theatre et arts de la scene daphnis é chloé … · classe de troisième avant d'aller voir...

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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE Daphnis é Chloé 12/01/13 Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 1

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THEATRE ET ARTS DE LA SCENE Daphnis é Chloé 12/01/13

Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 1

THEATRE ET ARTS DE LA SCENE Daphnis é Chloé 12/01/13

Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 2

―SOMMAIRE―

Première partie : avant la représentation

Présentation 3 (1) Des propositions pour préparer la venue au spectacle Entrée par le titre 3 Entrée par le genre 4 Entrée par l'histoire : un roman de l'antiquité grecque 10 (2) « Les écritures du corps », exemples de parcours et d’activités Description d'un parcours de spectateur en 3ème 15 Une séquence de danse en cours d'EPS 15 Un atelier de pratique artistique avec Nicolas Diguet 17

Pièces à vivre : une série de dossiers pédagogiques conçus en partenariat par la Délégation Académique à l’Action Culturelle de l’Académie de Caen et les structures théâtrales de l’académie à l’occasion de spectacles accueillis ou créés en Région Basse-Normandie.

La fréquentation des spectacles par les classes n’étant ni un exercice tout à fait ordinaire ni une simple sortie, la Délégation Académique à l’Action Culturelle de l’Académie de Caen vous propose la souplesse d’un « parcours », ensemble de trois spectacles programmés dans des structures artistiques proches en région Basse-Normandie et accompagnés par des dossiers pédagogiques en amont et en aval ; les enseignants et les classes peuvent selon leurs besoins et leurs projets assister à un, deux ou aux trois spectacles concernés, et utiliser tout ou partie du parcours pédagogique proposé. Pour chaque spectacle, le dossier se divise en deux parties, destinées l’une à préparer le spectacle en amont, l’autre à analyser la représentation.

Le théâtre est vivant, il est crée, produit, accueilli souvent bien près des établissements scolaires ; les dossiers des « Pièces à vivre », construits par des enseignants en collaboration étroite avec l’équipe de création, visent à fournir aux professeurs des ressources pour exploiter au mieux en classe un spectacle vu. Retrouvez ce dossier, ainsi que d’autres de la même collection et des ressources pour l’enseignement du théâtre sur le site de la Délégation Académique à l’action Culturelle de l’Académie de Caen :

http://www.discip.ac-caen.fr/aca/

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Présentation Cette partie du dossier présente, dans un premier temps, des activités concernant la préparation au spectacle

Daphnis é Chloé ; on y reprend en partie la nomenclature des rubriques proposées dans Tous au théâtre - guide du

professeur (scéren, CRDP de Caen, septembre 2012), qui permettent de classer des activités possibles et variées

pour amener une classe au spectacle. Un deuxième temps est consacré à la description des travaux menés avec une

classe de troisième avant d'aller voir ce spectacle dans le cadre d'un jumelage avec le Trident-Scène Nationale de

Cherbourg et la Brèche Pôle National des Arts du Cirque.

Les différentes entrées proposées ne sont ni exhaustives ni limitatives et peuvent être combinées à volonté,

en fonction du parcours pédagogique choisi.

Des propositions pour préparer la venue au spectacle

Entrée par le titre

Question : quels sont les mystères, les enjeux, les attentes suscités par un tel titre ?

Les élèves sont amenés à réfléchir au titre lui-même, qui fait référence à des personnages qu'ils ne

connaissent pas (le prénom Chloé leur est connu, sans qu'ils le rattachent forcément à la langue grecque ; le prénom

Daphnis leur est inconnu, mais pas sa forme féminine "Daphné"). On va nous raconter l'histoire de deux personnages,

l'un est identifié comme féminin, l'autre peut-être comme masculin. Est-ce une histoire d'amour ?

On peut donner aux élèves l'étymologie de ces prénoms : Chloé () désigne "la verdure nouvelle, l'herbe

naissante d'un vert tendre" (dictionnaire grec - français de Bailly) et Daphnis () est un nom de berger, lié au

laurier (ê Daphnê). Ces prénoms rattachent l'histoire aux légendes de la Grèce antique (ce n'est pas une

histoire de la mythologie, mais une fable romanesque inspirée du genre de l'idylle) et font référence à la nature, qui

sera en effet très importante dans l'histoire.

