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Le dessous des combinaisons La combinaison de vol est à l’aviateur ce que le treillis est au fantassin : presque une seconde peau. Ce vêtement, signe distinctif du personnel navigant, est produit selon un processus rigoureux. À l’heure actuelle, il connaît de nombreuses évolutions. Présentation. L a combinaison de vol est la tenue caractéristique du personnel navi- gant. Depuis les débuts de l’aviation, ce vêtement « une pièce » lui permet de pren- dre place, en toute sécurité, dans des habi- tacles étroits comme ceux des avions de chasse. Le concept de la combinaison de vol apparaît dès la Première Guerre mondiale. Son rôle consiste alors notam- ment à réchauffer les pilotes. La combinaison est ainsi parfois équipée d’une résistance électri- que, reliée au circuit de bord par une prise ! Son utilité évolue au fil des ans, notamment lors de la Seconde Guerre mon- diale, pour prendre une apparence quasi actuelle au cours des années 1960. Les avantages de la combinaison de vol sont nombreux. En termes d’ergonomie, elle offre un grand confort d’utilisation lors des postures assises de longue durée. Le fait d’être constituée en une pièce, dans un tissu ignifugé, garantit également une protection intégrale contre le feu, notam- ment dans le cas extrême d’utilisation du siège éjectable. De l’avis de la majorité de ses utilisateurs quotidiens, la combinai- son est considérée comme un vêtement pratique, assurant une grande sécurité. Il existe deux grandes familles de com- binaisons, celle des cabines étroites utili- sées par les pilotes de chasse (voir page 51) et celle des équipages d’avions de trans- port. Ces deux modèles sont identiques, à quelques nuances près. La coupe de la combinaison des pilotes de transport est moins proche du corps que celle des « chasseurs ». Par ailleurs, ses poches de bas de jambes se trouvent légèrement sur le côté. La combinaison de transport ne possède pas non plus de tunnel de rappel de jambe du siège éjectable ni de poche « porte-carte ». Les deux familles de com- binaisons de vol ont néan- moins des couleurs com- munes : verte en métropole et sable lors des opérations extérieures par temps chaud. À l’heure actuelle, de nom- breuses évolutions sont en cours (voir les encadrés des pages 52 et 53). De nouveaux effets de vol destinés aux équipages de transport des forces spéciales « air » sont en phase d’élaboration, tan- dis qu’une standardisation du port des insignes et des écussons vient d’être adoptée. Ces dossiers ont été suivis de près par le centre d’expertise du soutien du combattant et des forces (CESCOF), ser- vice du commissariat des armées installé à Rambouillet en région parisienne. Composition 1 2 3 La combinaison de vol comporte de nombreuses poches à glissière pour ne rien laisser tomber en cabine. Elle compte deux poches de poitrine, placées près du corps afin d’éviter de faire des gestes amples. Elle est aussi dotée de deux poches de bas de jambes et d’une poche latérale sur la manche, munie d’un range crayon avec rabat. 4 Une ceinture élastique ajustable au niveau de la taille. 5 Des ouvertures au niveau des jambes et des poignets. 6 7 8 Non doublée, la combinaison est renforcée de tissu au niveau des épaules, des coudes et des genoux. Le tissu : Il s’agit d’un sergé (tissu à côtes obliques) en fibre aramide thermostable (matière protégeant du feu), mélangée à de la viscose ignifu- gée (apportant du confort). En clair, ce tissu technique est très résistant au feu et à l’usure. Il offre au pilote une protection suffisante pour s’ex- traire d’une cabine enflammée ou lors d’une éjection, sachant qu’un feu d’aéronef peut dépasser les 800 degrés ! Pour réaliser une telle com- binaison, trois à quatre mètres de tissu sont nécessaires. Son poids est de 200 g au m 2 . Les bandes auto-grippantes : Souvent appelées par le nom de la marque « Velcro », ces bandes ignifugées sont utilisées pour plaquer les grades, les insignes ou les poches de cuisses amovi- bles. Ils servent aussi à refermer les bas de jambes et de manche. Ils possèdent des caractéristi- ques d’accrochage très élevées, en comparaison aux modèles disponibles dans le commerce. Le fil à coudre : Ce fil technique est adapté au tissu de la combinaison. Il est aussi très résistant au feu, aux contraintes mécani- ques, pour que les différentes « pièces » restent solidaires. Les rubans plats : Ces éléments de tissus complètent la protection thermique, notam- ment au-dessous des glissières métalliques. En fibres thermostables, ils servent aussi de lacets pour les glissières métalliques. Les fermetures à glissière métallique : Elles répondent à des exigences élevées. Lors des phases de tests, elles subissent plus de 2000 cycles d’ouverture et de fermeture pour éprouver leur résistance. Leur durée de vie doit être égale à celle de la combinaison. La tenue de pilote de chasse La combinaison de vol, dite de « cabine étroite », est l’une des plus emblématiques de l’armée de l’air. De coloris vert Otan, elle est portée par les pilotes de chasse en métropole. 1 2 2 3 3 4 6 7 8 8 5 5 Texte Ltt Karim Djemaï A A B B B B C C D D D E E E Photo : Adj Anthony Jeuland - Sirpa air 50 Air actualités n° 641 mai 2011 Air actualités n° 641 mai 2011 51

