mais rien ne m’a arrêté», déclare-t-il enchanté. Là où les autres ne voyaient que du matériel de rebut, lui imaginait ce qu’il pouvait en faire. Il n’avait alors qu’une quinzaine d’années. Décidé-ment, la misère rend ingénieux! Avec un ventilateur provenant du système de refroidissement d’un tracteur, un amortisseur, quelques tubes de PVC et le vieux vélo de son père, il a réussi à construire un moulin à vent de cinq mètres de haut qui lui a permis de pro-duire suffisamment de courant élec-

trique pour les besoins de sa famille et l’exploitation d’une pompe à eau. «Les voisins ont soudainement fait la queue devant la maison pour recharger leur téléphone mobile!» A partir de là, tout le monde – voisins, journalistes et blog-geurs d’Afrique et du monde entier – ont voulu en savoir davantage sur cet autodidacte inventif. L’organisation non gouvernementale TED a invité William Kamkwamba à donner une conférence en 2006. Visi-blement nerveux, le jeune homme alors âgé de dix-neuf ans qui n’avait encore jamais utilisé d’ordinateur et qui ne connaissait rien à Internet a impres-sionné son auditoire et plusieurs inves-tisseurs présents se sont engagés à fi-nancer sa formation. William Kam-kwamba poursuit actuellement des études à l’African Leadership Academy à Johannesburg.

Par son exemple, William Kamkwamba montre comment des moyens rudimen-

taires et des idées originales permettent à la fois d’améliorer le niveau de vie et de produire de quoi se nourrir, même dans les régions les plus déshéritées. Il fait également passer un autre message, bien plus important à ses yeux. «J’aime-rais dire aux Africains et à toutes les personnes qui vivent dans la pauvreté: faites-vous confiance et ayez foi en vous. Quoi qu’il arrive, ne renoncez ja-mais à vos rêves!»

«Le garçon qui dompta le vent», livre écrit par William Kamkwamba avec l’aide du journaliste Bryan Mealer, est un récit extraordinaire sur l’inventivité de l’être humain et sa capacité à dépas-ser les obstacles les plus insurmon-tables.

Livre:

«Le garçon qui dompta le vent» par Bryan Mealer et William Kamkwamba. Publié aux Presses de la Cité. ISBN: 9783424150438

Photographie cette page via Shortcut et écoute directement sur ton Smartphone la conférence donnée par William Kamkwamba.

Photographie cette page via Shortcut et visionne directement sur ton Smartphone le film «Un jour dans la vie».

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Le dossier à thème «Créativité» est publié en annexe au magazine Twen 1/2012, www.euro26.ch Editeur SJAG, Berne Idée / Coordination euro26, Berne Concept / Réalisation grossartig, Berne Texte / Rédaction Arthur Fink, Arci Friede, Martina Messerli, Philipp Schori Adap-

tation française Bernadette von Arx, Genève Impression Büchler Grafino AG, Berne Photos iStockphoto.com, Philippe Cuendet Illustra-

tion Rodja Galli Responsabilité SJAG n’assume aucune responsabilité pour les contenus rédactionnels de tiers. Les déclarations et opinions de tiers ne reflètent pas forcément la position de SJAG. L’emploi du masculin est utilisé pour garantir une meilleure lisibilité du texte; cette formulation s’adresse évidemment aussi au public féminin.

A permis la réalisation du dossier à thème «Créativité»

Pêle-mêle:

Cerveaux créatifs

Coco Chanel

La grande couturière, symbole de

l’élégance française, a été inscrite à tort

sous le nom de famille «Chasnel» dans

les registres de l’état civil.

Steve Jobs

Le pionnier informatique et fondateur de

la société Apple a été donné en adoption à

sa naissance. Il n’a appris l’existence de ses

parents biologiques et de sa sœur que vingt

ans plus tard.

Thomas Edison

Edison compte parmi les grands inven-

teurs de l’époque moderne. Ce qui est

moins connu, c’est que ce malentendant

a également produit et commercialisé des

enregistreurs.

Björk

Cette artiste pluridisciplinaire a sorti son

premier album en 1977, à seulement 12 ans.

Elle y chante des chansons enfantines is-

landaises et des tubes internationaux.

Charlie Chaplin

La tombe de Charlie Chaplin, comique, ac-

teur, metteur en scène, compositeur et pro-

ducteur, a été profanée deux mois après le

décès de l’artiste et le corps a été dérobé.

Les auteurs de l’enlèvement ont tenté d’ex-

torquer une somme de 600 000 francs à la

famille.

Pablo Picasso

Dans le courant de l’été 1911, Guillaume

Apollinaire et Pablo Picasso ont été

soupçonnés d’avoir participé au vol de la

Joconde au musée du Louvre.