Le "é" qui relie les deux prénoms est mystérieux : il traduit le kai () grec du titre du roman de Longus

(), mais le transforme ("et" devient "é"). Il sera intéressant de voir les hypothèses que les élèves

peuvent formuler sur ce "é" : visuellement il correspond à la dernière lettre du prénom Chloé ; phonétiquement, il

évoque le verbe être (Daphnis "est" Chloé ; si c'est une histoire d'amour, ils ne font qu'un ?) ; dans le titre, il peut aussi

faire barrage entre les deux personnages, ne serait-il pas la présence fantomatique d'un autre personnage ou d'une

autre entité (dans la pièce, ce sera le dieu Pan ; , en grec, signifie le Tout, il est une image de la nature, de sa

présence et de son pouvoir créateur, il est partout, à la fois cadre et personnage de l'histoire de Daphnis et Chloé ;

c'est une donnée essentielle du roman de Longus).

A l'issue de cette interprétation du titre, on peut donner aux élèves la liste des interprètes : il y a une danseuse

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(Francesca Ziviani) et deux danseurs (Nicolas Diguet et Sébastien Ledig en alternance avec Alexandre Galopin). Nous

verrons donc l'histoire dansée de deux ou trois personnages.

Entrée par le genre : la danse contemporaine

Conseil bibliographique pour les élèves :

On danse ? Nathalie Collantes et Julie Salgues, éditions Autrement Junior et Scérén, 2002, 63 pages

Il s'agit d'un livre très facile d'accès, bien documenté avec de nombreuses images de danse, écrit pour de

jeunes lecteurs, mais qui pourra encore être profitable en fin de collège ou début de lycée pour des élèves qui

découvrent la danse contemporaine. On y trouve cinq rubriques (autour de moi / pourquoi, comment ? / qui fait quoi ? /

Soyons curieux / Quelques pistes) qui proposent des fiches et des analyses simples pour aborder les thèmes de la

danse contemporaine et de son évolution au XXème siècle.

Activités pour faire danser la classe

Consignes :

Juste après l'entrée en classe, demander aux élèves de sortir un cahier (ou un classeur ou une pochette) et la

trousse ; à peine ces affaires posées sur les tables, demander de les ranger ; à peine rangées, demander de les sortir.

Passé le temps de confusion induit par cette consigne, demander à la classe de faire ces trois mouvements

(sortir trousse et cahier, les ranger, les sortir à nouveau) dans un parfait ensemble. Pour y parvenir, on peut d'abord

demander aux élèves de réaliser cette consigne par quatre, puis par huit etc.

Réaliser le mouvement sur 24 temps, puis 18 temps, puis 32 temps.

Compliquer le mouvement d'ensemble avec des stations debout et assises, éventuellement avec des

déplacements (échanges de place très simples), mais toujours en gardant la base (cahier et trousse).

Réaliser le mouvement en introduisant des variations et des décalages : un groupe fait le mouvement assis,

l'autre le fait debout, un autre part plus tard, un autre reste immobile... Par moment, le groupe est parfaitement (autant

que possible !) ensemble.

Le professeur peut éventuellement filmer la prestation de la classe.

Activité de lecture : faire réfléchir à la danse

A l'issue de cet exercice, facile à organiser et plaisant pour la classe (à condition qu'il soit fait très

sérieusement et avec une grande concentration), la discussion sur la danse peut s'amorcer : qu'est-ce que danser ?

pourquoi danse-t-on ? que donne-t-on à voir ? quels sont les outils du chorégraphe ?

Pour alimenter la réflexion de la classe, on pourra, par exemple et suivant l'âge des élèves, leur donner à lire

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des extraits des textes suivants.