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Le dessous des combinaisonsLa combinaison de vol est à l’aviateur ce que le treillis est au fantassin : presque une seconde peau. Ce vêtement, signe distinctif du personnel navigant, est produit selon un processus rigoureux. À l’heure actuelle, il connaît de nombreuses évolutions. Présentation.

L a combinaison de vol est la tenue caractéristique du personnel navi-

gant. Depuis les débuts de l’aviation, ce vêtement « une pièce » lui permet de pren-dre place, en toute sécurité, dans des habi-tacles étroits comme ceux des avions de chasse. Le concept de la combinaison de vol apparaît dès la Première Guerre mondiale. Son rôle consiste alors notam-ment à réchauffer les pilotes. La combinaison est ainsi parfois équipée d’une résistance électri-que, reliée au circuit de bord par une prise ! Son utilité évolue au fil des ans, notamment lors de la Seconde Guerre mon-diale, pour prendre une apparence quasi actuelle au cours des années 1960.

Les avantages de la combinaison de vol sont nombreux. En termes d’ergonomie, elle offre un grand confort d’utilisation lors des postures assises de longue durée. Le fait d’être constituée en une pièce, dans un tissu ignifugé, garantit également une

protection intégrale contre le feu, notam-ment dans le cas extrême d’utilisation du siège éjectable. De l’avis de la majorité de ses utilisateurs quotidiens, la combinai-son est considérée comme un vêtement pratique, assurant une grande sécurité.

Il existe deux grandes familles de com-binaisons, celle des cabines étroites utili-sées par les pilotes de chasse (voir page 51) et celle des équipages d’avions de trans-port. Ces deux modèles sont identiques, à quelques nuances près. La coupe de la

combinaison des pilotes de transport est moins proche du corps que celle des « chasseurs ». Par ailleurs, ses poches de bas de jambes se trouvent légèrement sur le côté. La combinaison de transport ne possède pas non plus de tunnel de rappel

de jambe du siège éjectable ni de poche « porte-carte ». Les deux familles de com-binaisons de vol ont néan-moins des couleurs com-munes : verte en métropole et sable lors des opérations extérieures par temps chaud. À l’heure actuelle, de nom-breuses évolutions sont en cours (voir les encadrés des pages 52 et 53). De nouveaux effets de vol destinés aux équipages de transport des forces spéciales « air » sont en phase d’élaboration, tan-dis qu’une standardisation

du port des insignes et des écussons vient d’être adoptée. Ces dossiers ont été suivis de près par le centre d’expertise du soutien du combattant et des forces (CESCOF), ser-vice du commissariat des armées installé à Rambouillet en région parisienne.

Composition

1 2 3La combinaison de vol comporte de nombreuses poches à glissière pour ne rien laisser tomber en cabine. Elle compte deux poches de poitrine, placées près du corps afin d’éviter de faire des gestes amples. Elle est aussi dotée de deux poches de bas de jambes et d’une poche latérale sur la manche, munie d’un range crayon avec rabat.

4 Une ceinture élastique ajustable au niveau de la taille.

5Des ouvertures au niveau des jambes et des poignets.

6 7 8Non doublée, la combinaison est renforcée de tissu au niveau des épaules, des coudes et des genoux.

Le tissu : Il s’agit d’un sergé (tissu à côtes obliques) en fibre aramide thermostable (matière protégeant du feu), mélangée à de la viscose ignifu-gée (apportant du confort). En clair, ce tissu technique est très résistant au feu et à l’usure. Il offre au pilote une protection suffisante pour s’ex-traire d’une cabine enflammée ou lors d’une éjection, sachant qu’un feu d’aéronef peut dépasser les 800 degrés ! Pour réaliser une telle com-binaison, trois à quatre mètres de tissu sont nécessaires. Son poids est de 200 g au m2.

Les bandes auto-grippantes : Souvent appelées par le nom de la marque « Velcro », ces bandes ignifugées sont utilisées pour plaquer les grades, les insignes ou les poches de cuisses amovi-bles. Ils servent aussi à refermer les bas de jambes et de manche. Ils possèdent des caractéristi-ques d’accrochage très élevées, en comparaison aux modèles disponibles dans le commerce.

Le fil à coudre : Ce fil technique est adapté au tissu de la combinaison. Il est aussi très résistant au feu, aux contraintes mécani-ques, pour que les différentes « pièces » restent solidaires.

Les rubans plats : Ces éléments de tissus complètent la protection thermique, notam-ment au-dessous des glissières métalliques. En fibres thermostables, ils servent aussi de lacets pour les glissières métalliques.

Les fermetures à glissière métallique : Elles répondent à des exigences élevées. Lors des phases de tests, elles subissent plus de 2000 cycles d’ouverture et de fermeture pour éprouver leur résistance. Leur durée de vie doit être égale à celle de la combinaison.

La tenue de pilote de chasseLa combinaison de vol, dite de « cabine étroite », est l’une des plus emblématiques de l’armée de l’air. De coloris vert Otan, elle est portée par les pilotes de chasse en métropole.

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Disposition des insignes et des écussons standardiséeIl y a du nouveau pour les combinaisons de vol. Désormais, la disposition des insignes et des écussons est standardisée, tandis que l’apparence du patronyme change. La bande patronymique est dorénavant de couleur bleue. En plus du nom et du prénom, apparaissent le groupe sanguin de l’individu, ainsi qu’un insigne de brevet de pilote, de navigateur officier systèmes d’arme ou de mécanicien d’équipage. Les dimensions évoluent également : elles sont moins larges, mais plus hautes. Par ailleurs, la position des bandes auto-grippantes est désormais clairement définie. La bande patronymique se trouve au-dessus de la poche de poitrine droite. Au-dessus de la manche droite, figure la bande rétro-réfléchissante d’identification infrarouge, servant notamment à repérer un personnel navigant dans l’obscurité. L’insigne de grade se situe à gauche, au-dessus de l’insigne de l’escadron. Sur la poche de manche gauche est apposé l’insigne d’escadrille ou la silhouette de l’appareil. Enfin, le drapeau français porté sur la tenue de vol adopte désormais une forme toute en longueur. Ces travaux de standardisation sont confiés aux maîtres ouvriers tailleurs des bases aériennes et de Défense. Dans un premier temps, les combinaisons actuellement détenues par le personnel navigant doivent être modifiées, avant que les stocks ne soient également « relookés ». Cette standardisation doit s’achever à la fin de l’année 2011.

O+

Au sein de cette unité unique en son genre, Vincent Spagnolo, personnel civil de la Défense, chef de « projet textile », est l’expert des tenues de l’armée de l’air. Il explique que le CESCOF mène les étu-des, les expérimentations et les dévelop-pements de matériels destinés au person-nel des armées de terre, de l’air et de la marine nationale. Des produits de toutes sortes y sont élaborés : treillis, tenues des démineurs, des aviateurs, des marins,

Après s’être assuré que le produit respec-tait ces conditions, d’autres expérimen-tations sont menées au sein de l’armée de l’air, par l’escadron de survie opération-nelle et des parachutistes d’essai (ESOPE). Cette unité du centre d’expériences aérien-nes militaires (CEAM) de Mont-de-Mar-san s’assure que les produits corres-pondent aux besoins opérationnels des aviateurs.