Tout bouge ! Le monde du vivant, c'est le monde du mouvement, même si nous ne le percevons pas toujours. La terre tourne, les plantes poussent, la mer s'agite. Tout bouge tout le temps. La vie circule en nous au rythme de la respiration et des battements du cœur. Notre corps est sans cesse en activité. Il nous suffit d'essayer de rester debout, immobiles, en fermant les yeux pour nous en rendre compte : nous ressentons alors de nombreux petits mouvements... Cette position nous semble fixe, mais en fait notre corps bouge pour rester en équilibre. Des réflexes La plupart de nos mouvements nous paraissent tellement habituels que nous les faisons sans nous en apercevoir. Mais tout n'est pas si simple. Même si nous contrôlons l'essentiel de nos gestes, certains nous échappent. Généralement avant de nous brûler la main, nous la retirons vite de cet objet brûlant. Si une abeille vient chatouiller notre oreille, nous voilà partis dans une série de gestes désordonnés, une sorte de danse bizarre. Un corps sensible En fait, le corps réagit à ce qui l'entoure mais aussi à ce qui se passe à l'intérieur de lui. Nous pouvons trép igner d'impatience ou sauter de joie. Lorsque nous sommes tristes, notre corps peut se tasser sur lui-même, nous voudrions nous faire tout petits. Et les autres le voient ! Il n'y a pas que les mots pour exprimer ce que nous ressentons : notre corps transmet aussi beaucoup d'informations. En regardant deux personnes discuter derrière une fenêtre, nous pouvons deviner à leurs attitudes et à leurs expressions si elles se disputent ou si elles se disent des mots doux. Nous disposons d'un nombre immense d'attitudes, de postures, de moyens pour nous exprimer. Mais nous avons tous des émotions et un caractère différents. Dans la vie quotidienne, chacun a donc une infinité de gestes qui lui sont propres. Les danseurs et les chorégraphes connaissent ces gestes. Ce qu'ils savent de leur corps et de celui des autres leur permet de développer une multitude de mouvements. On danse ? Natahalie Collantes et Julie Salgues, éditions Autrement Junior et Scérén, 2002

Dominique Dupuy, danseur et chorégraphe né en 1930

"A part ça, qu'est-ce que vous faites ?" est la question qui vient à l'issue d'une représentation où vous avez tenté de faire preuve de votre savoir-faire, de votre métier, de votre art. Quel est votre métier, votre vrai métier, un métier sérieux quoi ? Entre parenthèses, il faut noter la délicatesse du "ça". Qu'est-ce que vous faites ? A quoi passez-vous votre temps ? comme si le temps de la scène où vous avez été épinglé était le seul temps de la danse. Que peut-il donc faire de son temps le danseur, quand il n'est pas en représentation ? Il se tourne les pouces des pieds, peut-être. Il est dans le studio ou dans n'importe lequel des lieux où il lui est permis de danser. Il travaille. Quel que soit son statut, son degré d'apprentissage, ses moyens techniques, son sens artistique, il s'adonne à la danse, il s'y consacre. Il s'apprivoise son corps, il fait face aux embûches de l'enchaînement des pas, à la complexe coordination des mouvements les uns avec les autres. Il est dans une sorte de cuisine gestuelle, spatiale et temporelle, dont les ingrédients, même à sa portée, se bousculent, se contredisent, ont du mal à s'harmoniser. Il est concentré, avec un rien d'impatience, d'irritation, mais aussi parfois de plaisir, le plaisir de réussir enfin à démêler l'écheveau du mouvement dansé et de sa complexité. Il fait et refait. Abandon, tentative nouvelle, encore, encore. On pense à la sublime phrase de Beckett : "rater, rater encore, rater mieux." (...) Vient le moment où le regard est celui du chorégraphe qui cherche à faire entrer le danseur dans son imaginaire, dans son projet. Regard moins généraliste, moins généreux, plus ciblé sur des enjeux précis, axé sur un rendement nécessaire. Il faut que ça marche. Le chorégraphe doit arriver à ses fins, bâtir la chorégraphie. Ce rapport-là n'est pas toujours facile. Il peut parfois porter un coup fatal de désespérance, mais il peut aussi être un tremplin salvateur. Tout autre sera le regard de celui ou de celle qui va pénétrer dans l'espace du travail, le visiteur, connu ou inconnu, qui n'est pas forcément au parfum de ce qui se trame, un autre œil, nouveau, inattendu. C'est un œil en suspens qui prête l'oreille. Un instant unique va se vivre, préludant à celui de la future représentation.

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Le danseur, la danse (la chorégraphie), le spectateur. Voici la trilogie en place. Mais revenons à nos questions. Qu'est-ce qu'un bon danseur ? Est-ce que cela se voit ? A l'œil nu ? Sur l'image ? Dans son attitude ? Le danseur qui vous attire, vous aimante, que parmi les autres vous ne cessez de regarder, de suivre à la trace dans le dédale de la chorégraphie, que vous regrettez de perdre de vue à sa sortie de scène, dont vous attendez le retour, ce danseur-là, qu'a-t-il de différent, qu'est-ce qui le distingue ? (...) La grâce de la danse à ce stade n'est pas loin de rejoindre la grâce de l'enfant. Elle affleure et pourtant semble surgir des profondeurs de l'espace, elle en devient la musique. Est-ce une danse première ? Mais qu'est-il donc ce danseur ? Très sincèrement et en contradiction avec ce qui se dit, je pense que le corps du danseur n'est pas un instrument pour la danse. C'est le danseur qui fait la danse, il est la danse en train de se faire, il est sa danse. Le maître de danse n'est pas là pour fabriquer un bon instrument, il est là pour éveiller l'esprit de l'homme qui va danser. Il n'y a danse que si la danse émane de l'esprit de celui qui danse. Tout le reste n'est que gymnastique, gesticulation, figure. La danse est l'acte créateur de qui s'apprête à danser, qui a pris cette décision en son for intérieur et qui va prendre un risque inouï, celui de proférer d'abord puis de faire la monstration plus ou moins orgueilleuse de sa danse, son exposition plus ou moins narcissique. Danser est le choix ambitieux et téméraire de celui qui décide d'être sans parole. Dominique Dupuy, la sagesse du danseur, éditions J-C Béhar, 2011

Trisha Brown, danseuse et chorégraphe née en 1936

Pourtant il y a le corps réel. Il y a le corps d'abord, et le mien, d'abord, est au service des choses de l'art. Il n'est pas facile de parler du corps artiste parce qu'il est réel, comme je l'ai dit plus tôt, et nous le savons bien. A lui, on demande de se dépenser devant d'autres, en représentation, et nous savons tant de choses. Des choses complexes, bien dans leur temps juste et à leur place juste, avec une marge qui forme un autre texte, fait de souffle et de quelque chose de neuf en action, fait de vivant et avec d'autres. Ce n'est pas une mince affaire pour qui se retrouve sur une scène vide. Je porte par nature de l'intérêt au genre humain ; à l'être et au corps. Pour comprendre, j'ai commencé par moi-même. C'est une machine toute simple, pense-t-on au départ ; puis je suis ramenée à l'esprit qui implose, car tout cela me pose question à l'infini. Le corps dépasse mon savoir et c'est pourquoi je le dis simple, sinon il me déborde. J'ai des os et je les connais. Ils pendent tout droit de mon imaginaire et ça me convient. Ils o ffrent un fil à plomb, comme une chute aigüe, lente ou rapide. Je tombe tout d'une pièce ou bien je me hisse vers le haut. J'emploie "hisser", parce que j'ai cinquante ans, mais je sais le chemin et, parfois, je crois penser aux leçons des maîtres avec leurs mains, depuis des années. J'ai accumulé mon petit savoir et ma confiance en mon corps à travers les années d'erreurs et d'erreurs corrigées, et grâce aux mains des gens qui murmurent à mon oreille. Ils me racontent des histoires de poids, de placement bien défini, de respiration, de mouvements simples, car le corps est l'établi de la danse. C'est la place où toutes sortes de rêves peuvent éclore. Au moment d'inventer, il y a une pensée, un motif, un message envoyé, et le corps s'emballe dans l'action. A la seconde du faire, il y a la même seconde de savoir et, à cette seconde-là, la décision est prise de poursuivre ou d'essayer de nouveau. Si on choisit de poursuivre, si les critères sont évidents, alors certaines forces dans un certain axe se mettent en marche pour donner chair à la mémoire du premier acte. Je dis "premier acte", parce que l'innocence présente au moment de faire avant de savoir est reconquise également. La création est de ce fait re-création. La re-création d'une impulsion libérée. On re-crée dans l'air seulement, avec les deux mémoires, celle du corps et celle de l'esprit. On re-crée par la répétition, tout en se gardant d'une autre sorte de répétition, car le corps désire imprimer ce qu'il a fait la veille sur le travail du jour. J'essaie d'être concrète pour parler de ce mystère que je taquine chaque jour.

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(...) Chaque mouvement est le dernier. C'est aussi l'amorce du suivant. Le passé est relié à l'avenir par une fraction de temps qui s'isole clairement des deux autres. La participation m'enchante. Immergée et détachée, prête à l'action, simple comme bonjour. Mais il faut plus qu'un bonjour. Ce qu'il faut, c'est du savoir-faire et le sens du rythme par rapport aux articulations et aux leviers comme lignes de force qui aspirent et nous guident dedans, et dehors, à travers les parties indissociables d'un tout, et d'autres faires. La force musculaire est un outil, remonter les courants en est un autre. Mais c'est ce qui en sort, ou avec quoi ou à cause de quoi... Pour chaque nouvelle danse, il y a une série de principes organisateurs, qui détermine la forme et la nature de l'œuvre. La chorégraphie et la danse s'extraient de ces principes. Et c'est à moi de jouer avec ces interactions. Trisha Brown, "un mystère concret" 1990, citée dans Danser sa vie, écrits sur la danse, éditions du Centre Pompidou, 2011