Lorsque tous ces essais sont concluants, un appel d’offres est ensuite lancé. Le CESCOF édite ainsi un cahier des clau-ses techniques particulières (CCTP), publié au Journal Offi-ciel. Destiné aux industriels, ce document compile l’ensemble des exigences techniques à respecter. Il décrit le produit dans ses moindres détails : liste des composants néces-saires à la production (fil, tissu…), gamme des tailles, cro-quis des processus de produc-tion… Dans le cas des combi-naisons de vol, seuls quelques professionnels européens du textile sont en mesure de répondre aux exigences des CCTP. Pour la plupart, ces industriels possèdent des filiè-res à l’étranger ou y sous-traitent leur production (Maghreb, Asie, sous-continent indien…). Ils four-nissent ensuite quelques combinai-sons au CESCOF. Ce dernier vérifie tous les échantillons point par point, chaque industriel étant évalué. Au final, celui qui obtient le meilleur rapport qualité prix remporte le marché, mais devra encore faire valider une «tête de série», avant de commencer la fabrication de la série de combinaisons pré-vue dans le contrat. Enfin, un contrôle qualité est assuré par l’expert CESCOF afin de juger de la conformité avant livraison . Ce n’est qu’au terme de ce processus long et complexe que les combi-naisons de vol sont endossées par le personnel navigant militaire. n

Des effets de vol spéciaux

De nouveaux effets de vol en deux pièces sont actuellement en cours d’évaluation. Composés d’une chemise et d’un pantalon, ces nouveaux produits doivent équiper une petite partie du personnel navigant de l’armée de l’air. Il s’agit des équipages des forces spéciales « air » de l’escadron de transport « Poitou » et de l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées ». Au total, ces effets de vol doivent être produits à quelques centaines d’exemplaires. « La première réaction a été de se dire que leur apparence nous rapprochait de combattants de l’armée de terre, explique un pilote de l’escadron « Poitou ». Passées ces premières impressions, nous avons pu rapidement vérifier qu‘ils correspondaient à nos besoins spécifiques. Les premiers retours d’expérience sont très satisfaisants, notamment dans des pays chauds où nous pouvons être lourdement

équipés (protection balistique, armement). » Les nouveaux effets de vol sont conçus dans un tissu ignifugé bariolé. Cette matière

technique est très légère (145 grammes par m2). Elle est également « rip-stop », ce qu’il signifie qu’elle

résiste particulièrement bien aux déchirures. D’une coupe

large, le pantalon de vol dispose de renforts de genoux souples et amovibles, dont le développement a notamment

été mené par les spécialistes de l’escadron de survie

opérationnelle et des parachutistes d’essai (ESOPE) de Mont-de-Marsan. La chemise est équipée, pour sa part, d’un col montant, ainsi que d’un système de jupe anti-feu, relié au pantalon pour une protection optimale. L’ensemble est équipé de nombreuses poches (basses, de poitrine, latérales, de bas de jambes…) pour un emport maximum de matériels.

douche et cuisine de campagne, gilet pare-balles…Un espace, appelé show room, expose

même les modèles d’habillement créés dans les ateliers de couture voisins. Parmi ces derniers figurent de nombreux modè-les de tenues de vol. « Chaque produit cor-respond à un besoin émis par les utilisateurs, souligne Vincent Spagnolo. Nous concevons nos matériels en dialoguant avec eux par le biais d’une fiche d’expression de besoins. Les conditions d’emploi y sont spécifiées, ainsi que les fonctionnalités. La plus grande dif-ficulté est de réaliser un produit convenant

à tous, car dans l’habillement, il y a autant d’avis que d’utilisateurs. »

À partir de la fiche d’expression de besoin, le CESCOF conçoit dans ses ate-liers un prototype. Ce premier modèle est ensuite décliné en une « pré-série» de quel-ques exemplaires à partir desquels sont menées des expérimentations et des éva-luations. Le laboratoire du commissariat des armées, à Angers, mène ainsi une bat-terie de tests. Dans le cas d’une combinai-son de vol, ces tests portent sur la résis-tance au feu, l’usure, le lavage, les torsions, la résistance au soleil ou à la transpiration.

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