Georges Didi-Huberman, philosophe et historien de l'art, né en 1953

On danse, le plus souvent, pour être ensemble. On se met à plusieurs. Les corps s'approchent les uns des autres, vont et viennent sans ordre préétabli mais avec la même obstination dans le tour et le retour. Ils se frôlent, se frottent, se désirent, s'amusent, s'enchaînent. C'est la fête. C'est une variante de parade sexuelle. Ou bien les corps s'approchent les uns des autres, mais pour se mettre en ordre sous la baguette d'un maître de cérémonie, pour aller du même pas dans la même direction. C'est une variante de parade militaire, autre genre de fête. Cela va des défilés de Nuremberg jusqu'aux grandes mises en scène olympiques, en passant par les souriantes chorégraphies hollywoodiennes (mixtes de parade sexuelle, de parade sportive et de parade militaire). Innombrables fêtes rituelles, réjouissances convenues, processions funèbres, grandes prières dansées où toute la société fait masse et se commémore. Innombrables rites de passage fondés sur un pas commun. Une anthropologie ― le projet d'envisager la condition humaine en tant que telle, pour ce qu'on appelle, sans doute bien prétentieusement, une "science de l'homme" ― ne peut même pas commencer sans se poser la question, cruciale, de la danse. On découvre un peuple souvent, en commençant par s'étonner de sa façon de danser. (...) Sans doute danse-t-on pour être ensemble. Sans doute danser n'est isolable d'aucun moment humain. Même la mort se danse, non seulement dans la chorégraphie des vivants qui se lamentent, mais encore dans le fait que les plus beaux mouvements de la danse se trouvèrent, dans l'Antiquité, justement sculptés sur les parois des sarcophages. Geoges Didi-Huberman, « Arenas ou les solitudes spatiales », dans le Danseur des Solitudes, Editions de Minuit, 2006

Activités pour faire écrire sur la danse

Consigne : à partir de chaque extrait proposé (captations vidéos de danse), rédiger un haiku.

L'objectif de cet exercice est d'amener les élèves à observer de courtes séquences dansées et de chercher

une formulation synthétique et poétique de leur observation. Ils peuvent mettre en avant les mouvements vus aussi

bien que leurs impressions, leurs sensations.

Pour commencer l'activité, on pose le cadre d'écriture : le haiku, présenté ici de façon volontairement très

simple.

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Fiche pour les élèves le haiku:

HAIKU Définition : forme poétique très courte qui vise à décrire des sensations, des éléments naturels et les rapports de l'homme avec le monde. Un haiku japonais est composé de trois vers courts ; en français, on transpose ces trois vers en 5/7/5 syllabes. Exemples écrits par le poète japonais Bashô (1644-1694) :

Dans la vieille mare,

une grenouille saute,

le bruit de l'eau.

Aux admirateurs de lune

les nuages parfois

offrent une pause

Au printemps qui s’en va

les oiseaux crient

les yeux des poissons en larmes

Au point du jour

en tourbillons de brume

la voix de la cloche

Pour chaque extrait de vidéo de danse, on demande aux élèves d'écrire un haiku ; ensuite, par groupes, ils en

choisissent un (éventuellement en le remaniant) qui est livré à la classe, (écrit à la volée sur traitement de texte, pour

être projeté aussitôt à la classe). Chaque groupe doit ensuite choisir le haiku qu'il préfère (parmi ceux présentés par

les groupes), le recopier sur une fiche (présentée sous forme de tableau) et justifier son choix en quelques mots-clés.

A l'issue de l'activité, chaque élève aura donc ses trois haikus et la photocopie de la fiche de son groupe, avec

les trois haikus écrits par d'autres élèves et choisis par son groupe. Cette activité permet de constituer un petit corpus

de textes de la classe sur la danse.

Pour préparer la classe au spectacle Daphnis é Chloé, on peut travailler, par exemple sur les captations vidéo

suivantes :

1) Extrait de In the middle somewhat elevated, William Forsythe, dansé par le ballet de l'opéra de Paris (ici surtout

Sylvie Guillem), en 1987

http://www.dansermag.com/galeries-videos/in-the-middle-somewhat-elevated-de-william-forsythe.html

Les élèves peuvent voir les effets de décalage et s'intéresser à un solo.

2) Accumulation, Trisha Brown, 1971

http://www.youtube.com/watch?v=86I6icDKH3M

Vidéo sans le son. Trisha Brown explore le mouvement, en jouant sur la répétition et l'ajout.

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3) Blue lady, Carolyn Carlson, 1984

http://www.numeridanse.tv/fr/catalog&mediaRef=MEDIA090317163413045

Une danse répétitive avec une jubilation du mouvement.

4) Sonate à trois, Maurice Béjart, 1957

http://www.numeridanse.tv/fr/catalog&mediaRef=MEDIA121212143622964

Trois danseurs sur scène, danse sur pointe avec un vocabulaire classique. Jeu sur les relations à deux ou trois :

séduction, exclusion, jalousie, attirance etc.

5) Dix anges, Dominique Bagouet, 1989

http://www.numeridanse.tv/fr/catalog&mediaRef=MEDIA090807155006079

C'est un montage, pas une captation en direct. On voit les danseurs évoluer dans un décor naturel, il n'y a pas de

musique mais des paroles enregistrée, du silence et le rythme des pas des danseurs.

6) Daphnis é Chloé, Jean-Claude Gallotta, 1990

http://www.numeridanse.tv/fr/catalog&mediaRef=MEDIA101020194425062

Pour familiariser les élèves avec ce qu'ils vont voir. On pourra travailler après le spectacle sur la notion de recréation

par le même chorégraphe, avec d'autres danseurs.

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Entrée par l'histoire : la pastorale de Daphnis et Chloé

Le résumé du roman de Longus, à donner à lire ou à raconter...

Daphnis et Chloé sont tous les deux des enfants trouvés, recueillis par des bergers. Ils ont grandi, pas très loin l'un de l'autre, dans un grand domaine à la campagne près de Mytilène sur l'île de Lesbos. Quand le roman commence, ils ont une douzaine d'années (Daphnis a deux ans de plus que Chloé), ils sont très beaux tous les deux et très innocents. Ils sont bergers et passent leurs journées ensemble à jouer, faire de la musique et garder les troupeaux. Un beau jour de printemps, Daphnis tombe dans un fossé, Chloé le retrouve, puis le soigne ; elle en tombe amoureuse et, ignorant tout de ce sentiment, se croit malade. Mais le bouvier Dorcon est amoureux de Chloé et devient jaloux de Daphnis, il essaie d'enlever Chloé qui est sauvée par Daphnis. Les deux amoureux passent l'été à se regarder sans oser s'avouer leur amour. A l'automne, des pirates approchent des côtes, tuent Dorcon et enlèvent Daphnis et le troupeau. Chloé, avec sa flûte, appelle les bêtes, qui font chavirer le bateau en tentant de la rejoindre, ce qui permet à Daphnis de regagner le rivage. Tourmentés par le désir, ils tentent de suivre les conseils du vieux berger Philétas qui leur parle d'Eros et des gestes d'amour. Mais de jeunes et riches citoyens de Méthymne (autre ville de Lesbos) arrivent en bateau pour découvrir les lieux et chasser. L'amarre de leur bateau est volée, le bateau part à la dérive et, furieux, ils accusent Daphnis puis le rouent de coups. Obligés de partir, ils font appel aux gens de Méthymne qui lancent un raid contre le village. Ils enlèvent le troupeau et Chloé. Par une série de présages, les Nymphes et Pan exigent la libération de Chloé et de ses bêtes : elle est protégée des dieux et relâchée. L'hiver se passe, Daphnis et Chloé se voient peu, puis se retrouvent au printemps. Lycénion, une jeune bergère intéressée par Daphnis, décide de lui montrer comment faire l'amour ; Daphnis retourne ensuite vers Chloé, hésitant à lui faire partager son nouveau savoir et craignant de lui faire mal. Il décide de la demander en mariage. Arrive alors de la ville le jeune maître du domaine, accompagné de Gnathon, un homme d'âge mûr très intéressé par le beau Daphnis, qu'il voudrait obtenir comme esclave (Daphnis comme ses parents adoptifs sont des esclaves du domaine). Les parents de Daphnis interviennent auprès du maître qui vient d'arriver, lui racontent comment ils ont trouvé Daphnis et dans quels langes. Dionysophanès reconnaît alors ce linge : Daphnis est son fils. Le père de Chloé révèle aussi comment il a trouvé Chloé, la richesse de ses langes montre assez son origine noble. Le maître emmène donc son fils retrouvé et sa fiancée à Mytilène. Là, Chloé est reconnue par le riche Mégaclès. Plus rien ne s'oppose au mariage de Daphnis et Chloé¨, ni à la nuit de noces : "Daphnis mit en pratique ce que Lycénion lui avait appris et Chloé connut alors pour la première fois que ce qu'ils avaient fait dans le bois n'était que des amusettes de bergers".

Quelques remarques sur ce roman :

On ne sait rien de son auteur, Longus.

Ce roman est atypique dans la production romanesques de l'époque hellénistique, parce qu'il est très inspiré

par le genre de l'idylle et que les aventures des jeunes amoureux sont traitées sur un mode, léger et plutôt ironique,

parce qu'il y a une unité de lieu aussi (toute l'action se passe dans la campagne près de Mytilène sur l'île de Lesbos),

parce que ce roman est une éducation sentimentale ; c'est la découverte du désir qui est racontée.

Le texte du roman est accessible sur le site Gallica (Bibliothèque Nationale de France) :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5610221k/f3.image

Ce roman a eu un grand succès lors de sa parution, puis quand il a été traduit par Amyot en 1559, et, trois

siècles plus tard, quand la traduction a été revue et complétée par Paul-Louis Courier en 1810. Ce roman a inspiré la

Sireine d'Honoré d'Urfé, Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre et le Tumulte des flots de Mishima. On y

reviendra dans les activités proposées après le spectacle.

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Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 11

Pour familiariser les élèves avec le roman, on peut leur donner à lire ces quelques pages extraites de la

bande dessinée Lo de Lucie Durbiano, publiée dans la collection Bayou des éditions Gallimard, en 2010. On trouve

dans ces trois planches des éléments essentiels du roman : la joliesse et la naïveté des personnages, les jeux

amoureux, le cadre pastoral, la distance amusée de la narration. Les paroles des amoureux sont des citations du texte

de Longus.

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Les écritures du corps, exemples de parcours et

d’activités

Description d'un parcours de spectateur en 3ème

Temps 1 : à la Brèche avec le CNAC

Au mois de septembre, la classe de 3ème A du collège La Bucaille à Cherbourg a bénéficié d'un atelier de pratique

artistique "cirque" à la Brèche, Pôle National des Arts du Cirque de Cherbourg, en travaillant notamment avec les

artistes du CNAC en résidence à la Brèche pour préparer leur spectacle de fin d'école. Les élèves ont fait des

exercices de théâtre et déplacement (écoute du groupe, énergies, rythme etc.) et ont pratiqué des activités de cirque

(jonglage, fil, balle et autres agrès). Ils ont rencontré des artistes, ont pu échanger avec eux avant d'assister à la

présentation publique de fin de résidence. Un travail de français a été mené en parallèle sur l'expression de soi, sur la

mise en mots de sensations et sur le thème des sept péchés capitaux (thème du spectacle du CNAC).

Temps 2 : au Trident avec Vladimir Pankov

Au mois de novembre, la classe s'est rendue au théâtre à l'Italienne pour assister au spectacle le Syndrome d'Orphée,

d'après des textes de Maïakovski et Cocteau, mise en scène de Vladimir Pankov. Un travail a été mené en cours de

français sur l'avant et l'après ce spectacle : étude des textes, description chorale, réflexion sur la mise en scène,

réalisation d'un carnet du spectateur. Dans le même temps, les élèves ont commencé le cycle danse en EPS et ont

analysé le spectacle dans cette perspective (spectacle avec des danseurs et un chorégraphe).

Temps 3 : au Trident avec Francesca Ziviani

Au mois de janvier, les élèves ont travaillé en cours de français sur le thème de la danse. Ils ont notamment écrit des

haïkus à partir de vidéos de danse et étudié des textes. Les captations vidéos des danses réalisées par les élèves en

cours d'EPS ont été vues par le professeur de français et utilisées pour la construction du cours. Les élèves participent

à un atelier de pratique artistique "danse" avec Francesca Ziviani, avant d'aller la voir danser deux jours après dans le

spectacle Daphnis é Chloé, chorégraphie de Jean-Claude Gallotta, au théâtre de la Butte à Cherbourg. Enfin les

élèves travaillent en cours de français sur leur carnet du spectateur et l'analyse du spectacle.

Une séquence de danse en cours d'EPS

Six séances qui permettent d'explorer des aspects de la danse, par la pratique.

Séance 1 : espace scénique (trajectoires, orientations) et corporel (directions des mouvements, amplitude des gestes)

Séance 2 : Relation aux autres, écoute ; contacts corporels et rapports de poids.

Séance 3 : Energie et approche de l'écriture chorégraphique

Séance 4 : Rapport au temps ; danser avec la musique, travailler l'unisson et les décalages ; la répétition des

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mouvements selon des tempi différents.

Séance 5 : Création chorégraphique et premier passage devant les autres élèves

Séance 6 : Prestation finale et évaluation (fiche jointe)

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Un atelier de pratique artistique avec Francesca

Ziviani

(lundi 21 janvier au Vox)

14h : Prise de contact de la danseuse avec les élèves sur le plateau du Vox.

On se met en cercle ; Francesca parle du spectacle : "une fille et deux mecs. Un jeu entre les trois personnages. Il ne

s'agit pas de raconter l'histoire précise du roman. La question c'est : qu'est-ce que l'amour pour Gallotta ?" Elle

rappelle que la création a eu lieu il y a trente ans. "Lui un peu fou, il a des mouvements très rapides, elle est sauvage

et énergique. Dans la pièce, il y a des duos puis des trios, alternés avec des solos. Le nom de la pièce est arrivé

seulement après l'écriture des pas".

On commence à s'échauffer : ateliers sur les mouvements, les duos ; on travaille les yeux fermés un mouvement qui

n'est pas au tempo de la musique. Il faut se connecter à deux autrement que par la musique et apprendre à faire

confiance à son partenaire ; long travail en silence avant de danser sur la musique, comme lorsque Francesca a

travaillé pour danser Daphnis é Chloé.

Echauffement : les élèves se répartissent partout sur le plateau, assis, mains posées sur les genoux, coudes relâchés,

on échauffe la tête (articulation) ; le buste et les bras (omoplates) ; allongés au sol, yeux fermés sans bouger, on

apprend l'immobilité. Puis il faut soulever d'un millimètre le bras droit. Idem avec le bras gauche.

Idem avec la cage thoracique. Puis le bassin. Puis la tête. Puis les jambes. Mouvements des pieds pour relâcher le

dos (pieds parallèles, flexes, puis vers intérieur). Lever du bassin par pression des pieds.

Libération des jambes vers la droite, la jambe se lance. Francesca demande de sentir son corps en mouvement, ne

pas faire d'effort, ne pas le contraindre, mais sentir comment naît le mouvement. Travail sur le passage de la position

fœtale à l'ouverture.

Par deux, travail sur le relâchement : l'un tire une partie du corps de l'autre qui se laisse aller et déplacer. Il y a

nécessité de lâcher et d'avoir confiance en l'autre pour pouvoir danser à deux. Connaître les mouvements de son

corps et du corps de l'autre. Même exercice seul pour explorer ses propres mouvements. Une moitié de la classe

observe l'autre pour comprendre le mouvement.

Jeu des yeux fermés ; l'un pilote l'autre ; déséquilibre avant et arrière, côtés. Puis marche accompagnée par l'ange

gardien. Réflexion sur la sensation de peur, qu'il faut laisser pour apprendre à faire confiance. Par deux, l'un est

debout et a les yeux fermés, l'autre touche une articulation et lui fait faire un mouvement. Travail sur le début du

mouvement, puis sur le mouvement complet.

Marche rapide sur tout le plateau, accélérations et ralentis, rapprochement et éloignement. Apesanteur.

15h20 : dix minutes de pause

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15h30 : reprise. Francesca veut faire expérimenter la gestuelle du chorégraphe aux élèves. Gallotta : mouvements

très rapides dans les jambes, sauts, jeu théâtral et échange avec l'autre danseur. Dans la pièce, on trouve différentes

couleurs (tristesse, joie, souvenir...) qui créent des qualités différentes dans l'écriture du corps.

Francesca apprend aux élèves le début du premier duo : il s'agit de danser le premier duo pour le reconnaître. Travail

très précis du corps pour arriver à l'aisance du geste. Duo entre un garçon et une fille : deux pas sauts ; retourné,

retourné, tour à deux, frappé des mains, porté, face public, regard, impro. Tous les élèves apprennent ce passage,

puis passent les uns devant les autres. Une belle réussite Francesca apprend ensuite aux élèves un porté en trio

qu'on trouve aussi dans la pièce. Deux garçons, une fille : porté et improvisation que les élèves montrent aux autres.

On a déjà des propositions de belle qualité, très différentes d'un groupe à l'autre.

17h : fin de l'atelier

On retrouvera Francesca pour deux jours d'atelier au mois de mai.